A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

    
 
Nsubst. f. selon l'ancienne épellation enne ; subst. m. selon l'épellation moderne ne. C'est la quatorzieme lettre, & la onzieme consonne de notre alphabet : le signe de la même articulation étoit nommé nu, , par les Grecs, & nun ou noun, par les Hébreux.

L'articulation représentée par la lettre N, est linguale, dentale & nasale : linguale, parce qu'elle dépend d'un mouvement déterminé de la langue, le même précisement que pour l'articulation D ; dentale, parce que pour opérer ce mouvement particulier, la langue doit s'appuyer contre les dents supérieures, comme pour D & T ; & enfin nasale, parce qu'une position particuliere de la langue, pendant ce mouvement, fait refluer par le nez une partie de l'air sonore que l'articulation modifie, comme on le remarque dans les personnes enchifrenées qui prononcent d pour n, parce que le canal du nez étant alors embarrassé, l'émission du son articulé est entierement orale.

Comme nasale, cette articulation se change aisément en m dans les générations des mots, voyez M : comme dentale, elle est aussi commuable avec les autres de même espece, & principalement avec celles qui exigent que la pointe de la langue se porte vers les dents supérieures, savoir d & t : & comme linguale, elle a encore un degré de commutabilité avec les autres linguales, proportionné au degré d'analogie qu'elles peuvent avoir dans leur formation ; N se change plus aisément & plus communément avec les liquides L & R, qu'avec les autres linguales, parce que le mouvement de la langue est à-peu-près le même dans la production des liquides, que dans celle de N. Voyez L & LINGUALE.

Dans la langue françoise la lettre N a quatre usages différens, qu'il faut remarquer.

1°. N, est le signe de l'articulation ne, dans toutes les occasions où cette lettre commence la syllabe, comme dans nous, none, nonagénaire, Ninus, Ninive, &c.

2°. N, à la fin de la syllabe, est le signe orthographique de la nasalité de la voyelle précédente, comme dans an, en, ban, bon, bien, tien, indice, onde, fondu, contendant, &c. voyez M. il faut seulement excepter les trois mots examen, hymen, amen, où cette finale conserve sa signification naturelle, & représente l'articulation ne.

Il faut observer néanmoins que dans plusieurs mots terminés par la lettre n, comme signe de nasalité, il arrive souvent que l'on fait entendre l'articulation ne, si le mot suivant commence par une voyelle ou par un h muet.

Premierement si un adjectif, physique ou métaphysique, terminé par un n nasal, se trouve immédiatement suivi du nom auquel il a rapport, & que ce nom commence par une voyelle, ou par un h muet, on prononce entre deux l'articulation ne : bon ouvrage, ancien ami, certain auteur, vilain homme, vain appareil, un an, mon ame, ton honneur, son histoire, &c. On prononce encore de même les adjectifs métaphysiques un, mon, ton, son, s'ils ne sont séparés du nom que par d'autres adjectifs qui y ont rapport : un excellent ouvrage, mon intime & fidele ami, ton unique espérance, son entiere & totale défaite, &c. Hors de ces occurrences, on ne fait point entendre l'articulation ne, quoique le mot suivant commence par une voyelle ou par un h muet : ce projet est vain & blâmable, ancien & respectable, un point de vûe certain avec des moyens sûrs, &c.

Le nom bien en toute occasion se prononce avec le son nasal, sans faire entendre l'articulation ne : ce bien est précieux, comme ce bien m'est précieux ; un bien honnête, comme un bien considérable. Mais il y a des cas où l'on fait entendre l'articulation ne après l'adverbe bien ; c'est lorsqu'il est suivi immédiatement de l'adjectif, ou de l'adverbe, ou du verbe qu'il modifie, & que cet adjectif, cet adverbe, ou ce verbe commence par une voyelle, ou par un h muet : bien aise, bien honorable, bien utilement, bien écrire, bien entendre, &c. Si l'adverbe bien est suivi de tout autre mot que de l'adjectif, de l'adverbe ou du verbe qu'il modifie, la lettre n n'y est plus qu'un signe de nasalité : il parloit bien & à-propos.

Le mot en, soit préposition soit adverbe, fait aussi entendre l'articulation ne dans certains cas, & ne la fait pas entendre dans d'autres. Si la préposition en est suivie d'un complément qui commence par un h muet ou par une voyelle, on prononce l'articulation : en homme, en Italie, en un moment, en arrivant, &c. Si le complément commence par une consonne, en est nasal : en citoyen, en France, en trois heures, en partant, &c. Si l'adverbe en est avant le verbe, & que ce verbe commence par une voyelle ou par un h muet, on prononce l'articulation ne : vous en êtes assûré, en a-t-on parlé ? pour en honorer les dieux, nous en avons des nouvelles, &c. Mais si l'adverbe en est après le verbe, il demeure purement nasal malgré la voyelle suivante : parlez-en au ministre, allez-vous-en au jardin, faites-en habilement revivre le souvenir, &c.

On avant le verbe, dans les propositions positives, fait entendre l'articulation ; on aime, on honorera, on a dit, on eût pensé, on y travaille, on en revient, on y a réfléchi, quand on en auroit eu repris le projet, &c. Dans les phrases interrogatives, on étant après le verbe, ou du moins après l'auxiliaire, est purement nasal malgré les voyelles suivantes : a-t-on eu soin ? est-on ici pour long-tems ? en auroit-on été assuré ? en avoit-on imaginé la moindre chose ? &c.

Est-ce le n final qui se prononce dans les occasions que l'on vient de voir, ou bien est-ce un n euphonique que la prononciation insere entre deux ? Je suis d'avis que c'est un n euphonique, différent du n orthographique ; parce que si l'on avoit introduit dans l'alphabet une lettre, ou dans l'orthographe un signe quelconque, pour en représenter le son nasal, l'euphonie n'auroit pas moins amené le n entre-deux, & on ne l'auroit assurement pas pris dans la voyelle nasale ; or on n'est pas plus autorisé à l'y prendre, quoique par accident la lettre n soit le signe de la nasalité, parce que la différence du signe n'en met aucune dans le son représenté.

On peut demander encore pourquoi l'articulation inserée ici est ne, plutôt que te, comme dans a-t-il reçu ? c'est que l'articulation ne est nasale, que parlà elle est plus analogue au son nasal qui précéde, & conséquemment plus propre à le lier avec le son suivant que toute autre articulation, qui par la raison contraire seroit moins euphonique. Au contraire, dans a-t-il reçu, & dans les phrases semblables, il paroît que l'usage a inseré le t, parce qu'il est le signe ordinaire de la troisieme personne, & que toutes ces phrases y sont relatives.

Enfin on peut demander pourquoi l'on a inséré un n euphonique dans les cas mentionnés, quoiqu'on ne l'ait pas inseré dans les autres où l'on rencontre le même hiatus. C'est que l'hiatus amene une interrogation réelle entre les deux sons consécutifs, ce qui semble indiquer une division entre les deux idées : or dans le cas où l'usage insere un n euphonique, les deux idées exprimées par les deux mots sont si intimement liées qu'elles ne font qu'une idée totale ; tels sont l'adjectif & le nom, le sujet & le verbe, par le principe d'identité ; c'est la même chose de la préposition & de son complément, qui équivalent en effet à un seul adverbe, & l'adverbe qui exprime un mode de la signification objective du verbe, devient aussi par-là une partie de cette signification. Mais dans les cas où l'usage laisse subsister l'hiatus, il n'y a aucune liaison semblable entre les deux idées qu'il sépare.

On peut par les mêmes principes, rendre raison de la maniere dont on prononce rien, l'euphonie fait entendre l'articulation ne dans les phrases suivantes : je n'ai rien appris, il n'y a rien à dire, rien est-il plus étrange ? Je crois qu'il seroit mieux de laisser l'hiatus dans celle-ci, rien, absolument rien, n'a pu le déterminer.

3°. Le troisieme usage de la lettre n, est d'être un caractere auxiliaire dans la représentation de l'articulation mouillée que nous figurons par gn, & les Espagnols par : comme dans digne, magnifique, regne, trogne, &c. Il faut en excepter quelques noms propres, comme Clugni, Regnaud, Regnard, où n a sa signification naturelle, & le g est entierement muet.

Au reste je pense de notre gn mouillé, comme du l mouillé ; que c'est l'articulation n suivie d'une diphtongue dont le son prépositif est un i prononcé avec une extrême rapidité. Quelle autre différence trouve-t-on, que cette prononciation rapide, entre il denia, denegavit, & il daigna, dignatus est ; entre cérémonial & signal ; entre harmonieux & hargneux ? D'ailleurs l'étymologie de plusieurs de nos mots où il se trouve gn, confirme ma conjecture, puisque l'on voit que notre gn répond souvent à ni suivi d'une voyelle dans le radical ; Bretagne de Britannia ; borgne de l'italien bornio ; charogne ou du grec , lieu puant, ou de l'adjectif factice caronius, dérivé de caro par le génitif analogue caronis, syncopé dans carnis, &c.

4°. Le quatrieme usage de la lettre n est d'être avec le t, un signe muet de la troisieme personne du pluriel à la suite d'un e muet ; comme ils aiment, ils aimerent, ils aimeroient, ils aimoient, &c.

N capital suivi d'un point, est souvent l'abregé du mot nom, ou nomen, & le signe d'un nom propre qu'on ignore, ou d'un nom propre quelconque qu'il faut y substituer dans la lecture.

En termes de Marine, N signifie nord ; N E, veut dire nord est ; N O, nord ouest ; N N E, nord-nord-est ; N N O, nord nord-ouest ; E N E, est-nord-est ; O N O, ouest-nord-ouest.

N sur nos monnoies, désigne celles qui ont été frappées à Montpellier.

N chez les anciens, étoit une lettre numérale qui signifioit 900, suivant ce vers de Baronius :

N quoque nongintos numero designat habendos.

Tous les lexicographes que j'ai consultés, s'accordent en ceci, & ils ajoûtent tous que avec une barre horisontale au-dessus, marque 9000 ; ce qui en marque la multiplication par 10 seulement, quoique cette barre indique la multiplication par 1000, à l'égard de toutes les autres lettres ; & l'auteur de la méth. lat. de P. R. dit expressément dans son Recueil d'observations particulieres, chap. II. num. iv. qu'il y en a qui tiennent que lorsqu'il y a une barre sur les chiffres, cela les fait valoir mille, comme, , , cinq-mille, dix-mille. Quelqu'un a fait d'abord une faute dans l'exposition, ou de la valeur numérique de N seule, ou de la valeur de barré ; puis tout le monde a répété d'après lui sans remonter à la source. Je conjecture, mais sans l'assurer, que = 900000, selon la regle générale. (B. E. R. M.)

N, dans le Commerce, ainsi figurée N°. signifie en abregé numero, dans les livres des Marchands, Banquiers & Négocians. N. C. veut dire notre compte. Voyez ABREVIATION. (G)


N N N(Ecriture) cette lettre considerée par rapport à sa figure, a les mêmes racines que l'm. Voyez en la définition à la lettre m, ainsi que la méthode de son opération.

N DOUBLE, en terme de Boutonnier, un ornement ou plutôt un rang de bouillon qui tombe de chaque côté d'une cordeliere ou d'un épi sur le rostage, & qui avec l'épi ou la cordeliere, forme à-peu-près la figure de cette lettre de l'alphabet. Voyez EPI, CORDELIERE & BOUILLON.


N ou NAGIsubst. m. (Hist. nat. Botan.) espece de laurier fort rare qui passe au Japon pour un arbre de bon augure. Il conserve ses feuilles toute l'année. Des forêts où la nature le produit, on le transporte dans les maisons, & jamais on ne l'expose à la pluie. Sa grandeur est celle du cerisier : le tronc en est fort droit ; son écorce est de couleur bai-obscur ; elle est molle, charnue, d'un beau verd dans les petites branches, & d'une odeur de sapin balsamique : son bois est dur, foible & presque sans fibres ; sa moëlle est à-peu-près de la nature du champignon, & prend la dureté du bois dans la vieillesse de l'arbre. Les feuilles naissent deux-à-deux, sans pédicule ; elles n'ont point de nerfs, leur substance est dure ; enfin elles ressemblent fort à celles du laurier d'Alexandrie. Les deux côtés sont de même couleur, lisses, d'un verd-obscur avec une petite couche de bleu tirant sur le rouge, larges d'un grand pouce & longues à proportion. Sous chaque feuille sortent trois ou quatre étamines blanches, courtes, velues, mêlées de petites fleurs qui laissent, en tombant, une petite graine rarement dure, à-peu-près de la figure d'une prune sauvage, & d'un noir-purpurin dans sa maturité : la chair en est insipide & peu épaisse. Cette baie renferme une petite noix ronde de la grosseur d'une cerise, dont l'écaille est dure & pierreuse, quoique mince & fragile. Elle contient un noyau couvert d'une petite peau rouge, d'un goût amer & de figure ronde, mais surmonté d'une pointe qui a sa racine dans le milieu du noyau même.


NAANSI(Géog.) peuple nombreux de l'Amérique septentrionale, auprès des Nabiri, entre les Cénis & les Cadodaquios.


NAAS(Géog.) petite ville d'Irlande dans la province de Leinster, au comté de Kildare, proche la Lisse, au nord-est de Kildare. Elle envoie deux députés au parlement de Dublin. Long. 11. 2. latit. 53. 15. (D.J.)


NAATSMES. m. (Hist. nat. Botan.) c'est un arbre du Japon qui est une espece de paliurus, que Kempfer prend pour celui de Prosper Alpinus. Son fruit est de la grosseur d'une prune & d'un goût austere. On le mange confit au sucre. Son noyau est pointu aux deux extrêmités.


NAB(Géog.) riviere d'Allemagne ; elle sort des montagnes de Franconie, traverse le palatinat de Baviere & le duché de Neubourg, & va se jetter dans le Danube un peu au-dessus de Ratisbonne. (D.J.)


NABABS. m. (Hist. mod.) c'est le nom que l'on donne dans l'Indostan aux gouverneurs préposés à une ville ou à un district par le grand-mogol. Dans les premiers tems ce prince a conféré le titre de nabab à des étrangers : c'est ainsi que M. Dupleix, gouverneur de la ville de Pondichery pour la compagnie des Indes de France, a été nommé nabab ou gouverneur d'Arcate par le grand-mogol. Les gouverneurs du premier ordre se nomment soubas ; ils ont plusieurs nababs sous leurs ordres.


NABAON(Géog.) petite riviere de Portugal dans l'Estramadure ; elle se décharge dans le Zézar, un peu avant que ce dernier mêle ses eaux avec celles du Tage.


NABATHÉENSS. m. pl. (Géog. anc.) en latin Nabathaei, peuples de l'Arabie pétrée, dont il est beaucoup parlé dans l'Ecriture. Diodore de Sicile liv. XI. ch. xlviij. après avoir dit que l'Arabie est située entre la Syrie & l'Egypte, & partagée entre différens peuples, ajoute que les Arabes Nabathaei occupent un pays desert qui manque d'eau, & qui ne produit aucun fruit, si ce n'est dans un très-petit canton. Les Nabathéens habitoient, selon le même auteur, aux environs du golfe Elanitique, qui est à l'occident de l'Arabie, & en même tems dans l'Arabie pétrée. Strabon, livre XVI. & Pline, liv. VI. ch. xxviij. disent que la ville de Petra leur appartenoit. Josephe, antiquit. liv. XIII. ch. jx. nous apprend que Jonathas Macchabée étant entré dans l'Arabie, battit les Nabathéens & vint à Damas.


NABEL(Géog.) autrement Nébel ou Nabis, comme les Maures l'appellent ; petite ville ou plutôt bourgade de l'Afrique, dans la seigneurie de la Goulette. C'étoit autrefois une ville très-peuplée, & on n'y trouve aujourd'hui que quelques paysans. Ptolémée, l. IV. c. iij. en fait mention sous le nom de Neapolis colonia ; les habitans la nomment encore Napoli de Barbarie. Les Romains l'ont bâtie ; elle est située près de la mer Méditerranée, à trois lieues de Tunis, vers l'orient. Long. 28. 24. lat. 36. 40.


NABIANI(Géog. anc.) peuples errans de la Sarmatie asiatique, selon Strabon, qui les place sur le Palus-méotide.


NABIRI(Géog.) peuple de l'Amérique septentrionale dans la Louisiane ; il habitoit au dernier siecle auprès des Naansi, mais il s'est retiré plus bas au nord de la riviere Rouge, & il a maintenant changé de nom. (D.J.)


NABLUMS. m. (Musique des Hébreux) en hébreu nébel ; instrument de musique chez les Hébreux. Les septante & la vulgate traduisent quelquefois ce mot par psaltérion, lyra, cythara, & plus communément par nablum. C'étoit, à ce que conjecturent quelques critiques, un instrument à cordes, approchant de la forme d'un , dont on jouoit des deux mains avec une espece d'archet. Voyez la dissertation du P. Calmet sur les instrumens de musique des anciens Hébreux. (D.J.)


NABOS. m. (Mythol.) ou Nebo ; grande divinité des Babyloniens, laquelle tenoit le premier rang après Bel. Il en est parlé dans Isaïe, ch. xlviij. Vossius croit que Nabo étoit la lune, & Bel le soleil ; mais Grotius pense que Nabo avoit été quelque prophete célebre du pays, & ce sentiment seroit conforme à l'étymologie du nom, qui, selon S. Jérôme, signifie celui qui préside à la prophétie. Les Chaldéens & les Babyloniens, peuples entêtés de l'Astrologie, pouvoient bien avoir mis au rang de leurs dieux un homme supérieur en cet art. Quoi qu'il en soit, la plûpart des rois de Babylone portoient le nom de ce dieu joint avec le leur propre. Nabo-Nassar, Nabopolassar, Nabu-sardan, Nabu-chodonosor, &c. Au reste le Nabahas des Héviens étoit le même dieu que Nabo. (D.J.)

NABO, (Géog.) ou Napon, cap du Japon que les Hollandois nomment cap de Gorée. C'est le plus septentrional de la côte orientale de la grande île Niphon, par les 39d. 45'. de lat. nord. (D.J.)


NABONASSAR(Chronologie.) L'ere de Nabonassar est célebre : nous ne savons presque rien de l'histoire de ce prince, sinon qu'il étoit roi de Babylone, & qu'on l'appelloit aussi Belesus, quoique suivant quelques auteurs il soit le même que le Baladan dont il est parlé dans Isaïe, xxxjx. & dans le second livre des rois, xx. 12. Quelques-uns même conjecturent qu'il étoit mede, & qu'il fut élevé sur le trône par les Babyloniens, après qu'ils eurent secoué le joug des Medes.

Le commencement du regne de ce prince est une époque fort importante dans la Chronologie, par la raison que c'étoit, selon Ptolémée, l'époque du commencement des observations astronomiques des Chaldéens ; c'est pour cela que Ptolémée & les autres astronomes commencent à compter les années à l'ere de Nabonassar. Voyez ASTRONOMIE.

Il résulte des observations rapportées par Ptolémée, que la premiere année de cette ere est environ la 747e année avant Jésus-Christ, & la 3967e de la période Julienne. Voyez éPOQUE.

Les années de cette époque sont des années égyptiennes de 365 jours chacune, commençant au 29 Février & à midi, selon le calcul des Astronomes. Voyez ANNEE. (G)


NABOTHOEUF DE, (Anat.) Naboth, professeur de Medecine dans l'université de Léipsick, a découvert une espece d'ovaire du cou de la matrice, & on l'appelle oeuf de Naboth. Nous avons de lui une dissertation intitulée, Mart. Naboth de sterilitate. LÉïps. 1707. (L)


NACARATS. m. & adj. (Teinture) rouge clair & uni. Les nacarats appellés de bourre, sont teints de gaude & de bourre de poil de chevre, fondue avec la cendre gravelée, & il est défendu d'y employer le fustel.


NACCHIVAN(Géog.) ville d'Arménie, capitale de la province de même nom. Elle étoit autrefois très considérable, mais Amurat la ruina. On peut juger de son ancienne grandeur par le grand amas de ses débris. Il n'y a que le centre de la ville qui soit rebâti : il contient un millier de maisons, avec des bazars remplis de boutiques de diverses marchandises. Nacchivan sert de titre à l'archevêque des Arméniens catholiques. Les Dominicains sont leurs seuls ecclésiastiques, & c'est parmi eux qu'ils choisissent l'archevêque : le pape confirme son élection. Longit. marquée sur les astrolabes persans, est de 81. 34. lat. 38. 40. (D.J.)


NACELLES. f. (Anat.) c'est la cavité qui est entre les deux circuits de l'oreille, l'extérieur qui se nomme helice ou helix, & l'intérieur, qui se nomme anthelice ou anthelix. Dionis dit de la nacelle que c'est la plus grande cavité de l'oreille.

NACELLE, (Architecture civile) On appelle ainsi dans les profils un membre quelconque, creux en demi-ovale, que les ouvriers nomment gorge. On entend encore par nacelle la scotie. Voyez SCOTIE. (D.J.)

NACELLE, (Marine) petit bateau qui n'a ni mâts ni voiles, & dont on se sert pour passer une riviere. (Q)


NACHÉS(Géog.) peuples de l'Amérique septentrionale dans la Louisiane. Voyez NATCHES.


NACHSHAB(Géog.) ville de la grande Tartarie, dans le Mawaralnahar, sur la frontiere, dans une plaine. Les Arabes la nomment Nasaph. Sa longitude, suivant Albiruni, est 88. 10. lat. 39. 50.


NACOLEIA(Géog. anc.) ville de la grande Phrygie, selon Strabon & Ptolémée. Etienne le géographe & Ammian Marcellin écrivent Nacolia ; Suidas dit Nacoleum. Selon d'Herbelot, cette ville est située auprès d'un lac que les Turcs appellent, ainsi que la ville ou bourg, Ainchghiol. (D.J.)


NACRES. f. (Hist. nat.) On a donné ce nom à la substance de certains coquillages, qui est blanche & orientée comme les perles. La surface intérieure de la plûpart des coquillages est de cette qualité ; il y en a aussi qui étant dépouillés de leur écorce, ont à l'extérieur une très-belle nacre, comme le burgau. Voyez COQUILLE. (I)

NACRE, (Chimie & Mat. med.) nacre des perles ou mere des perles ; c'est un des terreux absorbans usités en Médecine. On prépare la nacre par la porphyrisation ; on en fait un sel avec l'esprit de vinaigre, & un magistere par la précipitation de ce sel. On réduit la nacre préparée en tablettes : toutes ces préparations, aussi-bien que ses vertus medicinales, lui sont communes avec tous les autres absorbans terreux. Voyez REMEDES TERREUX, au mot TERRE, Mat. med.

La nacre entre dans la poudre pectorale ou looch sec, dans la confection d'hyacinthe, & dans les tablettes absorbantes & roborantes de la pharmacopée de Paris. (b.)

NACRE DE PERLES, voyez MERE-PERLE.

NACRE DE PERLE, (Conchyliolog.) voyez PINNE MARINE.

NACRE DE PERLES, (Jouaillerie) On nomme nacre de perles les coquilles où se forment les perles ; elles sont en-dedans du poli & de la blancheur des perles, & ont le même éclat en dehors, quand avec un touret de lapidaire on en a enlevé les premieres feuilles, qui sont l'enveloppe de ce riche coquillage. Les nacres entrent dans les ouvrages de marqueterie & de vernis de la Chine : on en fait aussi divers bijoux, entr'autres de très-belles tabatieres. (D.J.)

NACRE, (Jouaillerie) Ce mot chez les Lapidaires se dit d'un cercle qui se trouve quelquefois dans le fond des coquilles de nacre. Les Lapidaires ont souvent l'adresse de les scier & de les faire entrer dans divers ouvrages de Jouaillerie, comme de véritables perles. On les nomme plus ordinairement des loupes.


NADELLEMELETTE, APHYE-PHALERIQUE, s. f. (Ictthiol.) poisson de mer qui ne differe de la sardine qu'en ce qu'il est plus mince & plus large. Il a la queue fourchue, & les nageoires sont en même nombre, & situées comme dans la sardine. La nadelle a la chair molle & très-grasse. Si on garde dans un vase pendant quelque tems plusieurs de ces petits poissons entassés les uns sur les autres, on voit bientôt surnager de la graisse qui est bonne à brûler, & dont les pêcheurs se servent pour leurs lampes. Rondelet, histoire des poissons, premiere partie, liv. VII. chap. jv. Voyez SARDINE, poisson. (I)


NADERS. m. (Hist. mod.) c'est le nom d'un des principaux officiers de la cour du grand-mogol, qui commande à tous les eunuques du palais. Il est chargé de maintenir l'ordre dans le maal ou serrail, ce qui suppose une très-grande sévérité. Il regle la dépense des sultanes & des princesses ; il est garde du trésor & des joyaux, & grand-maître de la garderobe du monarque ; enfin c'est lui qui fait toute la dépense de sa maison. Cette place éminente est toujours remplie par un eunuque, qui a communément un crédit sans bornes.

NADER, (Géogr.) ville des Indes orientales dans l'Indostan, sur la route d'Agra à Surate, à 4 lieues de Gate. Elle est située sur la pente d'une montagne ; ses maisons sont couvertes de chaume & n'ont qu'un étage. Long. 92. 20. lat. 24. 30. (D.J.)


NADIRS. m. se dit en Astronomie du point du ciel immédiatement opposé au zénith. Voyez ZENITH.

Ce mot est purement arabe ; nadir en arabe signifie la même chose qu'ici.

Le nadir est le point du ciel qui est directement sous nos piés, c'est-à-dire un point qui se trouve dans la ligne tirée de nos piés par le centre de la terre, & terminée à l'hémisphere opposé au nôtre.

Le zénith & le nadir sont les deux poles de l'horison : ces deux points en sont chacun éloignés de 90°, & par conséquent sont tous deux dans le méridien. Le nadir est proprement le zénith de nos antipodes, dans la supposition que la terre soit exactement sphérique ; mais comme elle ne l'est pas, il n'y a proprement que les lieux situés sous l'équateur ou sous les poles dont le nadir soit le zénith de leurs antipodes. Voyez ZENITH, ANTIPODES & HORISON.

Nadir du soleil est le nom que quelques anciens astronomes ont donné à l'axe du cone formé par l'ombre de la terre ; ils l'appellent ainsi, parce que cet axe coupe l'écliptique en un point diamétralement opposé au soleil, mais cette dénomination n'est plus en usage. Chambers. (O)


NADOUBAH(Géogr.) ville du pays que les Arabes appellent Kofarhaqui, c'est la Cafrerie. Cette ville est à environ trois journées de Mélinde, qui est dans le Zanguebar.


NADOUESSANSS. f. (Géogr.) autrement dits Nadouessioux ; peuples sauvages dans l'Amérique septentrionale ; ils ont leur demeure avec plusieurs autres nations barbares, vers le lac des Issati, à 70 lieues à l'ouest du lac supérieur.


NADRAVIE(Géog.) province du royaume de Prusse, dans le cercle de Tamland. Elle est arrosée d'un grand nombre de rivieres. Lubiaw en est le lieu le plus considérable. (D.J.)


NAENIAS. f. (Mythol.) déesse qui présidoit aux pleurs, aux lamentations & aux funérailles ; je dis que c'est une déesse, parce que Festus en parle sur ce ton, & qu'il marque même l'endroit où on avoit pris soin de lui consacrer un temple ; c'étoit près de Rome, & ce temple n'étoit plus de son tems qu'une chapelle. Naeniae deae sacellum ultrà portam viminalem, nunc tantùm habet aediculum ; mais le mot Naenia dans les auteurs, signifie plus communément une chanson lugubre, qu'on chantoit aux funérailles ; il se prend aussi quelquefois pour un chant magique, pour un proverbe reçu parmi les enfans, & finalement pour une hymne. (D.J.)


NAEPS. m. (Hist. mod.) terme de relation ; juge subalterne établi par les cadis dans les villages de Turquie, ou par les mulas des grandes villes, pour être comme leurs lieutenans. (D.J.)


NAERDEN(Géog.) forte ville des Pays-bas dans la Hollande, à la tête des canaux de la province, & capitale du Goyland. Guillaume de Baviere en jetta les fondemens en 1350. Elle est sur le Zuiderzée, à 4 lieues d'Amsterdam, & environ à même distance N. E. d'Utrecht. Long. 22. 38. lat. 52. 20.

La ville de Naerden fut presque réduite en cendre en 1486 par un embrasement accidentel. En 1572, elle fut prise & saccagée avec une barbarie incroyable par les Espagnols. Il y en a dans la bibliotheque d'Utrecht une description en manuscrit qui fait dresser les cheveux. Les François prirent cette ville en 1672, & le P. d'Orange la reprit sur eux l'année suivante. (D.J.)


NAEVIA SYLVA(Géog. anc.) forêt à quatre milles de Rome, ainsi nommée d'un certain Naevius, qui avoit sa maison de plaisance dans ce quartier. Varron fait mention de cette Naevia sylva & de Naevia porta ; c'est aujourd'hui Porta majore.


NAFIAou NAPHIA, (Géog.) petit lac de la vallée de Noto en Sicile, auprès de Minéo en tirant vers le nord. On le nommoit anciennement Palicorum lacus, & l'on voit sur ses bords, les ruines de l'ancienne Palica. (D.J.)


NAGAMS. m. (Hist. nat.) nom malais d'un grand arbre qui porte des siliques, & qui est fort commun dans les îles des Indes orientales ; le suc de ses fécules mêlé avec l'huile de noix d'Inde, & employé en onguent, chasse les enflures de ventre périodiques.


NAGARA(Géog. anc.) ville métropole dans l'Arabie heureuse, selon Ptolémée liv. VI. ch. cvij. c'est aussi une ville des Indes en-deçà du Gange, autrement nommée Dionysopolis. (D.J.)


NAGES. f. terme de Batelier ; c'est un morceau de bois du bachot où l'on pose la platine, l'aviron, quand son anneau est au touret.

Nage à bord, commandement aux gens de la chaloupe de venir au vaisseau.

Nage à faire abattre, commandement aux gens de la chaloupe qui tanent un vaisseau de nager du côté où l'on veut que le vaisseau s'abbatte.

Nage au vent, commandement aux gens de l'équipage qui touent un vaisseau, de nager du côté où le vent vient.

Nage de force, commandement aux gens de l'équipage de redoubler leurs efforts.

Nage qui est paré, commandement de nager à qui est prêt ; ce qui se fait lorsqu'il n'est pas d'une nécessité absolue que les gens de l'équipage de la chaloupe nagent tous ensemble.

Nage sec, commandement à l'équipage de la chaloupe de tremper dans l'eau l'aviron, en nageant de telle sorte qu'il ne la fasse pas sauter, & qu'on ne mouille pas ceux qui y sont.

Nage stribord & serre bas bord, ou nage bas bord & serre stribord : commandement à l'équipage d'une chaloupe de la faire naviger & gouverner en moins d'espace.

Nager, ramer, & voguer, c'est se servir des avirons pour faire siller un bâtiment.

Nager à sec ; c'est toucher la terre avec les avirons.

Nager en arriere, c'est faire arrêter ou reculer un petit vaisseau avec des avirons : cela se pratique sur tous les bâtimens à rames afin d'éviter le revirement, & de présenter toujours la proue. (Z)


NAGEANTadj. terme de Blason, dont on se sert pour représenter dans les armoiries un poisson couché horisontalement, ou en-travers de l'écusson. Voyez POISSON.


NAGEOIRESS. f. pl. (Ichthiolog.) c'est une partie du poisson qui est faite comme une plume. Voyez l'article POISSON.

Il faut ajouter un mot de l'usage des nageoires. Comme en tous les corps qui flottent dans l'eau, la partie la plus lourde tend toujours en bas, selon les loix de l'hydrostatique, ne s'ensuivroit-il pas de-là que, puisque le dos du poisson est la partie la plus pesante de son corps, il devroit être toujours dans l'eau le ventre en haut, comme il arrive communément dans le poisson mort, puisqu'alors l'air qu'il contient venant à se dilater, le poisson est obligé de surnager, & de tourner le ventre en haut, tant à cause que le dos est plus pesant que le reste, que parce que le ventre, par la dilatation de l'air de la petite vessie, se trouve alors plus leger que lorsque le poisson est vivant. Mais la sagesse du créateur y a pourvu en formant les poissons, auxquels il a donné la faculté de nager, le ventre toujours tourné en bas avec deux nageoires posées sous le ventre. Cette matiere est parfaitement traitée dans Borelli, qui, ayant jetté dans l'eau un poisson auquel il avoit coupé les nageoires, observa qu'il alloit toujours sur un côté ou sur l'autre, sans pouvoir se soutenir dans la situation ordinaire & naturelle des autres poissons. Enfin, comme ces animaux devoient pouvoir s'arrêter commodément, se tourner à droite ou à gauche dans leur route, la nature les a pourvus de deux nageoires aux côtés, avec lesquelles ils s'arrêtent lorsqu'ils les étendent toutes les deux ; & s'ils n'en étendent qu'une, ils peuvent se tourner du même côté de la nageoire étendue. Nous voyons précisément la même chose dans un bateau, qui tourne du côté où l'on tient l'aviron dans l'eau pour l'arrêter. (D.J.)

NAGEOIRE, morceau de bois mince, rond & plat que les porteurs d'eau mettent sur leurs seaux lorsqu'ils sont pleins. Il contient l'eau, & l'empêche de se répandre facilement. On appelle aussi cet instrument tailloir.


NAGERv. n. l'art ou l'action de nager consiste à soutenir le corps vers la surface de l'eau, & à s'avancer ou faire du chemin dans l'eau par le mouvement des bras & des jambes, &c. Voyez ANIMAL.

L'homme est le seul des animaux qui apprenne à nager ; beaucoup d'autres animaux nagent naturellement ; mais un grand nombre d'animaux ne nagent point du tout.

Chez les anciens Grecs & Romains, l'art de nager faisoit une partie si essentielle de l'éducation de la jeunesse, qu'en parlant d'un homme ignorant, grossier, & mal élévé, ils avoient coutume de dire proverbialement, qu'il n'avoit appris ni à lire ni à nager.

A l'égard des poissons, c'est leur queue qui contribue le plus à les faire nager, & non pas leurs nageoires, comme on se l'imagine assez généralement ; c'est pour cette raison que la nature leur a donné plus de force & plus de muscles dans cette partie que dans toutes les autres, tandis que nous remarquons le contraire dans tous les autres animaux, dont les parties motrices sont toujours les plus fortes, comme les cuisses dans l'homme, pour le faire marcher ; les muscles pectoraux dans les oiseaux pour les faire voler, &c. Voyez MARCHE, VOL, &c.

La maniere dont les poissons s'avancent dans l'eau est parfaitement bien expliquée dans Borelli, de motu animal. part. I. cap. xxiij. ils ne se servent de leurs nageoires que pour tenir leurs corps en balance & en équilibre, & pour empêcher qu'il ne vacille en nageant. Voyez NAGEOIRE & QUEUE.

M. Thevenot a publié un livre curieux intitulé, l'art de nager, démontré par figures. Et avant lui Everard Digby, anglois, & Nicolas Winman, allemand, avoient deja donné les regles de cet art. Thevenot n'a fait, pour ainsi dire, que copier ces deux auteurs ; mais s'il se fût donné la peine de lire le traité de Borelli, avec la moitié de l'application qu'il a lu les deux autres, il n'auroit pas soutenu, comme il l'a fait, que l'homme nageroit naturellement, comme les autres animaux, s'il n'en étoit empêché par la peur qui augmente le danger.

Nous avons plusieurs expériences qui détruisent ce sentiment : en effet, que l'on jette dans l'eau quelque bête qui vient de naître, elle nagera ; que l'on y jette un enfant qui ne puisse point encore être susceptible de peur, il ne nagera point ; & il ira droit au fond. La raison en est que la structure & la configuration de la machine du corps humain sont très-différentes de celles des bêtes brutes, & sur-tout, ce qui est fort extraordinaire, par rapport à la situation du centre de sa gravité. Dans l'homme c'est la tête qui est d'une pesanteur excessive, eu égard à la pesanteur du reste de son corps, ce qui vient de ce que sa tête est garnie d'une quantité considérable de cervelle, & que toute sa masse est composée d'os, & de parties charnues, sans qu'il y ait des cavités remplies de la seule substance de l'air : desorte que la tête de l'homme s'enfonçant par sa propre gravité dans l'eau, celle-ci ne tarde gueres à remplir le nez & les oreilles, & que le fort ou le pesant emportant le foible ou le leger, l'homme se noie, & périt en peu de tems.

Mais dans les bêtes brutes, comme leur tête ne renferme que très-peu de cervelle, & que d'ailleurs il s'y trouve beaucoup de sinus, ou cavités pleines d'air, sa pesanteur n'est pas proportionnée au reste de leurs corps, desorte qu'elles n'ont aucune peine à soutenir le nez au-dessus de l'eau, & que suivant les principes de la statique pouvant ainsi respirer librement, elles ne courent aucun risque de se noyer.

En effet, l'art de nager, qui ne s'acquiert que par l'expérience & par l'exercice, consiste principalement dans l'adresse de tenir la tête hors de l'eau, desorte que le nez & la bouche étant en liberté l'homme respire à son aise, le mouvement & l'extension de ses piés & de ses mains lui suffisent pour le soutenir vers la surface de l'eau, & il s'en sert comme de rames pour conduire son corps. Il suffit même qu'il fasse le plus petit mouvement, car le corps de l'homme est à-peu-près de la même pesanteur qu'un égal volume d'eau, d'où il s'ensuit par les principes de l'hydrostatique que le corps de l'homme est déja presque de lui-même en équilibre avec l'eau, & qu'il ne faut que peu de forces pour le soutenir.

M. Bazin, correspondant de l'académie royale des Sciences de Paris, a fait imprimer il y a quelques années à Strasbourg un petit ouvrage dans lequel il examine pourquoi les bêtes nagent naturellement, & pourquoi au contraire l'homme est obligé d'en chercher les moyens. Il en donne des raisons prises dans la différente structure du corps de l'homme & de celui des animaux, mais ces raisons sont différentes de celles que nous avons apportées ci-dessus. Selon lui les bêtes nagent naturellement parce que le mouvement naturel qu'elles font pour sortir de l'eau quand elles y sont jettées, est un mouvement propre par lui-même à les y soutenir : en effet, un animal à quatre piés qui nage est dans la même situation, & fait les mêmes mouvemens que quand il marche sur la terre ferme. Il n'en est pas de même de l'homme ; l'effort qu'il feroit pour marcher dans l'eau, en conservant la même situation que quand il marche naturellement, ne serviroit qu'à le faire enfoncer, ainsi l'art de nager ne lui peut être naturel.

NAGER, l'action de nager, (Medecine) il y a peu de maladies chroniques dans lesquelles la nage soit bienfaisante, aussi l'ordonne-t-on rarement ; on prend cet exercice seulement en été ; il maigrit les personnes pléthoriques, facilite la transpiration, échauffe, attenue, & rend ceux qui y sont accoutumés moins sensibles aux injures de l'air, la nage ou le bain dans la mer est salutaire à ceux qui sont attaqués d'hydropisie, de gales, de maladies inflammatoires, d'exanthemes, d'élephanthiasis, de fluxion sur les jambes, ou sur quelqu'autre partie du corps.

La nage, soit dans l'eau douce, soit dans l'eau salée, qui est trop fraîche, porte à la tête ; & si on y demeure trop longtems, sa fraîcheur attaque les nerfs.

La nage dans l'eau naturellement chaude peut être aussi préjudiciable, cependant bien des gens s'y exposent sans en être endommagés.

La nage se faisoit anciennement en se précautionnant & se préparant contre tous les accidens, soit par les onctions, soit par les frictions, & en se précipitant de quelque lieu élevé. Oribase, liv. VI. ch. xxij.

La nage a les mêmes avantages & les mêmes inconveniens que le bain, ainsi on peut la considérer comme un exercice ; car on s'y donne de grands mouvemens qui sont fort salutaires. Voyez GYMNASE & GYMNASTIQUE. Quant à son avantage comme bain, voyez BAIN. C'est la meilleure façon de se laver & nettoyer le corps quand on peut la supporter.

NAGER A SEC, (Maréchall.) opération que les Maréchaux ont inventée pour les chevaux qui ont eu un effort d'épaule ; elle consiste à attacher la jambe saine en faisant joindre le pié au coude, au moyen d'une longe qu'ils passent par-dessous le garrot, & dans cet état ils contraignent le cheval à marcher à trois jambes, & par conséquent à faire de nouveaux efforts sur la jambe malade, sous prétexte que par ce moyen il s'échauffe l'épaule, & qu'ainsi les remedes pénetrent plus avant les pores étant plus ouverts ; mais il est aisé de voir que cet expédient ne fait qu'irriter la partie, augmenter la douleur, & rendre par conséquent le mal plus considérable qu'il n'étoit.


    
    
NAGERAautrement NAXERA, (Géog.) ville d'Espagne, dans la nouvelle Castille, au territoire de Rioja, avec titre de duché. Elle est fameuse par la bataille de 1369, & est située dans un terrein très-fertile, sur le ruisseau de Nagerilla, à 12 lieues N. O. de Calahorra, 53 N. E. de Madrid. Long. 15. 15. lat. 42. 25. (D.J.)


NAGIA(Géog. anc.) ville de l'Arabie heureuse, dans le pays des Gébanites selon Pline, liv. VI. chap. xxviij. qui ajoûte que cette ville étoit très-grande ; on n'en connoît pas même aujourd'hui les ruines.


NAGIADou NÉGED, (Géog.) petite province de l'Arabie, dans laquelle la ville de Médine est située. Voyez MEDINE.


NAGIAGAH(Géog.) petite ville du pays de Nabaschac, qui est l'Ethiopie. Elle est à huit journées de Giambita, sur une riviere qui se décharge dans le Nil. On dit qu'au-delà de ce bourg en tirant vers le midi on ne trouve plus de lieu qui soit habité.


NAGIDOS(Géog. anc.) ville située entre la Pamphylie & la Cilicie selon Strabon, liv. XIV. & selon Etienne le géographe.


NAGNATA(Géog. anc.) ville de l'ancienne Hibernie, que Ptolémée, liv. XI. chap. j. qualifie de ville considérable, & qu'il place sur la côte occidentale : quelques savans pensent que c'est aujourd'hui Lemerik.


NAGRACUT-AYOUD(Géog.) royaume des Indes, dans les états du grand-mogol. Il est borné au nord par le royaume du petit Tibet, à l'orient par le grand Tibet, au midi par les royaumes de Siba & de Pengat, à l'occident par ceux de Bankich & de Cachemir.

NAGRACUT, (Géog.) ville des Indes, capitale du royaume de même nom, dans les états du grand-mogol, avec un temple où les Indiens vont en pélerinage. Elle est sur le Ravi, à 120 lieues N. d'Agra. Long. 96. lat. 32.


NAGRAou NEDGERAN, (Géog.) petite ville de la province d'Iémen en Arabie, dont le terroir est couvert de palmiers contre l'ordinaire de ce pays-là. Elle est habitée par des familles des tributs de l'Iémen, de qui l'on tire des maroquins.


NAHAR(Géog. arabe) ce nom signifie en arabe un fleuve, ou une riviere ; de-là vient qu'il se trouve joint au nom de quelques villes situées sur des rivieres ; ainsi Nahar-Al-Malek est le nom d'une ville de l'Iraque arabique, située sur ce bras de l'Euphrate, que les anciens ont appellé Fossa regia, ou Basilicus-fluvius ; de même Nahar-Al-Obolla, est le nom d'un vallon des plus délicieux de l'Asie, coupé par une petite riviere. (D.J.)

NAHAR MALEK, ou Nahar-Mélik, (Géog.) c'est-à-dire fleuve du roi, c'est proprement le bras de l'Euphrate, que les anciens ont appellé Fossa-regia, & Basilicus fluvius.


NAHARUALI(Géog. anc.) ancien peuple de la Germanie. Tacite, de mor. Germ fait entendre qu'il habitoit entre la Ouarte & la Vistule, où il avoit un bois sacré. Il ajoûte que le prêtre étoit vêtu en femme, & que la divinité qu'on adoroit dans ce bois s'appelloit Alcé.


NAHARUAN(Géog.) ancienne ville de l'Irac-Arabi, sur un bras de l'Euphrate, à 2 lieues de Coufah. Long. 63. 12. lat. 31. 25.


NAHASES. m. (Chron.) nom du dernier mois de l'année des Ethiopiens : il commence le 26 Juillet du calendrier Julien.


NAHERS. m. (Hist. mod.) noble indien. Les habitans du Malabar se divisent en castes ou tribus qu'on appelle des nambouris, des bramines, & des nahers. Les nambouris sont prêtres, les bramines philosophes, les nahers nobles. Ceux-ci portent seuls les armes ; le commerce leur est interdit ; ils se dégradent en le faisant. Dans ces trois castes on peut s'approcher, se parler, se toucher sans se laver ; mais on se croit souillé par l'attouchement le plus léger de quelqu'un qui n'en est pas.


NAIADESS. m. pl. (Mythologie) espece de nymphes ou divinités payennes, que l'on croyoit présider aux fontaines & aux rivieres. Voyez NYMPHE & DIEU. Ce mot dérive du grec , je coule, ou de , je séjourne.

Strabon dit que les naïades étoient des prêtresses de Bacchus.

Nonnus prétend que les naïades étoient meres des satyres ; on les peint assez ordinairement appuyées sur une urne qui verse de l'eau, ou tenant un coquillage à la main. On leur offroit en sacrifice des chevres & des agneaux avec des libations de vin, de miel, & d'huile ; plus souvent on se contentoit de mettre sur leurs autels du lait, des fruits & des fleurs ; mais ce n'étoit que des divinités champêtres, dont le culte ne s'étendoit pas jusqu'aux villes. On distinguoit les naïades en naïades potamides & en naïades limnades, celles-ci étoient les nymphes des étangs ou des marais du mot , un étang, un lac ; les potamides étoient celles des fleuves & des rivieres, leur nom étant dérivé de , fleuve. (G)


NAIFVoyez l'article NAIVETE.


NAIKou NAIGS, s. m. (Hist. mod.) c'est le nom sous lequel on désigne dans quelques parties de l'Indostan les nobles ou premiers officiers de l'état ; c'est la même chose que naïres. Voyez cet article.


NAIM(Géog. sacrée) ville de la Palestine, peu éloignée de Capharnaüm, & où Jesus-Christ ressuscita le fils d'une veuve, dans le tems qu'on le portoit en terre. Luc, chap. vij. 11. Naïm étoit entre Eudor & Thoebor, à 12 stades de ce dernier endroit. (D.J.)


NAIMA(Géog.) village d'Afrique au royaume de Tripoli, dans la province de Macellata, sur la côte. Je ne parle de ce village que parce qu'il est le tombeau des Philènes, ces deux illustres freres, qui s'immolerent pour leur patrie, & à qui les Carthaginois avoient consacré des autels. Naïma est donc la petite ville que les anciens appellerent Phileni vicus.


NAINS. m. (Physique) on nomme nain, quelqu'un qui est de taille excessivement petite ; ce siecle m'offre, pour former cet article, deux exemples vivans de nains, tous deux à-peu-près de même âge, & tous deux fort différens de figure, d'esprit, & de caractere. L'un est le nain de S. M. le roi Stanislas, & l'autre est à la suite de madame la comtesse de Humiecska, grande porte-glaive de la couronne de Pologne.

Je commence par le nain de S. M. le roi de Pologne, duc de Lorraine. Il se nomme Nicolas Ferry ; il est né le 19 Novembre 1741 ; sa mere alors âgée de 35 ans a eu trois enfans dont il est l'aîné. Malgré toutes les apparences ordinaires, elle ne pouvoit se persuader d'être grosse, lorsqu'elle le fut de cet enfant ; cependant au bout de neuf mois elle le mit au monde, après avoir souffert les douleurs de l'accouchement pendant deux fois vingt-quatre heures ; il étoit long dans sa naissance, d'environ neuf pouces, & pesoit environ quinze onces. Un sabot à moitié rempli de laine lui servit, dit-on, de berceau pendant quelque tems, car c'est le fils d'une paysanne des montagnes de Vosges.

Le 25 Juillet 1746, M. Kast, médecin de la reine duchesse de Lorraine le mesura, & le pesa avec grande attention ; il pesoit étant nud neuf livres sept onces. Depuis ce tems-là il a porté sa croissance jusqu'à environ trente-six pouces. Il a eu la petite vérole à l'âge de trois mois ; son visage n'étoit point laid dans son enfance, mais il a bien changé depuis.

Bébé, c'est le nom qu'on lui donne à la cour du roi Stanislas, Bébé, dis-je, qui est présentement, (en 1760) dans sa 20e année, paroît avoir déjà le dos courbé par la vieillesse ; son teint est flétri ; une de ses épaules est plus grosse que l'autre ; son nez aquilin est devenu difforme, son esprit ne s'est point formé, & on n'a jamais pu lui apprendre à lire.

Le nain de madame Humiecska, nommé M. Borwilasky, gentilhomme polonois, est bien différent de celui du roi Stanislas ; & ce jeune gentilhomme peut être regardé comme un être fort singulier dans la nature.

Il a aujourd'hui (1760) 22 ans ; sa hauteur est de vingt-huit pouces ; il est bien formé dans sa taille ; sa tête est bien proportionnée ; ses yeux sont assez beaux ; sa physionomie est douce, ses genoux, ses jambes, & ses piés sont dans toutes les proportions naturelles : on assure qu'il est en pleine puberté.

Il ne boit que de l'eau, mange peu, dort bien, resiste à la fatigue, & jouit en un mot d'une bonne santé.

Il joint à des manieres gracieuses des réparties spirituelles ; sa mémoire est bonne ; son jugement est sain, son coeur est sensible & capable d'attachement.

Le pere & la mere de M. Borwilasky sont d'une taille fort au-dessus de la médiocre ; ils ont six enfans ; l'aîné n'a que trente-quatre pouces, & est bien fait ; le second nommé Joseph (& qui est celui dont nous parlons ici) n'en a que vingt-huit ; trois freres cadets de celui-ci, & qui le suivent tous à un an les uns des autres, ont tous les trois environ cinq piés six pouces, & sont forts & bien faits. Le sixieme des enfans est une fille âgée de près de six ans, que l'on dit être jolie de taille & de visage, & qui n'a que vingt à vingt-un pouce, marche, parle aussi librement que les autres enfans de cet âge, & annonce autant d'esprit que le second de ses freres.

M. Joseph Borwilasky est néanmoins demeuré long-tems sans éducation ; ce n'est que depuis deux ans que madame Humiecska en a pris soin. Présentement il sait lire, écrire, l'arithmétique, un peu d'allemand & de françois ; enfin il est d'une grande adresse pour tous les ouvrages qu'il entreprend.

Les singularités assez remarquables sur la naissance des enfans de madame Borwilasky, sont qu'elle est toujours accouchée à terme de ses six enfans ; mais dans l'accouchement des trois nains, chacun d'eux en venant au monde avoit à peine une figure humaine ; la tête rentrée entre les deux épaules qui l'égaloient en hauteur, donnoit dans la partie supérieure une forme quarrée à l'enfant : ses cuisses & ses jambes croisées & rapprochées de l'os sacrum & du pubis, donnoient une forme ovale à la partie inférieure, le tout ensemble représentoit une masse informe presque aussi large que longue, qui n'avoit presque d'humain que les traits du visage. Ces trois enfans ne se sont déployés que par degrés ; cependant aucun d'eux n'est resté difforme, ils sont au contraire bien proportionnés, n'ont jamais porté de corps, & nul art n'a été employé pour rectifier la nature.

Je trouve dans l'Histoire d'Angleterre l'opposé de ces deux nains. En 1731 un paysan du comté de Berks amena à Londres son fils âgé de six ans, qui avoit près de cinq piés d'Angleterre de haut, robuste, fort, & à peu-près de la grosseur d'un homme fait. (D.J.)

NAINS, s. m. pl. (Hist. mod.) ces sortes de pygmées dans la race humaine sont recherchés pour les amusemens du grand-seigneur ; ils tâchent de le divertir par leurs singeries, & ce prince les honore souvent de quelques coups de pié. Lorsqu'il se trouve un nain qui est né sourd, & par conséquent muet, il est regardé comme le phénix du palais ; on l'admire plus qu'on ne feroit le plus bel homme du monde, sur-tout si ce magot est eunuque ; cependant ces trois défauts qui devroient rendre un homme méprisable, forment, à ce que dit M. Tournefort, la plus parfaite de toutes les créatures, aux yeux & au jugement des Turcs. (D.J.)

NAIN, (Jardinage) est un arbre de basse tige que l'on nomme aussi buisson. (K)

NAIN-LONDRINS, s. m. pl. (Comm.) draps fins d'Angleterre, tous fabriqués de laine d'Espagne, & destinés pour le levant.


NAIRANGIES. f. espece de divination qui est en usage parmi les Arabes, & qui est fondée sur plusieurs phénomenes du soleil & de la lune, voyez DIVINATION, ce terme est formé de l'arabe nairan, pluriel de nair, lumiere. (G)


NAIRESNAHERS ou NAYERS, (Hist. mod.) c'est le nom que les Malabares donnent aux militaires de leur pays, qui forment une classe ou tribu très-nombreuse, & qui, comme ailleurs, se croit infiniment au-dessus du reste de la nation ; c'est dans cette tribu que les rois ou souverains du Malabare choisissent leurs gardes-du-corps. Les Malabares portent l'orgueil de la naissance à un point d'extravagance encore plus grand qu'en aucune contrée de l'Europe ; ils ne veulent pas même souffrir que leurs alimens soient préparés par des gens d'une tribu inférieure à la leur ; ils ne souffrent pas que ces derniers entrent dans leurs maisons, & quand par hasard cela est arrivé, un bramine est obligé de venir faire des prieres pour purifier la maison. Une femme ne peut point épouser un homme d'un rang inférieur au sien, cette mésalliance seroit punie par la mort des deux parties : or si la femme est de la tribu des nambouris, c'est-à-dire du haut clergé ou de celles des bramines, le souverain la fait vendre comme une esclave. Les faveurs d'une femme de qualité, accordées à un homme d'une tribu inférieure, non-seulement coutent la vie à ce dernier lorsque l'intrigue vient à se découvrir, mais encore les plus proches parens de la dame ont le droit pendant trois jours de massacrer impunément tous les parens du coupable.

Malgré la fierté des naïres, ils servent communément de guides aux étrangers & aux voyageurs, moyennant une rétribution très légere. Ces naïres sont, dit-on, si fidéles qu'ils se tuent, lorsque celui qu'ils conduisent vient à être tué sur la route. Les enfans des naïres portent un bâton qui indique leur naissance ; ils servent aussi de guides & de sûreté aux étrangers, parce que les voleurs malabares ont pour principe de ne jamais faire de mal aux enfans.


NAIRN(Géog.) petite ville d'Ecosse, chef-lieu d'une contrée de même nom appellée communément The Shire of Nairn. Sa capitale est à l'embouchure de la riviere de Nairn, dans la province de Murray, à 35 lieues N. O. d'Edimbourg, 111 N. O. de Londres. Long. 14. 12. lat. 57. 42. (D.J.)


NAISAGES. m. (Jurispr.) droit de faire rouir son chanvre ou son lin dans une riviere, étang ou autre place remplie d'eau.

On entend aussi par naisage le droit que le seigneur ou propriétaire de l'eau prenoit en quelques endroits pour la permission par lui accordée de mettre rouir du chanvre ou du lin dans son eau. Voyez Revel, sur les statuts de Bresse, p. 276. Collet, sur les statuts de Savoye, l. III. sect. 2. pag. 95. & ROISE & ROTEUR. (A)


NAISERvoyez ROUIR.


NAISSANCENAISSANCE

La naissance prématurée s'appelle avortement. Voyez AVORTEMENT & AVORTER.

Naissances extraordinaires, celles qui arrivent par la voie de l'anus, du nombril, de la bouche, &c. Voyez DELIVRANCE.

Au sujet du nombre des naissances, voyez MARIAGE, & la proportion observée des naissances aux mariages, des naissances aux enterremens, & des naissances mâles à celles des femelles.

NAISSANCE, s. f. (Société civile) race, extraction illustre & noble ; c'est un heureux présent de la fortune, qu'on doit considérer & respecter dans les personnes qui en jouïssent, non-seulement par un principe de reconnoissance envers ceux qui ont rendu de grands services à l'état, mais aussi pour encourager leurs descendans à suivre leurs exemples. On doit prendre les intérêts des gens de naissance, parce qu'il est utile à la république, qu'il y ait des hommes dignes de leurs ancêtres : les droits de la naissance doivent encore être révérés, parce qu'elle est le soutien du trône. Si l'on abat les colonnes, que deviendra l'édifice qu'elles appuyoient. De plus la naissance paroît être un rempart entre le peuple & le prince, & un rempart qui les défend contre les entreprises mutuelles de l'un sur l'autre ; enfin, la naissance donne avec raison des privileges distinctifs, & un grand ascendant sur les membres d'un état qui sont d'une extraction moins élevée. Aussi ceux qui jouissent de ce bonheur, n'ont qu'à ne rien gâter par leur conduite, pour être sûrs d'obtenir légitimement de justes préférences sur les autres citoyens.

Mais ceux que la naissance démêle heureusement d'avec le peuple, & qu'elle expose davantage à la louange ou à la censure, ne sont-ils pas obligés en conséquence de soutenir dignement leur nom ? Quand on se pare des armes de ses peres, ne doit-on pas songer à hériter des vertus qu'ils peuvent avoir eues ? autrement, ceux qui vantent leurs ancêtres, sans imiter leurs belles actions, disposent les autres hommes à faire des comparaisons qui tournent au desavantage de telles personnes qui deshonorent leur nom. Le peuple est si porté à respecter les gens de naissance, qu'il ne tient qu'à eux d'entretenir ce favorable préjugé. En voyant le jour ils entrent en possession des honneurs : les grands emplois, les dignités, le maniement des affaires, le commandement des armées, tombent naturellement dans leurs mains. De quoi peuvent-ils se plaindre que d'eux-mêmes, quand l'envie & la malignité les attaquent ? Sans doute, qu'alors ils ne sont pas faits pour leur place, quoique la place semblât faite pour eux.

On reprochoit à Ciceron, d'être un homme nouveau ; la réponse est toute simple : j'aime mieux, répondit-il, briller par mon propre mérite, que par un nom hérité de mes ancêtres ; & il est beau de commencer sa noblesse par les exemples de vertu qu'on laisse à sa postérité. Satius est enim me meis rebus florere, quàm majorum opinione niti, & ità vivere, ut ego sim potius meae nobilitatis initium & virtutis exemplum. A la vérité, on soupçonne les gens qui tiennent ce propos, de faire, si l'on peut parler ainsi, de nécessité vertu. Mais que dire à ceux qui ayant en partage une grande naissance, en comptent pour rien l'éclat, s'ils ne le soutiennent & ne l'illustrent de tous leurs efforts, par de belles actions. Voyez NOBLESSE. (D.J.)

NAISSANCE, JOUR DE LA, (Hist. rom.) Le jour de la naissance étoit particulierement honoré chez les Romains. Des mouvemens de tendresse & de religion consacroient chez eux une journée, où il sembloit qu'ils recevoient leurs enfans des dieux mêmes, & pour ainsi dire de la main à la main. On les saluoit avec cérémonie, & dans ces termes, hodiè natte salve : ils invoquoient le Génie comme une divinité qui présidoit à la nativité de tous les hommes.

La solemnité du jour de cette naissance se renouvelloit tous les ans, & toujours sous les auspices du Génie. On dressoit un autel de gazon, entouré de toutes les herbes sacrées, & sur lequel on immoloit un agneau. On étaloit chez les grands tout ce qu'on avoit de plus magnifique, des tables, des cuvettes, des bassins d'or & d'argent, mais dont la matiere étoit encore moins précieuse que le travail. Auguste avoit toute l'histoire de sa famille gravée sur des meubles d'or & d'argent : le sérieux d'une cérémonie religieuse étoit égayé, par ce que les fêtes ont de plus galant ; toute la maison étoit ornée de fleurs & de couronnes, & la porte étoit ouverte à la compagnie la plus enjouée. Envoyez-moi Philis, dit un berger dans Virgile à Iolas ; envoyez-moi Philis, car c'est aujourd'hui le jour de ma naissance, mais pour vous ne venez ici que lorsque j'immolerai une génisse pour les biens de la terre.

Les amis ce jour-là ne manquoient guere d'envoyer des présens ; Martial raille finement Clyté, qui pour en avoir, faisoit revenir le jour de sa naissance sept ou huit fois l'année :

Nasceris octies in anno.

On célébroit même souvent l'honneur de ces grands hommes, dont la vertu consacre la mémoire, & qui enlevés aux yeux de leurs contemporains, se réveillent pour la postérité qui en connoît le mérite dans toute son étendue, & quelquefois les dédommage de l'injustice de leur siecle. Pourquoi, dit Séneque, ne fêterai-je pas le jour de la naissance de ces hommes illustres ? Pline dans le troisieme livre de ses épîtres, rapporte que Silius Italicus célébroit le jour de la naissance de Virgile, plus scrupuleusement que le sien même.

La flatterie tenant une coquille de fard à la main ne manqua pas de solemniser la nativité des personnes que la fortune avoit mis dans les premieres places, & par qui se distribuoient les graces & les bienfaits : Horace invite une de ses anciennes maîtresses à venir célébrer chez lui la naissance de Mécénas ; & afin que rien ne trouble la fête, il tâche de la guérir de la passion qu'elle avoit pour Téléphus. Philis, j'ai chez-moi, dit-il, du vin de plus de neuf feuilles, mon jardin me fournit de l'ache pour faire des couronnes. J'ai du lierre propre à relever la beauté de vos cheveux : l'autel est couronné de verveine ; les jeunes garçons & les jeunes filles qui doivent nous servir, courent déja de tous côtés. Venez donc célébrer le jour des ides qui partage le mois d'Avril consacré à Vénus ; c'est un jour solemnel pour moi, & presque plus sacré que le jour de ma naissance, car c'est de ce jour-là que Mécénes compte les années de sa vie.

On voit dans ce propos une image bien vive d'une partie destinée à la célébration d'un jour de naissance ; il ne s'agit pas de savoir, si elle étoit conforme à l'esprit de l'institution ; sans doute que ce vin délicieux, cette parure galante, cette propreté, ce luxe, cette liberté d'esprit que le poëte recommande à Philis, plus dangereuse que la passion même ; enfin, cette troupe de jeunes filles & de jeunes garçons n'étoient guère appellés dans les fêtes religieuses, où on songeoit sérieusement à honorer les dieux.

Le jour de la naissance des princes étoit sur-tout un jour consacré par la piété ou par la flatterie des peuples. Leur caractere, la distinction de leur rang & de leur fortune, devenoit la mesure des honneurs & des réjouissances établies à cette occasion. La tyrannie même, bien loin d'interrompre ces sortes de fêtes, en rendoit l'usage plus nécessaire, & dans la dureté d'un regne où chacun craignoit de laisser échapper ses sentimens, on entroit avec une espece d'émulation dans toutes les choses dont on pouvoit se servir pour couvrir la haine qu'on portoit au prince ; tous ces signes équivoques d'amour & de respect, n'empêcherent pas que les empereurs n'en fussent extrêmement jaloux. Suétone remarque que Caligula fut si piqué de la négligence des consuls, qui oublierent d'ordonner la célébration du jour de sa naissance, qu'il les dépouilla du consulat, & que la république fut trois jours sans pouvoir exercer l'autorité souveraine.

Ces honneurs eurent aussi leur contraste : on mit quelquefois avec cérémonie au rang des jours malheureux, le jour de la naissance, & c'étoit-là la marque la plus sensible de l'exécration publique. La mémoire d'Agrippine, veuve de Germanicus, fut exposée à cette flétrissure, par l'injustice & la cruauté de Tibere. Diem quoque natalem ejus, inter nefastos suasit. C'est à ce sujet que M. Racine, si exact dans la peinture des moeurs, fait dire par Narcisse à Néron, en parlant de Britannicus & d'Octavie.

Rome sur les autels prodiguant les victimes,

Fussent-ils innocens, leur trouvera des crimes ;

Et saura mettre au rang des jours infortunés,

Ceux où jadis la soeur & le frere sont nés.

(D.J.)

Act. IV. scen. 4.

NAISSANCE, (Archit. civile) c'est l'endroit où un corbeau, une voute, une poutre, ou quelque chose, en un mot, commence à paroître.

Naissance de colonne. C'est la partie de la colonne qui joint le petit membre quarré en forme de listel, qui pose sur la base de la colonne & qui fait le commencement du fust. On la nomme aussi congé.

Naissance de voûte. C'est le commencement de la courbure d'une voûte, formé par les retombées ou premieres assises, qui peuvent subsister sans ceintre.

Naissances d'enduits. Ce sont dans les enduits, certaines plates-bandes au circuit des croisées & ailleurs, qui ne sont ordinairement distinguées que par du badigeon, des panneaux de crépi, ou d'enduit qu'elles entourent. (D.J.)

NAISSANCE, (Jardinage) est le commencement de la broderie d'un parterre ; ce peut être aussi l'endroit d'où part un rinceau, une palmette, un fleuron, &c.

NAISSANCE D'UNE JUMENT, (Maréc.) V. NATURE.

NAISSANT, adj. en terme de Blason, se dit d'un lion, ou autre animal, qui ne montre que la tête, les épaules, les piés, & les jambes de devant avec la pointe de la queue, le reste du corps demeurant caché sous l'écu, sous la fasce, ou sous le second du coupé, d'où il semble naître ou sortir. Voyez les Planches de Blason.

Naissant differe d'issant, en ce que dans le premier cas, l'animal sort du milieu de l'écu, & que dans le second, il sort du fond de l'écu. Voyez ISSANT.

Le pere Menestrier veut que naissant se dise des animaux qui ne montrent que la tête, comme sortant de l'extrêmité du chef ou du dessus de la fasce, ou du second du coupé.

La baume de Suze en Dauphiné, d'or à trois chevrons de sable, au chef d'azur, chargé d'un lion naissant d'argent.


NAITREv. neut. (Gram.) venir au monde. S'il falloit donner une définition bien rigoureuse de ces deux mots, naître & mourir, on y trouveroit peut-être de la difficulté. Ce que nous en allons dire est purement systématique. A proprement parler, on ne naît point, on ne meurt point ; on étoit dès le commencement des choses, & on sera jusqu'à leur consommation. Un point qui vivoit s'est accru, développé, jusqu'à un certain terme, par la juxtaposition successive d'une infinité de molécules. Passé ce terme, il décroît, & se résout en molécules séparées qui vont se répandre dans la masse générale & commune. La vie ne peut être le résultat de l'organisation ; imaginez les trois molécules A, B, C ; si elles sont sans vie dans la combinaison A, B, C, pourquoi commenceroient-elles à vivre dans la combinaison B, C, A, ou C, A, B ? Cela ne se conçoit pas. Il n'en est pas de la vie comme du mouvement ; c'est autre chose : ce qui a vie a mouvement ; mais ce qui se meut ne vit pas pour cela. Si l'air, l'eau, la terre, & le feu viennent à se combiner, d'inerts qu'ils étoient auparavant, ils deviendront d'une mobilité incoercible ; mais ils ne produiront pas la vie. La vie est une qualité essentielle & primitive dans l'être vivant ; il ne l'acquiert point ; il ne la perd point. Il faut distinguer une vie inerte & une vie active : elles sont entr'elles comme la force vive & la force morte : ôtez l'obstacle, & la force morte deviendra force vive : ôtez l'obstacle, & la vie inerte deviendra vie active. Il y a encore la vie de l'élément, & la vie de l'aggrégat ou de la masse : rien n'ôte & ne peut ôter à l'élément sa vie : l'aggrégat ou la masse est avec le tems privée de la sienne ; on vit en un point qui s'étend jusqu'à une certaine limite, sous laquelle la vie est circonscrite en tout sens ; cet espace sous lequel on vit diminue peu-à-peu ; la vie devient moins active sous chaque point de cet espace ; il y en a même sous lesquels elle a perdu toute son activité avant la dissolution de la masse, & l'on finit par vivre en une infinité d'atomes isolés. Les termes de vie & de mort n'ont rien d'absolu ; ils ne désignent que les états successifs d'un même être ; c'est pour celui qui est fortement instruit de cette philosophie, que l'urne qui contient la cendre d'un pere, d'une mere, d'un époux, d'une maîtresse, est vraiment un objet qui touche & qui attendrit : il y reste encore de la vie & de la chaleur : cette cendre peut peut-être encore ressentir nos larmes & y répondre ; qui sçait si ce mouvement qu'elles y excitent en les arrosant, est tout-à-fait dénué de sensibilité ? Naître a un grand nombre d'acceptions différentes : l'homme, l'animal, la plante, naissent ; les plus grands effets naissent souvent des plus petites causes ; les passions naissent en nous, l'occasion les développe, &c.


NAIVETÉ UNENAIVETé LA, s. f. (Gram.) il faut que les étrangers apprennent la différence que nous mettons dans notre langue entre la naïveté, & une naïveté.

Ce qu'on appelle une naïveté, est une pensée, un trait d'imagination, un sentiment qui nous échappe malgré nous, & qui peut quelquefois nous faire tort à nous-mêmes. C'est l'expression de la vivacité, de l'imprudence, de l'ignorance des usages du monde. Telle est la réponse de la femme à son mari agonisant, qui lui désignoit un autre époux : prends un tel, il te convient, crois-moi : Hélas, dit la femme, j'y songeois.

La naïveté est le langage du beau génie, & de la simplicité pleine de lumieres ; elle fait les charmes du discours, & est le chef-d'oeuvre de l'art dans ceux à qui elle n'est pas naturelle.

Une naïveté sied bien à un enfant, à un villageois, parce qu'elle porte le caractere de la candeur & de l'ingénuité : mais la naïveté dans les pensées & dans le style, fait une impression qui nous enchante, à proportion qu'elle est la peinture la plus simple d'une idée, dont le fonds est fin & délicat ; c'est pour cela que nous goûtons ce madrigal de Chapelain.

Vous n'écrivez que pour écrire

C'est pour vous un amusement,

Moi qui vous aime tendrement

Je n'écris que pour vous le dire.

Nous mettons enfin de la différence entre le naturel & le naïf ; le naturel est opposé au recherché, & au forcé ; le naïf est opposé au réflechi, & n'appartient qu'au sentiment. Tel que cette aimable rougeur, qui tout-à-coup, & sans le consentement de la volonté, trahit les mouvemens secrets d'une ame ingénue. Le naïf échappe à la beauté du génie, sans que l'art l'ait produit ; il ne peut être ni commandé, ni retenu. (D.J.)


NAJAC(Géog.) petite ville de France en Rouergue, diocèse de Rhodez, élection de Ville-Franche. Elle est située sur la riviere d'Avéirou, à 6 lieues au nord d'Albi. Long. 19. 45. lat. 43. 55. (D.J.)


NAJAS-NAIDE(Hist. nat. Botan.) nom donné par Linnaeus au genre de plante appellé par Vaillant & Micheli fluvialis : voici ses caracteres. Il produit des fleurs mâles & femelles distinctes. Le calice particulier des fleurs mâles est d'une seule feuille de forme cylindrique tronquée à la base, s'appetissant vers le sommet, & dont la levre est divisée en deux segmens opposés, panchés en arriere. La fleur mâle est composée d'un seul pétale, qui est un tuyau de la longueur du calice, partagé en quatre quartiers ; il n'y a aucune étamine, mais le milieu de la fleur produit une bossette droite & oblongue. La fleur femelle n'a ni calice ni pétale, mais seulement un pistil, dont le germe ovoïde se termine en un style délié ; les stigmates sont simples, le fruit est une capsule ovale contenant une seule graine de même figure. Linnaei gen plant. 443. (D.J.)


NAKIBS. m. (Hist. mod.) c'est ainsi que les Turcs nomment un officier fort considéré, dont la fonction est de porter l'étendart de Mahomet. Il n'est point inférieur au muphti même ; cette dignité est toûjours conférée par le sultan à un des émirs descendans de la fille de Mahomet ; & sans son consentement, le prince n'oseroit offenser ni faire du mal à aucun des émirs ; le sultan a soin de ne pas laisser un personnage de cette importance jouir long-tems d'une dignité si incommode à son despotisme ; il change souvent de nakib, mais il ne lui en ôte que l'exercice ; les émolumens lui restent comme les fruits d'un caractere indélébile. Voyez Cantemir, Histoire ottomane.


NAKOUSS. m. (Musique égyptienne) instrument de musique d'Egypte : il est fait de deux plaques de cuivre de différentes grandeurs, depuis deux pouces jusqu'à un pié de diamêtre. Elles sont fermement attachées par des cordes dans le milieu, & on les frappe l'une contre l'autre pour battre la mesure. On fait usage de cet instrument dans les églises des Cophtes, & dans les processions musulmanes. Voy. POCOK. (D.J.)


NALBANE(Géog.) montagne de Perse à une petite lieue de la ville d'Amadan. Le sieur Paul Lucas dit des merveilles sur les herbes médicinales qu'elle produit, sur la bonté de son air, & les agréables odeurs qu'on y respire. (D.J.)


NALIS. m. (Commerce) sorte de poids des Indes orientales. Voyez NALI, Dictionnaire de Commerce. (G)


NALUGAS. m. (Hist. nat. Bot.) nom d'un arbrisseau baccifere qui croît au Malabar, & fleurit deux fois l'an ; sa racine prise en décoction, calme les douleurs d'estomac, la colique, & les tranchées ; la décoction de son bois étanche la soif ; ses feuilles broyées, torréfiées, & appliquées sur la tête, soulagent dans le vertige & dans la foiblesse du cerveau ; la vapeur de sa décoction suspend les douleurs de la goutte ; le suc exprimé de ses feuilles tendres pris en boisson, aide la digestion.


NAMANTINS. m. voyez LAMANTIN.


NAMAQUAS(Géog.) nation d'Afrique, sur la côte occidentale, entre l'Ethiopie & le cap de Bonne-Espérance. Quelques hollandois découvrirent les Namaquas en 1632, & leur firent des présens pour se les attacher. (D.J.)


NAMAZS. m. (Hist. mod.) c'est ainsi que les Mahométans nomment les prieres qu'ils sont obligés par leurs lois de faire tous les jours ; elles se répetent cinq fois en vingt-quatre heures. Les Turcs sont si scrupuleux, qu'ils croient que si on manque à une de ces prieres à l'heure marquée, il est inutile de la réciter après. Les armées font leurs prieres très-régulierement ; mais on peut y manquer sans pécher, lorsque la bataille est commencée, parce qu'ils croyent que de tuer des chrétiens, est une action plus méritoire encore que de prier. Tel est l'aveuglement où porte l'esprit d'intolérance.

Le vendredi on fait six prieres, & on les appelle salah namazi. Voyez Cantemir, Hist. ottomane.


NAMBI(Hist. nat. Botan.) espece de plante américaine dont la feuille est large, & qui a la forme d'un arbrisseau assez touffu ; elle porte à l'extrêmité de ses rameaux des baies, ou un fruit assez semblable à des cerises : la graine en est ovale, d'une couleur grise. Cette plante croît naturellement dans les bois ; on la cultive aussi dans les jardins ; elle est d'un goût aromatique & pénétrant. On lui attribue plusieurs vertus, comme de fortifier l'estomac, d'être sudorifique, de soulager les douleurs de la pierre, de la vessie, &c.


NAMBOURIS(Hist. mod.) c'est ainsi qu'on nomme chez les Malabares le premier ordre du clergé, dans lequel il y a une hiérarchie. Les nambouris exercent dans quelques cantons l'autorité souveraine & sacerdotale à-la-fois : dans d'autres endroits les souverains séculiers ne laissent pas d'être soumis à l'autorité spirituelle des nambouris, & même des bramines, qui sont des prêtres du second ordre. Les prêtres du troisieme ordre se nomment buts : ces derniers sont regardés comme des sorciers, & le peuple a pour eux une très-grande vénération.


NAMBU(Géog.) province du Japon, dans la grande île Niphon : c'est la plus septentrionale de toutes, & elle a un bon port sur la mer du Japon. (D.J.)


NAMDUI(Hist. nat.) c'est une espece d'araignée qui se trouve au Brésil ; elle est fort longue, & brillante comme de l'argent. A la partie antérieure qui est fort petite, elle a huit pattes de la longueur du doigt, qui sont d'un brun rouge. On dit que sa morsure est dangereuse : dans les fievres quartes on suspend cette araignée au cou du malade, & l'on prétend qu'elle attire le venin de la maladie.


NAMPSS. m. pl. (Jurisprud.) est un terme usité principalement dans la coutume de Normandie, qui signifie meuble saisi. Ce mot vient de nantir, qui dans la coutume de Normandie, veut dire saisir & exécuter des meubles & autres choses mobiliaires. Namps paroît un diminutif de nantissement : l'édit de François I. de 1540, distingue deux sortes de namps ou meubles : les uns vifs, ce sont les bestiaux : les autres morts, qui comprennent tous les autres meubles de quelque qualité & valeur qu'ils soient.

Le titre 4 de la coutume de Normandie est intitulé de délivrance de namps. Elle ordonne que si le seigneur ayant saisi les namps de son vassal est refusant de les délivrer à caution ou plege, le sergent de la querelle, c'est-à-dire le sergent ordinaire de l'action & du lieu où la contestation est pendante, peut les délivrer à caution, & assigner les parties aux prochains plaids ou assises.

Les namps saisis doivent être mis en garde sur le fief & en lieu convenable où ils n'empirent point, & où celui à qui ils appartiennent, puisse aller une fois le jour pour leur donner à manger ; ce qui s'entend si ce sont des namps vifs. Les seigneurs doivent avoir un parc pour garder ces namps vifs quand il s'agit des droits de la seigneurie. Voyez le titre 4 de la coutume de Normandie, & les commentateurs sur cet article, & le gloss. de M. de Lauriere, au mot Namps. (A)


NAMURCOMTE DE, (Géog.) province des Pays-bas, avec titre de comté. Elle est bornée du côté du nord par le Brabant wallon ; à l'orient par l'évêché de Liége ; au midi par le même évêché, & par la terre d'Agimont, entre Sambre & Meuse ; à l'occident par le pays entre Sambre & Meuse qui dépend de Liége, & de ce côté-là elle touche au Hainaut.

Le comté de Namur, autrefois partie du pays des Eburons & des Tongriens, fut mis sous la seconde Germanie par les Romains. Il fut ensuite occupé par les François, qui le mirent sous le royaume d'Austrasie. Ce royaume ayant été conquis par Othon le Grand, & possédé par son fils & son petit-fils, ils y établirent des ducs, & entr'autres, Charles, frere de Lothaire, roi de France. Ermengarde, fille de Charles, ayant épousé l'an 1000 un seigneur nommé Albert, il fut premier comte de Namur. Jean de Flandre, dernier comte de cette province, vendit tous ses biens l'an 1421 à Philippe duc de Bourgogne. Ce comté porté dans la maison d'Autriche par le mariage de Marie de Bourgogne, y est encore aujourd'hui.

Le territoire du comté de Namur, est arrosé de la Meuse, de la Sambre, & de la Méhagne. Il est rempli de forêts, sur-tout dans sa partie méridionale : il renferme les villes de Namur, Charleroi, Charlemont, Mariembourg, Bouvine, Walcourt. On les divise en sept bailliages.

Les états du comté de Namur sont composés du clergé, de la noblesse, & des députés des villes. L'évêque de Namur est le chef de l'état ecclésiastique, & le gouverneur de la province est le chef de la noblesse ; les états ne s'assemblent que lorsque le souverain l'ordonne ; mais chaque corps choisit ses députés. (D.J.)

NAMUR, (Géog.) en latin moderne Namucum, & dans la suite Namurcum, forte ville des Pays-Bas, capitale du comté de Namur, avec un évêché suffragant de Cambray. Louis XIV. la prit en 1692. Guillaume III. roi d'Angleterre la reprit en 1695 ; le feld-maréchal Auwerkerque la bombarda en 1704. Elle fut cédée à la maison d'Autriche par la paix d'Utrecht en 1713, & la garde en fut confiée aux Etats-Généraux par le traité de Barrieres ; Louis XV. la prit en 1746, & la rendit par le traité d'Aix-la-Chapelle. Elle est entre deux montagnes, au confluent de la Meuse & de la Sambre, à cinq lieues S. O. de Huy, six N. de Dinant, 10 S. O. de Liége, 10 S. E. de Bruxelles, 10 de Louvain, 12 E. de Mons, 58 N. E. de Paris. Long. 22. 32. lat. 50. 25. (D.J.)


NAN(Hist. mod.) c'est ainsi que les Lapons nomment des especes de mouches, communes dans leur pays ; ils sont dans l'idée que ces insectes sont des esprits ; ils les renferment dans des sacs de cuir, & les portent avec eux, parce qu'ils esperent par leur moyen se garantir des maladies.


NANCHANG(Géog.) ville de la Chine, premiere métropole de la province de Kiangsi. Elle est renommée par le nombre des lettrés qui s'y trouvent. Long. 129. 10. lat. 29. 13.


NANCY(Géog.) ville de France, capitale de la Lorraine, avec une cour souveraine, & un chapitre, dont le chef prend le titre de primat. Elle est divisée en deux villes, la ville vieille & la ville neuve. On voit dans l'église des Cordeliers, les tombeaux des anciens ducs : Charles dernier duc de Bourgogne, prit Nancy en 1475. Le duc René la reprit après la bataille de Morat en 1476. Charles l'assiégea de nouveau en 1477, mais il y fut tué, & son armée défaite. Les rois de France depuis Louis XIII. s'en sont souvent rendus les maîtres. Elle fut cédée à la France par le traité de Vienne en 1736, pour en jouir après la mort du roi Stanislas. Nancy est sur la Meuse, à 24 lieues S. E. de Luxembourg, 30 de Strasbourg, 10 S. E. de Metz, quatre N. E. de Toul, neuf S. E. de Pont-à-Mousson, 72 S. E. de Paris. Longit. suivant Cassini, 23. 36. 30. latit. 48. 40.

Cette ville n'est point le Nasium de l'itinéraire d'Antonin ; c'est une ville moderne qui n'a pas été connue avant le douzieme siecle. Elle a commencé par un château qui appartenoit à un seigneur nommé Drogon. Matthieu I. du nom duc de Lorraine, acquit ce château l'an 1153, pour y faire sa résidence. Thibault comte de Champagne, qui fut depuis roi de Navarre, investit Matthieu II. du nom, duc de Lorraine, de Nancy, & de ses dépendances l'an 1220. Depuis la réunion de la Champagne à la couronne, il paroît que les ducs de Lorraine ont toûjours été souverains à Nancy, & qu'ils n'ont point reconnu les rois de France ou les comtes de Champagne, pour cette ville ou son territoire.

C'est la patrie de Maimbourg (Louis), jésuite, qui y naquit en 1610, & mourut d'apoplexie à saint Victor, en 1686. Ses oeuvres forment 16 volumes in-4 °. & sont de vrais romans écrits avec du feu & de la rapidité dans le style : on n'en fait point de cas aujourd'hui. Le plus singulier dans la vie du pere Maimbourg, c'est qu'il fut obligé de quitter les Jésuites, pour avoir écrit en faveur du clergé de France ; mais le roi le gratifia d'une pension. Son cousin Maimbourg fut un Protée dans ses sentimens de religion. De catholique il se fit protestant, ensuite rentra dans l'Eglise catholique, redevint de nouveau calviniste, & mourut socinien à Londres, vers l'an 1693. On a de lui pendant sa derniere épreuve du Protestantisme, une réponse à l'exposition de la foi catholique de M. Bossuet. (D.J.)


NANDI-ERRATAMS. m. (Hist. nat. Botan.) arbrisseau des Indes orientales ; toutes ses parties sont laiteuses. Si l'on en exprime le suc, qu'on le mêle avec de l'huile, & qu'on en frotte la tête, il guérira les maladies des yeux. Sa racine gardée dans la bouche calme le mal de dent ; bouillie dans l'huile, elle fournit un fort bon onguent pour toutes les affections de la tête, sur-tout pour les douleurs. Broyée & prise dans l'eau, elle tue les vers ; broyée avec du jus de limon & distillée dans les yeux, elle les nettoye. Ray, hist. plant.


NANDSTOKF(Hist. nat. Botan.) c'est un arbrisseau du Japon d'environ la hauteur d'une coudée, qui de loin a l'apparence d'un roseau. Ses branches sont disposées l'une vis-à-vis de l'autre, & s'étendent à angles droits. Ses feuilles sont longues d'un pouce & demi, & figurées comme celles du saule. Ses fleurs sont blanches, à cinq petales, semblables à celles du solanum ligneux, & ne durent qu'un jour. Ses baies sont rouges, de la grosseur d'un pois, & contiennent deux semences de figure hémisphérique.


NANDUBANDAGAR(Géogr. anc.) ville de l'Inde en-deçà du Gange, selon Ptolémée, lib. VII. c. j. qui la place dans la Sandrabatide.


NANÉES. f. (Mytholog.) c'étoit la lune ou la Diane des Perses, du-moins la même divinité qu'Anaïtis. Antiochus VII. fils de Démétrius Soter, étant passé en Perse dans l'intention de piller le temple de la déesse, il déclara qu'il venoit l'épouser & recevoir les richesses qu'elle pouvoit avoir, & qui devoient faire partie de son douaire : alors les prêtres de Nanée feignirent d'entrer dans ses vûes, l'admirent dans l'enclos du temple où étoient les trésors de la déesse ; & en ayant fermé les portes, ils l'assommerent, avec quelques-uns des gens qui l'accompagnoient, d'une grêle de pierres qu'ils firent pleuvoir sur eux, par une ouverture du lambris : Cecidit in templo Naneae, consilio deceptus sacerdotum Naneae. C'est ainsi que l'auteur des livres des Maccabées raconte la mort de ce prince, liv. II. ch. j. v. 13. & suiv. mais les historiens profanes, Appien, Justin & autres, rapportent qu'il fut tué dans un combat contre les Parthes, l'an 130 avant Jesus-Christ. (D.J.)


NANFIO(Géog.) en grec ; île de l'Archipel vers la mer de Candie. C'est une de ces îles qui faisoient partie du duché de Naxie, sous les princes des maisons de Sanudo & de Crispo. Strabon nous apprend que le premier nom de l'île de Nanfio a été Membliaros, nom qui lui vint de Membliarès, parent de Cadmus, qui s'établit à Thera, au lieu de suivre les avantures de ce héros. Nanfio ne fut appellée Anaphé qu'à l'occasion des Argonautes, qui la découvrirent après une tempête horrible qui les jetta au fond de l'Archipel. La découverte ne fut pas grande, car l'île n'a que 16 milles de tour, point de port, & des montagnes toutes pelées ; elles fournissent cependant de belles sources, capables de porter la fécondité dans les campagnes, pour peu qu'on sût les employer utilement.

Les habitans de Nanfio sont tous du rit grec, & soumis à l'évêque de Siphuo ; on n'y voit ni turcs ni latins ; le cadi & le vaivode sont ambulans. En 1700 ils payerent cinq cent écus pour toutes sortes de droits, la capitation n'y étant qu'à un écu & demi par tête. Leur fainéantise est blâmable, & tout leur négoce consiste en oignons, en cire & en miel ; ils n'ont de vin & d'orge que pour leur entretien. Quant au bois, il n'y en a pas assez pour faire rôtir les perdrix qu'on y pourroit manger ; la quantité de cette espece de gibier est si prodigieuse, que pour conserver les blés, on amasse par ordre des consuls tous les oeufs qu'on peut trouver vers les fêtes de Pâques, & l'on convient qu'ils se montent ordinairement à plus de dix ou douze mille. On les met à toutes sortes de sausses, & sur-tout en omelettes ; cependant malgré cette précaution, on ne peut pas faire un pas dans l'île sans voir lever des perdrix. La race en est ancienne ; elles sont venues d'Astypalia ou Stampalia, s'il en faut croire Hégésander. Un habitant d'Astypalia n'en porta qu'une paire à Anaphé, mais elle multiplia prodigieusement, c'est depuis ce tems-là qu'on s'est avisé d'en casser les oeufs. Longit. 43. 55. lat. 36. 15. (D.J.)


NANGASAKI(Géog.) ville impériale du Japon, à l'extrêmité occidentale de l'île de Ximo, dans la province de Figen, avec un bon port fréquenté par les Hollandois & les Chinois. C'est une très-grande ville & fort peuplée : on lui donne trois quarts de lieue de longueur, & presqu'autant de largeur.

Les étrangers demeurent hors de la ville dans des endroits séparés, où ils sont épiés comme des personnes suspectes. Il y a environ 62 temples tant au-dedans qu'au-dehors de la ville ; dans ce nombre il y en a 50 en l'honneur des idoles étrangeres, dont le culte a été apporté d'outre-mer. Ces temples sont non-seulement consacrés à la dévotion, mais ils servent encore aux récréations & aux plaisirs ; c'est pourquoi ils sont accompagnés de jardins, d'allées & d'appartemens. Après les temples, les lieux les plus fréquentés sont les maisons de débauche ; il y a un quartier entier qui leur est destiné, & qui contient les plus jolies maisons de particuliers, toutes habitées par des courtisannes.

Le havre de Nangasaki commence au nord de la ville ; il y a rarement moins de 50 navires dans le port, dont la plûpart sont des joncs de la Chine, outre quelques centaines de bateaux de pêcheurs & autres petits bâtimens. L'ancrage est au bout de la baie, à une portée de mousquet de la ville. Elle est sans château, sans murailles, sans fortifications, sans aucune défense. Trois rivieres la traversent, & cependant elles ne donnent pas quelquefois assez d'eau pour arroser les champs de riz, & pour faire aller quelques moulins. Voy. de plus grands détails dans Kempfer. Long. suivant le même Kempfer, 151. lat. 32. 36. Long. suivant Harris, 145 d. 16'. 15''. & suivant le P. Spinola, 146. 17. 30. lat. suivant ce dernier, 23. 43. Mais je m'en tiendrois plus volontiers à l'estimation de Kempfer. (D.J.)


NANGIS(Géog.) petite ville de France dans la Brie, diocèse de Sens, avec titre de marquisat : elle est à 14 lieues de Paris. Long. 20. 58. lat. 48. 33.

C'est la patrie de Louis Carré, fils d'un bon laboureur. Son pere vouloit qu'il fût ecclésiastique, pour le sauver de l'indigence, mais il aima mieux tomber dans l'indigence que de se faire ecclésiastique. Le P. Malebranche le prit pour écrire sous lui ; il devint métaphysicien, géometre, & de l'académie des Sciences. Il a donné le premier corps d'ouvrage qui ait paru sur le calcul intégral ; il est vrai qu'il y commit plusieurs fautes, mais il les reconnut sans détour. Il mourut en 1711, âgé de 48 ans ; il fit l'académie sa légataire universelle, c'est-à-dire qu'il lui laissa quelques traités qu'il avoit composés sur des sujets de Physique & de Mathématique. (D.J.)


NANKIN(Géogr.) autrement Kiangning, fameuse ville de la Chine dans la province du même nom, dont elle est la premiere métropole. Selon les Chinois, elle surpassoit toutes les villes du monde en magnificence, en beauté & en grandeur, quand les empereurs y tenoient leur cour. Aujourd'hui elle est sort déchûe de son ancien état, quoiqu'on dise qu'il y a autant de monde qu'à Pekin : on en fait monter le nombre à un million d'habitans. Le palais impérial, qui avoit une lieue de circuit, n'est plus qu'une masure de ruines. Long. suivant Cassini, 155. 55'. 30''. lat. 32. 7'. 45''.


NANNETES(Géog. anc.) peuples de la Gaule Celtique au diocèse de Nantes, selon Jules-César, l. III. c. jx. Presque tous les autres écrivains disent Namnetes au lieu de Nannetes. Strabon, l. IV. les met dans l'Armorique, aux frontieres de l'Aquitaine. Ce sont les , Namnetae de Ptolomée, l. II. c. viij. & leur ville s'appelloit Condivienum. Elle étoit située sur la Loire, au lieu où est aujourd'hui la ville de Nantes. Dans le moyen âge, comme cela est arrivé à beaucoup d'autres villes, celle de Condivienum perdit son ancien nom pour prendre celui du peuple ; & non-seulement on l'appella civitas Namnetum & civitas Namnetica, mais même on se contenta de l'appeller simplement Namnetes ou Namnetae, comme Ptolémée, d'où s'est formé le nom vulgaire de Nantes. Voyez NANTES. (D.J.)


NANNIESTPIERRE DE, (Hist. nat.) pierre précieuse fort singuliere, découverte en 1752 à Nanniest en Moravie, & dont M. de Justi a le premier donné la description dans un ouvrage allemand qui a pour titre : Nouvelles vérités relatives à l'histoire Naturelle, &c. partie I.

Cette pierre est d'un blanc de lait, très-peu transparente, & même tout-à-fait opaque, pour peu qu'on lui laisse d'épaisseur. Elle est entierement traversée par des raies d'un brun rougeâtre, qui approche souvent de la couleur de l'améthyste : ces raies, qui ne sont pas plus larges que la moitié d'une paille, ont pénétré toute la pierre ; & un lapidaire de Vienne qui étoit présent à la découverte, a assuré M. de Justi que ces raies ou lignes marchoient parallélement, & comme si on les eût tracées avec une regle l'espace de dix à douze piés, & continuoient, suivant toute apparence, à s'étendre de même dans toute la couche dont cette pierre est composée. Comme le blanc de cette pierre a de la largeur, le comte de Haugwitz, qui en est le propriétaire, en a fait tailler & polir des morceaux, pour en faire des tables, des guéridons, &c. De plus, toute la pierre est remplie de petits grenats qui lui sont si fortement attachés, qu'ils ne s'en détachent point, & qu'ils prennent le poli avec elle. Cette pierre prend un très-beau poli ; elle est plus dure que le marbre, mais elle l'est moins que l'agathe ou la chalcédoine ; elle ne peut point être mise au rang des marbres, vû qu'elle ne fait aucune effervescence avec les acides ; elle ne fait point feu lorsqu'on la frappe avec un briquet ; son tissu differe de celui du spath, & sa dureté n'est point aussi grande que celle du porphyre, du jaspe ou du caillou : d'où M. de Justi conclud que c'est une pierre d'une nouvelle espece. (-)


NANQUES. m. (Comm.) c'est le plus petit poids des cinq dont on se sert parmi les habitans de Madagascar, pour peser l'or & l'argent : il ne pese que dix grains, au-dessus sont le sompi, le vari, le sacare & le nanqui. Voyez SOMPI, &c. Dictionnaire de Commerce. (G)


NANQUIS. m. (Comm.) c'est aussi un des cinq poids dont les habitans de l'île Dauphine ou Madagascar en Afrique se servent pour peser l'or & l'argent ; il n'a au-dessous de lui que le nanque, qui vaut six grains, & au-dessus le sompi, le vari & le sacare, dont le sompi, qui est le plus fort, revient à la dragme ou gros, poids de l'Europe ; le nanqui en est le demi-scrupule. Voyez SOMPI, SCRUPULE. Dictionnaire de Commerce. (G)


NANSOO(Hist. nat. Botan.) c'est une plante du Japon à grandes feuilles pointues, dont les baies sont très-chaudes : c'est ce qu'on appelle dracunculus.


NANTERRE(Géog.) en latin moderne Neptodurum ou Nemetodurum, bourg à deux lieues de Paris, connu par la naissance de sainte Génevieve, morte en 511 à Paris, dont elle est la patrone. La tradition veut ridiculement que cette sainte fût une paysanne, une gardeuse de moutons. Plusieurs peintres ont été fideles à nous la représenter en bergere, avec un bavolet, une quenouille à la main, & gardant un troupeau ; mais l'exhortation que lui fit saint Germain, évêque d'Auxerre, de renoncer à la braverie, & de ne plus porter à l'avenir aucun bijou, seroit une exhortation risible, si elle avoit été adressée à une pauvre paysanne. Il est cependant vrai que nous ne savons rien de la vie de cette illustre sainte : les tems sont trop éloignés, & dans le v. siecle nos plus savans chrétiens, nos évêques se bornoient à prédire l'avenir par l'inspection de la sainte-Ecriture. Toutefois Nanterre a gagné dernierement, par la naissance de sainte Génevieve, l'établissement d'un collége, où les religieux de son nom instruisent la jeunesse. (D.J.)


NANTESCOMTE DE, (Géog.) ou pays Nantois ; il est divisé en deux parties par la Loire : on nomme l'une la partie d'outre-Loire, & l'autre la partie d'en-deçà la Loire. Cette derniere a été réunie à la Bretagne il y a plusieurs siecles. La capitale de tout le pays Nantois est Nantes, dont nous parlerons ci-après. Il y a dans le comté Nantois une redevance seigneuriale appellée la quintaine. Voyez QUINTAINE.

NANTES, (Géogr.) ancienne, riche & considérable ville de France, la seconde de la Bretagne, avec un évêché suffragant de Tours, & une université. Elle est à 15 lieues S. O. d'Angers, 27 N. O. de la Rochelle, 27 S. O. de Paris, 23 S. E. de Rennes. Long. suivant Cassini, 15. 52. 45. lat. 47. 13. 10.

Cette ville, que les Latins appellent Condivienum, civitas Namnetum, Namneta, est sur la Loire & l'Ardre, ce qui lui donne une heureuse situation pour le commerce, aussi en fait-elle un des plus considérables du royaume. C'est une ville fort ancienne, dont Strabon, César, Pline & Ptolémée font mention. Elle a été souvent la résidence des ducs de Bretagne : ils demeuroient dans le château S. Hermine, qui subsiste encore.

On dit que saint Clair fut le premier évêque de Nantes, vers l'an 277 ; cependant il n'est point parlé de ses successeurs avant Nonnechius, qui assista en 468 au concile de Vannes. Cet évêché vaut 35 à 40 mille livres de revenu. On y compte 212 paroisses & huit abbayes.

L'université de Nantes fut fondée vers l'an 1460, mais c'est l'université du commerce qui brille dans cette ville ; ils arment tous les ans plusieurs vaisseaux pour la traite des Negres dans les colonies françoises. Le débit de toutes sortes de marchandises est plus aisé & plus vif à Nantes que dans les autres villes du royaume. Ils ont avec les négocians de Bilbao une société particuliere qui s'appelle la contractation, & dont le tribunal réciproque est en forme de jurisdiction consulaire.

Le comté de Nantes est divisé en deux parties par la Loire ; l'une qu'on nomme la partie d'outre-Loire ; est à gauche en descendant la riviere, & celle d'en-deçà la Loire est à la droite.

On fait du sel en très-grande quantité dans le pays Nantois, soit à la baie de Bourgneuf, soit dans les marais salans de Guérande & du Croisic.

Anne de Bretagne, dont on connoît l'histoire, naquit à Nantes en 1476, & mourut en 1513. La destinée de cette princesse, comme le remarque M. le président Hénault, a été fort étrange. Elle fut femme de Charles VIII. en faisant une espece de divorce avec Maximilien, qu'elle avoit épousé par procureur, & elle ne se maria avec Louis XII. qu'après un autre divorce de ce prince avec Jeanne sa premiere femme. Il avoit épousé celle-ci avec des protestations de la violence que Louis XI. lui avoit faite. A la mort de Charles VIII. il demanda au pape que son mariage fût déclaré nul ; & sur l'affirmation que fit Louis XII. qu'il n'avoit eu aucun commerce avec Jeanne, la nullité fut prononcée. On a dit que l'inclination de Louis XII. avoit décidé son mariage avec Anne de Bretagne ; mais Varillas, dont il ne faut pas toujours rejetter l'autorité, pense que ce pouvoit bien être autant un coup politique qu'une affaire de passion. Il étoit porté, par le traité conclu avec les états de Bretagne, que si Charles VIII. mouroit sans enfans avant la duchesse, elle épouseroit son successeur.

On nous a beaucoup vanté l'esprit, la beauté (cela se peut) & la piété d'Anne de Bretagne ; c'est-là une autre affaire. Je sais bien qu'elle fonda les Bons-hommes, & qu'elle blâma la guerre que le roi fit au saint Pere ; mais on m'avouera que sa haine implacable contre le maréchal de Gié & la comtesse d'Angoulême, n'étoit pas trop chrétienne.

M. Hénault parle d'une autre chose singuliere touchant Louis XII. & Anne de Bretagne. Elle avoit aimé Louis XII. qu'elle épousa après le décès de son mari ; & cependant elle fut si touchée à la mort de Charles VIII. qu'elle porta son deuil en noir, quoique jusque-là les reines l'eussent porté en blanc. D'un autre côté, Louis XII. son second mari, qui porta aussi son deuil en noir contre l'usage, se remaria l'année suivante avec Marie d'Angleterre, pour qui son amour lui coûta la vie. Anne de Bretagne, à la mort de Charles VIII. mit une cordeliere à ses armes, & cet usage s'est conservé.

Nantes n'a pas été trop fertile en gens de lettres, du-moins ma mémoire ne m'en fournit que deux dans le siecle passé, j'entends M. le Pays & M. de la Croze.

Pays (René le), poëte françois, naquit à Nantes en 1636. Son esprit étoit aisé, vif & agréable ; il composoit en vers & en prose avec facilité. En 1664 il publia des lettres & des poësies sous le titre d'amitiés, amours & amourettes. Il prit en galant homme la raillerie de M. Despréaux : Sans mentir le Pays est un bouffon plaisant ! Et il écrivit de Grenoble, où il étoit alors, une lettre badine & assez jolie sur ce sujet. Il fit plus ; étant de retour à Paris, il vint voir Despréaux, & soutint toujours son caractere enjoué. M. Despréaux fut d'abord embarrassé de la visite d'un homme qui avoit eu droit de se plaindre de lui ; mais M. le Pays le mit à son aise, & ils se séparerent fort amicalement. Il mourut à Paris en 1690, & fut enterré à S. Eustache, où Voiture, dont on le nommoit le singe, avoit aussi sa sépulture.

De Veissieres (Mathurin de la Croze) né à Nantes en 1661, bénédictin à Paris. Sa liberté de penser & un prieur contraire à cette liberté, lui firent quitter son ordre & sa religion. C'étoit une bibliotheque vivante, & sa mémoire passoit pour un prodige. Outre les choses utiles & agréables qu'il savoit, il en avoit étudié d'autres qu'on ne peut savoir, comme l'ancienne langue égyptienne. Il y a de lui un ouvrage fort estimé, c'est l'histoire du christianisme des Indes, en deux volumes in -12, imprimé en Hollande en 1724. On y trouve cent choses bien curieuses. Il nous a donné dans cet ouvrage une histoire exacte de la plûpart des communions orientales, entr'autres des chrétiens malabares, qui rejettent la suprématie du pape, nient la transubstantiation, le culte des images, & le purgatoire. Il nous apprend encore que les brachmanes croient l'unité d'un Dieu, & laissent les idoles au peuple. Quand on leur demande pourquoi ils ne rendent point de culte au souverain Créateur, ils répondent que c'est un être incompréhensible & sans figure, duquel l'homme ne peut se former d'idées corporelles. En même tems les guanigueuls, qui sont à proprement parler les sages des Indes, rejettent eux-mêmes le culte des idoles & les cérémonies extérieures. M. de la Croze est mort à Berlin en 1739. (D.J.)


NANTEUIL(Géogr.) en latin du moyen âge Nantogilum, Nantoïlum & Nantolium ; tous ces mots barbares viennent de nant, vieux mot dont les Gaulois & les Bretons se servoient pour designer une eau courante ou une quantité d'eau qui se ramassoit dans un lieu. Il y a divers villages en France qui s'appellent Nanteuil, & quelqu'autres lieux dont le nom formé du mot nant ont la même origine. (D.J.)


NANTIRv. act. (Comm.) donner des assurances pour le payement d'une dette, soit en meubles, argenterie, soit en effets ou autre nature de biens qu'on met actuellement entre les mains de son créancier. Dictionn. de Comm. Voyez l'article suivant. (G)


NANTISSEMENTS. m. (Jurispr.) signifie sûreté & gage. On donne en nantissement des effets mobiliers, des titres & papiers, &c. & celui auquel on a donné des effets en nantissement n'est point obligé de les rendre qu'en lui payant ce qui lui est dû. Voyez GAGE.

Nantissement signifie aussi une espece de tradition feinte & simulée que l'on pratique dans certains pays, à l'effet d'acquérir droit de propriété ou d'hypotheque sur un héritage ; c'est pourquoi ces pays sont appellés coutumes ou pays de nantissement, telles sont les provinces de Picardie & Champagne.

Le nantissement se fait de trois manieres :

La premiere est par dessaisine & saisine, autrement par vest & devest ; pour cet effet le vendeur ou le débiteur se dépouille de la propriété de l'héritage ès mains du seigneur, & l'acquéreur ou créancier hypothécaire s'en fait ensaisiner par le seigneur du lieu où est situé l'héritage, lequel lui donne un bâton en signe de tradition & de mise en possession. Cette forme de nantissement se pratique plutôt dans les ventes que dans les engagemens & obligations des héritages.

La seconde espece de nantissement se fait par main assise, c'est-à-dire que le créancier auquel un héritage est obligé, y fait mettre & asseoir la main du roi ou de justice, & fait ordonner par le juge, le débiteur & le seigneur appellés, que la main mise tiendra jusqu'à-ce qu'il soit payé de son dû.

La troisieme se fait par prise de possession de l'héritage obligé, lorsque le créancier, en vertu de commission du juge, se fait mettre de fait en possession réelle & actuelle de l'héritage qui lui est hypothéqué, ayant ajourné pour cet effet le débiteur & le seigneur direct. L'acte de cette sorte de prise de possession porte : " Nous avons nanti, réalisé & hypothéqué un tel sur tels & tels héritages, & pour une telle somme ".

Le nantissement produit deux effets.

L'un est que le créancier acquiert un droit réel sur la chose, tellement que l'héritage sur lequel il s'est fait nantir ne peut plus être engagé ni aliéné au préjudice de son dû, & qu'il est préféré à tous autres créanciers hypothécaires qui ne seroient point inscrits sur les registres du nantissement, ou qui ne le seroient qu'après lui.

L'autre effet du nantissement est que par son moyen le commerce est plus assuré, en ce qu'étant public, celui qui veut prêter avec sûreté peut, par le moyen du nantissement, connoître l'état des affaires de celui avec lequel il traite, ou du-moins savoir s'il y a quelque créancier nanti avec lui.

De quelque maniere que le nantissement se fasse, il est toujours public ; car si c'est par vest ou devest entre les mains du seigneur, celui-ci doit avoir un registre pour ces sortes d'actes, dont il doit donner communication à tous ceux qui y ont recours.

Les nantissemens qui se font par main assise ou par mise en possession, sont pareillement publics, car il faut que le créancier se transporte sur les héritages avec un huissier, qui dresse un procès-verbal de la main assise ou de la mise en possession, en conséquence de quoi le créancier obtient une sentence du juge, qui lui en donne acte, le débiteur & le seigneur dûement appellés. On peut par conséquent consulter les registres où sont ces sortes de sentences.

On a tenté plusieurs fois d'établir dans tout le royaume la formalité du nantissement, sous prétexte de rendre les hypotheques notoires, & de prévenir les stellionats ; mais cela n'a point eu lieu.

Dans les provinces de Vermandois, Picardie & Artois, on pratique une quatrieme espece de nantissement par un simple acte, en la forme qui suit : l'acquéreur d'un héritage ou un créancier fait nantir son titre d'acquisition ou de créance, expédié en forme authentique sur les héritages énoncés dans sa requisition, à l'effet d'avoir hypotheque dessus, & qu'il ne soit reçu aucun autre nantissement, si ce n'est à la charge de son dû ou vente, & de la priorité de son droit. L'acte de nantissement doit être délivré & endossé en ses lettres d'acquisition ou de créance, & doit aussi être enregistré au greffe des lieux où sont assis les héritages.

Dans les coutumes de nantissemens les contrats quoique passés devant notaire, n'emportent point hypotheque contre des tierces personnes, s'ils ne sont nantis & réalisés par les officiers des lieux où sont assis les héritages ; sans cette formalité ils sont réputés purs personnels & mobiliers.

Les hypotheques notoires & publiques, telles que les hypotheques légales du mineur sur les biens de son tuteur, de la femme sur les biens de son mari & sur ceux de son pere qui a promis de la doter, n'ont pas besoin de nantissement, non plus que les dettes privilégiées, les soutes de partage, ni les sentences.

Il faut néanmoins excepter l'Artois, où les sentences n'emportent pas hypotheque, parce que l'ordonnance de Moulins n'y a pas été enregistrée : on n'y connoît pas non plus les hypotheques tacites. Voyez Maillart sur Artois, art. 1. n. 39. art. 72. n. 269. art. 74. n. 265.

Sur le nantissement en général, voyez Louet, lettre H, somm. 26. & lettre L. somm. 25 ; l'ordonnance de 1539, art. 82, & M. Bourdin, sur l'art. 92 ; M. le Maitre, traité des criées, chap. xxxj. n. 4 ; de Heu, sur Amiens, art. 139, & Dumolin, ibid. (A)


NANTUA(Géog.) petite ville de France, la seconde du Bugey ; on la trouve nommée en latin, Nantuadis, Namtoacum, Nantuacum. Elle est située entre deux hautes montagnes, à l'extrêmité d'un petit lac de même nom, à 9 lieues S. E. de Bourg-en-Bresse. Long. 33. 19. lat. 46. 8.

C'est à Nantua, dans le prieuré de l'ordre de S. Benoît, que fut enterré Charles le Chauve, mort en 877 à 54 ans, dans un village du mont Cenis. Il fut empoisonné par un juif son médecin, qui avoit toute sa confiance. Ce prince ne sut ni défendre les droits de sa couronne contre les papes, ni ses sujets contre les invasions des Normands. Il regna 38 ans, & avoit été deux ans empereur. (D.J.)


NANTWICH(Géog.) petite ville d'Angleterre, remarquable par ses mines de sel. Long. 14. 28. lat. 53. 12.


NAOPOURA(Géog.) ville d'Asie dans l'Indoustan, au royaume de Décan, sur la riviere de Tapti. Le terroir y produit du bon riz, du coton & des cannes de sucre. Long. 91. 30. lat. 21. 20.


NAPARIS(Géog. anc.) fleuve de la Scythie, & l'un des cinq qui, selon Hérodote, lib. IV. cap. lxviij. se jette dans l'Ister.


NAPÉESS. f. (Mytholog.) nymphes dans l'antiquité fabuleuse qui présidoient aux forêts & aux collines. Vossius croit qu'elles étoient les nymphes des vallées seulement, parce qu'il tire leur nom du grec ou , qui signifie un lieu humide, telles que sont ordinairement les vallées. On leur rendoit à peu-près le même culte qu'aux naïades. Voyez NAÏADES. (G)


NAPELS. m. (Botan.) c'est l'espece d'aconit nommé par Tournefort aconitum coeruleum, I. R. H. 425 ; par Morisson, aconita spicâ florum pyramidali ; & par Linnaeus, aconitum foliorum laciniis linearibus, superne latioribus, linea exaratis. Hort. Cliffort. 214.

Sa racine qui est de la grosseur d'un petit navet, noire en dehors, blanchâtre en dedans, produisant souvent d'autres navets collatéraux, jette plusieurs tiges à la hauteur de trois piés, rondes ordinairement, lisses, remplies de moëlle, roides, difficiles à rompre ; elles sont garnies depuis le bas jusqu'en haut de feuilles amples, ovoïdes, disposées alternativement, ou plutôt sans ordre, attachées à des longues queues faites en tuyau, d'un verd obscur, polies, nerveuses, découpées profondément, ou subdivisées en beaucoup de lanieres plus remarquables que dans toute autre espece d'aconit.

Aux sommités des tiges sortent plusieurs fleurs comme en épi, portées chacune sur un pédicule long d'un pouce ; elles sont composées de cinq pétales inégaux, dont le supérieur creusé en façon de casque, cache deux especes de crosse ; les deux feuilles latérales plus larges représentent les oreillettes, & les deux inférieures la mentonniere d'un heaume ; elles sont de couleur bleue, rayées & revêtues en-dedans de quelques poils.

Quand les fleurs sont passées, il leur succede des fruits, à plusieurs fourreaux ou gaînes membraneuses, lisses, oblongues, disposées en maniere de tête, au nombre de trois, quelquefois de quatre & de cinq, renfermant plusieurs semences menues, noires dans leur maturité, anguleuses, chagrinées ou ridées.

Cette plante croît naturellement sur les Alpes, dans la forêt Noire, en Silésie & ailleurs, aux lieux montagneux ; on la cultive aussi dans les jardins. Elle fleurit en Mai & en Juin, quelquefois plus tard dans les pays froids, & donne sa graine en Août. Il seroit sans doute prudent de bannir de nos jardins un poison aussi dangereux que le napel, d'autant plus que dans une si grande abondance de fleurs agréables & salutaires, ou qui du moins ne sont point nuisibles, nous pourrions aisément nous passer de celle-ci. De plus, comme sa racine est très-vivace, de sorte que transplantée dans les jardins ou vergers elle y prospere, & y dure fort long-tems, quelque peu de soin qu'on en prenne, il ne faudroit point négliger de la détruire. (D.J.)

NAPEL, (Hist. médec. des végét. venéneux) les Médecins réunis aux Botanistes, s'accordent à regarder le napel & toutes ses parties comme un des plus puissans poisons de la famille des végétaux ; mais c'est dans les transactions philosophiques, n °. 432, qu'il faut lire le détail des tristes effets de cette plante sur un homme bien portant qui en avoit mangé dans une salade avec de l'huile & du vinaigre ; il en pensa mourir malgré les prompts & bons secours de la Médecine.

Immédiatement après avoir mangé de cette salade, cet homme sentit une chaleur accompagnée de picotement sur la langue & le palais, avec une irritation dans tout le visage, qui s'étendit jusqu'au milieu du corps. Ces symptomes furent bien-tôt suivis d'une grande foiblesse dans les jointures avec des tressaillemens dans les tendons, & une interception si sensible de la circulation du sang, qu'on ne put s'empêcher de soupçonner qu'il étoit empoisonné. Il avala beaucoup d'huile & d'infusion de chardon-béni, qui lui procurerent le vomissement de tout ce qu'il avoit mangé : cependant les vertiges, l'égarement de la vue, le bourdonnement des oreilles & des syncopes succéderent. Le médecin lui versa de tems à autre dans la bouche quelques gouttes d'esprit de corne-de-cerf ; & dans les intervalles des vomissemens, il lui faisoit prendre une quarantaine de gouttes de sel volatil & de teinture de safran dans du vin : enfin il lui prescrivit du petit-lait avec du vin d'Espagne & un peu de thériaque. La crise de la maladie se termina par une douce chaleur, accompagnée d'une sueur modérée & d'un sommeil de quelques heures.

Il paroît que la nature de ce poison végétal est d'intercepter la circulation du sang & des esprits, & qu'en conséquence les sels volatils de corne-de-cerf, les vomitifs tempérés, le posset du vin d'Espagne, la teinture de safran & la thériaque conviennent beaucoup pour y porter remede. (D.J.)


NAPHTES. m. (Hist. nat. Minéral.) en latin naphta. C'est le nom que les Naturalistes donnent à un bitume blanc, transparent, très-fluide & léger qui surnage à l'eau. Cette substance est très-inflammable, au point d'attirer le feu même à une certaine distance ; son odeur est pénétrante ; elle brûle sans laisser aucun résidu.

Il est très-rare de trouver du naphte dans cet état de pureté : la substance à qui on donne communément ce nom, est d'un jaune plus ou moins clair ; c'est-à-dire, de la couleur du succin, & alors elle ne paroît point si pure que celle qui est parfaitement blanche.

Le naphte doit son origine à des arbres résineux ensevelis sous terre, ainsi que les autres substances bitumineuses, le charbon de terre, le jais, le succin, &c. la seule différence vient de ce que la substance qui produit le naphte semble avoir été filtrée, fondue &, pour ainsi dire, distillée dans l'intérieur de la terre ; en effet, ce bitume a beaucoup de rapport avec les huiles essentielles que la Chimie tire de certaines plantes. M. Rouelle croit que le naphte le plus pur & le plus clair vient du succin ; selon ce savant chimiste, les embrasemens souterreins ne se manifestent point toujours par des effets sensibles & éclatans, ils agissent souvent paisiblement & sans produire d'éruptions dans le sein de la terre ; alors ils peuvent distiller &, pour ainsi dire, rectifier les substances bitumineuses solides qui s'y trouvent, les rendre fluides, les forcer à s'élever & à suinter au-travers des couches de la terre & des pierres-mêmes, & alors ces substances ainsi élaborées se montrent sous la forme de naphte, c'est-à-dire, d'une huile ténue & légere que l'on trouve quelquefois nageante à la surface des eaux thermales.

Cette conjecture très-vraisemblable paroît confirmée par plusieurs faits. En effet, on nous apprend que dans le voisinage d'Astrakan, pour avoir du naphte, on n'a que la peine de creuser des puits, qui ne tardent point à se remplir de ce bitume liquide. On s'en sert dans le pays au lieu d'huile pour le brûler dans les lampes, & même au lieu de bois, qui est très-rare, pour se chauffer & pour cuire les alimens. Pour cet effet, on ne fait que jetter sur l'âtre des cheminées quelques poignées de terre, on les arrose de naphte auquel on met le feu ; il s'allume sur le champ ; & avec la précaution de remuer ce mélange, on parvient à cuire les viandes plus promptement qu'on ne feroit avec du bois. Il est vrai que par ce moyen toutes les maisons se trouvent remplies de noir-de-fumée & d'une odeur désagréable pour tout autre que des tartares.

A une lieue de l'endroit où sont ces puits d'où l'on tire le naphte, est un lieu appellé Baku, où le terrein brûle perpétuellement. C'est un espace qui a environ un demi-quart de lieue de tour. Le terrein n'y paroît point visiblement enflammé ; pour s'appercevoir du feu il faut y faire un trou d'un demi-pié de profondeur, & alors on n'a qu'à y présenter un bouchon de paille, il s'allumera sur le champ. Les Gaures ou Persans qui adorent le feu & qui suivent la religion de Zoroastre, viennent en cet endroit pour rendre leur culte à Dieu, qu'ils adorent sous l'emblême du feu. C'est-là le feu perpétuel de Perse ; il a cela de particulier qu'il ne répand, en brûlant, aucune odeur, & qu'il ne laisse point de cendres. Ce détail est tiré d'une lettre allemande, datée d'Astrakan le 2 de Juillet 1735, & insérée dans un ouvrage de M. Zimmermann, intitulé Académie minéralogique.

On trouve encore du naphte en plusieurs endroits de la Perse, de la Chine, de l'Italie, & sur-tout aux environs de Modene. On en trouve aussi en Allemagne & en France ; mais il n'a que rarement la limpidité & la transparence du naphte le plus pur. (-)


NAPITIA(Géog. anc.) ville de la Calabre dans le pays des Brutiens. Scipion Mazella prétend que Napitia est aujourd'hui Pizzo, château de la Calabre ultérieure au royaume de Naples, dans le golfe Hipponiate, qui est aussi nommé Napitinus sinus, vulgairement le golfe de sainte - Euphémie, environ à 6 milles nord d'Hipponium.


NAPLES(Géogr.) belle, grande & ancienne ville d'Italie sur un petit golfe. On sait qu'elle est la capitale & la métropole du royaume auquel elle donne son nom, avec un archevêché, une université & des châteaux pour sa défense.

L'avantage de sa situation & la douceur de son climat l'ont toujours faite regarder comme le séjour des délices & de l'oisiveté ; otiosa Neapolis, c'est l'épithete que lui donne Horace : In otia natam Parthenopem, dit Ovide. Les Napolitains étoient autrefois ce qu'ils sont aujourd'hui, épris de l'amour du repos & de la volupté.

Le nom grec de Naples, , veut dire la nouvelle ville, pour la distinguer de la petite ville Paloepolis, c'est-à-dire l'ancienne ville, qui en étoit peu éloignée ; ou plutôt les Chalcidiens originaires de l'Attique, envoyerent des colonies en Italie, qui fonderent la ville de Cumes, dont une partie des habitans se détacha bien-tôt après pour élever une autre ville qu'ils nommerent la ville neuve. Elle fut appellée Parthénope, à cause, disent quelques-uns, de Parthénope fille d'Euméléus roi de Thessalie, qui y mena une colonie des états de son pere. Quoi qu'il en soit, Naples passe pour être plus ancienne que la ville de Rome, à laquelle neanmoins elle se soumit. Elle lui garda toujours inviolablement la fidélité, & en reconnoissance, la république & les empereurs la mirent au nombre des villes libres & confédérées.

Malgré les assauts terribles que Naples a essuyés, c'est encore une des belles villes du monde, & une des plus également belles. Elle est toute pavée d'un grand carreau d'échantillon. La plûpart de ses maisons sont à toits plats, & d'une structure uniforme. La mer y fait un petit golfe qui l'arrose au midi, & vers le nord elle a de riches côteaux, qui montent insensiblement à la campagne-heureuse. Plusieurs de ses églises sont magnifiques, & enrichies des ouvrages des grands peintres. Le dôme de l'église des Jésuites est de la main de Lanfranc : la Nativité, du Guide, & en outre quatre tableaux de la cene, qui sont de l'Espagnolet, d'Annibal Carrache & de Paul Véronese, ornent le choeur de l'église de S. Martin.

Mais les richesses prodigieuses ensevelies dans les églises de Naples, les dépenses excessives que fait cette ville pour l'entretien du prince & des garnisons, enfin le nombre exorbitant de couvens, de monasteres, de prêtres, de religieux & de religieuses qui fourmillent dans cette ville, la consument & l'appauvrissent tous les jours davantage. Si l'on y compte près de trois cent mille ames, il y en a cinquante mille qui ne vivent que d'herbes, & qui n'ont pour tout bien que la moitié d'un habit de toile. Ces gens-là également pauvres & misérables, tombent dans l'abattement à la moindre fumée du Vésuve. Ils ont la sottise de craindre de devenir malheureux, dit l'auteur de l'Esprit des lois ; cependant il est difficile de ne pas appréhender que la ville de Naples ne vienne à crouler, & à disparoître un jour comme Herculanum. Cette ville est toute creusée par-dessous, & bâtie sur un grand nombre de vastes cavernes, où se trouvent des abîmes d'eau & de matieres combustibles, qui ne peuvent à la fin que s'enflammer, & renverser Naples de fond en comble, par quelque affreux tremblement de terre ; ajoutez-y le voisinage du volcan & ses terribles éruptions.

Naples arrosée par la petite riviere que les anciens nommoient Sebethus, aujourd'hui le Fornello, est à 43 lieues S. E. de Rome, 70 N. E. de Palerme, 86 S. E. de Florence, & 120 S. E. de Venise. Long. suivant Cassini, 32. 11. 30. lat. 40. 48.

C'en est assez sur la Parthénope moderne ; parlons à présent de quelques gens célebres dans les lettres & dans les arts dont elle a été la patrie ; car leurs noms embellissent l'article de cette ville.

Paterculus Caïus (d'autres disent Publius ou Marcus) Velleïus, historien latin du premier ordre, naquit, selon les apparences, l'an de Rome 735. Il occupa les emplois qu'il pouvoit se promettre par ses talens distingués & par son illustre naissance. Il fut tribun des soldats, commanda la cavalerie des légions en Allemagne sous Tibere, suivit ce prince pendant neuf ans dans toutes ses expéditions, en reçut des récompenses honorables, & devint préteur de Rome l'année de la mort d'Auguste ; c'est ce qu'il nous apprend lui-même avec une tournure qui montre la finesse & la délicatesse de son esprit : Quo tempore, dit-il, mihi fratrique meo, candidatis Caesaris proximè à nobilissimis ac sacerdotibus viris, destinari praetoribus contigit ; consecutis ut neque post nos, quemquam D. Augustus, neque ante nos Caesar commendaret Tiberius. lib. II. cap. CXXIV.

Il étoit éclairé par des voyages dans les provinces de Thrace, de Macédoine, d'Achaie, de l'Asie mineure, & d'autres régions encore plus orientales, principalement sur les deux bords du Pont-Euxin ; on peut juger de-là combien nous devons regretter la perte de l'histoire entiere & étendue qu'il promet si souvent, & qui devoit renfermer toutes ces choses, dont il avoit été non-seulement témoin oculaire, mais en partie exécuteur ; cependant dans l'abrégé incomplet de l'Histoire romaine qui nous reste de cet homme célebre, on y apprend beaucoup de particularités, d'autant plus estimables, qu'elles ne se trouvent point ailleurs, soit par le silence des autres historiens, soit par la perte trop ordinaire d'une partie de leurs travaux. Il y marque avec exactitude l'origine des villes & des nouveaux établissemens, & tous ses portraits des grands hommes sont de main de maître.

Son style enchanteur est du beau langage du siecle d'Auguste. Il excelle sur-tout quand il blâme ou loue ceux dont il parle ; c'est toujours dans les plus beaux termes & avec les expressions les plus délicates. J'aime beaucoup le discours qu'il met dans la bouche du fils de Tigranes à Pompée pour se le rendre favorable ; mais entre toutes les figures de rhétorique dont il se sert, il emploie l'épiphonème à la fin de ses narrations avec tant de grace & de jugement, que personne ne l'a surpassé dans cette partie ; comme personne n'a jamais loué plus dignement Ciceron, qu'il le fait dans ce bel endroit de ses écrits, où il avoue que sans un tel personnage, la Grece vaincue par les armes romaines, auroit pû se vanter d'être victorieuse par la force de l'esprit.

On blâme néanmoins Velleïus Paterculus, & avec raison, d'avoir prostitué sa plume aux louanges d'un Tibere & d'un Séjan ; mais voilà ce qui doit toujours arriver aux écrivains qui travailleront pour donner pendant leur vie l'histoire de leur tems, celle des princes, ou de ceux de qui les fils regnent encore.

L'ouvrage de Velleïus Paterculus a été publié pour la premiere fois par Rhénanus en 1520, & depuis lors on en a fait grand nombre d'éditions : je ne les citerai point ici, c'est assez de remarquer que celle de Dodwelt à Oxfort en 1693, in -8°. est d'autant meilleure que ses Annales velleïani qu'il a mises à la tête, sont un morceau précieux de littérature, par la vaste connoissance de l'antiquité qui s'y rencontre. Mais si nous avons d'excellentes éditions de Paterculus, nous n'avons point de bonnes traductions en aucune langue de cet habile historien. M. Doujat en donna une version françoise en 1679, & suppléa à ce qui manque dans l'original. Il devoit plutôt songer à perfectionner sa traduction, car il siéroit mal à un chinois, dans mille ans d'ici, de remplir les vuides de l'Histoire de Louis XIV. de Pélisson.

Stace, célebre poëte, né & mort à Naples, fleurissoit sous l'empereur Domitien ; nous réservons son article au mot POEME EPIQUE.

Entre les modernes, je trouve d'abord Majus (Junianus) qui vivoit dans le XV. siecle, & qui ne dédaigna point, quoique gentilhomme, d'enseigner les belles-lettres dans sa patrie. Il eut entr'autres disciples le célebre Sannazar, qui en poëte reconnoissant, éleve jusqu'au ciel les talens de son maître. Il est sûr qu'il contribua par ses leçons & par ses livres, à rétablir le bel usage de la langue latine. Son traité de proprietate priscorum verborum, parut à Naples en 1475, & nous apprenons par cette édition, que celui qui commença d'exercer l'imprimerie dans cette ville, étoit un allemand nommé Matthias le Morave. Mais Majus se distingua sur tout par l'explication des songes. Ce fut le plus grand oneirocritique de son siecle, & l'on recouroit à lui de toutes parts, pour savoir ce que présageoit tel ou tel songe. C'est une triste & ancienne maladie des hommes, d'avoir imaginé qu'il y a des songes qui présagent l'avenir ; car la plûpart des personnes qui sont une fois imbues de cette extravagance, se persuadent que les images qui leur passent dans l'esprit pendant leur sommeil, sont autant de prédictions menaçantes, & pour un fou qui les envisage du côté favorable, il y en a cent qui les considerent comme des augures malheureux.

Sannazar (Jacques) né en 1458, s'est fait un nom considérable par ses poësies latines & italiennes : il a composé en latin des élégies, des églogues, & un poëme sur les couches de la sainte Vierge, qui est estimé malgré le mêlange qui s'y trouve des fictions de la fable avec les mysteres de la religion. Son Arcadie est la plus célebre de ses pieces italiennes : les vers & la prose de cet ouvrage plaisent par la délicatesse des expressions, & par la naïveté des images. Il mourut en 1530. Ses oeuvres latines ont été publiées à Amsterdam en 1689, & plus complete ment à Naples en 1718, avec l'éloge de l'auteur à la tête. Il se fit appeller Actius Syncerus Sannasarius, selon l'usage des savans de son tems, qui changeoient volontiers leur nom. Il se composa lui-même l'épitaphe suivante :

Actius hic situs est, cineres gaudete sepulti :

Jam vaga post obitus umbra dolore vacat.

Bembo lui fit celle-ci qui est d'une latinité plus pure.

Da sacro cineri illi flores ; hic ille Maroni

Syncerus Musâ proximus, & tumulo.

Marini (Jean-Baptiste) connu sous le nom de Cavalier marin, naquit à Naples en 1569, & se fit de la réputation par ses poësies italiennes ; on estime sur-tout son poëme d'Adonis : il est mort en 1625.

Borelli (Jean Alphonse) célebre mathématicien, est connu de tous les gens de l'art par deux excellens traités, l'un de motu animalium, & l'autre de vi percussionis, imprimé à Rome en 1680, in-4 °. Il mourut dans cette ville le 31 Décembre 1699.

Gravina (Janus Vincentius) littérateur & célebre jurisconsulte, a été successivement comblé de bienfaits par Innocent XII. & par Clément XI. Il mourut à Rome en 1718, à 58 ans. La meilleure édition de ses ouvrages est celle de Leipsic en 1737, in -4°. avec les notes de Mascovius : on regarde ses trois livres de l'origine du Droit, originum Juris, libri tres, comme le plus excellent traité qui ait paru jusqu'ici sur cette matiere.

Je puis nommer certainement trois grands artistes napolitains, l'un en Peinture, l'autre en Sculpture, & le troisieme en Musique.

Rosa (Salvator) peintre & graveur, naquit en 1615, il a fait des tableaux d'histoire, mais il a principalement réussi à peindre des combats, des marines, des sujets de caprice, des animaux, des figures de soldats, & sur-tout des paysages, dans lesquels on admire le feuiller de ses arbres ; on a aussi quelques morceaux gravés de sa main qui sont d'une excellente touche. Il mourut à Rome en 1673.

Bernini (Jean-Laurent, surnommé le Cavalier) né en 1598, mort en 1680, étoit un génie bien rare par ses talens merveilleux dans la Sculpture & l'Architecture. Il a embelli Rome de plusieurs monumens d'architecture qui font l'admiration des connoisseurs ; tels sont le maître autel, le tabernacle, & la chaire de l'église de saint Pierre, la colonade qui environne la place de cette église, les tombeaux d'Urbain VIII. & d'Alexandre VII. la statue équestre de Constantin, la fontaine de la place Navonne, &c. tous ces ouvrages ont une élégance, une expression dignes de l'antique. Personne n'a donné à ses figures plus de vie, plus de tendresse, & plus de vérité. Louis XIV. l'appella à Paris en 1665, pour travailler au dessein du Louvre, & le récompensa magnifiquement, quoique les desseins de Claude Perrault aient été préférés aux siens pour la façade de ce bâtiment du côté de saint Germain l'Auxerrois.

Le Pergolèse, un des plus grands musiciens de ce siecle : son mérite supérieur & prématuré parut un crime aux yeux de l'envie. On sait que l'école de Naples est la plus féconde en génies nés pour la musique, mais personne ne l'a porté plus loin que le Pergolèse, dans l'âge où l'on est encore sous la discipline des maîtres ; par la facilité de la composition, la science de l'harmonie, & la richesse de la mélodie. Sa musique parle à l'esprit, au coeur, aux passions. Ses ouvrages sont des chefs-d'oeuvre, la serva Padrona ; il maestro di musica intermedes ; un Salve regina, & le Stabat mater, qu'on regarde comme son chef-d'oeuvre ; il est mort à l'âge de 22 ans, en finissant la musique du dernier verset. (D.J.)

NAPLES, royaume de, (Géog.) grand pays d'Italie, dont il occupe toute la partie méridionale. Il est borné au N. O. par l'état ecclésiastique, & de tous les autres côtés par la mer. Il a environ 300 milles de longueur, & près de 80 milles de largeur. Les tremblemens de terre y sont fréquens, mais d'ailleurs c'est une contrée délicieuse, où l'air est très-sain, & la terre très-fertile en grains, vins, & fruits excellens. On divise ce royaume en douze parties, savoir la terre d'Otrante, celle de Bari, la Capitanate, le comté de Molise, l'Abruzze ultérieure & citérieure, la Basilicate, la Principauté citérieure & ultérieure, la terre de Labour. Il y a quantité de fleuves, mais qui doivent tous être considérés comme des torrens.

Cet état, le plus grand de l'Italie, passa dans le v. siecle de la domination des Romains à celle des Goths, ensuite les Lombards en furent les maîtres, jusqu'à ce que leur roi Didier eût été vaincu & pris par Charlemagne. Les enfans de ce grand empereur partagerent cet état avec les Grecs, qui n'y voulurent point de compagnons, & prirent la part des autres. Les Sarrasins leur en enleverent une grande partie vers la fin du ix. siecle & au commencement du x. Ils y étoient très-puissans, lorsque dans le siecle suivant, les enfans de Tancrède, gentilhomme normand, les en chasserent. Les descendans de ceux-ci y regnerent jusqu'à Guillaume III. qui ne laissa point d'enfans. Constance, fille posthume de Roger, duc de la Pouille, porta cette riche succession à l'empereur Henri VI.

Après la mort de Conrad leur petit-fils en 1257, Mainfroi son frere bâtard, fut reconnu pour son héritier : mais Charles de France, frere de S. Louis, comte d'Anjou, de Provence, &c. ayant été investi du royaume de Naples & de Sicile par le pape Clément IV. en 1265, défit & tua Mainfroi l'année suivante ; ensuite ayant pris dans une bataille en 1268 le jeune Conradin, véritable héritier du royaume de Naples, il fit trancher la tête à ce prince, ainsi qu'à son parent Frédéric, duc d'Autriche, au-lieu d'honorer leur courage ; enfin il irrita tellement les Napolitains par ses oppressions, que les François & lui furent en horreur.

Le sang de Conradin & de Mainfroi fut vengé, mais sur d'autres que celui qui l'avoit répandu. Pierre III. roi d'Aragon, qui avoit épousé Constance, fille de Mainfroi, fit égorger à Palerme tous les François en 1282, le jour de Pâques, au premier coup du son des vêpres. Ce massacre servit à attirer encore de nouveaux malheurs à ces peuples d'Italie, qui nés dans le climat le plus fortuné de la terre, n'en étoient que plus misérables ; de-là commença les fameuses querelles des deux maisons, d'Anjou & d'Aragon, dont on sait l'histoire. C'est assez de dire ici que Jeanne II. fille de Charles de Duras, qui s'étoit établie sur le trône de Naples, adopta Alphonse V. roi d'Aragon l'an 1420. Celui-ci y laissa en mourant Fernando son fils naturel : la bâtardise n'excluoit point alors du trône. C'étoit une race bâtarde qui regnoit en Castille ; c'étoit encore la race bâtarde de dom Pedro le Sévere qui étoit sur le trône de Portugal ; Fernando regnant à ce titre dans Naples, avoit reçu l'investiture du pape, au préjudice des héritiers de la maison d'Anjou qui réclamoient leurs droits ; mais il n'étoit aimé ni du pape son suzerain, ni de ses sujets. Il mourut en 1494, laissant une famille infortunée, à qui Charles VIII. ravit le trône, sans pouvoir le garder, & qu'il persécuta pour son propre malheur.

La destinée des François, qui étoit de conquérir Naples dans le XV. siecle, étoit aussi d'en être chassés. Gonsalve de Cordoue, qui mérita si bien le titre de grand capitaine, & non de vertueux, trompa d'abord les troupes de Louis XII. & ensuite les vainquit. Louis XII. perdit sa part du royaume de Naples sans retour. Nous avons une bonne histoire de toutes ces révolutions par Giannone traduite en françois, en quatre volumes in -4°.

Ce royaume passa au roi d'Espagne Philippe V. en 1700, & tomba en 1705 entre les mains de l'Archiduc Charles, depuis empereur, sous le nom de Charles VI. il fut donné par le traité de Vienne en 1736, à l'infant dom Carlos qui le posséde aujourd'hui conjointement avec le royaume d'Espagne.

Ce royaume est un fief de l'Eglise, dont le possesseur rend tous les ans au pape le tribut d'une bourse de sept mille écus d'or & d'une haquenée blanche. C'est-là un témoignage encore subsistant de ce droit que les pontifes de Rome surent prendre autrefois avec tant d'art, de créer & de donner des royaumes. (D.J.)

NAPLES, golfe de, (Géog.) le golfe, ou la baie de Naples, est une des plus agréables qu'on puisse voir ; elle est presque ronde, d'environ trente milles de diamêtre. Les côtés sont couverts de forêts & de montagnes. Le haut promontoire de Surrentum sépare cette baie de celle de Salerne. Entre l'extrêmité de ce promontoire & l'île de Caprée, la mer se fait jour par un détroit large d'environ trois milles. Cette île est comme un vaste mole fait pour rompre la violence des vagues qui entrent dans le golfe. Elle est en long, presque dans une ligne parallele à Naples. La hauteur excessive de ses rochers sert d'abri contre une grande partie des vents & des ondes. La baie de Naples est appellée le Crater par les anciens géographes, probablement à cause de sa ressemblance à une boule à moitié pleine de liqueur.

Virgile qui composoit à Naples une partie de son énéide, a pris sans doute de cette baie le plan de ce beau havre, dont il donne la description dans son premier livre, car le port Lybien n'est que la baie de Naples en petit.

Est in secessu longo locus, insula portum

Efficit objectu laterum, quibus omnis ab alto,

Frangitur, inque sinus scindit sese unda reductos :

Hinc atque hinc vastae rupes geminique minantur

In coelum scopuli, quorum sub vertice late,

Aequora tuta silent, tum sylvis scena coruscis,

Desuper, horrentique antrum nemus imminet umbra, &c.

Aeneid. l. I. v. 163.

" On voit dans l'éloignement une baie assez profonde, & à son entrée une île qui met les vaisseaux à l'abri des vents, & forme un port naturel. Les flots de la mer se brisent contre le rivage ; à droite & à gauche sont de vastes rochers, dont deux semblent toucher le ciel, tandis qu'ils entretiennent le calme dans le port ; de l'autre côté s'éleve une épaisse forêt en forme d'amphithéâtre : c'est dans cette rade que les vaisseaux n'ont besoin ni d'ancres, ni de cables pour se garantir de la fureur des aquilons ".

Ce golfe étoit nommé par les Grecs un vase, un bassin, à cause de sa forme. Ciceron l'appelle delicatus, parce que Bayes, l'endroit le plus délicieux de toute l'Italie, étoit située sur ce golfe ; les grands de Rome, & Ciceron en particulier, y avoient des maisons de plaisance. (D.J.)

NAPLES, gros de, (Soier.) Voyez l'article GROS DE TOURS.


NAPLOUSE(Géog.) ancienne ville de la Palestine, dans une vallée fertile en oliviers. Elle est à 10 lieues N. de Jérusalem : c'est la même que Sichem ou Pichari de l'Ecriture. Cette ville a eu le nom de Flava caesarea, que lui donna l'empereur Flavien-Domitien ; on en a des médailles avec des inscriptions abrégées. Flaviae neapolis syriae palaestinae ; enfin elle fut simplement nommée Neapolis, d'où vient que les Arabes l'appellent Naplos. Elle est sans murailles, sans portes, au fond d'une vallée entre deux montagnes. On y trouve encore quelques juifs samaritains. Voyez Thevenot & le pere Nau, Voyage de la Terre-Sainte. Long. 56. 40. lat. 31. 45.


NAPOLI(Géog.) ville de Grece dans l'ancienne Argie, qui est aujourd'hui la Saccania ou la Romanie mineure, riche contrée de la Morée. De toutes les villes de l'ancienne Argie, Napoli est pour ainsi dire la seule qui ait conservé jusqu'à présent les restes de sa premiere splendeur. Les anciens l'appelloient Anaplia, & Ptolémée l. III. c. xvj. la nomme Nauplia navale. Cette ville fut bâtie par Nauplio, fils de Neptune & d'Amimone, dans l'endroit le plus reculé du golfe, appellé communément le golfe de Napoli, & par Ptolémée Argolicus sinus, sur le haut d'un petit promontoire qui se sépare en deux pointes. Son port est très-bon. Elle est habitée par des Turcs, des Grecs & des Juifs : ces derniers, à ce que prétend la Guilletiere, ont inventé l'art de lire dans la main sans aucun secours de la chiromancie. Quand deux hommes veulent faire quelque complot secret devant le monde, de tromper les témoins, ils tiennent tous deux les mains couchées sur l'estomac, ensuite feignant de faire un geste d'étonnement ou de joie, selon la nature des affaires & le sujet de la conversation, ils levent le bras, & se montrent plus ou moins de doigts ouverts, de la maniere qu'ils ont concertée : c'est ainsi qu'ils expliquent leurs pensées en assûrance.

Napoli a un petit château & un archevêque grec. Elle a passé sous la domination de différens princes. Elle fut prise en 1205 par les Venitiens. En 1539, la république l'abandonna au grand-seigneur pour acheter la paix. Elle la reprit en 1686, mais Napoli retourna aux Turcs en 1715.

Elle est située à 19 lieues N. E. de Misitra, 21 S. O. d'Athenes. Long. 40. 59. lat. 37. 45. (D.J.)


NAPOULE(Géog.) ce nom est commun : 1°. à un golfe dans la mer Méditerranée sur la côte de France, à l'entrée duquel sont les îles de Ste Marguerite & de S. Honorat ; 2°. au cap entre lequel est le golfe ; 3°. au village qui est sur la côte occidentale du même golfe. Quelques-uns ont cru que le village nommé la Napoule, étoit l'ancienne Athénopolis.


NAPPE(Littérat.) les Latinistes se sont fort tourmentés sur le nom latin de nappe ; les uns disent mappa, d'autres mantile. Il est vrai que quand ces deux mots sont ensemble, le premier signifie une nappe, & le second une serviette ; mais quand on les a employés séparément, on leur a donné indifféremment l'une & l'autre signification. Mappa signifie en général tout le linge de table que devoit fournir le maître du repas, c'est-à-dire les nappes qui couvroient les tables, & quelquefois les lits & les serviettes dont on se servoit pour s'essuyer les mains avant que de se mettre à table ; car pour ce qui est des serviettes que les convives avoient devant eux pendant le repas, l'usage étoit que chacun les apportât de chez soi, comme il paroît par deux épigrammes, dont l'une est de Catulle & l'autre de Martial. (D.J.)

NAPPE, (Venerie) c'est la peau des bêtes fauves, & principalement celle du cerf qu'on étend quand on veut donner la curée aux chiens.

Nappe se dit de la partie la plus déliée d'un filet.

La nappe dans un tramail est la toile du milieu qui a de petites mailles de fil délié qui entre dans les grandes mailles, & qui sert à y engager le gibier qui donne dedans.

On appelle nappes les filets à prendre des alouettes au miroir, les ortolans & les canards sauvages dans l'eau ; ce sont deux longues paires de filets quarrés, & à-peu-près égaux ; on les tend bien roides avec des piquets, en laissant entre les nappes autant d'espace qu'elles en peuvent couvrir en se refermant comme les deux battans d'une porte, ce qui se fait par le moyen de deux cordes attachées au bout des battans qui viennent se réunir en une, & sont tirées par un homme caché qui ferme les nappes quand il voit les oiseaux à portée d'y être enveloppés.

Les mailles des nappes aux ortolans ne doivent avoir que trois quarts de pouce, celles des alouettes un pouce, & celles des canards trois pouces ; le filet doit avoir douze toises de long, les nappes pour les alouettes & les ortolans ne passent guere neuf toises de longueur.

NAPPE-D'EAU, s. f. (Arch. hydr.) espece de cascade dont l'eau tombe en forme de nappe mince sur une ligne droite (telle est celle qui est à la tête de l'allée-d'eau à Versailles) ou sur une ligne circulaire, comme le bord d'un bassin rond. Les plus belles nappes sont celles qui sont les plus garnies, mais elles ne doivent pas tomber d'une grande hauteur, parce qu'elles se déchirent. Pour éviter ce déchirement, on ne doit donner aux grandes nappes que deux pouces d'eau par chaque pié courant, & un pouce aux petites nappes des buffets & pyramides. Lorsqu'on n'a pas assez d'eau pour suivre ces proportions, on déchire la nappe ; ce qui se fait en pratiquant sur les bords de la coquille ou de la coupe des ressauts de pierre ou de plomb, de maniere que l'eau ne tombe que par lames ; & ces lames d'eau n'ont guere moins d'agrément qu'une belle nappe, quand elles sont bien ménagées. (D.J.)

NAPPE DE BOUCHERIE, terme de Boucherie, ce qu'on appelle nappe de boucherie est un morceau de toile blanche de deux ou trois aunes de long ou moins, & de trois quarts de large, que les Bouchers attachent à la tringle, où ils suspendent avec des allonges les pieces de viande à mesure qu'ils la dépecent.


NAR(Géog. anc.) riviere de l'Umbrie ; elle coule entre l'Umbrie & le pays des Sabins, & se décharge dans le Tibre. Le mot de nar dans la langue des Sabins signifioit du soufre ; c'est pourquoi Virgile dit sulphureâ nar albus aquâ, les eaux blanches & sulphureuses du Nar. Tacite, Annal. l. I. c. lxxix, dit que le lac Vélinus (aujourd'hui Lago di pie di Luco) y décharge ses eaux. Le Nar donna son nom, suivant Tite-Live, l. X. c. x, à une colonie que les Romains envoyerent dans l'Umbrie. Cette riviere, selon Léandre, s'appelle aujourd'hui la Négra ; d'autres disent la Néra.


NARA(Géog.) ville du Japon dans l'île de Niphon, à 10 lieues nord de Méaco. Long. 150. 50. lat. 36. 10. (D.J.)


NARAGGARITANUS(Géog. anc.) siege épiscopal d'Afrique, dans la province proconsulaire. Dans une lettre synodale des évêques de cette province au concile de Latran, on lit entre les souscriptions, Benenatus episcop. ecclesiae Naraggaritanae. C'est la bonne orthographe, car Ptolémée, lib. IV. cap. iij. nomme la ville Naraggara. Tite-Live, lib. XXX. cap. xxix. l'appelle Nadagara. Antonin la met entre Tagaste & Sica veneria, à vingt-cinq milles pas de la premiere, & à trente-deux milles de la seconde.


NARANGIA(Géog.) ville d'Afrique au royaume de Fez, dans la province de Habad, à 3 milles d'Ezagen près du fleuve Licus.


NARBASI(Géog. anc.) nation qui selon Ptolémée, lib. II. cap. vj. se trouvoit entre les peuples de l'Espagne Tarragonoise. Il donne à cette nation une ville appellée Forum Narbasorum. Ses interpretes la prennent pour Aruas, entre Léon & Oviédo.


NARBATENE(Géog.) canton de la Palestine, auquel la ville de Narbata qui en étoit la capitale, donnoit le nom. ce canton selon Josephe, de bello, lib. II. c. xxij. étoit voisin de Césarée de Palestine.


NARBO MARTIUS(Géog. anc.) fleuve de la Gaule selon Polybe, liv. III. chap. xxxvij. qui par ce mot, paroît avoir entendu la riviere de Narbonne, c'est-à-dire l'Atax, aujourd'hui l'Aude, à l'embouchure de laquelle Strabon dit que Narbonne est située.


NARBONNE(Géog. anc. & mod.) en latin Narbo ; ville de France dans le bas Languedoc, avec un archevêché dont celui qui en est revêtu, se dit primat, & préside aux états de Languedoc. Narbonne est à 12 lieues N. E. de Perpignan, 17 S. O. de Montpellier, 45 S. O. de Toulouse, & 160 S. E. de Paris. Long. selon Cassini, 20. 32. 30. lat. 43. 11.

Mais cette ville mérite que nous entrions dans de plus grands détails. Elle est située sur un canal tiré de la riviere d'Aude, qu'on appelle en latin Atax : elle est à 2 lieues de la mer près du lac nommé par Pline & par Méla Rubresus ou Rubrensis, & en françois l'étang de la Rubine. Il formoit autrefois un port dans lequel les vaisseaux abordoient, ce qui procuroit aux états de Narbonne le moyen de faire un grand commerce dans toutes les provinces qui sont sur la mer Méditerranée jusqu'en Egypte ; mais il y a longtems que ce port a été bouché, la mer s'étant retirée de ses côtes où les navires ne peuvent plus aborder à cause des bas-fonds.

Narbonne a donné son nom à la province ou Gaule-narbonnoise dont elle étoit la capitale, & à cette partie de la mer Méditerranée qui mouilloit les côtes de la province narbonnoise, & que Strabon appelle mare Narbonense. Cette ville étoit la plus ancienne colonie des Romains dans la Gaule-transalpine. Elle fut fondée l'an de Rome 636, sous le consulat de Porcius & de Marcius, par l'orateur Licinius Crassus, qui avoit été chargé de la conduite de la colonie.

Il donna à Narbonne, en latin Narbo, le surnom de martius & de decanorum colonia, à cause qu'il y établit des soldats vétérans de la dixieme légion surnommée Martia. Narbonne fut pendant quelque tems un boulevard de l'empire romain contre les nations voisines qui n'étoient pas encore soumises ; c'est Ciceron qui nous l'apprend dans son oraison pour Fonteïus. Pomponius Mela qui vivoit sous l'empereur Claude, parle de cette ville comme d'une colonie qui l'emportoit sur les autres ; voici ses termes : sed ante stat omnes Atacinorum Decumanorumque colonia, unde olim his terris auxilium fuit, nunc & nomen & decus est Martius Narbo. On voit par-là que Narbonne s'appelloit non-seulement decumanorum, mais Atacinorum colonia, à cause de la riviere Atax ou Aude, sur laquelle cette ville avoit été bâtie. On nommoit en conséquence ses habitans Attacini.

Narbonne après les premiers Césars, fut obligée de céder la primatie à Vienne sur le Rhône, à qui les Romains avoient donné de grandes prérogatives ; mais depuis Constantin, Narbonne fut reconnue la métropole de tout le pays qui est entre le Rhône & la Garonne.

Cette ville vint au pouvoir des Visigoths sur la fin du regne de Valentinien III. au milieu du v. siecle, & ils l'ont conservée jusqu'à la mort de leur dernier roi Rodoric, tué en Espagne par les Sarrasins. Ces derniers conquérans ayant passé les Pyrénées l'an 721, ils établirent une colonie de mahométans à Narbonne, qui devint leur place d'armes au-deçà des Monts ; enfin ils en furent chassés par Charlemagne. Lors du déclin de la race de ce prince, les comtes de Toulouse & de Carcassone, & même plusieurs vicomtes, eurent part à la seigneurie de Narbonne & de son territoire ; mais l'archevêque y dominoit principalement, ce qui dura jusqu'à la fin de l'onzieme siecle. On sait la suite de l'histoire de Narbonne. Jeanne d'Albret apporta les droits du vicomté de Narbonne à Antoine de Bourbon, pere d'Henri IV. roi de France, qui réunit à la couronne ses biens patrimoniaux.

Il y avoit autrefois à Narbonne grand nombre de bâtimens antiques, un capitole, un cirque, un amphithéâtre, &c. mais tout cela a été ruiné, & on s'est servi des matériaux pour bâtir les fortifications de cette ville, qui étoit un boulevard de la France dans le tems que les Espagnols occupoient Perpignan. Cependant Narbonne a encore conservé un plus grand nombre d'inscriptions antiques qu'aucune ville des Gaules, & on y en déterre de tems à autre ; mais il n'y reste pas la moindre trace de ses anciens monumens.

Cette ville est située dans un fonds environné de montagnes qui la rendent des plus bourbeuses pour peu qu'il y pleuve. Bachaumont & Chapelle l'éprouverent sans doute, lorsqu'ils apostropherent ainsi cette ville dans un moment de mauvaise humeur.

Digne objet de notre courroux,

Vieille ville toute de fange,

Qui n'es que ruisseaux & qu'égouts,

Pourrois tu prétendre de nous

Le moindre vers à ta louange ?

L'archevêché de Narbonne est considérable par son ancienneté, & c'étoit autrefois le seul qu'il y eût dans le Languedoc ; par sa primatie ; par son droit de présider aux états de la province ; & par son revenu qui est d'environ quatre-vingt-dix mille livres. Il a dix suffragans, & son diocese n'est cependant composé que de cent quarante paroisses. On y compte quatre abbayes d'hommes & deux de filles.

Le Fabius qu'Horace, dans sa I. satyre, liv. I. marque au coin des grands parleurs, étoit de Narbonne, & avoit composé des livres sur la philosophie stoïcienne dont il faisoit profession. Le poëte qui étoit épicurien, trouvoit apparemment plus de babil que de solidité dans ses discours.

Montanus de Narbonne, vivoit dans les commencemens de la chûte de l'éloquence romaine ; c'étoit un génie rare, mais peu exact. Ses plaidoyers couloient de la même source que ses déclamations ; il gâtoit ses pensées en les tournant de trop de manieres. Enfin ses fleurs étoient si fort entassées qu'elles fatiguoient l'admiration ; Tibere cependant craignit son éloquence, & le rélegua aux îles Baléares.

Carus (M. Aurelius) élu empereur en 282, étoit natif de Narbonne. Il est connu par des victoires sur les Sarmates & les Perses, & pour être mort d'un coup de foudre dont il fut frappé à Ctésiphonte après seize mois de regne.

Les tems modernes n'offrent à ma mémoire ni orateurs, ni gens de lettres illustres, natifs de Narbonne. Il faut pourtant en excepter Bosquet (François) évêque de Montpellier, mort en 1676, & un des plus savans prélats de France au xvij siecle. Nous avons de lui l'abregé de la jurisprudence de Psellus, qu'il traduisit du grec en latin avec des notes : Pselli synopsis legum, Paris 1632, in-8 °. Nous avons encore du même auteur, l'histoire de l'église gallicane depuis Constantin, avec ce titre : Ecclesiae gallicanae historiarum liber primus, apud Joann. Camusat, 1633 in-8 °. C'est la premiere édition ; la seconde est chez le même libraire, en 1636 in-4 °. Un passage que M. Bosquet retrancha de cette seconde édition, en la faisant réimprimer, montre que s'il menageoit les abus, il ne les ignoroit pas. Il montre, dis-je, que cet homme illustre demeuroit d'accord, que le faux zele des moines étoit la premiere cause des traditions fabuleuses, qui ont couvert d'obscurité l'origine de l'église gallicane. Voici les propres paroles du savant prelat : elles méritent de se trouver en plus d'un livre.

Primos, si verum amamus, hujusmodi zelatos monachos in Galliis habuimus. Illi simplici ac fervidâ, adeoque minus cautâ, & saepe inconsultâ religione per culsi, ad illiciendas hominum mentes, & augustiori sanctorum nomine, ad eorum cultum revocandas ; illustres eorum titulos primùm sibi, deinde crudelae plebi persuasos, proposuerunt. Ex horum officinâ, Martialis Lemovicensis apostolatus, Ursini Bituricensis discipulatus, Dionysii Parisiensis areopagitica, Pauli Narbonensis proconsularis dignitas, amborum apostoli Pauli magisterium, & in aliis ecclesiis similia prodiere. Quibus quidem sano judicio & constanti animo, Galli primùm episcopi restitere. Ast ubi ecclesiae gallicanae parentibus sanctissimis, fidei praeconibus, detractis his spoliis, injuriam fieri mentibus ingenuis & probis persuasum est, paulatim error communi consensu consurgere, & tandem antiquitate suâ, contra veritatem praescribere.

Je ne sais, dit un habile critique, si ce fut par une politique bien entendue que l'on supprima ces belles paroles dans la seconde édition. Ce retranchement ne fait-il pas voir à tout le monde, le servile ménagement qu'on a pour l'erreur, & la délicatesse excessive, ou plutôt la sensibilité scandaleuse, de ceux qui ont intérêt à maintenir le mensonge ? Après tout, un tel moyen n'est propre qu'à attirer l'attention de tout le monde sur ces paroles. Tel qui les auroit lues sans beaucoup de réflexion, apprend à les regarder comme quelque chose de la derniere importance. Enfin, on peut dire de ce passage, ce qu'un historien de Rome a dit de Brutus & de Cassius, dont les images ne parurent point dans une pompe funebre : sed praefulgebant Cassius atque Brutus, eo ipso quod effigies eorum non videbantur. Par cela même, qu'on a tâché d'éclipser le passage dont nous parlons, on lui a donné un éclat brillant & durable. (D.J.)

NARBONNE, GOLFE DE, (Géog.) en latin Narbonense mare ; c'est une partie du golfe de Lion : il commence au port ou cap de Canfranqui, & finit au cap de Cette.

NARBONNE, CANAL DE, (Archit. marit.) après qu'on eut fait dans le dernier siecle le grand canal de Languedoc, on trouva praticable l'exécution de celui de Narbonne ; & dès l'an 1684 la ville de Narbonne obtint la permission de travailler à une communication avec le grand canal. L'ouvrage fut même conduit aux deux tiers ; mais les fonds manquerent, & les malheurs de la guerre qui survint, firent suspendre l'entreprise. La postérité ne croira pas qu'un corps aussi respectable que les états de Languedoc, se soit opposé à un ouvrage intéressant, & d'autant plus nécessaire, que la communication des deux mers se trouve souvent interrompue sur le grand canal. Si le Languedoc ne connoît pas ses vrais intérêts, ou s'il veut les dissimuler, il paroît injuste qu'une nation entiere soit la victime de ses fautes. Celle-ci est de nature à faire penser qu'elle est le fruit d'une surprise, plutôt que d'un conseil dicté par de petits intérêts particuliers : ce n'est pas que le canal de Narbonne suffise seul pour faire jouir la France de tous les avantages que lui offre la communication des deux mers ; la durée du grand canal, la facilité de la navigation & l'économie du commerce, gagneront préalablement beaucoup, lorsque le roi rentrera dans cette aliénation de son domaine, ou qu'il la transportera aux états de la province qui y a contribué pour près de moitié. L'achat de la jurisdiction du canal, est la seule propriété des cessionnaires dans cet ouvrage, & n'est pas un remboursement onéreux. En attendant, il est clair que si le canal de Narbonne n'est pas utile au commerce, les entrepreneurs seuls y perdront ; & l'état aura toûjours une ville commerçante de plus : s'il est utile, il doit s'achever. L'heureuse constitution des provinces d'états, les rend responsables de tout le bien qui peut exister dans leur intérieur. Recher. sur les finances, tom. I. (D.J.)


NARBONNOISEGAULE, (Géog. anc.) en latin, Gallia Narbonensis ou provincia romana. Avant la division des Gaules par Auguste, les Romains appelloient provincia romana, tous les pays de la Gaule qui étoient compris depuis les Pyrénées, ou les frontieres d'Espagne, jusqu'aux Alpes ou jusqu'à l'Italie, & entre la mer Méditerranée, les Cevennes, le Rhône avant qu'il soit joint à la Saone, & le lac de Genève. On lui avoit donné le nom de provincia, parce qu'elle étoit la premiere & la seule province des Romains au-delà des Alpes. Lorsqu' Auguste eut fait la division des Gaules, la province romaine fut appellée Gallia Narbonensis, Gaule Narbonnoise. Pline en donne les bornes, liv. III. ch. iv. & remarque qu'elle étoit alors si peuplée de colonies romaines & de villes municipales, qu'il paroît tenté de la regarder plutôt comme l'Italie même, que comme une province dépendante de l'Italie.

Après Auguste, mais avant Constantin, la province de Narbonne fut démembrée, & forma deux autres provinces ; savoir la province des Alpes, & la province Viennoise. Enfin dans la suite, la province Narbonnoise fut divisée en premiere & seconde Narbonnoise ; mais elle fut toujours regardée comme appartenante aux Gaules, jusqu'au regne des Goths qui la mirent sous la dépendance de l'Espagne, & elle y demeura jusque près du huitieme siecle.

Si vous êtes curieux de connoître la division de la Gaule Narbonnoise du tems d'Auguste, vous la trouverez détaillée dans le P. Briet. (D.J.)


NARCÉA(Mythol.) surnom de Minerve, tiré d'un temple qui lui fut bâti en Elide par Narcée, fils de Bacchus & de la nymphe Physcoa.


NARCISSEnarcissus, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur liliacée, monopétale, campaniforme, & divisée en six parties qui entourent le milieu de la fleur en forme de couronne. Le calice qui est ordinairement enveloppé d'une gaine membraneuse, devient dans la suite un fruit oblong ou arrondi, qui a trois pointes, & qui s'ouvre en trois parties. Ce fruit est divisé en trois loges, & renferme des semences arrondies. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Le narcisse blanc automnal, & celui d'Espagne à fleur jaune, qui a six feuilles rangées en forme d'étoile, sont aussi délicats que le premier. Le petit narcisse à fleurs doubles veut une terre plus humide. Le grand narcisse, appellé le nompareil, celui des Indes à fleur-de-lys, & de couleur rouge-pâle, exigent une terre meilleure, & d'être mis dans des pots. Tous ces narcisses ont un calice qui devient un fruit partagé en trois loges enfermant des semences un peu rondes qui, outre les bulbes, en multiplient l'espece. La culture en est ordinaire.

On distingue encore le narcisse à longue tige, panaché, chargé de fleurs, & nommé cou de chameau, parce que cette plante représente en quelque sorte le col de cet animal.

Le narcisse aime mieux être élevé de cayeux que de graine ; il fleurit dans le printems. (K)

NARCISSE, s. f. (Littérat.) c'étoit, dit Sophocle, la fleur chérie des divinités infernales, à cause du malheur arrivé au jeune Narcisse. On offroit aux furies des couronnes & des guirlandes de narcisse, parce que, selon le commentateur d'Homere, les furies engourdissoient les scélerats : signifie assoupissement.

NARCISSE FONS, (Géog. anc.) en grec ; fontaine d'un village nommé Hédonacon, situé aux confins des Therpiens, selon Pausanias, liv. IX. ch. xxxj. c'est la fontaine où l'on prétendoit que Narcisse se regarda, & entra en admiration de sa figure. Ovide a décrit élégamment cette fable dans le III. liv. de ses métamorphoses. C'est une leçon utile pour nous développer les funestes effets de l'amour propre. (D.J.)


NARCISSITES. f. (Hist. nat.) c'est une pierre dont parle Pline, & dont il ne nous apprend rien, sinon que l'on y voit des veines ou taches semblables à des narcisses.


NARCISSO-LEUCOIUM(Botan.) genre de plante que nous nommons en François perce-neige. Voyez PERCE-NEIGE.


NARCOTIQUEadj. (Méd. thérap.) , narcoticus, soporiferus, obstupefaciens. Ce mot tiré du grec , sopor, stupor, que l'on trouve fréquemment employé dans Hippocrate, pour signifier la diminution du sentiment & du mouvement, par l'effet de celle de la distribution du fluide nerveux, d'où s'ensuit le relachement des nerfs.

Ainsi, on a appellé narcotiques les médicamens que l'on emploie pour diminuer le ton des solides trop augmenté par l'influence du cerveau ; par conséquent, pour relâcher le systême nerveux : ensorte que ces médicamens sont absolument opposés aux stimulans, qui servent à relever, à augmenter le ton de ces mêmes solides.

Le ton est trop augmenté, ou il péche par excès ; lorsqu'il y a trop de sensibilité, ou de contractilité, ou de mouvement dans tout le corps, ou dans quelques-unes de ses parties : le trop de mouvement suit ordinairement le trop de sensibilité.

Tous les secours de l'art que l'on emploie pour faire cesser cet état violent, sont regardés comme relâchans : les anciens distinguoient trois sortes de relâchans ; & voici sur quoi ils se fondoient.

Le ton peut être généralement augmenté dans tous les solides du corps humain par des causes internes ; ou bien il peut être augmenté seulement dans une partie déterminée, & de-là, par communication, dans toute sa machine. Par exemple, supposé qu'une épine soit fichée dans une partie tendineuse ; le ton des solides des nerfs de cette partie paroît évidemment augmenté ; puisqu'il y survient des mouvemens convulsifs : souvent même les convulsions s'étendent à tout le corps : dans ce cas-là, par conséquent, le ton est augmenté dans toutes les parties du corps ; mais seulement par une suite de l'augmentation du ton dans la partie affectée.

Cela posé, les anciens considéroient les médicamens qui agissoient immédiatement, & diminuoient l'éréthisme dans la partie affectée, dont le vice se communiquoit à toutes les autres parties : ils appelloient anodins, ceux qui diminuoient le ton excessif en diminuant la sensibilité.

Il peut aussi se faire, que ce ton soit diminué en faisant cesser la cause qui l'avoit augmenté : comme lorsque dans la supposition qui a été faite, on parvient à ôter, à tirer l'épine qui étoit fichée dans une partie bien sensible ; car ce corps étranger étant emporté, le ton, & par conséquent la sensibilité, diminuent dans cette partie presque sur le champ, & par conséquent dans toutes les autres où ils n'étoient augmentés que conséquemment à la partie affectée.

Les médicamens qui diminuent ainsi le ton, en servant à ôter la cause qui l'avoit trop augmenté, sont ceux que les anciens appelloient parégoriques ; c'est-à-dire, consolans ; parce que la cause du mal étant ôtée, les malades se sentent promptement soulagés, & comme consolés d'en être délivrés.

Les anciens considéroient encore une autre sorte de médicamens relâchans, en tant qu'ils concevoient des moyens qui n'opéroient le relâchement qu'en diminuant la faculté de sentir, & l'irritabilité, sans agir immédiatement & spécialement sur la partie affectée ; mais en portant leur effet sur tout le systême nerveux, sur l'origine même des nerfs : ce sont les médicamens qu'ils appelloient narcotiques. Les médicamens qui, en relâchant de cette maniere, procurent en même tems le sommeil, sont ceux qu'ils appelloient hypnotiques.

Ce qui vient d'être dit n'empêche pas qu'en général, par le mot anodin, on n'entende tout médicament qui calme la douleur par le relâchement ; mais le même mot pris à la rigueur, signifie un médicament qui calme la douleur, en agissant immédiatement & spécialement sur la partie affectée, dont il diminue le ton : & de même on entend en général par narcotique, les médicamens qui font dormir, en agissant sur l'origine des nerfs, sur tout le systême nerveux ; quoique les médicamens qui produisent cet effet soient appellés proprement hypnotiques. Voyez RELACHANT, ANODIN, HYPNOTIQUE, PAREGORIQUE, CALMANT, SEDATIF, NERF, SENSIBILITE, IRRITABILITE, DOULEUR, SOMMEIL.

Comme les anodins proprement dits appartiennent à la matiere médicale externe, il ne sera question ici que des médicamens de la troisieme classe, c'est-à-dire, des narcotiques, qui sont presque tous tirés du pavot & de ses préparations.

Les effets sensibles des narcotiques sont généraux ou particuliers : on entend par effets généraux des narcotiques, ceux qu'ils produisent le plus constamment. Les effets particuliers sont ceux qu'ils produisent par rapport à certaines circonstances.

Voici l'exposition des effets généraux : quelque tems après qu'on a donné un narcotique à une personne qui en a besoin, l'exercice des sens diminue peu-à-peu ; elle se sent appesantie : les organes du mouvement se refusent de plus en plus à leurs actions ordinaires ; l'assoupissement vient ; la chaleur animale augmente ; le pouls devient plus élevé, plus plein, plus souple, ou plus mou, sans augmenter cependant en fréquence ; la peau paroît moette, & se couvre ensuite de sueur, pendant que toutes les autres sécrétions & excrétions diminuent. Le sommeil est plus ou moins long, plus ou moins profond, suivant l'activité des narcotiques & la disposition du sujet. La personne en s'éveillant sent sa tête appesantie, se trouve comme engourdie, & se plaint d'une espece de langueur d'estomac : ce qui arrive toujours, si le reméde n'a pas été donné avec une certaine précaution.

Les effets particuliers des narcotiques dépendent 1°. de l'idiosyncrasie ; 2°. de l'habitude ; 3°. de certaines causes particulieres.

A l'égard de l'idiosyncrasie, l'expérience fait voir que les narcotiques, bien loin de produire les effets ci-devant, procurent, au contraire, des insomnies, des veilles opiniâtres, des agitations d'estomac, des nausées, des vomissemens, des mouvemens convulsifs, des délires maniaques, furieux, dans les tempéramens vifs, bilieux, dans ces personnes dont la tête se prend aisément, comme dans les femmes hystériques.

L'habitude ou la coutume met aussi de grandes différences dans les effets des narcotiques ; car on observe tous les jours que les personnes qui se sont habituées peu-à-peu aux narcotiques, ont besoin quelquefois d'une grande dose d'opium pour faire leurs fonctions dans la veille avec une certaine aisance ; autrement ils sont pesans, engourdis pour l'esprit comme pour le corps. C'est ainsi que les Turcs habitués à l'opium, au lieu de prendre de l'eau-de-vie, comme nos soldats, pour s'animer au combat, prennent, au contraire, une forte dose d'opium ; par où l'on voit que les effets particuliers sont bien différens des généraux, tant à cause du tempérament, qu'à cause de la coutume.

Il arrive assez souvent que les excrétions, comme celles de l'urine, de l'expectoration, &c. sont supprimées, à cause du spasme, de l'éréthisme des parties, surtout des sphincters : c'est ainsi que les lochies peuvent être supprimées, à cause du spasme, de l'éréthisme dominant, comme cela arrive aux femmes hystériques : en ce cas-là, les narcotiques, qui diminuent naturellement les excrétions, étant administrés convenablement, bien loin de diminuer ou de supprimer ces excrétions, les rétablissent, en faisant cesser la cause qui occasionnoit cette suppression. Ainsi, il est des causes singulieres qui font que les narcotiques produisent, en apparence, des effets opposés à ceux qu'ils produisent généralement.

Les narcotiques sont indiqués 1°. dans les maladies aiguës, dolorifiques : la douleur dépend de la distraction des fibres nerveuses, qui sont en disposition de se rompre, si le tiraillement dure ; ainsi une partie affectée de douleur est une partie dont la tension, la sensibilité, le ton sont trop augmentés, par conséquent tout ce qui diminuera la sensibilité, relâchera aussi le ton : les narcotiques produisent cet effet, comme il a été dit ci-devant ; ils sont donc indiqués dans les maladies dolorifiques : car, s'il y a des douleurs vives, aiguës, c'est principalement alors que les narcotiques conviennent : si les douleurs sont sourdes, gravatiques, on ne doit employer ce reméde qu'avec beaucoup de circonspection.

2°. Dans les insomnies fatigantes, dans les veilles opiniâtres, qu'elles soient essentielles ou symptomatiques : elles sont essentielles, lorsqu'elles proviennent d'une trop grande contention, d'un trop grand travail d'esprit, de quelque forte passion de l'ame : elles sont symptomatiques, comme dans la plûpart des maladies aiguës, fiévreuses, le sommeil est nécessaire pour rétablir les forces ; ainsi, on doit tâcher de le procurer par les secours de l'art.

3°. Dans les maladies spasmodiques, convulsives ; mais seulement dans celles qui dépendent d'une tension dolorifique, comme il arrive dans une attaque de passion hystérique, ou à l'occasion d'une piquûre, d'une blessure : dans l'épilepsie essentielle, l'usage des narcotiques seroit très-dangereux.

4°. Dans les maladies évacuatoires ; lorsqu'elles affoiblissent trop les malades : les narcotiques conviennent, en tant qu'ils sont propres à suspendre & à arrêter les évacuations ; soit que les évacuations soient séreuses, comme dans les cours de ventre séreux, dans le vomissement de même nature, dans le cholera morbus ; soit qu'elles soient sanguines, comme dans le vomissement de sang, dans la dyssenterie, l'haemophthysie produite par un sang âcre, qui a rongé les vaisseaux capillaires des poumons ; lorsque les malades toussent presque continuellement & expectorent peu : en un mot, dans toutes les maladies évacuatoires qui affoiblissent notablement, excepté cependant le cas de grande sueur ; parce que, comme il a été dit, les narcotiques, bien loin de diminuer cette excrétion, l'augmentent ou la procurent.

5°. Dans les cas où les excrétions naturelles, où les évacuations périodiques ou critiques sont difficiles, laborieuses, suspendues ou supprimées, à cause de l'éréthisme, de la convulsion de quelque partie, sur-tout de quelque sphincter, comme dans le cas d'une espece d'ischurie, d'une entiere suppression d'urine, qui dépend de l'éréthisme du sphincter de la vessie : dans le cas d'un accouchement difficile & laborieux ; lorsqu'il dépend du spasme de l'uterus ; dans le cas des menstrues, des lochies, du flux hémorrhoïdal, supprimés par une cause de cette nature ; dans le cas d'expectoration difficile : lorsqu'elle est occasionnée par l'irritation, l'éréthisme des vésicules pulmonaires, ou des vaisseaux aëriens.

En faisant attention aux effets que les narcotiques produisent, on sent aisément les cas où ils sont contr'indiqués. On a observé, & l'expérience journaliere fait voir que les narcotiques relâchent & diminuent le ton, la sensibilité, la contractilité, le mouvement des parties. Ils peuvent donc affoiblir, sur-tout lorsqu'ils ne sont pas donnés avec toute la précaution requise, laissant des lassitudes, des pesanteurs de tête, & dérangeant souvent l'estomac : souvent aussi en diminuant la sensibilité, ils peuvent produire l'effet, quelquefois nuisible, de pallier ou de masquer la maladie & de la rendre méconnoissable au médecin, sur-tout dans les maladies évacuatoires, où les douleurs peuvent disparoître par l'usage de ces remedes, & par-là on ne pourra plus distinguer les maladies dont les évacuations peuvent être une suite avantageuse, ou fournir des indications essentielles. De-là on peut aisément déduire les cas où les narcotiques sont contr'indiqués. En général, puisque les narcotiques affoiblissent, il s'ensuit qu'on doit souvent s'en abstenir, ou ne les donner qu'avec beaucoup de précautions dans les cas de foiblesse.

A l'égard des phthisiques, par exemple, il est très-important de calmer la toux, de diminuer autant qu'il est possible, l'agitation des poumons, pour prévenir de plus grandes irritations, d'où pourroit s'ensuivre des déchirures de vaisseaux plus considérables, un renouvellement d'hémophthysie, qu'il faut empêcher autant qu'on le peut : d'ailleurs le sommeil rétablit les forces, ou au moins empêche qu'elles ne continuent à s'épuiser. Ces différentes raisons paroissent donc indiquer les narcotiques dans le cas dont il s'agit ; aussi les y emploie-t-on beaucoup à Montpellier, & en suivant la pratique des médecins de cette ville, on ne doit cependant le faire qu'avec beaucoup de circonspection ; car d'abord, quoique le sommeil rétablisse les forces, cela ne paroît bien décidé que par rapport au sommeil naturel, parce que celui qui est procuré par les narcotiques est ordinairement agité par des réves ; & bien que les malades paroissent refaits par le sommeil qu'ils procurent, il arrive souvent qu'ils se plaignent d'être plus foibles, après avoir bien dormi par ce moyen. De plus les narcotiques excitent la sueur à laquelle sont disposés la plûpart des phthisiques : ce qui forme une raison de plus pour que les narcotiques ne puissent pas servir à rétablir leurs forces ; mais au contraire, pour qu'ils contribuent à les diminuer.

Outre cela les narcotiques dérangent l'estomac dans ses fonctions, à quoi l'on doit encore faire beaucoup d'attention, par rapport aux phthisiques, parce que cet effet rend très-difficile l'usage du lait, qui est si nécessaire dans ce cas, & souvent même le rend impraticable.

Mais comme il reste toujours très-certain que les narcotiques calment la toux des phthisiques, ce qui est un grand avantage à leur procurer, on doit faire une espece de comparaison des différens symptomes, & se déterminer pour le parti qui souffre le moins d'inconvéniens. Si la toux n'est pas trop violente, trop fréquente, il faut s'abstenir des narcotiques, & n'y avoir recours que lorsque l'irritation devient si considérable, qu'elle surpasse les inconvéniens qui résultent de l'usage des narcotiques, attendu que pendant le sommeil les matieres s'accumulent dans les voies aériennes, & peuvent occasionner ensuite une plus grande irritation, & quelque nouvelle rupture ou dilatation forcée de vaisseau, qui cause l'hémophthisie.

Quant aux évacuations, il est des cas où les narcotiques sont bien indiqués ; mais il en est bien d'autres où ils sont très-fort contr'indiqués, comme il a déja été dit, & où il faut user de beaucoup de prudence pour ne pas faire de faute à cet égard.

Quoique les évacuations soient très-considérables, & qu'elles soient accompagnées de mouvemens convulsifs, il ne faut pas se presser d'employer les narcotiques : par exemple, dans le commencement du cholera morbus, le laudanum seroit très-préjudiciable ; il pourroit causer des symptomes fâcheux, en faisant cesser trop tôt l'évacuation de la matiere morbifique ; en la retenant dans les premieres voies, où elle peut produire des météorismes, des irritations inflammatoires, en tant que, comme l'on dit, le loup se trouve alors renfermé dans la bergerie : ainsi dans ce cas, il ne faut d'abord que laisser agir la nature, dont les efforts ne tendent qu'à épuiser l'ennemi ; il ne faut que l'aider par les délayans & les adoucissans, qui peuvent faciliter l'évacuation & corriger la qualité irritante des matieres. Les narcotiques ne doivent être employés que pour faire cesser les impressions douloureuses qui restent après l'évacuation, ou lorsqu'il ne se fait plus que des efforts inutiles.

On doit en user de même à l'égard des superpurgations : les narcotiques ne doivent être placés que lorsqu'on a adouci, corrigé l'acrimonie irritante des drogues trop actives qui ont été employées : on a vû quelquefois des effets très-funestes des inflammations gangreneuses, & la mort s'ensuivre de l'administration trop prompte des narcotiques, dans ce cas, qui exige le même traitement que l'effet des poisons irritans dans les premieres voies dont il faut les délivrer par l'évacuation, & non pas par les remedes palliatifs.

Il faut être aussi très-circonspect dans l'usage des narcotiques, lorsqu'il s'agit de quelque évacuation naturelle trop considérable, comme d'un flux menstruel excessif. Voyez HEMORRHAGIE. Il est aussi très-important à l'égard des femmes qui peuvent être actuellement dans l'état critique ordinaire, de ne pas se presser d'employer les narcotiques pour les cas qui les indiquent, sans avoir pris des informations sur cela, parce que ces remedes pouvant aisément causer une suppression, leur effet seroit plus nuisible qu'il ne pourroit être utile d'ailleurs : ainsi on doit s'en abstenir dans cette circonstance, à moins qu'il n'y ait des douleurs très-puissantes, ou tout autre symptome très-dangereux à calmer, alors urgentiori succurrendum.

En général on doit s'abstenir de l'usage des narcotiques dans les commencemens de toutes les maladies dont le caractere n'est pas encore bien connu, pour ne pas le masquer davantage, & pour éviter d'embarrasser, de gêner la nature dans ses opérations, en ne faisant que pallier ce qu'elle tend à corriger.

Enfin les précautions que l'on doit prendre dans l'usage des narcotiques doivent être déterminées par les cas où ils sont indiqués, comparés avec ceux où ils sont contr'indiqués ; il faut aussi avoir égard au tempérament, à l'habitude ; interroger les malades sur l'effet qu'ils ont éprouvé de ces remedes, s'ils en ont déja usé ; sur l'espece de narcotique dont ils ont usé ; sur la dose à laquelle ils en ont usé.

Les narcotiques que l'on emploie le plus communément dans la pratique de la Médecine, sont les pavots & leurs différentes préparations. Voyez pavot, opium, laudanum. Extrait des leçons sur la matiere médicale, de M. de la Mure, professeur en Médecine à Montpellier.

La Pharmacologie rationnelle n'apprend rien jusqu'à présent de bien satisfaisant sur la maniere dont les narcotiques operent leurs effets. On fait mention dans les écoles d'un grand nombre d'opinions à cet égard, tant anciennes que modernes, dont l'exposition doit se trouver aux articles OPIUM, SOMMEIL. Il suffira de dire ici que ce qui paroît de plus vraisemblable à cet égard, c'est qu'il n'y a que les connoissances que l'on a acquises de nos jours sur la propriété inhérente aux fibres du corps animal, qui produit ce qu'on entend par l'irritabilité & la sensibilité, qui puissent fixer l'idée que l'on peut se faire de l'action des narcotiques. Voyez IRRITABILITE, SENSIBILITE, SOMMEIL, OPIUM.


NARDS. m. (Botan.) genre de plante graminée dont voici les caracteres distinctifs selon Linnaeus. Il n'y a point de calice ; la fleur est composée de deux valvules qui finissent en épi. Les étamines sont trois filets capillaires. Les antheres & le germe du pistil sont oblongs. Les stiles sont au nombre de deux, chevelus, réfléchis, cotonneux. La fleur est ferme, même attachée à la graine. La semence est unique, longue, étroite, pointue aux deux extrêmités.

Le nard est une plante célebre chez les anciens, qu'il importe de bien décrire pour en avoir une idée claire & complete .

On a donné le nom de nard à différentes plantes. Dioscoride fait mention de deux sortes de nards, l'un indien, l'autre syriaque, auxquels il ajoute le celtique & le nard de montagne, ou nard sauvage ; enfin il distingue deux especes de nard sauvage, savoir l'asarum & le phu.

Le nard indien, ou spic nard des Droguistes, s'appelle chez les Botanistes, nardus indica, spica, spica nardi, & spica indica, , Dioscor.

C'est une racine chevelue, ou plutôt un assemblage de petits cheveux entortillés, attachés à la tête de la racine, qui ne sont rien autre chose que les filamens nerveux des feuilles fausses, desséchées, ramassées en un petit paquet, de la grosseur & de la longueur du doigt, de couleur de rouille de fer, ou d'un brun roussâtre ; d'un goût amer, âcre, aromatique ; d'une odeur agréable, & qui approche de celle du souchet.

Cette partie filamenteuse de la plante dont on fait usage, n'est ni un épi ni une racine ; mais c'est la partie inférieure des tiges, qui est d'abord garnie de plusieurs petites feuilles, lesquelles en se fanant & se desséchant tous les ans, se changent en des filets ; de sorte qu'il ne reste que leurs fibres nerveuses qui subsistent.

Le nard a cependant mérité le nom d'épi, à cause de sa figure ; il est attaché à une racine de la grosseur du doigt, laquelle est fibreuse, d'un roux foncé, solide & cassante. Parmi ces filamens, on trouve quelquefois des feuilles encore entieres, blanchâtres, & de petites tiges creuses, cannelées ; on voit aussi quelquefois sur la même racine, plusieurs petits paquets de fibres chevelues.

Le nard indien vient aux Indes orientales, & croît en quantité dans la grande Java, cette île que les anciens ont connue, & ce qui est remarquable, qui portoit déja ce nom du tems de Ptolémée. Les habitans font beaucoup d'usage du nard indien dans leurs cuisines, pour assaisonner les poissons & les viandes.

Dioscoride distingue trois especes de nard indien, savoir le vrai indien, celui de Syrie, celui du Gange. On n'en trouve présentement que deux especes dans les boutiques, qui ne different que par la couleur & la longueur des cheveux.

Il le faut choisir récent, avec une longue chevelure, un peu d'odeur du souchet, & un goût amer.

La plante s'appelle gramen cyperoides, aromaticum, indicum, Breyn. 2°. Prodr. On n'en a pas encore la description. Ray avance comme une chose vraisemblable, que la racine pousse des tiges chargées a leurs sommets d'épis ou de pannicules, ainsi que le gramen ou les plantes qui y ont du rapport. Si l'on en juge par le goût & l'odeur, les vertus du nard indien dépendent d'un sel volatil huileux, mêlé avec beaucoup de sel fixe & de terre.

Il passe pour être céphalique, stomachique & néphrétique, pour fortifier l'estomac, aider la digestion, exciter les mois, & lever les obstructions des visceres. On le réduit en poudre très fine, & on le donne dans du bouillon ou dans quelqu'autre liqueur. On en prescrit la dose depuis demi-drachme jusqu'à deux drachmes en substance, & depuis demi-once en infusion, jusqu'à une once & demie.

Cependant toutes les vertus qu'on lui donne sont exagérées. Celle d'être céphalique ne signifie rien ; sa vertu néphrétique n'est pas vraie ; son utilité dans les maladies malignes n'est pas mieux prouvée : l'éloge qu'en fait Riviere pour la guérison de l'hémorrhagie des narines est sans fondement ; mais cette plante par sa chaleur, son aromat & son amertume, peut être utile dans les cas où il s'agit d'inciser, d'atténuer, d'échauffer, d'exciter la sueur, les regles, ou de fortifier le ton des fibres de l'estomac.

Dans les Indes, suivant le rapport de Bontius, on fait infuser dans du vinaigre le nard indien séché, & on y ajoute un peu de sucre. On emploie ce remede contre les obstructions du foie, de la rate & du mésentere, qui sont très-fréquentes. On en applique aussi sur les morsures des bêtes venimeuses.

Les anciens en préparoient des collyres, des essences & des onguens précieux. L'onguent de nard se faisoit de nard, de jonc odorant, de costus, d'amome, de myrrhe, de baume, d'huile de ben ou de verjus ; on y ajoutoit quelquefois de la feuille indienne. Galien a guéri Marc-Aurele, & jamais il n'a guéri personne qui valût mieux que ce prince, d'une foiblesse d'estomac qui faisoit difficilement la digestion, en appliquant sur la partie de l'onguent de nard. Quel bonheur pour les peuples, s'il eût pû prolonger les jours de cet empereur, corriger son fils corrompu dans ses inclinations, & sa femme diffamée par son incontinence !

Le nard indien entre dans un grand nombre de compositions, dont l'usage est intérieur ou extérieur. Il est employé dans la thériaque, le mithridat, l'hiera picra de Galien, l'hiera de coloquinte, les trochisques de camphre, les pilules fétides, le syrop de chicorée composé, l'huile de nard, l'huile de scorpion de Mathiole, l'onguent martiatum, la poudre aromatique de roses, &c.

Il ne paroît guere douteux que notre spic-nard ne soit le nard indien des anciens, quoi qu'en disent Anguillara & quelques autres botanistes. La description de la plante, son lieu natal, ses vertus, tout s'accorde. Garcias nous assure qu'il n'y a point différentes especes de nard dans les Indes, & les gens qui ont été depuis sur les lieux nous confirment la même chose. Il ne faut pas inférer du grand prix où le nard étoit chez les anciens, comme Pline nous l'apprend, que notre spic-nard soit une plante différente. Les Romains recevoient leur nard par de longs détours, indirectement, rarement, & l'employoient à des essences, des parfums qui renchérissoient beaucoup le prix de cette plante ; tout cela n'a pas lieu parmi nous.

Les anciens ignoroient quelle est la partie du nard qu'il faut regarder comme l'épi, ou le . Galien croyoit que c'étoit la racine ; mais nous savons que ce n'est ni la racine ni l'épi de la plante, & que c'est la partie inférieure de ses tiges. On a donné le nom d'épi aux petites tiges de cette plante, parce qu'elles sont environnées de feuilles capillacées, qui ont quelque ressemblance à des racines.

Le nard celtique s'appelle nardus celtica, spica gallica, spica romana, & , Dioscor. Alnardin Alsimbel, Arab.

C'est une racine fibreuse, chevelue, roussâtre, garnie de feuilles ou de petites écailles d'un verd jaunâtre ; d'un goût âcre, un peu amer, aromatique ; d'une odeur forte & un peu désagréable. On doit choisir cette racine récente, fibreuse & odorante.

Elle a été célebre dès le tems de Dioscoride. On la nomme celtique, parce qu'autrefois on la recueilloit dans les montagnes de la partie des Gaules, appellée Celtique. On en trouve encore aujourd'hui dans les montagnes des Alpes qui séparent l'Allemagne de l'Italie, dans celles de la Ligurie & de Gènes.

La plante est appellée valeriana celtica par Tournefort, I. R. H. nardus celtica Dioscoridis, par C. B. P. nardus alpina, par Clusius. Sa racine rampe de tous côtés, & se répand sur la superficie de la terre parmi la mousse : les petits rameaux qu'elle jette sont longs, couchés sur terre, couverts de plusieurs petites feuilles en maniere d'écailles seches ; ils poussent par intervalle des fibres un peu chevelues & brunes ; ils donnent naissance dans leur partie supérieure à une ou deux petites têtes, chargées de quelques feuilles, étroites d'abord & ensuite plus larges, assez épaisses & succulentes, qui sont vertes en poussant, jaunâtres au commencement de l'automne, & d'un goût un peu amer.

Du milieu de ces feuilles s'éleve une petite tige à la hauteur d'environ neuf pouces, & quelquefois plus, assez ferme, noueuse, ayant sur chaque noeud deux petites feuilles opposées : à l'extrêmité de l'aisselle des feuilles, naissent de petits pédicules qui portent deux ou trois petites fleurs de couleur pâle, d'une seule piece, en forme d'entonnoir, découpées en plusieurs quartiers, soutenues chacune sur un calice qui dans la suite devient une petite graine oblongue & aigrettée.

Toute la plante est aromatique, elle imite l'odeur de la racine de la petite valériane. Selon Clusius, elle fleurit au mois d'Août, presque sous les neiges sur le sommet des Alpes de Styrie : les feuilles paroissent ensuite lorsque les fleurs commencent à tomber. Les habitans la ramassent sur la fin de l'été & lorsque les feuilles viennent à jaunir ; car alors son odeur est très-agréable.

Le nard celtique a les mêmes vertus que le spica indien, & convient dans les mêmes maladies. Quelques-uns prétendent, j'ignore sur quelles expériences, qu'on l'emploie plus utilement pour fortifier l'estomac & dissiper les vents. Il entre dans la thériaque, le mithridat, l'emplâtre de mélilot, & dans quelques autres onguens échauffans, ainsi que dans les lotions céphaliques.

Le nard de montagne se nomme, en Botanique, nardus montana ou nardus montana tuberosa ; , Diosc. Alnardin Gebali, Arab. C'est une racine oblongue, arrondie, & en forme de navet, de la grosseur du petit doigt ; sa tête est portée sur une petite tige rougeâtre, & est garnie de fibres chevelues, brunes ou cendrées, & un peu dures ; son odeur approche de celle du nard, & elle est d'un goût âcre & aromatique.

La description que fait Dioscoride du nard de montagne, est si défectueuse, qu'il est difficile de décider si nous connoissons le vrai nard de montagne de cet auteur, ou s'il nous est encore inconnu.

On nous apporte deux racines de plantes sous le nom de nard de montagne. La premiere s'appelle valeriana maxima, pyrenaïca, cacaliae folio, D. Fagon, I. R. H. Cette plante pousse en terre, une racine épaisse, longue, tubéreuse, chevelue, vivace, d'une odeur semblable à celle du nard indien, mais plus vive, d'un goût amer. De cette racine s'éleve une tige de trois coudées, & même plus haute, cylindrique, lisse, creuse, noueuse, rougeâtre, de l'épaisseur d'un pouce. Ses feuilles sont deux à deux, opposées, lisses, crenelées, semblables aux feuilles du cacalia, de la longueur d'une palme, & appuyées sur de longues queues. Au haut de la tige naissent des fleurs purpurines, & des graines qui sont semblables aux fleurs & aux graines de la valériane.

La seconde s'appelle valeriana alpina minor, C. B. P. nardus montana, radice olivari, C. B. P. nardus montana, radice oblongâ, C. B. P. Sa racine tubéreuse, tantôt plus longue, tantôt plus courte, se multiplie chaque année par de nouvelles radicules. Elle a beaucoup de fibres menues à sa partie inférieure ; & vers son collet elle donne naissance à des rejettons qui, dans leur partie inférieure, sont chargés de feuilles opposées, d'un verd foncé & luisant, unies, sans dentelures, & ensuite d'autres feuilles découpées, à-peu-près comme celles de la grande valériane, mais plus petites ; & à mesure que les rejettons grandissent, les feuilles sont plus découpées. Au sommet des tiges, naissent de gros bouquets de fleurs semblables à celles de la petite valériane ; elles sont odorantes, moins cependant que n'est la racine de cette plante. Le nard de montagne a les mêmes vertus que le celtique, peut-être plus foibles.

Nous avons dit que les anciens composoient avec le nard une essence dont l'odeur étoit fort agréable. Les femmes de l'Orient en faisoient un grand usage ; le nard dont j'étois parfumée, dit l'épouse dans le Cantique des Cantiques, répandoit une odeur exquise. La boîte de la Magdeleine, quand elle oignit les piés du Sauveur (Marc, ch. xiv. . 3. Luc, vij. . 37. Jean, xij. . 3.), étoit pleine de nard pistique, c'est-à-dire selon la plûpart des interpretes, de nard qui n'étoit point falsifié, du mot grec , fides, comme qui diroit du nard fidele, sans mélange, ni tromperie.

Les latins on dit nardus, f. & nardum, n. Le premier signifie communément la plante, & le second la liqueur, l'essence aromatique. Horace, l. V. ode 13. donne au nard l'épithete d'achaemenio, c'est-à-dire, de Perse, où Achémene avoit régné :

Nunc & achaemenio

Perfundi nardo juvat :

Ne songeons qu'à nous parfumer des essences des Indes. Les Indiens vendoient le nard aux Persans, & ceux-ci aux Syriens chez qui les Romains alloient le chercher. De-là vient que dans un autre endroit Horace l'appelle assyrium. Mais après l'année 727 qu'Auguste conquit l'Egypte, les Romains allerent eux-mêmes aux Indes chercher les aromates & les marchandises du pays, par le moyen de la flotte qui fut établie pour cela dans le golfe arabique. (D.J.)

NARD-SAUVAGE, (Botan.) asarum, nardus rustica. Voyez CABARET, (Botan.)


NARDO(Géog.) en latin Neritum ; ville du royaume de Naples, dans la terre d'Otrante, dans une plaine, à 4 milles de la côte du golfe de Tarente, à 9 au N. de Gallipoli, & à 15 S. O. de Leccé, avec titre de duché & un évêché suffragant de Brindes. Elle fut presqu'entierement détruite par un tremblement de terre en 1743. Long. 35. 44. lat. 40. 18.


NAREou ENAREA, ou ENARIA, (Géog.) car M. Ludolf préfere ces deux derniers noms ; c'est un des royaumes d'Afrique dans l'Abyssinie, entre le huitieme & le neuvieme degrés de latitude septentrionale.


NARÉGAM(Botan. exot.) espece de limonier nain qui croit à Céylan & au Malabar ; il a toûjours des fleurs & du fruit.


NARENTA(Géog.) ville de Dalmatie, dans l'Herzegovine, avec un évêché suffragant de Raguse. Elle est sur le golfe de même nom à 20 lieues N. E. de Raguse, 21. S. E. de Spalatro.

Cette ville fut anciennement nommée Naro & Narona. Son territoire consiste en une vallée d'environ 30 milles de longueur, que le fleuve Narenta inonde & fertilise dans certains mois de l'année. Du tems de Ciceron, Narenta étoit une forteresse de conséquence, comme on le voit dans la lettre où Vatinius lui mande la peine qu'il avoit eu à emporter cette place. Elle fut une des villes où les Romains envoyerent des colonies après la conquête du royaume de l'Illyrie. Dans la suite, elle eut des souverains indépendans des rois des deux Dalmaties. L'Evangile n'y fut reçu que dans le onzieme siecle. Elle dépend aujourd'hui des Turcs. Long. 36. 4. lat. 43. 35. (D.J.)

NARENTA, (Géog.) fleuve de Dalmatie qui se nommoit autrefois Naro ou Naron. Il baigne la ville de Narenta, & se décharge dans le golfe de ce nom par diverses embouchures.

NARENTA, (Géog.) golfe de la mer de Dalmatie ; il est entre les côtes de l'Herzegovine au nord, celles de Raguse à l'orient, celles de Sabioncelo au midi, & l'île de Liesina à l'occident.


NAREW(Géog.) riviere de Pologne, qui prend sa source dans le duché de Lithuanie, traverse les palatinats de Poldaquie & de Mazovie, & va se jetter dans le Bourg, au-dessus de Sérolzeck.


NARIMou NARYM, (Géog.) pays de la Tartarie en Sibérie, au nord du fleuve Kéta, & au midi de la contrée d'Ostiaki. On n'y connoît qu'une seule ville ou bourgade de même nom, située sur le bord oriental de l'Oby. Ce pays n'est qu'un triste désert.


NARINARI(Ichthyolog.) nom brésilien d'un poisson de l'espece de l'aigle marine, & qui est appellé par les Hollandois pülstert.

C'est un poisson plat dont le corps est presque triangulaire, élargi sur les côtés. Sa tête est très-grosse, & creusée d'une raie dans le milieu ; son museau est arrondi dans les coins ; ce poisson n'a point de dents, mais un os dans la partie inférieure de la gueule, lequel est long de quatre pouces & large d'un pouce & demi : la partie supérieure du museau est revêtue d'un os semblable ; & c'est entre ces deux os qu'il écrase & brise sa proie. L'os de la mâchoire inférieure est composé de dix-sept petites pieces dures, fermes, & jointes ensemble par des cartilages. L'os supérieur est aussi composé de quatorze pieces semblablement liées par des cartilages. Le corps du narinari est ordinairement d'un à deux piés de long, & sa queue de quatre piés. Sa chair est délicieuse ; les os de sa gueule & ceux des poissons de son espece, sont les fossiles que les Naturalistes appellent siliquastra. (D.J.)


NARINESNARINES

Il faut remarquer que les narines internes comprennent tout l'espace qui est entre les narines externes & les arrieres- narines, immédiatement au-dessous de la voûte du palais, d'où les cavités s'étendent en-haut jusqu'à la lame cribleuse de l'os éthmoïde, où elles communiquent en-devant avec les sinus frontaux, & en-arriere avec les sinus sphénoïdaux. Latéralement, ces cavités sont terminées par les conques, entre lesquelles elles communiquent avec les sinus maxillaires.

Toutes ces choses doivent être observées pour pouvoir comprendre un fait fort singulier, rapporté dans les Mémoires de l'académie des Sciences, année 1722 ; il s'agit d'un tour que saisoit un homme à la foire à Paris. Il s'enfonçoit en apparence un grand clou dans le cerveau par les narines ; voici comment : il prenoit un clou de l'épaisseur d'une grosse plume, long environ de cinq pouces, & arrondi par la pointe. Il le mettoit avec sa main gauche dans une de ses narines, & tenant un marteau avec sa main droite, il disoit qu'il alloit enfoncer le clou dans sa tête, ou comme il s'expliquoit, dans sa cervelle. Effectivement il l'enfonçoit presqu'entier par plusieurs petits coups de marteau ; il en faisoit autant avec un autre clou dans l'autre narine ; ensuite il pendoit un seau plein d'eau par une corde sur les têtes de ces clous, & le portoit ainsi sans aucun autre secours.

Ces deux opérations parurent d'abord surprenantes non-seulement au vulgaire, mais même aux Physiciens anatomistes les plus éclairés. Leur premiere idée fut de soupçonner quelque artifice, quelque industrie cachée, quelque tour de main ; mais M. Winslow, après avoir réfléchi sur la structure, la situation, & la connexion des parties, en trouva l'explication suivante.

Le creux interne de chaque narine va tout droit depuis l'ouverture antérieure jusqu'à l'ouverture postérieure, qui est au-dessus de la cloison du palais. Dans tout ce trajet, les parties osseuses ne sont revêtues que de la membrane pituitaire ; les cornets inférieurs n'y occupent pas beaucoup d'espace, & laissent facilement passer entr'eux & la cloison des narines, le tuyau d'une plume à écrire, que l'on peut sans aucune difficulté glisser directement jusqu'à la partie antérieure de l'os occipital. Ainsi un clou de la même grosseur pour le moins, mais arrondi dans toute sa longueur & sa pointe, ou fort émoussé, peut y glisser sans peine & sans coups de marteau, dont le joueur se servoit pour déguiser son tour d'adresse.

Cette premiere opération fait comprendre la seconde. Les clous étant introduits jusqu'à l'os occipital, & leurs têtes étant près du nez, il est aisé de juger que si on met quelque fardeau sur les têtes de ces clous, ils appuieront en-bas sur le bord osseux de l'ouverture antérieure des narines, pendant que leurs extrêmités ou pointes s'élevent contre l'allongement de l'os occipital, qui fait comme la voûte du gosier. Les clous représentent ici la premiere espece de levier, dont le bras court est du côté du fardeau, & le bras long du côté de la resistance. Si l'on objecte que cela ne se peut faire sans causer une contusion très-considérable aux parties molles qui couvrent ces deux endroits, on peut répondre que l'habitude perpétuelle est propre à rendre avec le tems ces parties comme calleuses & presque insensibles.

Mais la pesanteur du fardeau est une autre difficulté plus grande ; car ce sont les os maxillaires qui soutiennent le poids, & leur connexion avec les autres pieces du crâne paroît si légere, qu'elle donne lieu de craindre qu'un tel effort ne les arrache. Cependant il faut considérer, 1°. que souvent ces os se soudent entierement avec l'âge, & que pour-lors il n'y a rien à craindre ; 2°. ces deux os unis ensemble sont engrenés par deux bouts avec l'os frontal, ce qui augmente leur force ; 3°. ils le sont encore avec l'os sphénoïde, par des entailles qui en empêchent la séparation de haut en bas ; 4°. ils sont de plus appuyés en arriere par les apophyses ptérigoïdiennes, comme par des arcs-boutans, ce qui leur est d'autant plus avantageux, qu'ils y sont enclavés par le moyen des pieces particulieres des os du palais ; 5°. le périoste ligamenteux qui tapisse toutes ces jointures, contribue beaucoup à leur fermeté ; 6°. enfin ajoutons que les muscles de la mâchoire inférieure y ont bonne part, principalement ceux qu'on appelle crotaphites. On sait qu'ils sont très-puissans, fortement attachés, non-seulement à une assez grande étendue de la partie latérale de la tête, mais encore aux apophyses coronoïdes de la mâchoire inférieure : ainsi elles sont assez capables de soulever cette mâchoire contre la supérieure, & par-là de soutenir celle - ci pendant qu'elle porte le seau plein d'eau. (D.J.)

NARINES DES POISSONS, (Ichthyolog.) les narines sont placées dans les poissons d'une maniere si variée, & elles ont tant de différence dans leur nombre, leur figure, leur situation, & leur proportion, qu'elles forment une suite très-essentielle de caracteres, pour servir à distinguer les genres & les especes les unes des autres.

Par rapport au nombre, 1°. quelques poissons n'ont point-du-tout de narines, comme le pétremyzon, genre de poisson, qui renferme sous lui les diverses especes de lamproies ; 2°. plusieurs poissons n'ont qu'une narine de chaque côté, placée comme celle des oiseaux & des quadrupedes ; 3°. plusieurs ont deux narines de chaque côté, comme les carpes, les perches, &c.

Quant à la figure des narines elles sont, 1°. rondes dans quelques poissons ; 2°. ovales dans quelques autres ; 3°. oblongues dans plusieurs.

Les narines des poissons different aussi beaucoup par rapport à leur situation ; 1°. dans quelques-uns elles sont placées très-près du museau, comme dans les clupeae & le congre ; 2°. dans plusieurs genres de poissons elles sont placées près des yeux, comme dans le brochet, la perche, & leurs semblables ; 3°. elles se trouvent placées dans quelques-uns à moitié distance entre les yeux & la fin du museau, comme dans les anguilles qui vivent dans le sable.

Enfin les narines des poissons different aussi beaucoup en proportion ; car dans les poissons qui en ont deux paires, elles sont, 1°. dans quelques-unes placées si près les unes des autres, qu'elles paroissent presque se toucher, comme dans la carpe ; 2°. dans d'autres, comme dans le congre, la perche, & plusieurs autres poissons, elles se trouvent au contraire fort éloignées. En un mot, quoique les narines soient une partie des poissons, à laquelle on fait en général peu d'attention, il n'en est pas moins vrai qu'on doit les regarder comme d'une grande utilité pour la distinction des especes. (D.J.)


NARISQUES(Géog. anc.) Narisci, anciens peuples de la Germanie selon Tacite. Ils sont nommés Varisti par Ptolémée, liv. II. chap. xj. & Naristae par Dion, liv. LXXI. Il y a quelque apparence que ces peuples tiroient leur nom de la riviere nommée Navus, la Naw, qui traversoit leur pays, & que les Romains changerent l'u en r.

Le lieu qu'ils habitoient s'étendoit au midi du Danube, des deux côtés de la Naw, & selon la position que Ptolémée leur donne, ils étoient bornés au nord par les montagnes Hercyniennes, à l'orient par la forêt Hercynienne, au midi par le Danube, & au couchant par les Hermaudures : de cette façon leur pays renfermoit le haut palatinat ou le palatinat de Baviere, avec le landgraviat de Leuchtenberg. Nous apprenons de Dion, que ces peuples subsistoient encore du tems des Antonins, car il les met au nombre des nations qui conspirerent contre les Romains. (D.J.)


NARNI(Géogr.) on l'appelloit Nequinum selon Tite-Live, liv. X. chap. ix. à cause de la difficulté des chemins qui y conduisent ; petite ville très-ancienne d'Italie au duché de Spolete, dans l'état ecclésiastique, avec un évêché suffragant du pape. L'an de Rome 454, le consul M. Fulvius Petunius triompha des Néquiniens & des Samnites confédérés. Elle résista plus heureusement aux forces d'Annibal dans le tems qu'il ravageoit l'Italie ; mais dans le xvj. siecle, l'armée de Charles V. & des Vénitiens, s'en rendit maître, & y commit des ravages inexprimables ; elle est heureusement ressuscitée de ses cendres : on y voit encore quelques restes d'un pont magnifique, qu'on dit avoir été construit par Auguste, après la défaite des Sicambres, & de leurs dépouilles : il étoit bâti de grands quartiers de marbre joints ensemble par des bandes de fer scellées en plomb.

Narni est en partie située sur la croupe, & en partie sur la pente d'une montagne escarpée, à 7 lieues S. O. de Spolete, & à 15 N. E. de Rome : la Néra passe au bas de Narni ; sa long. est 30. 15. lat. 42. 32.

Cette petite ville a produit quelques gens de lettres, mais elle doit principalement se vanter d'avoir donné la naissance à l'empereur Nerva. Vieillard vénérable quand il monta sur le trône pour remplacer un monstre odieux, il se fit adorer par sa sagesse, par sa douceur, & par ses vertus. Il n'eut pas de plus grande joie que de penser & de dire en lui-même.

Par-tout en ce moment on me bénit, on m'aime,

On ne voit point le peuple à mon nom s'allarmer,

Le Ciel dans tous leurs pleurs ne m'entend point nommer,

Leur sombre inimitié ne fuit point mon visage,

Je vois par-tout les coeurs voler à mon passage.

Enfin il mit le comble à sa gloire en adoptant Trajan, l'homme le plus propre à honorer la nature humaine : ainsi le premier Antonin adopta Marc-Aurele. (D.J.)


NARO(Géogr.) Nara, ville de Sicile, dans la vallée de Mazara, près de la source de la riviere de Naro, à 10 milles au levant de Gergenti. Long. 31. 25. lat. 37. 20.

NARO, (Géog.) riviere de la Sicile, dans la vallée de Mazara. Elle prend sa source auprès de la ville qui porte son nom, court du côté du midi, & se jette dans la mer d'Afrique, auprès de Valone di Mole.


NARRAGA(Géog. anc.) fleuve aux environs de la Babylonie, selon Pline, l. VI. c. xxvj. C'est le canal ou la branche la plus occidentale de l'Euphrate, & ce canal a été creusé de main d'homme. Ptolémée, l. V. c. xx. l'appelle Maarsares, & Ammien Marcellin, l. XXIII. le nomme Martias. (D.J.)


NARRATIONS. f. (Belles-Lettres) dans l'éloquence & dans l'histoire est un récit ou relation d'un fait ou d'un événement comme il est arrivé, ou comme on le suppose arrivé.

Il y en a de deux sortes, l'une simple & historique, dans laquelle l'auditeur ou le lecteur est supposé entendre ou lire un fait qui lui est transmis de la seconde main : l'autre artificielle & fabuleuse, où l'imagination de l'auditeur échauffée prend part au récit d'une chose, comme si elle se passoit en sa présence.

La narration, selon les Rhéteurs, est la seconde partie du discours, c'est-à-dire, celle qui doit suivre immédiatement l'exorde. Voyez ORAISON ou DISCOURS.

Dans l'histoire, la narration fait le corps de l'ouvrage ; & si l'on en retranche les réflexions incidentes, les épisodes, les digressions, l'histoire se réduit à une simple narration. Voyez HISTOIRE.

Ciceron demande quatre qualités dans la narration, savoir, clarté, probabilité, briéveté & agrément.

On rend la narration claire, en y observant l'ordre des tems, ensorte qu'il ne résulte nulle confusion dans l'enchaînement des faits, en n'employant que des termes propres & usités, & en racontant l'action sans interruption.

Elle devient probable par le degré de confiance que mérite le narrateur, par la simplicité & la sincérité de son récit, par le soin qu'on a de n'y rien faire entrer de contraire au sens commun ou aux opinions reçues, par le détail précis des circonstances & par leur union, ensorte qu'elles n'impliquent point contradiction, & ne se détruisent point mutuellement.

La briéveté consiste à ne point reprendre les choses de plus haut qu'il n'est nécessaire, afin d'éviter le défaut de cet auteur ridicule dont parle Horace, qui gemino bellum trojanum orditur ab ovo, & à ne la point charger de circonstances triviales ou de détails inutiles.

Enfin on donne à la narration de l'agrément en employant des expressions nombreuses d'un son agréable & doux, en évitant dans leur arrangement les hiatus & les dissonnances, en choisissant pour objet de son récit des choses grandes, nouvelles, inattendues, en embellissant sa diction de tropes & de figures, en tenant l'auditeur en suspens sur certaines circonstances intéressantes, & en excitant des mouvemens de tristesse ou de joie, de terreur ou de pitié. Voyez NOMBRE, CADENCE, FIGURES, PASSIONS, &c.

C'est principalement la narration oratoire qui compose ces ornemens ; car la narration historique n'exige qu'une simplicité mâle & majestueuse, qui coûte plus à un écrivain que tous les agrémens du style qu'on peut répandre sur les sujets qui sont du ressort de l'éloquence.

Il ne sera pas inutile d'ajouter ici quelques observations sur les qualités propres à la narration oratoire.

1°. Quoiqu'on recommande dans la narration la simplicité, on n'en exclut pas toujours le pathétique. Ciceron, par exemple, remue vivement les passions, en décrivant les circonstances du supplice de Gavius, citoyen romain, qui fut condamné à être battu de verges, par l'injustice & par la cruauté de Verrès. Rien n'est plus touchant que le récit qu'il fait de la mort des deux Philodamus pere & fils, tous deux immolés à la fureur du même Verrès, le pere déplorant le sort de son fils, & le fils gémissant sur le malheur de son pere. Il y a donc des causes qui demandent une narration touchante & passionnée, comme il en est qui n'exigent qu'une exacte & tranquille exposition du fait. C'est à l'orateur sensé à distinguer ces convenances & à varier son style, selon la différence des matieres.

2°. Pour les causes de peu d'importance, comme sont la plûpart des causes privées, il faut relever la médiocrité du sujet par une diction simple en apparence, mais pure, élégante, variée. Sans cette parure elles paroissent tristes, seches, ennuyeuses ; on doit même y jetter quelques pensées ingénieuses, quelques traits vifs, qui piquent la curiosité, & qui soutiennent l'attention.

3°. A l'égard des causes où il s'agit d'un crime ou d'un fait grave, d'un intérêt public, elles admettent des mouvemens plus forts ; on y peut ménager des surprises qui tiennent l'esprit en suspens, y faire entrer des mouvemens de joie, d'admiration, d'étonnement, d'indignation, de crainte & d'espérance, pourvu que l'on se souvienne que ce n'est pas là le lieu de terminer ces grands sentimens, & qu'il suffit de les ébaucher ; car l'exorde & la narration ne doivent avoir d'autres fonctions que de préparer l'esprit des juges à la preuve & à la peroraison. (G)

NARRATION, est un mot dont on fait particulierement usage en poësie, pour signifier l'action ou l'événement principal d'un poëme. Voyez ACTION ou FABLE.

Le P. le Bossu observe que l'action en poësie est susceptible de deux sortes de narrations oratoires, & que ces deux sortes de narrations constituent deux especes de grands poëmes.

Les actions dont le récit est sous une forme artificielle ou active constituent les poëmes dramatiques. Voyez DRAME.

Celles qui sont seulement racontées par le poëte, comme historien, forment les poëmes épiques. Voyez EPOPEE.

Dans le drame, la narration mise en action est le fond unique & total du poëme : dans l'épopée, l'action mise en récit n'en fait qu'une partie ; mais à la vérité la partie principale. Elle est précédée par une proposition & une invocation que le même auteur appelle prélude, & que d'autres nomment début, & elle est fréquemment interrompue par le poëte dans les endroits où il parle en personne, pour demander aux lecteurs & aux dieux de la bienveillance, de l'indulgence, du secours, & dans ceux où il raconte les faits en historien. Voyez INVOCATION.

La narration du poëme épique renferme l'action entiere, avec ses épisodes, c'est-à-dire, avec les ornemens dont le poëte l'accompagne. Voyez EPISODE.

Dans cette partie l'action doit être commencée, continuée & finie, c'est-à-dire, qu'on doit apprendre les causes des événemens qui font la matiere du poëme qu'on y doit proposer, & résoudre les difficultés, développer les caracteres & les qualités des personnages, soit humains, soit divins, qui prennent part à l'action ; exposer, & ce qu'ils font, & ce qu'ils disent ; démêler les intérêts, & terminer le tout d'une maniere satisfaisante. Tout cela doit être traité en vers nobles, harmonieux, dans un style rempli de sentimens, de comparaisons & d'autres ornemens convenables au sujet en général, & à chacune de ses parties en particulier. Voyez STYLE.

Les qualités d'une narration épique sont, la vraisemblance, l'agrément, la clarté. Elle doit être également noble, vive, énergique, capable d'émouvoir & de surprendre, conduisant, pour ainsi dire, à chaque pas le lecteur de merveilles en merveilles. Voyez MERVEILLEUX.

Selon Horace l'utile & l'agréable sont inséparablement nécessaires dans un poëme épique.

Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.

Le P. le Bossu prétend que l'utile y est de nécessité absolue, & que l'agréable n'est que de nécessité accessoire ; d'autres au contraire veulent qu'on ne s'y propose que l'agrément, & que l'instruction morale n'en fasse pas une partie essentielle. Voyez FABLE, EPIQUE, EPOPEE.


NARSAPOUR(Géog.) ville de l'Inde, dans le golfe de Bengale, sur la côte de Coromandel, au Royaume de Golconde, à l'embouchure méridionale de la riviere de Vénéron, environ à 12 lieues au-dessus de Masulipatan, du côté du N. E. Long. 102. lat. 17. 30. (D.J.)


NARSINGAPATAN(Géog.) ou Narsingue, ville de l'Inde, dans le golfe de Bengale, à l'extrêmité de la côte de Coromandel, dans la partie orientale du royaume de Golconde, sur la riviere de Narsepille à la droite, & environ à 10 lieues de son embouchure, en tirant vers le nord. Long. suivant Harris, 103. 21. 30. Lat. 18. 15.


NARTHECION(Géog. anc.) autrement Narthaciensium mons, ou Anthraceorum mons, c'est-à-dire, montagne des charbonniers, montagne de Thessalie qui termine la plaine du côté de Pharsale. On trouve dans toute cette montagne quantité de belles fontaines, dont les eaux s'assemblent dans la plaine, & forment beaucoup de petits ruisseaux qui se vont jetter dans le Pénée. Ce fut sur cette montagne qu'Agésilaüs, à son retour d'Asie, éleva un trophée pour la victoire qu'il remporta sur les Pharsaliens ; l'éphore Diphridas vint trouver ce roi dans le camp de Narthécion, un peu avant la bataille de Coronée, qu'il ne faut pas confondre avec celle de Chéronée, quoique toutes deux ayent été gagnées sur les Athéniens.


NARVA(Géog.) ou Nerva, riviere de Livonie. Elle sort du lac de Peipis, baigne la ville de Narva, à laquelle elle donne le nom ; & à deux lieues au-dessous elle va se jetter dans le golfe de Finlande. Cette riviere est presqu'aussi large que l'Elbe, mais beaucoup plus rapide ; & à demi-lieue au-dessus de la ville, elle a un très-grand saut qui fait qu'on est contraint de décharger dans cet endroit-là toutes les marchandises que l'on envoie de Plescow & de Derpt à Narva.

NARVA, (Géog.) ou Nerva, ville forte de l'empire russien, dans la Livonie, sur la riviere de Narva, à 66 lieues N. de Riga, & à 36 S. O. de Vibourg. On croit que cette ville fut bâtie par Valdemar II, Roi de Danemarck, en 1213. Jean Basilowitz, grand duc de Moscovie, la prit en 1558, & Pontus de la Gardie l'enleva aux Russes en 1581. Les Suédois en demeurerent les maîtres jusqu'en 1704, qu'elle fut reprise par le czar Pierre le Grand. Long. 46. 34. lat. 59. 7.


NARVAR(Géog.) ville des Indes, aux états du grand-mogol, dans la province de Narvar, à 34 lieues au midi d'Agra. Long. 96. 40. lat. 25. 6.

La province de Narvar, appartenante au grand Mogol, est bornée au nord & à l'occident par le royaume d'Agra, à l'orient par celui de Patna, & au midi par celui de Bengale.

La riviere de Narvar a sa source près de la ville de Maudoa, & a son embouchure dans le golfe de Cambaye. (D.J.)


NARWALS. m. (Hist. anc. Icthyolog.) Pl. XIII. fig. 9. NHARWAL, licorne de mer, unicornu monoceros, unicornu marinum Charlet. monoceros piscis, Nharwal islandis Raii, poisson cétacée, appellé par les Groenlandois touwack, & auquel on a donné le nom de licorne, parce qu'il a au bout de la mâchoire supérieure, tantôt à droite & tantôt à gauche, une très-longue dent, qui ressemble à une corne. On pourroit présumer d'après la position de cette dent, qu'il est naturel à ce poisson d'en avoir deux. M. Anderson est d'un avis contraire : il donne cependant la description d'un narwal qui a deux dents. Il regarde ce fait comme très-rare : voici ce qu'il en dit.

Le capitaine Dirck Petersen a rapporté à Hambourg en 1684 l'os de la tête d'un narwal, avec deux dents, qui sortent en droite ligne du devant de la tête. Ces dents sont à deux pouces de distance au sortir de la mâchoire, ensuite elles s'éloignent de plus en plus l'une de l'autre, de façon qu'il y a entr'elles treize pouces de distance à l'extrêmité. La dent gauche a sept piés cinq pouces de longueur, sur neuf pouces de circonférence ; celle qui est à droite n'a que sept piés de longueur, sur huit pouces de tour. Elles entrent toutes les deux de la longueur de treize pouces dans la tête. Ce narwal étoit une femelle pleine. On ne trouva au foetus aucune apparence de dent.

M. Anderson a vu à Hambourg en 1736 un narwal qui étoit entré dans l'Elbe par une marée. Ce cétacée étoit plus gros qu'allongé ; il n'avoit que deux nageoires, la tête étoit tronquée ; la dent sortoit du côté gauche de la mâchoire supérieure audessus de la lévre. Elle étoit contournée en spirale, & elle avoit cinq piés quatre pouces de longueur. Le côté droit du museau étoit fermé & couvert par la peau, sous laquelle on ne sentoit aucune cavité dans l'os de la tête. La queue étoit fort large, & couchée horisontalement sur l'eau. La peau avoit beaucoup d'épaisseur ; elle étoit très-blanche & parsemée d'une grande quantité de taches noires, qui pénétroient fort avant dans sa substance. Il n'y avoit point de ces taches sur le ventre ; il étoit entierement blanc, luisant & doux au toucher, comme du velours. Ce poisson n'avoit point de dent au-dedans de la gueule, dont l'ouverture étoit très-petite ; car elle n'excédoit pas la largeur de la main. La langue remplissoit toute la largeur de la gueule. Les bords du museau étoient un peu durs & raboteux. Il y avoit au-dessus de la tête un trou ou un tuyau garni d'une soupape, qui s'ouvroit & qui se fermoit au gré du poisson, par où il rejettoit l'eau en expirant l'air. Les yeux étoient petits, situés au bas de la tête, & garnis d'une espece de paupiere. Ce narwal étoit mâle ; mais la verge ne sortoit pas hors du corps. La longueur totale de ce poisson étoit de dix piés & demi depuis le bout du museau jusqu'à l'extrémité de la queue, qui avoit trois piés deux pouces & demi de largeur ; chaque nageoire n'avoit que neuf pouces de longueur.

Comme on trouve des dents de narwal qui, au lieu d'être tournées en spirale, sont entierement unies, M. Anderson soupçonne qu'il peut y avoir plusieurs especes de ces poissons. Leur longueur ordinaire est d'environ vingt à vingt-deux piés ; on en trouve qui ont jusqu'à soixante piés.

Les Groenlandois regardent ces poissons comme les avant-coureurs de la baleine ; car dès qu'ils en voient, ils se préparent promptement pour faire la pêche de la baleine. Le narwal se nourrit comme elle de petits poissons, de vers & d'autres insectes marins ; mais il n'a point de barbes pour les retenir dans sa gueule. Hist. d'Isl. & de Groenlande, par M. Anderson. Voyez CETACEE. (I)


NASABATH(Géog. anc.) fleuve de la Mauritanie césariense, selon Ptolémée, l. IV. c. ij. Pline, l. V. c. ij. le nomme Nabar. Marmol dit que ce fleuve ou cette riviere a son embouchure au levant de la ville de Bugie, & qu'elle est très-poissonneuse. (D.J.)


NASALadj. (Gram.) On distingue dans l'alphabet des voyelles & des consonnes nasales.

Les voyelles nasales sont celles qui représenteroient des sons dont l'unisson se feroit en partie par l'ouverture de la bouche, & en partie par le canal du nez. Nous n'avons point de caracteres destinés exclusivement à cet usage ; nous nous servons de m ou de n après une voyelle simple pour en marquer la nasalité, an ou am, ain ou aim, eun ou un, on ou om. On donne quelquefois aux sons mêmes le nom de voyelles ; & dans ce sens, les voyelles nasales sont des sons dont l'émission se fait en partie par le canal du nez. M. l'abbé de Dangeau les nomme encore voyelles sourdes ou esclavones ; sourdes, apparemment parce que le reflux de l'air sonore vers le canal du nez occasionne dans l'intérieur de la bouche une espece de retentissement moins distinct que quand l'émission s'en fait entierement par l'ouverture de la bouche ; esclavones, parce que les peuples qui parlent l'esclavon ont, dit-il, des caracteres particuliers pour les exprimer. La dénomination de nasale me paroît préférable, parce qu'elle indique le méchanisme de la formation de ces sons.

Les consonnes nasales sont les deux m & n : la premiere, labiale ; & la seconde, linguale & dentale : toutes deux ainsi nommées, parce que le mouvement organique qui produit les articulations qu'elles représentent, fait passer par le nez une partie de l'air sonore qu'elles modifient. Voyez LETTRE, VOYELLE, M. N. (B. E. R. M.)

NASAL, LE, adject. en Anatomie, ce qui appartient au nez. Voyez NEZ.

L'apophyse nasale de l'os maxillaire. Voyez MAXILLAIRE.

L'apophyse nasale de l'os coronal. Voyez APOPHYSE & CORONAL.

Le canal nasal osseux est un conduit dont l'orifice supérieur est situé à la partie latérale interne & antérieure de la fosse orbitaire & l'orifice inférieur sous la partie antérieure des cornets inférieurs du nez. Ce conduit est fermé par l'apophyse montante de l'os maxillaire, par l'os unguis, & les petites apophyses antérieures des cornets inférieurs du nez. Voyez MAXILLAIRE, UNGUIS, &c.

Les fosses nasales sont deux cavités dans le nez auxquelles le vomer & la lame verticale de l'os ethmoïde servent de cloison mitoyenne, & dont les narines antérieures sont les orifices externes, & les postérieures les orifices internes. Voyez NARINE.

Le canal nasal membraneux descend du sac lacrymal dans le canal nasal. Il le resserre un peu, descend en arriere, se courbe légérement dans l'os même, intérieurement voisin du sinus maxillaire & de son appendice supérieur, & il s'ouvre enfin dans les narines, & il est couvert dans son extrêmité inférieure par le cornet inférieur du nez, près de l'extrêmité antérieure de cet os par un orifice un peu plus étroit qu'il n'est lui-même, suivant Morgagni & Monro, & il se termine par une membrane plus longue dans sa partie interne, qui en se prolongeant un peu en-bas, forme une espece de valvule que Bianchi a décrite avec trop d'emphase.

Salomon Albert a le premier donné une ample description de ce canal ; & Drelincourt l'a mis au rang des conduits lacrymaux, parce que les larmes viennent quelquefois dans la bouche. Galien a connu ce chemin des larmes aux narines, auxquelles il dit que parvient le goût des collyres ; ensuite Massa, Gabriel & Zerbit. L'air retenu dans la bouche, la fumée de tabac, le sang même peuvent aussi passer de la cavité du nez dans les points lacrymaux.

L'observation que M. Petit a faite sur un paon, (Mém. de l'Acad. 1735.) a été quelquefois faite dans l'homme. Plempius dit d'après Spigel qu'une eau versée dans les yeux vuida le ventre. Les Chinois font passer un fil par un point lacrymal dans les narines, & ils le remuent de tous les sens pour se faire pleurer. Haller, Comment. Boerhaav. (L)

NASAL, terme de Blason. Il se dit de la partie supérieure d'ouverture d'un casque ou d'un heaume, qui tomboit sur le nez du chevalier lorsqu'il le baissoit, du latin nasus, nez.


NASAMMONITE(Hist. nat.) nom donné par les anciens Naturalistes à des pierres qui selon Pline, étoient d'un rouge de sang, remplies de veines noires : on ne sait si c'étoit jaspe ou agate. (-)


NASAMONES(Géog. anc.) peuples d'Afrique qui habitoient la Syrte, selon Hérodote, l. II. c. xxxij. qui a décrit fort au long leurs moeurs & leurs usages. Il dit, entr'autres particularités, que ces peuples prenoient plusieurs femmes ; mais que la premiere nuit des noces, la femme qu'ils épousoient s'abandonnoit à tous les convives qui, après avoir obtenu ses faveurs, lui faisoient chacun un présent. Ptolémée, l. IV. c. v. place ces peuples dans la partie septentrionale de la Marmarique. Pline leur donne la même position, & dit que les Nasamones avoient été nommés Mesammones par les Grecs, parce qu'ils étoient situés au milieu des sables. (D.J.)


NASARDS. m. terme d'Organiste, est un jeu fait de plomb, & en forme de fuseau par le haut, comme la fig. 38. Pl. d'orgue, le représente. Il sonne la quinte au-dessus du prestant ou 4e pié. Voyez la table du rapport & de l'étendue des jeux de l'orgue, & l'article ORGUE, où la facture de ce jeu est expliquée.

Dans quelques orgues, le nasard n'est point en fuseau ; dans ce cas, les basses sont à cheminées, & les dessus ouverts.

NASARD, GROS, terme d'Organiste. Ce jeu ne differe du nasard (Voyez NASARD, & la fig. 36. Pl. d'orgue) qu'en ce qu'il sonne l'octave au-dessous & la quarte au-dessous du prestant. Voyez la table du rapport & de l'étendue des jeux de l'orgue.


NASCARO(Géog.) riviere d'Italie au royaume de Naples, dans la Calabre ultérieure. Les anciens l'appelloient Cirus. Elle a sa source dans l'Apennin, & son embouchure dans le golfe Squilaci. (D.J.)


NASCI(Géog. anc.) peuples de la Sarmatie européenne, selon Ptolémée, l. III. c. iv. qui les met au voisinage des monts Riphées, auprès des Acibi. (D.J.)


NASEAUXterme de Maréchal. On appelle ainsi les ouvertures du nez du cheval.


NASIS. m. (Hist. anc. & mod.) c'est-à-dire en hébreu prince, qui se trouve souvent dans les livres des Juifs. On le donnoit autrefois au souverain juge & grand président de leur sanhedrin. Les Juifs modernes ont encore retenu ce titre, & leurs rabbins qui s'imaginent être les princes & les chefs de ce peuple dispersé, s'attribuent cette autorité comme une marque de leur prétendue autorité. (G)


NASIBINE(Géog.) ville de Perse dans le Kurdistan. Elle est située à 76. 30. de long. sous les 37. de lat.


NASIUM(Géog. anc.) ancienne ville ou forteresse des Gaules chez les Leuci, sur la riviere d'Orne entre Andelot & Toul. Comme il se trouve encore aujourd'hui sur l'Orne, en allant de Langres à Toul, & passant par Andelot, deux villages ; l'un nommé le petit Nancy, & le second le grand Nancy, il paroît que l'un ou l'autre doivent être le Nasium des anciens, puisqu'ils en conservent le nom & la situation. En conséquence ceux qui veulent que Nasium soit le village de Nas dans le duché de Bar, à 12 milles de Nancy, ne sont pas fondés. Voyez Hadr. Valesii Not. gall. p. 371. (D.J.)


NASO-PALATINconduits naso-palatins, en Anatomie, est la même chose que les conduits incisifs. Voyez CONDUIT & INCISIF.


NASQUEou NESQUE, (Géog.) riviere de France en Provence. Elle prend sa source dans les omergues de Forcalquier, au diocèse de Sisteron, & finit par se joindre à la Sorgue un peu avant que cette derniere riviere se décharge dans le Rhône.


NASR(Mythologie & Hist. anc.) nom d'une divinité des anciens Arabes idolâtres, qui la représentoient sous la forme d'un aigle.


NASSANGI BACHIS. m. (Hist. mod.) officier en Turquie, dont la charge est de sceller tous les actes expédiés par le teskeregi-bachi ou premier secrétaire du grand visir, & quelquefois les ordres du sultan.

Le nom de nassangi se donne à tous les officiers du sceau, & celui de nassangi-bachi à leur chef. Il n'est pourtant pas proprement garde des sceaux de l'empire ottoman, puisque c'est le grand visir qui est chargé par le sultan même du sceau impérial, & qui le porte ordinairement dans son sein. Le nassangi-bachi a seulement la fonction de sceller sous les ordres du premier ministre ses dépêches, les délibérations du divan, & les ordonnances ou kat-cherifs du grand-seigneur.

Si cet officier n'est que bacha à deux queues, ou simplement effendi, c'est-à-dire homme de loi, il n'entre point au divan ; il applique seulement son sceau sur de la cire-vierge contenue dans une petite demi-pomme d'or creuse, si l'ordre ou la dépêche s'adresse à des souverains, & sur le papier pour les autres. Il se tient tous les jours de divan dans une petite chambre qui n'en est pas éloignée, où il cachette les dépêches & les sacs d'aspres & de sultanins qui doivent être portés au trésor. S'il est bacha à trois queues, il a entrée & séance au conseil parmi les visirs de banc.

Tous les ordres du grand-seigneur qui émanent de la chancellerie du grand-visir pour les provinces, de même que ceux qui sortent du bureau du defterdar, doivent être lus au nassangi-bachi par son secrétaire qu'on nomme nassangi-kassedar-effendi. Il en tire une copie qu'il remet dans une cassette. Les ordres qui ne s'étendent pas au-delà des murs de Constantinople n'ont pas besoin pour avoir force de loi d'être scellés par cet officier, il suffit qu'ils soient signés du grand-visir.

Le nassangi-bachi doit toujours être auprès de la personne du prince, & ne peut en être éloigné que son emploi ne soit donné à un autre. Lorsque le grand-visir marche à quelque expédition sans le sultan, le nassangi-bachi le fait accompagner par un nassangi-effendi, qui est comme son substitut. Enfin aux ordres émanés immédiatement de sa hautesse, le nassangi-bachi applique lui-même le tura ou l'empreinte du nom du monarque, non pas au bas de la feuille, comme cela se pratique chez les autres nations, mais au haut de la page avant la premiere ligne, comme les Romains en usoient dans leurs lettres. Ce tura est ordinairement un chiffre en lettres arabes formé des lettres du nom du grand-seigneur. Guer. Moeurs des Turcs, tom. II. (G)


NASSARou NAUSARI, (Géog.) petite ville des Indes dans les états du grand-mogol, au royaume de Guzarate, à 6 lieues de la ville de Surate & à 2 de la mer. Long. 89. 55. lat. 21. 5.


NASSAU(Géog.) petite ville d'Allemagne dans le cercle du haut Rhin, capitale d'un comté de même nom, dont les comtes sont souverains.

On voit près de cette ville une montagne sur laquelle est le château de Nassau, d'où est sortie l'illustre maison de ce nom, qui a donné un empereur à l'Allemagne, un roi à l'Angleterre, des stadhouders à la république des Provinces-unies, & des ducs à la Gueldre.

Nassau est sur la riviere de Lohn à 5 lieues S. E. de Coblentz, 8 N. O. de Mayence, 12 S. E. de Bonn. Long. 25. 30. lat. 50. 13. (D.J.)

NASSAU, (Géog.) pays d'Allemagne avec titre de comté ; ce pays renferme plusieurs autres comtés partagés en diverses branches, qui portent les unes le titre de Prince, les autres celui de comte, & qui prennent chacune le nom de leur résidence ; savoir, Siegen, Dillembourg, Schaumbourg, Diets, Hadamar, Verburg & Idstem. La Lohn, le Dill & le Siegen sont les principales rivieres qui arrosent ce pays. Le comté de Nassau est mis au nombre des fiefs libres de l'empire, jouissant de tous les privileges des comtes de l'empire, & particulierement du pouvoir de battre monnoie. La maison de Nassau possede encore aux confins de la Lorraine le comté de Saarbruck & le comté de Saarwerden. (D.J.)


NASSE(Pêche) engin à prendre du poisson. Il est fait d'osier ; ce sont comme deux paniers ronds, pointus par le bout, enfoncés l'un dans l'autre & à ventres renflés comme la cruche. A l'ouverture est une espece de bord de 4 à 5 pouces.

La pêche à la nasse se fait dans les rivieres & à la mer. Il y a plusieurs sortes de nasses, clayes, paniers ou bouteilles de mer. Celles dont on se sert dans l'amirauté de Dieppe pour prendre des congres & des homards, est une espece de panier tel que celui sous lequel on tient la poule avec ses poussins. Sa forme est ronde & un peu applatie, comme on voit dans nos Planches de Pêche. Il y a au milieu de la partie supérieure un petit goulet. On en construit qui sont toutes d'osier : d'autres sont formées de cercles couverts de filets. Aux deux côtés sont deux anses sur lesquelles sont amarrées de lourdes cablieres qui tiennent ferme cet engin que les Pêcheurs placent ordinairement entre deux roches, lieux que les congres & homards fréquentent volontiers. Ils mettent dans ce filet de petits poissons attachés à des ains ; & au défaut de petits poissons, ils se servent de petits morceaux de marne blanche qui trompent le congre & le homard. Le congre & le homard entrent par le goulet & ne peuvent plus sortir.

Pour conserver vivans les homards, & les empêcher de s'entretuer & de se dévorer, on les cheville aux mordans, en fichant une petite cheville plate dans la membrane de la petite serre qui est fléxible. On empêche ainsi le homard de serrer & d'agir.

Il y a deux autres sortes de nasses, d'osier ou de rets : on les voit dans nos Planches. Ces nasses ont deux goulets qui donnent entrée au poisson. Les Pêcheurs en mettent plusieurs sur un cablot d'osier : ils les relevent tous les matins : plus la marée est forte & l'eau trouble, meilleure est la pêche qui se fait deux fois l'année, aux tems des équinoxes. Ces engins sont les mêmes que ceux des rivieres qui ont même nom. Les plus gros prennent le gros poisson ; les plus petits sont pour les anguilles, & les moyens pêchent l'éperlan.

On applique quelquefois une nasse à l'extrêmité du verveux ; des guideaux lui servent d'entonnoirs. On s'y prend ainsi pour arrêter tout le poisson qui se présente sous l'anse d'un pont, ou entre les palis d'un gord.

Les nasses, paniers ou bouteilles en usage dans l'amirauté de Tonques & de Dives, sont comme pour les rivieres. Elles peuvent avoir trois ou quatre piés de long. L'ouverture en est plus ou moins large : elles sont plus grosses vers le milieu ; le goulet est ferme comme le corps. Elles sont faites de tiges d'osier ou de bois. Elles ont du ventre en diminuant jusqu'au bout qui finit en pointe. A l'extrêmité il y a une ouverture fermée d'une grille de bois ou d'un tampon de paille. On les expose l'ouverture vers le flot. Pour cet effet on a deux petits pieux ou piquets qui passent dans deux anses qui sont aux côtés de la nasse qu'ils tiennent saisie, de maniere que la marée ne peut la déranger.

Les pêcheries qu'on nomme dans l'amirauté de Bayonne nasses ou petites écluses sont construites de deux manieres différentes. Les premieres, en équerres ouvertes comme les pans de bois ou buchots ; d'autres, droites & traverses sur le canal ou le bras d'eau sur lequel elles sont placées. Au milieu du courant, on enfonce deux gros pieux distans l'un de l'autre de 8 à 10 piés, arrêtés par une traverse sur laquelle est posé le flet qui cale au moyen des pierres ou du plomb dont le bas est chargé. C'est au milieu de ce rets qu'est mis le cassin, le bertaut ou la tonnelle qu'on tient ouverte comme le verveux par cinq ou six cercles. Les mailles des rets sont assez serrées pour que rien n'échappe, pas même les plus petites anguilles. Le poisson est obligé de tomber dans le bertaut d'où il ne sort plus. Pour cet effet on pratique de côté & d'autre, soit en droite ligne, soit en équerre, des levées formées de pieux & garnies de terrasses, de clayonnages ou de pierres : on les éleve jusqu'à la hauteur la plus grande que les eaux puissent atteindre au tems des lavasses & ravines. On ne pêche de cette maniere qu'en hiver, depuis la S. Martin jusqu'au mois de Mars, & la pêche ne se fait que de nuit. De jour on releve le rets traversant le bertaut. Ces pêcheries sont inutiles en été.


NASSELLEvoyez MERLUS.


NASSIBS. m. (Hist. mod.) nom que les Turcs donnent au destin qui se trouve, selon eux, dans un livre qui a été écrit au ciel & qui contient la bonne ou mauvaise fortune de tous les hommes, qu'ils ne peuvent éviter, quoi qu'ils fassent en quelque maniere que ce soit. De cette créance naît en eux la persuasion d'une prédestination absolue qui les porte à affronter les plus grands périls, parce qu'il n'en arrivera, disent-ils, que ce que porte le nassib ; il faut pourtant observer que cette opinion n'est pas si générale parmi eux qu'ils n'ayent des sectes qui reconnoissent l'existence & le pouvoir du libre arbitre, mais le grand nombre tient pour le destin. Ricaut, de l'emp. turc. (G)


NASTRANDES. m. (Mythol.) c'est ainsi que les anciens Celtes Scandinaves appelloient le second enfer, ou le séjour malheureux qui, après l'embrasement du monde & la consommation de toutes choses, étoit destiné à recevoir les lâches, les parjures & les meurtriers. Voici comme le nastrande ou rivage des morts est décrit dans l'Edda des Islandois. " Il y a un bâtiment vaste & infâme dont la porte est tournée vers le nord ; il n'est construit que de cadavres de serpens, dont toutes les têtes sont tournées vers l'intérieur de la maison, ils y vomissent tant de venin qu'ils forment un long fleuve empoisonné ; c'est dans ce fleuve que flottent les parjures & les meurtriers, & ceux qui cherchent à séduire les femmes d'autrui : d'autres sont déchirés par un loup dévorant ". Il faut distinguer l'enfer, appellé nastrande dont nous parlons, de celui que ces peuples appelloient nifléheim, qui étoit destiné à servir de séjour aux méchans jusqu'à la fin du monde seulement. Voyez NIFLEHEIM, & voyez l'Edda des Islandois, publié par M. Mallet, p. 112.


NASTURCEvoyez CRESSON.

NASTURCE ou CRESSON D'INDE, (Jardinage) on l'appelle encore petite capucine ou capres capucines ; sa tige est longue & rampante : de ses feuilles rondes s'élévent des pédicules rougeâtres, qui soutiennent des fleurs très-odorantes à cinq feuilles jaunes tachetées de rouge. Leur calice d'une seule piece découpée en cinq parties a une longue queue faite en capuchon, & devient, lorsque la fleur est passée, un fruit à trois capsules qui renferment sa graine.

Cette plante se cultive à l'ordinaire dans les jardins, & l'on mange en salade sa fleur confite dans du vinaigre.


NATA(Géogr.) ville de l'Amérique méridionale dans le gouvernement de Panama. Elle est située sur la baie de Parita à 30 lieues de Panama vers l'ouest, dans un terrein fertile, plat & agréable. Long. 299. 10. lat. 8. 20.


NATAGAIS. m. (Mythol.) idole que les Tartares adorent comme le dieu de la terre & de tous les animaux. Il n'y a point de maison où l'on n'en garde avec respect une image accompagnée des figures de sa femme & de ses enfans, comme les anciens païens conservoient leurs lares & leurs pénates ; & au lieu que ceux-ci leur faisoient des libations & des sacrifices, les Tartares, persuadés que Natagai & leurs autres idoles vivent, & ont besoin de nourriture, leur présentent des viandes, & leur frottent la bouche avec la graisse des mets qu'ils servent sur leurs tables. Kircher, de la Chine.


NATALadj. (Gramm.) il se dit du tems ou du lieu de la naissance. Le jour natal ; le pays natal. Dans quelques communautés religieuses, la maison natale est celle où l'on a fait profession. Les anciens ont célébré la naissance des hommes illustres par des jeux appellés natals. Les chrétiens ont eu leurs fêtes natales ; Noël, Pâques, la Pentecôte & la Toussaint. On aime son pays natal ; il est rare qu'on n'y laisse des parens, des amis ou des connoissances : & puis, on n'y peut faire un pas sans y rencontrer des objets intéressant par la mémoire qu'ils nous rappellent de notre tems d'innocence. C'est ici la maison de mon pere ; là je suis né : ici j'ai fait mes premieres études ; là j'ai connu cet homme qui me fut si cher : ici cette femme qui alluma mes premiers desirs : & voilà ce qui forme cette douceur dont Virgile & Ovide se seroient rendu raison s'ils y avoient un peu réfléchi.

NATAL, (Géog.) pays d'Afrique dans la Cafrerie, situé entre le 31. 30. 28. Ses habitans demeurent les uns dans des cavernes ou trous de rochers, les autres dans de petites maisons, qui sont si serrées & si bien couvertes de roseaux ou de branches d'arbres, que les vents & la pluie ne sauroient y pénétrer. Les Hottentots sont leurs voisins au sud.

Le pays Natal est borné au nord par la riviere della Goa qui est navigable ; il est borné à l'est par la mer des Indes ; mais on ne sait pas encore jusqu'où il s'étend à l'ouest. Le quartier qui regarde la mer est un pays de plaines & de forêts. On n'y manque pas d'eau, parce que les montagnes fournissent une quantité de petits ruisseaux qui se joignent ensemble, & forment la riviere de Natal. Les savanes y sont couvertes d'herbes fort épaisses.

Entre les animaux terrestres, on y voit des tigres, des éléphans, des bufles, des boeufs, des vaches montagnardes & des bêtes fauves. Les éléphans y fourmillent. La volaille y abonde en canards sauvages & domestiques, sarcelles, coqs, poules, outre une infinité d'oiseaux qui nous sont inconnus. La mer & les rivieres sont extrêmement poissonneuses ; mais les habitans ne prennent guere que des tortues.

Les naturels de ce pays sont déja différens des Hottentots ; ils sont beaucoup moins mal-propres & moins laids. Ils sont aussi naturellement plus noirs ; ils ont les cheveux crépus, le visage en ovale, le nez plat de naissance, à ce que dit Kolbe, & les dents blanches ; mais ils ont aussi un peu de goût pour la graisse, car ils portent des bonnets élevés de huit à dix pouces & faits de suif de boeuf. Ils cultivent la terre, y sement une espece de blé-de-turquie dont ils font leur pain.

Les hommes vont presque tous nuds, ainsi que les femmes. Lorsqu'il pleut, ils jettent sur leurs épaules un simple cuir de vache, dont ils se couvrent comme d'un manteau. Ils boivent du lait aigri pour se desaltérer.

Il est permis à chaque homme d'avoir autant de femmes qu'il en peut entretenir ; mais il faut qu'il les achete, puisque c'est la seule marchandise qu'on achete & qu'on vende dans la terre de Natal. On donne des vaches en troc pour des femmes ; desorte que le plus riche est celui qui a le plus de filles ou de soeurs à marier.

Ils demeurent ensemble dans de petits villages composés de familles toutes alliées les unes aux autres. C'est ainsi qu'ils vivent dans l'innocence de la nature en se soumettant volontiers au plus âgé d'entr'eux, lequel les gouverne tous. Voyez de plus grands détails dans les voyages de Dampierre. (D.J.)


NATANGEN(Géograph.) cercle du royaume de Prusse sur le Prégell. Il contient quatre provinces ; le Natangen propre, le Bartenland, la Sudavie & la Galindie. Brandebourg en est la capitale.


NATATIONS. f. (Med. gymnast.) c'est l'action de nager, sorte de mouvement progressif dont est susceptible un grand nombre d'animaux qui s'en servent pour transporter leur corps d'un lieu à un autre sur la surface ou au-travers des eaux sans aucun appui solide, de façon qu'ils se meuvent dans le fluide comme les oiseaux se meuvent & courent dans les espaces de l'air.

Cependant il y a cette différence entre l'action de voler & celle de nager, que pour se soutenir dans les airs, les animaux volatiles ont besoin d'une force très-grande, à cause que leur corps est d'une gravité spécifique beaucoup plus considérable que celle du fluide dans lequel ils ont à se soutenir suspendus ; au lieu que les animaux qui nagent naturellement n'ont point à employer de forces pour se soutenir suspendus dans l'eau ou sur la surface, parce que leur corps est moins pesant qu'un égal volume de ce fluide dont d'ailleurs la consistance leur sert de soutien.

Ce qui le prouve, c'est que si les animaux terrestres, les oiseaux même tombent dans l'eau, & y sont plongés fort avant, ils reviennent d'eux-mêmes sur l'eau comme un morceau de bois ; ils sont, pour ainsi dire, repoussés du fond vers la surface avec une sorte d'effort, comme pour être lancés au-dessus, sans qu'il y ait aucun mouvement tendant à cet effet de la part de l'animal.

Il n'est personne qui étant dans le bain, n'ait éprouvé qu'en étendant horisontalement les piés & les mains, on sent que dès qu'on ne fait pas un continuel effort pour s'appesantir & se fixer au fond du vase, l'eau souleve d'elle-même tout le corps jusqu'à ce qu'il y en ait une partie qui surnage.

Ainsi lorsqu'un animal quadrupede ou volatile est jetté vivant, ou se jette dans l'eau, de quelque maniere que cela se fasse, il revient toujours sur la surface, après avoir plongé plus ou moins avant, en sorte qu'il reparoît bientôt une grande partie de son corps qui surnage ; c'est constamment la partie supérieure, puisque tandis qu'il a le ventre toujours plongé, le dos & la tête restent au-dessus de l'eau, & il conserve l'attitude qui lui est naturelle en marchant, parce que le centre de gravité de l'animal répond au milieu du bas-ventre qui est toujours tourné en bas comme un pendule, & que la poitrine, le dos & la tête sont moins pesans que le reste du corps.

Il n'en est pas de même par rapport à l'homme, attendu qu'il a la tête, tout étant égal, beaucoup plus pesante que celle d'aucun autre animal, parce qu'il a la masse du cerveau d'un beaucoup plus grand volume ; qu'il lui est par conséquent difficile de tenir la tête élevée hors de l'eau ; ce qu'il ne peut faire que par l'action de ses piés & de ses mains, qui en pressant par reprises l'eau de haut en bas, en imitant en quelque sorte l'effet des rames, font faire à son corps incliné, de la tête aux piés, comme des élancemens, des sauts du dedans au dehors de l'eau, qui se répetent avec assez de promptitude pour tenir toujours la tête au-dessus de ce fluide ; ce qui se fait sans aucune peine à l'égard des quadrupedes laissés à eux-mêmes, & sans aucun mouvement de leur part.

C'est ainsi que les poissons se soutiennent, se reposent même & dorment à la surface des eaux, ayant le dos au-dessus & seulement le ventre plongé ; ils ne peuvent s'enfoncer qu'en se rendant plus pesans par la compression de l'air de la vessie qu'ils ont particulierement destinée à cet usage ; voyez POISSON, & les autres animaux ne peuvent aussi plonger que par l'action musculaire des organes avec lesquels ils nagent, ou en s'efforçant de tendre vers le fond de l'eau, ou par le moyen de quelque corps pesant dont ils se saisissent pour ajouter à leur pesanteur naturelle. Voyez PLONGEUR.

Il suit donc de ce qui vient d'être dit de la comparaison des animaux terrestres & des volatiles avec l'homme par rapport à la disposition respective de leur corps dans l'eau, que celle de l'homme s'oppose à ce qu'il puisse nager naturellement, comme le font tous les autres animaux, parce qu'il n'a pas l'avantage comme eux, que par l'effet de la gravité spécifique, les parties nécessaires à la respiration restent hors de l'eau, & empêchent par ce moyen la suffocation qu'il ne peut éviter, à moins qu'il ne sache industrieusement se soutenir la tête hors de l'eau ; ce que les animaux quadrupedes font par la disposition naturelle de leurs parties, sur-tout de leur tête, qui, outre qu'elle est plus légere, est figurée de maniere que par l'allongement, l'élévation du museau, ils ont beaucoup de facilité pour conserver la respiration.

Ainsi l'on voit pourquoi les animaux nagent comme par instinct, au lieu que c'est un art dans l'homme de pouvoir nager ; art qui suppose une adresse qui ne s'acquiert que par l'exercice propre à cet effet, pour apprendre à soutenir hors de l'eau la tête contre son propre poids, & à plier le cou en arriere pour élever le nez & éviter le défaut de respiration, qui arriveroit infailliblement si son corps étoit abandonné à sa disposition naturelle & à son poids, selon les lois de la gravité spécifique, qui tend toujours à ce que la tête ne soit jamais la partie du corps qui surnage.

Ensorte que quelqu'un qui se noie, après avoir d'abord plongé, reparoît ordinairement sur l'eau à plusieurs reprises ; mais rarement montre-t-il alors la tête, à moins que ce ne soit par l'effet des mouvemens de ses bras étendus, qui lui servent dans ce cas comme de balancier, pour se tenir en équilibre avec le poids de l'eau & élever la tête au-dessus de la surface ; mais la force des bras ne pouvant le soutenir long-tems, lorsqu'il n'a pas l'habitude de nager, il retombe par son propre poids & replonge la tête à plusieurs reprises, jusqu'à ce que l'eau ayant pénétré dans la poitrine & rempli les voies de l'air, rend le corps plus pesant, & fait qu'il ne reparoît plus sur l'eau que lorsqu'après avoir resté au fond un certain tems après la mort, la putréfaction qui s'ensuit développe de l'air dans les boyaux, & même dans la substance des parties molles dont la raréfaction augmente le volume du corps, sans augmenter le poids & le rend plus léger qu'un égal volume d'eau ; d'où résulte que le cadavre est soulevé & paroît surnager. Voyez NOYE.

Ce n'est donc pas, selon le préjugé assez généralement reçu, la crainte de se noyer, qui fait que l'homme ne nage pas naturellement, comme les quadrupedes, mais le défaut de disposition dans les parties & dans la figure de son corps, puisque l'on voit des enfans & des imbécilles se jetter hardiment dans l'eau, qui ne laissent pas d'y périr faute de nager, & par conséquent par le seul défaut de disposition à se soutenir dans l'eau comme les animaux, sans y être exposés à la suffocation. Extrait de Borelli de motu animalium, part. I. cap. xxiij.

Quoiqu'on trouve peu dans les ouvrages de Médecine tant anciens que modernes, que l'action de nager soit mise au nombre des exercices utiles à la santé ; cependant il paroît qu'elle peut y tenir un rang distingué par les bons effets qu'elle peut produire, étant employée avec les ménagemens, les précautions convenables. En effet, il paroît hors de doute que, outre l'action musculaire dans presque toutes les parties du corps, à laquelle donne lieu cette espece d'exercice, comme bien d'autres, l'application de l'eau froide, dans laquelle on nage, contribue, non seulement par son poids sur la surface du corps, mais encore par sa qualité froide, qui ne cesse d'être telle, attendu le changement continuel qui se fait des surfaces du fluide ambiant, par une suite de la progression qu'opere l'action de nager, à condenser, à fortifier les fibres, à augmenter leur élasticité, & à rendre plus efficace leur action sur les fluides, dont il empêche aussi la dissolution & la trop grande dissipation en diminuant la transpiration, selon Sanctorius, Static. medic. sect. II. aphor. xiv. ce qui ne peut qu'être d'un grand avantage dans l'été, où les grandes chaleurs produisent un relâchement général dans les solides, & causent un grand abattement de forces ; voyez CHALEUR ANIMALE, pourvu que la natation ne succede pas à un exercice violent, comme le fait observer cet auteur.

D'où s'ensuit que l'action de nager dans un fleuve ou dans tout autre amas d'eau froide, bien pure, peut joindre le bon effet de l'exercice à celui du bain froid pourvu que cette action ne soit pas excessive, & qu'elle soit suivie des soins, des ménagemens que l'on doit avoir, après cette sorte de bain. Voyez BAIN FROID, oecon. anim. Voyez aussi la dissertation de M. Raymond médecin à Marseille, sur le bain aqueux simple, qui a remporté le prix de l'académie de Dijon en 1755.

On observera ici, en finissant, qu'il ne faut pas confondre la natation, qui est l'action de nager, avec une sorte de natation, qui dans le sens des anciens, étoit une maniere de se baigner dans un vase beaucoup plus grand que les baignoires ordinaires : c'est ce qui est désigné par les grecs sous le nom de , qui est aussi rendu en latin par le mot de natatio, selon qu'on le trouve dans les oeuvres de Galien, lib. II. de tem. cap. ij. où cette sorte de vase est encore appellée dexamene. Voyez Gorrh. pag. 101.


NATCHEZ(Géogr.) peuple de l'Amérique septentrionale dans la Louisiane, sur le bord oriental du Mississipi, & à environ 80 lieues de l'embouchure de ce fleuve.

Si l'on croit les relations, le gouvernement de ces peuples sauvages est despotique. Leur chef dispose des biens de tous ses sujets, & les fait travailler à sa fantaisie ; ils ne peuvent lui refuser leur tête ; il est comme le grand seigneur ; lorsque l'héritier présomptif vient à naître, on lui donne tous les enfans à la mammelle pour le servir pendant sa vie ; vous diriez que c'est le grand Sésostris. Ce chef est traité dans sa cabane avec les cérémonies qu'on feroit à un empereur du Japon ou de la Chine. Les préjugés de la superstition, dit l'auteur de l'esprit des lois, sont supérieurs à tous les autres préjugés, & ses raisons à toutes les autres raisons. Ainsi, quoique les peuples sauvages ne connoissent pas naturellement le despotisme, ce peuple-ci le connoît : ils adorent le soleil, & si leur chef n'avoit pas imaginé qu'il étoit le frere du soleil, ils n'auroient trouvé en lui qu'un misérable comme eux.

Lorsqu'un de ces sauvages meurt, ses parens viennent pleurer sa mort pendant un jour entier : ensuite on le couvre de ses plus beaux habits, c'est-à-dire, qu'on lui peint les cheveux & le visage, & qu'on l'orne de ses plumages ; après quoi on le porte dans la fosse qui lui est préparée, en mettant à ses côtés une chaudiere & quelques vivres. Ses parens vont, dès la pointe du jour, pleurer sur sa fosse, plus ou moins long-tems, suivant le degré de parenté. Leur deuil consiste à ne pas se peindre le corps, & à ne pas se trouver aux assemblées de réjouissance.

Le P. de Charlevoix qui vit leur temple du soleil en 1721, dit que c'étoit une espece de cabane longue, avec un toit couvert de feuilles de latanier. Au milieu de ce temple il y avoit sur le sol qui étoit de simple terre, trois buches disposées en triangle, & qui brûloient par les bouts qui se touchoient, ce qui remplissoit de fumée le temple, où il n'y avoit point de fenêtres.

En 1630, les François firent la guerre aux Natchez, en tuerent un grand nombre, & les disperserent tellement, qu'ils ne font plus un corps de nation. Ils raserent ensuite leurs villages & leur temple du soleil. (D.J.)


NATEL(Géog.) ville de Perse, située, selon Tavernier, à 77d. 40'. de long. sous les 36d. 7'. de latit.


NATEMBÈS(Géogr. anc.) peuple de la Libye intérieure ; il étoit, selon Pline, liv. IV. ch. vj. plus au nord que la montagne Usargala.


NATHINÉENSS. m. pl. (Théolog.) ce mot vient de l'hébreu nathan, qui signifie donner. Les Nathinéens ou Néthinéens étoient des serviteurs qui avoient été donnés & voués au service du tabernacle & du temple chez les Juifs pour les emplois les plus pénibles & les plus bas, comme de porter le bois & l'eau.

On donna d'abord les Gabaonites pour remplir ces fonctions, Josué ix. 27. Dans la suite, on assujettit aux mêmes charges ceux des Chananéens qui se rendirent, & auxquels on accorda la vie. On lit dans Esdras, c. viij. que les Nathinéens étoient des esclaves voués par David & par les princes pour le ministere du temple, & ailleurs, qu'ils étoient des esclaves donnés par Salomon. En effet, on voit dans les livres des rois, que ce prince avoit assujetti les restes des Chananéens, & les avoit contraints à diverses servitudes, & il y a toute apparence qu'il en donna un nombre aux prêtres & aux lévites, pour leur servir dans le temple. Les Nathinéens furent emmenés en captivité avec la tribu de Juda, & il y en avoit un grand nombre vers les portes caspiennes d'où Esdras en ramena quelques-uns au retour de la captivité ; ils demeurerent dans les villes qui leur furent assignées ; il y en eut aussi dans Jérusalem qui occuperent le quartier d'Ophel. Le nombre de ceux qui revinrent avec Esdras & Nehemie ne se montant à guere plus de 600, & ne suffisant pas pour remplir les charges qui leur étoient imposées, on institua dans la suite une fête nommée xilophorie, dans laquelle le peuple portoit en solemnité du bois au temple pour l'entretien du feu de l'autel des holocaustes. Voyez XILOPHORIE. Calmet, diction. de la bible.


NATIFadj. (Gram.) terme relatif au lieu où l'on a pris naissance. Il se dit de la personne : je suis natif de Langres, petite ville du Bassigny, dévastée en cette année (1760) par une maladie épidémique, qui dure depuis quatre mois, & qui m'a emporté trente parens. On distingue natif de né, en ce que natif suppose domicile fixe des parens, au lieu que né suppose seulement naissance. Celui qui naît dans un endroit par accident, est né dans cet endroit ; celui qui naît, parce que son pere & sa mere y ont leur séjour, en est natif. J. C. est natif de Nazareth, & né à Bethléem.

NATIF, (Hist. nat. Minéral.) dans l'histoire naturelle du regne minéral, on appelle natif un métal ou un demi-métal qui se trouve dans le sein de la terre sous la forme qui lui est propre, sans être minéralisé, c'est-à-dire, sans être combiné ni avec du souffre, ni avec de l'arsenic, du moins en assez grande quantité pour qu'on puisse le méconnoître. L'or se trouve toujours natif ; on rencontre aussi de l'argent, du cuivre, du fer, du mercure, du régule d'antimoine, du bismuth, de l'arsenic, natifs ; quant au plomb & à l'étain, on ne les a point encore trouvés natifs. On voit que natif est dans ce sens un synonyme de vierge, on dit de l'argent vierge ou de l'argent natif, &c. (-)


NATIOS. f. (Mythol.) déesse qui dans l'opinion vulgaire, présidoit à l'accouchement, à la naissance. Elle avoit un temple dans le territoire d'Ardée. Si cette Natio est déesse, dit un des interlocuteurs de Cicéron, la Pudeur, la Foi, l'Esprit, la Concorde, l'Espérance, & Moneta, seront aussi des déesses : or tout cela n'est pas probable. (D.J.)


NATIONS. f. (Hist. mod.) mot collectif dont on fait usage pour exprimer une quantité considérable de peuple, qui habite une certaine étendue de pays ; renfermée dans de certaines limites, & qui obéit au même gouvernement.

Chaque nation a son caractere particulier : c'est une espece de proverbe que de dire, leger comme un françois, jaloux comme un italien, grave comme un espagnol, méchant comme un anglois, fier comme un écossois, ivrogne comme un allemand, paresseux comme un irlandois, fourbe comme un grec, &c. Voyez CARACTERE.

Le mot de nation est aussi en usage dans quelques universités pour distinguer les supôts ou membres qui les composent, selon les divers pays d'où ils sont originaires. Voyez UNIVERSITE.

La faculté de Paris est composée de quatre nations ; savoir, celle de France, celle de Picardie, celle de Normandie, celle d'Allemagne : chacune de ces nations, excepté celle de Normandie, est encore divisée en tribus, & chaque tribu a son doyen, son censeur, son procureur, son questeur & ses appariteurs ou massiers.

La nation d'Allemagne comprend toutes les nations étrangeres, l'Angloise, l'Italienne, &c.

Les titres qu'elles prennent dans leurs assemblées, actes, affiches, &c. sont pour la nation de France, honoranda Gallorum natio, pour celle de Picardie, fidelissima Picardorum natio ; on désigne celle de Normandie par veneranda Normanorum natio ; & celle d'Allemagne, par constantissima Germanorum natio. Chacune a ses statuts particuliers pour regler les élections, les honoraires, les rangs, en un mot tout ce qui concerne la police de leur corps. Ils sont homologués en parlement, & ont force de loi.

Synode national. Voyez les articles SYNODE & CONCILE.


NATISO(Géog. anc.) fleuve des Vénetes, selon Pline, liv. III. ch. xviij. qui dit qu'il passoit auprès d'Aquileia Colonia. Léander le nomme Natisone ; il prend sa source dans les Alpes, & finit par se rendre dans la Lisonze au dessous de Gradisca. Il est vrai que les anciens nous font entendre que le Natiso se jettoit dans la mer ; mais alors ils donnoient le nom de Natiso à la Lisonze, avec laquelle il se joint. (D.J.)


NATIVITÉ(Théol.) nativitas, natalis dies, natalitium, expressions qui sont principalement d'usage en style de calendrier ecclésiastique, & quand on parle des saints, comme la nativité de la sainte Vierge, la nativité de saint Jean-Baptiste, &c quand on dit simplement la nativité, on entend le jour de la naissance de Notre Seigneur, ou la fête de Noel. Voyez FETE & NOEL.

On croit communément que c'est le pape Thelesphore qui a ordonné que la fête de la nativité se célebreroit le 25 Décembre. Jean, archevêque de Nice, dans une lettre sur la nativité de J. C. rapporte qu'à la priere de S. Cyrille de Jerusalem le pape Jules I. fit faire des recherches très-exactes sur le jour de la nativité de N. S. & qu'ayant trouvé qu'elle étoit arrivée le 25 de Décembre, on commença dèslors à célebrer cette fête ce jour-là. Voyez INCARNATION.

Les mots natalis dies, natalitium, étoient autrefois usités parmi les Romains pour signifier la fête que l'on célebroit le jour de l'anniversaire de la naissance d'un empereur ; depuis ce tems on les a étendus peu-à-peu à signifier toutes sortes de fêtes ; c'est pourquoi l'on trouve dans les fastes des anciens, natalis solis pour la fête du soleil. Voyez FETE.

Quelques auteurs pensent que les premiers chrétiens trouvant ces expressions consacrées par l'usage pour signifier une fête, les employerent aussi dans le même sens ; & que c'est pour cela qu'on trouve dans les anciens martyrologes, natalis calicis, pour dire le jeudi-saint, ou la fête de l'institution de l'eucharistie ; natalis cathedrae, pour la fête de la chaire de S. Pierre ; natalis ou natalitium ecclesiae N, pour la fête de la dédicace de telle ou telle église. Mais outre qu'on n'a pas des preuves bien certaines de cette opinion, il est probable que comme la naissance, natalitium, se prend communément pour le commencement de la vie de l'homme, les chrétiens employerent le même terme par analogie pour exprimer l'anniversaire du commencement ou de l'institution de telle ou telle céremonie religieuse.

NATIVITE DE LA SAINTE VIERGE, fête que l'église romaine célebre tous les ans en l'honneur de la naissance de la vierge Marie, mere du Sauveur, le 8 Septembre. Cette fête n'est pas à beaucoup près si ancienne que celle de la nativité de J. C. & de S. Jean. Le pape Sergius I. qui fut élevé sur le saint siege en 687, est le premier qui ait mis la nativité au nombre des fêtes de la sainte Vierge ; car le natalitium de la bien-heureuse Vierge Marie, que l'on célebroit auparavant en hiver, étoit la fête de son assomption. On trouve depuis la fête de la vierge Marie, au 7 de Septembre, dans les martyrologes, & dans le sacrementaire de saint Grégoire. Elle n'a été établie en France que sous le regne de Louis le Debonnaire ; & elle a été depuis insérée dans les martyrologes de Florus, d'Adon & d'Usuard. Gauthier, évêque d'Orléans, l'introduisit dans son diocese, & Paschase Ratbert en parle dans son livre de la virginité de Marie. Ainsi, ceux qui disent qu'elle n'a été établie que dans le neuvieme siecle, se sont trompés. Cependant cette fête n'a été chomée en France & en Allemagne que dans le x. siecle. Mais saint Fulbert l'établit à Chartres dès le ix. Les Grecs & les Orientaux n'ont commencé à la célebrer que dans le xij. siecle ; mais ils le font avec beaucoup de solemnité. Baillet, vie des Saints.

NATIVITE DE S. JEAN BAPTISTE, fête que l'église romaine célebre tous les ans en mémoire de la naissance de S. Jean, fils de Zacharie & de sainte Elisabeth, & précurseur de Jesus-Christ, le 24 de Juin, avec office solemnel & octave. Voyez OCTAVE.

L'institution de cette fête est très-ancienne dans l'église. Elle étoit déja établie au 24 de Juin du tems de S. Augustin, qui a fait sept sermons pour cette solemnité. Le concile d'Agde, tenu en 506, la met au rang des fêtes les plus célebres. Il a été un tems qu'on y célebroit trois messes, comme on fait encore à Noël. On a aussi autrefois célebré la fête de la conception de saint Jean-Baptiste au 24 de Septembre.

C'est la coutume en France, la veille de cette fête, dans toutes les paroisses, que le clergé aille processionnellement allumer un feu en signe de réjouissance ; on dit même que les Musulmans ont la mémoire de S. Jean en telle vénération, qu'ils la célebrent aussi par diverses marques de joie.

NATIVITE, nativitas, chez les anciens Jurisconsultes signifie quelquefois villenage, c'est-à-dire esclavage ou servitude. Voyez VILLENAGE. (G)

NATIVITE en Astrologie, c'est le thème ou la figure des cieux, & principalement des douze maisons célestes au moment de la naissance de quelqu'un. On l'appelle autrement horoscope. Voyez HOROSCOPE.

Tirer l'horoscope de quelqu'un, c'est-à-dire, chercher par le calcul le tems qu'il avoit à vivre, étoit autrefois en Angleterre un crime qu'on punissoit du même supplice que le crime de félonie, comme il paroît par les statuts de la 25 année de la reine Elisabeth, ch. ij.


NATOLIou ANATOLIE, (Géog. anc.) on l'appelloit anciennement l'Asie-mineure, grande presqu'île qui s'avance entre la mer Méditerranée & la mer noire, jusqu'à l'Archipel & la mer de Marmara. Les Turcs l'appellent Anatol-Vilaïcte. On la divisoit autrefois en plusieurs royaumes ou provinces ; on mettoit la Cappadoce, la Galatie, la Lycaonie & la Pisidie vers le milieu : la Bithynie, la Paphlagonie & le royaume de Pont vers la mer noire ; l'Arménie-mineure à l'occident de l'Euphrate ; la Cilicie, la Pamphylie, la Carbalie, l'Isaurie & la Lycie, vers la mer Méditerranée ; la Carie, la Doride, la Lydie, l'Ionie, l'Aeolide, la grande & petite Phrygie, la grande & petite Mysie & la Troade sur l'Archipel. Tous ces royaumes & provinces se divisoient encore en plusieurs autres ; aujourd'hui c'est la Natolie, divisée en quatre principales parties, dont la plus occidentale & la plus grande est encore appellée du même nom, voyez NATOLIE PROPRE. Les trois autres sont la Caramanie, l'Amasie & l'Aladulie.

Ses principales rivieres sont Zagarie & Casalmach, qui se jettent dans la mer Noire ; Kara ou la riviere Noire, qui se décharge dans l'Euphrate ; Satalie qui a son embouchure dans la mer Méditerranée ; Madre & Sarabat qui se rend dans l'Archipel. (D.J.)


NATOLIE PROPRE(Géog.) contrée de la Turquie en Asie. Elle occupe presque la moitié de la presqu'île, s'étendant depuis la riviere de Casalmach sur la mer Noire, sur la mer Marmara, sur l'Archipel & sur la Méditerranée, jusqu'à la côte qui est entre l'île de Rhodes & le Xante. La ville de Chiutaye, située sur le fleuve Ayala, est la capitale de cette province, & le siége d'un béglierbey. On compte dans son gouvernement 336 ziamets, & 1136 timars. (D.J.)


NATRUMNATRON ou NATÈR, s. m. (Hist. nat. Minéralog.) c'est un sel alkali fixe, tout formé par la nature, qui se trouve ou dans le sein de la terre, ou qui se montre à sa surface ; c'est sur-tout en Egypte, en Syrie, dans l'Assyrie, dans l'Asie-mineure & dans les Indes orientales, que l'on rencontre le natrum. Les voyageurs nous apprennent qu'en Egypte sur-tout, il s'en trouve un amas immense dans un endroit que l'on appelle la mer séche, l'on en tire tous les ans une quantité prodigieuse qui se débite dans tout le levant ; on s'en sert pour faire du savon, & pour blanchir le linge. C'est un sel de cette espece que l'on trouve encore abondamment aux environs de Smyrne, où on l'emploie à faire du savon. Voyez SMYRNE terre de.

Le natrum tel qu'il se trouve dans la terre, est ordinairement d'un blanc rougeâtre & en masses informes ; il est mêlé de particules terreuses & d'une portion plus ou moins grande de vrai sel marin. Quelquefois on le trouve sous la forme d'une poudre blanche, qui se montre à la surface de la terre ; quelquefois il forme une espece de croûte feuilletée & friable. Ce sel est légerement caustique sur la langue, il fait effervescence avec tous les acides, comme les sels alkalis tirés des végétaux ; il fait du savon avec les huiles, & mêlé avec du sable, il entre en fusion & fait du verre, d'où l'on voit que ce sel a tous les caracteres des sels alkalis fixes, tirés des cendres des végétaux. Cependant il en differe à d'autres égards ; quand il a été purifié par la dissolution, l'évaporation & la crystallisation, il forme des crystaux en paralélépipédes quadrangulaires oblongs, applatis par les extrêmités ; cette figure peut venir du sel marin avec qui il est très-communément mêlé. Un autre phénomene singulier du natrum, c'est que lorsqu'il est sous une forme seche & concrete, il fait une effervescence très-forte avec tous les acides, au lieu qu'il n'en fait aucune même avec les acides les plus concentrés, lorsqu'il a été mis parfaitement en dissolution dans l'eau, & lorsque la dissolution est devenue claire.

Quelques auteurs disent, que le natrum contient une portion d'alkali volatil, cela peut venir des végétaux pourris dont quelques particules se joignent à lui accidentellement, mais l'alkali volatil ne doit point être regardé comme faisant une des parties constituantes de ce sel.

M. Rouelle ayant reçu des échantillons du natrum d'Egypte, a eu occasion d'en faire l'examen. Il a trouvé qu'il y en a de deux especes, l'un est le plus parfait & le plus pur, c'est un alkali fixe que ce savant chimiste regarde comme précisément de la même nature que le sel de soude, qui lui-même est l'alkali qui sert de base au sel marin, voyez SOUDE. Le natrum de la seconde espece est mêlé de sel marin & de sel de Glauber ; & par conséquent est un alkali fixe impur. Suivant Hérodote, les anciens Egyptiens se servoient de natrum dans leurs embaumemens, ils y laissoient séjourner les corps morts pendant long-tems, afin de les dessécher avant que de les embaumer. Voyez les mémoires de l'académie des Sciences année 1750.

Le natrum ou sel alkali minéral dont nous parlons, differe des autres sels alkalis fixes, tirés des cendres des végétaux, par les mêmes côtés que la soude ; combiné avec l'acide vitriolique il fait du vrai sel de Glauber ; il se dissout plus facilement dans l'eau que les autres alkalis fixes ; il n'attire point l'humidité de l'air comme eux, & il est beaucoup moins caustique. Voyez SOUDE.

Il paroît indubitable que le natrum qui vient d'être décrit, est le sel que Dioscoride, Pline & les anciens connoissoient sous le nom de nitrum. La description qu'ils en donnent ne convient nullement au sel que nous appellons nitre aujourd'hui, & ses propriétés annoncent un vrai alkali fixe. L'Ecriture-Sainte sert à prouver cette vérité ; Salomon compare la gaieté d'un homme triste à l'action du nitre avec le vinaigre : & Jérémie dit, que quand le pécheur se laveroit avec du nitre, il ne seroit point purifié de ses souillures. On voit que ces effets ne peuvent s'appliquer qu'à un sel alkali fixe, & non à un sel neutre, connu des modernes sous le nom de nitre. Voyez NITRE.

Ce qui vient d'être dit dans cet article suffit pour faire connoître la nature du natrum, & pour faire sentir le peu de fondement de ce que des voyageurs peu instruits nous ont rapporté de sa formation. Quelques-uns ont voulu nous persuader que ce sel étoit produit par une rosée qui causoit une espece de fermentation & de gonflement dans la terre & qui en faisoit sortir le natrum ; on sentira aussi l'erreur dans laquelle sont tombés plusieurs Naturalistes modernes, qui ont pris pour du natrum du vrai sel marin ou sel gemme, & d'autres sels qu'ils ont trouvé dans quelques fontaines & dans quelques terreins. La description qui vient d'être donnée suffira pour faire reconnoître le vrai natrum partout où on en pourra trouver.

Quant à la formation de ce sel, on pourroit conjecturer avec assez de vraisemblance, qu'il doit son origine au sel marin dont le terrein de l'Egypte est sur-tout rempli, la chaleur du climat a pû dégager une portion de l'acide de ce sel ; ensorte qu'il ne reste plus que sa base alkaline, qui est encore mêlée d'une partie de sel marin qui n'a point été décomposée. (-)


NATTAterme de Chirurgie, excroissance charnue ou grosse tumeur, qui vient en différentes parties du corps ; on dit aussi nasa, nasda & napta.

Blancard la définit, une grosse tumeur mollasse, sans douleur & sans couleur, qui vient le plus ordinairement au dos, & quelquefois aux épaules & en plusieurs autres parties. La racine du natta est fort petite, cependant il augmente quelquefois si prodigieusement qu'il égale la grosseur d'un melon ou d'une gourde, il se forme souvent des nattes au col qui ressemblent à des taupes. Voyez TAUPES. Cette tumeur est de l'espece des enkistées.

Bartholin dit qu'une dame se fit mordre un natta qui commençoit, & qu'elle en fut guérie par ce moyen. Voyez LOUPE.


NATTES. f. (Ouvrage de Nattier) espece de tissu fait de paille, de jonc, de roseau ou de quelques autres plantes, écorces, ou semblables productions faciles à se plier & à s'entrelacer.

Les nattes de paille sont composées de divers cordons, de diverses branches, ordinairement de trois. On met aux branches depuis quatre brins jusqu'à douze, & plus suivant l'épaisseur qu'on veut donner à la natte ou l'usage auquel elle est destinée.

Chaque cordon se natte, ou comme on dit en terme de nattiers, se trace séparément & se travaille au clou. On appelle travailler au clou, attacher la tête de chaque cordon à un clou à crochet, enfoncé dans la barre d'en-haut d'un fort treteau de bois qui est le principal instrument dont se servent ces ouvriers. Il y a trois clous à chaque treteau pour occuper autant de compagnons, qui à mesure qu'ils avancent la trace, remontent leur cordon sur le clou, & jettent par-dessus le treteau la partie qui est nattée ; lorsqu'un cordon est fini, on le met sécher à la gaule avant de l'ourdir à la tringle.

Pour joindre ces cordons & en faire une natte, on les coud l'un à l'autre avec une grosse aiguille de fer longue de dix à douze pouces. La ficelle dont on se sert est menue, & pour la distinguer des autres ficelles que font & vendent les cordiers, se nomme ficelle à natte.

Deux grosses tringles longues à volonté & qu'on éloigne plus ou moins, suivant l'ouvrage, servent à cette couture, qui se fait en attachant alternativement le cordon au clou à crochet, dont ces tringles sont comme hérissées d'un côté, à un pouce ou dixhuit lignes de distance. On appelle cette façon, ourdir ou bâtir à la tringle.

La paille dont on fait ces sortes de nattes, doit être longue & fraîche ; on la mouille, & ensuite on la bat sur une pierre avec un pesant maillet de bois à long manche, pour l'écraser & l'applatir.

La natte de paille se vend au pié ou à la toise quarrée plus ou moins, suivant la récolte des blés. Elle sert à couvrir les murailles & les planchers des maisons ; on en fait aussi des chaises & des paillassons, &c.

Les nattes de palmiers servent à faire les grands & les petits cabats, dans lesquels s'emballent plusieurs sortes de marchandises.

NATTE, TRACER LA, terme de Nattier en paille, c'est en faire les cordons au clou, c'est-à-dire passer alternativement les unes sur les autres les trois branches de pailles dont le cordon est composé.


NATTERNATTER


NATTESen Anatomie, est un terme dont on se sert pour exprimer deux protuberances circulaires de la substance du cerveau, qui sont situées derriere la moëlle allongée proche le cervelet. Voyez CERVEAU & MOELLE. (L)


NATTIERS. m. (Corps d'artisans) ouvrier qui fait des nattes. Le peu d'outils & d'instrumens qui suffisent aux Nattiers en paille, sont la pierre & le maillet pour battre leur paille après qu'elle a été mouillée, afin de la rendre plus pliante & moins cassante ; le treteau avec ses clous pour tracer la natte, c'est-à-dire pour en faire les cordons ; les tringles aussi avec leurs clous pour bâtir & ourdir les cordons, & l'aiguille pour les coudre & les joindre.


NATURALISATIONS. f. (Jurisprudence) est l'acte par lequel un étranger est naturalisé, c'est-à-dire qu'au moyen de cet acte, il est réputé & considéré de même que s'il étoit naturel du pays, & qu'il jouit de tous les mêmes privileges ; ce droit s'acquiert par des lettres de naturalité. Voyez ci-après NATURALITE.

NATURALISATION, (Hist. d'Anglet.) acte du parlement qui donne à un étranger, après un certain séjour en Angleterre, les privileges & les droits des naturels du pays.

Comme cet acte coûte une somme considérable que plusieurs étrangers ne seroient pas en état de payer, on agite depuis long-tems dans la Grande-Bretagne la question importante, s'il seroit avantageux ou desavantageux à la nation, de passer un acte en parlement qui naturalisât généralement tous les étrangers, c'est-à-dire qui exemptât des formalités & de la dépense d'un bil particulier, ou de lettres-patentes de naturalisation, tout étranger qui viendroit s'établir dans le pays, & les protestans par préférence.

Les personnes qui sont pour la négative craignent que cette naturalisation générale n'attirât d'un côté en Angleterre un grand nombre d'étrangers, qui par leur commerce ou leur industrie, ôteroient les moyens de subsister aux propres citoyens, & de l'autre côté quantité de pauvres familles qui seroient à charge à l'état, au-lieu de lui être utiles.

Les personnes qui tiennent pour l'affirmative (& ce sont les gens les plus éclairés de la nation) répondent, 1°. que de nouveaux sujets industrieux acquis à l'Angleterre, loin de lui être à charge, augmenteroient ses richesses, en lui apportant de nouvelles connoissances, de manufacture ou de commerce, & en ajoûtant leur industrie à celle de la nation. 2°. Qu'il est vraisemblable que parmi les étrangers ceux-là principalement viendroient profiter du bienfait de la loi, qui auroient déjà dans leur fortune ou dans leur industrie des moyens de subsister. 3°. Que quand même dix ou vingt mille autres étrangers pauvres, qu'on naturaliseroit, ne retireroient de leur travail que la dépense de leur consommation sans aucun profit, l'état en seroit toujours plus fort de douze ou vingt mille hommes. 4°. Que le produit des taxes sur la consommation en augmenteroit, en diminution des autres charges de l'état, qui n'augmenteroient aucunement par ces nouveaux habitans. 5°. Que l'Angleterre peut aisément nourrir une moitié en sus de sa population actuelle, si l'on en juge par ses exportations de blé, & l'étendue de ses terres incultes ; que ce royaume est un des plus propres de l'Europe à une grande population par sa fertilité, & par la facilité des communications entre ses différentes provinces, au moyen des trajets de terre ou de mer assez courts qui les produisent. 6°. Que les avantages immenses de la population justifient la nécessité d'inviter les étrangers à venir l'augmenter.

Enfin, on cite aux Anglois jaloux, ou trop réservés sur la naturalisation des étrangers, ce beau passage de Tacite, liv. XII. de ses Annales : " Nous repentons-nous d'avoir été chercher les familles des Balbes en Espagne, & d'autres non moins illustres dans la Gaule narbonnoise ? leur postérité fleurit encore parmi nous, & ne nous cede en rien dans leur amour pour la patrie. Qu'est-ce qui a causé la ruine de Sparte & d'Athènes qui étoient si florissantes, que d'avoir fermé l'entrée de leur république aux peuples qu'ils avoient vaincus ? Romulus notre fondateur fut bien plus sage, de faire de ses ennemis autant de citoyens dans un même jour ". Le chancelier Bacon ajoûteroit : " On ne doit pas tant exiger de nous, mais on peut nous dire : naturalisez vos amis, puisque les avantages en sont palpables ". (D.J.)


NATURALISTES. m. se dit d'une personne qui a étudié la nature, & qui est versée dans la connoissance des choses naturelles, particulierement de ce qui concerne les métaux, les minéraux, les pierres, les végétaux, & les animaux. Voyez ANIMAL, PLANTE, MINERAL, &c.

Aristote, Elien, Pline, Solin, & Théophraste, ont été les plus grands naturalistes de l'antiquité ; mais ils sont tombés dans beaucoup d'erreurs, que l'heureuse industrie des modernes a rectifiées. Aldrovandus est le plus ample & le plus complet des naturalistes modernes ; son ouvrage est en 13 volumes in-fol.

On donne encore le nom de naturalistes à ceux qui n'admettent point de Dieu, mais qui croyent qu'il n'y a qu'une substance matérielle, revêtue de diverses qualités qui lui sont aussi essentielles que la longueur, la largeur, la profondeur, & en conséquence desquelles tout s'exécute nécessairement dans la nature comme nous le voyons ; naturaliste en ce sens est synonyme à athée, spinosiste, matérialiste, &c.


NATURALITÉS. f. (Jurisprudence) est l'état de celui qui est naturel d'un pays ; les droits de naturalité ou de regnicolat sont la même chose. Les lettres de naturalité sont des lettres de chancellerie, par lesquelles le prince déclare que quelqu'un sera réputé naturel du pays, & jouira des mêmes avantages que ses sujets naturels.

Ceux qui ne sont pas naturels d'un pays, ou qui n'y ont pas été naturalisés, y sont étrangers ou aubains, quasi alibi nati.

La distinction des naturels du pays d'avec les étrangers, & l'usage de naturaliser ces derniers, ont été connus dans les anciennes républiques.

A Athènes, suivant la premiere institution, un étranger ne pouvoit être fait citoyen que par les suffrages de six mille personnes, & pour de grands & signalés services.

Ceux de Corinthe, après les grandes conquêtes d'Alexandre, lui envoyerent offrir le titre de citoyen de Corinthe qu'il méprisa d'abord ; mais les ambassadeurs lui ayant remontré qu'ils n'avoient jamais accordé cet honneur qu'à lui & à Hercule, il l'accepta.

On distinguoit aussi à Rome les citoyens ou ceux qui en avoient la qualité de ceux qui ne l'avoient pas.

Les vrais & parfaits citoyens, qui optimâ lege cives à Romanis dicebantur, étoient les Ingemes, habitans de Rome & du territoire circonvoisin ; ceux-ci participoient à tous les privileges indistinctement.

Il y avoit des citoyens de droit seulement, c'étoient ceux qui demeuroient hors le territoire particulier de la ville de Rome, & qui avoient néanmoins le nom & les droits des citoyens romains, soit que ce privilege leur eût été accordé à eux personnellement, ou qu'ils demeurassent dans une colonie ou ville municipale qui eût ce privilege : ces citoyens de droit ne jouïssoient pas de certains privileges qui n'étoient propres qu'aux vrais & parfaits citoyens.

Il y avoit enfin des citoyens honoraires, c'étoient ceux des villes libres qui restoient volontairement adjointes à l'état de Rome quant à la souveraineté, mais non quant aux droits de cité, ayant voulu avoir leur cité, leurs lois, & leurs officiers à part ; les privileges de ceux-ci avoient encore moins d'étendue que ceux des citoyens de droit.

Ceux qui n'étoient point citoyens de fait ni de droit, ni même honoraires, étoient appellés étrangers, ils avoient un juge particulier pour eux appellé praetor peregrinus.

En France, tous ceux qui sont nés dans le royaume & sujets du roi sont naturels François ou régnicoles ; ceux qui sont nés hors le royaume, sujets d'un prince étranger, & chez une nation à laquelle le roi n'a point accordé le privilege de jouir en France, des mêmes privileges que les régnicoles, sont réputés aubains ou étrangers, quoiqu'ils demeurent dans le royaume, & ne peuvent effacer ce vice de pérégrinité qu'en obtenant des lettres de naturalité.

Anciennement ces lettres se nommoient lettres de bourgeoisie, comme s'il suffisoit d'être bourgeois d'une ville pour être réputé comme les naturels du pays. Il y a au trésor des chartes un grand nombre de ces lettres de bourgeoisie, qui ne sont autre chose que des lettres de naturalité accordées à des étrangers ; du tems de Charles VI. on se faisoit encore recevoir bourgeois du roi pour participer aux privileges des regnicoles.

Dans la suite ces lettres ont été appellées lettres de naturalité.

Il n'appartient qu'au roi seul de naturaliser les étrangers, aucun seigneur, juge, ni cour souveraine n'a ce droit.

Néanmoins la naturalisation se fait sans lettres pour les habitans de Tournay, suivant les lettres-patentes de François I. & Henri II. de 1521 & 1552, une simple déclaration de naturalité suffit, elle s'accorde quelquefois par les juges royaux. Voyez l'Inst. au Droit belgique, pag. 34.

Il y a des lettres de naturalité accordées à des nations entieres qui sont alliées de la France, de maniere que ceux de ces pays qui viennent s'établir en France y jouissent de tous les privileges des régnicoles sans avoir besoin d'obtenir des lettres particulieres pour eux.

Les lettres de naturalité s'accordent en la grande chancellerie, elles doivent être registrées en la chambre du domaine & en la chambre des comptes. Voyez Bacquet, du droit d'aubaine, & AUBAIN, ÉTRANGER, LETTRES DE NATURALITE, NATURALISATION. (A)


NATURES. f. (Philos.) est un terme dont on fait différens usages. Il y a dans Aristote un chapitre entier sur les différens sens que les Grecs donnoient au mot ; nature ; & parmi les Latins, ses différens sens sont en si grand nombre, qu'un auteur en compte jusqu'à 14 ou 15. M. Boyle, dans un traité exprès qu'il a fait sur les sens vulgairement attribués au mot nature, en compte huit principaux.

Nature signifie quelquefois le système du monde, la machine de l'univers, ou l'assemblage de toutes les choses créées. Voyez SYSTEME.

C'est dans ce sens que nous disons l'auteur de la nature, que nous appellons le soleil l'oeil de la nature, à cause qu'il éclaire l'univers, & le pere de la nature, parce qu'il rend la terre fertile en l'échauffant : de même nous disons du phénix ou de la chimere, qu'il n'y en a point dans la nature.

M. Boyle veut qu'au lieu d'employer le mot de nature en ce sens, on se serve, pour éviter l'ambiguité ou l'abus qu'on peut faire de ce terme, du mot de monde ou d'univers.

Nature s'applique dans un sens moins étendu à chacune des différentes choses créées ou non créées, spirituelles & corporelles. Voyez ETRE.

C'est dans ce sens que nous disons la nature humaine, entendant par-là généralement tous les hommes qui ont une ame spirituelle & raisonnable. Nous disons aussi nature des anges, nature divine. C'est dans ce même sens que les Théologiens disent natura naturans, & natura naturata ; ils appellent Dieu natura naturans, comme ayant donné l'être & la nature à toutes choses, pour le distinguer des créatures, qu'ils appellent natura naturata, parce qu'elles ont reçu leur nature des mains d'un autre.

Nature, dans un sens encore plus limité, se dit de l'essence d'une chose, ou de ce que les philosophes de l'école appellent sa quiddité, c'est-à-dire l'attribut qui fait qu'une chose est telle ou telle. Voyez ESSENCE.

C'est dans ce sens que les Cartésiens disent que la nature de l'ame est de penser, & que la nature de la matiere consiste dans l'étendue. Voyez AME, MATIERE, ETENDUE. M. Boyle veut qu'on se serve du mot essence au lieu de nature. Voyez ESSENCE.

Nature est plus particulierement en usage pour signifier l'ordre & le cours naturel des choses, la suite des causes secondes, ou les lois du mouvement que Dieu a établies. Voyez CAUSES & MOUVEMENT.

C'est dans ce sens qu'on dit que les Physiciens étudient la nature.

Saint Thomas définit la nature une sorte d'art divin communiqué aux êtres créés, pour les porter à la fin à laquelle ils sont destinés. La nature prise dans ce sens n'est autre chose que l'enchaînement des causes & des effets, ou l'ordre que Dieu a établi dans toutes les parties du monde créé.

C'est aussi dans ce sens qu'on dit que les miracles sont au-dessus du pouvoir de la nature ; que l'art force ou surpasse la nature par le moyen des machines, lorsqu'il produit par ce moyen des effets qui surpassent ceux que nous voyons dans le cours ordinaire des choses. Voyez ART, MIRACLE.

Nature se dit aussi de la réunion des puissances ou facultés d'un corps, sur-tout d'un corps vivant.

C'est dans ce sens que les Medecins disent que la nature est forte, foible ou usée, ou que dans certaines maladies la nature abandonnée à elle-même en opere la guérison.

Nature se prend encore en un sens moins étendu, pour signifier l'action de la providence, le principe de toutes choses, c'est-à-dire cette puissance ou être spirituel qui agit & opere sur tous les corps pour leur donner certaines propriétés ou y produire certains effets. Voyez PROVIDENCE.

La nature prise dans ce sens, qui est celui que M. Boyle adopte par préférence, n'est autre chose que Dieu même, agissant suivant certaines lois qu'il a établies. Voyez DIEU.

Ce qui paroît s'accorder assez avec l'opinion où étoient plusieurs anciens, que la nature étoit le dieu de l'univers, le qui présidoit à tout & gouvernoit tout, quoique d'autres regardassent cet être prétendu comme imaginaire, n'entendant autre chose par le mot de nature que les qualités ou vertus que Dieu a données à ses créatures, & que les Poëtes & les Orateurs personnifient.

Le P. Malebranche prétend que tout ce qu'on dit dans les écoles sur la nature, est capable de nous conduire à l'idolâtrie, attendu que par ces mots les anciens payens entendoient quelque chose qui sans être Dieu agissoit continuellement dans l'univers. Ainsi l'idole nature devoit être selon eux un principe actuel qui étoit en concurrence avec Dieu, la cause seconde & immédiate de tous les changemens qui arrivent à la matiere. Ce qui paroît rentrer dans le sentiment de ceux qui admettoient l'anima mundi, regardant la nature comme un substitut de la divinité, une cause collatérale, une espece d'être moyen entre Dieu & les créatures.

Aristote définit la nature, principium & causa motus & ejus in quo est primo per se & non per accidens ; définition si obscure, que malgré toutes les gloses de ses commentateurs, aucun d'eux n'a pu parvenir à la rendre intelligible.

Ce principe, que les Péripatéticiens appelloient nature, agissoit, selon eux, nécessairement, & étoit par conséquent destitué de connoissance ou de liberté. Voyez FATALITE.

Les Stoïciens concevoient aussi la nature comme un certain esprit ou vertu répandue dans l'univers, qui donnoit à chaque chose son mouvement ; desorte que tout étoit forcé par l'ordre invariable d'une nature aveugle & par une nécessité inévitable.

Quand on parle de l'action de la nature, on n'entend plus autre chose que l'action des corps les uns sur les autres, conforme aux lois du mouvement établies par le Créateur.

C'est en cela que consiste tout le sens de ce mot, qui n'est qu'une façon abrégée d'exprimer l'action des corps, & qu'on exprimeroit peut-être mieux par le mot de méchanisme des corps.

Il y en a, selon l'observation de M. Boyle, qui n'entendent par le mot de nature que la loi que chaque chose a reçue du Créateur, & suivant laquelle elle agit dans toutes les occasions ; mais ce sens attaché au mot nature, est impropre & figuré.

Le même auteur propose une définition du mot de nature plus juste & plus exacte, selon lui, que toutes les autres, & en vertu de laquelle on peut entendre facilement tous les axiomes & expressions qui ont rapport à ce mot. Pour cela il distingue entre nature particuliere & nature générale.

Il définit la nature générale l'assemblage des corps qui constituent l'état présent du monde, considéré comme un principe par la vertu duquel ils agissent & reçoivent l'action selon les lois du mouvement établies par l'auteur de toutes choses.

La nature particuliere d'un être subordonné ou individuel, n'est que la nature générale appliquée à quelque portion distincte de l'univers : c'est un assemblage des propriétés méchaniques (comme grandeur, figure, ordre, situation & mouvement local) convenables & suffisantes pour constituer l'espece & la dénomination d'une chose ou d'un corps particulier, le concours de tous les êtres étant consideré comme le principe du mouvement, du repos, &c.

NATURE, lois de la, sont des axiomes ou regles générales de mouvement & de repos qu'observent les corps naturels dans l'action qu'ils exercent les uns sur les autres, & dans tous les changemens qui arrivent à leur état naturel.

Quoique les lois de la nature soient proprement les mêmes que celles du mouvement, on y a cependant mis quelques différences. En effet, on trouve des auteurs qui donnent le nom de lois du mouvement aux lois particulieres du mouvement, & qui appellent lois de la nature les lois plus générales & plus étendues, qui sont comme les axiomes d'où les autres sont déduites.

De ces dernieres lois M. Newton en établit trois.

1°. Chaque corps persevere de lui-même dans son état de repos ou de mouvement rectiligne uniforme, à moins qu'il ne soit forcé de le changer par l'action de quelque cause étrangere.

Ainsi les projectiles perséverent dans leur mouvement jusqu'à ce qu'il soit éteint par la résistance de l'air & par la gravité ; de même une toupie dont les parties sont continuellement détournées de leur mouvement rectiligne par leur adhérence mutuelle, ne cesse de tourner autour d'elle-même qu'à cause de la résistance de l'air & du frottement du plan sur lequel elle se meut. De même encore les masses énormes des planetes & des cometes qui se meuvent dans un milieu non resistant, conservent long-tems leur mouvement sans altération. Voyez FORCE D'INERTIE, RESISTANCE & MILIEU.

2°. Le changement qui arrive dans le mouvement est toujours proportionnel à la force qui le produit, & se fait dans la direction suivant laquelle cette force agit.

Si une certaine force produit un certain mouvement, une force double produira un mouvement double, une force triple un mouvement triple, soit que ce mouvement soit imprimé tout à-la-fois, ou successivement & par degrés ; & comme la direction de ce mouvement doit toujours être celle de la force motrice, il s'ensuit que si avant l'action de cette force le corps avoit un mouvement, il faut y ajouter le nouveau mouvement s'il le fait du même côté, ou l'en retrancher s'il le fait vers le côté opposé, ou l'y ajouter obliquement s'il lui est oblique, & chercher le mouvement composé de ces deux mouvemens, eu égard à la direction de chacun. Voyez COMPOSITION DU MOUVEMENT.

3°. La réaction est toujours contraire & égale à l'action, c'est-à-dire que les actions de deux corps l'un sur l'autre sont mutuellement égales & de directions contraires.

Tout corps qui en presse ou en tire un autre, en est réciproquement pressé ou tiré. Si je presse une pierre avec mon doigt, mon doigt est également pressé par la pierre. Si un cheval tire un poids par le moyen d'une corde, le cheval est aussi tiré vers le poids ; car la corde étant également tendue partout, & faisant un effort égal des deux côtés pour se relâcher, tire également le cheval vers la pierre, & la pierre vers le cheval, & empêchera l'un d'avancer, autant qu'elle fait avancer l'autre.

De même si un corps qui en choque un autre en change le mouvement, il doit recevoir par le moyen de l'autre corps un changement égal dans son mouvement, à cause de l'égalité de pression.

Dans toutes ces actions des corps les changemens sont égaux de part & d'autre, non pas dans la vîtesse, mais dans le mouvement, tant que les corps sont supposés libres de tout empêchement. A l'égard des changemens dans la vîtesse, ils doivent être en raison inverse des masses, lorsque les changemens dans les mouvemens sont égaux. Voyez ACTION & REACTION.

Cette même loi a aussi lieu dans les attractions. Voyez ATTRACTION. Chambers. (O)

NATURE DE BALEINE, voyez BLANC DE BALEINE.

NATURE, (Mythol.) chez les Poëtes la nature est tantôt mere, tantôt fille, & tantôt compagne de Jupiter. La nature étoit désignée par les symboles de la Diane d'Ephese.

NATURE, la, (Poësie) La nature en Poësie est, 1°. tout ce qui est actuellement existant dans l'univers ; 2°. c'est tout ce qui a existé avant nous, & que nous pouvons connoître par l'histoire des tems, des lieux & des hommes ; 3°. c'est tout ce qui peut exister, mais qui peut-être n'a jamais existé ni n'existera jamais. Nous comprenons dans l'Histoire la fable & toutes les inventions poëtiques, auxquelles on accorde une existence de supposition qui vaut pour les Arts autant que la réalité historique. Ainsi il y a trois mondes où le génie poëtique peut aller choisir & prendre ce qui lui convient pour former ses compositions : le monde réel, le monde historique, qui comprend le fabuleux, & le monde possible ; & ces trois mondes sont ce qu'on appelle la nature. (D.J.)

NATURE, (Critique sacrée) Les mots de nature & naturellement se trouvent souvent employés dans l'Ecriture, ainsi que dans les auteurs grecs & latins, par opposition à la voie de l'instruction, qui nous fait connoître certaines choses. C'est ainsi que saint Paul parlant d'une coutume établie de son tems, dit : " La nature elle-même ne nous enseigne-t-elle pas que si un homme porte des cheveux longs cela lui est honteux, au lieu qu'une longue chevelure est honorable à une femme, &c. ". C'est qu'il suffit de voir des choses qui se pratiquent tous les jours, pour les regarder enfin comme des choses naturelles. A plus forte raison peut-on dire que les gentils, qui étoient privés de la révélation, connoissoient d'eux-mêmes sans ce secours les préceptes de morale que les lumieres naturelles de la raison leur faisoient découvrir, & qui étoient les mêmes que ceux que la loi de Moïse enseignoit aux Juifs ; desorte que quand un payen agissoit selon ces préceptes, il faisoit naturellement ce que la loi de Moïse prescrivoit : il montroit par-là que l'oeuvre de la loi (terme qui signifie les commandemens moraux de la loi) étoit écrite dans son coeur & dans son esprit, c'est-à-dire qu'il pouvoit aisément s'en former des idées. (D.J.)

NATURE BELLE, LA, (beaux Arts) la belle nature est la nature embellie, perfectionnée par les beaux arts pour l'usage & pour l'agrément. Développons cette vérité avec le secours de l'auteur des Principes de littérature.

Les hommes ennuyés d'une jouissance trop uniforme des objets que leur offroit la nature toute simple, & se trouvant d'ailleurs dans une situation propre à recevoir le plaisir, ils eurent recours à leur génie pour se procurer un nouvel ordre d'idées & de sentimens, qui réveillât leur esprit, & ranimât leur goût. Mais que pouvoit faire ce génie borné dans sa fécondité & dans ses vues, qu'il ne pouvoit porter plus loin que la nature, & ayant d'un autre côté à travailler pour des hommes, dont les facultés étoient resserrées dans les mêmes bornes ? Tous ses efforts dûrent nécessairement se réduire à faire un choix des plus belles parties de la nature, pour en former un tout exquis, qui fût plus parfait que la nature elle-même, sans cependant cesser d'être naturel. Voilà le principe sur lequel a dû nécessairement se dresser le plan des arts, & que les grands artistes ont suivi dans tous les siecles. Choisissant les objets & les traits, ils nous les ont présentés avec toute la perfection dont ils sont susceptibles. Ils n'ont point imité la nature telle qu'elle est en elle-même ; mais telle qu'elle peut être, & qu'on peut la concevoir par l'esprit. Ainsi puisque l'objet de l'imitation des arts est la belle nature, représentée avec toutes ses perfections, voyons donc comment se fait cette imitation.

On peut diviser la nature par rapport aux arts en deux parties : l'une dont on jouit par les yeux, & l'autre par la voie des oreilles ; car les autres sens sont absolument stériles pour les beaux arts. La premiere partie est l'objet de la peinture qui représente en relief, & enfin celui de l'art du geste, qui est une branche des deux autres arts que je viens de nommer, & qui n'en differe, dans ce qu'il embrasse, que parce que le sujet auquel on attache les gestes dans la danse est naturel & vivant, au lieu que la toile du peintre & le marbre du sculpteur ne le sont point.

La seconde partie est l'objet de la musique, considérée seule & comme un chant ; en second lieu, de la poësie qui emploie la parole, mais la parole mesurée & calculée dans tous les tons.

Ainsi la peinture imite la belle nature par les couleurs ; la sculpture, par les reliefs ; la danse, par les mouvemens & par les attitudes du corps. La musique l'imite par les sons inarticulés, & la poësie enfin par la parole mesurée. Voilà les caracteres distinctifs des arts principaux : & s'il arrive quelquefois que ces arts se mêlent & se confondent, comme par exemple dans la poësie ; si la danse fournit des gestes aux acteurs sur le théâtre ; si la musique donne le ton de la voix dans la déclamation, si le pinceau décore le lieu de la scene, ce sont des services qu'ils se rendent mutuellement, en vertu de leur fin commune, & de leur alliance réciproque ; mais c'est sans préjudice à leurs droits particuliers & naturels. Une tragédie sans gestes, sans musique, sans décoration est toujours un poëme. C'est une imitation exprimée par le discours mesuré. Une musique sans paroles est toujours musique : elle exprime la plainte & la joie indépendamment des mots qui l'aident, à la vérité, mais qui ne lui apportent ni ne lui ôtent rien de sa nature ni de son essence. Son expression essentielle est le son, de même que celle de la peinture est la couleur, & celle de la danse le mouvement du corps.

Mais il faut remarquer ici que comme les arts doivent choisir les desseins de la nature, & les perfectionner, ils doivent chercher aussi à perfectionner les expressions qu'ils empruntent de la nature. Ils ne doivent point employer toutes sortes de couleurs, ni toutes sortes de sons : il faut en faire un juste choix, & un mêlange exquis ; il faut les allier, les proportionner, les nuancer, les mettre en harmonie. Les couleurs & les sons ont entr'eux des sympathies & des répugnances. La nature a droit de les unir, suivant ses volontés ; mais l'art doit le faire selon les regles. Il faut non-seulement qu'il ne blesse point le goût, mais qu'il le flatte, & le flatte autant qu'il peut être flatté. De cette maniere on peut définir la peinture, la sculpture, la danse une imitation de la belle nature, exprimée par les couleurs, par le relief, par les attitudes ; & la musique & la poësie, l'imitation de la belle nature, exprimée par les sons ou par le discours mesuré.

Les arts dont nous venons de parler ont eu leur commencement, leur progrès & leurs révolutions dans le monde. Il y eut un tems où les hommes occupés du seul soin de soutenir ou de défendre leur vie, n'étoient que laboureurs ou soldats : sans lois, sans paix, sans moeurs, leurs sociétés n'étoient que des conjurations. Ce ne fut point dans ces tems de trouble & de ténebres qu'on vit éclorre les beaux arts ; on sent bien par leur caractere qu'ils sont les enfans de l'abondance & de la paix.

Quand on fut las de s'entre-nuire, & qu'ayant appris par une funeste expérience, qu'il n'y avoit que la vertu & la justice qui pussent rendre heureux le genre humain, on eut commencé à jouir de la protection des lois, le premier mouvement du coeur fut pour la joie. On se livra aux plaisirs qui vont à la suite de l'innocence. Le chant & la danse furent les premieres expressions du sentiment ; & ensuite le loisir, le besoin, l'occasion, le hasard donnerent l'idée des autres arts, & en ouvrirent le chemin.

Lorsque les hommes furent un peu dégrossis par la société, & qu'ils eurent commencé à sentir qu'ils valoient mieux par l'esprit que par le corps, il se trouva sans - doute quelque homme merveilleux, qui, inspiré par un génie extraordinaire, jetta les yeux sur la nature.

Après l'avoir bien contemplée, il se considéra lui-même. Il reconnut qu'il avoit un goût né pour les rapports qu'il avoit observés ; qu'il en étoit touché agréablement. Il comprit que l'ordre, la variété, la proportion tracée avec tant d'éclat dans les ouvrages de la nature, ne devoient pas seulement nous élever à la connoissance d'une intelligence suprême, mais qu'elles pouvoient encore être regardées comme des leçons de conduite, & tournées au profit de la société humaine.

Ce fut alors, à proprement parler, que les arts sortirent de la nature. Jusques-là tous leurs élémens y avoient été confondus & dispersés, comme dans une sorte de cahos. On ne les avoit guere connus que par soupçon, ou même par une sorte d'instinct. On commença alors à démêler quelques principes : on fit quelques tentatives, qui aboutirent à des ébauches. C'étoit beaucoup : il n'étoit pas aisé de trouver ce dont on n'avoit pas une idée certaine, même en le cherchant. Qui auroit cru que l'ombre du corps, environné d'un simple trait, pût devenir un tableau d'Apelle ; que quelques accens inarticulés pussent donner naissance à la musique, telle que nous la connoissons aujourd'hui ? Le trajet est immense. Combien nos peres ne firent-ils point de courses inutiles, ou mêmes opposées à leur terme ! Combien d'effets malheureux, de recherches vaines, d'épreuves sans succès ! Nous jouissons de leurs travaux ; & pour toute reconnoissance, ils ont nos mépris.

Les arts en naissant, étoient comme sont les hommes : ils avoient besoin d'être formés de nouveau par une sorte d'éducation ; ils sortoient de la barbarie. C'étoit une imitation, il est vrai ; mais une imitation grossiere, & de la nature grossiere elle-même. Tout l'art consistoit à peindre ce qu'on voyoit, & ce qu'on sentoit ; on ne savoit pas choisir. La confusion régnoit dans le dessein, la disproportion & l'uniformité dans les parties, l'excès, la bisarrerie, la grossiereté dans les ornemens. C'étoit des matériaux plutôt qu'un édifice : cependant on imitoit.

Les Grecs, doués d'un génie heureux, saisirent enfin avec netteté les traits essentiels & capitaux de la belle nature, & comprirent clairement qu'il ne suffisoit pas d'imiter les choses, qu'il falloit encore les choisir. Jusqu'à eux les ouvrages de l'art n'avoient guere été remarquables, que par l'énormité de la masse ou de l'entreprise. C'étoient les ouvrages des Titans. Mais les Grecs plus éclairés, sentirent qu'il étoit plus beau de charmer l'esprit, que d'étonner ou d'éblouir les yeux. Ils jugerent que l'unité, la variété, la proportion, devoient être le fondement de tous les arts ; & sur ce fond si beau, si juste, si conforme aux lois du goût & du sentiment, on vit chez eux la toile prendre le relief & les couleurs de la nature ; l'ivoire & le marbre s'animer sous le ciseau. La musique, la poësie, l'éloquence, l'architecture enfanterent aussitôt des miracles ; & comme l'idée de la perfection, commune à toutes les arts, se fixa dans ce beau siecle, on eut presqu'à la fois dans tous les genres des chefs-d'oeuvre, qui depuis servirent de modeles à toutes les nations polies. Ce fut le premier triomphe des arts. Arrêtons-nous à cette époque, puisqu'il faut nécessairement puiser dans les monumens antiques de la Grece, le goût épuré & les modeles admirables de la belle nature, qu'on ne rencontre point dans les objets qui s'offrent à nos yeux.

La prééminence des Grecs, en fait de beauté & de perfection, n'étant pas douteuse, on sent avec quelle facilité leurs maîtres de l'art purent parvenir à l'expression vraie de la belle nature. C'étoit chez eux qu'elle se prétoit sans cesse à l'examen curieux de l'artiste dans les jeux publics, dans les gymnases, & même sur le théâtre. Tant d'occasions fréquentes d'observer firent naître aux artistes grecs l'idée d'aller plus loin. Ils commencerent à se former certaines notions générales de la beauté, nonseulement des parties du corps ; mais encore des proportions entre les parties du corps. Ces beautés devoient s'élever au-dessus de celles que produit la nature. Les originaux se trouvoient dans une nature idéale, c'est-à-dire, dans leur propre conception.

Il n'est pas besoin de grands efforts pour comprendre que les Grecs durent naturellement s'élever de l'expression du beau naturel, à l'expression du beau idéal, qui va au-delà du premier, & dont les traits, suivant un ancien interprete de Platon, sont rendus d'après les tableaux qui n'existent que dans l'esprit. C'est ainsi que Raphaël a peint sa Galatée. Comme les beautés parfaites, dit-il dans une lettre au Comte Balthasar Castiglione, sont si rares parmi les femmes, j'exécute une certaine idée conçue dans mon imagination.

Ces formes idéales, supérieures aux matérielles, fournirent aux Grecs les principes selon lesquels ils représentoient les dieux & les hommes. Quand ils vouloient rendre la ressemblance des personnes, ils s'attachoient toujours à les embellir en même tems ; ce qui suppose nécessairement en eux l'intention de représenter une nature plus parfaite qu'elle ne l'est ordinairement. Tel a été constamment le faire de Polygnote.

Lorsque les auteurs nous disent donc que quelques anciens artistes ont suivi la méthode de Praxitele, qui prit Cratine, sa maîtresse, pour modele de la Vénus de Gnide, ou que Lais a été pour plus d'un peintre l'original des Graces, il ne faut pas croire que ces mêmes artistes se soient écartés pour cela des principes généraux, qu'ils respectoient comme leurs lois suprêmes. La beauté qui frappoit les sens, présentoit à l'artiste la belle nature ; mais c'étoit la beauté idéale qui lui fournissoit les traits grands & nobles : il prenoit dans la premiere la partie humaine, & dans la derniere la partie divine, qui devoit entrer dans son ouvrage.

Je n'ignore pas que les artistes sont partagés sur la préférence que l'on doit donner à l'étude des monumens de l'antiquité, ou à celle de la nature. Le cavalier Bernin a été du nombre de ceux qui disputent aux Grecs l'avantage d'une plus belle nature, ainsi que celui de la beauté idéale de leurs figures. Il pensoit de plus, que la nature savoit donner à toutes ses parties la beauté convenable, & que l'art ne consistoit qu'à la saisir. Il s'est même vanté de s'être enfin affranchi du préjugé qu'il avoit d'abord sucé à l'égard des beautés de la Vénus de Médicis. Après une application longue & pénible, il avoit, disoit-il, trouvé en différentes occasions les mêmes beautés dans la simple nature. Que la chose soit ou non, toujours s'ensuit-il, de son propre aveu, que c'est cette même Vénus qui lui apprit à découvrir dans la nature des beautés, que jusqu'alors il n'avoit apperçues que dans cette fameuse statue.

On peut croire aussi avec quelque fondement, que sans elle il n'auroit peut-être jamais cherché ces beautés dans la nature. Concluons de-là que la beauté des statues greques est plus facile à saisir que celle de la nature même, en ce que la premiere beauté est moins commune, & plus frappante que la derniere.

Une seconde vérité découle de celle qu'on vient d'établir ; c'est que, pour parvenir à la connoissance de la beauté parfaite, l'étude de la nature est au moins une route plus longue & plus pénible que l'étude des antiques. Le Bernini, qui de préférence recommandoit aux jeunes artistes d'imiter toujours ce que la nature avoit de plus beau, ne leur indiquoit donc pas la voie la plus abrégée pour arriver à la perfection.

Ou l'imitation de la nature se borne à un seul objet, ou elle rassemble dans un seul ouvrage ce que l'artiste a observé en plusieurs individus. La premiere façon d'imiter produit des copies ressemblantes des portraits. La derniere éleve l'esprit de l'artiste jusqu'au beau général, & aux notions idéales de la beauté. C'est cette derniere route qu'ont choisi les Grecs qui avoient sur nous l'avantage de pouvoir se procurer ces notions, & par la contemplation des plus beaux corps, & par les fréquentes occasions d'observer les beautés de la nature. Ces beautés, comme on l'a dit ailleurs, se montroient à eux tous les jours, animées de l'expression la plus vraie, tandis qu'elles s'offrent rarement à nous, & plus rarement encore de la maniere dont l'artiste desireroit qu'elles se présentassent.

La nature ne produira pas facilement parmi nous un corps aussi parfait que celui d'Antinoüs. Jamais, de même, quand il s'agira d'une belle divinité, l'esprit humain ne pourra concevoir rien au-dessus des proportions plus qu'humaines de l'Apollon du Vatican. Tout ce que la nature, l'art & le génie ont été capables de produire, s'y trouvent réunis. N'est-il pas naturel de croire que l'imitation de tels morceaux doit abréger l'étude de l'art. Dans l'un, on trouve le précis de ce qui est dispersé dans toute la nature ; dans l'autre, on voit jusqu'où une sage hardiesse peut élever la plus belle nature au-dessus d'elle-même. Lorsque ces morceaux offrent le plus grand point de perfection auquel on puisse atteindre, en représentant des beautés divines & humaines, comment croire qu'un artiste qui imitera ces morceaux, n'apprendra point à penser & à dessiner avec noblesse & fermeté, sans crainte de tomber dans l'erreur ?

Un artiste qui laissera guider son esprit & sa main par la regle que les Grecs ont adoptée pour la beauté, se trouvera sur le chemin qui le conduira directement à l'imitation de la nature. Les notions de l'ensemble & de la perfection, rassemblées dans la nature des anciens, épureront en lui & lui rendront plus sensibles les perfections éparses de la nature que nous voyons devant nous. En découvrant les beautés de cette derniere, il saura les combiner avec le beau parfait ; & par le moyen des formes sublimes, toujours présentées à son esprit, il deviendra pour lui-même une regle sûre.

Que les artistes sur-tout se rappellent sans cesse que l'expression la plus vraie de la belle nature n'est pas la seule chose que les connoisseurs & les imitateurs des ouvrages des Grecs admirent dans ces divins originaux ; mais que ce qui en fait le caractere distinctif, est l'expression d'un mieux possible, d'un beau idéal, en-deçà duquel reste toujours la plus belle nature.

Ce principe lumineux peut s'étendre à tous les arts, sur-tout à la poësie, à la musique, à l'architecture, &c. mais en même tems il faut bien se mettre dans l'esprit, que le beau physique est le fondement, la base & la source du beau intellectuel, & que ce n'est que d'après la belle nature que nous voyons, que nous pouvons créer, comme les Grecs, une seconde nature, plus belle sans doute, mais analogue à la premiere ; en un mot, le beau idéal ne doit être que le beau réel perfectionné.

Rome devint disciple d'Athenes. Elle admira les merveilles de la Grece : elle tâcha de les imiter : bientôt elle se fit autant estimer par ses ouvrages de goût, qu'elle s'étoit fait craindre par ses armes. Tous les peuples lui applaudirent ; & cette approbation prouva que les Grecs qui avoient été imités par les Romains, étoient en effet les plus excellens modeles.

On sait les révolutions qui suivirent. L'Europe fut inondée de barbares ; & par une conséquence nécessaire, les sciences & les arts furent enveloppés dans le malheur des tems, jusqu'à ce qu'exilés de Constantinople, ils vinrent encore se réfugier en Italie. On y réveilla les manes d'Horace, de Virgile & de Ciceron : on alla fouiller jusque dans les tombeaux qui avoient servi à la sculpture & à la peinture. On vit reparoître l'antiquité avec les graces de la jeunesse. Les artistes s'empresserent à l'imiter ; l'admiration publique multiplia les talens ; l'émulation les anima, & les beaux arts reparurent avec splendeur. Ils vont se corrompre & se perdre. On charge déjà la belle nature, on l'ajuste, on la farde ; on la pare de colifichets, qui la font méconnoître. Ces raffinemens opposés à la grossiereté sont plus difficiles à détruire que la grossiereté même. C'est par eux que le goût s'émousse, & que commence la décadence. (D.J.)


NATURELadj. (Philos.) se dit de quelque chose qui se rapporte à la nature, qui vient d'un principe de la nature, ou qui est conforme au cours ordinaire & à l'ordre de la nature. Voyez NATURE.

Quand une pierre tombe de haut en bas, le vulgaire croit que cela lui arrive par un mouvement naturel, en quoi le vulgaire est dans l'erreur. Voyez l'article FORCE, p. 112. du VII. vol. j. col.

Les guérisons faites par les Médecins, sont des opérations naturelles ; mais celles de Jésus-Christ étoient miraculeuses & surnaturelles. Voyez MIRACLE, voyez aussi l'article NATUREL qui suit.

Enfans naturels, sont ceux qui ne sont point nés d'un légitime mariage. Voyez BASTARD.

Horison naturel, se dit de l'horison physique & sensible. Voyez HORISON.

Jour naturel, voyez JOUR.

Philosophie naturelle, c'est la science qui considere les propriétés des corps naturels, l'action mutuelle des uns sur les autres ; on l'appelle autrement Physique. Voyez PHYSIQUE, NATURE.

L'illustre M. Newton nous a donné un ouvrage intitulé : Principes mathématiques de la philosophie naturelle, où ce grand géometre détermine par des principes mathématiques les lois des forces centrales, de l'attraction des corps, de la résistance des fluides, du mouvement des planetes dans leurs orbites, &c. Voyez CENTRAL, PLANETE, RESISTANCE, &c. voyez aussi NEWTONIANISME, ATTRACTION, GRAVITATION, &c. Chambers. (O)

NATUREL, (Métaph.) nous avons à considerer ici ce mot sous deux regards. 1°. En-tant que les choses existent, & qu'elles agissent conformément aux lois ordinaires que Dieu a établies pour elles ; & par-là ce que nous appellons naturel, est opposé au surnaturel ou miraculeux. 2°. En-tant qu'elles existent ou qu'elles agissent, sans qu'il survienne aucun exercice de l'industrie humaine ou de l'attention de notre esprit, par rapport à une fin particuliere : dans ce sens, ce que nous appellons naturel, est opposé à ce que nous appellons artificiel, qui n'est autre chose que l'industrie humaine.

Il paroît difficile quelquefois de démêler le naturel en-tant qu'opposé au surnaturel ; dans ce dernier sens, le naturel suppose des lois générales & ordinaires : mais sommes-nous capables de les connoître sûrement ? On distingue assez un effet qui n'est point surnaturel ou miraculeux ; on ne distingue pas si déterminément ce qui l'est. Tout ce que nous voyons arriver régulierement ou fréquemment, est naturel ; mais tout ce qui arrive d'extraordinaire dans le monde est-il miraculeux ? C'est ce qu'on ne peut assurer. Un événement très-rare pourroit venir du principe ordinaire, qui dans la suite des révolutions & des changemens auroit formé une sorte de prodige, sans quitter la regle de son cours, & l'étendue de sa sphere. Ainsi voit-on quelquefois des monstres du caractere le plus inoui, sans qu'on y trouve rien de miraculeux & de surnaturel. Comment donc nous assurer, demandera-t-on, que les événemens regardés comme surnaturels & miraculeux le sont réellement, ou comment savoir jusqu'où s'étend la vertu de ce principe ordinaire, qui par une longue suite de tems & de combinaisons particulieres, peut faire les choses les plus extraordinaires ?

J'avoue qu'en beaucoup d'événemens qui paroissent des merveilles au peuple, un homme sage doit avec prudence suspendre son jugement. Il faut avouer aussi qu'il est des événemens d'un tel caractere, qu'il ne peut venir à l'esprit des personnes sensées, de juger qu'ils sont l'effet de ce principe commun des choses, & que nous appellons l'ordre de la nature : tel est, par exemple, la résurrection d'un homme mort.

On aura beau dire qu'on ne sait pas jusqu'où s'étendent les forces de la nature, & qu'elle a peut-être des secrets pour opérer les plus surprenans effets, sans que nous en connoissions les ressorts. La passion de contrarier, ou quelqu'autre intérêt, peut faire venir cette idée à l'esprit de certaines gens ; mais cela ne fait nulle impression sur les personnes judicieuses, qui font une sérieuse réflexion, & qui veulent agir de bonne foi avec eux-mêmes comme avec les autres. L'impression de vérité commune qui se trouve manifestement dans le plus grand nombre des hommes sensés & habiles, est la regle infaillible pour discerner le surnaturel d'avec le naturel : c'est la regle même que l'Auteur de la nature a mise dans tous les hommes ; & il se seroit démenti lui-même s'il leur avoit fait juger vrai ce qui est faux, & miraculeux ce qui n'est que naturel.

Le naturel est opposé à l'artificiel aussi-bien qu'au miraculeux ; mais non de la même maniere. Jamais ce qui est surnaturel & miraculeux ne sauroit être dit naturel ; mais ce qui est artificiel peut s'appeller naturel, & il l'est effectivement en-tant qu'il n'est point miraculeux.

L'artificiel n'est donc que ce qui part du principe ordinaire des choses, mais auquel est survenu le soin & l'industrie de l'esprit humain, pour atteindre à quelque fin particuliere que l'homme se propose.

La pratique d'élever avec des pompes une masse d'eau immense, est quelque chose de naturel ; cependant elle est dite artificielle & non pas naturelle, en-tant qu'elle n'a été introduite dans le monde que moyennant le soin & l'industrie des hommes.

En ce sens là, il n'est presque rien dans l'usage des choses, qui soit totalement naturel, que ce qui n'a point été à la disposition des hommes. Un arbre, par exemple, un prûnier est naturel lorsqu'il a crû dans les forêts, sans qu'il ait été ni planté ni greffé ; aussi-tôt qu'il l'a été, il perd en ce sens là, autant de naturel qu'il a reçu d'impressions par le soin des hommes. Est-ce donc que sur un arbre greffé, il n'y croît pas naturellement des prûnes ou des cerises ? Oui en-tant qu'elles n'y croissent pas surnaturellement ; mais non pas en-tant qu'elles y viennent par le secours de l'industrie humaine, ni en tant qu'elles deviennent telle prûne ou telle cerise, d'un goût & d'une douceur qu'elles n'auroient point eu sans le secours de l'industrie humaine ; par cet endroit la prûne & la cerise sont venues artificiellement & non pas naturellement.

On demande ici, en quel sens on dit, parlant d'une sorte de vin, qu'il est naturel, tout vin de soi étant artificiel ; car sans l'industrie & le soin des hommes il n'y a point de vin : desorte qu'en ce sens là le vin est aussi véritablement artificiel que l'eau-de-vie & l'esprit-de-vin. Quand donc on appelle du vin naturel, c'est un terme qui signifie que le vin est dans la constitution du vin ordinaire ; & sans qu'on y ait rien fait que ce qu'on a coutume de faire à tous les vins qui sont en usage dans le pays & dans le tems où l'on se trouve.

Il est aisé après les notions précédentes, de voir en quel sens on applique aux diverses sortes d'esprit la qualité de naturel & de non- naturel. Un esprit est censé & dit naturel, quand la disposition où il se trouve ne vient ni du soin des autres hommes, dans son éducation, ni des réflexions qu'il auroit fait lui-même en particulier pour se former.

Au terme de naturel, pris en ce dernier sens, on oppose les termes de cultivé ou d'affecté, dont l'un se prend en bonne & l'autre en mauvaise part : l'un qui signifie ce qu'un soin & un art judicieux a sçu ajouter à l'esprit naturel ; l'autre ce qu'un soin vain & mal-entendu y ajoute quelquefois.

On en peut dire à proportion autant des talens de l'esprit. Un homme est dit avoir une logique ou une éloquence naturelle, lorsque sans les connoissances acquises par l'industrie & la réflexion des autres hommes, ni par la sienne propre, il raisonne cependant aussi juste qu'on puisse raisonner ; ou quand il fait sentir aux autres, comme il lui plait, avec force & vivacité ses pensées & ses sentimens.

NATUREL, LE, s. m. (Morale) le tempérament, le caractere, l'humeur, les inclinations que l'homme tient de la naissance, est ce qu'on appelle son naturel. Il peut être vicieux ou vertueux, cruel & farouche comme dans Néron, doux & humain comme dans Socrate, beau comme dans Montesquieu, infâme comme dans C..., F... ou P..., &c.

L'éducation, l'exemple, l'habitude peuvent à la vérité rectifier le naturel dont le penchant est rapide au mal, ou gâter celui qui tend le plus heureusement vers le bien ; mais quelque grande que soit leur puissance, un naturel contraint, se trahit dans les occasions imprévues : on vient à bout de le vaincre quelquefois, jamais on ne l'étouffe. La violence qu'on lui fait, le rend plus impétueux dans ses retours ou dans ses emportemens. Il est cependant un art de former l'ame comme de façonner le corps, c'est de proportionner les exercices aux forces, & de donner du relâche aux efforts. Il y a deux tems à observer : le mouvement de la bonne volonté pour se fortifier, & le moment de la répugnance pour se roidir. De ces deux extrêmités, résulte une certaine aisance propre à maintenir le naturel dans un juste tempérament. Nos sentimens ne tiennent pas moins au naturel, que nos actions à l'habitude. La superstition seule surmonte le penchant de la nature, & l'ascendant de l'habitude, témoin le moine Clément.

Le bon naturel semble naître avec nous ; c'est un des fruits d'un heureux tempérament que l'éducation peut cultiver avec gloire, mais qu'elle ne donne pas. Il met la vertu dans son plus grand jour, & diminue en quelque maniere la laideur du vice ; sans ce bon naturel, du moins sans quelque chose qui en revêt l'apparence, on ne sauroit avoir aucune société durable dans le monde. De-là vient que pour en tenir lieu, on s'est vu réduit à forger une humanité artificielle, qu'on examine par le mot de bonne éducation ; car si l'on examine de près l'idée attachée à ce terme, on verra que ce n'est autre chose que le singe du bon naturel, ou si l'on veut, l'affabilité, la complaisance & la douceur du tempérament, réduite en art. Ces dehors d'humanité rendent un homme les délices de la société, lorsqu'ils se trouvent fondés sur la bonté réelle du coeur ; mais sans elle, ils ressemblent à une fausse montre de sainteté, qui n'est pas plutôt découverte, qu'elle rend ceux qui s'en parent, l'objet de l'indignation de tous les gens de bien.

Enfin, comme c'est du naturel que notre sort dépend, heureux est celui qui prend un genre de vie conforme au caractere de son coeur & de son esprit, il trouva toujours du plaisir & des ressources dans le choix de son attachement ! (D.J.)

NATURELLE, loi, s. f. (Droit naturel) on définit la loi naturelle, une loi que Dieu impose à tous les hommes, & qu'ils peuvent découvrir par les lumieres de leur raison, en considérant attentivement leur nature & leur état.

Le droit naturel est le systême de ces mêmes lois, & la jurisprudence naturelle est l'art de développer les lois de la nature, & les appliquer aux actions humaines.

Le savant évêque de Péterborough définit les lois naturelles, certaines propositions d'une vérité immuable, qui servent à diriger les actes volontaires de notre ame dans la recherche des biens ou dans la fuite des maux, & qui nous imposent l'obligation de régler nos actions d'une certaine maniere, indépendamment de toute loi civile, & mises à part les conventions par lesquelles le gouvernement est établi. Cette définition du docteur Cumberland revient au même que la nôtre.

Les lois naturelles sont ainsi nommées parce qu'elles dérivent uniquement de la constitution de nôtre être avant l'établissement des sociétés. La loi, qui en imprimant dans nous-mêmes l'idée d'un créateur, nous porte vers lui, est la premiere des lois naturelles par son importance, mais non pas dans l'ordre de ses lois. L'homme dans l'état de nature, ajoute M. de Montesquieu, auroit plutôt la faculté de connoître, qu'il n'auroit des connoissances. Il est clair que ses premieres idées ne seroient point ses idées spéculatives, il songeroit à la conservation de son être avant que de chercher l'origine de son être.

Un homme pareil ne sentiroit d'abord que sa foiblesse ; sa timidité seroit extrême ; & si l'on avoit là-dessus besoin de l'expérience, l'on a trouvé dans les forêts des hommes sauvages ; tout les fait trembler, tout les fait fuir. Les hommes dans cet état de nature ne cherchent donc point à s'attaquer, & la paix est la premiere loi naturelle.

Au sentiment de sa foiblesse, l'homme joint le sentiment de ses besoins. Ainsi une autre loi naturelle est celle qui lui inspire de chercher à se nourrir.

Je dis que la crainte porteroit les hommes à se fuir ; mais les marques d'une certaine bienveillance réciproque les engageroit bientôt à s'approcher. Ils y seroient portés d'ailleurs par le plaisir qu'un animal sent à l'approche d'un animal de son espece. De plus, ce charme que les deux sexes s'inspirent par leur différence, augmenteroit ce plaisir ; & la priere naturelle qu'ils se font toujours l'un à l'autre, seroit une troisieme loi.

Les hommes parvenant à acquérir des connoissances, ont un nouveau motif de s'unir pour leur bien commun ; ainsi le desir de vivre en société est une quatrieme loi naturelle.

On peut établir trois principes généraux des lois naturelles, savoir 1°. la religion : 2°. l'amour de soi-même : 3°. la sociabilité, ou la bienveillance envers les autres hommes.

La religion est le principe des lois naturelles qui ont Dieu pour objet. La raison nous faisant connoître l'être suprême comme notre créateur, notre conservateur & notre bienfaiteur : il s'ensuit que nous devons reconnoître notre dépendance absolue à son égard. Ce qui par une conséquence naturelle, doit produire en nous des sentimens de respect, d'amour & de crainte, avec un entier dévouement à sa volonté ; ce sont là les sentimens qui constituent la religion. Voyez RELIGION.

L'amour de soi-même, j'entends un amour éclairé & raisonnable, est le principe des lois naturelles qui nous concernent nous-mêmes. Il est de la derniere évidence que Dieu en nous créant, s'est proposé notre conservation, notre perfection & notre bonheur. C'est ce qui paroît manifestement, & par les facultés dont l'homme est enrichi, qui tendent à ces fins, & par cette forte inclination qui nous porte à rechercher le bien & à fuir le mal. Dieu veut donc que chacun travaille à sa conservation & à sa perfection, pour acquérir tout le bonheur dont il est capable, conformément à sa nature & à son état. Voyez AMOUR DE SOI-MEME.

La sociabilité, ou la bienveillance envers les autres hommes, est le principe d'où l'on peut déduire les lois naturelles qui regardent nos devoirs réciproques, & qui ont pour objet la société, c'est-à-dire les humains avec lesquels nous vivons. La plûpart des facultés de l'homme, ses inclinations naturelles, sa foiblesse & ses besoins, sont autant de liens qui forment l'union du genre humain, d'où dépend la conservation & le bonheur de la vie. Ainsi tout nous invite à la sociabilité ; le besoin nous en impose la nécessité, le penchant nous en fait un plaisir, & les dispositions que nous y apportons naturellement, nous montrent que c'est en effet l'intention de notre créateur.

Mais la société humaine ne pouvant ni subsister, ni produire les heureux effets pour lesquels Dieu l'a établie, à moins que les hommes n'aient les uns pour les autres des sentimens d'affection & de bienveillance, il s'ensuit que Dieu veut que chacun soit animé de ces sentimens, & fasse tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir cette societé dans un état avantageux & agréable, & pour en resserrer de plus en plus les noeuds par des services & des bienfaits réciproques. Voyez SOCIABILITE.

Ces trois principes, la religion, l'amour de soi-même & la sociabilité, ont tous les caracteres que doivent avoir des principes de lois ; ils sont vrais puisqu'ils sont pris dans la nature de l'homme, dans sa constitution, & dans l'état où Dieu l'a mis. Ils sont simples, & à la portée de tout le monde ; ce qui est un point important, parce qu'en matiere de devoirs, il ne faut que des principes que chacun puisse saisir aisément, & qu'il y a toujours du danger dans la subtilité d'esprit qui fait chercher des routes singulieres & nouvelles. Enfin ces mêmes principes sont suffisans & très-féconds, puisqu'ils embrassent tous les objets de nos devoirs, & nous font connoître la volonté de Dieu dans tous les états, & toutes les relations de l'homme.

1°. Les lois naturelles sont suffisamment connues des hommes, car on en peut découvrir les principes, & de-là déduire tous nos devoirs par l'usage de la raison cultivée ; & même la plûpart de ces lois sont à la portée des esprits les plus médiocres.

2°. Les lois naturelles ne dépendent point d'une institution arbitraire ; elles dépendent de l'institution divine fondée d'un côté sur la nature & la constitution de l'homme ; de l'autre sur la sagesse de Dieu, qui ne sauroit vouloir une fin, sans vouloir en même tems les moyens qui seuls peuvent y conduire.

3°. Un autre caractere essentiel des lois naturelles, c'est qu'elles sont universelles, c'est-à-dire qu'elles obligent tous les hommes sans exception ; car nonseulement tous les hommes sont également soumis à l'empire de Dieu, mais encore les lois naturelles ayant leur fondement dans la constitution & l'état des hommes, & leur étant notifiées par la raison, il est bien manifeste qu'elles conviennent essentiellement à tous, & les obligent tous sans distinction, quelque différence qu'il y ait entr'eux par le fait, & dans quelqu'état qu'on les suppose. C'est ce qui distingue les lois naturelles des lois positives ; car une loi positive ne regarde que certaines personnes, ou certaines sociétés en particulier.

4°. Les lois naturelles sont immuables, & n'admettent aucune dispense. C'est encore là un caractere propre de ses lois, qui les distingue de toutes lois positives, soit divines, soit humaines. Cette immutabilité des lois naturelles n'a rien qui répugne à l'indépendance, au souverain pouvoir, ou à la liberté de l'être tout parfait. Etant lui-même l'auteur de notre constitution, il ne peut que prescrire ou défendre les choses qui ont une convenance ou une disconvenance nécessaire avec cette même constitution, & par conséquent il ne sauroit rien changer aux lois naturelles, ni en dispenser jamais. C'est en lui une glorieuse nécessité que de ne pouvoir se démentir lui-même.

Je couronne cet article par ce beau passage de Ciceron ; la loi, dit-il, legum, lib. II. n'est point une invention de l'esprit humain, ni un établissement arbitraire que les peuples aient fait ; mais l'expression de la raison éternelle qui gouverne l'univers. L'outrage que Tarquin fit à Lucrece n'en étoit pas moins un crime, parce qu'il n'y avoit point encore à Rome de loi écrite contre ces fortes de violences. Tarquin pécha contre la loi éternelle, qui étoit loi dans tous les tems, & non pas seulement depuis l'instant qu'elle a été écrite. Son origine est aussi ancienne que l'esprit divin ; car la véritable, la primitive, & la principale loi n'est autre chose que la souveraine raison du grand Jupiter.

Cette loi, dit-il ailleurs, est universelle, éternelle, immuable ; elle ne varie point selon les lieux & les tems : elle n'est pas différente aujourd'hui de ce qu'elle étoit anciennement. Elle n'est point autre à Rome, & autre à Athènes. La même loi immortelle regle toutes les nations, parce qu'il n'y a qu'un seul Dieu qui a donné & publié cette loi. Cicer. de Repub. lib. III. apud Lactant. instit. div. lib. VI. cap. viij.

C'en est assez sur les lois naturelles considérées d'une vue générale ; mais comme elles sont le fondement de toute la morale & de toute la politique, le lecteur ne peut en embrasser le systême complet, qu'en étudiant les grands & beaux ouvrages sur cette matiere : ceux de Grotius, de Puffendorf, de Thomasius, de Buddé, de Sharrock, de Selden, de Cumberland, de Wollaston, de Locke, & autres savans de cet ordre. (D.J.)

NATUREL, (Arithmét.) dans les tables des logarithmes, on appelle nombres naturels ceux qui expriment les nombres consécutifs 1, 2, 3, 4, 5, &c. à l'infini, pour les distinguer des nombres artificiels, qui en sont les logarithmes. Voyez LOGARITHME, Chambers. (E)

NATUREL, adj. ce mot en Musique, a plusieurs sens : 1°. musique naturelle se dit du chant formé par la voix humaine, par opposition à la musique artificielle, qui se fait avec des instrumens : 2°. on dit qu'un chant est naturel quand il est aisé, doux, gracieux ; qu'une harmonie est naturelle quand elle est produite par les cordes essentielles & naturelles du mode. 3°. Naturel se dit encore de tout chant qui n'est point forcé, qui ne va ni trop haut ni trop bas, ni trop vîte, ni trop lentement. Enfin la signification la plus commune de ce mot, & la seule dont l'abbé Brossard n'a point parlé, s'applique aux tons ou modes dont les sons se tirent de la gamme ordinaire, sans altérations. Desorte qu'un mode naturel est celui où l'on n'emploie ni dièse ni bémol. Dans la rigueur de ce sens, il n'y auroit qu'un seul mode naturel, qui seroit celui d'ut majeur ; mais on étend le nom de naturel à tout mode, dont les cordes essentielles seulement ne portent ni dièse ni bémol ; tels sont les modes majeurs de sol & de fa ; les modes mineurs de la & de ré, &c. Voyez MODE, TRANSPOSITION, CLE TRANSPOSEE. (S)

NATUREL, est en usage dans le Blason, pour signifier des animaux, des fruits, des fleurs, qui sont peints dans un écu avec leurs couleurs naturelles, quoique différentes des couleurs ordinaires dans le Blason ; ce mot sert à empêcher qu'on n'accuse des armoiries d'être fausses, quand elles portent des couleurs inconnues dans le blason. Voyez COULEUR & BLASON. Berthelas en Forêt, d'azur à un tigre au naturel.


NAU(Géogr.) autrement Nave ou Nahe, en latin Nava, riviere d'Allemagne. Tacite, l. IV. c. lxx. fait mention de cette riviere, & dit qu'elle se joint au Rhin près de Bingium, aujourd'hui Bingen : en effet Bingen est encore située au lieu où la Nau se jette dans le Rhin. Ausone en parlant de cette riviere dit :

Transieram celerem nebuloso lumine Navam.

Elle a sa source dans la Lorraine à l'orient de Neukirch, prend son cours du S. O. au N. E. & tournant enfin du midi au nord, elle va se jetter dans le Rhin au-dessous de Bingen. (D.J.)


NAU-MU(Hist. nat. Bot.) c'est un arbre de la Chine qui s'éleve fort haut, & dont le bois est incorruptible, comme celui du cédre, dont il differe cependant pour la forme & par ses feuilles. On s'en sert à la Chine pour faire des pilastres, des colonnes, des portes & des fenêtres, ainsi que les ornemens des temples & des palais.


NAUBARUM(Géog. anc.) ville de la Sarmatie européenne, que Ptolémée, l. III. c. v. met la derniere ville dans les terres.


NAUCRARIENS(Littérat. greq.) on nommoit Naucrariens, en grec , chez les Athéniens, les principaux magistrats des bourgs & villes maritimes. Ils furent ainsi appellés, parce qu'ils étoient obligés de fournir deux cavaliers & un bâtiment pour le service de la république, lorsqu'elle le requéroit. Voyez Potter, Archaeol. graec. liv. I. ch. xiij. tome I. page 78.


NAUCRATIS(Géog. anc.) ville d'Egypte dans le Delta, au-dessus de Mételis, à main gauche en remontant le Nil. Elle étoit ancienne, & fut bâtie par les Milésiens, selon Strabon ; mais il ne s'accorde pas avec lui-même ; & il y a bien des raisons, dit Bayle, qui combattent son sentiment, outre que Diodore de Sicile ne lui est point favorable. Si nous avions l'ouvrage d'Apollonius Rhodius sur la fondation de Naucratis, nous pourrions décider la querelle. Ce qu'il y a de bien certain, c'est que cette ville a été fort célébre par son commerce, qui fut tel qu'on ne souffroit pas en Egypte qu'aucun navire marchand déchargeât dans un autre port. Cette prérogative lui procura un grand concours d'étrangers & des courtisannes, qui au rapport d'Hérodote, y prenoient un soin extrême de leur beauté. Rhodope y gagna des sommes immenses, & Archidice qui eut un si grand renom par toute la Grece, vint aussi s'y établir. Enfin, cette ville prétendoit avoir bonne part à la protection de Vénus, & se vantoit de posséder une image miraculeuse de cette déesse, que l'on consacra dans son temple.

Origène remarque qu'on y honoroit particulierement le dieu Sérapis, quoiqu'anciennement on y eût adoré d'autres dieux. Athénée, Julius Pollux, Lycéas, & Polycharme, ne sont pas les seuls auteurs dont Naucratis soit la patrie ; car selon quelques-uns, Aristophane & Philistus y naquirent aussi.

Athénée & Julius Pollux étoient contemporains : le premier fut surnommé le Pline des Grecs, & passoit pour un des plus savans hommes de son tems ; il florissoit à la fin du second siecle. Il ne nous reste de lui que les Disnosophistes, c'est-à-dire les Sophistes à table, en 15 livres, dont il nous manque les deux premiers, une partie du troisieme, & la plus grande partie du quinzieme. On y trouve une variété surprenante de faits, qui en rendent la lecture très-agréable aux amateurs de l'antiquité. La bonne édition en grec & en latin est Lugd. 1612. 2 vol. in - fol.

Julius Pollux étoit un peu plus jeune qu'Athénée ; il obtint la protection de Commode, fils de Marc-Aurele, & devint professeur de Rhétorique à Athènes. On connoît son Onosmaticon, ou dictionnaire grec, ouvrage précieux, dont la meilleure édition est d'Amsterdam, en 1706, in-fol. en grec & en latin avec des notes.

Voilà les habiles gens qui ont contribué à la gloire de Naucratis ; mais elle a tiré infiniment plus de profit de ses poteries & de son nitre. (D.J.)


NAUDS. m. (Fontaines salantes) c'est un réservoir placé à l'une des quatre faces de chaque berne ; ce réservoir ou bassin a la forme d'un grand coffre d'environ cinq piés de profondeur, & de pareille largeur, sur trente-six piés de long ; il est hors de terre, composé de madriers épais de plus de quatre pouces d'équarrissage, entouré de six en six piés de liens de fer, & calfaté dans les joints avec des étoupes, de la mousse, & de la terre glaise couverte de douves. C'est dans ces nauds qui contiennent chacun plus d'une cuite, ou plus de 63 muids, que les échenées amenent les eaux d'où elles se distribuent dans les poëles. Voyez SELS, SALANTES FONTAINES.


NAUFRAGES. m. (Marine) Il se dit d'un vaisseau qui va se perdre & se briser contre des rochers, ou qui coule à fond, & périt par la violence des vents & de la tempête. (Z)

NAUFRAGE, DROIT DE, (Usage des Barbares) Les Barbares qui envahirent l'empire romain en Occident, ne le regarderent d'abord que comme un objet de leur brigandage, & ce fut en conséquence dans ces tems-là, que s'établit sur toutes les côtes de la mer le droit insensé de naufrage : ces peuples pensant que les étrangers ne leur étoient unis par aucune communication de droit civil, ils ne leur devoient ni justice ni pitié. Dans les bornes étroites où se trouvoient les peuples du Nord, tout leur étoit étranger ; & dans leur pauvreté, tout étoit pour eux un objet de richesse. Etablis avant leurs conquêtes, sur les côtes d'une mer resserrée & pleine d'écueils, ils avoient tiré parti de ces écueils mêmes, pour piller les vaisseaux qui avoient le malheur d'échouer dans leur pays, au - lieu de consoler par tous les services de l'humanité, ceux qui venoient d'éprouver ce triste accident : mais les Romains qui faisoient des lois pour tout l'univers, en avoient fait de très-humaines sur les naufrages. Ils réprimerent à cet égard les brigandages de ceux qui habitoient les côtes, & ce qui étoit plus encore, la rapacité de leur propre fisc. Esprit des Lois. (D.J.)


NAUFRAGÉadj. (Jurispr.) se dit de ce qui a fait naufrage soit sur mer ou sur quelque fleuve ou riviere : comme un bateau ou bâtiment naufragé, des marchandises naufragées. L'article xxvij. du titre IX. du livre IV. de l'Ordonnance de la marine porte que, si les effets naufragés ont été trouvés en pleine mer ou tirés de son fond, la troisieme partie en sera délivrée incessamment & sans frais, en especes ou en deniers à ceux qui les auront sauvés. Et l'article iij. du titre V. de l'Ordonnance des cinq grosses fermes de 1687, veut que les droits d'entrée soient payés pour cette troisieme partie des effets naufragés qui sera délivrée à ceux qui les auront sauvés. Voyez BRIS, GAYVES, VARECH. (A)

NAUFRAGES, s. m. pl. (Hist. anc.) Les naufragés étoient obligés, arrivés à la terre, de se faire couper les cheveux & de les sacrifier à la mer, & de suspendre leurs vêtemens humides dans le temple de Neptune, avec un tableau où leur désastre étoit représenté. Ceux qui avoient perdu encore leur fortune, en portoient un autre au cou, & alloient ainsi demander l'aumône ; ou s'il ne leur restoit pas de quoi faire peindre leurs aventures, ils demandoient les piés nus, avec un bâton entortillé d'une banderolle à la main.


NAUGATO(Géog.) royaume du Japon dans la grande île Niphon dont il est la partie la plus occidentale. Sa ville capitale est Amauguchi ou Amauguci, une des plus riches villes de l'empire, dont on met la Longit. à 148. 20. lat. 43. 54. (D.J.)


NAULAGES. m. (Marine) c'est un vieux terme pour dire ce qu'on paie au patron ou maître d'un bâtiment pour le passage. (Z)

NAULAGE, (Mythol.) ce mot signifie chez les Mythologues, le droit de passage de la barque à Caron, sur lequel les Poëtes se sont tant égayés.

Dès qu'on eut une fois imaginé que Caron ne passoit personne gratis sur le rivage des morts, on établit la coutume de mettre sous la langue du défunt une piece de monnoie, que les Latins appellent naulus, & les Grecs , pour le droit du passage, autrement dit naulage. Cette coutume venoit des Egyptiens, qui donnoient quelque chose à celui qui passoit les morts au-delà du marais Achéruse. Lucien assure que l'usage de mettre une obole dans la bouche des morts, pour payer le droit de naulage, étoit universel chez les Grecs & chez les Romains ; on ne connoît que les Hermoniens qui s'en dispensoient, parce qu'ils se disoient si près de l'enfer, qu'ils ne croyoient pas qu'il fût nécessaire de rien payer pour le voyage. Mais Caron n'y perdoit pas grand chose ; car si ce peuple ne lui payoit pas ses émolumens, les Athéniens prétendirent qu'il falloit donner quelque chose de plus pour leurs rois, afin de les distinguer du vulgaire, & ils mirent dans leurs bouches jusqu'à trois pieces d'or.

Il importe fort de remarquer qu'on ne se contentoit pas de cette piece de monnoie ; mais qu'afin de mieux assurer le passage, on mettoit dans le cercueil du défunt une attestation de vie & de moeurs.

Nous avons pour garant de ce singulier fait Eustathe sur Homere, & le Scholiaste de Pindare. Cette attestation de vie & de moeurs étoit une espece de sauf-conduit, qu'on requéroit pour le défunt. Un ancien auteur (Fab. Cel. lib. III. Anthol.) nous a conservé le formulaire de cette attestation. Ego Sextus Anicius pontifex, testor hunc honeste vixisse ; manes ejus inveniant requiem. " Moi soussigné Anicius Sextus pontife, j'atteste qu'un tel a été de bonne vie & moeurs ; que ses manes soient en paix ". Il paroît de ce formulaire, qu'afin que cette attestation fût reçue dans l'autre monde, il falloit que le pontife lui-même l'écrivit ou la signât. (D.J.)


NAULOCHIUM(Géog. anc.) lieu de la Sicile sur la côte, entre Pelorum & Mylas. Auguste y remporta une victoire sur Pompée.


NAUMou NAUN, (Géog.) riviere de la grande Tartarie, qui prend sa source au midi d'Albasiuskoi, ville des Russes ruinée, arrose le bourg auquel elle donne son nom, & finit par se joindre au Chingal, qui se décharge dans le fleuve Amur.


NAUMACHIES. f. (Antiq. rom.) combat donné fur l'eau. Ces combats sur l'eau ont été les plus superbes spectacles de l'antiquité ; c'étoit un cirque entouré de sieges & de portiques, dont l'enfoncement, qui tenoit lieu d'arene, étoit rempli d'eau par le moyen de vastes canaux ; & c'étoit dans ce cirque qu'on donnoit le spectacle d'un combat naval & sanglant.

Jules César ayant trouvé un endroit favorable sur le bord du Tibre, & assez proche de la ville, appellé Codette, le fit creuser, & y donna le premier le divertissement d'une naumachie. On y vit combattre des vaisseaux tyriens & égyptiens, & les apprêts qu'on fit pour ce nouveau spectacle, piquerent tellement la curiosité des peuples, qu'il fallut loger sous des tentes les étrangers qui s'y rendirent presque en même tems de tous les endroits de la terre. Suétone, vie de César, ch. xxxix.

Ensuite Lollius, sous le regne d'Auguste, donna, pour lui faire sa cour, le second spectacle d'un combat naval, en mémoire de la victoire d'Actium. Les empereurs imiterent à leur tour cet exemple.

Dans la naumachie de Claudius, qui se donna sur le lac Fuem, il fit combattre douze vaisseaux contre un pareil nombre sous le nom de deux factions, l'une rhodienne, & l'autre tyrienne. Elles étoient animées au combat par les chamades d'un triton, qui sortit du milieu de l'eau avec sa trompe. L'empereur eut la curiosité de voir passer devant lui les combattans, parmi lesquels se trouvoient plusieurs hommes condamnés à mort : ils lui dirent en passant : seigneur, recevez le salut des troupes qui vont mourir pour votre amusement ; ave, imperator, morituri te salutant. Il leur répondit en deux mots, avete, vos ; & le combat se donna.

Néron fit exécuter une naumachie encore plus horrible & plus considérable ; car il perça exprès pour cet effet la montagne qui sépare le lac Tucin de la riviere de Lyre. Il arma des galeres à trois & quatre rangs, mit dessus 19 mille hommes de combat, & fit paroître sur l'eau toutes sortes de monstres marins.

Cependant la plus singuliere de toutes les naumachies, & la plus fameuse dans l'histoire, est celle que donna l'empereur Domitien, quoiqu'il ne fît paroître dans ce combat naval que trois mille combattans en deux partis, dont il appella l'un celui des Athéniens, & l'autre, celui des Syracusains ; mais il entoura tout le spectacle de portiques d'une grandeur prodigieuse, & d'une exécution admirable. Suétone, dans la vie de cet empereur, ch. lj. nous a conservé la description de cette naumachie ; & les curieux la trouveront représentée dans la 6e. pl. de l'essai historique d'Architecture de Fischer. (D.J.)


NAUMBOURG(Géog.) ville d'Allemagne dans le cercle de haute Saxe, en Misnie, autrefois impériale, avec un évêché suffragant de Magdebourg, qui a été sécularisé. Elle est sur la Sale, à 15 lieues N. E. d'Erfort, 22 S. O. de Wittemberg, 25 O. de Dresde. Long. 29. 54. lat. 51. 12. Il y a aussi dans la Silésie deux petites villes ou bourgs qui portent le nom de Naumbourg. (D.J.)


NAUPACTE(Géog. anc.) en latin Naupactus ; c'étoit d'abord une ville de la Locride occidentale. Les Héraclides y firent construire la flotte qui les transporta dans le Péloponnèse, d'où elle se nomma Naupacte, comme qui diroit lieu où les vaisseaux avoient été construits, c'est Strabon qui nous l'apprend.

Cette ville appartenoit anciennement aux Locriens ozoles. Les Athéniens, après l'avoir prise, la donnerent aux Messéniens chassés du Péloponnèse par les Lacédémoniens. Mais quand Lisander eut entierement défait les Athéniens à Egos-Potamos, les Lacédémoniens attaquerent Naupacte, & en dépouillerent les Messéniens. Alors les Locriens rentrerent en possession de leur ancien patrimoine, & en jouirent jusqu'à ce que Philippe donna Naupacte aux Etoliens, qu'elle accommodoit par sa proximité. Polybe & Tite-Live la mettent entre les villes les plus considérables de ce pays-là, & en parlent même comme de la capitale de l'Etolie.

On voit par ce détail que Naupacte essuya plusieurs dominations, & changea souvent de maîtres. Les Grecs modernes l'appellerent Nepactos ou Epactos. Elle se nomme aujourd'hui Lépante, à 7 lieues de Patras ; & elle donna son nom au golfe près duquel elle est située. Voyez LEPANTE. (D.J.)


NAUPLIAou NAUPLIANAVALE, (Géog. anc.) ville & port de mer dans l'Argie, dont Hérodote, Strabon, Ptolémée & Pausanias ont fait mention. Ces auteurs en ayant parle comme d'un port fort commode, on a jugé que ce devoit être Napoli de Romanie ; du moins voit-on encore des ruines d'une ancienne ville auprès de Napoli de Romanie. La montagne de Palamede est dans le voisinage ; mais on ne peut plus démêler, dit la Guilletiere, la célebre fontaine de Canathus, où la déesse Junon alloit souvent se baigner, & d'où elle sortoit toujours en état de vierge : sans doute que les femmes du pays ayant inutilement essayé si elles en sortiroient comme la reine des dieux, ont laissé perdre exprès la mémoire du nom de Canathus. (D.J.)


NAUPORTUM(Géog. anc.) ville des Taurisques vers la source de la riviere Nauportus, dont elle tiroit son nom, selon Pline, liv. III. ch. xvij. On juge de la table de Peutinger que Nauportum étoit précisément au lieu où est aujourd'hui Ober-Laubach, & que la riviere Nauportus est le Laubach.


NAUPORTUSou NAUPONTUS, (Géog. anc.) riviere qui, selon Pline, l. III. ch. xvij. prend sa source dans les Alpes, entre Aemona & les Alpes, auprès de Longaticum, à 6 milles de la ville Nauportus. Cette riviere passoit à Aemona, & à un mille au-dessous de cette ville, elle se joignoit avec la Save. On croit que cette riviere est le Laubach.


NAUROUSE(Géog.) lieu de France où l'on fait le point de partage des eaux qu'on a assemblées pour fournir aux canaux qui font la jonction de la mer océane avec la mer méditerranée. C'est une petite éminence située dans la route qui conduit du bas au haut Languedoc, & où il y a deux vallons qui naissent. Pour former la jonction desirée, d'un côté on a fait aboutir les canaux qui viennent à Naurouse, & qui communiquent à l'Océan ; & de l'autre côté, on y a joint un canal qui, en traversant la plage, se rend dans la mer Méditerranée. Ce canal, qui est profond de deux toises, en a seize d'ouverture, huit de base, & environ 800 de longueur. On l'appelle en conséquence canal royal.


NAUSÉES. f. (Médec.) l'aversion qu'on a pour tous les alimens, ou pour certains alimens en particulier, s'appelle dégoût ; c'est un symptome qui semble composé du défaut du vice de l'appétit & de la nausée.

Si l'on a pris des substances pourries, corrompues, rances, nidoreuses, visqueuses, grasses, oléagineuses, dégoutantes, il les faut éviter dans la suite, & les chasser du corps soit par le vomissement, soit par les selles.

Si la corruption des humeurs de la bouche, des narines, des dents, du gosier ; si la matiere capable de causer des catharres, des aphthes, vient à produire cette maladie, on évite la déglutition de ces humeurs viciées ; on la détourne autre part ; on se lave fréquemment la bouche avec les antiseptiques.

Quand le ventricule & le pancréas sont remplis d'un suc morbifique, & qu'une bile de mauvaise qualité vient à couler dans le premier de ces visceres, & qu'il s'y trouve en même-tems un amas de cacochylie crue, il faut employer les évacuans pour chasser par haut & par bas toutes ces matieres, ensuite recourir aux stomachiques pour empêcher qu'elles ne se reforment de nouveau.

La nausée qui vient sur mer, ou lorsqu'on est en voiture sur le devant d'un carrosse fermé, ou celle qui est la suite de quelqu'autre mouvement extraordinaire & de quelque passion de l'ame, se dissipe en ôtant les causes, en changeant de position, en prenant les acides, &c. mais elle est dangereuse dans la lienterie, la dyssenterie, le cholera ; il la faut alors traiter par les anodins stomachiques.

Celle qui accompagne les fievres aiguës, ardentes, érésipélateuses, putrides, purulentes, malignes, hectiques, la phthysie, la goutte des piés, est un fâcheux symptome qui demande ordinairement les acides agréables, les délayans & les anodins ; mais ce ne sont là que des remedes palliatifs.

Dans la constipation, la suppression d'un ulcere, ou de quelqu'autre évacuation ordinaire, il convient de rétablir l'évacuation, ou d'en procurer une autre qui fasse le même effet.

En général les présages varient autant que les causes. Dans cette maladie on doit attendre que le sujet qui en est constamment attaqué, prendra moins d'alimens que de coutume, qu'il en résultera une mauvaise chylification, la maigreur du corps, la foiblesse, le dépérissement sensible de toute la machine, & finalement sa destruction. (D.J.)


NAUSTATHMUS(Géog. anc.) nom commun à divers ports : 1°. au port de Sicile, selon Pline, lib. III. cap. viij. c'est aujourd'hui Fontane Bianche, entre Syracuse & le fleuve Acettaro, autrefois nommé Elorus : 2°. à un port d'Afrique dans la Pentapole, selon Ptolémée, lib. IV. cap. iv. 3°. à un port qui étoit dans le golfe Canthi, à l'embouchure du fleuve Indus : 4°. à un port d'Asie aux environs de la Troade, selon Strabon.


NAUTES. m. (Littérat.) en latin nauta, s. m. Ce mot signifie non-seulement un matelot, mais aussi un marchand, un riche négociant qui équipe des vaisseaux à ses frais, & fait un commerce considérable. Il paroît même par quantité d'inscriptions que les nautae composoient un corps dont des magistrats & des chevaliers romains ont souvent fait partie.

Les nautes étoient dans la ville d'honorables citoyens unis & associés pour faire le commerce par eau. Les inscriptions trouvées au mois de Mars 1711, en creusant la terre sous le choeur de Notre-Dame, nous apprennent que sous le regne de Tibere, la compagnie des nautes établie à Paris, éleva un autel à Eoüs, à Jupiter, à Vulcain, à Castor & à Pollux. Voyez une dissertation de M. le Roi mise à la tête du premier volume de l'histoire de Paris, par le P. Félibien.

Il est assez naturel de présumer que les mercatores aquae parisiaci, dont il est parlé sous les regnes de Louis le Gros & de Louis le Jeune, avoient succédé, sous un autre nom, à ces anciens commerçans, & qu'il ne faut point chercher ailleurs l'origine du corps municipal, connu depuis sous le nom d'hôtel-de-ville de Paris, & chargé de la police générale de la navigation, & des marchandises qui viennent par eau. (D.J.)


NAUTILES. m. (Conchyliol.) genre de coquillage, dont le caractere générique est de ressembler à un vaisseau. Il a été ainsi nommé du mot grec , qui veut dire le poisson & le nautonnier.

Le nautile pris pour le coquillage, est une coquille univalve, de forme ronde & oblongue, mince, épaisse, à oreilles, sans oreilles, unie & quelquefois cannelée, imitant la figure d'un vaisseau.

Différens auteurs ont appellé le nautile en latin pompilus, nauplius, nauticus, cymbium, polypus testaceus, & plusieurs le nomment en françois le voilier.

On distingue en général deux genres de nautile ; le nautile mince, applati, & le nautile à coquilles épaisses. Le premier est le papyracé, dont la coquille n'est guere plus épaisse qu'une feuille de papier.

Le nautile papyracé n'est point attaché à sa coquille, & même, selon Pline, il la quitte souvent pour venir paître sur la terre. On dit que quand il veut nager, il vuide son eau pour être plus léger ; il étend en haut deux de ses bras, entre lesquels est une membrane légere qui lui sert de voile, & les deux autres en bas dans la mer, qui lui tiennent lieu d'aviron : sa queue est son gouvernail. Dans une forte tempête, ou quand il entend du bruit, il retire ses piés, remplit sa coquille d'eau, & par-là se donne plus de poids pour s'enfoncer. La maniere de vuider son eau quand il veut s'élever & naviger, se fait par un grand nombre de trous qui se trouvent le long de ses jambes.

Le nautile à coquille épaisse, nommé par Rumphius nautilus major, seu crassus, ne quitte jamais sa maison. Sa coquille est partagée en quarante cellules ou cloisons, qui diminuent de plus en plus à mesure qu'elles approchent de leur centre. Entre chacune de ses cloisons & les voisines, il y a une communication par le moyen d'un trou qui est au centre de chaque cellule. Il est vraisemblable que le poisson occupe l'espace le plus large de sa coquille, depuis son ouverture jusqu'à la premiere cloison, & que le nerf qui passe au-travers de toutes ses cloisons, sert à le retenir dans sa demeure, à donner la vie à toutes les cellules, & à y porter l'air & l'eau par le petit canal, proportionnellement au besoin qu'en a l'animal pour nager ou s'enfoncer dans l'eau.

Aristote a décrit bien nettement deux especes de nautiles, mais non pas trois, comme Belon l'a imaginé.

Hook remarque que dans le creux des cellules du nautile, on trouve des efflorescences de sel marin ; & qu'ainsi l'air y a passé avec l'eau de la mer.

Ce testacé est commun à Amboine, à Batavia, aux Moluques & au cap de Bonne-Espérance. Rumphius en a donné des figures, ainsi que Ruysch. On dit que les nautiles à cloison ou à coques épaisses, ne vivent pas long-tems hors de leur coquille. Leur ventre est rempli d'une quantité d'oeufs rouges, bons à manger, & faits comme de petits grains ronds, qui ont chacun un petit point noir comme un oeil ; ils forment une masse entourée d'une pellicule mince qu'on appelle ovaire, placée comme un coussin sur le cou.

Ces animaux se trouvent assez rarement avec leurs coquilles, dont ils se détachent très - aisément. Il faut que les pêcheurs soient bien adroits pour les prendre ensemble. Quand ils sont poursuivis, ils tournent leur nacelle tantôt à droite, tantôt à gauche. Enfin, les pêcheurs remarquant qu'ils veulent faire eau & se couler à fond, se jettent souvent à la nage pour les pouvoir joindre.

Les quatre principales différences de la classe des nautiles, c'est que les uns sont papyracés, les autres à cloison, les autres à oreilles & les autres ombiliqués.

Mais les diverses especes de nautiles décrites par les naturalistes, sont les suivantes : 1°. le nautile de la grande espece, poli & épais ; 2°. le nautile de la petite espece à coquilles épaisses & polies ; 3°. le même nautile ombiliqué ; 4°. le nautile commun, chambré & partagé en plusieurs cellules ; 5°. le nautile cannelé, vuide, sans aucune séparation en - dedans ; 6°. le papyracé, applati & mince ; 7°. le nautile à oreilles & à large carene ; 8°. le même nautile à carene ondée en sillon, & dentelée des deux côtés ; 9°. le nautile dont la carene est par-tout dentelée ; 10°. le nautile dit corne d'ammon.

Si cependant la pensée de M. de Jussieu, dans les mémoires de l'acad. des Sciences, année 1722. pag. 235. est vraie, savoir que toutes les cornes d'ammon se sont moulées dans les nautiles, il se trouveroit autant d'especes de nautiles que de cornes d'ammon ; & par conséquent le nombre des especes de nautiles encore inconnues seroit bien grand par rapport au nombre des especes connues. (D.J.)


NAUTIQUEadj. (Astron. & Géog.) se dit de ce qui a rapport à la navigation. Voyez NAVIGATION.

Astronomie nautique est l'Astronomie propre aux navigateurs. Voyez ASTRONOMIE, COMPAS NAUTIQUE ou COMPAS DE MER. Voyez BOUSSOLE & COMPAS. (O)

NAUTIQUES CARTES, voyez CARTES MARINES.


NAUTODICE(Ant. grecq.) officier subalterne chez les Athéniens. Les nautodices terminoient les différends survenus entre les marchands, les matelots & les étrangers dans les affaires de commerce maritime. Leur audience générale se tenoit le dernier jour de chaque mois.


NAUTONNIERNAUTONNIER


NAVALadj. se dit d'une chose qui concerne les vaisseaux, ou la navigation. Voyez VAISSEAU & NAVIGATION.

C'est dans ce sens qu'on dit quelquefois forces navales, combat naval, &c.

Couronne navale, corona navalis, parmi les anciens Romains, étoit une couronne ornée de figures des proues de vaisseaux ; on la donnoit à ceux qui dans un combat naval avoient les premiers monté sur le vaisseau ennemi.

Quoiqu' Aulugelle semble avancer comme une chose générale, que la couronne navale étoit ornée de figures de proues de vaisseaux, cependant Juste Lipse distingue deux sortes de couronnes navales ; l'une simple, l'autre garnie d'éperons de navires.

Selon lui, la premiere se donnoit communément aux moindres soldats ; la seconde beaucoup plus glorieuse, ne se donnoit qu'aux généraux, ou amiraux, qui avoient remporté quelque victoire navale considérable. Chambers. (G)

NAVALE, (Géogr. anc.) ce mot latin peut avoir beaucoup de significations différentes : il peut signifier un port, un havre, quelquefois le lieu du port où l'on construit les vaisseaux, comme à Venise ; ou le bassin où ils sont conservés & entretenus, comme au Havre-de-Grace ; mais ce n'est point là le principal usage de ce mot. Il y avoit des villes qui étoient assez importantes pour avoir un commerce maritime, & qui néanmoins n'étoient pas situées assez près de la mer pour faire un port. En ce cas on en choisissoit un le plus près & le plus commode qu'il étoit possible. On bâtissoit des maisons à l'entour, & ce bourg ou cette ville devenoit le navale de l'autre ville. C'est ainsi que Corinthe située dans l'isthme du Péloponnèse avoit deux ports, duo navalia, savoir, Lechacum dans le golfe de Corinthe, & Cenchrées dans le golfe Salonique. Quelquefois une ville se trouvoit bâtie en un lieu qui n'avoit pas un port suffisant pour ses vaisseaux, parce que son commerce auquel des barques avoient suffi au commencement, étoit devenu plus florissant, & demandoit un havre où de gros bâtimens pussent entrer ; alors quoique la ville eût déjà une espece de port, elle s'en procuroit un autre plus large, plus profond, quoiqu'à quelque distance, & souvent il s'y formoit une colonie qui devenoit aussi florissante que la ville même. C'est une erreur de croire que le port ou navale fût toujours contigu à la ville dont il dépendoit, il y avoit quelquefois une distance de plusieurs milles.


NAVALIA(Géog. anc.) ville de la Germanie inférieure selon Ptolémée, qui la met entre Assiburgium & Mediolanium : quelques savans croient que c'est la ville de Zwol. (D.J.)


NAVAN(Géog.) petite ville d'Irlande dans la province de Leinster, au comté d'Est-Meath sur la Boyne, à 10 milles de Duleck, & à 7 de Kello. Elle a droit d'envoyer deux députés au parlement d'Irlande. Long. 11. 19. lat. 53. 42.


NAVARETTE(Géograph.) petite ville d'Espagne de la petite province de Rioxa, qui est dans la vieille Castille. Elle est située sur une montagne à environ deux lieues de Logrono, du côté du couchant. Long. 15. 30. lat. 42. 28.


NAVARINou ZONCHIO, (Géog.) ville de Grece dans la Morée, au Belvédere, au-dessus de Modon, en tirant vers le nord. Il y a apparence que c'est la même ville que Ptolémée, l. III. c. xvj. nomme Pylus. Navarin est à 10 milles de Coron, sur une hauteur, au pié de laquelle est un bon & vaste port, défendu par deux châteaux. Les Turcs ont enlevé pour la derniere fois cette place aux Vénitiens en 1715, avec toute la Morée. Long. 39. 26. lat. 37. 2.


NAVARQUES. m. (Hist. anc.) celui qui commandoit un ou plusieurs vaisseaux, selon que chaque allié en envoyoit. Il s'appella aussi praefectus, magister navis, trierarchus.


NAVARRE(Géog.) royaume d'Europe, situé entre la France & l'Espagne, & divisé en haute & basse Navarre. La premiere appartient à l'Espagne, & la seconde à la France ; & toutes les deux ensemble se divisent encore en plusieurs districts ou bailliages, qu'on appelle en Espagne mérindades. La haute Navarre en comprend cinq qui ont pour leurs capitales Pampelune, Ertella, Tudele, Olete, & Sanguersa. La basse Navarre ne contient qu'un de ces bailliages, & a pour seule ville S. Jean-Pié-de-Port.

NAVARRE, la haute, (Géog.) elle a au nord une partie des provinces de Guipuscoa & d'Alava, les Pyrénées, le Béarn, & le pays de Labour, autrement le pays des Basques ; à l'orient une partie du royaume d'Aragon, les Pyrénées, & les vallées qui se jettent au-dedans de l'Espagne par Roncevaux, par le val de Salazar, & par celui de Roncal, jusqu'à Ysara. Ses rivieres principales sont l'Ebre, l'Aragon, l'Arga, l'Elba ; & ses principales vallées sont celles de Roncevaux, Salazar, Roncal, Thescoa, & Bartan. Ce royaume avoit autrefois une étendue bien plus grande que celle qu'il a aujourd'hui ; car il ne comprend guere que 28 lieues de long, 23 de large, & tout au plus 15 à 20 mille familles.

L'air de ce pays est plus doux & plus tempéré, que celui des provinces plus voisines de l'Espagne ; mais le terrein est hérissé de montagnes, & abonde en mines de fer.

Ignigo-Arista est le premier qui ait regné dans la haute Navarre, & ses descendans en jouirent jusqu'en 1234. En 1316, Jeanne, comme fille de Louis Hutin, devint héritiere de ce royaume, qu'elle apporta à son mari Philippe, comte d'Evreux. En 1512, Ferdinand s'en empara sur Jean sire d'Albret, qui en étoit roi, du chef de Catherine de Foix sa femme, derniere héritiere de Charles, comte d'Evreux. Le pape le seconda dans cette entreprise ; & leur prétexte fut que ce prince étoit allié de Louis XII. ce fauteur du concile de Pise. Louis XII. secourut Jean d'Albret ; mais l'activité du duc d'Albe rendit cette entreprise inutile, & força le roi de Navarre & la Palice, à lever le siége de Pampelune. Catherine de Foix disoit au roi son mari, après la perte de ce royaume : " dom Jean, si nous fussions nés, vous Catherine, & moi dom Jean, nous n'aurions jamais perdu la Navarre ".

Récapitulons en deux mots l'histoire de ce royaume : les Navarrois se donnerent à Inigo, qui commença le royaume de Navarre. Ensuite trois rois d'Aragon joignirent à l'Arragonois, la plus grande partie de la Navarre, dont les Maures musulmans occuperent le reste. Alphonse le Batailleur, qui mourut en 1134, fut le dernier de ces rois. Alors la Navarre fut séparée de l'Aragon, & redevint un royaume particulier, qui passa depuis par des mariages aux comtes de Champagne, appartint à Philippe-le-Bel, & à la maison de France ; ensuite tomba dans celles de Foix & d'Albret, & est absorbée aujourd'hui dans la monarchie d'Espagne.

NAVARRE, la basse, (Géog.) c'est une des mérindades ou bailliages, dont tout le royaume de Navarre étoit composé. Elle est séparée de la Navarre espagnole par les Pyrénées. Ce pays fut occupé des premiers par les Vascons ou Gascons, lorsqu'ils passerent les monts, pour s'établir dans la Novempopulanie sur la fin du vj. siecle : aussi tous les habitans sont basques, & parlent la langue basque, qui est la même que celle des Biscayens espagnols.

Tout ce que Jean d'Albret & Catherine reine de Navarre sa femme, purent recouvrer des états que Ferdinand roi d'Aragon & de Castille leur enleva en 1512, se réduisit à la basse-Navarre, qui n'a que huit lieues de long sur cinq de large, & pour toute ville Saint-Jean-Pié-de-Port. On lui donne pourtant le nom de royaume, & nos rois ajoutent encore ce titre à celui de France, par un usage qui semble bien au-dessous de leur grandeur.

Ce petit pays est montueux & presque stérile ; il est arrosé par la Nive & la Bidouse. Henri d'Albret, fils de Jean, en fit un pays d'états, conformément à l'usage qui est observé dans la haute-Navarre ; & ce privilége subsiste toûjours. Les dons ordinaires que les états de basse-Navarre font au roi, vont à environ 6860 ; mais ils allouent au gouverneur 7714 livres, & au lieutenant de roi 2714.


NAVARREINS(Géog.) petite ville de France dans le Béarn, sur le gave d'Oléron, à cinq lieues de cette ville, dans la sénéchaussée de Sauveterre : elle fut bâtie par Henri d'Albret roi de Navarre, dans une plaine très-fertile. Il y a dans cette ville un état major. Long. 16. 50. lat. 43. 20.


NAVAS DE TOLOSA(Géog.) montagne d'Espagne, dans la partie septentrionale de l'Andalousie à l'orient de Sierra Morena. Elle est remarquable par la victoire que les Chrétiens y remporterent sur les Maures le 16 Juillet 1212, sous les ordres d'Alphonse, roi de Castille.


NAVÉES. f. termes de Mariniers, vaisseau chargé de poisson. Ce mot n'est en usage que dans quelques ports de mer de France, particulierement du côté de Normandie ; & l'on ne s'en sert guere que dans le négoce de la saline.

NAVEE, (Architect. civile) c'est le nom que donnent les Maçons à la charge d'un bateau de pierre de saint Leu, qui contient plus ou moins de tonneaux, selon la crue ou décrue de la riviere. (D.J.)


NAVETnapus, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante qui ne differe de la rave que par le port de la plante ; ce caractere fait distinguer très-aisément ces deux genres l'un de l'autre. Voyez RAVE. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Des cinq especes de navets que compte M. de Tournefort, nous ne décrirons que le plus commun, c'est-à-dire le navet cultivé, napus sativa, radice albâ, I. R. H. 229. Il a la racine oblongue, ronde, grosse par le collet, cependant moins grosse que la rave, charnue, tubéreuse, plus menue vers le bas, de couleur blanche ou jaune, quelquefois noirâtre en-dehors, blanche en-dedans, d'une saveur douce & piquante, agréable, plus suave & plus délicate que le raifort. Elle pousse une tige de la hauteur d'une coudée & davantage, qui se divise en rameaux. Ses feuilles sont oblongues, profondément découpées, rudes, vertes, sans pédicules, ou attachées à des pédicules membraneux ; les inférieures sont sinuées, embrassent la tige, & finissent en pointe.

Sa fleur est à quatre pétales disposés en croix, jaune comme celle du chou ; quand elle est passée, il lui succede une silique longue d'environ un pouce, ronde, qui se divise en deux loges, remplies de semences assez grosses, presque rondes, de couleur rougeâtre, ou purpurine, d'un goût âcre & piquant qui tient de l'amer. Cette âcreté est moindre que celle de la graine de moutarde, quoiqu'elle en approche.

On seme le navet, & on le cultive dans les jardins & dans les champs : il se multiplie de graine, & veut une terre légere & sablonneuse, quoiqu'il vienne également dans les terres fortes, quand elles sont bien labourées. Il y en a de plusieurs sortes, de gros & de petits ; les petits navets sont estimés les meilleurs & les plus agréables au goût. On fait cas à Paris des navets de Vaugirard, & de ceux de Freneuze, près de Poissy. Il y a beaucoup de navets qui sont tout-à-fait insipides, ce qui vient du défaut de culture, & de dégénération de la graine. Il ne faut pas confondre cette graine avec celle qu'on appelle navette. Voyez NAVETTE. (D.J.)

NAVET, (Chimie, Pharmacie, Diete, & Mat. med.) navet cultivé, navet commun. Ce n'est que la racine de cette plante qui est employée soit en Médecine, soit pour l'usage de nos tables. Aussi est-ce proprement la racine de navet qui est désignée dans l'usage commun par le mot de navet.

Les navets donc, pour parler le langage ordinaire, ont, lorsqu'ils sont cruds, un goût sucré, relevé d'un montant vif & piquant, qui s'évapore facilement par la suite, pour ne laisser au navet que la simple saveur douce. Les principes par lesquels ils excitent l'un & l'autre sentiment, sont bien connus. Leur goût sucré & fixe est dû au corps muqueux-doux qu'ils contiennent abondamment ; & le goût piquant & fugitif a une petite portion d'alkali volatil spontané. Voyez DOUX, MUQUEUX, VEGETAL.

Le corps doux-muqueux contenu dans le navet, est de l'espece de ce corps qui a le plus d'analogie avec le mucus, ou la substance gélatineuse des animaux, & qui peut être regardée comme étant, à cet égard, le dernier chaînon par lequel la série des végétaux se lie au regne animal. Voyez VEGETAL, BSTANCES ANIMALESALES.

Cette espece de corps muqueux, & celui que contient le navet en particulier, fournit aux animaux une nourriture abondante, un aliment pur, & peut-être l'aliment végétal par excellence. Voyez NOURRISSANT. Aussi le navet est-il généralement reconnu pour être très-nourrissant, de bon suc, & de facile digestion. Son usage diététique est trop connu, trop manifestement, & trop généralement salutaire, pour que la Médecine ait des préceptes à donner sur cet objet. Mais c'est pour cela même qu'il y a peu à compter sur les éloges que les Médecins ont donnés au bouillon & au syrop de navet, employés à titre de remede dans les toux, les phthysies, l'asthme, &c. Un aliment si pur, & si propre à tous les sujets, ne sauroit exercer chez quelques-uns une vertu véritablement médicamenteuse. Si quelque médecin se proposoit cependant de soutenir un malade par un aliment doux, léger, pur, de prescrire une diete plus tenue que celle des bouillons de viande ; les bouillons de navet pourroient être regardés comme remplissant très-bien cette vûe. Cette diete mérite au-moins d'être tentée, & comparée à la diete lactée, & à la diete farineuse, sur laquelle les observations manquent absolument aussi. Voyez REGIME.

On employe quelquefois dans les compositions officinales la semence de ce navet, au lieu de celle de navet sauvage. (b)

NAVETTE, s. f. (Comm. des grains) graine d'une espece de choux sauvage que les Flamands nomment colsa & colzat. Voyez l'article COLSAT.

C'est de cette graine que l'on tire par expression l'huile que les mêmes Flamands appellent huile de colsa ou de colzat, & les François huile de navette ou de rabette. La navette ou colsa est cultivée avec grand soin en Flandre & en Hollande ; on la cultive encore en Brie, en Champagne & en Normandie, où il se fait un assez grand négoce d'huile exprimée de cette graine, dont l'usage le plus ordinaire est pour les ouvriers qui fabriquent des étoffes de laine & pour ceux qui font des ouvrages de bonnetterie : il s'en consomme aussi beaucoup par les Couverturiers, & pour brûler dans la lampe, sur-tout lorsque l'huile de baleine manque, soit parce que la pêche n'a pas été heureuse, soit parce que la guerre empêche les Pêcheurs d'y aller, & les Marchands d'en tirer des pays étrangers.

Les qualités de la bonne huile de navette sont une couleur dorée, une odeur agréable, & qu'elle soit douce au goût. On la mêlange quelquefois d'huile de lin, ce qui se reconnoît à l'amertume & à l'odeur moins agréable.

Il faut remarquer que la navette ou graine de colsa qui croît en Hollande ou en Flandre, est beaucoup plus grosse & mieux nourrie que celle de France ; ce qui lui fait donner le nom de grosse navette, au lieu que celle de France est appellée navette ordinaire ou petite navette, parce qu'effectivement elle est plus menue. (D.J.)

NAVET SAUVAGE, Navette. (Mat. méd.) Sa semence entre dans la composition de la theriaque. On en prépare dans plusieurs pays une huile par expression, très-connue, qui ne possede que les qualités connues de cette espece d'huile, mais qui parce qu'elle est communément des moins douces, ne s'emploie point pour l'usage intérieur. (b)


NAVETTES. f. terme de manufacture. Ce mot signifie une espece d'outil dont les Tisseurs, Tissutiers ou Tisserands se servent pour former, avec un fil qu'elle renferme, de laine, de soie, de chanvre, ou d'autre matiere, la trame de leurs étoffes, toiles, rubans, &c. ce qui se fait en jettant alternativement la navette de droite à gauche, & de gauche transversalement entre les fils de la chaîne qui sont placés en longueur sur le métier.

Au milieu de la navette est une espece de creux que l'on nomme la boîte ou la poche, quelquefois la chambre de la navette, dans lequel est renfermé l'espoulle ou espolin qui est une partie du fil destiné pour la trame, lequel est devidé sur un tuyau ou canon de roseau, qui est une espece de petite bobine sans bords, que quelques-uns appellent buhot, & d'autres canette.

Il y a des manufacturiers que l'on nomme ouvriers de la grande navette, & d'autres, ouvriers de la petite navette. Les premiers sont les marchands maîtres ouvriers en draps d'or, d'argent, de soie, & autres étoffes mêlangées, & les derniers, sont les maîtres-Tissutiers-Rubaniers. Voyez TISSUTIER-RUBANIER. Voyez aussi à l'article DRAPIER ou MANUFACTURIER EN LAINE, l'usage & la description de la navette angloise.

NAVETTE PLATE, de buis comme la navette, mais de forme différente. Celle-ci est presque ovale, percée comme celle-là d'outre en outre. L'ouverture en est plus petite que dans la navette ordinaire, puisque le canon est aussi plus petit : elle en differe encore en ce que le côté par lequel sort la trame, est garni d'une armure de fer dans toute sa longueur, & dont voici la nécessité. Comme la plate navette fait l'office du battant en frappant continuellement contre la trame, elle l'useroit trop vîte, outre qu'elle n'auroit pas même assez de coup, si elle n'étoit rendue plus pesante par cette armure ; cependant, aux ouvrages extrêmement legers, & auxquels il suffit que la trame soit seulement arrangée, on s'en sert sans être armée ; son usage est le même que celui de la navette, & a le frapper de plus.

NAVETTE, s. f. (Hydr.) Voyez SAUMON.

NAVETTE, s. f. (Marine) C'est un petit bâtiment dont se servent quelques Indiens, qui est fait d'un tronc d'arbre creusé, & dont la forme ressemble à une navette. (Z)

NAVETTE, terme de Plombiers, & des marchands qui font négoce de plomb, est une masse de plomb faite à-peu-près de la même figure qu'une navette de Tisserand. On l'appelle plus ordinairement saumon. Voyez PLOMB.

NAVETTE, terme de Rubaniers, est un instrument de buis plus ou moins grand, fait en forme de navire plat, ce qui lui a fait donner ce nom. Son fond est percé comme le dessus, pour laisser la place du canon qui porte la trame. La navette a plusieurs trous dans l'intérieur de son épaisseur : savoir, un dans le milieu d'un de ses côtés, que l'on revêt en-dedans d'un petit annelet d'émail, pour empêcher que la soie ne s'accroche en passant par ce trou ; deux autres trous au milieu du fond percé dont j'ai parlé, pour loger les deux bouts de la brochette qui porte le canon ; l'un de ces deux trous est évidé à son entrée & par le haut, pour laisser glisser le bout de cette brochette qui par l'autre bout entre un peu avant dans l'autre trou non évidé comme celui-ci. La navette a encore à ses deux bouts qui sont très-aigus, de petites armures de fer, pour garantir les angles lors des chûtes que la navette peut faire ; sa longueur est depuis 3 pouces jusqu'à 8 ou 10 ; son usage est de porter le canon de la trame dont il est chargé par le moyen de la brochette qui lui sert comme de moyeu ; le bout de cette trame qui passe par l'annelet ci-dessus, s'unit à la chaîne, & s'y arrête toutes les fois que l'ouvrier enfonce une nouvelle marche, en même tems qu'il enfonce cette nouvelle marche, & qu'il se leve par ce pas une partie de la chaîne pendant que le reste demeure en-bas ; il recule le battant d'une main du côté des lisses, & de l'autre main il lance la navette à-travers cette levée de chaîne, & la reçoit dans sa main qui vient de pousser le battant ; puis il lâche le battant qui vient de frapper contre cette trame à chaque coup de navette, observant de lâcher le battant avant que son pié ait quitté la marche, ce qui s'appelle frapper à pas ouvert.


NAVICULAIRE, OSterme d'Anatomie. C'est le nom du troisieme os du tarse entre l'astragal & les os cunéiformes, & du premier carpe entre le semilunaire & le trapeze. Voyez TARSE & CARPE.

Ils sont ainsi appellés du mot latin navis vaisseau, avec quoi il a quelque ressemblance, c'est pourquoi on l'appelle aussi cymbiforme du mot cymba, barque, & scaphoïde, du mot scapha, esquif.

On observe dans l'os naviculaire du tarse deux faces articulaires revêtues d'un cartilage : l'une est concave, postérieure & articulée avec la convexité antérieure de l'astragal ; l'autre convexe antérieure, divisée en quatre facettes pour l'articulation avec l'os cuboïde & les trois cunéiformes. La circonférence décrit par son contour un ovale qui se rétrecit peu-à-peu, & se termine obliquement par une pointe incusse. Un côté du contour a plus de convexité que l'autre, & est tourné en-haut. La pointe de l'ovale va aboutir à une tubérosité qui est tournée en-bas & en-dedans.

On remarque dans l'os naviculaire du carpe une éminence oblongue revêtue d'un cartilage, & articulée avec le trapeze & le trapezoïde, trois facettes articulaires : une convexe qui s'articule avec le rayon ; l'autre concave, & s'articule avec le grand ; la troisieme est plate & articulée avec l'os semilunaire ; deux faces dont l'externe est inégale & distinguée de l'interne par une espece de petite gouttiere qui regne tout le long de la longueur de l'os. (L)


NAVIGABLEadj. (Marine) se dit d'une riviere ou d'un canal qui a assez d'eau pour porter des bateaux ou bâtimens chargés. (Z)


NAVIGATEURS. m. (Marine) ce nom ne se donne qu'à ceux qui entreprennent des voyages de long cours ; & même entre ceux-ci il semble particulierement consacré à des hommes éclairés, courageux & hardis, qui ont fait par mer de nouvelles découvertes importantes de lieux & de pays.

Personne n'ignore que la mer est devenue par la navigation le lien de la société de tous les peuples de la terre, & que c'est par elle que se répandent en tous lieux les commodités & l'abondance. On se tourmenteroit vainement à chercher quel fut le premier navigateur, il suffit de savoir qu'on doit le trouver parmi les premiers hommes. La navigation sur les rivieres doit avoir été presque aussi ancienne que le monde. La nature aida les hommes à découvrir cet art si nécessaire. Après avoir vu flotter des arbres & des solives, ils en joignirent plusieurs pour passer des rivieres. Après avoir vu des coupes & des tasses de bois, ils donnerent quelques creux à des pieces de charpente liées ensemble, pour aller plus sûrement sur l'eau. Le tems, le travail & l'industrie perfectionnerent peu-à-peu ces sortes de maisons flottantes ; on hasarda de se mettre dedans pour passer des bras de mer ; ainsi l'on vit aux radeaux succéder des barques taillées par l'avant & par l'arriere, & finalement d'autres especes de vaisseaux & de galeres, qui reçurent aussi peu-à-peu de nouvelles perfections.

Les Phéniciens avides de s'enrichir, & plus curieux encore à mesure qu'ils s'enrichirent, saisirent promptement ces différentes inventions : & comme ils ne pouvoient reculer par terre les bornes de leurs états, ils songerent à se former sur la mer un nouvel empire, dont ils ne furent redevables qu'à leur industrie & à leur hardiesse. Il falloit avoir infiniment de l'un & de l'autre pour tenter au milieu des abîmes un chemin sans trace, & où il est aussi périlleux d'avancer que de reculer. Cependant Strabon remarque que ces peuples peu d'années après la guerre de Troie se hasarderent à passer les colonnes d'Hercule & à braver le terrible Océan. Enfin ce sont les premiers qui ayent osé perdre de vûe leur patrie, pour entreprendre des voyages de long cours. Mais comme je ne fais point ici l'histoire importante de la navigation, je passe tout-d'un-saut à celle des Européens, qui nous ont découvert de nouvelles parties du monde inconnues à l'antiquité.

Ce fut dans le royaume de Portugal que s'éleva au commencement du XV. siecle, & malgré toute l'ignorance de ces tems-là, cet esprit de découverte si glorieux pour toutes les nations, si profitable pour le commerce, & qui depuis environ 260 ans a jetté des richesses immenses dans l'Europe, & a porté ses forces maritimes à un si haut point, qu'on la regarde avec raison comme la maîtresse de la plus grande partie de notre globe.

Il est vrai que les premiers essais des Portugais ne furent que des voyages fort courts qu'ils firent le long des côtes du grand continent de l'Afrique. Devenus bientôt plus hardis & plus expérimentés sur mer, le succès de leurs entreprises les anima à en essayer d'autres. Ils navigerent les premiers d'entre les nations sur l'Océan atlantique. Ils découvrirent en 1419 l'île de Madere, en 1448 les îles des Açores, en 1499 les îles du Cap-verd, & en 1486 le cap de Bonne-Espérance, ainsi nommé de l'espérance qu'ils concevoient avec raison par cette découverte de trouver de ce côté un passage aux Indes. Mais c'est à un seul homme, à l'infant dom Henri, que les Portugais furent sur-tout redevables de leurs vastes entreprises contre lesquelles ils murmurerent d'abord. Il ne s'est rien fait de si grand dans le monde, dit M. de Voltaire, que ce qui se fit par le génie & la fermeté d'un homme qui lutte contre les préjugés de la multitude.

Gama (Vasco de) est le navigateur portugais qui eut le plus de part aux grandes choses de cette nation. Il découvrit les Indes orientales par le cap de Bonne-Espérance, & s'y rendit pour la premiere fois en 1497. Il y retourna en 1502, & revint à Lisbonne avec treize vaisseaux chargés de richesses. Il fut nommé, comme il le méritoit, viceroi des Indes portugaises par le roi Jean III. & mourut à Cochin en 1525. Dom Etienne & dom Christophe de Gama ses fils lui succéderent dans sa viceroyauté, & sont célebres dans l'histoire.

Magalhaens (Ferdinand), que les François nomment Magellan, compatriote de Gama, a rendu pareillement sa mémoire immortelle par la découverte qu'il fit l'an 1520 du détroit qui de son nom est appellé Magellanique. Ce fut cependant sous les auspices de Charles-Quint, vers lequel il s'étoit retiré, qu'il fit cette découverte : piqué contre son roi qui lui avoit refusé une légere augmentation de ses appointemens, Magellan partit de Séville l'an 1519 avec cinq vaisseaux, passa le détroit Magellanique jusqu'alors inconnu, & alla par la mer du sud jusqu'aux îles de Los-Ladrones (les Philippines) où il mourut bientôt après, les uns disent de poison, les autres disent dans un combat. Un de ses vaisseaux arriva le 8 Septembre 1522 dans le port de Séville sous la conduite de Jean-Sébastien Catto, après avoir fait pour la premiere fois le tour de la terre.

Un troisieme navigateur portugais, dont je ne dois point taire le nom, est Mendès Pinto (Ferdinand), né à Monté-Mor-O-Velho, qui s'embarqua pour les Indes en 1537, dans le dessein de relever sa naissance par le secours de la fortune. Il y fut témoin pendant 20 ans des plus grands événemens qui arriverent dans ce pays, & revint en Portugal en 1558, après avoir été treize fois esclave, vendu seize fois, & avoir essuyé un grand nombre de naufrages. Ses voyages écrits en portugais & traduits en françois sont intéressans.

Les bruits que firent dans le monde le succès des merveilleuses entreprises des Portugais, éveilla Christophe Colomb, génois, homme d'un grand savoir & d'un génie du premier ordre ; il imagina une méthode encore plus sûre & plus noble de poursuivre glorieusement les mêmes desseins de découverte. Il eut une infinité de difficultés à combattre, & telles qu'elles auroient rebuté tout autre que lui. Il les surmonta à la fin, & il entreprit à l'âge de 50 ans cette heureuse & singuliere expédition, à laquelle on doit la découverte de l'Amérique.

Ferdinand & Isabelle qui régnoient en Espagne, goûtant foiblement son projet, ne lui accorderent que trois vaisseaux. Il partit du port de Palos en Andalousie le 11 Octobre 1492, & aborda la même année à Guanahani, l'une des Lucayes. Les insulaires, à la vûe de ces trois gros bâtimens, se sauverent sur les montagnes, & on ne put prendre que peu d'habitans auxquels Colomb donna du pain, du vin, des confitures & quelques bijoux. Ce traitement humain fit revenir les naturels de leur frayeur, & le cacique du pays permit par reconnoissance à Colomb de bâtir un fort de bois sur le bord de la mer : mais la jalousie, cette passion des ames basses, excita contre lui les plus violentes persécutions. Il revint en Espagne chargé de fers, & traité comme un criminel d'état. Il est vrai que la reine de Castille avertie de son retour lui rendit la liberté, le combla d'honneur, & déposa le gouverneur d'Hispaniola qui s'étoit porté contre lui à ces affreuses extrêmités. Il fut si sensible à la mort de cette princesse, qu'il ne lui survécut pas long-tems ; il ordonna tranquillement ses obséques, & les fers qu'il avoit portés furent placés dans son cercueil. Ce grand homme finit sa carriere à Valladolid en 1506 à 64 ans.

Les Espagnols dûrent à cet illustre étranger & à Vespucci (Americo) florentin, la découverte de la partie du monde qui porte le nom de ce dernier, au lieu que la nation portugaise ne doit qu'à elle seule le passage du cap de Bonne-Espérance.

Vespuce étoit un homme de génie, patient, courageux & entreprenant. Après avoir été élevé dans le commerce, il eut occasion de voyager en Espagne, & s'embarqua en qualité de marchand en 1497 sur la petite flotte d'Ojeda, que Ferdinand & Isabelle envoyoient dans le Nouveau-monde. Il découvrit le premier la terre-ferme qui est au-delà de la ligne ; & par un honneur que n'ont pu obtenir tous les rois du monde, il donna son nom à ces grands pays des Indes occidentales, non-seulement à la partie septentrionale ou méxiquaine, mais encore à la méridionale ou péruane, qui ne fut découverte qu'en 1525 par Pizaro. Un an après ce premier voyage, il en fit en chef un second, commanda six vaisseaux, pénétra jusques sur la côte de Guayane & de Venezuela, & revint à Séville.

Eprouvant à son retour peu de reconnoissance de toutes ses peines, il se rendit auprès d'Emmanuel, roi de Portugal, qui lui donna trois vaisseaux pour entreprendre un troisieme voyage aux Indes. C'est ainsi qu'il partit de Lisbonne le 13 Mai de l'an 1501, parcourut la côte d'Angola, passa le long de celle du Brésil qu'il découvrit toute entiere jusques par-delà la riviere de la Plata, d'où il revint à Lisbonne le 7 Septembre de l'an 1502.

Il en repartit l'année suivante avec le commandement de six vaisseaux, & dans le dessein de découvrir un passage pour aller par l'occident dans les Moluques, il fut à la baie de tous les Saints jusqu'à la riviere de Curabado. Enfin manquant de provisions, il arriva en Portugal le 18 Juin de l'an 1504, où il fut reçu avec d'autant plus de joie qu'il y apporta quantité de bois de Brésil & d'autres marchandises précieuses. Ce fut alors qu'Américo Vespucci écrivit une relation de ses quatre voyages, qu'il dédia à René II. duc de Lorraine. Il mourut en 1509, comblé de gloire & d'honneurs.

Pizaro (François), né en Espagne, découvrit le Pérou en 1525, se joignit à dom Diégo Almagro ; & après avoir conquis cette vaste région, ils y exercerent des cruautés inouies sur les Indiens ; mais s'étant divisés pour le partage du butin, Ferdinand frere de Pizaro tua Almagro, & un fils de celui-ci tua François Pizaro.

Pour ce qui regarde Cortès (Fernand) qui conquit le Mexique, & qui y exerça tant de ravages, j'en ai déja fait mention à l'article de MEDELLIN sa patrie.

Les navigateurs, dont on a parlé jusqu'ici, ne sont pas les seuls dont la mémoire soit célebre ; les Hollandois en ont produit d'illustres, qui, soutenus des forces de la nation lorsqu'elle rachetoit sa liberté, ont établi son empire au cap, dans l'île de Java, & ont servi à conquérir les îles Moluques sur les Portugais mêmes. On sait aussi que Jacques le Maire étant parti du Texel avec deux vaisseaux, découvrit en 1616, vers la pointe méridionale de l'Amérique, le détroit qui porte son nom. La relation détaillée de son voyage est imprimée.

Mais la grande Bretagne s'est encore plus éminemment distinguée par les actions hardies de ses illustres navigateurs ; & ce pays continue toujours de faire éclorre dans son sein les premiers hommes de mer qu'il y ait au monde.

Bien des gens savent que Christophe Colomb avoit proposé son entreprise de l'Amérique par son frere Barthelemi à Henri VII. roi d'Angleterre. Ce prince lui avoit tout accordé, mais Colomb ne le sut qu'après avoir fait sa découverte ; & il n'étoit plus tems pour les Anglois d'en profiter : cependant le penchant que le roi avoit montré pour encourager les entreprises de cette nature ne fut pas tout-à-fait sans effet. Jean Cabot, Venitien & habile marin, qui avoit demeuré pendant quelques années à Londres, saisit cette occasion. Il offrit ses services pour la découverte d'un passage aux Indes du côté du nord-ouest. Il obtint des lettres-patentes datées de la onzieme année du regne d'Henri VII. qui l'autorisoient à découvrir des pays inconnus, à les conquérir & à s'y établir, sans parler de plusieurs autres privileges qui lui furent accordés, à cette condition seule qu'il reviendroit avec son vaisseau dans le port de Bristol.

Il fit voile de ce port au printems de l'année suivante 1497 avec un vaisseau de guerre & trois ou quatre petits navires frettés par des marchands de cette ville, & chargés de toutes sortes d'habillemens, en cas de quelque découverte. Le 24 Juin, à 5 heures du matin, il apperçut la terre, qu'il appella par cette raison Prima-Vista, ce qui faisoit partie de Terre-neuve. Il trouva en arriere une île plus petite, à laquelle il donna le nom de S. Jean ; & il ramena avec lui trois sauvages, & une cargaison qui rendit un bon profit. Il fut fait chevalier & largement récompensé. Comme il monta en ce voyage jusqu'à la hauteur du cap Floride, on lui attribue la premiere découverte de l'Amérique septentrionale ; c'est du-moins sur ce fait que les rois de la grande Bretagne fondent leur prétention sur la souveraineté de ce pays, qu'ils ont depuis soutenue si efficacement pour leur gloire & pour les intérêts de la nation. C'est ainsi qu'il paroît que les Anglois doivent l'origine de leurs plantations & de leur commerce en Amérique à un simple plan de la découverte du passage du nord-ouest aux Indes.

Mais il faut parler de quelques-uns de leurs propres navigateurs. Il y en a quatre sur-tout, qui sont célebres, Drake, Rawleigh, Forbisher & le lord Anson.

Drake (François), l'un des plus grands hommes de mer de son siecle, né proche de Tavistock en Devonshire, fut mis par son pere en apprentissage auprès d'un maître de navire, qui lui laissa son vaisseau en mourant. Drake le vendit en 1567 pour servir sur la flotte du capitaine Hawkins en Amérique. Il partit en 1577 pour faire le tour du monde qu'il acheva en trois ans, & ramena plusieurs vaisseaux espagnols richement chargés. Il se signala par un grand nombre d'autres belles actions, fut fait chevalier, vice-amiral d'Angleterre, prit sur l'Espagne plusieurs villes en Amérique, & mourut sur mer en allant à Porto-belo le 28 Janvier 1596.

Forbisher (Martin), natif de Yorckshire, n'est guere moins fameux. Il fut chargé en 1576, par la reine Elisabeth, d'aller à la découverte d'un détroit qu'on croyoit être entre les mers du nord & du Sud, & qui devoit servir à passer par le nord de l'occident en orient ; il trouva en effet un détroit dans le 63 degré de latitude, & on appella ce détroit Forbisher Streight. Les habitans de ce lieu avoient la couleur basanée, des cheveux noirs, le visage applati, le nez écrasé, & pour vêtement des peaux de veaux marins. Le froid ayant empêché Forbisher d'aller plus avant, il revint en Angleterre rendre compte de sa découverte. Il tenta deux ans après le même voyage, & éprouva les mêmes obstacles des montagnes de glace & de neige : mais sa valeur intrépide en différens combats contre les Espagnols le fit créer chevalier en 1588. Il mourut à Plimouth d'un coup de mousquet qu'il reçut en 1594 au siege du fort de Grodon en Bretagne, que les Espagnols occupoient alors.

Rawleigh (Walter) naquit en Devonshire d'une famille ancienne, & devint par son mérite amiral d'Angleterre ; ses actions, ses ouvrages & sa mort tragique ont immortalisé son nom dans l'histoire.

Doué des graces de la figure, du talent de la parole, d'un esprit supérieur, & d'un courage intrépide, il eut la plus grande part aux expéditions de mer du regne de la reine Elisabeth. Il introduisit la premiere colonie angloise dans Mocosa en Amérique, & donna à ce pays le nom de Virginie en l'honneur de la reine sa souveraine. Elle le choisit en 1592 pour commander une flotte de quinze vaisseaux de guerre, afin d'agir contre les Espagnols en Amérique, & il leur enleva une caraque estimée deux millions de livres sterlings. En 1595, il fit une descente dans l'île de la Trinité, emmena prisonnier le gouverneur du pays, brûla Comona dans la nouvelle Andalousie, & rapporta de son voyage quelques statues d'or, dont il fit présent à sa souveraine. En 1597, il partit avec la flotte commandée par le comte d'Essex pour enlever les galions d'Espagne ; mais le comte d'Essex, jaloux de Rawleigh, lui ordonna de l'attendre à l'île de Fayal ; il le fit & s'en empara.

Après le couronnement de Jacques I. en 1603, il fut envoyé à la tour de Londres sur des accusations qu'on lui intenta d'avoir eu dessein d'établir sur le trône Arbelle Stuard, dame issue du sang royal. Il composa pendant sa prison, qui dura treize ans, son histoire du monde, dont la premiere partie parut en 1614. Ayant obtenu sa liberté en 1616, il se mit en mer avec douze vaisseaux pour attaquer les Espagnols sur les côtes de la Guyane ; mais son entreprise n'ayant pas réussi, il fut condamné à mort à la poursuite de l'ambassadeur d'Espagne, qui pouvoit tout sur l'esprit foible de Jacques I. Rawleigh eut la tête tranchée dans la place de Westminster le 29 Octobre 1618, âgé de 76 ans.

Anson (George), aujourd'hui le lord Anson, fut en 1739 déclaré commodore ou chef d'escadre, pour faire avec cinq vaisseaux une irruption dans le Pérou par la mer du sud ; il cotoya le pays inculte des Patagons, entra dans le détroit de le Maire, & franchit plus de cent degrés de latitude en moins de cinq mois. Sa petite frégate de huit canons, nommée, le Triat, l'épreuve, fut le premier navire de cette espece qui osa doubler le cap Horn : elle s'empara depuis dans la mer du sud d'un bâtiment espagnol de 600 tonneaux, dont l'équipage ne pouvoit comprendre comment il avoit été pris par une barque venue de Londres dans l'Océan pacifique.

En doublant le cap Horn, des tempêtes extraordinaires disperserent les vaisseaux de George Anson, & le scorbut fit périr la moitié de l'équipage. Cependant s'étant reposé dans l'île deserte de Fernandez, il avança jusque vers la ligne équinoxiale, & prit la ville de Paita ; mais n'ayant plus que deux vaisseaux, il réduisit ses entreprises à tâcher de se saisir du galion immense, que le Méxique envoie tous les ans dans les mers de la Chine à l'île de Manille.

Pour cet effet, George Anson traversa l'Océan pacifique & tous les climats opposés à l'Afrique entre notre tropique & l'équateur. Le scorbut n'abandonna point l'équipage sur ces mers, & l'un des vaisseaux du commodore faisant eau de tous côtés, il se vit obligé de le brûler au milieu de la mer ; n'ayant plus de toute son escadre qu'un seul vaisseau délabré, nommé le Centurion, & ne portant que des malades, il relâche dans l'île de Tinian, à Macao, pour radouber ce seul vaisseau qui lui reste.

A peine l'eut-il mis en état, qu'il découvre le 9 Juin 1743 le vaisseau espagnol tant desiré ; alors il l'attaque avec des forces plus que de moitié inférieures, mais ses manoeuvres savantes lui donnerent la victoire. Il entre vainqueur dans Canton avec cette riche proie, refusant en même tems de payer à l'empereur de la Chine des impôts que doivent tous les navires étrangers ; il prétendoit qu'un vaisseau de guerre n'en devoit pas : sa conduite ferme en imposa : le gouverneur de Canton lui donna une audience, à laquelle il fut conduit à travers deux haies de soldats au nombre de dix mille. Au sortir de cette audience, il mit à la voile pour retourner dans sa patrie par les îles de la Sonde & par le cap de Bonne-Espérance. Ayant ainsi fait le tour du monde en victorieux, il aborde en Angleterre le 4 Juin 1744, après un voyage de trois ans & demi.

Arrivé dans sa patrie, il fit porter à Londres en triomphe sur 32 chariots, au son des tambours & des trompettes, & aux acclamations de la multitude, les richesses qu'il avoit conquises. Ses différentes prises se montoient en or & en argent à dix millions monnoie de France, qui furent le prix du commodore, de ses officiers, des matelots & des soldats, sans que le roi entrât en partage du fruit de leurs fatigues & de leur valeur. Il fit plus, il créa Georges Anson pair de la grande Bretagne, & dans la nouvelle guerre contre la France il l'a nommé chef de l'amirauté. C'est dans ce haut poste, récompense de son mérite, qu'il dirige encore les expéditions, la gloire & les succès des forces navales d'Angleterre. (D.J.)


NAVIGATIONS. f. (Hydrographie) c'est l'art ou l'action de naviguer ou de conduire un navire d'un lieu dans un autre par le chemin le plus sûr, le plus court & le plus commode. Voyez NAVIRE, &c.

Cet art, dans le sens le plus étendu qu'on puisse donner au mot qui l'exprime, comprend trois parties ; 1°. l'art de construire, de bâtir les vaisseaux, voyez CONSTRUCTION ; 2°. l'art de les charger, voyez LEST & ARRIMAGE ; 3°. l'art de les conduire sur la mer, qui est l'art de la Navigation proprement dit.

Dans ce dernier sens limité, la Navigation est commune ou propre.

La Navigation commune, autrement appellée Navigation le long des côtes, est celle qui se fait d'un port dans un autre situé sur la même côte ou sur une côte voisine, pourvu que le vaisseau s'éloigne presqu'entierement de la vûe des côtes & ne trouve plus de fond. Voyez CABOTAGE.

Dans cette navigation il suffit d'avoir un peu de connoissance des terres, du compas, & de la ligne avec laquelle les marins sondent. Voyez COMPAS, SONDE, &c.

Navigation propre se dit quand le voyage est long & se fait en plein Océan.

Dans ces voyages, outre les choses qui sont nécessaires dans la Navigation commune, il faut encore des cartes réduites de Mercator, des compas d'azimuth & d'amplitude, un lock, & d'autres instrumens nécessaires pour les observations astronomiques, comme quart de cercle, quartier anglois. Voyez chacun de ces instrumens en son lieu, CARTE, QUART DE CERCLE, &c.

Tout l'art de la Navigation roule sur quatre choses, dont deux étant connues, les deux autres sont connues aisément par les tables, les échelles & les cartes.

Ces quatre choses sont la différence en latitude, la différence en longitude, la distance ou le chemin parcouru, & le rhumb de vent sous lequel on court.

Les latitudes se peuvent aisément déterminer, & avec une exactitude suffisante. Voyez LATITUDE.

Le chemin parcouru s'estime par le moyen du lock. Voyez LOCK.

Ce qui manque le plus à la perfection de la Navigation, c'est de savoir déterminer la longitude. Les Géometres se sont appliqués de tous les tems à résoudre ce grand problème, mais jusqu'à-présent leurs efforts n'ont pas eu beaucoup de succès, malgré les magnifiques récompenses promises par divers princes & par divers états à celui qui le résoudroit.

Si on veut connoître les différentes méthodes dont on se sert aujourd'hui en mer pour trouver la longitude, on les trouvera au mot LONGITUDE. Chambers. (O)

Les Poëtes attribuent à Neptune l'invention de l'art de naviguer ; d'autres l'attribuent à Bacchus, d'autres à Hercule, d'autres à Jason, d'autres à Janus, qu'on dit avoir eu le premier un vaisseau. Les Historiens attribuent cet art aux Eginetes, aux Phéniciens, aux Tyriens, & aux anciens habitans de la Grande-Bretagne. L'Ecriture attribue l'origine d'une si utile invention à Dieu même, qui en donna le premier modele dans l'arche qu'il fit bâtir par Noé. En effet, ce patriarche paroit dans l'Ecriture avoir construit l'arche sur les conseils de Dieu même : les hommes étoient alors non-seulement ignorans dans l'art de naviguer, mais même persuadés que cet art étoit impossible. Voyez ARCHE.

Cependant les Historiens nous représentent les Phéniciens, & particulierement les habitans de Tyr, comme les premiers navigateurs ; ils furent, dit-on, obligés d'avoir recours au commerce avec les étrangers, parce qu'ils ne possédoient le long des côtes qu'un terrein stérile & de peu d'étendue ; de plus, ils y furent engagés, parce qu'ils avoient deux ou trois excellens ports ; enfin ils y furent poussés par leur génie, qui étoit naturellement tourné au commerce.

Le mont Liban & d'autres montagnes voisines leur fournissoient d'excellens bois pour la construction des vaisseaux ; en peu de tems ils se virent maîtres d'une flotte nombreuse, en état de soutenir des voyages réitérés ; augmentant par ce moyen leur commerce de jour en jour, leur pays devint en peu de tems extraordinairement riche & peuplé, au point qu'ils furent obligés d'envoyer des colonies en différens endroits, principalement à Carthage. Cette derniere ville conservant le goût des Phéniciens pour le commerce, devint bientôt non-seulement égale, mais supérieure à Tyr. Elle envoyoit ses flottes par les colonnes d'Hercule (aujourd'hui le détroit de Gibraltar) le long des côtes occidentales de l'Europe & de l'Afrique ; & même, si on en croit quelques auteurs, jusque dans l'Amérique même, dont la découverte a fait tant d'honneur à l'Espagne plusieurs siecles après.

La ville de Tyr, dont les richesses & le pouvoir immense sont tant célébrés dans les auteurs sacrés & prophanes, ayant été détruite par Alexandre le Grand, sa navigation & son commerce furent transférés par le vainqueur à Alexandrie, ville que ce prince avoit bâtie, admirablement située pour le commerce maritime, & dont Alexandre vouloit faire la capitale de l'empire de l'Asie qu'il méditoit. C'est ce qui donna naissance à la navigation des Egyptiens, rendue si florissante par les Ptolomées ; elle a fait oublier celle de Tyr & même celle de Carthage. Cette derniere ville fut détruite après avoir longtems disputé l'empire avec les Romains.

L'Egypte ayant été réduite en province romaine après la bataille d'Actium, son commerce & sa navigation commença à dépendre d'Auguste ; Alexandrie fut pour lors inférieure à Rome seulement : les magasins de cette capitale du monde étoient remplis des marchandises de la capitale de l'Egypte.

Enfin Alexandrie eut le même sort que Tyr & Carthage ; elle fut surprise par les Sarrazins, qui, malgré les efforts de l'empereur Heraclius, infestoient les côtes du nord de l'Afrique. Les marchands qui habitoient cette ville l'ont quittée peu-à-peu, & le commerce d'Alexandrie a commencé à languir, quoique cette ville soit encore aujourd'hui la principale où les chrétiens font le commerce dans le levant.

La chûte de l'empire Romain entraîna après elle non-seulement la perte des Sciences & des arts, mais encore celle de la Navigation. Les Barbares qui ravagerent Rome se contenterent de jouir des dépouilles de ceux qui les avoient précédés.

Mais les plus braves & les plus sensés d'entre ces barbares ne furent pas plutôt établis dans les provinces qu'ils avoient conquises (les uns dans les Gaules, comme les Francs, les autres en Espagne, comme les Goths, les autres en Italie, comme les Lombards), qu'ils comprirent bientôt tous les avantages de la Navigation ; ils surent y employer habilement les peuples qu'ils avoient vaincus ; & ce fut avec tant de succès, qu'en peu de tems ils furent en état de leur donner eux-mêmes des leçons, & de leur faire connoître les nouveaux avantages qui pourroient leur en revenir.

C'est, par exemple, aux Lombards qu'on attribue l'établissement des banques, des teneurs de livres, des changes, &c. Voyez BANQUE, CHANGE, &c.

On ignore quel peuple de l'Europe a commencé le premier à faire le Commerce & la Navigation, après l'établissement de ces nouveaux maîtres. Quelques-uns croient que ce sont les Francs, quoique les Italiens paroissent avoir des titres plus authentiques, & soient ordinairement regardés comme les restaurateurs de cet art, aussi-bien que de tous les beaux-arts qui avoient été bannis de leur pays après la division de l'Empire romain.

C'est donc aux Italiens & particulierement aux Vénitiens & aux Génois, que l'on doit le rétablissement de la Navigation ; & c'est en partie à la situation avantageuse de leur pays pour le commerce, que ces peuples doivent cette gloire.

Dans le fond de la mer Adriatique étoient un grand nombre d'îles, séparées les unes des autres par des canaux fort étroits, mais fort à couvert d'insulte, & presqu'inaccessibles ; elles n'étoient habitées que par quelques pêcheurs qui se soutenoient par le trafic du poisson & du sel, qui se trouve dans quelques-unes de ces îles. C'est là que les Vénitiens, qui habitoient les côtes d'Italie sur la mer Adriatique, se retirerent, quand Attila, roi des Goths, & après lui Alaric, roi des Huns, vinrent ravager l'Italie.

Ces nouveaux insulaires ne croyant pas qu'ils dussent établir dans cet endroit leur résidence pour toujours, ne songerent point à composer un corps politique ; mais chacune des 72 îles qui composoient ce petit archipel, fut long-tems soumise à différens maîtres, & fit une république à part. Quand leur commerce fut devenu assez considérable pour donner de la jalousie à leurs voisins, ils commencerent à penser qu'il leur étoit avantageux de s'unir en un même corps ; cette union, qui commença vers le vj. siecle & qui ne fut achevée que dans le huitieme, fut l'origine de la grandeur de Venise.

Depuis cette union, leurs marchands commencerent à envoyer des flottes dans toutes les parties de la Méditerranée & sur les côtes d'Egypte, particulierement au Caire, bâti par les Sarrazins sur le bord oriental du Nil : là ils trafiquoient leurs marchandises pour des épices & d'autres productions des Indes.

Ces peuples continuerent ainsi à faire fleurir leur commerce & leur navigation, & à s'aggrandir dans le continent par des conquêtes, jusqu'à la fameuse ligue de Cambray en 1508, dans laquelle plusieurs princes jaloux conspirerent leur ruine. Le meilleur moyen d'y parvenir étoit de ruiner leur commerce dans les Indes orientales, les Portugais s'emparerent d'une partie, & les François du reste.

Gènes, qui s'étoit appliquée à faire fleurir la Navigation dans le même tems à-peu-près que Venise, fut long-tems pour elle une dangereuse rivale, lui disputa l'empire de la mer, & partagea avec elle le commerce. La jalousie commença peu-à-peu à s'en mêler, & enfin les deux républiques en vinrent à une rupture ouverte. Leur guerre dura trois siecles, sans que la supériorité de l'une des nations sur l'autre fût décidée. Enfin sur la fin du xiv. siecle, la funeste bataille de Chiozza mit fin à cette longue guerre : les Génois qui jusqu'alors avoient presque toujours eu l'avantage, le perdirent entierement dans cette journée ; & les Vénitiens au contraire, dont les affaires étoient presque totalement désespérées, les virent relevées au-delà de leurs espérances dans cette bataille, qui leur assura l'empire de la mer & la supériorité dans le commerce.

Dans le même tems qu'on retrouvoit au midi de l'Europe l'art de naviger, il se formoit dans le nord une société de marchands, qui non-seulement porterent le Commerce à toute la perfection dont il étoit susceptible jusqu'à la découverte des Indes orientales & occidentales, mais formerent aussi un nouveau code de lois pour établir de certaines regles ; code dont on fait usage encore aujourd'hui sous le nom d'us & coutumes de la mer.

Cette société est la fameuse ligue des villes anséatiques, qu'on croit communément avoir commencé à se former vers l'an 1164. Voyez ANSEATIQUES.

Si on examine pourquoi le commerce a passé des Vénitiens, des Génois & des villes anséatiques aux Portugais & aux Espagnols, & de ceux-ci aux Anglois & aux Hollandois, on peut établir pour maxime générale que les rapports ou, s'il est permis de parler ainsi, l'union de la Navigation avec le Commerce est si intime, que la ruine de l'un entraîne nécessairement celle de l'autre, & qu'ainsi ces deux choses doivent fleurir ou décheoir ensemble. Voyez COMMERCE, COMPAGNIE, &c.

Delà sont venues tant de lois & de statuts, pour établir des regles dans le commerce d'Angleterre, & principalement ce fameux acte de Navigation, qu'un auteur célebre appelle le palladium ou le dieu tutelaire du commerce de l'Angleterre, acte qui contient les regles que les Anglois doivent observer entr'eux & avec les nations étrangeres chez qui ils trafiquent. Chambers. (G)

NAVIGATION se dit en particulier de l'art de naviguer ou de déterminer tous les mouvemens d'un vaisseau par le moyen des cartes marines.

Il y a trois especes de Navigation ; la navigation plane, celle de Mercator, & la circulaire.

Dans la navigation plane on se sert des rhumbs tracés sur une carte plate. Voyez CARTE & RHUMB.

Ces cartes planes ont été mises en usage dans ces derniers tems pour la premiere fois, par le prince Henri, fils de Jean, roi de Portugal, qui vivoit à la fin du xv. siecle, & auquel l'Europe est redevable des découvertes des Portugais, & de celles qui les ont suivies. Nous disons que dans ces derniers tems ce prince est le premier qui ait fait usage de ces cartes ; car il paroît par ce que dit Ptolémée dans sa géographie, qu'autrefois Marin de Tyr en avoit fait de pareilles, & Ptolémée en indique le défaut.

Dans la navigation de Mercator, on se sert de rhumbs tracés sur les cartes de Mercator, qu'on appelle cartes réduites. Voyez CARTE DE MERCATOR.

Ces cartes réduites avoient été en effet inventées par Mercator, mais il ignoroit la loi suivant laquelle les degrés du méridien doivent croître dans ces cartes en allant de l'équateur aux poles. Edouard Wright est le premier qui ait connu cette loi. Les cartes réduites commencerent à être mises en usage par les Navigateurs vers l'année 1630. Voyez l'hist. des Mathématiques de M. Montucla, fol. 1. pag. 608. Voyez aussi LOXODROMIE ; car la théorie de cette courbe est essentiellement liée à celle des cartes réduites.

Dans la navigation circulaire on se sert d'arcs de grands cercles : c'est la route la plus courte de toutes, mais on ne s'en sert plus, parce qu'elle est peu commode dans la pratique.

Navigation plane. I. La longitude, & la latitude de deux lieux étant donnée, trouver les lieues mineures de longitude.

1°. Si les deux lieux sont à l'orient ou à l'occident du premier méridien, soustrayez la moindre longitude de la plus grande, & le reste sera la différence des méridiens. Si l'un des deux lieux est à l'orient & l'autre à l'occident du premier méridien, ajoutez la longitude de celui qui est à l'orient au complément de la longitude de l'autre à 360 degrés, la somme sera la différence des méridiens.

2°. Divisez la différence des méridiens en autant de parties qu'il y a de degrés dans la différence en latitude, en employant de plus petites parties que les degrés si la différence des latitudes est plus grande que celle des méridiens.

3°. Réduisez pour le premier cas les minutes de longitude répondant à chaque partie, en milles de chaque parallele ; & pour le second cas, en milles du parallele qui est moyen proportionnel entre les deux.

4°. La somme de toutes ces parties étant faite, vous aurez à-peu-près les lieues mineures de longitude.

Exemple. Supposons que la longitude d'un de ces lieux soit de 35°. & l'autre de 47°. la différence des méridiens sera de 12°. Supposons de plus que la latitude du premier soit de 4°. celle du second de 8°, la différence sera de 4°, & conséquemment on aura été du quatrieme au huitieme parallele ; c'est pourquoi il faudra diviser 12 par 4, & réduire le quotient qui est trois degrés en milles des différens paralleles 4, 5, 6, 7. Voyez DEGRE & MILLES DE LONGITUDE, dont la somme sera les lieues mineures de longitude cherchée.

Suivant Mercator, la réduction se fait beaucoup plus commodément par les cartes réduites de Mercator ; car il suffit dans ces cartes de porter l'arc intercepté entre deux méridiens sur l'arc du méridien intercepté, entre les deux paralleles, & la distance qu'on trouve par ce moyen donne les lieues mineures de longitude. Voyez CARTE DE MERCATOR.

II. La longitude & la latitude de deux lieux étant données, trouver le rhumb de vent qu'un vaisseau doit suivre pour aller d'un de ces lieux à l'autre, & la longueur de la route.

Pour la Navigation plane. 1. Trouvez les lieues mineures de longitude par le cas précédent. 2 Par le moyen de ces lieues & de la différence en latitude, trouvez l'angle loxodromique ou la ligne de rhumb, ce qui se fera par cette proportion, comme la différence de latitude est aux lieues mineures de longitude ; ainsi le sinus total est à la tangente de l'angle que le rhumb de vent cherché fait avec le méridien. Quant à la distance qu'il faudra courir sous ce rhumb, elle sera aux lieues mineures de longitude, comme le sinus total est au sinus de l'angle de rhumb. Voyez RHUMB & LOXODROMIE.

Suivant Mercator, 1. placez dans la carte réduite le centre d'une rose de boussole sur le lieu d'où il faut partir ; par exemple, en a, Voyez la fig. 4. de la Pl. de la Navigation, en observant que la ligne nord & sud soit parallele à quelqu'un des méridiens ; 2. marquez le rhumb du compas dans lequel se trouve le lieu b où il faut aller, & ce rhumb sera celui sous lequel il faudra que le vaisseau parte ; 3. on peut trouver encore ce rhumb en tirant une ligne de a à b, & en mesurant par le moyen d'un rapporteur l'angle que le rhumb fait avec le méridien qu'il coupe ; 4. la distance a b se trouvera en portant cette distance de I en L, & il est à remarquer que le rhumb & la distance peuvent aussi être trouvés de la même maniere sur la carte plane, au moins à-peu-près & par une route de peu d'étendue.

On peut encore faire la même opération de la maniere suivante, en employant les tables loxodromiques.

Choisissez à volonté un rhumb, & trouvez dans les tables les longitudes qui correspondent aux latitudes données, alors si la différence de ces longitudes s'accorde avec celle des longitudes données, le rhumb sera celui qu'on demandoit ; mais si elle ne s'accorde pas, il faudra choisir un autre rhumb de vent soit d'un angle plus ouvert, soit d'un angle qui le soit moins, & répéter l'opération jusqu'à ce que la différence donnée par les tables s'accorde avec la différence qu'il faut trouver. 2. Le rhumb étant ainsi trouvé, on prendra dans les tables les distances qui répondent aux latitudes, & en retranchant la plus petite de la plus grande, on aura la distance cherchée.

III. Un rhumb étant donné avec la distance qu'on a couru sous ce rhumb, trouver la longitude & la latitude du lieu où l'on est arrivé.

Pour la Navigation plane. Par le moyen des données, trouvez la différence en latitude des deux lieux (ce qui se fera par le moyen de la proportion donnée à l'article LOXODROMIQUE). Cette différence étant ajoûtée à la latitude du lieu d'où l'on est parti, ou en étant retranchée, suivant que le cas l'exige, donnera la latitude du lieu où l'on est arrivé. 2. Par le moyen des mêmes élémens & de la proportion donnée dans le n°. II. précédent, vous trouverez les lieues mineures de longitude, & ensuite la longitude du lieu où l'on est arrivé.

Suivant Mercator, 1. placez une rose de boussole sur la carte ; ensorte que le centre réponde au lieu a ; & que la ligne nord & sud soit parallele au méridien de la carte. 2. Du point a, tirez une ligne a b qui représente la course du vaisseau ; prenez la distance donnée par parties en vous servant des échelles IK, KL, &c. & portez toute cette distance sur la ligne a b ; le point où elle sera terminée représentera le lieu où est arrivé le vaisseau, la longitude & la latitude de ce lieu seront données par la carte.

Par les tables loxodromiques. 1°. Cherchez sous le rhumb donné la distance qui répond à la latitude du lieu d'où l'on est parti, & ajoutez-la à la distance donnée, ou retranchez-la de cette même distance, suivant que le lieu d'où l'on est parti est plus au nord ou au sud de celui où l'on est arrivé. 2°. Continuez de parcourir le même rhumb jusqu'à ce que vous ayez atteint la distance exacte ; 3°. la latitude qui répondra alors à cette distance dans la premiere colomne sera la latitude du lieu où l'on est arrivé ; 4°. par la seconde colomne des tables, prenez les longitudes correspondantes, tant à la latitude du lieu de départ, qu'à la latitude du lieu où l'on est arrivé, & la différence de ces longitudes sera la différence de longitude cherchée entre le lieu d'où l'on est parti & celui où l'on est arrivé.

IV. Les latitudes, tant du lieu d'où le vaisseau est parti, que de celui où il est arrivé, étant données avec le rhumb qu'il a suivi, trouver la distance & la différence en longitude.

Pour la Navigation plane. Par le moyen de la différence en latitude & du rhumb donné, trouvez la distance, & par les mêmes élémens trouvez les lieues mineures de longitude ; convertissez ensuite ces lieues mineures en degrés de grand cercle, & vous aurez la différence en longitude cherchée.

Suivant Mercator, 1. placez le compas de variation sur la carte, comme dans le cas précédent, tirant ensuite par le point a sous le rhumb donné la ligne a b, prolongez-la jusqu'à ce qu'elle rencontre le parallele de la latitude donnée. 2. Le point d'intersection de ces deux lignes sera le lieu où le vaisseau est arrivé ; 3. il sera alors bien facile d'avoir la longitude & la distance. Voyez RHUMB.

Par les tables. Prenez, tant les longitudes que les distances qui répondent aux latitudes données ; soustrayez ensuite l'une des longitudes de l'autre, & de même pour les distances ; la premiere différence sera celle des longitudes qu'on cherche, & l'autre la distance demandée entre les lieux.

V. Les latitudes des deux lieux étant données avec leur distance, trouver le rhumb & la différence en longitude.

Pour la Navigation plane. Par la différence de latitude & par la distance, trouvez le rhumb par les mêmes élémens ; trouvez aussi les lieues mineures de longitude, ce que vous pourriez faire encore en vous servant du rhumb déja trouvé & de la différence en latitude, ou bien du rhumb & de la distance parcourue ; enfin, par les lieues mineures de longitude, trouvez la différence en longitude.

Suivant Mercator ; tirez sur la carte le parallele C D du lieu où le vaisseau est arrivé ; réduisez la distance parcourue en parties proportionnelles aux degrés de la carte. A Z étant cette distance réduite, de a décrivez un axe qui coupe le parallele C D en Z, & ce point Z sera le lieu cherché sur la carte ; vous en trouverez ensuite facilement la longitude.

Par les tables. Soustrayez les latitudes données l'une de l'autre, & cherchez dans les tables le rhumb sous lequel la distance parcourue répondroit à la différence donnée en latitude ; soustrayez ensuite l'une de l'autre, les longitudes qui répondent sont le rhumb donné ; l'une au lieu d'où l'on est parti, & l'autre au lieu où l'on est arrivé ; le reste sera la différence en longitude cherchée.

VI. La différence en longitude des deux lieux étant donnée, avec la latitude du premier & la distance parcourue, trouver le rhumb & la latitude du second lieu.

Pour la Navigation plane. Convertissez la différence de longitude en lieues mineures de longitude ; trouvez le rhumb par les lieues mineures de longitude & par la distance parcourue, & par le moyen de ces deux élémens, cherchez ensuite la différence en latitude, & vous aurez aussi-tôt par cette différence & par la premiere latitude qui est donnée, la latitude cherchée de l'autre lieu.

Suivant Mercator, par le point donné dans la carte, tirez une droite E F parallele au méridien A H, & faites F L égale à la différence des longitudes de L ; tirez LM parallele à EF & vous aurez le méridien du lieu où le vaisseau est arrivé ; ensuite du lieu donné d'où l'on est parti, & de l'intervalle qui exprime la distance parcourue, décrivez un arc qui coupe le méridien en M L, & l'intersection sera le lieu cherché. Cela fait, il ne faudra plus que placer une rose de boussole sur la carte, suivant la maniere enseignée & la ligne de rhumb cherchée sera celle qui tombe sur le lieu qu'on vient de trouver. Enfin, tirant par le lieu trouvé N O parallele à AB, N M sera la latitude demandée, en supposant que M A représentent une portion de l'équateur.

Par les tables. Cherchez dans les tables pour un rhumb pris à volonté, la longitude & la distance qui répondent à la latitude donnée ; ajoutez la distance donnée à la distance trouvée dans les tables, si le vaisseau s'éloigne de l'équateur ; & retranchez-la au contraire, si le vaisseau s'en approche. Cherchez dans les tables la longitude qui répond à cette somme ou à cette différence, & soustrayez ou ajoutez-la à celle qui a été trouvée exactement. Si alors le reste s'accorde avec la différence donnée des longitudes, le rhumb aura été bien choisi ; s'il ne s'accorde pas, il faudra choisir d'autres rhumbs plus ou moins obliques, jusqu'à ce que le reste soit la différence donnée en longitude. Aussi-tôt que cette opération sera finie, la latitude qui répondra dans la premiere colonne à la distance parcourue sera la latitude du second lieu.

VII. La différence de longitude des deux lieux, & la latitude de l'un étant données, avec le rhumb, trouver la distance parcourue & la latitude du second lieu.

Pour la navigation plane. Réduisez la différence de longitude en lieues mineures de longitude, comme dans le premier cas. Par ces lieues mineures & par le rhumb, trouvez la distance parcourue, voyez RHUMB. Et par ces deux élémens, ou par le rhumb & la distance parcourue, trouvez la différence en latitude. L'ayant trouvée, & ayant déja (Hyp.) une des latitudes, on aura aussi-tôt l'autre.

Suivant Mercator. Placez une rose de boussole sur la carte, comme ci-dessus, & par le moyen du rhumb donné, tirez la ligne de rhumb, tirez ensuite le méridien EF, qui passe par le lieu donné O, & à une distance de ce méridien, égale à la différence donnée en longitude, tirez un autre méridien qui sera celui du lieu c où le vaisseau est arrivé ; on aura donc facilement la latitude N A de ce lieu, en tirant par c la ligne NO parallele à AB. Quant à la distance parcourue, elle sera aisément réduite en lieues par le moyen de l'échelle.

Par les tables. Sous le rhumb donné, cherchez la distance parcourue & la différence de longitude pour la latitude donnée ; ajoutez ensuite cette différence en longitude à la différence en longitude donnée, si le vaisseau a cinglé vers le pole, retranchez - la au contraire, si le vaisseau a été vers l'équateur. Cela fait, si c'est le premier de ces deux cas qui a lieu, parcourez en descendant la table, jusqu'à ce que la somme des deux quantités dont on vient de parler, se trouve dans la colonne de longitude. Dans le second cas, ce sera au contraire la différence des deux mêmes quantités qu'on cherchera en remontant : dans la table, la latitude qui répondra alors à cette longitude dans la premiere colonne sera celle qu'on cherche. Et en retranchant la distance qui répond à cette latitude, de la distance trouvée par les tables, on aura la distance parcourue si le vaisseau a été au nord ; mais s'il a été au sud, il faudra faire la soustraction contraire.

Par la résolution de ces différentes questions de la Navigation, on voit que les cartes réduites sont plus commodes en plusieurs cas que les tables, & que ces mêmes cartes réduites sont préférables aux cartes planes, parce qu'elles sont beaucoup plus exactes. Voyez CARTE.

Théorie de la navigation circulaire. Quoique cette navigation ne soit plus en usage, nous en dirons un mot pour la simple curiosité.

I. Connoissant la latitude & la longitude, tant du lieu d'où l'on est parti, que du lieu où l'on est arrivé, trouver l'angle M fig. 5. sous lequel le chemin du vaisseau M O, qu'on suppose faire une course circulaire, coupe le méridien du lieu de départ.

Puisque dans le triangle P M N, l'on connoît P M & P N complémens des latitudes données H M & T N, & l'angle M P N mesuré par l'arc H T différence des longitudes données H & T ; il est clair qu'on aura facilement l'angle P M N par la trigonométrie sphérique.

II. La latitude H M & la longitude H du lieu M d'où l'on est parti étant données, ainsi que la distance parcourue, & la latitude L S du lieu où le vaisseau est arrivé en décrivant un arc de cercle, trouver la longitude du lieu L, & l'angle P L M compris entre le chemin du vaisseau & le méridien P S.

Dans le triangle P L M, P M complément de la latitude H M est connu ainsi que P L complément de la latitude L S. Donc, si on convertit le chemin M L du vaisseau en degrés de l'équateur, on aura par la trigonométrie sphérique l'angle M P L, qui est égal à la différence H S des longitudes, & par conséquent aussi l'angle P L M.

On pourroit résoudre de la même maniere plusieurs autres questions de navigation ; mais comme on parvient plus aisément à leurs solutions par les rhumbs que par les cercles, nous n'en parlerons pas davantage.

NAVIGATION DROITE, est celle par laquelle on fait voile directement vers un des quatre points cardinaux de l'horison. Voyez POINTS CARDINAUX.

Si un vaisseau fait voile sur le méridien, c'est-à-dire, s'il va droit au nord ou au sud, il ne change point du tout de longitude, mais de latitude seulement, d'autant de degrés qu'il y en a dans le chemin qu'il fait. Voyez LATITUDE.

Si un vaisseau fait voile sous l'équateur, vers l'est ou vers l'ouest, il ne change point de latitude, mais de longitude seulement, & d'autant de degrés qu'il y en a dans le chemin qu'il fait.

S'il fait voile sous un même parallele vers l'est ou vers l'ouest, sa latitude ne change point, mais sa longitude change, non pas d'autant de degrés qu'il y en a dans un arc de l'équateur égal à l'arc du parallele qu'il parcourt, mais d'autant de degrés qu'il y en a dans l'arc même du parallele ; desorte que plus le parallele est près du pole, plus le vaisseau fait de chemin en longitude, toutes choses égales d'ailleurs.

NAVIGATION, (Méd.) comme on entend ordinairement par ce terme, la maniere de voyager sur mer, il doit être question ici des effets qu'elle produit relativement à la santé.

La plûpart des personnes qui ne sont point accoutumées aux différens mouvemens d'un vaisseau, ne tardent pas d'en éprouver des incommodités, des indispositions considérables : savoir d'abord, des tournemens de tête, des vertiges ; ensuite des nausées, des vomissemens très-fatigans, qui sont des effets à-peu-près semblables à ceux qu'éprouvent bien des gens, lorsqu'ils sont portés à-rebours dans une voiture roulante, ou après avoir tourné, marché en rond ; ce qu'on ne peut attribuer qu'à la trop grande mobilité du genre nerveux, telle qu'elle se trouve dans les femmes hystériques, & dans les hommes d'un tempérament sensible, délicat. Ainsi on peut regarder ces différens accidens comme provenans d'une même cause dans tous ces cas ; on peut, par conséquent, regarder cette cause comme étant de la même nature que celle des vapeurs. Voyez VAPEURS.

La navigation (c'est-à-dire les voyages en mer) est mise au nombre des choses qui contribuent le plus à établir la disposition au scorbut. Voyez SCORBUT.

Les mauvais effets que produit souvent la navigation sont incontestables ; il n'en est pas de même des bons effets que quelques auteurs lui ont attribué pour la conservation de la santé, ou pour son rétablissement. Van Helmont prétend, Tr. blas. human. n. 36. tr. aliment. tartar. in santic. n. 15. que ceux qui ne sont pas incommodés de l'air de la mer, ou du mouvement du vaisseau, ont le double & le triple de l'appétit qui leur est ordinaire sur terre. Selon Stahl, in prop. emptico. ad disput. in augur. de fundam. pathol. practic. d'après Pline, Celse & Coelius Aurelian, les voyages par mer, & même de longs cours, sont fort utiles pour la guérison de la pthisie, de l'hectisie, du marasme ; c'est un grand remede dans ces contrées, très-vanté par les anciens, mais en faveur duquel les modernes ne rapportent rien d'assuré. Voyez Lexic. Castell.


NAVIGERv. n. (Marine) les Marins prononcent naviguer, & on dit l'un & l'autre ; cependant comme l'on écrit navigation, navigateur, navigable, il semble qu'on doit écrire naviger & non naviguer. On entend par ce terme faire route & voyager sur mer.

Naviger dans la terre, terme de pilotage ; c'est estimer avoir fait plus de chemin que le vaisseau n'en a fait réellement ; desorte que suivant son estime on devroit être arrivé à terre, lorsqu'on en est encore éloigné : desorte qu'en continuant de pointer sa route sur la carte, le point de navigation se trouve dans les terres, plus ou moins avant, suivant que l'erreur de l'estime est plus ou moins considérable. (Z)


NAVIREce nom se donne également à tout vaisseau : on dit un navire de guerre, un navire marchand, &c. Voyez VAISSEAU.

NAVIRE MARCHAND, c'est un navire qui va en mer seulement pour faire le commerce.

NAVIRE EN GUERRE ET MARCHANDISE, c'est celui qui étant marchand ne laisse pas de prendre commission pour faire la guerre.

NAVIRE EN COURSE, voyez ARMATEUR.

Navire à fret, c'est un navire que le bourgeois ou propriétaire loue à des marchands ou autres, pour transporter leurs marchandises d'un port à un autre port, & même pour des voyages de longs cours. Voyez FRET.

Navire envictuaillé, c'est un navire qui a toutes ses provisions & munitions, tant de guerre que de bouche.

Navire en charge, est un navire dans lequel on embarque actuellement des marchandises, & qui n'a pas encore sa cargaison complete . Voyez CARGAISON.

Navire chargé, est celui dont la charge est faite ou la cargaison complete .

Navire terre neuvier, c'est un navire destiné à la pêche de la morue, sur le grand banc de Terre-Neuve. On y appelle navire banqué, celui qui est placé sur le banc & qui y fait sa pêche ; & navire débanqué, celui qui a fini sa pêche, ou qui est dérivé de dessus le banc par le mauvais tems.

Navire, on donne aussi quelquefois aux navires le nom des états, provinces, villes où ils ont été construits ou équipés : ainsi l'on dit navire anglois, navire normand, navire breton, navire malouin, navire nantois, &c.

Navire de registre, on appelle ainsi en Espagne & dans l'Amérique espagnole un navire marchand à qui le conseil des Indes a accordé la permission d'y aller trafiquer, moyennant une certaine somme & sous certaines conditions. Voyez REGISTRE, dictionn. de Commerce.

NAVIRE ARGO, (Mythol.) c'est le célebre vaisseau sur lequel s'embarquerent pour la conquête de la toison d'or tout ce qu'il y avoit de héros dans la Grece, c'est-à-dire, de gens des plus distingués par la valeur, la naissance & les talens. Voyez ARGO. (D.J.)

NAVIRE D'ARGOS, (Astron.) grande constellation méridionale près du chien au-dessous de l'hydre. Elle est composée de 57 étoiles.

M. Halley se trouvant dans l'île de sainte Helene, a déterminé la longitude & la latitude de 46 de ces étoiles, qu'Hevelius a réduites à l'année 1700 dans son prodromus astronomiae, pag. 312. Le P. Noel a déterminé l'ascension & la déclinaison de ces étoiles pour l'année 1687 dans les observations mathématiques & physiques. Il a aussi donné la figure de la constellation entiere dans cet ouvrage, de même que Bayer Vranometria, Plan. q. q. & Hévelius Firmamentum sobiescianum, fig. E E e. Quelques astronomes donnoient à cette constellation le nom de l'arche de Noé. On l'appelle encore currus volitans, marea & sephina. Dictionn. de mathémat. (D.J.)

NAVIRE PROFONCIE, terme de Marine, vaisseau qui tire beaucoup d'eau, & à qui il en faut beaucoup pour le faire flotter.

NAVIRE SACRE, (Antiquit. égypt. grecq. & rom.) On appelloit navires sacrés chez les Egyptiens, les Grecs & les Romains, des bâtimens qu'on avoit dédiés aux dieux.

Tels étoient chez les Egyptiens 1°. le vaisseau qu'ils dédioient tous les ans à Isis ; 2°. celui sur lequel ils nourrissoient pendant quarante jours le boeuf Apis, avant que de le transférer de la vallée du Nil à Memphis, dans le temple de Vulcain. 3°. La nacelle nommée vulgairement la barque à Caron, & qui n'étoit employée qu'à porter les corps morts du lac Achéruse ; c'est de cet usage des Egyptiens qu'Orphée prit occasion d'imaginer le transport des ames dans les enfers au-delà de l'Achéron.

Les Grecs nommerent leurs navires sacrés, ou . Mais entre les bâtimens sacrés qu'on voyoit en différentes villes de la Grece, les auteurs parlent sur-tout de deux galeres sacrées d'Athènes, qui étoient particulierement destinées à des cérémonies de religion, ou à porter les nouvelles dans les besoins pressans de l'état.

L'une se nommoit la Parale, ou la galere Paraliene, ; elle emprunta son nom du héros Paralus, dont parle Euripide, & qui joint à Thésée, se signala contre les Thébains. Ceux qui montoient ce navire s'appelloient Paralliens, dont la paie étoit plus forte que celle des autres troupes de marine. Quand Lisandre eut battu la flotte athénienne dans l'Hellespont, l'on dépêcha la galere Paralienne, avec ordre de porter au peuple cette triste nouvelle.

L'autre vaisseau, dit le Salaminien, ou la galere Salaminienne, , prit, selon les uns, sa dénomination de la bataille de Salamine, & selon les autres, de Nausitheus, son premier pilote, natif de Salamine ; c'étoit cette célebre galere à trente rames, sur laquelle Thésée passa dans l'île de Crête, & en revint victorieux ; on la nomma depuis Déliaque, parce qu'elle fut consacrée à aller tous les ans à Délos y porter les offrandes des Athéniens, à l'acquit du voeu que Thésée avoit fait à l'Apollon Délien pour le succès de son expédition de Crete. Pausanias assure que ce navire étoit le plus grand qu'il eût jamais vu. Lorsqu'on rappella de Sicile Alcibiade, afin qu'il eût à se justifier des impiétés dont on l'accusoit, on commanda pour son transport la galere Salaminienne. L'une & l'autre de ces galeres sacrées servoit aussi à ramener les généraux déposés ; & c'est en ce sens que Pitholaüs appelloit la galere paralienne, la massue du peuple.

Les Athéniens conserverent la galere salaminienne pendant plus de mille ans, depuis Thésée jusques sous le regne de Ptolomée Philadelphe ; ils avoient un très-grand soin de remettre des planches neuves à la place de celles qui vieillissoient ; d'où vint la dispute des philosophes de ce tems-là, rapportée dans Plutarque, savoir, si ce vaisseau, dont il ne restoit plus aucune de ses premieres pieces, étoit le même que celui dont Thésée s'étoit servi : question que l'on fait encore à présent au sujet du Bucentaure, espece de galéace sacrée des Vénitiens.

Outre ces deux vaisseaux sacrés dont je viens de parler, les Athéniens en avoient encore plusieurs autres ; savoir, l'Antigone, le Démétrius, l'Ammon, & celui de Minerve. Ce dernier vaisseau étoit d'une espece singuliere, puisqu'il étoit destiné à aller non sur mer, mais sur terre. On le conservoit très religieusement près l'aréopage, ainsi que le dit Pausanias, pour ne paroître qu'à la fête des grandes panathénées, qui ne se célébroient que tous les cinq ans le 23 du mois Hécatombéon, qui, selon Potter, répondoit en partie à notre mois de Juillet. Ce navire servoit alors à porter en pompe au temple de Minerve, l'habit mystérieux de la déesse, sur lequel étoient représentées la victoire des dieux sur les géants, & les actions les plus mémorables des grands hommes d'Athènes. Mais ce qu'on admiroit le plus dans ce navire, c'est qu'il voguoit sur terre à voile & à rames, par le moyen de certaines machines que Pausanias nomme souterraines ; c'est-à-dire, qu'il y avoit à fond de cale des ressorts cachés qui faisoient mouvoir ce bâtiment, dont la voile, selon Suidas, étoit l'habit même de Minerve. (D.J.)

NAVIRE, nom d'un ordre de chevalerie, nommé autrement l'ordre d'outremer, ou du double croissant, institué l'an 1269 par S. Louis, pour encourager par cette marque de distinction, les seigneurs à le suivre dans la seconde expédition contre les infideles. Le collier de cet ordre étoit entrelacé de coquilles d'or & de doubles croissans d'argent, avec un navire qui pendoit au bout dans un ovale, où il paroissoit armé & fretté d'argent dans un champ de gueules, à la pointe ondoyée d'argent & de sinople. C'étoient, comme on voit, autant de symboles & du voyage, & des peuples contre lesquels on alloit combattre. Quoique ce prince en eût décoré ses enfans, & plusieurs grands seigneurs de son armée, cet ordre ne subsista pas long-tems en France ; mais il conserva son éclat dans les royaumes de Naples & de Sicile, où Charles de France, comte d'Anjou, frere de saint Louis, & qui en étoit roi, le prit pour ses successeurs ; & René d'Anjou, roi de Sicile, le rétablit en 1448, sous le nom d'ordre du croissant. Voyez CROISSANT. Favin, theat. d'honn. & de chevalerie.

NAVIRES, (Hist. anc.) les anciens en ont eu d'un grand nombre d'especes. Il y en avoit qu'on faisoit naviger fort vîte, par le moyen de 10, 20, 30, 50, & même 100 rames d'un & d'autre bord, naves actuariae, ou actuariolae ; ceux qui avoient le bec garni de bronze, & qui étoient employés à percer le flanc ennemi, s'appelloient aeratae, ou aeneae. Ceux qui apportoient des vivres, annotinae, ou frumentariae ; ceux qui avoient été construits dans l'année, hornotinae ; ceux qui avoient à l'arriere & à l'avant deux tillacs séparés par une ouverture ou vuide placé entre deux, apertae. Les combattans étoient sur ces tillacs ; ces bâtimens étoient communément à deux rames, ou même plus petits. Les rameurs s'appelloient thranitae. Ceux qui étoient à voiles & à rames, & qui n'alloient dans le combat qu'à rames, armatae. Ceux dont on usoit sur le Tibre, & qui étoient faits de planches épaisses, caudicariae, ou codicariae. Ceux dont le tillac occupoit tout le dessus de l'arriere à l'avant, constratae. Ceux où l'on avoit pratiqué des appartemens & toutes les autres commodités d'une maison, cubiculatae. Ceux qu'on n'employoit que sur les rivieres, lentres, pontones, fluviatiles. Ceux qui faisoient le transport des vivres, frumentanae. Ceux qui faute de tillac étoient fort legers, leves. Ceux qu'on avoit construits pour porter un grand nombre d'hommes, longae. Ils étoient tous à rame ; Ptolomée Philopator en fit construire un, qui avoit 280 piés de longueur, sur 38 de hauteur, à 40 rangs de rames. Ceux sur lesquels on se promenoit, lusoriae. Les vaisseaux appellés militares, étoient les mêmes que les vaisseaux appellés longae. Les vaisseaux de charge, ils étoient à voiles & à rames, onerariae. Les vaisseaux côtiers, orariae, trabales, littorariae. Les vaisseaux construits de bois & de cuivre, & qu'on pouvoit désassembler & porter par terre, plicatiles. Ceux qui précédoient les flottes, praecursoriae. Ceux qui étoient longs, vîtes, legers & à l'usage des pirates, praedatoriae, praedaticae. Ceux qui portoient les amiraux, praetoriae. Ils étoient grands & forts. On les discernoit à une banderole & à une lanterne particuliere. Le pavillon rouge qu'on arboroit étoit le signal du combat. Ceux sur lesquels étoient les gardes avancées de la flotte, prophulactoriae. Ceux qui se composoient & se décomposoient, prenoient différentes formes, laissoient échapper de leur flanc sur l'amphithéâtre des bêtes féroces, &c. Néron fit promener sa mere dans un vaisseau de cette espece ; le vaisseau se décomposa ; mais Agrippine s'échappa à la nage, naves solutiles. Ceux qu'on envoyoit reconnoître l'ennemi, speculatoriae. Ceux qui demeuroient fixes à l'ancre, stationariae. Ceux qui étoient tissus de fortes baguettes, & revêtus de cuir, sutiles. Ceux qui étoient legers, & qu'on détachoit de la flotte pour aller annoncer son approche, tabellariae. Ceux qui étoient creusés d'une seule piece, trabariae, lintres. Ceux qui portoient deux tours, l'une à l'avant, l'autre à l'arriere, turritae.


NAVONIUS PORTUS(Géog. anc.) aujourd'hui Porto-Navonne ; port des îles de Corse, dans la partie méridionale de cette île, & dans le voisinage du Portus Syracusanus de Ptolémée, livre III. ch. ij.


NAVRERv. act. (Jardinage) c'est faire une hoche avec la serpette à un échalas de treillage quand il est tortu.


NAXKOW(Géog.) ville de Danemarck dans l'île de Laland, sur la côte septentrionale, avec un port commode pour le commerce. Elle est à 22 lieues S. O. de Copenhague. Long. 29. 12. lat. 54. 48. (D.J.)


NAXOS(Géog. anc. & mod.) par les Grecs, Naxus par les Latins, Naxia dans le moyen âge, & Naxe par les François, île considérable située au milieu de l'Archipel, à 37d. d'élevation, & à environ 9 milles de la pointe septentrionale de Paros : son circuit est de plus de 100 milles ; c'est-à-dire, de près de 35 lieues françoises, & sa largeur est de 30 milles, qui font 10 lieues de France. C'est la plus grande, la plus fertile & la plus agréable de toutes les Cyclades. Les anciens l'appelloient Dionysia, parce qu'on disoit que Bacchus avoit été nourri dans cette île ; & les habitans prétendoient que cet honneur leur avoit attiré toutes sortes de félicités : ce qu'il y a de sûr, c'est que ce dieu étoit particulierement adoré chez les Naxiotes.

Les principales choses qui rendent Naxos célebre, sont la hauteur de ses montagnes, la quantité de marbre blanc qu'on en tire, la beauté de ses plaines, la multitude des fontaines & des ruisseaux qui arrosent ses campagnes, le grand nombre de jardins remplis de toutes sortes d'arbres fruitiers, les forêts d'oliviers, d'orangers, de limoniers & de grenadiers d'une hauteur prodigieuse. Tous ces avantages qui la distinguent de toutes les autres, lui ont acquis le nom de reine des Cyclades. Cependant cette île n'a jamais eu que peu de commerce par le défaut d'un beau port où les bâtimens pussent être en sureté.

Les pointes des falaises & des montagnes paroissent à ceux qui abordent cette île, former comme des rangées de grosses boules blanches ; & c'est peut-être pour cela, suivant l'idée du P. Sanadon, que Virgile, Enéid. liv. III. vers 125. écrit, baccatam jugis Naxon ; c'est-à-dire, cujus juga baccarum speciem referunt.

Si quelqu'un veut remonter jusqu'à l'antiquité la plus reculée, il trouvera dans Diodore de Sicile & dans Pausanias, l'origine des premiers peuples qui s'établirent dans l'île de Naxos : il y verra qu'elle fut occupée par les Cariens, & que leur roi Naxos lui donna son nom. Il eut pour successeur son fils Leucippus ; celui-ci fut pere de Smardius, sous le regne duquel Thésée, revenant de Crete avec la belle Ariadne, aborda dans l'île, où il abandonna sa maîtresse à Bacchus, dont les menaces l'avoient horriblement frappé dans un songe ; c'est-à-dire qu'il devint infidele à son amante : c'est pourquoi Racine, parlant de ce héros, nous peint

Sa foi par-tout offerte, & reçue en cent lieux ;

Ariadne aux rochers contant ses injustices ;

Phedre enlevée enfin sous des meilleurs auspices, &c.

Naxos, quoique sans port, étoit une république très-florissante, & maîtresse de la mer, dans le tems que les Perses passerent dans l'Archipel. Il est vrai qu'elle possédoit les îles de Paros & d'Andros, dont les ports sont excellens pour entretenir & recevoir les plus grandes flottes. Aristagoras tenta vainement de s'en rendre maître, quoique Darius roi de Perse, lui donnât non-seulement des troupes, mais encore une flotte de deux cent voiles. Les Perses firent une seconde descente dans cette île, où ils eurent plus de succès. Datis & Artaphernes y brûlerent jusqu'aux temples, & emmenerent un très-grand nombre de captifs. Cependant Naxos se releva de cette perte, & fournit quatre vaisseaux de guerre qui battirent celle de Xerxès à Salamine, dans le fond du golfe d'Athénes. Diodore de Sicile assure encore que les Naxiotes donnerent des marques d'une grande valeur à la bataille de Platée, où Mardonius, autre général des Perses, fut défait par Pausanias. Néanmoins dans la suite, les alliés ayant remis le commandement des troupes aux Athéniens, ceux-ci déclarerent la guerre aux Naxiotes. La ville fut donc assiégée & forcée à capituler avec ses premiers maîtres : car Hérodote, qui place Naxos dans le département de l'Ionie, & l'appelle la plus heureuse des îles, en fait une colonie d'Athénes, & prétend que Pisistrate l'avoit possédée à son tour. Voilà ce qui se passa de plus remarquable dans cette île du tems de la belle Grece.

Pendant la guerre du Péloponnèse, Naxos se déclara pour Athénes avec les autres îles de la mer Egée, excepté Milo & Théra ; ensuite elle tomba sous la puissance des Romains ; & après la bataille de Philippe, Marc-Antoine la donna aux Rhodiens. Cependant il la leur ôta quelque tems après, parce que leur gouvernement étoit trop dur. Elle fut soumise aux empereurs romains, & ensuite aux empereurs grecs jusqu'à la prise de Constantinople par les François & par les Vénitiens en 1207. Trois ans après ce grand événement, comme les François travailloient sous l'empereur Henri à la conquête des provinces & places de terre-ferme ; les Vénitiens maîtres de la mer, permirent aux sujets de la république qui voudroient équiper des navires, de s'emparer des îles de l'Archipel & d'autres places maritimes, à condition que les acquéreurs en feroient hommage à ceux à qui elles appartenoient, à raison du partage fait entre les François & les Vénitiens. Marc Sanudo, l'un des capitaines les plus accomplis qu'eût alors la république, s'empara des îles de Naxos, Paros, Antiparos, Milo, l'Argentiere, Siphanto, Policandro, Nanfio, Nio & Santorin. L'empereur Henri érigea Naxos en duché, & donna à Sanudo le titre de duc de l'Archipel & de prince de l'empire. Ses descendans regnerent dans la même qualité jusqu'à Nicolas Carceiro, neuvieme duc de Naxos, qui fut assassiné par les ordres de François Crispo, qui s'empara du duché, & le transmit à sa postérité. Elle en jouit jusqu'à Jacques Crispo, vingt-un & dernier duc de l'Archipel, dépouillé par les Turcs, sous l'empereur Selim II. & mort à Vénise accablé de chagrin.

Sous ce dernier duc de Naxos, les Grecs secouerent le joug des Latins pour subir celui de la Porte-ottomane. Le grand-seigneur y mit pendant quelque tems un officier qui gouverna cette île en son nom. Dans la suite Naxos a eu la liberté de créer des magistrats tous les ans ; ensorte qu'elle fait, sous la domination des Turcs, comme une petite république à part. Ses magistrats se nomment epitropes ; ils ont une autorité fort étendue, étant maîtres d'infliger toutes les peines, jusqu'à celle de mort qu'ils ne peuvent ordonner sans la participation de la Porte. Cette île est une des plus agréables de l'Archipel, par ses plaines, ses vallées, & des ruisseaux qui arrosent des campagnes couvertes de toutes sortes d'arbres fruitiers.

Les anciens ont eu raison de l'appeller la petite-Sicile. Archilocus dans Athénée, compare le vin de Naxos au nectar des dieux. On voit une médaille de Septime Sévere sur le revers de laquelle Bacchus est représenté le gobelet à la main droite & le tyrse à la gauche : pour légende il y a ce mot . On boit encore aujourd'hui d'excellent vin à Naxos. Les Naxiotes, qui sont les vrais enfans de Bacchus, cultivent bien la vigne, quoiqu'ils la laissent traîner par terre jusqu'à huit ou neuf piés loin de son tronc ; ce qui fait que dans les grandes chaleurs le soleil desseche trop les raisins, & que la pluie les fait pourrir.

Quoiqu'il n'y ait point à Naxos de port propre à y attirer un grand commerce, on ne laisse pas d'y faire un trafic considérable en orge, vins, figues, coton, soie, émeri & huile. Le bois & le charbon, marchandises très-rares dans les autres îles de l'Archipel, sont en abondance dans celle-ci. On y fait bonne chere, & les lievres & les perdrix y sont à grand marché.

Il y a deux archevêques dans Naxos, l'un grec & l'autre latin ; & tous deux sont fort à leur aise. Mais les villages sont fort dépeuplés ; car on assure qu'il n'y a guere plus de 8000 ames dans l'île. Les habitant payoient au commencement de ce siecle, cinq mille écus de capitation, & cinq mille cinq cent écus de taille réelle.

Les gentilshommes de Naxie se tiennent à la campagne dans leurs tours, qui sont des maisons quarrées, assez propres, & ils ne se visitent que rarement : la chasse fait leur plus grande occupation. Quand un ami vient chez eux, ils ordonnent à un de leurs domestiques de faire passer à coups de bâton sur leurs terres le premier cochon ou le premier veau qui est dans le voisinage : ces animaux pris en flagrant-délit, sont confisqués, égorgés, suivant la coutume du pays, & l'on en fait une fête. Pliki est un quartier de l'île où l'on dit qu'il y a des cerfs : les arbres n'y sont pas fort grands ; ce sont des cedres à feuilles de cyprès.

Zia, qui est la plus haute montagne de l'île, signifie le mont de Jupiter, & a retenu le nom de Dia, qui étoit autrefois celui de l'île. Corono, autre montagne de Naxie, a conservé celui de la nymphe Coronis, nourrice de Bacchus ; ce qui semble autoriser la prétention des anciens Naxiotes, qui vouloient que l'éducation de ce dieu eût été confiée dans leur île aux nymphes Coronis, Philia & Cleis, dont les noms se trouvent dans Diodore de Sicile. Fanari est encore une autre montagne de Naxie assez considérable.

Vers le bas de la montagne de Zia, à la droite du chemin de Perato, sur le chemin-même, se présente un bloc de marbre brut, large de huit piés, naturellement avancé plus que les autres d'environ deux piés & demi. On lit sous ce marbre cette ancienne inscription connue : ; c'est-à-dire, montagne de Jupiter conservateur des troupeaux.

On voit aussi la grotte où l'on veut que les bacchantes ayent célébré les orgies. A l'égard de l'histoire naturelle, on prétend qu'il y a des mines d'or & d'argent tout près du château de Naxie. Celles d'émeri sont au fond d'une vallée au-dessous de Pérato. On découvre l'émeri en labourant, & on le porte à la marine pour l'embarquer à Triangata ou à saint-Jean. Les Anglois en lestent souvent leurs vaisseaux. Il est à si bon marché sur les lieux, qu'on en donne vingt quintaux pour un écu, & chaque quintal pese 140 liv.

La ville capitale de l'île porte le même nom, & mérite l'article à part qui suit. (D.J.)

NAXOS, (Géog. anc. & mod.) ou Naxie, capitale de l'isle de même nom, située sur la côte occidentale, vis-à-vis de l'isle de Paros, avec un château. Long. 43. 26. lat. 37. 8.

Thucydide dit que la ville de Naxos a été fondée dans le tems de la premiere guerre messéniaque, par Theucles de Chalcyde en Eubée. En effet, la ville moderne de Naxie paroît avoir été bâtie sur les ruines de quelque ancienne ville du même nom, dont il semble que Ptolémée, l. III. c. xv. ait fait mention. Le château situé sur le haut de la ville est l'ouvrage de Marc Sanudo, premier duc de l'Archipel. C'est une enceinte flanquée de grosses tours, qui en renferment une plus considérable & quarrée, dont les murailles sont fort épaisses, & qui proprement étoit le palais des ducs. Des descendans des gentilshommes latins, qui s'établirent dans l'isse sous ces princes, occupent encore l'enceinte de ce château. Les Grecs, qui sont en beaucoup plus grand nombre, s'étendent depuis le château jusqu'à la mer.

La haine de la noblesse grecque & de la latine est irréconciliable. Les Latins aimeroient mieux s'allier à des paysannes, que d'épouser des demoiselles grecques ; c'est ce qui leur a fait obtenir de Rome la dispense de se marier avec leurs cousines-germaines. Les Turcs traitent tous ces gentilshommes sur un même pié. A la vue du moindre bey de galiote, les Latins & les Grecs n'oseroient paroître qu'en bonnets rouges, comme les forçats de galere, & tremblent devant les plus petits officiers. Dès que les Turcs se sont retirés, la noblesse de Naxie reprend sa premiere fierté : on ne voit que des bonnets de velours, & l'on n'entend parler que d'arbres généalogiques. Les uns se font descendre des paléologues ou des Comnenes ; les autres des Justinian, des Grimaldi, de Summaripa ou Sommerives. Le grand-seigneur n'a pas lieu d'appréhender de révolte dans cette isle. Dès qu'un Latin se remue, les Grecs en avertissent le Cadi ; & si un Grec ouvre la bouche, le Cadi sait ce qu'il a voulu dire avant qu'il l'ait fermée.

Les dames y sont d'une vanité ridicule : on les voit venir dans la campagne après les vendanges avec une suite de trente ou quarante femmes, moitié à pié, moitié sur des ânes ; l'une porte sur sa tête des serviettes de toile de coton, ou quelque jupe de sa maîtresse ; l'autre marche avec une paire de bas à la main, une marmite de grès, ou quelques plats de fayance. On étale sur le chemin tous les meubles de la maison ; & la maîtresse montée sur une méchante rosse, entre dans la ville comme en triomphe à la tête de cette troupe. Les enfans sont au milieu de la marche ; ordinairement le mari fait l'arriere-garde. Les dames latines s'habillent quelquefois à la vénitienne : l'habit des Grecs est un peu différent de celui des dames de Milo.

Il y a dans la ville de Naxie des jésuites, des capucins & des cordeliers qui exercent tous la médecine. Voilà les docteurs qui composent cette faculté, & dans la capitale, & dans le reste de l'isle. (D.J.)

NAXOS, (Géog. anc.) ou plutôt Naxus, ancienne ville de la Sicile, sur la côte orientale de cette isle. C'est aujourd'hui Cartel-Schiso. Il ne faut pas confondre, comme a fait M. Spon, cette ville de Sicile avec celle de Naxos dans l'Archipel. C'est à Naxus en Sicile que les peuples de l'isle Eubée avoient dressé un autel à Apollon.

Polybe, l. IV. c. xxxiij. parle de Naxos, ville de l'Acarnanie, que les Oetoliens enleverent aux Acarnaniens.

Enfin Suidas parle d'une ville de Naxos dans l'isle de Crete.


NAY(Géog.) ou NE, riviere de France. Elle prend sa source à Maints-Fonts en Angoumois, entre dans la Saintonge, & se jette dans la Charente, entre Cognac & Saintes.


NAYBES(Hist. mod.) c'est ainsi que dans les isles Maldives on nomme des prêtres, sur qui le roi se repose de tous les soins de la royauté. Ainsi les naybes réunissent la puissance spirituelle & temporelle, & jugent souverainement de toutes les affaires, chacun dans son gouvernement. Ils ont sous eux des magistrats nommés catibes, qui rendent la justice en leur nom, & qui sont aussi tirés de l'ordre sacerdotal. Le chef des naybes se nomme Pandiare. Il est le souverain pontife & le premier magistrat de la nation : ceux qui composent son conseil se nomment mocouris ; il est obligé de les consulter dans les affaires importantes.


NAYS(Hist. mod.) c'est ainsi qu'on nomme dans le royaume de Siam, les chefs ou officiers qui commandent aux troupes. Il y en a sept especes, distinguées par différentes dénominations, suivant le nombre des soldats qui sont sous leurs ordres. Le souverain ne leur donne point de solde, vu que tous les sujets sont ou soldats ou esclaves. Il se contente de leur fournir des armes, des esclaves, des maisons, & quelquefois des terres, qui retournent au roi après la mort d'un nays à qui il les avoit données. Ces dignités ne sont point héréditaires ; & les enfans d'un homme en place se trouvent souvent réduits aux fonctions les plus viles pour gagner leur subsistance. Les nays s'enrichissent par les extorsions qu'ils font souffrir au peuple, que le despote livre à leur avidité, sans que les opprimés aient de ressource contre leurs oppresseurs.


NAZAREAou NAZAREISME, (Hist. judaïq.) état ou condition des Nazaréites ou Nazaréens parmi les Juifs.

Le nazaréat consistoit à être distingué du reste des hommes, principalement en trois choses : 1°. à s'abstenir de vin ; 2°. à ne se point faire raser la tête, à laisser croître ses cheveux ; 3°. à éviter de toucher les morts, de peur d'en être souillé.

Il y avoit de deux sortes de nazaréat ; l'un pour un tems, qui ne duroit qu'un certain nombre de jours ; l'autre pour la vie. Les rabbins ont cherché combien duroit le nazaréat pour un tems, & l'ont déterminé d'après leurs idées cabalistiques. Il est dit dans le livre des nombres, ch. VI. v. 5. Domino sanctus erit. Or, comme le mot hébreu erit est en quatre lettres, dont la premiere & la troisieme, prises pour des lettres numerales, font chacune dix, & les deux autres chacune cinq, le tout ensemble trente, ils en ont conclu que le terme du nazaréat pour un tems, étoit trente jours. Voyez CABALE. (G)


NAZARÉENadj. & subst. (Hist. judaïq.) est un terme employé dans l'ancien Testament, pour signifier une personne distinguée & séparée des autres par quelque chose d'extraordinaire, comme par sa sainteté, par sa dignité, ou par des voeux. Voyez NAZAREAT.

Ce mot vient de l'hébreu nazar, distinguer, séparer ; aussi ce mot étoit-il distingué chez les Hébreux du mot nazaréen, habitant ou natif de Nazareth, qui vient de natzar ou netzer, sauver, préserver.

Dans le livre des nombres, ch. vj. on trouve le détail des voeux des Nazaréens, c'est-à-dire, des voeux pour lesquels un homme ou une femme se consacroient particulierement à Dieu, les conditions & suites de ces voeux, comme l'abstinence, &c.

Quand le tems du nazaréat étoit accompli, le prêtre amenoit la personne à la porte du temple, & cette personne offroit au Seigneur un mouton pour l'holocauste, une brebis pour le sacrifice d'expiation, & un bélier pour l'hostie pacifique. Il offroit aussi des pains & des gâteaux, avec le vin nécessaire pour les libations. Après que tout cela étoit immolé & offert au Seigneur, le prêtre ou quelqu'autre rasoit la tête du nazaréen à la porte du tabernacle, & brûloit les cheveux sur le feu de l'autel. Alors le prêtre mettoit entre les mains du nazaréen l'épaule cuite du bélier, un pain & un gâteau ; puis le nazaréen les remettoit sur les mains du prêtre, qui les élevoit en sa présence, & les offroit à Dieu : dès-lors le nazaréen pouvoit boire du vin, & son nazaréat étoit accompli. Mais les nazaréens perpétuels qui avoient été consacrés par leurs parens, renonçoient pour jamais à l'usage du vin.

Ceux qui faisoient le voeu du nazaréat hors de la Palestine, & qui ne pouvoient arriver au temple à la fin des jours de leur voeu, se contentoient de pratiquer les abstinences marquées par la loi, & de se couper les cheveux au lieu où ils se trouvoient, se réservant d'offrir leurs présens au temple par eux-mêmes, ou par d'autres, lorsqu'ils en auroient la commodité. C'est ainsi que saint Paul en usa à Unchée, act. xviij. v. 18.

Lorsqu'une personne ne se trouvoit pas en état de faire le voeu du nazaréat, ou n'avoit pas le loisir d'en observer les cérémonies, elle se contentoit de contribuer aux frais des offrandes & des sacrifices de ceux qui avoient fait & accompli ce voeu, & de cette sorte elle avoit part au mérite de leur nazaréat. Maimonid. in num. 6.

Nazaréens est aussi employé dans l'écriture pour marquer un homme élevé en dignité, comme il est dit du patriarche Joseph, Genes. xlix. . 26. qu'il étoit nazaréen entre ses freres. On explique ce terme diversement. Les uns croient qu'il signifie celui qui est couronné, choisi, séparé, distingué, nezer en hébreu signifiant une couronne. Les septante traduisent ce terme par un chef, ou par celui qui est couronné. Le P. Calmet croit que nazir étoit un nom de dignité dans la cour des rois d'Orient. Encore aujourd'hui dans la cour du roi de Perse, selon Chardin, le nezir est le sur-intendant de la maison du roi, le premier officier de la couronne, le grand oeconome de sa maison & de ses trésors. En ce sens Joseph étoit le nazir ou le nézir de la maison de Pharaon. Calmet dictionn. de la bibl. tom. 3. pag. 21. au mot Nazaréen. (O)


NAZAREITEou NAZAREENS, s. m. pl. (Hist. ecclés.) secte d'hérétiques qui s'éleva dans les premiers siecles de l'Eglise.

Saint Epiphane nous apprend que les Nazaréens étoient entierement conformes aux Juifs dans tout ce qui avoit rapport à la doctrine & aux cérémonies de l'ancien testament. Ils n'en différoient que par la profession du christianisme, & la croyance que Jesus-Christ étoit le Messie. Ils furent aussi appellés Peratiques, parce qu'ils étoient en grand nombre à Pera ou Pella, ville de la Décapole, & Symmachiens, parce qu'ils se servoient de la version de l'écriture faite par Symmaque.

Il y a eu de deux sortes de Nazaréites ; les uns purs, qui observoient ensemble la loi de Moïse & celle de Jesus-Christ ; les autres étoient les Ebionites. Voyez EBIONITES.

Les auteurs ecclésiastiques nous apprennent que S. Matthieu prêcha l'évangile aux Juifs à Jérusalem dans leur propre langue, & dans le reste de la Palestine, & que ce fut aussi vers ce tems qu'il écrivit son évangile en hébreu. S. Epiphane ajoute, que cet évangile fut conservé entier parmi les Nazaréens. Ce Pere doute seulement s'ils n'en avoient point retranché la généalogie de Jesus-Christ, qui ne se trouvoit point dans l'exemplaire des Ebionites. S. Jerôme qui a traduit en grec & en latin l'évangile de S. Matthieu, nous dit qu'il y avoit beaucoup de gens qui prenoient l'évangile de S. Matthieu, dont les Nazaréens & les Ebionites faisoient usage, pour le vrai évangile de cet apôtre.

C'est pour cela que Baronius dit dans ses annales, que si on avoit à réformer la vulgate, ce devroit être plutôt sur l'original hebreu que sur le grec, qui n'est qu'une copie.

Casaubon traite d'impie cette opinion de Baronius, ne concevant pas comment l'autorité de la version grecque pourroit dépendre d'un texte entierement perdu. Il ajoute que jamais cet évangile n'a été d'usage que parmi les Nazaréens, les Ebionites & d'autres hérétiques, & qu'il étoit rempli de fables, ayant été altéré & corrompu par ces hérétiques. Voyez MATTHIEU.

Ces Nazaréens, quoique zelés observateurs de la loi de Moïse, avoient un très-grand mépris pour les traditions des Pharisiens. Cette secte subsista longtems en Orient. Benschonah, auteur arabe, qui a écrit la vie de Mahomet, raconte que ce faux prophete fit l'an 4 de l'hégire, de Jesus-Christ 626, la guerre aux Nazaréens ou Nadaréens, qui étoient des Juifs établis en Arabie, & les vainquit. Le P. Calmet conjecture que ces Nazaréens pourroient bien être des descendans de ces chrétiens hébraïsans qui parurent dans les premiers siecles de l'Eglise.

Nazaréen est aussi un nom que les auteurs qui ont écrit contre le christianisme ont donné par mépris & par dérision aux disciples de Jesus - Christ, & à Jesus-Christ lui-même, parce qu'il étoit de Nazareth, petite ville de la basse Galilée. (O)


NAZARETH(Géog.) ce lieu, célebre par la demeure de Jesus-Christ jusqu'aux dernieres années de sa vie, n'est plus aujourd'hui qu'un petit village composé d'une soixantaine de maisons de pauvres gens tous habillés de toile. Il est sur le penchant d'une montagne, environnée d'autres petites collines : les religieux de saint François y ont un couvent. Long. 53. 15. lat. 32. 30.

Nazareth, du tems de Jesus-Christ, étoit une petite ville de la Palestine dans la tribu de Zabulon, au couchant du Thabor, & à l'orient de Ptolémaïde. Saint Epiphane dit que de son tems Nazareth n'étoit plus qu'une bourgade, uniquement habitée par les Juifs. Nous ne manquons pas de voyageurs qui ont eu la curiosité de s'y rendre dans le dernier siecle, & qui l'ont décrite ; tels sont le pere Nau & Doubdan dans leur voyage de la Terre-sainte. Voyez aussi Coppin, Voyage de Phénicie. (D.J.)


NAZER(Histoire mod.) c'est le nom d'un des grands officiers de la cour du roi de Perse, dont la dignité répond à celle du grand-maître de sa maison.


NAZIANCE(Géog. anc.) petite ville d'Asie dans la Cappadoce, au voisinage de Césarée, dont elle fut suffragante, & depuis érigée en métropole.

Elle est illustrée dans l'Histoire ecclésiastique par toute la famille de saint Grégoire, pere, mere, fils, & fille. Saint Grégoire le pere en fut évêque & y mourut, & sainte None sa femme y fut enterrée auprès de lui. Ils eurent pour enfans, 1°. saint Grégoire fils aîné dont nous parlerons tout-à-l'heure ; 2°. saint Césaire le puîné, qui finit ses jours à Constantinople, mais dont le corps fut rapporté dans le tombeau de la sainte famille ; 3°. sainte Gorgonie leur soeur qui mourut en Isaurie.

Saint Grégoire fils aîné, surnommé saint Grégoire de Nazianze, est regardé comme un des plus doctes, & des premiers peres de l'église grecque. Il vint au monde vers l'an 328 de Jesus-Christ, fit ses études à Athènes avec saint Basile son intime ami, s'acquit ensuite une grande célébrité par sa doctrine, & mourut en 391.

Ses Oeuvres qui composent cinquante-cinq sermons ou discours, un grand nombre de lettres, & plusieurs pieces de poésie, ont été imprimées en grec & en latin à Paris en 1609, in-fol. 2 volumes. Erasme, M. Dupin, & plusieurs autres théologiens, font de grands éloges de la piété & de l'éloquence de ce pere de l'Eglise. Ils desirent cependant qu'il eût mis plus d'ordre dans sa morale, & qu'il eût évité les antithèses & similitudes trop fréquentes, les pointes & les jeux de mots ; mais ce goût de décadence étoit celui de son tems. M. de Fenelon, archevêque de Cambray, remarque, que les écoles d'Athènes étoient entierement déchues, quand saint Basile & saint Grégoire y allerent, & qu'ayant été instruits par les mauvais rhéteurs de cette ville, ils avoient été nécessairement entraînés dans le préjugé dominant sur la maniere d'écrire.

Au reste, personne n'a mieux connu que saint Grégoire de Nazianze, les abus qui regnent dans les synodes & conciles, comme on en peut juger par sa réponse à une invitation qu'on lui fit d'assister à un concile solemnel d'évêques qui devoit se tenir à Constantinople. " S'il faut (répond-il) vous écrire la vérité, je suis dans la résolution de fuir toute assemblée d'évêques, parce que je n'ai jamais vû aucun synode qui ait eu un bon succès, & qui n'ait plutôt augmenté le mal que de le diminuer ; l'esprit de dispute & celui de domination (croyez que j'en parle sans fiel) y sont plus grands qu'on ne sauroit l'exprimer ; " mais les paroles originales valent bien mieux que ma traduction : les voici. , &c. Ep. lv. tom. I. pag. 814. B.

Il falloit que le mal fût alors bien grand dans les assemblées ecclésiastiques, car on trouve les mêmes protestations & les mêmes plaintes de S. Grégoire répétées ailleurs avec encore plus de force. " Jamais (dit-il dans une de ses poésies) je ne me trouverai dans aucun synode ; on n'y voit que division, que querelles, que mysteres honteux, qui éclatent dans un même lieu, avec des hommes que la fureur domine ".


NAZIERES. f. terme de Pêche, c'est un lieu où l'on tend des nazes pour prendre du poisson.


NAZIou NEZIR, s. m. (Hist. anc.) terme de dignité ou d'honneur parmi les anciens hébreux. Le patriarche Jacob, dans les dernieres bénédictions qu'il donne à Joseph son fils bien aimé, lui dit : que les bénédictions de votre pere viennent sur la tête de Joseph, sur la tête de celui qui est comme le nazir de ses freres. Genes. xlix. 26. Ce même mot nazir signifie une couronne, ou celui qui est couronné, honoré, séparé, choisi, distingué. Dans l'Orient, selon Chardin, nesir est un nom de dignité, il signifie le surintendant général de la maison du roi de Perse ; c'est le premier officier de sa couronne, le grand économe de son domaine, de sa maison, & de ses trésors. Il a l'inspection sur les officiers de la maison du roi, sur sa table, sa garde, ses pensions : c'est-à-peu près ce que les anciens Perses appelloient les yeux du roi, selon Xénophon Cyroped. liv. VIII. Moyse donne aussi à Joseph le nom de nazir dans le Deutéronom. xxxiij. 16. peut-être parce que ce patriarche avoit eu la principale part dans le gouvernement de l'Egypte. Calmet, Dictionnaire de la Bible, tom. III. pag. 22. (G)


NÉA(Géog. anc.) nom, 1°. d'une ville d'Egypte, au voisinage de la ville de Chemnis ; 2°. d'une ville de la Troade selon Pline, liv. II. chap. 96. 3°. d'une île de la mer Egée, entre Lemnos & l'Hélespont ; 4°. d'une ville de Sicile, que Pline & Cicéron appellent Netini : quelques-uns croient que c'est aujourd'hui Notir, & d'autres que c'est Ninir.


NEAETHUS(Géog. anc.) fleuve de la grande Grece, dans le territoire de Crotone, & qui avoit son embouchure dans le golfe de même nom : Théocrite en parle, & Ovide le surnomme Salentinum.


NÉANEou NÉYN, ou NYN, (Géog.) riviere d'Angleterre. Elle a sa source dans le Northamptonshire qu'elle traverse. Voyez NEYN. (D.J.)


NÉANTRIEN, ou NÉGATION, (Métaphys.) suivant les philosophes scholastiques, est une chose qui n'a point d'être réel, & qui ne se conçoit & ne se nomme que par une négation.

On voit des gens qui se plaignent qu'après tous les efforts imaginables pour concevoir le néant, ils n'en peuvent venir à bout. Qu'est-ce qui a précédé la création du monde ? qu'est-ce qui en tenoit la place ? Rien. Mais le moyen de se représenter ce rien ? Il est plus aisé de se représenter une matiere éternelle. Ces gens-là font des efforts là où il n'en faudroit point faire, & voilà justement ce qui les embarrasse, ils veulent former quelque idée qui leur représente le rien ; mais comme chaque idée est réelle, ce qu'elle leur représente est aussi réel. Quand nous parlons du néant, afin que nos pensées se disposent conformément à notre langage, & qu'elles y répondent, il faut s'abstenir de représenter quoi que ce soit. Avant la création Dieu existoit ; mais qu'est-ce qui existoit, qu'est-ce qui tenoit la place du monde ? Rien ; point de place ; la place a été faite avec l'univers qui est sa propre place, car il est en soi-même, & non hors de soi-même. Il n'y avoit donc rien ; mais comment le concevoir. Il ne faut rien concevoir. Qui dit rien déclare par son langage qu'il éloigne toute réalité ; il faut donc que la pensée pour répondre à ce langage écarte toute idée, & ne porte son attention sur quoi que ce soit de représentatif ; à la vérité on ne s'abstient pas de toute pensée, on pense toujours ; mais dans ce cas-là penser c'est sentir simplement soi-même, c'est sentir qu'on s'abstient de se former des représentations.

NEANT, (Jurisprud.) est un terme de pratique qui sert à exprimer qu'une procédure est rejettée ; les cours souveraines mettent l'appellation au néant quand elles confirment la sentence dont est appel ; quand elles l'infirment, elles mettent l'appellation & ce au néant. En matiere du grand criminel elles ne mettent pas au néant, elles prononcent qu'il a été bien jugé, mal & sans grief appellé ; les juges inférieurs ne peuvent pas se servir de ces termes, au néant, ils doivent seulement prononcer par bien ou mal jugé.

Au conseil du roi, quand une requête en cassation est rejettée, on met sur la requête néant. Voyez APPEL, INFIRMER, SENTENCE. (A)


NÉAPOLIS(Géog. anc.) il y a plusieurs villes de ce nom dans les anciens auteurs, 1°. Néapolis en Macédoine ; 2°. Néapolis ville de la Carie ; 3°. Néapolis ville de Grece en Ionie selon Strabon, entre Samos & Ephèse ; 4°. Néapolis ville d'Asie dans l'Isaurie selon Suidas ; 5°. Néapolis ville d'Egypte dans la Thébaïde ; 6°. Néapolis ville de la Pisidie ; 7°. Neapolis ville de l'île de Sardaigne sur la côte occidentale ; 8°. Néapolis ville de la Colchide ; 9°. Néapolis ville de la Cyrenaïque ; 10°. Néapolis ville de l'Asie propre dans la Lydie ou dans la Moeonie : voilà les principales. (D.J.)

NEAPOLIS, (Géog. anc.) ville de Macédoine où saint Paul arriva en venant de l'île de Samothrace, & alla de-là à Philippes : cette ville qui est toute voisine des frontieres de la Thrace, se nomme aujourd'hui Napoli. Voyez NAPOLI.


NÉAPOLITAINonguent, (Matiere méd.) c'est un des noms qu'on donne à l'onguent mercuriel. Voyez sous le mot MERCURE.


NÉASTRONmot barbare inventé par Paracelse, par lequel il veut exprimer le mouvement des quatre élémens dans les corps élémentés, c'est-à-dire dans les corps qui résultent de leur combinaison, d'où il arrive que les élémens s'étant répandus, divisés en rameaux & fixés dans certains endroits, il y a des parties qui sont exposées au néastron ou mouvement du feu ; d'autres au néastron de l'eau, de l'air, de la terre, &c. Paracelse a aussi employé ce mot pour signifier la maladie des élémens. Voyez la table 9e. de generat. febr. & Castell. lexic.


NÉATH(Géog.) petite ville ou bourg d'Angleterre dans le Glamorganshire, sur la riviere de même nom à la gauche, & près de Landaff : quelques savans croient que c'est l'ancienne Nidum, cité des Silures. Long. 14. 25. lat. 51. 22.

NEATH, (Géog.) riviere d'Angleterre ; elle a sa source dans le South-Walles, traverse Glamorganshire, mouille la ville de Néath, & va se jetter un peu au-dessous dans le canal de saint George.


NÉBAHAS(Histoire de l'Idolâtr.) idole des Hévéens, dont il est parlé au liv. IV. des Rois xvij. 31. Porro Hevoei fecerunt Nebahae & Tarthoe ; les rabbins croient que cette idole étoit taillée comme l'Anubis des Egyptiens. (D.J.)


NEBELS. m. (Hist. anc.) mesure hébraïque qui contenoit trois bathes, c'est-à-dire quatre-vingt-sept pintes, chopine, demi-septier, deux pouces cubes & cette fraction 15536/704969 de pouces, mesure de Paris ; suivant l'évaluation qu'en donne le pere Calmet, à la tête de son Dictionnaire de la Bible. (G)


NEBELLOCH(Hist. nat.) ce mot est allemand, il signifie trou des brouillards. On nomme ainsi une caverne fameuse située dans le duché de Wirtemberg, près de la ville de Pfullingen ; on y voit un grand nombre de stalactites & de concrétions pierreuses, à qui l'imagination fait attribuer des formes que la nature n'a fait qu'ébaucher grossierement. Cette caverne a beaucoup d'étendue & ressemble beaucoup à celle de Baumann & aux autres grottes remplies de concrétions. Voyez GROTTE. (-)


NÉBOvoyez NABO.


NÉBOUZAN LE(Géog.) petit pays du gouvernement de Guienne dans la Gascogne, le long du pays de Comminges ; Saint-Gaudens en est la capitale, les états du pays s'y tiennent.


NÉBRISSou NABRISSA, (Géog. anc.) ville d'Espagne dans la Betique, sur la branche orientale du Betis ; mais cette branche s'étant bouchée avec le tems, Nébrissa se trouve aujourd'hui à deux lieues du fleuve Guadalquivir ; on la nomme maintenant Lébrixa. Voyez ce mot. (D.J.)


NEBRITESS. f. (Hist. nat.) nom que les anciens donnoient à une pierre dont on ne connoît point la nature ; on nous apprend seulement qu'elle étoit rougeâtre ou d'un jaune brun comme la peau de faunes ou satyres, & qu'elle étoit consacrée à Bacchus : cependant Pline dit que cette pierre étoit noire.


NÉBRODES(Géog. anc.) montagne de la Sicile ; Strabon écrit Neurodes. Silius Italicus fait mention de cette montagne en ces termes :

Nebrodes gemini nutrit divortia fontis,

Quo mons Sicaniae non surgit ditior umbrae.

(D.J.)


NÉBULÉadj. en terme de Blason, se dit d'un écusson chargé de plusieurs petites figures en forme de nuées qui passent les unes dans les autres, ou quand la ligne extérieure d'une bordure ou d'une piece est dentelée ou ondée.

Girolami à Florence, coupé nébulé d'argent & de gueules.


NÉBULEUXadj. il se dit du ciel lorsqu'il est obscurci par des nuages.

NEBULEUX, s. m. (Astronom.) terme qu'on applique dans l'Astronomie à quelques étoiles fixes, d'une lumiere pâle & obscure ; elles sont plus petites que celles de la sixieme grandeur, & par conséquent difficiles à distinguer à la vûe simple ; tout-au-plus on les voit comme de petits nuages, ou de petites taches obscures.

Avec un médiocre télescope ces nébuleuses se voient facilement ; elles paroissent d'une matiere à peu-près semblable à la voie lactée ou galaxie. Voyez ÉTOILE & GALAXIE.

Dans la nébuleuse appellée praesepe, qui est à la poitrine du cancer, on a compté jusqu'à trente-six petites étoiles, dont il y en a trois que M. Flamsteed a mis dans son catalogue. Voyez CANCER.

Dans la nébuleuse d'orion on en a compté vingt-une. Le pere le Comte ajoute, que dans la constellation des pleïades il y en a quarante ; douze dans l'étoile du milieu de l'épée d'orion ; cinq cent dans l'étendue de deux degrés de la même constellation, & deux mille cinq cent dans la constellation entiere. Chambers.

En se servant de lunettes plus fortes que les lunettes ordinaires, on a découvert que du-moins plusieurs de ces apparences, non-seulement n'étoient point causées par ces amas d'étoiles qu'on avoit imaginés, mais même n'en renfermoient aucune, & ne paroissoient être que de grandes aires ovales, lumineuses, ou d'une lumiere plus claire que celle du ciel. Hevelius a donné une table des nébuleuses, ou taches répandues dans le ciel. M. de Maupertuis, dans son discours sur les différentes figures des astres, a proposé une nouvelle conjecture sur ce sujet. Selon lui, il peut y avoir dans les cieux des masses de matiere, soit lumineuses, soit réfléchissant la lumiere, dont les formes sont des sphéroïdes de toutes especes, les uns approchant de la sphéricité, les autres fort applatis. De tels astres, dit-il, doivent causer des apparences semblables à celles dont il s'agit. Il ne décide point si la matiere dont ces corps sont formés est aussi lumineuse que celle des étoiles, & si elle ne brille moins que parce qu'elle est plus éloignée. On ne peut pas non plus s'assurer si les astres, qui forment ces taches, sont plus ou moins éloignés que les étoiles fixes. L'immensité des cieux offre, & offrira encore dans la suite des siecles, matiere à des observations perpétuelles, & à des conjectures sans fin. Mais il y aura toujours une infinité de choses qu'on ne pourra pousser au-delà de la conjecture. L'éloignement prodigieux de tout ce qui est au-delà des planetes, ne sera probablement jamais surmonté par aucun instrument, & toute l'industrie des hommes ne viendra pas à bout de rapprocher les étoiles fixes, & les objets qui sont à-peu-près dans la même région, au point de déterminer quelque chose de précis sur leur grandeur, leur figure, & leur éloignement. Au fond, à n'envisager les découvertes que du côté de l'utilité, le malheur n'est pas grand. Ce qui est le plus à notre portée en tout genre, est en même tems, par une sage disposition, ce qui est le plus intéressant, & nos lumieres sont reglées sur nos besoins. On ne sauroit pourtant trop estimer ces hommes, qui s'élevant audessus de notre sphere, semblent vouloir embrasser tout l'univers. Article de M. FORMEY.


NEBULGENmot arabe, ou de la composition de Paracelse, par lequel il désignoit un sel concret formé de l'humidité du brouillard qui tomboit & se ramassoit sur une pierre, & qui étoit condensé ensuite par la chaleur du soleil. Paracels. schol. in libr. de grad. & compos. Castell. lexic. Cette espece de sel, supposé que c'en fût réellement une, est aujourd'hui dans l'oubli ; & l'on ne voit plus les pierres chargées de pareilles crystallisations : Paracelse nous en a laissé ignorer la nature, les qualités, & les usages.


NÉCANÉESS. f. pl. (Comm. des Indes) ce sont des toiles rayées de bleu & blanc, qui se fabriquent dans les Indes orientales ; il y en a de larges & d'étroites. Les larges qu'on nomme nécanées-brouard, ont onze aunes de long sur trois quarts de large. Les étroites qu'on appelle nécanées-naron, ont dix aunes sur deux tiers. Dict. du Comm. (D.J.)


NÉCAUS(Géog.) ancienne ville d'Afrique au royaume d'Alger, dans la province de Bugie sur les confins de la Numidie. Ptolémée, l. IV. c. iij. la nomme Vaga ; elle est à 20 lieues de Tetztéza, 50 de Constantine. Long. 21. 45. lat. 35. 20. (D.J.)


NÉCESSAIREadj. (Métaphysiq.) nécessaire, ce dont le contraire est impossible & implique contradiction. L'être en général & considéré par abstraction est nécessaire ; car les essences ne sauroient cesser d'être possibles, & elles sont immuables. Tout ce que l'on démontre des nombres dans l'Arithmétique, & des figures dans la Géométrie, convient nécessairement aux nombres & aux figures. La source de cette nécessité se trouve dans l'unique déterminabilité dont les choses nécessaires sont susceptibles. Voici ce qu'il faut entendre par cette expression : une chose nécessaire, qui est d'une certaine maniere, ne peut jamais être d'une maniere opposée ; toute détermination contraire à sa détermination actuelle implique. Un triangle rectiligne a ses trois angles égaux à deux droits ; cela est vrai aujourd'hui, cela le sera éternellement, & le contraire n'aura jamais lieu. Au lieu qu'une chose contingente est déterminée à-présent d'une maniere, un instant après d'une autre, & passe par de continuels changemens.

Il faut bien prendre garde à ne pas confondre la nécessité d'essence avec celle d'existence. Pour que la derniere ait lieu, il faut que l'être nécessaire ait en soi-même la raison suffisante de son existence. La possibilité nécessaire des essences n'influe en rien sur leur actualité. Un homme n'existe pas, parce qu'il répugneroit à l'homme de ne pas exister ; mais l'être nécessaire, c'est-à-dire Dieu, existe, parce qu'il est Dieu, & qu'il impliqueroit qu'il n'existât pas.


NÉCESSITANTadj. (Théologie) terme dogmatique qui contraint & qui ôte la liberté. Ainsi, s'il y avoit une grace nécessitante, la créature n'auroit plus de mérite ; si la grace pouvoit manquer son effet, elle ne seroit plus efficace : c'est par quelque tour de main particulier, que nous n'avons pas encore bien saisi, que l'action de Dieu sur la créature a son effet assuré sans nuire à la liberté.


NÉCESSITÉS. f. (Métaphysiq.) Nécessité, c'est en général ce qui rend le contraire d'une chose impossible, quelle que soit la cause de cette impossibilité. Or, comme l'impossibilité ne vient pas toûjours de la même source, la nécessité n'est pas non plus partout la même. On peut considérer les choses, ou absolument en elles-mêmes, & en ne faisant attention qu'à leur essence ; ou bien on peut les envisager sous quelque condition donnée qui, outre l'essence, suppose d'autres déterminations qui ne sont pas un résultat inséparable de l'essence, mais aussi qui ne lui répugnent point. De ce double point de vûe résulte une double nécessité ; l'une absolue, dont le contraire implique contradiction en vertu de l'essence même du sujet ; l'autre hypothétique, qui ne fonde l'impossibilité que sur une certaine condition. Il est absolument nécessaire que le parallélograme ait quatre côtés, & qu'il soit divisible par la diagonale en deux parties égales : le contraire implique en tout tems, aucune condition ne sauroit le rendre possible. Mais si ce parallélograme est tracé sur du papier, il est hypothétiquement nécessaire qu'il soit tracé, la condition requise pour cet effet ayant eu lieu : cependant il n'impliqueroit pas qu'il eût été tracé sur du parchemin, ou même qu'il ne l'eût point été du-tout. La certitude, l'infaillibilité de l'événement suivent de la nécessité hypothétique, tout comme de la nécessité absolue.

On confond d'ordinaire la nécessité avec la contrainte : néanmoins la nécessité d'être homme n'est point en Dieu une contrainte, mais une perfection. En effet la nécessité, selon M. de la Rochefoucault, differe de la contrainte, en ce que la premiere est accompagnée du plaisir & du penchant de la volonté, & que la contrainte leur est opposée. On distingue encore dans l'école, nécessité physique & nécessité morale, nécessité simple & nécessité relative.

La Nécessité physique est le défaut de principes ou de moyens naturels nécessaires à un acte, on l'appelle autrement impuissance physique ou naturelle.

Nécessité morale signifie seulement une grande difficulté, comme celle de se défaire d'une longue habitude. Ainsi on nomme moralement nécessaire ce dont le contraire est moralement impossible, c'est-à-dire, sauf la rectitude de l'action ; au lieu que la nécessité physique est fondée sur les facultés & sur les forces du corps. Un enfant, par exemple, ne sauroit lever un poids de deux cent livres, cela est physiquement impossible ; au lieu que la nécessité morale n'empêche point qu'on ne puisse agir physiquement d'une maniere contraire. Elle n'est déterminée que par les idées de la rectitude des actions. Un homme à son aise entend les gémissemens d'un pauvre qui implore son assistance. Si le riche a l'idée de la bonne action qu'il fera en lui donnant l'aumône, je dis qu'il est moralement impossible qu'il la lui refuse, ou moralement nécessaire qu'il la lui donne.

Nécessité simple est celle qui ne dépend point d'un certain état, d'une conjoncture, ou d'une situation particuliere des choses, mais qui a lieu par-tout & dans toutes les circonstances dans lesquelles un agent peut se trouver. Ainsi c'est une nécessité pour un aveugle de ne pouvoir distinguer les couleurs.

Nécessité relative est celle qui met un homme dans l'incapacité d'agir ou de ne pas agir en certaines circonstances ou situations dans lesquelles il se trouve, quoiqu'il fût capable d'agir ou de ne pas agir dans une situation différente.

Telle est, dans le système des Jansénistes, la nécessité où se trouve un homme de faire le mal lorsqu'il n'a qu'une foible grace pour y résister, ou la nécessité de faire le bien dans un homme qui, ayant sept ou huit degrés de grace, n'en a que deux ou trois de concupiscence.

NECESSITE, (Mythol.) divinité allégorique qui tenoit tout l'univers, les dieux, & Jupiter même asservis sous son empire. De-là vient qu'elle est souvent prise chez les poëtes pour le destin à qui tout obéit ; c'est en ce sens qu'ils ont dit que les Parques étoient les filles de la fatale Nécessité. Pausanias rapporte qu'il y avoit dans la citadelle de Corinthe un petit temple dédié à la Nécessité & à la Violence, dans lequel il n'étoit permis à personne d'entrer qu'aux prêtres de ces déesses. On représentoit la Nécessité accompagnée de la fortune, ayant des mains de bronze dans lesquelles elle tenoit des chevilles & des coins. (D.J.)


NECHIASEN(Médecine) C'est un terme paracelsique dont la signification n'est pas bien déterminée : le sentiment le plus reçu est que Paracelse donnoit ce nom à des particules salines, corrosives, & qui s'étendoient en rongeant. Il paroît qu'il l'emploie dans ce sens : de ulcer. apostem. sironib. & nod. lib. I. cap. v. On trouve assez souvent dans cet auteur de ces termes ou nouveaux, ou étrangers dans sa langue, par le moyen desquels il se rend inintelligible. C'est un reste de langage mystérieux familier aux Alchimistes ; les commentateurs sont fort embarrassés à deviner le sens de la plûpart de ces mots bisarres, tels que nesder, necro-astral, nedeon, &c. &c. Dornaeus, un des plus célebres, avoue ingénuement là-dessus son insuffisance. Voyez ses notes sur le Dictionnaire de Roland. Castellus croit que le mot nedeon signifie dans Paracelse la propriété essentielle, spécifique de chaque être naturel.


NECHILOTH(Critiq. sacrée) ce terme hébreu signifie danse. Il se trouve à la tête du cinquieme pseaume. Il est adressé au maître qui présidoit ou sur les danses qu'on faisoit chez les Juifs dans certaines cérémonies religieuses, ou à la bande des musiciens qui jouoient de la flûte. (D.J.)


NECIUM(Géog. anc.) c'est un des noms latins que l'on donne à la ville d'Anneci dans les états du roi de Sardaigne, en Savoye.


NECKEou NECKAR, (Géog.) les François disent Nècre ; grande riviere d'Allemagne qui en reçoit plusieurs autres dans son cours : elle a sa source dans la Forêt-noire, & se jette dans le Rhin au-dessous de Manheim.


NECKERS-GÉMUND(Géog.) petite ville d'Allemagne dans le Palatinat du Rhin, sur le Necker. Long. 27. 30. lat. 49. 26.


NECKERS-ULM(Géog.) petite ville d'Allemagne en Franconie, sur le Necker, entre Hailbron & Wimpfen. Elle appartient au grand maître de l'ordre teutonique. Long. 26. 40. lat. 49. 26. (D.J.)


NECROLOGES. m. (Hist. mod.) livre mortuaire dans lequel on écrit les noms des morts. Ce mot est formé du grec , mort, & de , discours. Les premiers chrétiens avoient dans chaque église leur necrologe, où ils marquoient soigneusement le jour de la mort de leurs évêques. Les moines en ont eu & en ont encore dans leur monastere. On a donné aussi le nom de necrologe aux catalogues des saints, où le jour de leur mort & de leur mémoire est marqué ; &, à parler exactement, ce nom leur convient mieux que celui de martyrologe qu'on donne communément à ces sortes de recueils, puisque tous ceux dont il y est fait mention ne sont pas morts martyrs. Il faut cependant croire que la dénomination de martyrologe a prévalu, parce que dans les premiers tems les Chrétiens n'inscrivoient sur ces registres que les noms de ceux qui étoient morts pour la foi ; & que, dans la collection qui en a été faite depuis, on y a ajouté ceux des autres personnages qui s'étoient distingués par la sainteté de leur vie. (G)


NÉCROMANCIES. f. sorte de divination, par laquelle on prétendoit évoquer les morts pour les consulter sur l'avenir, par le ministere des démons qui faisoient rentrer les ames des morts dans leurs cadavres, ou faisoient apparoître à ceux qui les consultoient leur ombre ou simulacre. L'histoire de Saül si connue prouve l'existence & la réalité de la nécromancie. Elle étoit fort en usage chez les Grecs & surtout chez les Thessaliens. Ils arrosoient de sang chaud le cadavre d'un mort, & prétendoient qu'ensuite il leur donnoit des réponses certaines sur l'avenir. Ceux qui les consultoient devoient auparavant avoir fait les expiations prescrites par le magicien qui présidoit à cette cérémonie, & sur-tout avoir appaisé par quelque sacrifice les mânes du defunt qui, sans ces préparatifs, demeuroit constamment sourd à toutes les questions qu'on pouvoit lui faire. On sent assez par tous ces préliminaires combien de ressources & de subterfuges se préparoient les imposteurs qui abusoient de la crédulité du peuple.

Delrio qui a traité fort au long de cette matiere, distingue deux sortes de nécromancie. L'une qui étoit en usage chez les Thébains, & qui consistoit simplement dans un sacrifice & un charme, ou enchantement, incantatio. On en attribue l'origine à Tirésias. L'autre étoit pratiquée par les Thessaliens avec des ossemens, des cadavres, & un appareil tout-à-fait formidable. Lucain, liv. VI. en a donné une description fort étendue, dans laquelle on compte trente-deux cérémonies requises pour l'évocation d'un mort. Les anciens ne condamnoient d'abord qu'à l'exil ceux qui exerçoient cette partie de la magie ; mais Constantin décerna contre eux peine de mort. Tertullien, dans son livre de l'ame, dit qu'il ne faut pas s'imaginer que les magiciens évoquâssent réellement les ames des morts, mais qu'ils faisoient voir à ceux qui les consultoient des spectres ou des prestiges, ce qui se faisoit par la seule invocation ; ou que les démons paroissoient sous la forme des personnes qu'on desiroit de voir, & cette sorte de nécromancie ne se faisoit point sans effusion de sang. D'autres ajoutent que ce que les magiciens & les prêtres des temples des mânes évoquoient n'étoit proprement ni le corps ni l'ame des défunts, mais quelque chose qui tenoit le milieu entre le corps & l'ame, que les Grecs appelloient , les Latins simulacrum, imago, umbra tenuis. Ainsi quand Patrocle prie Achille de le faire enterrer, c'est afin que les images légeres des morts, , ne l'empêchent pas de passer le fleuve fatal. Ce n'étoient ni l'ame ni le corps qui descendoient dans les champs Elysées, mais ces idoles. Ulysse voit l'ombre d'Hercule dans les champs Elysées, pendant que ce héros est lui-même dans l'olympe avec les dieux immortels. Delrio, lib. IV. pag. 540. & 542. Mém. de l'acad. des Belles-Lettres, tom. VII. pag. 30.

Delrio remarque encore qu'on entend de la nécromancie ce passage du Psalmiste, pseaume cv. v. 28. comederunt sacrificia mortuorum. Un auteur moderne en tire l'origine de cette espece de divination. Nous transcrirons ce qu'il en dit de principal, en renvoyant pour le reste le lecteur à l'histoire du ciel, tome premier, pag. 492, 494, &c.

" Dans les anciennes cérémonies des funérailles, dit M. Pluche, on s'assembloit sur un lieu élevé & remarquable. On y faisoit une petite fosse pour consumer par le feu les entrailles des victimes. On faisoit couler le sang dans la même fosse. Une partie des chairs étoit présentée aux ministres des sacrifices. On faisoit cuire & on mangeoit le reste des chairs immolées en s'asseyant autour du foyer. Dans le paganisme, tout ce cérémonial s'augmenta, & fut surchargé d'une infinité de cérémonies dans toutes les fêtes de religion ; mais pour les assemblées mortuaires rien n'y changea. Les familles, en enterrant leurs morts, étoient accoutumées à une rubrique commune qui se perpétua. On continua dans le sacrifice des funérailles à faire une fosse, à y verser du vin, de l'huile, ou du miel, ou du lait, ou d'autres liqueurs d'usage, à y faire couler ensuite le sang des victimes, & à les manger ensemble en s'asseyant autour de la fosse, & en s'entretenant des vertus de celui qu'on regrettoit.

La facilité étrange avec laquelle on divinisoit les moindres parties de l'univers, donne lieu de concevoir comment on prit l'habitude d'adresser des prieres, des voeux, & un culte religieux à des morts qu'on avoit aimés, dont on célébroit les louanges, & qu'on croyoit jouir des lumieres les plus pures après s'être dépouillés avec le corps des foiblesses de l'humanité. Tous les peuples, en sacrifiant soit aux dieux qu'ils s'étoient faits, soit aux morts dont la mémoire leur étoit chere, croyoient faire alliance avec eux, s'entretenir avec eux, manger avec eux familierement. Mais cette familiarité les occupoit sur-tout dans les assemblées mortuaires, où ils étoient encore pleins du souvenir des personnes qu'ils avoient tendrement aimées, & qu'ils croyoient toûjours sensibles aux intérêts de leur famille & de leur patrie.

La persuasion où l'on étoit que par les sacrifices on consultoit les dieux, on les interrogeoit sur l'avenir, entraîna celle que dans les sacrifices des funérailles on consultoit aussi les morts. Les cérémonies de ces sacrifices mortuaires, quoiqu'elles ne fussent que la simple pratique des assemblées des premiers tems, se trouvant en tout point différentes de celles qu'on observoit dans les autres fêtes, parurent être autant de façons particulieres de converser avec les morts, & d'obtenir d'eux les connoissances qu'on desiroit. Qui pouvoit douter, par exemple, que ce ne fût pour converser familierement avec ses anciens amis, qu'on s'asseyoit autour de la fosse, où l'on avoit jetté l'huile, la farine, & le sang de la victime immolée en leur honneur ? Pouvoit-on douter que cette fosse, si différente des autels élevés vers le ciel, ne fût une cérémonie convenable & particulierement affectée aux morts ? Après le repas pris en commun & auquel on supposoit que les ames participoient, venoit l'interrogation ou l'évocation particuliere de l'ame pour qui étoit le sacrifice, & qui devoit s'expliquer : mais comment s'expliquoit-elle ?

Les prêtres, continue le même auteur, parvinrent aisément à entendre les morts & à être leurs interpretes. Ils en firent un art dont l'article le plus nécessaire comme le plus conforme à l'état des morts, étoient le silence & les ténebres. Ils se retiroient dans des antres profonds, ils jeûnoient & se couchoient sur des peaux des bêtes immolées, de cette maniere & de plusieurs autres, ils s'imaginoient apprendre de la bouche même des morts les choses cachées ou futures ; & ces folles pratiques répandirent par-tout cette folle persuasion qui s'entretient encore parmi le peuple, qu'on peut converser avec les morts, & qu'ils viennent souvent nous donner des avis : & de-là la nécromancie, mot tiré du grec, & formé de , un mort, & de , divination.

C'est ainsi, conclut le même auteur, que l'opinion des hommes sur les morts & sur les réponses qu'on en peut recevoir, ne sont qu'une interprétation littérale & grossiere qu'on a donnée à des signes très-simples, & à des cérémonies encore plus simples qui tendoient à s'acquiter des derniers devoirs envers les morts ". Hist. du ciel, tome premier, pag. 492, 494, 495, 496, 498, 500 & 502. (G)


NÉCROPOLIS(Géog. anc.) c'est-à-dire, la ville des cadavres. Ce nom, selon Strabon, liv. XVII. fut donné à une espece de fauxbourg de la ville d'Alexandrie en Egypte. Il y avoit dans cet endroit quantité de tombeaux & de maisons, où l'on trouvoit les choses propres pour embaumer les corps morts.


NÉCROPYLA SINUS(Géog. anc.) golfe qui borde à l'occident la Chersonese taurique, dans la côte septentrionale du Pont-Euxin ; le Boristhène, le Bogu, & le Damastris s'y jettent.


NECROSES. f. en Médecine, mortification complete de quelque partie. C'est la même chose que sidération & sphacele. Voyez GANGRENE & SPHACELE.

Ce mot est tout grec, , qui signifie mortification, parce que la partie sphacelée est corrompue & privée de vie. (Y)


NÉCROTHALASSA(Géog. anc.) golfe ou port que la mer fait sur la côte de l'île de Corfou, du côté de l'ouest, dans la vallée des Saints. Ce port étoit autrefois fort profond, & capable de contenir 200 galeres ; mais à-présent il est rempli de sable, & par conséquent inutile. Son nom grec Nécrotalassa, qui veut dire mer-morte, lui convient parfaitement, car il ne sert plus que d'étang où l'on tient quantité de poisson.


NECTARS. m. (Mythol.) c'est la boisson des dieux, quoiqu'en dise Sapho, qui la prend pour le manger de la cour céleste ; mais Homere mieux instruit sur ce sujet que la muse de Lesbos, fait toujours du nectar le breuvage des déités. Il donne d'ordinaire l'épithete de rouge à celui que Ganymede versoit au maître du tonnerre. Hébé en servoit aux autres divinités. Festus l'appelle murrhina potio ; il falloit bien que ce fût un breuvage délicieux, car ce mot a été ensuite employé métaphoriquement par les Poëtes de toutes les nations, pour désigner les plus excellentes liqueurs. Quand on faisoit à Rome l'apothéose de quelqu'un, on disoit qu'il buvoit déja le nectar dans la coupe des dieux. Enfin je ne sais pas ce que c'est que cette liqueur délicate, ce vinum pigmentatum, & pour mieux dire ce nectar que buvoient autrefois au réfectoire les moines de l'ordre des Chartreux ; mais je trouve que les statuts de l'an 1368, part. II. ch. 5. §. 30, leur en défendent l'usage à l'avenir ; & en effet ils ne le connoissent plus. (D.J.)


NECTARIUM(Botan.) ce terme désigne ordinairement une partie de la couronne de la fleur corollae, & très-rarement toute la couronne de la fleur. C'est la partie destinée à recevoir le suc mielleux de la plante ; elle est quelquefois faite en fossette, en tube, en écaille ou en tubercule.


NÉCUNES. f. (Comm.) monnoie qui a cours sur les côtes des Indes orientales, entre l'île à Vache & celle du Tigre. 30 nécunes valent 420 piastres d'Espagne.


NÉCUSIESS. f. pl. (Antiq. grecq.) ou ; fête solemnelle qu'on célébroit à Athènes & dans plusieurs autres villes de la Grece, en l'honneur des morts, pendant le mois Antistérion. Les Romains emprunterent des Grecs le culte qu'ils rendirent aux morts, & ce culte a passé dans d'autres religions. (D.J.)


NÉCYOMANTIES. f. (Magie) divination par les évocations des ames des morts. On ne peut douter que ces évocations n'eussent un rit & des cérémonies religieuses qui leur étoient propres. Les anciens ne les ont point décrites, mais il est probable qu'elles ressembloient à celles qu'Ulysse emploie dans la nécyomantie de l'Odyssée. Homere, si attentif à se conformer aux usages anciens, n'aura pas violé le costume dans cette seule occasion.

On peut encore supposer que les cérémonies usitées dans ces évocations, ressembloient à celles qui s'observoient aux sacrifices funebres, & dans ceux qui étoient destinés à honorer les héros : car les uns & les autres étoient désignés par un même mot.

Il y avoit un oracle des morts, , établi dans la Thesprotie, sur les bords du fleuve Acheron : c'est cet oracle de la Thesprotie qui avoit donné à Homere l'idée de la nécyomantie de l'Odyssée, & c'étoit de là qu'il prit le nom des fleuves infernaux. Plutarque nous a fourni quatre exemples d'évocations des ames des morts, faites avec une certaine authenticité ; mais il n'accompagne ce qu'il en dit d'aucune réflexion qui fasse présumer que l'usage subsistoit encore lorsqu'il écrivoit.

Il seroit très-possible que les premiers habitans de la Grece eussent imaginé l'espece de divination dans laquelle on évoquoit les ames des morts ; car on l'a trouvée établie chez diverses nations sauvages de l'Afrique ; cependant il est vraisemblable qu'elle avoit été portée dans la Grece par les mêmes colonies orientales qui établirent dans ce pays le dogme du partage de l'administration de l'univers entre différentes divinités à qui l'on donnoit des attributs distingués, & qu'on invoquoit en particulier par un culte & par des cérémonies différentes. Hérodote nous apprend qu'avant l'arrivée des colonies orientales ce partage n'avoit point lieu dans la religion des anciens Pélasges ; ils reconnoissoient à la vérité plusieurs divinités qu'ils nommoient , ou auteurs de l'arrangement de l'univers ; mais ils les adoroient & les invoquoient tous-à-la-fois, & sans les séparer. Voyez les observations de M. Freret sur cet article, dans les Mem. de Littérat. tome XXIII. in -4° (D.J.)


NEDA(Géog. anc.) en grec , fleuve qui, selon Pausanias liv. IV. ch. xx. prend la source au mont Lycée, traverse l'Arcadie, & sépare les Messéniens des Eléens du côté de la mer. Cet historien ajoute que la jeunesse de Phigadée alloit dans certains jours se couper les cheveux sur les bords du Néda, pour les lui consacrer, car c'étoit un usage assez commun en Grece de vouer ses cheveux à quelque fleuve, Une coutume bien plus singuliere, étoit celle que les jeunes filles de Troie & des environs faisoient de leur virginité au fleuve Scamandre, en venant se baigner dans ses eaux la veille de leurs noces. Si vous en doutez, voyez l'article SCAMANDRE. (D.J.)


NEDIUM-SCHETTIS. m. (Hist. nat. Botan.) nom d'un arbrisseau baccifere qui croît aux Indes orientales ; on le fait bouillir dans de l'huile, & l'on en prépare ainsi un onguent qu'on dit être bienfaisant dans les maladies prurigineuses.


NÉDROMA(Géog.) ou Ned-roma ; ancienne ville d'Afrique au royaume de Trémécen, bâtie par les Romains dans une plaine, à deux grandes lieues du mont Atlas, & à quatre de la mer. Les interpretes de Ptolémée, liv. IV. ch. ij. disent que c'est l'ancienne Célama, & la mettent à 12d. 10'. de longit. sous les 33d. 20'. de lat. (D.J.)


NÉEHETE(Géog.) ou Nèthe, riviere des Pays-Bas dans le Brabant. Elle se divise en grande & en petite, qui se joignent ensemble depuis Liere, & ne forment alors qu'une même riviere qui se perd dans la Dyle.


NÉERE(Géog.) ou Nerre, petite riviere de France qui arrose la Sologne, & qui va se joindre à la grande Saude, un peu au-dessous du bourg de Clermont.


NÉETOou NÉETHO, (Géog. anc. & mod.) en latin Néthus ; riviere d'Italie dans le royaume de Naples. Elle coule sur les confins des deux Calabres, du couchant au levant, passe à San-Severino, & va se jetter dans la mer Ionienne entre le cap de Lisse & le cap delle Colonne.

Strabon, l. VI. remarque qu'une bande de grecs au retour de l'expédition de Troie, s'arrêta à l'embouchure du Néethe ; & que pendant qu'ils couroient le pays pour le reconnoître, leurs captives ennuyées de la mer brûlerent leurs vaisseaux, & les obligerent par-là de s'arrêter dans cette partie de l'Italie. signifie embrasement de vaisseaux.

Théocrite dans sa 4. idylle, a chanté les prérogatives de cette riviere ; il décrit même trois sortes de plantes qui rendoient ses paturages supérieurs à tout autre. La premiere de ces plantes est l', qui selon un des scholiastes, étoit bonne pour arrêter l'inflammation des plaies ; la seconde plante, que Théocrite appelle , avoit la propriété de conserver les femmes dans l'esprit de chasteté que la religion exigeoit d'elles pendant la célébration des mysteres de Cérès. Elles faisoient des jonchées de cette herbe, sur lesquelles elles couchoient tant que duroit la fête. La troisieme plante est la mélisse, , qui nous est aussi connue que les deux autres le sont peu. (D.J.)


NEFS. f. (Architect.) c'est dans une église la premiere & la plus grande partie qui se présente en entrant par la principale porte, qui est destinée pour le peuple, & séparée du choeur par un jubé ou par une simple clôture. Ce mot vient du latin navis, vais seau. (D.J.)


NEFASTEJOUR NEFASTE, dies nefastus, (Hist. anc.) Les Romains appelloient dies nefasti les jours où il n'étoit pas permis de rendre la justice ou de tenir des assemblées, & où le préteur ne pouvoit prononcer les trois mots ou formules de justice, do, dico, addico, je donne, j'appointe, j'adjuge. Voyez FASTUS.

Ces jours étoient marqués dans le calendrier par la lettre N, & quelquefois par les deux lettres N. P. nefastus primo, qui signifioit qu'un tel jour n'étoit nefastus que le matin. Voyez JOURS HEUREUX & MALHEUREUX. (O)


NEFFLIERmespilus, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le calice est formé par des feuilles, & devient dans la suite un fruit presque rond, terminé par une sorte de couronne, charnu & mou. Ce fruit n'a qu'une capsule, & il renferme de petits noyaux, qui contiennent une amande oblongue. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

NEFFLIER, mespilus ; petit arbre qui se trouve dans la partie méridionale de l'Europe, & que l'on cultive à cause de son fruit. Cet arbre est tortu, noueux, mal fait ; sa tête se garnit de beaucoup de rameaux, qui s'écartent, s'inclinent & ne s'élevent que par contrainte, ensorte qu'on ne voit guere de neffliers qui aient plus de dix à douze piés de hauteur. Il jette de longues racines fort tenaces & difficiles à arracher. Sa feuille est longue, étroite, pointue, veloutée, d'un verd tendre, & en tout assez ressemblante à la feuille du laurier. L'arbre donne ses fleurs au mois de Mai ; elles sont blanches & assez grandes. La neffle, qui est le fruit de cet arbre, est ronde, charnue, & applatie par le bout, elle contient cinq semences osseuses. Cet arbre est très-robuste ; il se multiplie aisément, & il n'exige aucune culture : il se contente de la plus mauvaise exposition ; il réussit facilement à la transplantation, & il vient dans presque tous les terreins. Cependant son fruit sera plus gros dans une terre forte plus humide que seche ; mais il sera de meilleur goût dans un terrein médiocre. Cet arbre aime l'humidité, & il se plaît à l'ombre : d'ailleurs il ne faut pas l'exposer au grand soleil, dont l'impression trop vive altere son écorce, qui est mince & seche.

On peut multiplier le nefflier de semence ou par la greffe. On ne fait guere usage de la premiere méthode, parce qu'elle est trop longue : la graine est souvent un an sans lever, & on ne peut par ce moyen avoir du fruit qu'au bout de six ans ; il n'en faut que deux ou trois au contraire pour en avoir par la greffe, qui est d'autant plus expéditive, qu'on la peut faire sur plusieurs sujets, tels que le poirier, qui lui fait prendre plus de hauteur ; le pommier, qui retarde le fruit ; le coignassier, qui abaisse l'arbre, & l'aubépin, qui donne des neffles en plus grande quantité & de meilleur goût. La greffe en fente réussit mieux au nefflier, & accélere davantage le fruit que celle en écusson. On peut faire venir cet arbre ou à plein vent ou en espalier ; en lui donnant cette derniere forme il produira de plus grosses neffles ; mais il faut avoir soin en le taillant de ne pas accourcir les branches à fruit, parce qu'il vient à leur extrêmité. Les cendres sont le meilleur amendement qu'on puisse donner au nefflier. Les greffes de trois ans sont les plus convenables pour la transplantation. Il arrive rarement que cet arbre manque à rapporter du fruit.

La neffle est un fruit d'une qualité très-médiocre ; elle n'est bonne à manger que quand la fermentation en a dégradé l'âcreté par un commencement de pourriture. Ce fruit ne craint point la gelée, & il ne tombe de l'arbre que quand on l'abat. Le mois d'Octobre est le tems propre à cueillir les neffles, lorsque la seve est passée & que les feuilles commencent à tomber. On les dépose à la cave pour les laisser mollir : on peut les avancer en les mettant sur la paille ; on ne les sert sur les bonnes tables qu'après qu'elles ont été glacées au sucre. Ce fruit est aussi astringent & a les mêmes propriétés que la corme.

Le bois du nefflier est dur, ferme, compacte & massif ; il est propre aux ouvrages de fatigue & de durée, sur-tout pour les menus bois qui entrent dans la construction des moulins. Les Menuisiers s'en servent pour la monture de leurs outils.

On connoît trois especes de cet arbre.

Le nefflier sauvage. Son fruit, quoique petit & un peu sec, est de bon goût.

Le nefflier d'Hollande. Son bois est plus fort, sa feuille plus grande & son fruit plus gros que dans l'espece qui précede.

Et le nefflier sans noyaux. Son fruit est le plus petit de tous & de moindre qualité. On n'admet les neffliers dans un fruitier ou un verger que quand on veut avoir de tout ce qui peut y entrer.

NEFFLIER, (Diete & Mat. med.) Les fruits du nefflier ou les neffles lorsqu'elles ne sont point encore mûres, sont d'un goût très-acerbe ou plutôt austere, qui les fait compter avec raison parmi les styptiques les plus forts que fournisse le regne végétal : c'est à ce titre qu'elles entrent dans le sirop de myrte composé, qui est très astringent. Ces fruits perdent leur austerité en mûrissant, & prennent un goût aigrelet & légerement âpre ; ils sont encore regardés dans cet état comme foiblement astringens, & de plus, comme rafraîchissans ; ils sont recommandés dans les cours de ventre bilieux ou accompagnés d'ardeur d'entrailles, & dans la dyssenterie. L'observation prouve qu'ils sont en effet souvent utiles dans le premier cas, sur-tout après les évacuations convenables ; mais elle ne leur est pas aussi favorable dans le dernier.

On a aussi recommandé dans le même cas la décoction des branches tendres de nefflier : celles des neffles non-mûres ou des feuilles de l'arbre employées en gargarisme contre les inflammations de la gorge & les fluxions de la bouche ; la semence infusée dans du vin contre la gravelle, &c. tous ces remedes sont peu usités : la vertu du dernier paroît absolument imaginaire. On retire une eau distillée des neffles, qui est une préparation inutile & ridicule. (b)


NEFTA(Géog.) ville d'Afrique au royaume de Tunis, dans la province de Zeb, entre la Barbarie & le pays des Negres. Long. 26. lat. 33.


NÉGAPATAN(Géogr.) ville des Indes, avec un fort sur la côte de Coromandel, au royaume de Tanjaour, bâtie par les Portugais, qui en ont joui jusqu'en 1558. Elle est à 23 lieues S. de Pondichéri. Long. 97. 45. lat. 11.


NÉGATIFadj. (Algeb.) quantités négatives, en Algebre, sont celles qui sont affectées du signe -, & qui sont regardées par plusieurs mathématiciens, comme plus petites que zéro. Cette derniere idée n'est cependant pas juste, comme on le verra dans un moment. Voyez QUANTITE.

Les quantités négatives sont le contraire des positives : où le positif finit, le négatif commence. Voyez POSITIF.

Il faut avouer qu'il n'est pas facile de fixer l'idée des quantités négatives, & que quelques habiles gens ont même contribué à l'embrouiller par les notions peu exactes qu'ils en ont données. Dire que la quantité négative est au-dessous du rien, c'est avancer une chose qui ne se peut pas concevoir. Ceux qui prétendent que 1 n'est pas comparable à - 1, & que le rapport entre 1 & - 1 est différent du rapport entre - 1 & 1, sont dans une double erreur : 1°. parce qu'on divise tous les jours dans les opérations algébriques, 1 par - 1 : 2°. l'égalité du produit de - 1 par - 1, & de + 1 par + 1, fait voir que 1 est à - 1 comme - 1 à 1.

Quand on considere l'exactitude & la simplicité des opérations algébriques sur les quantités négatives, on est bien tenté de croire que l'idée précise que l'on doit attacher aux quantités négatives doit être une idée simple, & n'être point déduite d'une métaphysique alambiquée. Pour tâcher d'en découvrir la vraie notion, on doit d'abord remarquer que les quantités qu'on appelle négatives, & qu'on regarde faussement comme au-dessous du zéro, sont très-souvent représentées par des quantités réelles, comme dans la Géométrie, où les lignes négatives ne different des positives que par leur situation à l'égard de quelque ligne au point commun. Voyez COURBE. De-là il est assez naturel de conclure que les quantités négatives que l'on rencontre dans le calcul, sont en effet des quantités réelles ; mais des quantités réelles auxquelles il faut attacher une idée autre que celle qu'on avoit supposée. Imaginons, par exemple, qu'on cherche la valeur d'un nombre x, qui ajouté à 100 fasse 50, on aura par les regles de l'Algebre, x + 100 = 50, & x = - 50 ; ce qui fait voir que la quantité x est égale à 50, & qu'au lieu d'être ajoutée à 100, elle doit en être retranchée ; desorte qu'on auroit dû énoncer le problème ainsi : trouver une quantité x qui étant retranchée de 100, il reste 50 ; en énonçant le problème ainsi, on auroit 100 - x = 50, & x = 50 ; & la forme négative de x ne subsisteroit plus. Ainsi les quantités négatives indiquent réellement dans le calcul des quantités positives, mais qu'on a supposées dans une fausse position. Le signe = que l'on trouve avant une quantité sert à redresser & à corriger une erreur que l'on a faite dans l'hypothese, comme l'exemple ci-dessus le fait voir très-clairement. Voy. EQUATION.

Remarquez que nous ne parlons ici que des quantités négatives isolées, comme - a, ou des quantités a - b, dans lesquelles b est plus grand que a ; car pour celles où a - b est positif, c'est-à-dire où b est plus petit que a, le signe ne fait aucune difficulté.

Il n'y a donc point réellement & absolument de quantité négative isolée : - 3 pris abstraitement ne présente à l'esprit aucune idée ; mais si je dis qu'un homme a donné à un autre - 3 écus, cela veut dire en langage intelligible, qu'il lui a ôté 3 écus.

Voilà pourquoi le produit de - a par - b, donne + a b : car a & b étant précédés du signe - par la supposition, c'est une marque que ces quantités a, b, se trouvent mêlées & combinées avec d'autres à qui on les compare, puisque si elles étoient considérées comme seules & isolées, les signes - dont elles sont précédées, ne présenteroient rien de net à l'esprit. Donc ces quantités - a & - b ne se trouvent précédées du signe -, que parce qu'il y a quelque erreur tacite dans l'hypothese du problême ou de l'opération : si le problême étoit bien énoncé, ces quantités - a, - b, devroient se trouver chacune avec le signe +, & alors leur produit seroit + a b ; car que signifie la multiplication de - a par - b, c'est qu'on retranche b de fois la quantité négative - a : or par l'idée que nous avons donnée ci-dessus des quantités négatives, ajouter ou poser une quantité négative, c'est en retrancher une positive ; donc par la même raison en retrancher une négative, c'est en ajouter une positive ; & l'énonciation simple & naturelle du problême doit être, non de multiplier - a par - b, mais + a par + b ; ce qui donne le produit + a b. Il n'est pas possible dans un ouvrage de la nature de celui-ci, de développer davantage cette idée, mais elle est si simple, que je doute qu'on puisse lui en substituer une plus nette & plus exacte ; & je crois pouvoir assurer que si on l'applique à tous les problêmes que l'on peut résoudre, & qui renferment des quantités négatives, on ne la trouvera jamais en défaut. Quoi qu'il en soit, les regles des opérations algébriques sur les quantités négatives, sont admises par tout le monde, & reçues généralement comme exactes, quelque idée qu'on attache d'ailleurs à ces quantités sur les ordonnées négatives d'une courbe, & leur situation par rapport aux ordonnées positives. Voyez COURBE.

Nous ajouterons seulement à ce que nous avons dit dans cet article, que dans la solution d'un problême géométrique, les quantités négatives ne sont pas toujours d'un côté opposé aux positives ; mais d'un côté opposé à celui où l'on les a supposées dans le calcul. Je suppose par exemple, que l'on ait l'équation d'une courbe entre les rayons partant d'un centre ou pole, que j'appelle y, & les angles correspondans que je nomme z ; ensorte que y, par exemple, = , il est évident que lorsque cos. z sera = - 1, alors si a est > b, y sera dans une position directement contraire à celle qu'elle avoit lorsque cos. z = 1, cependant l'une & l'autre valeur de y seront sous une forme positive dans l'équation. Mais si a est < b, alors la valeur algébrique de y sera négative, & y devra être prise du même côté que quand cos. z = 1, c'est-à-dire du côté contraire à celui vers lequel on a supposé qu'elle devoit être prise. Il se présente encore d'autres cas en Géométrie, où les quantités négatives paroissent se trouver du côté où elles ne devroient pas être ; mais les principes que nous venons d'établir, & ceux que nous avons posés ou indiqués à l'article EQUATION, suffiront pour résoudre ces sortes de difficultés. Nous avons expliqué dans cet article en quoi les racines négatives des équations différoient des racines imaginaires ; c'est que les premieres donnent une solution au problême envisagé sous un aspect un peu différent, & qui ne differe point même dans le fond de la question proposée ; mais les imaginaires ne donnent aucune solution possible au problême de quelque maniere qu'on l'envisage. C'est que les racines négatives, avec de legers changemens à la question, peuvent devenir positives, au lieu que les imaginaires ne le peuvent jamais. Je suppose, que j'aye b b y = x 3 - a 3, ou en faisant b = 1, y = x 3 - a 3 ; lorsque x est < a, y devient négative, & doit être prise de l'autre côté (voyez COURBE) ; pourquoi cela ? c'est que si on avoit reculé l'axe d'une quantité c, ce qui est absolument arbitraire, ensorte qu'au lieu des co-ordonnées x, y, on eût eu les co-ordonnées x & z, telles que z fût = y + c, alors on auroit eu z = c + x 3 - a 3, & en faisant x < a, zn'auroit plus été négative, ou plutôt auroit continué à être encore positive pendant un certain tems : d'où l'on voit que la valeur négative de y + x 3 - a 3, appartient aussi-bien à la courbe que les valeurs positives ; ce qui a été développé plus au long au mot COURBE. Au contraire, si on avoit y = , & que x fût < a, alors on auroit beau transporter l'axe, la valeur de y resteroit imaginaire ; ainsi les racines négatives indiquent des solutions réelles, parce que ces racines deviennent positives par de legers changemens dans la solution ; mais les racines imaginaires indiquent des solutions impossibles, parce que ces racines ne deviennent jamais ni positives ni réelles par ces mêmes changemens. Voyez EQUATION & RACINE.

Quand on a dit plus haut que le négatif commence où le positif finit, cela doit s'entendre avec cette restriction, que le positif ne devienne pas imaginaire. Par exemple, soit y = x x = a a, il est visible que si x est > a, y sera positif, que si x = a, y sera = 0, & que si x < a, ysera négatif. Ainsi dans ce cas, le positif finit où y = 0, & le négatif commence alors ; mais si on avoit y = , alors x > a donne y positif, & x = a donne y = 0 ; mais x < adonne y imaginaire.

Le passage du positif au négatif, se fait toujours par zéro ou par l'infini. Soit, par exemple, y = x - a, on aura y positif tant que x > a, y négatif lorsque x < a,& y = 0 lorsque x = a ; dans ce cas le passage se fait par zéro. Mais si y = , on aura y positif tant que x est > a, y négatif lorsque x est < a, & y = lorsque x = a ; le passage se fait alors par l'infini.

Ce n'est pourtant pas à dire qu'une quantité qui passe par l'infini ou par le zéro, devienne nécessairement de positive, négative ; car elle peut rester positive. Par exemple, soit y = 2 ou y = ; lorsque a = x, y est = 0 dans le premier cas, & = dans le second ; mais soit que a soit > x, ou que a soit < x, y demeure toujours positive. Voy. MAXIMUM. (O)


NÉGATIONS. f. (Logique, Grammaire) les Métaphysiciens distinguent entre négation & privation. Ils appellent négation l'absence d'un attribut qui ne sauroit se trouver dans le sujet, parce qu'il est incompatible avec la nature du sujet : c'est ainsi que l'on nie que le monde soit l'ouvrage du hasard. Ils appellent privation, l'absence d'un attribut qui non-seulement peut se trouver, mais se trouve même ordinairement dans le sujet, parce qu'il est compatible avec la nature du sujet, & qu'il en est un accompagnement ordinaire : c'est ainsi qu'un aveugle est privé de la vûe.

Les Grammairiens sont moins circonspects, parce que cette distinction est inutile aux vûes de la parole : l'absence de tout attribut est pour eux négation. Mais ils donnent particulierement ce nom à la particule destinée à désigner cette absence, comme non, ne, en françois ; no, en italien, en espagnol & en anglois ; nein, nicht, en allemand ; ', , en grec, &c. sur quoi il est important d'observer que la négation désigne l'absence d'un attribut, non comme conçue par celui qui parle, mais comme un mode propre à sa pensée actuelle ; en un mot la négation ne présente point à l'esprit l'idée de cette absence comme pouvant être sujet de quelques attributs, c'est l'absence elle-même qu'elle indique immédiatement comme l'un des caracteres propres au jugement actuellement énoncé. Si je dis, par exemple, la négation est contradictoire à l'affirmation ; le nom négation en désigne l'idée comme sujet de l'attribut contradictoire, mais ce nom n'est point la négation elle-même : la voici dans cette phrase, Dieu NE peut être injuste, parce que ne désigne l'absence du pouvoir d'être injuste, qui ne sauroit se trouver dans le sujet qui est Dieu.

La distinction philosophique entre négation & privation n'est pourtant pas tout-à-fait perdue pour la Grammaire ; & l'on y distingue des mots négatifs & des mots privatifs.

Les mots négatifs sont ceux qui ajoûtent à l'idée caractéristique de leur espece, & à l'idée propre qui les individualise l'idée particuliere de la négation grammaticale. Les noms généraux nemo, nihil ; les adjectifs neuter, nullus ; les verbes nolo, nescis ; les adverbes numquam, nusquam, nullibi ; les conjonctions nec, neque, nisi, quin, sont des mots négatifs. Les mots privatifs sont ceux qui expriment directement l'absence de l'idée individuelle qui en constitue la signification propre ; ce qui est communément indiqué par une particule composante, mise à la tête du mot positif. Les Grecs se servoient sur-tout de l'alpha, que les Grammairiens nomment pour cela privatif ; ; d'où , avec & un euphonique ; , d'où . La particule in, étoit souvent privative en latin ; dignus, mot positif, indignus, mot privatif ; decorus, indecorus ; sanus, insanus ; violatus, inviolatus ; felix, felicitas & feliciter, d'où infelix, infelicitas & infeliciter : quelquefois le n final de in, se change en l & en r, quand le mot positif commence par l'une de ces liquides, & d'autres fois en m, si le mot commence par les labiales b, p & m ; legitimus, de-là illegitimus pour inlegitimus ; regularis, de-là irregularis pour inregularis ; bellum, & de-là imbellis pour inbellis ; probè, d'où improbè pour inprobè ; mortalis, d'où immortalis pour inmortalis. Nous avons transporté dans notre langue les mots privatifs grecs & latins, avec les particules de ces langues ; nous disons anomal, abîme, indigne, indécent, insensé, inviolable, infortune, illégitime, irrégulier, &c. mais si nous introduisons quelques mots privatifs nouveaux, nous suivons la méthode latine & nous nous servons de in.

Ainsi la principale différence entre les mots négatifs & les mots privatifs, c'est que la négation renfermée dans la signification des premiers, tombe sur la proposition entiere dont ils font partie & la rendent négative ; au-lieu que celle qui constitue les mots privatifs, tombe sur l'idée individuelle de leur signification, sans influer sur la nature de la proposition.

A l'égard de nos négations, non & ne, il y a dans notre langue quelques usages qui lui sont propres, & dont je pourrois grossir cet article ; mais je l'ai déjà dit, ce qui est propre à certaines langues, n'est nullement encyclopédique : & je ne puis ici, en faveur de la nôtre, qu'indiquer les remarques 389 & 506 de Vaugelas, celle du P. Bouhours sur je ne l'aime, ni ne l'estime, tom. I. p. 89. & l'art de bien parler françois, tom. II. p. 355. remarque sur ne. (B. E. R. M.)


NÉGINOTH(Critiq. sacrée) ce terme hébreu qui se trouve à la tête de quelques pseaumes, signifie ou des instrumens à corde que l'on touchoit avec les doigts, ou des joueurs d'instrumens. (D.J.)


NÉGLIGERv. act. (Alg.) on emploie ce mot dans certains calculs, pour désigner l'omission de plusieurs termes, qui étant fort petits par rapport à ceux dont on tient compte, ne peuvent donner un résultat sensiblement différent de celui auquel on arrive en omettant ces termes.

Cette méthode est principalement d'usage dans les calculs d'approximation, voyez APPROXIMATION. Et elle est en général fondée sur ce principe, que si on a une quantité très-petite x, les termes où entrera le quarré x x de cette quantité seront très-petits par rapport à ceux où entrera la quantité simple x ; en effet x x est incomparablement plus petit que x, puisque x x est à x : : comme x est à 1, & que x est supposée une très-petite partie limitée. A plus forte raison les termes où se trouveroit x 3, x 4, sont très-petits par rapport à ceux qui contiennent x. Ainsi on néglige tous ces termes, ou au moins ceux qui contiennent les puissances les plus hautes de x.

Cette methode a été employée avec succès par les Géometres, pour la solution approchée d'un grand nombre de problêmes ; cependant on ne doit l'employer qu'avec précaution : car si, par exemple, le coefficient du terme qui renferme x x, étoit fort grand par rapport à celui du terme qui renferme x, il est visible qu'on ne pourroit négliger le terme où est x x, sans s'exposer à une erreur considérable. Il est de même certaines questions où une très-petite quantité négligée mal-à-propos, peut produire une erreur considérable. Par exemple, une très-petite erreur dans le rayon vecteur d'une planete, peut en produire une fort sensible dans la position de l'apogée ou du périgée de cette même planete, parce que près de l'apogée ou du périgée les rayons vecteurs sont sensiblement égaux. Une autre erreur qu'il faut éviter, c'est de supposer mal-à-propos dans le calcul, qu'une quantité doit être fort petite ; par exemple, si on avoit , z étant une quantité fort petite, il est clair qu'on ne devroit traiter 2 comme très-petite par rapport à 2 ax - xx, que tant que 2ax - xx a une valeur considérable ; car si x est presque = 2a, alors 2ax - xx, est presque = 0, & alors z bien loin d'être très-petite par rapport à 2ax - xx, peut être beaucoup plus grande. De même si un corps est attiré vers un point, par une force qui soit en raison inverse du quarré de la distance, & qu'à cette force il s'en ajoûte une autre dans la même direction, que j'appellerai , & qui soit très-petite par rapport à la premiere, on auroit tort de supposer en général, que le rayon vecteur differe peu de ce qu'il seroit s'il n'y avoit que la premiere force ; car la seconde force peut être telle qu'elle donne un mouvement à l'apogée, & que par conséquent au bout de plusieurs révolutions l'orbite change considérablement de position & de forme. Au reste, l'usage & la lecture des grands Géometres en apprendront plus sur ce sujet que toutes les leçons & tous les exemples. (O)

NEGLIGER, (Jardinage) on dit un jardin négligé, un gazon négligé, un oranger négligé.

NEGLIGER son corps à cheval, c'est ne s'y pas tenir en belle posture.


NÉGOAS(Géog.) ou l'île des Negres ; île d'Asie, l'une des Philippines, entre celles de Luçon au nord, & celle de Mindanoa au midi. Long. 139. 35-141. lat. 8. 50-10. 35. (D.J.)


NÉGOCES. m. (Commerce) ou trafic de marchandises ou d'argent. Voyez COMMERCE.

Le négoce est une profession très-honorable en Orient, où elle est exercée non-seulement par les roturiers, mais encore par les plus grands seigneurs, & même par les rois quelquefois en personne, mais toûjours par leurs commis.

C'est sur-tout en Perse que la qualité de marchand a des honneurs & des prérogatives extraordinaires ; aussi ce nom ne se donne-t-il point aux gens qui tiennent boutique ou qui trafiquent de menues denrées, mais seulement à ceux qui entretiennent des commis & des facteurs dans les pays les plus éloignés. Ces personnes sont souvent élevées aux plus grandes charges, & c'est parmi elles que le roi de Perse choisit ses ambassadeurs. Le nom de marchand en persan est saudaguet, qui signifie faiseur de profit.

Le négoce se fait en Orient par courtiers, que les Persans nomment delal, c'est-à-dire grands parleurs, à cause de leur maniere singuliere de traiter. Voyez COURTIERS. Et ils appellent vikils, ceux qu'ils tiennent dans les pays étrangers. Diction. de Com.

Le moyen le plus sûr de ruiner le négoce dans un royaume, est d'autoriser la Finance à son préjudice. L'embarras des formalités, les droits des fermiers, des commis, les charges, les visites, les procès-verbaux, le retard des expéditions, les saisies, les discussions qui en résultent, &c. détruisent en peu d'années dans les provinces, le négoce le plus lucratif & le mieux accrédité. Aussi la pernicieuse liberté accordée au fermier de la douanne de Lyon, d'établir des bureaux où bon lui sembleroit, fut si bien employée dans le dernier siecle, qu'en moins de cinquante ans il s'en trouva cent soixante-sept dans le Lyonnois, le Dauphiné, la Provence & le Languedoc ; & par-là tout le négoce des denrées à l'étranger se trouva culbuté. C'est au grand crédit des favoris & des Financiers, sous le regne d'Henri III. que l'on doit rapporter la plûpart des établissemens funestes au négoce du royaume. (D.J.)


NÉGOCIANTS. m. banquier ou marchand qui fait négoce. Voyez BANQUIER, MARCHAND, COMMERCE, NEGOCE, TRAFIC.


NÉGOCIATEURS. m. (Politique) ministre chargé de traiter de paix, de guerre, d'alliance & de toute autre affaire d'état, plus ou moins importante.

Le négociateur ou le plénipotentiaire, dit la Bruyere, est un prothée qui prend toutes sortes de formes : semblable quelquefois à un joueur habile, il ne montre ni humeur, ni complexion, soit pour ne point donner lieu aux conjectures, ou se laisser pénétrer, soit pour ne rien laisser échapper de son secret par passion, ou par foiblesse. Quelquefois aussi il sait feindre le caractere le plus conforme aux vûes qu'il a, & aux besoins où il se trouve, & paroître tel qu'il a intérêt que les autres croient qu'il est en effet.... Il parle quelquefois en termes clairs & formels : il sait encore mieux parler ambiguement, d'une maniere enveloppée ; user de tours ou de mots équivoques qu'il peut faire valoir ou diminuer dans les occasions & selon ses intérêts. Il demande peu quand il ne veut pas donner beaucoup ; il demande beaucoup, pour avoir peu & l'avoir plus sûrement ; il demande trop, pour être refusé ; mais dans le dessein de se faire un droit ou une bienséance de refuser lui-même ce qu'il sait bien qu'on lui demandera, & qu'il ne veut pas octroyer.... Il prend directement ou indirectement l'intérêt d'un allié, s'il y trouve son utilité ou l'avancement de ses prétentions. Il ne parle que de paix, que d'alliance, que d'intérêts publics ; & en effet il ne songe qu'aux siens, c'est-à-dire à ceux de son maître.... Il a son fait digéré par la cour, toutes ses démarches sont mesurées, les moindres avances qu'il fait lui sont prescrites ; & il agit néanmoins dans les points difficiles, & dans les articles contestés, comme s'il se relâchoit de lui-même sur le champ, par un esprit d'accommodement & de déférence, promettant qu'il fera de son mieux pour n'être pas désavoué par sa cour. Il ne tend par ses intrigues qu'au solide & à l'essentiel, toûjours prêt de leur sacrifier les points d'honneur imaginaires.... Il prend conseil du tems, du lieu, des occasions, de sa puissance ou de sa foiblesse, du génie des nations avec qui il traite, du tempérament & caractere des personnes avec qui il négocie. Toutes ses vûes, toutes ses maximes, tous les raffinemens de sa politique tendent à une seule fin, qui est de n'être point trompé, & de tromper les autres. (D.J.)

NEGOCIATEUR, s. m. dans le Commerce, celui qui se mêle de quelque négociation, traité ou marché entre les Commerçans. Les agens de banque & courtiers sont les négociateurs des marchands & banquiers. Dict. de commerce. (G)


NÉGOCIATIONS. f. (Société civile) conduite d'affaires & de traités entre particuliers.

Le but de toutes négociations est de découvrir ou d'obtenir quelque chose. Les hommes se découvrent ou par confiance, ou par colere, ou par surprise, ou par nécessité, c'est-à-dire lorsqu'on met quelqu'un dans l'impossibilité de trouver des faux-fuyans, ni d'aller à ses fins sans se laisser voir à découvert.

Pour gagner un homme, il faut connoître son naturel & ses manieres ; pour le persuader, il faut savoir la fin où il bute, ou gagner les personnes qui ont le plus de pouvoir sur son esprit : pour lui faire peur, il faut connoître ses foiblesses & ses désavantages. Avec les gens adroits, consultez plutôt leurs desseins que leurs paroles, vous connoîtrez leurs vûes par leurs intérêts : la ruse décele moins d'esprit que de foiblesse ; mais la finesse permise est le chemin couvert de la prudence.

Les négociations importantes ont besoin de tems pour mûrir. La précipitation fait de grands maux dans les affaires, ainsi qu'une digestion trop hâtée détruit l'équilibre des humeurs, & que la crudité des sucs devient le germe des maladies. On avance beaucoup plus à marcher d'un pas égal & soutenu, qu'à courir à perte d'haleine. La vanité de paroître expéditif fait perdre beaucoup de tems ; allez plus sensément, vous aurez plus tôt fait.

La hardiesse tient mal la place des talens réels ; quelquefois cependant dans les négociations elle ne manque pas d'avoir de l'empire sur les hommes.

Il vaut mieux généralement négocier de bouche que par lettres ; & plutôt par personne tierce, que par soi-même. Les lettres sont bonnes, lorsqu'on veut s'attirer une réponse par écrit, ou quand il est utile de garder par-devers soi les copies de celles qu'on a écrites, pour les représenter en tems & lieu, ou bien lorsqu'on peut craindre d'être interrompu dans son discours. Au contraire quand la présence de celui qui négocie imprime du respect & qu'il traite avec son inférieur, il vaut beaucoup mieux qu'il parle. Il est encore bon que celui qui desire qu'on lise dans ses yeux ce qu'il ne veut pas dire, négocie par lui-même ; enfin il doit se conduire ainsi, lorsqu'il projette de se réserver la liberté de dire & d'interprêter ce qu'il a dit.

Quand on négocie par un tiers, il vaut mieux choisir quelqu'un d'un esprit simple, qui exécutera vraisemblablement les ordres qu'il aura reçus, & qui rendra fidelement la conversation, que de se servir de personnes adroites à s'attirer l'honneur ou le profit par les affaires des autres, ou qui dans leurs réponses ajouteront pour se faire valoir, ce qu'ils jugeront pouvoir plaire davantage. Mais prenez par préférence à tout autre ceux qui souhaitent le succès de l'affaire pour laquelle ils sont employés. Les passions aiguisent puissamment le zèle & l'industrie. Cherchez encore avec soin ceux de qui le caractere convient le plus pour la chose dont vous les voulez charger, comme un audacieux pour faire des plaintes & des reproches, un homme doux pour persuader, un homme subtil pour découvrir & pour observer, un homme fier pour une affaire qui a quelque chose de déraisonnable & d'injuste. Employez par choix ceux qui ont déja réussi dans vos affaires, ils auront plus de confiance & feront tout leur possible pour soutenir l'opinion déja établie de leur capacité.

Quant aux négociations politiques, voyez NEGOCIATEUR, MINISTRE, PLENIPOTENTIAIRE. (D.J.)

NEGOCIATION, s. f. (Comm.) se dit du commerce des billets & lettres de change, qui se font dans les bourses & sur les places de change par l'entremise des courtiers ou agens de change, ou par les marchands & banquiers eux-mêmes. Voyez LETTRES DE CHANGE, BOURSES, PLACE DE CHANGE, AGENT DE CHANGE, COURTIER, BANQUIER, MARCHAND, Dict. de com. (G)


NÉGOCIERv. act. & neut. trafiquer, commercer, les marchands négocient en différentes marchandises, les banquiers négocient en argent, en billets, en lettres de change. Voyez NEGOCE & COMMERCE. (G)

NEGOCIER une lettre de change, c'est la céder ou la transporter à un autre moyennant la valeur que l'acheteur en donne au cédant ou vendeur, ce qui se peut faire en trois manieres, au pair, avec profit ou avec perte.

On négocie au pair quand on reçoit précisément la somme contenue dans la lettre de change ; la négociation se fait avec profit, quand le cédant reçoit plus que ne porte la lettre ; & elle se fait avec perte, quand on cede une lettre de change pour une somme moindre que celle qui y est exprimée.

Quand le tireur d'une lettre de change reçoit plus que le pair, cela s'appelle avance pour le tireur, on nomme au contraire avance pour le donneur d'argent & perte pour le tireur lorsque le donneur donne moins que le pair. Dict. de comm. (G)


NEGOMBO(Géog.) forteresse de l'île de Ceylan sur la côte occidentale du pays de la Canelle. Elle fut bâtie par les Portugais, à qui les Hollandois l'enleverent en 1640. Long. 98. lat. 7. 30.


NEGORES(Hist. mod.) c'est le nom que l'on donne au Japon à un ordre de bonzes ou de moines militaires, institué comme les chevaliers de Malte, pour défendre la religion. Le P. Charlevoix nous apprend qu'il n'est point de soldats plus aguerris & mieux disciplinés que les negores. Ils font voeu de continence, & l'entrée de leur couvent est interdite aux femmes.


NEGRES. m. (Hist. nat.) homme qui habite différentes parties de la terre. Depuis le tropique du cancer jusqu'à celui du capricorne l'Afrique n'a que des habitans noirs. Non-seulement leur couleur les distingue, mais ils different des autres hommes par tous les traits de leur visage, des nez larges & plats, de grosses levres, & de la laine au lieu de cheveux, paroissent constituer une nouvelle espece d'hommes.

Si l'on s'éloigne de l'équateur vers le pole antarctique, le noir s'éclaircit, mais la laideur demeure : on trouve ce vilain peuple qui habite la pointe méridionale d'Afrique.

Qu'on remonte vers l'orient, on verra des peuples dont les traits se radoucissent & deviennent plus réguliers, mais dont la couleur est aussi noire que celle qu'on trouve en Afrique.

Après ceux-là un grand peuple basané est distingué des autres peuples par des yeux longs, étroits & placés obliquement.

Si l'on passe dans cette vaste partie du monde qui paroît séparée de l'Europe, de l'Afrique & de l'Asie, on trouve, comme on peut croire, bien de nouvelles variétés. Il n'y a point d'hommes blancs : cette terre peuplée de nations rougeâtres & basanées de mille nuances, se termine vers le pole antarctique par un cap & des îles habitées, dit-on, par des géans. Si l'on en croit des relations de plusieurs voyageurs, on trouve à cette extrêmité de l'Amérique une race d'hommes dont la hauteur est presque double de la nôtre.

Avant que de sortir de notre continent, nous aurions pû parler d'une autre espece d'hommes bien différens de ceux-ci. Les habitans de l'extrêmité septentrionale de l'Europe sont les plus petits de tous ceux qui nous sont connus. Les Lapons du côté du nord, les Patagons du côté du midi paroissent les termes extrêmes de la race des hommes.

Je ne finirois point si je parlois des habitans des îles que l'on rencontre dans la mer des Indes, & de celles qui sont dans ce vaste Océan, qui remplit l'intervalle entre l'Asie & l'Amérique. Chaque peuple, chaque nation a sa forme comme sa langue ; & la forme n'est-elle pas une espece de langue elle-même, & celle de toutes qui se fait le mieux entendre ?

Si l'on parcouroit toutes ces îles, on trouveroit peut-être dans quelques-unes des habitans bien plus embarrassans pour nous que les noirs, auxquels nous aurions bien de la peine à refuser ou à donner le nom d'hommes. Les habitans des forêts de Bornéo dont parlent quelques voyageurs, si ressemblans d'ailleurs aux hommes, en pensent-ils moins pour avoir des queues de singes ? Et ce qu'on n'a fait dépendre ni du blanc ni du noir dépendra-t-il du nombre des vertebres ?

Dans cet isthme qui sépare la mer du Nord avec la mer Pacifique, on dit qu'on trouve des hommes plus blancs que tous ceux que nous connoissons : leurs cheveux seroient pris pour de la laine la plus blanche, leurs yeux trop foibles pour la lumiere du jour, ne s'ouvrent que dans l'obscurité de la nuit : ils sont dans le genre des hommes ce que sont parmi les oiseaux les chauve-souris & les hibous.

Le phénomene le plus remarquable & la loi la plus constante sur la couleur des habitans de la terre, c'est que toute cette large bande qui ceint le globe d'orient en occident, qu'on appelle la zone torride, n'est habitée que par des peuples noirs, ou fort basanés : malgré les interruptions que la mer y cause, qu'on la suive à-travers l'Afrique, l'Asie & l'Amérique ; soit dans les îles, soit dans les continens, on n'y trouve que des nations noires ; car ces hommes nocturnes dont nous venons de parler, & quelques blancs qui naissent quelquefois, ne méritent pas qu'on fasse ici d'exception.

En s'éloignant de l'équateur, la couleur des peuples s'éclaircit par nuances ; elle est encore fort brune au-delà du Tropique, & l'on ne la trouve tout-à-fait blanche que lorsque l'on avance dans la zone tempérée. C'est aux extrêmités de cette zone qu'on trouve les peuples les plus blancs. La danoise aux cheveux blonds éblouit par sa blancheur le voyageur étonné : il ne sauroit croire que l'objet qu'il voit & l'Afriquaine qu'il vient de voir soient deux femmes.

Plus loin encore vers le nord & jusque dans la zone glacée, dans ce pays que le soleil ne daigne pas éclairer en hiver, où la terre plus dure que le soc ne porte aucune des productions des autres pays ; dans ces affreux climats, on trouve des teints de lis & de roses. Riches contrées du midi, terres du Pérou & du Potosi, formez l'or dans vos mines, je n'irai point l'en tirer ; Golconde, filtrez le suc précieux qui forme les diamans & les rubis, ils n'embelliront point vos femmes, & sont inutiles aux nôtres. Qu'ils ne servent qu'à marquer tous les ans le poids & la valeur d'un monarque imbecille, qui, pendant qu'il est dans cette ridicule balance, perd ses états & sa liberté.

Mais dans ces contrées extrêmes où tout est blanc & où tout est noir, n'y a-t-il pas trop d'uniformité, & le mêlange ne produiroit-il pas des beautés nouvelles ? C'est sur les bords de la Seine qu'on trouve cette heureuse variété dans les jardins du Louvre ; un beau jour de l'été, vous verrez tout ce que la terre peut produire de merveilles.

Tous ces peuples que nous venons de parcourir, tant d'hommes divers sont-ils sortis d'une même mere ? Il ne nous est pas permis d'en douter.

Ce qui nous reste à examiner, c'est comment d'un seul individu il a pu naître tant d'especes si différentes ? Je vais hasarder sur cela quelques conjectures.

Si les hommes ont été d'abord tous formés d'oeuf en oeuf, il y auroit eu dans la premiere mere des oeufs de différentes couleurs qui contenoient des suites innombrables d'oeufs de la même espece, mais qui ne devoient éclorre que dans leur ordre de développement après un certain nombre de générations, & dans les tems que la providence avoit marqués pour l'origine des peuples qui y étoient contenus ; il ne seroit pas impossible qu'un jour la suite des oeufs blancs qui peuplent nos régions venant à manquer, toutes les nations européennes changeassent de couleur ; comme il ne seroit pas impossible aussi que la source des oeufs noirs étant épuisée, l'Ethiopie n'eût plus que des habitans blancs. C'est ainsi que dans une carriere profonde, lorsque la veine de marbre blanc est épuisée, l'on ne trouve plus que des pierres de différentes couleurs qui se succedent les unes aux autres. C'est ainsi que des races nouvelles d'hommes peuvent paroître sur la terre, & que les anciennes peuvent s'éteindre.

Si l'on admettoit le systême des vers, si tous les hommes avoient d'abord été contenus dans ces animaux qui nageoient dans la semence du premier homme, on diroit des vers ce que nous venons de dire des oeufs : le ver, pere des negres, contenoit de vers en vers tous les habitans d'Ethiopie ; le ver Darien, le ver Hottentot & le ver Patagon avec tous leurs descendans étoient déja tous formés, & devoient peupler un jour les parties de la terre où l'on trouve ces peuples. Venus Physique.

D'autres physiciens ont recherché avec beaucoup de soin la cause de la noirceur des negres ; les principales conjectures qu'ils ont formées sur ce sujet se réduisent à deux, dont l'une attribue la cause de la noirceur à la bile, & l'autre à l'humeur renfermée dans les vaisseaux dont le corps muqueux est rempli. Voyez CORPS MUQUEUX.

Malpighi, Ruysch, Litre, Sanctorini, Heister & Albinus ont fait des recherches curieuses sur la peau des negres.

Le premier sentiment sur la noirceur des negres est appuyé de toutes ces preuves dans un ouvrage intitulé, Dissertation sur la cause physique de la couleur des negres, &c. par M. Barrere. Paris 1741. in -12. Voici comment il déduit son hypothese.

Si après une longue macération de la peau d'un negre dans l'eau, on en détache l'épiderme ou surpeau, & que l'on l'examine attentivement, on le trouve noir, très-mince, & il paroît transparent quand on le regarde-à-travers le jour. C'est ainsi que je l'ai vû en Amérique, & que l'a remarqué aussi un des plus savans anatomistes de nos jours, M. Winslou... On trouve par la dissection du cuir, proprement dit, ou la peau avec tout l'appareil, comme les mamelons cutanés & le corps réticulaire d'un rouge noirâtre. Il est donc évidemment démontré que la couleur des negres n'est pas, pour ainsi dire, une couleur d'emprunt, & par conséquent la couleur apparente de l'épiderme n'est pas en eux celle du corps muqueux, selon le langage de quelques-uns, ou du corps réticulaire, ainsi qu'on l'avoit cru jusqu'ici, c'est donc de son propre tissu que l'épiderme ou la surpeau dans les negres tient immédiatement de la couleur noire. Disons de plus que l'épiderme dans les negres étant naturellement d'un noir transparent, sa couleur doit devenir encore plus foncée par la peau qui est placée au-dessous, qui est d'un rouge brun approchant du noir. Mais l'épiderme des mores, comme celui des blancs, étant un tissu de vaisseaux, ils doivent nécessairement renfermer un suc, dont l'examen appartient à la question présente. On peut dire avec quelque fondement que ce suc est analogue à la bile, & l'observation paroît appuyer ce sentiment ; 1°. j'ai remarqué dans les cadavres des negres que j'ai eu occasion de disséquer à Cayenne, la bile toujours noire comme de l'encre ; 2°. qu'elle étoit le plus ou moins noire à proportion de la couleur des negres ; 3°. que leur sang étoit d'un rouge noirâtre, selon le plus ou moins de noirceur du teint des negres ; 4°. il est certain que la bile rentre avec le chyle dans le sang, qu'elle roule avec lui dans toutes les parties du corps, qu'elle se filtre dans le foie, & que plusieurs de ses parties s'échappent à-travers les reins, & les autres parties du corps. Pourquoi donc ne se peut-il pas faire aussi que cette même bile dans les negres se sépare dans le tissu de l'épiderme ? Or l'expérience prouve que la bile se sépare en effet dans l'épiderme des negres dans les petits tuyaux particuliers, puisque si l'on applique le bout du doigt sur la surface de la peau d'un negre, il s'y attache une humeur grasse, onctueuse & comme savonneuse, d'une odeur désagréable, qui donne sans doute ce luisant & cette douceur que l'on remarque à la peau ; que si l'on frotte cette même surpeau avec un linge blanc, elle le salit d'une couleur brune ; toutes qualités affectées à la bile des negres.... On juge que la bile est naturellement abondante dans le sang des negres par la force & la célérité du pouls, par l'extrême subtilité & les autres passions fougueuses, & sur-tout par la chaleur considérable de la peau qu'on remarque en eux. L'expérience montre d'ailleurs que la chaleur du sang est propre à former beaucoup de bile, puisqu'on voit jaunir le lait parmi les blanches quand une nourrice a la fievre. Enfin ne pourroit-on pas regarder en quelque façon la couleur des negres comme un ictere noir naturel.

1°. Par ce que nous venons de dire, on voit que l'humeur qui forme la couleur des negres, semble être la même que la bile : peut-être que celle qui se filtre dans le foie ne differe que du plus ou du moins ; 2°. qu'il est plus que probable que la bile se sépare non-seulement dans le foie des negres, mais encore dans des vaisseaux presque imperceptibles de l'épiderme, où dégagée des parties rouges du sang, elle doit reprendre sans doute sa premiere forme, & se montrer par conséquent dans sa noirceur naturelle ; 3°. que les parties grossieres de cette bile, par leur séjour dans le tissu de l'épiderme, doivent leur donner une couleur noire ; tandis que les parties les plus tenues, pour une décharge particuliere du sang, s'exhalent en-dehors par les pores de la peau comme une espece de vapeur nullement noire, & sans presque pas d'amertume, s'amassent insensiblement sur l'épiderme, s'y épaississent, & y répandent une odeur désagréable. Il arrive quelque chose tout-à-fait semblable, lorsqu'après avoir fait un peu chauffer la bile d'un negre, dans un petit vaisseau couvert de parchemin percé de plusieurs petits trous, on remarque les parois du vaisseau teintes en noir, dans le tems que l'on voit sortir à-travers les petits trous du couvercle, une espece de fumée qui se condense en des gouttes sensibles (lorsqu'on adapte un couvercle au gobelet en maniere de cône) qui n'ont aucunement ni la couleur ni le goût de la bile.

Telles sont les principales preuves sur lesquelles M. Barrere se fonde pour placer dans la bile le principe de la couleur des negres. On sera peut-être bien-aise de trouver ici les difficultés auxquelles ce sentiment est exposé. Elles sont prises des observations suivantes : 1°. Les corps des negres qui ont péri dans l'eau prennent, dit-on, une couleur blanche ; on ne peut les distinguer des blancs que par les cheveux. 2°. La petite vérole est blanche dans les negres, & cette blancheur a souvent trompé les Médecins. 3°. Les negres vomissent de la bile qui est jaune, c'est un fait constant. 4°. Les negres sont sujets à l'ictere, & la conjonctive devient jaune de même que les parties internes. 3°. La bile noirâtre qu'on trouve dans la vésicule des hommes blancs, paroît presque toujours jaune dès qu'elle est étendue. 6°. Quand on distille la bile des hommes blancs, elle passe par diverses couleurs, & enfin elle laisse un fond noir qui donne aux vaisseaux qui le contiennent une couleur noirâtre. La bile des negres peut donc paroître noirâtre, quand elle est amassée, & elle peut être jaune quand elle est étendue ; ou bien la noirceur de cette bile, dans les cadavres des negres, peut avoir pris cette couleur dans les maladies & par divers accidens. 7°. Les entrailles des negres & leur peau ont la même couleur que dans les hommes qui sont blancs. 8°. Enfin, il y a des maladies qui noircissent la bile, sans qu'il en paroisse aucune trace sur le corps. Dans les hommes qui sont morts de la rage, on trouve la bile entierement noire, tandis que la surface de la peau est parfaitement blanche. De tous ces faits on conclut que la couleur des negres ne sauroit être attribuée à la bile. Cette liqueur est jaune dans les negres ; elle ne donne aucune teinture aux parties externes dans l'état naturel ; elle jaunit les yeux dès qu'elle se répand par le corps ; elle teindroit en noir les parties internes si elle étoit véritablement noire, & si elle étoit portée dans ces parties. Ajoutez que les urines prendroient la même teinture dont les vaisseaux du corps muqueux sont remplis.

Les vaisseaux du corps muqueux, suivant les observations de Malpighi, la peau & la cuticule des negres sont blancs, la noirceur ne vient que du corps muqueux ou du corps réticulaire qui est entre l'épiderme & la peau. Les injections de Ruysch ont confirmé en partie cette découverte, & l'ont mise dans un plus grand jour. La surpeau n'est pas blanche dans les negres, selon cet anatomiste, elle n'a que la blancheur de la corne, qui a toujours un mêlange noir. Ruysch envoya à Heister une portion de la peau d'un negre. Elle étoit parfaitement blanche ; mais la surface externe de l'épiderme étoit noirâtre, & la face interne étoit couverte d'une teinture noire & foncée. Sanctorini, dans ses Remarques anatomiques, nous a donné des observations qui établissent la cause de la couleur des negres dans le corps muqueux. Ces recherches prouvent que, lorsqu'on enleve l'épiderme, il reste une portion du corps muqueux sur la peau ou le tissu vasculeux, d'une couleur extrêmement noire ; qu'il communique sa teinture aux doigts auxquels il s'attache souvent lorsqu'on enleve l'épiderme ; que par conséquent il y a un réservoir particulier de cette teinture entre l'épiderme & la peau. Le corps muqueux, tissu presqu'inconnu, paroît fort inégal en diverses parties du corps. Il est étroitement attaché à l'épiderme ; on ne sauroit l'en séparer entierement ; c'est pour cela que la couleur noirâtre ne peut s'effacer dans la surpeau, & qu'elle est plus foncée dans la surface interne de ce tégument. Les vaisseaux du corps réticulaire sont pleins d'une liqueur noirâtre. On demande où elle se forme. Sanctorini n'a pas cru qu'on pût décider sur la source de cette matiere qui teint le corps réticulaire des negres ; mais il a soupçonné que le foie pouvoit fournir la teinture de la peau dans cette espece d'hommes. La couleur rouge du foie d'un poisson, diverses sortes d'icteres auxquels les hommes sont sujets, & la noirceur qu'on trouve quelquefois dans la bile de la vésicule du fiel, l'avoient conduit à cette conjecture. D'ailleurs on trouve des sources d'une liqueur noire dans quelques parties du corps. Entre les bronches il y a des glandes qui versent une liqueur noire dans le foetus ; sur les yeux des animaux l'on a remarqué des glandes noires d'où découle sans doute le suc qui noircit la coroïde. Il peut donc se filtrer des sucs noirs dans diverses parties du corps : il y a même des fluides qui, en perdant leur couleur naturelle, passent par diverses gradations. La bile devient noirâtre dans la vésicule du fiel ; l'urine elle-même prend cette couleur dans diverses maladies. Il me paroît résulter des deux opinions que j'ai exposées dans cette note & dans la précédente, que le problême physique est encore fort indécis.

Pourquoi les negres ont les cheveux crêpés ? écoutons encore M. Barrere sur ces questions. Il est déja avoué dans le monde savant, & c'est l'opinion généralement reçue, que dans le germe du corps des animaux se trouvent comme concentrées toutes les parties qui les composent avec leur couleur & leur figure déterminée ; que ces parties se développent, s'étendent & s'épanouissent dès qu'elles sont mises en jeu & pénétrées par un fluide très-fin & spiritueux, c'est-à-dire par la semence du mâle ; que cette liqueur séminale imprime son caractere à ce point de matiere qui concentre toutes ces parties dans leur germe. Suivant ces principes, qui paroissent très-véritables, l'on conçoit : 1°. que, puisque le germe des corps des animaux dans la formation tient du mâle & de la femelle, il faut qu'il reçoive des traits de l'un & de l'autre ; 2°. qu'il y a beaucoup d'apparence que le germe renfermé dans le sein de la femelle contient naturellement tous les traits de ressemblance, & qu'il ne reçoit la ressemblance du mâle que par l'intrusion de la liqueur séminale qui détermine les parties du germe à recevoir un mouvement ; 3°. que le mouvement qui arrive aux parties du germe dans les animaux de la même espece, doit être presque toujours uniforme, & comme au même degré ; cependant moins grand, en comparaison de celui qui survient dans l'accouplement des animaux de diverses especes ; il faut même que dans ces derniers le mouvement soit violent & comme forcé, ensorte que les fluides doivent sortir de la ligne de leur direction naturelle, & se fourvoyer, pour ainsi parler : on le juge ainsi par le dérangement considérable qui arrive dans les parties originaires du germe ; 4°. que la production des monstres est une preuve des plus convainquantes de ce dérangement si surprenant. 5°. Il suit aussi, qu'une negresse qui aura commercé, par exemple, avec un blanc ou européen, doit faire un mulâtre, qui par la nouvelle modification que cet enfant aura reçue dans le sein de sa mere dans la couleur originaire de sa peau & de ses cheveux, doit paroître différent d'un negre ; 6°. que cette nouvelle modification dans le mulâtre suppose nécessairement l'humeur qui se filtre à-travers l'épiderme moins noire, une dilatation dans les vaisseaux insensibles des cheveux moins tortueux : aussi voit-on tous les jours en Amérique non-seulement dans les mulâtres, mais encore dans les différens mêlanges du sang la couleur de la peau devenir plus ou moins foncée, & les cheveux plus droits & plus longs selon la gradation ou le différent éloignement du teint naturel des negres ; 7°. qu'enfin l'on doit conclure que la cause de la dégénération de la couleur des negres & de la qualité de leurs cheveux doit être vraisemblablement rapportée à l'action & au plus ou moins de disconvenance du fluide séminal avec le germe qui pénétre dans les premiers momens de l'évolution des parties. Article de M. FORMEY.

NEGRES BLANCS. (Hist. nat.) Les Voyageurs qui ont été en Afrique, parlent d'une espece de negres, qui, quoique nés de parens noirs, ne laissent pas d'être blancs comme les Européens, & de conserver cette couleur toute leur vie. Il est vrai que tous les negres sont blancs en venant au monde, mais peu de jours après leur naissance ils deviennent noirs, au-lieu que ceux dont nous parlons conservent toujours leur blancheur. On dit que ces negres blancs sont d'un blanc livide comme les corps morts ; leurs yeux sont gris, très-peu vifs, & paroissent immobiles ; ils ne voient, dit-on, qu'au clair de la lune, comme les hibous ; leurs cheveux sont ou blonds, ou roux, ou blancs & crêpus. On trouve un assez grand nombre de ces negres blancs dans le royaume de Loango ; les habitans du pays les nomment dondos, & les Portugais albinos ; les noirs de Loango les détestent, & sont perpétuellement en guerre avec eux ; ils ont soin de prendre leurs avantages avec eux & de les combattre en plein jour. Mais ceux-ci prennent leur revanche pendant la nuit. Les negres ordinaires du pays appellent les negres blancs mokissos ou diables des bois. Cependant on nous dit que les rois de Loango ont toujours un grand nombre de ces negres blancs à leur cour ; ils y occupent les premieres places de l'état, & remplissent les fonctions de prêtres ou de sorciers, auxquelles on les éleve dès la plus tendre enfance. Ils reconnoissent, dit-on, un Dieu ; mais ils ne lui rendent aucun culte, & ne paroissent avoir aucune idée de ses attributs. Ils n'adressent leurs voeux & leurs prieres qu'à des démons, de qui ils croient que dépendent tous les événemens heureux ou malheureux ; ils les invoquent & les consultent sur toutes les entreprises, & les représentent sous des formes humaines, de bois, de terre, de différentes grandeurs, & très-grossierement travaillées.

Les savans ont été très-embarrassés de savoir d'où provenoit la couleur des negres blancs. L'expérience a fait connoître que ce ne pouvoit être du commerce des blancs avec les negresses, puisqu'il ne produit que des mulâtres. Quelques-uns ont cru que cette bisarrerie de la nature étoit dûe à l'imagination frappée des femmes grosses. D'autres se sont imaginé que la couleur de ces negres venoit d'une espece de lepre dont eux & leurs parens étoient infectés ; mais cela n'est point probable, vu que l'on nous dépeint les negres blancs comme des hommes très-robustes, ce qui ne conviendroit point à des gens affligés d'une maladie telle que la lepre. Les Portugais ont essayé d'en faire passer quelques-uns dans leurs colonies d'Amérique pour les y faire travailler aux mines, mais ils ont mieux aimé mourir de faim que de se soumettre à ces travaux.

Quelques-uns ont cru que les negres blancs venoient du commerce monstrueux des gros singes du pays avec des negresses ; mais ce sentiment ne paroît pas probable, vû qu'on assure que ces negres blancs sont capables de se propager.

Quoi qu'il en soit, il paroît que l'on ne connoît pas toutes les variétés & les bisarreries de la nature ; peut-être que l'intérieur de l'Afrique, si peu connu des Européens, renferme des peuples nombreux d'une espece entierement ignorée de nous.

On prétend que l'on a trouvé pareillement des negres blancs dans différentes parties des Indes orientales, dans l'île de Borneo, & dans la nouvelle Guinée. Il y a quelques années que l'on montroit à Paris un negre blanc, qui vraisemblablement, étoit de l'espece dont on vient de parler. Voyez the modern part. of an universal History vol. XVI pag. 293 de l'édition in-8 °. Un homme digne de foi a vu en 1740 à Carthagène en Amérique, un negre & une negresse dont tous les enfans étoient blancs, comme ceux qui viennent d'être décrits, à l'exception d'un seul qui étoit blanc & noir ou pie : les jésuites qui en étoient propriétaires, le destinoient à la reine d'Espagne.

NEGRES, (Commerce) Les Européens font depuis quelques siecles commerce de ces negres, qu'ils tirent de Guinée & des autres côtes de l'Afrique, pour soutenir les colonies qu'ils ont établies dans plusieurs endroits de l'Amérique & dans les Iles Antilles. On tâche de justifier ce que ce commerce a d'odieux & de contraire au droit naturel, en disant que ces esclaves trouvent ordinairement le salut de leur ame dans la perte de leur liberté ; que l'instruction chrétienne qu'on leur donne, jointe au besoin indispensable qu'on a d'eux pour la culture des sucres, des tabacs, des indigos, &c. adoucissent ce qui paroît d'inhumain dans un commerce où des hommes en achetent & en vendent d'autres, comme on fe roit des bestiaux pour la culture des terres.

Le commerce des negres est fait par toutes les nations qui ont des établissemens dans les indes occidentales, & particulierement par les François, les Anglois, les Portugais, les Hollandois, les Suédois & les Danois. Les Espagnols, quoique possesseurs de la plus grande partie des continens de l'Amérique, n'ont guere les negres de la premiere main ; mais les tirent des autres nations, qui ont fait des traités avec eux pour leur en fournir, comme ont fait long-tems la compagnie des grilles, établie à Gènes, celle de l'assiente en France, & maintenant la compagnie du sud en Angleterre, depuis le traité d'Utrecht en 1713. Voyez ASSIENTE & l'article COMPAGNIE.

Ce n'est qu'assez long-tems après l'établissement des colonies françoises dans les isles Antilles qu'on a vu des vaisseaux françois sur les côtes de Guinée, pour y faire le trafic des negres, qui commença à devenir un peu commun, lorsque la compagnie des Indes occidentales eut été établie en 1664, & que les côtes d'Afrique, depuis le cap Verd jusqu'au cap de Bonne-Espérance, eurent été comprises dans cette concession.

La compagnie du Sénégal lui succéda pour ce commerce. Quelques années après la concession de cette derniere, comme trop étendue, fut partagée ; & ce qu'on lui ôta, fut donné à la compagnie de Guinée, qui prit ensuite le nom de compagnie de l'assiente.

De ces deux compagnies françoises, celle du Sénégal subsiste toujours, mais celle de l'assiente a fini après le traité d'Utrecht, & la liberté du commerce dans tous les lieux qui lui avoient été cédés, soit pour les negres, soit pour les autres marchandises, a été rétablie dans la premiere année du regne de Louis XV.

Les meilleurs negres se tirent du cap Verd, d'Angola, du Sénégal, du royaume des Jaloffes, de celui de Galland, de Damel, de la riviere de Gambie, de Majugard, de Bar, &c.

Un negre piece d'Inde (comme on les nomme), depuis 17 à 18 ans jusqu'à 30 ans, ne revenoit autrefois qu'à trente ou trente-deux livres en marchandises propres au pays, qui sont des eaux-de-vie, du fer, de la toile, du papier, des masses ou rassades de toutes couleurs, des chaudieres & bassins de cuivre & autres semblables, que ces peuples estiment beaucoup ; mais depuis que les Européens ont, pour ainsi dire, enchéri les uns sur les autres, ces barbares ont su profiter de leur jalousie, & il est rare qu'on traite encore de beaux negres pour 60 livres, la compagnie de l'assiente en ayant acheté jusqu'à 100 liv. la piece.

Ces esclaves se font de plusieurs manieres ; les uns, pour éviter la famine & la misere, se vendent eux-mêmes, leurs enfans & leurs femmes aux rois & aux plus puissans d'entr'eux, qui ont de quoi les nourrir : car quoiqu'en général les negres soient très-sobres, la stérilité est quelquefois si extraordinaire dans certains endroits de l'Afrique, sur-tout quand il y a passé quelque nuage de sauterelles, qui est un accident assez commun, qu'on n'y peut faire aucune récolte de mil, ni de ris, ni d'autres légumes dont ils ont coutume de subsister. Les autres sont des prisonniers faits en guerre & dans les incursions que ces roitelets font sur les terres de leurs voisins, souvent sans autre raison que de faire des esclaves qu'ils emmenent, jeunes, vieux, femmes, filles, jusqu'aux enfans à la mamelle.

Il y a des negres qui se surprennent les uns les autres, tandis que les vaisseaux européens sont à l'ancre, y amenant ceux qu'ils ont pris pour les y vendre & les y embarquer malgré eux ; ensorte qu'on y voit des fils vendre leurs peres, & des peres leurs enfans, & plus souvent encore ceux qui ne sont liés d'aucune parenté, mettre la liberté les uns des autres, à prix de quelques bouteilles d'eau-de-vie, ou de quelques barres de fer.

Ceux qui font ce commerce, outre les victuailles pour l'équipage du vaisseau, portent du gruau, des pois gris & blancs, des feves, du vinaigre, de l'eau-de-vie, pour la nourriture des negres qu'ils esperent avoir de leur traite.

Aussi-tôt que la traite est finie, il faut mettre à la voile sans perdre de tems, l'expérience ayant fait connoître que tant que ces malheureux sont encore à la vue de leur patrie, la tristesse les accable, ou le désespoir les saisit. L'une leur cause des maladies qui en font périr un grand nombre pendant la traversée ; l'autre les porte à s'ôter eux-mêmes la vie, soit en se refusant la nourriture, soit en se bouchant la respiration, par une maniere dont ils savent se plier & se contourner la langue, qui, à coup sûr, les étouffe ; soit en se brisant la tête contre le vaisseau, ou en se précipitant dans la mer, s'ils en trouvent l'occasion.

Cet amour si vif pour la patrie semble diminuer à mesure qu'ils s'en éloignent : la gaieté succede à leur tristesse ; & c'est un moyen presqu' immanquable pour la leur ôter, & pour les conserver jusqu'au lieu de leur destination, que de leur faire entendre quelque instrument de musique, ne fût-ce qu'une vielle ou une musette.

A leur arrivée aux isles, chaque tête de negre se vend depuis trois jusqu'à cinq cent livres, suivant leur jeunesse, leur vigueur & leur santé. On ne les paie pas pour l'ordinaire en argent, mais en marchandises du pays.

Les negres sont la principale richesse des habitans des îles. Quiconque en a une douzaine, peut être estimé riche. Comme ils multiplient beaucoup dans les pays chauds, leurs maîtres, pour peu qu'ils les traitent avec douceur, voient croître insensiblement cette famille, chez laquelle l'esclavage est héréditaire.

Leur naturel dur exige qu'on n'ait pas trop d'indulgence pour eux, ni aussi trop de sévérité ; car si un châtiment modéré les rend souples & les anime au travail, une rigueur excessive les rebute & les porte à se jetter parmi les negres marons ou sauvages qui habitent des endroits inaccessibles dans ces îles, où ils préferent la vie la plus misérable à l'esclavage.

Nous avons un édit donné à Versailles au mois de Mars 1724, appellé communément le code noir, & qui sert de réglement pour l'administration de la justice, police, discipline, & le commerce des esclaves negres dans la province de la Louisiane. Dictionn. de Commerce.

NEGRES, considérés comme esclaves dans les colonies de l'Amérique. L'excessive chaleur de la zone torride, le changement de nourriture, & la foiblesse de tempérament des hommes blancs ne leur permettant pas de résister dans ce climat à des travaux pénibles, les terres de l'Amérique, occupées par les Européens, seroient encore incultes, sans le secours des negres que l'on y a fait passer de presque toutes les parties de la Guinée. Ces hommes noirs, nés vigoureux & accoutumés à une nourriture grossiere, trouvent en Amérique des douceurs qui leur rendent la vie animale beaucoup meilleure que dans leur pays. Ce changement en bien les met en état de résister au travail, & de multiplier abondamment. Leurs enfans sont appellés negres créols, pour les distinguer des negres dandas, bossals ou étrangers.

La majeure partie des negres qui enrichissent les colonies françoises se tire directement de la côte d'Afrique par la voie de la compagnie des Indes (qui s'est réservé exclusivement à tous les autres la traite du Sénégal), ou par les navires de différens armateurs françois, à qui l'on permet de commercer chez les autres nations de la côte de Guinée. Ces vaisseaux transportent dans les colonies les negres qu'ils ont trafiqués, soit que ces negres ayent été pris en guerre ou enlevés par des brigands, ou livrés à prix d'argent par des parens dénaturés, ou bien vendus par ordre de leur roi, en punition de quelque crime commis.

De tous ces différens esclaves, ceux du cap Verd ou Sénégalais sont regardés comme les plus beaux de toute l'Afrique. Ils sont grands, bien constitués, ayant la peau unie sans aucune marque artificielle : ils ont le nez bien fait, les yeux grands, les dents blanches, & la levre inférieure plus noire que le reste du visage ; ce qu'ils font par art, en piquant cette partie avec des épines, & introduisant dans les piquures de la poussiere de charbon pilé.

Ces negres sont idolâtres ; leur langue est difficile à prononcer, la plûpart des sons sortant de la gorge avec effort. Plusieurs d'entr'eux parlent arabe, & paroissent suivre la religion de Mahomet ; mais tous les Sénégalais sont circoncis. On les emploie dans les habitations au soin des chevaux & des bestiaux, au jardinage & au service des maisons.

Les Aradas, les Fonds, les Fouéda, & tous les negres de la côte de Juda sont idolâtres, & pratiquent la circoncision par un motif de propreté. Ces negres, quoique sous différentes dominations, parlent tous à-peu-près la même langue. Leur peau est d'un noir-rougeâtre. Ils ont le nez écrasé, les dents très blanches, & le tour du visage assez beau. Ils se font des incisions sur la peau qui laissent des marques ineffaçables, au moyen desquelles ils se distinguent entr'eux. Les Aradas se les placent sur le gros des joues, au-dessous des yeux ; elles ressemblent à des verrues de la grosseur d'un pois. Les negres Fonds se scarifient les tempes, & les Fouéda (principalement les femmes) se font cizeler le visage, & même tout le corps, formant des desseins de fleurs, des mosaïques & des compartimens très réguliers. Il semble à les voir qu'on leur ait appliqué sur la peau une étoffe brune, travaillée en piquure de Marseille. Ces negres sont estimés les meilleurs pour le travail des habitations : plusieurs connoissent parfaitement les propriétés bonnes ou mauvaises de plusieurs plantes inconnues en Europe. Les Aradas principalement en composent avec le venin de certains insectes, un poison auquel on n'a point encore trouvé de remede certain. Les effets en sont si singuliers, que ceux qui l'emploient passent constamment pour sorciers parmi les habitans du pays.

Les negres Mines sont vigoureux & fort adroits pour apprendre des métiers. Quelques-uns d'entr'eux travaillent l'or & l'argent, fabriquant grossierement des especes de pendans d'oreille, des bagues & autres petits ornemens. Ils se font deux ou trois balaffres en long sur les joues. Ils sont courageux ; mais leur orgueil les porte à se détruire eux-mêmes pour peu qu'on leur donne du chagrin.

La côte d'Angol, les royaumes de Loango & de Congo fournissent abondamment de très-beaux negres, passablement noirs, sans aucune marque sur la peau. Les Congos en général sont grands railleurs, bruyans, pantomimes, contrefaisant plaisamment leurs camarades, & imitant très-bien les allures & le cri de différens animaux. Un seul Congo suffit pour mettre en bonne humeur tous les negres d'une habitation. Leur inclination pour les plaisirs les rend peu propres aux occupations laborieuses, étant d'ailleurs paresseux, poltrons, & fort adonnés à la gourmandise ; qualité qui leur donne beaucoup de disposition pour apprendre facilement les détails de la cuisine. On les emploie au service des maisons, étant pour l'ordinaire d'une figure revenante.

Les Portugais qui ont introduit une idée du christianisme dans le royaume de Congo, y ont aboli la circoncision, fort en usage parmi les autres peuples de l'Afrique.

Les moins estimés de tous les negres sont les Bambaras ; leur mal propreté, ainsi que plusieurs grandes balaffres qu'ils se font transversalement sur les joues depuis le nez jusqu'aux oreilles, les rendent hideux. Ils sont paresseux, ivrognes, gourmands & grands voleurs.

On fait assez peu de cas des negres Mandingues, Congres & Mondongues. Ceux-ci ont les dents limées en pointe, & passent pour antropophages chez les autres peuples.

Il n'est pas possible, dans cet article, de détailler les nations des Calbaris, des Caplahons, des Anans, des Tiambas, des Poulards & nombre d'autres, dont plusieurs habitent assez avant dans les terres, ce qui en rend la traite difficile & peu abondante.

Traitement des negres lorsqu'ils arrivent dans les colonies. L'humanité & l'intérêt des particuliers ne leur permettent pas de faire conduire leurs esclaves au travail aussi-tôt qu'ils sont sortis du vaisseau. Ces malheureux ont ordinairement souffert pendant leur voyage, ils ont besoin de repos & de rafraîchissemens ; huit à dix jours de bains pris matin & soir dans l'eau de la mer leur font beaucoup de bien ; une ou deux saignées, quelques purgations, & sur-tout une bonne nourriture, les mettent bientôt en état de servir leur maître.

Leurs anciens compatriotes les adoptent par inclination : ils les retirent dans leurs cazes, les soignent comme leurs enfans, en les instruisant de ce qu'ils ont à faire, & leur faisant entendre qu'ils ont été achetés pour travailler, & non pas pour être mangés, ainsi que quelques-uns se l'imaginent, lorsqu'ils se voient bien nourris. Leurs patrons les conduisent ensuite au travail : ils les châtient quand ils manquent ; & ces hommes faits se soumettent à leurs semblables avec une grande résignation.

Les maîtres qui ont acquis de nouveaux esclaves, sont obligés de les faire instruire dans la religion catholique. Ce fut le motif qui détermina Louis XIII à permettre ce commerce de chair humaine.

Travaux des negres sur les habitations. Les terres produisant les cannes à sucre, celles où l'on cultive le caffé, le cacao, le manioc, le coton, l'indigo & le rocou, ont besoin d'un nombre d'esclaves proportionné à leur étendue pour la culture des plantations. Plusieurs de ces esclaves sont instruits dans le genre de travail propre à mettre ces productions en valeur : tous sont sous la discipline d'un commandeur en chef, blanc ou noir, lequel dans les grands établissemens est subordonné à un oeconome.

Les negres destinés aux principales opérations qui se font dans les sucreries s'appellent raffineurs. Ce n'est pas sans peine qu'ils acquierent une connoissance exacte de leur art, qui exige beaucoup d'application dans un apprentissage de plusieurs années. Leur travail est d'autant plus fatigant, qu'ils sont continuellement exposés à la chaleur des chaudieres où l'on fabrique le sucre. Les charpentiers & scieurs de long ont soin de réparer le moulin, & d'entretenir conjointement avec les maçons, les différens bâtimens de la sucrerie. Les charrons sont fort nécessaires : on ne peut guere se passer de tonneliers ; & dans les grands établissemens un forgeron ne manque pas d'occupation. Tous les autres esclaves, excepté les domestiques de la maison, sont employés journellement à la culture des terres, à l'entretien des plantations, à sarcler les savanes ou pâturages, & à couper les cannes à sucre, que les cabrouettiers & les muletiers transportent au moulin, où d'ordinaire il y a des négresses, dont l'office est de faire passer ces cannes entre les rouleaux ou gros cylindres de métal, qui en expriment le suc dont on fait le sucre. Les negres les moins bien conformés & peu propres aux travaux difficiles, sont partagés pour l'entretien du feu dans les fourneaux de la sucrerie & de l'etuve, pour soigner les malades dans les infirmeries, & pour garder les bestiaux dans les savanes. On occupe aussi les négrillons & les négrites à des détails proportionnés à leurs forces, tellement que sur quelque habitation que ce puisse être, les maîtres & les oeconomes ne peuvent trop s'appliquer à bien étudier le caractere, les forces, les dispositions, les talens des esclaves pour les employer utilement..

Caractere des negres en général. Si par hasard on rencontre d'honnêtes gens parmi les negres de la Guinée, (le plus grand nombre est toujours vicieux) ils sont pour la plûpart enclins au libertinage, à la vengeance, au vol & au mensonge. Leur opiniatreté est telle qu'ils n'avouent jamais leurs fautes, quelque châtiment qu'on leur fasse subir ; la crainte même de la mort ne les émeut point. Malgré cette espece de fermeté, leur bravoure naturelle ne les garantit pas de la peur des sorciers & des esprits, qu'ils appellent zambys.

Quant aux negres créols, les préjugés de l'éducation les rendent un peu meilleurs ; cependant ils participent toujours un peu de leur origine ; ils sont vains, méprisans, orgueilleux, aimant la parure, le jeu, & sur toutes choses les femmes ; celles-ci ne le cedent en rien aux hommes, suivant sans reserve l'ardeur de leur tempérament ; elles sont d'ailleurs susceptibles de passions vives, de tendresse & d'attachement. Les défauts des negres ne sont pas si universellement répandus qu'il ne se rencontre de très-bons sujets ; plusieurs habitans possédent des familles entieres composées de fort honnêtes gens, très-attachés à leurs maîtres, & dont la conduite feroit honte à beaucoup de blancs.

Tous en général sont communément braves, courageux, compatissans, charitables, soumis à leurs parens, surtout à leurs parrains & maraines, & très-respectueux à l'égard des vieillards.

Logemens des negres, leur nourriture & leurs usages. Les cazes ou maisons des negres sont quelquefois construites de maçonnerie, mais plus ordinairement de bois couvert d'un torchis, de terre franche préparée avec de la bouze de vache ; un cours de chevrons élevés sur ces especes de murailles & brandis le long de la piece qui forme le faîte, compose le toît, lequel est couvert avec des feuilles de cannes, de roseaux ou de palmiers ; ces cazes n'ont qu'un rez-de-chaussée, long d'environ 20 à 25 piés sur 14 à 15 de largeur, partagé par des cloisons de roseaux, en deux ou trois petites chambres fort obscures, ne recevant de jour que par la porte, & quelquefois par une petite fenêtre ouverte dans l'un des pignons.

Les meubles dont se servent les negres correspondent parfaitement à la simplicité de leurs maisons, deux ou trois planches élevées sur quatre petits pieux, enfoncés en terre & couvertes d'une natte forment leur lit ; un tonneau défoncé par l'un des bouts servant à renfermer des bananes & des racines, quelques grands pots à mettre de l'eau, un banc ou deux ; une mauvaise table, un coffre, plusieurs couis & grosses calebasses dans lesquelles ils serrent leurs provisions, composent tout l'attirail du ménage.

Les commandeurs, les ouvriers & ceux qui sont anciens dans le pays se procurent beaucoup de petites commodités, au moyen des jardins qu'on leur permet de cultiver pour leur compte particulier dans les lieux écartés de l'habitation ; ils élevent aussi des volailles & des cochons, dont le produit les met en état de se vêtir très-proprement & de bien entretenir leur famille. Outre ces douceurs, ils sont nourris & habillés par leur maître, ainsi qu'il est ordonné par le code noir, édit dont on parlera ci-après.

Leur principale nourriture consiste en farine de manioc, Voyez l'art. MANIOC, &c. racines de plusieurs especes, mays, bananes & boeuf salé ; le poisson, les crabes, les grenouilles, les gros lésards, les agoutis, rats de cannes & tatous servent à varier leurs mets dans les endroits où ces animaux abondent ; ils composent différentes boissons avec des fruits, des racines, des citrons, du gros syrop de sucre & de l'eau, & l'eau-de-vie de canne ne leur manque pas ; ils se régalent de tems en tems les jours de fêtes ; leurs grands festins, principalement ceux de nôces, sont nombreux, tous ceux qui veulent en être étant admis, pourvû qu'ils apportent de quoi payer leur écot : ces repas tumultueux où les commandeurs veillent pour prévenir le désordre, sont toujours suivis de danses, que les negres aiment passionnément ; ceux de chaque nation se rassemblent & dansent à la mode de leur pays, au bruit cadencé d'une espece de tambour, accompagné de chants bruyants, de frappemens de main mesurés, & souvent d'une sorte de guittare à 4 cordes, qu'ils appellent banza.

La danse que les créols aiment le mieux, & qui par cette raison est fort en usage, même parmi les Nations naturalisées, c'est le calenda dont on a parlé à la lettre C.

Les negres & negresses d'une même habitation peuvent, du consentement de leur maître, se marier, suivant nos usages ; on ne doit pas exiger de cette espece d'hommes plus de vertus, qu'il n'en existe parmi les blancs ; cependant on voit chez eux des ménages fort unis, vivant bien, aimant leurs enfans, & les maintenant dans un grand respect.

Châtimens des negres, police & réglement à cet effet. Lorsqu'un negre commet une faute legere, le commandeur peut de son chef le châtier de quelques coups de fouet ; mais si le cas est grave, le maître après avoir fait mettre le malfaiteur aux fers, ordonne le nombre de coups dont il doit être châtié ; si les hommes étoient également justes, ces punitions nécessaires auroient des bornes, mais il arrive souvent que certains maîtres abusent de leur prétendue autorité, en infligeant des peines trop rigoureuses aux malheureux ; qu'ils ont peut-être mis eux-mêmes dans le cas de leur manquer. Pour arrêter les cruautés de ces hommes barbares, qui par avarice, laisseroient manquer leurs esclaves des choses les plus nécessaires à la vie, en exigeant d'eux un travail forcé, les officiers de Sa Majesté, établis dans les colonies, sont chargés de tenir la main à l'exécution de l'édit du roi, nommé code noir, servant de reglement pour le gouvernement & l'administration de la justice & de la police, & pour la discipline & le commerce des esclaves dans les îles françoises de l'Amérique.

La longueur de cet édit ne permettant pas de le rapporter dans son entier, on ne fera mention que des principaux articles qui ont rapport à la police des negres, & aux obligations des maîtres à leur égard.

Par le second article du code noir, il est ordonné aux maîtres de faire instruire leurs esclaves dans la religion Catholique, &c. à peine d'amende arbitraire.

Le sixieme défend aux maîtres, de les faire travailler les jours de repos ordonnés par l'église.

Le neuvieme impose une amende de deux mille livres de sucre aux maîtres, qui par concubinage auront des enfans de leur esclave ; en outre, ladite esclave & ses enfans confisqués au profit de l'hôpital, sans jamais pouvoir être affranchis. Cet article n'a point lieu, si le maître veut épouser dans les formes observées par l'église, son esclave, qui par ce moyen est affranchie, & ses enfans rendus libres & légitimes.

Par le dixieme article, la célébration du mariage des negres & negresses peut s'exécuter, sans qu'il soit besoin du consentement des parens, celui du maître étant suffisant, pourvû toutefois qu'il n'emploie aucune contrainte pour les marier contre leur gré.

Le douzieme article porte que les enfans qui naîtront de mariages entre esclaves, seront esclaves, & lesdits enfans appartiendront aux maîtres des femmes esclaves, si le mari & la femme ont des maîtres différens. Ces alliances ne sont pas ordinaires, les negres & negresses d'une même habitation se marient entre eux, & les maîtres ne peuvent vendre ni acheter le mari & la femme séparément.

Par le treizieme article, un homme esclave épousant une femme libre, les enfans suivent la condition de leur mere, & le pere étant libre & la mere esclave, les enfans sont esclaves.

Le quinzieme article défend aux esclaves de porter pour leur usage particulier des armes, même de gros bâtons, sous peine du fouet & de confiscation desdites armes.

Le seizieme défend aux negres, de s'attrouper de jour & de nuit, sous peine de punition corporelle, qui ne pourra être moindre que du fouet & de la fleur-de-lis, même de mort, en cas de fréquentes récidives ou autres circonstances agravantes.

Les articles 22, 23, 24 & 25, portent en substance, que les maîtres seront tenus de fournir par chacune semaine à leurs esclaves, âgés de dix ans & au-dessus, pour leur nourriture, deux pots & demi de farine de manioc, ou trois cassaves pesant deux livres & demie chacune, ou choses équivalentes (le pot contient deux pintes mesure de Paris), avec deux livres de boeuf salé, ou trois de poisson ou autre chose à proportion ; & aux enfans depuis qu'ils sont sevrés jusqu'à l'âge de dix ans, la moitié des vivres ci-dessus. Les maîtres ne peuvent donner à leurs esclaves de l'eau-de-vie de canne, nommée guildive, pour leur tenir lieu des subsistances mentionnées ci-dessus.

Il est aussi expressément défendu aux maîtres, de se décharger de la nourriture de leurs esclaves, en leur permettant de travailler certains jours de la semaine pour leur compte particulier.

Sont tenus les maîtres de fournir à chacun de leurs esclaves par chacun an, deux habits de taille ou quatre aunes de toile.

Par le vingt-sixieme article, il est permis aux negres qui ne seront pas entretenus, selon ce qui est ordonné, d'en donner avis au procureur du roi, afin que les maîtres soient poursuivis à sa requête & sans frais.

Le vingt-septieme, est au sujet des negres infirmes par vieillesse ou autrement, que les maîtres doivent nourrir & entretenir ; & en cas d'abandon de leur part, lesdits esclaves sont adjugés à l'hôpital, & les maîtres obligés de payer six sols par jour pour l'entretien de chaque esclave.

Le roi déclare, par le vingt-huitieme article, que les negres esclaves ne peuvent rien posséder qui ne soit à leur maître, leurs enfans & parens, soit libres ou esclaves, ne pouvant rien prétendre par succession, disposition, &c. Il est rare que les maîtres abusent de leur privilege : ceux qui se piquent de penser, font distribuer les effets & même l'argent des esclaves défunts à leurs parens ; & s'ils n'en ont point, les autres negres de l'habitation en profitent.

Les negres sont exclus par l'article trente, de la possession des offices & commissions ayant fonctions publiques.

Ils ne peuvent par l'article trente-un, être partie, ni en jugement, ni en matiere civile, tant en demandant qu'en défendant, ni être partie civile en matiere criminelle, &c.

Suivant l'article trente-deux, les esclaves peuvent être poursuivis criminellement avec les formalités ordinaires, sans qu'il soit besoin de rendre leur maître partie, sinon en cas de complicité.

Par les articles 33 & 34, l'esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou leurs enfans avec effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort ; & quant aux excès & voies de fait, commis par les esclaves, contre les personnes libres ; Sa Majesté entend qu'ils soient séverement punis, même de mort, si le cas y échet.

Le 35 & 36 inflige des peines afflictives proportionnées, suivant la nature des vols commis par les esclaves, comme de bêtes cavalines, de boeufs ou moutons, chevres, cochons, ou de plantes, légumes, &c.

Le trente-sept porte, que les maîtres seront tenus, en cas de vol ou autrement, des dommages causés par leurs esclaves, outre la peine corporelle desdits esclaves, de réparer les vols en leur nom, s'ils n'aiment mieux abandonner l'esclave à celui auquel le tort a été fait.

Par les articles 38 & 39, l'esclave fugitif qui se sera absenté pendant un mois, à compter du jour que son maître l'aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées, & sera marqué d'un fer chaud sur une épaule ; s'il récidive pendant un autre mois, il aura le jarret coupé & sera marqué sur une autre épaule, & la troisieme fois, il sera puni de mort.

Les affranchis qui auront retiré lesdits esclaves fugitifs, payeront une amende de trois cent livres de sucre par chaque jour de rétention.

L'article quarante porte, que l'esclave puni de mort, sur la dénonciation de son maître, non complice, sera estimé avant l'exécution par deux principaux habitans du pays, nommés d'office par le premier juge, & le prix de l'estimation sera payé au maître ; pourquoi satisfaire, il sera imposé par l'intendant sur chacune tête de negre, payant droits, la somme portée par l'estimation, laquelle sera payée par tous les habitans, & perçue par les fermiers du domaine royal d'occident pour éviter à frais.

Par l'article 42 & 43, quoiqu'il soit permis aux maîtres de faire enchaîner & battre de verge les esclaves qui seront en faute ; il est expressément défendu auxdits maîtres, de leur donner la torture, ni de leur faire aucune mutilation, à peine de confiscation des esclaves & d'être procédé contre les maîtres extraordinairement ; & il est enjoint aux officiers de justice, de poursuivre criminellement les maîtres & commandeurs qui auront tué un esclave, sous leur puissance ou sous leur direction.

L'article 44, déclare les esclaves être meubles, & comme tels entrer en la communauté, pouvant être partagés également entre les cohéritiers, &c.

Par l'article quarante-sept, le mari & la femme esclaves, & leurs enfans impuberes, ne peuvent être saisis, ni vendus séparément, &c.

L'article cinquante-huit, regarde les negres affranchis, auxquels il est octroyé par l'article cinquante-neuf, les privileges & immunités, dont jouissent les personnes nées libres, &c.

L'article soixante, traite des amendes & termine cet édit. Donné à Versailles au mois de Mars 1685. M. LE ROMAIN.

NEGRES, MAIGRES ou MAIGROTS, (Pêche) espece de poisson que les pêcheurs de Saint-Palaci, dans le ressort de l'amirauté de Marennes, sur la côte du Ponant, prennent d'une maniere particuliere ; ils se servent des mêmes chaloupes qui chargent les passagers ; ils ont un filet qu'on peut regarder comme une espece de folle. Il en a le calibre ; il est de trente-cinq à quarante brasses de long, sur trois brasses de chûte ou environ. Les pêcheurs qui font cette pêche se succédent & font la garde, ou courent des bordées, soit à la voile, soit à la nage, suivant les tems ; ils les continuent jusqu'à ce qu'ils entendent le chant, le bruit, le bourdonnement que les maigres font. Les pêcheurs ne s'y trompent point ; le poisson fût-il à vingt brasses de profondeur sous l'eau, pourvû que la chaloupe soit au-dessus de l'endroit que les maigres parcourent. Quand ils l'ont entendu ; ils jettent leurs rêts à l'aventure, de maniere cependant, qu'ils croisent la riviere en coupant la marée : le bout qui est soutenu d'une bouée, amarrée sur un cordage de plusieurs brasses, va à la derive ; l'autre bout reste amarré au bateau par une autre corde que les pêcheurs nomment mouvant. Si la pêche est bonne, le negre ou maigre s'engage dans les mailles, qui sont assez larges & y reste pris : le bas du filet qu'il faut regarder comme un ret dérivant, est chargé de plomb qui le cale bas ; les pêcheurs le relevent aussi-tôt qu'il a coulé à fond.

Cette pêche est très-fortuite & très-ingrate, quand on dit que les maigres chantent ou grondent, c'est pour se servir de l'expression des pêcheurs. Ils ont observé que ce poisson pris faisoit encore le même bruit, hors de l'eau & dans la chaloupe, & ils affirment que sans ce son extraordinaire qui les détermine dans le jet du filet, ils ne prendroient jamais de maigres ou negres.

Les rets ou filets à negres ont les mailles de cinq pouces en quarré ; ils sont faits de grosses cordes formées de plusieurs fils.

NEGRES CARTES, s. f. plur. (Jouaillerie) c'est ce qu'on appelle autrement émeraudes brutes de la premiere couleur ; elles sont fort estimées, & passent pour les plus belles de ces sortes de pierres. (D.J.)

NEGREPELISSE, (Géog.) petite ville de France dans le Querci, à 4 lieues N. E. de Montauban, sur Vetveirou. Les calvinistes l'avoient fortifiée, mais Louis XIII. l'ayant prise d'assaut en 1622, la livra au feu & au pillage ; desorte qu'il n'y reste plus que des masures.


NÉGREPONTISLE DE, (Géog.) île de Grèce, appellée par les anciens Euboe, & qui est après Candie, la plus belle de toutes les îles de l'Archipel. Elle a 360 milles de tour, & s'étend le long de la Béotie, dont elle n'est séparée que par le fameux canal de l'Euripe, & l'on croit qu'elle en a été anciennement détachée par un coup de mer. On y voyoit autrefois dans les beaux jours de la Grèce, trois villes considérables, célébres dans l'histoire ; Carysthe, Chalcis & Eretrie. Les jeux qui s'y célébroient appellés gérestiens, avoient été institués par Géreste, en l'honneur de Neptune, qui l'avoit sauvé d'une tempête.

Le nom moderne de Négrepont, Négroponte, ou comme disent les Italiens Nigroponte, vient de celui d'Egripos que les grecs lui donnent. Les premiers françois qui passerent dans cette île, entendant dire aux gens du pays eis ton Egripont, ce qui signifie à Egripos, crurent qu'on appelloit ce lieu Négripont, confondant la derniere lettre de l'article ton avec Egripont. Cette origine du nom nous ressemble si fort, qu'il n'en faut point aller chercher d'autre, ni l'attribuer à l'erreur des Italiens, qui l'appellent Nigroponte, comme s'il y avoit quelque pont de pierre noire qui passe de la Béotie dans l'île. Quoi qu'il en soit, le nom de Négrepont est commun à l'île, à la ville & au détroit.

On compte dans cette île, quatre principaux promontoires, dont l'un se nomme le cap d'Oro ; c'est sur la croupe de ce promontoire, que Nauplius, roi de Négrepont, fit allumer des feux, afin qu'à la faveur de cette lumiere, l'armée des grecs qui revenoit de Troie pût arriver à bon port. C'est dans le voisinage du cap Zittar, autre promontoire de l'île du côté du nord, qu'étoit la côte d'Artémisia, ainsi nommée du temple qui y avoit été élevé ; & c'est-là que les grecs mirent leur armée navale à l'abri, durant les guerres que leur firent les Perses.

Après la prise de Constantinople par les Croisés, les François & les Vénitiens s'emparerent de l'île de Négrepont. On vit naître alors des seigneurs de Négrepont, des ducs de Naxie, des marquis de Monferrat, rois de Thessalie, &c. enfin les Vénitiens devinrent peu-à-peu maîtres de l'île, qu'ils gouvernerent par un baile jusqu'à l'année 1469, que les Turcs la leur enleverent.

La terre de Négrepont est très-fertile en pâturages, en blé, en vin, en coton & en huile. Il y avoit autrefois plusieurs villes peuplées, & grand nombre de gros bourgs & de villages ; mais depuis que cette île est passée sous la domination du grand seigneur, tout y est tombé dans un dépérissement incroyable. Long. 41. 32-42. 55. lat. 38. 38. 16. (D.J.)

NEGREPONT, (Géogr.) forte ville de Grece, capitale de l'île de même nom. Elle est habitée par des turcs & des juifs ; & les Chrétiens demeurent dans les fauxbourgs, qui sont plus grands que la ville. Il y a un capitan pacha qui commande à toute l'île ; Mahomet II. la prit en 1469, après six mois de siége, & une perte de plus de 40 mille hommes. Les Vénitiens l'assiégerent inutilement en 1688. Elle est à 12 lieues N. E. d'Athènes, 45 S. E. de Larisse, 104 S. O. de Constantinople. Longit. 42. 3. latit. 38. 30.

La ville de Négrepont est l'ancienne Chalcis ; elle est sur la côte occidentale de l'île, dans le fameux détroit de l'Euripe, aujourd'hui le détroit de Négrepont. Le serrail du capitan-pacha qui commande toute l'île & une partie de la Béotie, est bâti sur ce détroit. Dans l'endroit où le détroit est le plus resserré, on traverse de la Béotie dans l'île par un pont de pierres de cinq petites arcades, & qui n'a guere que trente pas de long. Voyez de plus grands détails dans Spon, voyage de Négrepont, & dans Corneille, description de la Morée.

NEGREPONT, DETROIT DE, (Géog.) petit bras de mer qui sépare l'île de Négrepont de la Livadie en terre ferme. Voyez EURIPE. (D.J.)


NEGRERIES. f. (Commerce d'Afrique) lieu où ceux qui font le commerce des Negres, ont coutume d'enfermer leurs esclaves, soit sur les côtes d'Afrique, jusqu'à ce qu'ils puissent les embarquer, soit dans les îles Antilles & autres endroits où ils les débarquent, jusqu'à ce qu'ils ayent trouvé marchand ; d'autres disent captiverie.


NEGRIERS. m. (Commerce) on appelle navires negriers, vaisseaux negriers, bâtimens negriers, ceux qui servent au commerce des Negres, & avec lesquels les nations européennes qui font ce négoce sur les côtes d'Afrique, font la traite de ces esclaves pour les transporter & les aller vendre aux îles Antilles, & dans quelques endroits du continent de l'Amérique espagnole. Voyez NEGRES, Dictionnaire de Commerce. (G)


NEGRILLOS. m. (Minéralogie) c'est ainsi que les Espagnols de l'Amérique nomment une substance minérale que l'on tire de quelques mines d'argent du Chily ; il est noir & assez semblable à du mâche-fer ; quand il est mêlé de plomb, on le nomme plomoronco.


NEGRILLONS. m. (Commerce d'Afrique) on nomme negrillons dans le commerce des esclaves, les petits negres de l'un ou de l'autre sexe qui n'ont pas encore passé dix ans : trois enfans de dix ans font deux pieces d'Inde, & l'on compte deux enfans de cinq ans pour une piece.


NEGRO(Géog.) en latin Niger, ou Tanager, riviere du royaume de Naples, dans la principauté citérieure. Elle a sa source aux frontieres de la Basilicate, à quelques milles de Policastro, & finit par se jetter dans la riviere de Selo. (D.J.)


NEGUNDOsub. m. (Hist. nat. Botan. exot.) arbre des Indes orientales, dont on distingue deux especes ; l'une est appellée mâle, & l'autre femelle. Le mâle est de la hauteur d'un amandier ; ses feuilles sont faites comme celles du sureau, dentelées sur les bords, & fort velues. La femelle croît à la même hauteur que le mâle ; mais ses feuilles sont plus rondes, sans dentelure, semblables à celles du peuplier blanc : les feuilles des deux especes ont l'odeur & le goût de la sauge, avec plus d'âcreté & d'amertume. Il suinte pendant la nuit sur ces feuilles une seve ou suc blanc, qui s'évapore au lever du soleil. Leurs fleurs ressemblent à celles du romarin ; & les fruits qui leur succedent, ressemblent au poivre noir, excepté que leur goût n'est point si âcre, ni si brûlant. (D.J.)


NEGUS(Hist.) c'est le nom que les Ethiopiens & les Abyssins donnent à leur souverain : ce mot signifie roi dans la langue de ces peuples. Ce prince prend lui-même le titre de negusa nagast zaitiopia, c'est-à-dire, rois des rois d'Ethiopie. Les Abyssins croient que les rois qui les gouvernent descendent de la reine de Saba, qui étant allée à Jérusalem pour admirer la sagesse de Salomon, eut, diton, de ce prince un fils appellé Menilehech, de qui sont venus les negus, ou rois d'Ethiopie, qui occupent aujourd'hui le trône. Ce prince fut, dit-on, élevé à la cour du roi Salomon son pere, d'où il amena plusieurs docteurs juifs, qui apporterent la loi de Moïse dans ses états : les rois d'Ethiopie ont depuis embrassé le Christianisme. Les anciens rois d'Ethiopie fournissent un exemple frappant de l'abus du pouvoir sacerdotal ; Diodore de Sicile nous apprend que les prêtres de Meroe, les plus révérés de toute l'Ethiopie, ordonnoient quelquefois à leurs rois de se tuer eux-mêmes ; & que ces princes dociles ne manquoient point de se conformer à cet ordre qui leur étoit signifié de la part des dieux. Le même auteur dit que ce pouvoir exorbitant des prêtres dura jusqu'au regne d'Ergamenes, qui étant un prince guerrier, marcha à la tête d'une armée, pour réduire les pontifes impérieux qui avoient fait la loi à ses prédécesseurs.


NEHALENNIAS. f. (Mythol.) cette déesse adorée dans le fond septentrional de la Germanie, étoit tout-à-fait inconnue, lorsque le 5 de Janvier 1646, un vent d'est soufflant avec violence vers la Zélande, le rivage de la mer se trouva à sec proche Doesbourg, dans l'île de Valcheren, & on y apperçut des masures que l'eau couvroit auparavant. Parmi ces masures étoient des autels, des vases, des urnes, & des statues ; & entr'autres plusieurs qui représentoient la déesse Néhalennia, avec des inscriptions qui apprenoient son nom. Ce trésor d'antiquités fut bien-tôt connu des Savans ; & Urcé, dans son histoire des comtes de Flandres, tome I. page 51. a fait graver quatorze de ces statues, qui toutes portent le nom de cette déesse, à l'exception d'une seule. Dom Bernard de Montfaucon ne les a pas négligées ; & on en trouve sept à la fin du second tome de son antiquité expliquée par les figures.

Dom Jacques Martin, dans son histoire de la religion des Gaulois, tome II. cap. xvii. s'est donné la peine de nous marquer toutes les attitudes qu'a cette déesse sur ces différentes statues, tantôt assise, tantôt debout ; un air toûjours jeune, & un habillement qui la couvre depuis les piés jusqu'à la tête, la caractérisent par tout : & les symboles qui l'environnent, sont ordinairement une corne d'abondance, des fruits qu'elle porte sur son giron, un panier, un chien, &c.

Comme une découverte est souvent favorable pour en amener d'autres, M. Keisler dans ses antiquités septentrionales, dit qu'en examinant avec soin les idoles qu'on voit encore dans la Zélande, on en remarque quelques-unes qui avoient tout l'air de Néhalennia, quoiqu'on ne se fût pas avisé de le soupçonner : du-moins est-il sûr que ce n'étoit pas dans cette province seule, qu'étoit connue & honorée cette déesse, puisque Gruter rapporte une inscription trouvée ailleurs, qui est consacrée à cette divinité par Eriattius fils de Jucundus : deae Nehal. Eriattius Jucundi pro se & suis votum solvit libens merito ; car il n'est pas douteux que ce ne soit le nom de Nehalennia en abrégé. Mais quand on voudroit n'en pas convenir, il est sûr du-moins que cette déesse étoit honorée en Angleterre, puisqu'on y a trouvé une inscription où son nom est tout du long. On prétend encore qu'une image en mosaïque déterrée à Nîmes, la représente ; mais la chose n'est rien moins que certaine.

Comme Neptune se trouve trois fois joint aux figures de Néhalennia, on pense que cette déesse étoit aussi invoquée pour la navigation ; & cette opinion est confirmée par une inscription d'Angleterre, dans laquelle Secundus Sylvanus déclare qu'il a accompli le voeu qu'il avoit adressé à cette déesse pour l'heureux succès du commerce de craie qu'il faisoit.

On ignore cependant ce qu'étoit la déesse Néhalennia ; les uns la prennent pour la lune ou la nouvelle lune ; d'autres pour une des déesses meres ; dumoins les symboles dont nous avons parlé, lui conviennent assez bien. Comme on a découvert des monumens de ces déesses champêtres en France, en Angleterre, en Italie, & en Allemagne, il ne seroit pas étonnant qu'on en ait trouvé dans la Zélande : toutes ces réflexions sont de M. l'abbé Banier, Mythol. tome II. (D.J.)


NEHAVEND(Géog.) ancienne ville de Perse dans le Couhestan, sur une montagne, à 14 lieues au midi de Hancédan, célebre par la victoire que les Arabes y remporterent sur les Persans en 638. Long. 83. 48. lat. 34. 12. (D.J.)


NEHÉMIELIVRE DE, (Critiq. sacrée) ce livre sacré est nommé plus communément le second livre d'Esdras, quoiqu'il commence ainsi, ce sont ici les paroles de Néhémie, & que l'auteur y parle presque toûjours en premiere personne ; mais cet auteur n'est point Néhémie, parce qu'il se trouve dans son livre bien des choses qui ne peuvent être de sa main. Il est visible, par exemple, que ce n'est point Néhémie qui a écrit le douzieme chapitre depuis le verset premier jusqu'au vingt-septieme : c'est une addition qui a été faite par ceux qui ont reçu le livre dans le canon de l'Ecriture. Esdras en avoit montré l'exemple, en mettant çà & là dans son recueil des livres sacrés, les insertions qui lui parurent nécessaires. Ceux qui dans la suite continuerent le recueil, firent la même chose aux livres qu'ils ajouterent, jusqu'à ce que ce recueil parût complet à Simon le Juste, qui travailla le dernier à former le canon de l'ancien-Testament. Or, comme le livre de Néhémie étoit le dernier écrit, Simon le mit au nombre des livres sacrés. Ce fut alors sans doute, que se fit l'addition du douzieme chapitre, ou par Simon, ou par ceux qui travaillerent avec lui à la clôture du canon. Cette addition ou interpolation est palpable ; car elle interrompt le sens & la liaison entre ce qui précede & ce qui suit ; aussi les meilleurs critiques le reconnoissent. Voyez Vossius, in chronic. sacra, cap. x. & la chronique angloise de Cary, II. part. lib. II. cap. vj. (D.J.)


NEIÉ(Marine) voyez NOIE.


NEIGES. f. (Physique) eau congelée, qui dans certaines constitutions de l'athmosphère, tombe des nuées sur la terre sous la forme d'une multitude de flocons séparés les uns des autres pendant leur chûte, & qui sont tous d'une extrême blancheur. Un flocon de neige n'est qu'un amas de très-petits glaçons pour la plûpart de figure oblongue, de filamens d'eau congelée, rameux, assemblés en différentes manieres, & formant quelquefois autour d'un centre des especes d'étoiles à six pointes. Voyez GLACE & CONGELATION.

Descartes & d'autres philosophes modernes en assez grand nombre, qui n'ont guere pensé que d'après lui, ont cru que les nuées étoient composées de particules de neige & de glace. Il devoit donc, selon eux, tomber de la neige toutes les fois que les parcelles condensées d'une nuë se précipitoient vers la terre & arrivoient à sa superficie, avant que d'être entierement fondues. On est aujourd'hui détrompé de cette fausse opinion. Les nuées sont des brouillards élevés dans l'athmosphère, c'est-à-dire, des amas de vapeurs & d'exhalaisons assez grossieres pour troubler la transparence de l'air, où elles sont suspendues à diverses hauteurs plus ou moins considérables. Nous parlerons dans un autre article des principales causes qui, forçant les vapeurs aqueuses de se réunir, les convertissent en petites gouttes de pluie. Ces gouttes venant à tomber, il arrive souvent que la froideur de l'air qu'elles traversent est assez considérable pour les geler : elles se changent alors en autant de petits glaçons. D'autres gouttes qui les suivent se joignant à elles, se gelent aussi ; & de cette maniere, il se forme une multitude de flocons, qui ne peuvent être que fort rares & fort légers ; l'union des petits glaçons qui les composent, étant toûjours très-imparfaite. Voyez PLUIE.

On voit qu'il est absolument nécessaire pour la formation de la neige, que la congélation saisisse les particules d'eau répandues dans l'air, avant qu'elles se soient réunies en grosses gouttes. Si les gouttes de pluie, lorsqu'elles perdent leur liquidité, sont déja d'une certaine grosseur : si elles ont, par exemple, deux ou trois lignes de diamêtre, elles se changent en grêle & non en neige : nous l'avons remarqué ailleurs. La grêle, dont le tissu est nécessairement compacte & serré, est parfaitement semblable à la glace ordinaire. La neige au contraire est de même nature que la gelée blanche : rien ne distingue essentiellement ces deux sortes de congélations : l'une se forme dans l'air ; l'autre sur la surface des corps terrestres : voilà leur principale différence. Voyez GRELE, GELEE BLANCHE, VREIVRE.

La figure des flocons de neige est susceptible d'un grand nombre de variétés ; elle est réguliere ou irréguliere. Ces flocons ne sont quelquefois que comme de petites aiguilles. Quelquefois ce sont de petites étoiles héxagonales, qui finissent en pointes fort aiguës, & qui forment ensemble des angles de 60 degrés, après que trois aiguilles sont tombées les unes sur les autres, & se sont congelées. Il arrive aussi que le milieu du corps de l'étoile est plus épais, & se termine en pointes aiguës. Quelques-unes de ces étoiles ont un globule à leur centre ou aux extrêmités de leurs rayons, ou en même tems au centre & à l'extrêmité des rayons. D'autres ont à leur centre une autre étoile pleine ou vuide. M. Musschenbroeck a vu tomber des flocons sous la forme de fleurs à six pétales. Dans une autre occasion il a observé des étoiles hexagonales, composées de rayons fort minces, d'où partoient un grand nombre de petites branches ; desorte qu'ils imitoient assez bien les branches d'un arbre. Deux autres sortes d'étoiles que M. Cassini observa dans la neige en 1692, ne différent de celles de M. Musschenbroeck, qu'en ce qu'au lieu de simples branches, qui se fourchent en plusieurs autres, ce sont comme des rameaux garnis de leurs feuilles. Erasme Bartholin assure qu'il a vu dans la neige des étoiles pentagonales, & même il ajoute que quelques-uns en ont vu d'octangulaires. Voyez nos Planches de Physique.

Cette neige réguliere ne tombe pas souvent ; les flocons sont ordinairement de figure irréguliere, & de grandeur inégale. Ce qui est bien digne de remarque, c'est que les différentes especes de flocons réguliers, dont on vient de parler, ne sont presque jamais confondues dans la même neige ; il n'en tombe que d'une espece à-la-fois, soit en différens jours, soit à différentes heures d'un même jour.

Dans toutes les figures de flocons de neige qui ont été décrites, on apperçoit malgré la diversité qui y regne, quelque chose d'assez constant, de longs filamens d'eau glacée, quelquefois entierement séparés les uns des autres, mais d'ordinaire assemblés sous différens angles, principalement sous des angles de 60 degrés. C'est ce qu'on remarque dans toutes les autres congélations ; & ce qui paroît dépendre de la figure, quelle qu'elle soit, des parties intégrantes de l'eau, & de la maniere dont la force de cohésion agit sur ces particules pour leur faire prendre un certain arrangement déterminé. La congélation a beaucoup de rapport avec la crystallisation. Or les sels n'affectent-ils pas de même dans leurs crystallisations différentes figures ? Enfin le degré du froid, sa lenteur ou son accroissement rapide, la direction & la violence du vent, le lieu de l'athmosphère où se forme la neige, la différente nature des exhalaisons qui se mêlent avec les molécules d'eau converties en petits glaçons ; tout cela peut contribuer à faire tomber dans un certain tems de la neige réguliere, & une espece de cette neige plutôt qu'une autre. Nous n'en dirons pas davantage sur les causes de la diversité dont il s'agit. C'est assez d'appercevoir la liaison des phénomenes, & de faire envisager en gros & confusément dans les opérations de la nature, les agens & le méchanisme qu'elle a pu employer.

La neige est beaucoup plus rare & plus légere que la glace ordinaire. Le volume de celle-ci ne surpasse que d'un dixieme ou d'un neuvieme tout-au-plus celui de l'eau dont elle est formée ; au lieu que la neige qui vient de tomber a dix ou douze fois plus de volume que l'eau qu'elle fournit étant fondue. Quelquefois même cette rareté est beaucoup plus grande ; car M. Musschenbroeck ayant mesuré à Utrecht de la neige qui étoit en forme d'étoiles, elle se trouva vingt-quatre fois plus rare que l'eau.

L'évaporation de la neige est très-considérable : lorsqu'il n'en est tombé qu'un ou deux pouces, on la voit disparoître en moins de deux jours de dessus la terre par un vent sec & au plus fort de la gelée ; il est aisé de comprendre qu'étant composée d'un grand nombre de particules de glace assez désunies, elle doit présenter une infinité de surfaces à la cause de l'évaporation.

D'un autre côté, elle ne sauroit faire le même effort que la glace pour se dilater ; elle ne rompt point les vaisseaux qui la contiennent ; elle cede à la compression, & l'on peut aisément la réduire à un volume presque égal à celui de la glace ordinaire. Les pelotes qu'on en forme en la pressant fortement avec les mains, sont d'une très-grande dureté ; c'est que les parties qui les composent étant plus rapprochées, & se touchant par un plus grand nombre de points, adherent plus fortement entr'elles ; ajoutons que la chaleur de la main fondant la neige en partie, l'eau qui se répand dans tout le composé en lie mieux les différentes portions, & augmente leur adhésion mutuelle : tout cela est assez connu.

La neige ne sauroit être fortement comprimée sans perdre au moins en partie son opacité & sa blancheur ; c'est qu'elle n'est blanche & opaque que dans sa totalité. Chacun des petits glaçons qui la composent, lorsqu'on l'examine de près, est transparent ; mais les intervalles peu réguliers que laissent entr'eux ces petits glaçons, donnant lieu à une multitude de réflexions des rayons de lumiere, le tout doit être opaque & blanc. Ce que nous avons dit à l'article GELEE BLANCHE, du verre le plus transparent, qui est blanc lorsqu'on le réduit en poudre, trouve ici son application.

Comme la neige réfléchit la lumiere avec force, il n'est pas surprenant, lorsque tout en est couvert, que ceux qui ont la vue foible n'en puissent pas supporter l'éclat. Il n'est même personne qui se promenant long-tems dans la neige pendant le jour, n'en devienne comme aveugle. Xenophon rapporte que l'armée de Cyrus ayant marché quelques jours à travers des montagnes couvertes de neige, plusieurs soldats furent attaqués d'inflammations aux yeux, tandis que d'autres perdirent entierement la vue. La blancheur de la neige guide suffisamment ceux qui vont de nuit dans les rues, lors même qu'il ne fait pas clair de lune. Olaüs magnus nous apprend que dans les pays septentrionaux, lorsque la lune luit, & que la neige en réfléchit la lumiere, on peut fort bien voir & voyager sans peine, & même découvrir de loin les ours & les autres animaux féroces.

La froideur de la neige n'a rien de particulier ; c'est sans fondement que quelques auteurs l'ont crue inférieure à celle de la glace. Toutes les observations & les expériences prouvent le contraire. La neige & la glace sont également froides, soit dans l'instant de leur formation, soit après qu'elles sont formées, toutes les autres circonstances étant d'ailleurs les mêmes.

Quant au goût de la neige, il n'offre non plus rien de remarquable. Celle qui tombe actuellement n'a aucune saveur ; il est vrai que long-tems après, lorsqu'elle a séjourné sur la terre, & qu'elle s'y est tassée, elle y contracte quelque chose de mordicant qui se fait sentir sur la langue. On peut croire que selon les climats & les circonstances du tems & du sol, la neige a quelquefois des qualités que l'eau commune n'a pas. On prétend par exemple que les habitans des Alpes & des environs ne sont sujets aux goëtres, que parce qu'ils boivent en hiver de l'eau de neige fondue. Cependant la plûpart des habitans de la Norwege, qui, comme les premiers, n'en ont pas d'autre pendant l'hiver, sont exempts de cette incommodité.

Des essais chimiques faits avec soin donneroient sans doute bien des lumieres sur la nature des exhalaisons terrestres & des corps hétérogenes dont la neige peut être chargée. M. Marggraf a trouvé un peu de nitre dans la pluie & dans la neige qui tombent à Berlin.

La quantité de neige qui tombe dans certains pays, mérite d'être remarquée. M. Léopold rapporte dans son voyage de Suede, qu'en 1707 il neigea en une seule nuit dans la partie montueuse de Smalande, de la hauteur de trois piés. On observa en 1729, sur les frontieres de Suede & de Norwege, près du village de Villaras, qu'il y tomba subitement une si affreuse quantité de neige, que quarante maisons en furent couvertes, & que tous ceux qui étoient dedans en furent étouffés. M. Wolf nous apprend qu'on a vu arriver la même chose en Silésie & en Bohème. M. de Maupertuis nous parle de certaines tempêtes de neige qui s'élevent tout-à-coup en Laponie. " Il semble alors, dit-il, que le vent souffle de tous les côtés à la fois, & il lance la neige avec une telle impétuosité, qu'en un moment tous les chemins sont perdus. Celui qui est pris d'un tel orage à la campagne, voudroit en vain se retrouver par la connoissance des lieux ou des marques faites aux arbres, il est aveuglé par la neige, & s'y abyme s'il fait un pas ".

La neige n'étant que de l'eau congelée ne peut se former que dans un air refroidi au degré de la congélation ou au-delà : si en tombant elle traverse un air chaud, elle sera fondue avant que d'arriver sur la terre ; c'est la raison pour laquelle on ne voit point de neige dans la zone torride, ni en été dans nos climats, si ce n'est sur les hautes montagnes. A Montpellier, où j'écris, je n'ai jamais vu neiger lorsque le thermometre a marqué plus de 5 degrés au-dessus du terme de la glace.

La neige survenant après quelques jours de forte gelée, on observe que le froid, quoique toujours voisin de la congélation, diminue sensiblement ; c'est que d'une part le tems doit être couvert pour qu'il neige, & que de l'autre les vents de sud, d'ouest, &c. qui couvrent le ciel de nuages, diminuent presque toujours la violence du froid, & souvent amenent le dégel.

C'est ce qui arrive pour l'ordinaire ; car tout le monde sait qu'il neige aussi quelquefois par un froid très-vif & très-piquant, qui augmente lorsque la neige a cessé de tomber. M. Musschenbroeck a observé que la neige qui tomboit en forme d'aiguilles étoit toujours suivie d'un froid considérable : celle qui tombe par un tems doux, & qui est mêlée avec la pluie, a des gros flocons ; ce qui est aisé à comprendre, plusieurs flocons se fondant alors en partie, & s'unissant entr'eux. Essais de Physique.

En Provence & dans tout le bas Languedoc, le vent de nord-est, qu'on y appelle communément le vent grec, est celui qui amene le plus souvent la neige ; c'est qu'il y est froid & humide, & très-souvent pluvieux, par les raisons que nous exposerons ailleurs. Voyez PLUIE.

Comme la neige tombe pour l'ordinaire en hiver, & toujours par un tems assez froid ; il n'est pas surprenant que plusieurs physiciens ayent cru qu'elle n'étoit jamais accompagnée de tonnerre ; ils se trompoient certainement. Le 1 Janvier 1715, il éclaira & il tonna à Montpellier dans le tems même qu'il neigeoit. Il faut pourtant avouer que cela n'arrive que très-rarement. Dans le dernier siecle, il y eut à Senlis, à Châlons, & dans les villes voisines, un orage des plus violens, au milieu de l'hiver : la foudre tomba en plusieurs endroits & fit d'effroyables ravages, pendant une neige fort grosse & fort épaisse. Le P. le Bossu, dans son traité du Poëme épique, oppose ce fait remarquable à la critique de Scaliger, qui a repris Homere d'avoir représenté les éclairs se suivant sans relâche & traversant les cieux, pendant que le maître du tonnerre se prépare à couvrir la terre de grêle ou de monceaux de neige. Madame Dacier, après avoir rapporté ce fait, d'après le P. le Bossu, ne manque pas de dire qu'Homere avoit sans doute vû la même chose, & que les connoissances philosophiques de ce pere des poëtes étoient supérieures à celles de Scaliger. Iliad. liv. X. Notes de Madame Dacier sur ce livre.

Si la neige, comme on n'en sauroit douter, dépend dans sa formation de la constitution présente de l'athmosphère, il n'est pas moins certain qu'étant tombée, elle influe à son tour sur cette même constitution. Les vents qui ont passé sur des montagnes couvertes de neige, refroidissent toujours les plaines voisines où ils se font sentir : c'est la raison pour laquelle certains pays sont plus froids ou moins chauds qu'ils ne devroient être par leur situation sur notre globe. Les neiges qui couvrent perpétuellement les sommets des plus hautes montagnes de la chaîne des Cordilieres, moderent beaucoup les chaleurs qu'on ressent au Pérou, qui sans cela pourroient être excessives. Il en est de même de plusieurs autres pays situés dans la zone torride, ou, hors de cette zone, dans le voisinage des tropiques. Par la même raison certains pays, comme l'Arménie, sont très-froids, quoique sous la latitude de 40 degrés. M. Arbuthnot, dans son Essai des effets de l'air sur le corps humain, remarque que la neige des Alpes influe sur le tems qu'il fait en Angleterre. On observe dans le bas-Languedoc que lorsque les montagnes d'Auvergne & de Dauphiné, dont les premieres sont au nord, & les autres à l'est de cette province, sont également couvertes de neige, le vent de sud ne souffle presque jamais ; ensorte qu'on jouit au milieu de l'hiver du tems le plus serein. La raison en est que la froideur de la neige condensant l'air qui est autour de ces montagnes, cet air devenu plus pesant tend vers le sud, où il se raréfie, & fait par conséquent un vent de nord. La même chose arrive par la même raison quand les montagnes d'Auvergne sont plus chargées de neige que celles de Dauphiné ; mais si ces dernieres sont couvertes de neige pendant que celles d'Auvergne en sont déchargées, le vent du sud pourra souffler avec violence, l'air qui est au nord lui résistant alors trop foiblement. Physique de Regis, liv. V. chap. xj.

La neige se formant dans l'air, & n'étant que de l'eau congelée, doit être mise au nombre des météores aqueux. Voyez METEORE.

Tout le monde fait que la neige en se fondant fournit une grande quantité d'eau aux ruisseaux & aux fleuves, & que sa fonte trop subite cause souvent des inondations considérables.

Un très-grand nombre de plantes se conservent ensevelies dans la neige pendant l'hiver, & on les voit pousser au printems avec rapidité, pourvu que la neige qui les couvroit, se soit fondue lentement & peu-à-peu ; car en fondant subitement, elle pourroit détruire l'organisation & le tissu des végétaux. Rien n'est sur-tout plus pernicieux aux arbres & aux plantes qu'une neige, qui séjournant sur la terre, se fond en partie pendant le jour pour se geler de nouveau la nuit suivante. C'est ce qui fit mourir dans plusieurs contrées du bas-Languedoc & de la Provence quantité d'oliviers, de figuiers & d'autres arbres fruitiers pendant l'hiver de 1755, où l'on vit se renouveller en partie ce qu'on avoit éprouvé en 1709.

La neige peut être employée au défaut de la glace, dans la préparation d'une infinité de boissons rafraîchissantes nécessaires pour les délices de la vie, que la Philosophie même ne doit pas toujours négliger. Ces mêmes boissons sont d'usage en Médecine. Je ne dirai rien ici de plusieurs vertus attribuées à la neige assez gratuitement, non plus que de la propriété qu'elle a de guérir les membres gelés sur lesquels elle est appliquée. J'ai parlé ailleurs de cette propriété, & j'ai fait voir que la neige ne faisoit en pareil cas que ce qu'auroit fait de l'eau médiocrement froide. Voyez GELEE & GLACE. Cet article est de M. DE RATTE, secrétaire perpétuel de la société royale des Sciences de Montpellier.

NEIGE, (Mat. méd. & Diete.) c'est une des matieres que l'on emploie pour appliquer un degré de froid considérable, le froid glacial aux corps humains, ou à différentes substances destinées à fournir aux hommes des alimens & des boissons, ou des remedes. Les considérations qu'on a fait sur la glace, dans ce point de vue, conviennent pareillement & très-exactement à la neige. (Voyez GLACE, Médecine.) Nous remarquerons seulement ici que c'est la neige spécialement que le peuple du nord emploie, d'après un très-ancien usage de leur pays, pour rappeller la chaleur & la vie dans les membres gelés. C'est communément sous forme de frictions que la neige s'emploie dans ces cas ; mais la simple application peut suffire. Agricola (Chirurgiae parer. tract. 5.) assure que les engelures du nez ou des oreilles sont guéries dans un quart-d'heure par l'application de la neige. Barclai rapporte dans son Euphormion, part. IV. chap. viij. qu'un roi d'Angleterre fut guéri en très - peu de tems d'une engelure au doigt, l'ayant plongé dans la neige par le conseil de certains habitans de Norvege.

Il y a dans l'art un usage fort bizarre qui paroît avoir été peu suivi, & qui enfin paroît entierement abandonné avec raison ; c'est d'éteindre le sentiment par l'application de la neige dans une partie sur laquelle on est sur le point d'exécuter une opération chirurgicale ; cependant ce moyen singulier pourroit absolument être employé peut - être avec avantage dans quelque cas singulier. (b)

NEIGE, eau de, (Chimie) Voyez à l'article EAU, Chimie.

NEIGE, OISEAU DE, (Hist. nat.) c'est un oiseau semblable à la linote par la figure, le bec & la couleur, qui se trouve à Spitzberg. Son nom lui vient de ce qu'il ne se voit jamais que sur la neige glacée. Il est de la grosseur d'un moineau. Il a le bec court & pointu, & la tête aussi grosse que le cou. Ses jambes sont celles de la linote, mais ses piés sont divisés en trois doigts armés d'ongles longs & crochus : il est blanc depuis la tête jusqu'à la queue, ainsi que sous le ventre ; les plumes du dos & des aîles sont grises. Ces oiseaux sont si familiers qu'ils se laissent prendre à la main ; ce qui est produit par la faim qu'ils éprouvent dans ce climat glacé. Leur chair est d'un assez bon goût.

NEIGE ou NAGE, terme de riviere, espece d'oreillons qui se fabriquent aux deux extrêmités d'un train, qui servent à porter les avirons pour nager, & qui sont faits d'un fort chantier chacun.

NEIGE, s. f. (terme de Confiseur) composition de sucre & de jus de certains fruits, comme de framboise, de groseille ou de cerise qu'on fait glacer, & qu'on sert sur la table.

NEIGE, (Bout. Passement.) petite dentelle faite au métier, & qui est de peu de valeur.


NEILLES. f. terme de Tonnelier, qui signifie du chanvre ou de la ficelle décordée dont ces ouvriers se servent pour étouper une piece de vin qui suinte par le fonds à l'endroit du jable. Pour cet effet ils enfoncent ce chanvre dans le jable, à l'endroit par où le vin sort, avec un petit instrument de fer appellé le clouet.


NEISCHABOUR(Géog.) Voyez NICHABOUR.


NEISou NEISSE, (Géogr.) ville d'Allemagne dans la basse Silésie, proche d'une riviere dont elle a pris le nom, & arrosée d'une autre riviere nommée Biélan. Elle est la résidence ordinaire de l'évêque de Breslau, & ne le cede point à Lignitz. Elle fut bombardée par le roi de Prusse en 1741. Sa situation est à 14 lieues S. E. de Breslau, 11 N. E. de Glatz. Long. 36. 10. lat. 50. 32.

La riviere de Neiss prend sa source dans la montagne du côté de Glatz, & va se perdre dans l'Oder à quelque distance de Brigg.


NEITH(Mythol. égypt.) divinité que les Egyptiens adoroient. Elle est la même que l'Athénée des Grecs, & elle étoit la divinité de Laïs, comme Phtha (nom égyptien de Vulcain) étoit celle de Memphis. Le mot neith, dans la langue cophte, signifie encore déesse.


NEIVA(Géog.) petite ville de Portugal dans la province d'Entre - Minho & Douro, sur la côte occidentale, à l'embouchure de la riviere qui lui donne son nom. Cette riviere s'appelloit anciennement Naebis.


NEKIRou NEKER, s. m. (Hist. mod.) nom de l'un des anges inquisiteurs qui examinent le mort dans le sepulchre, selon la doctrine de l'alcoran. Voyez ALCORAN.

Quelques-uns l'ont nommé Gnanekir, trompés par la particule arabe gna, qui signifie et, dans ce passage, Munkir gna Nekir, c'est-à-dire Munkir & Nekir, qui sont les noms de ces deux prétendus anges.

Selon Mahomet, les ames & les corps sont dans le sepulchre jusqu'au jour du jugement, & d'abord après la sépulture, Munkir & Nekir se présentent aux morts, & leur font ces quatre demandes. " Quel est ton Dieu, ton prophete, ta créance, le lieu de ton adoration " ? Les musulmans ne manquent pas de répondre avec confiance : " mon Dieu est celui qui t'a créé aussi-bien que moi ; mon prophete est Mahomet ; ma créance est islam, c'est-à-dire, la créance salutaire ; & le lieu de ma dévotion est Kaaba, ou le temple de la Mecque ". En conséquence ils reposent en paix dans leurs tombeaux, & par une petite fenêtre qu'on y suppose pratiquée, ils voyent ce qui se passe dans le ciel. Au contraire ceux qui ne sont pas morts musulmans, frappés de la stature extraordinaire de l'ange, le prennent pour Dieu, veulent l'adorer, mais il les renfonce à coups de massue dans leur sépulchre, où ils demeurent sans être favorisés des visions accordées aux fideles croyans. Ricaut, de l'empire ottoman.


NEKSHCHEB(Géog.) ville de la Transoxane, c'est-à-dire du pays qui est au-delà du fleuve Gihon ou Amou, l'Oxus des anciens. Elle est située dans une grande plaine fertile, à deux journées du mont Imaüs. Le Canoun de Baïnouri donne à cette ville 88d. de long. & 39. de lat. sept.


NELLENBOURG(Géog.) petite ville d'Allemagne, capitale du landgraviat de même nom, dans la Souabe autrichienne, entre Constance, le canton de Schaffhouse, & la principauté de Furstemberg. Elle est à 8 lieues N. E. de Schaffhouse, 9 S. de Constance. Long. 26. 40. lat. 47. 54.

Le landgraviat de Nellenbourg s'appelloit autrefois le Hegow, & avoit une étendue beaucoup plus grande qu'il n'a présentement ; car il comprenoit la ville de Schaffhouse, & plusieurs terres qui appartiennent à la ville de Constance, & à la maison de Furstemberg.


NELSONLE PORT (Géog.) port de l'Amérique septentrionale, avec un fort sur la côte méridionale de la baie d'Hudson. Les Anglois donnerent le nom de Nelson au port & au fort que les François appelloient le fort Bourbon. Le port est une petite baie dans laquelle se déchargent la riviere de sainte Therese, & celle de Bourbon. Le fort a été pris & repris plusieurs fois, mais il est resté aux Anglois par la paix d'Utrecht. Il est situé au 57d. 30'. de lat. nord. C'est la derniere place de l'Amérique de ce côté-là ; & l'endroit où l'on fait la traite des meilleures pelletteries du nouveau-monde, & de la maniere la plus avantageuse. Le pays y est prodigieusement froid ; cependant les rivieres y sont fort poissonneuses, & la chasse abondante. Tous les bords de la riviere de sainte Therese sont couverts au printems & en automne d'outardes & d'oies sauvages. Les perdrix y sont toutes blanches, & en quantité prodigieuse. Le caribou, dont la chair est très-délicate, s'y trouve presque toute l'année. Les pelletteries fines qu'on y apporte, sont des martes & des renards fort noirs, des loutres, des ours, des loups, dont le poil est fort fin, & principalement du castor, qui est le plus beau du Canada. (D.J.)


NELUMBOS. m. (Hist. natur. Bot.) genre de plante qui ne differe du nénuphar que par le fruit. Les semences sont renfermées éparses dans le fruit du nelumbo, au lieu que le fruit du nénuphar est divisé par loges. Voyez NENUPHAR. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


NEMALONI(Géog. anc.) peuple des Alpes ; Pline, liv. III. ch. xx. les met au nombre de ceux qui furent subjugués par Auguste. M. Bouche croit que c'est aujourd'hui Miolans, au voisinage d'Embrun, mais dans les états du duc de Savoye.


NEMAUSUS(Géog. anc.) ville des Gaules chez les Volcae Arecomici ; Pline & Pomponius Méla la mettent au nombre des villes les plus riches de la Gaule narbonnoise. D'anciennes médailles lui donnent le titre de colonie romaine : col. Nem. c'est-à-dire, colonia Nemausus. Col. Aug. Nem. Colonia Augusta Nemausus. Dans les anciennes notices des villes des Gaules, on lit ordinairement civitas Nemausiensium. Grégoire de Tours, liv. VIII. ch. xxx. la met dans la Septimanie. C'est aujourd'hui la ville de Nismes. Voyez NISMES.

NEMAUSUS, (Géog. anc.) fontaine de France, qui, selon les apparences, a donné le nom à la ville de Nismes dans le bas Languedoc. C'est de cette fontaine dont parle Ausone, clarae urbes, . 214. en ces termes.

.... Vitreâ non luce Nemausus

Purior.

Elle s'appelle aujourd'hui le Vistre ; c'est un petit ruisseau qui passe au-travers de Nismes, & va se jetter dans l'étang du Tau, au voisinage d'Aigue-Mortes. Comme les eaux de cette riviere sont extrêmement claires, on lui donna dans le moyen âge le nom de Vitreus, d'où l'on a fait le mot françois Vistre, en ajoutant une s. Voyez Hadr. Valesii, not. Galliar. p. 618. (D.J.)


NEMBROSIS. m. (Droguer.) espece de safran qui croît en Egypte, & qui est fort estimé ; on le vend douze piastres les cent dix rotols. Il y en a un autre que l'on nomme saïd, qui ne vaut que six piastres.


NEMEA(Géog. anc.) nom 1°. d'une contrée du Péloponnèse dans l'Elide ; 2°. d'une ville du Péloponnèse dans l'Argie ; 3°. d'un fleuve du Péloponnèse ; 4°. d'un rocher dans le voisinage de Thébes, dont Virgile parle au liv. VIII. de son Enéide. (D.J.)


NÉMÉENSJEUX (Hist. anc.) c'étoit une des quatre sortes de grands jeux ou combats qui se célebroient parmi les anciens grecs. Voyez JEUX.

Quelques-uns disent qu'Hercule les institua, après avoir tué le lion qui ravageoit la forêt de Némée, où on célebra depuis ces deux jeux en mémoire de la victoire de ce héros.

D'autres rapportent, que les sept chefs qui marcherent contre Thébes sous la conduite de Polynice ; étant extrêmement pressés de la soif, rencontrerent Hypsipile de Lemnos, qui tenoit dans ses bras Opheltes, fils de Lycurgue, prêtre de Jupiter & d'Euridice. L'ayant prié de leur enseigner un endroit où ils pussent trouver de l'eau, Hypsipile mit l'enfant sur l'herbe, & les mena vers une fontaine ; pendant son absence un serpent tua l'enfant ; sa nourrice fut accablée de désespoir. Les chefs, au retour de leur expédition, tuerent le serpent, brûlerent le corps d'Opheltes, & pour dissiper la douleur d'Hypsipile, instituerent les jeux néméens.

Elien dit, que ces jeux furent à la vérité institués par les sept chefs envoyés pour assiéger Thèbes, mais que ce fut en faveur de Phronax.

Pausanias en attribue l'institution à Adraste, & le rétablissement à ses descendans.

Enfin, Hercule, après sa victoire sur le lion de Némée, augmenta ces jeux, & les consacra à Jupiter Néméen, dans la lj. olympiade.

L'ouverture des jeux néméens se faisoit par un sacrifice, que l'on offroit à Jupiter ; on lui nommoit un prêtre, & on proposoit des récompenses pour ceux qui seroient vainqueurs dans ces jeux.

On les célebroit tous les trois ans, dans le mois appellé par les Corinthiens, panemos, & par les Athéniens boedromion.

Les argiens en étoient les juges, & étoient vêtus de noir pour marquer l'origine des jeux. Comme ils avoient été institués par des guerriers, on n'y admettoit d'abord que des gens de guerre, & les jeux n'étoient que des combats équestres ou gymniques. Dans la suite, on y admit indifféremment toutes sortes de gens, & toutes sortes d'exercices gymnastiques.

Les vainqueurs furent couronnés d'olivier jusqu'au tems de la guerre des Grecs contre les Medes : un échec qu'ils reçurent dans cette guerre, leur fit changer l'olivier en ache, plante funebre ; d'autres croyent cependant que la couronne étoit originairement d'ache à cause de la mort d'Opheltes, autrement appellé Archemore : on supposoit que cette plante avoit reçu le sang qui couloit de la blessure que le serpent lui avoit faite.


NÉMENTURIou NÉMÉTURI, (Géogr. anc.) peuples des Alpes ; Pline, liv. III. ch. xx. les met au nombre de ceux qu'Auguste subjugua, & n'en dit rien de plus.


NÉMÉONIQUES. m. (Littérat. greq.) , vainqueur dans les jeux néméens ; leur prix étoit une simple couronne d'ache ; mais Pindare a immortalisé leurs noms dans son III. liv. des Néméoniques ; ce mot est composé de , Némée, & , victoire. (D.J.)


NÉMÉSÉESS. f. pl. (Antiq. greq. & rom.) fêtes en l'honneur de Némésis : elles étoient funebres, parce qu'on croyoit que Némésis prenoit aussi sous sa protection les morts, & qu'elle vengeoit les injures qu'on faisoit à leurs tombeaux.


NÉMÈSESS. f. pl. (Mythol.) divinités adorées chez les Payens, & qui avoient un temple sur le mont Pagus. Il faut dire les Némèses, puisqu'on en reconnoissoit plus d'une : on doit les mettre au nombre des Euménides, car elles en portent le caractere. Filles de la Nuit & de l'Océan, elles étoient préposées pour examiner les actions des hommes, pour punir les méchans, & récompenser les bons, & afin qu'il ne leur manquât rien de l'équipage des furies, les habitans de Smyrne qui les honoroient d'un culte particulier, les représentoient avec des aîles, si nous en croyons Pausanias. (D.J.)


NÉMÉSISS. f. (Mythol.) fille de Jupiter & de la Nécessité, ou plutôt, selon Hésiode, de l'Océan & de la Nuit, étoit préposée pour venger les crimes que la justice humaine laisse impunis, l'arrogance, la présomption, l'oubli de soi-même dans la prospérité, l'ingratitude, &c.

Ses attributs sont dignes de remarque : elle avoit une roue pour symbole, des aîles, une couronne, tenoit la lance d'une main, & de l'autre une bouteille. Elle étoit montée sur un cerf, & son nom signifioit la fatalité.

Les vicissitudes de la fortune, dit le chancelier Bacon,& les desseins secrets de la providence, sont représentés par l'Océan & la Nuit. Némésis a des aîles, ainsi qu'une roue ; car la fortune court le monde, arrive, & disparoît d'un jour à l'autre. On ne peut prévoir ses faveurs, ni détourner ses disgraces ; sa couronne est sur la tête du peuple, quand il triomphe de l'abaissement des grands. Sa lance frappe & renverse ceux qu'elle veut châtier. La bouteille qu'elle tient de l'autre main, est le miroir qu'elle présente sans cesse aux yeux de ceux qu'elle ménage. Eh ! quel est l'homme à qui la mort, les maladies, les trahisons, & mille accidens ne retracent à l'esprit d'affreuses images ; comme si les mortels ne pouvoient être admis à la table des dieux, que pour leur servir de jouets ? Quand on rassemble tous les chagrins domestiques qui traverserent la prospérité d'Auguste, il faut bien adorer le pouvoir d'une divinité qui frappe sur les rois, comme sur des victimes ordinaires. Le cerf que monte Némésis, est le symbole d'une longue vie : la jeunesse qui meurt avant le tems, échappe seule aux révolutions du sort ; mais le vieillard ne finit point sa carriere sans avoir essuyé quelque revers.

Platon nous dit, que cette déesse, ministre de la vengeance divine, a une inspection spéciale sur les offenses faites aux peres par leurs enfans. C'est parlà que Platon avertit les hommes, qu'ils n'ont point dans leurs sanctuaires domestiques de divinités plus respectables, qu'un pere ou une mere accablés sous le poids des années. Je crois pour moi que le trouble d'une conscience agitée par l'horreur de ses crimes, & par les remords qui la suivent, a donné en partie la naissance à cette divinité du paganisme.

Elle fut nommée Adrastée, à cause d'Adraste, qui le premier lui dédia un temple ; & Rhamnusie, parce qu'elle étoit adorée à Rhamuse, bourg de l'Attique, où elle avoit une statue de la main d'Agoracrite, disciple de Phidias. Quand les Romains partoient pour la guerre, ils avoient coutume d'offrir un sacrifice à cette déesse ; mais alors Némésis étoit prise pour la Fortune, qui doit accompagner & favoriser les armes pour leur procurer du succès. (D.J.)


NEMESTRINUS(Mythol.) divinité qui présidoit aux forêts ; mais comme Arnobe est le seul des anciens qui parle de ce dieu, il pourroit bien en être le pere.


NÉMÈTES(Géog. anc.) peuple du diocese de Spire, puisque leur ville capitale est Noviomagus, selon Ptolémée, & que cette Noviomagus répond à Spire, suivant les itinéraires romains. Il paroît par les commentaires de César, que ces peuples, de même que les Vaugions & Triboques, étoient naturels Germains d'au-delà du Rhin, & qu'ils s'étoient habitués dans cette partie de la Gaule belgique, un peu auparavant l'entrée de César dans les Gaules.


NÉMÉTOBRIGA(Géog. anc.) ville des Tiburs dans l'Espagne tarragonoise, selon Ptolomée, l. II. ch. vj. Quelques savans pensent que c'est aujourd'hui Val-de-Nebro.


NEMETOCENNAou NEMETOCERNA, (Géog. anc.) Sanson prétend avoir prouvé par César, que cette ville est dans le Belgium ; que c'est la même que les itinéraires romains appellent Nemetacum, & qu'ils placent entre Teruana, Samarobriva, & Bagacum, entre Térouenne, Amiens, & Bavay, ce qui ne peut répondre qu'à Arras.


NÉMISCO(Géog.) grande riviere de l'Amérique septentrionale, elle se jette dans le fond de la baie d'Hudson, après un cours d'environ 60 lieues à-travers des montagnes.


NÉMORALESS. f. pl. (Mythol.) fêtes qui se célebroient dans la forêt d'Aricie, en l'honneur de Diane, déesse des bois.


NÉMOSSUS(Géogr. anc.) ancienne ville des Gaules sur la Loire, & la capitale des Arverni, Auvergnats, selon Strabon, liv. IV. p. 191. Lucain, Pharsale, liv. I. vers. 419. parle aussi de cette ville, on croit communément que c'est l'Augusto-Nemetum de Ptolémée, liv. II. ch. vij.


NEMOURS(Géog.) ville de l'île de France dans le Gatinois, avec titre de duché. Elle est sur le Loing, à 4 lieues de Fontainebleau, 18 de Paris. Long. 20. 20. lat. 48. 15.

Son nom latin est Nemus : on la nomma anciennement Nemox & Nemoux, & de ce dernier mot on a fait le nom moderne Nemours. Le nom de Nemus lui avoit été donné, parce qu'elle étoit située dans la forêt de Bièvre ou de Fontainebleau : aujourd'hui que l'on a coupé une partie de cette forêt, Nemours se trouve entre la même forêt, & celle de Montargis. Elle est entre deux collines, dans l'endroit où étoit la ville de Grex du tems de César. Elle a commencé par un château, qu'on appelloit Nemus ; & elle se forma peu-à-peu, quand la terre eut été érigée en duché. Il y a dans cette petite ville un bailliage royal établi par François I. en 1524. Il est régi par la coutume de Larris, rédigée en 1531.

Nemours a eu autrefois ses seigneurs particuliers, qui se nommoient simplement chevaliers ; & ce fut d'eux que le roi Philippe le Hardi, fils de S. Louis, l'acquit vers l'an 1272. Louis XII. donna Nemours à Gaston de Foix, & l'érigea en duché-pairie, l'an 1507, la premiere érection que Charles VI. en avoit faite ayant été supprimée. Enfin Louis XIV. donna ce duché à son frere Philippe ; & de-là vient qu'il est possédé aujourd'hui par M. le duc d'Orléans.

François Hédelin, connu sous le nom d'abbé d'Aubignac, étoit de Nemours. Après avoir exercé quelque tems la profession d'avocat, il embrassa l'état ecclésiastique, & s'étant attaché au cardinal de Richelieu, il prit parti contre Corneille, & devint précepteur du neveu du Cardinal. Il gagna les bonnes graces de son éminence & de son éleve. Son Térence justifié est tombé dans l'oubli. Sa pratique du théâtre est encore lue ; mais, dit M. de Voltaire, il prouva par sa tragédie de Zénobie, que les connoissances ne donnent pas les talens. Il mourut à Nemours, en 1676, à 72 ans. (D.J.)


NEN(Hist. mod.) c'est ainsi qu'on nomme dans le royaume de Siam de jeunes enfans, que leurs parens consacrent au service des talapoins ou prêtres, & qui demeurent auprès d'eux dans leurs couvens, & vieillissent dans cet état. Ils ont des écoles où ils vont prendre les leçons des moines leurs maîtres ; ils reçoivent les aumônes pour eux, parce qu'il ne leur est pas permis de toucher de l'argent. Enfin, les nens arrachent les mauvaises herbes du jardin du couvent, ce que les talapoins ne pourroient faire eux-mêmes sans pécher.


NENIESS. f. (Hist. anc.) chants lugubres qu'on avoit accoutumé de faire aux funérailles, ainsi nommés de la déesse Naenia, qui présidoit à ces sortes de lamentations. On croit que ces chants étoient les louanges de la personne qui venoit de mourir, mises en vers & chantées d'un son triste, avec un accompagnement de flûtes, par des femmes gagées à cet effet, & que l'on appelloit praeficae. Il falloit qu'elles eussent un protocole & des lieux communs applicables, suivant l'âge, le sexe, la condition des personnes ; & comme tout cela se réduisoit le plus souvent à des puérilités & des bagatelles, on emploie ce mot en latin pour signifier des niaiseries. Ceux qui ont attribué l'origine des nénies à Simonides, ont pris ce mot dans un sens trop étendu, & l'ont confondu avec l'élégie, genre noble, sérieux & délicat, dont on attribue l'invention à ce poëte. Ovide fait venir le mot de nénies du grec , dernier, parce que ces chants étoient les derniers qu'on faisoit en l'honneur du mort. Mais Acron prétend que ce mot naenia fut inventé pour exprimer, par sa prosodie longue & traînante, le son triste & dolent, soit des chanteuses, soit des flûtes qui servoient non-seulement à accompagner les voix, mais encore à marquer les tems où les pleureuses publiques devoient se frapper la poitrine en cadence.

Ce mot vient du grec , sur quoi Scaliger observe qu'il devroit s'écrire en latin nenia & non naenia. Guichard remarque qu'on entendoit autrefois par naenia une espece de chant dont les nourrices se servoient pour bercer & pour endormir les enfans ; & il conjecture que ce mot pourroit venir de l'hébreu nin, enfant.

La déesse Naenia, qui présidoit aux funérailles, étoit particulierement honorée à celles des vieillards. On ne commençoit à l'invoquer que lorsque le malade entroit à l'agonie. Elle avoit un petit temple hors des murs de Rome.


NÉNUPHARnymphaea, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleurs en rose, composée de plusieurs petales disposés en rond. Le pistil sort du calice & devient dans la suite un fruit rond ou conique, qui est divisé en plusieurs loges, & qui renferme des semences le plus souvent oblongues. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Nous ne connoissons en Europe que deux especes de ce genre de plante aquatique, le nénuphar à fleur blanche, & le nénuphar à fleur jaune.

Le nénuphar à fleur blanche, nymphaea alba major, I. R. H. 260, a la racine vivace, longue, grosse comme le bras, garnie de noeuds de couleur brune en dehors, blanche en-dedans, charnue, fongueuse, empreinte de beaucoup de suc visqueux, attachée au fond de l'eau dans la terre par plusieurs fibres ; elle pousse des feuilles grandes, larges, la plûpart orbiculaires, échancrées en coeur ou en fer à cheval, épaisses, charnues, nageant sur la surface de l'eau, veineuses, d'un verd blanchâtre sur le dos, d'un verd brun en dessous, ayant chacune deux petites oreilles obtuses, d'un goût herbeux assez fade : ces feuilles sont soutenues par des queues longues, grosses comme le doigt d'un enfant, cylindriques, rougeâtres, tendres, succulentes, fongueuses.

Ses fleurs sont grandes, grosses, larges quand elles sont épanouies, à plusieurs pétales disposés en rose, belles, blanches comme celles du lis, presque sans odeur ; elles sont renfermées dans un calice ordinairement à cinq pétales blanchâtres, rangés en rose & à fleurons : leur milieu est occupé par des étamines nombreuses qui partent de la jointure circulaire & extérieure de l'ovaire & du placenta.

Lorsque la fleur est passée, il paroît un fruit sphérique ressemblant à une tête de pavot, partagé dans sa longueur en plusieurs loges remplies de semences oblongues, noirâtres, luisantes, un peu plus grandes que du millet.

Cette plante est toute d'usage en Médecine ; il paroît qu'elle est d'une nature nitreuse, parégorique, apéritive & rafraîchissante. On ne la cultive point dans les jardins ; elle croît naturellement dans les marais, dans les eaux croupissantes, ou dans les ruisseaux qui coulent lentement, & dans les grandes pieces d'eau ; elle fleurit en Mai & en Juin, quelquefois jusqu'en automne. Ray pense que le nénuphar du Brésil à fleur blanche, décrit par Marggrave, ne fait pas une espece différente du nôtre.

Le nénuphar à fleur jaune, nymphaea lutea major, I. R. H. 261, ne differe presque du blanc que par la fleur, qui est jaune & plus petite.

Quant aux nymphaea étrangers, des savans éclairés dans la Botanique, & la connoissance des monumens antiques, ont découvert que la plante qu'on voit sur quelques médailles d'Egypte, n'est autre chose que la nymphaea, qui est fort commune dans les campagnes arrosées par le Nil. La fleur de cette plante est de toutes ses parties celle qui se remarque le plus ordinairement sur les monumens égyptiens, ce qui vient du rapport que ces peuples croyoient qu'elle avoit avec le soleil, à l'apparition duquel elle se montroit d'abord sur la surface de l'eau, & s'y replongeoit dès qu'il étoit couché ; phénomene commun à toutes les especes de nymphaea.

C'étoit là l'origine de la consécration que les Egyptiens avoient faite de cette fleur à cet astre, le premier & le plus grand des dieux qu'ils aient adorés. Delà vient la coutume de la représenter sur la tête de leur Osiris, sur celle de leurs autres dieux, sur celle même des prêtres qui étoient à leur service. Les rois d'Egypte affectant les symboles de la divinité, se sont fait des couronnes de cette fleur ; elle est aussi représentée sur leurs monnoies, tantôt naissante, tantôt épanouie & environnant son fruit : on voit avec la tige comme un sceptre royal dans la main de quelques idoles. (D.J.)

NENUPHAR, (Pharm. & Mat. med.) la racine & les fleurs du nénuphar sont les seules parties de cette plante qui soient en usage en Medecine : on y emploie indifféremment la racine du nénuphar à fleurs blanches ou nénuphar blanc, & celles de nénuphar jaune ; mais on ne se sert presqu'absolument que des fleurs du nénuphar blanc.

La racine du nénuphar est mucilagineuse, gluante, amere ; les fleurs contiennent à-peu-près les mêmes substances, mais en beaucoup moins grande quantité.

La racine de nénuphar fait la base des tisanes regardées comme éminemment rafraîchissantes, adoucissantes, relâchantes, qui s'ordonnent communément dans l'ardeur d'urine, sur-tout celle qui accompagne les gonorrhées virulentes ; dans les affections inflammatoires des intestins, des reins & des voies urinaires. L'infusion des fleurs est ordonnée plus rarement dans les mêmes cas, & est aussi très-inférieure en vertu à la décoction de la racine. Cette infusion est regardée comme légerement narcotique ; mais cette vertu, presque généralement avouée, n'est rien moins que démontrée.

Le sirop de nénuphar qui se prépare avec l'infusion des fleurs, est plus usité que cette infusion, & contient les principes médicamenteux de ces fleurs en moindre quantité encore. On peut avancer que c'est-là un assez pauvre remede. On prépare aussi dans quelques boutiques un sirop de nénuphar avec la décoction de la racine : celui-ci est plus chargé de parties mucilagineuses, & c'est apparemment à cause de cela qu'on le prépare moins communément, parce que les mucilages sont éminemment sujets à s'altérer, à moisir dans toutes les préparations liquides, même malgré la cuite & l'assaisonnement du sucre. Voyez MUCILAGE. Le sirop de nénuphar ordinaire, c'est-à-dire préparé avec les fleurs, n'est pas exempt de cette altération ; pour la prévenir autant qu'il est possible, il faut, si l'on n'aime mieux bannir ce remede des boutiques, lui donner une forte cuite, & la renouveller de tems en tems.

Tous ces remedes tirés du nénuphar ont l'inconvénient grave d'affadir, de refroidir, d'embourber l'estomac, & par-là de faire perdre l'appétit & d'abattre les forces, & cela d'autant plus qu'ils sont plus mucilagineux. La tisane ou décoction des racines, qui est le plus ordinaire de ce remede, est aussi le plus mauvais.

Nous n'avons guere meilleure opinion d'une conserve qu'on prépare avec les fleurs, & qu'heureusement on emploie rarement pour elle-même, mais seulement pour servir d'excipient dans les opiates & les bols narcotiques.

On garde dans les boutiques une eau distillée des fleurs de nénuphar qui n'est bonne à rien, & une huile par infusion & par décoction de ces mêmes fleurs, qui ne vaut pas davantage.

Les fleurs de nénuphar entrent dans le sirop de tortue, la poudre diamargariti frigidi ; le sirop entre dans les pilules hypnotiques, & l'huile dans le baume hypnotique.

On prépare un miel de nénuphar avec les fleurs non mondées, ou même avec les calices & les étamines dont on a mondé les fleurs destinées à la préparation du sirop. Le miel de nénuphar s'ordonne depuis deux jusqu'à quatre onces dans les lavemens rafraîchissans & relâchans. (b)


NÉOCASTRO(Géog.) forteresse de la Romanie, à trois lieues au nord de Constantinople, sur le promontoire Hermaeus, dans l'endroit le plus étroit du Bosphore. Il y a une bonne garnison, & les Turcs y tiennent les prisonniers de conséquence qu'ils font sur les chrétiens pendant la guerre. Voyez Gyllius de Bosphore Thracico. Long. 46. 30. lat. 41. 16.


NÉOCESARÉE(Géogr. anc.) ville de la province de Pont, comprise assez souvent dans la Cappadoce, située sur la riviere de Lyque, & appellée par divers auteurs Hadrianopolis. Les Grecs la nomment aujourd'hui Nixar, & les Turcs Tocat. Elle fut érigée en évêché en 240, à ce que dit Baillet.

Les Auteurs parlent encore d'une Néocésarée, ville de la Bithynie ; 2°. d'une Néocésarée, ville de Syrie, sur le bord de l'Euphrate ; 3°. d'une Néocésarée, ville de Mauritanie. (D.J.)


NÉOCORATS. m. ou NÉOCORIE, (Art. numismatique) époque qu'on trouve sur les médailles des villes greques soumises à l'empire Romain. Ces villes étoient jalouses de l'honneur d'avoir été qualifiées néocores, ou si l'on veut du titre de néocorat, c'est-à-dire d'avoir eu des temples où s'étoient faits les sacrifices solemnels d'une province en l'honneur des dieux ou des empereurs. Cette qualification étoit en même tems accompagnée de plusieurs priviléges, & c'étoit là vraisemblablement ce qui les touchoit davantage.

En effet, le néocorat des empereurs étoit accordé aux villes par un decret du sénat. On lit sur les marbres d'Oxford que la ville de Smyrne avoit été trois fois néocore des empereurs par les decrets du sacré senat ; & sur un médaillon, les Laodicéens de Phrygie se disent néocores de Commode & de Caracalla, par decret du sénat. Le néocorat étoit donc une grace & un titre honorifique. Les Smyrnéens rappellent sur un monument le bienfait de l'empereur Adrien, qui leur avoit accordé par un senatus-consulte le second néocorat. Aussi les villes marquoient avec soin les néocorats qu'elles avoient obtenues : . Elles se glorifioient même d'en avoir obtenu le plus grand nombre. Voyez NEOCORE. (D.J.)


NÉOCORES. m. (Antiq. grecq.) Peu de gens de lettres ignorent qu'on appelloit néocores chez les Grecs ceux qui étoient chargés de la garde & surtout de la propreté des temples, comme l'explique le nom même de , composé de , templum, & de , verro. On sait encore que cet emploi bas & servile dans son origine, se releva insensiblement & devint enfin très-considérable, lorsque la richesse des offrandes demanda des dépositaires distingués ; que la dépense des fêtes & des jeux publics intéressa des nations entieres, & que l'adulation des Grecs pour les empereurs romains leurs nouveaux maîtres, les porta à leur élever des temples & à s'honorer du titre de néocores de ces mêmes temples. Ils ne furent plus de simples valets des temples, ou même des sacristains ordinaires, on en fit des ministres du premier ordre, à qui seul appartenoit le droit d'offrir les sacrifices dans les temples consacrés à la divinité tutélaire du pays, ou dans ceux qu'on avoit élevés non-seulement aux empereurs romains déja mis au rang des dieux, mais encore en l'honneur de ceux qui regnoient actuellement.

Tant d'auteurs ont écrit sur les néocores, qu'on se croyoit parfaitement instruit de leurs différentes fonctions, & qu'il sembloit que la seule difficulté qui restoit parmi les Savans étoit réduite à ce point, savoir comment on doit entendre & expliquer le nombre des néocorats attribués sur les médailles à une même ville ; si les peuples qui s'y disent néocores pour la seconde, pour la troisieme & pour la quatrieme fois, ont été revêtus de cette dignité par un même prince, ou s'ils ne l'ont reçue que successivement par différens empereurs ?

M. Vaillant le pere, qui avoit particulierement étudié cette matiere, donna en 1703 une dissertation sur les néocores, où après avoir discuté les différentes opinions des antiquaires qui l'ont précédé, il établit que les villes grecques se disoient sur leurs médailles néocores des empereurs romains, autant de fois qu'elles avoient obtenu de nouveaux decrets du sénat pour pouvoir bâtir des temples à leur honneur. Nous nous dispensons d'entrer dans le détail des preuves du système de M. Vaillant, parce qu'on trouvera sa piece imprimée en entier dans un volume des mémoires de l'académie des Inscriptions ; mais nous devons dire quelque chose d'une autre dissertation sur le même sujet, donnée en 1706 par M. de Valois, qui n'avoit aucune connoissance de celle de M. Vaillant.

Ces deux auteurs se sont rencontrés dans la difficulté principale ; ils rapportent l'un & l'autre différens néocorats des villes greques à différens senatus-consultes qui leur en avoient accordé la prérogative ; ils prouvent par les mêmes autorités & à-peu-près par les mêmes opérations, que les villes ou les peuples qui sur les médailles se qualifient du titre de néocores pour la seconde, pour la troisieme & pour la quatrieme fois, ne l'ont fait que successivement & sous différens empereurs.

Mais la dissertation de M. de Valois a cela de particulier, qu'elle nous apprend deux fonctions des néocores, qui avoient jusqu'à-présent échappé aux recherches des critiques.

La premiere de ces fonctions des néocores étoit de jetter de l'eau lustrale sur ceux qui entroient dans le temple. La seconde étoit de faire l'aspersion de cette même eau lustrale sur les viandes qu'on servoit sur la table du prince, & de lui tenir en quelque sorte lieu d'aumôniers.

J'ai dit ci-dessus que plusieurs villes grecques prirent souvent la qualité de néocores, mais c'est Smyrne, Ephese, Pergame, Magnésie, &c. qui portent le plus souvent ce titre dans les médailles. Smyrne, par exemple, fut faite néocore sous Tibere avec beaucoup de distinction ; elle le fut encore pour la seconde fois sous Adrien, comme le marquent les marbres d'Oxford : enfin elle eut encore le même honneur, & prit le titre de premiere ville d'Asie sous Caracalla. (D.J.)


NÉODAMODESS. m. pl. (Hist. anc.) c'étoient à Lacédémone des esclaves à qui l'on avoit accordé la liberté, en récompense de quelque action héroïque.


NÉOÉNIESS. f. pl. (Antiq. grecques) en grec ; fête qu'on célébroit en l'honneur de Bacchus, quand on goûtoit pour la premiere fois le vin nouveau de chaque année. Voyez Potter, Archaeol. tit. I. p. 416. (D.J.)


NÉOGRAPHEadj. pris substantivement. On nomme ainsi celui qui affecte une maniere d'écrire nouvelle & contraire à l'orthographe reçue. L'orthographe ordinaire nous fait écrire françois, anglois, j'étois, ils aimeroient (voyez I.) ; M. de Voltaire écrit français, anglais, j'étais, ils aimeraient, en mettant ai pour oi dans ces exemples, & partout où l'oi est le signe d'un e ouvert. Nous employons des lettres majuscules à la tête de chaque phrase qui commence après un point, à la tête de chaque nom propre, &c. Voyez INITIAL. M. de Voltaire avoit supprimé toutes ces capitales dans la premiere édition de son siecle de Louis XIV. publié sous le nom de M. de Francheville. M. du Marsais a supprimé sans restriction toutes les lettres doubles qui ne se prononcent point, & qui ne sont point autorisées par l'étymologie, & il a écrit home, come, arêter, doner, anciène, condânez, &c. M. Duclos n'a pas même égard à celles que l'étymologie ou l'analogie semblent autoriser ; il supprime toutes les lettres muettes, & il écrit diférentes, lètres, admètent, èle, téâtre, il ut (au subjonctif pour il eût) cète, indépendament, &c. il change ph en f, orthografe, filosofique, diftongue, &c. Ainsi M. de Voltaire, M. du Marsais, M. Duclos, sont des néographes modernes.


NÉOGRAPHISMES. m. c'est une maniere d'écrire nouvelle & contraire à l'orthographe reçue. Ce terme vient de l'adjectif grec , nouveau, & du verbe , j'écris. Le néographisme de M. de Voltaire, en ce qui concerne le changement d'oi en ai pour représenter l'e ouvert, a trouvé parmi les gens de lettres quelques imitateurs.

" Si l'on établit pour maxime générale, dit l'abbé Desfontaines, observ. sur les écrits mod. tom. XXX. pag. 255, que la prononciation doit être le modele de l'orthographe ; le normand, le picard, le bourguignon, le provençal écriront comme ils prononcent : car dans le système du néographisme, cette liberté doit conséquemment leur être accordée ". Il me semble que l'abbé Desfontaines ne combat ici qu'un phantôme, & qu'il prend dans un sens trop étendu le principe fondamental du néographisme. Ce n'est point toute prononciation que les Néographes prennent pour regle de leur maniere d'écrire, ce seroit proprement écrire sans regle ; ils ne considerent que la prononciation autorisée par le même usage qui est reconnu pour législateur exclusif dans les langues, relativement au choix des mots, au sens qui doit y être attaché, aux tropes qui peuvent en changer la signification, aux alliances, pour ainsi dire, qu'il leur est permis ou défendu de contracter, &c. Ainsi le picard n'a pas plus de droit d'écrire gambe pour jambe, ni le gascon d'écrire hure pour heure, sous prétexte que l'on prononce ainsi dans leurs provinces.

Mais on peut faire aux Néographes un reproche mieux fondé ; c'est qu'ils violent les lois de l'usage dans le tems même qu'ils affectent d'en consulter les décisions & d'en reconnoître l'autorité. C'est à l'usage légitime qu'ils s'en rapportent sur la prononciation, & ils font très-bien ; mais c'est au même usage qu'ils doivent s'en rapporter pour l'orthographe : son autorité est la même de part & d'autre ; de part & d'autre elle est fondée sur les mêmes titres, & l'on court le même risque à s'y soustraire dans les deux points, le risque d'être ou ridicule ou inintelligible.

Les lettres, peut-on dire, étant instituées pour représenter les élémens de la voix, l'écriture doit se conformer à la prononciation : c'est-là le fondement de la véritable orthographe & le prétexte du néographisme ; mais il est aisé d'en abuser. Les lettres, il est vrai, sont établies pour représenter les élémens de la voix ; mais comme elles n'en sont pas les signes naturels, elles ne peuvent les signifier qu'en vertu de la convention la plus unanime, qui ne peut jamais se reconnoître que par l'usage le plus général de la plus nombreuse partie des gens de lettres. Il y aura, si vous voulez, plusieurs articles de cette convention qui auroient pu être plus généraux, plus conséquens, plus faciles à saisir, mais enfin ils ne le sont pas, & il faut s'en tenir aux termes de la convention : irez-vous écrire kek abil ome ke vous soiïez, pour quelque habile homme que vous soyez ? on ne saura ce que vous voulez dire, ou si on le devine, vous apprêterez à rire.

On repliquera qu'un néographe sage ne s'avisera point de fronder si généralement l'usage, & qu'il se contentera d'introduire quelque léger changement, qui étant suivi d'un autre quelque tems après, amenera successivement la réforme entiere sans révolter personne. Mais en premier lieu, si l'on est bien persuadé de la vérité du principe sur lequel on établit son néographisme, je ne vois pas qu'il y ait plus de sagesse à n'en tirer qu'une conséquence qu'à en tirer mille ; rien de raisonnable n'est contraire à la sagesse, & je ne tiendrai jamais M. Duclos pour moins sage que M. de Voltaire. J'ajoute que cette circonspection prétendue plus sage est un aveu qu'on n'a pas le droit d'innover contre l'usage reçu, & une imitation de cette espece de prudence qui fait que l'on cherche à surprendre un homme que l'on veut perdre, pour ne pas s'exposer aux risques que l'on pourroit courir en l'attaquant de front.

Au reste, c'est se faire illusion que de croire que l'honneur de notre langue soit intéressé au succès de toutes les réformes qu'on imagine. Il n'y en a peut-être pas une seule qui n'ait dans sa maniere d'écrire quelques-unes de ces irrégularités apparentes dont le néographisme fait un crime à la nôtre : les lettres quiescentes des Hébreux ne sont que des caracteres écrits dans l'orthographe, & muets dans la prononciation ; les Grecs écrivoient , & prononçoient comme nous ferions ; on n'a qu'à lire Priscien sur les lettres romaines, pour voir que l'orthographe latine avoit autant d'anomalies que la nôtre ; l'italien & l'espagnol n'en ont pas moins, & en ont quelques-unes de communes avec nous ; il y en a en allemand d'aussi choquantes pour ceux qui veulent par-tout la précision géométrique ; & l'anglois qui est pourtant en quelque sorte la langue des Géometres, en a plus qu'aucune autre. Par quelle fatalité l'honneur de notre langue seroit-il plus compromis par les inconséquences de son orthographe, & plus intéressé au succès de tous les systèmes que l'on propose pour la réformer ? Sa gloire n'est véritablement intéressée qu'au maintien de ses usages, parce que ses usages font ses lois, ses richesses & ses beautés ; semblable en cela à tous les autres idiomes, parce que chaque langue est la totalité des usages propres à la nation qui la parle, pour exprimer les pensées par la voix. Voyez LANGUE, (B. E. R. M.)


NÉOLOGIQUEadj. qui est relatif au néologisme. Voyez NEOLOGISME. Le célebre abbé Desfontaines publia en 1726 un Dictionnaire néologique, c'est à-dire une liste alphabétique de mots nouveaux, d'expressions extraordinaires, de phrases insolites, qu'il avoit pris dans les ouvrages modernes les plus célebres publiés depuis quelques dix ans. Ce dictionnaire est suivi de l'éloge historique de Pantalon-Phébus, plaisanterie pleine d'art, où ce critique a fait usage de la plûpart des locutions nouvelles qui étoient l'objet de sa censure : le tour ingénieux qu'il donne à ses expressions, en fait mieux sentir le défaut, & le ridicule qu'il y attache en les accumulant, n'a pas peu contribué à tenir sur leurs gardes bien des écrivains, qui apparemment auroient suivi & imité ceux que cette contre-vérité a notés comme répréhensibles.

Il y auroit, je crois, quelque utilité à donner tous les cinquante ans le dictionnaire néologique du demi siecle. Cette censure périodique, en réprimant l'audace des néologues, arrêteroit d'autant la corruption du langage qui est l'effet ordinaire d'un néologisme imperceptible dans ses progrès : d'ailleurs la suite de ces dictionnaires deviendroit comme le mémorial des révolutions de la langue, puisqu'on y verroit le tems où les locutions se seroient introduites, & celles qu'elles auroient remplacées. Car telle expression fut autrefois néologique, qui est aujourd'hui du bel usage : & il n'y a qu'à comparer l'usage présent de la langue, avec les remarques du P. Bouhours sur les écrits de P. R. (II. Entretien d'Arist. & d'Eug. pag. 168.) pour reconnoître que plusieurs des expressions risquées par ces auteurs ont reçu le sceau de l'autorité publique, & peuvent être employées aujourd'hui par les puristes les plus scrupuleux. (B. E. R. M.)


NÉOLOGISMES. m. ce mot est tiré du grec, , nouveau, & , parole, discours, & l'on appelle ainsi l'affectation de certaines personnes à se servir d'expressions nouvelles & éloignées de celles que l'usage autorise. Le néologisme ne consiste pas seulement à introduire dans le langage des mots nouveaux qui y sont inutiles ; c'est le tour affecté des phrases, c'est la jonction téméraire des mots, c'est la bisarrerie des figures qui caractérisent surtout le néologisme. Pour en prendre une idée convenable, on n'a qu'à lire le second entretien d'Ariste & d'Eugène sur la langue françoise (depuis la pag. 168. jusqu'à la pag. 185.) le pere Bouhours y releve avec beaucoup de justesse, quoique peut-être avec un peu trop d'affectation, le néologisme des écrivains de P. R. & il le montre dans un grand nombre d'exemples, dont la plûpart sont tirés de la traduction de l'Imitation de Jesus-Christ, donnée par ces solitaires.

Un auteur qui connoit les droits & les décisions de l'usage ne se sert que des mots reçus, ou ne se résout à en introduire de nouveaux que quand il y est forcé par une disette absolue & un besoin indispensable : simple & sans affectation dans ses tours, il ne rejette point les expressions figurées qui s'adaptent naturellement à son sujet, mais il ne les recherche point, & n'a garde de se laisser éblouir par le faux éclat de certains traits plus hardis que solides, en un mot il connoît la maxime d'Horace (Art poët. 309.), & il s'y conforme avec scrupule :

Scribendi rectè sapere est & principium & fons.

Voyez USAGE & STYLE.

Il ne faut pourtant pas inférer des reproches raisonnables que l'on peut faire au néologisme, qu'il ne faille rien oser dans le style. On risque quelquefois avec succès un terme nouveau, un tour extraordinaire, une figure inusitée ; & le poëte des graces semble lui-même en donner le conseil, lorsqu'il dit, ib. 48.

Dixeris egregiè, notum si callida verbum

Reddiderit junctura novum. Si fortè necesse est

Indiciis monstrare recentibus abdita rerum ;

Fingere cinctutis non exaudita cethegis

Continget, dabiturque licentia sumpta pudenter.

Mais en montrant une ressource au génie, Horace lui assigne tout-à-la fois comment il doit en user ; c'est avec circonspection & avec retenue, licentia sumpta pudenter ; & il faut y être comme forcé par un besoin réel, si fortè necesse est.

Dans ce cas, le néologisme change de nature ; & au lieu d'être un vice du style, c'est une figure qui est en quelque maniere opposée à l'archaïsme.

L'archaïsme est une imitation de la maniere de parler des anciens, soit que l'on en revivifie quelques termes qui ne sont plus usités, soit que l'on fasse usage de quelques tours qui leur étoient familiers & qu'on a depuis abandonnés : les pieces du grand Rousseau en style marotique sont pleines d'archaïsmes. Ce mot vient du grec , ancien, auquel en ajoutant la terminaison , qui est le symbole de l'imitation, on a , qui veut dire antiquorum imitatio.

Le néologisme, envisagé comme le pendant de l'archaïsme, est une figure par laquelle on introduit un terme, un tour, ou une association de termes dont on n'a pas encore fait usage jusques-là ; ce qui ne doit se faire que par un principe réel ou très-apparent de nécessité, & avec toute la retenue & la discrétion possibles. Rien ne seroit plus dangereux que de passer les bornes ; la figure est sur les frontieres, pour ainsi dire, du vice, & ce vice même ne change pas de nom ; il n'y a que l'abus qui en fait la différence.


NÉOLOGUES. m. celui qui affecte un langage nouveau, des expressions bisarres, des tours recherchés, des figures extraordinaires. Voyez NEOLOGIQUE & NEOLOGISME. (B. E. R. M.)


NÉOMAGUS(Géog. anc.) ce mot hybride est composé du grec & du gaulois, & a été donné à diverses villes ou bourgs de France, des Pays-bas, d'Allemagne, même en Angleterre à la ville de Chichester, & à d'autres.

En effet, 1°. Néomagus, ou Noviomagus dans Ptolémée, est une ville des Regni, peuples de l'île d'Albion. Cambden croit que c'est aujourd'hui Woodcôte, & diverses raisons appuyent ce sentiment, qui a le suffrage de M. Gale.

2°. Néomagus, ou Noviomagus Batavorum, est une ancienne ville de la seconde Germanie, sous la rive gauche du Wahal, à l'extrêmité de la Gaule. On ne doute point que ce ne soit aujourd'hui Nimègue, capitale de la Gueldre hollandoise. (D.J.)


NÉOMÉNIASTE(Antiq. grecq.) ; on appelloit chez les Grecs néoméniastes, ceux qui célébroient la fête des néoménies, ou de chaque mois lunaire.


NÉOMÉNIES. f. (Chronol.) c'est le jour de la nouvelle lune. Les néoménies sont d'un usage indispensable dans le calcul du calendrier des Juifs, qui leur donnent le nom de tolad.


NÉOMÉNIES(Antiq. & Litt.) en grec , ou , c'est-à-dire nouvelle lune, de , nouveau, & , lune, fête qui se célébroit chez les anciens à chaque nouvelle lune.

Le desir d'avoir des mois heureux, introduisit la fête des néoménies chez tous les peuples du monde. Les Egyptiens pratiquerent cet usage long-tems avant la promulgation de la loi de Moïse ; il fut prescrit aux Hébreux ; il passa de l'Orient chez les Grecs, chez les Romains, ensuite chez les premiers chrétiens avec les abus qui s'étoient glissés dans cette fête, ce qui la fit condamner par saint Paul, mais il en reste encore quelques vestiges parmi nous.

La néoménie étoit un jour solemnel chez les Juifs, buccinate in neomeniâ tubâ, Ps. lxxx. . 4. Sonnez de la trompette au premier jour du mois. Les Hébreux avoient une vénération particuliere pour le premier de la lune. Ils le célébroient avec des sacrifices au nom de la nation, & chaque particulier en offroit aussi de dévotion. C'étoit au sanhédrin à déterminer le jour de la nouvelle lune, parce qu'il étoit de sa jurisdiction de fixer les jours de fête. Les juges de ce tribunal envoyoient ordinairement deux hommes pour découvrir la lune ; & sur leur rapport ils faisoient publier que le mois étoit commencé ce jour-là. Cette publication se faisoit au son des trompettes, qui étoit accompagné du sacrifice solemnel ; il n'étoit cependant pas défendu de travailler ou de vaquer à ses affaires, excepté à la néoménie du commencement de l'année civile au mois de Tizri. Ce jour étoit sacré & solemnel, & il n'étoit permis de faire aucune oeuvre servile. 2. Paral. ij. 4. judic. vij. 6. Os. ij. 11. Col. ij. 16.

Les Egyptiens célébroient aussi les néoménies avec beaucoup d'appareil ; on sait que tous les mois de leur année étoient représentés par des symboles, & que le premier jour de chaque mois ils conduisoient les animaux qui répondoient aux signes célestes dans lesquels le soleil & la lune alloient entrer.

Les Grecs solemnisoient les néoménies au commencement de chaque mois lunaire en l'honneur de tous les dieux, mais particulierement d'Apollon, nommé Néoménius, parce que tous les astres empruntent leur lumiere du soleil. On trouvera dans Potter, Archoeol. tom. I. pag. 416. les détails des cérémonies de cette fête.

Elle passa des Grecs chez les Romains avec l'idée du culte qui y étoit attaché. Ils appellerent calendes ce que les Grecs appelloient néoménies. Au commencement de chaque mois ils faisoient des prieres & des sacrifices aux dieux en reconnoissance de leurs bienfaits, & la religion obligeoit les femmes de se baigner ; mais les calendes de Mars étoient les plus solemnelles, parce que ce mois ouvroit l'année des Romains. (D.J.)


NÉON(Géog. anc.) ville de Grece, dans la Phocide, auprès du Parnasse. Hérodote, Pausanias, & Etienne le géographe en parlent.


NÉONTICHOSnom commun, 1°. à une ville de l'Eolide, selon Pline ; 2°. à une ville de la Phocide selon Ortélius ; 3°. à une ville de Thrace sur la Propontide ; 4°. à une ville de la Carie.


NÉOPHYTESS. m. pl. (Hist. ecclesiast.) se disoit dans la primitive Eglise, des nouveaux chrétiens, ou des payens nouvellement convertis à la foi. Voyez CATHECUMENE.

Ce mot signifie nouvelle plante ; il vient du grec , nouveau, & , je produis, comme qui diroit nouvellement né ; le baptême que les Néophytes recevoient étoit regardé comme une nouvelle naissance. Voyez BAPTEME.

On ne découvroit point aux Néophytes les mysteres de la religion. Voyez MYSTERE.

Le mot de Néophytes s'applique aussi aux proselytes que font les missionnaires chez les infideles. Les néophytes du Japon, sur la fin du xvj. & au commencement du xvij. siecle, ont montré, dit-on, un courage & une fermeté de foi dignes des premiers siecles de l'Eglise.

Néophyte étoit aussi en usage autrefois pour signifier de nouveaux prêtres, ou ceux qu'on admettoit aux ordres sacrés ; comme aussi les novices dans les monasteres. Voyez NOVICE.

Saint Paul ne veut pas qu'on éleve les Néophytes aux ordres sacrés, de peur que l'orgueil n'ébranle leur vertu mal affermie. On a pourtant dans l'Histoire ecclésiastique quelques exemples du contraire, comme la promotion de saint Ambroise à l'épiscopat, mais ils sont rares.


NÉOPTOLÉMÉESS. f. (Antiq. greq.) , fête annuelle célébrée par les habitans de Delphes avec beaucoup de pompe, en mémoire de Néoptolème fils d'Achille, qui périt dans son entreprise de piller le temple d'Apollon, à dessein de venger la mort de son pere, dont ce dieu avoit été cause au siege de Troye. Les Delphiens ayant tué Néoptolème dans le temple même, ils crurent devoir fonder une fête à sa gloire, & honorer ce prince comme un héros. Potter, Archaeol. graec. tom. I. pag. 417.


NÉORITIDE(Géog. anc.) pays d'Asie au-delà du Caucase, dans l'intérieur des terres. Alexandre, après avoir jetté sur les bords de l'Océan les fondemens d'une nouvelle Alexandrie, entra par différens chemins dans le pays des Néorites, qu'il soumit aisément par cette entreprise. Les Néorites, dit Diodore de Sicile, lib. XVII. §. 57. ressemblent en général aux autres peuples des Indes ; mais ils se distinguent d'eux par une circonstance très-particuliere. Tous les parens d'un mort l'accompagnent nus & armés de lances ; & après avoir fait porter son corps dans un bois, ils le dépouillent eux-mêmes de tous ses vêtemens, & le laissent en proie aux animaux de la forêt. Ils brûlent ensuite tout ce qui le couvroit en l'honneur des génies du lieu, & terminent toute la cérémonie par un grand festin qu'ils donnent à leurs amis. (D.J.)


NÉOTÉRAS. f. (Littérat.) c'est-à-dire la nouvelle déesse. Dès que Marc-Antoine maître de l'Asie, vint en Egypte au sein de la mollesse, oublier sa gloire entre les bras de Cléopatre, on l'appella le nouveau Bacchus ; alors cette reine ne cherchant qu'à lui plaire, prit l'habit sacré d'Isis, & fut surnommée la nouvelle déesse : une de ses médailles fait foi de ce titre flatteur dont ses sujets l'honorerent.


NÉPENTHÈSS. m. (Botan. moderne) genre de plante dont voici les caracteres, selon Linneus. Le calice particulier de la fleur est partagé en quatre quartiers arrondis ; il n'y a point de pétales, & à peine quelques étamines : mais il y a quatre bossettes attachées au style près du sommet. Le pistil a un germe extrêmement délié ; le stile est pointu & de la longueur du calice ; le stygma est obtus ; le fruit est une capsule oblongue, en forme de colonne tronquée ; il est composé de quatre valvules & de quatre loges : les graines sont nombreuses, pointues, & plus courtes que leurs capsules. (D.J.)


NÉPENTHÈS(Littérature) , ce terme grec signifie un remede contre la tristesse, de , négation, & de , deuil, affliction. C'étoit je ne sai quoi d'excellente vertu, dont Homere, Odiss. liv. IV. v. 220. dit qu'Helène fit usage pour charmer la mélancholie de Télémaque. Ce prince inquiet de n'avoir point de nouvelles de son pere, vint trouver Nestor, qui ne put lui apprendre ce qu'il étoit devenu. De-là continuant son voyage, il se rendit chez Ménélas où il vit Hélène, & soupa avec elle : cependant il étoit fort triste ; & comme cette princesse en eut pitié, elle usa d'un charme pour dissiper son chagrin. Elle mêla dans le vin qu'on devoit servir à table, une drogue qui séchoit les larmes, calmoit la colere, & dissipoit tous les déplaisirs dès le moment qu'on en avoit goûté. Elle tenoit cette excellente drogue de Polydamna, femme de Théonis roi d'Egypte. Tous ses hôtes bûrent de ce breuvage, & en éprouverent les merveilleux effets.

Pline & Théophraste parlent du népenthès, comme d'une plante d'Egypte, dont le prince des poëtes grecs a seulement exagéré les vertus. Diodore dit que de son tems, c'est-à-dire du tems d'Auguste, les femmes de Thèbes en Egypte, se vantoient d'avoir seules la recette d'Hélène ; & il ajoute qu'elles l'employoient avec succès : mais Plutarque, Athénée & Philostrate, prétendent que le népenthès d'Homere n'étoit autre chose que les charmes de la conversation d'Hélène. Plusieurs savans modernes ont à leur tour choisi le népenthès de l'Odyssée, pour le sujet de leurs conjectures & de leurs hypothèses ; & l'on ne sauroit croire jusqu'où leur imagination s'est égarée pour découvrir le secret de la belle lacédemonienne. Mais ce reproche ne doit pas tomber sur la dissertation de Pierre Petit, intitulée Homeri nepentes, & imprimée à Utrecht en 1689 in 8 °. On y découvrira beaucoup d'esprit & de science, si on se donne la peine de la lire. (D.J.)


NEPERBAGUETTES ou BATONS DE, ossa Neperi, (Arithmét.) sont un instrument par le moyen duquel on peut faire promptement & avec facilité la multiplication & la division des grands nombres : on l'a appellé ainsi du nom de son inventeur Neper, qui l'est aussi des logarithmes. Voyez LOGARITHMES.

Construction de cet instrument. On prend dix petits bâtons, ou petites lames oblongues faites avec du bois, ou du métal, ou de la corne, ou du carton, ou quelqu'autre matiere semblable : on les divise chacune en neuf petits quarrés, & chacun de ces petits quarrés en deux triangles par sa diagonale. Pl. alg. fig. 11. Dans ces petits quarrés on écrit les nombres de la table de multiplication, autrement appellé abaque ou table de Pythagore ; de maniere que les unités de ces nombres soient dans le triangle le plus à droite de chaque quarré, & les dixaines dans l'autre.

Usage des baguettes de Neper pour la multiplication. Pour multiplier un nombre donné par un autre, disposez les bâtons entr'eux, de telle maniere que les chiffres d'en-haut représentent le multiplicande ; ensuite joignez-y à gauche le bâton ou la baguette des unités : dans ce bâton vous chercherez le chiffre le plus à la droite du multiplicateur, & vous écrirez de suite les nombres qui y répondent horisontalement, dans les quarrés des autres lames, en ajoutant toujours ensemble les différens nombres qui se trouveront dans le même rhombe. Vous ferez la même opération sur les autres chiffres du multiplicateur ; ensuite vous mettrez tous les produits les uns sous les autres, comme dans la multiplication ordinaire ; enfin vous les ajouterez ensemble pour avoir le produit total. Exemple,

Supposons que le multiplicande soit 5978, & le multiplicateur 937 ; on prendra le nombre 56, qui (figure 12. Pl. alg.) se trouve au - dessous du dernier chiffre & du multiplicande, & vis-à-vis du dernier chiffre 7 du multiplicateur, on écrira 6 ; on ajoutera 5 avec 9 qui se trouve dans le même rhombe à côté ; la somme est 14 : on écrira 4, & on retiendra 1, qu'on ajoutera avec 3 & 4 qui se trouvent au rhombe suivant ; on aura 8, qu'on écrira : ensuite on ajoutera 5 & 6, qui se trouvent dans le rhombe suivant, & qui font 11 ; on écrira 1, & on retiendra 1, qui ajouté avec le 3 du triangle suivant, fait 4, qu'on écrira. On aura ainsi 41846 pour le produit du multiplicande par 7 ; on trouvera de même les produits du multiplicande par les autres chiffres du multiplicateur, & la somme de ces produits, disposés comme il convient, sera le produit cherché. (E)

Cette opération n'a pas besoin d'être démontrée : si on y fait la plus légere attention, on verra qu'elle n'est autre chose que la multiplication ordinaire, dont la pratique est un peu facilitée, parce qu'on est dispensé de savoir par coeur la table de multiplication, & de se servir des chiffres qu'on retient à chaque nombre que l'on écrit ; en un mot, la multiplication est ici réduite à des additions. (O)

Usage des bâtons de Neper pour la division. Disposez les petits bâtons l'un auprès de l'autre, de maniere que les chiffres d'en - haut représentent le diviseur : ajoutez-y à gauche le bâton des unités ; ensuite descendez au-dessous du diviseur, jusqu'à ce que vous trouviez une branche horisontale dont les chiffres ajoutés ensemble, comme on a fait dans la multiplication, puissent donner la partie du dividende dans laquelle on doit chercher d'abord combien le diviseur est contenu, ou puissent donner au-moins le nombre qui en soit le plus proche, quoique plus petits ; retranchez ce nombre de la partie du dividende que vous avez pris, & écrivez au quotient le nombre qui est à gauche dans la branche horisontale ; continuez ensuite à déterminer de la même maniere les autres chiffres du quotient, & le problème sera resolu. Exemple,

Supposons qu'on veuille diviser 5601386 par 5978 : on sait qu'il faut d'abord savoir combien de fois 5978 est contenu dans 56013. Descendez (fig. 12. alg.) au-dessous du diviseur jusqu'à ce que vous soyez arrivé à la derniere tranche horisontale, dont les nombres étant ajoutés comme dans la multiplication, de rhombe en rhombe, donnent 53802, qui est le plus grand nombre au-dessous de 56013 ; écrivez 9 au quotient, & retranchez 53802 de 56013, le reste sera 2211 : descendez 8, & opérez sur le nombre 22118, comme vous avez fait sur 56013, vous trouverez dans la troisieme tranche horisontale le nombre 17934, qui est le plus grand au-dessous de 22118 ; écrivez 3 au quotient, & opérez sur le second reste, comme vous avez fait sur le premier, vous trouverez encore le chiffre 7, que vous écrirez au quotient, qui par conséquent sera 937 sans reste. Chambers. (E)

On trouve dans l'histoire de l'académie de 1738, une méthode présentée par M. Rauslain, pour faire les multiplications & divisions par de nouvelles baguettes différentes de celles de Neper. Nous y renvoyons le lecteur, en ajoutant que toutes ces opérations sont plus curieuses dans la théorie, qu'utiles & commodes dans la pratique : il est bien plus court de savoir par coeur la table de multiplication ou table de Pythagore, que d'avoir recours, pour chaque multiplication qu'on veut faire, à des baguettes qu'on n'a pas toujours sous la main, & dont l'arrangement demande d'ailleurs un peu de tems & d'attention. (O)


NEPETA(Géogr. anc.) ville d'Italie dans la Toscane, dont Tite-Live & Ptolémée parlent ; c'est aujourd'hui la ville de Népi, entre Rome & Viterbe. Voyez NEPI.


NÉPHALIESS. f. pl. (Antiq. grecq.) solemnités des Grecs nommées la fête des gens sobres ; ce que marque le mot même qui signifie sobriété. Les Athéniens célébroient cette fête en offrant une simple boisson d'hydromel au Soleil, à la Lune, à l'Aurore & à Venus : ils brûloient à cette occasion sur leurs autels toutes sortes de bois, excepté celui de la vigne & du figuier. (D.J.)


NÉPHÉLIONS. m. (Chirurg.) petite tache blanche sur les yeux produite par la cicatrice d'un ulcere. Cette cicatrice incommode la vue lorsqu'elle se trouve sur la cornée transparente vis-à-vis la prunelle. Nos anciens l'appelloient nuage. Voyez NUBECULA. On donne aussi le nom de néphélion à ces especes de petits nuages qui nagent au milieu de l'urine, & aux petites taches blanches sur la surface des ongles qui ressemblent à des petits nuages. (Y)


NÉPHÉLIS(Géog. anc.) ville de Cilicie bâtie sur le promontoire Néphélida, qui, selon Tite-Live, étoit célebre par une ancienne alliance des Athéniens.


NÉPHÉRIS(Géog. anc.) ville de l'Afrique propre, bâtie sur un rocher, à 120 stades de Carthage. Scipion la prit après 22 jours de siege.


NEPHES-OGLI(terme de Relation) ce nom signifie parmi les Turcs, Fils du Saint-Esprit, & on le donne à certaines gens qui naissent d'une mere vierge. Il y a des filles turques qui, dit-on, se tiennent dans certains lieux à l'écart, où elles ne voient aucun homme ; elles ne vont aux mosquées que rarement, & lorsqu'elles s'y rendent, elles y demeurent depuis neuf heures du soir jusqu'à minuit, & y joignent à leurs prieres tant de contorsions de corps, & tant de cris, qu'elles épuisent leurs forces, & qu'il leur arrive souvent de tomber par terre évanouies. Si elles deviennent grosses depuis ce tems-là, elles disent qu'elles le sont par la grace du Saint-Esprit, & les enfans dont elles accouchent sont appellés nephes-ogli. On les considere comme devant un jour avoir le don des miracles. (D.J.)


NEPHIRI(Hist. nat.) nom générique donné par quelques auteurs aux marbres qui contiennent des coquilles, des madrépores & d'autres corps marins.


NÉPHRÉTIQUES. f. (Méd.) dans le sens le plus étendu que l'on donne ici à la néphrétique, elle signifie ici toutes sortes de douleurs des lombes, dans l'endroit où sont placés les reins. Les auteurs ne décident point unanimement si l'on doit appeller néphrétique vraie, celle qui vient du calcul ou de l'inflammation des reins. Les autres especes sont nommées fausses néphrétiques.

Non-seulement les reins & les ureteres douloureux, mais encore les lombes, la moëlle épiniere, le mesentere, l'estomac, la rate, le foie, la vésicule du fiel, les intestins, la matrice & les vertebres des lombes attaqués de douleur, se rapportent souvent à ce titre.

De-là naît grand nombre de maladies générales qui peuvent attaquer une partie en particulier, & produire la néphrétique : ces maladies ont leurs caracteres propres, à la faveur desquels on doit les distinguer avec soin les unes des autres.

Ainsi dans la fievre, le scorbut, le catarrhe, le rhumatisme, la goutte, la cacochymie, les spasmes, les maladies érésipélateuses, la passion hystérique, l'affection hypocondriaque, la mélancholie, l'acrimonie du suc nerveux, la suppression d'un ulcere, si la matiere vient à se porter aux reins ou aux lombes, & qu'il se fasse une métastase dans ces parties, il résulte des néphrétiques de différentes especes.

Quelquefois il en arrive aussi par sympathie dans la cardialgie, la colique, la cacochylie, la constipation, la dyssenterie, les hémorrhoïdes, l'hernie, les fleurs blanches. La néphrétique attaque encore les femmes grosses, celles qui sont en mal d'enfant, les nouvelles accouchées, celles qui avortent, celles qui ont leurs regles. De plus cette maladie survient à la suppression des mois & à leur flux immodéré, à la tympanite, à la douleur des lombes ; on doit alors la traiter suivant le titre général de la sympathie.

Mais à proprement parler, la néphrétique doit sa naissance à l'inflammation des reins qui contiennent le calcul, à l'acrimonie de leur mucosité & à celle de l'urine qui est devenue plus considérable. Il n'est pas possible de rapporter tous les accidens qui peuvent suivre la néphrétique, parce que les parties qu'elle attaque & les causes qui la produisent varient à l'infini. Quand donc on aura découvert la cause de la néphrétique, on se conduira conséquemment pour tâcher de la guérir. (D.J.)

NEPHRETIQUES, se dit en matiere médicinale, de remedes indiqués dans les maladies des reins, de la vessie ; ce sont des diurétiques doux, adoucissans, tels que le nitre, la guimauve, la graine du lin, l'alkekengi, &c. Voyez DIURETIQUE & NEPHRETIQUE.

NEPHRETIQUE, BOIS. Voyez BOIS NEPHRETIQUE.

NEPHRETIQUE PIERRE, (Hist. nat. Minéral.) lapis nephreticus, les Naturalistes ne sont point d'accord sur la pierre à laquelle ils donnent le nom de néphrétique. Wallerius dit dans sa Minéralogie, que c'est une pierre gypseuse, verte, & demi-transparente. D'autres ont donné ce nom à une espece de jaspe verd ; d'autres à une agate verdâtre ; d'autres à la malachite ; d'autres enfin ont donné ce nom par excellence à la pierre appellée jade. Voyez cet article. Ce nom lui vient du préjugé où l'on a été que cette pierre portée sur les reins, étoit propre à calmer les douleurs que l'on sentoit dans cette partie. Ceux qui auront assez de foi pour recourir à ce remede, ne risqueront rien de prendre pour cela celle de toutes ces pierres qui leur conviendra le mieux ; elles paroissent toutes également incapables de donner du soulagement, à moins que l'imagination seule ne fût attaquée. (-)

NEPHROTOMIE, terme de Chirurgie, opération par laquelle on tire la pierre du rein.

Ce mot est grec ; il vient du mot , ren, rein, & , sectio, incision.

Plusieurs auteurs ont prétendu prouver la possibilité de cette opération, en rapportant des observations par lesquelles ils démontrent que les plaies des reins ne sont point mortelles ; mais cet argument est peu concluant, n'y ayant aucune comparaison entre un coup d'épée ou de couteau, qui a blessé un rein par hasard, & dans un point indéterminé, & la plaie qu'il faudroit faire, dans la vue de tirer une pierre qui occupe un lieu fixe dans ce viscere. Cette opération peut être pratiquée lorsque le rein sera en suppuration, & que l'on appercevra une tumeur circonscrite à la région lombaire avec fluctuation. Voyez FLUCTUATION. M. de la Fitte, maître en Chirurgie à Paris, a communiqué à l'académie royale de chirurgie une observation sur l'extraction d'une pierre à la suite d'un abscès au rein, dont il a fait l'ouverture avec succès, ayant guéri radicalement le malade. On trouve quelques cas semblables dans les auteurs. Hippocrate même qui détournoit ses disciples de l'opération de la taille, recommande en trois endroits de ses ouvrages la section du rein, lorsqu'il forme abscès & tumeur à côté de l'épine.

Les observations de M. de Lafitte sont insérées dans le second tome des mémoires de l'académie royale de Chirurgie, & M. Hevin, dans le troisieme tome, a donné un mémoire fort étendu, qui a pour titre : recherches historiques & critiques sur la néphrotomie ou taille du rein. (Y)


NEPI(Géog.) ancienne petite ville dépeuplée d'Italie, au patrimoine de S. Pierre, sur la riviere de Triglia, qui se jette dans le Tibre, avec un évêché suffragant du Pape, à 8 lieues N. de Rome, 4 S. O. de Magliano. Long. 30. 2. lat. 42. 12.


NEPISSING(Géog.) lac de l'Amérique septentrionale, dans la nouvelle France, à 24 lieues de celui des Hurons. Il a environ 30 lieues de longueur, sur 3 à 4 de large.


NEPOTISMES. m. (Hist. mod.) c'est ainsi que les Italiens appellent le crédit & le pouvoir que les papes accordent à leurs neveux & à leurs parens. Ils sont communément revêtus des emplois les plus importans de l'état ecclésiastique ; & l'histoire fournit des exemples qui prouvent que souvent ils ont fait l'abus le plus étrange de leur autorité, qu'ils employoient à s'enrichir par toutes sortes de voies, & à faire les extorsions les plus cruelles & les plus inouies sur les sujets du souverain pontife, qu'ils traitoient en ennemis.


NEPTRECUM(Géog.) ou Neptricum, nom latin de la Neustrie ancienne, partie des Gaules qui formoit un royaume. M. l'abbé le Boeuf croit que Neptrecum ou Nemptrich signifioit en langage des Francs le royaume principal. Voyez NEUSTRIE.


NEPTUNALESS. f. pl. (Fêtes rom.) Neptunalia, fêtes qui se célébroient à Rome le 23 Juillet en l'honneur de Neptune. Elles étoient différentes des consuales, quoique celles-ci fussent aussi en l'honneur de ce dieu ; mais dans le cours des unes & des autres, les chevaux & les mulets couronnés de fleurs demeuroient sans travailler & jouissoient d'un repos tranquille, que personne n'osoit troubler. (D.J.)


NEPTUNES. m. (Mytholog.) fils de Saturne & de Rhée, & frere de Jupiter & de Pluton. Les poëtes lui donnent une infinité de maîtresses & quantité de noms : non-seulement ils lui attribuent le pouvoir d'ébranler la terre, mais encore de l'entrouvrir. Tous les gens de lettres connoissent ce bel endroit de l'iliade, Rabsod 5. v. 6. où Neptune en courroux répand l'épouvante jusque dans les enfers ; endroit dont M. Despreaux a donné une traduction admirable, & qui peut-être ne cede à l'original qu'en ce qu'elle est plus longue de trois vers.

L'enfer s'émeut au bruit de Neptune en furie ;

Pluton sort de son trône, il pâlit, il s'écrie ;

Il a peur que ce dieu, dans cet affreux séjour,

D'un coup de son trident, ne fasse entrer le jour ;

Et par le centre ouvert de la terre ébranlée,

Ne fasse voir du Styx la rive désolée,

Ne découvre aux vivans cet empire odieux,

Abhorré des mortels, & craint même des dieux.

Cette fiction de la poësie est peut-être fondée sur les violentes secousses que la mer donne à la terre, & sur les passages qu'elle se creuse au-travers des rochers les plus durs.

Les poëtes disent encore que Neptune présidoit particulierement aux courses, soit de chevaux, soit de chars. Ils ajoutent que c'étoit lui qui frappant la terre d'un coup de trident, en avoit fait sortir le cheval.

... Tuque ô, cui prima frementem

Fudit equum magno tellus percussa tridenti,

Neptune....

Neptune a été un des dieux du paganisme des plus honorés. Il eut en Grece & en Italie, sur-tout dans les lieux maritimes, un grand nombre de temples élevés en son honneur, des fêtes & des jeux. Les Isthmiens & ceux du cirque à Rome lui furent spécialement consacrés sous le nom d'Hippius, parce qu'il y avoit des courses de chevaux. On célébroit les neptunales en son honneur, & même les Romains lui avoient consacré tout le mois de Février, pour le prier d'avance d'être favorable aux navigateurs, qui, dès le commencement du printems, se disposoient aux voyages de mer.

Platon nous apprend qu'il avoit un temple magnifique dans l'île Atlantique, où les métaux les plus précieux brilloient par-tout. Des figures d'or représentoient le dieu sur un char, trainé par des chevaux aîlés. Hérodote parle aussi d'une statue d'airain, haute de 7 coudées, que Neptune avoit près de l'isthme de Corinthe.

Enfin nous remarquerons que les poëtes ont donné le nom de Neptune à la plûpart des princes inconnus, qui venoient par mer s'établir dans quelques nouveaux pays, ou qui regnoient sur des îles, ou qui s'étoient rendus célebres sur la mer par leurs victoires ou par l'établissement du commerce. De-là tant d'histoires sur le compte de Neptune, tant de femmes, tant de maîtresses & d'enfans qu'on donne à ce dieu, tant de métamorphoses, tant d'enlevemens qu'on lui attribue.

Je me garderai bien de chercher à deviner l'origine de son nom, depuis que je connois l'étymologie qu'en donnoit l'épicurien Balbus, Neptunus à naudo, sur laquelle Cotta le raille si plaisamment dans Ciceron, en lui disant qu'il n'y a point de nom qu'on ne puisse faire venir de la façon qu'on le voudra, & que dans l'extraction de celui-ci, magis sibi natare visus est quàm ipse Neptunus. (D.J.)

NEPTUNE, TEMPLE DE, (Archit. antiq.) Voyez TEMPLE DE NEPTUNE.

NEPTUNE, s. m. (Antiq. grecq. & rom.) On trouve ce dieu représenté ordinairement tout nud & barbu, tenant un trident, son symbole le plus commun, & sans lequel on ne le voit guere. Il paroît tantôt assis, tantôt debout sur les flots de la mer, souvent sur un char traîné par deux ou quatre chevaux. Ce sont quelquefois des chevaux ordinaires, quelquefois des chevaux marins, qui ont la partie supérieure de cet animal, pendant que tout le bas se termine en queue de poisson.

Dans un ancien monument, Neptune est assis sur une mer tranquille, avec deux dauphins qui nagent sur la superficie de l'eau, ayant près de lui une proue de navire chargé de grains & de marchandises ; ce qui marquoit l'abondance que procure une heureuse navigation.

Dans un autre monument, on le voit assis sur une mer agitée, avec le trident planté devant lui, & un oiseau monstrueux, à tête de dragon, qui semble faire effort pour se jetter sur lui, pendant que Neptune demeure tranquille, & paroît même détourner la tête. C'étoit pour exprimer que ce dieu triomphe également des tempêtes & des monstres de la mer.

Mais un monument plus durable que tous ceux de pierre ou d'airain, c'est la belle description que Virgile nous fait du cortege de ce dieu, quand il va sur l'élément qui lui est soumis.

Jungit aequos auro genitor, spumantiaque addit

Fraena feris, manibusque omnes effundit habenas.

Coeruleo per summa leves volat aequora curru.

Subsidunt undae, tumidumque sub axe tonanti

Sternitur aequor aquis : fugiunt vasto aethere nimbi.

Tum variae comitum facies ; immania cette,

Et senior Glauci chorus, Inousque Palaemon,

Tritonesque citi, Phorcique exercitus omnis.

Laeva tenent Thetis & Melite, Panopeaque virgo

Nesaee, Spioque, Thaliaque, Cymodoceque.

Aen. lib. V. v. 817.

" Neptune fait atteler ses chevaux à son char doré ; & leur abandonnant les renes, il vole sur la surface de l'onde. A sa présence les flots s'applanissent, & les nuages fuient. Cent monstres de la mer se rassemblent autour de son char : à sa droite la vieille suite de Glaucus, Palémon, les légers tritons : à sa gauche, Thétis & les Néréides. " (D.J.)

NEPTUNE, BONNET DE, (Botan.) nom donné par les Botanistes à une espece remarquable de champignon de mer, qu'on ne trouve jamais attaché à aucun corps solide, mais qui est toujours lâche & en mouvement au fond de la mer.

Ce champignon a cinq pouces & demi de hauteur, sur sept pouces de large à sa base, qui s'éleve insensiblement, & s'arrondit enfin en maniere de calotte ou de dôme feuilleté en-dehors par bouquets, dont les lames sont coupées en crête de coq, & qui représente en quelque façon une tête naissante & moutonnée. Sa structure intérieure est différente ; il est cannelé légerement, & parsemé de petits grains & de quelques pointes obtuses, la plus grande n'a pas plus d'une ligne de long.

On trouve plusieurs champignons de mer de pareille structure dans la mer Rouge & dans le sein Persique ; mais ils sont ordinairement fort petits, & n'approchent pas du bonnet de neptune. Celui que Clusius a nommé fungus saxeus Nili major, est beaucoup plus applati, & ressemble à nos champignons ordinaires, si ce n'est qu'il est feuilleté en-dehors. On en trouve quelques-uns, mais rarement, qui ont un petit pédicule qui les soutient. Ce pédicule est fort cassant ; cependant il est à croire que dans leur naissance ils étoient attachés au fond de la mer par quelque chose de semblable ; & suivant toutes les apparences, lorsqu'ils n'ont plus de pédicules, ils se nourrissent par le secours de quelque suc, que l'eau de la mer où ils trempent laisse insinuer dans leurs pores. (D.J.)

NEPTUNE, TEMPLE DE, (Géog.) ce dieu avoit en plusieurs lieux de la Grece des temples élevés en son honneur, qui donnoient le nom à ces mêmes lieux Neptuni templum. Strabon dit qu'il y avoit un temple de Neptune dans le Péloponnèse, un autre dans l'Elide, un autre dans la Messenie, un sur l'isthme de Corinthe, un dans l'Achaïe, un à Géreste dans l'Eubée, un dans l'île de Ténos, l'une des Cyclades, un dans l'île de Samos, un dans l'île de Calaurie, un à Oncheste dans la Béotie, un à Possidium sur la côte d'Egypte, &c. car il seroit trop long de les nommer tous.

NEPTUNIUS MONS, (Géog. anc.) montagne de Sicile qui s'étend depuis les racines de l'Etna, jusqu'à la pointe de Messine. Solin en parle, & dit qu'au sommet il avoit une guéritte, d'où l'on pouvoit voir la mer de Toscane & la mer Adriatique. On nomme aujourd'hui cette montagne Spreverio monte.


NERA(Géog.) ou Nécro, ou autrement Banda, île d'Asie dans les Indes, la seconde des îles de Banda, à 24 lieues d'Amboine. Les Hollandois y ont le fort Nassau. Elle s'étend du N. au S. l'espace de trois lieues en fer à cheval. Néra située dans la partie occidentale de l'île en est la capitale & la seule ville. Long. 146. 50. lat. méridionale 4. 30.

NERA LA, (Géog.) riviere d'Italie, ou plutôt torrent, qui a sa source dans l'Apennin, un peu au-dessus de Montaglioni, & qui, après un cours de 40 à 50 milles, va se perdre dans le Tibre à Guastanello, un peu au-dessus d'Orta. (D.J.)


NERAC(Géog.) ville de France en Gascogne, dans le Condomois, avec un grand château bâti par les Anglois. La Baise la sépare en deux parties, appellées le grand & le petit Nérac. Il y a dans cette ville un petit présidial, dont le siege fut établi en 1639. Ses habitans embrasserent le calvinisme dans le seizieme siecle ; ils s'attachent aujourd'hui au commerce. Nérac est à 3 lieues de Condom, 2 de la Garonne, 4 d'Agen, 153 S. O. de Paris. Long. 17. 58. lat. 44. 10. (D.J.)


NERES. m. (Chronograph.) espace de tems dont les Chaldéens faisoient usage dans leur chronologie. Ils divisoient le tems en sares, en neres & soses. Le sare, suivant Syncelles, marquoit un espace de trois mille six cent ans ; le nere en marquoit six cent, & le sose soixante. Cette maniere de compter donne à la durée des premiers regnes un nombre fabuleux d'années ; mais lorsqu'on ne regarde les sares que comme des années de jours, & les neres comme de simples heures, le calcul des anciens auteurs ne quadre pas mal au nombre d'années que Moïse donne aux premiers patriarches ; c'est du moins l'opinion de Scaliger, de Petau & des auteurs anglois de l'histoire universelle. (D.J.)


NERÉES. m. (Mytholog.) dieu marin, un peu plus ancien que Neptune. Il étoit fils de l'Océan & de Thétis, époux de Doris sa soeur, & pere des Néréïdes. Hésiode le représente comme un des plus anciens dieux de la mer & des plus véridiques, plein de douceur, de modération & d'amour pour la justice : à ces belles qualités, il joignoit celle d'exceller dans l'art de prédire l'avenir. C'est lui, dit Horace, ode xv. l. I. qui força les vents à lui prêter silence, pour annoncer au ravisseur d'Hélene les funestes suites de ses feux illégitimes. Apollodore nous assure qu'il faisoit son séjour ordinaire dans la mer Egée au milieu de ses filles, toutes occupées du soin de lui plaire par leurs chants & leurs danses. La plûpart de nos mythologistes imaginent que ce dieu peut avoir été quelque prince célebre dans l'art de la navigation, & qu'on venoit le consulter de toutes parts sur cette matiere. Mais l'illustre Cumberland ne doute point que Nérée ne soit Japhet. On peut voir les raisons savantes qu'il en donne dans une note des auteurs anglois qui ont publié l'histoire universelle, tom. I. pag. 247. (D.J.)


NÉRÉIDESS. f. pl. (Mythol.) divinités marines, filles de Nérée & de Doris. Hésiode en compte cinquante, dont je suis d'autant moins obligé de transcrire ici les noms qu'Homere les rapporte un peu différemment, & qu'il n'en nomme que trente-trois. Ces noms, au reste, que ces deux poëtes donnent aux Néréides & qui sont presque tous tirés de la langue grecque, conviennent fort à des divinités de la mer puisqu'ils expriment les flots, les vagues, les tempêtes, la bonace, les rades, les îles, les ports, &c.

Faut-il donc regarder les Néréides comme des personnages métaphoriques, ainsi que leurs noms le signifient, ou comme des personnes réelles ? J'avoue que les Néréides que nomment Hésiode & Homere, ne sont la plûpart que des êtres poëtiques, mais il y en a qui ont existé véritablement, telle que Cassiopée mere d'Andromede, Psammathé mere de Phoque, laquelle, selon Pausanias, étant allée dans le pays voisin du Parnasse, lui donna son nom (ce pays, en effet, a depuis été appellé la Phocide), Thétis mere d'Achille, & quelques autres. Il faut convenir aussi qu'on a donné le nom de Néréides à des princesses qui habitoient ou dans quelques îles, ou sur les bords de la mer, ou qui se rendirent fameuses par l'établissement du commerce ou de la navigation. On le transporta ensuite non-seulement à quelques personnages poëtiques, & dont l'existence n'est dûe qu'à des étymologies conformes aux qualités de leurs noms, mais aussi à certains poissons qui ont la partie supérieure du corps un peu ressemblante à celui d'une femme.

Les Néréides avoient des bois sacrés & des autels en plusieurs endroits de la Grece, sur-tout sur les bords de la mer. On leur offroit en sacrifice du lait, du miel, de l'huile, & quelquefois on leur immoloit des chevres. La néréide Dato, dit Pausanias dans ses corinthiaques, avoit un temple célébre à Gabala.

Pline, l. IX. c. v, raconte que du tems de Tibere on vit sur le rivage de la mer une néréide, & qu'un ambassadeur des Gaules avoit dit à Auguste qu'on avoit aussi trouvé dans son pays sur les bords de la mer plusieurs Néréides mortes ; mais dans les Néréides de Pline & de l'ambassadeur des Gaules à Rome, nos Naturalistes n'auroient vû que des poissons.

Les anciens monumens, de même que les médailles, s'accordent à représenter les Néréides comme de jeunes filles portées sur des dauphins ou sur des chevaux marins, tenant ordinairement d'une main le trident de Neptune, de l'autre un dauphin, & quelquefois une victoire ou une couronne. On les trouve cependant quelquefois moitié femmes & moitié poissons, conformément à ce vers d'Horace,

Desinit in piscem mulier formosa supernè,

Art poët.

telles qu'on les voit sur une médaille de Marseille, ou sur quelques autres encore. (D.J.)


NÉRÉTINI(Géogr. anc.) peuples d'Italie dans le pays des Salentins. Ptolémée, l. III. c. j, nomme leur ville , & la place dans les terres ; c'est aujourd'hui Nardo.


NERFS. m. en Anatomie, corps rond, blanc & long, semblable à une corde composée de différens fils ou fibres, qui prend son origine ou du cerveau, ou du cervelet, moyennant la moëlle allongée, & de la moëlle épiniere, qui se distribue dans toutes les parties du corps, qui sert à y porter un suc particulier que quelques physiciens appellent esprits animaux, qui est l'organe des sensations, & sert à l'execution des différens mouvemens. Voyez SENSATION, MOUVEMENT MUSCULAIRE, &c.

Origine des nerfs. De chaque point de la substance corticale du cerveau partent de petites fibres médullaires qui s'unissant ensemble dans leur progrès, deviennent enfin sensibles & forment ainsi la moëlle du cerveau & l'épine. Voyez CERVEAU & MOELLE, &c.

De-là elles se prolongent, & peu après elles deviennent distinctes & séparées au moyen de différentes enveloppes que leur fournit la dure-mere & la pie-mere, & forment par-là différens faisceaux ou nerfs qui ressemblent, eu égard à la position de leurs fibrilles composantes, à autant de queues de cheval enveloppées dans deux tuniques. Voyez FIBRE.

Il est probable que les fibres médullaires du cervelet partent des environs des parties antérieures de la moëlle allongée, se joignent en partie aux nerfs qui en sortent, mais de maniere à retenir toujours leur origine, leur cours & leur fonction particuliere. Le reste des fibres du cervelet se mêle si intimement avec celles du cerveau, qu'il n'y a peut-être pas dans toute la moëlle allongée de l'épine une seule partie où il ne se trouve des fibres de chacune de ces deux especes, & ainsi ces deux especes de fibres contribuent l'une l'autre à former le corps de chaque nerf, quoique leur fonction & leurs effets particuliers soient fort différens. Voyez CERVELET, &c.

Ces nerfs qui se forment de cette sorte & que la moëlle allongée, envoie sont au nombre de dix paires ; quoique ce soit mal-à-propos qu'on les appelle de la sorte, puisque la plûpart sont composés de plusieurs nerfs distincts & très-gros. Il en part de la même maniere trente paires de la moëlle épiniere, à quoi on peut ajouter les deux nerfs intercostaux.

Tandis que les nerfs sont dans la moëlle, ils ne présentent qu'une espece de pulpe ; mais en la quittant, ils prennent une gaine qui leur est fournie par la pie-mere ; sous cette enveloppe ils avancent jusqu'à la dure-mere, qui leur fournit encore une autre tunique. Voyez DURE-MERE & PIE-MERE.

La substance des nerfs renfermée dans ces deux membranes n'est pas différente de la substance du cerveau, elle n'est qu'une moëlle qui se répand dans toute l'étendue des tuyaux nerveux, & qui est sans doute envoyée du cerveau ; mais y est-elle renfermée dans des petits vaisseaux de la longueur du nerf ? Ou est-elle contenue dans des cellules ? C'est ce qu'on ne sauroit déterminer.

Les enveloppes de ces nerfs sont par-tout garnies de vaisseaux sanguins, lymphatiques & d'autres vésicules d'une texture très-fine qui servent à ramasser, à renforcer & à resserrer les fibrilles, & d'où on doit tirer l'explication de la plûpart des phénomenes, maladies des nerfs, &c.

Lorsque les extrêmités des nerfs se distribuent dans les parties auxquelles elles appartiennent, ils se dégagent alors de leur enveloppe, ils s'épanouissent en une espece de membrane, ou se réduisent en une pulpe molle. Voyez MEMBRANE & PULPE.

Or si l'on considere 1°. que toute la substance vasculaire du cerveau contribue à la formation des fibrilles des nerfs, quoiqu'elle s'y continue même totalement, & qu'elle y finit. 2°. Que lorsque la moëlle allongée est comprimée, tiraillée, & qu'elle tombe en pourriture, toutes les actions qui dépendoient des nerfs qui en sortent, cessent immédiatement après, quoique les nerfs restent entiers & intactes. 3°. Que les nerfs exécutent par-tout presque dans un instant leurs opérations, tant celles qui ont rapport aux mouvemens que celles qui ont rapport aux sensations, & cela soit qu'ils soient lâches, courbes, crasses, rétrogrades & obliques. 4°. Que quand ils sont entierement liés ou comprimés, quoiqu'à tous autres égards ils restent entiers, ils perdent alors toute leur action dans les parties comprises entre la ligature & les extrêmités auxquelles ils tendent, sans en perdre cependant dans les parties comprises entre la ligature & la moëlle du cerveau ou le cervelet, il paroîtra évidemment que les fibres nerveuses tirent continuellement de la moëlle du cerveau un suc qu'elles transmettent par autant de canaux distincts à chacun des points de tout le corps, & que ce n'est que par le moyen de ce suc qu'elles exécutent toutes leurs fonctions dans les sensations & le mouvement musculaire, &c. cette humeur est ce qu'on appelle proprement, esprits animaux ou suc nerveux. Voyez ANIMAL, ESPRIT, &c.

On a supposé, il y a long-tems, que les nerfs sont des petits tuyaux, mais on a eu bien de la peine à découvrir leurs cavités ; enfin on a cru que M. Leuwenhoeck étoit venu à bout de rendre sensibles les cavités qui sont dans les nerfs, mais cette découverte souffre encore quelque difficulté.

Il ne paroît pas qu'il y ait la moindre probabilité dans cette opinion (qui a cependant ses partisans), que les nerfs exécutent leurs opérations par la vibration des fibrilles tendues ; en effet c'est un sentiment contraire à la nature des nerfs, dont la substance est molle, pulpeuse, flasque, croisée & ondée, & suivant lequel on ne sauroit expliquer cette distinction, avec laquelle les objets de nos sensations nous sont représentés, & avec laquelle s'exécutent les mouvemens musculaires.

Or de même que le sang artériel est porté continuellement dans toutes les parties du corps qui sont garnies de vaisseaux sanguins, de même aussi on conçoit qu'un suc préparé dans la substance corticale du cerveau & dans le cervelet, se porte de-là continuellement à chaque point du corps à-travers les nerfs. La petitesse des vaisseaux de la substance corticale, telle que les injections de Ruysch la font connoître, quoique cependant ces injections ne démontrent que des vaisseaux artériels beaucoup plus gros, par conséquent, que les moindres vaisseaux sécrétoires, prouvent combien ces vaisseaux nerveux doivent être déliés, & d'un autre côté la grosseur du volume du cerveau comparée à la petitesse de chaque fibrille, fait voir que leur nombre peut être au-delà de toutes les bornes que l'imagination paroît lui donner. Voyez FILAMENT.

De plus la grande quantité de suc qui s'y porte constamment & qui y est agitée d'un mouvement violent, y remplira continuellement ces petits canaux, les ouvrira & mettra toujours en action ; mais comme il se prépare à chaque moment de nouveaux sucs & que le dernier chasse continuellement le premier, il semble aussi-tôt qu'il a fait sa derniere fonction être chassé hors des derniers filamens dans des vaisseaux quelconques, desorte qu'il fait ainsi sa circulation dans le corps comme toutes les autres liqueurs. Voyez CIRCULATION.

M. Vieussens a cru avoir trouvé des tuyaux qu'il a nommés nevro-lymphatiques, mais sa découverte n'est pas confirmée.

Si nous considérons sur-tout la grandeur du volume du cerveau, du cervelet, de la moëlle allongée & de la moëlle de l'épine, eu égard au volume des autres solides du corps ; le grand nombre de nerfs qui se distribuent de-là dans tout le corps ; que le cerveau & la moëlle de l'épine sont la base d'un embryon, de laquelle, selon le grand Malpighi, se forment ensuite les autres parties ; enfin qu'il n'y a à peine aucune partie dans le corps qui ne sente & qui ne se remue, il paroîtra très-probable que toutes les parties solides du corps sont tissues de fibres nerveuses, & ne sont composées d'autres choses. Voyez FILAMENS & SOLIDES.

Les anciens ne comptoient que sept paires de nerfs qui partent du cerveau, dont ils marquent les usages dans ces deux vers latins,

Optica prima, oculos movet altera, tertia gustat,

Quarta & quinta audit, vaga sexta est, septima linguae.

mais les modernes, comme nous l'avons déja observé, en comptent un plus grand nombre.

Selon eux, les nerfs de la moëlle allongée sont au nombre de dix paires, dont la premiere se nomme nerfs olfactifs ; la seconde, nerfs optiques ; la troisieme, nerfs moteurs des yeux, moteurs communs, oculaires communs ; la quatrieme, nerfs trochléateurs, musculaires obliques supérieurs, communément nommés nerfs pathétiques ; la cinquieme, nerfs innominés, nerfs trijumaux ; la sixieme, moteurs externes, oculaires externes, musculaires externes, oculo-musculaires externes ; la septieme paire, nerfs auditifs ; la huitieme paire, la petite vague, nerf sympathique moyen ; la neuvieme paire, nerfs hypoglosses, nerfs gustatifs, nerfs linguaux ; la dixieme paire, nerfs sous-occipitaux. Voyez OLFACTIF, OPTIQUE, VAGUE, &c.

Les nerfs de la moëlle épiniere sont 1°. une paire de nerfs accessoires ou associés de la huitieme paire de la moëlle allongée ; 2°. une paire de nerfs intercostaux ou grands nerfs sympathiques ; 3°. sept paires de nerfs intervertebaux du col ou nerfs cervicaux ; 4°. douze paires de nerfs intervertebaux du dos, ou nerfs dorsaux, costaux, vrais intercostaux ; 5°. cinq paires de nerfs intervertebaux des lombes, ou nerfs lombaires ; 6°. cinq ou six paires de nerfs sacrés. Voyez ACCESSOIRES & INTERCOSTAUX.

Les autres nerfs qui ont des noms particuliers sont 1°. les branches des nerfs de la moëlle allongée ; comme sont 1°. les trois branches de la cinquieme paire, dont l'une a été nommée nerf orbitaire supérieur, l'autre nerf maxillaire supérieur, & la troisieme nerf maxillaire inférieur ; 2°. les deux branches ou portions du nerf auditif, dont l'une se nomme portion molle & l'autre portion dure. Voyez ORBITAIRE, MAXILLAIRE, AUDITIF, &c.

2°. Les branches des nerfs de la moëlle épiniere, tels sont 1°. les nerfs diaphragmatiques ; 2°. les nerfs brachiaux, dont les six branches différentes ont toutes différens noms, savoir le nerf musculo-cutané, le nerf median, le nerf cubital, le nerf cutané interne, le nerf radial, le nerf axillaire ou articulaire ; 3°. les nerfs cruraux, que l'on divise en trois portions, savoir le nerf crural du fémur ou nerf crural supérieur, le nerf crural du tibia ou nerf crural jambier, le nerf crural du pié ou nerf crural pédieux ; 4°. les nerfs sciatiques qui produisent le nerf sciatique crural, le nerf sciatique poplité, le nerf sciatique tibial, le nerf sciatique peronier, le nerf plantaire interne, le nerf plantaire externe. Voyez DIAPHRAGMATIQUE, BRACHIAL, CRURAL, &c.

3°. Les rameaux de quelques-unes des branches dont nous avons fait mention, ont aussi des noms particuliers ; tels sont les canaux des branches de la cinquieme paire, par exemple, le rameau frontal, le rameau nasal, & le rameau lacrymal de la premiere branche, &c. Voyez FRONTAL, NASAL & LACRYMAL.

Vieussens, Willis & Beretini nous ont particulierement donné des Planches sur les nerfs ; l'ouvrage de ce dernier est intitulé : Beretini tabulae anatomicae, &c. Romae 1741, in-fol. Voyez NEVROGRAPHIE & NEVROLOGIE.

NERFS, jeux de la nature sur les (Physiol.) les nerfs, de même que les vaisseaux sanguins, se répandent dans toutes les parties, quoique d'une maniere fort différente. Le diamêtre des vaisseaux sanguins est toujours proportionné au nombre de leurs divisions, & à leur éloignement du coeur. Il n'en est pas de même des nerfs qui grossissent en plusieurs endroits, & forment des tumeurs qu'on nomme ganglions. Les vaisseaux sanguins ne communiquent ensemble que dans leurs rameaux ; les nerfs se rencontrent à la sortie du crâne, du canal de l'épine, ou dans ses cavités. Leur exilité, leurs entrelacemens, leurs engagemens dans les membranes, & les ligamens qu'ils trouvent sur le passage, en rendent la poursuite très-difficile ; ils se dérobent pour lors aux recherches des mains & des yeux des meilleurs Anatomistes, & avant que de se cacher, ils ne fournissent pas moins de jeux de la nature dans leurs détours, que les vaisseaux sanguins qu'ils accompagnent ; mais il nous doit presque suffire d'en faire la remarque, & d'en citer quelques exemples pour preuve : un détail étendu seroit plus ennuyeux que profitable, & les réflexions que nous avons faites ailleurs sur cette matiere en général, trouvent ici leur application. Nous ajouterons encore qu'il ne faut compter en observations réelles de jeux des nerfs, que sur celles des grands maîtres de l'art ; telles sont les tables névrologiques d'Eustachius.

La division générale du nerf maxillaire en trois, n'est pas toujours constante ; car le premier de ces rameaux sous-orbitaires, donne quelquefois un filet aux dents molaires supérieures.

Le nerf moteur externe donne quelquefois un filet nerveux double, & le nerf de la sixieme paire est quelquefois réellement double, ou fendu en deux avant son engagement dans la dure-mere.

Les filets postérieurs du tronc gauche du pléxus pulmonaire sont quelquefois plus considérables que les filets antérieurs du tronc droit.

Les deux nerfs accessoires de la huitieme paire jettent quelquefois des filets sans communication avec le ganglion, ni avec le plan antérieur.

L'union & le mêlange plexiforme des cinq gros nerfs vertébraux, varient souvent dans les cadavres, ainsi que les six nerfs brachiaux qui en naissent, varient dans leur origine. Le nerf médian est dans quelques sujets formé par l'union de deux seules branches, au lieu de trois.

Les nerfs de l'os sacrum se comptent par paires, dont le nombre augmente quelquefois. L'entrelacement de la troisieme paire souffre aussi ses jeux.

Le nerf de la huitieme paire que Winslow appelle sympathique moyen, & d'autres la paire vague, donne comme on sait, une branche qui communique avec la neuvieme paire ; mais on a vû dans quelques sujets, cette branche communiquer avec le ganglion supérieur du nerf intercostal.

La paire occipitale, nommée la dixieme paire de Willis, a une origine différente dans plusieurs sujets ; quelquefois cette origine est double, & perce la dure-mere avec l'artere vertébrale, comme Eustachi l'a dépeinte. Tab. 17. fig. 2.

L'origine du nerf intercostal est encore une question. On peut, peut-être, regarder le filet qui vient de la sixieme paire, comme son principe, parce qu'on observe quelquefois par un jeu de la nature, que les filets du nerf ophthalmique, nommé par M. Winslow nerf orbitaire, ne s'y joignent pas. Ce nerf intercostal forme dans le bas ventre un ganglion très-considérable, qu'on a nommé mal-à-propos sémi-lunaire, puisque sa forme varie autant que sa grosseur. Le ganglion sémi-lunaire droit & gauche, sont quelquefois réunis en un seul ; quelquefois on en rencontre trois, quatre, & davantage.

Au reste, tous les pléxus hépatiques, spléniques, mésentériques, rénal, hypogastriques, qui viennent des filets du tronc de l'intercostal, varient si fort dans leur distribution, leur grosseur & leur nombre, que ceux qu'on observe d'un côté, sont pour l'ordinaire très-différens de ceux qu'on observe de l'autre ; de sorte qu'il n'est pas possible de décrire de telles variétés, qui sont peut-être la cause de plusieurs mouvemens sympathiques particuliers à certaines personnes, & que d'autres n'éprouvent point au même degré.

Ajoutez que tous les nerfs de la moëlle épiniere, qu'on nomme cervicaux, au nombre de sept paires, grossissent après avoir percé la premiere enveloppe, & forment comme le nerf intercostal, des ganglions qui sont plus ou moins remarquables dans les différens sujets.

Enfin l'histoire des nerfs intestinaux est si composée, qu'il n'est pas possible de la donner ; car ils ont des origines & des distributions différentes presque dans chaque sujet. (D.J.)

NERF, ou NERVURE, par analogie aux nerfs des animaux, (Coupes des pierres) est une arcade de pierre en saillie sur le nud des voûtes gothiques, pour en appuyer & orner les angles saillans par des moulures, & fortifier les pendentifs. Plusieurs églises gothiques ont des morceaux curieux en ce genre. L'église de saint Eustache à Paris, quoique bâtie vers le tems de la renaissance de l'Architecture, a sur la croisée des deux nerfs, un pendentif fort bien exécuté.

On donne différens noms aux nervures par rapport à leur situation ; celles qui traversent perpendiculairement, s'appellent arcs doubleaux, comme a a, b b, fig. 18 ; celles qui traversent diagonalement, s'appellent arcs d'ogives, comme b, a b ; celles qui traversent obliquement entre les arcs doubleaux & les ogives, s'appellent liernes & tiercerons, comme bo, bo, mo. (D)

NERFS, (Jardinage) les nerfs d'un végétal sont les tuyaux longitudinaux qui portent le suc nourricier dans les parties les plus élevées.

NERF, (Maréchallerie) on appelle improprement ainsi un tendon qui coule derriere les os des jambes. Ses bonnes qualités sont d'être gros & bien détaché, c'est-à-dire apparent à la vue, & détaché de l'os. Le nerf failli est celui qui va si fort en diminuant vers le pli du genou, qu'à peine le sent-on en cet endroit ; ce qui est un mauvais prognostic pour la force du cheval.

NERF FERRURE, en termes de Manege ; signifie une entorse, une enflure douloureuse, ou une atteinte violente, que le cheval se donne aux nerfs des jambes de devant avec la pince des piés de derriere.

NERF DE CERF, (Venerie) c'est le membre qui sert à la génération.

NERFS, s. m. pl. (Terme de Relieurs) les Relieurs appellent de la sorte les ficelles ou petites cordes qu'ils mettent au dos de leurs livres, & sur lesquelles se cousent & s'arrêtent les cahiers dont ils sont composés.

NERF DE BOEUF, (Terme de Sellier) c'est le nerf séché qui se tire de la partie génitale de cet animal. Quand ce nerf est réduit en matiere de filasse longue de huit à dix pouces, par le moyen de certaines grosses cardes de fer, il s'emploie par les Selliers à nerver avec la colle forte, les arçons des selles & les panneaux des chaises & carosses ; il entre aussi dans la fabrique des batoirs propres à jouer à la paume. A Paris ce sont ces ouvriers qui le préparent, qui le portent vendre aux marchands merciers quincailliers, par paquets du poids d'une livre ; & c'est chez ces marchands, que les artisans qui en ont besoin les vont acheter. (D.J.)


NERGELou NERGAL, (Critiq. sacrée) voyez Buxtorf, dans son grand dictionnaire écon. 1396 & 1397. divinité des Cuthéens, peuples d'Assyrie, comme il paroît par un passage du II. liv. des Rois, ch. xvij. v. 30. cette divinité étoit apparemment le soleil ou le feu qu'adoroient les anciens Perses, dumoins ce sentiment est conforme à l'étymologie du nom nergel, qui veut dire une fontaine de feu. Au reste les Samaritains furent appellés Cuthéens depuis que Salmanassar eut envoyé des Cuthéens & d'autres nations peupler les provinces des dix tribus.


NERGHS(Géogr.) ville de Géorgie, à 77 d. de long. & à 43 d. de lat.


NÉRICIE(Géogr.) province de Suede dans les terres à l'extrêmité du lac Vater. Elle a des mines de fer, d'alun & de soufre. On ne compte qu'une ville dans la Néricie, savoir Orébro, ou Oréborg, ou Orébroa, comme on voudra la nommer.


NÉRINDE(Toilerie de coton) toile de coton blanche qui vient des Indes orientales ; c'est une sorte de taffetas étroit & assez grossier.


NÉRIS(Géogr. anc.) nom commun à une ville de Messénie, selon Etienne le géographe, & à une ville de Grece dans l'Argie, selon Pausanias, qui la met aux confins de la Laconie.

NERIS, (Géogr. anc.) ou Nerus, Nerea Nerensis vicus ; ville d'une ancienneté gauloise, qui n'est aujourd'hui qu'un bourg aux confins du Bourbonnois & de l'Auvergne, sur un côteau, ou plutôt sur des rochers. Il y a quelques restes d'antiquité, & des eaux minérales insipides, que les anciens ont connues, & qu'ils nommoient aquae Neriae.


NÉRITES. f. (Conchyliol.) genre de coquillage dont voici le caractere générique. Les nérites, autrement dites limaçons à bouche demi-ronde ou ceintrée, sont des coquilles univalves, dont le corps est ramassé, la bouche plate, garnie de dents, quelquefois sans dents du côté du fut. Il y en a dont le sommet est élevé, & d'autres dont le sommet est très-applati.

La famille de ce genre de coquillage a plusieurs caracteres spécifiques, qui forment sous chaque genre des especes considérables, qu'on distingue généralement en nérites & en limaçons.

Les nérites, outre le caractere générique d'avoir la bouche demi-ronde, ont les unes des gencives, & les autres sont ombiliquées.

Les limaçons à bouche demi-ronde ou ceintrée, différent des nérites, en ce qu'ils n'ont jamais ni dents ni gencives, ni palais. Bonanni dérive nérite des néréides ; pour justifier son étymologie, il nomme cette coquille, la fleur, la reine de la mer, & en conséquence il l'a confondue avec les trompes & les porcelaines. Ce qu'il y a de sûr, c'est que les nérites naissent dans les cavernes & sur les rochers auxquels elles sont adhérentes. On n'en trouve point de terrestres vivantes.

Le caractere générique de la famille des limaçons, est d'avoir la bouche demi-ronde, peu de contours, & l'extrêmité de la volute très-peu saillante.

Les especes de nérites sont les suivantes, rangées sous les deux divisions générales de nérites garnies de dents, & de limaçons ombiliqués.

1°. La nérite garnie de dents ; 2°. la nérite appellée la quenotte, ou à dent sanguine ; 3°. la nérite nommée le palais de boeuf ; 4°. la nérite striée & pointillée ; cette espece, quand elle est dépouillée de sa coque externe, & qu'elle est bien polie, présente une coquille très-belle, & recherchée par les curieux : 5°. la nérite cannelée ; 6°. la nérite rayée de sillons marbrés ; 7°. la nérite appellée la grive, à cause de sa robe cannelée, semée de taches blanches & noires ; 8°. la nérite qu'on nomme la perdrix.

Parmi les nérites qui n'ont point de dents, on connoît les especes suivantes : 1°. la nérite jaspée avec un bec ; 2°. la nérite jaspée avec un couvercle ; 3°. la nérite nommée le pois de mer, citronnée ; 4°. le pois de mer jaune ; 5°. la nérite piquante ; 6°. la nérite à reseau ; 7°. la nérite à taches noires ; 8°. la nérite à bandes rouges & jaunes ; 9°. la nérite à stries légeres & verdâtres ; 10°. à ondes en zig-zag.

Entre les limaçons ou nérites ombiliquées, on distingue les especes suivantes : 1°. le limaçon à long ombilic ; 2°. le limaçon à sommet élevé ; 3°. le limaçon à sommet applati ; 4°. le limaçon testiculé ; 5°. le limaçon dit bernard l'hermite ; 6°. le limaçon mamelu ; 7°. le limaçon à petit mamelon ; 8°. le limaçon dit l'écorce d'orange. Il y a d'autres limaçons ou nérites en grand nombre, qu'il seroit inutile de détailler, parce qu'ils ne différent que par la couleur du fond, les bandelettes, les zônes ou le pointillage. Hist. natur. éclaircie. Voyez cette coquille, Pl. XXI. fig. 21. (D.J.)


NERIUM(Botan.) Voyez LAURIER-ROSE.


NÉRONDES(Géog.) petite ville de France dans le Forez, élection de Roanne, avec une chatellenie royale. Long. 22. 10. lat. 45. 20.

C'est la patrie du P. Coton (Pierre), jésuite, dont le P. Daniel parle trop dans son histoire, tandis qu'il parle trop peu d'Henri IV. Le P. Coton fut confesseur de ce prince, & mourut à Paris en 1626, à 63 ans. Les ouvrages qu'il a mis au jour n'ont pas passé jusqu'à nous. (D.J.)


NÉRONIENSJEUX (Jeux romains) jeux littéraires institués par Néron l'an 813 de Rome. Cet empereur qui aspiroit à la gloire frivole d'être tout ensemble poëte & orateur, crut signaler son regne par l'établissement d'un combat littéraire. Dans les jeux qui de son nom furent appellés néroniens, neronia certamina, & qui devoient avoir lieu tous les cinq ans, mais qu'il fit célébrer beaucoup plus fréquemment ; dans ces jeux, dis-je, il y avoit entr'autres, à la maniere des Grecs, un combat de musique, musicum certamen. Par ce mot de musique, musicum, on doit entendre un combat poëtique ; ce qui prouve cette interprétation, c'est qu'on lit dans Suétone, ch. xij. que cet empereur par le suffrage des juges qu'il avoit établis pour présider à ce combat, y reçut la couronne du vainqueur en poësie & en éloquence, quoique cette couronne fût l'objet de l'émulation de tout ce qu'il y avoit alors de gens distingués par leurs talens en ces deux parties. (D.J.)


NERPRUNrhamnus, s. m. (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleur monopétale, en forme d'entonnoir divisée en quatre parties. Il s'éleve du fond de cette fleur des étamines avec le pistil qui devient dans la suite une baie molle & pleine de suc ; elle renferme le plus souvent quatre semences calleuses, relevées en bosse d'un côté, & applaties de l'autre. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

NERPRUN, rhamnus, arbrisseau qui se trouve communément dans les haies des pays temperés de l'Europe. Il peut s'élever à dix-huit ou vingt piés, mais ordinairement on ne le voit que sous la figure d'un buisson, de dix ou douze piés de hauteur. Cet arbrisseau fait rarement de lui-même une tige un peu droite ; il se garnit de quantité de rameaux qui s'écartent, se croisent, & prennent une forme irréguliere. Ses branches sont garnies de quelques épines assez semblables à celles du poirier sauvage. Sa feuille est assez petite, unie, luisante, légerement dentelée & d'un verd brun. Sa fleur qui paroit au mois de Juin est petite, d'une couleur herbacée qui n'a nulle apparence. Le fruit qui la remplace est une baie molle, de la grosseur d'un pois, remplie d'un suc noir, verdâtre, qui contient en même-tems plusieurs semences : elles sont en maturité au commencement de l'automne. Cet arbrisseau est agreste & très-robuste : il se plait dans une terre franche & grasse ; il aime l'ombre, l'humidité & le voisinage des eaux ; cependant on peut le faire venir partout. Si on veut le multiplier, le plus court sera d'en semer la graine au moment de sa maturité ; elle levera au printems, & les jeunes plants seront en état d'être transplantés l'automne suivant. On n'en fait nul usage pour l'agrément, il n'est propre qu'à faire des haies qui se garnissent bien & assez promptement. Son feuillage est assez joli : les insectes ne s'y attachent point.

Les baies du nerprun sont de quelqu'utilité : les oiseaux s'en nourrissent par préférence & ne les laissent pas long-tems sur l'arbrisseau. Elles sont très-purgatives ; on en fait un syrop qui est d'un grand usage en Médecine. Ses baies sont aussi de quelque ressource dans les arts : on en fait une couleur que l'on nomme verd de vessie qui sert aux Peintres & aux Enlumineurs.

Le nerprun a si généralement une vertu purgative, qu'on prétend que les fruits qui ont été greffés sur cet arbrisseau purgent violemment lorsqu'on en mange. Quelques auteurs, comme Simon Pauli & Garidel, assurent qu'on a greffé avec succès le prunier & le cerisier sur cet arbrisseau ; ce sont apparement des hasards qu'il est difficile de rencontrer. On a tenté quantité de fois ces greffes sans qu'elles ayent réussi.

Le bois du nerprun est excellent pour faire des échalas : ils sont d'aussi longue durée que ceux que l'on fait de bois de chêne.

Il y a plusieurs especes de nerprun.

1°. Le nerprun purgatif ordinaire. C'est à cette espece qu'on doit appliquer ce qui a été dit ci-dessus.

2°. Le petit nerprun purgatif, ou la graine d'Avignon. Cet arbrisseau vient assez communément en Provence ; il ne s'éleve guere qu'à quatre ou cinq piés, on peut aisément le multiplier de branche couchée, ou de semence comme le précédent, & il est presqu'aussi robuste ; son feuillage a quelqu'agrément de plus, mais sa fleur n'a pas meilleure apparence, elle vient un mois plus tôt, & ses baies sont en maturité dès le mois de Juillet, on en fait usage pour les Arts. Ce fruit étant cueilli verd se nomme graine d'Avignon ; on en fait une couleur jaune pour la teinture des étoffes ; il sert aussi à faire ce qu'on appelle le stil de grain pour l'usage des peintres à l'huile & en miniature.

3°. Le petit nerprun purgatif à feuille longue.

4°. Le nerprun d'Espagne à fruit noir.

5°. Le nerprun d'Espagne à feuille de buis.

6°. Le nerprun d'Espagne à feuille d'olivier.

7°. Le nerprun d'Espagne à feuille de millepertuis.

Ces quatre dernieres especes se trouvent dans les bois en Espagne, en Portugal, en Italie & dans les provinces méridionales de France. Ce sont de petits arbrisseaux de six ou huit piés de hauteur qui sont assez robustes pour passer l'hyver en pleine terre dans les autres provinces du Royaume, mais elles ne sont pas plus de ressource pour l'agrément que pour l'utilité.

8°. Le nerprun à feuilles d'amandier.

9°. Le nerprun du levant à petites feuilles d'amandier.

10°. Le nerprun du levant à feuilles d'alaterne.

11°. Le nerprun de Candie à petites feuilles de buis. Ces quatre dernieres especes sont d'aussi grands arbrisseaux que le nerprun commun ; elles sont presqu'aussi robustes, mais peu intéressantes quoique rares.

12°. Le petit nerprun d'Espagne à feuilles de buis. Ce petit arbrisseau est de fort belle apparence. De toutes les especes du nerprun, c'est celle qui a le plus d'agrément.

13°. Le nerprun à feuilles de saule. Cet arbrisseau est toujours verd, il se trouve sur les bords du Rhône & du Rhin, il s'éleve à cinq ou six piés, il donne au mois de Juin une grande quantité de fleurs herbacées qui n'ont nul agrément, elles sont remplacées par des baies jaunes, qui restent sur l'arbrisseau pendant tout l'hyver.

14°. Le nerprun de Montpellier. C'est un grand arbrisseau tout hérissé d'épines extrêmement longues ; il donne dès le mois de Mars de petites fleurs blanches qui ressemblent à celles du bois joli ou mezereon, & en automne l'arbrisseau se renouvelle en donnant de secondes fleurs & même d'autres feuilles. On peut les manger en salade dans leur nouveauté ainsi que la cime des jeunes rejettons.

15°. Le nerprun d'Espagne à feuilles capillaires. C'est un petit arbrisseau de l'orangerie pour ce climat, il n'a que le mérite de la singularité, par rapport à sa feuille qui est aussi menue qu'un fil, il se garnit d'une grande quantité de rameaux flexibles qui s'inclinent jusqu'à terre. On se sert de ses baies pour teindre en verd & en jaune. Cet arbrisseau se plait parmi les pierres & même sur les rochers.

NERPRUN, (Pharmacie & Matiere médicale) noirprun, bougépine. Les baies de cet arbrisseau sont la seule partie dont on se sert en Médecine ; elles sont très-purgatives & de l'ordre de ces évacuans que les anciens ont appellés hydragogues, voyez PURGATIFS. Aussi fournissent-elles un des purgatifs des plus usités dans l'hydropisie, la cachexie, les bouffissures édemateuses, &c. Ce remede convenablement réitéré a souvent réussi, lors même que les malades avoient une quantité d'eau considérable épanchée dans le ventre. Les différentes préparations de ces baies évacuent ces eaux très-puissamment.

Ces préparations sont un rob & un sirop préparés avec les baies récentes, c'est-à-dire avec leur suc ; ce sirop est surtout très-usité ; il se donne à la dose d'une once jusqu'à deux, soit seul soit avec de la manne dans une décoction appropriée, soit mêlé dans les potions purgatives ordinaires ; on peut donner aussi ces baies mures, desséchées & réduites en poudre ou bien en décoction dans de l'eau ou du bouillon, mais ces formes ne sont point usitées.

Le sirop de nerprun entre dans la composition des pilules cochées. (b)


NERTOBRIGA(Géog. anc.) ancienne ville de l'Espagne Tarragonoise selon Ptolémée, liv. II. ch. vj. qui la place chez les Celtibères, entre Turtasso & Biblis ; elle étoit considérable, & fut détruite dans le tems de l'invasion des barbares. De ses ruines qui sont auprès de Mérida, on en a bâti trois ou quatre bourgades. (D.J.)


NERULUM(Géog. anc.) l'itinéraire d'Antonin la met sur la route de Milan à la Colomne. Tite-Live, liv. IX. ch. xx. dit que le consul Emilius la prit d'emblée.


NERVÉadj. terme de Blason. Il se dit de la fougere & autres feuilles dont les fibres & les nerfs paroissent d'un autre émail. Les anciens princes d'Antioche, d'argent à la branche ou feuille de fougere de synople, nervée d'or.


NERVER UN LIVRE(terme de Relieur) C'est en dresser les nerfs sur le dos & les fortifier avec bonne colle & parchemin, ce qu'on appelle autrement endosser un livre.

NERVER, v. a. (terme d'ouvriers) Ce mot se dit aussi de divers ouvrages sur lesquels pour les fortifier, on applique avec de la colle des nerfs de boeufs battus & réduits en une espece de filasse. On nerve des panneaux de carrosse, des arçons de selle, des battoirs de longue & courte paume, &c. (D.J.)


NERVEUXadj. (Anatomie) tout ce qui a rapport avec les nerfs.

NERVEUX, DEMI, s. m. (Anatomie) C'est un des muscles fléchisseurs de la jambe, ainsi appellé parce que son tendon inférieur est long & ressemblant à un nerf ; il s'attache à la tubérosité de l'os ischium & s'unit avec la longue tête du biceps & va se terminer par un tendon long & grêle à la partie antérieure & supérieure du tibia, après avoir passé par-dessus la partie latérale du condyle interne. (L )

NERVEUX, adj. (Maréchal.) un cheval nerveux, est celui qui a beaucoup de force. Javart nerveux, voyez JAVART.

NERVEUSES, maladies, l'on peut appeller de ce nom, toutes les affections morbifiques, qui dépendent sur-tout d'une trop grande irritabilité dans les solides du corps humain, d'une trop grande sensibilité du genre nerveux, d'où s'ensuivent différens désordres, plus ou moins considérables dans l'économie animale, qui influent sur toutes les fonctions, ensorte que l'esprit en est ordinairement aussi affecté que le corps. Telles sont la mélancolie, la passion hypocondriaque, la passion hystérique, les vapeurs, la consomption angloise, qui n'est autre chose qu'une fievre lente nerveuse ; les affections spasmodiques, convulsives, épileptiques, qui sont idiopathiques, c'est-à-dire qui sont produites par une disposition habituelle à l'érétisme du cerveau, & de ses productions, avec beaucoup d'irrégularité dans les effets qui en sont les suites. Voyez les articles de ces différentes especes de maladies du même genre chacune en son lieu. Voyez IRRITABILITE, SENSIBILITE, NERFS, VAPEURS.


NERVIENSNervii, (Géog. anc.) anciens peuples de la Gaule Belgique. Ils tiroient leur origine des Germains, selon Strabon, liv. IV. p. 194. qui les place au voisinage des Treviri. César, liv. II. c. iv. en parle comme d'un peuple considérable qui pouvoit fournir jusqu'à 50 mille hommes pour une guerre commune. En effet, leur cité étoit d'une si grande étendue, qu'elle prenoit depuis les Treviri jusqu'aux Bellovaci. César s'étend beaucoup sur leur compte & sur leur valeur. Ils lui donnerent une bataille dont il parle comme de la plus sanglante & de la plus périlleuse où il se soit trouvé en sa vie. Il semble que Cameracum, Cambrai, devoit être la capitale des Nerviens. Le P. Briet, ainsi que Cluvier, leur donne Turnacum, Tournay, Bagacum, Bavay en Hainault, Pons Scaldis, Condé, & Ventinianae, Valenciennes. Il paroît donc que la cité des Nerviens comprenoit le Hainault, le Cambrésis, & la Flandre Françoise. (D.J.)


NERVIN(Méd. thérap.) c'est un des noms par lesquels les Médecins ont désigné une des propriétés générales des remedes qu'ils ont aussi appellés toniques & roborans. Voyez TONIQUE.


NERVIO(Géog.) riviere d'Espagne dans la Biscaye, & la plus considérable de la province. Les Biscayens l'appellent en leur langue Ybay-Cabal, ce qui signifie une large riviere. Elle traverse le milieu du pays du midi au septentrion, passe à Bilbao, capitale de la province ; & à deux milles au-dessous de cette ville, elle va se jetter dans l'Océan. Les anciens l'ont appellée Chalybs. Son eau est excellente pour la trempe des armes. De-là venoit que les Cantabres n'estimoient que celles dont le fer avoit été trempé dans le Chalybs.


NERVURESS. f. pl. (Archit.) ce sont dans les feuillages des rinceaux d'ornemens, les côtes élevées de chaque feuille qui représentent les tiges des plantes naturelles. Ce sont aussi des moulures rondes sur le contour des consoles.

NERVURE, en terme de broderie au métier, est la côte médiante d'une fleur imitée par des points fendus. Voyez POINTS FENDUS.

NERVURE, s. f. terme de Librairie ; l'art d'appliquer des nerfs. On le dit aussi des nerfs mêmes quand ils sont appliqués. On appelle dans la Librairie la nervure d'un livre, ces parties élevées qui paroissent sur le dos des livres, & qui sont formées par les nerfs ou cordes qui servent à le relier. (D.J.)

NERVURE, s. f. terme de Tissutiers-Rubaniers ; c'est aussi un petit passe-poil d'or, d'argent, de soie ou d'autre matiere que les Tissutiers-Rubaniers font, & que les marchands Merciers vendent pour mettre sur les coutures des habits, ce qui y fait une sorte d'ornement. Savari.


NERZINSKOI(Géog.) ville des états du grand duc de Moscovie en Sibérie, capitale de la province de Daousi sur la Nerza. Elle est fortifiée, munie d'une bonne garnison, & habitée par des payens qui y vivent sous la protection du czar. Long. 136. 20. lat. 51. 30.


NÉSA(Géog.) ville d'Asie dans la Perse, au désert de Kirac, entre Khorassan & le Carezem, à 93. deg. 20 de long. & 48. 45. de lat.


NESACTIUM(Géog. anc.) Ptolémée écrit Nesactum, & Tite-Live Nesartium. Il faut lire dans cet historien la description qu'il fait, liv. xlj. chap. xv. du siege & de la prise de cette ville de l'Istrie, par M. Junius & A. Manlius, l'an 575. de la fondation de Rome. Les habitans manquant d'eau, égorgerent leurs femmes & leurs enfans & jetterent leurs corps par-dessus les murailles, afin que les Romains eussent horreur de l'extrêmité à laquelle ils les réduisoient. Mais les assiégeans escaladerent les murs, entrerent dans la ville, & firent esclaves ou passerent au fil de l'épée le reste des habitans. Le roi Apulo qui s'y étoit renfermé pour la défendre, se tua pour s'épargner l'ignominie de la captivité. Nesactium est aujourd'hui Castel-nuovo, à l'embouchure de l'Arsias. (D.J.)


NESAEA(Géog. anc.) en grec ; nom que Strabon donne à une partie de l'Hircanie, au travers de laquelle coule le fleuve Ochus.


NÉSIS(Géog. anc.) petite ville d'Italie sur les côtes de la Campanie, auprès de Pouzzol. Ciceron en parle dans ses lettres à Atticus, & dit que plusieurs romains y avoient des maisons de plaisance. Pline vante la beauté des asperges qui y croissoient. C'est aujourd'hui l'île Nesita.

Nésis est encore le nom d'une ville ou lieu de la Sarmatie asiatique, selon Arrien dans son Périplée. (D.J.)


NESLES. f. (Monnoie) petite monnoie de billon dont on se servoit encore en France vers le milieu du xvij. siecle ; elle valoit quinze deniers. Il y avoit aussi des doubles nesles qui avoient cours pour six blancs ou 30 deniers. Les unes & les autres furent décriées & ne furent plus reçues que pour douzains.

On leur avoit donné le nom de nesle, de la tour de Nesle où s'en étoit faite la fabrication. Cette tour étoit vers le fauxbourg S. Germain, où l'on a bâti depuis le college Mazarin, vulgairement appellé college des Quatre Nations, vis-à-vis l'ancienne tour du louvre.

NESLE, (Géog.) ou Nelle, en latin Nigella ; petite ville de France dans la Picardie, avec titre de marquisat qui est le premier de France. Charles dernier duc de Bourgogne, la prit en 1472. Il s'y est tenu un concile l'an 1200. Elle est sur l'Ingon, à 3 lieues N. E. de Roye, 26 N. E. de Paris, 7 S. O. de Saint-Quentin. Long. 20. 34. 25. lat. 49. 45. 30. (D.J.)


NESSLAC, (Géog.) en anglois Loch-Ness, lac d'Ecosse dans la province de Murray. Ce lac est un grand reservoir d'eau douce ; il forme un bassin de vingt-quatre milles de long, sur environ un mille de large, renfermé entre deux paralleles produites par des chaînes de montagnes, ce qui lui donne l'air d'un long & vaste canal. Mais ce qui rend ce lac très-remarquable, c'est qu'il est d'une grande profondeur & qu'il ne gele jamais ; la sonde va depuis 116 jusqu'à 120 toises, & dans un endroit jusqu'à 135. Il abonde en gros & excellent poisson : son eau est douce, & dissout promptement le savon.

On cherche avec empressement la cause qui l'empêche de se geler ; car il paroît qu'il ne faut pas songer ni à des minéraux, ni à des sources chaudes. Je croirois donc qu'il faut l'attribuer à la grande profondeur de ce lac. Le comte de Marsigli a observé que la mer à la profondeur de 100 jusqu'à 120 toises, est du même degré de chaleur, depuis le mois de Décembre jusqu'au commencement d'Avril ; & il conjecture qu'elle reste ainsi toute l'année. Or il est raisonnable de penser que la grande profondeur de l'eau du lac Ness n'est guere plus affectée que celle de la mer ne l'est de la chaleur & du froid de l'air ; ainsi la surface du lac Ness peut-être préservée de la gelée par la vaste quantité d'eau qui est audessous, & dont le degré de chaleur est fort au-dessus du degré de froid qui gele l'eau.

Une autre chose peut encore concourir à empêcher le lac Ness de se geler, c'est qu'il ne regne jamais de calme parfait sur ce lac ; le vent soufflant toûjours d'un bout à l'autre, y fait une ondulation assez considérable pour empêcher que l'eau qui est sans cesse agitée, ne se prenne par la gelée. Cette derniere raison semble être confirmée par une observation qu'on fait communément dans le voisinage ; c'est que lorsqu'on tire de l'eau de ce lac en hiver, & qu'on la laisse reposer, elle gele tout aussi vîte qu'une autre eau. (D.J.)


NESSA(Géog. anc. & mod.) nom commun à plusieurs villes : 1° à une ville de Sicile dont parle Thucidide : 2° à une ville de l'Arabie heureuse que Pline, liv. vj. chap. xxviij. met sur la côte de la mer : 3° à une ville de Perse dans la partie méridionale du Schirvan. Les Géographes du pays mettent cette derniere à 84. deg. 45. de long. & à 38. deg. 40. de lat.


NESTE(Géog.) petite riviere de France ; elle prend sa source vers le haut Cominge, coule dans la vallée d'Auge, & se jette enfin dans la Garonne à Montréal.


NESTÉESS. f. pl. (Littérat.) , de , qui est à jeun ; c'étoit un jeûne établi à Tarente, en mémoire de ce que leur ville étant assiegée par les Romains, les habitans de Rhégio pour leur fournir des vivres, s'abstinrent généreusement de manger tous les dixiemes jours, ravitaillerent ainsi sur l'épargne de leur subsistance, la ville de Tarente, & l'empêcherent d'être prise. Les Tarentins voulant laisser un monument de l'extrêmité à laquelle ils avoient été réduits, & du service signalé que leur avoient rendu les Rhégiens, instituerent ce jeûne mémorable. (D.J.)


NESTORIENSS. m. (Théolog.) anciens hérétiques, dont on prétend que la secte subsiste encore aujourd'hui dans une grande partie du Levant, & dont la principale doctrine est que Marie n'est point mere de Dieu. Voyez MERE DE DIEU.

Ils ont pris leur nom de Nestorius, qui de moine devint clerc, prêtre & fameux prédicateur, & fut enfin élevé par Théodose au siege de Constantinople après la mort de Sisinnius, l'an 428.

Il fit paroître d'abord beaucoup de zele contre les hérétiques dans les sermons qu'il prononçoit en présence de l'empereur ; mais s'étant émancipé jusqu'à dire qu'il trouvoit bien dans l'Ecriture que la Vierge étoit mere de J. C. mais qu'il n'y trouvoit pas qu'elle fût mere de Dieu, tout son auditoire fut choqué de ses paroles, & une grande partie se sépara de sa communion.

Ses écrits se répandirent bientôt après dans la Syrie & en Egypte, où ils séduisirent beaucoup de monde malgré les oppositions de S. Cyrille.

Il soutenoit qu'il y avoit deux personnes en J. C. que la Vierge n'étoit point mere de Dieu, mais seulement de J. C. comme homme. Voyez PERSONNE. Sa doctrine fut condamnée dans le concile d'Ephese, où assisterent 274 évêques : Nestorius y fut anathématisé & déposé de son siege.

Nestorius n'étoit pas le premier auteur de cette hérésie ; il l'avoit apprise à Antioche où il avoit étudié. Théodore de Mopsueste avoit enseigné la même chose avant lui.

Il est difficile de savoir si les chrétiens chaldéens, qui font encore aujourd'hui profession du nestorianisme, sont dans les mêmes sentimens que Nestorius, qu'ils regardent comme leur patriarche. Ils ont fait diverses réunions avec l'Eglise romaine ; mais il ne paroît pas qu'elles aient subsisté long-tems. La plus considérable est celle qui arriva sous le pontificat de Paul V.

Jusqu'au tems de Jules III. les Nestoriens n'avoient reconnu qu'un patriarche, qui prenoit la qualité de patriarche de Babylone. Mais une division qui survint entr'eux fut cause que le patriarchat fut divisé, au-moins pour quelque tems. Le pape Jules leur en donna un autre qui établit sa résidence à Carémit en Mésopotamie ; mais ses successeurs incapables de balancer le pouvoir de celui de Babylone, furent obligés de se retirer en Perse. Les affaires demeurerent dans cet état jusqu'au pontificat de Paul V. sous lequel il se fit une réunion solemnelle avec l'Eglise romaine. Leur patriarche reconnut qu'elle étoit la mere & la maîtresse de toutes les autres Eglises du monde, & dépêcha vers le pape des personnes habiles pour négocier cette réunion, & composer ensemble une explication des articles de leurs religions, prétendant que leurs disputes avec l'Eglise romaine n'étoient que des disputes de nom.

De-là quelques savans prétendent qu'il n'y a plus de véritable hérésie nestorienne, ce qu'ils prouvent par les actes que les Nestoriens mêmes ont produit à Rome sous le pape Paul V. & qui ont été imprimés dans la même ville, dans le recueil de Strozza, l'an 1617. Elie qui étoit alors patriarche des Nestoriens, joignit à la lettre qu'il écrivit au pape, une confession de foi de son église, où il témoigne avoir des sentimens orthodoxes sur le mystere de l'incarnation, quoique les expressions ne soient pas toûjours les mêmes que celles des Latins. Voici quelle est selon ces auteurs, la croyance des Nestoriens sur ce mystere. Ils assurent que J. C. a pris un corps de la sainte Vierge, qu'il est parfait tant en l'ame qu'en l'entendement, & en tout ce qui appartient à l'homme : que le verbe étant descendu en une vierge, s'est uni avec l'homme, & qu'il est devenu une même chose avec lui : que cette unité est sans mêlange & sans confusion, & que c'est pour cela que les propriétés de chaque nature ne peuvent être détruites après l'union. Pour ce qui est du reproche qu'on leur fait qu'ils n'appellent point la Vierge mere de Dieu, mais mere de J. C. le patriarche Elie répond, qu'ils en usent ainsi pour condamner les Appollinaristes qui prétendent que la divinité est en J. C. sans l'humanité, & pour confondre Themisthius qui assûroit que le Christ n'étoit que l'humanité sans la divinité. Il réduit ensuite les points de créance dans lesquels on dit que les Nestoriens ne conviennent point avec l'Eglise romaine, à cinq chefs : savoir en ce que les Nestoriens n'appellent point la sainte Vierge mere de Dieu, mais mere de J. C. 2° en ce qu'ils reconnoissent en J. C. deux personnes 3° en ce qu'ils n'admettent en lui qu'une puissance & une volonté. 4° en ce qu'ils disent simplement que le S. Esprit procede du Pere. 5°. en ce qu'ils croient que la lumiere qu'on fait le jour du Samedi saint au sépulchre de notre Seigneur, est une lumiere véritablement miraculeuse. L'abbé Adam, un des députés du patriarche, expliqua ainsi les trois premiers articles ; car pour les deux autres, tous les Orientaux les soutiennent aussi-bien que les Nestoriens. Il dit donc pour la justification des siens : 1°. qu'il est facile de concilier l'Eglise romaine, qui appelle la Vierge mere de Dieu, avec la nestorienne qui l'appelle mere de Christ, parce que c'est un principe reçu des deux églises, que la divinité n'engendre point, ni n'est point engendrée ; qu'il est vrai que la Vierge a engendré Jésus-Christ, qui est Dieu & Homme tout ensemble ; que néanmoins ce ne sont pas deux fils, mais un seul & véritable fils. Il ajoute que les Nestoriens ne nient pas qu'on ne puisse appeller la Vierge mere de Dieu, parce que Jésus-Christ est véritablement Dieu. Mais conformément à leurs anciens préjugés ils s'abstiennent de ces expressions, & ne se conforment pas au langage de l'Eglise romaine. 2° Il est constant que les Latins reconnoissent en J. C. deux natures & une seule personne, au lieu que les Nestoriens disent qu'il y a en lui deux personnes & une prosopa ou personne visible, & outre cela qu'il n'y a en J. C. qu'une puissance ou vertu. L'Abbé Adam concilie ces deux sentimens qui paroissent opposés, par l'explication qu'il donne de ce mystere. Les Nestoriens, selon lui, distinguent per mentem, ou dans leur entendement, deux personnes conformément aux deux natures qui sont en J. C. & ne voient de leurs yeux qu'un seul J. C. qui n'a que la prosopa, ou apparence d'une seule filiation ; & c'est en ce sens qu'ils ne reconnoissent qu'une puissance ou vertu en lui, parce qu'ils ne le considerent que comme un prosopa ou personne visible. Mais dans l'Eglise romaine, on distingue ces puissances ou vertus, en divinité & humanité, parce qu'on les considere par rapport aux deux natures. Et ainsi cette diversité de sentimens n'est qu'apparente, puisque les Nestoriens avouent avec les Latins, qu'il y a deux natures en J. C. & que chaque nature a sa puissance & sa vertu. 3° Enfin, il concilie le sentiment des Nestoriens sur le troisieme article avec celui de l'Eglise romaine, par le même principe, s'appuyant sur ce qu'il n'y a qu'une filiation ; & comme cette filiation ne fait qu'un J. C. les Nestoriens disent par rapport à cela, qu'il n'y a en lui qu'une volonté & une opération, parce qu'il est un en effet & non pas deux J. C. ce qui ne les empêche pas de reconnoître en lui deux volontés & deux opérations par rapport aux deux natures, & de la même maniere que les Latins.

Mais on croit que ce député ne représentoit pas sincérement la créance de ceux de sa secte. Car il est certain que ces chrétiens d'Orient sont encore aujourd'hui dans les sentimens de Nestorius sur l'incarnation. Leur patriarche seul n'est point marié ; mais leurs prêtres ne gardent point le célibat, même après la mort de leur premiere épouse, contre la coutume des autres sectes chrétiennes d'Orient. Ils font l'office en langue chaldaïque, quoiqu'ils parlent grec, arabe ou curde, selon les lieux qu'ils habitent. Strozza, de dogmatib. Chaldeor. M. Simon, l'abbé Renaudot, tom. IV. de la perpét. de la foi. Moreri, diction. tom. IV. lettre N au mot Nestorius.


NETadj. (Gram.) qui n'est souillé d'aucune ordure. La police a soin de tenir les rues nettes. Il se dit au simple & au figuré : des idées nettes, un esprit net, un style net. Voyez les articles suivans.

NET, dans le Commerce, signifie quelque chose de pur, & qui n'a point été altéré par le mêlange de rien d'étranger.

Ainsi on dit que le vin est net, quand il n'est point falsifié ou mêlé avec d'autres matieres ; on dit que le café, le riz, le poivre, &c. sont nets, quand on en a ôté toutes les ordures & les saletés.

On dit d'un diamant qu'il est net, quand il n'a point de tache ni de paille ; d'un crystal, qu'il est net, lorsqu'il est transparent en tous sens.

Net se dit aussi de ce qui reste de profit sur une marchandise, après en avoir payé tous les impôts, en un mot, du profit clair qui en revient.

Ainsi nous disons : le barril de cochenille coûte 450 liv. le droit est de 50 l. reste donc 400 l. net.

Net se dit pareillement dans les affaires qui sont claires, sans difficultés, qui ne sont point embrouillées. Les affaires de ce négociant sont nettes, sans embarras.

Net se dit aussi du poids d'une marchandise toute seule, abstraction faite du sac, de l'étui, de l'emballage, & même de l'ordure dont elle est mêlée. On dit en ce sens : cette balle de café pese cinq cent livres ; il y a de tare cinquante livres, partant reste net quatre cent cinquante livres.

Net provenu, expression dont se servent les Négocians pour marquer ce qu'un effet a rendu, toutes tares & frais déduits. Le net provenu de la vente de vos laines se monte à 2500 liv. On se sert quelquefois dans le négoce de ces mots étrangers, netto procedido, pour dire net provenu. Dict. de Commerce. (G)

NET ou PROPRE, se dit, dans l'Ecriture, d'un caractere dont les traits sont dans leur plénitude naturelle, point chargés d'encre, ou de majuscules trop grandes ou en trop grand nombre, ce qui le rend agréable à lire.

NET, terme de Jouailliers, ce mot se dit aussi de ce qui est sans tache, sans défaut. Les marchands-Jouailliers disent qu'un diamant est net, quand il n'a ni pailles, ni gendarmes. On dit des pierres précieuses, qu'elles sont glaceuses ou cassidoineuses, quand il y a des taches, des nuées qui font qu'elles ne sont pas tout-à-fait nettes. Du crystal net est celui qui est tout à fait transparent.


NETEadj. , (Musique) C'est ainsi que s'appelloit chez les Grecs, la plus aiguë ou la quatrieme corde du troisieme & du quatrieme tétracorde.

Quand le troisieme tétracorde étoit conjoint avec le second, c'étoit le tétracorde synnemenon, & sa nete s'appelloit nete synnemenon.

Ce troisieme tétracorde portoit le nom de diezeugmenon, quand il étoit disjoint d'avec le second, & sa nete s'appelloit aussi nete diezeugmenon.

Enfin, le quatrieme tétracorde portant toujours le nom d'hyperboleon, sa nete s'appelloit aussi toujours nete hyperboleon. Voyez SYSTEME, TETRACORDE.

Nete, dit Boëce, quasi neate, id-est, inferior. Car les anciens dans leurs diagrames mettoient en bas les sons aigus & les graves en-haut. (S)


NETOÏDESen Musique, sons aigus. Voy. LEPSIS.


NÉTOPION(Hist. des drogues) en grec , nom donné par les anciens à un oignement ou onguent précieux & très-odoriférant, composé d'un mêlange de fines épices, comme le spicatum, le comagenum & le susinum ; les dames romaines en usoient par luxe. Hippocrate le prescrit assez fréquemment dans les maladies de la matrice ; il le conseille aussi contre la surdité, quand elle est causée par des humeurs grossieres & visqueuses rassemblées dans la premiere chambre de l'oreille. Le mot nétopion désigne quelquefois l'onguent égyptiaque, & quelquefois aussi l'huile d'amandes douces. (D.J.)


NETOTILITZE(Hist. mod.) espece de danse que l'on faisoit en présence du roi du Mexique, dans les cours de son palais. Cette danse se faisoit au son de deux especes de tambours, d'un son tout différent, ce qui produisoit une musique peu agréable pour les Espagnols qui en furent témoins. Les principaux seigneurs, parés de leurs plus beaux ornemens & de plumes de différentes couleurs, étoient les acteurs de cette comédie. Dans les grandes occasions, les danseurs étoient quelquefois au nombre de dix mille : la danse n'en étoit pas plus confuse pour cela ; elle étoit accompagnée de chants que le peuple répétoit en choeur, & de mascarades.


NETTOYERv. act. (Gram.) c'est ôter les ordures. Il se dit des choses matérielles : comme nettoyer un habit, un verre ; &c. & des choses intellectuelles, nettoyer ses idées, &c.

NETTOYER LES EPICES, LES DROGUES, &c. en Pharmacie, c'est en ôter les immondices, les ordures & la poussiere qui y sont mêlées, & séparer le bon du mauvais : c'est la même chose que monder. Voyez MONDER.

NETTOYER, (Fortific.) terme dont on se sert quelquefois dans la guerre des sieges, pour exprimer l'action d'une sortie, lorsqu'elle a comblé la tranchée, & qu'elle en a chassé l'ennemi. Ainsi nettoyer la tranchée, c'est en chasser l'ennemi, & la détruire ou combler. (R)

NETTOYER, RECTIFIER, (Jardinage) se dit d'une tulipe panachée, qui n'étant pas bien nette la premiere année, se nettoye & se rectifie la seconde. Si elle continue à être brouillée, il la faut rejetter de la plate-bande. Quand la fleur est de belle forme & bien taillée, & que la couleur domine le panaché, on a quelqu'espérance qu'elle se rectifiera. (K)


NETTUNO(Géog.) petite ville d'Italie, misérable & mal peuplée, dans la campagne de Rome, à l'embouchure de la riviere Loracina sur la rive droite, & à l'est du cap d'Augir. Elle a essuyé en 1757, un affreux ouragan qui a emporté tous les toits des maisons. Cellarius & la plûpart des géographes modernes s'accordent à dire que Nettuno ou Neptunium est située dans l'endroit où étoit la petite ville Ceno, appellée Navale antiatium, que les Romains enleverent aux Antiates, dans leurs premieres expéditions. Cette ville est à 7 lieues S. O. de Véletri, & à 10 S. E. de Rome. Long. 30. 25. lat. 41. 30. (D.J.)


NEUBOURG(Géog.) ce mot signifie nouvelle ville. Nous parlerons des principales qui portent ce nom. 1°. Neubourg est une ville d'Allemagne, capitale du duché de même nom, dans les états de l'électeur palatin sur le Danube, à 5 lieues N. E. de Donavert, 2 S. O. d'Ingolstad, 8. N. E. d'Augsbourg, 18 N. O. de Munich. Long. 28. 40. lat. 48. 40. (D.J.)

NEUBOURG, (Géog.) petite ville d'Allemagne, au duché de Wirtemberg, sur l'éno, au-dessus de Pfortzheim. Long. 27. 11. lat. 48. 50.

NEUBOURG, (Géog.) ville d'Allemagne, dans le Brisgaw, près du Rhin, entre Basle & Brisach. Le duc de Saxe-Weimar la prit en 1638, & y mourut l'année suivante. Long. suivant Cassini, 28. 22. 15. lat. 49. 39.

NEUBOURG, (Géog.) ville de la basse Autriche, sur le Danube, à 2 lieues de Vienne, avec un monastere qui fait donner à la ville le nom de Closter-Neubourg. Matthias Corvin roi de Hongrie la prit en 1477. Maximilien I. la reprit en 1490. Long. 34. 22. lat. 48. 20.

NEUBOURG, ou NYBORG, (Géog.) ville forte de Danemarck, sur la côte orientale de l'île de Funen, fondée en 1175. C'est dans le port de cette ville qu'on s'embarque pour traverser le Belt, & passer de l'île de Funen dans celle de Sélande. Les Suédois y furent défaits par les troupes de l'Empereur & de ses alliés en 1549. Cette victoire procura toute l'île de Funen aux Danois. Neubourg est à 21 lieues S. O. de Copenhague. Long. 28. 36. lat. 55. 30. (D.J.)

NEUBOURG, (Géog.) bourg de France, en Normandie, entre la Rille & la Seine, au milieu d'une belle plaine, à 6 lieues de Rouen, & à 4 d'Elbeuf. Il a donné le nom à un très-petit pays fertile en grains. Long. 18. 36. lat. 49. 14.


NEUC-NUM(Cuisine) c'est le nom que l'on donne au Tunquin à une sauce assez singuliere dont les Tunquinois font communément usage dans leurs ragoûts. Pour la faire ils mettent des petits poissons, & sur-tout des crevettes, en macération dans une eau fort salée. Lorsque le tout est réduit en une espece de bouillie, on la passe par un linge, & la partie liquide est le neuch-num. On dit que les Européens s'accoutument assez à cette espece de sauce.


NEUCAN(Géog.) ville de Perse, dans le Khorassan. Long. 82. 41. lat. sept. 38. 8.


NEUCHATELpetit état en Suisse, avec titre de principauté, est situé dans le mont Ima, au 47 d. de lat. septentrionale, & au 23 d. de long. Il peut avoir 12 lieues de long, sur 5 dans sa plus grande largeur. Il comprend le comté de Neuchâtel, & la seigneurie de Valengin, réunis depuis près de deux siecles sous une même domination. Ses bornes sont au nord, l'évêché de Bâle ; à l'orient, le canton de Berne ; au midi, un lac qui le sépare de ce canton & de celui de Fribourg, & à l'occident, la Franche-comté. Son étendue étoit plus considérable autrefois. Des terres données en apanage aux cadets de la maison souveraine, & l'acquisition qu'en ont fait les états voisins ont resserré ses anciennes limites. Mais quelque peu spacieux que soit le terrein qu'il occupe, ses productions naturelles, l'histoire de ses souverains, la forme singuliere de son gouvernement, & les droits extraordinaires dont jouissent les peuples qui l'habitent, tous ces objets fournissent matiere à la curiosité, & méritent quelques détails.

On distingue aisément trois régions dans le pays de Neuchâtel ; l'inférieure, qui s'étend en amphithéâtre, le long du bord septentrional du lac ; la moyenne, séparée de l'autre par une chaîne de montagnes ; & la supérieure, au nord des deux précédentes. La premiere offre un vignoble presque continuel. Les vins rouges qu'il produit sont très-estimés, & osent quelquefois disputer le prix aux vins de Bourgogne. La seconde est fertile en grains, en pâturages. Elle comprend deux vallons, appellés le val de Ruz, & le val de Travers : ce dernier est connu par la salubrité de l'air qu'on y respire, & qui influe sur l'humeur de ses habitans. La partie supérieure enfin, qu'on appelle communément les montagnes, présente un spectacle digne de la curiosité d'un philosophe, & de la sensibilité d'un ami des hommes. Aussi n'a-t-il pas échappé à un citoyen de Genève, qui a publié quelques écrits dignes d'un rhéteur athénien. Rien de plus aride ni de plus ingrat que cette partie de l'état de Neuchâtel. C'est un vallon étroit placé dans un climat très-rude. L'hyver y est la plus longue saison de l'année ; le printems & l'automne y sont presque inconnus. Aux frimats, aux neiges dont la hauteur surpasse souvent celle des maisons, & enfouit les habitans, succede un été très-chaud, mais très-court. La terre n'y produit que de l'avoine. Les pâturages sont la seule ressource que la nature y fournisse. Qui s'attendroit à trouver dans un tel pays le génie, l'industrie, les graces, la politesse réunies avec l'abondance ; à y voir les sciences en honneur, & divers arts utiles ou agréables cultivés avec le plus grand succès, par le peuple immense qui l'habite ? L'Horlogerie en particulier dans toutes ses branches, la Coutellerie, la Gravure, la Peinture en émail, ont rendu ce pays célébre dans toute l'Europe. On y perfectionne les découvertes, on en fait de nouvelles. Un de ces montagnards posséde seul le secret des moulins guimpiers, nécessaires aux fabriques de galons. Un autre s'est fait la plus grande réputation dans la méchanique ; il a osé marcher dans une carriere que M. de Vaucanson a illustrée. Le roi d'Espagne Ferdinand VI. l'ayant appellé auprès de lui, il y fit transporter une pendule admirable de son invention, qui orne actuellement le palais royal de Madrid. Rien ne manquera sans doute au bonheur de ce peuple désavantageusement placé, il est vrai ; mais éclairé, libre & jouissant d'une paix profonde, aussi long-tems que le luxe, l'humeur processive, & l'envie de disputer, même sur des questions théologiques, ne banniront pas de son sein la simplicité de moeurs, la candeur naïve, & l'union qui caractérisent ordinairement les habitans des montagnes.

Outre le Doux, qui coule le long d'une partie du Ima, & sépare la principauté de Neuchâtel de la Franche-comté, les principales rivieres de cet état sont la Thiéle, la Reuze & la Serriere. La Thiéle a sa source dans le pays de Vaud ; elle entre auprès d'Yverdun dans le lac de Neuchâtel, le traverse en toute sa longueur, arrose la partie orientale du pays, la sépare du canton de Berne, traverse de même le lac de Bienne, en sort sans changer de nom, & se jette enfin dans l'Aar, auprès de la ville de Buren. La source de la Reuze est dans la partie occidentale du val de Travers. Elle le baigne en entier, se précipite ensuite dans des abîmes profonds, reprend un cours plus tranquille, & se jette dans le lac. On ne feroit pas mention ici de la Serriere, si elle ne présentoit pas une singularité assez rare. Sa source n'est pas éloignée de plus de deux portées de fusil du lac où est son embouchure. Elle sort avec impétuosité du pié d'une montagne, & roule assez d'eau pour mettre en mouvement à 20 pas de-là des rouages considérables. Son cours en est couvert ; on y voit des tireries de fer, des papeteries, des martinets pour les fonderies de cuivre, des moulins à blé & à planche.

Le comté de Neuchâtel est divisé en plusieurs jurisdictions, dont les unes portent le titre de châtellenies, & les autres celui de mairies. Les premieres sont au nombre de quatre, celles de Landeron, de Boudry, du val de Travers, & de Thiéle. Il y a dix mairies ; celle de la capitale, de la Côte, de Rochefort, de Boudevilliers, de Colombier, de Costaillods, de Bevaix, de Linieres, de Verrieres, & de la Bréoine. Le comté de Valengin en a cinq ; celles de Valengin, du Locle, de la Sagne, de Brenets & de la Chaux-de-fond. Les chefs de toutes ces jurisdictions sont à la nomination du prince ; les vassaux qui possédent les baronies de Travers, de Gorgier, & de Vaux-Marcus, ont aussi leurs officiers particuliers. Les lieux les plus remarquables du pays, sont Neuchâtel, capitale, dont on parlera séparément ; le Landeron & Boudry, petites villes, le bourg de Valengin, capitale de la seigneurie de ce nom, & Motiers, le plus considérable des villages du val de Travers. On voit près de chacun de ces lieux d'anciens châteaux qui servent aujourd'hui de prison. Les principaux villages des montagnes sont le Locle, & la Chaux-de-fond. Chacun d'eux contient plus de 2000 ames. Les maisons qui les composent sont pour la plûpart éloignées les unes des autres, & dispersées sur un terrein d'environ deux lieues de long. Près du Locle est un rocher au-travers duquel une source d'eau assez abondante s'étant frayé un passage, deux paysans ont su pratiquer dans les cavités intérieures trois moulins perpendiculaires, dont le plus profond est à 300 piés au-dessous du niveau du terrein. On conjecture avec assez de vraisemblance, que cette source, après avoir coulé sous terre l'espace de plusieurs lieues, en sort pour former la Serriere dont on a parlé.

L'histoire naturelle de la principauté de Neuchâtel fournit divers objets intéressans pour tous ceux à qui cette étude est chere. Les montagnes sont couvertes de simples dont on fait le thé suisse & l'eau vulnéraire, il y en a des especes très-rares. M. le docteur d'Yvernois, médecin du roi dans cette souveraineté, & botaniste célébre, en a donné une savante description dans le journal helvétique, qui s'imprime à Neuchâtel. Le pays abonde en eaux minérales, que leurs vertus font rechercher. Celles de la Brévine sont martiales & ochreuses ; celles de Motiers, marneuses, savonneuses, & sulphureuses ; celles de Couvet, spiritueuses & ferrugineuses. Il n'est peut-être aucun lieu dans l'Europe où sur un terrein aussi peu étendu, l'on trouve une si grande quantité de coquillages fossilles & de plantes marines pétrifiées. Ces curiosités naturelles remplissent les rochers & les terres marneuses, dont le pays abonde. On en découvre à toutes hauteurs depuis le bord du lac jusqu'au sommet des montagnes les plus élevées. Au haut de celle qui sépare la capitale du bourg de Valengin, se voit un rocher d'une étendue considérable, & qui n'est qu'un assemblage de turbinites placés en tout sens, & liés par une espece de tuf crystallisé. On distingue dans d'autres lieux des pierres jaunes qui, par la quantité immense de petits coquillages & de plantes marines qui s'y découvrent à l'oeil & avec le secours de la loupe, donnent lieu de croire que ce n'est peut-être autre chose, sinon de ce limon qui couvre le fond de la mer, & qui s'est pétrifié. Il seroit difficile d'épuiser la liste de cette multitude innombrable de testacées, univalves, bivalves, multivalves, de lithophytes, de zoophytes, de glossopetres, & de corps marins de toutes especes, dont ce pays-là est rempli. On pourra en prendre une idée dans le traité des pétrifications du savant M. Bourguet, mort professeur de Philosophie à Neuchâtel. Les dendrites, les échinites à mamelons, les cornes d'Ammon de toutes les especes, & dont quelques-uns sont d'une grosseur prodigieuse, ornent principalement les cabinets des curieux. Enfin divers lieux de la principauté présentent des gypses singuliers, lisses & à stries, & des cavernes ornées de stalactites, dont la plus remarquable est près de la ville de Boudry.

Le principal produit du pays de Neuchâtel consiste en vins ; on nourrit un grand nombre de bestiaux dans la partie supérieure. Les terres marneuses servent d'engrais pour les prairies. Le lac qui porte le nom de cette principauté est extrêmement poissonneux. La pêche des truites, qui en automne remontent la riviere de Reuze, forme un revenu pour le prince, & un objet de commerce pour les particuliers. Le gibier des montagnes est excellent, mais assez rare aujourd'hui, parce que les habitans qui, jusqu'au dernier, ont le privilége de chasser en tous lieux & dans toutes les saisons, en abusent, & le rendront illusoire s'ils continuent à l'exercer avec aussi peu de prudence qu'ils le font actuellement. Ce petit état est très-peuplé proportionnément à son étendue ; & quoique plusieurs Neuchâtelois s'expatrient volontairement pour un tems en vue de travailler plus aisément à leur fortune dans l'étranger, on y compte encore plus de 32000 ames. Les simples villages sont pour la plûpart grands & bien bâtis. Tout annonce l'aisance dans laquelle vivent les habitans. On n'en sera point surpris, si l'on considere que ces peuples jouissent d'une paix qui n'a point été troublée depuis plusieurs siecles, qu'ils vivent dans une liberté raisonnable pour le spirituel, comme pour le temporel, & qu'ils ne payent ni tailles, ni impôts.

Les maisons de Neuchâtel, de Fribourg, de Hochberg, d'Orléans-Longueville, & de Brandebourg, ont possédé successivement la principauté dont il est question. L'origine de la premiere est très-ancienne ; sa généalogie suit de pere en fils depuis Hulderic, qui épousa Berthe, en 1179. Louis, dernier prince de cette maison, ne laissa que deux filles ; Isabelle, l'aînée, mourut sans enfans ; Varenne, la cadette, apporta le comté de Neuchâtel en dot à Egon, comte de Fribourg, qu'elle épousa en 1397. Ce comté passa ensuite dans la maison de Hochberg, par le testament de Jean de Fribourg, en 1457, & de même dans celle d'Orléans, par le mariage de Jeanne, fille & héritiere de Philippe, marquis de Hochberg, avec Louis d'Orléans, duc de Longueville, en 1504. Pendant plus de deux siecles les Neuchâtelois ont été soumis à des princes de cette maison. Henri II. duc de Longueville, & premier plénipotentiaire de la France à la paix de Westphalie, en 1648, eut deux fils. L'ainé Jean-Louis-Charles prit d'abord le parti de l'Eglise, & céda tous ses droits au comte de S. Pol son cadet ; mais il les recouvra par la mort de ce dernier, qui fut tué au passage du Rhin, en 1672. Comme ni l'un, ni l'autre de ces princes n'avoit été marié, la souveraineté de Neuchâtel parvint à Marie d'Orléans leur soeur, épouse de Henri de Savoie, duc de Nemours ; & cette princesse, la derniere de sa maison, mourut en 1707, sans avoir eu d'enfans de ce mariage. Alors cette souveraineté fut reclamée par un grand nombre de prétendans. Quelques-uns fondoient leurs droits sur ceux de la maison de Châlons, dont les anciens comtes de Neuchâtel étoient les vassaux. Tels étoient le roi de Prusse, le comte de Montbelliard, les princes de la maison de Nassau, le marquis d'Alégre, madame de Mailly. D'autres, comme le marggrave de Bade-Dourlach, les tiroient de ceux de la maison de Hochberg. Les troisiemes demandoient la préférence en qualité d'héritiers de la maison de Longueville. Le prince de Carignan, madame de Lesdiguieres, M. de Villeroi, M. de Matignon prétendoient chacun être le plus proche héritier ab intestat. Le prince de Conty s'appuyoit sur un testament de l'abbé d'Orléans, & le chevalier de Soissons sur une donation de la duchesse de Nemours. Tous ces princes se rendirent en personne, ou envoyerent des réprésentans à Neuchâtel. Ils établirent leurs droits respectifs, & plaiderent contradictoirement sous les yeux du tribunal souverain des états du pays, qui, par sa sentence rendue le 3 Novembre 1707, adjugea la principauté à Fréderic I. roi de Prusse, comme au plus proche héritier de la maison de Châlons. Depuis lors cet état a appartenu à la maison de Brandebourg, & reconnoît pour son souverain Fréderic II. petit-fils de Fréderic I. qui regne si glorieusement aujourd'hui.

La seigneurie de Valengin faisoit anciennement partie du comté de Neuchâtel, elle en fut séparée au xiij. siecle. Ulderich, frere du comte Berchtold, eut dans un partage les pays de Nidau & d'Arberg, la montagne de Diesse & Valengin. Rodolphe, comte de Neuchâtel obligea Jean d'Arberg, seigneur de Valengin à se reconnoître son vassal. Ses prétentions à cet égard furent confirmées par la sentence que les cantons Suisses rendirent en 1584. Enfin Marie de Bourbon, veuve de Léonor d'Orléans, acheta, en 1592, du comte de Montbéliard, la seigneurie de Valengin, qui, depuis lors, a toujours été unie au comté de Neuchâtel, mais en conservant ses privileges particuliers dont elle jouissoit auparavant.

Cet état fut d'abord compris dans le royaume de Bourgogne, fondé par Rodolphe de Stratlingue, en 888. Ses comtes se mirent sous la protection de la maison de Châlons à titre de vassaux. Rodolphe de Habsbourg, parvenu à l'empire en 1273, obligea tous les seigneurs bourguignons à reconnoître son autorité. Jean de Châlons prétendit qu'Isabelle, comtesse de Neuchâtel, n'avoit pas été en droit de disposer de son fief en faveur de Conrard, comte de Fribourg, son neveu, & cependant admit ce dernier à lui prêter foi & hommage en 1397. Le même différend entre le seigneur suzerain & son vassal se renouvella lorsque le comté de Neuchâtel passa dans la maison de Hochberg qui aspiroit à se rendre indépendante. Il y eut procès à ce sujet, & l'hommage ne fut pas prêté. En 1512 les Suisses irrités de ce que Louis de Longueville, prince de Neuchâtel, avoit suivi le roi de France dans ses guerres en Italie, contre le duc de Milan leur allié, s'emparerent de cet état, & ne le rendirent qu'en 1529 à Jeanne de Hochberg & à ses enfans. René de Nassau, neveu & héritier de Philibert de Châlons, dernier seigneur de cette maison, demanda à celle de Longueville la restitution du comté de Neuchâtel. Cette derniere la refusa, prétendant être elle-même héritiere universelle de la maison de Châlons-Orange. Il en naquit un second procès qui n'a jamais été jugé. Mais c'est depuis cette époque que les comtes qui possédoient ce petit état se sont qualifiés, par la grace de Dieu, princes souverains de Neuchâtel, & la sentence de 1707 ayant reconnu le roi de Prusse, comme le vrai héritier de la maison de Châlons, a réuni par cela même le domaine utile à la seigneurie directe. Quant aux prétentions que l'empereur & l'empire pourroient former sur la souveraineté de cet état, elles ont été anéanties par la paix de Bâle en 1499, comme par celle de Westphalie en 1648, qui assurent l'une & l'autre une indépendance absolue, nonseulement aux cantons Suisses, mais encore à tous leurs alliés, membres du corps helvétique ; & dans ces derniers est essentiellement compris le pays de Neuchâtel. Ce petit état est donc aujourd'hui une souveraineté indépendante, héréditaire aux filles, à défaut d'enfans mâles, inaliénable sans le consentement des peuples, & indivisible. Elle ne peut même être donnée en apanage à aucun prince cadet de la maison de Brandebourg. L'autorité souveraine est limitée par les droits des peuples. Les revenus du prince, qui consistent en censes foncieres, lods, dîmes, & quelques domaines, ne vont pas au-delà de 5100000 liv. de France, & ne peuvent être augmentés aux dépens des sujets. Le prince, lors de son avénement, jure le premier d'observer inviolablement les us & coutumes, écrites & non écrites, de maintenir les corps & les particuliers de l'état dans la pleine jouissance des libertés spirituelles & temporelles, franchises & privileges à eux concédés par les anciens comtes, & leurs successeurs ; après quoi les sujets prêtent le serment de fidélité ordinaire. L'état de Neuchâtel a des alliances très-anciennes avec le canton de Berne, de Lucerne, de Fribourg & de Soleurre. Le premier, par ses traités particuliers de combourgeoisie avec le prince & les peuples, est établi & reconnu juge souverain de tous les différends qui peuvent s'élever entr'eux par rapport à leurs droits respectifs.

La religion qui domine dans la principauté de Neuchâtel est la protestante. Farel y prêcha le premier la réformation qui, en 1530, fut embrassée par la plus grande partie des peuples à la pluralité des voix. Ceux qui habitoient la châtellenie du Landeron, conserverent seuls la religion catholique qu'ils exercent librement depuis lors. On assure qu'un seul suffrage en décida. Mais il faut observer que ce changement se fit contre les desirs du prince qui ne donna point à cet égard l'exemple à ses sujets. C'est le seul pays actuellement protestant où cette singularité ait eu lieu ; & elle a valu aux ecclésiastiques réformés de cet état des droits beaucoup plus étendus que ceux dont ils jouissent ailleurs. Les peuples, devenus réformés sans le concours de l'autorité souveraine, se virent chargés seuls du soin de régler toutes les affaires qui concernoient la nouvelle religion de l'état, & acquirent conséquemment tous les droits qui leur étoient nécessaires pour remplir une obligation aussi essentielle. Les chefs des corps du pays dresserent donc des constitutions ecclésiastiques, auxquelles le prince n'eut d'autre part que la sanction pour leur donner force de lois. Ils fixerent la doctrine en adoptant la confession des églises réformées de la Suisse. Leurs nouveaux pasteurs commencerent à former un corps à qui les peuples confierent le dépôt de la prédication & de la discipline. Ce corps, qu'on appelle la classe, examine les candidats pour le saint ministere, leur donne les ordres sacrés, élit les pasteurs pour les églises de la campagne, suspend, dépose, dégrade même ses membres sans que l'autorité civile y intervienne. Personne n'assiste de la part du prince dans ces assemblées. Un pasteur, nouvellement élu, est simplement présenté au gouverneur du pays, qui ne peut se dispenser de le confirmer & de l'invêtir du temporel de son bénéfice à moins qu'il n'en ait des raisons très-fortes. Les seules cures des villages catholiques sont à la nomination du souverain. Lorsqu'il en vaque une dans la capitale, la classe nomme & présente trois sujets au conseil de ville qui en choisit un.

On a déja insinué que les peuples de la souveraineté de Neuchâtel jouissent de divers droits qui, par rapport à eux, restreignent l'autorité du prince plus qu'elle ne l'est peut-être dans aucun des états de l'Europe. Les anciens comtes, possesseurs d'un pays inculte, couvert de rochers & de forêts, habité par un petit nombre de serfs, selon la coutume barbare du gouvernement féodal, comprirent aisément que le plus sûr moyen de peupler leur état, & conséquemment d'augmenter leur puissance, étoit d'un côté d'en affranchir les habitans actuels, & de l'autre d'accorder de grands privileges à ceux qui viendroient s'y établir. Ils en firent même un asyle & promirent leur protection à quiconque s'y réfugieroit. Le succès répondit à leur attente. Les habitans de la capitale, devenus plus nombreux, formerent un corps, prirent le nom de bourgeois de Neuchâtel, qualité que six semaines de résidence en ville procuroient alors à tout étranger, & obtinrent de leurs souverains ces concessions précieuses dont les titres & les effets subsistent encore aujourd'hui. On voit par le texte même de ces actes, qu'ils ne furent autre chose sinon des contrats, des conventions entre le prince & les sujets. Ceux-ci eurent soin d'en exiger la confirmation solemnelle à chaque changement de maître. Plusieurs souverains les amplifierent encore successivement tant en privileges ou exemptions qu'en droits utiles. A mesure que le pays se peupla, il s'y forma sur le modele de la capitale de nouveaux corps de bourgeoisies, tels sont ceux de Landeron, de Boudry & de Valengin, qui tous obtinrent des concessions de leurs princes communs. Les habitans de chaque village furent aussi érigés en communautés, à qui l'on donna des terres & des forêts pour les mettre en état de se soutenir dans leurs nouveaux établissemens. On observera ici que, selon la Jurisprudence féodale, toutes les terres étoient censées appartenir au seigneur qui, pour favoriser la population, en céda la plus grande partie à ses nouveaux sujets moyennant de légeres redevances. On remarquera encore que, soit par la faveur des princes, soit par l'usage, la plus sacrée de toutes les lois dans un pays de coutume tel que celui de Neuchâtel, plusieurs privileges accordés originairement à des corps particuliers, sont devenus communs à tous les sujets qui en jouissent également aujourd'hui. Les bourgeois de Neuchâtel n'habitoient pas tous dans la capitale, on les partagea en deux classes, les internes & les externes ; distinction locale dans son origine, mais devenue réelle depuis que les princes ont, en faveur de la résidence en ville, accordé aux premiers certains droits utiles dont les seconds ne jouissent pas. Toutes ces bourgeoisies dont on a parlé, ont leurs chefs, leurs magistrats, leurs conseils particuliers, avec le droit de s'assembler librement dans tous les tems pour délibérer sur leurs affaires de police intérieure & de finances, & sur les moyens de s'assurer la conservation de leurs privileges respectifs. Le gouvernement de ces corps est purement populaire. Les chefs subordonnés à l'assemblée générale ne peuvent se dispenser de lui communiquer les affaires importantes & de prendre ses ordres. La bourgeoisie de Neuchâtel élit un magistrat particulier, appellé le banneret, qui, par son emploi, est le protecteur des bourgeois & le défenseur de leurs privileges.

L'époque de 1707 fut essentielle pour le droit public de l'état de Neuchâtel. Les peuples avoient eu quelquefois des différends avec leurs souverains touchant certains droits qu'on leur contestoit. Pour se les assurer irrévocablement, ils profiterent d'un événement qui leur procuroit une sorte d'indépendance ; & se trouvant par la mort de Made. la duchesse de Nemours sans souverain reconnu, ils résolurent de travailler à fixer pour toûjours la juste étendue de leurs divers privileges, & à en obtenir une confirmation solemnelle. On réduisit donc tous ces privileges sous certains chefs généraux, on en forma un code abrégé de droit public. L'ouvrage fut approuvé par les corps & les communautés de l'état, qui s'unirent alors par un acte exprès d'association générale pour la défense de leurs droits. Ce code fut présenté à tous ceux des prétendans à la souveraineté que la sentence éventuelle pouvoit regarder, on le leur fit envisager comme un préliminaire essentiel, comme une condition sans laquelle les peuples ne se soumettroient point à leur nouveau maître. Tous se hâterent de le signer & promirent d'en observer exactement les articles, au cas que la sentence souveraine leur adjugeât la principauté. Cet engagement fut confirmé publiquement par M. le comte de Meternich, plénipotentiaire de S. M. le roi de Prusse, après que les trois états eurent prononcé en faveur de ce monarque. Ce code qu'on peut appeller les pacta conventa des peuples de l'état de Neuchâtel avec leurs souverains, est divisé en articles généraux qui comprennent les droits communs à tous les sujets, & en articles particuliers qui intéressent uniquement les bourgeois de Neuchâtel & ceux de Valengin. Sans entrer dans un détail qui meneroit trop loin, on se contentera de présenter les droits qui influent le plus directement sur la liberté des peuples, après avoir fait quelques observations sur les principes du gouvernement du pays en général.

La puissance du prince de Neuchâtel se trouvant, comme on vient de le dire, limitée par ses engagemens avec ses sujets, les divers droits qui appartiennent à tout souverain doivent être divisés en deux classes : l'une comprend ceux que le prince s'est réservé ; l'autre, ceux dont il s'est dépouillé en faveur des peuples. Par rapport à ces derniers, la constitution fondamentale est que la souveraineté de l'état est toûjours censée résider dans l'état même ; c'est-à-dire, que le conseil d'état du pays qui le gouverne au nom du prince, & auquel le gouverneur préside, est autorisé, dans tous les cas qui se présentent & sans avoir besoin de prendre de nouveaux ordres, à conserver aux peuples l'exercice des privileges dont ils jouissent, & à faire observer tout ce que contiennent les articles généraux & particuliers. C'est même le principal objet du serment que prêtent tous ceux qui, par leurs emplois, sont appellés à prendre part aux affaires publiques. On comprend aisément que cette précaution étoit indispensable pour un pays où le souverain ne fait pas sa résidence ordinaire, & pour des peuples qui jouissent de divers droits précieux. Ils ne peuvent avoir les yeux trop ouverts à cet égard ; aussi toutes les fois qu'ils ont eu lieu de s'appercevoir que le conseil d'état se dirigeoit par les ordres de la cour de Berlin aux dépens des lois dont l'observation leur est commise, leur premier soin a été de recourir au juge reconnu, à L L. E E. de Berne, de qui ils ont toûjours obtenu des sentences favorables. Mais le principe dont on vient de parler s'étend encore aux affaires civiles, à l'égard desquelles le tribunal des trois états est souverain & absolu. Douze juges le composent : quatre gentilshommes, conseillers d'état, quatre châtelains, & quatre membres du conseil de ville. Il reçoit & ouït de tous les appels qu'on y porte des tribunaux inférieurs, & ses sentences ne peuvent être infirmées par le prince, qui même est obligé de le faire convoquer chaque année à Neuchâtel & à Valengin. Le gouverneur qui y préside ne peut se dispenser de signer les sentences qui en émanent, ni le conseil d'état de les faire exécuter sans délai. Ce tribunal possede encore le pouvoir législatif, il examine les articles que l'on veut faire passer en loi de l'état ; & s'il les approuve, il les présente au gouverneur qui leur donne la sanction au nom du prince.

Par le premier des articles généraux, les peuples exigent que la religion soit inviolablement maintenue dans son état actuel, & que le prince ne puisse y faire aucune innovation sans leur consentement. Les droits du corps des pasteurs y sont aussi reservés, ce qui exclud manifestement tout droit de suprématie en faveur du souverain.

Quoique ce dernier ait la nomination des emplois civils & militaires qui ont rapport au gouvernement ou à la police générale de l'état, il ne peut cependant en conférer aucun, excepté celui de gouverneur, à d'autres qu'à des sujets de l'état, & qui y sont domiciliés. Ceux qui en ont été une fois revêtus, ne peuvent les perdre qu'après avoir été convaincus de malversation. Les brevets même qui ont ces emplois pour objet, ne sont effectués que lorsqu'ils ont été entérinés au conseil d'état.

Tout sujet de l'état est libre de sortir du pays, de voyager dans tous les tems, & même de prendre parti au service des puissances étrangeres, pourvû qu'elles n'ayent point guerre avec son souverain, comme prince de Neuchâtel, & pour les intérêts de cette principauté. Dans toute autre circonstance l'état garde une exacte neutralité, à-moins que le corps helvétique dont il est membre, ne s'y trouve intéressé. C'est sous cette derniere relation, que les Neuchâtelois ont des compagnies au service de la France & des Etats-généraux. Elles sont avouées de l'état, se recrutent librement dans le pays, font partie des régimens suisses, & servent sur le même pié. Par l'effet de ce droit, des sujets se sont souvent trouvés portant les armes contre leur propre souverain. Un capitaine aux gardes suisses, sujet en qualité de neuchâtelois, de Henri, duc de Longueville, monta la garde à son tour au château de Vincennes, où ce prince fut mis en 1650. Un officier, & quelques soldats du même pays, qui servoient dans l'armée de France à la bataille de Rosbach, furent pris par les Prussiens, & traités non en sujets rebelles, mais en prisonniers de guerre. La cour de Berlin en porta, il est vrai, des plaintes aux corps de l'état ; mais elle s'est éclairée depuis lors sur ses vrais intérêts par rapport à cette souveraineté, & les choses subsistent sur l'ancien pié à cet égard. Il y auroit évidemment plus à perdre qu'à gagner pour S. M. le roi de Prusse, si les Neuchâtelois abandonnoient ou suspendoient l'exercice d'un droit qui dans des circonstances telles que celles qui affligent aujourd'hui l'Europe, est la sauvegarde de leur pays. Quoique le goût pour le commerce ait affoibli chez eux celui qui les portoit généralement autrefois à prendre le parti des armes, ils ont cependant encore un nombre considérable d'officiers qui servent avec distinction. On en voit à la vérité, très-peu dans les troupes de leur souverain ; l'habitude qu'ils ont de la liberté pourroit en être la cause. Les milices du pays sont sur le même pié que toutes celles de la Suisse ; elles sont divisées en quatre départemens, à la tête de chacun desquels est un lieutenant colonel, nommé par le prince. Il est inutile de dire que les enrôlemens forcés sont inconnus dans cet état ; les peuples ne sont pas moins libres à cet égard qu'à tout autre. On a déja annoncé que les Neuchâtelois sont absolument exempts de toutes charges, impôts, ou contributions. Le prince ne peut rien exiger d'eux à ce titre, sous quelque prétexte que ce soit ; les redevances annuelles dont leurs terres sont affectées, se réduisent à peu de chose ; celles qu'on paye en argent, sont proportionnées à la rareté du métal dans le pays lorsqu'on les établit. Il y a par rapport à toutes les autres une appréciation invariable & très-avantageuse, principalement pour les bourgeois de Neuchâtel, & pour ceux de Valengin. Les peuples jouissent de la liberté du commerce le plus étendu ; rien n'est de contrebande dans leur pays, excepté, selon le texte des anciennes concessions, la farine non moulue dans les moulins du prince. Toute marchandise appartenant à un sujet de l'état ne paye aucun droit d'entrée ni de sortie.

Enfin, les Neuchâtelois n'ont pas négligé de prendre les précautions les plus exactes contre leurs anciens souverains, par rapport à la judicature criminelle. D'abord la punition d'aucun délit ne dépend du prince ou de ceux qui le représentent. Dans tous les cas, même dans ceux qu'on regarde comme minimes, les chefs des jurisdictions sont obligés d'intenter action aux coupables juridiquement, selon des formalités invariables, & d'instruire une procédure sous les yeux des tribunaux ordinaires, qui prononcent définitivement sur le démérite & sur la peine. Les fautes legeres sont punies par des amendes dont aucune n'est arbitraire, & qui ne peuvent qu'être très-modiques, puisqu'elles n'ont pas haussé depuis trois siecles. Lorsqu'il est question de cas plus graves, & qui méritent la prison, les châtelains ou maires ne peuvent faire incarcérer le prévenu, sans avoir demandé aux juges un decret de prise de corps, qui ne s'accorde jamais légerement. Ces mêmes juges sont présens à l'instruction de toute la procédure ; leurs sentences d'absolution ou de condamnation sont souveraines ; le prince a le pouvoir de les adoucir, & même de faire grace au coupable, mais il n'a pas celui de les aggraver. Les bourgeois de Neuchâtel ont à cet égard un privilége particulier ; celui de ne pouvoir être incarcérés que dans les prisons de la capitale, & sur une sentence rendue par les chefs de leur corps.

C'est ainsi que les droits des peuples de la principauté de Neuchâtel fixent ceux de leur souverain par rapport à la finance, comme pour la judicature, tant civile que criminelle. La conservation de ces droits leur est assurée par un contrat solemnel, & par leur qualité de suisses, qui ne peut appartenir qu'à un peuple libre. La forme singuliere de leur gouvernement est une suite nécessaire de leurs relations étroites avec le roi de Prusse, comme prince de Neuchâtel, & avec le corps helvétique dont ils sont membres. Placés au milieu d'un peuple célébre par son amour pour la liberté, les Neuchâtelois pourroient-ils ne pas connoître le prix de ce bien précieux, comme ils savent rendre ce qu'ils doivent au grand prince qui les gouverne ? Mais l'exercice de ces mêmes droits, qui en les distinguant si honorablement de tant d'autres peuples, assure leur bonheur, n'est pas moins avantageux à leur souverain. Habitant un pays ingrat, qui ne produit qu'à force de soins, qui présente peu de ressources pour la fortune, quelle raison plus forte pourroit les déterminer à y rester, que la certitude d'y jouir tranquillement du fruit de leurs travaux dans le sein d'une paix constante, & sous la protection des loix les plus équitables ? Vouloir étendre les droits du prince aux dépens de ceux des peuples, c'est donc travailler également contre des intérêts toûjours inséparables, procurer la dépopulation du pays, & anéantir la condition essentielle portée dans la sentence souveraine qui en 1707, fixa le sort de cette principauté.

On accorde généralement aux Neuchâtelois de l'esprit, de la vivacité, des talens : leurs moeurs sont douces & polies ; ils se piquent d'imiter celles des François. Il en est peu, principalement parmi les gens d'un certain ordre, qui n'ayent voyagé ; aussi s'empressent-ils de rendre aux étrangers qui les visitent, les devoirs dont l'expérience leur a fait connoître le prix. Ce pays a produit des savans dans divers genres ; le célebre Ostervald, pasteur de l'église de Neuchâtel, connu par ses excellens ouvrages de piété & de morale, & mort en 1747, a été l'un des théologiens les plus profonds, & des orateurs les plus distingués que les protestans ayent eû. Depuis quelques années le commerce fleurit dans ce pays-là & dans sa capitale en particulier ; ses environs présentent un nombre considérable de fabriques de toiles peintes ; on y en fait annuellement 40 à 50 mille pieces. Les vins qui se font aujourd'hui avec beaucoup de soin acquierent la plus grande réputation, & se répandent dans les provinces voisines qui fournissent à leur tour aux Neuchâtelois le grain dont ils ont besoin. En un mot, l'industrie animée par la liberté, & soutenue par une paix continuelle, fait chaque jour des progrès marqués. Ce n'est pas non plus un médiocre avantage pour ces peuples, que celui de reconnoître pour leur souverain un roi dont les vertus, les talens, les exploits, fixent aujourd'hui les regards de l'Europe étonnée. L'admiration est chez eux un nouveau garant de la fidélité inviolable qu'ils ont vouée à ce grand prince, quoique par la position de leur pays, ils soient éloignés de sa cour, & privés de son auguste présence, o felices si sua bona norint !

NEUCHATEL, en allemand Newembourg, & en latin Neocomum, ou Novum castrum, capitale du petit état dont on vient de parler, est une ville médiocre & bien bâtie. Elle s'éleve en amphithéatre sur les bords du lac qui porte son nom : on y compte environ 3000 ames. Son origine est très-ancienne ; le nom de Novum castrum qu'elle porte dans tous les anciens actes, semble annoncer que les Romains en ont été les fondateurs, & que ce fut d'abord une forteresse destinée à assurer leurs conquêtes dans cette partie des Gaules.

Neuchâtel n'avoit autrefois qu'une rue fermée par deux portes ; les bourgeois obtinrent de leurs princes dans la suite la permission de bâtir hors de cette enceinte, mais à condition que dans les tems de guerre, ils défendroient le château qui y étoit renfermé. C'est depuis lors qu'ils en ont seuls la garde, & que le prince ne peut y mettre aucune garnison étrangere, non plus que dans le reste du pays. Pour perpétuer ce droit, les bourgeois ont conservé l'usage d'endosser la cuirasse un certain jour de l'année, & d'aller avec cet ancien équipage de guerre saluer dans le château le prince ou son gouverneur, qui ne peut se dispenser de les recevoir. Ce château est le lieu où ce dernier réside, où s'assemble le conseil d'état, où siége le tribunal souverain. Il occupe avec l'église cathédrale bâtie dans le xij. siecle, toute la partie supérieure de la ville. Les annales portent qu'en 1033, cette ville fut assiégée, prise, & presque entierement ruinée par l'empereur Conrard, & qu'elle a essuyé divers incendies, dont le dernier arriva en 1714. Le Seyon, riviere ou torrent qui a sa source dans le val de Buz, & divise la capitale en deux parties, lui a causé plus d'une fois des dommages considérables par ses débordemens, dont les plus fameux datent de 1579 & de 1750. Neuchâtel est une ville municipale ; sa magistrature est composée de deux conseils, dont l'un a 24 membres, & l'autre 40. Le premier forme en même tems le tribunal inférieur de judicature ; les chefs de ces conseils sont quatre maître bourgeois, qu'on appelle les quatre ministraux. Cette magistrature a seule le droit de police dans la capitale & sa banlieue, de la même maniere que le conseil d'état l'exerce dans le reste du pays. Elle a le port d'armes sur les bourgeois qui ne marchent que par ses ordres & sous sa banniere. Elle jouit enfin de plusieurs droits utiles, tels que le débit du sel dans la ville, le tiers des péages sur les marchandises appartenant à des étrangers, les halles, & le four banal. Le fauxbourg oriental qui s'aggrandit chaque jour, renferme plusieurs maisons bien bâties, fruits du commerce, & de l'abondance qui le suit. On y remarque une maison d'instruction gratuite & de correction, fondée par un négociant. A quelque distance de la ville & sur la hauteur, est l'abbaye de Fontaine-André, occupée autrefois par des Bernardins, mais que la réformation a rendue deserte, & dont les revenus font aujourd'hui partie de ceux du prince.

NEUCHATEL, LAC DE, (Géogr.) autrement nommé lac d'Yverdun ; il a plus de sept lieues de longueur depuis Yverdun jusqu'à Saint-Blaise, mais il n'a guere que deux lieues dans sa plus grande largeur, qui est de la ville de Neuchâtel à Cudefrin. Ce lac sépare la souveraineté de Neuchâtel & le bailliage de Grandson en partie, des terres des deux cantons de Berne & de Fribourg. Il y a beaucoup d'apparence qu'il étoit autrefois plus étendu du côté d'Yverdun & de Saint Blaise ; il n'est pas profond, & il se gele quelquefois, comme en 1695, cependant il ne se gela point dans le rude hiver de 1709. (D.J.)


NEUFadj. ce qui n'a point ou peu servi. Une étoffe neuve, une toile neuve, un habit neuf.

Dans le commerce de bois de chauffage, on appelle bois neuf celui qui vient par bateau & qui n'a pas flotté. Voyez BOIS. Dictionnaire de Comm. (G)

NEUF, (Maréchall.) On appelle cheval neuf celui qui n'a été ni monté ni attelé. Pié & quartier neuf, Voyez PIE & QUARTIER.

1. NEUF, (Arithmétique) c'est le dernier ou le plus grand des nombres exprimés par un seul chiffre. On peut le concevoir ou comme le produit de 3 multiplié par lui-même, ou comme la somme des trois premiers termes de la suite des impairs : d'où il résulte également (Voyez IMPAIR) qu'il est un quarré dont 3 est la racine.

Deux propriétés l'ont rendu célebre, & font encore l'admiration de ceux qui n'en pénetrent pas le mystere.

2. Premiere propriété. La somme des chiffres qui expriment un multiple quelconque de 9, est elle-même un multiple de 9.... Comme réciproquement tout nombre dont la somme des chiffres est un multiple de 9, exprime lui-même un multiple de 9. 63, par exemple (multiple de 9) donne pour la somme de ses chiffres 6 + 3 = 9... 378 (autre multiple de 9) donne 3 + 7 + 8 = 18 = 9 x 2.. &c.

Pareillement si on écrit au hasard une suite de chiffres en nombre quelconque, pourvu seulement que leur somme soit 9 ou l'un de ses multiples, comme 1107, 882, 11115, &c. on est assuré que le nombre résultant se divise exactement par 9.

3. Seconde propriété. Si l'on renverse l'ordre des chiffres qui expriment un nombre quelconque, la différence du nombre direct au nombre renversé, est toujours un multiple de 9.

Par exemple, 73 - 37 = 36 = 9 x 4.... 826 - 628 = 198 = 9 x 22.., &c.

4. Comme le nombre 9 ne tire ses propriétés que du rang qu'il occupe dans notre système de numération, où il précede immédiatement la racine 10 de notre échelle arithmétique, pour rendre la démonstration générale & applicable à tout autre nombre qui tienne respectivement le même rang dans son échelle particuliere, nommant r la racine d'une échelle quelconque, nous démontrerons les deux propriétés pour un nombre r - 1 pris indéterminément ; mais avant que d'y procéder, il est bon de rappeller à l'esprit quelques propositions ou claires par elles-mêmes, ou prouvées ailleurs, desquelles dépend la démonstration.

Lemme I. 5. Soient deux nombres avec leur différence, ce qui en fait trois ; de ces 3 nombres si deux pris comme on voudra sont multiples d'un quatrieme nombre quelconque, le troisieme l'est aussi.... qu'on nomme les deux nombres par des lettres, conformément à l'hypothèse, & l'on sentira l'évidence de la proposition.

Lemme II. 6. La différence de deux puissances quelconques de la même racine, est un multiple de cette racine diminuée de l'unité, c'est-à-dire que rm - rn, & par une suite (faisant l'exposant n = o) rm - 1 sont multiples de r - 1... pour la preuve, voyez EXPOSANT.

Corollaire. 7. La différence d'un chiffre a pris suivant une valeur relative quelconque au même chiffre pris, suivant toute autre valeur relative, ou suivant sa valeur absolue, est un multiple de r - 1.

Cette différence (voy. ECHELLE ARITHMETIQUE) peut être représentée généralement par.. a. rm - a. rn = a x rm - rn ; mais la quantité qui multiplie a est (lemme II.) un multiple de r - 1 : donc le produit même, ou la différence qu'il représente, l'est aussi.

Et ce qu'on dit d'un chiffre pris solitairement s'applique de soi-même à un nombre composé de tant de chiffres qu'on voudra ; il est clair que la différence totale aura la même propriété qu'affectent toutes & chacune des différences partiales dont elle est la somme.

8. Cela posé, revenons aux propriétés citées du nombre r - 1.

Premiere propriété. (Voyez -la n°. 2.) On peut l'énoncer ainsi ; si plusieurs chiffres en nombre quelconque, pris suivant leur valeur relative, donnent un multiple de r - 1, ces mêmes chiffres pris suivant leur valeur absolue, donneront aussi un multiple de r - 1.

Démonstration. La différence des deux résultats est (coroll.) un multiple de r - ; mais (par supposition) le premier l'est aussi : donc (lemme I.) le second l'est pareillement.

Au reste cette démonstration est telle que sans y rien changer elle prouve également l'inverse de la proposition.

Seconde propriété. Voyez le n°. 3.

Démonstration. En renversant l'ordre des chiffres on ne fait qu'échanger leur valeur relative ; mais (coroll.) la différence qui résulte de cet échange est un multiple de r - 1 : donc, &c.

Observez que l'objet de cette seconde démonstration n'est qu'un cas très-particulier de ce qui résulte du corollaire ci-dessus ; il établit la propriété nonseulement pour le cas du simple renversement des chiffres, mais généralement pour toute perturbation d'ordre quelconque, entiere ou partiale, qu'on peut supposer entr'eux.

9. Il est clair que tout sous-multiple de r - 1 participera aux mêmes propriétés qu'on vient de démontrer pour r - 1 même.... aussi 3 en notre échelle en jouit-il aussi pleinement que 9 ; 2 & 3 aussi pleinement que 6 dans l'échelle septénaire, & 1 dans toutes les échelles, parce que 1 est sous-multiple de tous les nombres.

10. Mais le nombre 9 (& ceci doit s'entendre de tout autre r - 1) a encore une autre propriété qui jusqu'ici n'avoit point été remarquée... c'est que la division par 9 de tout multiple de 9 peut se réduire à une simple soustraction : en voici la pratique.

Soit 3852 (multiple de 9) proposé à diviser par 9.

Ecrivez 0 au-dessus du chiffre qui exprime les unités, & dites, qui de 0 ou (en empruntant sur tel chiffre qu'il appartiendra)

reste 8 ; écrivez 8 à la gauche du 0 avec un point au-dessus, pour marquer qu'il en a été emprunté une unité, & qu'il ne doit plus être pris que pour 7.

Puis dites, qui de 7 paie 5, reste 2 ; écrivez 2 à la gauche du 8.

Enfin dites, qui de 2 ou (en empruntant) qui de 12 paye 8, reste 4, écrivez 4 à la gauche du 2 avec un point au-dessus.... & tout est fait : car 3 - 3 = 0, montre que l'opération est consommée ; ensorte que négligeant le 0 final, le reste 428 est le quotient cherché.

On voit que cette soustraction est plus simple même que l'ordinaire, qui exige trois rangs de chiffres, tandis que celle-ci n'en a que deux : au reste elle porte aussi sa preuve avec elle ; car si l'on ajoute (en biaisant un peu) le dernier chiffre du nombre inférieur avec le pénultieme du supérieur, le pénultieme de celui-là avec l'antépénultieme de celui-ci, & ainsi de suite, la somme vous rendra le nombre supérieur même, s'il ne s'est point glissé d'erreur dans l'opération.

11. La raison de cette pratique deviendra sensible, si l'on fait attention que tout multiple de 9 peut lui-même être conçu comme le résultat d'une soustraction. En effet, 428x9 = 428x = 4280-428,

nommant s le nombre supérieur, m celui du milieu, j l'inférieur. Il suit de la disposition des chiffres que le dernier de m est le même que le pénultieme de s, le pénultieme de m le même que l'antépénultieme de s, &c.

Maintenant le nombre j étant proposé à diviser par 9, il est clair (construction) que le quotient cherché est le nombre m, mais (encore par constr.) j = s - m ; d'où m = s - j, & voilà la soustraction qu'il est question de faire ; mais comment y procéder, puisque s, élément nécessaire, n'est point connu ?

Au-moins en connoît-on le dernier chiffre, qui est toujours 0 : on peut donc commencer la soustraction. Cette premiere opération donnera le dernier chiffre de m = (suprà) au pénultieme de s ; celui-ci fera trouver le pénultieme de m = à l'antépénultieme de s, & ainsi de l'un en l'autre, le chiffre dernier trouvé de m étant celui dont on a besoin dans s pour continuer l'opération.

Dans l'addition qui sert de preuve à la regle, c'est le nombre j qu'on ajoute au nombre m, ce qui évidemment doit donner le nombre s ; car puisque j = s - m, il suit que j + m = s.

12. Observez (derniere figure) que dans la soustraction employée pour multiplier 428 par 9, il se fait deux emprunts, l'un sur le 8, l'autre sur le 4, & que d'un autre côté la somme des chiffres du multiple 3852 est 18, ou 9 pris deux fois, ce qui n'est point un hasard, mais l'effet d'une loi générale. La somme des chiffres du multiple contient 9 autant de fois qu'il y a eu d'emprunts dans la soustraction qui a servi à le former. On en verra plus bas la raison.

13. Il suit que si la soustraction s'exécutoit sans faire d'emprunt, la somme des chiffres du multiple seroit = 0, conséquence révoltante par l'imagination, mais qui, entendue comme il faut, malgré la contradiction qu'elle semble renfermer, ne laisse pas d'être exactement vraie.

Pour s'en convaincre, que dans le même exemple aux chiffres on substitue des lettres, ou simplement que laissant subsister les chiffres, on procede à la soustraction par la méthode algébrique, on aura

Le résultat qui représente le multiple contient quatre termes, distingués entr'eux par des points, nommant (relativement au rang) pairs les second & quatrieme, & impairs les premier & troisieme ; si l'on fait séparément la somme des termes pairs & celle des impairs, la premiere sera + 2 - 4. - 8, & la seconde + 4. + 8 - 2 : où l'on voit que les mêmes chiffres sont contenus dans l'une & dans l'autre somme ; mais avec des signes contraires ; ensorte que si l'on vient à ajouter les deux sommes ensemble, tous ces chiffres se détruisant mutuellement, le résultat sera 0.

Et c'est en effet ce qui devroit toujours arriver, sans que pour cela il y eût contradiction, ni que le multiple qu'on devoit trouver fût réellement anéanti ; car il faut bien prendre garde que ses chiffres ne se détruisent mutuellement, que parce qu'en faisant leur somme on ne les prend que suivant leur valeur absolue, & qu'on ne les doit prendre que sur ce pié là. Si l'on avoit égard à leur valeur relative, dès-lors - 8, par exemple, ne seroit plus propre à faire évanouir + 8, parce que celui-ci seroit 80, tandis que l'autre ne seroit encore que 8, & ainsi des autres chiffres.

14. Mais, demandera-t-on, pourquoi ce qui devroit toûjours arriver n'arrive-t-il jamais ? c'est que suivant notre méthode particuliere de faire les opérations de l'Arithmétique dans la soustraction proposée (où la quantité excédante est terminée par un 0) il y a nécessairement & dès le premier pas un emprunt à faire, car quel est l'effet de cet emprunt ? c'est, de deux termes consécutifs, de diminuer l'un d'une unité, & d'augmenter l'autre de 10. Voilà donc deux nouveaux termes (10 & - 1) à introduire dans la somme de ceux du multiple, & qui resteront après que les autres se seront détruits par la contrariété de leurs signes. Cette somme ne sera donc plus 0, comme auparavant, mais 10 - 1 ou 9, répété autant de fois qu'il se sera fait d'emprunts ; car ces nouveaux chiffres ayant par-tout le même signe, ne se détruiront pas (comme font les autres) par l'addition de deux sommes.

15. Cela même fournit une nouvelle démonstration de la premiere propriété, & qui semble mieux entrer dans la nature de la chose. On voit non-seulement que la somme des chiffres qui expriment un multiple de 9, doit elle-même être un multiple de 9 ; on est même en état de déterminer ce multiple, qui se regle sur le nombre des emprunts faits dans la soustraction qui a servi à le former ; nombre aisé lui-même à déterminer par l'inspection seule de celui qu'il s'agit de multiplier par 9. En effet, si tous les chiffres du nombre proposé sont croissans de droite à gauche, il y aura autant d'emprunts que le nombre même contient de chiffres, & autant de moins que cet ordre se trouvera de fois troublé. Ainsi pour 842 il y en aura trois, au lieu que pour 428 (formé des mêmes chiffres) il n'y en a que deux, parce que la loi d'accroissement n'a pas lieu du 8 au 2... Si deux chiffres consécutifs sont semblables, quand il y a eu emprunt sur le premier, il y en a aussi sur le second, parce que la diminution causée par le premier emprunt les range sous la loi d'accroissement ; mais s'il n'y en a point sur le premier, il n'y en aura point non plus sur le second. Par exemple, pour 33 il y en aura deux ; mais pour 338 il n'y en aura qu'un, qui tombera sur le 8. La somme des chiffres qui expriment 33 x 9, sera donc 18, tandis que celle des chiffres qui expriment 338 x 9 (nombre cependant beaucoup plus grand que le premier) ne sera que 9.

Cet Article est de M. RALLIER DES OURMES, conseiller d'honneur au présidial de Rennes, à qui l'Encyclopédie est redevable de beaucoup d'autres morceaux.


NEUFCHATEAU(Géog.) ville de France en Lorraine, capitale de la châtellenie de Châtenoi. Il en est parlé dans l'itinéraire d'Antonin, sous le nom de Neomagus, changé depuis en celui de Neocastrum, dont on a fait le nom moderne Neufchâteau. Elle est sur la riviere de Mouzon, qui se jette dans la Meuse, à 10 lieues S. O. de Nanci, 7 S. O. de Toul, 60 S. E. de Paris. Long. 33. 20. lat. 48. 20. (D.J.)


NEUFCHATELNEUFCHATEL


NEUFMES. m. (Jurisprud.) dans la basse latinité nonagium nona, est un droit singulier que les curés perçoivent dans certains pays sur les biens de leurs paroissiens décédés, pour leur donner la sépulture ecclésiastique ; c'est pourquoi ce droit est aussi appellé mortuage.

Ce droit tire son origine de ce qu'anciennement on regardoit comme un crime de ne pas donner par testament au-moins la neuvieme partie de son bien à l'Eglise. Voyez le Glossaire de Ducange, au mot nonagium.

C'est principalement en Bretagne que ce droit est connu : M. Hevin prétend que ce droit fut établi pour procurer aux recteurs des paroisses un dédommagement de la perte de leurs dixmes usurpées par la noblesse, ou de leur procurer leur subsistance nécessaire : desorte que ce motif cessant, soit par la restitution des dixmes, soit par la jouissance de la portion congrue, le droit de neufme, suivant cet auteur, a dû s'éteindre.

Au commencement ce droit s'appelloit tiersage, parce qu'il consistoit dans le tiers des meubles de celui qui étoit décédé sans rien léguer à l'Eglise.

On regardoit ce droit comme si odieux, qu'en 1225, Pierre duc de Bretagne fit de fortes remontrances à ce sujet ; il y joignit même les reproches, & l'on en vint à la sédition.

En 1285, le duc Jean II. son fils, refusa avec vigueur la confirmation de ce droit qui étoit poursuivie par les Ecclésiastiques.

Artus II. son fils, consentit que l'affaire fut remise à l'arbitrage de Clément V. lequel siégeoit à Avignon. Ce pape donna sa sentence en 1309, laquelle est contenue dans une bulle appellée la Clémentine. Il réduisoit le tiersage au neuvieme, appellé neufme. Ce droit fut même restraint sur les roturiers, parce que les ecclésiastiques, pour gagner plus aisément les députés de la noblesse, auxquels on avoit confié la défense de la cause, consentirent que les nobles en fussent déchargés.

En 1330, Philippe de Cugnieres fit des remontrances à ce sujet au roi Philippe de Valois.

Cependant les recteurs de Bretagne se sont maintenus en possession de ce droit sur les roturiers dans la plûpart des villes de Bretagne.

Mais, par arrêt du parlement de Bretagne, du 16 Mars 1559, ce droit de neufme fut réduit à la neuvieme partie en un tiers des meubles de la communauté du décédé, les obseques, funérailles, & tiers des dettes préalablement payés.

Ceux dont les meubles valent moins de 40 livres, ne doivent point le neufme.

Ce droit n'est autorisé que pour tenir lieu des dixmes, tellement que les recteurs ou vicaires perpétuels qui jouissent des dixmes, ou qui ont la portion congrue, ne peuvent exiger le droit de neufme ou mortuage, ainsi qu'il fut décidé par un arrêt de reglement du parlement de Bretagne, du 13 Décembre 1676. Voyez d'Argentré, Hist. de Bretagne, livre IV. chap. v. xxix. & xxxv. Bellondeau, Observ. liv. III. part. ij. art. 2. & let. N. controv. 13. Dufail, liv. II. chap. xlviij. & cxvj. liv. III. chap. xcix. Brillon, au mot neufme. (A)


NEUHAUS(Géogr.) autrement Ilradetz, en Bohémien, ville de Bohème, dans le cercle de Béchyn : les Suédois la prirent en 1645. Long. 32. 56. lat. 48. 8.


NEUHAUSEL(Géog.) en latin Neoselium, & par quelques-uns Ovaria. Les Hongrois l'appellent Ouvar, c'est-à-dire château ; petite, mais forte ville de la haute Hongrie, prise par les Turcs en 1663, & reprise par les Impériaux en 1685, qui passerent tout au fil de l'épée sans faire grace ni à l'âge, ni au sexe. Elle est sur la riviere de Neytzach, dans une plaine marécageuse, à une lieue du confluent du Vag avec le Danube, à cinq lieues N. de Komore, 5. S. E. de Leopolstadt, 12 S. E. de Presbourg, 33 S. E. de Vienne. Long. 36. 10. lat. 48. 4.


NEUILLYNEUILLY


NEUMARCK(Géog.) petite ville d'Allemagne en Silésie, dans la principauté de Breslau, à 10 lieues S. E. de Lignitz, six O. de Breslau. Long. 34. 24. lat. 51. 6.

Il y a quelques autres bourgs ou petites villes d'Allemagne nommés Neumarck, qui ne méritent aucune mention. (D.J.)


NEUNAUGES. m. (Hist. nat.) nom allemand d'un poisson, qui est une espece de lamproie que l'on trouve communément dans des eaux marécageuses : les Allemands le nomment aussi schlamnn-beisser, mordeur de limon. Ce poisson peut servir de thermometre, & annoncer les changemens de la température de l'air : pour cet effet, on le met dans un bocal avec un peu de sable & de l'eau de riviere ou de pluie ; & la veille du changement, ou une demi-journée auparavant, on le voit s'agiter fortement dans son bocal : il avertit même par un petit sifflement d'une tempête subite ou du tonnerre. Neunauge signifie poisson à neuf yeux. Voyez Ephemerides natur. curiosor. année 1687.


NEURADES. f. (Botan.) nom donné par Linnaeus au genre de plante appellé par M. Jussieu tribulastrum : en voici les caracteres. Le calice particulier de la fleur est composé d'une feuille découpée en cinq segmens ; la fleur est formée de cinq pétales égaux, plus larges que les feuilles du calice ; les étamines sont dix filets de la longueur du calice ; les sommités ou bossettes sont simples ; le germe du pistil porte sur le calice ; les stiles sont au nombre de dix, & de la longueur des stygmates, qui sont simples ; le fruit est une capsule orbiculaire, applatie par-dessus, convexe par-dessous, & toute hérissée de pointes ; la partie intérieure du fruit est partagée en dix loges, dont chacune contient une seule semence. (D.J.)


NEURES. f. (Marine) c'est une espece de petite flûte, dont les Hollandois se servent pour la pêche du hareng : elle est d'environ soixante tonneaux. Quelques-uns disent que c'est la même chose que ce qu'on appelle buche. Voyez BUCHE. (Z)


NEURIou NEURAEI, (Géog. anc.) peuples de la Sarmatie en Europe, dont Hérodote, Pline, & Pomponius Méla font mention.


NEURITIQUESou NERVINS, adj. terme de Médecine, qualification qu'on donne à des remedes propres pour les maladies des nerfs & des parties nerveuses, comme les membranes, les ligamens, &c. Ce mot vient du grec , nerf.

Tels sont la bétoine, la lavande, le romarin, la sauge, le laurier, la marjolaine, & plusieurs autres d'entre les céphaliques. Voyez CEPHALIQUE, ANTISPASMODIQUE, CALMANT, RCOTIQUEIQUE.


NEUROGRAPHIES. f. terme d'Anatomie, signifie la description des nerfs. Voyez NERF.

Raim. Vieussens, médecin de Montpellier, a fait un excellent traité latin, intitulé Neurographia universalis, où il fait voir qu'il y a plus de ramifications de nerfs dans la peau, que dans les muscles & toutes les autres parties. Voyez PEAU.

Duncan, autre médecin de la même université, en a fait un autre fort estimé aussi, intitulé Neurographia rationalis. Voyez NEUROLOGIE.


NEUROLOGIES. f. discours sur les nerfs. Voyez NERF. Le mot neurologie paroît avoir une signification moins étendue que neurographie ; en ce que ce dernier comprend non-seulement les discours sur les nerfs, mais aussi les estampes & les figures qui les représentent ; au lieu que neurologie ne s'entend que des discours seulement. Willis nous a donné une belle neurologie dans le traité particulier qu'il nous en a laissé. Il a pour titre, cerebri anatome, nervorumque descriptio & usus, &c. c'est-à-dire, anatomie du cerveau, & description & usage des nerfs.


NEUROSPATIQUENEUROSPATIQUE


NEUSIDLERZÉE(Géog. mod.) lac de la basse-Hongrie, aux frontieres de l'Autriche, près d'Oedunbourg, entre Javarin à l'orient, & Vienne à l'occident.


NEUSTADT(Géog.) petite ville d'Allemagne, au cercle de la basse Saxe au duché de Meckelbourg, sur une petite riviere qui tombe dans l'Elbe à Domitz. Long. 29. 35. lat. 53. 38.

NEUSTADT, (Géog.) petite ville d'Allemagne, dans la Wagrie, sur la mer Baltique. Les Suédois la prirent en 1644. Long. 28. 38. lat. 54. 10.

NEUSTADT, (Géog.) ville forte & épiscopale d'Allemagne, dans la basse Autriche, dont l'évêque est le seul suffragant de Vienne. Matthias Corvin la prit en 1485 : les Autrichiens la reprirent ensuite. Elle est à huit lieues S. de Vienne, 22 N. E. de Gratz. Long. 24. 35. lat. 47. 48.

NEUSTADT, (Géog.) ville d'Allemagne en Franconie, dans l'évêché de Wurtzbourg, sur la Saale, près de Koening Sehoffen, Long. 28. 10. lat. 49. 34.

NEUSTADT, (Géog.) ville d'Allemagne, dans le duché de Brunswick-Lunebourg, à quatre lieues N. O. d'Hanover, sur la riviere de Leyne. Long. 27. 24. lat. 52. 34.

NEUSTADT, (Géog.) petite ville d'Allemagne, dans le Holstein, sur un golfe que forme la mer Baltique, sur la côte de la Wagrie. Elle est située à quatre milles d'Oldembourg, & à environ pareille distance de Lubec. Long. 28. 24. lat. 53. 56.

NEUSTADT AN DER HART, (Géog.) ville d'Allemagne au Palatinat du Rhin, située sur une petite chaîne de montagnes appellée la Hart, à quatre milles de Landau. Comme son territoire fait partie du Speyrgow, on la nomme en latin Neapolis-Nemetum. Jean Casimir s'en rendit maître par artifice en 1579. Long. 26. 48. lat. 29. 22.


NEUSTATT(Géog.) l'Allemagne a plusieurs bourgs ou petites villes, ainsi nommées, mais qui ne méritent aucun détail. Il y a trois Neustatt en Franconie ; une dans le landgraviat de Hesse, une au comté de la Marck, une dans la haute Baviere, sur l'Abenz, une dans la Moravie, à trois lieues N. d'Olmutz, une dans la Souabe, à trois lieues de Hailbron, sur le Kocker, &c. (D.J.)


NEUSTÉou NEUVETé, s. f. termes de Riviere, droit que paye un bateau la premiere fois qu'il vient à Paris.


NEUSTRÉS. m. terme de Courtepointiers, artisan qui fait & qui vend des meubles. Cet ancien terme se trouve dans les statuts des Courtepointiers, qui composoient autrefois une des communautés de Paris, réunie en 1636 à celle des Tapissiers. Ces derniers, parmi leurs autres qualités, conservent celle de Courtepointiers-Neustrés.


NEUSTRIE(Géog.) c'est le nom qu'on imposa après la mort de Clovis, ou un peu auparavant, à une des parties principales de la France, qui comprenoit toutes les terres renfermées entre la Meuse & la Loire. On l'appella en latin Neustria, Neustrasia, ou Neuster, & quelquefois Neptricum, ou Neptria ; il n'est pas facile de deviner l'origine de ces deux derniers mots.

Vers le tems de Charlemagne, la Neustrie se trouva renfermée entre la Seine & la Loire : enfin, elle fut de nouveau resserrée dans les bornes où elle est aujourd'hui. Charles le Simple ayant été obligé de céder en 912 la Neustrie à Rollon, le plus illustre des barbares du Nord, elle perdit son nom, & prit celui de Normandie.

NEUSTRIE, (Géog.) centre de l'Italie, entre la Ligurie & l'Emilie : les Lombards s'étant rendus maîtres d'une partie de l'Italie, donnerent à l'imitation des François, les noms de Neustrie & d'Austrasie à une portion de leurs conquêtes. Ils appellerent Austrasie la partie qui étoit à l'orient, & Neustrie ou Hespérie, celle qui étoit à l'occident, & laisserent à la Toscane son ancien nom. (D.J.)


NEUTRALITÉS. f. (Droit polit.) état dans lequel une puissance ne prend aucun parti entre celles qui sont en guerre.

Pour donner quelque idée de cette matiere, il faut distinguer deux sortes de neutralité, la neutralité générale, & la neutralité particuliere.

La neutralité générale, c'est lorsque sans être allié d'aucun des deux ennemis qui se font la guerre, on est tout prêt de rendre également à l'un & à l'autre, les devoirs auxquels chaque peuple est naturellement tenu envers les autres.

La neutralité particuliere, c'est lorsqu'on s'est particulierement engagé à être neutre par quelque convention, ou expresse ou tacite. La derniere sorte de neutralité, est ou pleine & entiere, lorsque l'on agit également à tous égards, envers l'une & l'autre partie ; ou limitée, ensorte que l'on favorise une partie plus que l'autre, à l'égard de certaines choses & de certaines actions.

On ne sauroit légitimement contraindre personne à entrer dans une neutralité particuliere, parce qu'il est libre à chacun de faire ou de ne pas faire des traités & des alliances, ou qu'on ne peut du-moins y être tenu, qu'en vertu d'une obligation imparfaite. Mais celui qui a entrepris une guerre juste, peut obliger les autres peuples à garder exactement la neutralité générale, c'est-à-dire, à ne pas favoriser son ennemi plus que lui-même. Voici donc à quoi se réduisent les devoirs des peuples neutres.

Ils sont obligés de pratiquer également envers l'un & l'autre de ceux qui sont en guerre, les lois du droit naturel, tant absolues que conditionnelles, soit qu'elles imposent une obligation parfaite ou seulement imparfaite ; s'ils rendent à l'un d'eux quelque service d'humanité, ils ne doivent pas le refuser à l'autre ; à moins qu'il n'y ait quelque raison manifeste qui les engage à faire en faveur de l'un quelque chose que l'autre n'avoit d'ailleurs aucun droit d'exiger. Mais ils ne sont tenus de rendre les services de l'humanité à aucune des deux parties, lorsqu'ils s'exposeroient à de grands dangers en les refusant à l'autre, qui a autant de droit de les exiger. Ils ne doivent fournir ni à l'un ni à l'autre les choses qui servent à exercer les actes d'hostilité, à-moins qu'ils n'y soyent autorisés par quelque engagement particulier ; & pour celles qui ne sont d'aucun usage à la guerre, si on les fournit à l'un, il faut aussi les fournir à l'autre. Ils doivent travailler de tout leur possible à faire ensorte qu'on en vienne à un accommodement, que la partie lésée obtienne satisfaction, & que la guerre finisse au plus tôt. Que s'ils se sont engagés en particulier à quelque chose, ils doivent l'exécuter ponctuellement.

D'autre côté, il faut que ceux qui sont en guerre observent exactement envers les peuples neutres, les lois de la sociabilité, qu'ils n'exercent contr'eux aucun acte d'hostilité, & qu'ils ne souffrent pas qu'on les pille ou qu'on ravage leur pays. Ils peuvent pourtant dans une extrême nécessité, s'emparer d'une place située en pays neutre ; bien entendu, qu'aussi-tôt que le péril sera passé on la rendra à son maître, en lui payant le dommage qu'il en aura reçu. Voyez Budée, Elementa Philosophiae practicae. Puffendorf, liv. II. ch. vj. & Grotius, liv. III. ch. j. & xvij. (D.J.)


NEUTREadj. ce mot nous vient du latin neuter, qui veut dire ni l'un ni l'autre : en le transportant dans notre langue avec un léger changement dans la terminaison, nous en avons conservé la signification originelle, mais avec quelque extension ; neutre veut dire, qui n'est ni de l'un ni de l'autre, ni à l'un ni à l'autre, ni pour l'un ni pour l'autre, indépendant de tous deux, indifférent ou impartial entre les deux : & c'est dans ce sens qu'un état peut demeurer neutre entre deux puissances belligérantes, un savant entre deux opinions contraires, un citoyen entre deux partis opposés, &c.

Le mot neutre est aussi un terme propre à la grammaire, & il y est employé dans deux sens différens.

1. Dans plusieurs langues, comme le grec, le latin, l'allemand, qui ont admis trois genres ; le premier est le genre masculin, le second est le genre féminin, & le troisieme qui n'est ni l'un ni l'autre de ces deux premiers, c'est le genre neutre. Si la distinction des genres avoit été introduite dans l'intention de favoriser les vûes de la Métaphysique ou de la Cosmologie, on auroit rapporté au genre neutre tous les noms des êtres inanimés, & même les noms des animaux, quand on les auroit employés dans un sens général & avec abstraction des sexes, comme les Allemands ont fait du nom kind (enfant) pris dans le sens indéfini : mais d'autres vûes & d'autres principes ont fixé sur cela les usages des langues, & il faut s'y conformer sans réserve, Voyez GENRE. Dans celles qui ont admis ce troisieme genre, les adjectifs ont reçu des terminaisons qui marquent l'application & la relation de ces adjectifs à des noms de cette classe ; & on les appelle de même des terminaisons neutres : ainsi bon se dit en latin bonus pour le genre masculin, bona pour le genre féminin, & bonum pour le genre neutre.

II. On distingue les verbes adjectifs ou concrets en trois especes générales, caractérisées par les différences de l'attribut déterminé qui est renfermé dans la signification concrete de ces verbes ; & ces verbes sont actifs, passifs ou neutres, selon que l'attribut individuel de leur signification est une action du sujet, ou une impression produite dans le sujet sans concours de sa part ou un simple état qui n'est dans le sujet, ni action ni passion. Ainsi aimer, battre, courir, sont des verbes actifs, parce qu'ils expriment l'existence sous des attributs qui sont des actions du sujet : être aimé, être battu, (qui se disent en latin amari, verberari,) tomber, mourir, sont des verbes passifs, parce qu'ils expriment l'existence, sous des attributs qui sont des impressions produites dans le sujet sans concours de sa part, & quelquefois même malgré lui : demeurer, exister, sont des verbes neutres, qui ne sont ni actifs ni passifs, parce que les attributs qu'ils expriment sont de simples états, qui à l'égard du sujet ne sont ni action ni passion.

Sanctius (Minerv. III. 2.) ne veut reconnoître que des verbes actifs & des verbes passifs, & rejette entierement les verbes neutres. L'autorité de ce grammairien est si grande qu'il n'est pas possible d'abandonner sa doctrine, sans examiner & réfuter ses raisons. Philosophia, dit-il, id est, recta & incorrupta judicandi ratio nullum concedit medium inter Agere & Pati : omnis namque motus aut actio est aut passio... Quare quod in rerum naturâ non est, ne nomen quidem habebit... Quid igitur agent verba neutra, si nec activa nec passiva sunt ? Nam si agit, aliquid agit ; cur enim concedas rem agentem in verbis quae neutra vocas, si tollis quid agant ? An nescis omnem causam efficientem debere necessario effectum producere ; deinde etiam effectum non posse consistere sine causâ ? Itaque verba neutra neque ulla sunt, neque naturâ esse possunt, quoniam illorum nulla potest demonstrari definitio. Sanctius a regardé ce raisonnement comme concluant, parce qu'en effet la conclusion est bien déduite du principe ; mais le principe est-il incontestable ?

Il me semble en premier lieu, qu'il n'est rien moins que démontré que la Philosophie ne connoisse point de milieu entre agir & pâtir. On peut au moins par abstraction, concevoir un être dans une inaction entiere & sur lequel aucune cause n'agisse actuellement : dans cette hypothèse qui est du ressort de la Philosophie, parce que son domaine s'étend sur tous les possibles, on ne peut pas dire de cet être ni qu'il agisse, ni qu'il pâtisse, sans contredire l'hypothèse même ; & l'on ne peut pas rejetter l'hypothèse sous prétexte qu'elle implique contradiction, puisqu'il est évident que ni l'une ni l'autre des deux parties de la supposition ne renferme rien de contradictoire, & qu'elles ne le sont point entr'elles : il y a donc un état concevable, qui n'est ni agir ni pâtir ; & cet état est dans la nature telle que la Philosophie l'envisage, c'est-à-dire, dans l'ordre des possibles.

Mais quand on ne permettroit à la Philosophie que l'examen des réalités, on ne pourroit jamais disputer à notre intelligence la faculté de faire des abstractions, & de parcourir les immenses régions du pur possible. Or, les langues sont faites pour rendre les opérations de notre intelligence, & par conséquent ses abstractions mêmes, ainsi elles doivent fournir à l'expression des attributs qui seront des états mitoyens entre agir & pâtir ; & de-là la nécessité des verbes neutres dans les idiomes qui admettront des verbes adjectifs ou concrets.

Le sens grammatical, si je puis parler ainsi, du verbe exister, par exemple, est un & invariable ; & les différences que la Métaphysique pourroit y trouver, selon la diversité des sujets auxquels on en feroit l'application, tiennent si peu à la signification intrinseque de ce verbe, qu'elles sortent nécessairement de la nature même des sujets. Or, l'existence en Dieu n'est point une passion, puisqu'il ne l'a reçue d'aucune cause ; dans les créatures ce n'est point une action, puisqu'elles la tiennent de Dieu : c'est donc dans le verbe exister, un attribut qui fait abstraction d'action & de passion ; car il ne peut y avoir que ce sens abstrait & général qui rende possible l'application du verbe à un sujet agissant ou pâtissant, selon l'occurrence : ainsi le verbe exister est véritablement neutre, & on en trouve plusieurs autres dans toutes les langues, dont on peut porter le même jugement, parce qu'ils renferment dans leur signification concrete un attribut qui n'est qu'un état du sujet, & qui n'est en lui ni action ni passion.

J'observe en second lieu, que quand il seroit vrai qu'il n'y a point de milieu entre agir & pâtir, par la raison qu'allegue Sanctius, que omnis motus aut actio est aut passio ; on ne pourroit jamais en conclure qu'il n'y ait point de verbes neutres, renfermant dans leur signification concrete, l'idée d'un attribut qui ne soit ni action ni passion : sinon il faudroit supposer encore que l'essence du verbe consiste à exprimer les mouvemens des êtres, motus. Or, il est visible que cette supposition est inadmissible, parce qu'il y a quantité de verbes comme existere, stare, quiescere, &c. qui n'expriment aucun mouvement, ni actif, ni passif, & que l'idée générale du verbe doit comprendre sans exception, les idées individuelles de chacun. D'ailleurs, il paroît que le grammairien espagnol n'avoit pas même pensé à cette notion générale, puisqu'il parle ainsi du verbe (Min. 1. 12.), verbum est vox particeps numeri personalis cum tempore ; & il ajoute d'un ton un peu trop décidé : haec definitio vera est & perfecta, reliquae omnes grammaticorum ineptae. Quelque jugement qu'il faille porter de cette définition, il est difficile d'y voir l'idée de mouvement, à moins qu'on ne la conclue de celle du tems, selon le système de S. Augustin (Confess. XI.) ; mais cela même mérite encore quelque examen, malgré l'autorité du saint docteur, parce que les vérités naturelles sont soumises à notre discussion & ne se décident point par l'autorité.

Je remarque en troisieme lieu, que les Grammairiens ont coutume d'entendre par les verbes neutres, non-seulement ceux qui renferment dans leur signification concrete l'idée d'un attribut, qui, sans être action ni passion, n'est qu'un simple état du sujet ; mais encore ceux dont l'attribut est, si vous voulez, une action, mais une action qu'ils nomment intransitive ou permanente, parce qu'elle n'opere point sur un autre sujet que celui qui la produit ; comme dormire, sedere, currere, ambulare, &c. Ils n'appellent au contraire verbes actifs, que ceux dont l'attribut est une action transitive, c'est-à-dire, qui opere ou qui peut operer sur un sujet différent de celui qui la produit, comme battre, porter, aimer, instruire, &c. Or, c'est contre ces verbes neutres que Sanctius se déclare, non pour se plaindre qu'on ait réuni dans une même classe des verbes qui ont des caracteres si opposés, ce qui est effectivement un vice ; mais pour nier qu'il y ait des verbes qui énoncent des actions intransitives : cur enim concedas, dit-il, rem agentem in verbis quae neutra vocas, si tollis quid agant ?

Je réponds à cette question, qui paroît faire le principal argument de Sanctius ; 1°. que si par son quid agant, il entend l'idée même de l'action, c'est supposer faux que de la croire exclue de la signification des verbes que les Grammairiens appellent neutres ; c'est au contraire cette idée qui en constitue la signification individuelle, & ce n'est point dans l'abstraction que l'on en pourroit faire que consiste la neutralité de ces verbes : 2°. que si par quid agant, il entend l'objet sur lequel tombe cette action, il est inutile de l'exprimer autrement que comme sujet du verbe, puisqu'il est constant que le sujet est en même tems l'objet : 3°. qu'enfin, s'il entend l'effet même de l'action, il a tort encore de prétendre que cet effet ne soit point exprimé dans le verbe, puisque tous les verbes actifs ne le sont que par l'expression de l'effet qui suppose nécessairement l'action, & non pas par l'expression de l'action même avec abstraction de l'effet ; autrement il ne pourroit y avoir qu'un seul verbe actif, parce qu'il ne peut y avoir qu'une seule idée de l'action en général, abstraction faite de l'effet, & qu'on ne peut concevoir de différence entre action & action, que par la différence des effets.

Il paroît au reste que c'est de l'effet de l'action que Sanctius prétend parler ici, puisqu'il supplée le nom abstrait de cet effet, comme complément nécessaire des verbes qu'il ne veut pas reconnoître pour neutres : ainsi, dit-il, utor & abutor, c'est utor usum, ou abutor usum ; ambulare, c'est ambulare viam, & si l'on trouve ambulare per viam, c'est alors ambulare ambulationem per viam ; &c. il pousse son zele pour cette maniere d'interpreter, jusqu'à reprendre Quintilien d'avoir trouvé qu'il y avoit solécisme dans ambulare viam.

Il me semble qu'il est assez singulier qu'un espagnol, pour qui le latin n'est qu'une langue morte, prétende mieux juger du degré de faute qu'il y a dans une phrase latine, qu'un habile homme dont cet idiome étoit le langage naturel : mais il me paroît encore plus surprenant qu'il prenne la défense de cette phrase, sous prétexte que ce n'est pas un solécisme mais un pléonasme ; comme si le pléonasme n'étoit pas un véritable écart par rapport aux lois de la Grammaire aussi bien que le solécisme. Car enfin si l'on trouve quelques pléonasmes autorisés dans les langues sous le nom de figure, l'usage de la nôtre n'a-t-il pas autorisé de même le solécisme mon ame, ton épée, son humeur ? Cela empêche-t-il les autres solécismes non autorisés d'être des fautes très-graves, & pourroit-on soutenir sérieusement qu'à l'imitation des exemples précédens, on peut dire mon femme, ton fille, son hauteur ? C'est la même chose du pléonasme : les exemples que l'on en trouve dans les meilleurs auteurs ne prouvent point qu'un autre soit admissible, & ne doivent point empêcher de regarder comme vicieuses toutes les locutions où l'on en feroit un usage non autorisé : tels sont tous les exemples que Sanctius fabrique pour la justification de son système contre les verbes neutres.

Il faut pourtant avouer que Priscien semble avoir autorisé les modernes à imaginer ce complément qu'il appelle cognatae significationis ; mais comme Priscien lui-même l'avoit imaginé pour ses vues particulieres, sans s'appuyer de l'autorité des bons écrivains, la sienne n'est pas plus recevable en ce cas, que si le latin eût été pour lui une langue morte.

J'ai remarqué un peu plus haut que c'étoit un vice d'avoir réuni sous la même dénomination de neutres, les verbes qui ne sont en effet ni actifs ni passifs, avec ceux qui sont actifs intransitifs ; & cela me paroît évident ; si ceux-ci sont actifs, on ne doit pas faire entendre qu'ils ne le sont pas, en les appellant neutres ; car ce mot, quand on l'applique aux verbes, veut dire qui n'est ni actif ni passif, & c'est dans le cas présent une contradiction manifeste. Sans y prendre trop garde, on a encore réuni sous la même cathégorie des verbes véritablement passifs, comme tomber, pâlir, mourir, &c. C'est le même vice, & il vient de la même cause.

Ces verbes passifs réputés neutres, & les verbes actifs intransitifs ont été envisagés sous le même aspect que ceux qui sont effectivement neutres ; parce que ni les uns ni les autres n'exigent jamais de complément pour présenter un sens fini : ainsi comme on dit sans complément, Dieu existe, on dit sans complément au sens actif, ce livre couroit, & au sens passif, tu mourras. Mais cette propriété d'exiger ou de ne pas exiger un complément pour la plénitude du sens, n'est point du tout ce qui doit faire les verbes actifs, passifs ou neutres : car comment auroit-on trouvé trois membres de division dans un principe qui n'admet que deux parties contradictoires ?

La vérité est donc qu'on a confondu les idées, & qu'il falloit envisager les verbes concrets sous deux aspects généraux qui en auroient fourni deux divisions différentes.

La premiere division, fondée sur la nature générale de l'attribut auroit donné les verbes actifs, les verbes passifs, & les verbes neutres : la seconde, fondée sur la maniere dont l'attribut peut être énoncé dans le verbe, auroit donné des verbes absolus & des verbes relatifs, selon que le sens en auroit été complet en soi, ou qu'il auroit exigé un complément.

Ainsi amo & curro sont des verbes actifs, parce que l'attribut qui y est énoncé est une action du sujet : mais amo est relatif, parce que la plénitude du sens exige un complément, puisque quand on aime, on aime quelqu'un ou quelque chose ; au contraire curro est absolu parce que le sens en est complet, par la raison que l'action exprimée dans ce verbe ne porte son effet sur aucun sujet différent de celui qui la produit.

Amor & pereo sont des verbes passifs, parce que les attributs qui y sont énoncés sont dans le sujet des impressions indépendantes de son concours : mais amor est relatif parce que la plénitude du sens exige un complément qui énonce par qui l'on est aimé ; au contraire pereo est absolu, par la raison que l'attribut passif exprimé dans ce verbe est suffisamment connu indépendamment de la cause de l'impression. Voyez RELATIF.

Les verbes neutres sont essentiellement absolus, parce qu'exprimant quelque état du sujet, il n'y a rien à chercher pour cela hors du sujet.

Les Grammairiens ont encore porté bien plus loin l'abus de la qualification de neutre à l'égard des verbes, puisqu'on a même distingué des verbes neutres-actifs & des verbes neutres-passifs ; ce qui est une véritable antilogie. Il est vrai que les Grammairiens n'ont pas prétendu par ces dénominations désigner la nature des verbes, mais indiquer simplement quelques caracteres marqués de leur conjugaison.

" De ces verbes neutres, dit l'abbé de Dangeau (opusc. pag. 187.), il y en a quelques-uns qui forment leurs parties composées... par le moyen du verbe auxiliaire avoir : par exemple, j'ai couru, nous avons dormi. Il y a d'autres verbes neutres qui forment leurs parties composées par le moyen du verbe auxiliaire être ; par exemple, les verbes venir, arriver ; car on dit, je suis venu, & non pas, j'ai venu ; ils sont arrivés, & non pas, ils ont arrivé. Et comme ces verbes sont neutres de leur nature, & qu'ils se servent de l'auxiliaire être qui marque ordinairement le passif, je les nomme des verbes neutres-passifs... Quelques gens même sont allés plus loin, & ont donné le nom de neutres-actifs, aux verbes neutres qui forment leurs tems composés par le moyen du verbe avoir, parce que ce verbe avoir est celui par le moyen duquel les verbes actifs, comme chanter, battre, forment leur tems composés. C'est pourquoi ils disent que dormir, qui fait j'ai dormi ; éternuer, qui fait j'ai éternué, sont des verbes neutres-actifs ".

Sur les mêmes principes on a établi la même distinction dans la grammaire latine, si ce n'est même de-là qu'elle a passé dans la grammaire françoise : on y appelle verbes neutres-actifs ceux qui se conjuguent à leurs prétérits comme les verbes actifs, dormio, dormivi, comme audio, audivi : & l'on appelle au contraire neutres-passifs ceux qui se conjuguent à leurs prétérits comme les verbes passifs, c'est-à-dire, avec l'auxiliaire sum & le prétérit du participe ; gaudeo, gavisus sum ou fui. Voyez PARTICIPE.

Mais outre la contradiction qui se trouve entre les deux termes réunis dans la même dénomination, ces termes ayant leur fondement dans la nature intrinseque des verbes, ne peuvent servir, sans inconséquence & sans équivoque, à désigner la différence des accidens de leur conjugaison. S'il est important dans notre langue de distinguer ces différentes especes, il me semble qu'il suffiroit de réduire les verbes à deux conjugaisons générales, l'une où les prétérits se formeroient par l'auxiliaire avoir, & l'autre où ils prendroient l'auxiliaire être : chacune de ces conjugaisons pourroit se diviser, par rapport à la formation des tems simples, en d'autres especes subalternes. M. l'abbé de Dangeau n'étoit pas éloigné de cette voie, quand il exposoit la conjugaison des verbes par section ; & je ne doute pas qu'un partage fondé sur ce principe ne jettât quelque lumiere sur nos conjugaisons. Voyez PARADIGME.

Au reste, il est important d'observer que nous avons plusieurs verbes qui forment leurs prétérits ou par l'auxiliaire avoir, ou par l'auxiliaire être ; tels sont convenir, demeurer, descendre, monter, passer, repartir : & la plûpart dans ce cas changent de sens en changeant d'auxiliaire.

Convenir se conjuguant avec l'auxiliaire avoir, signifie être convenable : si cela m'AVOIT CONVENU, je l'aurois fait ; c'est-à-dire, si cela m'avoit été convenable. Lorsqu'il se conjugue avec l'auxiliaire être, il signifie avouer ou consentir : vous ETES CONVENU de cette premiere vérité, c'est-à-dire, vous avez avoué cette premiere vérité ; ils SONT CONVENUS de le faire, c'est-à-dire, ils ont consenti à le faire.

Demeurer se conjugue avec l'auxiliaire avoir, quand on veut faire entendre que le sujet n'est plus au lieu dont il est question, qu'il n'y étoit plus, ou qu'il n'y sera plus dans le tems de l'époque dont il s'agit : il A DEMEURE long-tems à Paris, veut dire qu'il n'y est plus ; J'AVOIS DEMEURE six ans à Paris lorsque je retournai en province, il est clair qu'alors je n'y étois plus. Quand il se conjugue avec l'auxiliaire être, il signifie que le sujet est en un autre lieu dont il est question, qu'il y étoit, ou qu'il y sera encore dans le tems de l'époque dont il s'agit : mon frere EST DEMEURE à Paris pour finir ses études, c'est-à-dire qu'il y est encore ; ma soeur ETOIT DEMEUREE à Rheims pendant les vacances, c'est-à-dire qu'elle y étoit encore.

Les trois verbes de mouvement descendre, monter, passer, prennent l'auxiliaire avoir, quand on exprime le lieu par où se fait le mouvement : nous AVONS MONTE ou DESCENDU les degrés ; nous AVONS PASSE par la Champagne après AVOIR PASSE la Meuse. Ces mêmes verbes prennent l'auxiliaire être, si l'on n'exprime pas le nom du lieu par où se fait le mouvement, quand même on exprimeroit le lieu du départ ou le terme du mouvement : votre fils ETOIT DESCENDU quand vous ETES MONTE dans ma chambre ; notre armée ETOIT PASSEE de Flandre en Alsace.

Repartir signifie répondre, ou partir une seconde fois ; les circonstances les font entendre : mais dans le premier sens il forme ses prétérits avec l'auxiliaire avoir ; il A REPARTI avec esprit, c'est-à-dire, il a répondu : dans le second sens il prend à ses prétérits l'auxiliaire être ; il EST REPARTI promptement, c'est-à-dire, il s'en est allé.

Le verbe périr se conjugue assez indifféremment avec l'un ou l'autre des deux auxiliaires : tous ceux qui étoient sur ce vaisseau ONT PE'RI, ou SONT PE'RIS.

On croit assez communément que le verbe aller prend quelquefois l'auxiliaire avoir, & qu'alors il emprunte été du verbe être ; l'abbé Regnier le donne à entendre de cette sorte (Gramm. fr. in -12. pag. 389.) Mais c'est une erreur : dans cette phrase, j'ai été à Rome, on ne fait aucune mention du verbe aller, & elle signifie littéralement en latin fui Romae ; si elle rappelle l'idée d'aller, c'est en vertu d'une métonymie, ou si vous voulez, d'une métalepse du conséquent qui réveille l'idée de l'antécédent, parce qu'il faut antecédemment aller à Rome pour y être, & y être allé pour y avoir été. Ce n'est donc pas en parlant de la conjugaison, qu'un grammairien doit traiter du choix de l'un de ces tours pour l'autre ; c'est au traité des tropes qu'il doit en faire mention. (B. E. R. M.)

NEUTRE, sel, (Chimie) voyez sous le mot SEL.


NEUVAINES. f. (Théol.) prieres continuées pendant neuf jours dans une église en l'honneur de quelque saint, pour implorer son secours en quelque nécessité.

NEUVAINE, s. f. (mesure de grains) mesure des blés dont on se sert dans quelques endroits du Lyonnois, particulierement depuis Trevoux jusqu'à Montmerle, & de Traverse jusqu'à S. Trivier. Cent neuvaines font cent douze ânées de Lyon.


NEUVIEMES. m. (Arithmét.) c'est la partie d'un tout divisé en neuf portions égales.

En fait de fractions ou nombres rompus, de quelque tout que ce soit, un neuvieme, trois neuviemes, cinq neuviemes, sept neuviemes, s'écrivent ainsi, 1/9 3/9 5/9 7/9 ; la verge ou yard d'Angleterre ; qui est une mesure des longueurs, contient sept neuviemes d'aunes de Paris.

NEUVIEME, adj. en Musique, est l'octave de la seconde. Cet intervalle porte le nom de neuvieme, parce qu'il faut former neuf sons pour passer diatoniquement d'un de ces termes à l'autre.

Il y a un accord par supposition qui s'appelle accord de neuvieme, pour le distinguer de l'accord de seconde qui se prépare, s'accompagne & se sauve différemment. L'accord de neuvieme est formé par un son ajouté à la basse une tierce au-dessous de l'accord de septieme ; ensorte que la septieme même fait neuvieme sur ce nouveau son. La neuvieme s'accompagne par conséquent de tierce & quinte, & quelquefois de septieme. La quatrieme note du ton est généralement celle sur laquelle cet accord convient le mieux ; la basse y doit toujours arriver en montant, & le dessus doit syncoper. Voyez SYNCOPE, SUPPOSITION, ACCORD.


NEUVILLER(Géog.) petite ville de France en Alsace, au pié d'une haute montagne. Long. 25, 4. lat. 48. 20.


NEUVY(Géog.) ce mot a été formé du latin Novus vicus, ou de Noviacus, Noviacum, mots corrompus de Novus vicus. Tous les lieux en France appellés Neuvy, ont cette origine ; c'est pourquoi le village en Berry nommé Neuvy-sur-Barangeon ne peut pas être la ville Noviodunum, que l'armée de César trouva sur son chemin dans le pays des Bituriges (le Berry), lorsqu'elle s'approcha de l'armée de Vercingentorix. M. Lancelot l'a prouvé contre l'opinion de M. de Valois.


NEVELS. m. (Comm.) petite monnoie de bas aloi dont on se sert le long de la côte de Coromandel. Le nevel vaut depuis trois cassers jusqu'à six.


NEVERS(Géog.) ville de France, capitale du Nivernois, avec titre de duché, un ancien château, & un évêché suffragant de Sens. Elle est bâtie en forme d'amphithéâtre sur la Loire, qui y passe sous un pont au bout duquel est une levée du côté de Moulins. Nevers est à 12 lieues N. O. de Moulins, 10 S. E. de Bourges, 30 S. E. d'Orléans, 34 S. O. de Dijon, 55 S. E. de Paris. Long. 20. 49'. 25''. latit. 53. 13.

Nevers n'est point la Noviodunum de César, située dans le pays des Eduens ; son plus ancien nom est celui de Nivernum, qui a été formé à cause de la riviere de Nievre, qui se jette en cet endroit dans la Loire.

Après l'irruption des Barbares, Nevers resta sous la domination de ceux auxquels Autun appartenoit, & ce ne fut qu'ensuite qu'il fut érigé en cité & en ville épiscopale depuis le regne de Clovis. Après le déclin de la race de Charlemagne, les gouverneurs s'étant rendu absolus dans les villes où ils commandoient, le comte Guillaume devint propriétaire du comté de Nevers vers le milieu du x. siecle, sous le regne de Lothaire.

François de Cleves fut le premier duc de Nevers, après que cette ville eut été érigée en duché par François I. Le comté de Nevers est la premiere pairie créée en faveur d'un prince étranger.

On ne compte dans Nevers qu'environ 7000 ames, & son principal commerce consiste en verrerie & en fayance.

Cette ville a produit au xvj. siecle un célebre avocat du parlement de Paris, Marion (Simon), qui devint président aux enquêtes, puis avocat général. M. de Thou & les autres savans de son tems, en font les plus grands éloges. Les plaidoyers qu'il mit au jour en 1594, ne sont point tombés dans l'oubli. Il mourut à Paris en 1605, âgé de 65 ans.

Marigny (Jacques Carpentier de), poëte françois du xvij. siecle, étoit de Nevers ; il avoit beaucoup voyagé, & embrassa le parti de M. le prince de Condé. Son poëme du pain-beni renferme une satyre assez délicate contre les marguilliers de Saint Paul, qui vouloient le forcer à rendre le pain-beni. Gui-Patin s'est trompé en lui attribuant le traité politique contre les tyrans, vindiciae contra tyrannos. Il mourut à Paris en 1670.

Ravisius-Textor, grammairien françois du xv. siecle, étoit aussi natif de Nevers. On estimoit encore ses ouvrages au commencement du siecle suivant, parce que la France sortoit à peine de la barbarie. Il mourut à Paris en 1522.

Mais il ne faut pas oublier Billaut (Adam), connu sous le nom de maître Adam, menuisier de Nevers sa patrie, vivant sur la fin du regne de Louis XIII. Cet homme singulier, sans lettres & sans études, devint poëte dans sa boutique. On l'appelloit de son tems le Virgile au rabot. En effet, ses principaux ouvrages sont le rabot, les chevilles, le vilebrequin, & les autres outils de son métier. Enfin, dit M. de Voltaire, on ne peut s'empêcher de citer de lui le rondeau suivant, qui vaut mieux que beaucoup de rondeaux de Benserade.

Pour te guérir de cette sciatique,

Qui te retient comme un paralitique

Entre deux draps sans aucun mouvement ;

Prends-moi deux brocs d'un fin jus de sarment ;

Puis lis comment on les met en pratique :

Prends-en deux doigts & bien chaud les applique

Sur l'épiderme où la douleur te pique,

Et tu boiras le reste promptement

Pour te guérir.

Sur cet avis ne sois point hérétique ;

Car je te fais un serment autentique

Que si tu crains ce doux médicament,

Ton médecin, pour ton soulagement,

Fera l'essai de ce qu'il communique

Pour te guérir.

Maître Adam étant venu à Paris pour un procès, au lieu de plaider, fit des vers à la louange du cardinal de Richelieu, dont il obtint une pension. Gaston, frere de Louis XIII. répandit aussi sur lui ses liberalités. Il mourut en 1662. (D.J.)


NEVEUS. m. (Jurispr.) fratris ou sororis filius ; est le fils du frere ou de la soeur de celui dont on parle ; de même la niece est la fille du frere ou de la soeur. Les neveux & nieces sont parens de leurs oncles & tantes au troisieme degré, selon le droit civil, & au deuxieme, selon le droit canon. L'oncle & la niece, la tante & le neveu, ne peuvent se marier ensemble sans dispense, laquelle s'accorde même difficilement.

Suivant le droit romain, les neveux enfans des freres germains concourent dans la succession avec leurs oncles, freres germains du défunt ; ils excluent même leurs oncles qui sont seulement consanguins ou utérins. Nov. 118. cap. iij.

Dans la coutume de Paris, & beaucoup d'autres semblables, l'oncle & le neveu d'un défunt succedent également, comme étant en même degré. Coutume de Paris, art. 339. (A)


NEVOLI(Mat. méd.) c'est le nom que les Italiens donnent à l'huile essentielle des fleurs d'orange. Voyez au mot ORANGE.


NEVROTOMIES. f. dissection des nerfs.


NEW-JERSEou NOUVELLE-JERSEY, (Géog.) province de la nouvelle Albion, divisée en Est-Jersey, ou Jersey-orientale, & en Ouest-Jersey, ou Jersey-occidentale.

La province d'Est-Jersey est située entre le 39 & le 41d de latitude septentrionale. Elle est bornée au S. E. par la mer Océane, & à l'est par un gros torrent navigable, appellé la riviere de Hudson. La commodité de la situation, & la bonté de l'air, ont engagé les Anglois à y élever quatre ou cinq villes considérables. Tous les avantages s'y trouvent pour la navigation ; les bâtimens peuvent demeurer en sureté dans la baie de Sand-Hoock, au fort des plus grandes tempêtes ; l'on peut les expédier de tous les vents, & entrer & sortir en été comme en hiver. Il y a quantité de bois propre pour la construction des navires. La pêche y est abondante ; la terre y produit les especes de grains qui croissent en Angleterre, de bon lin, & des chanvres.

La province d'Ouest-Jersey s'étend sur la mer, & ne le cede point à celle d'Est-Jersey. C'est une des meilleures colonies de toute l'Amérique. On y trouve des fourrures de castors, de renards noirs, de loutres, &c. Le tabac y vient à merveille, & la pêche de la morue y est abondante. (D.J.)


NEW-ZO(Géog.) ville de la haute Hongrie, la troisieme des sept villes des montagnes, avec titre de comté. Il y a dans cette ville & aux environs les plus belles mines de cuivre qui soient en Hongrie, mais comme il est fort attaché à la pierre qui est dans la mine, on a bien de la peine à l'en tirer. Quand on en est venu à bout, on le fait brûler & fondre quatorze fois avant qu'on puisse s'en servir. New-zol est située sur la riviere de Grau, à 14 lieues N. E. de Léopolistad. Long. 37. 24. lat. 48. 40.


NEWCASTLE(Géog.) ville d'Angleterre, capitale du Northumberland, avec titre de duché. Elle est grande, bien peuplée, négociante, riche & bâtie sur le penchant d'une colline avec un quai sur la riviere pour la commodité des vaisseaux qui y abordent.

On nommoit anciennement le lieu où l'on a bâti Newcastle, Girviorum regio. Cambden dit qu'elle s'appelloit autrefois Monkester, & qu'elle ne prit le nom de Newcastle, qui signifie château neuf, que d'un château qui y fut élevé pour sa défense par le prince Robert, fils de Guillaume le Conquérant. On en voit encore quelques pans de murailles.

C'est à Newcastle que se fait le grand négoce du charbon-de-terre, cette ville étant presque toute environnée de mines de charbon qu'on y prend pour l'usage. Londres seule en consomme 600 mille chaldrons par année à 26 boisseaux le chaldron. De-là vient qu'on voit presque toujours à Newcastle des flottes de vaisseaux charbonniers, dont le rendez-vous est à Shelas, à l'embouchure de la Tyne. C'est en particulier ce négoce qui rend Newcastle opulente.

Elle jouit d'ailleurs de grands privileges, qu'elle obtint sous la reine Elisabeth. Elle est du nombre de celles qui se gouvernent elles-mêmes (couunti-towns), indépendamment du lieutenant de la province. Elle est sur la Tyne, à 7 milles de la mer & 212 N. O. de Londres. Long. selon Street, 20. 11. 15. lat. 55. 3.

Newcastle est la patrie du vénérable Bede, qui y naquit en 672, & mourut en 735 à 63 ans, après avoir été l'ornement de l'Angleterre, & l'un des plus savans hommes de son siecle. Il s'appliqua également à l'étude des sciences sacrées & profanes. Ses ouvrages ont été imprimés à Bâle & à Cologne en 8. vol. infol. Le plus précieux de tous est l'histoire ecclésiastique d'Angleterre ; car ses commentaires ne sont que des passages des Peres liés ensemble dans un style plus simple qu'élégant. (D.J.)


NEWFIDLERZÉE(Géog.) lac situé dans la basse Autriche, à quelques milles du Danube, & au midi de ce fleuve. Les Allemands ne lui donnent le nom de mer Zée, qu'à cause de la quantité de poisson qu'on y prend. Pline, liv. III. chap. xxiv. l'appelle Peiso. Il a 7 milles d'Allemagne de longueur, & 3 milles de largeur. (D.J.)


NEWMARKET(Géog.) grande plaine d'Angleterre, sur les frontieres de Suffolk & de Cambridge. Elle est fameuse par les courses à cheval qui s'y font ordinairement après la saint Michel & au mois d'Avril : le roi Charles II. y a bâti une maison royale.


NEWPLYMOUTH(Géogr.) ville & colonie angloise dans l'Amérique septentrionale sur la côte de la nouvelle Angleterre, où elle est la capitale d'une province nommée aussi Plymouth. Cette province s'étend l'espace de 100 milles le long de la mer, sur environ 50 milles de largeur, & elle forme la plus ancienne colonie de la nouvelle Angleterre. La capitale consiste en quatre ou cinq cent familles. Long. 306. 35. lat. 41. 30.


NEWPORT(Géog.) bourg d'Angleterre, chef-lieu de l'île de Wight, avec titre de baronie. Medena étoit l'ancien nom de ce bourg, selon plusieurs savans ; il a le privilege de députer au parlement, est assez grand, bien peuplé, avec un havre défendu par un château. Long. 16. 25. lat. 50. 36.

Il y a un autre Newport ou ville à marché dans le Buckinghamshire ; un autre dans le Monmoutshire ; & un troisieme dans la province de Cornouailles.

C'est à Newport, capitale de l'île de Wight, que naquit en 1571, James (Thomas) en latin Jamesius, savant docteur d'Oxford, & premier bibliothécaire de la bibliotheque Bodléïenne. Il s'acquit une grande réputation, fut revétu de divers postes importans, & mourut en 1629, âgé d'environ 58. ans. On a de lui plusieurs ouvrages en latin & en anglois, dont la plûpart roulent sur des falsifications qu'il avoit trouvées dans les éditions des textes des peres. Il a traduit en anglois la Philosophie morale des Stoïciens, & a laissé quelques ouvrages manuscrits. Son traité de personâ & officio judicis apud Hebraeos aliosque populos, parut in -4°. & est estimé.


NEWRY(Géog.) petite ville d'Irlande dans le comté de Down, à 25 milles au S. O. de Dow, sur la riviere Newry, près des frontieres d'Armagh. Elle envoie deux députés au parlement de Dublin, & a le droit de tenir un marché public. Long. 10. 44. lat. 54. 18.

La petite riviere de Newry sort du Lough-Néagh, sépare le comté de Dow de celui d'Armagh, & va se jetter dans la mer, un peu au-dessous de la ville qui porte son nom.


NEWTONIANISMES. m. ou PHILOSOPHIE NEWTONIENNE, (Physiq.) c'est la théorie du méchanisme de l'univers, & particulierement du mouvement des corps célestes, de leurs lois, de leurs propriétés, telle qu'elle a été enseignée par M. Newton. Voyez PHILOSOPHIE.

Ce terme de philosophie newtonienne a été différemment appliqué, & de-là sont venues plusieurs notions de ce mot.

Quelques auteurs entendent par là la philosophie corpusculaire, telle qu'elle a été réformée & corrigée par les découvertes dont M. Newton l'a enrichie. Voyez CORPUSCULAIRE.

C'est dans ce sens que M. Sgravesande appelle ses élémens de Physique, Introductio ad philosophiam newtonianam.

Dans ce sens, la philosophie newtonienne n'est autre chose que la nouvelle philosophie, différente des philosophies cartésienne & péripatéticienne, & des anciennes philosophies corpusculaires. Voyez ARISTOTELISME, PERIPATETISME, CARTESIANISME, &c.

D'autres entendent par philosophie newtonienne la méthode que M. Newton observe dans sa philosophie, méthode qui consiste à déduire ses raisonnemens & ses conclusions directement des phénomenes, sans aucune hypothèse antécédente, à commencer par des principes simples, à déduire les premieres lois de la nature d'un petit nombre de phénomenes choisis, & à se servir de ces lois pour expliquer les autres effets. Voyez LOIS DE LA NATURE au mot NATURE.

Dans ce sens la philosophie newtonienne n'est autre chose que la physique experimentale, & est opposée à l'ancienne philosophie corpusculaire. Voyez EXPERIMENTALE.

D'autres entendent par philosophie newtonienne, celle où les corps physiques sont considérés mathématiquement, & où la géométrie & la méchanique sont appliquées à la solution des phénomenes.

La philosophie newtonienne prise dans ce sens, n'est autre chose que la philosophie méchanique & mathématique. Voyez MECHANIQUE & PHYSICO-MATHEMATIQUE.

D'autres entendent par philosophie newtonienne, cette partie de la Physique que M. Newton a traitée, étendue, & expliquée dans son livre des Principes.

D'autres enfin entendent par philosophie newtonienne, les nouveaux principes que M. Newton a apportés dans la Philosophie, le nouveau système qu'il a fondé sur ces principes, & les nouvelles explications des phénomenes qu'il en a déduites ; en un mot ce qui caractérise sa philosophie & la distingue de toutes les autres : c'est dans ce sens que nous allons principalement la considérer.

L'histoire de cette philosophie est fort courte ; les principes n'en furent publiés qu'en 1686, par l'auteur, alors membre du college de la Trinité à Cambridge, ensuite publiés de nouveau en 1713, avec des augmentations considérables.

En 1726, un an avant la mort de l'auteur, on donna encore une nouvelle édition de l'ouvrage qui les contient, & qui est intitulé Philosophiae naralis principia mathematica, ouvrage immortel, & un des plus beaux que l'esprit humain ait jamais produits.

Quelques auteurs ont tenté de rendre la philosophie newtonienne plus facile à entendre, en mettant à part ce qu'il y avoit de plus sublime dans les recherches mathématiques, & y substituant des raisonnemens plus simples, ou des expériences : c'est ce qu'ont fait principalement Whiston dans ses Praelectiones physico-mathem. s'Gravesande dans ses Elémens & Institutions.

M. Pemberton, membre de la Société royale de Londres, & auteur de la 3e édition des Principes, a donné aussi un ouvrage intitulé Wiew of the newtonian philosophy, idée de la philosophie de Newton ; cet ouvrage est une espece de commentaire par lequel l'auteur a tâché de mettre cette philosophie à la portée du plus grand nombre des géometres & des physiciens : les peres le Sueur & Jacquier, minimes, ont aussi donné au public en trois volumes in -4°. le livre des principes de Newton avec un commentaire fort ample, & qui peut être très-utile à ceux qui veulent lire l'excellent ouvrage du philosophe anglois. On doit joindre à ces ouvrages celui de M. Maclaurin, qui a pour titre, Exposition des découvertes du chevalier Newton, traduite en françois depuis quelques années, & le commentaire que madame la marquise du Chatelet nous a laissé sur les principes de Newton, avec une traduction de ce même ouvrage.

Nonobstant le grand mérite de cette philosophie, & l'autorité universelle qu'elle a maintenant en Angleterre, elle ne s'y établit d'abord que fort lentement ; à peine le Newtonianisme eut-il d'abord dans toute la nation deux ou trois sectateurs : le cartésianisme & le léibinitianisme y regnoient dans toute leur force.

M. Newton a exposé cette philosophie dans le troisieme livre de ses principes ; les deux livres précédens servent à préparer, pour ainsi dire, la voie, & à établir les principes mathématiques qui servent de fondement à cette philosophie.

Telles sont les lois générales du mouvement, des forces centrales & centripetes, de la pesanteur des corps, de la resistance des milieux. Voyez CENTRAL, GRAVITE, RESISTANCE, &c.

Pour rendre ces recherches moins seches & moins géométriques, l'auteur les a ornées par des remarques philosophiques qui roulent principalement sur la densité & la resistance des corps, sur le mouvement de la lumiere & du son, sur le vuide, &c.

Dans le troisieme livre l'auteur explique sa philosophie, & des principes qu'il a posés auparavant il déduit la structure de l'univers, la force de la gravité qui fait tendre les corps vers le Soleil & les planetes ; c'est par cette même force qu'il explique le mouvement des cometes, la théorie de la Lune, & le flux & reflux.

Ce livre, que nous appellons de mundi systemate, avoit d'abord été écrit dans une forme ordinaire, comme l'auteur nous l'apprend ; mais il considera dans la suite que les lecteurs peu accoutumés à des principes tels que les siens, pourroient ne pas sentir la force des conséquences, & auroient peine à se défaire de leurs anciens préjugés ; pour obvier à cet inconvénient, & pour empêcher son système d'être l'objet d'une dispute éternelle, l'auteur lui donna une forme mathématique en l'arrangeant par propositions, desorte qu'on ne peut la lire & l'entendre que quand on est bien au fait des principes qui précedent ; mais il n'est pas nécessaire d'entendre généralement tout. Plusieurs propositions de cet ouvrage seroient capables d'arrêter les géometres même de la plus grande force. Il suffit d'avoir lû les définitions, les lois du mouvement, & les trois premieres sections du premier livre, après quoi l'auteur avertit lui-même qu'on peut passer au livre de systemate mundi.

Les différens points de cette philosophie sont expliqués dans ce dictionnaire aux articles qui y ont rapport. Voyez SOLEIL, LUNE, PLANTE, COMETE, TERRE, MILIEU, MATIERE, &c. nous nous contenterons de donner ici une idée générale du tout, pour faire connoître au lecteur le rapport que les différentes parties de ce système ont entr'elles.

Le grand principe sur lequel est fondée toute cette philosophie, c'est la gravitation universelle : ce principe n'est pas nouveau. Kepler, long-tems auparavant, en avoit donné les premieres idées dans son Introd. ad mot. martis. il découvrit même quelques propriétés qui en résultoient, & les effets que la gravité pouvoit produire dans les mouvemens des planetes ; mais la gloire de porter ce principe jusqu'à la démonstration physique, étoit reservée au philosophe anglois. Voyez GRAVITE.

La preuve de ce principe par les phénomenes, jointe avec l'application de ce même principe aux phénomenes de la nature, ou l'usage que fait l'auteur de ce principe pour expliquer ces phénomenes, constitue le système de M. Newton, dont voici l'extrait abrégé.

I. Les phénomenes sont 1°. que les satellites de Jupiter décrivent autour de cette planete des aires proportionnelles aux tems, & que les tems de leurs révolutions sont entr'eux en raison sesquiplée de leurs distances au centre de Jupiter, observation sur laquelle tous les Astronomes s'accordent. 2°. Le même phénomene a lieu dans les satellites de Saturne, considérés par rapport à Saturne, & dans la Lune considérée par rapport à la Terre. 3°. Les tems des révolutions des planetes premieres autour du Soleil sont en raison sesquiplée de leurs moyennes distances au Soleil. 4°. Les planetes premieres ne décrivent point autour de la terre des aires proportionnelles aux tems : elles paroissent quelquefois stationnaires, quelquefois rétrogrades par rapport à elle. Voyez SATELLITE, PERIODE.

II. La force qui détourne continuellement les satellites de Jupiter du mouvement rectiligne & qui les retient dans leurs orbites, est dirigée vers le centre de Jupiter, & est en raison inverse du quarré de la distance à ce centre : la même chose a lieu dans les satellites de Saturne à l'égard de Saturne, dans la Lune à l'égard de la Terre, & dans les planetes premieres à l'égard du Soleil ; ces vérités sont une suite du rapport observé des distances aux tems périodiques, & de la proportionnalité des aires aux tems. Voyez les articles CENTRAL & FORCE, où vous trouverez tous les principes nécessaires pour tirer ces conséquences.

III. La Lune pese vers la terre, & est retenue dans son orbite par la force de la gravité ; la même chose a lieu dans les autres satellites à l'égard de leurs planetes premieres, & dans les planetes premieres à l'égard du Soleil. Voyez LUNE & GRAVITATION.

Cette proposition se prouve ainsi pour la Lune : la moyenne distance de la Lune à la Terre est de 60 demi diametres terrestres ; sa période, par rapport aux étoiles fixes, est de 27 jours, 7 heures, 43 minutes ; enfin la circonférence de la terre est de 123249600 piés de Paris. Supposons présentement que la Lune ait perdu tout son mouvement & tombe vers la Terre avec une force égale à celle qui la retient dans son orbite, elle parcouroit dans l'espace d'une minute de tems 15 1/12 piés de Paris, puisque l'arc qu'elle décrit par son moyen mouvement autour de la Terre, dans l'espace d'une minute, a un sinus verse égal à 15 1/12 piés de Paris, comme il est aisé de le voir par le calcul ; or comme la force de la gravité doit augmenter en approchant de la Terre en raison inverse du quarré de la distance, il s'ensuit que proche la surface de la Terre, elle sera 60 x 60 fois plus grande qu'à la distance où est la Lune ; ainsi un corps pesant qui tombe proche la surface de la Terre, doit parcourir dans l'espace d'une minute, 60 x 60 x 15 1/12 piés de Paris, & 15 1/12 piés en une seconde.

Or c'est là en effet l'espace que parcourent en une seconde les corps pesans, comme Huyghens l'a démontré par les expériences des pendules : ainsi la force qui retient la Lune dans son orbite, est la même que celle que nous appellons gravité ; car si elles étoient différentes, un corps qui tomberoit proche la surface de la Terre, poussé par les deux forces ensemble, devroit parcourir le double de 15 1/12 piés, c'est-à-dire 30 1/6 piés dans une seconde, puisque d'un côté la pesanteur lui feroit parcourir 15 piés, & que de l'autre la force qui attire la Lune, & qui regne dans tout l'espace qui sépare la Lune de la Terre, en diminuant comme le quarré de la distance, seroit capable de faire parcourir aux corps d'ici bas 15 piés par secondes, & ajouteroit son effet à celui de la pesanteur. La proposition dont il s'agit ici a déjà été démontrée au mot GRAVITE, mais avec moins de détail & d'une maniere un peu différente, & nous n'avons pas cru devoir la supprimer, afin de laisser voir à nos lecteurs comment on peut parvenir de différentes manieres à cette vérité fondamentale. Voyez DESCENTE.

A l'égard des autres planetes secondaires, comme elles observoient par rapport à leurs planetes premieres les mêmes lois que la Lune par rapport à la Terre, l'analogie seule fait voir que ces lois dépendent des mêmes causes. De plus, l'attraction est toujours réciproque, c'est-à-dire la réaction est égale à l'action ; ainsi les planetes premieres gravitent vers leurs planetes secondaires, la Terre gravite vers la Lune, & le Soleil gravite vers toutes les planetes à-la-fois, & cette gravité est dans chaque planete particuliere à très-peu près en raison inverse du quarré de la distance au centre commun de gravité. Voyez ATTRACTION, REACTION, &c.

IV. Tous les corps gravitent vers toutes les planetes, & leurs pesanteurs vers chaque planete sont, à égales distances, en raison directe de leur quantité de matiere.

La loi de la descente des corps pesans vers la Terre, mettant à part la résistance de l'art, est telle : tous les corps, à égales distances de la Terre, tombent également en tems égaux.

Supposons, par exemple, que des corps pesans soient portés jusqu'à la surface de la Lune ; & que privés en même tems que la Lune de tout mouvement progressif, ils retombent vers la Terre ; il est démontré que dans le même tems ils décriroient les mêmes espaces que la Lune ; de plus, comme les satellites de Jupiter font leurs révolutions dans des tems qui sont en raison sesquiplée de leurs distances à Jupiter, & qu'ainsi à distances égales la force de la gravité seroit la même en eux ; il s'ensuit que tombant de hauteurs égales en tems égaux, ils parcouroient des espaces égaux précisément comme les corps pesans qui tombent sur la terre ; on fera le même raisonnement sur les planetes premieres considérées par rapport au Soleil. Or la force par laquelle des corps inégaux sont également accélérés, est comme leur quantité de matiere. Ainsi le poids des corps vers chaque planete est comme la quantité de matiere de chacune, en supposant les distances égales. De même le poids des planetes premieres & secondaires vers le Soleil, est comme la quantité de matiere des planetes & des satellites. Voyez MATIERE.

V. La gravité s'étend à tous les corps, & la force avec laquelle un corps en attire un autre, est proportionnelle à la quantité de matiere que chacun contient.

Nous avons déja prouvé que toutes les planetes gravitent l'une vers l'autre ; & que la gravité vers chacune en particulier est en raison inverse du quarré de la distance à son centre, conséquemment la gravité est proportionnelle à leur quantité de matiere. De plus comme toutes les parties d'une planete A gravitent vers l'autre planete B, & que la gravité d'une partie est à la gravité du tout, comme cette partie est au tout ; qu'enfin la réaction est égale à l'action, la planete B doit graviter vers toutes les parties de la planete A, & sa gravité vers une partie sera à sa gravité vers toute la planete, comme la masse de cette partie est à la masse totale.

De-là on peut déduire une méthode pour trouver & comparer les gravités des corps vers différentes planetes, pour déterminer la quantité de matiere de chaque planete & sa densité ; en effet les poids de deux corps égaux qui font leurs révolutions autour d'une planete, sont en raison directe des diametres de leurs orbes, & inverse des quarrés de leurs tems périodiques, & leurs pesanteurs à différentes distances du centre de la planete sont en raison inverse du quarré de ces distances. Or puisque les quantités de matiere de chaque planete sont comme la force avec laquelle elles agissent à distance donnée de leur centre, & qu'enfin les poids de corps égaux & homogenes vers des spheres homogenes sont à la surface de ces spheres en raison de leurs diametres, conséquemment les densités des planetes sont comme le poids d'un corps qui seroit placé sur ces planetes à la distance de leurs diametres. De-là M. Newton conclut que l'on peut trouver la masse des planetes qui ont des satellites, comme le Soleil, la Terre, Jupiter & Saturne ; parce que par les tems des révolutions de ces satellites on connoît la force avec laquelle ils sont attirés. Ce grand philosophe dit que les quantités des matieres du Soleil, de Jupiter, de Saturne, & de la terre sont comme 1, 1/1033 1 1/2411 & 1/227512 ; les autres planetes n'ayant point de satellites, on ne peut connoître la quantité de leur masse. Voyez DENSITE.

VI. Le centre de gravité commun du Soleil & des planetes est en repos ; & le Soleil, quoique toujours en mouvement, ne s'éloigne que fort peu du centre commun de toutes les planetes.

Car la quantité de matiere du Soleil étant à celle de Jupiter, comme 1033 à 1, & la distance de Jupiter au Soleil étant au demi diametre du Soleil dans un rapport un peu plus grand ; le centre commun de gravité du Soleil & de Jupiter sera un peu audelà de la surface du Soleil. On trouvera par le même raisonnement que le centre commun de gravité de Saturne & du Soleil sera un point un peu en-deçà de la surface du Soleil ; desorte que le centre de gravité commun du Soleil & de la Terre & de toutes les planetes sera à peine éloigné du centre du Soleil de la grandeur d'un de ses diametres. Or ce centre est toujours en repos ; car en vertu de l'action mutuelle des planetes sur le Soleil & du Soleil sur les planetes, leur centre commun de gravité doit ou être en repos ou se mouvoir uniformément en ligne droite : or s'il se mouvoit uniformément en ligne droite, nous changerions sensiblement de position par rapport aux étoiles fixes ; & comme cela n'arrive pas, il s'ensuit que le centre de gravité de notre système planétaire est en repos. Par conséquent quel que soit le mouvement du Soleil dans un sens, & dans un autre, selon la différente situation des planetes, il ne peut jamais s'éloigner beaucoup de ce centre. Ainsi le centre commun de gravité du Soleil, de la Terre & des planetes peut être pris pour le centre du monde. Voyez SOLEIL & CENTRE.

VII. Les planetes se meuvent dans des ellipses dont le centre du Soleil est le foyer, & décrivent des aires autour du Soleil qui sont proportionnelles aux tems.

Nous avons déja exposé ce principe à posteriori comme un phénomene : mais maintenant que nous avons dévoilé le principe des mouvemens célestes, nous pouvons démontrer à priori le phénomene dont il s'agit de la maniere suivante : puisque les pesanteurs de chaque planete vers le Soleil sont en raison inverse du quarré de la distance ; si le Soleil étoit en repos & que les planetes n'agissent point les unes sur les autres, chacune décriroit autour du Soleil une ellipse dont le Soleil occuperoit le foyer, & dans laquelle les aires seroient proportionnelles aux tems. Mais comme l'action mutuelle des planetes est fort petite, & que le centre du Soleil peut être sensé immobile, il est clair que l'on peut négliger l'effet de l'action des planetes & le mouvement du Soleil ; donc, &c. Voyez PLANETE & ORBITE.

VIII. Il faut avouer cependant que l'action de Jupiter sur Saturne produit un effet assez considérable ; & que, selon les différentes situations & distances de ces deux planetes, leurs orbites peuvent en être un peu dérangées.

L'orbite du Soleil est aussi dérangée un peu par l'action de la Lune sur la Terre, le centre commun de gravité de ces deux planetes décrit une ellipse dont le Soleil est le foyer, & dans laquelle les aires prises autour du Soleil sont proportionnelles aux tems. Voyez TERRE & SATURNE.

IX. L'axe de chaque planete, ou le diametre qui joint ses poles, est plus petit que le diametre de son équateur.

Les planetes, si elles n'avoient point de mouvement diurne sur leur centre, seroient des spheres, puisque la gravité agiroit également par-tout ; mais en vertu de leur rotation les parties éloignées de l'axe font effort pour s'élever vers l'équateur, & s'éleveroient en effet si la matiere de la planete étoit fluide. Aussi Jupiter qui tourne fort vîte sur son axe a été trouvé par les observations considérablement applati vers les poles. Par la même raison, si notre Terre n'étoit pas plus élevée à l'équateur qu'aux poles, la mer s'éleveroit vers l'équateur & inonderoit tout ce qui en est proche. Voyez FIGURE DE LA TERRE.

M. Newton prouve aussi à posteriori que la Terre est applatie vers les poles, & cela par les oscillations du pendule qui sont de plus courte durée sous l'équateur que vers le pole. Voyez PENDULE.

X. Tous les mouvemens de la Lune & toutes les inégalités qu'on y observe découlent, selon M. Newton, des mêmes principes, savoir de sa tendance ou gravitation vers la Terre, combinée avec sa tendance vers le Soleil ; par exemple, son inégale vîtesse, celle de ses noeuds & de son apogée dans les syzigies & dans les quadratures, les différences & les variations de son excentricité, &c. Voyez LUNE.

XI. Les inégalités du mouvement lunaire peuvent servir à expliquer plusieurs inégalités qu'on observe dans le mouvement des autres satellites. Voyez SATELLITES, &c.

XII. De tous ces principes, sur-tout de l'action du Soleil & de la Lune sur la Terre, il s'ensuit que nous devons avoir un flux & reflux, c'est-à-dire que la mer doit s'élever & s'abaisser deux fois par jour. Voyez FLUX & REFLUX, ou MAREE.

XIII. De-là se déduit encore la théorie entiere des cometes ; il en résulte entr'autres choses qu'elles sont au-dessus de la région de la Lune & dans l'espace planétaire ; que leur éclat vient du Soleil, dont elles réflechissent la lumiere ; qu'elles se meuvent dans des sections coniques dont le centre du Soleil occupe le foyer, & qu'elles décrivent autour du Soleil des aires proportionnelles aux tems ; que leurs orbites ou trajectoires sont presque des paraboles ; que leurs corps sont solides, compacts & comme ceux des planetes, & qu'elles doivent par conséquent recevoir dans leur périhélie une chaleur immense ; que leurs queues sont des exhalaisons qui s'élevent d'elles & qui les environnent comme une espece d'athmosphere. Voyez COMETE.

Les objections qu'on a faites contre cette philosophie ont sur-tout pour objet le principe de la gravitation universelle ; quelques-uns regardent cette gravitation prétendue comme une qualité occulte, les autres la traitent de cause miraculeuse & surnaturelle, qui doit être bannie de la saine philosophie ; d'autres la rejettent, comme déduisant le système des tourbillons ; d'autres comme supposant le vuide ; on trouvera la réponse des Newtoniens à ces objections dans les articles GRAVITE, ATTRACTION, TOURBILLON, &c.

A l'égard du système de M. Newton sur la lumiere & les couleurs, voyez COULEUR & LUMIERE ; voyez aussi aux articles ALGEBRE, GEOMETRIE & DIFFERENTIEL, les découvertes géométriques de ce grand homme. Chambers.

Nous n'avons rien à ajouter à cet article sur l'exposition de la philosophie newtonienne, sinon de prier le lecteur de ne point en séparer la lecture de celle des mots ATTRACTION & GRAVITE. Plus l'Astronomie & l'Analyse se perfectionnent, plus on apperçoit d'accord entre les principes de M. Newton & les phénomenes. Les travaux des Géometres de ce siecle ont donné à cet admirable système un appui inébranlable. On peut en voir le détail aux articles LUNE, FLUX & REFLUX, NUTATION, PRECESSION, &c.

Cependant M. Newton a essayé de déterminer celle de la Lune par la hauteur des marées ; il trouve qu'elle est environ la 39e partie de la masse de la Terre. Sur quoi voyez l'article LUNE. (O)


NEWTOWN(Géog.) ville d'Irlande au comté de Down, à une lieue S. de Bangoo, sur le côté septentrional du lac de Strancfort. Elle envoie deux députés au parlement de Dublin. Long. 11. 55. lat. 54. 40.


NEXUS(Droit rom.) c'est-à-dire, citoyen attaché par esclavage à son créancier pour dettes. On appelloit nexi chez les Romains ceux qui ayant contracté des dettes, & ne les pouvant acquiter au jour marqué, devenoient les esclaves de leurs créanciers, qui pouvoient non-seulement les faire travailler pour eux, mais encore les mettre aux fers, & les tenir en prison. Liber qui sua opera in servitute pro pecuniâ quam debet, dum solveret, dat, nexus vocatur, dit Varron.

La condition de ces débiteurs, appellés aussi addicti, étoit d'autant plus misérable, que leurs travaux & leurs peines n'entroient point en déduction de leurs dettes ; mais lorsqu'ils avoient payé, ils recouvroient avec la liberté tous leurs droits : car cette espece d'esclavage étoit différente du véritable esclavage, en ce que les nexi pouvoient malgré leur maître se délivrer de la servitude, en payant leur dette, & en ce qu'ils n'étoient point regardés comme affranchis après être sortis de servitude, mais comme citoyens libres, ingenui, puisqu'ils ne perdoient pas la qualité de citoyen romain, pouvant même servir dans les légions romaines. Servus cùm manumittitur fit libertinus ; addictus, receptâ libertate, est ingenuus. Servus invito domino libertatem non consequitur ; addictus solvendo, citra voluntatem domini consequitur ; ad servum nulla lex pertinet. Addictus legem habet ; propria liberi, quae nemo habet nisi liber, praenomen, nomen, cognomen, tribuni habet haec addictus. Ce sont les termes de Quintilien.

Cette coutume fut en usage à Rome jusqu'à l'an 429, & elle donna occasion à bien des tumultes de la part des plébéïens : ils la regardoient comme une véritable tyrannie, qui obligeoit les enfans mêmes à se rendre esclaves pour les dettes de leurs peres. Un jeune homme nommé Caïus Publilius ayant été maltraité cruellement, pour n'avoir pas voulu condescendre aux desirs infames de Lucius Papirius son maître, à qui il s'étoit donné comme esclave pour les dettes de son pere : cui quùm se C. Publilius ob aes alienum paternum nexum dedisset, il excita la commisération des citoyens, & fut cause de la loi qui ordonnoit que les biens des débiteurs répondroient à l'avenir de l'argent prêté ; mais que les personnes seroient libres. Pecuniae creditae bona debitoris, non corpus obnoxium effet. Ita nexi soluti, cautumque in posterùm ne necterentur, dit Tite-Live, lib. VIII. c. xxviij. (D.J.)


NEYN(Géog.) ou Néane, ou Nyn, riviere d'Angleterre. Elle a sa source dans le Northamptonshire, qu'elle traverse ; & après avoir baigné les villes de Northampton & de Péterboroug, elle va se jetter dans le golfe de Boston. (D.J.)


NEYTRACHT(Géog.) ou Neytra, ville de la haute Hongrie, sur la riviere de Neytra, avec un évêché suffragant de Grau, à 26 lieues N. E. de Presbourg. Long. 36. 35. lat. 48. 28.


NEYVA(Géog.) baie de l'Amérique septentrionale, sur la côte méridionale de l'île Hispaniola ou de Saint-Domingue, environ à 30 lieues de la ville de San - Domingo vers l'ouest. Elle tire son nom de la riviere Neyva qui s'y décharge. (D.J.)


NEZS. m. (Anatomie) Les auteurs désignent par des noms différens les parties extérieures du nez ; ils nomment la supérieure la racine du nez ; l'inférieure, le globe du nez ; celle qui est entre deux, le dos du nez ; celles qui sont sur les bords des narines, les aîles du nez ; & celle qui les sépare, la colonne du nez.

Les parties qui composent la voûte du nez ne sont pas seulement la peau, & une très petite partie de graisse, il y a encore des os, des muscles & des cartilages.

Les os propres du nez forment la partie supérieure de la voûte du nez ; leur figure approche de la quarrée ; leur face externe est un peu convexe & assez unie, & l'interne concave & inégale : la partie supérieure de ces os se trouve beaucoup plus épaisse que l'inférieure ; celle-ci se trouve comme découpée inégalement pour favoriser l'attache des cartilages du nez.

Ces deux os étant joints ensemble, forment au-dedans du nez, le long de leur union, une rainure longitudinale qui reçoit la lame osseuse de l'etmoïde, sur laquelle ces os sont appuyés, de même que sur la partie inférieure & moyenne du coronal, & se trouvent aussi joints à une avance des os maxillaires. On remarque pour l'ordinaire aux os du nez un ou deux petits trous.

On compte pour l'ordinaire quatre muscles au nez, deux de chaque côté ; savoir le pyramidal & le myrtiforme. Le pyramidal a son attache fixe dans la jonction du coronal avec le frontal ; & descendant le long du nez, vient se terminer au cartilage qui forme l'entrée de la narine du même côté.

Le myrtiforme a son attache fixe à l'os maxillaire vis-à-vis le fond de l'alvéole de la dent canine, & va se terminer au même cartilage que le premier ; ces deux muscles en agissant, dilatent les narines.

On donne pour constricteur des narines un petit muscle qui a ses attaches fixes extérieurement au fond des alvéoles des premieres dents incisives, & se terminent aux aîles du nez.

Le muscle orbiculaire des levres paroît aussi avoir quelque part à cette action.

Les cartilages du nez sont au nombre de cinq : il y en a quatre qui forment la partie inférieure du nez, deux supérieurs & deux inférieurs. Ces derniers composent principalement les narines ; le cinquieme fait la partie antérieure & moyenne de la cloison qui sépare l'intérieur du nez en deux cavités, dont les narines sont l'entrée. Ces deux cavités ne sont pas seulement formées par la disposition particuliere des deux os superieurs du nez & des cartilages dont je viens de parler, les os maxillaires unis ensemble & ceux du palais en font aussi une portion considérable ; l'os sphénoïde & l'etmoïde concourent aussi avec le vomer à la formation des parois des cavités du nez ; & la jonction de l'etmoïde avec le vomer fait la portion osseuse de la cloison des narines.

On considere plusieurs choses dans chaque cavité du nez. On voit dans la partie supérieure la portion cellulaire de l'os etmoïde, & dans l'inférieure, les os spongieux. On y découvre aussi les embouchures des sinus frontaux dans les cellules de l'os etmoïde ; celle des sinus maxillaires de chaque côté, entre la portion cellulaire de l'os etmoïde & les lames inférieures du nez & les embouchures des sinus sphénoïdaux, s'apperçoivent dans la partie postérieure & inférieure du nez. On découvre outre cela dans le nez les orifices des conduits lacrymaux & des incisifs, & enfin la communication des cavités du nez avec le gosier.

Il faut remarquer que chaque cavité du nez se trouve tapissée d'une membrane spongieuse, nommée pituitaire. Cette membrane recouvre aussi les cellules de l'os etmoïde, les os spongieux ou lames inférieures du nez, & les parois intérieures des sinus & des conduits lacrymaux & incisifs, & elle est parsemée dans toute son étendue de plusieurs grains glanduleux, qui fournissent l'humeur mucilagineuse dont elle est continuellement abreuvée. C'est principalement sur la portion de cette membrane qui recouvre les cellules de l'os etmoïde, que viennent s'épanouir les filets de la premiere paire des nerfs, & quelques rameaux de la cinquieme, qui reçoivent les impressions des corps odorans, & les transmettent jusqu'à l'ame pour la sensation de l'odorat.

Les arteres qui se distribuent au nez, lui viennent des carotides, & les veines vont se décharger dans les jugulaires.

Le nez n'est pas seulement l'organe de l'odorat, il sert encore à la respiration, à donner plus de force au son, à modifier la voix & à la rendre plus agréable, tant par sa cavité, que par celle des sinus qui y répondent.

Cette partie du visage varie beaucoup en grandeur & en figure dans les divers sujets dès le moment de leur naissance. Les negres, les Hottentots & quelques peuples de l'Asie bien différens des Juifs, ont presque tous le nez camus, écaché. La plûpart des anatomistes prétendent que cette camusité vient de l'art, & non de la nature. Comme les négresses, suivant le récit des voyageurs, portent leurs petits enfans sur le dos pendant qu'elles travaillent, il arrive qu'en se haussant & baissant par secousses, le nez de l'enfant doit donner contre le dos de la mere, & s'applatir insensiblement. Indépendamment de cette raison, le P. du Tertre rapporte que les negres écrasent le nez à leurs enfans, & leur pressent aussi les levres pour les rendre plus grosses ; ensorte que ceux à qui l'on n'a fait ni l'une ni l'autre de ces opérations, ont le nez élevé & les levres aussi minces que les Européens.

Cela peut être vrai des negres du Sénégal ; mais il paroît assez certain que dans presque tous les autres peuples negres, les grosses levres, de même que le nez large & épaté sont des traits donnés par la nature, qu'on a fait servir de modele à l'art qui est en usage chez eux & parmi d'autres peuples, d'écacher le nez, & de grossir les levres à ceux qui ont reçu la naissance avec cette perfection de moins. Comme c'est dans la forme plate qu'ils font consister la beauté du nez, le premier soin des meres après leur accouchement, est d'applatir le nez de leurs enfans, pour qu'ils ne soient pas difformes à leurs yeux, tant les idées de beauté sont bisarres chez les peuples de la terre.

Plusieurs ne se contentent pas de préférer l'applatissement du nez à son élévation, ils trouvent un nouvel agrément à se percer cette partie pour y passer toutes sortes d'ornemens de leur goût, & cet usage est fort étendu en Afrique & en Orient. Les negres de la nouvelle Guinée traversent leurs deux narines par une espece de cheville longue de trois ou quatre pouces. Les sauvages de la Guyane y passent des os de poissons, des plumes d'oiseaux & d'autres choses de ce genre. Les habitans de Guzarate, les femmes malabares & celles du golfe Persique y portent des anneaux, des bagues & d'autres joyaux. C'est une galanterie chez quelques peuples arabes, de baiser la bouche de leurs femmes à travers ces anneaux, qui sont quelquefois assez grands pour enfermer toute la bouche dans leur rondeur.

Les Européens au contraire ne se font percer que les oreilles pour les orner d'anneaux & de bijoux ; ils trouvent avec raison qu'il ne faut ni gêner ni gâter le nez, & qu'il contribue beaucoup à la beauté, quand il n'est ni trop grand, ni trop petit, ni trop écrasé, ni trop sortant au-dehors.

Sa forme & sa position plus avancée que celle de toutes les autres parties du visage, sont particulieres à l'espece humaine ; car dans aucun animal le nez ne fait un trait élevé. Les singes mêmes n'ont, pour ainsi dire, que des narines, ou du moins leur nez, qui est posé comme celui de l'homme, est si plat & si court, qu'on ne doit pas le regarder comme une partie semblable. Les oiseaux n'ont point de narines ; ils ont seulement deux trous & deux conduits pour la respiration & l'odorat, au lieu que les quadrupedes ont des naseaux ou des narines cartilagineuses comme les hommes.

Je ne sache aucun exemple d'enfant venu au monde avec la privation de la cloison du nez, ni avec les narines bouchées par un vice de conformation naturelle, & je sais même que l'accident d'un nez fermé contre nature par quelque maladie, s'offre très-rarement à l'art de la Chirurgie pour le percer.

NEZ, maladies du nez, (Médecine) Les usages du nez & des humeurs qui y abordent méritent une attention singuliere dans la pratique de médecine. Le défaut de conformation de cette cavité peut occasionner des changemens dans la respiration, dans la voix, dans l'haleine ; la mauvaise qualité de l'humeur qui y coule peut déranger entierement l'oeconomie animale.

1°. Si les sinus qui composent l'étendue du nez sont trop resserrés ou étranglés, leur cavité se trouvant diminuée, la membrane pituitaire aura moins d'étendue, l'organe de l'odorat sera plus borné, l'humeur muqueuse se filtrera en moindre quantité, ses issues seront moins libres & plus étroites, elle croupira plus long-tems, elle rendra punais ceux qui se trouveront attaqués de ces accidens : ce que le défaut de conformation occasionne, peut souvent arriver par l'inflammation de ces parties, par les changemens de l'air environnant, par des tumeurs qui surviendront dans cette cavité, des polypes, des tumeurs skirrheuses, des cancers & autres accidens de cette nature.

Les remedes que l'on pourroit apporter dans ces facheuses circonstances sont différens, selon les causes & leurs accidens. On peut les voir & les examiner tous en particulier & en leur lieu.

2°. La qualité viciée de l'humeur du nez est d'une grande conséquence dans l'oeconomie animale ; son épaississement occasionne une respiration difficile, seche & douloureuse, une toux seche, une difficulté de se moucher, un dessechement dans le nez, une chaleur, une sécheresse dans l'air, une acrimonie dans ses particules qui irrite les solides, les roidit & empêche les parois de la cavité de se prêter à l'action de l'air.

Sa trop grande fluidité rendant les parties trop humides, les relâche & les empêche d'exercer leur ressort ; le trop d'humidité de la membrane pituitaire fait que la sérosité y séjourne & y croupit, & que la morve qui abonde, fait perdre aux nerfs leur qualité & leur sensibilité : l'enchifrenement est souvent l'effet de cette qualité vicieuse de l'humeur pituitaire & muqueuse du nez. Pour guérir cette maladie, on doit évacuer la surabondance de sérosité par les purgatifs, les diaphorétiques, les expectorans, les salivans & autres remedes particuliers évacuans. Les infusions de lierre terrestre, d'hysope, de cataire sont bonnes dans ces cas.

La grande abondance de l'humeur muqueuse du nez occasionne une constipation extraordinaire, parce que la dérivation qui se fait de la mucosité dans le nez, en tarit la source dans les intestins ; & de cette façon les excrémens restent à sec & privés de leur véhicule, & de cette glutinosité qui leur permet de glisser le long de la cavité du cylindre intestinal : de-là vient que les gens qui mouchent & expectorent ou crachent beaucoup, sont d'ordinaire fort constipés : de là vient aussi que lorsque la morve est dessechée, le ventre est aussi paresseux, ce qui est ordinaire dans l'été ; au contraire lorsque la morve est délayée, les excrémens le sont aussi, ce qui arrive dans l'hiver, où la transpiration est diminuée, & où les sécrétions sont plus abondantes dans le nez & dans les intestins que vers la surface externe du corps.

NEZ COUPE, Staphylodendron, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le pistil sort du calice qui est profondément découpé, & devient dans la suite un fruit membraneux, renflé comme une vessie & divisé en plusieurs loges. Ce fruit renferme des semences fort dures, & pour ainsi dire, osseuses. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

NEZ COUPE, ou FAUX PISTACHIER, Staphylodendron, grand arbrisseau qui se trouve dans quelques contrées de l'Europe méridionale. Il prend quelquefois douze à quinze piés de hauteur sur un pié de circonférence, lorsqu'il se trouve dans un bon terrein : mais il ne s'éleve ordinairement dans les bois qu'à sept ou huit piés. Il fait une tige droite & une tête assez réguliere. Son écorce est lisse, unie & marquetée de points cendrés sur un fond brun. Sa feuille est composée de cinq & quelquefois de sept folioles oblongues, assez grandes, & attachées à une nervure commune. Cette feuille est d'un verd brun en-dessus & cendrée en-dessous. Ses fleurs paroissent à la fin d'Avril ; elles sont blanches, assez apparentes & attachées par grappes à des pédicules longs, menus & pendans. Les fruits qui succedent, sont des especes de vessies verdâtres, assez grandes, divisées en deux loges qui contiennent chacune deux ou trois noyaux de la grosseur d'un pois. Les enfans les cassent aussi aisément qu'une noisette, pour avoir l'amande qui est douce à manger, mais qui fait soulever le coeur. La substance de cette amande est d'une couleur verdâtre qui ressemble à celle de la pistache ; c'est apparemment ce qui a fait donner à cet arbrisseau le nom de pistachier sauvage. On l'appelle aussi nez coupé, parce que le noyau qui renferme la semence, ressemble à un bout de nez que l'on auroit coupé. On le nomme aussi bois saint Edme dans plusieurs endroits de la Bourgogne, parce qu'on raconte que ce saint avoit un bâton du bois de cet arbrisseau, qu'il piqua en terre & qui y fit racine. Le nez coupé croît dans les bois, dans les haies, dans les lieux frais, incultes & ombragés ; cependant il n'est pas commun. Il est très-robuste ; il se multiplie aisément, & il réussit par-tout, si ce n'est lorsqu'il est dans un terrein léger ; il souffre beaucoup dans les grandes chaleurs & les sécheresses.

Cet arbrisseau pousse quantité de rejettons du pié qui peuvent servir à le multiplier. On y parvient aussi, soit en couchant les branches au printems, ou en semant les noyaux peu après leur maturité qui arrive au mois de Septembre. Car si l'on différoit de les semer jusqu'au printems, la plûpart ne leveroient que l'année suivante. Par l'une ou l'autre méthode, on aura au bout d'un an des plans suffisamment enracinés pour être mis en pépiniere. Les branches couchées donneront tout-de-suite des fleurs ; mais les jeunes plants venus de semence, ne fleuriront qu'au bout de trois ou quatre ans : il ne faut pour la culture de cet arbrisseau aucun soin particulier,

On fait usage du nez coupé dans les jardins pour l'agrément. On peut le mettre dans les massifs des bosquets : on peut l'employer en arbre de ligne pour les allées, où il va de pair & figure fort bien avec le citise des Alpes, l'arbre de Judée, l'arbre de Sainte-Lucie, la rose de Gueldres, &c.

Son bois, quoique blanc, est dur, solide, compacte & de durée. Il peut être de quelqu'utilité lorsqu'il a acquis un peu de grosseur ; car il est frêle quand il est trop jeune. Il y a encore une autre espece de cet arbrisseau.

Le nez coupé de Virginie. Quoique cet arbrisseau vienne d'un climat assez chaud, il est tout aussi robuste que l'espece commune ; mais il ne s'éleve qu'à neuf ou dix piés dans les meilleurs terreins. Sa feuille n'est composée que de trois folioles plus petites & d'un verd plus clair que celle de l'espece précédente. Sa fleur est aussi plus petite & moins apparente ; les vessies qui succedent sont divisées en trois loges : elles renferment chacune un noyau plus petit dont l'amande est aussi d'un verd de pistaches. Le feuillage de cet arbrisseau fait tout son agrément. Article de M. DAUBENTON, subdélégué.

NEZ, (Critique sacrée) Il est défendu par le Lévitique, de recevoir pour le service de l'autel, un homme qui eût le nez trop petit, trop grand ou retroussé : si parvo, vel grandi, vel torto fuerit naso, Levit. XXI. xviij. Les Hébreux mettoient communément la colere dans le nez : ascendit fumus de naribus ejus, II. Reg. xxij. 9. Ce mot se prenoit aussi pour la fierté & grandeur d'ame : nasus tuus sicut turris Libani, est-il dit de l'épouse, Cant. vij. 4 : votre nez ne releve pas moins la beauté de votre visage, que cette tour embellit le mont Liban. Cette tour étoit la fierté qui rendoit le coeur de l'épouse inaccessible à tout autre qu'à son époux. Mettre un cercle au nez, c'est réprimer la fierté des orgueilleux. Nunquam posuit circulum in naribus ejus, Job. xl. 21. Enfin, cette phrase, donec exeat per nares vestras, Num. xxj. 20. marque le dégoût des viandes qu'auroient les Israélites murmurateurs. (D.J.)

On lit aussi dans le dict. de la bible que les Hébreux regardoient le nez comme le siege de la colere : ascendit fumus de naribus ejus, est-il dit au second livre des Rois, c. xxij. vers. 9. en parlant de la colere de Dieu : & dans le Pseaume xvij. vers. 9. ascendit fumus in ira ejus ; l'hébreu porte in naso ejus. Les anciens auteurs grecs & latins parlent à-peu-près de même. Ainsi Perse,

Disce : sed ira cadat naso, rugosaque sanna.

& Plaute,

Fames & mora bilem in naso conciunt.

Les Romains regardoient les gens dont le nez étoit aquilin ou crochu, comme enclins à la raillerie. Naso suspendit adunco, dit Horace, en parlant d'un satyrique.

Les femmes d'Orient, en plusieurs endroits, mettent des cercles d'or à une de leurs narines. Salomon fait allusion à cette coutume, lorsqu'il dit : Circulus aureus in naribus suis mulier pulchra & fatua, une femme belle, mais insensée, est comme un anneau au groin d'un pourceau. Proverb. xj. 22. On mettoit aussi des anneaux aux naseaux des boeufs & des chameaux pour les conduire. Ainsi dans le quatrieme livre des Rois, c. xix. vers. 28. Dieu menace Sennacherib de lui mettre un cercle aux narines & un mords dans la bouche, & de le faire retourner par le chemin par lequel il est venu. Calmet, Dict. de la Bible. (G)

NEZ, (Métallurg.) On appelle nez dans les fonderies où l'on traite les mines des métaux, une espece de tuyau ou de conduit qui se forme dans la mine fondue depuis la tuyere, & qui de-là va en s'élargissant vers la partie intérieure du fourneau. Ce nez ou conduit ne doit point trop s'allonger. Les Fondeurs ont très-grande attention à cette circonstance, & jugent par le nez, si leur fonte réussira ou non. Voyez Schlutter, traité de la fonte des mines. (-)

NEZ, LE NEZ DU NAVIRE. (Marine) C'est la premiere partie du navire qui finit en pointe. On dit la même chose d'un bateau.

Vaisseau qui est trop sur le nez, c'est quand par sa construction il paroît que l'avant est un peu trop chargé : on y remédie en faisant pancher le mât de misaine un peu plus en arriere.

NEZ D'UN BATEAU, (Charpent.) c'est la premiere partie du bateau, qui finit en pointe, & où est la levée sur laquelle se met le batelier, lorsqu'il se sert des avirons. (D.J.)

NEZ DE POTENCE, terme d'Horlogerie. Voyez POTENCE. (T)

NEZ, (Maréchal.) Le bout du nez du cheval est, pour ainsi dire, sa levre supérieure. Porter le nez au vent, ou porter au vent, se dit d'un cheval qui leve le nez en l'air au-lieu de se ramener.

NEZ FIN ; (Vénerie) se dit d'un chien qui a le sentiment bon.

Nez dur, se dit d'un chien qui entre mal-aisément dans la voie.

Nez haut, ou chien de haut nez, c'est lorsqu'un chien va requerir sur le haut du jour.

On remarque que plusieurs animaux, comme les chiens, les lievres, les renards, ont plus de lames osseuses que les hommes qui en ont le moins de tous. C'est ce qui fait croire que c'est pour cela qu'ils ont aussi meilleur odorat, à cause que la membrane qui couvre toutes les enfractuosités des narines ayant beaucoup d'étendue dans un petit espace, elle reçoit en plus de parties les impressions des particules écoulées des corps odorans.


NGO-KIAO(Hist. des drog. de la Chine) colle faite avec la peau d'âne noir. Voici comme elle se prépare, suivant la relation du pere Parennin, jésuite.

On prend la peau d'un âne noir, tué tout récemment ; on la fait tremper quelques jours consécutifs dans de l'eau tirée d'un puits de la province de Changtong ; après cela on la retire de cette eau pour la racler, & la nettoyer en-dedans & en-dehors ; on la coupe ensuite en petits morceaux, & on la fait bouillir à petit feu dans de l'eau de ce même puits, jusqu'à ce que ces morceaux soient réduits en colle qu'on passe toute chaude par une toile, pour en rejetter les parties les plus grossieres qui n'ont pu être fondues. Enfin on en dissipe l'humidité, & chacun lui donne la forme qui lui plaît. Les Chinois la jettent en moule, & y impriment des caracteres de toutes sortes de figures. (D.J.)


NGOMBOS(Hist. mod. Superstition) prêtres imposteurs des peuples idolâtres du royaume de Congo en Afrique. On nous les dépeint comme des fripons avides qui ont une infinité de moyens pour tirer des libéralités des peuples superstitieux & crédules. Toutes les calamités publiques & particulieres tournent à leur profit ; parce qu'ils persuadent aux peuples que ce sont des effets de la colere des dieux, que l'on ne peut appaiser que par des sacrifices, & sur-tout par des présens à leurs ministres. Comme ils prétendent être sorciers & devins, on s'adresse à eux pour connoître l'avenir & les choses cachées. Mais une source intarissable de richesses pour les Ngombos, c'est qu'ils persuadent aux negres qu'aucun d'eux ne meurt d'une mort naturelle, & qu'elle est dûe à quelqu'empoisonnement ou maléfice dont ils veulent bien découvrir les auteurs, moyennant une rétribution ; & toujours ils font tomber la vengeance sur ceux qui leur ont déplu, quelqu'innocens qu'ils puissent être. Sur la déclaration du prêtre, on saisit le prétendu coupable à qui l'on fait boire un breuvage préparé par le ngombo, & dans lequel il a eu soin de mêler un poison très-vif, qui empêche les innocens de pouvoir se justifier, en se tirant de l'épreuve. Les ngombos ont au-dessous d'eux des prêtres ordinaires appellés gangas qui ne sont que des fripons subalternes.


NHAMBI(Botan. exot.) plante sarmenteuse d'Amérique ; sa tige est ligneuse, genouillée, velue, rameuse, en partie serpentant à terre, & en partie s'élevant comme le pourpier. Sa feuille est grande, verte, quelquefois légérement dentelée sur les bords, d'autrefois découpée profondément. Ses fleurs naissent aux sommités de ses branches en forme de boutons ; elles sont rondes, grosses comme de petites cerises, sans feuilles, approchantes de celles de la camomille. Sa semence est taillée en ombilic, de forme ovale, de couleur grise, rougeâtre, luisante. Ses racines jettent de tous côtés plusieurs filamens blancs, tendres. Cette plante croît dans les bois, dans les forêts, dans les jardins. Ses feuilles mâchées ont un goût piquant & acrimonieux, comme la moutarde & le cresson ; on les mange en salade dans leur primeur. (D.J.)


NHAMDIUS. m. (Insectol.) espece d'araignée du Brésil. Son corps est de la longueur d'un pouce, garni sur le dos d'une forme de bouclier triangulaire, brillant, orné dans les côtés de six cônes pointus, blancs, semés de taches rouges ; sa bouche est armée de deux petites dents recourbées ; la partie antérieure de son corps est soutenue par huit jambes, longues d'environ deux pouces, jaunes, ou rouges-brunes ; & sa partie postérieure qui est la plus grande, reluit comme de l'argent. Cette espece d'araignée file une toile comme les autres, mais elle est venimeuse. (D.J.)


NHANDIROBEnhandiroba, s. f. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur monopétale, en forme de rosette, & profondément découpée. Les unes sont stériles & les autres fertiles ; celles-ci sont placées sur un embryon qui devient dans la suite un fruit en forme de boîte charnue qui est revêtu d'une écorce dure & qui contient des semences applaties & arrondies. Plumier, nova plant. amer. gen. Voyez PLANTE. (I)

Le nhandiroba est une plante sarmenteuse d'Amérique. Le P. Plumier dit qu'elle grimpe assez haut sur les arbres qui lui sont voisins ; ses sarmens sont souples, garnis de feuilles plus ou moins arrondies de la largeur de la main, taillées en coeur, & d'un verd-pâle. Ces sarmens sont terminés par un bouquet de petites fleurs jaunâtres & stériles. Les fleurs fertiles ou qui donnent du fruit, sortent des aisselles des feuilles, d'autres sortent des branches ; ces feuilles sont à trois pointes pour l'ordinaire, & semblables à celles du lierre, mais beaucoup plus grandes. Le fruit qui succede à la fleur, est plus gros qu'une orange, charnu & rempli intérieurement de plusieurs semences plates, arrondies, très-ameres & huileuses ; chaque semence est renfermée dans un noyau plat, solide, brun, recouvert d'une substance charnue, spongieuse & jaunâtre. Cette semence au Brésil sert à faire de l'huile, mais aux îles de l'Amérique elle y est regardée comme le contrepoison du venin des serpens.

M. Linnaeus nomme ce genre de plante fevillaea, & le caractérise ainsi. Il produit des fleurs mâles & femelles distinctes ; l'enveloppe de la fleur mâle est faite en cloche composée d'une seule feuille ; il est arrondi dans le fond & découpé sur les bords en cinq segmens. La fleur est aussi monopétale, arrondie, légérement découpée sur les bords en cinq parties, avec un nombril orné d'une double étoile. Les étamines sont trois filamens. La fleur femelle de son calice ne differe de la fleur mâle que dans l'étoile qui est composée de cinq feuilles faites en coeur. Le fruit est une très-grosse baie, charnue, d'une figure ovale, obtuse, entourée du calice, & couverte d'une écorce dure. Les semences sont d'une forme orbiculaire applatie. (D.J.)


NHANDUAPOA(Ornithol.) nom d'un oiseau du Brésil, plus connu sous son nom hollandois scurvogel. Voyez SCURVOGEL.


NHANDUGUACU(Ornith.) oiseau du Brésil, de la classe des autruches, mais d'une plus petite espece que l'autruche d'Afrique. Son corps est fort gros ; son col est long & fort ; ses jambes sont hautes & épaisses ; ses aîles extrêmement courtes, ne lui servent que pour la course ; son pennage est gris ; cet oiseau porte le cou courbé comme le cygne ; sa tête est formée comme celle de l'oie ; ses plumes de derriere couvrent le croupion & font une espece de queue ; il court aussi vîte qu'un levrier, & se nourrit de chair & de fruits. (D.J.)


NHARWALvoyez NARWAL.


NIAGARA(Géog.) riviere de l'Amérique septentrionale, dans le pays des Iroquois. Elle sort du lac érié, & va se jetter dans le lac Ontario, à quatre lieues au-dessus de son embouchure, où elle fait un saut prodigieux, sans lequel on pourroit aller avec de grandes barques plus de 200 lieues loin, & ne point interrompre la navigation dans sa course. (D.J.)


NIAISadj. (Gram.) Il se dit de quelqu'un qui ignore les usages les plus communs de la société. Ce caractere se remarque dans la physionomie, la voix, le discours, le geste, l'expression, les idées. Il y a de faux niais, dont on est d'autant plus aisément la dupe qu'on s'en méfie moins. Si la simplicité se remarque dans l'extérieur & qu'elle soit accompagnée de nonchalance, elle fait le niais. La simplicité n'est pas incompatible avec la vivacité ; jamais niais ne fut actif.

NIAIS. (terme de Fauconnerie) Ce mot se dit de quelques oiseaux de proie, comme du faucon, de l'épervier, &c. qui n'ont pas encore volé, & qu'on a pris au nid.


NICAEA(Géog. anc.) je trouve dans les auteurs plusieurs villes de ce nom.

1°. Nicaea ville de Grece, située aux environs des Thermopyles, dans le golfe Manliacus. On la comptoit entre les principales villes des Locres Epicnemides, qui étoient voisins & alliés des Béotiens & des Thébains. Philippe s'empara de Nicaea & des Thermopyles, lorsqu'il entra dans la Grece sous prétexte de terminer la guerre sacrée ; ensuite ce prince la remit aux Thessaliens.

2°. Nicaea ville de l'Illyrie.

3°. Nicaea ville de l'Inde, au voisinage du fleuve Hydaspe. Alexandre en fut le fondateur.

4°. Nicaea ville des Indes auprès du fleuve Cophene.

5°. Nicaea ville de l'île de Corse : elle fut fondée par les Etruriens, selon Diodore de Sicile.

6°. Nicaea ville de la Boeotie, chez les Leuctriens.

7°. Nicaea ville de la Thrace, selon Etienne le géographe.

8°. Nicaea ville de Bithynie & la plus célebre de toutes. Voyez NICEE. (D.J.)


NICAGUAYA(Géog.) riviere de l'Amérique septentrionale dans l'île Hispaniola. Elle traverse la province de Cibao, & va se jetter dans la mer.


NICARAGUA(Géog.) province de l'Amérique septentrionale dans l'audience de Guatimala. Elle est bornée au nord par la province d'Honduras ; à l'orient par la mer ; au midi par la province de Costarica ; & à l'occident par la province de Guatimala. Le terroir de Nicaragua est très-fertile, & offre un des plus agréables paysages du monde. Ses villes ou bourgs principaux sont, Nicaragua, Ségovie & Grenade : ses rivieres sont l'Yare, l'Yarpa & le Désaguadero. Elle a trois ports sur la mer du sud, & une grande habitation des Indiens du pays qu'on appelle le Vieux-Bourg. On recueille dans cette province beaucoup de sucre & de cacao qui ne sort guere du pays.

NICARAGUA, (Géog.) lac de l'Amérique septentrionale dans l'audience de Guatimala, au gouvernement de Nicaragua. La tête de ce lac n'est qu'à 4 lieues de la mer du sud. On lui donne environ 80 lieues de circuit ; & les vaisseaux y peuvent naviger commodément. Dans la grande île située au milieu de ce lac, & qui porte du cacao & des fruits délicieux, on trouve un volcan presqu'aussi considérable que celui de Guatimala.

NICARAGUA, (Géog.) autrement nommée Léon de Nicaragua ; ville de l'Amérique septentrionale dans la province de Nicaragua dont elle est la capitale, avec titre d'évêché, à 12 lieues de la mer du sud. Des flibustiers anglois pillerent cette ville en 1685. Long. 291. 24. lat. 12. 26. (D.J.)


NICARIA(Géog. anc. & mod.) ou Nicarie ; île de l'Archipel, entre l'île de Samos & celle de Tine.

Cette île a environ 60 milles de circonférence, suivant M. de Tournefort, d'après lequel nous en pouvons parler savamment. Elle est fort étroite, & traversée dans sa longueur par une chaîne de montagnes qui lui a fait donner autrefois le nom d'île longue & étroite, doliche & macrès.

Ces montagnes sont couvertes de bois & fournissent des sources à tout le pays. Les habitans ne vivent que du commerce de ce bois, & sont si misérables qu'ils demandent l'aumône dès qu'ils sont hors de leur île. Ils recueillent peu de froment, assez d'orge, de figues, de miel, de cire ; mais après tout ce sont de sottes gens, grossiers & à demi sauvages. Ils font leur pain à mesure qu'ils veulent dîner ou souper. Ce pain n'est autre chose que des fouaces sans levain, qu'on fait cuire à demi sur une pierre plate bien chaude : si la maîtresse de la maison est grosse, elle tire deux portions de fouaces, une pour elle & l'autre pour son enfant : on fait la même honnêteté aux étrangers.

Cette île n'a jamais été bien peuplée. Strabon en parle comme d'un pays inculte, dont les pâturages étoient d'une grande utilité aux Samiens. On ne croît pas qu'il y ait présentement plus de 1000 ames.

Nicaria n'a pas changé de nom, elle s'appelle Icaria, tout comme autrefois ; mais les Francs qui ne savent pas le grec, corrompent la plûpart des noms. Tout le monde sait qu'on attribue ce nom à Icare fils de Dédale, qui se noya aux environs de la mer, qui pour la même raison fut nommée Icarienne. Strabon enferme dans cette mer les îles de Leros & de Cos. Pline ne lui donne de l'étendue que depuis Samos jusqu'à Mycone. M. Bochart est le seul qui dérive le nom d'Icarie d'un mot phénicien icaure, qui signifie poissonneux ; ce qui pourtant convient assez à un nom grec que les anciens ont donné à la même île.

Tous les habitans de Nicarie sont du rite grec, & leur langue tient plus du grec littéral, à ce qu'on dit, que celle des autres îles où le commerce a fait établir plusieurs étrangers, qui ont introduit une infinité de mots & de terminaisons de leur pays. On ne s'est jamais embarrassé de conquérir cette île : il y a beaucoup d'apparence qu'elle a suivi le destin de celle de Samos sa voisine & sa maîtresse.

L'île manque de port. L'une des principales calanques est à Fanar, où étoit l'ancienne ville Dracanon.

Strabon, liv. xiv. pag. 639. assûre qu'il y avoit dans Nicaria un temple de Diane, appellé Tauropolium ; & Callimaque n'a pas fait difficulté de dire que de toutes les îles il n'y en avoit pas une de plus agréable à Diane que celle-ci. Goltzius a donné le type d'une médaille représentant d'un côté une Diane chasseresse, & de l'autre une personne assise sur un taureau, avec cette légende . On pourroit prendre cette personne pour Europe ; mais selon la conjecture de Nonius, c'est plutôt la même Diane, le taureau marquant l'abondance des pâturages de l'île, & la protection de cette déesse.

Le fanar ou fanari de Nicaria (, lanterne, fanal) est une vieille tour, qui servoit de fanal pour éclairer le passage des vaisseaux, entre cette île & celle de Samos ; car ce canal est dangereux quand la mer est grosse, quoiqu'il y ait 18 milles de large.

Les Nicariens n'ont ni cadi, ni turcs chez eux. Deux administrateurs annuels font toutes les affaires du pays. Ils paient environ cinq cent écus de capitation, outre une centaine pour la taille, & pour avoir la liberté de vendre leur bois hors de l'île. Long. 43. 55-44. 12. lat. 37. 28-46. (D.J.)


NICASTRO(Géog.) en latin Neocastrum ; petite ville d'Italie au royaume de Naples dans la Calabre ultérieure, à 2 lieues du golfe de sainte Euphémie, avec un évêché suffragant de Reggio. Elle fut presque ruinée en 1638 par un tremblement de terre. Long. 33. 30. lat. 38. 10.


NICATES(Géog. anc.) ou Nisitae ; peuples de l'Ethiopie sous l'Egypte selon Pline, lib. vj. c. xxx. qui dit que ce mot signifie des hommes qui ont trois ou quatre yeux ; non que ces peuples fussent tels, mais parce qu'ils appliquoient toute leur attention en tirant leurs fleches.


NICATÉS(Géog. anc.) montagne d'Italie chez les Peligni. Niger croit que c'est la montagne qu'on appelle aujourd'hui Maïella & Mathesio. (D.J.)


NICECOMTE DE, (Géog.) ce comté s'étend du sud au nord l'espace de 90 milles. Il a fait durant plusieurs siecles partie de la Gaule narbonnoise, & ensuite du comté de Provence, dont il fut démembré en 1388, par les habitans du pays qui se donnerent à Amedée VII. comte de Savoie. Ses bornes sont au nord le marquisat de Saluces ; le Piémont propre à l'est ; la Méditerranée au sud, & la Provence à l'ouest. Son étendue du septentrion au midi, est d'environ 13 lieues, & celle d'orient en occident d'environ 18. Nice est sa capitale, & quoique le pays soit entrecoupé de hautes montagnes, il est fertile en vin & en huile. Enfin il seroit admirable s'il étoit plus peuplé.

Cassini (Jean Dominique) ou le grand Cassini, naquit dans le comté de Nice en 1625, & fut appellé en France par M. Colbert en 1666. Il a été le premier des Astronomes de son tems ; mais il commença comme les autres par l'Astrologie. Puisqu'il fut naturalisé dans ce royaume, qu'il s'y maria, qu'il y eut des enfans, & qu'il est mort à Paris, on peut le compter au nombre des françois. Il a immortalisé son nom par sa méridienne de saint Pétrone à Boulogne : elle servit à faire voir les variations de la vîtesse du mouvement de la terre autour du soleil.

Il fut le premier qui montra par la parallaxe de Mars que le Soleil doit être au moins à 33 millions de lieues de la terre. Il prédit le chemin que devoit tenir la comete de 1664. C'est lui qui découvrit quatre satellites de Saturne ; Huyghens n'en avoit apperçu qu'un, & cette découverte de Cassini fut célebrée par une médaille dans l'histoire métallique de Louis XIV.

Il publia de nouvelles tables des satellites de Jupiter fort perfectionnées, & determina la révolution de Jupiter & de Mars sur leurs axes. Enfin il enrichit l'Astronomie de diverses méthodes très-ingénieuses.

En voyant la comete de 1680, il prédit au roi qu'elle suivroit la même route qu'une autre comete observée par Tycho-Brahé en 1577. C'étoit une espece de destinée pour lui, que de faire ces sortes de prédictions à des têtes couronnées.

Dans les dernieres années de sa vie, il perdit la vûe ; malheur qui lui a été commun avec le grand Galilée, & peut-être par la même raison : car les observations subtiles demandent un grand effort des yeux. Selon l'esprit des fables, ajoûte M. de Fontenelle, ces deux grands hommes, qui ont fait tant de découvertes dans le ciel, ressembleroient à Tirésias qui devint aveugle pour avoir vû quelque secret des dieux. Il mourut en 1712, âgé de 87 ans, sans maladie, sans douleur, par la seule nécessité de mourir ; & en mourant, il eut la gloire de laisser des enfans distingués dans l'Astronomie. (D.J.)

NICE, (Géog.) ancienne & forte ville aux confins de la France & de l'Italie, capitale du comté du même nom, avec une bonne citadelle, un évêché suffragant d'Embrun, & un sénat qui est comme démocratique. Les habitans se donnerent à Amedée VII. comte de Savoie en 1388 ; & depuis ce tems elle est demeurée aux ducs de cette maison. François I. l'assiégea par terre en 1543, tandis que les Turcs la pressoient du côté de la mer. Barberousse II. n'ayant pu prendre la citadelle, saccagea la ville. Le maréchal de Catinat la prit en 1691 ; elle fut rendue au duc de Savoie en 1696. Le duc de Berwick la prit en 1706 ; elle fut rendue par le traité d'Utrecht au roi de Sardaigne. Les François la reprirent en 1744, & l'ont rendue par le traité d'Aix-la-Chapelle. Elle est située à l'orient de l'embouchure du Var sur un rocher escarpé, à 33 lieues S. O. de Turin, 28 S. E. d'Embrun, 33 S. O. de Gènes, 33 N. E. d'Aix, 176 de Paris. Long. selon Cassini, 23. 55. 30. lat. 43. 41. 30.

Les Phocéens fondateurs de la ville de Marseille, voyant leurs colonies accrues considérablement, s'étendirent le long de la côte, & ayant trouvé sur le Var un endroit fort agréable, ils y fonderent la ville de Nice, Nicaea, au retour d'une expédition contre les Saliens & les Liguriens. C'est une ville bâtie dans une situation des plus avantageuses, par la beauté de ses collines, la fertilité du pays & la bonté de l'air qu'on y respire. Les Romains faisoient leurs délices de ce lieu, où croissent en abondance tous les fruits que produit l'Italie. Elle avoit la plus grande célébrité du tems de Ptolémée ; mais aujourd'hui elle est entierement déchue de son ancienne dignité. On y voit encore les ruines des grands fauxbourgs qu'elle avoit autrefois. (D.J.)

NICE DE LA PAILLE, (Géog.) petite ville d'Italie dans le Montferrat, aux états du roi de Sardaigne, entre les villes d'Acqui & d'Asti, sur le Belbo. Long. 25. 59. lat. 44. 43.


NICÉES. f. (Mythol.) ; c'est le nom grec de la Victoire, qu'Hésiode dit ingénieusement être compagne de Jupiter, & fille de Pallas & du Styx ; nous disons aussi dans le même sens, que les te Deum des princes sont les de profundis des particuliers. (D.J.)

NICEE, (Géog.) ville de Bithynie, aujourd'hui Isnich ; c'est la de Ptolémée. Strabon la place sur le lac Ascanius, aujourd'hui Lago di Nicea, à une journée de la mer. Antigonus fils de Philippe, en avoit été le fondateur, & l'avoit nommée Antigonia. Dans la suite Lysimachus l'appella Nicaea, du nom de sa femme fille d'Antipater.

On a diverses médailles de cette ville depuis Auguste jusqu'à Galien ; néanmoins elle n'a dans aucune le titre de métropole. La médaille de l'empereur Domitien, où l'on voit cette inscription, , Nicaeenses primi provinciae, ne dit pas que Nicée fut la premiere de la province, elle apprend seulement que les habitans furent les premiers qui firent des sacrifices à Jupiter, pour la conservation de Domitien : c'est ce que prouve l'autel qui paroît sur cette médaille avec ces mots, Jovis, qui fori custos & praeses est. Cette médaille est dans le cabinet du roi de France.

Nicée fut évêché dans les commencemens du christianisme, & devint ensuite métropole pendant quelque tems. Elle est célebre par la tenue du premier concile général, & plus anciennement par la naissance d'Hipparque, de Dion-Cassius & de Parthénius.

Hipparque célebre astronome grec, & l'un des plus savans mathématiciens de l'antiquité, fleurissoit entre la 154 & la 163 olympiade. Il inventa les principaux instrumens servant aux astres, prédit les éclipses, & apprit aux hommes à ne point s'en étonner. Pline le met au nombre des génies sublimes ; il l'appelle le confident de la nature, conciliorum naturae particeps, lib. II. c. xxvj. Il l'admire d'avoir passé en revue toutes les étoiles, de les avoir comptées & d'avoir marqué la situation & la grandeur de chacune. Il ne nous reste des ouvrages d'Hipparque, que son commentaire sur les Phénomenes d'Aratus. Le pere Pétau l'a traduit en latin, & en a donné une bonne édition.

Dion-Cassius fleurissoit sous Alexandre Sévere. Homme d'état & de grande naissance, il fut gouverneur de Pergame & de Smyrne, commanda en Afrique & en Pannonie, & fut nommé deux fois au consulat. Il composa en grec une histoire romaine, à laquelle il employa 22 ans, & dont nous n'avons plus que quelques ruines. Il en a paru une édition, Hanoviae en 1606 in-fol. & cette édition a été la meilleure jusqu'à celle de Herman Samuel Reimarus, donnée à Hambourg en 1750 in-fol. grecq. latin. avec des notes.

Dans les quatre-vingt livres de cette histoire, dont fort peu se sont sauvés d'une perte fatale, nous devons sur-tout regretter les 40 dernieres années, dont Dion parloit comme témoin oculaire, & comme ayant eu part au gouvernement de l'état ; car il est peu d'historiens qui nous aient aussi bien revélé ces secrets que Tacite nomme arcana imperii. Dion est tellement exact à décrire l'ordre des comices, l'établissement des magistrats, & l'usage du droit public des Romains, que ces sortes de faits ne s'apprennent point ailleurs plus distinctement.

Pour ce qui concerne la consécration des empereurs & leur apothéose, il n'est point d'historiens qui nous aient peint cet enrôlement au nombre des dieux, sous une plus belle forme. C'est dans le cinquante-sixieme livre où Dion représente la pompe des funérailles d'Auguste, son lit de parade, son effigie en cire, & son oraison funebre que Tibere lut devant le peuple. Il expose ensuite de quelle façon son corps fut brûlé, comment Livie recueillit & mit des os à part ; enfin l'adresse avec laquelle on fit partir l'aigle du haut du bucher, d'où il sembloit que l'oiseau de Jupiter emportoit au ciel l'ame de l'empereur.

Les oraisons funebres de la composition de cet historien, méritent d'être louées pour leur grande beauté. Telles sont celles de Pompée & de Gabinius au peuple romain. On ne lit pas avec moins de plaisir les harangues d'Agrippa & de Mécene, dont le premier parle pour porter Auguste à quitter l'empire, & le second pour l'engager à le retenir.

Pour ce qui regarde les défauts de Dion-Cassius, on peut l'accuser avec justice, d'une partialité honteuse contre le parti de Pompée, contre Ciceron, Séneque & plusieurs autres grands hommes ; mais sur-tout ses propos contre la réputation de l'incomparable orateur de Rome, sont des satyres odieuses, indignes d'un historien.

On pourroit ajoûter aux taches dont nous venons de parler, quelques traits de superstition & de crédulité, qui seroient capables de décréditer son histoire, si l'on ne devoit pas quelqu'indulgence aux foiblesses de l'humanité.

Parthénius de Nicée fleurissoit sous Auguste. Il est auteur du livre , c'est-à-dire des passions d'amour, traduit en latin par Janus Cornarius, & imprimé avec le grec à Bâle, chez Froben en 1531 in-8 °. premiere édition. Cet ouvrage est en prose, & contient trente-six chapitres fort courts. Suidas donne à Parthénius divers autres écrits. Nous apprenons de Macrobe qu'il montra la langue grecque à Virgile. (D.J.)


NICEFFO(Hist. nat. Botan.) arbre d'Afrique qui croît fort communement dans les royaumes de Congo & d'Angola. Les habitans de ce dernier pays l'appellent maongio-acamburi. Il est ordinairement de 6 piés de haut, & il produit un fruit assez semblable à l'ananas, dont l'écorce renferme jusqu'à 200 petits fruits oblongs, d'un goût délicieux. Il est chargé de ces fruits très-peu de tems après être sorti de terre, & il en produit toute l'année.


NICÉPHORIUM(Géog. anc.) ville de Mésopotamie sur l'Euphrate. Pline, lib. vj. c. xxxvj. dit que la situation avantageuse du lieu avoit engagé Alexandre à bâtir cette ville. Quelques-uns veulent que ce soit aujourd'hui le bourg nommé Nasivancasi, & d'autres Nephrun.


NICÉTÉRIESS. f. pl. (Antiq. grecq.) ; fête athénienne en mémoire de la victoire que Minerve remporta sur Neptune dans la dispute qu'ils eurent ensemble, à qui auroit l'honneur de donner le nom à la ville qui fut depuis nommée Athènes ; les douze grands dieux adjugerent le prix à Minerve. (D.J.)


NICHABOUR(Géogr.) ou Nischabourg, ou Neischabourg, car on écrit ce mot de plusieurs manieres, ville de Perse dans la province de Khorassan, dont elle passoit pour être la plus grande & la plus riche avant qu'elle eût été désolée d'abord par les Turcomans, & finalement ruinée par les Tartares de Genghizkan, sous le regne du malheureux Mohamed Kouaresm-Schah.

C'est dans les montagnes de son voisinage qu'on tire les turquoises orientales, qu'on nomme dans le levant pirouzé nischabouri, & que nous appellons en françois turquoises de la vieille roche, pour les distinguer des autres turquoises. Nischabourg est à 15 lieues de Mesched. Long. 74. 52. lat. suivant les Ephémérides de Narsie Eddin, 31. 20. (D.J.)


NICHANGI-BACHIS. m. (Hist. mod.) nom que les Turcs donnent à un officier, dont la fonction est d'imprimer le nom du grand-seigneur sur les lettres qu'il fait expédier. Ce sceau s'applique non au bas de l'écriture, mais au-dessus de la premiere ligne.


NICHES. f. (Archit.) c'est un renfoncement pris dans l'épaisseur d'un mur, pour y placer une figure ou une statue. Les grandes niches servent pour les grouppes, & les petites pour les statues. On distingue plusieurs sortes de niches par des noms particuliers que nous allons expliquer.

Niche à cru, niche qui ne portant point sur un massif, prend naissance du rez-de-chaussée. Telles sont les deux niches du porche du Panthéon à Rome.

On appelle aussi niche à cru une niche qui, dans une façade, porte immédiatement sur l'appui continu des croisées sans plinthe. Il y a de ces niches dans quelques palais d'Italie.

Niche angulaire, c'est une niche qui est prise dans une encoignure, & fermée par une trompe sur le coin. Il y a quatre de ces niches occupées par quatre statues de prophetes dans un vestibule au pié du grand escalier de l'abbaye de Ste Génevieve à Paris, du dessein du Sr de Creil, où l'on peut remarquer plusieurs pieces de traits faites avec beaucoup d'art.

Niche d'autel, niche qui sert à la place d'un tableau dans un retable d'autel. Il y a dans l'église de la Sorbonne à Paris une niche à l'autel de la Vierge, du dessein de M. le Brun, dans laquelle est la figure de marbre faite par M. Desjardins, sculpteur du roi.

Niche de buste, petit renfoncement où l'on place un buste. Il y a de ces niches dans la cour de l'hôtel de la Vrilliere à Paris.

Niche de rocaille, niche revêtue de coquilles pour les grottes. Il y avoit de belles niches de cette espece à Versailles, & il y en a encore à Meudon.

Niche de treillage, c'est une niche construite de barreaux de fer & d'échalas, qui sert à orner quelque portique ou cabinet de treillage.

Niche en tabernacle, on appelle ainsi les grandes niches qui sont décorées de chambranles, montans & consoles avec frontons. Telles sont les niches d'ordre dorique du dehors de l'église de S. Pierre & celles de S. Jean de Latran à Rome, qui peuvent être remplies par des grouppes. On voit aussi une niche de cette espece dans l'église des PP. carmes déchaussés à Paris, occupée par une figure de la sainte Vierge en marbre, faite par Antoine Raggi, dit le Lombard, d'après le modele du cavalier Bernin.

Niche en tour ronde, c'est une niche qui est prise dans le dehors d'un mur circulaire, & dont la fermeture porte en saillie. De cette espece sont les grandes niches du chevet & de la croisée du dehors de l'église de S. Pierre de Rome, & la fontaine de S. Germain, rue des Cordeliers, à Paris.

On appelle niche en tour creuse celle qui fait l'effet contraire de la niche en tour ronde.

Niche feinte, renfoncement de peu de profondeur, où sont peintes, ou en bas-reliefs, une ou plusieurs figures. Il y a de ces niches à la face latérale de l'hôtel de Carnavalet au marais à Paris.

Niche quarrée, c'est un renfoncement dans un mur, dont le plan & la fermeture sont quarrés, comme au palais des Tuileries du côté du jardin.

Niche ronde, niche ceintrée par son plan & sa fermeture. On voit des niches de cette espece fort régulieres au portail du Louvre.

Niche rustique, niche qui est avec bossages ou refends. Il y a de ces niches au palais de Luxembourg à Paris.

On appelle encore niche un enfoncement pratiqué dans une chambre où l'on place un lit ou un canapé.

Nous ferons ici quelques remarques sur les niches, parce qu'elles ont été fort en usage dans les anciens édifices ; il en reste des vestiges dans les temples, les thermes, les théâtres, les amphithéâtres, les cirques & les arcs de triomphe. Il y en avoit aussi dans quelques maisons de particuliers, comme dans les vestibules, les cabinets & les salles pour conférer ; ainsi les anciens en ornoient les salles, les loges & les escaliers.

Les niches doivent le plus qu'il se peut être vis-à-vis d'un vuide ou d'une croisée, soit qu'il y ait des statues, ou qu'il n'y en ait point ; car alors elles servent pour se reposer, s'il y a un siege de marbre ou de pierre.

Les grandes niches antiques tombent jusque sur le pavé, comme celles de la rotonde sous son portique & celles des thermes d'Antonin, où a été trouvé le grouppe du taureau Farnése qui contient la fable de Dircé. Il y en a encore aux thermes de Titus, où étoit le grouppe de Laocoon. Ces sortes de niches conviennent à de grands lieux ; mais dans celles qui sont d'une grandeur ordinaire, & qui ne peuvent avoir qu'une figure, leur proportion doit être telle que la hauteur soit d'un peu moins que deux fois & demi leur largeur pour les ordres massifs, & d'un peu plus que cette hauteur pour les ordres délicats ; leur plan doit avoir un peu plus, ou un peu moins que le demi-cercle, ou lui être égal.

Les niches qui sont entre les colonnes sans piédestaux, doivent avoir de largeur un diamêtre & demi de la colonne ; & lorsque les colonnes ont des piédestaux, elles demandent un diamêtre & trois quarts. Comme il faut que les statues soient proportionnées aux niches, elles doivent être de telle maniere que le bas du col ou la hauteur des épaules ne passe pas le-dessus de l'imposte. L'imposte doit être pareille à la hauteur d'une frise & corniche mise en un endroit ; elle ne doit pas être moindre d'une treizieme partie & demie de cette hauteur, qui seroit celle d'une corniche seule.

Les bandeaux d'arcs ou archivoltes des niches ne doivent point être plus larges que la sixieme partie de l'ouverture, ni plus étroits que la huitieme, si ce n'est aux grandes niches, où ils n'auront que la dixieme partie. On voit des exemples de toutes ces sortes de niches devant le palais de S. Marc à Venise.

Les proportions des niches doivent être relatives à celle de l'ordre qui décore l'édifice, à la grandeur de la statue, & à l'étendue de l'endroit où elle doit être pratiquée.

Plus les niches sont élevées, plus les figures qu'elles contiennent doivent être petites. Ainsi les niches doivent être plus hautes à mesure qu'elles sont plus élevées. Scamozzi veut que cette hauteur soit deux fois & trois quarts de sa largeur.

Lorsqu'il y a plusieurs niches posées les unes sur les autres, l'espace qui reste entre deux doit avoir au-moins deux fois la largeur de la niche.

Enfin lorsque des bossages regnent dans une façade où il y a des niches, c'est autour de la niche que les bossages doivent être répétés, & non dans la niche derriere la statue.

Mais les niches sur lesquelles nous venons de nous étendre sont-elles un ornement en Architecture ? Les anciens le pensoient ainsi, tandis que plusieurs modernes les regardent comme une idée de mauvais goût, & trouvent qu'une statue enchâssée dans cette espece d'enfoncement ne fait point un bel effet ; je trouve beaucoup de vérité dans cette observation, mais ce n'est pas ici le lieu de la faire valoir.

Le mot niche vient de l'italien nichio, qui est une coquille de mer, d'où par ressemblance on a appellé niches ces cavités qu'on pratique dans les murs pour y placer des statues. Aussi représente-t-on souvent une coquille dans le ceintre d'une niche (D.J.)

NICHE, (Théol.) se dit aussi en particulier dans l'Eglise romaine d'une espece de petit trône de bois doré ou d'étoffe précieuse, surmonté d'un dais ou d'un dome avec des panaches & des aigrettes où l'on place le saint Sacrement dans les offices où on l'expose à la vénération publique des fideles.

Il est parlé de niches dans les anciens, c'est-à-dire de pavillons sous lesquels on plaçoit & l'on portoit les images des dieux. Il est dit dans Amos, v. 25 & 26, que les Israélites, dans leur voyage du désert, ont porté la tente ou le pavillon de leur dieu Moloch, l'image de leur idole, l'astre de leur dieu. Et saint Etienne dans les actes des Apôtres, c. vij. 43, leur fait le même reproche. On conjecture avec assez de fondement que Moloch & ces autres divinités païennes qu'ils portoient dans le désert, étoient portées dans des niches sur les épaules des hommes ou dans des chariots couverts, comme on sait que quelquefois les païens menoient leurs dieux en procession ou dans les marches publiques. Quelques-uns croient aussi que ces petits temples d'argent de la déesse Diane que l'on vendoit à Ephese étoient des temples portatifs ou des niches pour la dévotion des pélerins.

La coutume de porter les figures des dieux sous des tentes & dans des litieres couvertes, est venue des Egyptiens. Hérodote, liv. IV. parle d'une fête d'Isis, où l'on portoit sa statue sur un chariot à quatre roues, tiré par les prêtres de la déesse. Le même auteur, parlant d'une autre de leurs divinités, dit qu'ils la portent d'un temple dans un autre dans une petite chapelle de bois doré. Saint Clément d'Alexandrie, Stromat. liv. V. parle d'une procession egyptienne, où l'on portoit deux chiens d'or, un épervier & un ibis. Le même pere, in Protreptic. p. 49, rapporte des paroles satyriques de Ménandre, qui railloit de ces divinités coureuses qui ne pouvoient demeurer en place. Macrobe, Saturnal. Dier. l. I. dit que les prêtres egyptiens portent la statue de Jupiter d'Héliopolis sur leurs épaules, comme on portoit les dieux des Romains dans la pompe des jeux du cirque. Et Philon de Biblos, cité par Eusebe, Prepar. evang. lib. I, raconte qu'on portoit Agrote, divinité phénicienne, dans une niche couverte sur un chariot trainé par des animaux.

Selon Quinte-Curce, les prêtres égyptiens mettoient Jupiter Ammon sur une nacelle d'or, où pendoit des plats d'argent par le mouvement desquels ils jugeoient de la volonté du dieu, & répondoient à ceux qui les consultoient. Les Gaulois promenoient leurs dieux couverts d'un voile blanc par les campagnes, dit Sulpice-Sévere. Tacite, de morib. German. parle d'une déesse inconnue qui résidoit dans une île de l'Océan ; on lui conserve, dit-il, un chariot couvert, dont nul n'ose approcher que son sacrificateur. Quand il dit que la déesse y est entrée, on y attelle deux genisses qui conduisent le char où l'on veut, après quoi elles la ramenent dans son bois. Voilà des exemples des dieux portés dans des niches & sur des chariots.

A l'égard des petits temples portatifs qui étoient aussi des especes de niches, Diodore de Sicile en parle aussi-bien que Victor dans sa description de Rome, & il y a grande apparence que ces petits temples de la Diane d'Ephese que vendoit l'orfevre Démétrius, étoient des niches où la figure de cette déesse étoit représentée. Calmet, Diction. de la Bibl. (G)


NICHOIRS. m. terme d'Oiselier, maniere de cage particuliere propre pour mettre à couvert des sérins & autres oiseaux.


NICIA(Géog. anc.) riviere d'Italie, selon Pline, l. III. c. xvj. les uns croient que c'est le Lenza & d'autres le Nura. (D.J.)


NICKELS. m. (Hist. nat. Minéralogie & Chimie métallique.) M. Axel-François Cronstedt, de l'académie royale des Sciences de Stockholm, a inséré dans les tomes XIII. & XVI. des mémoires de cette savante académie une dissertation sur une nouvelle substance minérale, trouvée dans une mine de cobalt, située à Faerila en Helsingie, dont il a tiré une matiere réguline qu'il regarde comme un nouveau demi-métal, inconnu jusqu'à lui, & qu'il a nommé nickel, parce qu'il se tire de la mine que les Allemands nomment kupfernickel.

La mine dont on tire le nickel est d'une couleur blanche comme de l'argent dans la fracture récente, cependant cette couleur est quelquefois plus obscure, elle tire aussi souvent sur le rouge jaunâtre. Après avoir été exposée à l'air pendant quelque tems, elle se couvre d'un enduit verd ; si alors on la lave avec de l'eau, elle la colore en verd ; cette eau mise en évaporation forme des cristaux oblongs, quadrangulaires, rabattus par deux ou trois côtés, qui ont de la ressemblance avec le vitriol. En calcinant ce sel vitriolique, on obtient un résidu d'un gris clair qui, fondu avec trois parties de flux noir, donne une régule de 50 livres sur un quintal de résidu. Ce régule a un oeil jaunâtre à l'extérieur, mais si on le casse, il est blanc comme de l'argent dans l'intérieur, il est composé de feuillets & de lames comme le bismuth. Ce régule se dissout dans l'acide nitreux, dans l'esprit de sel & dans l'eau régale, il donne une couleur verte à ces dissolvans, il ne se dissout point ni dans l'acide vitriolique, ni dans l'acide de vinaigre, & ne s'amalgame point avec le mercure. Cette substance est souvent mêlée d'une portion de fer, mais quelque expérience que M. Cronstedt ait fait, il n'a point pu y découvrir de cuivre.

La mine qui fournit cette substance lorsqu'on la calcine, commence par répandre une fumée purement sulphureuse ; en continuant la calcination, la fumée blanchit & a une odeur arsénicale. En poussant plus loin encore cette calcination, la mine se couvre d'un enduit qui est semblable à des petits rameaux d'un verd clair, qui, fondus avec une matiere inflammable, donnent une substance réguline semblable à celle qui a été décrite ci-dessus. Ce régule calciné devient d'un beau verd, & prend de nouveau la forme de rameaux.

De toutes ces propriétés, M. Cronstedt en conclut que cette substance doit être regardée comme un nouveau demi-métal, qui differe entierement du cobalt & du bismuth. De plus il croit que le nickel entre pour la plus grande partie dans la composition que les Allemands nomment speiss, qui se dépose au fond des pots dans lesquels on a fait le saffre, c'est-à-dire le verre bleu coloré par le cobalt.

Le nickel a beaucoup de disposition à s'unir avec le soufre. Cette substance n'entre en fusion qu'après avoir rougi. Sa pesanteur spécifique est à l'eau environ comme 8 1/2 est à un.

Le nickel s'allie avec l'or ; il ne s'allie point avec l'argent. Il s'unit facilement avec l'étain, moins aisément avec le plomb. Il s'unit avec le cuivre, mais encore plus aisément avec le fer. M. Cronstedt croit que c'est le soufre qui facilite son union avec ce dernier métal.

L'arsenic a beaucoup de disposition à s'unir avec le nickel, & ne s'en dégage qu'avec beaucoup de peine. Il en est de même du cobalt & de l'antimoine crud, du régule d'antimoine, du bismuth, avec lesquels le nickel se combine : mais cette substance ne s'unit point avec le zinc.

La chaux qui résulte de la calcination de cette substance ne se vitrifie point sans addition, ni même lorsqu'on la mêle avec du verre, mais le régule du nickel colore le borax d'un brun clair, & cette espece de verre, lorsqu'on continue à le chauffer, devient violet & transparent comme celui qui a été mêlé avec de la magnésie ou manganese.

Il paroît qu'il faudroit encore faire des expériences ultérieures pour nous convaincre, si ce régule de nickel, dont parle M. Cronstedt, est un demi-métal particulier, ou si on doit plutôt le regarder comme une combinaison de fer, d'arsenic, de bismuth, de cobalt, & même de cuivre & de soufre. C'est au tems à fixer là-dessus nos incertitudes. (-)


NICKLSPURG(Géog.) ville d'Allemagne dans la Moravie, avec un château qui la commande. Fréderic, baron de Tieffenbach, l'a pris en 1620, & les Suédois en 1645. Les Impériaux la prirent d'assaut en 1646.


NICOBARou NICOUBAR, NIACBAR, NI-COUBARS, (Géogr.) îles des Indes à l'entrée du golfe de Bengale, & qui s'étendent depuis le 7 jusqu'au 8e degré de latit. septent. Ces îles prennent leur nom de la principale de toutes, dont nous allons parler.

L'île Nicobar est à 30 lieues d'Achem, à 7 d. 30 '. de latit. septent. & c'est celle où vont mouiller les vaisseaux qui vont aux Indes. Elle peut avoir 10 lieues de long, sur trois ou quatre de large. Elle est remplie de grands arbres, & en particulier de cacaotiers qui semblent ne former qu'un seul bocage. Il n'y a que les côtes de l'île qui soient habitées. Les Nicobarois y demeurent dans les baies proche la mer ; la terre n'est point défrichée plus avant dans le pays. Les hommes s'occupent principalement à la pêche avec leurs canots qui vont à la rame comme à la voile, & qui peuvent contenir 30 hommes.

Les naturels des îles Nicobar sont d'une couleur jaunâtre, basanée, & vont presque nuds ; ils sont grands & assez bien proportionnés ; ils ont les cheveux noirs & lisses, le visage allongé & le nez d'une grandeur médiocre. Ils sont d'excellens nageurs : leur langage leur est particulier. Les femmes n'ont point de sourcils, parce qu'apparemment elles se les arrachent.

Ils ne sont point divisés en castes ou tribus comme les peuples de Malabar & de Coromandel. On ne sait rien de leur religion, & le petit nombre d'Européens qui ont osé aborder dans cette île, n'ont découvert aucun monument public qui soit consacré à un culte religieux. Les Nicobarois passent pour être des gens cruels ; ils se nourrissent de fruits, de poissons & de racines ; car il ne croît ni blé, ni ris, ni autre sorte de grains dans leurs îles. Ils trafiquent de leurs poules & de leurs cochons, lorsque quelques vaisseaux partent : ils vendent aussi leurs perroquets qui sont fort estimés dans l'Inde, parce qu'il n'y en a point qui parlent si distinctement. Voyez de plus grands détails dans le P. de Charlevoix, les Lettres édifiantes ; Kempfer, Histoire du Japon ; & Dampier, Voyage autour du monde. (D.J.)


NICOLAI(Littérat. & Botan.) , c'est le nom qu'Auguste donna aux dattes fameuses que produisoit la vallée de Jéricho. Il n'y en avoit point de plus estimées ; & l'empereur, pour les distinguer des dattes ordinaires, les appella du nom de nicolas, ainsi qu'Athénée nous l'apprend, l. XIV. c. xviij. Plutarque en parle en ces termes, selon la version d'Amyot, Propos de table, l. VIII. quest. iv. " Si la palme produisoit en Grece les dattes comme elle fait en Syrie ou en Egypte, ce seroit bien le plus beau fruit que l'on sauroit voir, le plus doux que l'on sauroit savourer, & n'y en auroit point d'autre qui fût digne de lui être comparé ; c'est pourquoi l'empereur Auguste aimant singulierement Nicolas, philosophe péripatéticien, appella les plus belles & les plus grandes dattes nicolas, & jusqu'aujourd'hui encore les appelle-t-on ainsi ".

Photius, Bibl. cod. 189, prétend que les nicolaï n'étoient point des dattes, mais des especes de gâteaux que Nicolas de Damas envoyoit en présent à Auguste. Eustathe, Suidas & Hésychius sont du même avis. Spanheim conjecture que les dattes faisoient le principal mérite de cette pâtisserie ; mais M. l'abbé Sevin me paroît en avoir mieux jugé dans les Mémoires de l'académie des Inscriptions. " Malgré mon respect, dit-il, pour ce savant homme (Spanheim), je ne serai point de son avis ; & cela avec d'autant plus de justice, que les paroles de Plutarque & d'Athénée ne sont pas susceptibles d'une semblable explication. Ces auteurs rapportent que les dattes de Nicolas de Damas, supérieures aux autres, & par leur grosseur & par leur bonté, furent appellées nicolaï ; ici il n'est point mention de gâteau : & dès-lors le parti que prend M. Spanheim doit paroître insoutenable. Quant à moi, je ne me ferai point un scrupule d'abandonner Hésychius & Suidas, lorsque leur autorité sera combattue par des témoins aussi respectables que le sont ceux dont on vient de parler ". Grotius préfere aussi l'autorité d'Athénée, de Plutarque & de Josephe à celle des auteurs plus modernes, Photius, Suidas & Hésychius. (D.J.)


NICOLAITESS. m. pl. (Théol.) c'est une des plus anciennes sectes du christianisme ; ils tirent leur nom, selon quelques-uns, de Nicolas qui avoit été ordonné diacre de l'église de Jerusalem conjointement avec S. Etienne.

La maxime particuliere qui caractérisoit les Nicolaïtes, comme ils nous sont représentés par les historiens ecclésiastiques, c'étoit d'enseigner que toutes les femmes mariées devoient être communes, pour ôter toute occasion de jalousie.

D'autres écrivains ont noirci Nicolas d'autres impuretés ; mais Clément d'Alexandrie les impute toutes à ses disciples, qui ont abusé, à ce qu'il dit, des paroles de leur maître.

Il paroît que Nicolas avoit une très-belle femme, & que les apôtres le soupçonnoient d'en être jaloux, & de vivre avec elle d'une maniere trop lascive ; que pour dissiper ce soupçon, & convaincre les apôtres qu'il n'étoit point attaché à sa femme, il la fit venir en leur présence, & offrit de la céder à celui d'entr'eux qui auroit voulu l'épouser. Ce fait est confirmé par Eusebe, qui ajoute que Nicolas n'eut jamais plus d'une femme.

On accuse encore les Nicolaïtes de ce qu'ils ne faisoient point de scrupule de manger les viandes qui avoient été offertes aux idoles : qu'ils soutenoient que le pere de Jesus-Christ n'étoit pas le créateur ; que plusieurs d'entr'eux adoroient la fausse divinité Barbelo, qui habitoit le huitieme ciel, qui procédoit du pere, & qui étoit mere de Jaldabaoth, ou, selon d'autres, de Sabaoth, qui s'étoit emparé par la force du septieme ciel ; que d'autres donnoient le nom de Prounicos à la mere des puissances célestes, mais qu'ils s'accordoient tous à imputer des actions infâmes à cette mere pour autoriser sous ce prétexte leurs propres impuretés ; que d'autres enfin montroient des livres, & des prétendues révélations sous le nom de Jaldabaoth. S. Irenée & S. Epiphane rapportent toutes ces extravagances, & représentent les Nicolaïtes comme les auteurs de la secte des Gnostiques. Voyez GNOSTIQUES.

Cocceius, Hoffman, Vitringa & Maïus croient que le nom de Nicolaïtes a été inventé à plaisir, pour signifier un homme adonné à la débauche & à la volupté, & ils ajoutent que ce nom n'a rien de commun avec Nicolas, l'un des sept diacres : & comme dans l'apocalypse il est fait mention de la doctrine des Nicolaïtes, immédiatement après Balaam & sa doctrine, ils comparent le nom de Balaam avec celui de Nicolas, qui ont à-peu-près la même signification dans leur langue originale, puisque Balaam en hebreu, & Nicolas en grec, se traduisent également par prince, ou maître du peuple.

Maïus ajoute qu'il est assez probable que les Nicolaïtes se vantoient d'être les disciples d'un des sept diacres ; mais que cette prétention étoit mal fondée, quelque chose qu'aient pu dire au contraire les anciens qui ont péché quelquefois par trop de crédulité.

Cassien, collat. 18. ch. xvj. dit que quelques-uns distinguoient Nicolas, auteur de la secte des Nicolaïtes, de Nicolas, l'un des sept premiers diacres. Il veut apparemment marquer l'auteur des constitutions apostoliques, qui disent que c'est à faux que les Nicolaïtes se disent disciples de Nicolas, l'un des sept diacres, ou S. Clément d'Alexandrie, qui parle toujours fort avantageusement de ce dernier. La secte des Nicolaïtes se renouvella sous Louis le Debonnaire, vers l'an 852, comme le dit Sigebert de Gemblours dans sa chronique, & encore au xj. siecle sous le pape Urbain II. Ces Nicolaïtes modernes étoient certains prêtres diacres & soudiacres, qui soutenoient que le mariage leur étoit permis. Ils furent condamnés au concile de Plaisance, l'an 1095. Berthold. scrip. xj. saecul. tom. X. concilior. pag. 502.


NICOLASSAINT, ou NICLARBOURG (Géog.) ville de Lorraine, avec une église dédiée à S. Nicolas, où l'on va en pélerinage. Elle est sur la Meurte à 2 lieues de Nancy, 3 de Luneville, 74 de Paris. Long. 24. lat. 48. 40. (D.J.)

NICOLAS, ILE DE SAINT, (Géog.) île de l'Océan atlantique, & une de celles du Cap-verd, à 30 lieues à l'ouest de l'île de Sel. Sa figure est triangulaire, & peut avoir 25 lieues de long. Elle est montagneuse, & toutes ses côtes sont stériles. Sa capitale, qui porte le même nom, & qui est au sud-ouest de l'île, est une des plus peuplées des îles du Cap-verd. Il y a un gouverneur qui dépend de celui de Saint-Jago. Long. 6. 52. lat. 16. 45. (D.J.)


NICOLOSAN, (Géog.) île du golfe de Venise, & la plus grande des trois qu'on appelle Tremiti. Elle est au levant de celle de San Domino, & au midi de celle de Caprara. Long. 33. 12. lat. 42. 7. (D.J.)


NICOLOTTINICOLOTTI


NICOMÉDIE(Géog. anc. & mod.) ville d'Asie, capitale & métropole de la Bithynie, sur la Propontide, entre Chalcédoine & Nicée ; elle est aujourd'hui nommée Comidia par les Italiens.

Nicomède, grand-pere de Prusias, la bâtit vis-à-vis d'Astaque, & lui donna son nom. Cette ville plus d'une fois assiégée, éprouva les malheurs de la guerre, jusqu'à ce qu'une colonie d'Athéniens étant venus la repeupler, elle se releva de ses pertes, & devint très-florissante.

Ce fut à Nicomédie qu'Annibal, après avoir perdu la bataille de Zama, se réfugia vers Antiochus & Prusias, rois de Bithynie : cependant cet infortuné capitaine, craignant que ces princes ne le remissent entre les mains des Romains qui l'avoient envoyé demander, se donna la mort à l'âge de 64 ans, 183 ans avant J. C.

Ammian Marcellin appelle Nicomédie la mere des villes de Bithynie. Pausanias dit que c'étoit la plus grande des villes de ce royaume. Pline l'historien lui donne le titre d'Urbs praeclara ; & Pline son neveu, qui fut préteur de Bithynie, ne parle pas de cette ville avec moins d'éloge.

Elle a été une des premieres qui ait reçu la foi chrétienne ; & c'est par elle que commença la persécution sous Dioclétien. Ce fut près de cette ville dans un bourg nommé Acciron, que Constantin, âgé de 66 ans, mourut d'une fievre chaude l'an de J. C. 340. Quelques auteurs prétendent que cet empereur avoit alors adopté l'arianisme, & qu'il étoit venu à Nicomédie, où il reçut le second baptême que les Ariens exigeoient.

Quoi qu'il en soit, Nicomédie disputa long-tems à Nicée la primatie de la province de Bithynie. Mais l'une & l'autre sont également tombées sous la puissance de l'empire ottoman.

Nicomédie est toujours une ville considérable d'Asie, dans la Natolie, capitale de Becsangial, avec un archevêque grec, suffragant de Constantinople. On y compte 25 à 30 mille ames grecs, arméniens, juifs & turcs, qui y commercent. Elle est située très-avantageusement pour le trafic sur le golfe du même nom ; & elle couvre tout le penchant d'une petite colline embellie de fontaines, & chargée d'arbres fruitiers, de vignes, & de grains. On y trouvoit encore en inscriptions dans le dernier siecle, de quoi satisfaire sa curiosité.

La plûpart des vaisseaux, saïques, barques & autres bateaux des marchands de Constantinople, se fabriquent à Nicomédie ; mais les turcs ne réussissent pas mieux dans la construction des bâtimens de mer, que dans l'architecture civile & militaire.

Cette ville est à 14 lieues N. O. d'Isnich, 20. S. E. de Constantinople. Long. 47. 28. long. 40. 46.

Arrien, célébre philosophe & historien, né à Nicomédie, fleurissoit sous les empereurs Adrien, Antonin & Marc-Aurele. Il fut dans sa patrie prêtre de Cérès & de Proserpine. Epictète l'instruisit dans la morale ; & son mérite éminent lui valut l'amitié de Pline le jeune. Adrien lui donna le commandement de la Cappadoce, dans lequel il se distingua par ses talens militaires.

Nous avons de lui en 7 livres une histoire d'Alexandre le Grand ; la bonne édition est Lugd. Batav. en 1740, in-fol. Nous en avons une traduction françoise par M. d'Ablancourt, à Paris, chez Augustin Courbé, 1651, in-8 °. Elle est fort bonne ; il n'y a que quelques expressions qui ont un peu vieilli. C'est un ouvrage très-estimable que celui d'Arrien, quoiqu'on n'y trouve point ces graces & cette douceur dans le style, qui ont pu faire appeller son auteur un second Xenophon. Il écrivit plusieurs autres ouvrages qui ne nous sont pas parvenus. Photius le fait auteur d'une histoire de Bithynie, d'une histoire des Alains, & d'une histoire des Parthes, en 17 livres, dont on doit regretter la perte. (D.J.)


NICOMIAS. f. (Hist. nat.) nom donné par Woodward à une espece d'agate grisâtre, avec des veines rouges ; elle est très-dure, demi-transparente, fait feu frappée avec de l'acier ; on en trouve dans la province d'Yorck, & en plusieurs autres endroits d'Angleterre, où elle est par couches ; quelquefois elle a une couleur noirâtre & obscure, comme le silex ou caillou. On l'appelle aussi chert & ubern en anglois.


NICONIA(Géog. anc.) ville du Pont, que le géographe Etienne met à l'embouchure de l'Ister. Ce pourroit être le Nicomiun que Ptolémée, liv. III. ch. x. place dans la basse-Mysie. (D.J.)

NICONIA, (Géog. anc.) ville du pays des Gètes, selon Strabon, liv. VII. qui la place avec Ophiusa, à 120 ou 140 stades au-dessus de l'embouchure du fleuve Tyra.


NICOPOLIS(Géog.) ce mot signifie ville de la victoire, ville fondée à cause de la victoire. Romulus, Bacchus, & Castor bâtirent des villes dans les lieux où ils avoient triomphé, ou établirent des colonies dans les lieux dont ils avoient chassé les anciens habitans ; c'est ce que Pompée, César, Auguste, Titus, Trajan & autres empereurs imiterent, en donnant aux villes qu'ils éleverent le nom de Nicopolis. C'est pourquoi nous trouvons dans l'histoire plusieurs villes de ce nom. Nous allons tâcher de les distinguer avec exactitude.

NICOPOLIS, (Géog. anc.) ville de la Grece, dans l'Epire, à l'entrée du golfe d'Ambracie, sur la côte septentrionale, à l'opposite de la ville d'Actium. Cette ville doit sa fondation à Auguste, qui la fit bâtir pour être le monument de la victoire qu'il avoit remportée sur Antoine à la célébre journée d'Actium.

Ce fait historique est marqué par deux médailles, qui représentent toutes deux d'un côté la tête d'Auguste, avec cette inscription grecque, , Auguste fondateur ; & au revers, l'une a au milieu d'une couronne à becs de vaisseau une palme avec ces mots, , la sacrée Nicopolis : & l'autre a la tête d'un sanglier percée de deux flèches avec ce mot autour , Nicopoleos. C'étoit la tête du sanglier calydonien, qui étoit gardée à Tégée dans le temple de Minerve, & qu'Auguste fit transporter à Nicopolis, pour punir ceux de Tégée d'avoir suivi le parti d'Antoine.

Ce prince n'oublia rien pour rendre sa nouvelle ville recommandable dès les commencemens. Strabon, liv. VII. p. 325. dit qu'il y attira les habitans des villes voisines ; & Pausanias nous a conservé le nom de deux peuples qu'il rassembla ; il les appelle Ambraciotae & Anactorii. Pline, liv. IV. ch. v. nomme la Nicopolis d'Epire, ville libre. Tacite, annal. liv. V. ch. x. lui donne le nom de colonie romaine. Comme il y avoit déja plusieurs villes nommées Nicopolis ; pour distinguer celle-ci, on l'appella Achaiae Nicopolis, ou Actia Nicopolis.

S. Paul passa dans cette ville l'hiver de l'an 64 de J. C. & manda à Tite de l'y venir trouver. Tit. iij. v. 12. Ceux qui croient que la ville de Nicopolis, où S. Paul passa l'hiver, n'étoit pas celle de l'Epire, mais la Nicopolis de Thrace à l'entrée de la Macédoine, sur la riviere de Nesse, se trompent ; car cette derniere n'existoit pas encore. La Nicopolis d'Auguste se nomme aujourd'hui Prevesa, sur le golfe de Larta.

NICOPOLIS, ou NICOPOLIS AD HAEMUM (Géog. anc.) ville de la Thrace au pié du mont Hémus, vers la source du fleuve Jatrus. Elle étoit différente d'une autre Nicopolis aussi dans la Thrace, sur la riviere de Nesse, dont nous parlerons bientôt.

NICOPOLIS, (Géog. anc.) ville de la basse-Maesie sur l'Iatrus, à l'embouchure de ce fleuve dans le Danube. Pour la distinguer de Nicopolis sur l'Hémus, bâtie aussi sur l'Iatrus ; on l'appelloit Nicopolis ad Istrum. Trajan en fut le fondateur, selon Ammien Marcellus, liv. XXXI. ch. xvj. & il la bâtit après sa victoire sur les Daces.

NICOPOLIS, ou NICOPOLIS AD NESSUM, (Géog. anc.) ville de la Thrace sur la riviere de Nesse ou Neste, à la gauche, à quelques lieues au-dessus de son embouchure. Elle fut fondée par Trajan. Ptolémée, liv. III. ch. xj. la place dans les terres entre Pantalia & Topiris. Nous avons quelques anciennes médailles de cette ville ; elle y est surnommée Ulpia ou Olpia, ce qui revient à la même chose : car quelquefois dans les médailles on met O pour . L'inscription d'une de ces médailles qui se trouve dans le recueil de Spanheim, est conçue en ces termes. , c'est-à-dire Ulpiae Nicopoleos ad Nestum.

NICOPOLIS, (Géog. anc.) ville d'Egypte aux environs d'Alexandrie. Josephe de Bello Jud. liv. IV. ch. xiv. parle de cette ville en décrivant la route que prit Titus pour se rendre d'Alexandrie en Judée, & il la met à vingt stades de cette derniere ville. Dion Cassius, liv. XV. p. 456. nous apprend qu'Auguste en fut le fondateur ; qu'il la bâtit dans le lieu où il avoit donné la bataille ; qu'il lui donna le même nom, & lui accorda le privilege des mêmes jeux qu'il avoit accordés à la ville de Nicopolis en Epire.

NICOPOLIS, (Géog. anc.) ville de l'Arménie mineure. Strabon nous apprend qu'elle fut bâtie par Pompée. Pline, l. VI. c. ix. & Ptolémée, liv. V. ch. vij. en parlent. Ce dernier la met au voisinage des montagnes. Pour la distinguer des autres Nicopolis, on l'appella Nicopolis Pompeii, du nom de son fondateur, comme nous l'apprenons de Dion Cassius, liv. XLIX. Dans le moyen âge elle fut la seconde ville de la premiere Arménie, & devint un siege épiscopal, suffragant de Sébaste. On la nomme maintenant Gianich ; elle est sur la riviere de Céraune, à 100 lieues d'Erzérom, 90 de Cagny ; c'est un siege de justice & de gouvernement chez les Turcs. Long. 55. 30. lat. 38. 15.

NICOPOLIS, (Géog. anc.) ville de Bithynie sur le Bosphore, ou du moins dans le voisinage. Pline & Etienne le Géographe sont les seuls anciens qui fassent mention de cette ville ; & ce dernier se contente de l'appeller Nicopolis de Bithynie. Le P. Hardouin prétend que c'est aujourd'hui Scutari.

NICOPOLIS, (Géog. anc.) ville de l'Asie mineure. Ptolémée, l. V. ch. viij. la place entre Castabola & Epiphania. Strabon, liv. XIV. p. 676. la met au nombre des villes qui sont sur la côte du golfe Issus.

NICOPOLIS, (Géog. anc.) auparavant nommée Emmaüs ; ville de la Palestine. Elle commença, selon quelques auteurs, à porter le nom de Nicopolis sous l'Empereur Alexandre, fils de Mammée. Ce n'étoit avant cela qu'un bourg qu'on nommoit Emmaüs. Selon Sozomène, Vespasien l'érigea en ville, en lui donnant le nom de Nicopolis, lorsqu'il y eut envoyé une colonie. Ce bourg avoit été brûlé par Varus, & la ville devint évêché sous les empereurs chrétiens.


NICOSIou NICUSIA, (Géogr.) petite ville de Sicile dans le val Démona auprès de la riviere de Cérame, entre Trachina & Calacibetta. Quelques-uns croient que c'est l'ancienne Erbita de Ptolémée, ou comme Ciceron écrit Herbita par une aspiration.


NICOTERA(Géogr.) petite ville d'Italie au royaume de Naples, dans la Calabre ultérieure, avec un évêché suffragant de Reggio. Elle est près de la mer sur le haut d'une montagne, selon Baudrand. Cette ville est ancienne comme il paroît par le détail d'Antonin ; Léander assure qu'on la nomme aujourd'hui Nicodro. Long. 33. 50. lat. 38. 30.


NICOTEUXS. m. pl. (terme de Couvreur) morceaux d'une tuile fendue en quatre, dont les couvreurs se servent aux solins & vuilées.


NICOTIANES. f. TABAC, (Hist. nat. Bot.) nicotiana, genre de plante à fleur monopétale, en forme d'entonnoir, & profondement découpée. Le pistil sort du calice, il est attaché comme un clou à la partie inférieure de la fleur, & il devient dans la suite un fruit membraneux, oblong ou arrondi & divisé par une cloison en deux loges qui renferment plusieurs semences attachées à un placenta. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE & TABAC.


NICOURIA(Géog.) île de l'Archipel à un mille de celle d'Amorgos. C'est une roche escarpée, ou proprement c'est un bloc de marbre au milieu de la mer. Il est peu élevé, & a environ cinq milles de tour. On n'y voit que des chevres & des perdrix rouges d'une beauté surprenante, mais qui sont maigres & coriaces. (D.J.)


NICOYA(Géogr.) ville de l'Amérique septentrionale, dans la nouvelle Espagne, sur la côte de la mer Pacifique, au fond du golfe des Salines. Long. 292. lat. 9.


NID D'OISEAUS. m. nidus avis, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur polypétale, anomale & composée de six pétales inégaux ; les cinq supérieurs sont disposés en forme de casque, l'inférieur est fendu en deux parties & garni d'une sorte de tête. Le calice devient dans la suite un fruit, ou une vessie remplie de semences très-menues. Ajoutez au caractere de ce genre que les racines sont fibreuses, & ressemblent à un nid d'oiseau. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

NIDS D'OISEAUX, (Hist. nat.) il est une espece de nids d'oiseaux dont on fait un très-grand usage à la Chine, & qui est un objet de commerce considérable. Ces nids se trouvent sur les rochers qui sont près des côtes de la mer. C'est sur-tout dans l'île de Java, sur les côtes de la Cochinchine, sur celles de Timor, de Sumatra & de la presqu'île de Malaca, que l'on rencontre ces sortes de nids, d'où on les porte à la Chine, où l'on en donne depuis 3 jusqu'à 7 taëls, qui sont environ 45 liv. argent de France, à proportion de leur qualité, pour la livre chinoise qui est de 20 onces. Les observations les plus exactes nous apprennent que ces nids sont faits par des oiseaux de mer parfaitement semblables à ceux que l'on nomme martinets ou hirondelles de mer sur les côtes de France ; ils les forment avec une matiere gluante & tenace qui leur sort du bec, & qu'ils attachent peu-à-peu sur les roches des bords de la mer, où la chaleur du soleil leur donne de la consistance. On croit communément que la matiere dont ces oiseaux se servent pour cela est une espece d'écume qui nage à la surface de la mer, que ces animaux combinent & travaillent avec une matiere qui vient de leur estomac. Ces nids d'oiseaux, lorsqu'ils sont secs, ont une consistance à peu-près semblable à celle de la corne ; mais lorsqu'ils ont été bouillis, soit dans de l'eau, soit dans du jus, soit dans du bouillon de viande, ils ressemblent à des cartilages de veau ; ceux qui sont d'une couleur blanche sont les plus estimés ; on fait moins de cas de ceux qui sont rougeâtres, & le prix en est beaucoup moindre. Les Chinois regardent les nids d'oiseaux comme un aliment très-nourrissant, très-propre à fortifier & à restaurer, sans charger l'estomac.

Voici ce que le Dictionnaire du commerce dit de ces nids ; il les met parmi l'espece d'épicerie la plus estimée à la Chine & dans toutes les Indes orientales. Elle se trouve au Tunquin & à la Cochinchine, mais particulierement dans le royaume de Champa, qui est situé entre l'un & l'autre. Les oiseaux qui font ces nids pour y pondre & couver leurs oeufs, sont assez semblables de figure à des hirondelles. Lorsqu'ils sont en amour, ils jettent par le bec une espece de bave tenace & gluante, qui est la matiere dont ils bâtissent leurs nids, & dont ils les attachent aux rochers en appliquant cette substance visqueuse par diverses couches l'une sur l'autre, à mesure que les premieres se sechent. Ces nids sont de la forme d'une médiocre cuillere, mais avec des bords plus élevés.

Il y a tant de ces sortes de nids, qu'on en rassemble tous les ans une quantité prodigieuse qui se portent presque tous à la Chine, où ils se vendent à raison de 50 taels le cent, ce qui fait environ 100 ducats d'Espagne. On les croit excellens pour l'estomac, & ils donnent aux mets qu'on en assaisonne un goût délicieux. (D.J.)

NIDS, (Hist. nat. Minéral.) on appelle dans le travail des mines, mines par nids, minera nidulans, la mine qui se trouve par masses séparées & qui n'est point par filons. Voyez MARONS & ROIGNONS. (-)

NID-DE-PIE, (Milit.) c'est dans la guerre des sieges, un petit logement que font les assiégeans sur le haut de la breche à l'angle flanqué d'un bastion, d'une demi-lune, &c. (Q)


NIDAou NIDOW, (Géog.) ville de Suisse dans le canton de Berne, capitale d'un bailliage de même nom, avec un château. Elle est dans un terrein bas & fertile sur le lac de Bienne, à 6 lieues N. O. de Berne, 21. S. O. de Zurich. Longit. 24. 55. latit. 47. 12.

Le bailliage de Nidau comprend une dixaine de paroisses. Il a été autrefois un comté, dont l'abbé de Longuerue donne l'histoire dans sa description de la France.


NIDDA(Géog.) petit comté d'Allemagne dans les états du landgrave de Hesse-Darmstat. Son chef-lieu a le même nom, & est situé sur la petite riviere de Nidda, qui va se jetter ensuite dans le Mein.


NIDDUI(Critiq. sacrée) ce mot hébreu signifie excommunié, séparé. C'étoit la moindre sorte d'excommunication usitée parmi les Juifs ; elle éloignoit cependant un homme de tout commerce civil, même d'avec sa femme & d'avec ses domestiques qui ne pouvoient s'approcher de lui plus près de quatre coudées : elle duroit trente jours, si le coupable se repentoit ; sinon on la prolongeoit selon le besoin jusqu'à quatre-vingt-dix jours : lorsque dans cet intervalle l'excommunié ne satisfaisoit pas, il tomboit dans le cherem, qui étoit la deuxieme espece d'excommunication, & de là dans la troisieme appellée schammata, qui étoit la plus grave de toutes. (D.J.)


NIDE(Géog.) riviere de Lorraine formée de deux autres nommées la Nide françoise & la Nide allemande. Ces deux rivieres s'étant jointes, n'ont plus qu'un seul lit, qui porte le nom de Nide, & qui se jette dans la Sare.


NIDECK(Géog.) petite ville d'Allemagne au duché de Juliers, sur la Roer ou Ruhr, entre Duren & Zulpich. Elle est capitale d'un bailliage de même nom dans le duché de Brunswick-Lunebourg. Long. 24. 20. lat. 50. 36.


NIDOREUXadj. (Gramm. & Méd.) qui a l'odeur de la putréfaction. Les médecins distinguent les crudités de l'estomac en acides & en nidoreuses.


NIDUMou NIDUS, (Géog. anc.) ville d'Angleterre, selon l'itinéraire d'Antonin ; c'est aujourd'hui Néath, sur la riviere de même nom.


NIEBLA(Géog.) ancienne ville d'Espagne dans l'Andalousie avec titre de comté, sur le Rio tinto, environ à 6 lieues de la mer, & à 15 O. de Séville. C'étoit autrefois une ville assez considérable, nommée Nipla. Long. 11. 45. lat. 37. 20.


NIECE(Jurisprud.) Voyez NEVEU.


NIEKE CORONDE(Bot. exot.) nom que les Ceylanois donnent à une fausse espece de canelle. L'arbre qui la fournit ressemble au nieke, arbrisseau fort commun dans l'île de Ceylan. Les habitans emploient leur nieke coronde à des usages de médecine ; ils en tirent une huile dont ils se servent pour en frotter la tête & les autres parties du corps dans les maladies des nerfs. (D.J.)


NIELLES. f. nigella, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en rose, & composée de plusieurs pétales disposés en rond. Cette fleur a une sorte de couronne placée entre les pétales & les étamines, & formée par des corps en forme de cornes. Le pistil sort du milieu de la fleur & devient dans la suite un fruit membraneux, arrondi ou oblong. Ce fruit est divisé en plusieurs cornes à sa partie supérieure, & il n'a qu'une seule capsule qui renferme des semences. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

M. Tournefort compte douze especes de ce genre de plante, tant sauvages que cultivées.

La nielle sauvage commune, nigella arvensis, cornuta, I. R. H. 258, a une petite racine fibreuse & blanchâtre ; elle jette à peine à la hauteur d'un pié une tige cannelée, tantôt simple, tantôt rameuse ; ses feuilles sont alternes, plus minces, plus espacées que celles de la nielle cultivée, & découpées en petits filamens : ses fleurs sont comme étoilées, composées de cinq pétales, de couleur bleue, assez grandes & agréables, sans barbes. Quand les fleurs sont tombées, il leur succede des fruits membraneux, terminés par cinq cornets, à-peu-près comme l'ancolie, & divisés dans leur longueur en autant de loges qui renferment plusieurs semences noires & de peu d'odeur. On trouve cette plante dans les blés, où elle fleurit vers la fin de l'été.

La nielle ordinaire cultivée, nigella flore minore, simplici, candido, I. R. H. 258, pousse des tiges à la hauteur d'un pié, grêles, cannelées, assez nombreuses ; ses feuilles sont médiocrement larges, vertes, découpées, menues. Ses fleurs sont placées aux sommités de ces rameaux, grandes, séparées les unes des autres, composées chacune de cinq pétales disposés en rose, d'un blanc pâle, accompagné au milieu de plusieurs étamines, qui sont entourées par une couronne de petits corps oblongs. Quand les fleurs sont passées, il leur succede des fruits membraneux, assez gros, terminés par plusieurs cornes, & divisés en loges, qui renferment des semences oblongues ou rondelettes, noires ou jaunes, d'une odeur aromatique, & d'un goût piquant.

Cette plante se cultive dans les jardins où elle vient aisément, & où elle fleurit pendant trois mois de l'été. Les curieux tirent sa graine d'Italie ; ils aiment aussi beaucoup la petite nielle du Levant, qu'on appelle en Botanique nigella cretica ; elle se distingue des autres par ses jolies fleurs bleuâtres, & par l'odeur de sa graine qui est aussi forte que celle du cumin. (D.J.)

NIELLE, (Chimie, Diete & Matiere méd.) nielle romaine ou des jardins, c'est la semence seule qui est d'usage en Médecine, & que les paysans emploient dans quelques cantons du royaume à titre d'assaisonnement & en guise de poivre.

Cette semence, qui a un goût vif & piquant, contient une petite quantité d'huile essentielle, & une autre huile que Cartheuser appelle unguineuse, & qu'il dit être soluble par l'esprit-de-vin, & retirable par l'expression ; sur quoi il faut observer qu'il n'est pas permis, en raisonnant d'après l'analogie tirée des connoissances reçues & vérifiées sur presque toutes les huiles connues, qu'il n'est pas permis, dis-je, de regarder comme une même substance l'huile que M. Cartheuser a retirée de la semence de nielle par expression, & celle qu'il en a retirée par l'esprit de vin.

La semence de nielle est comptée parmi les remedes toniques, fortifians, discussifs, emmenagogues, carminatifs, errhins, contraires aux rhumes & enchifrenemens, vermifuges, céphaliques, & propres à la génération du lait : la plûpart de ces vertus sont peu prouvées par l'observation, parce que la semence de nielle est peu usitée, mais elles sont annoncées autant qu'elles peuvent l'être par leurs qualités extérieures, & par la connoissance de ses principes.

Cette semence entre dans la composition du sirop d'armoise, de l'électuaire de baies de laurier, & de l'huile de scorpion composée. (b)


NIÉMECZ(Géog.) place forte de Moldavie, entre Scozwa & Cronstadt : les Polonois la prirent en 1691, & la rendirent à la paix. Long. 44. 31. lat. 46. 58. (D.J.)


NIÉMEN(Géog.) grande riviere de Pologne, qui prend sa source au palatinat de Minski en Lithuanie, & se jette dans le Curish-Haff par plusieurs embouchures.


NIÉMI(Géog.) montagne de la Laponie suédoise : cette montagne, dit M. de Maupertuis, seroit charmante par-tout ailleurs qu'en Laponie ; on trouve d'un côté un bois clair, dont le terrein est aussi uni que les allées d'un jardin ; les arbres n'empêchent point de se promener, ni de voir un beau lac qui baigne le pié de la montagne ; d'un autre côté on trouve des salles & des cabinets qui paroissent taillés dans le roc, & auxquels il ne manque que le toît : ces rochers sont si perpendiculaires à l'horison, si élevés, & si unis, qu'ils paroissent plutôt des murs commencés pour des palais, que l'ouvrage de la nature. Nous vimes-là plusieurs fois, continue M. de Maupertuis, s'élever du lac, ces vapeurs que les gens du pays appellent haltios, & qu'ils prennent pour les esprits auxquels est commise la garde des montagnes : celle-ci étoit formidable par les ours qui s'y devoient trouver ; cependant nous n'y en vîmes aucun, & elle avoit plus l'air d'une montagne habitée par les fées & par les génies, que par les ours. Mém. de l'acad. des Scienc. année 1737.


NIENBOURG(Géog.) forte ville d'Allemagne au duché de Brunswick-Lunebourg : son commerce consiste en blé, en laine, en lin, en miel, & en bestiaux. Elle a été prise & reprise plusieurs fois dans le dernier siecle ; enfin elle a été rendue à Louis duc de Brunswick-Lunebourg en 1650 ; elle est sur le Weser, à 10 lieues N. O. d'Hanovre, 15 S. E. de Brême. Long. 27. 2. lat. 52. 44.


NIENCHEU(Géog.) ville de la Chine, dans la province de Chekiang, dont elle est la quatrieme métropole. Elle est environnée de montagnes où il y a des mines de cuivre ; ses habitans font un grand commerce de papier. Lat. sept. 29. 33.


NIÉPEou DUIéPER, (Géog.) autrefois le Boristhene, est une riviere de l'Europe, & l'une des plus grandes du Nord. Hérodote, liv. IV. c. lxiij. & Pomponius Mela, liv. II. chap. j. en ont donné la description. Les noms de Niéper ou Dniéper, ne sont pas modernes, car ils viennent du mot Danapris, qui est le nom que les anciens écrivains donnoient aussi à ce fleuve ; mais nous en connoissons la source beaucoup mieux qu'ils ne l'ont connue. Elle se trouve dans la Russie moscovite, au duché de Recchou, entre Wolock & Oleschno. Ce fleuve passe dans la partie orientale de la Lithuanie, coule dans le palatinat de Kiow, reçoit chemin faisant plusieurs rivieres, & finit par se jetter dans la mer Noire auprès d'Oczakow : son embouchure dans la mer a une bonne lieue françoise de large. (D.J.)


NIERv. act. (Gramm.) c'est regarder comme faux ce qui est avancé par un autre, & lui marquer l'opposition qu'on a à son sentiment, par les expressions usitées dans la langue. Voyez NEGATION, NEGATIF, &c.


NIERS(Géog.) petite riviere d'Allemagne, qui prend sa source dans l'électorat de Cologne, à l'occident de Nuys, & qui se jette dans la Meuse audessous de Gennep. (D.J.)


NIESARAou NEOCOESAREA, (Géog.) ville de l'empire ottoman dans la Natolie, avec un archevêché grec, qui est le cinquieme sous le patriarchat de Constantinople. Quoique cette ville soit presque ruinée, elle est encore la métropole de la Cappadoce ; & l'on doit ajouter qu'elle a été la patrie de S. Grégoire thaumaturge, ou le faiseur de miracles ; ce qu'il y a de plus sûr, c'est qu'il étoit disciple d'Origene, & qu'il mourut en 270. Niesara est à deux journées de Tocac. Long. 53. 52. lat. 39. 25.


NIESTER LE(Géog.) grande riviere de Pologne ; elle a sa source au palatinat de Russie, dans le mont Krapack, traverse la Pokucie, sépare la Moldavie du palatinat de Podolie, & se rend à Bialogorod, ville de la Bessarabie, où elle se décharge dans la mer Noire.


NIEUPORT(Géog.) ville forte des Pays-bas autrichiens, dans la Flandre, avec un port & des écluses, dont on peut inonder en un instant tous les environs. Elle soutint un siege contre Philippe duc de Cleves en 1488 ; le duc de Parme la prit en 1583 ; l'archiduc Albert d'Autriche y fut défait en 1600 par le prince Maurice de Nassau. Elle est sur la riviere d'Yperlée qui la traverse à un quart de lieue de la mer, 2 lieues de Furnes, 3 d'Ostende, 5 de Dunkerque, 65 de Paris. Long. selon Cassini 20. 16. 30. lat. 51. 7. 58.

C'est en 1168 qu'on nomma cette ville Nieuport, à cause d'un port que Philippe d'Alsace y fit. Voy. Longuerue, Description de la France.

C'est la patrie de Clicthone (Josse) docteur de Sorbonne au xvj. siecle, mort en 1543 : ses ouvrages de controverse, en grand nombre, sont tous tombés dans l'oubli.


NIEURE(Géog.) petite riviere de France en Nivernois ; elle entre dans la Loire sous le pont de Nevers, & a, dit-on, donné son nom à cette ville. (D.J.)


NIÈVEou NEWIS, (Géog.) petite île de l'Amérique septentrionale appartenante aux Anglois. Voyez NERWIS.


NIFS. m. terme à l'usage de ceux qui travaillent l'ardoise. Voyez ARDOISE.


NIFLHEIMS. m. (Mythologie) c'est le nom que les anciens Scandinaves ou Goths donnoient à leur enfer fabuleux. Ce mot signifie dans la langue gothique séjour de scélérats. Ils disoient qu'au milieu de ce lieu terrible étoit une fontaine nommée Huergelmer, d'où découloient les fleuves suivans, l'Angoisse, l'Ennemi de la joie, le Séjour de la mort, la Perdition, le Gouffre, la Tempête, le Tourbillon, le Rugissement, & le Hurlement, le Vaste ; celui qui s'appelle Bruyant coule près des grilles du Séjour de la mort. Voyez l'Edda des Islandois.


NIGÉBOLI(Géog.) ville de Turquie dans la Bulgarie, capitale d'un sangiack, fameuse par la bataille de 1396, entre Bajazet qui la gagna, & Sigismond qui devint ensuite empereur d'Allemagne. Les Grecs y ont un archevêque. Nigéboli est sur le Danube, à 14 lieues S. O. de Rotzig, 60 N. O. d'Andrinople. Long. 43. 18. lat. 43. 45. (D.J.)


NIGELLA TERRA(Hist. nat.) nom donné par quelques auteurs au terreau ou à la terre noire des jardins, humus atra communis.


NIGER(Géog.) c'est le Nigir de Ptolomée, liv. IV. chap. vj. & le Nigris de Pline, liv. V. chap. iv. grand fleuve d'Afrique qui arrose la Nigritie : les François le nomment autrement, la riviere du Sénégal. Quoique le cours de ce fleuve nous soit un peu mieux connu qu'il ne l'étoit des anciens, cependant il s'en faut beaucoup que nous en soyons assurés. On croit qu'il tire sa source d'un lac nommé Maberia par les Sauvages, & qu'on place au cinquieme degré de latitude septentrionale. Les anciens ont imaginé qu'il venoit du Nil par un passage souterrain, parce qu'il se déborde tous les ans en même-tems que le Nil, mais nous en dirons plus bas les raisons. On prétend qu'il se partage en deux branches, dont celle qui coule au sud s'appelle Gambie, on lui donne une de ses embouchures au onzieme degré de latitude, & la plus éloignée à quinze degrés de distance de l'équateur.

Suivant les cartes de M. Delisle, le Niger perd son nom dans le lac de Guarde, & de là à la mer, ce qui fait 700 milles anglois en ligne droite ; mais M. Suow qui a été gouverneur de James-Fort, sur la riviere Gambie, nous assure que le Niger n'a point un cours aussi étendu qu'on nous le représente dans les cartes géographiques. Il nous apprend encore que c'est une riviere barrée, qui ne peut recevoir de bâtiment plus gros que des barques jusqu'à l'endroit où se trouve l'établissement des François, au-dessus duquel il n'y a que des bâtimens plats qui puissent naviguer jusqu'à Galam ; au-lieu que la Gambie est navigable pour des vaisseaux, si chargés qu'ils puissent être, environ cinquante lieues au-dessus de l'établissement des Anglois, & qu'il porte des vaisseaux de cent tonneaux jusqu'à Barraconda, & un peu plus haut (car la marée monte jusques-là) c'est-à-dire à près de 150 lieues au-dessus du fort James.

Quant aux inondations du Niger, il n'en faut pas chercher la cause bien loin ; ce sont les pluies qui tombent entre la ligne & le tropique qui produisent les accroissemens de cette riviere : ces pluies commencent les premiers jours de Juin, & continuent trois à quatre mois. Elles gagnent toujours pays, & avancent de l'est à l'ouest. La riviere se débordant par la crue de ses eaux, inonde les pays plats, engraisse les terres & les fertilise par le limon qu'elle y laisse. (D.J.)


NIGOTEAUZ(Arch.) Voyez PIECES DE TUILE.


NIGRICANIGRICA


NIGRITIE(Géog.) grand pays d'Afrique, qui s'étend de l'est à l'ouest des deux côtés du Niger. Il est borné N. par les déserts de la Barbarie, E. par la Nubie & l'Abyssinie, S. par la Guinée, O. par l'Océan occidental. Ce pays comprend plusieurs petits royaumes, tant au nord du Niger qu'au midi, & des deux côtés de ce grand fleuve.


NIGRO-MANTIE(Art divinat.) ce mot signifie à la lettre divination noire. Il est composé de deux mots, l'un latin nigra, noire, & l'autre grec , divination. On donnoit autrefois ce nom à l'art de connoître les choses cachées de la terre, & placées à l'obscurité dans des endroits noirs, ténébreux, comme des mines, des métaux, des pétrifications, &c. & c'est dans ce sens que ce mot est employé par Paracelse. Rulan & Dornaeus ses commentateurs, ont prétendu que cette connoissance d'abord naturelle, étoit devenue par l'instinct du diable & la méchanceté des hommes, un art exécrable & diabolique, & que ceux qui en faisoient profession invoquoient les démons & les mauvais esprits, & leur commandoient de porter certaines choses dans des pays fort éloignés, ou d'en rapporter ce dont ils avoient envie. La nuit étoit particulierement destinée à ces invocations ; & c'est aussi pendant ce tems que les démons exécutoient les commissions dont ils étoient chargés, parce que les mauvais esprits craignent la lumiere, & sont amis & ministres des ténébres. Les démons, disent-ils, feignoient d'être forcés par les hommes à faire ce qu'on leur demandoit, tandis qu'ils s'y portoient avec plaisir & de leur propre mouvement, sachant très-bien que cela tournoit au préjudice de leurs auteurs. Rien n'est plus déplorable, continuent ces écrivains timorés, que de voir un art aussi détestable & diabolique exercé & même pratiqué par des chrétiens. Voyez le lexic. de Johns & de Castell. A présent que l'on sait à quoi s'en tenir sur les sorciers, & qu'on a éclairé avec le flambeau de la Philosophie tout ce qu'on appelle sortilege, on n'ajoute plus de foi à ces prétendues divinations ; on est bien assuré que ces invocations, ces apparitions du diable sont tout aussi ridicules & aussi peu réelles que celles de Jupiter, de Mars, de Vénus, & de toutes les autres fausses divinités des payens, dont se mocquoient avec raison les sages & les philosophes de ces tems. On les évalue au juste quand on les regarde comme des réveries, des produits d'une imagination bouillante & quelquefois dérangée. La Religion est sur ce point d'accord avec la Philosophie.


NIGROITS. m. (Hist. nat. Ictiolog.) oblado, oculata, melanurus, poisson de mer, qui a comme le sargo & le sparaillon, une tache noire sur la queue ; il ressemble à la daurade, voyez DAURADE, par le nombre & la position des nageoires, & par la figure de la queue. Il a la bouche & les dents petites, les écailles larges & peu adhérentes au corps. Les yeux sont très-grands proportionnellement à la grosseur de ce poisson. Il y a sur les côtés du corps des écailles beaucoup plus larges que les autres, & disposées de façon qu'elles forment une large bande qui s'étend depuis les ouies jusqu'à la queue, & qui peut faire distinguer le nigroit du sargo & du sparaillon. Les écailles ont chacune de petits traits noirs. Le corps a une couleur bleue mêlée de noir, excepté l'extrêmité postérieure qui est rougeâtre ; c'est sur cette partie que se trouve la tache noire dont nous avons parlé. Le nigroit mange de l'algue ; il se nourrit aussi de petits poissons ; il a la chair molle, presque aussi brune que celle du sargo, mais moins nourrissante. Rondelet, Hist. des poissons premiere part. liv. V. chap. vj. Voyez SARGO, SPARAILLON, poisson. (I)


NIGUAS. m. (Insectologie) terme espagnol, lequel désigne une espece de puce terrestre du Brésil qui se fiche dans la peau, s'y multiplie, & y cause avec le tems des ulceres.

Cet insecte, que l'on nomme chique aux Antilles, étant vu au microscope, a le dos rond, couvert d'un poil brun ; la tache noire qui le fait remarquer est sa tête. Il a plusieurs petits piés garnis de poil sous le ventre ; il est ovipare, & ses oeufs étant éclos, paroissent comme autant de petits grains noirs.

Le nigua passe aisément au-travers des bas, & se loge ordinairement sous les ongles des piés, dans les jointures, & dans les endroits de la peau qui sont un peu élevés. La douleur qu'il fait en perçant l'épiderme n'est pas plus grande que celle d'une médiocre piquure de puce, aussi ne s'en apperçoit-on pas. Après qu'il s'est logé dans l'endroit qui lui est le plus commode, il ronge doucement la chair autour de lui, & n'excite d'abord qu'une legere démangeaison ; il grossit peu-à-peu, s'étend, & devient enfin comme un petit pois : en cet état il fait des oeufs qui étant éclos se nichent autour de leur mere, croissent comme elle, rongent toute la chair aux environs, y causent des ulceres malins, & quelquefois la gangrene. Aussi lorsqu'on s'apperçoit du mal, il est facile d'y porter remede ou par soi-même, ou par le secours d'autrui. Comme la noirceur du nigua se fait aisément remarquer entre la chair & la peau, on prend un canif pointu, & on déchausse doucement aux environs du trou qu'a fait l'insecte, afin de pouvoir le tirer dehors tout entier avec une épingle aussi-tôt qu'on le voit à découvert. On traite ensuite la plaie avec des plumaceaux imbibés de quelque digestif ; mais quand on néglige le mal, ou qu'on n'a pas soin de tirer hors de la tumeur tous les niguas qui s'y sont nichés, on court risque d'avoir des ulceres qui demandent pour leur guérison le secours de la Chirurgie. (D.J.)


NIHIL ALBUMS. m. (Chimie) ou simplement nil ; c'est le nom que l'on donne à une matiere blanche semblable à une farine légere, qui s'attache à la partie la plus élevée des fourneaux dans lesquels on traite des substances métalliques volatiles & calcinables. On voit par-là que tous les demi-métaux, tels que l'arsenic, l'antimoine, le plomb & l'étain, peuvent donner une pareille substance ; mais on donne plus particulierement le nom de nihil album à la partie subtile & légere qui s'attache au haut des cheminées des fourneaux dans lesquels on traite des mines de zinc ou de cuivre jaune ; c'est une espece de tutie ou de chaux de zinc. Voyez ZINC & TUTIE. (-)


NIKOPING(Géog.) ville de Danemarck sur la côte occidentale de l'île de Falster, vis-à-vis celle de Laland, avec une bonne forteresse. Elle est à 19 lieues S. O. de Copenhague. Long. 29. 58. lat. 54. 50. (D.J.)


NILS. m. (Bot. anc.) nom donné par les médecins arabes à deux graines très-différentes, & qui sont souvent prises dans leurs écrits l'une pour l'autre. Avicenne dit dans un endroit que le nil est la graine d'une plante rampante du genre des liserons, & que cette plante porte des fleurs bleues comme celle de la campanule ; dans un autre endroit il écrit que le nil est le nom d'une plante qui est d'usage en teinture, & qui semble être la même que notre pastel ou guesde. Quelquefois les Arabes entendent une plante sous le nom de nil, & quelquefois sous le même nom la teinture qu'on tire de cette plante. Les anciens traducteurs de Dioscoride en arabe, ont partout traduit le mot isatis par celui de nil, ainsi que la plante dont on tire l'indigo. Les interpretes des Arabes ont tous été jettés dans la même erreur, par le double sens du mot nil, qui désigne tantôt la plante, & tantôt la teinture qu'on en retire. (D.J.)

NIL, s. m. (Géog.) grand fleuve d'Afrique qui a sa source dans l'Abyssinie ; il coule du midi au nord, & se décharge dans la Méditerranée.

Ce fleuve s'appella d'abord Oceanus, Oetus, Egyptus ; & à cause de ces trois noms, on lui donna celui de Triton. D'autres le nommerent Siris, Astapus & Astaporas. Plusieurs anciens écrivains témoignent que son ancien nom étoit Egyptus, & Diodore de Sicile pense qu'il ne prit le nom de Nilus que depuis le regne d'un roi d'Egypte ainsi nommé. Les Grecs l'appellent Mélas, qui signifie noir ou trouble. Les Abyssins l'appellent Abari, pere des eaux ; & les Ethiopiens le nomment Abaoi : enfin les Grecs & les Latins ne le connoissent aujourd'hui que sous le nom de Nil.

Les plus grands conquérans de l'antiquité ont souhaité avec passion de pouvoir découvrir ses sources, s'imaginant que cette découverte ajouteroit beaucoup à leur gloire. Cambyse en fit la tentative inutile. Alexandre se trouvant campé à la source du fleuve Indus, il crut que c'étoit celle du Nil, & il en eut une joie infinie. Ptolémée Philadelphe, un de ses successeurs, porta la guerre en Ethiopie, afin de pouvoir remonter ce fleuve. Lucain fait dire à César qu'il seroit trop heureux de voir le lieu où le Nil prend sa source.

Nihil est quod noscere malim

Quam fluvii causas per saecula tanta latentis,

Ignotum caput.

Néron plein du même desir, envoya des armées entieres pour cette découverte ; mais le rapport qu'on lui fit détruisit toute espérance de succès. La source du Nil demeura toujours inconnue jusqu'au milieu du dernier siecle : cette source, si long-tems & si inutilement cherchée par les anciens, paroît être, selon M. Delisle, à 11d. de latit. septentrionale en Abyssinie.

On attribue communément cette découverte aux jésuites portugais ; il est certain qu'ils en envoyerent les premiers à Rome des relations vers le milieu du dernier siecle, & le P. Tellez les mit au jour dans son histoire de la haute Ethiopie, imprimée à Conimbre en 1661. Ce fleuve sort par deux sources du haut d'une montagne de la province de Sabala, qui est dans le royaume de Goyau ; il descend de l'Abyssinie, traverse les royaumes de Sennar, de Dangola, toute la Nubie & l'Egypte, dans laquelle il porte la fécondité, en l'inondant régulierement au mois de Juin ou d'Août.

Le cours de cette riviere est d'environ 15 cent milles, presque toujours du midi au septentrion ; il se partage un peu au-dessous du Caire en deux bras qui vont l'un à l'est & l'autre à l'ouest, & tombent dans la Méditerranée à environ cent milles de distance. Il n'y a point d'autres branches du Nil navigables à-présent, que celles de Damiette & de Rosette. Tant que ce fleuve est renfermé dans son lit ordinaire, il ne paroît pas plus large que la Tamise l'est à Londres ; & dans la saison la plus seche de l'année, il est guéable en beaucoup d'endroits. Il a dans la partie supérieure de son cours, plusieurs cataractes, où l'eau tombe en nappes d'une grande hauteur avec un bruit prodigieux ; mais dans la basse Egypte il coule fort lentement, & on y navige sans peine.

Le Nil reçoit en Ethiopie les eaux d'un grand nombre de rivieres & de torrens que forment les pluies abondantes qui tombent entre l'équateur & le tropique avant & après le solstice : ces pluies sont la seule cause des débordemens reglés du Nil ; débordemens qui arrivent tous les ans à-peu-près au même-tems, mais avec quelques inégalités, parce qu'ils dépendent du concours de diverses circonstances physiques qui ne se trouvent pas toujours réunies de la même façon.

La couleur des eaux du Nil qui change au tems des crues, a fait croire qu'elles étoient alors chargées d'une très-grande quantité de limon : on a évalué cette quantité sur des observations grossieres, à un dixieme du volume de l'eau. Une observation plus exacte faite par un voyageur anglois (M. Shaw), la réduit à 1/120 ; mais il resteroit encore à s'assurer de la nature de ce qui demeure après l'évaporation de l'eau : est-ce une véritable terre composée de particules fixes, capables de s'unir avec le terrein & d'en augmenter la masse ? est-ce une matiere qui se dissipe par l'action du soleil, & qui puisse être absorbée par l'air ? C'est un point qu'on n'a pas encore examiné. Le lecteur peut consulter sur la crue du Nil & ses inondations, les Mém. de l'acad. des Belles-Lettres. (D.J.)

NIL, (Mythol.) L'utilité infinie que ce fleuve d'Egypte a toujours apportée aux Egyptiens, le fit prendre pour un dieu, & même le plus grand des dieux : c'étoit lui qu'ils vénéroient sous le titre d'Osiris. On célébroit une grande fête en son honneur vers le solstice d'été, à cause que le Nil commence alors à croître & à se répandre dans le pays. Cette fête se célébroit avec plus de solemnité & de réjouissance qu'aucune autre ; & pour remercier d'avance le fleuve des biens que son inondation alloit produire, on jettoit dedans, par forme de sacrifice, de l'orge, du blé, & d'autres fruits. La fête du Nil se célebre encore aujourd'hui par de grandes réjouissances, mais les sacrifices en ont été retranchés. On voit au jardin des Tuileries un beau grouppe de marbre copié sur l'antique, qui représente le Nil sous la figure d'un vieillard couronné de laurier, à demi couché, & appuyé sur son coude, tenant une corne d'abondance ; il a sur les épaules, sur la hanche, aux bras, aux jambes, & de tous les côtés, de petits garçons nuds au nombre de seize, qui marquent les seize coudées d'accroissement qu'il faut que le Nil ait pour faire la grande fertilité de l'Egypte. (D.J.)

NIL, (Art numismat.) Le Nil est représenté sur les monumens publics, entr'autres sur les médailles, comme une des premieres divinités des Egyptiens ; mais entre les monumens qui lui furent consacrés, il n'y en a pas de plus majestueux que la statue colossale de Pierre Basalte, qu'on voit au belvédere du Vatican, & dont il y en a une belle copie dans le jardin des Tuileries. Pline fait mention de ce chef-d'oeuvre de l'art, & nous apprend que l'empereur Vespasien le fit placer dans le temple de la Paix. On a eu soin de faire ciseler autour de cette statue les principaux symboles du Nil, tels que sont l'hyppopotame, le crocodile, l'ibis, l'ichneumon, la plante du lotus, celle du papyrus, & seize enfans qui folâtrent à l'entour du dieu depuis les piés jusqu'au sommet de la tête, pour désigner la crue du Nil à seize coudées, hauteur qui annonce à l'Egypte l'année la plus fertile qu'elle puisse souhaiter. La statue de ce fleuve tient aussi une corne d'abondance, signe de la fertilité de l'Egypte. Une médaille de grand bronze de l'empereur Hadrien, frappée à Alexandrie, nous a conservé la mémoire d'un débordement du Nil à la hauteur de seize coudées, qui arriva la douzieme année de l'empire de ce prince. (D.J.)

NIL, (Monnoie du Mogol) monnoie de compte dont on se sert dans les états du grand-mogol. Un nil de roupies vaut cent mille padans de roupies ; un padant cent mille courons, & un couron cent mille laoks. Savary. (D.J.)

NIL TRANSEAT, terme de chancellerie romaine, Voyez TRANSEAT.


NILACUNDI(Hist. nat.) nom donné par quelques auteurs à une pierre précieuse des Indes, que l'on croit participer du saphir & du rubis.


NILI OSTIA(Géogr. anc.) c'est-à-dire bouches ou embouchures du Nil. Hérodote, Pomponius Mela, Diodore de Sicile, Strabon & Ptolémée prétendent que le Nil a neuf embouchures, tant naturelles que fausses, par lesquelles il se décharge dans la mer ; mais tous ces auteurs ne conviennent point ensemble sur le nom de ces neuf embouchures, & ce seroit une peine inutile que de chercher à les concilier. Les Poëtes ont pris plaisir à ne donner au Nil que sept bouches, & en conséquence Virgile le surnomme septem geminus ; & septem gemini turbant trepida ostia Nili. Ovide l'appelle aussi septemfluus :

Perque papyriferi septemflua flumina Nili

Ce nombre de sept convenoit à la Poësie. Les voyageurs modernes ne connoissent que deux bras du Nil qui tombent dans la Méditerranée, celui de Damiette & celui de Rosette. Il paroît que l'embouchure de Damiette est l'ostium pathmeticum ou phamiticum des anciens géographes ; Hérodote l'appelle bucolium. Or le Bogas dans lequel est Damiette étoit le Pathmétique de l'antiquité. L'embouchure de Rosette est l'ostium Bolbitinum des anciens ; car Rosette est selon toute apparence, l'ancienne ville Bolbitina. En un mot, il est vraisemblable que les autres bouches du Nil étoient des canaux pratiqués de l'un de ses deux bras, qu'on a pris pour des embouchures naturelles. (D.J.)


NILICA-MARAM(Hist. nat. Botan.) arbre des Indes orientales qui est une espece de prunier ; ses feuilles prises en décoction passent pour un grand remede dans les fievres chaudes. Son fruit & ses premieres feuilles séchés, pulvérisés & pris dans du lait caillé, font un remede pour la dyssenterie. On attribue encore des vertus à son fruit confit avec du sucre & à la liqueur que l'on en tire par la distillation.


NILLES. f. (Jardinage) ornement de parterre qui n'est qu'un filet simple ou qu'un trait de buis, dont on se sert, tant pour la variété, que quand on n'a pas assez de place pour tracer une palmette. Ce terme est emprunté des Vignerons, qui appellent ainsi un petit filet rond qui sort du bois de la vigne lorsqu'elle est en fleur. (K)

NILLES, s. f. pl. (Architect.) petits pitons quarrés de fer, qui étant rivés aux croisillons & traverses aussi de fer des vitraux d'église, retiennent avec des clavettes ou petits coins les panneaux de leurs formes. (D.J.)

NILLE, en terme de Boyaudier, c'est une petite roue de bois plus longue que grosse, surpassée à chaque bout d'une verge de fer terminée d'un côté par un bouton qui l'empêche de sortir de sa place, & de l'autre par un crochet auquel on attache le boyau qu'on veut retordre ; le long de ce petit cylindre il y a plusieurs petits creux dans lesquels la corde du rouet qui fait remuer les nilles est retenue. Chaque rouet a toujours deux nilles, & retord deux cordes à la fois.

NILLE, s. f. terme de Vigneron, sorte de petit filet rond qui sort du bois de la vigne lorsqu'elle est en fleur.

NILLE, en terme de Blason, se dit d'une espece de croix ancrée beaucoup plus étroite & menue qu'à l'ordinaire.


NILLÉOn dit, en terme de Blason, croix nillée, pour dire une croix faite de deux bandes séparées & crochues par le bout. Cette croix est ancrée & fort déliée, comme est la nille ou le fer d'un moulin, ce qui la fait aussi appeller croix de moulin.


NILOMETRou NILOSCOPE, s. m. (Hist. anc.) instrument dont les anciens faisoient usage pour mesurer la hauteur des eaux du Nil dans ses débordemens.

Ce mot vient du grec , Nil (qui vient lui-même de , nouveau limon, ou, selon d'autres, de , je coule, & de , limon), & de , mesure. Les Grecs appelloient ordinairement cet instrument .

Dans la bibliotheque du roi il y a un traité écrit en arabe sur les nilometres, intitulé neil fi alnal al Nil, dans lequel on décrit tous les débordemens du Nil, depuis la premiere année de l'hégire, jusqu'à la 875e.

Hérodote parle d'une colonne qu'on avoit élevée dans un endroit de l'île Delta, pour servir de nilometre ; il y en a encore une semblable au même endroit dans une mosquée.

Comme toutes les richesses de l'Egypte viennent des inondations du Nil, les Egyptiens les demandoient avec instance à leur dieu Sérapis, employant à cet effet plusieurs superstitions, & entr'autres le sacrifice d'une jeune fille qu'on noyoit tous les ans dans le Nil : ce qui obligea Constantin de leur défendre les sacrifices, & d'ordonner que le nilometre, qui avoit été jusqu'alors dans le temple de Sérapis, seroit mis dans une église. Julien l'apostat replaça le nilometre dans le temple de Sérapis, où il resta jusqu'au tems du grand Théodose. Voyez, au sujet des nilometres, les actes de Leipsic, année 1686, p. 147. (G)


NILSVoyez EURIPES.


NIMBES. m. (Art numis.) en latin nimbus ; c'est un cercle qu'on remarque sur certaines médailles, particulierement sur celles du bas empire, autour de la tête de quelques empereurs ; ce cercle est assez semblable aux cercles de lumiere, qu'on met aux images des saints.

La plus ancienne médaille que nous connoissions, sur laquelle on voie le nimbe, est d'Antonin Pie, & rapportée par Oiselius, thes. num. tab. 67. n. 1. ce prince est représenté sur le revers, debout, en habit militaire, la main droite étendue, tenant de la gauche une haste sans fer, avec un nimbe sur la tête. On trouve ensuite le nimbe sur un médaillon de Fausta, & sur une médaille de Constantin, publiée par André Morel, specim. tabul. 4. n. 4. & tab. 7. n. 1. Le nimbe devint encore plus commun sous les successeurs de ce prince, & le grammairien Servius, qui écrivoit sous les enfans du grand Théodose, semble le regarder comme un ornement de tête, également usité pour les dieux & pour les empereurs.

On peut consulter sur le nimbe des divinités payennes, des empereurs & des saints, une dissertation intitulée : Disquisitio de nimbis antiquorum, imaginibus deorum, imperatorum olim, & nunc Christi apostolorum, à Joanne Nicolaï, Jenae 1699. in-12. & les observations du sénateur Bonarotti, sur les vers antiques trouvés dans les cimetieres de Rome. Voyez Osservaz. sopr. fracum. di, vetr. p. 59. (D.J.)


NIMBOS. m. (Hist. nat. Bot. exot.) arbre des Indes orientales, nommé par Jean Bauhin nimbo folio & fructu oleae ; par C. Bauhin, arbor indica fraxino similis, oleae fructu ; & par Herman, azedarach floribus albis semper virens. Cet arbre est de la grosseur du frène, & est verd toute l'année ; son écorce est fort mince, ses feuilles sont vertes, ameres au goût, dentelées aux bords & terminées en pointe ; ses fleurs sont petites, blanches, composées chacune de cinq pétales, ayant au milieu de courtes étamines jaunes ; leur odeur approche de celle du triolet odorant. Quand les fleurs sont passées, il leur succéde des fruits de la figure d'une petite olive de couleur jaunâtre ; on en tire une huile par expression, dont les habitans de Malabar font grand usage pour les plaies, les piquûres & les contractions de nerfs.

Les auteurs du jardin de Malabar ont décrit une autre espece de nimbo qu'ils appellent karibepon, seu nimbo altera : c'est un bel arbre, fort grand, toujours verd, & portant fleur & fruit deux fois l'année. On le trouve aussi dans plusieurs contrées de Malabar. (D.J.)


NIMEGUE(Géog.) ville des Pays-bas, capitale de la Gueldre hollandoise, avec une citadelle, un ancien palais & plusieurs forts. Cette ville entra dans l'alliance d'Utrecht en 1579 ; les Espagnols la prirent en 1585, mais le comte Maurice la reprit pour les Provinces-Unies en 1591. Elle est fameuse par la paix générale qui s'y conclut en 1678 & en 1679. Elle est sur le Waal, entre le Rhin & la Meuse ou si l'on veut, entre Arnhem & Graves, à 4 lieues de Clèves, 14 S. E. d'Utrecht, 20 S. E. d'Amsterdam, 16 N. O. de Cologne, 26 N. E. d'Anvers. Long. 23. 25. lat. 51. 55.

Le nom de cette ville est diversement écrit dans la langue du pays, comme Niew-Méegen, Nimwegen, Nimmegen, d'où les François ont dit Nimegue. Il ne faudroit pas d'autres preuves de son ancienneté, que les monumens d'antiquité romaine qu'on y découvre fréquemment. De plus, on la trouve nommée Noviomagus dans la table de Peutinger. Après la décadence de l'empire romain, le pays ayant été soumis à la puissance de plusieurs comtes de l'empire, la ville de Nimegue appartint au roi d'Austrasie, & ensuite aux empereurs dont elle obtint divers privileges, & entr'autres la dignité de ville impériale. Enfin, Philippe II. ayant violé par des emprisonnemens & des persécutions pour cause de religion, les libertés des habitans en 1579, ils se virent obligés d'entrer dans l'alliance d'Utrecht, qui a donné le nom aux Provinces-Unies des pays-bas. Quelques-uns de ses citoyens se sont acquis de la réputation dans le parti des armes, & d'autres dans la république des lettres. Je n'en citerai que trois : Geldenhaut (Gérard) en latin Geldenhaurius, tenoit un rang parmi les savans hommes du seizieme siecle. Il étoit plus connu sous le nom de sa patrie, que sous celui de sa famille, car Erasme & la plûpart de ses contemporains, l'appellent toujours Géraldus Noviomagus. Il se distingua dans la poësie & l'art oratoire, ce qui lui gagna les bonnes graces de Maximilien de Bourgogne, qui l'envoya à Vittemberg pour examiner l'état de l'église. Il revint de ce voyage si fort enchanté de la doctrine des protestans, qu'il changea de religion & quitta son pays ; mais ne sachant où s'établir, il alla d'abord à Worms, ensuite à Strasbourg, à Augsbourg, & finalement à Marbourg, où il enseigna la Théologie. Il mourut de la peste en 1542, à l'âge de soixante ans. Il a écrit en latin une historia Batavica, une historia Germaniae inferioris, & une vie de Philippe de Bourgogne. Les réticences & les palliatifs qu'on remarque dans ce dernier ouvrage, doivent nous apprendre à nous défier des histoires composées par des domestiques comblés des bienfaits de leurs maîtres.

Canisius (Henri) s'est acquis une gloire durable entre les savans hommes de son siecle. On loue beaucoup son traité du droit canon, summa juris canonici ; mais ses antiquae lectiones, imprimées en 4 vol. in-fol. forment un recueil de littérature bien autrement recherché & véritablement instructif. Henri Canisius étoit neveu du jésuite de ce nom ; il mourut en 1609.

Noodt (Gérard) célébre professeur en Droit à Nimegue, lieu de sa naissance, ensuite à Franeker, & enfin à Leyde, a publié d'excellens ouvrages de jurisprudence, recueillis & imprimés en 1724, en 2 vol. in-folio. Il a porté dans ces matieres un esprit philosophique, & ne s'est pas borné comme font d'autres, à la simple étude des lois romaines, comme si toute la sagesse y étoit renfermée, ou plutôt comme si le droit consistoit en décisions arbitraires. Il est mort en 1725 à soixante-dix-huit ans. (D.J.)

NIMEGUE, le quartier de, (Géog.) contrée de la Gueldre, bornée au N. par le quartier de Velwen, à l'orient par le comté de Bergue & le duché de Clèves ; au midi, par le Brabant ; & à l'occident, par la Hollande. Cette contrée est partagée en six préfectures ; elle contient cinq forteresses où on tient garnison, plusieurs terres seigneuriales, & deux villes, qui sont Tiel & Bommele. (D.J.)


NIMETACUM(Géog. anc.) l'itinéraire d'Antonin met cette ville entre Minariacum & Cameracum, à 18 mille pas de la premiere, & à 14 mille de la seconde : Meyer prétend que ce soit Mainy dans la châtellenie de Lille, mais Ortélius est mieux fondé à dire que ce doit être Lens en Artois. (D.J.)


NIMETULAHIou NIMETULAHITES, s. m. pl. (Hist. mod.) sorte de religieux Turcs ainsi nommés de Nimetulahi, leur premier chef ou fondateur. Ils s'assemblent la nuit tous les lundis pour célébrer par des cantiques l'unité de Dieu, & glorifier son nom. Ceux qui veulent être reçus dans leur ordre passent quarante jours de suite renfermés dans une chambre, & réduits à trois ou quatre onces de nourriture par jours. Pendant cette retraite, ils s'imaginent voir Dieu face à face, & que toute la gloire du paradis leur est révélée. Lorsque le tems de leur solitude est expiré, les autres freres les menent dans une prairie, où ils dansent autour d'eux & les font aussi danser. Si dans cet exercice le novice a quelque vision, ce que le mouvement joint à la foiblesse de cerveau causée par le jeûne, ne manque jamais d'occasionner ; il jette son manteau en arriere & se laisse tomber la face contre terre, comme s'il étoit frappé de la foudre. Le supérieur s'approche, fait quelque priere pour lui, & lorsque le sentiment lui est revenu, il se releve les yeux rouges & égarés, avec la contenance d'un ivrogne ou d'un insensé, & communique sa vision au supérieur ou à quelqu'autre personnage versé dans la Théologie mystique, après quoi, il est censé du nombre des nimetulahis. Guer. moeurs des Turcs, tom. I.


NIMPTSCH(Géog.) petite ville d'Allemagne, au duché de Silésie, dans la principauté de Brieg, entre Franckenstein & Breslau. Elle se défendit bien vaillamment en 1431 & 1434, contre les troupes de Sigismond. Long. 34. 38. lat. 51. 10.

Lohenstein (Daniel Gaspar de) naquit dans cette ville en 1635, & mourut en 1683 ; c'est le Corneille des Allemands, & le premier qui ait élevé la tragédie allemande au point où elle est aujourd'hui. (D.J.)


NIN-O(Hist. anc. Chron.) c'est ainsi que les Japonois nomment l'ere ou l'époque la plus usitée parmi eux ; elle commence au regne de Sin-mu, fondateur de leur monarchie, qui regnoit environ six cent soixante ans avant l'ere chrétienne. Les Japonois ont une seconde époque appellée nen-go, c'est une suite de période, instituée en divers tems par les dairi ou empereurs ecclésiastiques, qui ont pris une époque particuliere pour chacun de leurs regnes ; on emploie cette époque en y ajoutant toujours les années du nin-o, ce qui empêche la confusion : les Japonois ont encore des cycles ou périodes de soixante ans, dont chaque année est désignée par un caractere particulier.


NINGAMECHA(Hist. mod.) c'est le titre que l'on donne au Monomotapa, à celui qui est revêtu de la plus éminente dignité de l'état, qui répond à celle de grand visir chez les Turcs. Ce mot signifie gouverneur du royaume.


NINIVE(Géog. anc.) les latins disent Ninos ou Ninus, ville capitale de l'Assyrie, fondée par Ninus, suivant les historiens prophanes, & par Assur fils de Sem ou Nemrod fils de Chus, selon les écrivains sacrés.

C'étoit une des plus anciennes & des plus grandes villes du monde. Par les mesures de Diodore de Sicile évaluées aux nôtres, Ninive avoit 7 lieues de long, environ trois de large, & dix-huit de circonférence ; mais il faut remarquer qu'elle renfermoit dans son enceinte quantité de jardins, de champs labourables, de prés, & d'autres lieux qui n'étoient point habités. Pline, Strabon, Ptolomée & les autres Géographes la mettent sur le Tigre. Arbacès & Bélesus la prirent sur le roi Sardanapale vers le tems de la fondation de Rome. Elle fut prise une seconde fois par Astyagès & Nabopolassar, sur Chinaladan, roi d'Assyrie, deux cent vingt-six ans avant l'ere vulgaire. Strabon, l. XVI. p. 737. dit qu'aussitôt après la destruction de l'empire des Syriens (Assyriens), la ville de Ninive fut ruinée ; & elle l'étoit tellement du tems de Lucien de Samosate qui vivoit sous Adrien, qu'on n'en voyoit plus aucuns vestiges, & qu'on ignoroit même le lieu où elle avoit été bâtie. Cependant il est à croire, qu'après la destruction de Ninive par les Mèdes, il se forma de ses ruines une nouvelle ville dans le voisinage, à laquelle on donna le nom de la premiere qui subsistoit du tems des Romains ; car Ptolémée parle de Ninive comme subsistante, quoi qu'il soit certain que l'ancienne Ninive avoit été détruite depuis très-long-tems. Ce fut cette derniere Ninive que les Sarrasins ruinerent vers le septieme siecle, selon l'illustre Marsham. (D.J.)


NINOE(Géog. anc.) ville de la Carie, qui s'appelloit Aphrodiria, selon Suidas & Etienne le géographe. Elle avoit été bâtie par les Pélasges Léleges, & reçut dans la suite le nom de Mégalopolis. (D.J.)


NINOVE(Géog.) ancienne petite ville des Pays-bas dans la Flandre autrichienne, sur la Dendre, à 2 lieues d'Alost. Long. 21. 36. lat. 50. 50.

Jean Despautere, célebre grammairien latin du seizieme siecle, étoit de cette ville ; & après avoir enseigné en plusieurs lieux, il mourut à Comines en 1520. (D.J.)


NINZI(Botan. exot.) plante des montagnes de la Corée. Le ninzin qu'il ne faut pas confondre avec le ginseng, a différens noms. Il s'appelle ninzin dans les boutiques. Sin, siin, nisii, nindsin, &c. sont chinois ; soasai est de la langue tartare ; sisarum montanum coraeense, radice non tuberosa, par Koempf. Amoen. exot. fasc. 5. sii species, Linn. gen. plant. 219 ; sium folio infimo cordato, caulinis ternutis, omnibus crenatis. Gronow, flor. Virg.

Cette plante encore jeune, dit Kempfer, n'a qu'une petite racine simple, semblable à celle du panais, longue de trois pouces, de la grosseur du petit doigt, garnie de quelques fibres chevelues, blanchâtres, entre-coupée de petits sillons circulaires très-fins, & partagée quelquefois inférieurement en deux branches ; elle a l'odeur du panais & le goût du chervi, moins doux cependant & plus agréable, étant corrigée par une certaine amertume qui se fait à peine sentir.

Cette plante devenue à la hauteur d'un pié, cultivée dans le Japon, pousse une ou deux racines semblables à la premiere ; lorsque la plante a acquis plus de vigueur, qu'elle est plus branchue, & qu'elle porte des fleurs, ses racines sont de la longueur d'une palme ; du collet de ses racines naissent ensemble plusieurs bourgeons, qui par la suite deviennent des tiges & des tubercules, qui se changent en racines. La tige s'éleve à la hauteur d'une coudée & plus ; elle est moins grosse que le petit doigt, cylindrique, inégale, cannelée, partagée d'espace en espace par des noeuds relevés & pointillés tout-autour, comme dans le roseau ; elle est branchue, & ses rameaux naissent en quelque maniere alternativement dans les noeuds ; elle est solide à sa partie inférieure, & dans le reste elle est creuse ainsi que ses rameaux, qui sont aussi plus profondément cannelés.

Les feuilles qui varient selon l'état, la forme & la grandeur de la plante, sont portées sur des queues longues d'un pouce & demi ; elles sont creusées en gouttiere jusqu'à la moitié de leur longueur, & embrassent les noeuds. Ces feuilles dans la plante naissante sont uniques, rondes, crénelées, longues d'un pouce, & taillées en forme de coeur à leur base ; mais lorsque la tige a environ un pié de hauteur, les feuilles sont plus grandes, & fort semblables à celles de la berle & du chervi, composées de cinq lobes ou petites feuilles ovales, pointues, minces, découpées à dents de scie, d'un verd-gai, divisées par une côte & des nervures latérales, qui par leur fréquente réunion forment un réseau.

Enfin, lorsque la plante est parvenue à son état de perfection, les feuilles sont découpées en trois lobes, & à mesure qu'elles s'approchent du sommet de la tige, elles sont plus petites & ont à peine la grandeur d'un ongle.

Les bouquets de fleurs qui terminent les rameaux sont garnis à leur base de petites feuilles étroites, disposées en parasol, dont les brins sont longs d'un pouce, chargés de plusieurs petits filets qui portent chacun une fleur blanche à cinq feuilles taillées en maniere de coeur, & placées en rose sur le haut d'un calice qui est de la figure de la graine de coriandre. Les étamines qui s'élevent dans les intervalles des feuilles de cette fleur sont courtes, & garnies d'un sommet blanc ; le stile qui est fort court est fendu en deux parties.

La fleur étant passée, il lui succede un fruit, qui en tombant, se partage en deux graines cannelées, applaties d'un côté, nues, semblables à celles de l'anis, d'un roux foncé dans leur maturité, ayant le goût de la racine avec une foible chaleur.

Dans les aisselles des rameaux, naissent des bourgeons seuls ou plusieurs ensemble, arrondis, ovalaires, de la grosseur d'un pois, verdâtres, semblables en quelque façon à des verrues, d'un goût fade & douçâtre ; lorsqu'on plante ces bourgeons ou qu'ils tombent d'eux-mêmes sur la terre, ils produisent des plantes de leur genre, de même que les graines. On cultive le ninzin au Japon, & on emploie ses racines dans tous les cordiaux & remedes fortifians du pays. (D.J.)


NIou IOS, (Géog. anc. & mod.) île de l'Archipel, entre celle de Naxie au nord, celle d'Amorgo à l'Orient, celle de Santorin au midi, & celle de Sikino à l'occident.

Cette île a été connue des anciens sous le nom de Ios, & nommée ainsi par les Ioniens qui l'habiterent les premiers : elle a quarante milles de tour ; mais elle n'a jamais été guere célébre que par le tombeau d'Homère. Ce fameux poëte passant de Samos à Athènes, vint aborder à Ios ; il y mourut sur le port, & on lui dressa un tombeau, où l'on grava long-tems après l'épitaphe rapportée par Hérodote à qui on attribue la vie d'Homère.

Strabon, Pline & Pausanias parlent de ce tombeau ; ce dernier ajoute, qu'on y montroit aussi celui de Climene mere de cet excellent homme, & assure qu'on lisoit un vieil oracle à Delphes, gravé sur une colonne qui soutenoit la statue d'Homère. Il paroissoit par cette inscription, que sa mere étoit de l'île d'Ios : on lit le même oracle dans Etienne le géographe, qui a été suivi par Eustathe sur Homère & sur Denis d'Aléxandrie ; mais Aulugelle, noct. Attic. lib. III. cap. xj. prétend qu'Aristote a écrit, qu'Homère avoit pris naissance dans l'île dont nous parlons. Quoi qu'il en soit, on cherche inutilement les restes de ce tombeau à Nio autour du port : on n'y voit qu'une excellente source d'eau douce qui bouillonne au travers d'une auge de marbre, à un pas seulement de l'eau salée.

La Porte tient ordinairement un cadi à Nio. Cette île est assez bien cultivée ; on estime beaucoup le froment qu'elle produit, mais elle manque d'huile & de bois : on n'y voit plus de palmiers, quoique selon les apparences, ces sortes d'arbres lui ayent anciennement attiré le nom de Phénicie qu'elle a porté, suivant la remarque de Pline & d'Etienne le géographe.

Il y a dans le cabinet du roi de France, une médaille à la légende de cette île (IHTN) : d'un côté c'est la tête de Jupiter, de l'autre c'est une Pallas & un palmier. Le P. Hardouin fait mention d'une autre médaille de cette île ; la tête de Lucilla y est représentée avec cette légende, num. popul. & urb. Il ne reste pourtant aucune marque d'antiquité dans Nio ; ses habitans ne sont curieux que de piastres, & tous voleurs de profession : aussi les Turcs appellent Nio, la petite Malte, c'est-à-dire la retraite de la plûpart des corsaires de la Méditerranée. Les latins n'y ont qu'une église, desservie par un vicaire de l'évêque de Santorin : les autres églises sont grecques, & dépendent de l'évêque de Siphanto. Long. 43. 28. lat. 36. 35. (D.J.)


NIONS(Géog.) petite ville de France en Dauphiné, dans la baronie de Montauban ; elle est située dans un vallon sur le bord de la riviere d'Aygues.

Jacques Bernard a fait honneur à cette ville par sa naissance, il s'est acquis de la réputation par plusieurs ouvrages, & en particulier par la continuation de la république des lettres ; c'est un des savans que la France perdit par la révocation de l'édit de Nantes. Il fut accueilli en Hollande, & nommé professeur de Philosophie à Leyde, où il finit ses jours en 1718 âgé de soixante-un ans. (D.J.)


NIORD(Mythol.) c'étoit dans la Mythologie des anciens peuples du nord le dieu qui présidoit aux mers & aux lacs ; il étoit le maître des vents, & appaisoit les eaux & le feu, il demeuroit suivant les Celtes, dans un lieu appellé Noatun. On l'invoquoit pour rendre heureuse la navigation, la chasse & la pêche, & pour obtenir des trésors. Comme Niord présidoit au plus perfide des élémens, les Celtes ne croyoient point qu'il fût de la vraie race de leurs grands dieux qui descendoient d'Odin. Les Gaulois connoissoient cette même divinité sous le nom de Neith, & M. Mallet nous apprend que dans le lac de Genève, il se trouve un rocher qui lui étoit consacré & qui porte encore le nom de Neiton. Voyez l'Edda des Islandois.


NIORT(Géog.) ville de France dans le Poitou, vers les confins de la Saintonge. Elle est sur la Sevre (on écrivoit autrefois Savre, en latin Savara), à 14 lieues de Poitiers & de la Rochelle, 89 de Paris. Long. 17. 10'. 33''. lat. 46. 20'. 8 ''.

Ce fut à Niort en Poitou, dans la prison de cette ville, que naquit en 1635 mademoiselle d'Aubigné, destinée à éprouver toutes les rigueurs & toutes les faveurs de la fortune. Louis XIV. en l'épousant, se donna une compagne agréable, spirituelle & soumise. Elle mourut à S. Cyr en 1719. Voltaire.

De Beausobre (Isaac) né à Niort en 1659, est un de ceux qui ont fait honneur à leur patrie, qu'ils ont été forcés d'abandonner. Sa traduction du nouveau Testament qu'il a mise au jour avec M. Lenfant, & qu'ils ont accompagnée de vraiment bonnes notes, est un ouvrage fort estimé. Son histoire du Manichéisme est un livre bien écrit, très-curieux, & très-profond dans la connoissance de l'antiquité. Il y développe cette religion philosophique de Manès, qui étoit la suite des dogmes de l'ancien Zoroastre, & qui séduisit si long-tems S. Augustin. M. de Beausobre est mort à Berlin en 1738. Voltaire. (D.J.)


NIOUS. m. (Mesure de longueur) c'est une mesure des Siamois pour les longueurs ; elle revient à un pouce de pié de roi moins un quart. Au-dessous du niou est le grain de ria, dont les huit font le niou ; au dessous est le ken, qui contient douze nious.


NIPou ANNIPA, (Hist. moder. Voyag.) c'est ainsi qu'on nomme au Pégu, une liqueur spiritueuse, assez semblable à du vin, que l'on obtient en faisant des incisions à certains arbres du pays. On dit que c'est une boisson très-agréable. Dans le royaume de Siam on fait une liqueur semblable, que l'on appelle aussi nipa, en distillant l'eau ou liqueur qui sort des cocos.


NIPCHU(Géogr.) ou Nipchen, ou Nipchou, ou Nerezin, & par les Moscovites Negovicin, ville de l'empire russien dans la Tartarie moscovite, au pays des Daouri, sur la riviere d'Ingueda, selon M. Delisle, mais que les Lettres édifiantes nomment Hélonkian. Ce fut à Nipchu que la paix fut signée en 1689 entre le czar & l'empereur de la Chine. Long. de Nipchu, selon les PP. Pereira & Gerbillon, est 135. 21. 30. lat. 51. 45.


NIPHATES(Géog. anc.) montagne de l'Armenie. Le Niphate est une grande chaîne de montagnes dans l'Arménie occidentale, qui fait partie du mont Masius, &, selon Ptolémée, du mont Taurus. Il s'étend à l'E. de l'Euphrate entre l'Araxe & le Tigre. Le nom de Niphate veut dire neigeux. Virgile, pour faire sa cour à Auguste, dit dans ses Géorgiques, liv. III. v. 30. en parlant des victoires de ce prince,

Addam urbes Asiae domitas, pulsumque Niphatem,

Fidentemque fugâ Parthum, versisque sagittis,

Et duo rapta manu diverso ex hoste tropaea.

" J'y ajouterai les villes qu'il a soumises en Asie, les peuples qu'il a vaincus, ceux du mont Niphate, & les Parthes qui s'assurent sur leurs fleches qu'ils lancent en fuyant, & les deux victoires qu'il a remportées lui-même sur deux ennemis fort éloignés l'un de l'autre ". (D.J.)

NIPHATES, (Géog. anc.) fleuve d'Arménie du même nom que le mont Niphate. Lucain fait mention de ce fleuve : il dit, lib. III. v. 245. que les Arméniens occupent les rives du Niphate qui roule des pierres :

Armeniusque tenens volventem saxa Niphatem.

Juvenal, Satyre vj. vers 409. parle ainsi des débordemens de ce fleuve :

Rumores illa recentes

Excipit ad portas, quosdam facit, iste Niphaten

In populos, magnoque illîc cuncta arva teneri

Diluvio.

Enfin Horace, Ode jx. l. II. vers 20. dit :

Cantemus Augusti tropaea

Caesaris, & rigidum Niphatem

Medumque flumen gentibus additum

Victis, minores volvere vortices.

" Célébrons par nos vers les nouveaux exploits d'Auguste : chantons le tigre & l'Euphrate, qui roulent leurs eaux avec moins d'orgueil, depuis qu'il les a ajoutés à nos conquêtes ".

Je dis que le Niphate est le Tigre, & que le fleuve des Medes est l'Euphrate ; car puisque Horace joint le Niphate avec le fleuve des Medes, il paroît qu'il ne s'agit point ici du mont Niphate : comme le Tigre tiroit ses eaux du Niphate, il en a pris quelquefois le nom vers sa source, avant que d'entrer dans la Mésopotamie ; & ce qui confirme cette conjecture, c'est que le Tigre est sujet au débordement que Juvenal attribue au fleuve Niphate. (D.J.)


NIPHON(Géogr.) grande île ou presqu'île de l'Ocean oriental, & la plus considérable partie de l'empire du Japon. Les Chinois disent Zipon, mot qui signifie le commencement du soleil. Il doit son origine à l'idée qu'avoient les Japonois & les Chinois, que les îles du Japon étoient les premieres éclairées du soleil. Quoique proprement Niphon ne soit que la plus grande de ces îles, cependant son nom s'étendit dans l'usage à tout le vaste empire que nous appellons Japon. Voyez JAPON.


NIPISSIGNITou NEPEGIGUIT, (Géog.) riviere de l'Amérique septentrionale en Gaspesie ; elle se jette dans le golfe de saint-Laurent, à l'extrêmité de la baie des Chaleurs.


NIQUETS. m. (Monn. de France) petite monnoie blanche qui valoit autrefois deux deniers tournois. " Sous Charles VI. dit Monstrelet, on forgea des doubles qui eurent cours pour deux deniers tournois, regnerent environ trois ans tant seulement, & furent en commun langage nommés niquets ". (D.J.)


NIR-NOTSJIL(Hist. nat. Botan.) arbrisseau de la côte de Malabar. Il est en grande estime parce qu'il a, dit-on, la vertu de guérir la maladie vénérienne ; pour cet effet on prend ses feuilles seches & pulvérisées avec du sucre dans une décoction de riz. Ses racines & ses feuilles bouillies font aussi des bains salutaires dans les affections céphaliques. Sa racine bouillie dans l'huile fait un liniment contre la goutte.


NIREUPAN(Hist. mod. Mythol.) suivant la Théologie des Siamois, des peuples de Laos & du Pégu, il y a dix-huit mondes différens par lesquels les ames des hommes doivent passer successivement. Neuf de ces mondes sont des séjours fortunés ; c'est le neuvieme qui est le plus heureux de tous. Les neuf autres mondes sont des habitations malheureuses, & c'est le neuvieme sur-tout qui est le plus infortuné. Mais quelle que soit la félicité dont on jouit dans le neuvieme des premiers mondes, elle ne sera point éternelle, ni exempte d'inquiétudes, ceux qui y sont étant sujets à la mort. Suivant ces Indiens, si l'ame après ses différentes transmigrations, est parvenue à la perfection par ses bonnes oeuvres dans chaque nouvelle vie, alors il n'y a plus aucun des mondes heureux qui soit digne d'elle, & l'ame jouit du Nireupan, c'est-à-dire qu'elle jouit d'une inactivité & d'une impassibilité éternelle, & n'est plus sujette à aucune transmigration ; état qui peut passer pour un véritable anéantissement. C'est dans cet état que les Siamois prétendent que se trouve leur dieu Sommna-Kodom, & tous les autres dieux qui sont les objets de leur culte. Selon eux, la punition des méchans sera de ne jamais parvenir au Nireupan. La voie la plus sûre pour obtenir ce bonheur est de se faire talapoin, c'est-à-dire moine. Quelques-uns par Nireupan, entendent la possession de tout l'univers.


NIRUALA(Bot. exot.) espece de pommier ou de prunier de Malabar, & d'autres lieux des Indes. Il est très-gros, s'éleve à 30 piés de haut, & se plaît dans les endroits pierreux & sablonneux, sur le bord des rivieres.


NISA(Géog. anc.) ville de Lycie dans la Myliade, selon Ptolomée.

Il y a plusieurs villes & lieux qui s'écrivent indifféremment par Nisa ou Nysa ou Nyssa. Voyez NYSSA.

NISA, (Géog.) ville de l'Asie dans le Khorassan, aux confins du désert. Elle est située au 39d. de latit. septent.


NISANS. m. (Calendrier des Juifs) ce mot veut dire étendart ; mois des Hébreux qui répond à une partie de notre mois de Mars, & une partie d'Avril, selon le cours de la lune. Aujourd'hui les Juifs commencent le mois Nisan au septieme Avril. C'étoit le premier mois de leur année sacrée à leur sortie d'Egypte. " Ce mois vous sera le premier des mois ; ce sera pour vous le premier mois de l'année ". Exod. xij. 2. C'étoit le septieme de leur année civile. Moïse l'appelle Abib. On faisoit la Pâque le quatorzieme jour de ce mois ; le seize on offroit la gerbe des épis d'orge ; le vingt-six on commençoit les prieres pour demander les pluies du printems, & le vingt-neuf on célébroit la mémoire de la chûte des murailles de Jéricho.

Au reste le nom Nisan étoit inconnu aux Juifs avant la captivité de Babylone ; & ils ne s'en sont servis que depuis le tems d'Esdras ; c'est-à-dire, depuis qu'ils furent retournés de la Chaldée en Judée. Le rabbin Elia Lévi croit que c'est un mot chaldaïque ou persien.


NISARO(Géog.) île de l'Archipel, au couchant de celle de Rhodes. Les grecs qui l'habitent sont tributaires des Turcs & des Vénitiens. On y recueille du blé, du vin & du coton ; mais il n'y a guere de vaisseaux qui la fréquentent, parce que sa rade est mauvaise. C'est la Nisyrus des anciens.


NISEN(Géog.) ou Niesna, ou Nisi-novogorod, ville très-peuplée de l'empire russien, capitale du petit duché de même nom, avec une citadelle & un archevêché. Elle est près du confluent de l'Occa & du Wolga, sur une montagne, à 98 lieues de Moscow par terre. Long. 65. 45. lat. 56. 34.


NISICLAUSE DU, (Droit canon.) c'est ainsi qu'on nomme une fameuse clause inventée par quelques canonistes pour prévenir les détours des sermens, & assurer l'effet de l'excommunication.

Il est certain que la frayeur de la vengeance divine servit long-tems comme d'une barriere respectable contre l'inconstance & la perfidie des hommes. On inventa même différentes sortes d'imprécations pour fixer leur parole ; mais la foi n'est jamais plus mal gardée que quand on prend tant de mesures pour s'en assurer. Ces sortes d'usages pieux eurent le sort de la plûpart des choses du monde ; on cessa de les révérer à force de s'en servir ; & les reliques les plus célebres pour les sermens perdirent insensiblement leur réputation, s'il est permis de s'exprimer ainsi, parce qu'on y avoit eu trop souvent recours.

On changea donc la formule des sermens ; on substitua à la crainte du ciel qui se faisoit sentir trop rarement, la frayeur des foudres ecclésiastiques toujours prêtes à tomber sur les parjures ; & la plûpart des souverains de l'Europe se soumirent à être excommuniés par le pape, s'ils violoient leurs sermens. Mais le prince qui vouloit recommencer la guerre, ou obtenir dispense de son serment, avant que de prendre les armes, ou s'il avoit déja fait quelque acte d'hostilité, il en demandoit l'absolution avant qu'on eût prononcé contre lui les censures ecclésiastiques.

Ce fut pour prévenir ce détour, & pour assurer l'effet de l'excommunication, que quelques canonistes inventerent la fameuse clause du nisi. Cette clause consistoit en ce que les princes, immédiatement après avoir signé leur traité, faisoient d'avance & de concert fulminer les censures par l'official de l'évêque diocésain de l'endroit où ce traité avoit été conclu ; & celui-ci déclaroit dans la sentence qu'il excommunioit actuellement celui qui violeroit son serment dès-à-présent, comme dès-lors, & dèslors comme dès-à présent : ex nunc, prout ex tunc, & ex tunc prout ex nunc, nisi conventa acta, conclusa, & capitulata realiter, & de facto adimpleantur. De cette maniere celui des princes qui rompoit le traité, étoit censé excommunié, sans qu'on fût obligé d'avoir recours à aucune autre formalité de justice qu'à la simple publication de la sentence de cet official.

Louis XI. dans une promesse qu'il fit à Edouard IV. roi d'Angleterre, d'une pension annuelle de cinquante mille écus d'or, s'y engage, dit-il, par un traité de l'an 1475, sous les peines des censures apostoliques, & par l'obligation du nisi. Obligamus nos sub poenis apostolicae camerae, & per obligationem de nisi. Mais comme il arriva que le pape relevoit de l'excommunication le prince qu'il vouloit favoriser, lui mettoit les armes à la main, en excommuniant même son concurrent, on ne suivit plus la clause du nisi, & on la regarda comme une formule illusoire. (D.J.)


NISI-KINGI(Hist. nat. Botan.) c'est un arbrisseau du Japon qui se cultive dans les jardins, & dont le fruit, qui est rouge, & de grosseur d'une cerise, croît en grappes. On en distingue une autre espece, dont les jeunes gens attachent les sommités, par galanterie, à la porte de leurs maîtresses.


NISIBEou NISIBIS, (Géog. anc.) ville très-ancienne & très-célebre dans la partie septentrionale de la Mésopotamie. Elle étoit située sur le Mygdonius, à deux journées du Tigre. Les Grecs l'appelloient Antioche de Mygdonie, à cause de la beauté de son terroir, qu'ils comparoient à celui de l'Antioche de Syrie qui étoit délicieux. Strabon dit que Nisibis étoit située au pié du mont Masius.

Tigranes étoit possesseur de Nisibe du tems de la guerre de Mithridate, & Lucullus la lui enleva. Elle devint alors le boulevard de l'empire d'orient, tant contre les Parthes, que contre les Perses ; mais l'empereur Jovien la rendit à ces derniers.

Dans l'inscription d'une médaille de Julie Paulle, on lit ces mots : ce... Necibi, c'est-à-dire, septimae coloniae Nesibitanae. Le nom moderne de Nisibe est Nesbin, ou Nassibin, ou Naïsibin, car on écrit ce nom très-diversement : c'est un lieu du Diarbeck, qui dépend du bacha de Merdin. Mais ce lieu n'est plus qu'un misérable village, éloigné de Moussail de 50 lieues, & de 28 S. O. de Diarbeckir. Le pays est presque par-tout désert & inhabité : de l'autre côté, c'est une large campagne où l'on ne voit sur la terre que de la grande pimpinelle, des tulipes, des anemones, des narcisses & autres fleurs. Long. 57. 25. lat. 36.

S. Ephrem, pere de l'Eglise & diacre d'Edesse, au quatrieme siecle, étoit de Nisibe. Il se fit extrêmement estimer de S. Basile & de S. Grégoire de Nice. Il embrassa d'abord la vie monastique, & dans la suite fut ordonné diacre par S. Jacques de Nisibe. Sozomene rapporte qu'ayant été élu évêque, il feignit d'avoir perdu l'esprit pour éviter d'être ordonné. On sait qu'il écrivit contre les erreurs de Sabellius, d'Arius, d'Apollinaire, des Manichéens, &c. Il mourut en 399. La meilleure édition de ses ouvrages est celle de Rome depuis 1732 jusqu'en 1746, en grec, en syriaque & en latin. 6 vol. in-fol. (D.J.)


NISITA(Géog.) en latin Nesis, dont nous avons parlé, petite île d'Italie sur la côte du royaume de Naples, entre Pozzielo & l'île de Logajola. Elle peut avoir deux milles de tour, est très-fertile, & n'a d'autre inconvénient que le nombre excessif de lapins, qui semblent être les maîtres du pays. Cette île a du côté du midi un petit port appellé Porto-Pavone.


NISMES(Géog.) en latin Nemausus, ville de France dans le bas-Languedoc. Elle est fort ancienne, & doit vraisemblablement son origine aux Phocéens d'Ionie, qui fonderent Marseille. Leur colonie s'étant trouvée trop resserrée dans le territoire de Marseille, fut obligée de se répandre à Orange, à Nice, à Antibes, à Turin, à Tarragone & à Nîmes. Les anciennes armoiries de cette ville, & les épitaphes grecques qui y ont été trouvées, semblent confirmer cette opinion.

Nîmes resta environ 400 ans dans l'état où les Phocéens la mirent, jusqu'au tems qu'elle tomba avec le reste des Volsques, dont elle étoit capitale, sous la puissance des Romains. Les Volsques habitoient le long du Rhône ; ils avoient assujetti cette ville, ou avoient été conquis par elle. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'au tems où Fabius Maximus la soumit aux Romains, elle étoit appellée Nemausus, urbs Volscorum Arecomicorum. Apparemment qu'elle sut dans la suite se soustraire de cette nouvelle domination ; car on observe qu'elle fut du nombre des 837 villes que Pompée conquit dans ses exploits, depuis les Alpes jusqu'aux derniers confins de l'Espagne.

Plusieurs marbres que l'on a trouvés dans les débris de Nîmes avec des inscriptions latines, font voir que les Romains y ont envoyé des colonies ; qu'elle a été gouvernée par des consuls & des decemvirs ; qu'il y avoit des édiles comme à Rome, un sénat, une compagnie de décurions, un questeur ; enfin qu'il y avoit un college de prêtres, & un temple dédié à Auguste.

Quand l'empire s'écroula sous Honorius & Arcadius, la ville de Nîmes tomba entre les mains des Goths, après avoir été environ 500 ans sous la puissance des Romains. On conjecture avec vraisemblance que la plûpart des monumens dont on voit encore aujourd'hui de superbes restes, ont été ordonnés par les deux Antonins, pour marquer leur bienveillance à une ville dont ils étoient originaires.

Nîmes vint dans le sixieme siecle au pouvoir des Visigoths, & dans le huitieme elle succomba sous celui des Sarrasins, avec quelques autres places du Languedoc, qu'ils conserverent environ 20 ans, & jusqu'à ce que Pepin reconquit ce pays. Nîmes fut dans la suite gouvernée par des vicomtes, sous l'autorité des ducs de Septimanie. Ces vicomtes de Nîmes s'en rendirent propriétaires dans le x. siecle. Raymond, comte de Toulouse, en usurpa le haut domaine. Les rois d'Aragon s'attribuerent ensuite le même droit sur cette ville & sur son territoire appellé le Nemosez ; mais Jacques, roi d'Aragon, y renonça en faveur de S. Louis, par une transaction de l'an 1258.

En 1417, Nîmes qui appartenoit à Charles VI. roi de France, fut prise par le prince d'Orange, qui étoit à la tête des Anglois ; & ce fut alors que le château des Arenes fut ruiné. Les massacres qui se commirent dans cette ville pendant les cruelles guerres de religion du xvj. siecle, y multiplierent le Calvinisme ; la plus grande partie des magistrats & du peuple se déclarerent pour la réforme, & firent bâtir en 1565 un grand temple qui dura jusqu'en 1685, qu'il fut abattu par ordre de Louis XIV.

Il s'est tenu à Nîmes quatre conciles particuliers : le premier en 389, le second en 886, le troisieme en 997 & le quatrieme convoqué par le pape Urbain II. en 1096.

Je ne décrirai point les restes des monumens antiques qui se trouvent dans cette ville, ou dans ses environs : on peut en lire les détails dans l'histoire de cette ville par M. Gautier, & dans l'ouvrage des grands chemins de l'empire romain par M. Bergier. Il n'est pas douteux que Nîmes se distinguoit autrefois par son amphithéâtre nommé les Arenes, par la maison-quarrée, qui paroît avoir été un temple ; par l'étendue de ses murs qui avoient un circuit de 4640 toises ; enfin par ses neuf tours qui défendoient les anciens murs, dont la plus grande, appellée pour cette raison la tour-magne, subsiste encore en partie. Ajoutez à toutes ces raretés le Pont-du-Gard, qui servoit d'aqueduc, & qui pouvoit se comparer à tout ce que les Romains ont fait en ce genre de plus hardi. Voyez PONT-DU-GARD.

Il reste encore des vestiges de quelques anciens temples qui donnent pareillement une grande idée de la puissance de ceux qui les ont fait bâtir, & de l'état où les arts étoient alors. Celui qu'on croit avoir été dédié à Diane, ou, si l'on veut, à Vesta, offroit une structure très-belle & très industrieuse. Il étoit entierement bâti de grosses pierres sans ciment ni mortier, avec plusieurs niches dans les intercolonnes. Il avoit dix-neuf toises de long, sept & demi de large, & six de hauteur dans oeuvre ; on y voyoit seize colonnes d'ordre corinthien, qui supportoient une corniche sur laquelle reposoit la voûte avec des arcs doubles. On croit que la cathédrale de Nîmes est le temple qui avoit été dédié à Auguste, soit par flatterie, soit par les bienfaits qu'elle en avoit reçus.

La ville de Nîmes n'est plus ce qu'elle a été autrefois, & est même considérablement déchue depuis la révocation de l'édit de Nantes. On n'y compte pas aujourd'hui 20 mille ames, & son commerce se borne à quelques soieries, comme serges & bas de soie. Il y a un évêché suffragant de Narbonne, un présidial, une élection, une sénéchaussée, & une académie fondée en 1682.

Cette ville jouit d'un ciel pur & serein pendant presque toute l'année, & se trouve située dans un des plus agréables pays du monde. Une belle plaine fait une partie de son terroir, l'autre est composée de vallons couverts de vignes & d'oliviers, & de côteaux nommés Guarigues couverts de bois taillis, où croissent le thin, le romarin, la sarriette & le serpolet. Ces Guarigues produisent aussi des yeux, sur lesquels croît l'insecte qui fournit le kermès.

Nîmes est située à 5 lieues N. O. d'Arles, 8 S. O. d'Avignon, 8 N. E. de Montpellier, 30 N. E. de Narbonne, 147. S. E. de Paris. Long. selon Cassini, 21. 32. 30. lat. 43. 50. 25.

Parlons des gens de lettres de Nîmes, en passant sous silence Domitius Afer, parce qu'il trouvera son article entre les orateurs qui brillerent à Rome sous Tibere ; il s'agit à présent des modernes.

Brousson, (Jacques) né à Nîmes en 1647, suivit aussi la profession du barreau, & devint dans son pays le plus célebre avocat des Protestans, dont il défendit la religion & les intérêts, par son éloquence, par sa plume & par ses veilles. Les plaies de sa mort saignent encore aux yeux des Réfugiés ; & certainement l'idée de son supplice ne peut qu'arracher des larmes de tous ceux qui ont des sentimens d'humanité, & la plus légere teinture des principes du christianisme. Il fut condamné pour sa religion le 4 Novembre 1698 à être rompu vif sur la roue. L'intendant du Languedoc, dont la postérité n'a pas sucé les maximes, avoit publié une ordonnance par laquelle il promettoit cinq mille livres (c'est dix mille livres actuelles), à qui livreroit morts ou vifs MM. Brousson & de Vivens. Le premier fut arrêté à Orléans le 19 Septembre 1698, conduit à Pau, & exécuté à Montpellier le 4 Novembre suivant sur un échafaud entouré de deux bataillons du régiment d'Auvergne, & de vingt tambours qui battoient la caisse ; mais enfin les esprits se sont adoucis en s'éclairant davantage.

L'abbé Cassaigne, docteur en Théologie, né & élevé à Nîmes, où son pere étoit trésorier du domaine, devint garde de la bibliotheque du roi. Il fut reçu à l'académie françoise à l'âge de 27 ans, & M. Colbert le nomma l'un des quatre premiers membres dont on composa d'abord l'académie des Inscriptions. On sait par coeur le trait piquant de Despréaux :

Si l'on est plus à l'aise assis en un festin,

Qu'aux sermons de Cassaigne, ou de l'abbé Cotin.

L'abbé Cotin fut désespéré d'une ironie où la fatale nécessité de la rime plaça son nom à côté de celui de Cassaigne. L'hémistiche manquoit à M. Despréaux : vous voilà bien embarrassé, lui dit Furetiere, que ne mettez-vous-là l'abbé Cotin ? L'abbé Cassaigne n'en fut pas moins affligé intérieurement ; il étoit sur le point de prêcher à la cour, & ce trait satyrique le fit renoncer à la chaire. Enfin l'étude & le chagrin lui dérangerent tellement la tête, que ses parens le firent enfermer à S. Lazare, où il mourut en 1679, à 46 ans. Il a publié entr'autres ouvrages une assez bonne traduction de Salluste, & des trois livres de Ciceron de Oratore ; outre une préface aux oeuvres de Balzac, qui n'est pas mauvaise.

Cotelier, (Jean-Baptiste) de la société de Sorbonne, profond dans la connoissance de la langue greque, étoit de Nîmes. Il s'est distingué, 1°. par son recueil des monumens des Peres dans les tems apostoliques, Paris 1672, & Holl. 1698, 2. vol. in-fol. 2°. par ses monumens de l'église greque ; 3°. par sa traduction des homélies de S. Chrysostome ; 4°. par le catalogue des manuscrits grecs de la bibliotheque du roi, qu'il a dressé avec M. Ducange. Il mourut à Paris en 1684, à 58 ans.

Nicot, (Jean) natif de Nîmes, devint maître des requêtes de l'hôtel du roi, fut envoyé ambassadeur en Portugal en 1559, & en rapporta le premier dans ce royaume la plante qui de son nom fut appellée nicotiane, aujourd'hui si connue sous le nom de tabac. Il mourut en 1600. On a de lui un dictionnaire françois-latin in-fol. qu'il ne faut pas mépriser.

Petit, (Samuel) un des plus savans ministres calvinistes du xvij. siecle, fit encore plus d'honneur à la ville de Nîmes sa patrie. Nous avons de lui plusieurs ouvrages excellens, & tout remplis d'érudition. Les principaux sont, leges atticae ; miscellaneorum libri novem ; eclogae chronologicae variorum lectionum libri quatuor ; observationum libri tres, &c. Il mourut en 1648, âgé de 54 ans.

Finissons par M. Saurin, (Jacques) ministre protestant de ce siecle. Il avoit d'abord pris le parti des armes, mais il le quitta pour étudier à Genève la Théologie. Il passoit pour le prédicateur le plus éloquent des refugiés françois de Hollande. On créa en sa faveur une place de ministre de la noblesse à la Haye, où il mourut en 1730, à 53 ans. Ses sermons qui forment 11 vol. in 8°. ne sont pas tous également bons. Ses discours sur l'ancien & le nouveau Testament brillent davantage par les planches & la beauté de l'édition, que par le savoir & la solidité des principes. (D.J.)

NISMES, MAISON QUARREE DE, (Architect. antiq. & rom. Inscript.) Le bâtiment que les habitans de Nîmes appellent la maison quarrée, est un édifice des Romains, qui forme la plus belle des antiquités de cette ville & la plus conservée. Le rapport de convenance de toutes les parties de l'édifice, la proportion des colonnes, la délicatesse des chapiteaux & des ornemens le font admirer des personnes de goût.

Le péristile qui y donne entrée, présente une façade ornée de six colonnes d'ordre corinthien, dont l'entablement & la corniche rampante du fronton sont décorés de tout ce que l'Architecture a de plus recherché. La frise de cette façade est toute lisse ; elle n'a point de bas-reliefs ni aucun de ces ornemens qui sont aux autres côtés : de petits trous qui paroissent mis au hasard la percent dans toute son étendue, & ces mêmes trous se remarquent encore sur une partie de l'architecture.

La forme de l'édifice lui a fait donner le nom qu'il porte : c'est un carré-long, isolé. La tradition ne nous a point transmis son nom primitif : de-là naissent les doutes & les conjectures des savans qui en ont parlé ; mais ce qu'on en a dit a plutôt servi à le faire méconnoître qu'à nous fournir des éclaircissemens sur son véritable usage. C'étoit, prétendoit-on, un capitole, une maison consulaire, un prétoire, un palais, pour rendre la justice, une basilique, un temple consacré à Adrien. Enfin, M. Séguier, dans une savante dissertation imprimée à Paris en 1759, in -8°. a détruit toutes ces fausses idées, & a rendu à ce magnifique édifice son ancien nom, (le nom primitif qu'il portoit il y a plus de dix-sept siecles.) Il a plus fait, il a prouvé quel étoit le véritable usage de la maison quarrée.

Elle passoit pour un temple auprès de ceux qui jugeoient sans prévention : elle en a la forme & l'ordonnance ; mais il n'étoit pas facile de se décider sur la divinité ou le héros qui y étoient vénérés. Il ne paroissoit aucun vestige de l'inscription qui pouvoit l'indiquer : l'on étoit persuadé, que, s'il y en avoit eu, les révolutions des tems & les Barbares qui les ont occasionnées, l'avoient fait disparoître, & en avoient effacé jusqu'à la moindre trace.

Malgré ces préventions, il y eut au commencement du siecle dernier, un homme, qui par la supériorité de son génie, & la pénétration de son esprit, entrevit des traces de l'ancienne inscription dans les trous qui restent à la façade. C'est le savant Peiresc, qui, au moyen de semblables indices, avoit deviné à Assise l'inscription d'un temple dédié à Jupiter, & à Paris le nom grec d'un ouvrier, attaché par de petites pointes à une améthyste, où il ne restoit que l'empreinte des trous. Gassendi, l'écrivain de sa vie, rapporte qu'il se flattoit de pouvoir interpréter de même la suite des trous de la basilique de Nîmes, qu'on nomme la maison quarrée, aussi-tôt qu'il en auroit une copie exacte. Voici les propres paroles de M. Gassendi : Sic se interpretaturum dixit foramina quaedam quae visebantur Assisii in antiquo nescio quo templo. Cùm enim nemo dicere posset ecquid illa significarent, divinavit ipse inscriptionem esse seu dedicationem factam, IOVI. OPT. MAX. idque demonstravit per lineas foramina sic connectentes.


NISSA(Géog.) ville de la Turquie européenne, dans la Servie, aux confins de la Bulgarie, sur la riviere de Nissara, qui peu après se joint avec la Morave, à l'orient de la ville de Précop : c'est la Naissus des anciens. Nissa est à 8 lieues E. de Précop, 52 lieues S. E. de Belgrade. Long. 40. 30. lat. 43. 22.

L'époque du regne de Constantin né à Nissa, est une époque glorieuse pour la Religion qu'il rendit triomphante ; heureux s'il en eût pratiqué les maximes ! Mais le meurtre de Licinius son beau-frere, assassiné malgré la foi des sermens ; Licinien son neveu massacré à l'âge de douze ans ; Maximilien son beau-pere égorgé par son ordre à Marseille ; son propre fils Crispus, prince de grande espérance, mis injustement à mort, & après lui avoir gagné des batailles ; son épouse Fausta étouffée dans un bain ; tous ces crimes exécrables flétriront à jamais le nom de cet empereur, & n'adouciront pas la haine qu'on lui porta pendant sa vie.

Il ne faut pas juger Constantin ni par des satyres, ni par des panégyriques ; il faut pour ne point se tromper, le juger par ses seules actions. Qu'on loue tant qu'on voudra, sa constance, son économie, sa valeur, ses exploits guerriers sur les Barbares ; je vois par l'histoire, qu'il les a vaincus ; mais cette même histoire m'apprend qu'il a fait dévorer par les bêtes féroces dans les jeux du cirque, tous les chefs des Francs, avec tous les prisonniers qu'il avoit faits dans une expédition sur le Rhin : je n'en veux pas davantage pour détester sa cruauté.

On trouve dans le code Théodosien, un de ses édits, où il déclare qu'il a fondé Constantinople par ordre de Dieu ; ce trait me fait voir qu'il fit tout servir à ses projets, & à ce qu'il crut être son intérêt. En transportant le trône sur le Bosphore de Thrace, il immola l'Occident à l'Orient ; ce n'étoit pas là un coup de politique heureusement frappé. Quoique l'empire ne fût déja que trop grand, la division qu'il en fit, ne servit qu'à le ruiner davantage.

Enfin, après avoir affoibli la capitale, il se conduisit de la même maniere pour les frontieres ; il rappella les légions qui étoient sur le bord des grands fleuves, & les dispersa dans les provinces ; ce qui produisit deux maux : l'un, que la barriere qui contenoit tant de nations, fut ôtée ; & l'autre, que les soldats vécurent & s'amollirent dans le cirque & dans les théâtres. Il mourut à Achyron, près de Nicomédie, en 337, à 63 ans, après en avoir regné 31. (D.J.)


NISSAVA(Géog.) riviere de la Bulgarie. Elle a sa source dans la plaine de Sophie, passe à Nissa, & peu après se jette dans la Morave.


NISSOLEnissolia, s. f. (Hist. nat. Bot.) genre de plante qui ne differe de la gesse que par ses feuilles singulieres & par sa tige qui manque de mains. Tournefort, Append. institut. rei herbar. Voyez PLANTE. (I)

NISSOLE, Voyez ÉMISSOLE.


NITANZA(Hist. nat.) espece de feve qui croît en Afrique, au royaume de Congo ; elle est fort petite, d'une couleur rougeâtre & fort bonne à manger : on dit que les Portugais l'ont apportée du Bresil en Afrique.


NITH(Géog.) riviere d'écosse qui donne son nom à la province de Nisale qu'elle traverse du Nord au Sud. Elle a sa source dans la partie méridionale de la province de Kyltes & son embouchure sur la côte méridionale du golfe de Solwai auprès de la ville de Dumfries. (D.J.)


NITHSDALE(Géog.) province maritime de l'Ecosse méridionale, à l'Est de Gallowai ; elle tire son nom de la riviere de Nith, qui la traverse du N. au S. Elle abonde en blés, pâturages & en forêts.


NITIOBRIGES(Géog. anc.) peuples que César place entre les Celtes, & qui furent mis dans la suite entre les Aquitains. Leur ville capitale est Aginnum encore aujourd'hui Agen, & par conséquent le peuple répond au diocèse d'Agen.


NITRES. m. (Hist. nat. Chim. Mat. méd.) Le nitre ou salpêtre porte dans les livres, outre ces deux noms très-connus, tous ces autres noms moins vulgaires, recueillis & rapportés par Neumann dans sa Leçon sur le nitre : Sal nitrum, sal terrae, sal sulphuris vel sulphureum, hermes, baurach, sal anderona, anatron, cabalatar, basilio, aqua ignis, lesberus chimicus, serpens terrenus, spiritûs mundi retinaculum, sal catholicus, sal infernalis, draco, sal hermaphroditicus. Les anciens Grecs l'ont appellé communément . Neumann observe que parmi ces noms, les suivans sont équivoques : anatron, baurach, hermes, sal sulphuris, sal sulphureum, draco, sal infernalis, sal terrae. En effet, plusieurs autres substances portent aussi ces noms. Le nom même de nitre, nitrum ou natrum, n'est pas exemt d'équivoque, puisque le nitrum ou natrum des anciens naturalistes étoit une substance saline, bien différente du nitre des modernes. Le premier est le sel alkali fixe que les modernes appellent minéral ou naturel, qui est de la même nature que le sel de soude, & que la base du sel marin, & auquel ils ont attribué spécialement le nom natrum ou natron (voyez NATRON), retenant celui de nitre pour celui dont il est question dans cet article, qui est aussi appellé quelquefois nitre des modernes ; mais qu'il suffit d'appeller nitre, puisque l'usage a suffisamment fixé la valeur de ce mot. Le nom de salpêtre est aussi très-usité.

Le nitre ou salpêtre est un genre de sel neutre ou moyen formé par l'union d'un acide particulier, appellé nitreux, (voyez NITREUX, ACIDE, à la suite de cet article), à une base alkaline soit saline soit terreuse.

Le principe générique du nitre est donc cet acide particulier ; & les bases différentes établissent ses diverses especes.

On peut compter quatre especes principales de nitre ; 1°. le nitre qui a pour base le sel alkali fixe, appellé de tartre, du nom de la substance d'où on le retire le plus abondamment & le plus communement, (voyez TARTRE, SEL DE) celui-ci est le nitre par excellence. Il est appellé parfait, officinal, raffiné, vulgaire, marchand, artificiel, & sous un certain rapport, dont il sera question dans la suite de cet article, régénéré.

La seconde espece a pour base le sel alkali fixe appellé de soude, minéral ou naturel. Voyez SOUDE, SEL DE. Il tire son nom de la forme de ses crystaux, & s'appelle nitre quadrangulaire, & plus exactement, quoique moins ordinairement nitre cubique.

La troisieme espece est celle dont la base est une terre alkaline-calcaire. C'est cette espece qui constitue proprement & essentiellement la lessive ou liqueur saline, appellée communément eau-mere de nitre.

Enfin, la quatrieme est mal définie, sa base n'est pas déterminée par des expériences suffisantes : les uns la regardent comme une certaine terre, qu'ils ne spécifient point ; & d'autres croient que c'est un alkali volatil. Cette espece est appellée nitre crud, nitre des plâtras, nitre des murailles, murarium, aphonitrum. Si la base de ce nitre étoit vraiment terreuse, il ne différeroit pas vraisemblablement de la troisieme espece ; si elle est alkali-volatil, on doit rapporter à cette espece le sel ammoniac-nitreux artificiel, c'est-à-dire le sel neutre, composé dans les laboratoires, en combinant l'acide nitreux à l'alkali volatil.

Le nitre de houssage n'est pas une espece particuliere de nitre : cette dénomination est déduite d'une circonstance très-accidentelle : savoir, de ce que ce nitre a fleuri ou s'est crystallisé sous forme de fleurs ou de neige, à la surface de certaines roches, voûtes, murailles, &c. & qu'on a pu le ramasser en houssant, ou balayant, en ratissant, &c.

L'acide nitreux combiné avec différentes substances métalliques, constitue proprement diverses autres especes de nitre ; mais ce n'est pas sous ce nom que ces sels sont connus dans l'art. Il en est fait mention dans les articles particul. des METAUX & DEMI-METAUX, dans l'article général SUBSTANCES METALLIQUES, & dans l'article NITREUX ACIDE, à la suite de celui-ci.

Il est au contraire plusieurs substances salines connues dans l'art sous le nom de nitre, & qui sont très-improprement nommées, puisqu'elles ne renferment point le principe propre ou essentiel du nitre, savoir, l'acide nitreux. Ces sels sont le nitre fixe ou fixé, le nitre vitriolé, le nitre antimonié, &c. Il sera fait mention de ces sels dans la suite de cet article.

Le nitre par excellence, le nitre le plus usuel, tant pour les usages de la Chimie que pour ceux de la Médecine & des Arts, est, comme nous l'avons déja insinué, le nitre de la premiere espece, le nitre appellé parfait, le nitre à base alkaline tartareuse : c'est aussi sur celui-là que tombent les principaux problèmes que les chimistes ont agités sur l'origine, la nature, les propriétés du nitre ; on ne s'est occupé des autres especes que par des considérations secondaires. Ce sera aussi ce nitre parfait qui sera l'objet premier & principal de cet article.

La meilleure méthode de procéder à la solution de la premiere question, que nous venons d'indiquer, c'est sans doute d'exposer d'abord les connoissances positives incontestables de fait que nous avons sur les lieux, les matrices, les sources du nitre, & sur les moyens de l'en retirer & de le préparer.

On prend, pour préparer le nitre vulgaire, les terres des étables, des creux à fumier, des mares de basse-cours, des caves, & sur-tout de celles qui sont voisines des fosses de latrines, les plâtras & gravois, sur-tout des vieux édifices, les débris des murs de terre, & sur-tout du torchis, dont sont bâties les cabanes des paysans dans plusieurs provinces, ou qu'on éleve exprès dans plusieurs contrées d'Allemagne pour la génération du salpêtre.

Voici comme on traite ces matieres dans l'attelier de l'arsenal de Paris, d'après la description rapportée dans le Traité d'Artillerie de M. de S. Remy.

Le salpêtre se fait de la terre qui se prend dans les caves, celliers, granges, écuries, étables, grottes, cavernes, carrieres, & autres lieux.

On se sert aussi de plâtras & gravois, provenant de la démolition de ces mêmes bâtimens que l'on réduit en poudre à force de les battre & écraser.

L'attelier, où se fait le salpêtre à l'arsenal de Paris, est un lieu vaste & élevé en façon de halle, soutenu de plusieurs piliers.

Il y a 126 cuviers dans cet attelier.

Ces cuviers sont presque semblables à ceux qui servent à couler la lessive ; ils sont néanmoins plus petits, disposés en plusieurs bandes, élevés de terre environ de deux piés. Comptons que l'on ne charge tous les jours que 24 cuviers, que l'on appelle de cuite, ainsi cela ne doit passer que pour un attelier de 24 cuviers ; & pour exempter de veiller & mettre de l'eau fête & dimanche, on ne charge que ces 24 cuviers, comme on va l'expliquer.

En passant on peut remarquer que par chaque attelier de 6 cuviers un salpétrier ne peut avoir qu'un homme de ville, qui est celui qui va chercher les matieres en ville, avec la bandouilliere du salpétrier aux armes du roi & du grand maître autour de sa ceinture.

Imaginons-nous que l'on n'a point encore travaillé. Sur ce pié l'on forme trois bandes de 8 cuviers chacune, on met deux boisseaux comble de cendre de bois neuf au fond de chaque cuvier de la premiere bande, & l'on emplit de terre le reste du cuvier.

Une plus grande quantité de cendre mangeroit le salpêtre, l'on met un bouchon de paille sur le haut de la terre. Sur la seconde bande l'on met deux boisseaux ras de la même cendre & le bouchon.

Et sur la troisieme, on se contente d'en mettre un boisseau & demi dans chaque cuvier.

Les cuviers étant emplis de terre & de cendre, l'on verse sur la premiere bande de l'eau de puits, de riviere ou de cîterne, car cela est indifférent, environ ce qu'en peuvent contenir dix futailles, que l'on appelle vulgairement demi-queues.

Cette eau s'imbibant dans la terre, coule par un trou qui est au bas du cuvier, & qui n'est bouché que de quelques brins de paille, & tombe dans un baquet disposé pour la recevoir.

Toute la quantité s'écoule ordinairement dans l'espace d'un jour ; quelquefois cela va jusqu'au lendemain, suivant la qualité des terres.

La premiere bande ainsi lessivée produit huit demi-queues d'eau que l'on porte sur la seconde bande, laquelle étant lessivée de la même maniere rend la valeur de six demi-queues.

L'on porte les six demi-queues sur la troisieme bande qui n'en produit que quatre.

L'on décharge cette premiere bande, l'on en ôte la terre & la cendre que l'on jette dans un lieu couvert, comme un hangard, pour en amender la terre.

On recharge cette bande de terre neuve avec trois boisseaux de cendre, pour faire ce qu'on appelle la cuite.

L'on prend ces quatre demi-queues d'eau qui sont provenues de la derniere bande ; on les verse sur la premiere bande renouvellée qui ne vous en rend que deux, & que l'on met dans la chaudiere.

Sur la seconde bande, l'on met de l'eau de puits pure la quantité de six demi-queues, qui est un jour & un peu plus à passer ce qui s'appelle le lavage.

Cette eau passée, vous la jettez sur la troisieme bande, cela s'appelle les petites eaux.

Quand ces petites eaux sont écoulées, on va les reporter sur la premiere bande dont on a levé la cuite, & cela s'appelle les eaux fortes. Il en sort quatre demi-queues ; on ne fait pas tout passer, en cas qu'il en restât au-delà de ces quatre demi-queues.

Et lors on recharge la seconde bande de terre neuve, pour refaire une seconde cuite.

Et l'on continue ainsi pour la troisieme.

Deux tomberaux de terre peuvent charger huit cuviers de cuite.

Il faut observer que pour deux cuviers l'on peut, si l'on veut, se servir d'un seul baquet appellé recette pour recevoir les eaux, en le faisant assez grand & creusant la terre pour le placer.

Les deux demi-queues d'eau provenues de la premiere bande se jettent dans une chaudiere de cuivre, assez grande pour recevoir non-seulement cette premiere décharge, mais encore les deux demi-queues de la cuite de la seconde bande, ce qui fait ensemble l'eau de seize cuviers.

La chaudiere dont on a parlé, est bien maçonnée & dressée sur un fourneau de brique, dans lequel on fait un feu continuel de buches, afin que la matiere bouille toujours également.

Elle bout 24 heures, & pour connoître si le salpêtre est formé, on laisse tomber une goutte ou deux de cette eau sur une assiette ou sur un morceau de fer, & s'il se congèle comme une goutte de suif ou de confiture, c'est une marque qu'il est fait.

Aussi-tôt on retire la moitié de cette eau avec un instrument de cuivre appellé puisoir ; on la met dans un rapuroir, qui est une futaille de bois, ou un vaisseau de cuivre, puis on retire le sel, c'est-à-dire le sel marin qui s'est formé au fond de la chaudiere avec une écumoire dans un panier que l'on pose sur la chaudiere, pour faire égoutter ce qui peut y être resté de salpêtre ; & quand ce sel est dehors, on tire le reste de la cuite, & après une demi-heure ou trois quarts-d'heure que l'eau a resté dans le rapuroir qui est couvert pour la tenir chaudement, on la fait sortir par une fontaine qui est au rapuroir ; on la met dans un seau pour la porter dans de grands bassins de cuivre pour la laisser congeler, ce qui ne se fait ordinairement qu'en cinq jours.

Cette cuite de seize cuviers peu produire 100 ou 120 livres de salpêtre, quelquefois 140, selon la qualité des terres ; & pour le sel, la quantité n'en est point réglée, quelquefois on en tire 15, 20 & 30 livres, & même 40 ; aussi se rencontre-t-il des terres dont on n'en tire point, mais cela est rare.

Quand le salpétrier veut frauder pour le sel, il fait si bien malgré tous les gardes qu'on aura postés pour l'observer, qu'il ne paroîtra point de sel dans sa cuite, soit en brouillant & retirant brusquement son eau, & la portant dans les bassins sans la passer dans le rapuroir, soit en y jettant une chandelle, qui à la vérité ne gâtera point la cuite, mais qui fera élever le sel dans l'eau & l'empêchera d'aller au fond.

Il se sert encore d'un autre moyen pour cacher le sel ; il jette un quarteron de colle-forte dans la chaudiere, ce qui fait élever le sel dans l'écume, ensorte qu'on ne sauroit plus le trouver, & que l'eau est claire & belle comme de l'eau de roche ; il ne met point aussi cette eau dans le rapuroir, & il ne se soucie pas de jetter l'écume, car elle se retrouve dans les terres qu'il amende ; en maniant l'écume avec la main, on la sent graveleuse & pleine de sel.

Il faut encore observer que quand l'eau est dans le rapuroir, il reste du sel dans le fond, pourvû qu'on l'y laisse trois quarts-d'heure ou une heure ; ce sel est néanmoins couvert de la saleté de la cuite, & ne peut se manger, on le jette sur les terres.

Le salpêtre brut étant ainsi achevé, on le met ainsi en égoût, & l'on panche les bassins où il est ; l'eau qui en provient s'appelle les eaux meres, nommées par les salpétriers ameres, & elles servent à recharger les cuviers que l'on a renouvellés de terre neuve, l'on en met un petit seau sur deux ou trois cuviers.

Tous les quinze jours le samedi l'on reçoit à la raffinerie les salpêtres bruts que les salpétriers de Paris apportent de leurs atteliers, qui leur est payé par l'entrepreneur à raison de 5 sols la livre.

Ils rapportent aussi le sel qu'a produit leur salpêtre en le faisant, & il leur est payé par l'entrepreneur sur le pié de 2 sols la livre.

Le lundi suivant est destiné pour submerger le sel, car on le jette dans la riviere en présence des officiers & gardes des gabelles, afin que personne n'en profite.

Pour avoir de bonnes terres amendées & ce qu'on appelle réanimées, il faut faire ensorte que la terre qui a servi dans les cuviers soit seche, & pour cela il la faut mettre à couvert, & quand elle sera seche, l'étendre un pié d'épais sous le hangard & l'arroser ; prendre pour cela les écumes & les rapurages, les eaux meres ou ameres, & y mettre moitié eau qui ait passé, s'il se peut, sur les cuviers après que le relavage est fait ; l'arroser de pié en pié jusqu'à la hauteur que l'on pourra ; il faut détremper auparavant les écumes dans l'eau, que cela ne soit point épais, parce que la terre ne s'humectera pas si facilement.

Quinze jours après qu'elle aura été arrosée, il la faut jetter d'un autre côté, & la changer de place, afin qu'elle se mêle mieux & en devienne meilleure ; un mois après la changer encore de place & continuer deux ou trois fois, après quoi l'on pourra s'en servir, sur-tout prendre bien garde de ne la point endurcir en la piétinant, ce qui l'empêcheroit de s'amender si vîte ; & pour éviter de la piétiner, il n'y a qu'à y mettre une planche qui n'appuie pas dessus, mais qui soit soutenue par les deux bouts avec deux pierres ou deux morceaux de bois.

Il faut que les hangards ne soient clos que par les deux bouts pour soutenir seulement la terre, & laisser le jour du côté où le soleil donne ; si les hangards sont faits contre la muraille, il ne faut pas qu'ils soient fermés par les deux bouts.

N'ayant point de terre qui ait servi aux salpêtres, il faut prendre des gravois de plâtre de démolitions, les faire casser comme ceux que l'on met dans les cuviers, ils sont fort propres à amender promptement attendu qu'ils sont secs.

Les terres amendées peuvent toujours servir à l'infini, desorte qu'au moyen de ces terres on ne manquera jamais de salpêtre.

Les Salpétriers ayant livré leur salpêtre brut, l'on jette ce salpêtre dans la chaudiere destinée pour cet usage, qui est disposée comme l'autre sur un fourneau. On y en met 2 mille 2 ou 3 cent pesant à chaque fois, & par-dessus trois bardées que l'on appelle ou trois demi-muids d'eau.

Quand le salpêtre est fondu, ce qui se fait en deux ou trois heures, l'on jette dedans une cruchée de blancs d'oeufs, ce qui coûte à l'Hôtel-Dieu 6 sols la pinte, ou de la colle de poisson, ou une certaine dose de vinaigre ou d'alun.

On y ajoute une bardée d'eau qui fait la quatrieme en plusieurs fois, afin de faire surmonter la graisse & l'ordure qui s'écument soigneusement ; & après en avoir bien nettoyé la superficie, ensorte qu'il ne reste plus d'écumes, on tire aussi-tôt le salpêtre, & on le met tout-d'un-coup dans des bassins où on le laisse congeler pendant cinq ou six jours, après quoi on place les bassins sur des trétaux pour les faire égoutter sur des recettes, & l'eau qui en provient se jette encore une fois dans la chaudiere pour la faire bouillir jusqu'à-ce que le sel se produise au fond & que la fonte soit parfaite.

Il s'en tire 15 ou 20 livres, quelquefois plus, ce qui n'a point de regle ; la raison de cela est que quand on a travaillé le salpêtre brut avec soin, & que l'on a tiré beaucoup de sel dans cette premiere fabrication, il ne s'en peut pas tant trouver dans le raffinage.

C'est dans ces deux premieres cuites-là que l'on tire tout le sel qui peut être dans le salpêtre, car il se fait encore une troisieme cuite de la même maniere que la précédente : mais aux eaux de cette derniere il ne doit point se trouver de sel, & quand il s'y en trouve, c'est que le salpêtre est mal raffiné.

De la premiere cuite sort le salpêtre brut.

La seconde produit le salpêtre appellé de deux eaux.

Le troisieme fait le salpêtre de trois eaux en glace.

Si l'on veut mettre le salpêtre en roche, on le fond sans eau, & si-tôt qu'il est fondu, on le tire & on le laisse refroidir.

Il y a des gens qui mettent leurs blancs d'oeufs en deux fois, leur cruche est de huit pintes, ils en mettent les deux tiers dans la seconde cuite, & l'autre tiers dans la troisieme, après les avoir battus avec un petit balai & délayés avec de l'eau petit à petit.

A la raffinerie de Paris l'on use 18 pintes de blancs d'oeufs par jour sur cinq milliers de salpêtre, ce qui fait 5 liv. 8 sols de dépense par jour.

Voilà tout ce qui peut regarder la fabrication du salpêtre.

On prétend que le salpêtre étant raffiné, diminue d'un peu plus d'un quart ; par exemple, un cent de salpêtre brut ne rendra que 72 livres de salpêtre raffiné de deux fontes de raffinage, & le reste sera sel, graisse, sable & boue.

La bonne qualité du salpêtre est d'être dur, blanc, clair, & transparent, bien dégraissé & bien purgé de sel.

Il est à desirer qu'on laisse le salpêtre six mois & même un an, s'il se peut, sur des planches exposé au nord, & qu'on le retourne de tems en tems pour le bien faire sécher, & pendant ce tems lui donner lieu de se décharger du reste de la graisse que le raffinage n'a pu lui ôter entierement, & dont l'air dissipe une partie.

Pour connoître si les salpêtres sont gras ou salés, il en faut faire brûler & mettre une poignée sur une planche de chêne, & poser un charbon ardent dessus ; si en brûlant il petille, cela marque le sel ; & s'il est pesant & que le feu ait de la peine à s'élever, & que l'on voye un bouillon épais, cela marque la graisse ; & quand il est de bonne qualité, qu'il n'est ni gras ni salé, il jette une flamme qui s'éleve avec ardeur & qui consume le salpêtre, ensorte qu'il n'y reste qu'un peu de blanc qui est le fixe du salpêtre. S. Remy, Traité d'artillerie.

Ce que l'auteur appelle un peu de blanc d'oeuf est la base alkaline ou alkali fixe du nitre, vulgairement appellé nitre fixé, dont il sera question plus bas.

Dans la fabrique de salpêtre de Montpellier & dans toutes celles du bas Languedoc, on lessive les terres & gravois sans mêlange ; on concentre assez considérablement la lessive qu'on en retire, & on la fait ensuite passer à travers une couche épaisse de cendre de tamarisc qui ne contient pas un atome d'alkali fixe, comme l'a démontré M. Montet, célebre chimiste de la société royale des Sciences.

Dans plusieurs fabriques & notamment en Allemagne, on emploie de la chaux vive conjointement avec les cendres dans la préparation du salpêtre.

Le suc ou la décoction de toutes les plantes qui donnent de l'alkali fixe de tartre par l'incinération, étant putréfié ou dégraissé par la chaux vive, selon le procédé de M. Boulduc, Académie royale des Sciences 1734, donnent du nitre parfait, & plusieurs même de ces sucs ou décoctions étant convenablement rapprochées, sans avoir été précédemment dégraissées par la chaux & sans avoir subi la putréfaction, en donnent abondamment, & cela dans quelque terrein qu'elles ayent crû & végété. Ces deux assertions sont démontrées ou du-moins démontrables, malgré la prétention contraire du célebre Stahl ; & quant à ce qu'un célebre chimiste moderne (M. Baron, notes sur Lemery) avance, savoir que le sel essentiel de quelques plantes est un tartre vitriolé, ou du sel commun ; l'expérience, les recherches de détail apprennent que le tartre vitriolé est extrêmement rare, c'est-à-dire en infiniment petite quantité, dans un infiniment petit nombre de plantes ; que le sel marin s'y trouve à la vérité assez communément, mais avec le nitre, & avec le nitre presque par-tout dominant, & qu'on ne l'a point encore observé seul ou sans nitre.

Si ce qu'on nous rapporte du salpêtre des Indes est vrai, c'est-à-dire qu'on le ramasse tout formé, voilà un nitre naturel, un nitre de houssage très-parfait.

Tout le nitre de houssage que j'ai vû, & j'en ai vû beaucoup, & en divers lieux, étoit du nitre parfait : je ne sai même si du nitre de houssage, c'est-à-dire crystallisé, à base terreuse, est possible ; ou plutôt les propriétés de cette espece de nitre observée jusqu'à présent prouvent que son efflorescence, sa crystallisation spontanée est impossible. Quant à la base alkali-volatile qu'on voudroit lui supposer, on peut hardiment avancer que, malgré les expériences de M. Lemery le fils, une pareille base n'est rien moins que démontrée même dans quelque petite portion du nitre crud ou naturel.

On ne trouve que très-peu de nitre dans l'intérieur de la terre. Si des expériences ultérieures démontroient un peu de nitre dans certaines pierres, quelques couches de marne, de glaise &c. à plus de 50 piés de profondeur, &c. si on ne peut douter d'après les expériences de M. Marggraf (Mém. de Berlin 1751) que quelques eaux de puits, & d'après mes propres expériences, que quelques eaux minérales ne contiennent un peu de nitre, cela ne prouve rien contre cette assertion générale, savoir que le lieu propre du nitre, ou du moins sa source propre, légitime, essentielle est la surface de la terre. La rareté & la paucité de ce sel dans les entrailles de la terre, aussi-bien que la facilité avec laquelle il peut y être porté par diverses causes accidentelles, concourent à établir cette vérité.

Les chimistes modernes ne daignent plus combattre la chimere du nitre aérien. La très-petite quantité du nitre que M. Marggraf a trouvée dans l'eau de pluie, où ce chimiste a découvert aussi du sel commun & une terre subtile, ne prouvent ni un nitre aérien, ni un sel comme aérien, ni une terre comme aérienne ; ils indiquent seulement très-vraisemblablement que l'eau élevée dans l'athmosphere peut volatiliser avec elle une très-foible quantité de ces substances. Les aimans apposés au nitre dans les lieux exposés à l'influence très-libre de l'air, & d'ailleurs isolés ou n'ayant point de communication avec d'autres sources observées du nitre, n'en ont jamais attiré un atome.

Nul chimiste n'a retiré jusqu'à présent du nitre des substances animales ; quoiqu'il paroisse hors de doute que les animaux qui vivent entierement ou principalement de végétaux, doivent recevoir de ces alimens une bonne quantité de nitre & de nitre parfait. Tout ce qu'avance sur ce point Lemery le fils dans ses mémoires sur le nitre (Acad. royale des Sciences 1717) n'est fondé que sur des raisonnemens, sur des prétentions. Son nitre à base volatile ou sel ammoniac nitreux animal n'est rien moins que démontré même dans l'urine & les excrémens, tant des hommes que des brutes, qui sont cependant les matieres qui paroissent concourir le plus efficacement & le plus généralement à la formation du nitre. Mais il faut convenir aussi que les expériences par lesquelles on pourroit définitivement établir ou nier l'existence de cet être ; n'ont pas été tentées, du moins publiées, quoique ces expériences soient simples, faciles, & qu'elles puissent être démonstratives.

Nous pouvons, en attendant, du petit nombre de faits que nous venons de rapporter, 1°. conclure raisonnablement sur l'origine du nitre, que les végétaux seuls le fournissent manifestement ; que la terre, ou le regne minéral n'en fournit point ; que l'air n'en contient point ; & qu'il est douteux que les substances animales, que les excrémens mêmes des animaux en contiennent. Cette conclusion, cette vérité doit précéder toutes les inductions qu'on voudroit tirer des lieux d'où on retire vulgairement le nitre, & de l'influence que les excrémens des animaux semblent avoir sur sa génération. Il faut l'admettre, & examiner ensuite si cette influence des matieres animales est nécessairement matérielle, si elles concourent comme apportant dans les matrices qu'elles impregnent le nitre ou ses matériaux ; ou bien si elles ne servent pas uniquement & toujours de simple instrument ; par exemple, en excitant & entretenant une putrefaction qui dégage le nitre contenu dans les substances végétales, étant connu d'ailleurs que la putréfaction excitée sponte & sans ferment animal dans les substances végétales, dégage très-efficacement le nitre embarrassé dans les sucs végétaux & éminemment dans l'extrait, & le corps doux. Voyez EXTRAIT, Chimie, UXDOUX, Chimie.

2°. Etre assurés qu'il existe évidemment deux especes de nitre naturel ; savoir, le nitre parfait à base alcaline-tartareuse, ou salpêtre proprement dit, & le nitre à base terreuse, qui se retrouve dans l'eau mere des salpêtreries, sans compter le nitre cubique qui existe aussi naturellement dans quelques plantes. Tirer de cette vérité, comme un corollaire manifeste, l'anéantissement de cette belle théorie, reçue de tous les chimistes modernes sur l'usage des cendres qu'ils supposent fournir une base saline, sans laquelle nul nitre parfait, & qui auroient bien dû, au moins, être employées en assez grande quantité, pour qu'il ne restât point d'eau-mere : car pour rapprocher de cette conséquence les vérités d'où nous la déduisons, puisque les plantes dont les sucs, les matieres solubles par l'eau, putrescibles, soit par elles-mêmes, soit par le secours du ferment animal, & abondamment répandues dans les matrices communes du nitre ; puisque ces plantes, dis-je, contiennent un nitre parfait, puisque le nitre de houssage est un nitre parfait ; enfin, puisque dans tout le bas Languedoc, & peut-être ailleurs, & peut-être à Paris même, (car la cendre du bois neuf qu'on brûle à Paris pourroit bien être peu alkaline) on fait du salpêtre parfait tout étant d'ailleurs égal, sans employer dans la fabrique un atome d'alkali ; il se trouve que les Chimistes qui ont admis de la chaux dans le nitre, parce qu'on employoit la chaux à sa préparation dans les fabriques qu'ils connoissoient ; & que ceux qui y admettroient du blanc d'oeuf, d'après la manoeuvre de l'arsenal de Paris, où on en emploie à la clarification d'une des lessives ; que les uns & les autres, dis-je, diroient une chose aussi raisonnable que ceux qui connoissant les faits allégués, soutiendroient encore la prétendue imperfection du nitre crud, & son changement de base dans la fabrique. Ce n'est pas qu'il ne puisse y avoir du nitre crud, qui, en passant à-travers des cendres alkalines soit précipité, & prenne une base saline ; mais il n'est pas prouvé que cela soit ; il n'est pas sûr que les Salpétriers de Montpellier aient plus d'eau-mere que les Salpétriers de Paris.

3°. On peut encore conclure de tout ceci, & lorsqu'on saura que, indépendamment des Chimistes qui ont tiré le nitre de l'air, & de ceux qui l'ont regardé comme une substance propre au regne minéral, & de premiere création, de célebres Chimistes, un Stahl, se sont livrés à des spéculations embarrassées pour composer le nitre dans les matieres pourrissantes par la combinaison de l'acide universel soit répandu dans la terre, soit attiré de l'air avec les matieres phlogistiques, sulphureo-pingues, existant en abondance dans les matieres putrescibles & développées, attenuées, evolutae, tenerius subactae, par l'action même de la putréfaction, actu ipso putrefactorio, Stahl, opusculum, fragmenta quaedam ad hist. nat. nitri, cap. iij. on pourra, dis-je, conclure des faits ci-dessus exposés, & de cet énoncé de la théorie de Stahl, qui est la dominante aujourd'hui, que c'est véritablement ici où ces hommes, d'ailleurs très-habiles, se sont embarrassés dans les entraves qu'ils se sont eux mêmes forgées. Et quand on saura encore que Glauber, antérieur à cette théorie imaginaire, a écrit clairement & positivement, contre son ordinaire, tout ce qui est vrai, tout ce qui est démontrable sur cette matiere, ou du moins qu'il ne reste, d'après la doctrine de cet auteur sur le nitre, qu'à étendre & perfectionner, on sera très-étonné que l'endroit saillant, le morceau le plus sublime, le plus philosophique de Glauber chimiste, en général très-célebre, ait été si parfaitement oublié, que lorsque les chimistes les plus instruits, M. Baron, par exemple, parlent de la préexistence d'un nitre tout formé dans les plantes, ils appellent ce dogme le système de M. Lemery le fils, au-lieu de la doctrine de Glauber ; & qu'au contraire la partie honteuse de la chimie de Stahl, sa doctrine sur l'origine du nitre, & celle sur l'origine de l'alkali fixe, qui dans la bonne doctrine est essentiellement liée à la précédente, (Voyez TARTRE, SEL DE, L FIXE)IXE), aient été généralement accueillies : car on peut assurer que ce très-grand Stahl a vraiment sommeillé sur ces deux objets, lui qui en a développé avec tant de sagacité & de génie de bien plus cachés ; & son autorité d'ailleurs si respectable, a tellement arrêté les progrès de la vérité, & masqué même celle que Glauber, de Ressons, Lemery le fils, M. Bourdelin, &c. Voyez Mém. de l'ac. des Scienc. avoient dévoilée, que les dogmes des chimistes modernes sur l'origine du nitre sont devenus depuis quelque tems de plus en plus superficiels, vains, gratuits, &c. que sans contredit ce qui est contenu à ce sujet dans les nouvelles vérités de M. Justi, est marqué à ce coin, & plus encore la dissertation de M. le D. Pietsch, qui a remporté le prix de l'académie de Berlin, en 1749, & les pensées du même auteur sur la multiplication du nitre. J'ose assurer au contraire qu'un très-grand nombre d'expériences que j'ai faites dans le laboratoire de feu M. le duc d'Orléans, la plûpart d'après les vues de Glauber, ont toutes concouru à établir la doctrine de ce chimiste ; & promettre avec confiance d'après ce travail, que j'acheverai peut-être un jour, un systême complet & démontré sur toutes les sources du nitre, sur sa formation ou son abord, accessus, adventus, dans ses matrices ordinaires, & enfin sur les diverses manoeuvres employées dans sa fabrication, sur le prétendu amendement ou réanimation des terres déja lessivées, &c. protestant hautement que toutes ces manoeuvres sont la plûpart vaines, mal entendues, ou au moins imparfaites ; & que de tous les arts chimiques nul ne peut recevoir plus immédiatement que la fabrique du salpêtre, des corrections & des perfectionnemens prompts & utiles de la science.

4°. Enfin, il doit paroître singulier que les chimistes qui ont méconnu l'origine du nitre, & qui ont enfanté des hypothèses pour expliquer sa génération dans l'athmosphere, ou dans la terre, aient parfaitement négligé de s'occuper en même tems de la formation du sel commun, qui accompagne le nitre presque toujours. Cette société est toute simple dans le vrai système ; les végétaux contiennent ces deux sels à peu-près dans la même proportion que celle dans laquelle on les retrouve dans les cuites.

Le salpêtre le plus raffiné, le salpêtre de la troisieme cuite, le salpêtre le plus pur que fournissent les atteliers, n'est encore assez pur ni pour pouvoir en faire une analyse exacte, ni pour les travaux chimiques réguliers, ou pour les usages pharmaceutiques. On le purifie donc dans les laboratoires des chimistes, & dans les boutiques des apoticaires, dans la vue d'en séparer un peu de sel marin, & un reste d'eau-mere, qu'on y trouve toujours mêlés. Pour cet effet, ou dissout le nitre dans de l'eau commune, ou dans de l'eau distillée, si, pour certaines expériences très-délicates on se propose l'exactitude la plus sévere ; mais ordinairement dans de l'eau de riviere, ou de fontaine ; on filtre la dissolution, & on la fait crystalliser, selon l'art, voyez CRYSTALLISATION. Par cette opération, le salpêtre se sépare exactement du sel marin, parce que ces deux sels ne crystallisent pas dans le même tems, le nitre se présente seul dans les premieres crystallisations, parce qu'il est très-dominant. On peut, lorsqu'après avoir séparé beaucoup de nitre, le sel marin & le nitre restant sont dans une proportion bien différente, faire bouillir la liqueur restante des premieres crystallisations, alors le sel marin, par la propriété qu'il a de crystalliser même dans l'eau bouillante, dès que la juste proportion de son eau de dissolution commence à lui manquer ; le sel marin, dis-je, crystallise & abandonne la liqueur ; & le nitre qui, par une propriété contraire, demeure suspendu dans une quantité d'eau beaucoup moins considérable que celle dont il a besoin pour être dissout à froid, pourvu que cette eau soit suffisamment chaude, le nitre, dis-je, reste suspendu, dissout par le moyen de l'ébullition. Il n'y a donc lorsqu'on estime que la plus grande partie du sel marin a crystallisé, qu'à retirer le vaisseau du feu, le laisser reposer un instant pour donner lieu à un peu de sel marin, qui pouvoit être balloté par le bouillonnement, de se déposer ; & ensuite décanter la lessive dans un vaisseau convenable, dans lequel, pour empêcher la lessive de se figer en une seule masse, & la disposer à crystalliser régulierement, on versera en même tems une quantité convenable d'eau bouillante. La premiere partie de cette opération est absolument analogue à la manoeuvre, par laquelle on sépare le sel commun du salpêtre dans le raffinage. Voyez ci-dessus.

Les crystaux de nitre sont des prismes qui paroissent hexaedres, lorsqu'on ne les considere que superficiellement ; mais qu'on trouve octoedres, lorsqu'on les examine avec plus d'attention, attendu que deux des angles ne sont qu'apparens, sont coupés ou abattus en effet, & forment ainsi deux vrais côtés, mais beaucoup moins grands que les six autres. Ces crystaux adherent communément par une de leurs extrêmités au corps sur lequel ils se sont formés, ou à un autre crystal, rarement sont-ils couchés sur l'un des côtés ; l'extrêmité de ces crystaux opposée à la base, ou le sommet, est tronqué obliquement ; ils sont transparens, mais non pas parfaitement, ils paroissent formés intérieurement par une opposition peu exacte de couches ou lames ; ils blanchissent d'ailleurs, quoique très-peu à leur surface en séchant ; ils sont quelquefois aussi gros, & plus longs que le petit doigt. Voyez les planches de Chimie.

Les autres caracteres extérieurs, ou qualités sensibles du nitre parfait, sont les suivantes : ce sel imprime à la langue une saveur légerement amere, accompagnée d'un sentiment de fraîcheur, ou froid très-remarquable ; il fuse par le contact d'un charbon ardent ; il détonne avec la plûpart des matieres phlogistiques embrasées, ou en s'enflammant avec ces matieres, étant exposé à un feu léger dans un vaisseau convenable, il y prend la liquidité que Becher a appellée aqueuse, ou coule comme de l'eau, & à la faveur de son eau de crystallisation. Voyez LIQUIDITE, Chimie.

De ces propriétés, la principale, celle qui est véritablement chimique, qui a exercé & qui a mérité d'exercer les Chimistes-physiciens, c'est la propriété de fuser ou de détonner par le contact de certaines matieres phlogistiques embrasées. Ce phénomene est composé de deux événemens distincts ; savoir, l'inflammation & l'explosion, ou fulmination. Le premier dépend évidemment de la très-grande facilité avec laquelle l'acide nitreux se combine avec le phlogistique, & forme avec lui une matiere analogue au soufre vulgaire, ou, si l'on veut une espece particuliere de soufre si éminemment inflammable, qu'il prend feu dès l'instant de sa formation, & même dans les vaisseaux fermés. C'est cette derniere circonstance qui rend le soufre nitreux incoercible, inramassable, tandis que les deux autres especes, le soufre vitriolique ou vulgaire, & le soufre marin ou microcosmique, c'est-à-dire, le phosphore, qui ne brûlent point sans le concours de l'air, se retiennent facilement lorsqu'on les compose dans les vaisseaux fermés. Voyez SOUFRE. L'analogie est d'ailleurs parfaite, absolue entre les produits respectifs de la combinaison du phlogistique avec chacun des trois acides minéraux ; en admettant l'identité supposée à cet égard, entre l'acide marin, & l'acide microcosmique. Quant à l'explosion, elle se déduit d'une maniere démontrable de l'expansion soudaine & violente de l'eau de crystallisation du nitre. La prodigieuse force explosive de la poudre à canon ne dépend que de ce principe. L'action de fuser n'est qu'un moindre degré de détonation.

Le nitre détonne avec toutes les substances phlogistiques embrasées, qui laissent échapper du phlogistique, lorsqu'elles sont dans l'état d'embrasement ; telles que toutes les matieres végétales, animales & minérales, réductibles & actuellement réduites en état de charbon, avec le soufre commun, & apparemment avec le phosphore, avec toutes les substances métalliques, excepté les métaux parfaits & le mercure ; car ces dernieres ne laissent pas leur phlogistique dans l'état d'embrasement. Il y a ici encore une singularité remarquable, c'est que le cuivre & le plomb étant mis avec le nitre dans l'état d'ignition, lâchent leur phlogistique, ou se calcinent ; voyez CALCINATION ; & que le nitre perd son acide, ce qui est l'effet propre de la détonation du nitre, avec les substances métalliques ; mais dans les deux cas dont nous parlons, cet effet a lieu sans détonation, & sans déflagration ou flamme sensible. Si quelque chimiste se propose jamais de retenir du soufre artificiel nitreux, il paroît raisonnable d'employer à sa préparation le cuivre ou le plomb.

D'ailleurs, dans cette opération, le nitre perd donc, comme nous l'avons déja insinué, un de ses principes, son acide. Son autre principe plus fixe & inaltéré reste. Les Chimistes l'appellent nitre fixe ou fixé. Il y a une seule substance, le soufre, qui en même tems qu'elle donne du phlogistique au principe acide du nitre, agit aussi par son propre acide sur la base du nitre. Dans cette détonation, l'acide du nitre est en partie dissipé sous la forme de soufre nitreux enflammé, & détruit par cette inflammation, & en partie chassé sous la forme de vapeur acide nitreuse, simplement dégagée par l'action précipitante, ou le plus grand rapport de l'acide du soufre, avec la base alkaline du nitre. Il résulte de cette nouvelle combinaison un nouveau sel neutre, qui est un vrai tartre vitriolé, & qui est connu dans l'art, sous le nom de sel polychreste de Glaser, & sous les noms très-impropres de nitre soufré, sulfuratum, & de nitre fixé par le soufre. Si c'est de l'antimoine crud qu'on emploie au lieu du soufre, le résidu ou le produit fixe de cette opération est encore le même sel, parce que c'est principalement par son soufre que l'antimoine agit alors, mais ce produit a un autre nom ; il est appellé, & encore très-improprement, nitre antimonié. Voyez TARTRE VITRIOLE, L SEL.

Il est encore à observer que la base du nitre détonné avec des substances métalliques, s'anime ou devient caustique, comme quand les alkalis fixes quelconques sont convenablement traités dans cette vûe avec la chaux vive. Voyez CHAUX, PIERRE A CAUTERE, SAVON.

Si on exécute toutes ces détonations dans les vaisseaux fermés, au moyen d'une cornue de fer tubulée, au bec de laquelle on a adapté une file de ballons, voyez les Planches de Chimie, on retient divers produits volatils, connus dans l'art sous le nom de clissi. Voyez CLISSUS.

Les flux simples & ordinaires, employés dans les travaux de la Docimastique, sont principalement formés de la base du nitre, fixé ou décomposé par sa détonation avec le tartre. Voyez FLUX & TARTRE.

On doit conclure de la théorie simple que nous avons proposée sur la déflagration du nitre, que c'est au-moins gratuitement qu'on s'est appuyé de la considération de ce phénomene, pour supposer que le nitre, ou plus spécialement l'acide nitreux, contient du phlogistique dans sa composition. Voyez NITREUX, ACIDE, à la suite de cet article.

La fixation du nitre par les substances phlogistiques seules, ou par la dissipation simple de son acide, est un des moyens d'analyse du nitre : par ce moyen on démontre un de ses principes, savoir sa base qui est l'alkali fixe tartareux, qu'il seroit beaucoup plus exact d'appeller nitreux ou du nitre ; car les expériences sur cette matiere, que j'ai déjà annoncées, démontrent que tout alkali fixe artificiel, sans en excepter celui de soude, a préexisté sous forme de nitre, soit vulgaire, soit cubique, dans les substances d'où on retire l'un & l'autre de ces alkalis.

L'autre moyen usité & démonstratif d'analyse du nitre, c'est la distillation ; celui-là manifeste son autre principe, son acide, & quelquefois aussi sa base.

Le nitre exposé seul dans les vaisseaux fermés à la plus grande violence du feu, ne laisse échapper qu'une très-foible quantité de son acide, si petite même que la réalité de ce produit est contestée par plusieurs Chimistes : quoiqu'il soit incontestable que le nitre s'alkalise sans addition, ou laisse échapper son acide lorsqu'on le tient long-tems en fusion dans un creuset ouvert. Pour séparer l'acide de sa base, on est donc obligé d'avoir recours à divers intermedes. On y emploie les intermedes des deux especes, c'est-à-dire les vrais & les faux, voyez INTERMEDE. Ceux de la premiere espece sont l'acide vitriolique, soit nud ou pur, soit uni à différentes bases qu'il quitte pour celle du nitre, c'est-à-dire le vitriol & l'alun ; & vraisemblablement les autres sels vitrioliques à base terreuse. L'arsenic décompose aussi le nitre comme intermede vrai, selon une expérience de Kunckel, rapportée par Juncker. Le sel microcosmique a la même propriété selon celle de M. Marggraf ; & enfin le soufre commun opere aussi ce dégagement d'après une expérience que je crois à moi, & à propos de laquelle je rapporterai tout-à-l'heure une expérience curieuse de Neumann. Les intermedes faux employés à la distillation du nitre, sont le bol & les terres argilleuses ; car je ne connois guere en Chimie de théorie aussi puérile que celle qui explique l'action de ces terres dans cette opération, par les propriétés de l'acide vitriolique qu'elles contiennent. C'est encore ici un rêve du grand Stahl ; & certes son observation que le même bol ou la même argille ne peut servir deux fois, qui d'abord n'est pas contestée, ne seroit pas une démonstration tellement solide quand même cette observation seroit vraie, que les considérations suivantes ne la détruisent sans réplique : savoir 1° que des bols, ou des argilles desquelles on ne sauroit retirer un atome de vitriol, d'alun ou d'acide vitriolique, & qu'on a exempté de tout soupçon de la présence de ces principes, par des lixiviations réitérées avec cent fois leur poids d'eau bouillante ; que des terres ainsi préparées, dis-je, servent très-bien à la distillation du nitre : 2° que le caput mortuum, le résidu de pareilles distillations ne donne pas communément un atome de tartre vitriolé ; enfin qu'on n'y retrouve pas même, du moins par le moyen le plus obvie, ni la lixiviation, la base alkaline du nitre ; ensorte que jusqu'à présent, c'est-à-dire en partant des faits publiés jusqu'à présent sur cette matiere, le sentiment qui approche le plus de la vérité démontrable, c'est précisement celui qu'a adopté Nicolas Lémery ; savoir que la terre ne sert dans cette distillation qu'à étendre ce sel, afin que le feu agissant plus facilement sur lui, en détache les esprits ; & c'est-là la fonction de ce que j'appelle faux intermede, voyez INTERMEDE. Au reste, le même Lémery conclut très-mal de cette assertion qu'il est fort inutile d'employer beaucoup de terre ; & Stahl prétend avec raison qu'il en faut employer beaucoup. Il est sûr que trois parties de terre pour une de nitre qui est demandée dans les livres, & dans celui de Lémery, voyez cours de Chimie, chap. esprit de nitre, ne suffisent pas ; & qu'il reste après un feu fort & long, du nitre inaltéré. Mais encore un coup, cela ne prouve rien en faveur de l'acide vitriolique imploré dans la théorie de Stahl : plus de terre étend, disgrege davantage le nitre, tout comme elle fourniroit plus d'acide vitriolique, si ce réactif étoit de quelque chose dans cette décomposition.

L'expérience de Neumann que je viens d'annoncer, est celle-ci : si on mêle exactement du nitre & du soufre, l'un & l'autre en poudre, & qu'on allume le soufre, le soufre brûle paisiblement parmi le nitre, & se consume tout entier sans enflammer le nitre & sans produire d'autre changement sur ce sel, que de le fondre, comme fait un feu léger. Neumann a répété cette expérience sur des mêlanges faits à seize différentes proportions, & toûjours avec le même succès.

Les Apoticaires préparent diversement le nitre pour les usages médicinaux. Premierement, ils purifient par la crystallisation le nitre de la troisieme cuite : nous avons déjà parlé de cette opération. Il faut pour l'usage médicinal, tout comme pour les usages chimiques philosophiques, ne prendre que les premieres crystallisations, & réserver les dernieres pour des usages où la pureté du nitre est moins essentielle, par exemple pour la préparation de l'antimoine diaphorétique. Il faut encore observer qu'il faut se garder soigneusement de la puérilité, qu'on est bien étonné de trouver encore dans Zwelfer, de dissoudre le nitre qu'on veut purifier dans des eaux distillées aromatiques. Le principe odorant ne comporte point les évaporations implorées dans cette opération. Voyez ODORANT PRINCIPE.

Secondement, ils préparent le nitre purifié, en le mettant en fusion, jettant à diverses reprises à sa surface une quantité de nitre fort indéterminée (Nic. Lémery n'en emploie qu'un soixante-quatrieme ; beaucoup d'artistes en demandent environ un dixieme), & versant après la déflagration, la matiere sur une plaque de cuivre bien nette & bien seche. Le nitre ainsi préparé s'appelle crystal mourant, sel prunelle, de prunelle ou de brunelle, & dans quelques pharmacopées nitre préparé, & nitre en tablettes, nitrum tabulatum.

Les Pharmacologistes raisonnables regardent cette préparation comme infidele, inutile & même vicieuse. C'est en effet une vraie décomposition : en supposant même, comme on le suppose communément, que le soufre agit réellement sur la composition chimique du nitre, qu'il détonne vraiment avec le nitre dans cette opération, le crystal minéral ne sera qu'un mêlange de nitre & de tartre vitriolé, dont la proportion est comme celle du nitre & du soufre employés, c'est-à-dire dans lequel le tartre vitriolé est quelquefois un soixantieme, quelquefois un trentieme, un seizieme ou un dixieme du tout : donc ce remede est premierement infidele ; & secondement inutile, puisque rien n'est si aisé que de mêler du nitre & du tartre vitriolé sur le champ & à volonté dans l'occasion. Mais si, comme il peut souvent arriver, le soufre brûle paisiblement à la surface du nitre que l'artiste n'aura pas assez chauffé ; l'opération sera absolument vaine, puisque le nitre n'aura absolument rien éprouvé que la fusion. Or cette fusion privant toujours le nitre d'une partie de son eau de crystallisation, & le rendant par-là un peu âcre & mordicant, & d'ailleurs disposé à s'humecter & à se salir dans les boutiques, il est clair que cette préparation est non-seulement vaine & infidele, mais encore vicieuse. Le nitre purisié doit donc dans tous les cas, être préféré au crystal minéral.

Le nitre appellé essensifficatum ou insuccatum dans plusieurs pharmacopées, allemandes sur-tout, est du nitre dissous dans des infusions, décoctions ou sucs de plantes, ou de fleurs, ou bien dans des dissolutions de sucre, de sels tels que celui de saturne, &c. & évaporés jusqu'à siccité. Il est spécifié par le nom des diverses matieres employées à cette préparation, ce qui fait le nitrum violatum, rosatum, schordiatum, saccharatum, saturninum, &c. On trouve encore dans ces pharmacopées un nitrum perlatum ; corallatum, c'est-à-dire cuit ou évaporé à siccité en remuant la dissolution jusqu'à ce qu'elle commence à s'épaissir, avec des perles, du corail, ou d'autres terres absorbantes en poudre. Le nitrum nitratum crystalli nitri, ou draco fortificatus, des mêmes pharmacopées, est le nitre sursaturé de son propre acide. Toutes ces préparations sont à-peu-près inconnues dans nos pharmacopées, & absolument exclues de notre pratique ; & certes ce n'est-là réellement qu'un vain fatras.

Les Médecins françois n'employent que le nitre purifié, & même ils l'emploient rarement, du moins en comparaison des médecins allemands modernes, & sur-tout des stahliens. Juncker a écrit d'après Stahl, que le nitre méritoit presque le premier rang parmi les remedes les plus précieux, inter summa artis medicae praesidia ; & le traité où Stahl célebre tant le nitre, a pour titre : De usu nitri medico Polychresto.

Les vertus attribuées au nitre, d'après cette vicieuse méthode qui ne subsiste que trop encore, de désigner les propriétés des remedes par l'interprétation de leurs effets cachés ; ces vertus, dis-je, ainsi évaluées, sont la vertu rafraîchissante, tempérante, selon Hoffman résolutive, selon Stahl coagulante, antiphlogistique, antiaphrodisiaque, pectorale.

Mais pour exposer, selon la méthode que nous avons préferée, des propriétés plus évidentes, plus positives du nitre pris intérieurement, nous disons d'après l'expérience, que le nitre est diurétique lorsqu'on le donne à petite dose, à celle d'un gros ou de deux tout au plus, dans une quantité de tisane destinée à fournir la boisson d'un jour entier, & purgatif à une dose plus honnête, & même à cette même dose donnée en un seul verre ; qu'il fait merveilles étant mêlé avec le quinquina dans les fievres intermittentes, principalement quotidiennes accompagnées de chaleur excessive ; dans les fievres de cette classe, principalement dans les quartes, lorsque l'excès vicieux de sérosité, colluvies serosa, existe, ou est imminent. Secondement, étant ajouté aux tisanes sudorifiques, aux émulsions, aux décoctions des farineux, ordonnées contre les rhumatismes, & quelquefois dans des maladies de la peau. Troisiemement, dans les tisanes appropriées aux ophtalmies anciennes & rebelles. Quatriemement, qu'il mérite un rang distingué parmi les remedes secondaires des inflammations ; & principalement des érésipeles. Cinquiemement, qu'il est d'un usage très-utile dans le commencement des gonorrhées virulentes ; qu'il calme les érections douloureuses & les ardeurs d'urine, qui sont les symptomes communs de cette maladie ; & que non seulement il n'empêche point l'écoulement utile, presque nécessaire, qui en fait l'essence, en enfermant (comme on dit d'après un proverbe vulgaire, & une erreur rationnelle) le loup dans la bergerie ; mais qu'au contraire les tisanes rafraîchissantes nitrées & les émulsions nitrées, provoquent & entretiennent convenablement ce flux. Sixiemement, c'est le remede le plus usité contre les coliques ou douleurs néphrétiques, il n'est pourtant pas lythontriptique. Septiemement, on le combine utilement avec les hydragogues dans le traitement des hydropisies. Enfin, on dit qu'il modere l'appetit vénérien, & qu'il prévient les pollutions nocturnes.

Les végétaux éminemment nitreux, & d'ailleurs dépourvus de tout principe médicamenteux-actif, tels que sont la bourache, la buglose, la pulmonaire, la pariétaire, &c. n'exerçent des vertus vraiment médicamenteuses qu'à raison de ce principe. Or, comme ces plantes tiennent un rang distingué parmi les bechiques ou pectoraux appellés incisifs, la vertu pectorale-résolutive du nitre, célébrée par plusieurs modernes, & confirmée par des expériences directes, est d'ailleurs établie par les effets reconnus de ces plantes.

Le nitre entre dans la poudre tempérante de Stahl, voyez POUDRE TEMPERANTE. Il est dit dans la derniere édition de la Pharmacopée de Paris, qu'il entre dans l'anti-hectique de Poterius & dans le lilium de Paracelse, & qu'il sert à la préparation de l'antimoine diaphorétique, &c. Or, comme le nitre concourt absolument & exactement de la même maniere à la production de ces trois médicamens, on ne devine point pourquoi on dit du nitre qu'il entre dans les deux premiers, & qu'il sert à la préparation de l'autre. Quoi qu'il en soit, le nitre sert à la préparation de l'antimoine diaphorétique, & n'entre point dans la composition de l'anti-hectique, ni dans celle du lilium. Voyez ces trois articles.

On employe le nitre à quelques usages médicinaux extérieurs : on le dissout dans les gargarismes anti-inflammatoires, & quelquefois, quoique rarement, dans les lavemens laxatifs. Il entre dans la composition de la pierre médicamenteuse, divine, ou ophtalmique de Crollius, & de quelques autres auteurs, &c. (b)


NITREUXACIDE, (Chimie & Mat. méd.) L'acide nitreux est un des trois acides minéraux, c'est-à-dire, un des sels primitifs, un de ceux dont les Chimistes n'ont point encore opéré la décomposition, & qui concourent, comme principes, à la formation de plusieurs composés chimiques. Voyez SEL.

Les qualités extérieures & particulieres de l'acide nitreux sont celles-ci : lorsqu'il est suffisamment concentré, il est d'un rouge plus ou moins vif, plus ou moins orangé ou pâle selon son degré de concentration ; il exhale en très-grande abondance des vapeurs de la même couleur, même par le grand froid, & au point qu'un flacon à demi plein de cette liqueur a sa partie vuide constamment & très-sensiblement remplie de ses vapeurs. Lorsqu'il est très-foible, il n'a point de couleur. Un phénomene fort singulier, c'est que si on affoiblit un acide nitreux un peu fort en y mêlant de l'eau, il devient verd sur le champ, mais cette couleur ne dure point. De l'acide nitreux assez foible pour être décoloré peut néanmoins être encore un peu fumant, & les vapeurs qu'envoie celui-ci ont encore une légere teinte rouge. Toutes ces vapeurs sont suffoquantes & d'une odeur détestable. Il est beaucoup plus pesant que l'eau ; & malgré l'espece de volatilité annoncée par cette émission continuelle de vapeurs, il est susceptible de concentration par la distillation qui fait élever un phlegme foiblement acide, & qui retient l'acide comme plus fixe. Cet acide nitreux ainsi déphlegmé ne jette pourtant point de vapeurs, à moins qu'il ne soit agité par une chaleur considérable ; ensorte qu'il paroît que quoique l'acide nitreux jette d'autant plus de vapeurs qu'on l'a plus concentré d'avance immédiatement, par les circonstances de la distillation par laquelle on le retire du nitre ; il paroît, dis-je, que la matiere de ces vapeurs pourroit bien n'être pas une émanation pure & simple de l'acide nitreux, mais une substance un peu diverse.

Les qualités spécifiques & essentielles, ou proprement chimiques de l'acide nitreux, sont ses affinités avec diverses substances, la génération des nouveaux êtres chimiques qui résultent de sa combinaison avec ces substances, & l'ordre ou le degré de ses affinités avec ces substances par rapport aux autres acides.

L'acide nitreux se combine avec le phlogistique, & forme avec, ce soufre éminemment inflammable qui est le vrai principe de la déflagration du nitre. Voyez l'article précedent.

Il dissout l'alkali fixe, tartareux ou nitreux, & forme avec, le nitre appellé régénéré, qui n'est autre chose que le vrai nitre parfait. Voyez l'article préced.

Il produit par sa combinaison avec l'alkali fixe, de soude ou marin, le nitre quadrangulaire ou cubique dont il a été parlé aussi dans l'article préced.

Il compose avec l'alkali volatil le sel ammoniacal nitreux. Voyez sous le mot SEL.

Avec les terres calcaires, un sel dont les propriétés sont rapportées à l'art. CHAUX. Voyez cet article.

Il dissout l'argent, le cuivre, le fer, l'étain, le plomb, le mercure, l'antimoine, le zinc, le cobhalt, le bismuth, & l'arsenic en partie, en un mot, toutes les substances métalliques excepté l'or, & même ce dernier métal d'après une expérience véritablement exposée assez obscurément dans les Mém. de Suede, par M. Brandt. Nous ne parlons pas de la platine, à cause des justes soupçons de M. Marggraf contre l'opinion qui fait regarder cette matiere métallique comme une nouvelle espece de métal. Voyez avec quelles circonstances l'acide nitreux agit sur chacune de ces matieres, & quels sont les produits de ces diverses combinaisons, aux art. particuliers ARGENT, CUIVRE, FER, ÉTAIN, PLOMB, MERCURE, BISMUTH, ZINC, ANTIMOINE, ARSENIC, COBHALT ; voyez aussi OR & PLATINE.

L'acide nitreux concentré subit avec les huiles une effervescence violente, suivie de l'inflammation. Ce phénomene est rapporté & examiné à l'article HUILE. Voyez cet article.

L'action de l'acide nitreux sur l'esprit-de-vin, la nature des principaux produits de cette réaction, savoir, une huile éthérée très-subtile, & l'esprit de nitre dulcifié, & la maniere d'obtenir ces produits sont exposés à l'article ETHER NITREUX. Voyez cet article.

L'acide nitreux dissout aussi le camphre, & produit avec cette substance, trop peu définie jusqu'à-présent, une liqueur singuliere connue des Chimistes sous le nom d'huile de camphre. Voyez CAMPHRE.

L'acide nitreux foible épaissit singulierement les huiles par expression. C'est sur cette propriété qu'est fondée la préparation d'une assez puérile composition pharmaceutique, connue sous le nom de baume d'aiguilles, & qui n'est autre chose que de l'huile d'olive qu'on a fait nager sur de l'acide nitreux dissolvant actuellement quelques aiguilles, & qui a été épaissie en consistance de baume dans cette opération.

Enfin le soufre commun, pénétré par des vapeurs d'acide nitreux, est singulierement altéré dans sa consistance ; il devient mol, ductile, flexible comme du cuir mouillé.

L'acide nitreux ne dissout point les safrans & chaux métalliques vraies, telles que le safran de Mars, le colcothar, le safran de Vénus, l'antimoine diaphorétique, &c.

L'acide nitreux n'est point inflammable par lui-même. Sa prétendue spécification par le phlogistique n'est fondée sur rien que sur la couleur de cet acide, ce qui est encore un indice bien contestable ; voyez PHLOGISTIQUE. Car l'influence de l'acide nitreux dans la production des inflammations, déflagrations, détonations, calcinations, &c. ne prouve rien pour la présence de ce principe. On explique tous ces phénomenes bien plus naturellement, plus simplement, d'après une exacte analogie, par la grande affinité de l'acide nitreux avec le phlogistique. En effet l'acide vitriolique & l'acide du sel marin, dans lesquels on ne suppose point ce principe, n'en ont pas moins une affinité plus ou moins grande avec lui, & n'en sont pas moins propres à produire avec les substances phlogistiques des mixtes & des phénomenes, par lesquels ils ne différent qu'accidentellement, seulement quant au plus & au moins de l'acide nitreux.

Voici l'ordre d'affinité des différentes substances ci-dessus mentionnées avec l'acide nitreux. Le phlogistique, le soufre, l'arsenic, l'un & l'autre alkali-fixe, l'alkali-volatil, les terres absorbantes (ces deux dernieres substances se précipitent réciproquement dans diverses circonstances), le fer, le cuivre, le plomb, le mercure, l'argent. L'ordre des autres substances métalliques n'a pas été observé, du moins publié.

L'ordre d'affinité de l'acide nitreux & des autres acides à l'égard de diverses substances est celui-ci : il occupe le second rang eu égard aux sels alkalis, tant fixes que volatils, & aux terres absorbantes : l'acide vitriolique a plus de rapport que l'acide nitreux avec tous ces corps ; mais ce dernier acide en a davantage avec ces mêmes corps, que l'acide du sel marin, que l'acide végétal, & que l'acide animal. M. Marggraf rapporte dans son Mémoire sur le sel microcosmique, une expérience qui semble prouver que l'acide microcosmique a plus de rapport avec l'alkali-fixe que l'acide nitreux ; mais cette expérience n'est rien moins que décisive. Voyez SEL MICROCOSMIQUE.

L'acide nitreux a moins de rapport que l'acide du sel marin avec toutes les substances métalliques que l'un & l'autre de ces acides dissolvent. L'ordre de rapport de l'acide vitriolique & de l'acide nitreux avec les corps que l'un & l'autre attaquent, n'est bien constaté que sur un petit nombre de sujets ; il l'est, par exemple, sur l'argent & sur le mercure, avec lesquels l'acide vitriolique a plus de rapport qu'avec l'acide nitreux. La table de Geoffroi peut pourtant subsister assez généralement en ce point particulier qui met l'acide nitreux après l'acide marin, & l'acide vitriolique dans l'ordre des rapports des acides minéraux avec les substances métalliques, & qui le place à cet égard avant l'acide du vinaigre. Voyez RAPPORT & PRECIPITATION.

L'esprit de nitre differe à quelques égards selon l'intermede qu'on a employé à sa préparation. Selon Stahl, l'acide nitreux le plus fixe est celui qu'on retire par l'intermede du bol ; celui qu'on retire avec l'alun, l'est moins, mais cependant plus que celui à la distillation duquel on a employé le vitriol. Celui qu'on retire du nitre bien séché, par l'intermede de l'huile de vitriol bien concentrée, est le plus concentré, le plus pesant, le plus rutilant, le plus fumant qu'il est possible. L'acide nitreux de couleur bleue & singulierement volatil de Stahl, est préparé en distillant une demi livre de nitre pur, une livre de vitriol calciné au rouge, & trois onces de magnes arsenicalis. Voyez VITRIOL & MAGNES ARSENICALIS. L'acide nitreux, distillé avec les terres bolaires s'appelle communément esprit-de-nitre, & celui qui est distillé avec le vitriol, eau-forte. Les acides obtenus par ces deux divers intermedes, peuvent différer réellement, selon diverses circonstances du manuel, & porter des différences dans plusieurs travaux ; mais la différence prétendue essentielle, déduite du mêlange estimé infaillible d'acide nitreux & d'acide vitriolique dans l'eau-forte, est fondée sur une théorie fausse, chimérique, sur l'ignorance de la doctrine des rapports, & de la volatilité respective de l'acide vitriolique adhérant à sa base, & de l'acide nitreux dégagé.

Les usages médicinaux internes de l'acide nitreux sont fort bornés ; ou plutôt on n'emploie presque point l'acide nitreux intérieurement. Sylvius Deleboë vante pourtant l'acide nitreux, soit simple soit dulcifié, comme le plus efficace des remedes contre les vents. D'ailleurs il est assez généralement avoué qu'il ne possede que les qualités génériques des acides. On a donné la préférence, dans l'usage, aux deux autres acides minéraux, à cause de l'odeur desagréable du nitre, & plus encore à cause d'une qualité virulente que cette odeur y a fait soupçonner.

On s'en sert extérieurement avec succès & commodité pour ronger les verrues.

Il a plusieurs usages pharmaceutiques officinaux : outre cette ridicule préparation du baume d'aiguilles dont nous avons déja parlé, & de l'huile de camphre dont on a fait un remede, il concourt à la formation, & fournit même le principe vraiment médicamenteux de la pierre infernale, de l'eau mercurielle, du précipité rouge, &c. qui sont des bons corrosifs. L'onguent mercuriel citrin lui doit évidemment une bonne partie de son efficacité. Voyez MERCURE, Mat. méd. On trouve dans la nouvelle Pharmacopée de Paris, sur l'esprit-de-nitre, la même inexactitude que nous avons déja relevée sur le nitre : il y est dit que l'acide nitreux entre dans le sublimé corrosif, dans le précipité blanc, &c. On aura de la peine à faire croire cela aux Apothicaires instruits à qui ce code est destiné. Voyez MERCURE, CHIMIE, PRECIPITATION & RAPPORT. (b)


NITRIELE DESERT DE, (Géog.) fameuse solitude de la basse Egypte, au pié d'une montagne médiocre aussi nommée Nitrie ; ce désert a environ 40 milles de longueur. Il est borné au N. par la Méditerranée, E. par le Nil, S. par le désert de Scété, & O. par ceux de Saint-Hilarion & des cellules ; il prend son nom d'une grande quantité de nitre dont il abonde. On voyoit autrefois plusieurs monasteres dans ce désert, mais il n'en reste plus que trois ou quatre : vous en trouverez la description dans Coppin, Voyage d'Egypte. (D.J.)

NITRIE, le lac de, (Géog.) on appelle ainsi un lac qui se trouve dans le désert de Nitrie, parce qu'il s'y fait du nitre qu'on nomme natron en Egypte. Ce lac paroît comme un grand étang glacé. Quand le natron est dans sa perfection, le dessus du sel ressemble à un sel rougeâtre, & ce sel est de l'épaisseur de quelques pouces ; au-dessous de ce premier couvert est un nitre noir dont on se sert pour faire la lessive. Quand on a enlevé ce nitre noir, on trouve le véritable nitre ou natron, qui est semblable à la glace de dessus, excepté qu'il est plus dur & plus solide. Voyez NATRON. (D.J.)


NIUCHE(Géog.) royaume de la Tartarie orientale, ou chinoise. Le pere Martini dit que les habitans vivent sous des tentes, qu'ils n'ont presque aucune religion, & qu'ils brûlent les corps morts. La plus grande montagne qu'on trouve dans le pays est celle de Tin ; d'où la riviere de Sunghoa prend sa source. (D.J.)


NIULHAN(Géog.) royaume de la Tartarie orientale ou chinoise, qui fait partie de celui de Niuche. Les Tartares du pays ont des corselets de peaux de poissons, très-durs & très-forts. Plus loin est la terre ferme de grande étendue, qu'on nomme Jesso. Voyez JESSO. (D.J.)


NIVA-TOKA(Hist. nat. Bot.) c'est le sureau commun du Japon, dont on distingue néanmoins plusieurs especes : 1°. le tadsu, qui est un sureau à grappes ; 2°. le jama-toolimi, qui est le sureau aquatique à fleur simple : sa moëlle sert de meche pour les chandelles ; 3°. le mitse ou jamma s'imira, autre sureau aquatique, dont les baies sont rouges, de figure conique, & un peu applatis.


NIVARIA(Géog.) une des îles Fortunées, selon Pline, liv. VI. chap. xxxij. où il dit qu'elle avoit pris ce nom de la neige qu'on y voyoit perpétuellement. Tous les manuscrits, selon le pere Hardouin, portent Ninguaria, mais cela revient au même, cette île doit être l'île de Ténériffe ou l'île d'Enfer, car dans les autres Canaries on ne voit point de neige.


NIVE(Géog.) riviere du royaume de Navarre, appellée Errobi, dans la langue du pays. Elle descend des montagnes de la basse Navarre, se joint avec l'Adour dans les fossés de Bayonne, & va se jetter dans la mer à une lieue de cette ville. (D.J.)


NIVEAUS. m. (Arpent.) instrument propre à tirer une ligne parallele à l'horison, & à la continuer à volonté, ce qui sert à trouver la différence de hauteur de deux endroits, lorsqu'il s'agit de conduire de l'eau de l'un à l'autre ; de dessécher des marais, &c. ce mot vient du latin libella, verge ou fleau d'une balance, laquelle pour être juste doit se tenir horisontalement.

On a imaginé des instrumens de plusieurs especes & de différentes matieres pour perfectionner le nivellement ; ils peuvent tous, pour la pratique, se réduire à ceux qui suivent.

Le niveau d'air est celui qui montre la ligne de niveau par le moyen d'une bulle d'air enfermée avec quelque liqueur dans un tuyau de verre d'une longueur & d'une grosseur indéterminées, & dont les deux extrêmités sont scellées hermétiquement, c'est-à-dire fermées par la matiere même du verre, qu'on a fait pour cela chauffer au feu d'une lampe. Lorsque la bulle d'air vient se placer à une certaine marque pratiquée au milieu du tuyau ; elle fait connoître que le plan sur lequel la machine est posée est exactement de niveau ; mais lorsque ce plan n'est point de niveau, la bulle d'air s'éleve vers l'une des extrêmités. Ce tuyau de verre peut se placer dans un autre de cuivre, qui a dans son milieu une ouverture, au moyen de laquelle on observe la position & le mouvement de la bulle d'air ; la liqueur, dont le tuyau est rempli, est ordinairement ou de l'huile de tartre, ou de l'eau seconde, aqua secunda, parce que ces deux liqueurs ne sont sujettes ni à se geler, comme l'eau ordinaire, ni à la raréfaction & à la condensation, comme l'esprit de vin.

On attribue l'invention de cet instrument à M. Thevenot.

Le niveau d'air avec pinnules n'est autre chose que le niveau d'air perfectionné, auquel on a ajouté quelques pieces pour le rendre plus commode & plus exact : cet instrument est composé d'un niveau d'air (Pl. d'Arpent. fig. 4.) d'environ 8 pouces de long, & de 7 à 8 pouces de diametre ; il est renfermé dans un tuyau de cuivre, avec une ouverture au milieu : les tuyaux sont placés dans un conducteur ou une espece de regle droite d'une matiere solide, & longue d'un pié, aux extrémités de laquelle il y a des pinnules exactement perpendiculaires aux tuyaux & d'égale hauteur ; elles sont percées chacune d'une ouverture quarrée, où sont deux filets de cuivre qui se croisent à angles droits, & au milieu desquels est pratiqué un très-petit trou, pour voir à travers le point auquel on veut viser. Le tuyau de cuivre est attaché au conducteur au moyen de deux vis, dont l'une sert à élever & à abaisser le tube à volonté pour le mettre de niveau. Le haut de la boule ou du bec est rivé à un petit conducteur qui saille en haut, dont un des bouts est attaché à vis au grand conducteur, & l'autre est garni d'un vis 5, qui sert à élever & à abaisser l'instrument. Cet instrument est pourtant moins commode qu'un autre dont nous allons parler, parce que, quelque petits que soient les trous, ils font cependant appercevoir toujours un trop grand espace pour qu'il soit possible de déterminer précisément le point de niveau.

Le niveau d'air avec lunettes (Pl. d'Arp. fig. 5.) est semblable au précédent, avec cette seule différence qu'au lieu de simples pinnules, il est garni d'un télescope qui le rend propre à déterminer exactement ce point de niveau à une grande distance.

Le télescope est dans un niveau de cuivre d'environ 15 pouces de long, attaché au même conducteur que le niveau ; par l'extrêmité du tube du télescope, on fait entrer le petit tube, qui porte le verre oculaire, & un cheveu placé horisontalement dans le foyer du verre objectif 2 ; on peut faire avancer & reculer ce petit tuyau, afin que le télescope soit propre à différentes vûes ; à l'autre extrêmité du télescope est placé le verre objectif ; la vis 3 sert à élever ou à abaisser la petite fourchette qui porte le cheveu, & à le faire cadrer avec la bulle d'air, lorsque l'instrument est de niveau : la vis 4 sert à faire cadrer la bulle d'air avec le télescope, & tout l'instrument s'ajuste sur un genou.

On regarde M. Huyghens comme l'inventeur de ce niveau, qui a l'avantage de pouvoir se retourner, ce qui sert à en vérifier les opérations ; car si après que l'instrument a été retourné, le cheveu coupe toujours le même point qu'auparavant, c'est une preuve certaine de la justesse de l'opération.

On doit remarquer ici qu'on peut ajouter un télescope à telle espece de niveau qu'on voudra, lorsqu'il sera question de prendre le niveau d'objets fort éloignés : il ne faut pour cela qu'appliquer une lunette sur la base ou parallelement à la base.

Le niveau simple a la forme d'une équerre dont les deux branches sont d'égale longueur. A leur intersection est un petit trou d'où pend une corde avec un petit plomb qui bat sur une ligne perpendiculaire au milieu d'un quart de cercle qui joint les extrêmités des deux branches : ce quart de cercle est souvent divisé en 90 degrés, ou plutôt en 2 fois 45 degrés pour en marquer le milieu, voyez fig. 6. lettre F. On peut faire usage de cet instrument en d'autres circonstances que celles de l'artillerie ; pour s'assurer, par exemple, si un plan est de niveau, il faut pour cela placer les extrêmités de ses deux jambes sur le plan, & le tenir de façon que la corde rase le limbe du quart de cercle. Si elle bat alors exactement sur la division du milieu de ce quart de cercle, on en pourra conclure avec certitude que le plan est de niveau.

Le niveau des Charpentiers & des Paveurs est une longue regle, au milieu de laquelle est ajustée à angles droits une autre plus petite, qui porte vers le haut un fil avec un plomb, lequel lorsqu'il bat sur une ligne de foi perpendiculaire à la base, marque que la base est horisontale.

Ce niveau & celui des Maçons, quoique très-communs, sont regardés comme les meilleurs pour les bâtimens ; mais leurs opérations ne peuvent s'étendre qu'à de très-petites distances.

Le niveau des Canonniers, ou celui dont on se sert pour niveler les canons & les mortiers, est un instrument (Pl. d'Arpent. fig. 8.) qui est composé d'une plaque triangulaire, haute d'environ 4 pouces, au bas de laquelle est un arc de cercle de 45 degrés divisé en degrés ; ce nombre de degrés étant suffisant pour la plus grande hauteur à laquelle on éleve les canons & les mortiers, & pour donner aux coups la plus grande portée. Au centre de ce segment de cercle est attachée à vis une piece ou espece d'alidade de cuivre, laquelle par le moyen de la vis, peut se fixer ou se mouvoir à volonté ; l'extrêmité de cette piece de cuivre est faite de façon à pouvoir porter un petit plomb ou index qui marque les différens degrés d'élévation de la piece d'artillerie ; cet instrument a aussi un pié de cuivre qui se place sur le canon ou mortier, & qui fait prendre à tout l'instrument une situation verticale quand la piece est horisontale.

L'usage de ce niveau se présente de lui-même, & consiste à placer le pié de l'instrument sur la piece à laquelle on veut donner un certain degré d'élévation, de maniere que l'index tombe sur le nombre de degrés proposés.

Le niveau des Maçons est composé de trois regles, qui forment en se joignant un triangle isocele rectangle assez ressemblant à la lettre romaine A ; du sommet pend une corde qui porte un plomb, & qui lorsque le plan sur lequel est appliqué le niveau se trouve horisontal, vient battre exactement sur une ligne de foi marquée dans le milieu de la base, mais qui décline de cette ligne lorsque la surface en question est plus basse d'un côté que d'un autre.

Le niveau à plomb ou à pendule est celui qui fait connoître la ligne horisontale au moyen d'une ligne verticale décrite par son plomb ou pendule. Cet instrument (Pl. d'Arpent. fig. 6.) est composé de deux jambes ou branches qui se joignent à angles droits, & dont celle qui porte la corde ou le plomb a environ un pié & demi de long : cette corde est attachée au haut de la branche ; le milieu de la branche où passe le fil est évidé, afin que la corde puisse pendre librement de tous côtés, excepté vers le bas de la jambe, où se trouve une petite lame d'argent, sur laquelle est tracée une ligne perpendiculaire au télescope. Cette cavité pratiquée dans l'une des jambes de l'instrument est couverte de deux pieces de cuivre qui en font comme une boîte, pour empêcher que l'impression du vent ne se fasse sentir à la corde ; c'est pourquoi la lame d'argent est couverte d'un verre G, pour pouvoir reconnoître quand le plomb bat sur la perpendiculaire. Le télescope est attaché à l'autre branche ou jambe de l'instrument ; il a environ deux piés de long, & est garni d'un cheveu placé horisontalement, qui traverse le foyer du verre objectif, & qui détermine le point de niveau lorsque le fil & le plomb battent sur la ligne tracée sur la bande d'argent.

Cet instrument tire toute sa justesse de la précision avec laquelle on met le télescope à angles droits sur la perpendiculaire. Il a un genou par le moyen duquel il se soutient sur son pié ; l'invention en est attribuée à M. Picard.

Le niveau de réflexion est celui que forme une surface d'eau assez étendue, laquelle représentant renversés les mêmes objets que nous voyons naturellement droits, est par conséquent de niveau avec le point où l'objet & son nuage paroissent seuls s'unir : il est de l'invention de M. Mariotte.

Il y a encore un autre niveau de réflexion fait d'un miroir d'acier ou d'autre matiere semblable, bien poli & placé un peu devant le verre objectif d'un télescope suspendu perpendiculairement, & avec lequel il doit faire un angle de 45 degrés ; auquel cas la direction perpendiculaire d'un télescope se changera en horisontale, ou en ligne de niveau, c'est-à-dire que les rayons qui seront réfléchis du miroir dans la lunette verticale, devront être situés horisontalement : ce niveau est de l'invention de M. Cassini.

Le niveau de M. Huyghens est composé d'un télescope, Pl. d'Arpentage, fig. 7. n°. 2. en forme de cylindre qui passe par une virole où il est arrêté par le milieu : cette virole a deux branches plates b b, l'une en haut, l'autre en-bas ; au bout de chacune de ces deux branches est attachée une petite piece mouvante, en forme de pince, dans laquelle est arrêtée une soie assez forte, & passée en plusieurs doubles dans un anneau ; l'un de ces anneaux sert à suspendre le télescope à un crochet placé à l'extrêmité de la vis 3 ; à l'autre anneau est suspendu un poids assez pesant, pour tenir le télescope en équilibre. Ce poids est suspendu dans la boëte 5, qui est remplie d'huile de lin, de noix, ou d'autres matieres, qui ne se figent pas aisément, afin de mieux arrêter les balancemens du poids & du télescope. Cet instrument est chargé de deux télescopes, fort près l'un de l'autre & exactement paralleles, & placés à contre sens l'un de l'autre, afin qu'on puisse voir des deux côtés, sans retourner le niveau. Au foyer de l'objectif de chaque télescope il doit se trouver un petit cheveu tendu horisontalement, & qui puisse se lever & s'abaisser suivant le besoin, par le moyen d'une petite vis. Si le tube du télescope ne se trouve point de niveau lorsqu'on le suspend, on y met audessus un anneau ou virole 4, & on l'y fait couler jusqu'à ce qu'il se soit mis de niveau. Le crochet auquel l'instrument est suspendu, est attaché à une croix plate de bois, laquelle porte à l'extrêmité de chacun de ses bras d'autres crochets, qui servent à garantir les télescopes d'une trop grande agitation dans les différens usages qu'on en peut faire, ou quand on les transporte d'un lieu en un autre. Cette croix de bois est renfermée dans une autre croix qui sert comme de caisse à l'instrument, mais dont on laisse les deux extrêmités ouvertes, afin que le télescope puisse être garanti des injures du tems, & qu'il soit toûjours en état de servir. Le pié de l'instrument est une plaque de cuivre ronde, à laquelle sont attachées trois viroles à charnieres, dans lesquelles sont placés trois bâtons qui forment le pié sur lequel se place la boëte.

NIVEAU A EQUERRE, est un instrument qui fait l'office d'un niveau, d'une équerre, d'une regle à jambes. Voyez NIVEAU, &c.

Cet instrument qui est représenté dans la Pl. d'Arpentage, fig. 22. est composé de deux branches, larges environ d'un pouce, qui s'ouvrent & qui se ferment comme une regle à deux jambes.

Chacune de ces branches est percée dans le milieu pour recevoir une espece de langue, ou une piece de cuivre fort mince, attachée à l'une des deux ; moyennant laquelle ces deux branches peuvent être appliquées l'une à l'autre exactement. L'usage de cette langue consiste en ce que, si l'on place son extrêmité dans la branche où elle n'est pas attachée, & où il y a une cheville qui la tient ou l'arrête, les deux branches seront alors à angles droits. On met pareillement sur la tête de cet instrument une piece de cuivre quarrée, avec laquelle l'instrument tient lieu d'une équerre ; au bas de l'angle de la piece de cuivre est un petit trou, auquel est attachée une petite corde avec un plomb : cette corde tombant le long d'une ligne perpendiculaire, tracée sur la langue ou piece de cuivre, fait voir si l'instrument est de niveau ou non, quand on l'applique sur quelque chose que ce puisse être. Chambers. (E)

NIVEAU, (Hydraul.) le niveau dont on se sert dans l'hydraulique est ordinairement un niveau d'eau à fioles, qui est un grand tuyau de fer-blanc d'un pouce de grosseur, & de quatre piés de long, voyez nos Pl. soutenu dans son milieu par deux liens de fer, & par une douille. Au milieu, & aux deux extrêmités, sont soudés trois bouts de tuyaux qui se communiquent, & dans lesquels on met des fioles de verre du même diamêtre qui y sont jointes avec de la cire ou du mastic. On remplit le tout d'une eau rougie avec du vinaigre ou du vin, pour qu'elle puisse mieux se distinguer de loin.

On a perfectionné cet instrument en écartant d'environ deux lignes le tuyau du milieu de l'alignement des autres, ce qui sert de pinnules & dirige beaucoup mieux le rayon visuel.

Pour établir cet instrument sur le terrein, on met dans la douille qui est dessous le tuyau, un bâton pointu que l'on fiche en terre, & on assure le niveau le plus droit qu'il est possible, en le pointant du côté où doit se faire le nivellement. Il y a même des instrumens où il y a un plomb dessous pour le mettre parfaitement droit, d'autres où il y a un genou avec trois douilles, ce qui facilite de se retourner de tous sens, sans déplacer l'instrument. Quant à la maniere d'opérer, voyez NIVELLEMENT. (K)


NIVELERv. act. & NIVELLEMENT, sub. m. est trouver avec un instrument deux points également distans du centre de la terre, & l'objet du nivellement est de savoir précisément combien un endroit est élevé ou abaissé au-dessus de la superficie de la terre.

Il y a deux sortes de niveaux, le vrai & l'apparent.

Le vrai niveau est une ligne courbe, puisqu'elle parcourt une partie de la superficie du globe terrestre, & que tous les points de son étendue sont également éloignés du centre de la terre.

Le niveau apparent est une ligne droite qui doit être corrigée sur le vrai niveau dont les tables sont dans plusieurs ouvrages ; ensorte que dans 300 toises de long, on trouve un pouce d'erreur, & près d'un pié sur 1000 toises.

On évite l'obligation de corriger le niveau apparent sur le vrai niveau, en se retournant d'équerre sur les deux termes d'un nivellement, & c'est ce qu'on appelle un coup de niveau compris entre deux stations. On donne rarement des coups de niveau de 300 toises de long d'une seule opération ; la portée de la vue est trop foible pour s'étendre si loin, à-moins qu'on n'applique au niveau une lunette à longue vue.

Les réfractions causées par les vapeurs rompent le rayon visuel, suivant qu'elles sont plus denses ou plus épaisses. Dans les petits nivellemens l'erreur est insensible ; dans les grands, il faut placer le niveau à-peu-près à pareille distance des points requis ; quoique ces points ne soient pas de niveau avec l'oeil du niveleur, ils le sont cependant entr'eux, puisque les réfractions sont égales à des distances égales & posées sur un même plan.

Il y a deux sortes de nivellemens, le simple & le composé.

Le nivellement simple est celui qui se fait d'un lieu peu éloigné d'un autre, comme de 100 toises, & d'une seule opération.

Le composé s'entend de celui qui demande plusieurs opérations de suite dans une distance considérable.

Quand on veut opérer sur le terrein, il faut être plusieurs pour porter les jalons, les remuer suivant la volonté du niveleur, changer & établir le niveau à chaque station. On ne doit point parler dans les grandes distances où la voix se perd facilement ; des signes dont on conviendra, feront connoître tout ce qu'on voudra dire ; si en alignant un jalon sur une ligne, il verse du côté gauche, il faut montrer avec la main, en la menant du côté droit, que ce jalon doit être redressé du côté droit ; comme aussi en haussant ou baissant la main, signifier qu'il faut baisser ou hausser un jalon.

Faites choix d'un tems doux sans vent, sans pluie, ni grand soleil ; toutes choses qui nuisent à la vue par les réfractions, qui causent bien des différences en haussant ou abaissant le rayon visuel ; un tems un peu sombre & couvert est plus favorable pour niveler, & les yeux découvrent plus facilement les objets éloignés.

Outre les jalons qui servent dans un nivellement fait en plat pays, il faut avoir encore des perches de 12 à 15 piés de long, pour mesurer par station la pente des montagnes ; les uns & les autres seront garnis par en-haut de cartons blancs coupés à l'équerre & immobiles.

Pour opérer, on établit le niveau suivant ce qui est dit au mot NIVEAU ; on se met à quelque distance du niveau comme à trois ou quatre piés ; on pose l'oeil & on s'aligne sur la surface de la liqueur comprise dans les fioles, qui conduit votre rayon visuel A A A, voyez les Pl. suivant lequel on fait arrêter à la distance requise un jalon ou une perche, par des hommes qui les haussent ou les baissent jusqu'à ce que le carton se trouve juste à cette ligne de mire. Quand le niveleur a déterminé un point entre deux grandes perches avec un jalon portatif & garni de carton, on le marque à fleur de ce carton avec de la craie blanche ou noire sur les grandes perches. Il faut toûjours observer de partir d'un endroit déterminé & remarquable, afin qu'on puisse se régler là-dessus, & tenir le pié de l'instrument toûjours de la même hauteur dans toutes les stations, pour éviter l'embarras de soustraire des élévations différentes ; une mesure de quatre piés convient assez par-tout.

Premiere pratique. Niveler un terrein de 250 toises de longueur, sur cinq piés & demi de pente ; ce qui s'appelle un nivellement simple.

Soit les deux points donnés A & B, voyez les Pl. établissez l'instrument dans le milieu de ces deux distances, comme en C, posez un jalon garni d'un carton en A, & faites-le hausser ou baisser, suivant la superficie des liqueurs comprises dans vos fioles, c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'il se trouve juste à la ligne de mire D D ; retournez-vous ensuite sur l'autre terme du nivellement vers B, & posez une perche ou jalon de la même maniere que l'autre ; ensuite mesurant celui des jalons, dont la place est déterminée, tel que celui A, d'où vous êtes parti, prenez-en la hauteur depuis le pié jusqu'y compris le carton, laquelle est ici supposée de 4 piés, & reportez sur celui B la même mesure de 4 piés en contre-bas ; si ce dernier jalon ou perche B, déduction faite des 4 piés, a 9 piés & demi de haut, la pente sera de 5 piés & demi du point A à celui B.

Seconde pratique. Niveler une longueur de 800 toises, où il se trouve une gorge & un contre-foulement sur 12 piés de pente, ce qui s'appelle un nivellement composé.

Soit à mesurer une grande distance, telle que la chûte de la montagne A (fig. 3.) jusqu'en B, avec la sujétion de commencer en A, où est le bâtiment, choisissez le chemin le plus commode & le moins inégal d'A en B, en le coupant en cinq stations ; établissez le niveau au point A, & dirigez-le vers B, où il sera nécessaire de planter un jalon pour mieux aligner ; faites tenir une perche à la distance d'environ 100 toises du bâtiment, comme en C supposé de 16 piés de haut, dont vous diminuerez la hauteur du pié du niveau jusqu'à la superficie de l'eau, laquelle est supposée de 4 piés, les 12 piés restans seront l'élévation du point A sur celui C ; transportez ensuite le niveau à pareille distance de C, c'est-à-dire à 100 toises par delà, comme en E, & dirigez-le sur la perche CD, où vous marquerez en F avec de la craie le coup de niveau, retournez-vous sur l'autre terme qui sera à 100 toises par-delà l'instrument, comme en G, & faites-y mettre la perche G H suivant la ligne de mire I I, & vous diminuerez en contre-bas les 4 piés de la hauteur du niveau : ainsi des 12 piés qu'on suppose qu'a cette perche, il reste 8 piés de baissement. On posera à la troisieme station le niveau dans le milieu du ventre ou gorge K de 250 toises, & se retournant successivement sur les deux perches G H & L M, qu'on aura eu soin de faire poser sur l'alignement, on donnera deux coups de niveau, dont le premier se trouvant au pié de la perche G H, & dans la ligne de mire K, ne donnera rien à compter ; le second donnera deux piés de haussement en L, que vous marquerez avec de la craie sur la perche L M ; reportez ensuite le niveau en O, qui est le milieu du quatrieme alignement de 90 toises, vous donnerez deux coups de niveau sur les perches posées en L M & N P ; & ayant diminué les 4 piés de l'instrument sur la perche M, qui a 10 piés de long, dont deux ont déja été marqués dans le dernier nivellement, il en reste 8, dont 4 pour la hauteur de l'instrument ; ce sera 4 piés de reste, qu'il faut marquer pour le haussement du niveau : enfin ayant établi le niveau en Q au milieu de ce terme qui est de 160 toises, diminution faite des 4 piés de la hauteur de l'instrument sur la perche P N, on trouve 2 piés de haussement du niveau ; faites ensuite une table fig. 4. où seront marqués dans une colonne tous les haussemens du niveau, & les baissemens dans une autre ; on trouvera à la premiere station 12 piés de baissement, huit à la seconde, 2 de haussement à la troisieme, 4 de haussement à la quatrieme, & deux de haussement à la cinquieme & derniere station ; ajoutez ensemble les haussemens, & faites une autre somme des baissemens ; soustrayez l'une de l'autre, c'est-à-dire, la petite de la grande, le reste sera leur différence, qui sera l'évaluation du point A sur celui B, qui est de 12 piés, suivant la table : ainsi une source trouvée sur la montagne au point A, qui sera conduite en B, aura 12 piés de pente.

Troisieme pratique. Niveler la descente d'un côteau sans gorge ni remontée.

Soit le regard A fig. 5. d'une source trouvée sur le haut d'un côteau, d'où l'on veut conduire l'eau au bassin B, & savoir quelle hauteur aura le jet d'eau, posez le niveau au bord du regard A ; établissez-le suivant ce qui a été dit ci-dessus, & pointez-le vers le bas B ; faites tenir une perche à quelque distance du niveau, comme en C, en la faisant hausser ou baisser, jusqu'à ce que le haut du carton se trouve juste à la ligne de mire D D, vous prendrez ensuite la hauteur qu'il y a depuis la superficie de l'eau du regard A jusqu'à la liqueur comprise dans les fioles, que vous diminuerez & marquerez en contre bas sur la perche C, en commençant par en-haut ; on comptera ce qui reste d'E en C, supposé ici de 4 piés : ayez un papier où vous chifrerez cette premiere station du nivellement & les cinq autres suivantes ; faites ôter cette perche C ; & à l'endroit où étoit son pié, reportez le niveau que vous établirez pour la seconde opération, comme vous avez fait dans la premiere, & ensuite par plusieurs stations de C en F, d'F en G, de G en H, d'H en I, d'I en K, vous viendrez à l'endroit B, où doit être la fontaine jaillissante. Vous supputerez toutes les mesures chiffrées sur votre papier à chaque station, comme d'A en C 3 piés, de C en F 6 piés, d'F en G 5 piés, de G en H 8 piés, d'H en I 6 piés, d'I en K 4 piés. La diminution de la hauteur de l'instrument réglée à quatre piés ayant été faite à chaque station, ce qui a été marqué en contre bas sur les perches suivant le rayon visuel, on aura en tout, en ajoutant ensemble toutes ces sommes, 32 piés pour la pente générale, depuis le regard A jusqu'à la fontaine B, qui s'élevera presqu'aussi haut, si la sortie de l'ajutage est proportionnée au diamêtre de la conduite, & qu'il y ait suffisamment de charge dans le regard A pour donner de la force au jet.

Ces trois pratiques renferment toutes les difficultés qui se peuvent rencontrer dans la maniere de niveler les eaux ; il ne s'agit que de se les rendre familieres.

On sera sûr d'avoir bien nivelé un terrein proposé, lorsqu'en recommençant l'opération en sens contraire, on retrouvera les mêmes hauteurs & les mêmes mesures, ce qui fera juger si la source peut parvenir à l'endroit où l'on se propose de l'élever.

Il pourroit quelquefois arriver que quoiqu'un nivellement fût exact, l'eau ne monteroit pas toujours à la hauteur requise, après que la conduite seroit posée ; ce qui ne peut être attribué qu'aux frottemens causés dans les coudes & jarrets des tuyaux, & dans les contre-foulemens inévitables aux longues conduites, dont les jets diminuent de hauteur, à proportion qu'ils s'éloignent des réservoirs. Le meilleur remede à tous ces accidens est d'avoir toujours un peu plus de pente qu'il ne faut, afin qu'elle suffise pour arriver au point proposé. (K)

La figure 9 d'arpentage fait voir que la ligne de vrai niveau B C F est une ligne courbe, différente de la ligne de niveau apparent B C E. Dans cette figure A est le centre de la terre, & B C E une tangente de la terre au point B.

Les figures 10 & 11 représentent des opérations de nivellement relatives à l'arpentage. Ces figures n'ont pas besoin d'explication pour celui qui aura lu l'article précédent ; on y reconnoîtra facilement le niveau, les jalons & les cartons dont les niveleurs se servent. La premiere figure appartient au nivellement simple, la seconde au nivellement composé. (E)


NIVELEURS. m. (Arpent.) est l'architecte ou le fontainier qui est chargé du nivellement d'un lieu par rapport à un autre. (K)


NIVELLE(Géog.) petite ville des Pays-bas autrichiens, dans le Brabant wallon, diocèse de Namur. On l'entoura de murailles l'an 1220 : elle est remarquable par son abbaye de chanoinesses, filles nobles, qui peuvent sortir & se marier. Elles s'habillent le matin en religieuses, & l'après-dinée en séculieres : on nomme leur abbesse, la princesse de Nivelle. Sa nomination appartient au souverain, après que les chanoinesses lui ont présenté trois sujets de leur corps. Jean de Nivelle, dont on fait tant de contes, n'est autre chose qu'un homme de fer au haut d'une tour auprès de l'horloge de la ville, & qui sonne les heures avec un marteau. Nivelle est à cinq lieues de Bruxelles, sept de Namur, & à neuf de Louvain. Il y a comme dans les autres villes du Brabant, peu de peuple, & nombre de couvens. Long. 21. 54. lat. 50. 36. (D.J.)


NIVELLEMENTS. m. (Archit.) c'est l'opération qu'on fait avec un niveau, pour connoître la hauteur d'un lieu à l'égard d'un autre. Voyez les regles du nivellement, dans le Dictionnaire univ. de Mathém. & de Physique, à l'article compris sous ce terme. Voyez aussi le Traité du nivellement de M. Picard, Paris, 1684 in-4 °. C'est le meilleur traité qui ait été mis au jour sur cette matiere. (D.J.)


NIVERNOIS(Géogr.) province de France, avec titre de duché. Elle est bornée au nord par le pays de Puisaie ; à l'orient par le duché de Bourgogne ; au midi, par le Bourbonnois ; & au couchant, par le Berri. Une partie de cette province a été démembrée du territoire du peuple Aedui, à qui ce pays appartenoit, avec la ville de Noviodunum, située sur la Loire, comme le dit Jules-César au septieme livre de la guerre des Gaules. Quant à la partie du Nivernois qui est dans le diocèse d'Auxerre, elle a été démembrée des peuples Sénonois, de qui Auxerre dépendoit. Le Nivernois a pris le nom qu'il porte aujourd'hui de la ville de Nevers sa capitale, qui, comme on l'a vu à l'article NEVERS, a reçu le sien de la petite riviere de Nievre, qui entre dans la Loire sous le pont de cette ville.

Cette province est fertile en bois & en mines de fer. On y trouve aussi auprès de Décise des mines de charbon de terre noire, gras & visqueux. Les rivieres navigables qui arrosent le Nivernois, sont la Loire, l'Allier & l'Yone.

Il y a dans le Nivernois deux évêchés : celui de Nevers & celui de Béthléem, qui n'est qu'un titre ; mais l'évêché de Nevers, qui est suffragant de Sens, vaut plus de quinze mille livres de rente.

Cette province est du ressort du parlement de Paris, & a sa coutume particuliere, rédigée en 1490 ; mais arrêtée & accordée en 1534, & mise par écrit par-devant les commissaires du roi. Les autres détails du gouvernement de cette province, de son commerce & des revenus que le roi en retire, ne méritent point de nous arrêter.

Ce n'est pas un pays fertile en gens de lettres. Je ne sache que le comte de Bussy-Rabutin qui, né à Epire en 1618, ait écrit avec pureté. On connoît ses ouvrages, sur-tout son histoire amoureuse des Gaules. On sait les fautes qu'il fit à la cour & ses disgraces, auxquelles il fut trop sensible. Il mourut à Autun en 1693. (D.J.)


NIVETS. m. terme de riviere, nom que l'on donne sur les ports & dans les chantiers à une remise que le marchand fait à celui qui vient acheter sa marchandise au-dessous de la taxe qui en est faite par les magistrats.


NIXAPA(Géog.) ville des Indes occidentales dans la nouvelle Espagne, avec un riche couvent de Dominicains. On y recueille de la cochenille, de l'indigo, du sucre & du cacao. Elle est bâtie sur le bord d'une riviere, que l'on croit être un des bras de celle d'Alvarado, à 12 lieues de celle d'Antéquera. Long. 280. 10. lat. 15. 20.


NIXIIDII, (Mythol.) Les dieux appellés Nixii étoient invoqués à Rome par des femmes du peuple pour les soulager dans les douleurs de l'enfantement. L'origine de ces dieux est dûe, selon les apparences, à trois statues agenouillées, & dans la posture d'accoucheuses, que Festus dit qu'on voyoit au capitole dans la chapelle de Minerve. Ces statues avoient été apportées de Syrie, après la défaite d'Antiochus par les Romains. (D.J.)


NIZAO(Géog.) cap de l'Amérique sur la côte méridionale de l'île San-Domingo ; derriere ce cap il s'ouvre une baie remarquable par trois havres qu'on y trouve, & qu'on nomme Porto-Formoso, Zezebin & Ocoa. La flotte espagnole a coutume d'y mouiller. (D.J.)


NIZIN(Géog.) petite ville forte de l'empire russien, aux frontieres du palatinat de Kiovie, sur la rive gauche d'un ruisseau qui sépare ce palatinat du duché de Kzernikow. Long. 50. 20. lat. 51. 45. (D.J.)


NO-AMON(Géog. sac.) fameuse ville d'Egypte, dont Nahum, ch. iij. . 10 de ses révélations, décrit la destruction, qui a dû précéder de quelque tems celle de Ninive. No-Amon étoit la ville de Thebes, si célébre par ses cent portes, & par le nombre immense de ses habitans. Les Grecs l'appellerent Diospolis ou la ville de Jupiter, à cause du magnifique temple qui y avoit été bâti en l'honneur de cette divinité payenne. C'est pour la même raison que les Egyptiens la nommerent No-Amon ; car Amon étoit le nom égyptien de Jupiter. Voyez-en les preuves dans Bochart, phaleg. part. I. lib. I. cap. j. (D.J.)


NOACHIDES(Critiq. sacrée.) On appelle ainsi les descendans de Noé. Les préceptes que les Juifs disent avoir été donnés à ce sage patriarche & à tous ses enfans, paroissent n'être autre chose que des préceptes de droit naturel, dont la pratique est indispensable pour tous les hommes ; ces préceptes judicieux sont au nombre de sept. Le premier proscrit l'idolâtrie ; le second ordonne d'adorer le Créateur ; le troisieme défend l'homicide ; le quatrieme condamne l'adultere & l'inceste ; le cinquieme défend le larcin ; le sixieme commande de rendre la justice, & de s'y soumettre ; le septieme défend de manger de la chair coupée d'un animal pendant qu'il étoit encore en vie. Ce dernier précepte tend à nous inspirer indirectement des sentimens d'humanité dans toute notre conduite ; & c'est aussi là la loi & les prophetes.


NOAE(Géog. anc.) ville de Sicile dont les habitans sont nommés Noaeni par Pline, l. III. c. viij. On croit que c'est aujourd'hui le village de Noara. (D.J.)


NOAILLES(Géog.) duché-pairie de France dans le Limousin, érigée en 1663. Elle est composée de quatre chatellenies & de vingt-quatre paroisses. (D.J.)


NOBILIAIRES. m. (Gramm. & Hist. mod.) est une collection ou relation historique des familles nobles d'une province ou d'une nation. Voyez NOBLESSE, PAIR, &c.

Cholié a publié un nobiliaire de Dauphiné, & Caumartin un autre de Provence.

Les Allemands sont extrêmement curieux sur leurs nobiliaires, pour conserver la pureté du sang dans leurs familles. Voyez GENEALOGIE.

NOBILISSIME CESAR, (Médaill. & Inscript.) qualification des aînés des Césars. Il est à présumer que Leunclavius se trompe lorsqu'il dit que les seuls puînés de l'empereur furent qualifiés du titre de nobilissimi Caesares, puisque cette qualité se trouve seulement attribuée par les empereurs à leurs aînés, ainsi qu'il résulte des médailles & inscriptions antiques. Le premier des enfans d'empereurs qui porte ce titre sur les médailles, est M. Julius Philippus, fils unique de l'Empereur Philippus, & joint à l'empire avec lui ; ensuite Décius, avec ses deux fils Etruscus & Numerianus ; enfin Carus avec Carinus & Numerianus ses enfans, portent indifféremment ce titre sur leurs médailles : après tout, le nom de César est souvent donné à un prince qui, sans être parvenu à l'empire, y étoit destiné. Cette prétention lui faisoit prendre dans quelques-unes de ses médailles le titre de nobilissimus Caesar & d'Augustus, par le droit qu'il avoit à l'empire. Baronius en cite une qui donne la qualité de nobilissime au fils aîné de Carus, en ces mots : Victoriosissimo principi juventutis M. Aurelio Carino nobilissimo Caesari.

Quelques antiquaires font une distinction qui n'est peut-être pas fondée. Ils prétendent que nobilissime pris adjectivement étoit accordé aux Césars, & marquoit une désignation à l'empire ; mais que nobilissime pris substantivement, étoit une dignité inventée par Constantin, qui donnoit le pas après les Césars, & le droit de porter la pourpre. (D.J.)


NOBLEen latin nobilis, (Hist. rom.) Ceux qui avoient passé par les charges curules, c'est-à-dire ceux qui avoient été consuls, préteurs, censeurs & édiles, pouvoient laisser leurs portraits à leurs enfans. Delà vint que parmi les citoyens romains les uns avoient les portraits de leurs ancêtres, les autres n'avoient que les leurs, & le reste n'en avoit aucun. Ceux qui avoient les portraits de leurs ancêtres s'appelloient nobles ; ceux qui avoient les leurs étoient appellés hommes nouveaux ; & ceux qui n'en avoient aucuns, gens ignobles. Or les patriciens qui, dans le commencement de la fondation de Rome furent revêtus des charges & des dignités au préjudice du peuple, furent seulement qualifiés du titre de nobles ; mais ensuite les plébéïens, dont les ancêtres avoient passé par les charges curules, jouirent de cette prérogative. (D.J.)

NOBLE, s. m. (Jurisprud.) se dit de quelque personne ou chose distinguée du commun, & décorée de certains titres & privileges dans lesquels consiste la prérogative de noblesse.

Il y a des personnes nobles & des biens nobles : les biens de cette espece sont les fiefs & les franc-aleux nobles.

Les biens nobles se partagent ordinairement noblement, c'est-à-dire comme succession noble. Dans certaines coutumes le partage noble se regle, non par la qualité des biens, mais par la qualité des personnes ; c'est-à-dire que quand la succession est noble, que les héritiers sont nobles, ils partagent tous les biens noblement.

Le titre de noble veut dire connu, nobilis quasi noscibilis seu notabilis. Ce titre est beaucoup plus ancien que ceux d'écuyer, de gentilhomme & de chevalier, dont on se sert présentement pour exprimer la noblesse : il y a eu des nobles chez toutes les nations. Voyez NOBLESSE.

En France, sous nos premiers rois, noble & libre signifioient la même chose.

Dans la suite, lorsque la noblesse proprement dite a commencé à s'établir, la qualité de noble servoit pour exprimer toute sorte de noblesse, grande & petite.

Quand on commença à distinguer les différens degrés de noblesse, les nobles étoient d'abord au-dessus des écuyers : les plus grands seigneurs, les princes, les rois même, prenoient le titre de noble ; on confondit ensuite le titre de noble avec celui d'écuyer & avec la qualité de gentilhomme.

Le titre noble dans les pays de droit écrit, équivaut à celui d'écuyer ; mais pour les officiers de justice, avocats & medecins, ils ne peuvent le prendre qu'avec celui de leur profession, & il ne leur attribue pas les privileges de noblesse.

En pays coutumier il faut, pour preuve de noblesse, avoir pris dans les actes le titre d'écuyer.

En Normandie, le titre de noble homme est équivalent dans les anciens actes.

Présentement on prend presque partout le titre d'écuyer pour exprimer la noblesse.

Cependant en quelques endroits les nouveaux nobles ne prennent le titre que de nobles tels ; leurs enfans prennent le titre d'écuyer, comme il se pratique à Lyon pour les échevins. Voyez ci-après NOBLESSE. (A)

NOBLE, rente, (Jurisprudence) Voyez RENTE NOBLE.

NOBLE. Cheval noble est celui qui a beaucoup de beauté, sur-tout à l'avant-main. Voyez AVANT-MAIN.

NOBLE A LA ROSE, (Monnoie d'Angleterre) ancienne monnoie d'or d'Angleterre, mais qui n'y a plus de cours. On commença à battre en Angleterre des nobles à la rose sous le regne d'Edouard III. vers l'an 1334. Le poids en étoit de six deniers, c'est-à-dire de douze grains plus que les pistoles d'Espagne, & l'or au plus près du fin à vingt-trois carats trois quarts. On la nommoit roosenobel.

Cette monnoie d'or a cours encore aujourd'hui en Hollande, où néanmoins il s'en trouve assez peu ; elle s'y reçoit sur le pié d'onze florins. (D.J.)

NOBLE-HENRY, (Monnoie d'Angleterre) monnoie d'or d'Angleterre de quatorze grains moins pesant que le noble à la rose, & prenant seulement de fin vingt-trois carats & demi.

Il y a eu aussi des nobles à la rose & des nobles-Henrys frappés en France pendant les guerres des Anglois, sur la fin du regne de Charles VI. & pendant les commencemens de Charles VII. Le noble-Henry avoit encore cours du tems de François I. & on tailloit 35 nobles-Henry au marc. Ce noble-Henry étoit grand & large environ comme un écu blanc, & avoit d'un côté pour figure un prince de son tronc avec une épée à la main, & de l'autre une croix au milieu de laquelle il y avoit une H, & tout autour de cette croix des petits lions couronnés. (D.J.)


NOBLESSE(Gouvern. politiq.) On peut considérer la noblesse, avec le chancelier Bacon,en deux manieres, ou comme faisant partie d'un état, ou comme faisant une condition de particuliers.

Comme partie d'un état, toute monarchie où il n'y a point de noblesse est une pure tyrannie : la noblesse entre en quelque façon dans l'essence de la monarchie, dont la maxime fondamentale est, point de noblesse, point de monarque ; mais on a un despote comme en Turquie.

La noblesse tempere la souveraineté, & par sa propre splendeur accoutume les yeux du peuple à fixer & à soutenir l'éclat de la royauté sans en être effrayé. Une noblesse grande & puissante augmente la splendeur d'un prince, quoiqu'elle diminue son pouvoir quand elle est trop puissante. Il est bon pour le prince & pour la justice que la noblesse n'ait pas trop de puissance, & qu'elle se conserve cependant une grandeur estimable & propre à réprimer l'insolence populaire, & l'empêcher d'attaquer la majesté du trône. Dans un état monarchique, le pouvoir intermédiaire subordonné le plus naturel, est celui de la noblesse ; abolissez ses prérogatives, vous aurez bientôt un état populaire, ou bien un état despotique.

L'honneur gouverne la noblesse, en lui prescrivant l'obéissance aux volontés du prince ; mais cet honneur lui dicte en même tems que le prince ne doit jamais lui commander une action deshonorante. Il n'y a rien que l'honneur prescrive plus à la noblesse, que de servir le prince à la guerre : c'est la profession distinguée qui convient aux nobles, parce que ses hasards, ses succès & ses malheurs mêmes, conduisent à la grandeur.

Il faut donc que dans une monarchie les lois travaillent à soutenir la noblesse & à la rendre héréditaire, non pas pour être le terme entre le pouvoir du prince & la foiblesse du peuple, mais pour être le lien de tous les deux. Les prérogatives accordées à la noblesse lui seront particulieres dans la monarchie, & ne passeront point au peuple, si l'on ne veut choquer le principe du gouvernement, si l'on ne veut diminuer la force de la noblesse & celle du peuple. Cependant une noblesse trop nombreuse rend d'ordinaire un état monarchique moins puissant ; car outre que c'est une surcharge de dépenses, il arrive que la plûpart des nobles deviennent pauvres avec le tems, ce qui fait une espece de disproportion entre les honneurs & les biens.

La noblesse dans l'aristocratie tend toujours à jouir d'une autorité sans bornes ; c'est pourquoi lorsque les nobles y sont en grand nombre, il faut un sénat qui regle les affaires que le corps des nobles ne sauroit décider, & qui prépare celles dont il décide. Autant il est aisé au corps des nobles de réprimer les autres dans l'aristocratie, autant est-il difficile qu'il se réprime lui-même : telle est la nature de cette constitution, qu'il semble qu'elle mette les mêmes gens sous la puissance des lois & qu'elle les en retire. Or un corps pareil ne peut se réprimer que de deux manieres, ou par une grande vertu, qui fait que les nobles se trouvent en quelque façon égaux à leur peuple, ce qui peut former une sorte de république ; ou par une vertu moindre, qui est une certaine modération qui rend les nobles au-moins égaux à eux-mêmes, ce qui fait leur conservation.

La pauvreté extrême des nobles & leurs richesses exorbitantes, sont deux choses pernicieuses dans l'aristocratie. Pour prévenir leur pauvreté, il faut sur-tout les obliger de bonne heure à payer leurs dettes. Pour modérer leurs richesses, il faut des dispositions sages & insensibles, non pas des confiscations, des lois agraires, ni des abolitions de dettes, qui font des maux infinis.

Dans l'aristocratie, les lois doivent ôter le droit d'aînesse entre les nobles, comme il est établi à Venise, afin que par le partage continuel des successions les fortunes se remettent toujours dans l'égalité. Il ne faut point par conséquent de substitutions, de retraits lignagers, de majorats, d'adoptions : en un mot, tous les moyens inventés pour soutenir la noblesse dans les états monarchiques, tendroient à établir la tyrannie dans l'aristocratie.

Quand les lois ont égalisé les familles, il leur reste à maintenir l'union entr'elles. Les différends des nobles doivent être promptement décidés, sans cela les contestations entre les personnes deviennent des contestations entre les familles. Des arbitres peuvent terminer les procès ou les empêcher de naître.

Enfin il ne faut point que les lois favorisent les distinctions que la vanité met entre les familles, sous prétexte qu'elles sont plus nobles & plus anciennes ; cela doit être mis au rang des petitesses des particuliers.

Les démocraties n'ont pas besoin de noblesse, elles sont même plus tranquilles quand il n'y a pas de familles nobles ; car alors on regarde à la chose proposée, & non pas à celui qui la propose ; ou quand il arrive qu'on y regarde, ce n'est qu'autant qu'il peut être utile pour l'affaire, & non pas pour ses armes & sa généalogie. La république des Suisses, par exemple, se soutient fort bien, malgré la diversité de religion & de cantons, parce que l'utilité & non pas le respect, fait son lien. Le gouvernement des Provinces-Unies a cet avantage, que l'égalité dans les personnes produit l'égalité dans les conseils, & fait que les taxes & les contributions sont payées de meilleure volonté.

A l'égard de la noblesse dans les particuliers, on a une espece de respect pour un vieux château ou pour un bâtiment qui a résisté au tems, ou même pour un bel & grand arbre qui est frais & entier malgré sa vieillesse. Combien en doit-on plus avoir pour une noble & ancienne famille qui s'est maintenue contre les orages des tems ? La noblesse nouvelle est l'ouvrage du pouvoir du prince, mais l'ancienne est l'ouvrage du tems seul : celle-ci inspire plus de talens, l'autre plus de grandeur d'ame.

Ceux qui sont les premiers élevés à la noblesse, ont ordinairement plus de génie, mais moins d'innocence que leurs descendans. La route des honneurs est coupée de petits sentiers tortueux que l'on suit souvent plutôt que de prendre le chemin de la droiture.

Une naissance noble étouffe communément l'industrie & l'émulation. Les nobles n'ont pas tant de chemin à faire que les autres pour monter aux plus hauts degrés ; & celui qui est arrêté tandis que les autres montent, a connu pour l'ordinaire des mouvemens d'envie. Mais la noblesse étant dans la possession de jouir des honneurs, cette possession éteint l'envie qu'on lui porteroit si elle en jouissoit nouvellement. Les rois qui peuvent choisir dans leur noblesse des gens prudens & capables, trouvent en les employant beaucoup d'avantages & de facilité : le peuple se plie naturellement sous eux, comme sous des gens qui sont nés pour commander. Voyez NAISSANCE. (D.J.)

NOBLESSE, (Jurisprud.) est un titre d'honneur qui distingue du commun des hommes ceux qui en sont décorés, & les fait jouir de plusieurs privileges.

Ciceron dit que la noblesse n'est autre chose qu'une vertu connue, parce qu'en effet le premier établissement de la noblesse tire son origine de l'estime & de la considération que l'on doit à la vertu.

C'est principalement à la sagesse & à la vaillance que l'on a d'abord attaché la noblesse ; mais quoique le mérite & la vertu soient toujours également estimables, & qu'il fût à desirer qu'il n'y eût point d'autre voie pour acquérir la noblesse ; qu'elle soit en effet encore quelquefois accordée pour récompense à ceux dont on veut honorer les belles qualités, il s'en faut beaucoup que tous ceux en qui ces mêmes dons brillent, soient gratifiés de la même distinction.

La noblesse des sentimens ne suffit pas pour attribuer la noblesse proprement dite, qui est un état civil que l'on ne peut acquérir que par quelqu'une des voies admises par la loi.

Il en est de même de certaines fonctions honorables, qui dans certains pays donnent la qualité de noble sans communiquer les autres titres de vrais nobles, ni tous les privileges attachés à la noblesse proprement dite.

La nature a fait tous les hommes égaux ; elle n'a établi d'autre distinction parmi eux que celle qui résulte des liens du sang, telle que la puissance des pere & mere sur leurs enfans.

Mais les hommes jaloux chacun de s'élever audessus de leurs semblables, ont été ingénieux à établir diverses distinctions entr'eux, dont la noblesse est une des principales.

Il n'y a guere de nation policée qui n'ait eu quelque idée de la noblesse.

Il est parlé des nobles dans le Deutéronome : on entendoit par-là ceux qui étoient connus & distingués du commun, & qui furent établis princes & tribuns pour gouverner le peuple. Il y avoit dans l'ancienne loi une sorte de noblesse attachée aux aînés mâles, & à ceux qui étoient destinés au service de Dieu.

Thésée, chef des Athéniens, qui donna chez les Grecs la premiere idée de la noblesse, distingua les nobles des artisans, choisissant les premiers pour connoître des affaires de la religion, & ordonnant qu'ils pourroient seuls être élus magistrats.

Solon le législateur en usa de même, au rapport de Denis d'Halicarnasse.

On l'a trouvée établie dans les pays les plus éloignés, au Pérou, au Mexique, & jusque dans les Indes orientales.

Un gentilhomme japonois ne s'allieroit pas pour tout l'or du monde à une femme roturiere.

Les naires de la côte de Malabar, qui sont les nobles du pays, où l'on compte jusqu'à dix-huit sortes de conditions d'hommes, ne se laissent seulement pas toucher ni approcher de leurs inférieurs ; ils ont même le droit de les tuer s'ils les trouvent dans leur chemin allant par les champs : ce que ces misérables évitent de tout leur possible, par des cris perpétuels dont ils remplissent la campagne.

Quoique les Turcs ne connoissent pas la noblesse telle qu'elle a lieu parmi nous, il y a chez eux une espece de noblesse attachée à ceux de la lignée de Mahomet, que l'on nomme chérifs ; ils sont en telle vénération, qu'eux seuls ont droit de porter le turban verd, & qu'ils ne peuvent point être reprochés en justice.

Il y a en Russie beaucoup de princes & de gentilshommes. Anciennement, & jusqu'au commencement de ce siecle, la noblesse de cet état n'étoit pas appréciée par son ancienneté, mais par le nombre des gens de mérite que chaque famille avoit donné à l'état. Le czar Theodore porta un terrible coup à toute la noblesse ; il la convoqua un jour avec ordre d'apporter à la cour ses chartres & ses privileges ; il s'en empara & les jetta au feu, & déclara qu'à l'avenir les titres de noblesse de ses sujets seroient fondés uniquement sur leur mérite, & non pas sur leur naissance. Pierre le grand ordonna pareillement que, sans aucun égard aux familles, on observeroit le rang selon la charge & les mérites de chaque particulier ; cependant par rapport à la noblesse de naissance on divise les princes en trois classes, selon que leur origine est plus ou moins illustre. La noblesse est de même divisée en quatre classes, savoir celle qui a toujours été regardée comme égale aux princes ; celle qui a des alliances avec les czars ; celle qui s'est élevée par son mérite sous les regnes d'Alexis & de Pierre I. enfin les familles étrangeres qui sous les mêmes regnes sont parvenues aux premieres charges.

Les Romains, dont nous avons emprunté plusieurs usages, avoient aussi une espece de noblesse, & même héréditaire. Elle fut introduite par Romulus, lequel divisa ses sujets en deux classes, l'une des sénateurs, qu'il appella peres, & l'autre classe, composée du reste du peuple, qu'on appella les plébéïens, qui étoient comme sont aujourd'hui parmi nous les roturiers.

Par succession de tems, les descendans de ces premiers sénateurs, qu'on appelloit patriciens, prétendirent qu'eux seuls étoient habiles à être nommés sénateurs, & conséquemment à remplir toutes les dignités & charges qui étoient affectées aux sénateurs, telles que celles des sacrifices, les magistratures, enfin l'administration presqu'entiere de l'état. La distinction entre les patriciens & les plébéïens étoit si grande, qu'ils ne prenoient point d'alliance ensemble ; & quand tout le peuple étoit convoqué, les patriciens étoient appellés chacun par leur nom & par celui de l'auteur de leur race, au lieu que les plébéïens n'étoient appellés que par curies, centuries ou tribus.

Les patriciens jouirent de ces prérogatives tant que les rois se maintinrent à Rome ; mais après l'expulsion de ceux-ci, les plébéïens, qui étoient en plus grand nombre que les patriciens, acquirent tant d'autorité, qu'ils obtinrent d'abord d'être admis dans le sénat, ensuite aux magistratures, puis au consulat, & enfin jusqu'à la dictature & aux fonctions des sacrifices : desorte qu'il ne resta d'autre avantage aux patriciens sur les plébéïens qui étoient élevés à ces honneurs, sinon la gloire d'être descendus des premieres & plus anciennes familles nobles de Rome. On peut comparer à ce changement celui qui est arrivé en France sous la troisieme race, lorsque l'on a annobli des roturiers, & qu'on les a admis à posséder des fiefs & certains offices qui dans l'origine étoient affectés aux nobles.

Outre la noblesse de dignité, il y avoit chez les Romains une autre espece de noblesse attachée à la naissance, que l'on appelloit ingénuité. On n'entendoit autre chose par ce terme que ce que nous appellons une bonne race, une bonne famille.

Il y avoit trois degrés d'ingénuité ; le premier de ceux qu'on appelloit ingénus simplement ; c'étoient ceux qui étoient nés de parens libres, & qui eux-mêmes avoient toujours joui de la liberté.

Le second degré d'ingénus étoit de ceux appellés gentiles, c'est-à-dire qui avoient gentem & familiam, qui étoient d'une ancienne famille.

Le troisieme degré d'ingénuité étoit composé des patriciens qui étoient descendus des deux cent premiers sénateurs institués par Romulus, & aussi, selon quelques-uns, des autres cent sénateurs qui furent ajoutés par Tarquin l'ancien.

De ces trois degrés d'ingénuité, il n'y avoit d'abord que le dernier, savoir celui des praticiens, qui eût la noblesse proprement dite, qui étoit celle de dignité.

Mais depuis que les plébéïens furent admis à la magistrature, ceux qui y étoient élevés participerent à la noblesse qui étoit attachée à cet emploi, avec cette différence seulement qu'on les appelloit hommes nouveaux, novi homines, pour dire qu'ils étoient nouvellement annoblis.

Ainsi la noblesse plus ou moins ancienne provenoit toûjours des grands offices qui étoient conférés par tout le peuple assemblé, appellés magistratus curules & magistratus populi romani, tels que la place d'édile, de questeur, de censeur, de consul, de dictateur.

Les sénateurs qui n'avoient point eu les grands offices, ni leurs prédécesseurs, n'étoient pas non plus au commencement réputés nobles ; mais depuis que les plébéïens furent admis aux grands offices, la noblesse fut donnée aux sénateurs.

La valeur militaire étoit fort estimée, mais elle n'attribuoit qu'une noblesse imparfaite, que l'on peut appeller considération plutôt qu'une noblesse proprement dite.

Les chevaliers romains n'étoient pas non plus réputés nobles, quoique l'on se fit honneur d'être issu ex equestri familiâ.

Les vrais nobles étoient donc 1°. les patriciens, c'est-à-dire, ceux qui étoient descendus des trois cent premiers sénateurs ; 2°. ceux qui étoient élevés aux grandes magistratures ; 3°. les sénateurs ; 4°. ceux dont le pere & l'ayeul avoient été successivement sénateurs, ou avoient rempli quelque office encore plus élevé, d'où est venu cette façon de parler, que la noblesse, attachée à la plûpart des offices, ne se transmet aux descendans que patre & avo consulibus.

Mais la noblesse des sénateurs ne s'étendoit pas audelà des petits-enfans, à moins que les enfans ou petits-enfans ne possédassent eux-mêmes quelque place qui leur communiquât la noblesse.

Ces nobles avoient droit d'images, c'est-à-dire, d'avoir leurs images & statues au lieu le plus apparent de leur maison : leur postérité les gardoit soigneusement ; elles étoient ornées des attributs de leur magistrature autour desquels leurs gestes étoient décrits.

Au reste, la noblesse romaine ne faisoit pas, comme parmi nous, un ordre à part ; ce n'étoit pas non plus un titre que l'on ajoutât à son nom, comme on met aujourd'hui les titres d'écuyer & de chevalier, c'étoit seulement une qualité honorable qui servoit à parvenir aux grandes charges.

Sous les empereurs les choses changerent de face ; on ne connoissoit plus les anciennes familles patriciennes, qui étoient la plûpart éteintes ou confondues avec des familles plébéïennes ; les grands offices dont procédoit la noblesse furent la plûpart supprimés, d'autres conférés au gré des empereurs ; le droit d'images fut peu-à-peu anéanti, & la noblesse qui procédoit des offices de la république fut tout-à-fait abolie ; les empereurs établirent de nouvelles dignités auxquelles elle fut attachée, telles que celles de comte, de préfet-proconsul, de consul, de patrice.

Les sénateurs de Rome conserverent seuls un privilege, c'étoit que les enfans des sénateurs qui avoient eu la dignité d'illustres, étoient sénateurs nés, ils avoient entrée & voix déliberative au sénat lorsqu'ils étoient en âge ; ceux des simples sénateurs y avoient entrée mais non pas voix, desorte qu'ils n'étoient pas vrais sénateurs ; ils avoient seulement la dignité de clarissime, & même les filles, & étoient exempts de charges & peines auxquelles les plébéïens étoient sujets.

Les enfans des décurions & ceux des vieux gendarmes, appellés veterani, étoient aussi exempts des charges publiques, mais ils n'avoient pas la noblesse.

Au reste, la noblesse chez les Romains ne pouvoit appartenir qu'aux citoyens de Rome ; les étrangers, même ceux qui habitoient d'autres villes sujettes aux Romains, & qui étoient nobles chez eux, étoient appellés domi-nobiles, c'est-à-dire, nobles chez eux ou à leur maniere, mais on ne les reconnoissoit pas pour nobles à Rome.

L'infamie faisoit perdre la noblesse, quoiqu'elle ne fît pas perdre l'avantage de l'ingénuité & de la gentilité.

En France, la noblesse tire sa premiere origine des Gaulois, chez lesquels il y avoit l'ordre des chevaliers, distingué des druides & du commun du peuple.

Les Romains ayant fait la conquête des Gaules, y établirent peu-à-peu les regles de leur noblesse.

Enfin, lorsque les Francs eurent à leur tour conquis les Gaules sur les Romains, cette nation victorieuse forma le principal corps de la noblesse en France.

On sait que les Francs venoient des Germains, chez lesquels la noblesse héréditaire étoit déja établie, puisque Tacite, en son liv. II. des moeurs des Germains, dit que l'on choisissoit les rois dans le corps de la noblesse. Ce terme ne signifioit pas la valeur militaire ; car Tacite distingue clairement l'une & l'autre, en disant : reges ex nobilitate, duces ex virtute sumunt.

Les nobles faisoient tous profession de porter les armes ; ainsi l'on ne peut douter que les Francs qui étoient un essaim des Germains, & qui aiderent Clovis à faire la conquête des Gaules, étoient tous nobles d'une noblesse héréditaire, & que le surnom de franc qu'on leur donna, parce qu'ils étoient libres & exempts de toutes impositions, désigne en même tems leur noblesse, puisque cette exemption dont ils jouissoient étoit fondée sur leur qualité de nobles.

Il y avoit donc au commencement de la monarchie trois sortes de nobles : les uns qui descendoient des chevaliers gaulois qui faisoient profession de porter les armes, d'autres qui venoient de magistrats romains, lesquels joignoient l'exercice des armes à l'administration de la justice & au gouvernement civil & des finances ; & la troisieme sorte de nobles étoit les Francs qui, faisant tous profession des armes, étoient exempts de toutes servitudes personnelles & impositions, ce qui les fit nommer Francs, à la différence du reste du peuple qui étoit presque tout serf, & cette franchise fut prise pour la noblesse même, desorte que franc, libre ou noble, étoient ordinairement des termes synonymes.

Dans la suite, les Francs s'étant mêlés avec les Gaulois & les Romains, ne formerent plus qu'une même nation ; & tous ceux qui faisoient profession des armes étoient réputés nobles également, de quelque nation qu'ils tirassent leur origine.

Toute sorte de noblesse fut d'abord exprimée par la seule qualité de noble, ensuite la simple noblesse par la qualité d'écuyer, laquelle venoit des Romains ; l'on appella gentilhomme celui qui étoit noble de race, & chevalier celui qui a été annobli par l'accolade, ou qui est de race de chevalier.

On distingua aussi les nobles en trois classes : savoir, les chevaliers bannerets qui avoient droit de porter banniere, & devoient soudoyer cinquante hommes d'armes ; le bachelier étoit un chevalier qui n'ayant pas assez de bien pour lever banniere, servoit sous la banniere d'autrui ; l'écuyer portoit l'écu du chevalier.

La haute noblesse fut elle-même divisée en trois classes : dans la premiere, les princes ; dans la seconde, les ducs, comtes, marquis & barons ; dans la troisieme, les simples chevaliers.

Il y avoit autrefois quatre voies différentes pour acquérir la noblesse : la premiere étoit par la profession des armes ; la seconde étoit par l'investiture d'un fief ; la troisieme étoit par l'exercice des grands offices de la couronne & de la maison du roi & des grands offices de judicature ; la quatrieme étoit par des lettres d'annoblissement.

Présentement la profession des armes n'annoblit pas indistinctement tous ceux qui l'exercent ; la noblesse militaire n'est acquise que par certains grades & après un certain tems de service. Voyez NOBLESSE MILITAIRE.

La possession des fiefs, même de dignité, n'annoblit plus. Voyez ci-après NOBLESSE FEODALE.

Il y a cependant encore quatre sources différentes d'où l'on peut tirer la noblesse : savoir, de la naissance ou ancienne extraction ; du service militaire, lorsqu'on est dans le cas de l'édit du mois de Novembre 1750 ; de l'exercice de quelque office de judicature, ou autre qui attribue la noblesse ; enfin, par des lettres d'annoblissement, moyennant finance ou sans finance, en considération du mérite de celui qui obtient les lettres.

Le roi a seul dans son royaume le pouvoir d'annoblir. Néanmoins anciennement plusieurs ducs & comtes s'ingéroient de donner des lettres de noblesse dans leurs seigneuries, ce qui étoit une entreprise sur les droits de la souveraineté. Les régens du royaume en ont aussi donné. Il y avoit même des gouverneurs & lieutenans-généraux de province qui en donnoient, & même quelques évêques & archevêques.

Enfin, il n'y eut pas jusqu'à l'université de Toulouse qui en donnoit. François I. passant dans cette ville, accorda aux docteurs-régens de cette université le privilege de promouvoir à l'ordre de chevalerie, ceux qui auroient accompli le tems d'étude & de résidence dans cette université, ou autres qui seroient par eux promus & aggrégés au degré doctoral & ordre de chevalerie.

Mais tous ceux qui donnoient ainsi la noblesse, ou ne le faisoient que par un pouvoir qu'ils tenoient du roi, ou c'étoit de leur part une usurpation.

La noblesse, accordée par des princes étrangers à leurs sujets & officiers, n'est point reconnue en France à l'effet de jouir des privileges dont les nobles françois jouissent dans le royaume, à moins que l'étranger qui est noble dans son pays n'ait obtenu du roi des lettres portant reconnoissance de sa noblesse, ou qu'il ne tienne sa noblesse d'un prince dont les sujets soient tenus pour regnicoles en France, & que la noblesse de ce pays y soit reconnue par une réciprocité de privileges établie entre les deux nations, comme il y en a quelques exemples.

La noblesse d'extraction se prouve tant par titres que par témoins. Il faut prouver 1°. que depuis cent ans les ascendans paternels ont pris la qualité de noble ou d'écuyer, selon l'usage du pays ; 2°. il faut prouver la filiation.

Les bâtards des princes sont gentilshommes, mais ceux des gentilshommes sont roturiers, à moins qu'ils ne soient légitimés par mariage subséquent.

La noblesse se perd par des actes de dérogeance, ainsi que je l'ai observé ci-devant au mot dérogeance ; quelquefois elle est seulement en suspens pendant un certain tems. J'ai dit ci-devant au mot dormir, qu'en Bretagne un gentilhomme qui veut faire commerce déclare, pour ne pas perdre sa noblesse, qu'il n'entend faire commerce que pendant un tems : je croyois alors que cette déclaration étoit nécessaire, c'est une erreur où j'ai été induit par la Roque & quelques autres auteurs mal-informés des usages de Bretagne ; & j'ai appris depuis qu'il est inoui en Bretagne, qu'un noble qui veut faire un commerce dérogeant, soit obligé de faire préalablement sa déclaration qu'il entend laisser dormir sa noblesse. Une telle déclaration seroit d'autant plus inutile que jamais en Bretagne la noblesse ne se perd par un commerce dérogeant, quand même il seroit continué pendant plusieurs générations ; il n'empêcheroit même pas le partage noble des immeubles venus de succession pendant le commerce ; il suspend seulement pendant sa durée l'exercice des privileges de la noblesse, & il opere le partage égal des biens acquis pendant le commerce. On peut voir sur cela les Actes de notoriété, 19, 26, 80 & 168, qui sont à la fin de ce Volume : le dernier de ces actes fait mention d'une multitude d'arrêts rendus, lors de la recherche de la noblesse & dans les tems qui ont précédé. La déclaration dont parle l'article 561 de la coutume, n'est pas requise avant de commencer le commerce ; c'est lorsque celui qui faisoit commerce, le quitte & veut reprendre ses qualité & privilege de noblesse : l'objet de cette déclaration est d'empêcher à l'avenir que le noble ne soit imposé aux charges roturieres, après qu'il a cessé son commerce. C'est une observation dont je suis redevable à M. du Parc-Poulain, l'un des plus célébres avocats au parlement de Rennes, & qui nous a donné, entr'autres ouvrages, un savant commentaire sur la coutume de Bretagne. Il a eu la bonté de me faire part de ses réflexions sur plusieurs de mes articles, où j'ai touché quelque chose des usages de sa province. Je ferai ensorte de les placer dans quelque article qui ait rapport à ceux qui sont déja imprimés, afin que le public ne perde point le fruit des lumieres de M. du Parc.

Les nobles sont distingués des roturiers par divers privileges. Ils en avoient autrefois plusieurs dont ils ne jouissent plus à cause des changemens qui sont survenus dans nos moeurs : il est bon néanmoins de les connoître pour l'intelligence des anciens titres & des auteurs.

Anciens privileges des nobles. La noblesse étoit autrefois le premier ordre de l'état ; présentement le clergé est le premier, la noblesse le second.

Les nobles portoient tous les armes & ne servoient qu'à cheval, eux seuls par cette raison pouvoient porter des éperons ; les chevaliers en avoient d'or, les écuyers d'argent, les roturiers servoient à pié : c'est de-là qu'on disoit, vilain ne sait ce que valent éperons.

Les anciennes ordonnances disent que les nobles étant prisonniers de guerre doivent avoir double portion.

Le vilain ou roturier étoit semond pour la guerre ou pour les plaids du matin au soir ou du soir au matin ; pour semondre un noble il falloit quinzaine.

Dans l'origine des fiefs, les nobles étoient seuls capables d'en posséder.

La chasse n'étoit permise qu'aux nobles.

La femme noble, dès qu'elle avoit un hoir mâle, cessoit d'être propriétaire de sa terre, elle n'en jouissoit plus que comme usufruitiere, bailliste, ou gardienne de son fils, ensorte qu'elle ne pouvoit plus la vendre, l'engager, la donner, ni la diminuer à son préjudice par quelque contrat que ce fût, elle pouvoit seulement en léguer une partie au-dessous du quint pour son anniversaire ; au-lieu que le pere noble, soit qu'il eût enfans ou non, pouvoit disposer comme il vouloit du tiers de sa terre.

Le noble en mariant son fils ou en le faisant recevoir chevalier, devoit lui donner le tiers de sa terre, & le tiers de la terre de sa mere, si elle en avoit une.

Quand on demandoit à un noble, qui n'étoit pas encore chevalier, une partie de son héritage, il obtenoit en le demandant un répit d'un an & jour.

Du tems que les duels étoient permis, les nobles se battoient en duel à cheval entr'eux & contre un roturier lorsqu'ils étoient défendeurs ; mais lorsqu'un noble appelloit un roturier en duel pour crime, il devoit se battre à pié.

Lorsque le seigneur, pour quelque méfait d'un noble son vassal, confisquoit ses meubles, le noble qui portoit les armes avoit droit de garder son palefroi ou cheval de service, le roussin de son écuyer, deux selles, un sommier ou cheval de somme, son lit, sa robe de parure, une boucle de ceinture, un anneau, le lit de sa femme, une de ses robes, son anneau, une ceinture & la boucle, une bourse, ses guimpes ou linges qui servoient à lui couvrir la tête.

La femme noble qui marioit sa fille sans le conseil du seigneur, perdoit ses meubles ; mais on lui laissoit une robe de tous les jours, & ses joyaux à l'avenant si elle en avoit, son lit, sa charrette, deux roussins, & son palefroi si elle en avoit un.

Le mineur noble ne défendoit pas en action réelle avant qu'il eût atteint l'âge de majorité féodale, si son pere étoit mort saisi des biens que l'on répétoit.

Au commencement les nobles ne payoient point les aides qui s'imposoient pour la guerre, parce qu'ils contribuoient tous de leurs personnes. Dans la suite lorsqu'on les obligea d'y contribuer, il fut ordonné qu'on les croiroit aussi-bien que les gens d'église sur la déclaration qu'ils feroient de leurs biens, sauf néanmoins aux élus à ordonner ce qu'ils jugeroient à propos s'il y avoit quelque soupçon de fraude.

Quelques nobles alloient jusqu'à prétendre qu'ils avoient droit d'arrêter la marée & autres provisions destinées pour Paris qui passoient sur leurs terres, & de les payer ce qu'ils jugeroient à propos.

Il étoit défendu à toutes personnes de faire sortir de la vaisselle d'argent hors du royaume, excepté aux nobles qui en pouvoient faire sortir, mais néanmoins en petite quantité & pour l'usage de leur maison seulement.

Les plus notables d'entre les nobles devoient avoir un étalon ou patron des monnoies, afin que leur poids & leur loi ne pussent être changés.

En fait de peines pécuniaires, les nobles étoient punis plus rigoureusement que les roturiers ; mais en fait de crime, c'étoit tout le contraire, le noble perdoit l'honneur & repons en cour, tandis que le vilain qui n'avoit point d'honneur à perdre étoit puni en son corps.

En Dauphiné on ne devoit point faire de saisie dans les maisons des nobles, lorsqu'ils avoient hors de leurs maisons des effets que l'on pouvoit saisir.

Les nobles avoient aussi un privilege singulier dans l'université d'Angers, les roturiers qui y étoient devoient payer 20 sols par an, au-lieu que les docteurs régens devoient pour les nobles ou prélats se contenter de ce que ceux-ci leur présenteroient volontairement ; mais dans la suite les nobles furent taxés à 40 sols par an.

Les nobles demeurant dans le bourg de Carcassone prétendoient n'être pas tenus de contribuer aux dépenses communes de ce bourg.

L'ordonnance de 1315 pour les nobles de Champagne, dit que " nul noble ne sera mis en gehenne (c'est-à-dire à la question ou torture) si ce n'est pour cas dont la mort doive s'ensuivre, & que les présomptions soient si grandes qu'il convienne le faire par droit & raison ".

Privileges actuels des nobles. Ils consistent, 1°. à pouvoir prendre la qualité d'écuyer ou de chevalier, selon que leur noblesse est plus ou moins qualifiée, & à communiquer les mêmes qualités & les privileges qui y sont attachés à leurs femmes quoique roturieres, & à leurs enfans & autres descendans mâles & femelles.

2°. A être admis dans le corps de la noblesse, assister aux assemblées de ce corps, & à pouvoir être député pour ce même corps.

3°. Les nobles sont présentement le second ordre de l'état, c'est-à-dire que la noblesse a rang après le clergé & avant le tiers état, lequel est composé des roturiers. Les nobles ont le rang & la préséance sur eux dans toutes les assemblées, processions & cérémonies, à moins que les roturiers n'ayent quelque autre qualité ou fonction qui leur donne la préséance sur ceux qui ne sont pas revêtus du même emploi ou de quelque emploi supérieur.

4°. Les nobles sont seuls capables d'être admis dans certains ordres réguliers, militaires & autres, & dans certains chapitres, bénéfices & offices, tant ecclésiastiques que séculiers, pour lesquels il faut faire preuve de noblesse, en cas de concurrence ils doivent être préférés aux roturiers.

5°. Ils ont aussi des privileges dans les universités pour abréger le tems d'études & les degrés nécessaires pour obtenir des bénéfices en vertu de leurs grades.

Suivant la pragmatique, le concordat, & l'ordonnance de Louis XII. article viij. bacheliers en droit canon, s'ils sont nobles ex utroque parente, & d'ancienne lignée, sont dispensés d'étudier pendant cinq ans, il suffit qu'ils ayent trois ans d'étude, & les religieux même quoique morts civilement, jouissent en ce cas de la prérogative de leur naissance lorsqu'ils sont nés de parens nobles.

La pragmatique regle aussi que pour le tiers des prébendes des églises cathédrales ou collégiales reservées aux gradués, les personnes nobles de pere & mere, ou d'ancienne famille, ne seront pas sujets aux mêmes regles que les roturiers ; qu'il leur suffit d'avoir étudié six ans en Théologie, ou trois ans en Droit canon ou civil, ou cinq ans dans une université privilégiée, en faisant apparoir aux collateurs de leurs degrés & de leur noblesse par des preuves en bonne forme.

Le concile de Latran permet aussi aux nobles de distinction & aux gens de lettres, sublimibus & litteratis, de posséder plusieurs dignités ou personnats dans une même église avec dispense du pape.

6°. Ils sont aussi seuls capables de prendre le titre des fiefs, des dignités, tels que ceux de baron, marquis, comte, vicomte, duc.

7°. Ils sont personnellement exempts de tailles & de toutes les impositions accessoires que l'on met sur les roturiers, & peuvent faire valoir par leurs mains une ferme de quatre charrues sans payer de taille. En Dauphiné & dans quelques autres endroits, les nobles payent moins de dixme que les roturiers, voyez l'édit de Février 1657, article vj.

8°. Ils sont aussi exempts des bannalités, corvées, & autres servitudes lorsqu'elles sont personnelles & non réelles.

9°. Ils sont naturellement seuls capables de posséder des fiefs, les roturiers ne pouvant en posséder que par dispense en payant le droit de francs-fiefs, auquel les nobles ne sont point sujets.

10°. Ils ont droit de porter l'épée, & ont seuls droit de porter des armoiries timbrées.

11°. Ils ont la garde-noble de leurs enfans.

12°. Dans certaines coutumes leurs successions se partagent noblement, même pour les biens roturiers.

13°. Quelques coutumes n'établissent le douaire légal qu'entre nobles ; d'autres accordent entre nobles un douaire plus fort qu'entre roturiers.

14°. La plûpart des coutumes accordent au survivant de deux conjoints nobles un préciput légal qui consiste en une certaine partie des meubles de la communauté.

15°. Les nobles ne sont pas sujets à la milice, parce qu'ils sont obligés de marcher lorsque le roi convoque le ban & l'arriere-ban.

16°. Ils ne sont point sujets au logement des gens de guerre, sinon en cas de nécessité.

17°. En cas de délit, les nobles sont exempts d'être fustigés, on leur inflige d'autres peines moins ignominieuses, & s'ils méritent la mort on les condamne à être décolés, à moins que ce ne soit pour trahison, larcin, parjure, ou pour avoir corrompu des témoins, car l'atrocité de ces délits leur fait perdre le privilege de noblesse.

18°. La femme noble de son chef qui épouse un roturier, après la mort de son mari, rentre dans son droit de noblesse.

19°. Les nobles comme les roturiers ne peuvent présentement chasser que sur les terres dont ils ont la seigneurie directe ou la haute justice ; tout ce que les nobles ont de plus à cet égard que les roturiers, c'est que l'ordonnance des eaux & forêts permet aux nobles de chasser sur les étangs, marne & rivieres du roi : en Dauphiné les nobles, par un droit particulier à cette province, ont le droit de chasser tant sur leurs terres que sur celles de leurs voisins.

20°. Les nobles peuvent assigner leurs débiteurs nobles au tribunal du point d'honneur qui se tient chez le doyen des maréchaux de France.

21°. Ils peuvent porter leurs causes directement aux baillis & sénéchaux au préjudice des premiers juges royaux ; leurs veuves jouissent du même privilege, mais les nobles & leurs veuves sont sujets à la jurisdiction des seigneurs.

22°. Ils ne sont sujets en aucun cas, ni pour quelque crime que ce puisse être, à la jurisdiction des prevôts des maréchaux, ni des juges présidiaux en dernier ressort.

23°. En matiere criminelle, lorsque leur procès est pendant en la tournelle, ils peuvent demander en tout état de cause d'être jugés, la grand chambre assemblée, pourvû que les opinions ne soient pas commencées.

Au reste, nous ne prétendons pas que les privileges des nobles soient limités à ce qui vient d'être dit, il peut y en avoir encore d'autres qui nous soient échappés, nous donnons seulement ceux-ci comme les plus ordinaires & les plus connus.

La noblesse se perd par des actes de dérogeance, savoir par le commerce, l'exercice des arts méchaniques, l'exploitation des fermes d'autrui, l'exercice de certaines charges viles & abjectes, comme de sergent, &c.

Mais le commerce maritime ni le commerce en gros ne dérogent pas.

Lorsque le pere & l'ayeul, ou tous les deux, ont dérogé à la noblesse, les enfans ou les petits-enfans doivent obtenir des lettres de réhabilitation qui les remettent dans le même état que s'il n'y avoit point eu de dérogeance.

Mais s'il y avoit plus de deux ancêtres qui eussent dérogé, il faudroit de nouvelles lettres de noblesse.

Le crime de leze-majesté fait aussi perdre la noblesse à l'accusé & à ses descendans ; à l'égard des autres crimes quoique suivis de condamnations infamantes, ils ne font perdre la noblesse qu'à l'accusé & non pas à ses enfans.

Sur la noblesse, voyez Balde, Bartole, Agrippa, Landulphus, Miraeus, Terriat, Bacquet, le Bret, Pasquier, Thomas Miles, Tiraqueau, la Colombiere, la Roque. (A)

NOBLESSE ACCIDENTELLE, est celle qui ne vient pas d'ancienne extraction, mais qui est survenue par quelque office ou par lettres du prince. Voyez la Roque, en sa Préface, & Hennequin dans son Guidon des finances.

NOBLESSE ACTUELLE, est celle qui est déja pleinement acquise, à la différence de la noblesse graduelle qui n'est acquise qu'au bout d'un certain tems, qui est communément après 20 ans de service, ou après un certain nombre de degrés, comme quand le pere & le fils ont rempli successivement jusqu'à leur mort ou pendant 20 ans chacun une charge qui donne commencement à la noblesse, les petits-enfans sont pleinement nobles. Voyez la Roque, chap. l. & l'édit du mois de Mai 1711, portant création d'un commissaire des grenadiers à cheval, qui lui donne la noblesse graduelle.

NOBLESSE D'ADOPTION ; on appelle ainsi l'état de celui qui entre dans une famille noble, ou qui est institué héritier, à la charge d'en porter le nom & les armes : cette espece de noblesse n'en a que le nom, & n'en produit point les effets ; car celui qui prend ainsi le nom & les armes d'une autre famille que la sienne, ne jouiroit pas des titres & privileges de noblesse, s'il ne les avoit déja d'ailleurs.

Un enfant adoptif dans les pays où les adoptions ont lieu, ne participe pas non plus à la noblesse de celui qui l'adopte ; néanmoins, dans la république de Gènes, quand celui qui adoptoit étoit de la faction des nobles, la famille adoptée le devenoit aussi. Voyez la Roque, c. viij. & clxvj. & ci-après NOBLESSE D'AGGREGATION.

NOBLESSE D'AGGREGATION, est celle d'une famille qui a été adoptée par quelque maison d'ancienne noblesse.

Dans l'état de Florence, la noblesse d'aggrégation y a commencé depuis l'extinction de la république ; quand on y étoit aggrégé, on y changeoit de nom comme de famille, & on y prenoit le nom & les armes de celui qui adoptoit.

L'aggrégation a commencé à Naples, l'an 1300.

Il y a dans Gènes 28 anciennes maisons & 432 autres d'aggrégation : on a commencé à y aggréger en 1528.

Dans toute l'Italie, les nobles des villes aggrégent des familles pour entrer dans leur corps.

La maison de Gonzague a aggrégé plusieurs familles, qui en ont pris le nom & les armes, & cette coutume est ordinaire à Mantoue.

Lucan dit que la noblesse de Raguze aggrege, & que les comtes de Blagean & de Cathasa y furent aggrégés. L'aggrégation de George Bogstimonite, comte de Blageay, se fit le 22 Juillet de l'an 1464. Voyez la Roque, c. clxvj. & ci-devant, NOBLESSE D'ADOPTION. (A)

NOBLESSE ANCIENNE, ou DU SANG, qu'on appelle aussi noblesse de race ou d'extraction, est celle que la personne tient de ses ancêtres, & non pas d'un office ou de lettres du prince ; on ne regarde comme ancienne noblesse que celle dont les preuves remontent à plus de cent ans, & dont on ne voit pas l'origine.

La déclaration du 8 Février 1661 porte que ceux qui se prétendent nobles d'extraction, doivent justifier par titres autentiques la possession de leur noblesse & leur filiation depuis l'année 1550, & que ceux qui n'ont des titres & contrats que depuis, & au-dessous de l'année 1560, doivent être déclarés roturiers, & contribuables aux tailles & autres impositions.

Dans les Pays bas on ne regarde comme ancienne noblesse que celle qui est de nom & d'armes : la noblesse de race, lorsqu'elle n'est pas de nom & d'armes, n'est pas réputée ancienne. Voyez la Roque, chap. vij. & ci-après NOBLESSE NOUVELLE.

NOBLESSE ARCHERE, est la même chose que noblesse des francs-archers, ou francs-taupins. Voyez ci-après NOBLESSE DES FRANCS-ARCHERS, & la préface de la Roque.

NOBLESSE PAR LES ARMES, c'est-à-dire qui vient du service militaire & des beaux faits d'armes. Voyez ce qui est dit ci-devant de la noblesse en général, & ci-après NOBLESSE MILITAIRE.

NOBLESSE PAR LES ARMOIRIES, est celle dont la preuve se tire de la permission que le souverain a donnée à un nom noble de porter des armoiries timbrées, ou de la possession de porter de telles armoiries. Anciennement les nobles étoient les seuls qui eussent droit de porter des armoiries, comme étant la représentation de leur écu & des autres armes dont ils se servoient pour la guerre ; mais depuis que l'on a permis aux roturiers de porter des armoiries simples, il n'y a plus que les armoiries timbrées qui puissent former une preuve de noblesse, encore cela est-il fort équivoque, beaucoup de personnes se donnant la licence de faire timbrer leurs armoiries, quoiqu'ils n'en aient pas le droit. Voyez la Roque, ch. xxvij. & ci-après NOBLESSE MILITAIRE. (A)

NOBLESSE AVOUEE, est celle d'une ancienne maison dont un bâtard tire son origine, auquel on permet de jouir de cette noblesse, en reconnoissance des services de son pere naturel. Voyez la Roque, chap. xxj.

NOBLESSE DE BANNIERE, est une espece particuliere de noblesse que l'on distingue en Espagne de celle de chaudiere ; on l'appelle la premiere noblesse de banniere, parce qu'elle vient des grands seigneurs qui servoient avec la banniere pour assembler leur vassaux & sujets ; les autres étoient appellés ricos hombres, ou riches hommes ; leurs richesses ne servant pas moins à les distinguer que la vertu & la force : ils étoient aussi appellés nobles de chaudiere, parce qu'ils se servoient de chaudieres pour nourrir ceux qui les suivoient à la guerre ; de là vient que dans les royaumes de Castille, de Léon, d'Aragon, de Portugal, de Navarre, & autres états d'Espagne, plusieurs grandes maisons portent les unes des bannieres, les autres des chaudieres en leurs armoiries, comme des marques d'une ancienne & illustre noblesse. La Roque, ch. clxxviij.

NOBLESSE DE CHAUDIERE, voyez ce qui en est dit ci-devant à l'article NOBLESSE DE BANNIERE.

NOBLESSE DE CHEVALERIE, est celle qui provient de la qualité de chevalier, attribuée à quelqu'un ou à ses ancêtres, en lui donnant l'accolade.

Cette maniere de conférer la noblesse est la premiere qui ait été usitée en France. Grégoire de Tours rapporte que nos rois de la premiere race créoient des chevaliers de l'accolade ; cependant on tient plus communément que cette cérémonie ne commença à être usitée que sous la seconde race, vers le tems où les fiefs devinrent héréditaires. Cet usage fut moins commun depuis François I. cependant il y en a encore quelques exemples sous le regne de Louis XIV. notamment en 1662 & en 1676.

Au lieu de donner la chevalerie par l'accolade, on a établi divers ordres de chevalerie, dont quelques-uns exigent des preuves de noblesse ; mais aucun de ces ordres ne la donne.

La possession ancienne de la qualité de chevalier simplement, fait une preuve de noblesse. Voyez CHEVALERIE & CHEVALIER.

NOBLESSE DES FRANCS-ARCHERS, ou FRANCS-TAUPINS, ou comme l'appelle la Roque, NOBLESSE ARCHERE ; c'est-à-dire, qui procede de la qualité de francs-archers, prise par quelques-uns des ancêtres de celui qui se prétend noble. Les francs-archers ou francs-taupins étoient une sorte de milice établie par Charles VII. en 1444, composée de gens qui étoient exempts de tous subsides, & que l'on surnomma par cette raison, francs-archers ou francs-taupins. François I. institua des légions au lieu de ces francs-archers. Quelques personnes issues de ces francs-archers se sont prétendues nobles ; mais quoique cette milice fût libre, & franche d'impôt, elle n'étoit pas noble, & l'on ne regardoit plus dès-lors pour nobles indistinctement tous ceux qui faisoient profession de porter les armes. Voyez la Roque, ch. lv. & ci-après, voyez NOBLESSE MILITAIRE.

NOBLESSE DES FRANCS FIEFS de Normandie, est celle qui fut accordée par Louis XI. par une charte donnée au Montil-lez-Tours le 5 Novembre 1470, par laquelle il ordonna entr'autres choses, que pour les fiefs nobles acquis jusqu'alors par des roturiers en Normandie, & qu'ils tenoient à droits héréditaire, propriétaire & foncier, & qu'ils possédoient noblement à gage-plege, cour & usage ; ils les pourroient tenir paisiblement sans être contraints de les mettre hors de leurs mains, ni payer aucune autre finance que celle portée par la composition & ordonnance sur ce faite par le roi, & qu'ils seroient tenus & réputés pour nobles ; & dès-lors seroient annoblis, ensemble leur postérité née & à naître en loyal mariage, & que la volonté du roi étoit qu'ils jouissent du privilege de noblesse, comme les autres nobles du royaume, en vivant noblement, suivant les armes, & se gouvernant en tous actes, comme les autres nobles de la province, & ne faisant chose dérogeante à noblesse.

Les enfans de ceux qui payerent ce droit de francs-fiefs furent maintenus dans leur noblesse par des lettres de Charles VIII. du 12 Janvier 1486, & par d'autres du 20 Mars de la même année.

Henri II. par une ordonnance du 26 Mars 1556, régla entr'autres choses, que ceux qui prétendroient être nobles par la charte des francs-fiefs de 1470, ne pourroient jouir des privileges de noblesse, s'ils ne faisoient apparoir des chartes particulieres, tenant leurs fiefs à cour & usage ; & qu'eux, ou leurs successeurs eussent vécu noblement, suivant les armes, sans avoir dérogé, auquel cas ils seroient privés de leurs privileges, encore qu'ils fissent voir des quittances particulieres de la finance par eux payée.

Il y a eu en divers tems des recherches faites contre ceux qui se prévaloient sans fondement de la charte génerale des francs-fiefs : on peut voir ce qui est dit à ce sujet dans la Roque, ch. xxxij.

NOBLESSE GRADUELLE, est celle qui ne peut être pleinement acquise qu'au bout d'un certain tems, ou après deux ou trois degrés de personnes qui ont rempli un office propre à donner commencement à la noblesse. En France la plûpart des offices des cours souveraines ne donnent qu'une noblesse graduelle ; c'est-à-dire, qu'elle n'est acquise à la postérité, que quand le pere & le fils ont rempli successivement de ces offices, qui est ce que l'on dit, patre & avo consulibus. Voyez ci-devant NOBLESSE ACTUELLE.

NOBLESSE GREFFEE, est quand quelqu'un profitant de la conformité de son nom avec celui de quelque famille noble, cherche à se enter sur cette famille, c'est-à-dire, à se mêler avec elle. Voyez la préface de la Roque. (A)

NOBLESSE HAUTE, (Hist. de France) il n'est pas aisé de définir aujourd'hui si ce titre dont tant de gens se parent dans notre royaume, consiste dans une noblesse si ancienne que l'origine en soit inconnue, ou dans des dignités actuelles qui supposent, mais qui ne prouvent pas toujours une véritable noblesse.

Le point le plus intéressant n'est pas cependant de discuter l'objet de la noblesse d'ancienneté ou de dignité, mais les premieres causes qui formerent la noblesse & la multiplierent.

Il semble qu'on trouvera l'origine de la noblesse dans le service militaire. Les peuples du nord avoient une estime toute particuliere pour la valeur militaire : comme par leurs conquêtes ils cherchoient la possession d'un pays meilleur que celui de leur naissance ; qu'ils s'estimoient considérables à proportion du nombre des combattans qu'ils pouvoient mettre sur pié ; & que pour les distinguer des paysans ou roturiers, ils appelloient nobles ceux qui avoient défendu leur patrie avec courage, & qui avoient accru leur domination par les guerres : or pour récompense de leurs services, dans le partage des terres conquises, ils leur donnerent des francs-fiefs, à condition de continuer à rendre à leur patrie les mêmes services qu'ils lui avoient déja rendus.

C'est ainsi que le corps de la noblesse se forma en Europe & devint très - nombreux ; mais ce même corps diminua prodigieusement par les guerres des croisades, & par l'extinction de plusieurs familles : il fallut alors de nécessité créer de nouveaux nobles. Philippe-le-Hardi, imitant l'exemple de Philippe-le-Bel son prédécesseur, qui le premier donna des lettres de noblesse en 1270 en faveur de Raoul l'orfévre, c'est-à-dire, l'argentier ou payeur de sa maison, prit le parti d'annoblir plusieurs roturiers. On employa la même ressource en Angleterre. Enfin en Allemagne - même, si les empereurs n'eussent pas fait de nouveaux gentilshommes, s'il n'y avoit de nobles que ceux qui prouveroient la possession de leurs châteaux & de leurs fiefs, ou du service militaire de leurs aïeux, du tems de Fréderic Barberousse, sans doute qu'on n'en trouveroit pas beaucoup. (D.J.)

NOBLESSE DE HAUT PARAGE, est celle qui se tire d'une famille illustre & ancienne. Voyez le roman de Garin & Guillaume Guyart. La Roque, chap. ij. (A)

NOBLESSE HEREDITAIRE, est celle qui passe du pere aux enfans & autres descendans. La noblesse provenant des grands offices étoit héréditaire chez les Romains, mais elle ne s'étendoit pas au-delà des petits enfans.

En France toute noblesse n'est pas héréditaire ; il y a des offices qui ne donnent qu'une noblesse personnelle, d'autres qui donnent commencement à la noblesse pour les descendans ; mais il faut que le pere & l'aïeul ayent rempli un de ces offices pour donner la noblesse au petit-fils sans qu'il soit pourvu d'un office semblable ; enfin il y a des offices qui transmettent la noblesse au premier degré. Voyez NOBLESSE AU PREMIER DEGRE, NOBLESSE patre & avo, NOBLESSE TRANSMISSIBLE.

NOBLESSE HONORAIRE, est celle qui ne consiste qu'à prendre le titre de noble, & à être considéré comme vivant noblement sans avoir la noblesse héréditaire : ce n'est qu'une noblesse personnelle, elle n'a même que les privileges des nobles, comme la noblesse personnelle de certains officiers. Voyez la Roque, chap. xciv. & ci-après NOBLESSE PERSONNELLE.

NOBLESSE ILLUSTRE, est celle qui tient le prémier rang ou degré d'honneur, comme sont les princes du sang ; elle est encore au-dessus de ce que l'on appelle la haute-noblesse. Voyez Loyseau, traité des Ordres, chap. vj. n. 9. & ci-dessus HAUTE-NOBLESSE.

NOBLESSE IMMEDIATE, en Allemagne, est celle des seigneurs qui ont des fiefs mouvans directement de l'empire, & qui jouissent des mêmes prérogatives que les villes libres : ils prennent l'investiture en la même forme ; mais ils n'ont pas comme ces villes le droit d'archives.

Le corps de la noblesse immédiate est divisé en quatre provinces & en quinze cantons ; savoir, la Souabe, qui contient cinq cantons ; la Franconie, qui en contient six ; la province du Rhin, qui en contient trois, & l'Alsace, qui ne fait qu'un canton.

Cette noblesse immédiate est la principale noblesse d'Allemagne, parce que c'est l'empereur qui la confere immédiatement. Ceux que les électeurs annoblissent, ne sont nobles que dans leurs états, à moins que leur noblesse ne soit confirmée par l'empereur. Voyez la Roque, c. clxxij. & ci-après NOBLESSE MEDIATE & NOBLESSE MIXTE. (A)

NOBLESSE IMMEMORIALE, ou IRREPROCHABLE, est celle dont on ne connoît point le commencement, & qui remonte jusqu'au tems de l'établissement des fiefs ; c'est pourquoi on l'appelle aussi féodale ; on l'appelle aussi irréprochable parce qu'elle est à couvert de tout reproche ou soupçon d'annoblissement. Voyez la Roque, préface.

NOBLESSE INFEODEE ou FEODALE, est celle qui tire son origine de la possession ancienne de quelque fief. Voyez ci-dessus NOBLESSE FEODALE.

NOBLESSE IRREPROCHABLE, est celle dont l'origine est si ancienne, qu'elle est au-dessus de tout reproche d'annoblissement fait par lettres ou office, de maniere qu'elle est réputée pour noblesse de race & d'ancienne extraction. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE DE LAINE, est la seconde classe de la noblesse. Dans la ville de Florence on y distingue deux sortes de noblesse pour le gouvernement ; savoir la noblesse de soie & la noblesse de laine. La premiere est plus relevée & plus qualifiée que la seconde. Il y a apparence que ces différentes dénominations viennent de la différence des habits. Cette distinction de deux sortes de noblesse se fait au regard du gouvernement de la ville. Voyez le traité de la Noblesse par la Roque, chap. cxij. & clxvj.

NOBLESSE LIBERALE, est celle que l'on a accordée à ceux qui poussés d'un beau zele ont dépensé leur bien pour la défense de la patrie. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE DE LETTRES, est celle qui est accordée aux gens de lettres, & aux gradués & officiers de judicature. On l'appelle aussi noblesse littéraire. Voyez ci-après NOBLESSE LITTERAIRE.

NOBLESSE PAR LETTRES, est celle qui provient de lettres d'annoblissement accordées par le prince.

M. d'Hozier dans l'histoire d'Amanzé, rapporte une charte d'annoblissement du 24 Juin 1008, mais cette charte est suspecte.

D'autres prétendent que les premieres lettres d'annoblissement furent données en 1095 par Philippe I. à Eudes le Maire, dit Chalo S. Mars.

On fait encore mention de quelques autres lettres de noblesse données par Philippe Auguste.

Mais il est plus certain qu'ils commencerent sous Philippe III. car il se voit un annoblissement de ce tems qu'il accorda à Raoul l'orfévre.

Ses successeurs en accorderent aussi quelques-uns ; mais ils devinrent plus fréquens sous Philippe de Valois, & il en accorda dès lors moyennant finance & sans finance ; car la charte de noblesse de Guillaume de Dormans en 1339, fait mention qu'elle fut donnée sans finance, & en 1354, Jean de Rheims paya trente écus d'or ; un autre en 1355 en paya quatrevingt.

Dans la suite il y a eu des annoblissemens créés par édit, & dont la finance a été réglée ; mais ils ont toujours été suivis de lettres particulieres pour chaque personne qui devoit profiter de la grace portée par l'édit.

Charles IX. créa douze nobles en 1564 ; il en créa encore trente par édit de 1568.

Henri III. en créa mille par édit du mois de Juin 1576, par des déclarations des 20 Janvier & 10 Septembre 1577.

Il y eut une autre création de nobles par édit de Juin 1588, vérifiée au parlement de Rouen.

On en créa vingt par édit du 20 Octobre 1592, & vingt autres par édit du 23 Novembre suivant pour des personnes tant taillables que non taillables ; dix par édit d'Octobre 1594, & encore en Mars 1610.

En 1643 on en créa deux en chaque généralité pour l'avénement de Louis XIV. à la couronne.

Le 4 Décembre 1645, il fut créé cinquante nobles en Normandie, avec permission de trafiquer leur vie durant, à condition que leurs enfans demeureroient dans des villes franches, & serviroient le roi au premier arriere ban.

En 1660 Louis XIV. créa deux nobles dans chaque généralité.

En 1696 il créa cinq cent nobles dans le royaume. On obtenoit des lettres de noblesse pour deux mille écus. Il créa encore deux cent nobles par édit du mois de Mai 1702, & cent autres par édit de Décembre 1711.

On a souvent donné des lettres de noblesse pour récompense de services ; mais à moins qu'ils ne soient spécifiés, on y a peu d'égard, vû qu'il y a eu de ces lettres où cette énonciation étoit devenue de style ; on laissoit même le nom de la personne en blanc, desorte que c'étoit une noblesse au porteur.

Les divers besoins de l'état ont ainsi réduit les ministres à chercher des ressources dans l'avidité que les hommes ont pour les honneurs.

Il y a même eu des édits qui ont obligé des gens riches & aisés de prendre des lettres de noblesse, moyennant finance ; de ce nombre fut Richard Graindorge, fameux marchand de boeufs, du pays d'Auge en Normandie, qui fut obligé en 1577 d'accepter des lettres de noblesse, pour lesquelles on lui fit payer trente-mille livres. La Roque en son traité de la Noblesse, ch. xxj. dit en avoir vu les contraintes entre les mains de Charles Graindorge sieur du Rocher, son petit-fils.

Ce n'est pas seulement en France que la noblesse est ainsi devenue vénale. Au mois d'Octobre 1750, on publia à Milan, par ordre de la cour de Vienne, une espece de tarif qui fixe le prix auquel on pourra se procurer les titres de prince, duc, marquis, comte, & les simples lettres de noblesse ou de naturalisation. Voyez le Mercure de France, Décembre 1750, pag. 184.

Les annoblissemens accordés à prix d'argent, ont été sujets à plusieurs révolutions. Les annoblis ont été obligés en divers tems de prendre des lettres de confirmation, moyennant une finance.

On voit aussi dès 1588 des lettres de rétablissement de noblesse ensuite d'une révocation qui avoit été faite.

Henri IV. par l'édit du mois de Janvier 1598, révoqua tous les annoblissemens qui avoient été faits à prix d'argent.

Il les rétablit ensuite par édit du mois de Mars 1606.

Louis XIII. par édit du mois de Novembre 1640, révoqua tous ceux qui avoient été faits depuis trente ans.

Les lettres de noblesse accordées depuis 1630, furent aussi révoquées par édit du mois d'Août 1664.

Enfin par édit du mois d'Août 1715, Louis XIV. supprima tous les annoblissemens par lettres & privileges de noblesse attribués depuis le premier Janvier 1689, aux offices, soit militaires, de justice ou finance.

Pour jouir pleinement des privileges de noblesse, il faut faire enregistrer ses lettres au parlement, en la chambre des comptes & en la cour des aides.

Voyez la Roque, ch. xxj. Brillon, au mot Annoblissement, & ce qui a été dit ci-devant en parlant de la noblesse en général.

NOBLESSE LITTERAIRE ou SPIRITUELLE, est une qualification que l'on donne à la noblesse, accordée aux gens de lettres pour récompense de leurs talens. Voyez la préf. de la Roque.

On peut aussi entendre par-là une certaine noblesse honoraire, qui est attachée à la profession des gens de lettres, mais qui ne consiste en France que dans une certaine considération que donnent le mérite & la vertu. A la Chine on ne reconnoît pour vrais nobles que les gens de lettres ; mais cette noblesse n'y est point héréditaire : le fils du premier officier de l'état reste dans la foule, s'il n'a lui-même un mérite personnel qui le soutienne.

Quelques auteurs par noblesse littéraire, entendent aussi la noblesse de robe, comme Nicolas Upton anglois, qui n'en distingue que deux sortes ; l'une militaire, l'autre littéraire, qui vient des sciences & de la robe, togata sive litteraria.

NOBLESSE LOCALE, est celle qui s'acquiert par la naissance dans un lieu privilégié, telle que celle des habitans de Biscaye. Voyez la Roque, chap. lxxvij.

On pourroit aussi entendre par noblesse locale, celle qui n'est reconnue que dans un certain lieu, telle qu'étoit celle des villes romaines dont les nobles étoient appellés domi nobiles.

Les auteurs qui ont traité des patrices d'Allemagne, disent que la plûpart des communautés qui sont dans les limites de l'Empire, sont gouvernées par certaines familles qui usent de toutes les marques extérieures de noblesse, qui n'est pourtant reconnue que dans leur ville ; aucun des nobles de cette espece n'étant reçu dans les chapitres nobles : ensorte qu'il y a en Allemagne comme deux sortes de noblesse, une parfaite & une autre locale qui est imparfaite ; & ces mêmes auteurs disent que la plûpart de ces familles ne tenant point du prince le commencement de leur noblesse, & ne portant point les armes, ils se sont contentés de l'état de bourgeoisie & des charges de leur communauté, en vivant noblement. Voyez la Roque, chap. xxxix.

Il est de même des nobles de Chiary en Piémont, & des nobles de certains lieux dans l'état de Venise. La Roque, ch. clxvij.

NOBLESSE CIVILE, POLITIQUE ou ACCIDENTELLE, est celle qui provient de l'exercice de quelque office ou emploi qui annoblit celui qui en est revêtu : elle est opposée à la noblesse d'origine. Voyez la Roque & Thomas Miles, in tract. de nobilitate.

On peut aussi entendre par noblesse civile, toute noblesse soit de race ou d'office, ou par lettres, reconnue par les lois du pays, à la différence de la noblesse honoraire qui n'est qu'un titre d'honneur attaché à certains états honorables, lesquels ne jouissent pas pour cela de tous les privileges de la noblesse. Voyez ci-après. NOBLESSE HONORAIRE.

NOBLESSE CLERICALE, ou attachée à la cléricature, consiste en ce que les clercs vivant cléricalement, participent à quelques privileges des nobles, tels que l'exemption des tailles ; mais cela ne produit pas en eux une noblesse proprement dite : ils sont seulement considerés comme gens vivant noblement.

Les ecclésiastiques des dioceses d'Autun & de Langres ont prétendu avoir par état la noblesse, mais tout leur droit se borne comme ailleurs, à l'exemption des tailles & corvées personnelles. Voyez la Roque, ch. xlix. (A)

NOBLESSE DE CLOCHE, ou de la cloche, est celle qui provient de la mairie & autres charges municipales auxquelles la noblesse est attribuée. On l'appelle noblesse de cloche, parce que les assemblées pour l'élection des officiers municipaux se font ordinairement au son du beffroi ou grosse cloche de l'hôtel-de-ville.

Les commissaires du roi en Languedoc, faisant la recherche de la noblesse, appellent ainsi la noblesse des capitouls de Toulouse, noblesse de la cloche. Voyez la Roque, ch. xxxvj.

NOBLESSE COMITIVE, est celle que les docteurs régens en Droit acquierent au bout de 20 ans d'exercice. On l'appelle comitive, parce qu'ils peuvent prendre la qualité de comes, qui signifie comte ; ce qui est fondé sur la loi unique au code de professoribus in urbe Constantin.

Il est constant que les professeurs en Droit ont toujours été décorés de plusieurs beaux privileges, qu'en diverses occasions ils ont été traités comme les nobles, par rapport à certaines exemptions. C'est pourquoi plusieurs auteurs ont pensé qu'ils étoient réellement nobles : ils ont même prétendu que cela s'étendoit à tous les docteurs en Droit. Tel est le sentiment de Guy pape, de Tiraqueau, de François Marc, de Cymus Bartolus, de Balde Dangelus, de Paul de Castre, de Jean Raynuce, d'Ulpien, de Cromerus, de Lucas de Penna.

La qualité de professeur en Droit est si considérable à Milan, qu'il faut même être déja noble pour remplir cette place, & faire preuve de la noblesse requise par les statuts avant sa profession, comme rapporte Paul de Morigia docteur Milanois, dans son hist. ch. xlix & l.

Mais en France, les docteurs en Droit ni les professeurs ne jouissent de la noblesse que comme les Avocats & Médecins, c'est-à-dire que leur noblesse n'est qu'un titre d'honneur, qui ne les autorise pas à prendre la qualité d'écuyer, & ne leur donne pas les privileges de noblesse. Voyez la Roque, ch. xlij. & ci-devant le mot docteur en Droit.

NOBLESSE COMMENCEE, est celle dont le tems ou les degrés nécessaires ne sont pas encore remplis, comme ils doivent l'être pour former une noblesse acquise irrévocablement. Voyez NOBLESSE ACTUELLE.

NOBLESSE COMMENSALE, est celle qui vient du service domestique & des tables des maisons royales, telle qu'étoit autrefois celle des chambellans ordinaires. Voyez la préf. de la Roque.

NOBLESSE COUTUMIERE ou utérine, est celle qui prend sa source du côté de la mere, en vertu de quelque coutume ou usage. Voyez la préf. de la Roque, & ci-après NOBLESSE UTERINE.

NOBLESSE DEBARQUEE ou de transmigration, est celle d'un étranger qui passe de son pays dans un autre état, où il s'annonce sous un nom emprunté, ou qui est équivoque à quelque grand nom. Voyez la préf. de la Roque.

DEMI-NOBLESSE, est une qualification que l'on donne quelquefois à la noblesse personnelle de certains officiers, qui ne passe point aux enfans. Voyez M. le Bret dans son septieme plaidoyer.

NOBLESSE A DEUX VISAGES, est celle qui est accordée tant pour le passé que pour l'avenir, lorsqu'on obtient des lettres de confirmation ou de réhabilitation, ou même en tant que besoin seroit d'annoblissement. Voyez la Roque, ch. xxj. (A)

NOBLESSE DE DIGNITE, est celle qui provient de quelque haute dignité, soit féodale ou personnelle, comme des grands offices de la couronne, & des offices des cours souveraines.

NOBLESSE DES DOCTEURS EN DROIT. Voyez ce qui est dit ci-devant à l'article NOBLESSE COMITIVE.

NOBLESSE QUI DORT, c'est celle dont la jouissance est suspendue à cause de quelque acte contraire. C'est un privilege particulier aux nobles de la province de Bretagne. Suivant l'article 561, les nobles qui font trafic de marchandises & usent de bourse commune, contribuent pendant ce tems aux tailles, aides & subventions roturieres ; & les biens acquis pendant ce même tems, se partagent également pour la premiere fois, encore que ce fussent des biens nobles. Mais il leur est libre de reprendre leur noblesse & privileges d'icelle, toutes fois & quantes que bon leur semblera, en laissant leur trafic & usage de bourse commune, en faisant de ce leur déclaration devant le plus prochain juge royal de leur domicile. Cette déclaration doit être insinuée au greffe, & notifiée aux marguilliers de la paroisse, moyennant quoi le noble reprend sa noblesse, pourvû qu'il vive noblement ; & les acquets nobles, faits par lui depuis cette déclaration, se partagent noblement.

M. d'Argentré observe que cet article est de la nouvelle réformation ; mais que l'usage étoit déjà de même auparavant.

La noblesse qui dort est en suspens, dormit sed non extinguitur. (A)

NOBLESSE D'ECHEVINAGE, est celle qui vient de la fonction d'échevin, que celui qui se prétend noble, ou quelqu'un de ses ancêtres paternels, a rempli dans une ville où l'échevinage donne la noblesse, comme à Paris, à Lyon, &c.

Ce privilege est établi à l'instar de ceux des décurions des villes romaines, qui se prétendoient nobles & privilégiés, cod. de decur. Charles V. en 1371, donna la noblesse aux bourgeois de Paris. Henri III. par des lettres de Janvier 1577, réduisit ce privilege au prevôt des marchands & aux quatre échevins qui avoient été en charge depuis l'avénement d'Henri II. à la couronne, & à leurs successeurs, & à leurs enfans nés & à naître, pourvû qu'ils ne dérogent point.

Quelques autres villes ont le même privilege. Voyez ECHEVIN & ECHEVINAGE.

NOBLESSE EMPRUNTEE, est lorsqu'un parent annobli prête sa charte à un autre non annobli, pour mettre toute sa race en honneur & à couvert de la recherche de la taxe des francs-fiefs & de la taille. Préf. de la Roque.

NOBLESSE ENTIERE, est celle qui est héréditaire, & qui passe à la postérité, à la différence de la noblesse personnelle attachée à certains offices, qui ne passe point aux enfans de l'officier, & qu'on appelle demi-noblesse. La Roque, chap. ljv. Voyez DEMI-NOBLESSE.

NOBLESSE D'EPEE, est celle qui vient de la profession des armes. Voyez NOBLESSE PAR LES ARMES.

NOBLESSE ETRANGERE ; on entend par-là celle qui a été accordée ou acquise dans un autre état que celui où l'on demeure actuellement.

Chaque souverain n'ayant de puissance que sur ses sujets, un prince ne peut régulierement annoblir un sujet d'un autre prince. L'empereur Sigismond étant venu à Paris en 1415, pendant la maladie de Charles VI. vint au parlement où il fut reçu par la faction de la maison de Bourgogne ; on plaida devant lui une cause au sujet de l'office de sénéchal de Beaucaire, qui avoit toujours été rempli par des gentils-hommes ; l'un des contendans qui étoit chevalier, se prévaloit de sa noblesse contre son adversaire nommé Guillaume Signet, qui étoit roturier. Sigismond pour trancher la question, voulut annoblir Guillaume Signet ; Pasquier, & quelques autres supposent même qu'il le fit, & que pour cet effet, l'ayant fait mettre à genoux près du greffier, il fit apporter une épée & des éperons dorés, & lui donna l'accolade ; qu'en conséquence, le premier président dit à l'avocat de l'autre partie, de ne plus insister sur le défaut de noblesse, puisque ce moyen tomboit. Pasquier n'a pu cependant s'empêcher de dire que plusieurs trouverent mauvais que l'empereur entreprît ainsi sur les droits du roi, & même qu'il eût pris séance au parlement.

Quelques-uns disent que le chancelier, qui étoit aux piés de Sigismond, s'opposa à ce qu'il vouloit faire, lui observant qu'il n'avoit pas le droit de faire un gentilhomme en France ; & que Sigismond voyant cela, dit à cet homme de le suivre jusqu'au pont de Beauvoisin, où il le déclara gentilhomme : enfin, que le roi confirma cet annoblissement. Tableau de l'empire germanique, page 27.

Tiraqueau a prétendu qu'un prince ne pouvoit conférer la noblesse hors les limites de ses états, par la raison que le prince n'est-là que personne privée ; mais Bartole, sur la loi 1. ff. 3. off. pro consul. coll. 9. Barbarus, in caput novit. coll. 11. & Jean Raynuce, en son Traité de la noblesse, tiennent le contraire, parce que l'annoblissement est un acte de jurisdiction volontaire ; c'est même plutôt une grace qu'un acte de jurisdiction. Et en effet, il y en a un exemple récent pour la chevalerie, dont on peut également argumenter pour la simple noblesse. Le 9 Octobre 1750, dom François Pignatelli, ambassadeur d'Espagne, chargé d'une commission particuliere de S. M. catholique, fit dans l'église de l'abbaye royale de saint Germain-des-Prés, la cérémonie d'armer chevalier de l'ordre de Calatrava le marquis de Maenza, seigneur espagnol, auquel le prieur de l'abbaye donna l'habit du même ordre. Voyez le Mercure de France de Décembre 1750, page 188.

Mais, quoiqu'un prince souverain qui se trouve dans une autre souveraineté que la sienne, puisse y donner des lettres de noblesse, ce n'est toujours qu'à ses propres sujets ; s'il en accorde à des sujets d'un autre prince, cet annoblissement ne peut avoir d'effet que dans les états de celui qui l'a accordé, & ne peut préjudicier aux droits du prince, dont l'annobli est né sujet, à-moins que ce prince n'accorde lui-même des lettres par lesquelles il consente que l'impétrant jouisse aussi du privilége de noblesse dans ses états ; auquel cas, l'annobli ne tire plus à cet égard son droit de la concession d'un prince étranger, mais de celle de son prince.

Cependant, comme la noblesse est une qualité inhérente à la personne, & qui la suit par-tout, les étrangers qui sont nobles dans leur pays, sont aussi tenus pour nobles en France. Ils y sont en conséquence exempts des francs fiefs, ainsi que l'observe Bacquet. Loiseau prétend même que ces nobles étrangers sont pareillement exempts de tous subsides roturiers, sur-tout, dit-il, lorsque ces nobles sont nés sujets d'états, amis & alliés de la France, & que leur noblesse est établie en la forme. Defranco, Traité des ordres, chap. v.

Mais dans l'usage présent, les étrangers qui sont nobles dans leur pays, n'ont en France qu'une noblesse personnelle, qui ne leur donne pas le droit de jouir de tous les autres priviléges attribués aux nobles, tels que l'exemption des tailles & autres subsides, & sur-tout des priviléges qui touchent les droits du roi, parce qu'un souverain étranger ne peut accorder des droits au préjudice d'un autre souverain ; mais la Roque, ch. xxj. dit que des étrangers ont été maintenus dans leur noblesse en se faisant naturaliser.

Il faut néanmoins excepter ceux qui tiennent leur noblesse d'un prince allié de la France, & dont les sujets y sont réputés regnicoles, tels que les sujets du duc de Lorraine, & ceux du prince de Dombes ; car les sujets de ces princes qui sont nobles dans leur pays, jouissent en France des priviléges de noblesse, de même que les sujets du roi ; ce qui est fondé sur la qualité de regnicoles, & sur la réciprocité des priviléges qu'il y a entre les deux nations ; les François qui sont nobles jouissant pareillement des priviléges de noblesse dans les états de ces princes. Voyez la Roque, Tr. de la noblesse, chap. lxxvj. (A)

NOBLESSE FEMININE, ou UTERINE, est celle qui se perpétue par les filles, & qui se communique à leurs maris & aux enfans qui naissent d'eux. Voyez ci-après NOBLESSE UTERINE.

NOBLESSE FEODALE, ou INFEODEE, est celle dont les preuves se tirent de la possession ancienne de quelque fief, & qui remontent jusqu'aux premiers tems de l'établissement des fiefs où ces sortes d'héritages ne pouvoient être possédés que par des nobles, soit de pere ou de mere, tellement que quand le roi vouloit conférer un fief à un roturier, il le faisoit chevalier, ou du-moins l'annoblissoit en lui donnant l'investiture de ce fief. Dans les commencemens ces annoblissemens à l'effet de posséder des fiefs, ne se faisoient que verbalement en présence de témoins. Dans la suite, quand l'usage de l'écriture devint plus commun, on dressa des chartes de l'annoblissement & investiture. Il ne faut pas confondre ces annoblissemens à l'effet de posséder des fiefs, avec ceux qui se donnoient par lettres simplement, sans aucune investiture de fief. Le premier exemple de ces lettres n'est que de l'an 1095, au lieu que l'annoblissement par l'investiture des fiefs, est aussi ancien que l'établissement des fiefs, c'est-à-dire, qu'il remonte jusqu'au commencement de la troisieme race, & même vers la fin de la seconde.

La facilité que l'on eut de permettre aux roturiers de posséder des fiefs, & l'usage qui s'introduisit de les annoblir à cet effet, opéra dans la suite que tous ceux qui possédoient des fiefs, furent réputés nobles. Le fief communiquoit sa noblesse au roturier qui le possédoit, pourvu qu'il fît sa demeure sur le fief ; tandis qu'au contraire les nobles étoient traités comme roturiers tant qu'ils demeuroient sur une roture.

Cependant la succession d'un roturier qui possédoit un fief sans avoir été annobli, ne se partageoit pas noblement jusqu'à ce que le fief fût tombé en tierce foi, c'est-à-dire, qu'il eût passé de l'ayeul au fils, & de celui-ci aux petits enfans ; alors le fief se partageoit noblement, & les petits-enfans jouissoient de la noblesse héréditaire.

Cet annoblissement par la possession des fiefs, quand ils avoient passé de l'ayeul au fils, du fils au petit-fils, étoit encore en usage en Italie & en France, dans le xv. siecle, ainsi que l'atteste le Poggio.

Pour réprimer cette usurpation de noblesse par la possession des fiefs, nos rois ont fait payer de tems en tems aux roturiers une certaine finance que l'on a appellé droit de francs fiefs, afin d'interrompre la possession de la noblesse que les roturiers prétendoient tirer des fiefs.

Cependant les roturiers qui possédoient des fiefs, continuant toujours à se qualifier écuyers, l'ordonnance de Blois, art. 258, ordonna que les roturiers & non-nobles achetans fiefs nobles, ne seroient pour ce annoblis, de quelque revenu que fussent les fiefs par eux acquis, & tel est actuellement l'usage. Voyez la Roque, chap. xviij. la préface de M. de Lauriere, sur le premier tome des ordonnances, le mot FIEF, & NOBLESSE IMMEMORIALE.

NOBLESSE DE MAIRIE, ou DE PRIVILEGE, est celle qui vient de la fonction de maire, ou autre office municipal, qui a été remplie par celui qui se prétend noble, ou par quelqu'un de ses ancêtres en ligne directe masculine, dans une ville où l'exercice des charges municipales donne la noblesse, comme à Paris, à Lyon, à Poitiers, &c.

NOBLESSE MATERNELLE, est la noblesse de la mere considérée par rapport aux enfans.

Suivant le droit commun la noblesse de la mere ne se transmet point aux enfans : on peut voir ce qui est dit ci-après à ce sujet à l'article NOBLESSE UTERINE.

C'est principalement du pere que procede la noblesse des enfans ; celui qui est issu d'un pere noble & d'une mere roturiere, jouit des titres & priviléges de noblesse, de même que celui qui est issu de pere & mere nobles.

Cependant la noblesse de la mere ne laisse pas d'être considérée ; lorsqu'elle concourt avec celle du pere, elle donne plus de lustre à la noblesse des enfans, & la rend plus parfaite. Elle est même nécessaire en certains cas, comme pour être admis dans certains chapitres nobles, ou dans quelque ordre de chevalerie où il faut preuve de noblesse du côté de pere & de mere ; il faut même en certains cas prouver la noblesse des ayeules des peres & meres, de leurs bisayeules, & de leurs trisayeules ; on dispense quelquefois de la preuve de quelques degrés de noblesse du côté des femmes, mais rarement dispense-t-on d'aucun des degrés nécessaires de noblesse du côté du pere.

La noblesse de la mere peut encore servir à ses enfans, quoique le pere ne fût pas noble, lorsqu'il s'agit de partager sa succession, dans une coutume de représentation où il suffit de représenter une personne noble, pour partager noblement. Voyez le premier tome des oeuvres de Cochin, art. 20.

NOBLESSE MEDIATE, en Allemagne, est celle que donnent les électeurs ; elle n'est reconnue que dans leurs états, & non dans le reste de l'empire.

De Prade, en son hist. d'Allemagne, dit que les nobles médiats ont des régales ou droits régaliens dans leurs fiefs par des conventions particulieres ; cependant qu'ils n'ont point droit de chasse. Voyez ci-devant NOBLESSE IMMEDIATE, & ci-après NOBLESSE MIXTE.

NOBLESSE MILITAIRE, est celle qui est acquise par la profession des armes. C'est de là que la noblesse de France la plus ancienne, tire son origine ; car les Francs qui faisoient tous profession de porter les armes, étoient aussi tous réputés nobles. Les descendans de ces anciens Francs ont conservé la noblesse ; on la regardoit même autrefois comme attachée à la profession des armes en général ; mais sous la troisieme race on ne permit de prendre le titre de noble, & de jouir des priviléges de noblesse, qu'à ceux qui seroient nobles d'extraction, ou qui auroient été annoblis par la possession de quelque fief, ou par un office noble, ou par des lettres du prince.

Il n'y avoit depuis ce tems aucun grade dans le militaire, auquel la noblesse fut attachée ; la dignité même de maréchal de France ne donnoit pas la noblesse, mais elle la faisoit présumer en celui qui étoit élevé à ce premier grade.

Henri IV. par un édit du mois de Mars 1600, article 25, défendit à toutes personnes de prendre le titre d'écuyer, & de s'insérer au corps de la noblesse, s'ils n'étoient issus d'un ayeul & d'un pere qui eussent fait profession des armes, ou servi le public en quelqu'une des charges qui peuvent donner commencement à la noblesse.

Mais la disposition de cet article éprouva plusieurs changemens par différentes lois postérieures.

Ce n'est que par un édit du mois de Novembre 1750, que le roi a créé une noblesse militaire qu'il a attachée à certains grades & ancienneté de service.

Cet édit ordonne entr'autres choses, qu'à l'avenir le grade d'officier général conférera de droit la noblesse à ceux qui y parviendront, & à toute leur postérité légitime lors née & à naître.

Ainsi tout maréchal de camp, lieutenant général, ou maréchal de France, est de droit annobli par ce grade.

Il est aussi ordonné que tout officier né en légitime mariage, dont le pere & l'ayeul auront acquis l'exemption de la taille par un certain tems de service, suivant ce qui est porté par cet édit, sera noble de droit, après toutefois qu'il aura été créé chevalier de saint Louis, qu'il aura servi pendant le tems prescrit par les articles quatre & six de cet édit, ou qu'il aura profité de la dispense accordée par l'article huit, à ceux que leurs blessures mettent hors d'état de continuer leurs services.

Au lieu des certificats de service que l'édit de 1750 avoit ordonné de prendre au bureau de la guerre, pour jouir de la noblesse, la déclaration du 22 Janvier 1752 ordonne de prendre des lettres du grand sceau, sous le titre de lettres d'approbation de services, lesquelles ne sont sujettes à aucun enregistrement.

L'impératrice reine de Hongrie a fait quelque chose de semblable dans ses états, ayant par une ordonnance du mois de Février 1757, qu'elle a envoyé à chaque corps de ses troupes, accordé la noblesse à tout officier, soit national, soit étranger, qui aura servi dans ses armées pendant 30 ans. Voyez le Mercure d'Avril 1757. page 181. (A)

NOBLESSE MIXTE, en Allemagne, est celle des seigneurs qui ont des fiefs mouvans directement de l'empire, & aussi d'autres fiefs situés dans la mouvance des électeurs & autres princes qui relevent eux-mêmes de l'empire. Voy. la Roque, ch. clxxij. & ci-devant NOBLESSE IMMEDIATE, & NOBLESSE MEDIATE.

NOBLESSE NATIVE, ou NATURELLE, est la même chose que noblesse de race ; Thomas Miles l'appelle native ; Bartole, Landulphus, & Therriat, l'appellent naturelle. Préface de la Roque.

NOBLESSE DE NOM ET D'ARMES est la noblesse ancienne & immémoriale, celle qui s'est formée en même tems que les fiefs furent rendus héréditaires, & que l'on commença à user des noms de famille & des armoiries. Elle se manifesta d'abord par les cris du nom dans les armées & par les armes érigées en trophées dans les combats sanglans, & en tems de paix parmi les joûtes & les tournois.

Les gentilshommes qui ont cette noblesse s'appellent gentilshommes de nom & d'armes ; ils sont considérés comme plus qualifiés que les autres nobles & gentilshommes qui n'ont pas cette même prérogative de noblesse.

Cette distinction est observée dans toutes les anciennes chartes, & par les historiens & autres auteurs : l'ordonnance d'Orléans, celle de Moulins & celle de Blois veulent que les baillifs & sénéchaux soient gentilshommes de nom & d'armes, c'est-à-dire d'ancienne extraction, & non pas de ceux dont on connoît l'annoblissement.

En Allemagne & dans tous les Pays-Bas, cette noblesse de nom & d'armes est fort recherchée ; & l'on voit par un certificat du gouvernement de Luxembourg du 11 Juin 1619, que dans ce duché on n'admet au siege des nobles que les gentilshommes de nom & d'armes ; que les nouveaux nobles, qu'on appelle francs-hommes, ne peuvent pas seoir en jugement avec les autres nobles féodaux. Voyez la Roque, chap. vij. à la fin. (A)

NOBLESSE NOUVELLE est opposée à la NOBLESSE ANCIENNE, on entend parmi nous par noblesse nouvelle celle qui procede de quelque office ou de lettres, dont l'époque est connue dans les Pays-Bas ; on regarde comme noblesse nouvelle non - seulement celle qui s'acquiert par les charges ou par lettres, mais même celle de race, lorsqu'elle n'est pas de nom & d'armes. Voyez la Roque, chap. vij. & ci-devant NOBLESSE ANCIENNE.

NOBLESSE D'OFFICE ou CHARGE est celle qui vient de l'exercice de quelque office ou charge honorable, & qui a le privilege d'annoblir.

Celui qui est pourvû d'un de ces offices ne jouït des privileges de noblesse que du jour qu'il est reçu & qu'il a prêté serment.

Pour que l'officier transmette la noblesse à ses enfans, il faut qu'il décede revêtu de l'office ou qu'il l'ait exercé pendant 20 ans, & qu'au bout de ce tems il ait obtenu des lettres de vétérance.

Il y a même certains offices dont il faut que le pere & le fils ayent été revêtus successivement pour que leurs descendans jouissent de la noblesse.

Les offices qui donnent la noblesse sont les grands offices de la couronne, ceux de secrétaire d'état & de conseiller d'état, ceux des magistrats des cours souveraines, des trésoriers de France, des secrétaires du roi, & plusieurs autres, tant de la maison du roi que de judicature & des finances.

Il y a aussi des offices municipaux qui donnent la noblesse. Voyez NOBLESSE DE CLOCHE, D'ÉCHEVINAGE DE VILLE. (A)

NOBLESSE OFFICIEUSE est celle qui sert aux passions & inclinations des grands, pour élever leurs domestiques qui leur ont rendu des services. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE D'ORIGINE ou ORIGINELLE est celle que l'on tire de ses ancêtres. Voyez Duhaillon en son histoire de France, & les articles NOBLESSE ANCIENNE, NATIVE, D'EXTRACTION, DE RACE.

NOBLESSE PALATINE est celle qui tire son origine des grands offices du palais, ou maison du roi & de la reine auxquels la noblesse est attachée. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE DE PARAGE est la noblesse de sang, & singulierement celle qui se tire du côté du pere. Voyez la Roque, ch. xj.

NOBLESSE PARFAITE est celle sur laquelle il n'y a rien à desirer, soit pour le nombre de ses quartiers, soit pour les preuves : la noblesse la plus parfaite est celle dont la preuve remonte jusqu'au commencement de la troisieme race sans qu'on en voye même l'origine ; & pour le nombre des quartiers en France on ne remonte guere au-delà du quatrieme ayeul, ce qui fournit 32 quartiers : les Allemands & les Flamands affectent de prouver jusqu'à 64 quartiers. Voyez la Roque, chap. x.

NOBLESSE PATERNELLE est celle qui vient du pere ; suivant le droit commun, c'est la seule qui se transmette aux enfans.

On entend aussi quelquefois par noblesse paternelle l'illustration que l'on tire des alliances du côté paternel. Voyez NOBLESSE MATERNELLE.

NOBLESSE PATRE ET AVO, on sousentend consulibus, est celle qui n'est acquise aux descendans d'un annobli par charge qu'autant que le pere & le fils ont rempli successivement une de ces charges qui donnent commencement à la noblesse.

Cet usage a été établi sur le fondement de la loi 1. au code de dignitatibus, qui porte ; Si ut proponitis & avum consularem & patrem praetorium habuistis, & non privatas conditiones hominibus sed clarissimas nupseritis, claritatem generis retinetis.

Cette loi est néanmoins mal appliquée ; car elle ne dit pas qu'il soit nécessaire pour avoir le titre de clarissime, que le pere & l'ayeul ayent été dans des charges éminentes, on ne révoquoit pas en doute la noblesse d'origine de la fille, mais de savoir si elle la conservoit en se mariant.

La loi 2. du même titre confirme que la noblesse de l'officier se transmettoit au premier degré, puisqu'elle dit paternos honores filiis invidere non oportet.

Cependant parmi nous tous les offices ne transmettent pas la noblesse au premier degré : ce privilege est reservé aux offices de chancelier, de garde des sceaux, de secretaire d'état, de conseiller d'état servant actuellement au conseil, de maître des requêtes, de secrétaire du roi.

Les conseillers de certaines cours souveraines ont aussi la noblesse au premier degré ; tels sont ceux des parlemens de Paris, de Besançon, de Dauphiné ; le parlement de Dombes jouit de ce même privilege, tant en Dombes qu'en France.

La chambre des comptes de Paris & la cour des aides ont aussi le même droit.

Mais dans la plûpart des autres cours souveraines les offices de président & de conseiller ne transmettent la noblesse qu'au second degré, qui est ce qu'on appelle patre & avo. Voyez la Roque, chap. ij. du petit traité, qui est à la suite du grand. (A)

NOBLESSE PATRICIENNE peut s'entendre de ceux qui descendoient de ces premiers sénateurs de Rome, & qui furent nommés patriciens.

Dans les Pays-Bas, on appelle familles patriciennes celles qui sont nobles.

En Allemagne, les principaux bourgeois des villes prennent le titre de patrices, & se donnent des armes, mais ils n'ont point de privileges particuliers, si ce n'est dans quelques villes, comme Nuremberg, Augsbourg, Ulm, où ils sont distingués dans le magistrat, mais cette noblesse n'est pas reçue dans les colleges.

Les Suisses n'estiment que la noblesse qui étoit devant leur changement de gouvernement, & appellent celle qui s'est faite depuis noblesse patricienne. Voy. la Roque, chap. clxxij.

NOBLESSE PERSONNELLE est celle qui ne passe pas la personne, & ne se transmet pas à ses enfans ; telle est la noblesse attachée à certains offices de la maison du roi & autres qui donnent le titre d'écuyer, & toutes les exemptions des nobles, sans néanmoins communiquer une véritable noblesse transmissible aux enfans.

On entend aussi par noblesse personnelle celle qui est attachée à certaines professions honorables, telles que les fonctions de judicature, la profession d'avocat & celle de médecin : en Dauphiné, à Lyon, en Bourgogne ces sortes de personnes sont en possession de mettre devant leur nom la qualité de noble ; mais cette noblesse n'est qu'honoraire, & ne leur attribue pas les privileges des nobles. Voy. la Roque, chap. xciv. & Henris.

NOBLESSE PETITE, en Espagne on appelle ainsi les seigneurs qui n'ont point de dignité, mais seulement jurisdiction ; il y en a encore une moindre qui est celle des nobles qui n'ont aucune jurisdiction, & enfin on appelle noblesse très-petite, minima, l'état de ceux qui ne sont pas vraiment nobles, mais qui vivent noblement & de leurs revenus.

En France, on ne connoît point ces distinctions, toute noblesse est de même qualité ; un homme nouvellement annobli jouit des mêmes privileges que celui qui est noble de race, si ce n'est dans le cas où il faut prouver plusieurs degrés de noblesse. Voyez Loyseau, traité des ordres, chap. vj. n°. 5.

NOBLESSE POLITIQUE ou CIVILE est celle qui prend son origine des charges ou des lettres du prince. Voyez la préface de la Roque, Landulphus, Therriat & Bartole.

NOBLESSE AU PREMIER DEGRE est celle qui est acquise & parfaite en la personne des enfans, lorsque leur pere est mort revêtu d'un office qui annoblit, ou qu'il a servi pendant le tems prescrit par les réglemens. Voyez NOBLESSE D'OFFICE, NOBLESSE MILITAIRE, NOBLESSE TRANSMISSIBLE.

NOBLESSE PRIVILEGIEE est celle qui vient de la mairie & des charges de secrétaires du roi. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE PRONONCEE, on appelle ainsi celle qui n'étant pas bien fondée, est reconnue par un jugement passé de concert entre le prétendu noble & les habitans du lieu où il demeure. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE PROTEGEE est celle de quelqu'un dont la noblesse est douteuse & qui s'allie des grandes maisons par des mariages, afin de s'assûrer par le crédit de ces maisons le titre de noblesse qu'on lui conteste. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE DE LA PUCELLE D'ORLEANS, voyez ce qui en est dit ci - après à l'article NOBLESSE UTERINE.

NOBLESSE DE QUATRE LIGNES ou QUARTIERS est celle qui est établie par la preuve que les quatre ayeuls & ayeules étoient nobles ; d'autres par noblesse de quatre lignes entendent celle dont la preuve comprend quatre lignes paternelles & autant de lignes du côté maternel, desorte que l'on remonte jusqu'à quatre générations, c'est-à-dire jusqu'au bisayeul, ce qui forme huit quartiers. Si l'on commence par celui de cujus, il est compté pour la premiere ligne ; si l'on commence par le bisayeul, celui-ci fait la premiere ligne, & celui de cujus fait la quatrieme. En Italie & en Espagne, on exige communément la preuve de quatre lignes ; il est fait mention de cette noblesse de quatre lignes dans les statuts de l'ordre du croissant, institué par René roi de Sicile & duc d'Anjou le 11 Août 1448, il déclare que nul ne pourra être reçu dans cet ordre qu'il ne soit gentilhomme de quatre lignes. Voyez la Roque, chap. x.

NOBLESSE DE RACE, ou d'ancienne extraction, est celle qui est fondée sur la possession immémoriale, plutôt que sur les titres : cependant à cette possession l'on peut joindre des titres énonciatifs ou confirmatifs.

En France la possession doit être au moins de cent ans, quoique la déclaration de 1664 semble la fixer à cent quatre, puisqu'elle veut que l'on prouve sa possession depuis 1560 ; mais elle est relative à une autre déclaration de l'an 1660 : ainsi il ne faut que cent ans, comme il est encore ordonné par la déclaration du 16 Janvier 1714. Voyez NOBLESSE ANCIENNE, NOBLESSE D'EXTRACTION, NOBLESSE DE QUATRE LIGNES.

NOBLESSE DE ROBE, on appelle ainsi celle qui provient de l'exercice de quelque office de judicature auquel le titre & les privileges de noblesse sont attachés.

Quoique la profession des armes soit la voie la plus ancienne par laquelle on ait commencé à acquérir la noblesse, il ne faut pas croire que la noblesse de robe soit inférieure à celle d'épée. La noblesse procede de différentes causes ; mais les titres & privileges qui y sont attachés, sont les mêmes pour tous les nobles, de quelque source que procede leur noblesse ; & la considération que l'on attache à la noblesse doit être égale, lorsque la noblesse procede de sources également pures & honorables, telles que la magistrature & la profession des armes.

On a même pratiqué pendant long-tems en France que la profession des armes & l'administration de la justice n'étoient point séparées. La justice ne pouvoit être rendue que par des militaires, tellement que les lois saliques leur défendoient de quitter l'écu en tenant les plaids. Dans la suite tout le monde quitta les armes pour rendre la justice, & prit l'habit long, que les gens de loi ont seuls conservé.

Loyseau en son tr. des offices, l. I. c. ix. n. 10. fait voir que la vertu militaire n'est nécessaire qu'en cas de guerre ; au lieu que la justice est nécessaire en paix & en guerre ; en paix, pour empêcher la guerre ; & en guerre, pour ramener la paix ; que la force sans la justice ne seroit pas une vertu, mais une violence, d'où il infere que la noblesse peut aussi-bien procéder de justice que de la force ou valeur militaire. Il observe encore au n. 17. que les offices d'éminente dignité attribuent aux pourvus, non-seulement la simple noblesse, mais aussi la qualité de chevalier, qui est un titre emportant haute noblesse ; ce qui a eu lieu, dit - il, de tout tems à l'égard des principaux offices de justice, témoins les chevaliers de lois dont il est parlé dans Froissart.

Enfin il conclut au nombre 18, en parlant des offices de judicature, que tous ceux qui, à cause de leurs offices, se peuvent qualifier chevaliers, sont nobles d'une parfaite noblesse eux & leurs enfans, ainsi que l'observe M. le Bret en son septieme plaidoyer, ni plus ni moins que ceux à qui le roi confere l'ordre de chevalerie.

Au reste, pour ne pas user de répétitions, nous renvoyons à ce que nous avons dit sur la noblesse de robe, au mot ETATS. (A)

NOBLESSE DU SANG, est celle que l'on tire de la naissance, en justifiant que l'on est issu de parens nobles, ou au moins d'un pere noble. Voyez NOBLESSE D'EXTRACTION.

NOBLESSE DES SECRETAIRES DU ROI, Voyez ci-après SECRETAIRE DU ROI.

NOBLESSE SIMPLE, est celle qui ne donne que le titre de noble ou écuyer, à la différence de la haute noblesse, qui donne le titre de chevalier, ou autre encore plus éminent, tels que ceux de baron, comte, marquis, duc. Voyez NOBLESSE DE CHEVALERIE & HAUTE NOBLESSE.

NOBLESSE DE SOIE. Voyez ce qui en est ci-devant à l'article NOBLESSE DE LAINE.

NOBLESSE SPIRITUELLE ou LITTERAIRE. Voyez ci-devant NOBLESSE LITTERAIRE.

NOBLESSE DE TERRE FERME, est le nom que l'on donne en l'état de Venise & en Dalmatie à la noblesse qui demeure ordinairement aux champs. Dans l'état de Venise les nobles de terre ferme ou de campagne n'ont point de prérogatives ; ils ne participent point aux conseils & délibérations. En Dalmatie la noblesse de terre ferme gouverne aristocratiquement. Voyez la Roque, c. clxvij.

NOBLESSE TITREE, est celle qui tire son origine de la chevalerie. Voyez NOBLESSE DE CHEVALERIE.

On entend aussi par ce terme la haute noblesse ou noblesse de dignité, c'est-à-dire, les princes, les ducs, les marquis, comtes, vicomtes, barons, &c. Voyez HAUTE NOBLESSE.

NOBLESSE DE TOURNOI, est celle qui tire son origine des tournois ou combats d'adresse, institués en 935 par l'empereur Henri l'Oiseleur. Il falloit, pour y être admis, faire preuve de douze quartiers. Ces tournois furent défendus ou négligés l'an 1403 en France ; le dernier fut celui de 1559, qui fut si funeste à Henri II. Voyez la Roque, ch. clxxij.

NOBLESSE DE TRANSMIGRATION ou DEBARQUEE. Voyez ci-devant NOBLESSE DEBARQUEE.

NOBLESSE TRANSMISSIBLE, est celle qui passe de l'annobli à ses enfans & petits enfans. Il y a des charges qui donnent une noblesse transmissible au premier degré, voyez NOBLESSE AU PREMIER DEGRE, d'autres qui ne la donnent que patre & avo consulibus. Voyez NOBLESSE patre & avo.

NOBLESSE VENALE, est celle qui a été accordée par lettres, moyennant finance. Voyez NOBLESSE PAR LETTRES.

NOBLESSE VERRIERE, on appelle ainsi celle des gentilshommes qui s'occupent à souffler le verre. C'est une tradition vulgaire que les gentilshommes ont seuls le droit de travailler à cet ouvrage ; ce qui est de certain, c'est que dans la plûpart des verreries, ce sont des gentilshommes qui s'occupent à cet exercice, & qu'ils ne souffriroient pas que des roturiers travaillassent avec eux, si ce n'est pour les servir. C'est apparemment ce qui a fait croire à quelque personne que l'exercice de l'art de verrerie faisoit une preuve de noblesse ; & en effet la Roque, ch. cxliv. dit que les arrêts contraires n'ont pas empêché qu'en quelques provinces plusieurs verriers n'ayent été déclarés nobles en la derniere recherche des usurpateurs de noblesse (il parle de celle qui fut faite en exécution de la déclaration de 1696), quoique, dit-il, ces verriers n'eussent aucune charte ni autre principe de noblesse. Mais dans les vrais principes il est constant que l'exercice de l'art de verrerie ne donne pas la noblesse, ni ne la suppose pas. On voit même que des gentilshommes de Champagne demanderent à Philippe le-Bel des lettres de dispense pour exercer la verrerie, & que tous les verriers des autres provinces en ont obtenu de semblables des rois successeurs de Philippe-le-Bel ; ce qu'ils n'auroient pas fait, si cet art eut annobli, ou s'il eût supposé la noblesse : ainsi tout ce que l'on peut prétendre, c'est qu'il ne déroge pas. On voit en effet au liv. II. du titre théodosien, que Théodose honora les verriers de l'exemption de la plûpart des charges de la république, pour les engager à perfectionner leur profession par l'invention admirable du verre. Voy. la Roque, ch. cxliv. (A)

NOBLESSE DE VILLE, est celle qui tire son origine de la mairie, c'est-à-dire, des charges municipales, telles que celles de prévôt des marchands ; de maire, d'échevin, capitoul, jurat, &c. dans les villes où ces charges donnent la noblesse, comme à Paris, à Lyon, à Toulouse, &c.

Ce privilege de noblesse a été ôté à plusieurs villes qui en jouissoient sans titre valable. Voy. ECHEVIN, ECHEVINAGE, NOBLESSE DE CLOCHE.

NOBLESSE UTERINE ou COUTUMIERE, est celle que l'enfant tient seulement de la mere, lorsqu'il est d'une mere noble & d'un pere roturier.

Cette espece de noblesse étoit autrefois admise dans toute la France, & même à Paris : en effet on voit dans les établissemens de saint Louis, qu'un enfant né d'une gentilfemme & d'un pere vilain ou roturier pouvoit posseder un fief ; ce qui n'étoit alors permis qu'aux nobles & gentilshommes.

Cet usage est très-bien expliqué par Beaumanoir sur les coutumes de Beauvaisis, où il observe que la seule différence qu'il y eût entre les nobles de partage, c'est-à-dire, par le pere & les nobles de mere, c'est que ces derniers ne pouvoient pas être faits chevaliers ; il falloit être noble de pere & de mere.

Du reste, ceux qui tiroient leur noblesse de leur mere, étoient qualifiés de gentilshommes. Monstrelet, en parlant de Jean de Montaigu, qui fut grand-maître de France sous Charles VI. dit qu'il étoit gentilhomme de par sa mere.

Il n'y a point de province où la noblesse utérine se soit mieux maintenue qu'en Champagne. Toutes les femmes nobles avoient le privilege de transmettre la noblesse à leur postérité. Les historiens tiennent que ce privilege vint de ce que la plus grande partie de la noblesse de cette province ayant été tuée en une bataille l'an 841, on accorda aux veuves le privilege d'annoblir les roturiers qu'elles épouserent, & que les enfans qui naquirent de ces mariages furent tenus pour nobles. Quelques-uns ont cru que cette noblesse venoit des femmes libres de Champagne, lesquelles épousant des esclaves, leurs enfans ne laissoient pas d'être libres ; mais la coutume de Meaux dit très-bien que la verge annoblit, & que le ventre affranchit.

Quoi qu'il en soit de l'origine de ce privilege, il a été adopté dans toutes les coutumes de cette province, comme Troyes, Châlons, Chaumont en Bassigny, Vitry.

Les commentateurs de ces coutumes se sont imaginés que ce privilege étoit particulier aux femmes de Champagne ; mais on a déja vu le contraire ; & les coutumes de Champagne ne sont pas les seules où il soit dit que le ventre annoblit, celles de Meaux, de Sens, d'Artois & de Saint-Michel portent la même chose.

Charles VII. en 1430 donna des lettres datées de Poitiers, & qui furent registrées en la chambre des comptes, par lesquelles il annoblit Jean l'Eguisé, Evêque de Troyes, ses pere & mere, & tous leurs descendans, mâles & femelles, & ordonna que les descendans des femelles seroient nobles.

Sous le regne de Louis XII. en 1509, lorsque l'on présenta les procès-verbaux des coutumes de Brie & de Champagne aux commissaires du parlement, les vrais nobles qui ne vouloient point avoir d'égaux, remontrerent que la noblesse ne devoit procéder que du côté du pere ; ceux du tiers état, & même les ecclésiastiques du bailliage de Troyes & autres ressorts de Champagne & de Brie s'y opposerent, & prouverent par plusieurs jugemens, que tel étoit l'usage de toute ancienneté. On ordonna que la noblesse & le tiers état donneroient chacun leur mémoire, & que les articles seroient insérés par provision tels qu'ils étoient. Les commissaires renvoyerent la contestation au parlement, où elle est demeurée indécise.

Dans la suite, lorsqu'on fit la réduction de la coutume de Châlons, l'article second qui admet la noblesse utérine ayant été présenté conforme aux coutumes de Troyes, de Chaumont & de Meaux, les gens du roi au siege de Châlons remontrerent l'absurdité de la coutume de Châlons, & demanderent que l'on apportât une exception pour les droits du roi ; ce qui fut accordé, & l'exemption confirmée par arrêt du parlement du 23 Décembre 1566 ; & présentement la noblesse utérine admise par les coutumes de Champagne & quelques autres, ne sert que pour ce qui dépend de la coutume, comme pour posséder des fiefs, pour les partages, successions & autres choses semblables ; mais elle ne préjudicie point aux droits du Roi.

La noblesse utérine de Champagne a été confirmée par une foule de jugemens & arrêts, dont les derniers sont de Noël 1599, 11 Janvier 1608, 7 Septembre 1622, 7 Septembre 1627, 14 Mars 1633, 18 Août 1673. Il y eut en 1668 procès intenté au conseil de la part du préposé à la recherche des faux nobles contre les nobles de Champagne, que l'on prétendoit ne tirer leur noblesse que du côté maternel ; mais le procès ne fut pas jugé, le conseil ayant imposé silence au préposé. Voyez les recherches sur la noblesse utérine de Champagne.

L'exemple le plus fameux d'une noblesse utérine reconnue en France est celui des personnes qui descendent par les femmes de quelqu'un des freres de la Pucelle d'Orléans. Elle se nommoit Jeanne Dars ou Darc. Charles VII. en reconnoissance des services qu'elle avoit rendus à la France par sa valeur, par des lettres du mois de Décembre 1429, l'annoblit avec Jacques Dars ou Darc & Isabelle Romée ses pere & mere, Jacquemin & Jean Dars & Pierre Perrel ses freres, ensemble leur lignage, leur parenté & leur postérité née & à naître en ligne masculine & féminine. Charles VII. changea aussi leur nom en celui de du Lys.

On a mis en doute si l'intention de Charles VII. avoit été que la postérité féminine des freres de la pucelle d'Orléans eût la prérogative de transmettre la noblesse à ses descendans, parce que c'est un style ordinaire dans ces sortes de chartes d'annoblir les descendans mâles & femelles de ceux auxquels la noblesse est accordée, mais non pas d'annoblir les descendans des filles, à moins qu'elles ne contractent des alliances nobles. La Roque, en son traité de la noblesse, rapporte vingt exemples de semblables annoblissemens faits par Philippe de Valois, par le roi Jean, par Charles V. Charles VI. Charles VII. & Louis XI. en vertu desquels personne n'a prétendu que les filles eussent le privilege de communiquer la noblesse à leurs descendans ; il n'y a que les parens de la pucelle d'Orléans qui aient prétendu avoir ce privilege.

Il fut néanmoins interprété par une déclaration d'Henri II. du 26 Mars 1555, par laquelle il est dit qu'il s'étend & se perpétue seulement en faveur de ceux qui seroient descendus du pere & des freres de la Pucelle en ligne masculine & non féminine, que les seuls mâles seroient censés nobles, & non les descendans des filles, si elles ne sont mariées à des gentilshommes. Ce même privilege fut encore aboli par l'édit d'Henri IV. de l'an 1598, sur le fait des annoblissemens créés depuis 1578. L'édit de Louis XIII. du mois de Juin 1614, article 10, porte que les filles & les femmes descendues des freres de la pucelle d'Orléans n'annobliront plus leurs maris à l'avenir. Les déclarations de 1634 & de 1635 portent la même chose. Ainsi, suivant l'édit de 1614, les descendans de la pucelle d'Orléans par les filles, nés avant cet édit, sont maintenus dans leur possession de noblesse, mais ce prétendu privilege a été aboli à compter de cet édit.

Il y a dans d'autres pays quelques exemples de semblables privileges. J'ai vu des lettres du mois de Fevrier 1699, accordées dans une souveraineté voisine de la France, qui donnoient aux filles du sieur de * * * le droit d'annoblir leurs maris ; mais je ne sais s'il y a eu occasion de faire valoir ce privilege.

Juste-Lipse dit qu'à Louvain il y a sept familles principales & nobles, qui ont droit de transférer la noblesse par les femmes ; desorte que si un roturier épouse une fille de l'une de ces familles, les enfans qui naissent d'eux sont tenus pour nobles, & leurs descendans pour gentilshommes.

François Pyrard rapporte qu'aux îles Maldives les femmes nobles, quoique mariées à des personnes de condition inférieure & non nobles, ne perdent point leur rang, & que les enfans qui en sont issus sont nobles par leur mere. Voy. les recherches sur la noblesse utérine de Champagne ; le traité de la noblesse par la Roque ; le code des tailles, le mem. alphabétique des tailles, & ci-devant NOBLESSE MATERNELLE. (A)

NOBLESSE, usurpateur de la, (Hist. de France.) On nomme en France usurpateurs de la noblesse ou faux nobles, ceux qui n'étant pas nobles usurpent les droits & les privileges de la noblesse. Sous M. Colbert on en fit plusieurs fois la recherche, qui ne parut pas moins intéressante pour les revenus publics, que pour relever l'éclat de la véritable noblesse ; mais la maniere d'y procéder fut toujours mauvaise, & le remede qu'on prit pour ce genre de recherches pensa être aussi funeste que le mal. Les traitans chargés de cette discussion, se laisserent corrompre par les faux nobles qui purent les payer ; les véritables nobles furent tourmentés de mille manieres, au point qu'il fallut rechercher les traitans eux-mêmes, qui trouverent encore le moyen d'échapper à la peine qu'ils méritoient. (D.J.)


NOCERATERRE DE, (Hist. nat.) terra noceriana ; ainsi nommée, parce qu'on la trouve à Nocera en Ombrie. Espece de terre bolaire blanche, pesante & compacte ; mise au feu elle blanchit encore plus, sans acquérir beaucoup plus de dureté. Voyez d'Acosta, natur. history of fossils.

NOCERA, (Géogr.) ancienne ville d'Italie dans l'Ombrie, au duché de Spolete, avec un évêché suffragant du pape. Strabon la nomme Nuceria, & dit qu'il s'y fabriquoit des vases de bois qui étoient estimés. Ptolémée, l. III. c. j. lui donne le nom de colonie. Elle est au pié de l'Apennin, à 7 lieues N. E. de Spolete. Long. 30. 30. lat. 43. 2.

NOCERA, (Géog.) petite ville d'Italie du royaume de Naples, dans la Calabre ultérieure, entre Martorano à l'orient, & la mer à l'occident. Long. 34. 40. lat. 39. 15. (D.J.)


NOCESS. f. nuptiae, (Jurisprudence) se prend pour la célébration du mariage. On appelle don de noces celui qui est fait en faveur de mariage ; gain de noces & de survie celui que le survivant des conjoints gagne, soit en vertu de la loi ou usage, ou en vertu de la convention. Voyez GAIN & MARIAGE.

On appelle premieres noces le premier mariage que quelqu'un a contracté ; mais on ne se sert de ce terme que par opposition à celui de secondes, troisiemes & autres noces, c'est-à-dire pour distinguer le premier mariage des autres mariages subséquens. (A)

NOCES DES HEBREUX, (Hist. sacrée) du latin nuptiae, de nubere, couvrir d'un voile, parce que les nouvelles mariées se couvroient la tête par modestie. Ce mot dans l'Ecriture se prend pour les cérémonies qui se pratiquoient le jour du mariage, nuptiae factae sunt in Canâ Galilaeae, Joan. ij. 1. 2°. pour le festin des noces, nuptiae quidem paratae sunt, Matth. xxij. 8. Ce festin signifie la gloire dont les saints jouissent dans le ciel ; ce qui est aussi marqué par la parabole des vierges qui attendoient la venue de l'époux, intraverunt cum eo ad nuptias, Matthieu, xxv. 10. 3°. Le lieu où se célebrent les noces : impletae sunt nuptiae discumbentium, Matth. xxij. 10. 4°. Pour le mariage & l'union de l'époux & de l'épouse, non est in loco nostro consuetudinis ut minores ante tradamus ad nuptias, Gen. xxjx. 26. 5°. Pour le droit acquis par le mariage, quod si alteram ei acceperit, providebit puellae nuptias, Exod. xxj. 10. Si quelqu'un fait épouser à son fils une esclave, & que ce fils épouse encore une autre femme, il traitera cette premiere comme sa femme.

Les Hébreux se marioient de bonne heure, & dès l'âge de treize ans il étoit permis aux enfans de prendre femme ; ils ne passoient guere, sans l'avoir fait, la dix-huitieme année, & ils auroient cru pécher contre le précepte croissez & multipliez. De-là il est aisé de comprendre pourquoi le célibat & la stérilité étoient un opprobre dans Israël, & pourquoi ils avoient soin de faire épouser au frere du mari mort sans enfans la veuve qu'il avoit laissée. Les filles se marioient aussi-tôt après l'âge de puberté, c'est-à-dire à douze ans ; mais avant leur mariage elles ne paroissoient point d'ordinaire en public : on les appelloit alma, cachées.

On voit la maniere dont se faisoit la demande d'une fille dans celle que fit Sichem de Dina, Eliezer de Rebecca, & le jeune Tobie de Sara. Le mari donnoit la dot à sa femme, & sembloit acheter la personne qu'il vouloit épouser. Augmentez la dot que vous voulez qu'on lui donne, dit Hemor à Jacob ; demandez quel présent il vous plaira, je lui donnerai volontiers, pourvu que vous veuilliez (à Sichem son fils) la lui donner pour épouse. Gen. xxxjv. 8. Jacob achete Liae & Rachel par 14 ans de service. Gen. xxjx. David donne cent prépuces de philistins pour Michols. 2. Reg. iij. 14. & Osée 15 pieces d'argent pour sa femme. Os. iij. 2.

Les fiançailles se faisoient ou par un écrit ou par une piece d'argent que l'on donnoit à la fiancée : Recevez cet argent pour gage que vous serez mon épouse, disoit le jeune homme à sa prétendue. Ils avoient dès-lors la liberté de se voir ; & si pendant le tems qui s'écouloit depuis les fiançailles jusqu'au mariage la fille commettoit quelqu'infidélité, elle pouvoit être traitée comme adultere.

Lorsque le tems de conclure le mariage étoit arrivé, on en dressoit le contrat, & au jour arrêté on conduisoit le fiancé & la fiancée dans une salle préparée, on les plaçoit sous un dais, & on leur mettoit un voile quarré que les Hébreux appellent teled ; ensuite le chantre de la synagogue ou le plus proche parent du marié, remplissoit une tasse de vin ; & ayant prononcé cette bénédiction : Soyez beni, seigneur, qui avez créé l'homme & la femme, & ordonné le mariage, il leur en donnoit à boire. Puis l'époux mettoit un anneau au doigt de son épouse en présence de deux témoins, & lui disoit : Par cet anneau vous êtes mon épouse, suivant l'usage de Moïse & d'Israël.

On croit qu'avant la ruine du temple de Jérusalem, l'époux & l'épouse portoient des couronnes dans la cérémonie de leurs noces, & l'Ecriture fait mention de celle de l'époux : Je me réjouirai au Seigneur comme un époux orné de sa couronne. Isaïe, lxj. 10. Et dans le cantique : Filles de Jérusalem, venez voir le roi Salomon orné de la couronne que sa mere lui a mise le jour de son mariage. iij. 11. On apportoit ensuite une deuxieme fois du vin dans un vase fragile ; & après plusieurs bénédictions, on présentoit à boire aux mariés, & on jettoit le reste à terre en signe d'allégresse ; l'époux prenoit le vase & le cassoit avec force, pour marquer que les plus grandes joies sont suivies des plus grands chagrins. Alors tous les assistans souhaitoient aux nouveaux mariés mille prospérités, comme cela se fit au mariage d'Isaac & de Rebecca, imprecantes prospera sorori suae, atque dicentes, soror nostra es, crescas in mille millia. Genese, xxjv. 60.

Le repas de la noce se faisoit avec beaucoup de bienséance : on chantoit à table des louanges & des cantiques en l'honneur de Dieu, pour imiter ce qui se passa dans le repas que donna Raguel quand il maria sa fille Sara au jeune Tobie. On voit par l'évangile que l'on donnoit à l'époux un paranymphe, que Jesus-Christ appelle l'ami de l'époux : son devoir étoit de faire les honneurs de la noce, d'executer les ordres de l'époux. Mais l'ami de l'époux, dit S. Jean Baptiste, qui est debout & qui obéit à la voix de l'époux, se réjouit d'obéir à sa voix. Jean, iij. 29.

L'époux avoit toujours auprès de lui un nombre de jeunes gens, & l'épouse de jeunes filles, qui les accompagnoient par honneur pendant les jours de la noce. On le voit dans l'histoire du mariage de Samson : ces jeunes gens prenoient plaisir à proposer des énigmes, & l'époux distribuoit des prix à ceux qui les expliquoient.

La cérémonie de la noce duroit sept jours pour une fille, & trois jours pour une veuve. Imple hebdomadam hujus copulae, & hanc quoque dabo tibi, disoit Laban à Jacob, Gen. xxjx. 26. Nous voyons aussi que les noces de Samson & celles du jeune Tobie durerent sept jours entiers.

Les sept jours de réjouissance qui se faisoient dans la maison du pere de la fille étant passés, on conduisoit l'épouse dans la maison du marié ; on choisissoit le tems de la nuit, comme il paroît dans la parabole des dix vierges, qui allerent au-devant de l'époux & de l'épouse. Cette action se faisoit avec pompe : nous en avons un exemple dans les Macchabées, où il est dit que le fils de Jambri ayant fait des noces à Meduba, comme on menoit en grande solemnité l'épouse au logis de l'époux, & que les amis du mari venoient au-devant d'elle avec des instrumens de musique, les Macchabées tomberent sur eux & les dissiperent. Macch. xxxvij & seq. Voyez de plus grands détails dans Spencer, & les auteurs des cérémonies & coutumes des Hébreux. (D.J.)

NOCE ALDOBRANDINE, la, (Peint. antiq.) morceau de peinture antique ; c'est une frise qu'on a trouvée dans les ruines de Rome, & qu'on a placée dans le palais Aldobrandin, avec la partie du mur sur laquelle elle étoit peinte. Cette frise représente une noce : la mariée est assise sur le bord du lit ; elle panche la tête, & fait, dit Misson, la difficile, pendant qu'une matrone la console d'un air riant, l'instruit & la persuade. L'époux couronné de lierre & tout deshabillé, est assis auprès du lit avec un certain air d'impatience. Quatre ou cinq femmes préparent en divers endroits des bains & des onguens aromatiques : une musicienne joue de la lyre ; une autre chante apparemment quelque épithalame.

Nous ignorons si la noce aldobrandine & les autres morceaux qui nous restent de la peinture antique, sont d'un grand coloriste ou d'un ouvrier médiocre de ces tems-là ; ce qu'on peut dire de certain sur leur exécution, c'est qu'elle est très-hardie. Ces morceaux paroissent l'ouvrage d'artistes autant les maîtres de leur pinceau que Rubens & que Paul Véronese l'étoient du leur. Les touches de la noce aldobrandine, qui sont très-heurtées, & qui paroissent même grossieres quand elles sont vues de près, font un effet merveilleux lorsqu'on considere ce tableau à la distance de vingt pas ; & c'étoit apparemment de cette distance qu'il étoit vû sur le mur où le peintre l'avoit fait. (D.J.)


NOCHERS. m. (Marine) c'est un vieux terme qui signifioit pilote. Les Poëtes l'ont employé souvent en ce sens. On s'en sert quelquefois pour dire contremaître, comme on peut le voir dans l'ordonnance de la Marine.


NOCIUOLO(Hist. nat.) nom que les pêcheurs de Livourne donnent à une espece de chien de mer qui pese quelquefois jusqu'à 300 livres, qui a six brasses de longueur. On croit que c'est le poisson appellé roussette.


NOCOR(Géog.) riviere d'Afrique au royaume de Fez ; elle sort des montagnes d'Elchans, & se jette dans la mer Méditerranée. Castel croit que c'est le Molocath de Ptolomée, l. IV. c. j.


NOCTAMBULENOCTAMBULE


NOCTULIUS(Mythol.) dieu de la nuit qu'on représentoit éteignant son flambeau, & ayant à ses piés une chouette ; mais Congreve l'a su peindre avec des traits ingénieux & délicats.

Noctulius the night's god appears.

In all its downy pomp array'd,

Behold the révérend shade.

An ancient sigh he sits upon,

Whose memory of sound is long since gone

And purposely annihilated for his throne.

Beneath, two soft transparent clouds do meet,

In wich he seems to sink his softer feet.

A melancholy thought, condens'd to air,

Stoll'n from a lover in dispair,

Like a thin mantle, serves to wrap

In fluids folds his visionary shape ;

A wreath of darkness round his head he wears,

Where curlings mists supply the want of hairs.

While the still vapours, wich front poppies rise,

Bedew his houry head, and lull his eyes.

(D.J.)


NOCTURLABES. m. (Marine) c'est un instrument par lequel on prétend trouver combien l'étoile du nord est plus basse ou plus haute que le pole, & quelle heure il est pendant la nuit. Le P. Fournier a donné dans son Hydrographie, liv. X. ch. xx. la construction & l'usage de cet instrument, qui est défectueux, & dont il n'est pas sûr de faire usage. On a un moyen plus exact de reconnoître le passage de l'étoile polaire par le méridien. Voy. LATITUDE. Et à l'égard de l'heure, c'est encore un problème dont on n'a pu trouver une solution assez simple pour la pratique, quoiqu'on ait proposé pour cela plusieurs moyens fort ingénieux, comme on peut le voir dans la piece qui a remporté le prix de l'académie royale des Sciences en 1745, sur cette matiere, par M. Daniel Bernoulli. (Z)


NOCTURNEadj. (Astronom.) se dit de ce qui a rapport à la nuit, nox. Il est opposé à diurne. Voy. NUIT & DIURNE.

Arc nocturne en Astronomie, est l'arc de cercle que le soleil ou une étoile décrit pendant la nuit, c'est-à-dire l'arc qu'ils décrivent ou paroissent décrire pendant qu'il est sous l'horison. V. ARC & DIURNE.

Arc semi-nocturne du soleil, est la portion de cercle comprise entre l'extrêmité inférieure de notre méridien & le point de l'horison où le soleil se leve ou se couche. En effet, l'arc nocturne est divisé en deux parties égales ou à-peu-près égales par le méridien. Voyez MERIDIEN & MIDI. Chambers. (O)

NOCTURNES, s. m. (Théolog.) On donne ce nom à cette partie de l'office ecclésiastique que nous appellons matines, & qui est divisée en trois nocturnes, ainsi nommés, parce qu'on ne les chantoit que pendant la nuit : ce qui s'observe encore en quelques églises cathédrales, qui chantent matines à minuit. La coutume des chrétiens de s'assembler de nuit, avoit lieu dès le tems des Apôtres ; ce qui fut cause que les payens chargerent de plusieurs calomnies les premiers chrétiens, à l'occasion de ces assemblées nocturnes, comme il paroît par les apologies de Justin, d'Athénagoras, de Tertullien, & de quelques peres. On lisoit dans ces assemblées quelques endroits des pseaumes, des prophéties ou du nouveau Testament. D'où il est aisé de juger que l'office ecclésiastique, qu'on appelle présentement matines, est né avec le Christianisme, bien qu'il ne fût pas alors dans la même disposition qu'il est aujourd'hui, car on n'y lisoit rien que l'Ecriture sainte, si ce n'est que les jours consacrés à honorer la mémoire des martyrs, on récitoit devant tout le monde les actes de leur martyre, d'où est ensuite venue la coutume d'insérer dans l'office l'histoire des saints dont on fait la fête. M. Simon. (G)

NOCTURNES, peines nocturnes sont les suites fréquentes des désordres vénériens, qui ne peuvent être que palliées par les narcotiques ; il n'y a que le mercure & l'usage des anti-vénériens long-tems continués, qui puissent les faire cesser entierement.

Ce mal est aussi une suite de la mélancholie & de la manie, & peut très-bien se rencontrer sans qu'il y ait aucun virus dans le sang, mais par le seul desséchement & l'acrimonie bilieuse du sang & des humeurs, jointe à l'épaississement. Tous les mélancholiques & les maniaques sont très-sujets aux desordres nocturnes. Voyez MELANCHOLIE.


NODOTUSS. m. (Mytholog.) dieu qui présidoit chez les Romains à la formation des noeuds du tuyau des blés ; mais c'est un dieu sorti de la fabrique de S. Augustin, qui a forgé semblablement une déesse volutina pour l'enveloppe de l'épi ; une déesse patelène pour l'épi qui commence à s'ouvrir ; une déesse hostiline quand la barbe de l'épi & l'épi sont à niveau ; une déesse lacturce quand le grain est en lait ; une déesse maturne quand il étoit meur, & finalement une déesse runcine quand on le coupoit. (D.J.)


NODUS(en Chirurgie) mot purement latin, mais qui ne laisse pas de s'employer en françois dans les matieres chirurgiques ; il signifie une tumeur qui vient sur les os, laquelle procede pour l'ordinaire d'une cause vénérienne, voyez TUMEUR & OS, c'est la même chose que noeud en françois.

On prend communément pour nodus des petites exostoses ou des tumeurs en forme de petits noeuds qui s'élévent sur la superficie des os & la rendent inégale. Voyez EXOSTOSE.

Il paroit que le nodus est engendré par une humeur crasse, froide & visqueuse, laquelle est souvent très-difficile à résoudre. On se sert quelquefois pour y parvenir, d'une lame de plomb enduite de mercure qu'on applique sur le nodus.

Mais plus ordinairement on y applique l'emplastrum de ranis cum mercurio ; & si elle ne fait rien, on frotte de tems en tems le nodus, avec quelque onguent mercuriel, après quoi on y applique des emplâtres mercuriels de cinabre & autres ingrédiens.

Quelques-uns appellent nodus ou noeuds, toutes les tumeurs dures qui viennent aux parties extérieures du corps, en conséquence d'humeurs peccantes qui y sont coagulées.

Mais ce terme s'applique plus particulierement aux tumeurs & protuberances qui viennent aux jointures des goutteux, sur - tout quand la goutte est invéterée, & qu'on appelle autrement des tophus. Voyez TOPHUS.

Ces nodus ou tophus sont formés, à ce qu'on prétend, d'une matiere épaisse, crue, pesante & indigeste, mêlée avec un suc bilieux, chaud & âcre, dont la partie la plus grossiere & la plus terrestre, étant retenue dans ces parties, y forme par degrés des concrétions pierreuses. Voy. GOUTTE. (Y)


NOÉGA(Géog. anc.) ancienne ville d'Espagne, selon Pomponius Mela, qui la place, ainsi que Pline, chez les Asturiens sur la côte. On croit communément que c'est aujourd'hui Navia. (D.J.)


NOËL(Hist. ecclésiast.) personne n'ignore que c'est la fête de la nativité de J. C. Voy. NATIVITE DE J. C.

Neuf jours devant la célébration de cette sainte fête, on chante dans l'église catholique les antiennes qu'on appelle des OO ; parce qu'elles commencent toutes par O, & ces sortes de cantiques sacrés ne peuvent tendre qu'à l'édification ; mais il n'en étoit pas de même de la maniere dont la fête de Noël se faisoit encore à Valladolid au milieu du dernier siecle. On y employoit les mêmes extravagances qu'à la fête des fous dans notre barbarie : des masques grotesques, des habits de mascarades, des danses dans l'église avec des tambours de basque & des violons, s'accordoient aux orgues qui sonnoient des chaconnes ; & le peuple crioit victor à celui qui chantoit le mieux un villaneio d'une mule qui rue, &c. Les lumieres de l'esprit qui ne percent que fort tard, ont enfin dissipé partout ces sortes d'indécences. (D.J.)

NOEL, s. m. (Poësie sacrée) chanson spirituelle faite en l'honneur de la nativité de Notre-Seigneur ; Pasquier dit dans ses recherches, liv. IV. ch. xvj. que de son tems on chantoit encore en plusieurs églises des noëls pendant la grand - messe du jour de noël : un autre historien prétend, que la plûpart des noëls qu'on chante en France, sont des gavottes & des menuets d'un ballet qu'Eustache du Corroy, un des plus grands musiciens de son siecle, avoit composé pour le divertissement du roi Charles IX. (D.J.)


NOELA(Géog. anc.) ville de l'Espagne Tarragonoise dans le pays des Asturiens, selon Pline, liv. IV. ch. xx. c'est aujourd'hui Noya sur le Tambre. (D.J.)


NOELA-TALI(Hist. nat. Botan.) arbre des Indes orientales qui est, dit-on, une espece d'épine-vinette : ses feuilles ressemblent à celles d'un oranger ; l'arbre est d'une grosseur moyenne, son fruit est très-rafraichissant, & l'on fait des cordes avec son écorce.


NOERE(Géog.) petite riviere de France dans l'Angoumois : elle se jette dans la Charente, entre Angoulème & Château-neuf. (D.J.)


NOESSEL(Commerce) c'est le nom que l'on donne en quelques cantons d'Allemagne à une mesure de liquides qui pese une livre, poids médicinal, c'est-à-dire douze onces. Cette mesure répond à une chopine.


NOETIENSS. m. pl. (Théol.) secte d'anciens hérétiques, disciples de Noëtus, natif d'Ephèse, & maître de Sabellius.

Ces hérétiques n'admettoient qu'une seule personne en Dieu ; savoir le pere, & ils croyoient par conséquent, que c'étoit le Pere qui avoit souffert sur la croix. S. Epiphane qui a écrit cent ans après Noëtius, dit que c'est-là une erreur dont on n'avoit point encore entendu parler ; cependant il est certain qu'il y a eu dans l'église des patripassiens avant les Noëtiens.

Le chef de ces derniers ayant été repris de ses supérieurs, il leur fit cette réponse : quel mal ai-je fait ? je n'adore qu'un seul Dieu, je n'en connois point d'autre ; il est né, il a souffert, & il est mort. D'autres auteurs disent qu'ayant été cité devant les prêtres, il désavoua d'abord ses erreurs, & qu'y étant ensuite retombé, il fut chassé de l'église, & fit une secte à part. Il avoit un frere imbu des mêmes sentimens auquel il donnoit le nom d'Aaron, prenant pour lui-même celui de Moïse. Ils vivoient au commencement du troisieme siecle. (G)


NOEUDS. m. (Géom.) courbe à noeud, est une courbe composée de branches, qui se coupent ou se croisent elles-mêmes en revenant sur leurs pas. La lemniscate, le folium, voyez ces mots & plusieurs autres courbes, sont des courbes à noeuds.

Dans la fig. 42. de l'analyse, les points A sont autant de noeuds, voyez COURBE. Ainsi un noeud n'est autre chose qu'un point double, voyez DOUBLE, MULTIPLE & POINT, formé non par deux branches différentes d'une même courbe, mais par deux parties d'une même branche qui formant un cours continu, revient sur elle - même & se coupe. (O)

NOEUDS, c'est le nom qu'on donne en Astronomie aux deux points où l'orbite d'une planete coupe l'écliptique. Voyez ORBITE & ECLIPTIQUE.

Tels sont les deux points C & D (Planche Astron. fig. 33.) le noeud C, d'où la planete part pour monter vers le nord au-dessus du plan de l'écliptique, est appellé noeud boreal, noeud ascendant, & autrefois tête du dragon, & se marque ainsi Voyez ASCENDANT & DRAGON.

L'autre noeud D, d'où la planete descend vers le sud, est appellé noeud austral, noeud descendant, & autrefois queue du dragon ; on le marque ainsi ; la ligne droite D C, qui est la commune section des deux cercles, est appellée ligne des noeuds.

La ligne des noeuds de la lune se meut d'un mouvement retrograde, & acheve sa révolution en dix-neuf ans ; c'est-à-dire qu'elle met ce tems-là à revenir à un point de l'écliptique, d'où elle est partie. Voyez LUNE.

Quand la lune est dans les noeuds, elle est aussi dans l'écliptique, ce qui arrive deux fois dans chaque période. Quand elle est à sa plus grande distance des noeuds, savoir, aux points E F, on dit alors qu'elle est dans ses limites. Voyez LIMITE.

Quand il y a éclipse, soit de lune, soit de soleil, la lune doit être dans un des noeuds ou au moins en être fort proche. Voyez ECLIPSE, PLANETE, &c.

On observe que les noeuds de l'orbite de Saturne & de celle de Jupiter ont aussi un mouvement, & cela vient de l'action que ces planetes exercent l'une sur l'autre, & qui les empêche de se mouvoir dans des plans exacts ; cette même action mutuelle des planetes doit affecter plus ou moins sensiblement leurs noeuds, & même ceux des cometes. Voy. PROBLEME des TROIS CORPS.

Pour déterminer les noeuds des planetes, c'est-à-dire, la position de la ligne des noeuds ; on entend que la planete se trouve dans l'écliptique, ce qui arrive lorsque sa longitude observée est nulle, & par deux observations de cette sorte, on détermine aisément avec le secours de la trigonometie, la position de la ligne des noeuds. Voy. Keill, introd. ad veram Astron. ch. xxvij. Chambers. (O)

NOEUD, (en Chirurgie) nodus, calus, tophus ; c'est la même chose que nodus, voyez NODUS ; ce terme se dit particulierement de ces tumeurs dures & gypseuses qui se forment aux jointures des vieux goutteux, & qui se nomment proprement en latin tophi. Voyez TOPHUS.

NOEUD DU CHIRURGIEN ; c'est un noeud qu'on fait en passant deux fois le fil dans la même anse ; on se sert du noeud du Chirurgien pour la ligature des vaisseaux, & l'on assujettit ce noeud par un autre qui est simple. Le noeud double se fait le premier, afin qu'il ne puisse point se relâcher pendant qu'on fait l'anse pour le second noeud. (Y)

NOEUDS DE MARBRE, (Architect.) ce sont des duretés par veines ou taches dans les marbres. On appelle émeril les noeuds de couleur de cendre dans le marbre blanc ; ils sont très-difficiles à travailler. Les ouvriers donnent le nom de cloux aux noeuds des autres marbres.

NOEUDS DE SERRURERIE, ce sont les différentes divisions qui se font dans les charnieres de fiches ou couplets, de portes ou fenêtres, par où le clou ou la rivure passent. Il y a des fiches à deux, à trois & à quatre noeuds. (D.J.)

NOEUD, (Jardinage) signifie proprement la partie de l'arbre par où il pousse ses branches, ses racines, & même son fruit. Voyez ARBRE, BRANCHE, &c.

Le bois est plus dur & plus serré dans les noeuds, que dans le tronc ni dans les branches, mais aussi il est plus sujet à s'éclater. On taille la vigne & les arbres nains, au premier & au second noeud du nouveau jet.

Les noeuds des plantes servent à fortifier la tige, & sont comme des tamis qui filtrent, qui purifient & qui affinent le suc qui sert à les nourrir.

NOEUDS, (Marine) noeuds de la ligne du loch, sont des noeuds espacés ordinairement les uns des autres de quarante-deux à cinquante piés, par le moyen desquels on estime le chemin du vaisseau, en mesurant la longueur de la partie de cette corde qu'on a dévidée pendant une demi-heure ; car le vaisseau fait autant de milles par heure qu'on a filé de noeuds, en supposant qu'il aille toujours également, & ayant égard aux courans & à la dérive, &c. Voyez LOCH.

NOEUD. ORDRE DU NOEUD, (Hist. mod.) nom d'un ordre militaire du royaume de Naples, institué en 1352 par la reine Jeanne I. à l'occasion de la paix conclue entre elle & le roi de Hongrie, au moyen de son mariage avec Louis, prince de Tarente.

Cet ordre étoit composé de soixante chevaliers. Clément VI. l'approuva & lui donna la regle de S. Basile ; il prit S. Nicolas pour protecteur, mais il ne dura qu'autant que ses instituteurs vécurent.

NOEUD D'UNE QUESTION, (Logiq. raisonn. Métaphys.) Ce mot se dit des principes reconnus qui servent à décider une question qu'on trouve peut-être embarrassante. Il ne faut pas confondre ces principes avec les argumens superficiels qu'on tire des lieux communs, qui tendent plutôt à nous amuser qu'à découvrir la vérité, l'unique but d'un esprit inquisitif. Par exemple, supposé que l'on demande si le grand-seigneur a droit de prendre tout ce qu'il veut de son peuple ? on ne sauroit bien répondre à cette question sans examiner d'abord si les hommes sont naturellement égaux ; car c'est-là le noeud de la question. Cette vérité une fois prouvée, on n'a qu'à la retenir au milieu des disputes qui s'agitent sur les différens droits des hommes unis en société ; & l'on trouvera combien elle influe pour décider non-seulement la question du prétendu droit despotique d'un souverain à l'égard de ses sujets, mais plusieurs autres questions qui s'y rapportent indirectement, & dont la décision paroît difficile. Locke. (D.J.)

NOEUD, (Poésie dramat. & épiq.) Le noeud est un événement inopiné qui surprend, qui embarrasse agréablement l'esprit, excite l'attention, & fait naître une douce impatience d'en voir la fin. Le dénouement vient ensuite calmer l'agitation où on a été, & produit une certaine satisfaction de voir finir une aventure où l'on s'est vivement intéressé.

Le noeud & le dénouement, sont les deux principales parties du poëme épique & du poëme dramatique. L'unité, la continuité, la durée de l'action, les moeurs, les sentimens, les épisodes, & tout ce qui compose ces deux poëmes, ne touchent que les habiles dans l'art poétique dont ils connoissent les préceptes & les beautés ; mais le noeud & le dénouement bien ménagés, produisent leurs effets également sur tous les spectateurs & sur tous les lecteurs.

Le noeud est composé, selon Aristote, en partie de ce qui s'est passé hors du théatre avant le commencement de l'action qu'on y décrit, & en partie de ce qui s'y passe ; le reste appartient au dénouement. Le changement d'une fortune en l'autre, fait la séparation de ces deux parties. Tout ce qui le précede est de la premiere ; & ce changement avec ce qui le suit regarde l'autre.

Le noeud dépend entierement du choix & de l'imagination industrieuse du poëte, & l'on n'y peut donner de regle, sinon qu'il y doit ranger toutes choses selon la vraisemblance ou le nécessaire, sans s'embarrasser le moins du monde des choses arrivées avant l'action qui se présente.

Les narrations du passé importunent ordinairement, parce qu'elles gênent l'esprit de l'auditeur, qui est obligé de charger sa mémoire de ce qui est arrivé plusieurs années auparavant, pour comprendre ce qui s'offre à sa vûe. Mais les narrations qui se font des choses qui arrivent & se passent derriere le théatre depuis l'action commencée, produisent toûjours un bon effet, parce qu'elles sont attendues avec quelque curiosité, & font partie de cette action qui se présente. Une des raisons qui donne tant d'illustres suffrages à Cinna, c'est qu'il n'y a aucune narration du passé ; celle qu'il fait de sa conspiration à Emilie étant plutôt un ornement qui chatouille l'esprit des spectateurs, qu'une instruction nécessaire de particularités qu'ils doivent savoir pour l'intelligence de la suite. Emilie leur fait assez connoître dans les deux premieres scenes, que Cinna conspiroit contre Auguste en sa faveur ; & quand son amant lui diroit tout simplement que les conjurés sont prêts pour le lendemain, il avanceroit autant pour l'action que par les cent vers qu'il emploie à lui rendre compte & de ce qu'il leur a dit, & de la maniere dont ils l'ont reçu. Il y a des intrigues qui commencent dès la naissance du héros, comme celle d'Héraclius ; mais ces grands efforts d'imagination en demandent un extraordinaire à l'attention du spectateur, & l'empêchent souvent de prendre un plaisir entier aux premieres représentations, à cause de la fatigue qu'elles lui causent.

Au reste, le noeud doit être toûjours naturel & tiré du fond de l'action ; & c'est une regle qu'on doit observer indispensablement dans le poëme dramatique comme dans le poëme épique. Dans l'Odyssée, c'est Neptune qui forme le noeud ; dans l'Enéïde, c'est la colere de Junon ; dans Télémaque, c'est la haine de Vénus. Le noeud de l'Odyssée est naturel, parce que naturellement il n'y a point d'obstacle qui soit plus à craindre pour ceux qui vont sur mer, que la mer même. L'opposition de Junon dans l'Enéïde, comme ennemie des Troyens, est une belle & ingénieuse fiction. Enfin, la haine de Vénus contre un jeune prince qui méprise la volupté par amour de la vertu, & dompte ses passions par les secours de la sagesse, est une fable tirée de la nature, qui renferme en même tems une excellente morale. (D.J.)

NOEUD, (Hydr.) On joint deux tuyaux de plomb par des noeuds de soudure ; ceux de bois & de grès par des noeuds de mastic. (K)

NOEUD DE CHARIOT, (Artillerie) c'est le noeud que font les conducteurs de charrois, quand ils passent des cordages dans les rouages pour relever des pieces renversées. (D.J.)

NOEUD D'EPAULE, en terme d'Aiguilletier ; voyez AIGUILLETTE.

NOEUD DE L'ARTIFICIER, c'est une suite de trois ou quatre boucles de ficelles croisées lâches, qu'on serre en tirant les deux extrémités, pour retenir par leur frottement le ressort de la ficelle d'un simple tour, qui le fait lâcher avant qu'on ait pû lier les bouts.

NOEUD, (Bas au métier.) Voyez cet article.

NOEUD, en terme de Chauderonnier ; c'est un ornement qui s'assied au milieu de la premiere branche d'une trompette, & dans laquelle la seconde branche passe.

NOEUD, (Jardinage) voyez NOUER, par rapport aux fruits. On dit un noeud en fait d'ornemens de parterre ; c'est ce qui lie plusieurs rainceaux ensemble, comme feroit une agraffe.

NOEUD, (Maréchal.) se dit dans les animaux des jointures de quelques-uns de leurs os, & particulierement de la queue des chevaux, des chiens & des chats.

NOEUD DE COLLIER, c'est chez les Metteurs-en-oeuvre des especes de rosette de plusieurs feuilles en pierreries, dont les dames se servent quelquefois au lieu de collier. Il y en a qu'on appelle noeuds bouffans, parce qu'ils sont plus touffus & plus épanouis que les autres.

NOEUD, terme de Marchand de modes ; se dit pareillement des choses qui servent à en attacher & à en nouer d'autres ensemble, ou du-moins qui semblent servir à cet usage, quoiqu'elles ne soient le plus souvent que de pur ornement. Tels sont les noeuds de chapeau, les noeuds d'épaule, les noeuds d'épée, & les noeuds de diamans, de rubis, de perles, ou autres pierreries. Les Lapidaires & Joailliers montent & vendent ceux-ci ; les autres sont du commerce des Tissutiers-Rubaniers, & des Marchands-Merciers qui font le commerce de la rubanerie. Savary. (D.J.)

NOEUD A QUATRE, en terme de Marchand de modes ; est un ornement de ruban noué en deux feuilles de chaque côté. On fait aussi des noeuds à deux feuilles, mais plus rarement, parce qu'ils garnissent moins.

NOEUD D'EPAULE, en terme de Marchand de modes, est une aiguillette de plusieurs doubles de rubans d'or ou d'argent, & même de soie, à chaque bout inférieur desquels on attache des pentes ; voyez PENTES. Les autres, assemblés l'un sur l'autre, se plissent le plus près qu'il est possible, se percent d'une boutonniere, ou se cousent à l'habit.

NOEUD D'EPEE, en terme de Marchand de modes ; est un ruban de telle ou telle grandeur, uni ou broché, &c. à un bout duquel on fait un noeud à quatre, & que l'on tourne par l'autre autour de la branche de l'épée. Quelquefois on attache une pente sous le noeud à quatre pour plus grand enjolivement. Voyez NOEUD A QUATRE & PENTE.

NOEUD DE MANCHES, en terme de Marchand de modes ; sont des noeuds de rubans à quatre feuilles que l'on attache sur la manche de la robe d'une dame, juste au pli du bras en-dessus. Ces rubans doivent être de même couleur que le reste de la parure. Voyez PARURE.

NOEUD D'AIGUIERE ou autre ouvrage, en terme d'Orfevre en gros ; c'est un ornement qu'on voit entre le corps & le pié d'une aiguiere ou autre ouvrage. Il est enrichi de plusieurs moulures qui se succedent en s'avançant l'une sur l'autre jusqu'au milieu du noeud.

NOEUD, terme de Plomberie ; c'est l'endroit par lequel on joint ensemble avec de la soudure deux ou plusieurs tuyaux de plomb. Un mémoire sur le prix des ouvrages de Plomberie, porte que les tuyaux de plomb pour les fontaines, soudés de long avec noeuds de soudure pour les joindre, se paient quatorze livres dix sols le cent pesant en oeuvre, y compris les tranchées pour les mettre en place, & le remplissage des tranchées.

NOEUDS, (Rubanier) Lorsqu'on ajoute une piece au bout de celle qui finit, & que l'on veut que l'ouvrage soit d'un même morceau, voici comme il faut s'y prendre : on coupe une partie des fils de cette piece ajoutée d'inégale longueur à l'autre partie de la même piece, ensuite on en fait autant à la piece qui finit, observant que la partie courte de l'une doit s'unir avec la partie longue de l'autre ; & cela pour éviter que tous les noeuds de cette jonction ne se trouvent en un seul & même tas, ce qui causeroit une extrème difformité dans l'ouvrage, outre que le travail en deviendroit très-difficile par la confusion de cet assemblage de noeuds. Ces extrémités, ainsi coupées inégalement, sont unies ensemble par le moyen d'un noeud à chaque brin de soie, avec celui qui lui doit succéder : on entend assez qu'un court doit être noué avec un long, ou un long avec un court ; par conséquent les noeuds se trouvent partagés en deux distances, ce qui fait moins d'effet dans l'ouvrage & y cause moins de difformité.

NOEUDS DES RAMES, terme de Rubanier : voici ce que c'est. Après l'entier passage des rames, comme il a été enseigné à son article, & supposant toujours, ainsi que nous avons fait jusqu'à présent, un dessein à six retours, il faut former les noeuds ; & voici comment : toutes les rames en général arrangées, comme il a été dit, sur les rouleaux & à-travers leurs differentes grilles, sont actuellement attachées à leur pierre, il faut les prendre six à six pour faire un noeud. Ces six rames seront prises sur le premier rouleau du porte-rames de devant, mais dans six grilles différentes, on les passera plusieurs fois entre les doigts pour leur donner une égale tension, ce qui veut dire qu'il n'y en ait point de plus lâche l'une que l'autre : ensuite on les attache ensemble par un même noeud, c'est-à-dire que les six rames forment ce noeud, & c'est à l'extrêmité de ces six rames que l'on attache la lissette, ceci regarde également le glacis, comme la figure. Voyez FIGURE, GLACIS, ROULEAUX, RAMES, SSETTESTTES.

NOEUD, s. m. terme de Sculpteurs & de Marbriers. On appelle de la sorte, en terme de sculpteurs & de marbriers, des endroits qui se trouvent dans le marbre à peu-près comme les noeuds qui sont dans le bois. Ils sont si durs que les meilleurs outils rebroussent contre. On se sert ordinairement de la marteline pour les enlever. Ces noeuds sont toujours un défaut dans les marbres, particulierement dans les marbres blancs. (D.J.)

NOEUD, terme de Serrurerie, est en terme de serruriers & d'ouvriers sur métaux, qui montent des ouvrages à charnieres, ces divisions élevées, rondes, & percées dans le milieu, qui s'emboîtent les unes dans les autres, & qui sont toutes traversées & liées ensemble par une broche ou un clou rivé.

Il y a des fiches à plusieurs noeuds ; celles qu'on appelle fiches à chapelet, en ont quelquefois au-delà de vingt.

NOEUD, terme de Tisserand, c'est un noeud très-ferme, & qui n'est point sujet à se lâcher, dont les Tisserands & les autres ouvriers qui travaillent de la navette, se servent pour rejoindre les fils de la chaîne ou de la trame de leurs ouvrages qui se rompent en travaillant.

On dit esnouer un drap, une étoffe de laine, pour dire, en ôter ces sortes de noeuds avec de petites pinces de fer.

NOEUD, terme de Verrerie, est ce gros bouton ou épaisseur de verre qui reste au milieu de ce que les vitriers appellent un plat de verre. On nomme aussi ce noeud la boudine & l'oeil de boeuf.

NOEUDS, terme de Chasse, morceaux de chair qui se levent aux quatre flancs du cerf.


NOFESCH(Litholog. sacrée) mot hébreu qui signifie quelque pierre précieuse ; mais quelle est cette pierre précieuse ? les commentateurs du vieux Testament sont encore à le savoir. Voici la conjecture la plus heureuse. Nofesch paroît dériver de la racine fuch, qui veut dire une escarboucle, un rubis ; or comme dérivant de cette racine, il est naturel de penser qu'il désigne une pierre rouge, & point une pierre d'une autre couleur. Mais puisque fuch veut dire un rubis, nofesch signifiera quelque pierre précieuse approchante du rubis par la couleur ; ce sera donc vraisemblablement le grenat, & même d'autant mieux que la langue hébraïque n'a point de terme, de notre connoissance, pour signifier le grenat. (D.J.)


NOGA(Diete) Les qualités diététiques de cette espece de friandise doivent être estimées par celles des amandes & du miel, (voyez AMANDES & MIEL.) Ce dernier ingrédient a reçu pourtant une altération dans la cuite qu'exige la préparation du noga. Il est devenu plus visqueux ; il a acquis de l'âcreté. Aussi cet aliment empâte la bouche, rend la salive gluante, & excite une soif incommode. Il est d'ailleurs sujet à causer des aigreurs, des vents, & des dévoyemens. En tout, c'est une mauvaise drogue que le noga. (b)


NOGARO(Géog.) petite ville de France en Gascogne, capitale du bas Armagnac, sur la Midouze, à quatre lieues d'Aire. Il s'y est tenu deux conciles, l'un en 1290, & l'autre en 1315. Long. 17. 50. lat. 43. 40.


NOGENT(Géog.) grand bourg de l'Isle de France, à deux lieues de Paris, sur le bord de la Seine. Ce lieu est fort ancien, & son nom latin étoit Novigentum ou Novientum. C'étoit déja une bourgade au commencement du vj. siecle sous les enfans de Clovis. Ce fut là où Clodoald vulgairement appellé Saint Cloud, fils de Clodomir, se retira dans un monastere qu'il y fit construire, & dans lequel il mourut vers l'an 560. La dévotion que le peuple lui portoit, a fait changer le nom de Nogent en celui de Saint-Cloud. Voyez SAINT-CLOUD. (D.J.)

NOGENT-LE-ROI, (Géog.) en latin moderne Novigentum - regis ; petite ville de France, dans l'Orléanois, à 5 lieues de Chartres, & à 4 de Dreux. Elle est située dans un vallon où l'Eure commence à porter bateau. Longit. 18. 55. latit. 48. 30.

C'est ici que Philippe de Valois décéda le 23 Août 1350 ; quoiqu'il n'eût que 57 ans, dit Brantome, il mourut vieux & cassé. Il avoit épousé en secondes nôces, Blanche d'Evreux qui étoit dans la fleur de la jeunesse, & la plus belle princesse de son tems ; il l'aima beaucoup ; & elle avança sa carriere en répondant trop à sa passion.

Ce prince eut par engagement du roi de Majorque, les comtés de Roussillon & de Cerdaigne dans les Pyrénées ; il acquit de lui la baronie de Montpellier en Languedoc ; enfin il paya beaucoup d'argent pour le Dauphiné. Tout cela est assez surprenant dans un regne si malheureux ; mais l'impôt du sel, le haussement des tailles, les infidélités sur les monnoies lui donnerent les moyens de faire ces acquisitions. L'état fut augmenté, mais il fut appauvri ; & si Philippe VI. eut d'abord le surnom de fortuné, son peuple ne put jamais prétendre à ce beau titre ; & lui-même en déchut bien depuis la bataille de Crecy. (D.J.)

NOGENT-LE-ROTROU, (Géog.) gros bourg de France, dans le Perche, dont il prétend être le chef-lieu, sur l'Huisne, au diocèse de Séez, élection de Mortagne. Ce lieu a pris son nom de Rotrou, comte de Perche ; & c'est pourquoi on l'appelle en latin Novigentum-Rotrodi ou Rotroci. Il est à 12 lieues S. E. d'Alençon, 12 N. E. du Mans, 28 S. O. de Paris. Long. 18. 22. lat. 48. 20.

C'est la patrie de Belleau (Remy), ancien poëte françois qui mourut à Paris en 1577. Il a fait une traduction des odes d'Anacréon, en vers françois, où il regne quelquefois de la naïveté & des graces naturelles ; mais ses pastorales ne pouvoient plaire qu'à Ronsard. (D.J.)

NOGENT-SUR-SEINE, (Géog.) petite ville de France, en Champagne, sur la Seine, à 9 lieues de Montereau, 12 de Troyes & à 22 de Paris. Il y a bailliage, maréchaussée, & grenier à sel. Long. 21. 3. lat. 48. 25.


NOGUETS. m. terme de Vannier, espece de grand panier d'osier, très-plat, plus long que large, dont les angles sont arrondis, & les bords n'ont qu'environ deux pouces de hauteur ; il a une anse de châtaignier qui le traverse dans sa largeur, & qui sert à le tenir. Les femmes le portent sur la tête, & le posent sur une toile roulée & pliée en rond qu'elles nomment un tortillon ; les hommes qui s'en servent, le tiennent à la main.

L'usage du noguet est pour y arranger de petits paniers de fruits, comme de pêches, d'abricots, de figues & de prunes que les fruitiers & fruitieres crient dans les rues, ou pour y mettre en été les pots de crême & les petits fromages dressés dans des éclisses, que vendent les laitieres.

Le noguet de ces dernieres est garni de fer blanc, de crainte que le petit-lait qui se filtre à travers des éclisses ne puisse gâter les femmes qui portent ce panier sur leur tête. Dictionn. de Comm. (D.J.)


NOHESTANS. m. (Hist. ecclés.) C'est le nom qu'on donna, du tems d'Ezéchias roi de Juda, au serpent d'airain que Moïse avoit élevé dans le desert, ainsi qu'il est rapporté dans les Nombres, c. xxj. v. 8. & qui s'étoit conservé jusqu'à ce tems parmi les Israëlites.

Le peuple superstitieux s'étant laissé aller à rendre un culte particulier à ce serpent, Ezéchias le fit briser, & lui donna par dérision le nom de nohestan : comme qui diroit, ce petit je ne sai quoi d'airain, ou ce petit serpent d'airain ; car en hébreu nabas ou nabasch signifie un serpent & de l'airain.

On montre cependant encore aujourd'hui dans l'église de Saint Ambroise à Milan un serpent d'airain, que l'on prétend être celui que Moïse éleva dans le desert ; mais on sait certainement par l'Ecriture sainte, IV. Reg. xxxviij. 4. qu'Ezéchias fit mettre celui-ci en pieces de son tems, c'est-à-dire, vers l'an du monde 3278, & 722 ans avant J. C. Calmet, Diction. de la Bibl.


NOIR(Arts méchan.) Le noir est la couleur la plus obscure de toutes, & la plus opposée au blanc.

Il y a plusieurs sortes de noirs qui entrent dans le commerce, qui seront expliquées ci-après : savoir, le noir de Teinturiers, le noir d'Allemagne, le noir d'ivoire, ou noir de velours, le noir d'os, le noir de cerf, le noir d'Espagne, le noir de fumée ou noir à noircir, le noir de terre, & le noir des Corroyeurs.

NOIR D'ALLEMAGNE, (Teinture) Ce noir se fait avec de la lie de vin brûlée, lavée ensuite dans de l'eau, puis broyée dans des moulins faits exprès avec de l'ivoire, des os ou des noyaux de pêche aussi brûlés. C'est de ce noir dont les Imprimeurs en taille-douce se servent. Ce noir vient ordinairement de Francfort, de Mayence & de Strasbourg, ou en pierre ou en poudre ; il s'en fait néanmoins en France, qui n'est au-dessous de celui d'Allemagne que par la différence qui se trouve entre les lies de vin dont ils se font ; celui de Paris est même plus estimé que celui d'Allemagne ; & les Imprimeurs de taille-douce le trouvent plus doux.

Le noir d'Allemagne doit se choisir humide, sans néanmoins avoir été mouillé, d'un beau noir, luisant, doux, friable ou facile à mettre en poudre, léger, & avec le moins de grains luisans que faire se peut, & s'il est possible, qu'il ait été fait avec l'ivoire, étant meilleure pour faire le beau noir que les os & les noyaux de pêches.

NOIR DE CERF ; c'est ce qui reste dans la cornue, après que l'on a tiré de la corne de cerf, l'esprit, le sel volatil, & l'huile. Ce résidu se broye avec de l'eau, & fait une sorte de noir qui est presque aussi beau & aussi bon que celui d'ivoire ; & dont les Peintres se peuvent très-bien servir.

NOIR DE CHARBON. Le noir de charbon se fait avec des morceaux de charbon bien nets & bien brûlés, que l'on pile dans un mortier, & que l'on broye ensuite à l'eau sur le porphyre, jusqu'à ce qu'il soit assez fin. Alors on le met sécher par petits morceaux, sur du papier bien lisse. C'est un très-bon noir pour les tableaux, & également bon pour peindre à l'eau.

NOIR DES CORROYEURS. On appelle premier noir, chez les artisans qui donnent le corroyage aux cuirs, quand ils ont été tannés, la premiere teinte de cette couleur qu'ils appliquent sur les vaches, veaux ou moutons. Ce noir est fait de noix de galle, de biere aigre & de ferraille. Le second noir est composé de noix de galle, de couperose, & de gomme arabique. C'est sur ce noir que se donnent les deux lustres.

NOIR D'ESPAGNE. (Chimie & Pharm.) C'est ainsi que l'on nomme le liége brûlé & réduit en charbon dans les vaisseaux fermés. On vante beaucoup l'usage de ce charbon pris en poudre pour arrêter les gonorrhées, & on le regarde comme un spécifique dans les incontinences d'urine ; mais il est à propos d'employer ce remede avec prudence. Le noir d'Espagne incorporé avec de l'huile de lin, sait un liniment, que quelques auteurs regardent comme très-propre à appaiser les douleurs que causent les hémorrhoïdes.

NOIR DE FUMEE, (Arts) c'est ainsi qu'on nomme une substance d'un beau noir, produite par des résines brûlées.

Toutes substances résineuses, telle que la résine des pins, des sapins, la térébenthine, la poix, les bitumes, étant brûlées, se réduisent en une matiere charbonneuse, fort déliée, que l'on nomme noir de fumée ; mais comme ces substances résineuses peuvent s'employer à d'autres usages, on ne se sert pour le faire, que de ce qui est resté dans le fond des chaudieres où l'on a fait bouillir la résine, pour en faire de la poix ou du goudron. Pour cet effet, on allume des morceaux de ce résidu qui est très-inflammable, & on le laisse brûler dans une marmite placée au milieu d'un bâtiment ou cabinet quarré, bien fermé de toute part, & tendu de toile ou de peaux de moutons. A mesure que la matiere résineuse brûle, il en part une matiere semblable à de la suie, qui s'attache à la toile ou aux peaux de moutons dont le cabinet est tendu. Lorsqu'on croit que le cabinet est suffisamment rempli de cette matiere, on l'enleve pour la mettre dans des barrils, & on la vend sous le nom de noir de fumée, ou de noir à noircir. Voyez nos Pl.

En Allemagne, où il se trouve des vastes forêts de pins & de sapins, on fait le noir de fumée en grand, & l'on construit des fourneaux uniquement destinés à cet usage. Ces fourneaux sont des cabinets quarrés qui ferment très-exactement ; à leur partie supérieure est une ouverture sur laquelle on place une toile tendue de maniere à former un cône ; à ce cabinet il communique une espece de voûte horisontale, ou de tuyau de cheminée, au bout duquel est une espece de four ; à l'ouverture de ce four on place les matieres résineuses ou le bois chargé de résine, que l'on veut brûler pour faire le noir de fumée. Par ce moyen, la substance noire qui s'en dégage, passe par le tuyau de cheminée, & va se rendre dans le cabinet quarré, voyez nos Pl. Comme cette matiere est légere, il y en a une grande quantité qui s'attache à l'intérieur du cône de toile qui est au-dessus de ce même cabinet. Lorsqu'on croit qu'il s'y en est suffisamment amassé, on frappe avec des baguettes sur le cône de toile pour faire tomber le noir de fumée qui s'y étoit attaché ; par-là il retombe dans le cabinet, d'où on l'enleve pour le mettre dans des barrils ou caisses de bois, & pour le débiter.

Le noir de fumée sert dans la peinture à l'huile, avec laquelle il s'incorpore parfaitement bien ; il ne peut servir dans la peinture en détrempe, vû qu'il ne se mêle point avec l'eau. Cette substance entre aussi dans la composition de l'encre des Imprimeurs. (-)

NOIR DE FUMEE, (Chimie) charbon volatilisé, ou plutôt élancé par le mouvement rapide de la flamme dans la combustion à l'air libre, & avec flamme des matieres résineuses. Voyez la fin de l'art. SUIE, Chimie. Le noir de fumée n'est point proprement volatil : c'est avec raison que nous avons énoncé dans la précédente définition, qu'il étoit enlevé par une puissance étrangere, ce qui est bien différent de la volatilité chimique, voyez VOLATIL ; & même cette maniere d'être produit n'empêche point qu'il ne soit un corps très-fixe, jouissant à cet égard de la propriété générique de charbon, dont il est une véritable espece. Voyez CHARBON, Chimie. (B)

NOIR D'OS, le noir d'os se fait avec les os de mouton, brûlés & préparés comme le noir d'yvoire. Il fait un noir roux, & l'on s'en sert beaucoup pour les tableaux ; mais il est difficile à sécher, & l'on est obligé en le broyant à l'huile, de le tenir plus ferme que les autres couleurs, afin d'avoir la facilité d'y mettre la quantité nécessaire d'huile grasse ou sécative : on s'en sert rarement à l'eau.

NOIR DE PECHES, le noir de pêches se fait avec les noyaux de pêches brûlés comme le noir d'yvoire, & broyés très-fin sur le porphyre : il sert beaucoup pour les tableaux, & fait une teinte bleuâtre étant mêlé avec le blanc. On peut aussi s'en servir à l'eau.

NOIR, en Peinture, ce n'est pas avec le noir qu'on donne la plus grande force dans un tableau : les habiles peintres n'en emploient presque jamais de pur. On dit qu'il seroit à souhaiter que le blanc & le noir fussent aussi chers pour les commençans que l'outremer, parce qu'alors le prix les leur feroit épargner, & tenter d'autres moyens, soit qu'ils voulussent faire clair ou brun ; au lieu qu'à force de les prodiguer, ils ne font ni l'un ni l'autre.

On se sert en Peinture du noir d'yvoire, du noir d'os, du noir de charbon, noir de noyaux de pêches, noir de fumée ; & pour la fresque, du noir de terre.

NOIR, terme de Plumassier, on appelle grandes noires ou noirs fins à pointe, les plumes d'autruches noires de la meilleure qualité, & qui sont propres à faire des panaches. Les petites noires à pointe plate, sont au contraire de la moindre qualité, & ne servent qu'à faire des ouvrages de mercerie, comme bonnets d'enfans, écrans & autres semblables.

NOIR DE ROUILLE, c'est la même chose que le premier noir des corroyeurs.

NOIR DE TERRE, est une espece de charbon qui se trouve dans la terre, dont les Peintres se servent après qu'il a été bien broyé pour travailler à fresque.

On fait du noir avec de la noix de galle, de la couperose ou du vitriol, comme l'encre commune ou à écrire.

Il se fait encore du noir avec de l'argent & du plomb, dont on se sert à remplir les creux ou cavités des choses gravées.

NOIR de metteur en oeuvre, est une poudre noire qui provient de l'yvoire brûlé & réduit en poudre, voyez NOIR D'YVOIRE. La façon de l'employer dépend de l'artiste. Il y a des pierres que l'on met en plein noir ; alors on peint en noir tout le dedans du chaton, & on l'emplit même quelquefois de poudre seche, afin que la pierre en soit totalement enveloppée. Il y en a d'autres auxquelles on ne met qu'un point noir sur la culasse, assez volontiers sous les roses que l'on met sur la feuille d'argent, on peint une étoile noire sur cette feuille. Il est assez difficile de donner des regles là-dessus, cela dépend des circonstances ; l'artiste attentif essaye souvent de plusieurs façons, & se fixe à celle qui donne plus de jeu à sa pierre, ou qui déguise mieux sa couleur.

NOIR D'YVOIRE, le noir d'yvoire se fait avec des morceaux d'yvoire que l'on met dans un creuset ou pot bien lutté avec de la terre à potier, & que l'on met dans leur four lorsqu'ils cuisent leurs poteries ; il faut qu'il y reste autant que lesdites poteries pour devenir bien noir & bien cuit : il faut sur-tout bien prendre garde qu'il n'y ait aucun jour au creuset ou autre vase, autrement l'yvoire deviendroit blanc au lieu de noir, & se consumeroit. Ce noir mêlé avec le blanc, fait une fort belle teinte grise : on s'en sert pour les tableaux, comme pour l'eau ou miniature.

NOIR, (Teinture) le noir est la cinquieme & derniere couleur du bon teint ; l'opération qui le produit est précisement la même qui sert à faire de l'encre à écrire. On plonge l'étoffe dans un bain composé d'une décoction de noix de galle & de dissolution de vitriol verd : il arrive nécessairement que l'acide vitriolique s'unissant à l'alkali de la noix de galle, abandonne le fer avec lequel il étoit uni dans le vitriol ; ce fer divisé en parties extrêmement fines, se loge dans les pores de l'étoffe, & y est retenu par le resserrement que la stipticité de la noix de galle y a causée, & par une espece de gomme qu'elle contient & qui l'y mastique. On ne remarque dans toute cette opération, aucun ingrédient qui ait pû donner du crystal de tartre, ou du tartre vitriolé, aussi la teinture noire n'est-elle pas à beaucoup près aussi solide que les autres, & elle ne résisteroit nullement, non plus que les gris qui en sont les nuances.

Avant de teindre une étoffe en noir, les réglemens exigent qu'elle soit guesdée, c'est-à-dire qu'elle ait été teinte en bleu très-foncé : ce bleu dont la teinture est solide, sert en outre, en donnant à l'étoffe une couleur approchante du noir, à diminuer la quantité du vitriol, qui sans cela seroit nécessaire, & qui rendroit l'étoffe rude. On pourroit employer au même usage, le rouge foncé de garance, mais il en résulteroit deux inconvéniens ; le premier de faire subir à l'étoffe une premiere altération par l'action des sels du bouillon ; & le second, de donner au noir un oeil rougeâtre & désagréable. On évite l'un & l'autre en donnant à l'étoffe une premiere teinture bleue, qui ne détruit pas l'étoffe ; & qui loin d'alterer le noir, lui donne au contraire un velouté très-avantageux.

Le noir & le gris servent non-seulement seuls, mais encore on les emploie pour brunir toutes les couleurs, & c'est pour cette raison qu'on nomme bruniture, la teinture noire ou grise qu'on donne à une étoffe dejà teinte d'une autre couleur. Acad. roy. des Scienc. 1750. (D.J.)

NOIR ANTIQUE, (Hist. nat.) en italien, nero antico ; nom donné par les modernes à un marbre très noir, fort dur & prenant un très-beau poli. Les anciens l'appelloient luculleum marmor.

NOIR EMPLATRE, ou emplâtre de céruse brûlée, voyez sa préparation au mot EMPLATRE. Cet emplâtre ne doit sa naissance qu'à une bisarrerie ou fantaisie d'ouvrier. C'est une préparation moins élégante que celle de l'emplâtre de céruse blanc, sans avoir aucune propriété de plus. Il y a même apparence que le premier emplâtre noir qui ait été fait, est dû à l'ignorance ou à la négligence d'un artiste ; car l'emplâtre noir est un emplâtre manqué ou gâté, voyez EMPLATRE. Au reste ce qu'on appelle ici brûlé, n'est en effet que réduit : la céruse prétendue brûlée, n'est autre chose que du plomb qui a repris sa forme métallique, en empruntant du phlogistique de l'huile. Voyez REDUCTION. (b)

NOIR, (Maréchal.) poil du cheval. Noir jais, ou maure, ou moreau, ou vif, c'est le vrai noir. On appelle un cheval qui, quoique noir, a une teinte roussâtre, noir mal teint.


NOIRCEURS. f. (Physiq.) c'est la couleur qui est occasionnée par la texture des parties de la surface d'un corps, telle que les rayons de lumiere qui tombent dessus sont amortis ou absorbés, sans se refléchir que très-peu ou point du tout. La noirceur n'est donc pas proprement une couleur, mais la privation de toute couleur, voyez COULEUR & LUMIERE. La noirceur est directement opposée à la blancheur, qui vient de ce que les parties refléchissent indifféremment tous les rayons qui tombent sur elles, de quelque couleur qu'ils soient, voyez BLANCHEUR. Newton dans son traité d'optique, montre que pour produire un corps de couleur noire, il faut que les corpuscules qui le composent soient moindres que ceux qui forment les autres couleurs ; parce que quand les particules composantes sont trop grandes, elles refléchissent alors beaucoup de rayons ; mais si elles sont moindres qu'il ne faut pour refléchir le bleu le plus foncé, qui est la plus sombre de toutes les couleurs, elles refléchiront si peu de rayons que le corps paroîtra noir. De-là il est aisé de juger pourquoi le feu & la putréfaction, en divisant les particules des substances, les rendent noires : pourquoi un habit noir est plus chaud qu'un autre habit, toutes choses d'ailleurs égales ; c'est qu'il absorbe plus de rayons & en refléchit moins, voyez CHALEUR : pourquoi une petite quantité de substances noires communiquent leur couleur aux autres substances auxquelles elles sont jointes ; leurs petites particules, par la raison de leur grand nombre, couvrant aisément les grosses particules des autres : pourquoi les verres qui sont travaillés & polis soigneusement avec du sable, rendent noir le sable aussi-bien que les particules qui se détachent du verre : pourquoi les substances noires s'enflamment au soleil, plus aisément que les autres ; ce dernier effet vient en partie de la multitude des rayons qui s'absorbent au-dedans de la substance, & en partie de la commotion faite des corpuscules composans : pourquoi quelques corps noirs tiennent un peu de la couleur bleue ; ce qui se peut éprouver en regardant à-travers un papier blanc des objets noirs, alors le papier paroîtra bleuâtre ; la raison de cela est que le bleu obscur du premier ordre des couleurs, est la couleur qui approche le plus du noir, parce que c'est celle qui refléchit moins de rayons, & que parmi ces rayons, elle ne refléchit que les bleus. Donc réciproquement, si les corps noirs refléchissent quelques rayons, ce doit être les bleus préférablement aux autres. Voyez BLEU. Chambers. (O)

NOIRCEUR, (Médec.) la couleur noire naturelle, & celle qui doit sa naissance à la teinture, n'annoncent rien de fâcheux ; mais celle qui vient d'une cause morbifique, est d'un mauvais présage.

Le sang, la graisse, la bile, la moëlle, les crachats, la mucosité, les matieres fécales, les matieres rejettées par le vomissement, l'urine, le pus & la pituite, sont sujets à acquérir une couleur noire, produite par la matiere de la mélancolie.

Ces humeurs corrompues & tombées dans le sphacele, sont un triste pronostic dans les maladies aiguës ; comme l'inflammation, les fiévres érésypélateuses, malignes, épidémiques, la peste, la petite vérole. Elles sont également mauvaises dans les maladies chroniques, l'ictere, les contusions, les brûlures, & dans la congélation des membres, soit que ces matieres s'évacuent, soit qu'elles s'attachent aux parties, soit enfin que la mauvaise couleur de ces humeurs se manifeste à la peau.

La méthode curative demande de corriger, d'évacuer, de dissiper, d'adoucir la malignité. Il faut encore arrêter par les antiseptiques, autant qu'il est possible, le progrès de la corruption des humeurs.


NOIRCIRv. act. & neut. (Gramm.) noircir, (neut.) c'est prendre de soi-même une couleur noire. Noircir, (act.) c'est enduire de cette couleur un objet.

NOIRCIR, (Marine) c'est enduire les vergues & les mâts d'une mixtion faite de noir de fumée & de goudron, ou d'huile & de noir de fumée. On noircit les mâts près des soutereaux & de l'étambray, & les vergues par-tout.

NOIRCIR, (Arquebusier, Coutelier, Serrurier, Fourbisseur, & autres ouvriers en fer) c'est après avoir donné à la lime & au marteau, à des pieces d'ouvrages la forme convenable, les faire chauffer bien chaudes, & les frotter avec de la corne de boeuf, afin de les garantir de la rouille.


NOIRCISSEURS. m. (Teinture) les Noircisseurs sont les ouvriers qui font l'achevement des noirs. A Rouen ils entrent dans la communauté des Teinturiers.

NOIRE MER, partie de la Méditerranée, qui forme au fond de cette derniere comme une espece de grand golfe. Voyez MEDITERRANEE. Quelques anciens, & entr'autres Diodore de Sicile, ont écrit que le pont-Euxin ou la mer Noire, n'étoit autrefois que comme une grande riviere ou un grand lac qui n'avoit aucune communication avec la mer de Grece ; mais que ce grand lac s'étant augmenté considérablement avec le tems par les eaux des fleuves qui y arrivent, il s'étoit enfin ouvert un passage, d'abord du côté des îles Cyanées, & ensuite du côté de l'Hellespont. C'est sur ce témoignage des anciens que M. de Tournefort dit dans son voyage du Levant, que la mer Noire recevant les eaux d'une grande partie de l'Europe & de l'Asie, après avoir augmenté considérablement, s'ouvrit un chemin par le Bosphore, & ensuite forma la Méditerranée, ou l'augmenta si considérablement, que d'un lac qu'elle étoit autrefois, elle devint une grande mer, qui s'ouvrit ensuite elle-même un chemin par le détroit de Gibraltar, & que c'est probablement dans ce tems que l'île Atlantide, dont parle Platon, a été submergée. Voyez ATLANTIDE.

Cette opinion ne peut se soutenir, dès qu'on est assuré que c'est l'Océan qui coule dans la Méditerranée, & non pas la Méditerranée dans l'Océan ; d'ailleurs M. de Tournefort n'a pas combiné deux faits essentiels, & qu'il rapporte cependant tous deux : le premier, c'est que la mer Noire reçoit neuf ou dix fleuves, dont il n'y en a pas un qui ne lui fournisse plus d'eau que le Bosphore n'en laisse sortir ; le second, c'est que la mer Méditerranée ne reçoit pas plus d'eau par les fleuves, que la mer Noire ; cependant elle est sept ou huit fois plus grande, & ce que le Bosphore lui fournit, ne fait pas la dixieme partie de ce qui tombe dans la mer Noire ; comment veut-il que cette derniere partie de ce qui tombe dans une petite mer, ait formé non-seulement une grande mer, mais encore ait si fort augmenté la quantité des eaux, qu'elles aient renversé les terres à l'endroit du détroit, pour aller ensuite submerger une île plus grande que l'Europe ! La mer Méditerranée tire au contraire au moins dix fois plus d'eau de l'Océan, qu'elle n'en tire de la mer Noire, parce que le Bosphore n'a que 800 pas de largeur dans l'endroit le plus étroit ; au lieu que le détroit de Gibraltar en a plus de 5000 dans l'endroit le plus serré, & qu'en supposant les vîtesses égales dans l'un & dans l'autre détroit, celui de Gibraltar a bien plus de profondeur. Hist. nat. gén. & part. tom. I. Voyez MER, FLEUVE, COURANT, &c.

NOIRE, RIVIERE, (Géog.) il y a dans l'Amérique septentrionale, dans la nouvelle France, trois rivieres nommées rivieres Noires : l'une se rend dans le fleuve saint-Laurent, l'autre se jette dans le lac des Illinois, & la troisieme se perd dans le fleuve du Mississipi par les 43d de lat. septent.

NOIRE, PIERRE, (Hist. nat.) nigrica, ou nigritis, creta nigra, pnigites, pierre noire, tendre, luisante, grasse au toucher, quelquefois très-âcre, & d'un goût vitriolique & astringent. Les ouvriers, qui l'appellent quelquefois crayon noir, s'en servent pour tracer des lignes. La meilleure espece dont on se serve en France, vient de Normandie. On fait le plus de cas de celle qui n'est point entremêlée de pyrites, & qui ne se vitriolise pas ; c'est-à-dire, à la surface de laquelle il ne se forme point une espece de moisissure ; ce qui annonce qu'elle renferme des particules pyriteuses qui se sont décomposées.

On trouve deux carrieres de cette pierre noire en Westphalie, dans l'évéché d'Osnabruck près d'Essen ; elle est feuilletée comme de l'ardoise. On en transporte une très-grande quantité en Hollande : on prétend que les Hollandois s'en servent pour contrefaire l'encre de la Chine. Il passe près de ces carrieres une riviere dont quelquefois les eaux sont entierement noires. Voyez Bruckmann, epistol. itiner. centuria III. epist. ij. (-)

NOIRE, s. f. est une note de Musique qui se fait ainsi, ou , & qui vaut deux croches, ou la moitié d'une blanche.

Dans nos anciennes musiques on se servoit de plusieurs sortes de noires ; noires à queue, noire quarrée, noire en lozange. Ces deux dernieres especes sont demeurées dans le plein chant ; mais dans la Musique on ne se sert plus que de la noire à queue. Voyez VALEUR DES NOTES. (S)

NOIRS, s. m. pl. (Comm.) est le nom d'une nation d'Afrique qu'on nomme ainsi à cause de la couleur de leur peau qui est noire. Voyez la raison de cette couleur sous l'article NEGRE, où nous avons aussi traité du commerce que les Européens font de ces noirs, tant dans le continent, que dans quelques îles de l'Amérique. (G)


NOIRMOUTIER(Géog.) île de l'Océan occidental sur la côte de France, aux extrêmités du Poitou & de la Bretagne, vers l'embouchure de la Loire. Cette île s'appelloit autrefois Her ou Herio. S. Philibert s'étant retiré dans cet endroit, y fonda vers l'an 674, un monastere qui fut nommé Hermoutiers, & depuis Noirmoutier, ou par corruption, ou à cause de l'habit noir des moines bénédictins qui l'occupoient. Mais depuis long-tems il n'y a plus de moines noirs dans le prieuré de S. Philibert : ce sont aujourd'hui des moines de Cîteaux.

Cette île a environ trois lieues de long, sept de tour, & une petite ville qui prend le nom de l'île, & qui peut contenir deux mille habitans. Long. 15. 24. lat. 46. 55. (D.J.)


NOISETTE(Diete) voyez AVELINE.


NOISETTIERS. m. (Hist. nat. Botan.) corylus, genre de plante à fleur en chaton, composée de plusieurs petites feuilles attachées à un axe en forme d'écailles, sous lesquelles il y a beaucoup de sommets. Les embryons naissent sur le même arbre, mais séparés des fleurs : ils deviennent dans la suite une coque arrondie & osseuse ; cette coque est recouverte d'une enveloppe calleuse & frangée, & renferme une amande. Tournefort, Institut. rei herbar. Voyez PLANTE. (I)

NOISETTIER, corylus, petit arbre que l'on cultive à cause de son fruit. C'est l'espece franche du coudrier qui vient dans les bois, & dont le noisettier ne differe que par son fruit, qui est plus gros & de meilleur goût : ainsi pour la description & les faits généraux, voyez COUDRIER.

Il y a plusieurs especes de noisettiers :

1°. Le noisettier franc ; les noisettes qu'il produit sont longues & plus grosses que les noisettes des bois.

2°. Le noisettier franc à fruit rouge & oblong.

3°. Le noisettier franc à fruit rouge & oblong, recouvert d'une pellicule blanche.

Ces trois especes de noisettes sont celles qui réussissent le mieux dans le climat septentrional du royaume.

4°. Le noisettier à gros fruit rond, c'est l'aveline, qui ne mûrit bien que dans les pays chauds.

5°. Le noisettier à grappes, c'est une variété qui n'a d'autre mérite que la singularité d'avoir un pédicule plus long qui, au lieu de réunir les noisettes en un seul point, comme on les voit ordinairement, les rassemble en maniere de grappe allongée.

6°. Le noisettier d'Espagne, c'est une espece d'aveline fort grosse & anguleuse, mais qui n'est pas d'un goût si délicat que nos noisettes franches.

7°. Et le noisettier du Levant ; cet arbrisseau ne devient pas à beaucoup près si haut que les autres noisettiers ; à peine s'éleve-t-il à cinq ou six piés : sa feuille est moins large, plus allongée, & extrêmement ridée, & sa noisette est la plus grosse de toutes ; mais ce n'est pas la meilleure. Ce noisettier est très-rare.

On pourroit multiplier les différentes sortes de noisettiers en semant leurs noisettes, qui produisent ordinairement la même espece ; mais cette méthode est trop longue : les jeunes plants ne donnent du fruit qu'au bout de sept ans. On pourroit aussi les faire venir de boutures & de branches couchées : autre pratique minucieuse, dont on doit d'autant moins se servir, qu'il y a un moyen plus simple, plus court & plus aisé. Tous les noisettiers poussent du pié quantité de rejettons qui sont nuisibles & fort à charge ; parce qu'on doit les supprimer tous les ans, sans quoi ils feroient dépérir les maîtresses tiges, & attenueroient le fruit. On se sert de ces rejettons pour multiplier l'espece, & on les détache avec le plus de racines qu'il est possible. Ils reprennent aisément à la transplantation, & donnent du fruit au bout de trois ou quatre ans. Tous les noisettiers sont très-robustes ; ils s'accommodent de toutes les expositions ; ils viennent dans tous les terreins : cependant ils se plaisent mieux dans les terres maigres, sablonneuses & humides, à l'exposition du nord, dans des lieux frais & à l'ombre. Mais il ne faut pas qu'ils soient dominés, ou trop serrés par d'autres arbres. Enfin on met ces arbres dans les places inutiles & dans les coins perdus des jardins fruitiers & des vergers. L'automne est le meilleur tems pour la transplantation des noisettiers, parce qu'ils entrent en seve dès la fin du mois de Janvier. Cependant on peut encore les transplanter de bonne heure au printems. Ces arbres ne sont pas susceptibles d'une forme réguliere ; il n'est même guere possible de les réduire à une seule tige ; & quand on en viendroit à bout à force de retrancher les rejettons qu'ils poussent du pié, l'arbre dépériroit bientôt par la quantité de fruit qu'il porte : on est donc obligé de laisser sur chaque pié trois ou quatre principales tiges, qu'on renouvelle dans leur dépérissement, par de jeunes rejettons qu'on laisse monter. Pour la qualité & les propriétés du fruit, voyez NOISETTE.


NOIXS. f. sorte de fruit qui a une écale fort dure, dans laquelle est enfermée une amande plus tendre, & mangeable. Voyez GLAND, AMANDE, &c.

Il y a diverses sortes de noix ; savoir, des noisettes, des avelines, des chataignes, des noix de noyer, &c. Voyez AVELINES, &c.

NOIX, (Diete & Matiere méd.) voyez NOYER.

NOIX D'ACAJOU, (Botan. exot.) fruit, ou plutôt noyau taillé en rein, de la grosseur d'un oeuf, couvert d'une écorce grise ou brune, épaisse d'environ une ligne, composée de deux membranes & d'une substance entre deux, qui est comme un diploé fongueux, contenant dans ses cellules un suc mielleux, roussâtre, âcre, mordicant, brûlant. L'amande qui est sous l'écorce est blanche, douce, & revêtue d'une petite peau jaune, qu'il faut ôter.

L'arbre qui porte la noix d'acajou vient en Amérique, au Brésil & aux Indes orientales. Il s'éleve plus ou moins haut, selon la différence du climat & du terroir ; car dans le Brésil, il égale la hauteur des hêtres, & est beaucoup moins grand dans le Malabar & dans les îles d'Amérique. Le pere Plumier en donne la description suivante.

C'est un arbre qui est presque de la grandeur de notre pommier, fort branchu, garni de beaucoup de feuilles, couvert d'une écorce ridée & cendrée. Ses feuilles sont arrondies, longues d'environ cinq pouces, larges de trois, attachées à une queue courte, lisses, fermes comme du parchemin ; d'un verd gai en-dessus & en-dessous, ayant une côte & des nervures paralleles.

Au sommet des rameaux naissent plusieurs pédicules chargés de petites fleurs disposées en maniere de parasol, dont le calice est découpé en cinq quartiers droits, pointus, en partie rougeâtres, & en partie verdâtres, rabattus en-dehors, & plus longs que le calice ; il porte dix étamines déliées, de la longueur des pétales, garnies de petits sommets ; elles entourent le pistil dont l'embryon est arrondi : le stile est grêle, recourbé, de la longueur des pétales, & le stigmate qui le termine est pointu.

Le fruit est charnu, pyriforme, de la grosseur d'un oeuf, couvert d'une écorce mince, lisse, luisante, tantôt pourpre, tantôt jaune, & tantôt colorée de l'une & l'autre couleur. Sa substance intérieure est blanche, pleine d'un suc doux, mais un peu acerbe. Ce fruit tient à un pédicule long d'un pouce, & porte à son sommet un noyau en forme d'un rein, long d'environ un pouce & demi, lisse en dehors & d'un verd obscur & cendré. L'écorce de ce noyau est épaisse, & comme à deux lames, entre lesquelles est un diploé contenant un suc ou une huile très-caustique, d'un jaune foncé. L'amande que renferme ce noyau est blanche, couverte d'une peau mince & blanchâtre. Elle a un goût qui approche beaucoup de celui de la pistache. Ce fruit a une odeur forte ; & il est tellement acerbe, que s'il n'étoit adouci par l'abondance du suc qui en sort quand on le mâche, à peine pourroit-on le manger.

L'arbre acajou répand par occasion, ou même naturellement, beaucoup de gomme roussâtre, transparente, solide, qui se fond dans l'eau comme la gomme arabique. On exprime des fruits un suc qui, par la fermentation, devient vineux, & capable d'enivrer. On en fait du vinaigre, & on en tire un esprit ardent fort vif. Les Indiens aiment beaucoup les amandes, & expriment des écorces une huile qu'ils emploient pour teindre le linge d'une couleur noirâtre presque ineffaçable. (D.J.)

NOIX D'AREQUE, l'areque est une espece de palmier qui croît dans les Indes orientales, & qui s'éleve beaucoup. Cet arbre porte des fruits ovales & gros comme des noix. L'écorce de ces fruits devient jaune & molle en mûrissant, & couvre un noyau de la grosseur d'une aveline, gris au-dehors & marbré de blanc & de rouge au-dedans comme une muscade. Ce noyau n'est pas régulierement ovale, il est applati & un peu concave à l'endroit qui répond au pédicule du fruit. Ce fruit, lorsqu'il n'est pas encore mûr, enivre ceux qui en mangent ; il devient astringent en mûrissant. Les Indiens lui donnent le nom de chofoal. Ils le font sécher au soleil, & ensuite ils le mêlent avec du betel, des huîtres brûlées, du lycium, du camphre, du bois d'aloës & de l'ambre gris, pour faire des trochisques, qu'ils mâchent pour faire couler plus abondamment la salive. Ces mêmes Indiens font épaissir le suc des fruits de l'areque, & alors ils le nomment caché.

NOIX BEN, (Botan. exot.) vous trouverez au mot BEN la description complete de ce fruit, de l'huile qu'on en tire, & de son usage.

La noix ben croît en Espagne, en Arabie, en Ethiopie & dans les Indes. Elle a été connue des Grecs, des Romains & des Arabes, comme il paroît par les écrits de Théophraste, de Dioscoride, de Pline & de Mesué. Ils l'ont nommé , glans aegyptia, & glans unguentaria.

L'huile qu'on en tire par expression, oleum balanicum, ne rancit presque jamais, & n'a ni goût, ni odeur ; elle est très-utile aux parfumeurs pour prendre l'odeur des fleurs, & en faire des essences agréables. Les dames s'en servent aussi pour adoucir la peau ; & on la mêle avec du vinaigre & du nitre pour guérir les petits boutons, & calmer les démangeaisons. Horace appelle cette huile balanus.

Pressa tuis balanus capillis

Jamdudum apud me est.

" J'ai aussi, dit-il à Mécénas, de l'essence de ben, que j'ai fait tirer exprès pour parfumer vos cheveux ". Les parfumeurs romains savoient très-bien exprimer de cette noix une sorte d'huile qui faisoit un parfum exquis ; mais la plus estimée, au rapport de Pline, venoit de Petra, aujourd'hui Grac, ville d'Arabie. Mécénas étoit l'homme du monde qui aimoit le plus le parfum, & qui y faisoit le plus de dépense : c'est sur ce soin qu'il avoit de se parfumer, qu'est fondé le bon mot d'Auguste, qui pour dépeindre le caractere du style de son favori, l'appelloit , ajusté comme ses cheveux. (D.J.)

NOIX DE CYPRES, (Mat. med.) Voyez CYPRES.

NOIX DE GALLE, (Hist. nat. des végét.) en latin galla, en grec ; ce sont des excroissances contre nature qui se forment sur divers chênes en divers pays, à l'occasion de la piquure de quelques insectes.

Nous tirons divers services des insectes sans aucune reconnoissance. Comme plusieurs d'eux trouvent la vie & le couvert sur de certaines plantes, c'est au soin qu'ils prennent d'y loger leurs petits, que nous devons l'invention ou la matiere des plus belles couleurs que l'on emploie, soit dans la Peinture, soit dans la Teinture, telles que sont, par exemple, le vermillon & l'écarlate. Nous devons en particulier le plus beau noir de nos étoffes de soie & de laine aux noix de galle, pur ouvrage des moucherons.

On a tort de les appeller noix, puisque ce sont des excroissances contre nature. Il est vrai qu'elles ont une sorte de noyau, & qu'on les recueille sur un arbre : mais elles n'ont qu'une fausse apparence de noix ou de fruit, sans être ni l'un ni l'autre. Il n'y a presque point de plante qui ne soit de même piquée par un insecte, & qui ne produise de ces prétendues noix de toute couleur & de toute grandeur. Il y a des arbres dont les feuilles en sont entierement parsemées ; mais on ne leur a point donné de nom, parce qu'on n'en fait point d'usage, & peut-être en tirera-t-on dans la suite de celles qui croissent sur le plane, sur le peuplier, sur le saule, sur le bouis, sur le lierre, &c. Les secrets des arts ne sont point épuisés.

Les noix de galle, puisque l'usage leur a donné ce nom impropre, viennent sur des chênes ou sur des arbres qui portent du gland, mais non pas sur toutes les especes de chêne, ni dans tous les pays. Le chêne qui porte les galles s'appelle robre ou rouvre ; en latin, par les botanistes, robur. J. B. I. ij. 76. Ray, hist. II. 1386. Quercus gallam exiguae nucis magnitudine ferens, C. B. P. 420. Tourn. inst. 583.

Il croît dans le Levant, dans la Pannonie, dans l'Istrie, en Italie, en Provence, en Gascogne, &c.

Cet arbre est plus bas que le chêne ordinaire, mais fort gros & souvent tortu ; son bois est fort dur, ses feuilles sont découpées à ondes assez profondes, couvertes d'un duvet délicat ; ses fleurs sont des chatons, & ses fruits des glands plus petits que ceux du chêne commun. Ses feuilles, fruit, écorce, sont astringens, résolutifs, & ont les mêmes vertus que ceux du chêne ordinaire ; mais le rouvre ne fournit pas des galles dans tous les pays ; par exemple, il n'en porte point en Angleterre ; la raison qu'en dit Ray est excellente, c'est que l'on ne voit point dans les îles britanniques les insectes qui donnent naissance aux noix de galle, & qu'il est constant que c'est à leur piquure que ces sortes d'excroissances contre nature doivent leur origine. Voici comme elles se forment suivant les observations de Malpighi qui le premier a développé ce méchanisme de végétation.

Certains petits insectes, & sur-tout certaines mouches piquent les bourgeons, les feuilles & les rejettons les plus tendres des rouvres ; ils en déchirent les vaisseaux les plus minces, & en font sortir une humeur qui se forme d'abord en une coque ou vessie, & puis se remplit & se durcit. En effet, le coeur du bouton étant entamé par la tariere de l'insecte, le cours du suc nourricier est interrompu. La seve détournée de son chemin s'extravase, s'enfle & se dilate à l'aide des bulles d'air qui entrent par les pores de l'écorce, & qui roulent dans les vaisseaux avec la seve. Cette vessie se seche en dehors, & l'air extérieur la durcit quelque peu en forme de croute ou de noyau. Cette boule se nourrit, végete & grossit avec le tems, comme le reste de l'arbre. On conçoit bien que le suc coulant de la plaie que la mouche a faite, abonde ici avec plus d'abondance, parce que la résistance est diminuée, ensorte que les vaisseaux se distendent de plus en plus par l'humeur qui s'y répand.

Ces vessies sont destinées à être comme la matrice qui doit recevoir les oeufs que pondent ces insectes, les conserver, les échauffer, les faire éclorre & les nourrir. Toutes ces vérités se justifient à l'oeil & à l'examen. Quand on ouvre les noix de galle mûres & récentes, on trouve à leur centre des vermisseaux, ou plutôt des nymphes qui se développent insensiblement & se changent en mouches qui sont quelquefois d'un genre différent.

Peu de tems après qu'elles sont formées, elles se cherchent une issue en rongeant la substance de la noix de galle, & enfin elles font un trou rond à la superficie, par lequel elles sortent & s'envolent. Si les noix de galle ne sont pas percées, on y trouve le vermisseau ou la mouche : mais si elles sont ouvertes, on les trouve vuides ou remplies d'autres animaux qui sont entrés par hasard dans les trous, & se sont cachés dans ces petites tanieres ; on y trouve, par exemple, quelquefois une petite araignée qui profite du domicile vuide : elle y tend des filets proportionnés à la grandeur de la place, & y attrape les pucerons sans expérience qui y viennent chercher aventure.

On distingue deux sortes de noix de galle dans les boutiques, savoir celles d'orient, que l'on appelle noix de galle d'Alep ou Alepines, & celle de notre pays.

Les noix de galle d'Alep sont arrondies, de la grosseur d'une aveline ou d'une petite noix, anguleuses, plus ou moins raboteuses, pesantes, de couleur blanchâtre, verdâtre ou noirâtre, compactes & résineuses en-dedans, d'un goût astringent & acerbe : celles de notre pays sont rondes, rougeâtres ou rousses, polies à leur superficie, légeres, faciles à rompre, d'une substance plus raréfiée, spongieuses & quelquefois creuses. Elles sont moins bonnes pour la teinture que celles du levant. Elles n'étoient pas inconnues aux anciens. Les premieres s'appelloient , & les autres , comme si l'on disoit noix de galle des ânes.

Nous venons de voir que les noix de galle different par leur figure, par leur couleur & par leur surface polie ou raboteuse. Il est vraisemblable que ces différences dépendent principalement de la variété des especes d'insectes qui piquent les chênes. Comme les insectes d'un pays ne sont pas tous pareils à ceux d'un autre pays, quoique peu éloigné, il arrive par cette raison que sur la même espece de chêne, on voit croître en Italie des galles fermes, grosses & solides, pendant qu'en France elles sont molles, petites, & à proprement parler, des fausses galles.

Les meilleures galles nous viennent de Tripoli, & sur-tout d'Alep & de Mozul sur le Tigre. On en recueille dans le Levant une si grande quantité, qu'on en tire de Smyrne seule plus de dix mille quintaux par an. La noix de galle des Turcs, qu'ils nomment bazgendge, est rougeâtre, de la grosseur d'une noisette, & est employée dans leur écarlate : ce fruit est fort cher en Europe.

Les noix de galle servent dans les arts. Je sai bien que, comme elles sont fort astringentes, quelques médecins les recommandent intérieurement dans les dyssenteries, les flux de ventre & les hémorrhagies ; mais outre que ces maladies demandent des remedes extrêmement variés, suivant leur nature & leurs causes, & que dans plusieurs cas les noix de galle seroient plutôt nuisibles que salutaires, il faut encore convenir que, dans les cas où elles seroient utiles, on a des remedes beaucoup plus énergiques à mettre en usage.

M. Reneaume, membre de l'académie des Sciences, a cru avoir découvert dans les noix de galle un second spécifique pour les fievres intermittentes ; mais la vertu fébrifuge qu'il leur attribuoit, n'a point été confirmée par l'expérience, & la théorie de la fievre de ce médecin, sur laquelle il fondoit son remede, étoit pitoyable.

On emploie les noix de galle extérieurement pour resserrer & répercuter, pour affermir & fortifier les parties qui sont trop relâchées. On s'en sert dans des injections & dans des fomentations astringentes pour guérir la chûte de la matrice, & celle de l'anus qui vient du relâchement du sphincter. Elles entrent aussi dans quelques emplâtres & onguens astringens, comme dans l'emplâtre pour les hernies, appellée communément emplâtre contre les ruptures, de Charas.

Elles servent encore en Chimie à éprouver la nature des eaux minérales : elles donnent à la solution du vitriol la couleur noire, ou plutôt celle de violette foncée ; savoir, lorsque le sel alkali des noix de galle se joint au sel acide vitriolique, & en fait séparer les parties métalliques ; alors ces particules ne vont pas au fond de la liqueur, mais elles s'unissent avec les particules sulphureuses des noix de galle, lesquelles nagent dans le fluide & soutiennent les particules métalliques. Par cette raison l'infusion ou la décoction de ces noix sert aux Chimistes & aux Physiciens pour l'examen des eaux minérales ; car si elles contiennent un sel vitriolique, ou un peu de fer ou de cuivre, cette infusion ou cette décoction donne à ces eaux la couleur noire, violette, pourpre ou tirant sur le pourpre, selon qu'elles contiennent plus ou moins de sel métallique.

Cependant le principal usage des noix de galle est réservé pour les arts, pour les teintures du grand & sur-tout du petit teint, pour les corroyeurs & autres ouvriers en cuir, enfin pour faire de l'encre. Les Teinturiers emploient les galles étrangeres, dites galles à l'épine pour teindre en noir, & les galles de France, qu'ils nomment cassenolles, pour former en soie le noir écru. (D.J.)

NOIX DE GALLE, (Chimie & Matiere médicale) noix de galle d'Alep, & noix de galle de notre pays.

Ces deux especes de noix de galle sont fort analogues quant à leur composition intérieure ou chimique ; mais les premieres sont meilleures, tant pour les usages chimiques que pour ceux de la médecine & ceux des arts.

La noix de galle possede éminemment le goût acerbe, austere, stiptique, propre aux écorces des bois & à celles de quelques fruits, par exemple de la grenade. On a coutume d'attribuer cette saveur à un sel vitriolique ou alumineux, & à un principe terreux très-surabondant & presque nud. La propriété que possede la noix de galle de précipiter les sels métalliques, principalement observée dans ses effets sur le vitriol de Mars, indique assez bien ce principe terreux ; mais & la démonstration chimique de la nature de la noix de galle & la théorie des phénomenes qu'elle présente, lorsqu'on l'applique aux différentes dissolutions de fer, manquent également à la Chimie jusqu'à présent. L'observation nue des faits a seulement appris que la poudre ou la décoction filtrée de noix de galle étant mêlée en petite quantité à une liqueur qui contient la moindre parcelle de fer, dans quelque état que ce soit, y manifeste ce métal sous la forme d'un précipité plus ou moins divisé, plus ou moins rare, selon qu'il est plus ou moins abondant, & de différentes couleurs proportionnelles à ses différens degrés de tenuité & d'abondance, dans l'ordre suivant : le précipité à peine sensible est d'une couleur de rose tendre, il devient par nuances paillé, vineux, gros-rouge, violet, bleu foncé, & enfin noir, c'est-à-dire bleu très-foncé. Voyez NOIR. Cette derniere nuance est celle de l'encre, qui n'est autre chose qu'une forte dissolution de vitriol martial précipité par la noix de galle, & dans laquelle le précipité est constamment suspendu par une matiere gommeuse dont cette liqueur est en même tems chargée. Voyez ENCRE & VITRIOL.

Quant aux vertus médicamenteuses de la noix de galle, nous avons à en dire exactement la même chose que des noix de cyprès. Voyez CYPRES, mat. méd. M. Reneaume, médecin de Paris, a donné sur leurs vertus fébrifuges un mémoire à l'académie royale des Sciences, an. 1711. (b.)

NOIX D'INDE, nux Indica, (Médecine) est le fruit d'un arbre qui croît dans les Indes, & qu'on appelle cocotier. Voyez CACAO & CHOCOLAT.

NOIX DE MADAGASCAR, (Botan. exot.) noix grosse comme une noix de galle, ronde, légere, de couleur de châtaigne, ayant l'odeur & le goût du girofle, mais beaucoup plus foible, & contenant quelques pepins ou semences : on nous l'apporte de Madagascar ; c'est le fruit d'un arbre appellé dans le pays ravendsara. (D.J.)

NOIX METEL, (Médecine) voyez POMME EPINEUSE.

NOIX MUSCADE, (Botan. exot.) voyez MUSCADE.

NOIX VOMIQUE, (Botan. exot.) amande ou fruit de différente grosseur, que nous recevons des Indes orientales. Il est mal nommé noix vomique, car il n'excite point le vomissement ; mais il tue les hommes, les quadrupedes & les oiseaux, après leur avoir causé de terribles angoisses.

On nous envoie le plus communément sous le nom de noix vomique une amande orbiculaire, applatie, large d'environ un pouce, épaisse de deux ou trois lignes, d'une substance dure comme la corne, de couleur grise, un peu lanugineuse en dehors ; ayant une espece de nombril qui occupe le centre, mais plus applati d'un côté que de l'autre.

Les Grecs n'ont point connu notre noix vomique, & il n'est pas certain que ce soit la noix métel des Arabes. Ceux des modernes qui ont pris la noix vomique orientale pour une racine, ou pour un champignon, se sont également trompés : c'est l'amande ou le fruit d'un certain arbre, qui s'appelle nux vomica major, ou caniram. H. Malab. tom. I. Malus Malabarica, fructu corticoso, amaricante, semine plano, compresso. D. Syen, Ray hist. 1661. Solanum arborescens indicum, maximum, foliis Oenopliae, sive nanenae majoribus, fructu rotundo, duro, rubro, semine orbiculari, compresso, maximo, &c.

Cet arbre est également grand & gros, fort branchu, couvert d'une écorce cendrée, noirâtre ou rougeâtre & amere. Ses feuilles naissent opposées sur les noeuds des branches ; elles sont ovales, très-larges dans leur milieu, terminées en pointe mousse, verdoyante, d'une saveur amere, ayant trois nervures un peu saillantes en-dessus & en-dessous. Ses fleurs naissent par bouquets sur les rameaux aux aisselles des feuilles : elles sont composées d'un pétale d'une seule piece en forme d'entonnoir, divisé profondément en cinq parties ; les étamines sont au nombre de cinq, garnies de longs sommets & d'un seul pistil plus long que le pétale.

Les fleurs étant passées, leurs embryons deviennent des fruits ronds, lisses, verds d'abord, ensuite d'une couleur jaune dorée, contenant dans leur maturité une substance blanche & mucilagineuse, sous une écorce un peu épaisse, cassante, & d'une saveur fort amere. Ils n'ont qu'une loge ; chaque fruit contient quinze semences arrondies & applaties ; l'écorce extérieure de ces fruits est avant leur maturité de couleur argentine, tirant sur le brun ; lorsqu'ils sont murs, cette écorce est velue, verdâtre, mince, & fort amere. Cet arbre croît dans le Malabar, & sur la côte de Coromandel.

Les noix vomiques font mourir par une vertu spécifique & vénéneuse tous les quadrupedes, les corbeaux, les corneilles, les cailles, & la plûpart des oiseaux. Presque tous les médecins reconnoissent qu'il n'en faudroit pas deux drachmes pour tuer un homme des plus robustes. Il est certain qu'une très-petite quantité suffit pour bouleverser l'estomac & exciter des mouvemens convulsifs. Le poison de cette noix paroît attaquer principalement les nerfs : car c'est de-là que vient l'anxiété, la roideur, le frisson, le tremblement, les convulsions & la respiration déréglée. Voyez à ce sujet les observations de Gesner, de Bauhin, & sur-tout d'Antoine de Heyde.

On connoît une autre espece de noix vomique entierement semblable à la précédente, dont l'arbre s'appelle modira caniram, H. Malab. t. VIII. Solanum arborescens indicum, foliis napecae majoribus, magis mucronatis ; fructu rotundo, duro, spadiceo, nigrescente ; semine orbiculari, compresso, maximo, Breyn 2. prodr.

Quoique l'on prétende que cette seconde noix vomique & le bois de couleuvre se tirent du même arbre ; Herman assûre au contraire que cette noix vient d'un autre arbre, mais c'est un point qui nous importe fort peu.

Il y a une troisieme espece de noix vomique, plus petite que les précédentes, & que l'on trouve très-rarement dans les boutiques. A peine égale-t-elle la troisieme partie de la noix vomique ordinaire : au reste, elle lui ressemble par la figure, la couleur, le goût & la consistance ; le bois de l'arbre qui produit cette espece de noix vomique s'appelle bois de couleuvre ; mais c'est plutôt une racine ligneuse qui renferme sous une écorce de couleur de fer, & marquée de taches grises, une substance solide, pesante, d'un goût âcre & amer, sans aucune odeur. On nous l'apporte des îles de Solor & de Timor. On distingue ce bois de celui des arbres dont nous venons de parler, en ce qu'il est plus dur & plus dense. L'arbre qui fournit la petite noix vomique s'appelle nux vomica minor, moluccana ; il ne differe de l'arbre caniram que par la moindre grandeur de ses feuilles, de ses fruits & de ses graines. (D.J.)

NOIX, s. f. (Géom. prat.) partie d'un instrument de Géométrie pratique, tel qu'un graphometre, un niveau, &c. C'est une boule de métal ou de bois qui a un col long, sur lequel on fixe l'instrument. Cette boule est enchassée dans une boîte où elle est mobile en tout sens, pour pouvoir mettre l'instrument dans une situation verticale, parallele à l'horison, oblique, de façon qu'on puisse l'arrêter dans toutes ces situations, & la fixer sans qu'elle puisse branler ; ce qui se fait par le moyen d'une vis qui serre la boîte dans laquelle la noix est renfermée. (D.J.)

NOIX, (Marine) où passe la manivelle du gouvernail. Voyez MOULINET.

NOIX, terme d'Arquebusier ; c'est un petit morceau de fer plat sur ses deux faces, de la largeur de dix à douze lignes, & épais de six, qui est arrondi parderriere, & garni de deux crans, dont l'un sert pour le repos, & l'autre pour la tente, & s'engrenent dans la machoire de la gachette, qui est immédiatement posée derriere cette noix. Le devant est creusé en-dedans en forme de machoire, & est pour recevoir la machoire du grand ressort à sens contraire. Les deux faces plates sont traversées d'un pivot qui est rond & menu, & qui se passe dans le trou qui est au milieu de la bride. L'autre bout du pivot est plus gros & est rond, de l'épaisseur de deux à trois lignes, & le reste est quarré. Ce pivot entre dans un trou qui est rond, du calibre du pivot, & qui est pratiqué au corps de platine, de façon que l'épaisseur du pivot rond se place dans ce trou, & soutient la noix qui tourne en bascule, selon le besoin ; le reste, qui est quarré, sort en-dehors, & sert pour placer le chien. Ce pivot est percé d'un trou en écrou, dans lequel on place le clou du chien, & qui l'assujettit de façon qu'il ne peut pas sortir.

NOIX, (Bas au mét.) Voyez l'article BAS AU METIER.

NOIX, terme de Potier de terre ; les Potiers de terre appellent la noix de la roue sur laquelle ils tournent les ouvrages de poterie, l'arbre ou pivot qui lui sert comme d'essieu ; & cela, parce que la tête de cet arbre est presque ronde, & en forme de noix, à la réserve qu'elle est applatie par en haut, pour y placer le morceau de terre glaise qu'on veut travailler. (D.J.)

NOIX, (Soierie) petite poulie cavée, arrêtée fixe sur le bout des broches des rouets.


NOLE(Géog.) ville ancienne d'Italie au royaume de Naples, dans la terre de Labour, avec un évêché suffragant de Naples, dont elle est à 5 lieues N. E. Long. 32. 6. lat. 40. 52.

Les Historiens & les Géographes en parlent comme d'une place forte, qui avoit été fondée par les Chalcidiens. Strabon & Tite-Live la mettent dans le Samnium. Frontin l'appelle Colonia Augusta. Elle conserve encore son ancien nom, qui étoit Nola ; mais elle a perdu sa splendeur. On peut en juger en comparant son état présent avec la peinture qu'en fait Silius Italicus, lib. XII. v. 161.

Hinc ad chalcidicam transfert citus agmina Nolam ;

Campo Nola cedet, crebris circumdata in orbem

Turribus, & celso facilem tutatur adiri

Planitiem vallo.

Annibal l'assiégea inutilement l'an 540 de la fondation de Rome ; & ce fut aux portes de cette ville que le consul Marcellus lui présenta la bataille. Vespasien décora Nole du titre de colonie romaine.

Personne n'ignore que c'est à Nole qu'Auguste mourut, le 19 Août, âgé d'environ 76 ans, l'an 14 de J. C. & après environ 44 ans de regne, à compter depuis la victoire d'Actium, qui lui procura l'empire du monde.

Bruno (Giordano) en latin Brunus (Jordanus), étoit un homme de beaucoup d'esprit, mais qu'il employa bien mal, en attaquant les vérités les plus importantes de la foi. Son ouvrage de causâ, principio, & uno, parut à Venise, l'an 1584, in-12. Il établit dans ce traité une hypothèse toute semblable pour le fond au spinosisme. Dans ses dialogues, Del infinito universo, è mundo, imprimés à Venise dans la même année, il soutient avec raison, ou du moins très-vraisemblablement, que l'univers est infini, qu'il y a plusieurs mondes, & que le système de Copernic est le seul recevable. Il s'est étrangement égaré dans son spaccio de la Bestia trionfante, diviso in tre dialogi, stampato in Parigi 1594 in-12, & dédié au chevalier Philippe Sidney. C'est un traité d'une très-mauvaise morale, & de plus très-ridiculement digéré ; car il y expose la nature des vices & des vertus, sous l'emblème des constellations célestes chassées du firmament pour faire place à de nouveaux astérismes, qui représentent la vérité, la bonté, &c. Ses dialogues en prose & en vers, intitulés, li heroici furori, n'offrent au lecteur que de pures imaginations cabalistiques, raffinées sur celles de Raimond Lulle. Jordanus Brunus fut brûlé à Rome, l'an 1600, par jugement de l'inquisition.

Tansillo (Louis) né en 1610, s'acquit en Italie de la célébrité par ses poésies. Sa piece intitulée il Vindemiatore, le Vendangeur, fit beaucoup de bruit. Elle parut d'abord à Naples en 1534, sous le titre de stanze de gli orti delle donne ; ce sont des stances remplies de choses qui blessent la pudeur & l'honnêteté. Il tâcha de réparer cet ouvrage, par un poëme pieux, les larmes de S. Pierre, le lagrime di san Pietro ; mais la mort le surprit avant qu'il y mit la derniere main. Plusieurs autres l'ont retouché, & on l'a imprimé plusieurs fois. La meilleure édition est celle de 1600 à Venise. Ce poëme a été traduit en françois par Malherbe. Enfin, les poésies diverses de Tansillo, c'est-à-dire, ses sonnets & ses canzoni, ont été recueillis & imprimés en 1711 à Bologne ; on en fait grand cas en Italie. Le poëte Tansillo est mort juge royal à Gayette, vers l'an 1571. (D.J.)


NOLETS. m. (Couvreur) ce sont des tuiles creuses formant des canaux pour couvrir les lucarnes & égoutter les eaux. Félibien dit que ces nolets sont aussi les noues ou enfoncemens de deux combles qui se rencontrent.


NOLI(Géog.) ville d'Italie dans l'état & sur la côte de Gènes avec un évêché suffragant de Gènes, & un assez bon port, à 2 lieues N. E. de Final, 12 S. O. de Gènes. Long. 25. 59. lat. 44. 18. (D.J.)


NOLI ME TANGERES. m. (Jardinage) est une plante rameuse qui s'éleve à un pié & demi ; c'est une espece de balsamine qui étant touchée ou agitée par le vent, jette des semences entre les doigts. Les feuilles sont rangées alternativement comme celles de la mercuriale, & ses fleurs, à quatre feuilles, sont de couleur jaune, marquées de points rouges, avec des étamines blanches. Il leur succéde un fruit qui contient sa semence : sa culture est fort aisée, puisqu'elle croît naturellement dans les bois & les lieux humides.

NOLI ME TANGERE, s. m. (Chirurgie) mots purement latins, qui signifient à la lettre, ne me touchez point, dont on a fait le nom d'une éruption maligne au visage, produite par une humeur extrêmement âcre & corrosive. On l'appelle ainsi, soit parce qu'elle peut se communiquer par l'attouchement, ou parce qu'en y touchant on augmente sa malignité & sa disposition à s'étendre.

Le noli me tangere est une espece d'herpe corrosif, que quelques-uns croient tenir du cancer, & d'autres de la lepre. Voyez HERPES, CANCER & LEPRE.

Noli me tangere se dit particulierement d'un ulcere externe aux aîles du nez, lequel vient souvent d'une cause vénérienne, quoiqu'il puisse aussi être l'effet d'une constitution scrophuleuse. Voyez ULCERE.

Cet ulcere ne se borne pas toujours aux aîles du nez : quelques fois il corrode aussi toutes les chairs circonvoisines. Il est bien difficile à guérir, surtout quand il a son principe dans une constitution dépravée.

L'ulcere qu'on appelle noli me tangere est cancéreux, & ce nom lui vient de ce qu'en voulant le guerir, on l'irrite souvent davantage, & on avance la mort du malade. Il n'est point de nature différente du carcinome ; il n'y a de difficulté à la guérison que lorsqu'il est absolument impossible d'extirper totalement la maladie, & toutes les duretés skirrheuses qui en dépendent, parce que la putréfaction qui y surviendroit, produiroit un ulcere de la même nature, souvent plus terrible que le premier. Voyez CANCER. (Y)

Noli me tangere se dit aussi en Botanique d'une plante, ainsi nommée, parce que, quand elle est mûre, elle a cette propriété singuliere, que pour peu qu'on touche aux siliques qui contiennent sa semence, elles s'ouvrent, & la laissent échapper. Voyez SEMENCE.


NOLIGERou NAULISER, (Marine) Voyez FRETER. Ces deux mots sont synonymes ; mais le mot de noliger n'est guere d'usage que sur la Méditerranée. (Z)


NOLISS. m. terme de négociant ; louage d'un vaisseau, ou la convention faite entre un marchand & le maître d'un bâtiment, pour transporter des marchandises d'un lieu à un autre. On ne se sert de ce mot que sur la Méditerranée ; sur l'Océan on dit fret.


NOMS. m. (Métaph. Gram.) ce mot nous vient, sans contredit, du latin nomen ; & celui-ci réduit à sa juste valeur, conformément aux principes établis à l'article FORMATION, veut dire men quod notat, signe qui fait connoître, ou notans men, & par syncope notamen, puis nomen. S. Isidore de Séville indique assez clairement cette étymologie dans ses origines, & en donne tout-à-la-fois une excellente raison : NOMEN dictum quasi notamen, quòd nobis vocabulo suo notas efficiat ; nisi enim NOMEN scieris, cognitio rerum perit, lib. I. cap. vj. Cette définition du mot est d'autant plus recevable, qu'elle est plus approchante de celle de la chose : car les noms sont des mots qui présentent à l'esprit des êtres déterminés par l'idée précise de leur nature ; ce qui est effectivement donner la connoissance des êtres. Voyez MOT, art. 1.

On distingue les noms, ou par rapport à la nature même des objets qu'ils désignent, ou par rapport à la maniere dont l'esprit envisage cette nature des êtres.

I. Par rapport à la nature même des objets désignés, on distingue les noms en substantifs & abstractifs.

Les noms substantifs sont ceux qui désignent des êtres qui ont ou qui peuvent avoir une existence propre & indépendante de tout sujet, & que les Philosophes appellent des substances, comme Dieu, ange, ame, animal, homme, César, plante, arbre, cerisier, maison, ville, eau, riviere, mer, sable, pierre, montagne, terre, &c. Voyez SUBSTANCE.

Les noms abstractifs sont ceux qui désignent des êtres dont l'existence est dépendante de celle d'un sujet en qui ils existent, & que l'esprit n'envisage en soi, & comme jouissant d'une existence propre, qu'au moyen de l'abstraction ; ce qui fait que les Philosophes les appellent des êtres abstraits ; comme tems, éternité, mort, vertu, prudence, courage, combat, victoire, couleur, figure, pensée, &c. Voyez ABSTRACTION.

La premiere & la plus ordinaire division des noms est celle des substantifs & des adjectifs. Mais j'ai déja dit un mot (art. GENRE) sur la méprise des Grammairiens à cet égard ; & j'avois promis de discuter ici plus profondement cette question. Il me semble cependant que ce seroit ici une véritable digression, & qu'il est plus convenable de renvoyer cet examen au mot SUBSTANTIF, où il sera placé naturellement.

II. Par rapport à la maniere dont l'esprit envisage la nature des êtres, on distingue les noms en appellatifs & en propres.

Les noms appellatifs sont ceux qui présentent à l'esprit des êtres déterminés par l'idée d'une nature commune à plusieurs : tels sont homme, brute, animal, dont le premier convient à chacun des individus de l'espece humaine ; le second, à chacun des individus de l'espece des brutes ; & le troisieme, à chacun des individus de ces deux especes.

Les noms propres sont ceux qui présentent à l'esprit des êtres déterminés par l'idée d'une nature individuelle : tels sont Louis, Paris, Meuse, dont le premier désigne la nature individuelle d'un seul homme ; le second, celle d'une seule ville ; & le troisiéme, celle d'une seule riviere.

§. 1. Il est essentiel de remarquer deux choses dans les noms appellatifs ; je veux dire la compréhension de l'idée, & l'étendue de la signification.

Par la compréhension de l'idée, il faut entendre la totalité des idées partielles, qui constituent l'idée entiere de la nature commune indiquée par les noms appellatifs : par exemple, l'idée entiere de la nature humaine, qui est indiquée par le nom appellatif homme, comprend les idées partielles de corps vivant & d'ame raisonnable ; celles-ci en renferment d'autres qui leur sont subordonnées, par exemple, l'idée d'ame raisonnable suppose les idées de substance, d'unité, d'intelligence, de volonté, &c. La totalité de ces idées partielles, paralleles ou subordonnées les unes aux autres, est la compréhension de l'idée de la nature commune exprimée par le nom appellatif homme.

Par l'étendue de la signification, on entend la totalité des individus en qui se trouve la nature commune indiquée par les noms appellatifs : par exemple, l'étendue de la signification du nom appellatif homme, comprend tous & chacun des individus de l'espece humaine, possibles ou réels, nés ou à naître ; Adam, Eve, Assuérus, Esther, César, Calpurnie, Louis, Therese, Daphnis, Chloé, &c.

Sur quoi il faut observer qu'il n'existe réellement dans l'univers que des individus ; que chaque individu a sa nature propre & incommunicable ; & conséquemment qu'il n'existe point en effet de nature commune, telle qu'on l'envisage dans les noms appellatifs. C'est une idée factice que l'esprit humain compose en quelque sorte de toutes les idées des attributs semblables qu'il distingue par abstraction dans les individus. Moins il entre d'idées partielles dans celle de cette nature factice & abstraite, plus il y a d'individus auxquels elle peut convenir ; & plus au contraire il y entre d'idées partielles, moins il y a d'individus auxquels la totalité puisse convenir. Par exemple, l'idée de figure convient à un plus grand nombre d'individus que celle de triangle, de quadrilatere, de pentagone, d'hexagone, &c. parce que cette idée ne renferme que les idées partielles d'espace, de bornes, de côtés, & d'angles, qui se retrouvent dans toutes les especes que l'on vient de nommer ; au lieu que celle de triangle, qui renferme les mêmes idées partielles, comprend encore l'idée précise de trois côtés & de trois angles : l'idée de quadrilatere, outre les mêmes idées partielles, renferme de plus celle de quatre côtés & de quatre angles, &c. d'où il suit d'une maniere très-évidente que l'étendue & la compréhension des noms appellatifs sont, si je puis le dire, en raison inverse l'une de l'autre, & que tout changement dans l'une suppose dans l'autre un changement contraire. D'où il suit encore que les noms propres, déterminant les êtres par une nature individuelle, & ne pouvant convenir qu'à un seul individu, ont l'étendue la plus restrainte qu'il soit possible de concevoir, & conséquemment la compréhension la plus complexe & la plus grande.

Ici se présente bien naturellement une objection, dont la solution peut répandre un grand jour sur la matiere dont il s'agit. Comme il n'existe que des êtres individuels & singuliers, & que les noms doivent présenter à l'esprit des êtres déterminés par l'idée de leur nature ; il semble qu'il ne devroit y avoir dans les langues que des noms propres, pour déterminer les êtres par l'idée de leur nature individuelle : & nous voyons cependant qu'il y a au contraire plus de noms appellatifs que de propres. D'où vient cette contradiction ? Est-elle réelle ? N'est-elle qu'apparente ?

1°. S'il falloit un nom propre à chacun des individus réels ou abstraits qui composent l'univers physique ou intellectuel ; aucune intelligence créée ne seroit capable, je ne dirai pas d'imaginer, mais seulement de retenir la totalité des noms qui entreroient dans cette nomenclature. Il ne faut qu'ouvrir les yeux pour concevoir qu'il s'agit d'une infinité réelle, qui ne peut être connue en détail que par celui qui numerat multitudinem stellarum ; & omnibus eis NOMINA vocat. Ps. cxlvj. 4. D'ailleurs la voix humaine ne peut fournir qu'un nombre assez borné de sons & d'articulations simples ; & elle ne pourroit fournir à l'infinie nomenclature des individus qu'en multipliant à l'infini les combinaisons de ces élemens simples : or, sans entrer fort avant dans les profondeurs de l'infini, imaginons seulement quelques milliers de noms composés de cent mille syllabes, & voyons ce qu'il faut penser d'un langage qui de quatorze ou quinze de ces noms rempliroit un volume semblable à celui que le lecteur a actuellement sous les yeux.

2°. L'usage des noms propres suppose déja une connoissance des individus, sinon détaillée & approfondie, du moins très positive, très-précise, & à la portée de ceux qui parlent, & de ceux à qui l'on parle. C'est pour cela que les individus que la société a intérêt de connoître, & qu'elle connoît plus particulierement, y sont communément désignés par des noms propres, comme les empires, les royaumes, les provinces, les régions, certaines montagnes, les rivieres, les hommes, &c. Si la distinction précise des individus est indifférente, on se contente de les désigner par des noms appellatifs ; ainsi chaque grain de sable est un grain de sable, chaque perdrix est une perdrix, chaque étoile est une étoile, chaque cheval est un cheval, &c. voilà l'usage de la société nationale, parce que son intérêt ne va pas plus loin. Mais chaque société particuliere comprise dans la nationale a ses intérêts plus marqués & plus détaillés ; la connoissance des individus d'une certaine espece y est le plus nécessaire ; ils ont leurs noms propres dans le langage de cette société particuliere : montez à l'observatoire ; chaque étoile n'y est plus une étoile tout simplement, c'est l'étoile du capricorne, c'est le du centaure, c'est le de la grande ourse, &c. entrez dans un manege, chaque cheval y a son nom propre, le brillant, le lutin, le fougueux, &c. chaque particulier établit de même dans son écurie une nomenclature propre ; mais il ne s'en sert que dans son domestique, parce que l'intérêt & le moyen de connoître individuellement n'existent plus hors de cette sphere. Si l'on ne vouloit donc admettre dans les langues que des noms propres, il faudroit admettre autant de langues différentes que de sociétés particulieres ; chaque langue seroit bien pauvre, parce que la somme des connoissances individuelles de chaque petite société n'est qu'un infiniment petit de la somme des connoissances individuelles possibles ; & une langue n'auroit avec une autre aucun moyen de communication, parce que les individus connus d'une part ne seroient pas connus de l'autre.

3°. Quoique nos véritables connoissances soient essentiellement fondées sur des idées particulieres & individuelles, elles supposent pourtant essentiellement des vûes générales. Qu'est-ce que généraliser une idée ? C'est la séparer par la pensée de toutes les autres avec lesquelles elle se trouve associée dans tel & tel individu, pour la considérer à part & l'approfondir mieux (voyez ABSTRACTION) ; & ce sont des idées ainsi abstraites que nous marquons par les mots appellatifs. Voyez APPELLATIF. Ces idées abstraites étant l'ouvrage de l'entendement humain sont aisément saisies par tous les esprits ; & en les rapprochant les unes des autres, nous parvenons, par la voie de la synthèse, à composer en quelque sorte les idées moins générales ou même individuelles qui sont l'objet de nos connoissances, & à les transmettre aux autres au moyen des signes généraux & appellatifs combinés entr'eux comme les idées simples dont ils sont les signes. Voyez GENERIQUE. Ainsi l'abstraction analyse en quelque maniere nos idées individuelles en les réduisant à des idées élémentaires que l'on peut appeller simples par rapport à nous ; le nombre n'en est pas à beaucoup près si prodigieux que celui des diverses combinaisons qui en résultent & qui caractérisent les individus, & par-là elles peuvent devenir l'objet d'une nomenclature qui soit à la portée de tous les hommes. S'agit-il ensuite de communiquer ses pensées, le langage a recours à la synthèse, & combine les signes des idées élémentaires comme les idées mêmes doivent être combinées ; le discours devient ainsi l'image exacte des idées complexes & individuelles, & l'étendue vague des noms appellatifs se détermine plus ou moins, même jusqu'à l'individualité, selon les moyens de détermination que l'on juge à propos ou que l'on a besoin d'employer.

Or il y a deux moyens géneraux de déterminer ainsi l'étendue de la signification des noms appellatifs.

Le premier de ces moyens porte sur ce qui a été dit plus haut, que la compréhension & l'étendue sont en raison inverse l'une de l'autre, & que l'étendue individuelle, la plus restrainte de toutes, suppose la compréhension la plus grande & la plus complexe. Il consiste donc à joindre avec l'idée générale du nom appellatif, une ou plusieurs autres idées, qui devenant avec celle-là parties élémentaires d'une nouvelle idée plus complexe, présenteront à l'esprit un concept d'une compréhension plus grande, & conséquemment d'une étendue plus petite.

Cette addition peut se faire, 1°. par un adjectif physique, comme, un homme savant, des hommes pieux, où l'on voit un sens plus restraint que si l'on disoit simplement un homme, des hommes : 2°. par une proposition incidente qui énonce un attribut sociable avec la nature commune énoncée par le nom appellatif ; par exemple, un homme que l'ambition dévore, ou dévoré par l'ambition, des hommes que la patrie doit chérir.

Le second moyen ne regarde aucunement la compréhension de l'idée générale, il consiste seulement à restraindre l'étendue de la signification du nom appellatif, par l'indication de quelque point de vûe qui ne peut convenir qu'à une partie des individus.

Cette indication peut se faire, 1°. par un adjectif métaphysique partitif qui désigneroit une partie indéterminée des individus, quelques hommes, certains hommes, plusieurs hommes : 2°. par un adjectif numérique qui désigneroit une quotité précise d'individus, un homme, deux hommes, mille hommes : 3°. par un adjectif possessif qui caractériseroit les individus par un rapport de dépendance, meus ensis, tuus ensis, Evandrius ensis : 4°. par un adjectif démonstratif qui fixeroit les individus par un rapport d'indication précise, ce livre, cette femme, ces hommes : 5°. par un adjectif ordinal qui spécifieroit les individus par un rapport d'ordre, le second tome, chaque troisieme année : 6°. par l'addition d'un autre nom ou d'un pronom qui seroit le terme de quelque rapport, & qui seroit annoncé comme tel par les signes autorisés dans la syntaxe de chaque langue, la loi de Moïse en françois, lex Mosis en latin, thorath Mosché en hébreu, comme si l'on disoit en latin legis Moïses ; chaque langue a ses idiotismes : 7°. par une proposition incidente, qui sous une forme plus développée rendroit quelqu'un de ces points de vûe, l'homme ou les hommes dont je vous ai parlé, l'épée que vous avez reçue du roi, le volume qui m'appartient, &c.

On peut même, pour déterminer entierement un nom appellatif, réunir plusieurs des moyens que l'on vient d'indiquer. Que l'on dise, par exemple, j'ai lû deux excellens ouvrages de Grammaire composés par M. du Marsais ; le nom appellatif ouvrages est déterminé par l'adjectif numérique deux, par l'adjectif physique excellens, par la relation objective que désignent ces deux mots, de Grammaire, & par la relation causative indiquée par ces autres mots, composés par M. du Marsais. C'est qu'il est possible qu'une premiere idée déterminante, en restraignant la signification du nom appellatif, la laisse encore dans un état de généralité, quoique l'étendue n'en soit plus si grande. Ainsi excellens ouvrages, cette expression présente une idée moins générale qu'ouvrages, puisque les médiocres & les mauvais sont exclus ; mais cette idée est encore dans un état de généralité susceptible de restriction : excellens ouvrages de Grammaire, voilà une idée plus restrainte, puisque l'exclusion est donnée aux ouvrages de Théologie, de Jurisprudence, de Morale, de Mathématique, &c. deux excellens ouvrages de Grammaire ; cette idée totale est encore plus déterminée, mais elle est encore générale, malgré la précision numérique, qui ne fixe que la quantité des individus sans en fixer le choix ; deux excellens ouvrages de Grammaire composés par M. du Marsais, voici une plus grande détermination, qui exclut ceux de Lancelot, de Sanctius, de Scioppius, de Vossius, de l'abbé Girard, de l'abbé d'Olivet, &c. La détermination pourroit devenir plus grande, & même individuelle, en ajoutant quelqu'autre idée à la compréhension ; ou en restraignant l'idée à quelque autre point de vûe.

C'est par de pareilles déterminations que les noms appellatifs devenant moins généraux par degrés, se soudivisent en génériques & en spécifiques, & sont envisagés quelquefois sous l'un de ces aspects, & quelquefois sous l'autre, selon que l'on fait attention à la totalité des individus auxquels ils conviennent, ou à une totalité plus grande dont ceux-ci ne sont qu'une partie distinguée par l'addition déterminative. Voyez APPELLATIF & GENERIQUE.

§ 2. Pour ce qui est des noms propres, c'est en vertu d'un usage postérieur qu'ils acquierent une signification individuelle ; car on peut regarder comme un principe général, que le sens étymologique de ces mots est constamment appellatif. Peut-être en trouveroit-on plusieurs sur lesquels on ne pourroit vérifier ce principe, parce qu'il seroit impossible d'en assigner la premiere origine ; mais pour la même raison on ne pourroit pas prouver le contraire : au-lieu qu'il n'y a pas un seul nom propre dont on puisse assigner l'origine, dans quelque langue que ce soit, que l'on n'y retrouve une signification appellative & générale.

Tout le monde sait qu'en hébreu tous les noms propres de l'ancien Testament sont dans ce cas : on peut en voir la preuve dans une table qui se trouve à la fin de toutes les éditions de la Bible vulgate, dans laquelle entr'autres exemples on trouve que Jacob signifie supplantator ; mais il faut prendre garde de s'imaginer que ce patriarche fut ainsi nommé, parce qu'il surprit à son frere le droit d'aînesse, la maniere dont il vint au monde en est l'unique fondement ; il tenoit son frere par le talon, il avoit la main sub plantâ, & le nom de Jacob ne signifie rien autre chose. Oter à quelqu'un par finesse la possession d'une chose, ou l'empêcher de l'obtenir, c'est agir comme celui qui nâquit ayant la main sous la plante du pié de son frere ; de-là le verbe supplanter, en dérivant ce mot des deux racines latines sub plantâ, qui répondent aux racines hébraïques du nom de Jacob, parce que Jacob trompa ainsi son frere : il pouvoit arriver que nous allassions puiser jusques là ; & dans ce cas nous aurions dit jacober ou jacobiser, aulieu de supplanter, ce qui auroit signifié de même tromper, comme Jacob trompa Esaü.

C'étoit la même chose en grec : Alexandre, , fortis auxiliator ; Aristote, , ad optimum finem, d', optimus, & de , finis ; , victor populi, de , vinco, & de , populus ; Philippe, , amator equorum, de , amo, & de , equus ; Achéron (fleuve d'enfer), fluvius doloris, de , dolor, & de , fluvius ; Afrique, sine frigore, d' privatif, & de , frigus ; Ethiopie (région très-chaude en Afrique), d', uro, & de , vultus ; Naples, , nova urbs, de , novus & de , urbs, &c.

Les noms propres des Latins étoient encore dans le même cas : Lucius vouloit dire cum luce natus, au point-du-jour ; Tiberius, né près du Tibre ; Servius, né esclave ; Quintus, Sextus, Octavius, Nonius, Decimus, sont évidemment des adjectifs ordinaux, employés à caractériser les individus d'une même famille par l'ordre de leur naissance, &c.

Il y a tant de noms de famille dans notre langue qui ont une signification appellative, que l'on ne peut douter que ce ne soit la même chose dans tous les idiomes, & une suggestion de la nature : le Noir, le Blanc, le Rouge, le Maître, Desormeaux, Sauvage, Moreau, Potier, Portail, Chrétien, Hardi, Marchand, Maréchal, Coutelier, &c. & c'est encore la même chose chez nos voisins : on trouve des allemands qui s'appellent Wolf, le Loup ; Schwartz, le Noir ; Meïer, le Maire ; Fiend, l'Ennemi, &c.

Cette généralité de la signification primitive des noms propres pouvoit quelquefois faire obstacle à la distinction individuelle qui étoit l'objet principal de cette espece de nomenclature, & l'on a cherché par-tout à y remédier. Les Grecs individualisoient le nom propre par le génitif de celui du pere ; , en sousentendant , Alexander Philippi, suppl. filius, Alexandre fils de Philippe. Nos ancêtres produisoient le même effet par l'addition du nom du lieu de la naissance ou de l'habitation, Antoine de Pade ou de Padoue, Thomas d'Aquin ; ou par l'adjectif qui désignoit la province, Lyonnois, Picard, le Normand, le Lorrain, &c. ou par le nom appellatif de la profession, Drapier, Teinturier, Marchand, Maréchal, l'Avocat, &c. ou par un sobriquet qui désignoit quelque chose de remarquable dans le sujet, le Grand, le Petit, le Roux, le Fort, Voisin, Ronfleur, le Nain, le Bossu, le Camus, &c. & c'est l'origine la plus probable des noms qui distinguent aujourd'hui les familles.

Les Romains dans la même intention, accumuloient jusqu'à trois ou quatre dénominations, qu'ils distinguoient en nomen, praenomen, cognomen, & agnomen.

Le nom proprement dit étoit commun à tous les descendans d'une même maison, gentis, & à toutes ses branches ; Julii, Antonii, &c. c'étoit probablement le nom propre du premier auteur de la maison, puisque les Jules descendoient d'Iulus, fils d'Enée, ou le prétendoient.

Le surnom étoit destiné à caractériser une branche particuliere de la maison, familiam ; ainsi les Scipions, les Lentulus, les Dolabella, les Sylla, les Cinna, étoient autant de branches de la maison des Corneilles, Cornelii. On distinguoit deux sortes de surnoms, l'un appellé cognomen, & l'autre agnomen. Le cognomen distinguoit une branche d'une autre branche parallele de la même maison ; l'agnomen caractérisoit une soudivision d'une branche : l'un & l'autre étoit pris ordinairement de quelque évenement remarquable qui distinguoit le chef de la division ou de la soudivision. Scipio étoit un surnom, cognomen, d'une branche cornélienne ; Africanus fut un surnom, agnomen, du vainqueur de Carthage, & seroit devenu l'agnomen de sa descendance, qui auroit été distinguée ainsi de celle de son frere, qui auroit porté le nom d'Asiaticus.

Pour ce qui est du prénom, c'étoit le nom individuel de chaque enfant d'une même famille : ainsi les deux freres Scipions dont je viens de parler, avant qu'on les distinguât par l'agnomen honorable que la voix du peuple accorda à chacun d'eux, étoient distingués par les prénoms de Publius & de Lucius ; Publius fut surnommé l'Afriquain, Lucius fut surnommé l'Asiatique. La dénomination de praenomen vient de ce qu'il se mettoit à la tête des autres, immédiatement avant le nom, qui étoit suivi du cognomen, & ensuite de l'agnomen. P. Cornelius Scipio Africanus ; L. Cornelius Scipio Asiaticus. Les adoptions, & dans la suite des tems la volonté des empereurs, occasionnerent quelques changemens dans ce système qui est celui de la république. Voyez la Méthode latine de P. R. sur cette matiere, au chap. j. des Observations particulieres.

§ 3. Pour ne rien laisser à désirer sur ce qui peut intéresser la Philosophie à l'égard des noms appellatifs & des noms propres, il faut nous arrêter un moment sur ce qui regarde l'ordre de la génération de ces deux especes.

" Il y a toute apparence, dit l'abbé Girard (Princ. tom. I. disc. v. pag. 219.) que le premier but qu'on a eu dans l'établissement des substantifs, a été de distinguer les sortes ou les especes dans la variété que l'univers présente, & que ce n'a été qu'au second pas qu'on a cherché à distinguer dans la multitude les êtres particuliers que l'espece renferme ".

M. Rousseau de Genève, dans son Discours sur l'origine & les fondemens de l'inégalité parmi les hommes (partie prem.) adopte un système tout opposé. " Chaque objet, dit-il, reçut d'abord un nom particulier, sans égard aux genres & aux especes, que ces premiers instituteurs n'étoient pas en état de distinguer ; & tous les individus se présenterent isolés à leur esprit comme ils le sont dans le tableau de la nature. Si un chêne s'appelloit A, un autre s'appelloit B... Les premiers substantifs n'ont pû jamais être que des noms propres ". L'auteur de la Lettre sur les sourds & muets est de même avis (pag. 4.) & Scaliger long-tems auparavant s'en étoit expliqué ainsi : Qui nomen imposuit rebus, individua nota priùs habuit quàm species. De caus. L. L. lib. IV. cap. xcj.

On ne doit pas être surpris que cette question ait fixé l'attention des Philosophes : la nomenclature est la base de tout langage ; les noms & les verbes en font les principales parties. Cependant il me semble que les tentatives de la Philosophie ont eu à cet égard bien peu de succès, & que ni l'un ni l'autre des deux systèmes opposés ne résout la question d'une maniere satisfaisante.

Ce que l'on vient de remarquer sur l'étymologie des noms propres dans tous les idiomes connus, où il est constant qu'ils sont tous tirés de notions générales adaptées par accident à des individus, paroît confirmer la pensée de l'abbé Girard, que le premier objet de la nomenclature fut de distinguer les sortes ou les especes, & que ce ne fut qu'au second pas que l'on pensa à distinguer les individus compris sous chaque espece. Mais comme le remarque très-bien M. Rousseau (loc. cit.) " pour ranger les êtres sous des dénominations communes & génériques, il en falloit connoître les propriétés & les différences ; il falloit des observations & des définitions, c'est-à-dire, de l'histoire naturelle & de la métaphysique, beaucoup plus que des hommes de ce tems-là n'en pouvoient avoir ".

Toute réelle & toute solide que cette difficulté peut être contre l'assertion de l'académicien, elle ne peut pas établir l'opinion du philosophe génevois. Il est lui-même obligé de convenir qu'il ne conçoit pas les moyens par lesquels les premiers nomenclateurs commencerent à étendre leurs idées & à généraliser leurs mots. C'est qu'en effet quelque système de formation qu'on imagine en supposant l'homme né muet, on ne peut qu'y rencontrer des difficultés insurmontables, & se convaincre de l'impossibilité que les langues ayent pû naître & s'établir par des moyens purement humains.

Le seul système qui puisse prévenir les objections de toute espece, est celui que j'ai établi au mot LANGUE (article j.) que Dieu donna tout-à-la-fois à nos premiers peres la faculté de parler & une langue toute faite. D'où il suit qu'il n'y a aucune priorité d'existence entre les deux especes de noms, quoique quelques appellatifs ayent cette priorité à l'égard de plusieurs noms propres : cependant il est certain que l'espece des noms propres doit avoir la priorité de nature à l'égard des appellatifs, parce que nos connoissances naturelles étant toutes expérimentales doivent commencer par les individus, qu'ils sont même les seuls objets réels de nos connoissances, & que les généralités, les abstractions ne sont pour ainsi dire que le méchanisme de notre raisonnement, & un artifice pour tirer parti de notre mémoire. Mais autre est notre maniere de penser, & autre la maniere de communiquer nos pensées. Pour abréger la communication, nous partons du point où nous sommes arrivés par degrés, & nous retournons de l'idée la plus simple à la plus composée par des additions successives qui ménagent la vûe de l'esprit ; c'est la méthode de synthèse : pour acquérir ces notions, avant que de les communiquer, il nous a fallu décomposer les idées complexes pour parvenir aux plus simples qui sont & les plus générales & les plus faciles à saisir ; c'est la méthode d'analyse. Voyez GENERIQUE.

Ainsi les mots qui ont la priorité dans l'ordre analytique, sont postérieurs dans l'ordre synthétique. Mais comme ces deux ordres sont inséparables, parce que parler & penser sont liés de la même maniere ; que parler c'est, pour ainsi dire, penser extérieurement, & que penser c'est parler intérieurement ; le Créateur en formant les hommes raisonnables, leur donna ensemble les deux instrumens de la raison, penser & parler : & si l'on sépare ce que le Créateur a uni si étroitement, on tombe dans des erreurs opposées, selon que l'on s'occupe de l'un des deux exclusivement à l'autre.

Les noms de quelque espece qu'ils soient, sont susceptibles de genres, de nombres, de cas, & conséquemment soumis à la déclinaison : il suffit ici d'en faire la remarque, & de renvoyer aux articles qui traitent chacun de ces points grammaticaux.

(B. E. R. M.)

NOM, (Hist. génér.) appellation distinctive d'une race, d'une famille, & des individus de l'un & de l'autre sexe dans chaque famille.

On distingue en général deux sortes de noms parmi nous, le nom propre, & le nom de famille. Le nom propre, ou le nom de baptême, est celui que l'on met devant le surnom ou le nom de famille : comme Jean, Pierre, Louis, pour les hommes : Susanne, Thérese, Elisabeth, pour les femmes. Voyez NOM DE BAPTEME.

Le nom de famille est le nom qui appartient à toute la race, à toute la famille, qui se continue de pere en fils, & passe à toutes les branches ; tel est le nom de Bourbon. Il répond au patronymique des Grecs ; par exemple les descendans d'Eaque se nommoient Eacides. Les Romains appelloient ces noms généraux qui se donnent à toute la race, gentilitia.

Nous n'avons que des connoissances incertaines sur l'origine des noms & des surnoms ; & l'ouvrage de M. Gilles-André de la Roque, imprimé à Paris en 1681, in -12. n'a point débrouillé ce cahos par des exemples précis tirés de l'Histoire. Son livre est d'ailleurs d'une sécheresse ennuyeuse.

Dans les titres au-dessus de l'an 1000, on ne trouve guere les personnes désignées autrement que par leur nom propre ou de baptême ; c'est de-là peut-être que les prélats ont retenu l'usage de ne signer que leur nom propre avec celui de leur évêché, parce que durant les siecles précédens on ne voyoit point d'autres souscriptions dans les conciles. Le commun peuple d'Angleterre n'avoit point de nom de famille ou de surnom avant le regne d'Edouard I. qui monta sur le trône en 975. Plusieurs familles n'en ont point encore dans le Holstein & dans quelques autres pays, où l'on n'est distingué que par le nom de baptême & par celui de son pere : Jacques, fils de Jean ; Pierre, fils de Paul.

On croit que les surnoms ou noms de famille ont commencé de n'être en usage en France que vers l'an 987, sur la fin de la lignée des Carlovingiens, où les nobles de France prirent des surnoms de leurs principaux fiefs, ou bien imposerent leurs noms à leurs fiefs, & même avec un usage fort confus. Les bourgeois & les serfs qui n'étoient pas capables de fief, prirent leurs surnoms du ministere auquel ils étoient employés, des lieux, des métairies qu'ils habitoient, des métiers qu'ils exerçoient, &c.

Matthieu, historiographe, prétend que les plus grandes familles ont oublié leurs premiers noms & surnoms, pour continuer ceux de leur partage, apanages & successions, c'est-à-dire, que leurs noms n'ont pas été d'abord héréditaires. M. le Laboureur, parlant du tems que les noms & les armes commencerent à être héréditaires, prétend qu'il y en a peu qui puissent prouver leur descendance au-delà de cinq cent ans, parce que les noms & les armes étoient seulement attachés aux fiefs qu'on habitoit. Ainsi Robert de Beaumont, fils de Roger sire de Beaumont & d'Adeline de Meulan, prit le nom & les armes de Meulan, & quitta le surnom de Beaumont. On remarque même que les fils de France en se mariant avec des héritieres qui avoient des terres d'un grand état, en prenoient les noms & les armes, comme Pierre de France en épousant Isabelle de Courtenay.

Mézerai prétend que ce fut sur la fin du regne de Philippe II. dit Auguste, que les familles commencerent à avoir des noms fixes & héréditaires ; & que les seigneurs & gentilshommes les prenoient le plus souvent des terres qu'ils possédoient. Quant à l'origine des surnoms de la roture, le même historien la tire de la couleur, des qualités ou des défauts, de la profession, du métier, de la province, du lieu de la naissance, & d'autres causes semblables & arbitraires, impossibles à découvrir.

On s'est encore servi de sobriquets pour faire des distinctions dans les familles. Les souverains mêmes n'en ont pas été exceptés, comme Pépin dit le Bref, Charles le Simple, Hugues Capet, & autres. Mais il faut remarquer que ces sobriquets se prenoient indifféremment des qualités bonnes ou mauvaises de l'esprit & du corps.

Personne n'ignore que les papes changent de nom lors de leur pontificat ; mais ce changement de nom paroît un peu plus ancien que l'élection de Sergius IV. l'an 1009 : car Jean XV. s'appelloit Cicho avant son élévation au pontificat, & Jean XVI. son successeur en l'an 995, se nommoit Fasanus ; mais alors ce n'étoit pas les papes élus qui changeoient leur nom comme ils font aujourd'hui, c'étoient leurs électeurs qui leur imposoient d'autres noms.

Les grands d'Espagne multiplient leurs noms tant par adoption, qu'en considération de leurs alliances avec de riches héritieres. Les François multiplient aussi leurs noms, mais par pure vanité, ou bien ils les changent par le même principe. Certaines gens, dit la Bruyere, portent trois noms de peur d'en manquer ; d'autres ont un seul nom dissyllabe qu'ils annoblissent par des particules, dès que leur fortune devient meilleure. Celui-ci, par la suppression d'une syllabe, fait de son nom obscur un nom illustre ; celui-là, par le changement d'une lettre en une autre, se travestit, & de Syrus devient Cyrus. Plusieurs suppriment leurs noms qu'ils pourroient conserver sans honte, pour en adopter de plus beaux où ils n'ont qu'à perdre, par la comparaison que l'on fait toûjours d'eux qui les portent avec les grands hommes qui les ont portés. Il s'en trouve enfin, qui nés à l'ombre des clochers de Paris, veulent être flamands ou italiens, comme si la roture n'étoit pas de tout pays ; ils allongent leurs noms françois d'une terminaison étrangere ; & croient que venir de bon lieu c'est venir de loin. (D.J.)

NOMS DES ROMAINS, (Antiq. rom.) Les Romains avoient plusieurs noms, ordinairement trois, & quelquefois quatre. Le premier étoit le prénom qui servoit à distinguer chaque personne : le second étoit le nom propre qui désignoit la race d'où l'on sortoit : le troisieme étoit le surnom qui marquoit la famille d'où l'on étoit : enfin, le quatrieme étoit un autre surnom qui se donnoit ou à cause de l'adoption, ou pour quelque grande action, ou même pour quelque défaut. Entrons dans les détails pour nous mieux expliquer.

La coutume de prendre deux noms n'a pas été tellement propre aux Romains, qu'ils en aient introduit l'usage, quoiqu' Appien Alexandrin dise le contraire dans sa préface. Il est constant qu'avant la fondation de Rome, les Albains portoient deux noms. La mere de Romulus s'appelloit Rhéa Sylvia ; son ayeul, Numitor Sylvius ; son oncle, Amulius Sylvius. Les chefs des Sabins qui vivoient à-peu-près dans le même tems en avoient aussi deux, Titus Tatius, Metius Suffetius : Romulus & Remus qui semblent n'en avoir eu qu'un, en avoient deux en effet, Romulus & Remus étoient des prénoms, & leur nom propre étoit Sylvius.

La multiplicité des noms, dit Varron, fut établie pour distinguer les familles qui tiroient leur origine d'une même souche, & pour ne point confondre les personnes d'une même famille. Les Cornelius, par exemple, étoient une race illustre d'où plusieurs familles étoient sorties, comme autant de branches d'une même tige, savoir les Scipions, les Lentulus, les Cethegus, les Dolabella, les Cinna, les Sylla. La ressemblance des noms dans les freres, comme dans les deux Scipions, qui eût empêché de les distinguer l'un de l'autre, fit admettre un troisieme nom : l'un s'appella Publius Cornelius Scipio, l'autre, Lucius Cornelius Scipio ; ainsi le nom de Scipio les distinguoit des autres familles qui portoient le nom de Cornelius, & les noms de Publius & de Lucius mettoient la différence entre les deux freres.

Mais quoiqu'on se contentât du nom de sa famille particuliere, sans y joindre celui de sa race, ou parce qu'on étoit le premier qui fît souche, ou parce qu'on n'étoit point d'une origine qui fît honneur, les Romains ne laisserent pas dans la suite de porter trois noms, & quelquefois quatre. 1°. Le nom de famille s'appelloit proprement le nom, nomen. 2°. Le nom qui distinguoit les personnes d'une même famille, praenomen, le prénom. 3°. Le troisieme qui étoit pour quelques-uns un titre honorable, ou un terme significatif des vices ou des perfections propres de ceux qui le portoient, étoit le cognomen, le surnom. 4°. Le quatrieme, quand il y en avoit, s'appelloit agnomen, autre espece de surnom.

Le praenomen tenoit le premier lieu ; le nomen, le second ; le cognomen, le troisieme ; l'agnomen, le quatrieme.

Les prénoms qui distinguoient les personnes d'une même famille, tiroient leur signification de quelques circonstances particulieres. Varron fait un long catalogue des prénoms qui étoient en usage parmi les Romains, & il en rapporte l'étymologie ; je me contenterai d'en citer quelques-uns qui feront juger des autres. Lucius, c'est-à-dire, qui tiroit son origine des Lucumons d'Etrurie ; Quintus, qui étoit né le cinquieme de plusieurs enfans ; Sextus, le sixieme ; Decimus, le dixieme ; Martius, qui étoit venu au monde dans le mois de Mars ; Manius, qui étoit né le matin ; Posthumius, après la mort de son pere, &c.

Le cognomen, surnom, étoit fondé 1°. sur les qualités de l'ame, dans lesquelles étoient renfermées les vertus, les moeurs, les Sciences, les belles actions. Ainsi Sophus marquoit la sagesse ; Pius, la piété ; Frugi, les bonnes moeurs ; Népos, Gurges, les mauvaises ; Publicola, l'amour du peuple ; Lépidus, Atticus, les agrémens de la parole ; Coriolanus, la prise de Coriole, &c. 2°. Sur les différentes parties du corps dont les imperfections étoient désignées par les surnoms. Crassus signifioit l'embonpoint, Macer, la maigreur ; Cicero, Piso, le signe en forme de pois chiches qu'on portoit sur le visage.

L'usage des surnoms ne fut pas ordinaire dans les premiers tems de Rome, aucun des rois n'en eut de son vivant. Le surnom de Superbus que porta le dernier Tarquin, ne lui fut donné que par le peuple mécontent de son gouvernement.

Le surnom de Coriolan fut donné à Caius Martius comme une marque de reconnoissance du service qu'il avoit rendu à l'état, marque d'autant plus distinguée que ce fut le premier qui en fut honoré ; & on ne trouve point qu'on l'ait accordé depuis à d'autre qu'à Scipion, surnommé l'Africain, à cause des conquêtes qu'il avoit faites en Afrique : ce fut à son imitation que l'usage en devint commun par la suite, & que cette distinction fut fort ambitionnée. Rien en effet ne pouvoit être plus glorieux pour un homme qui avoit commandé les armées, que d'être surnommé du nom de la province qu'il avoit conquise ; mais on ne le pouvoit pas prendre de son chef, il falloit l'aveu du sénat ou du peuple : les empereurs même ne furent pas moins sensibles à cet honneur que le sénat leur a souvent prodigué par flatterie, sans qu'ils l'eussent mérité.

Les freres étoient ordinairement distingués par le prénom, comme Publius Scipion & Lucius Scipion, dont le premier fut appellé l'Africain & le second l'Asiatique. Le fils de l'Africain ayant une santé fort délicate, & étant sans enfans, adopta son cousin-germain, le fils de L. Emilius Paulus, celui qui vainquit Persée, roi de Macédoine. Celui-ci fut appellé dans la suite P. Cornel. Scipio Africanus, Aemilianus & Africanus minor, par la plûpart des historiens. Cependant ce nom ne lui fut point donné de son vivant, mais après sa mort, pour le distinguer de l'ancien Scipion l'Africain. Nous en avons encore un autre exemple dans Q. Fabius Maximus qui est désigné par trois surnoms : étant enfant, on l'appella ovicula, c'est-à-dire, petite brebis à cause de sa douceur. On l'appella ensuite verrucosus, par rapport à une verrue qui lui étoit survenue sur la levre. Puis on l'appella cunctator, c'est-à-dire, temporiseur, à cause de sa conduite prudente à l'égard d'Annibal.

Pendant quelque tems, les femmes porterent aussi un nom propre particulier, qui se mettoit par des lettres renversées ; par exemple, C & M renversées, signifioient Caia & Marcia : c'étoit une maniere de désigner le genre féminin, mais cette coutume se perdit dans la suite. Si les filles étoient uniques, on se contentoit de leur donner simplement le nom de leur maison ; quelquefois on l'adoucissoit par un diminutif, au lieu de Tullia, on disoit Tulliola. Si elles étoient deux, on les distinguoit par les noms d'aînée & de cadette ; si elles étoient en plus grand nombre, on disoit la premiere, la seconde, la troisieme : par exemple, l'aînée des soeurs de Brutus s'appelloit Junia major ; la seconde, Junia minor ; & la troisieme, Junia tertia. On faisoit aussi de ces noms un diminutif, par exemple, secundilla, deuxieme ; quartilla, quatrieme.

On donnoit le nom aux enfans le jour de leur purification qui étoit le huitieme après leur naissance, pour les filles ; & le neuvieme, pour les garçons. On donnoit le prénom aux garçons, lorsqu'ils prenoient la robe virile ; & aux filles, quand elles se marioient.

A l'égard des esclaves, ils n'eurent d'abord d'autre nom que le prénom de leur maître un peu changé, comme lucipores, marcipores pour Lucii, Marci pueri, c'est-à-dire, esclaves de Lucius ou de Marcus ; car puer se disoit pour servus, sans avoir égard à l'âge. Dans la suite, on leur donna des noms grecs ou latins suivant la volonté de leur maître, ou bien on leur donna un nom tiré de leur nation & de leur pays, ou finalement un nom tiré de quelque événement. Dans les comédies de Térence, on les nomme syrus, geta, &c. & dans Ciceron, tiro, laurea, dardanus. Lorsqu'on les affranchissoit, ils prenoient le nom propre de leur maître, mais non pas son surnom, & ils y ajoutoient pour surnom celui qu'ils portoient avant leur liberté. Ainsi lorsque Tiro, esclave de Ciceron, fut affranchi, il s'appella Marcus Tullius Tiro. (D.J.)

NOM, nomen, (Critiq. sacrée) Ce mot, pris absolument, signifie quelquefois le nom ineffable de Dieu : cumque blasphemasset nomen, " ayant blasphémé le nom saint " ; Lév. xxiv. 11. Il marque aussi la puissance, la majesté : vocabo in nomine Domini, " je ferai éclater devant vous mon nom " ; Exod. xxxiij. 19. est nomen meum in eo, " ma majesté & mon autorité résident en lui " ; Exod. xxiij. 21. Il se prend pour une dignité éminente ; donavit illi nomen quod est super omne nomen ; Phil. ij. 9. oleum effusum nomen tuum ; Cant. j. 2. " votre réputation est comme un parfum ". Prendre le nom de Dieu en vain, c'est jurer faussement : imposer le nom, est une marque d'autorité. Novi te ex nomine ; Exod. xxxiij. 12. connoître quelqu'un par son nom, signifie une distinction, une amitié, une familiarité particuliere. Susciter le nom d'un mort, se dit du frere d'un homme décédé sans enfans, lorsque le frere du mort épouse la veuve, & en a des enfans qui font revivre son nom en Israël ; Deut. xxv. 5.

Dans un sens contraire, effacer le nom de quelqu'un, c'est en exterminer la mémoire, détruire ses enfans, & tout ce qui pourroit faire vivre son nom sur la terre : nomen eorum delevisti in aeternum ; Ps. iij. 6. fornicata est in nomine meo, " le Seigneur se plaint que Juda a souillé son sacré nom ", Ezech. xvj. 15. Habes pauca nomina in Sardis, qui non inquinaverunt vestimenta sua : il se prend dans ce dernier passage pour des personnes ; Apocal. iij. 4. (D.J.)

NOM DE BAPTEME, (Hist. des usages) sorte de prénom que les chrétiens mettent devant le nom de famille, & que le parrain & la marraine donnent à un enfant quand on le baptise. On tire ordinairement ces sortes de noms de l'Ecriture ; mais tout le monde ne s'en tient pas là. C'est déja trop, dit la Bruyere, d'avoir avec le peuple une même religion & un même Dieu ; quel moyen encore de s'appeller Pierre, Jean, Jacques, comme le marchand ou le laboureur ? Evitons d'avoir rien de commun avec la multitude ; affectons au contraire toutes les distinctions qui nous en séparent : qu'elle s'approprie les douze apôtres, leurs disciples, les premiers martyrs (tels gens, tels patrons) : qu'elle voie avec plaisir revenir toutes les années ce jour particulier que chacun célebre comme sa fête ; pour nous autres grands, ayons recours aux noms profanes ; faisons-nous baptiser sous ceux d'Annibal, de César ou de Pompée, c'étoit de grands hommes ; sous celui de Lucrece, c'étoit une illustre romaine ; sous ceux de Renaud, de Roger, d'Olivier, de Tancrede, c'étoient des Paladins, & le roman n'a point de héros plus merveilleux ; sous ceux d'Hector, d'Achille, d'Hercule, tous demi-dieux ; sous ceux même de Phoebus & de Diane : & qui nous empêchera de nous faire nommer Jupiter, Mercure, Vénus ou Adonis ! (D.J.)

NOM SOCIAL, (Commerce) se dit dans une société générale & collective, du nom que les associés doivent signer suivant la raison de la société ; ensorte que supposé que la raison de la société fût sous les noms de Jacques, Philippe & Nicolas pour le commerce qu'ils veulent faire ensemble, toutes les lettres missives, lettres de change, billets payables à ordre ou au porteur, quittances, factures, procurations, comptes & autres actes concernant cette société, doivent être signés par l'un ou l'autre des associés, & sous les noms de Jacques, Philippe & Nicolas en compagnie, qui est le nom social.


NOMADES(Géog. anc.) nom générique donné à divers peuples qui n'avoient point de demeure fixe, & qui en changeoient perpétuellement pour chercher de nouveaux pâturages. Ainsi ce mot ne désigne pas un peuple particulier, mais le genre de vie de ce peuple ; c'est ce qui fait que les anciens écrivains parlent de Nomades arabes, numides, scythes, &c. Il est probable que ces peuples furent ainsi appellés à permutandis pabulis, à cause qu'ils changeoient de pâturages en grec . A la vérité dans l'édition de Pline faite à Parme, on lit à permutandis papilionibus ; mais cette leçon seroit supportable, car on appelloit anciennement papiliones, des tentes pour se loger à la campagne & à la guerre ; & c'est de-là que les François ont fait leur mot pavillon.

NOMADES arabes. Après les déserts palmyréens, dit Pline, l. VI. c. xxxviij. suivent du côté de l'orient les Nomades arabes, & ils s'étendent du côté du midi jusqu'au-delà du lac Asphalite.

NOMADES numides. Les Numides furent appellés Nomades par les Grecs, selon Pline, l. V. c. iij. Polybe place dans la Numidie les Nomades massyles & les Nomades mascoesyliens. On ne peut donc nier que dans l'Afrique, & même dans la Numidie, il n'y eut des Nomades, c'est-à-dire, des peuples qui changeoient de lieu à mesure que les pâturages venoient à leur manquer ; mais il ne seroit pas aisé de décider, si le nom de Numidie a une origine grecque. Il est à croire qu'un pays barbare a eu un nom barbare.

NOMADES scythes. Pline, l. IV. c. xij. les place à la gauche de la mer Caspienne, & dit que le fleuve Panticapes les séparoit des Géorgiens. Strabon ajoute qu'ils habitoient sur des chariots. (D.J.)


NOMANCIES. f. sorte de divination, ou l'art de deviner la destinée d'une personne par le moyen des lettres de son nom. Voyez NOM.

Ce mot est composé du latin nomen, nom, & du grec , divination. Voyez ONOMANCIE.

La nomancie, qu'on pourroit plutôt appeller nominomancie ou onomato-mancie, semble n'être autre chose que la gématrie cabalistique. Voyez CABALE.


NOMANIAH(Géog.) ville de l'Irac arabique ou babylonienne, qui est la Chaldée. Elle a été bâtie par le roi Noman-Ben-Mondic, & est située sur le Tigre, à peu de distance de Bagdad. Long. 63. lat. 33. (D.J.)


NOMANQUES. m. (Hist. anc.) nom qu'on donnoit dans l'antiquité au gouverneur ou commandant d'un nome. L'Egypte étoit divisée autrefois en différentes régions ou quartiers, qu'on appelloit nomes, du grec , prenant ce mot pour signifier division. L'officier à qui le roi donnoit le gouvernement d'un de ces nomes ou nomos, étoit appellé nomarque, du grec , & , commandant.


NOMAS(Géog. anc.) lieu de la Sicile, selon Diodore, l. I. c. xc. Ses habitans se nommoient nomae. M. Delisle les place au nord des monts Nébrodes, à quelques milles de la mer. (D.J.)


NOMBLESS. m. pl. (Gram. vénerie) C'est la partie du cerf qui s'éleve entre ses cuisses ; il se dit aussi des boeufs & des vaches.


NOMBREsert vulgairement dans l'Arithmétique d'une collection ou assemblage d'unités ou de choses de la même espece.

M. Newton définit plus précisément le nombre, non pas une multitude d'unités, comme Euclide, mais le rapport abstrait d'une quantité à une autre de la même espece, que l'on prend pour l'unité ; d'après cette idée, il divise les nombres en trois especes, savoir, nombres entiers, c'est-à-dire, qui contiennent l'unité ou certain nombre de fois exactement & sans reste, comme 2, 3, 4, &c. nombres rompus ou fractions (voyez FRACTION), & nombres sourds ou incommensurables, voyez INCOMMENSURABLE. V. SOURDS & la suite de cet article.

Wolf définit le nombre, ce qui a le même rapport avec l'unité qu'une ligne droite avec une autre ligne droite : ainsi prenant une ligne droite pour une unité, tout nombre peut être représenté par quelqu'autre ligne droite ; ce qui revient à la définition de M. Newton.

Dans l'école, où l'on a conservé la définition d'Euclide, on ajoute que le nombre est composé de matiere & de forme ; la matiere est la chose nombrée, par exemple, de l'argent ; & la forme est l'idée par laquelle comparant les différentes pieces d'argent, l'on en fait une somme, comme 10 : ainsi le nombre dépend entierement de l'intention de la personne qui nombre, & l'idée en peut être changée à volonté, par exemple cent hommes peuvent être supposés ne faire que 1, 2 ou 4, &c. unités.

Les mêmes philosophes appellent le nombre quantité discrette ; quantité, en tant qu'il est susceptible de plus & de moins ; discrette, en ce que les différentes unités qui le composent ne sont pas unies, mais distinctes les unes des autres. Voyez QUANTITE & DISCRET.

A l'égard de la maniere de désigner ou de caractériser les nombres, voyez NOTATION.

Pour ce qui concerne la maniere d'exprimer ou de lire les nombres, Voyez NUMERATION.

Les mathématiciens considerent le nombre sous différens rapports, ce qui produit chez eux différentes sortes de nombres.

Le nombre déterminé est celui qui se rapporte à quelque unité donnée, comme le nombre ternaire ou trois, on l'appelle proprement nombre.

Le nombre indéterminé, est celui qui se rapporte à une unité en général : on l'appelle aussi quantité. Voyez QUANTITE.

Les nombres homogenes, sont ceux qui se rapportent à la même unité. Voyez HOMOGENES.

Les nombres hétérogenes, sont ceux qui se rapportent à différentes unités : car chaque nombre suppose une unité déterminée & fixée par la notion à laquelle nous avons égard en nombrant ; par exemple, c'est une propriété de la sphere d'avoir tous les points de la surface à égale distance de son centre ; si donc cette propriété est prise pour la marque de l'unité, tous les corps où elle se trouvera seront des unités, & seront de plus la même unité, en tant qu'ils sont renfermés dans cette notion : mais si les spheres sont outre cela distinguées par quelque chose, &c. par exemple, par la matiere dont elles sont composées, alors elles commencent à n'être plus la même unité, mais des unités différentes. Ainsi six spheres d'or sont des nombres homogenes entr'eux ; au contraire trois spheres de cuivre, & quatre d'argent, sont des nombres hétérogenes. V. HETEROGENES.

Les nombres rompus ou les fractions, sont ceux qui consistent en différentes parties de l'unité, ou qui ont à l'unité le même rapport que la partie au tout. Voyez FRACTION.

Les nombres entiers, appellés aussi nombres naturels ou simplement nombres, sont ceux que l'on regarde comme des tous, sans supposer qu'ils soient parties d'autres nombres.

Le nombre rationnel est celui qui a une masse commune avec l'unité. Voyez COMMENSURABLE.

Le nombre entier rationnel, est celui dont l'unité est une partie aliquote. Le nombre rationnel rompu, est celui qui représente quelque partie aliquote de l'unité. Le nombre rationnel mixte, est celui qui est composé d'un nombre entier & d'un nombre rompu, ou de l'unité & d'une fraction. Le nombre irrationnel ou sourd, est celui qui est incommensurable avec l'unité. Voyez INCOMMENSURABLE.

Le nombre pair, est celui qui peut être divisé en deux parties égales exactement, & sans qu'il reste de fraction, comme 4, 6, 8, 10, &c. la somme, la différence & le produit d'un nombre quelconque de nombres pairs, est toujours un nombre pair.

Un nombre pair multiplié par un nombre pair, donne un nombre pairement pair.

Un nombre est pairement pair, quand il peut être divisé exactement & sans reste, en deux nombres pairs.

Ainsi 2 fois 4 faisant 8, 8 est un nombre pairement pair.

Un nombre est impairement pair quand il peut être divisé en deux parties égales & impaires : par exemple 14.

Le nombre impair, est celui qui excede le nombre pair, au moins d'une unité, ou qui ne peut être divisé exactement & sans reste en deux parties égales ; tels sont les nombres 3, 5, 9, 11, &c.

La somme ou la différence de deux nombres impairs est toujours un nombre pair ; mais leur produit est nécessairement un nombre impair.

Si on ajoute un nombre impair avec un nombre pair, ou que l'on retranche l'un de l'autre, la somme dans le premier cas, & dans le second la différence, sera un nombre impair ; mais le produit d'un nombre pair par un impair, est toujours un nombre pair.

La somme d'un nombre pair quelconque de nombres impairs, est un nombre pair ; & la somme d'un nombre impair quelconque de nombres impairs, est toujours un nombre impair.

On appelle nombre premier ou primitif, celui qui n'est divisible que par l'unité, comme 5, 7, 11, &c.

Les nombres premiers entr'eux, sont ceux qui n'ont d'autre commune mesure que l'unité, comme 12 & 19.

Le nombre composé, est celui qui est divisible, nonseulement par l'unité, mais par d'autres nombres encore, comme 8, qui est divisible par 4 & par 2. Voyez COMPOSE.

Les nombres composés entr'eux, sont ceux qui ont pour commune mesure, non-seulement l'unité, mais encore d'autres nombres, comme 12 & 15.

Le nombre parfait, est celui dont les parties aliquotes étant ajoutées ensemble, rendent précisément le nombre dont elles sont les parties, comme 6, 28, &c.

Les parties aliquotes de 6 sont 3, 2 & 1, qui font 6 : celles de 28 sont 14, 7, 4, 2 & 1, qui font 28. Voyez sur les nombres parfaits les nouv. mém. de Pétersbourg, tom. II. & plusieurs autres volumes des mêmes mémoires.

Les nombres imparfaits, sont ceux dont les parties aliquotes étant ajoutées ensemble, sont plus ou moins que le nombre total dont elles sont les parties. Voyez IMPARFAIT.

On distingue les nombres imparfaits en abondans & défectifs.

Nombres abondans, sont ceux dont les parties aliquotes étant ajoutées ensemble, font plus que le tout dont elles sont les parties, comme 12, dont les parties aliquotes 6, 4, 3, 2, 1 font 16. Voyez ABONDANT.

Nombres défectifs, sont ceux dont les parties aliquotes ajoutées ensemble, font moins que le nombre total dont elles sont les parties, comme 16, dont les parties aliquotes 8, 4, 2, 1 ne font que 15. Voyez DEFICIENT.

Le nombre plan est celui qui résulte de la multiplication de deux nombres, par exemple, 6 qui est le produit de 2 par 3.

Le nombre quarré est le produit d'un nombre multiplié par lui-même ; ainsi 4, qui est le produit de 2 par 2, est un nombre quarré. Voyez QUARRE.

Tout nombre quarré ajouté à la racine, donne un nombre pair. En effet, si la racine est pair, le quarré est aussi pair ; & si elle est impair, le quarré est aussi impair. Or deux pairs ou deux impairs pris ensemble, font toujours un nombre pair. Voyez RACINE.

Le nombre cube ou cubique est le produit d'un nombre quarré par sa racine, par exemple, 8, qui est le produit du nombre quarré 4, par sa racine 2. Voyez CUBE & SOLIDE.

Tous les nombres cubiques dont la racine est moindre que six, comme, 8, 27, 64, 125, &c. étant divisés par 6, le reste est leur racine même. Par exemple, 8 étant divisé par 6, il reste 2, qui est la racine cube de 8. A l'égard des nombres cubiques plus grands que 125 ; 216, cube de 6, étant divisé par 6, il ne reste rien. 343, cube de 7, a pour reste 1, qui étant ajouté à 6, donne 7, racine cube de 343 ; 512, cube de 8, étant divisé par 6, il reste 2, qui, avec 6, fait 8, racine cube de 512. Ainsi, divisant par 6 tous les nombres cubes au-dessus de 216, & ajoutant les restes avec 6, on a toujours la racine cube du nombre proposé jusqu'à ce que le reste soit 5, qui, ajouté avec 6, fait 11. Les nombres cubes audessus du cube de 11, savoir le cube de 12 étant divisé par 6, il ne reste rien, & la racine cube est 12 ; & si on continue à diviser les cubes supérieurs par 6, en ajoutant les restes non plus à 6, mais à 12, on aura la racine cube, & ainsi de suite, jusqu'au cube de 18, où le reste de la division ne doit plus être ajouté à 6 ni à 12, mais à 18, & de même à l'infini.

M. de la Hire examinant cette propriété du nombre 6 par rapport aux nombres cubiques, trouva que tous les autres nombres élevés à une puissance quelconque, avoient chacun leur diviseur, qui faisoit le même effet par rapport à ces puissances, que 6 par rapport aux nombres cubes ; & voici la regle générale qu'il a découverte. Si l'exposant de la puissance est pair, c'est-à-dire si le nombre est élevé à la seconde, quatrieme, sixieme, &c. puissance, il faut la diviser par 2 ; & le reste, s'il y en a un, étant ajouté à 2 ou à un multiple de 2, sera la racine du degré correspondant de la puissance donnée, c'est-à-dire la racine deuxieme, ou la quatrieme, ou la sixieme, &c. mais si l'exposant de la puissance est impair, c'est-à-dire si le nombre est élevé à la troisieme, cinquieme, septieme, &c. puissance, le double de l'exposant devra être le diviseur, & ce diviseur aura la propriété dont il s'agit.

Les nombres polygones sont des sommes de progressions arithmétiques qui commencent par l'unité ; celles des progressions dont la différence est 1, sont appellées nombres triangulaires, voyez TRIANGULAIRE. Celles dont la différence est 2, font des nombres quarrés. Celles dont la différence est 3, font des nombres pentagones. Celles dont la différence est 4, les nombres hexagones. Celles dont la différence est 5, les nombres heptagones, &c. Voyez les articles FIGURE & POLYGONE.

Il y a des nombres pyramidaux : en voici la formation.

Les sommes des nombres polygones prises de la même maniere qu'on prend les sommes des progressions arithmétiques pour former les nombres polygones, sont appellées premiers nombres pyramidaux.

Les sommes des premiers nombres pyramidaux sont appellées seconds nombres pyramidaux : les sommes des seconds nombres pyramidaux sont appellées troisiemes nombres pyramidaux, &c.

En particulier on appelle nombres triangulaires pyramidaux, ceux qui sont formés par l'addition des nombres triangulaires, premiers pyramidaux pentagonaux, qui viennent de l'addition des nombres pentagones, &c. Voyez FIGURE.

Le nombre cardinal est celui qui exprime une quantité d'unités, comme 1, 2, &c. Voyez CARDINAL.

Le nombre ordinal est celui qui exprime leur ordre ou leur rang, comme premier, deuxieme, troisieme, &c. Voyez ORDINAL. Chambers. (E)

NOMBRE. Comme Chambers a obmis l'explication de plusieurs autres dénominations de nombres, nous y suppléerons par le dictionnaire de mathématique de M. Savérien.

Nombre barlong, nombre plan dont les côtés différent d'une unité. Ainsi le nombre 30 est un nombre barlong, puisque ses côtés 5 & 6 different d'1. Les nombres barlongs sont les mêmes que ceux qu'on appelle antelongiores, ou alterâ parte longiores. Théon donne encore ce nom aux nombres qui sont des sommes des deux nombres pairs, dont la différence est 2. Le nombre 30 est un nombre barlong, parce qu'il est la somme de 14 & de 16, dont la différence est 2.

Nombre circulaire ou sphérique, nombre qui étant multiplié par lui-même, reprend toujours la derniere place du produit. Tels sont les nombres 5 & 6 ; car 5 fois 5 font 25 : le produit de 25 par 5, est 125 ; celui de 125 par 5, est 725, &c. De même 6 multiplié par 6, donne 36 ; 6 fois 36 donnent 216 : le produit de ce nombre 216 par 36, est 8776, &c.

Nombre diamétral, nombre plan ou le produit de deux nombres, dont les quarrés des deux côtés font de même un quarré dans la somme. Tel est le nombre 12, car les quarrés 9 & 16 de ses côtés 3 & 4, font de même dans leur somme un quarré 25. Les trois côtés d'un triangle rectangle étant toujours proportionnels entr'eux, & le quarré de l'hypotenuse étant égal à la somme des quarrés des deux côtés, c'est par le nombre diamétral que se détermine en même-tems le quarré de l'hypotenuse & l'hypotenuse même. Michael Stifel a traité fort au long de ces nombres, dans son arithmetica integra, liv. I.

Nombre double en puissance, c'est un nombre dont le quarré est deux fois aussi grand qu'un autre nombre, comme l'est 6 à l'égard de 3, & 10 à l'égard de 5.

Nombre géométrique, c'est un nombre qu'on peut diviser sans reste, comme le nombre 16, qui se divise par 8, 4 & 2. On l'appelle aussi nombre composé ou nombre second.

Nombre incomposé linéaire, nombre qui ne peut être mesuré par aucun autre nombre que par lui-même ou par l'unité. Tels sont les nombres 1, 3, 5, 7, 11, 13, &c. comme ces nombres font une progression arithmétique dont les termes peuvent être divisés ou résolus par d'autres précédens, on en a formé des tables qu'on trouve dans le theatrum machinarum generale de Léopold, qui les a tirées de Bramer, & dans lesquelles la progression arithmétique va d'1 à 1000.

Nombre oblong, nombre plan qui a deux côtés inégaux, quelle que soit leur différence. 54, par exemple, est un nombre oblong, parce que les côtés 9 & 6 different de trois. De même 90 est un pareil nombre, la différence des côtés 18 & 5 étant 13.

Nombre parallélipipede, nombre solide dont les deux côtés sont égaux, mais dont le troisieme est ou plus grand ou plus petit. Tel est le nombre 36, dont les trois côtés sont 3, 3 & 4. Comme les trois côtés d'un nombre solide sont distingués en longueur, largeur & profondeur, ils forment six sortes de nombres parallélipipedes. Le premier a la largeur & la profondeur égales, mais la longueur est moindre que les autres dimensions, comme 48, où la longueur est 3, la largeur 4, & la profondeur 4. La largeur & la profondeur sont les mêmes au second, & la longueur seule est différente. Tel est le nombre 36, dont la longueur est 4, la largeur 3, & la profondeur 3. Dans le troisieme, la longueur & la profondeur sont égales, & la largeur inégale, ainsi des autres, qui ont toujours une dimension ou un côté inégal.

Nombre parallélogramme, nombre plan dont les côtés different de deux. Tel est 48, car la différence des deux côtés 6 & 8 est 2. Théon de Smyrne entend par ce nombre un nombre oblong comme 36, dont les côtés sont 9 & 4.

Nombre pronique, c'est la somme d'un nombre quarré & de sa racine. Soit, par exemple, la racine 4, dont le quarré est 16, dans ce cas le nombre pronique est 20. Ainsi en algebre la racine étant x, on exprime le nombre pronique par x 2 + x ; ou la racine étant = x - 2, le nombre pronique est x 2 - 3 x + 2.

Nombres proportionnels, nombres qui sont entr'eux dans une proportion.

Nombres proportionnels arithmétiquement ; nombres qui croissent ou décroissent selon une différence continuelle, comme 3, 5, 7, 9, où la différence entre deux nombres se trouve toujours la même, qui est ici 2, ou 3, 5, 8, 10, où la différence des deux premiers est égale à la différence des deux derniers.

Nombres proportionnels continuellement ; nombres qui se suivent dans une même raison, desorte que chacun d'eux, excepté le premier & le dernier, remplit en même-tems la place du terme de l'antécédent & du conséquent d'une raison. Tels sont les nombres 2, 6, 18, 45, car 2 est à 6, comme 6 est à 18, & 6 est à 18, comme 18 est à 54. Par conséquent 6 est en même-tems le terme conséquent de la premiere raison, & l'antécédent de la seconde, ainsi que 18 est le conséquent de la seconde & l'antécédent de la troisieme.

Nombre pyrgoïdal, c'est un nombre composé d'un nombre colonnaire & d'un pyramidal, & qui sont tous deux d'un même genre, de façon que le côté ou la racine du nombre pyramidal soit moindre de l'unité que le côté du nombre colonnaire. Exemple, 18 est le côté du nombre triangulaire colonnaire, dont le côté est 3, & 4 est un nombre triangulaire pyramidal, dont le côté est 2, la somme 18 + 4 est un nombre triangulaire pyrgoïdal : cela veut dire que les nombres pyrgoïdaux prennent leurs noms des nombres colonnaires & pyramidaux dont ils sont formés.

Nombre solide, produit de la multiplication de trois autres nombres. Ainsi 30 est un nombre solide, parce qu'il est formé par la multiplication des trois nombres 2, 3 & 5 : ces nombres s'appellent côtés ; lorsqu'ils sont égaux, le nombre solide qui en résulte est un cube.

Nombres solides semblables, nombres dont les côtés équinomes ont la même proportion. C'est ainsi que les nombres solides 48 & 162 sont semblables ; car comme la longueur du premier 2 est à sa largeur 4, ainsi est la longueur du second 3 à sa largeur 6. De même comme la longueur du premier 2 est à sa profondeur 6, ainsi la largeur du second est à sa profondeur 9. Enfin, comme la largeur du premier 4 est à sa profondeur 6, ainsi la largeur du second est à sa profondeur 9.

Nombre sursolide, c'est le nombre qui se forme en multipliant le quarré par le cube d'une racine, ou le quarré par lui-même, & le produit encore par lui-même. Exemple, 9, nombre quarré de 3, étant multiplié par trois, produit 27 ; & ce nombre étant encore multiplié par 9, donne 243, qui est un nombre sursolide. Les anciens donnoient à ce nombre un caractere Z C. Dans l'algebre on l'appelle la cinquieme puissance, qu'on marque ainsi, a 5. (D.J.)

NOMBRE D'OR, terme de Chronologie, c'est un nombre qui marque à quelle année du cycle lunaire appartient une année donnée. Voyez CYCLE, LUNAIRE & NOMBRE. Voici de quelle maniere on trouve le nombre d'or de quelqu'année que ce soit depuis Jesus-Christ.

Comme le cycle lunaire commence l'année qui a précédé la naissance de Jesus-Christ, il ne faut qu'ajouter 1 au nombre des années qui se sont écoulées depuis Jesus-Christ, & diviser la somme par 19, ce qui restera après la division faite sera le nombre d'or que l'on cherche ; s'il ne reste rien, le nombre d'or sera 19.

Supposé, par exemple, que l'on demande le nombre d'or de l'année 1725 : 1725 + 1 = 1726 ; & 1726 divisé par 19, donne 90 au quotient, & le reste 16 est le nombre d'or que l'on cherche.

Le nombre d'or servoit dans l'ancien calendrier à montrer les nouvelles lunes ; mais on ne peut s'en servir que pendant 300 ans, au bout desquels les nouvelles lunes arrivent environ un jour plus tôt que selon le nombre d'or : desorte qu'en 1582 il s'en falloit environ quatre jours que le nombre d'or ne donnât exactement les nouvelles lunes, quoique ce nombre les eût données assez bien du tems du concile de Nicée. Desorte que le cycle lunaire est devenu tout-à-fait inutile, aussi bien que le nombre d'or, pour marquer les nouvelles lunes.

Cette raison & plusieurs autres engagerent le pape Grégoire XIII. à réformer le calendrier, à abolir le nombre d'or, & à y substituer le cycle des épactes ; desorte que le nombre d'or, qui dans le calendrier Julien servoit à trouver les nouvelles lunes, ne sert dans le calendrier Grégorien qu'à trouver le cycle des épactes. Voyez EPACTE, CYCLE, CALENDRIER.

On dit que ce nombre a été appellé nombre d'or, soit à cause de l'étendue de l'usage qu'on en fit, soit à cause que les Athéniens le reçurent avec tant d'applaudissement, qu'ils le firent écrire en lettres d'or dans la place publique.

On en attribue l'invention à Methon, athénien. Voyez METHONIQUE. Chambers. (O)

NOMBRES, (Critique sacrée) ou le livre des Nombres, un des livres du Pentateuque, & le quatrieme des cinq. Les Septante l'ont appellé livre des Nombres, parce que les trois premiers chapitres contiennent le dénombrement des Hébreux & des Lévites ; les trente-trois autres renferment l'histoire des campemens des Israëlites dans le désert, les guerres de Moïse contre les rois Séhon & Og ; celle qu'il déclara aux Madianites, pour avoir envoyé leurs filles au camp d'Israël, afin de faire tomber le peuple dans la débauche & l'idolâtrie. On y trouve encore des particularités sur la désobéissance de ce même peuple, son ingratitude, ses murmures & ses châtimens ; enfin on y voit plusieurs lois que Moïse donna pendant les 39 années, dont ce livre est une espece de journal. (D.J.)

NOMBRES, (Philosoph. Pythagor.) On sait que les Pythagoriciens appliquerent les propriétés arithmétiques des nombres aux sciences les plus abstraites & les plus sérieuses. On va voir en peu de mots si leur folie méritoit l'éclat qu'elle a eu dans le monde, & si le titre pompeux de théologie arithmétique que lui donnoit Nicomaque, lui convient.

L'unité n'ayant point de parties, doit moins passer pour un nombre que pour le principe génératif des nombres. Par-là, disoient les Pythagoriciens, elle est devenue comme l'attribut essentiel, le caractere sublime, le sceau même de Dieu. On le nomme avec admiration celui qui est un ; c'est le seul titre qui lui convient & qui le distingue de tous les autres êtres qui changent sans-cesse & sans retour. Lorsqu'on veut représenter un royaume florissant & bien policé, on dit qu'un même esprit y regne, qu'une même ame le vivifie, qu'un même ressort le remue.

Le nombre 2 désignoit, suivant Pythagore, le mauvais principe, & par conséquent le désordre, la confusion & le changement. La haine qu'on portoit au nombre 2 s'étendoit à tous ceux qui commençoient par le même chiffre, comme 20, 200, 2000, &c. Suivant cette ancienne prévention, les Romains dédierent à Pluton le second mois de l'année ; & le second jour du même mois ils expioient les manes des morts. Des gens superstitieux, pour appuyer cette doctrine, ont remarqué que le second jour des mois avoit été fatal à beaucoup de lieux & de grands hommes, comme si ces mêmes fatalités n'étoient pas également arrivées dans d'autres jours.

Mais le nombre 3 plaisoit extrêmement aux Pythagoriciens, qui y trouvoient de sublimes mysteres, dont ils se vantoient d'avoir la clé ; ils appelloient ce nombre l'harmonie parfaite. Un italien, chanoine de Bergame, s'est avisé de recueillir les singularités qui appartiennent à ce nombre ; il y en a de philosophiques, de poëtiques, de fabuleuses, de galantes, & même de dévotes : c'est une compilation aussi bizarre que mal assortie.

Le nombre 4 étoit en grande vénération chez les disciples de Pythagore ; ils disoient qu'il renfermoit toute la religion du serment, & qu'il rappelloit l'idée de Dieu & de sa puissance infinie dans l'arrangement de l'univers.

Junon, qui préside au mariage, protégeoit, selon Pythagore, le nombre 5, parce qu'il est composé de 2, premier nombre pair & de 3, premier nombre impair. Or ces deux nombres réunis ensemble pair & impair, font 5, ce qui est un emblême ou une image du mariage. D'ailleurs le nombre 5 est remarquable, ajoutoient-ils, par un autre endroit, c'est qu'étant multiplié toujours par lui-même, c'est-à-dire 5 par 5, le produit 125 par 5, ce second produit encore par 5, &c. il vient toujours un nombre 5 à la droite du produit.

Le nombre 6, au rapport de Vitruve, devoit tout son mérite à l'usage où étoient les anciens géomêtres de diviser toutes les figures, soit qu'elles fussent terminées par des lignes droites, soit qu'elles fussent terminées par des lignes courbes, en six parties égales ; & comme l'exactitude du jugement & la rigidité de la méthode sont essentielles à la Géométrie, les Pythagoriciens, qui eux-mêmes faisoient beaucoup de cas de cette science, employerent le nombre 6 pour caractériser la Justice, elle qui marchant toujours d'un pas égal, ne se laisse séduire ni par le rang des personnes, ni par l'éclat des dignités, ni par l'attrait ordinairement vainqueur des richesses.

Aucun nombre n'a été si bien accueilli que le nombre 7 : les médecins y croyoient découvrir les vicissitudes continuelles de la vie humaine. C'est delà qu'ils formerent leur année climactérique. Fra-Paolo, dans son histoire du concile de Trente, a tourné plaisamment en ridicule tous les avantages prétendus du nombre 7.

Le nombre 8 étoit en vénération chez les Pythagoriciens, parce qu'il désignoit, selon eux, la loi naturelle, cette loi primitive & sacrée qui suppose tous les hommes égaux.

Ils considéroient avec crainte le nombre 9, comme désignant la fragilité des fortunes humaines, presqu'aussi-tôt renversées qu'établies. C'est pour cela qu'ils conseilloient d'éviter tous les nombres où le 9 domine, & principalement 81, qui est le produit de 9 multiplié par lui-même.

Enfin les disciples de Pythagore regardoient le nombre 10 comme le tableau des merveilles de l'univers, contenant éminemment les prérogatives des nombres qui le précédent. Pour marquer qu'une chose surpassoit de beaucoup une autre, les Pythagoriciens disoient qu'elle étoit 10 fois plus grande, 10 fois plus admirable. Pour marquer simplement une belle chose, ils disoient qu'elle avoit 10 degrés de beauté. D'ailleurs ce nombre passoit pour un signe de paix, d'amitié, de bienveillance ; & la raison qu'en donnoient les disciples de Pythagore, c'est que quand deux personnes veulent se lier étroitement, elles se prennent les mains l'une à l'autre & se les serrent, en témoignage d'une union réciproque. Or, disoient-ils, deux mains jointes ensemble forment par le moyen des doigts le nombre 10.

Ce ne sont pas les seuls Pythagoriciens qui aient donné dans ces frivoles subtilités des nombres, & dans ces sortes de raffinemens allégoriques, quelques peres de l'Eglise n'ont pas su s'en préserver : c'est ainsi que saint Augustin, pour prouver que les combinaisons mystérieuses des nombres peuvent servir à l'intelligence de l'Ecriture, s'appuie du passage de l'auteur de la sagesse, qui dit que Dieu a tout fait avec poids, nombre & mesure. Enfin on trouve encore dans le bréviaire romain quelques-unes de ces allégories bisarres données en forme de leçons. Voyez l'hist. critiq. de la Philosoph. tome. II. Diogene Laërce, & surtout l'article PHILOSOPHIE PYTHAGORICIENNE. (D.J.)

NOMBRE, (Gramm.) les nombres sont des terminaisons qui ajoutent à l'idée principale du mot, l'idée accessoire de la quotité. On ne connoît que deux nombres dans la plûpart des idiomes ; le singulier qui désigne unité, & le pluriel qui marque pluralité. Ainsi cheval & chevaux, c'est en quelque maniere le même mot sous deux terminaisons différentes : c'est comme le même mot, afin de présenter à l'esprit la même idée principale, l'idée de la même espece d'animal ; les terminaisons sont différentes, afin de désigner, par l'une, un seul individu de cette espece, ou cette seule espece, & par l'autre, plusieurs individus de cette espece. Le cheval est utile à l'homme, il s'agit de l'espece ; mon cheval m'a coûté cher, il s'agit d'un seul individu de cette espece, j'ai acheté dix chevaux anglois, on désigne ici plusieurs individus de la même espece.

Il y a quelques langues, comme l'hébreu, le grec, le polonois, qui ont admis trois nombres ; le singulier qui désigne l'unité, le duel qui marque dualité, & le pluriel qui annonce pluralité. Il semble qu'il y ait plus de précision dans le systême des autres langues. Car si l'on accorde à la dualité une inflexion propre, pourquoi n'en accorderoit-on pas aussi de particuliere à chacune des autres qualités individuelles ? si l'on pense que ce seroit accumuler sans besoin & sans aucune compensation, les difficultés des langues, on doit appliquer au duel le même principe : & la clarté qui se trouve effectivement, sans le secours de ce nombre, dans les langues qui ne l'ont point admis, prouve assez qu'il suffit de distinguer le singulier & le pluriel, parce qu'en effet la pluralité se trouve dans deux comme dans mille.

Aussi, s'il faut en croire l'auteur de la méthode grecque de P. R. liv. II. ch. j. le duel, , n'est venu que tard dans la langue, & y est fort peu usité ; desorte qu'au lieu de ce nombre on se sert souvent du pluriel. M. l'abbé l'Advocat nous apprend, dans sa grammaire hébraïque, pag. 32. que le duel ne s'emploie ordinairement que pour les choses qui sont naturellement doubles, comme les piés, les mains, les oreilles & les yeux ; & il est évident que la dualité de ces choses en est la pluralité naturelle : il ne faut même, pour s'en convaincre, que prendre garde à la terminaison ; le pluriel des noms masculins hébreux se termine en im ; les duels des noms, de quelques genres qu'ils soient, se terminent en aïm ; c'est assurément la même terminaison, quoiqu'elle soit précédée d'une inflexion caractéristique.

Quoi qu'il en soit des systêmes particuliers des langues, par rapport aux nombres, c'est une chose attestée par la déposition unanime des usages de tous les idiomes, qu'il y a quatre especes de mots qui sont susceptibles de cette especes d'accident, savoir les noms, les pronoms, les adjectifs & les verbes ; d'où j'ai inféré (voyez MOT, art. I.), que ces quatre especes doivent présenter à l'esprit les idées des êtres soit réels soit abstraits, parce qu'on ne peut nombrer que des êtres. La différence des principes qui reglent le choix des nombres à l'égard de ces quatre especes de mots, m'a conduit aussi à les diviser en deux classes générales ; les mots déterminatifs, savoir les noms & les pronoms ; & les indéterminatifs, savoir les adjectifs & les verbes : j'ai appellé les premiers déterminatifs, parce qu'ils présentent à l'esprit des êtres déterminés, puisque c'est à la Logique & non à la Grammaire à en fixer les nombres ; j'ai appellé les autres indéterminatifs, parce qu'ils présentent à l'esprit des êtres indéterminés, puisqu'ils ne présentent telle ou telle terminaison numérique que par imitation avec les noms ou les pronoms avec lesquels ils sont en rapport d'identité. Voyez IDENTITE.

Il fuit de-là que les adjectifs & les verbes doivent avoir des terminaisons numériques de toutes les especes reçues dans la langue : en françois, par exemple, ils doivent avoir des terminaisons pour le singulier & pour le pluriel ; bon ou bonne, singulier ; bons ou bonnes, pluriel ; aimé ou aimée, singulier ; aimés ou aimées, pluriel : en grec, ils doivent avoir des terminaisons pour le singulier, pour le duel & pour le pluriel ; , singulier ; , duel ; , pluriel, , singulier ; , duel ; , pluriel. Sans cette diversité de terminaisons, ces mots indéterminatifs ne pourroient s'accorder en nombre avec les noms ou les pronoms leurs corrélatifs.

Les noms appellatifs doivent également avoir tous les nombres, parce que leur signification générale a une étendue susceptible de différens degrés de restriction, qui la rend applicable ou à tous les individus de l'espece, ou à plusieurs soit déterminément, ou à deux, ou à un seul. Quant à la remarque de la gramm. gén. part. II. ch. jv. qu'il y a plusieurs noms appellatifs qui n'ont point de pluriel, je suis tenté de croire que cette idée vient de ce que l'on prend pour appellatif des noms qui sont véritablement propres. Le nom de chaque métal, or, argent, fer, sont, si vous voulez, spécifiques ; mais quels individus distincts se trouvent sous cette espece ? C'est la même chose des noms des vertus ou des vices, justice, prudence, charité, haine, lâcheté, &c. & de plusieurs autres mots qui n'ont point de pluriel dans aucune langue, à moins qu'ils ne soient pris dans un sens figuré.

Les noms reconnus pour propres sont précisément dans le même cas : essentiellement individuels, ils ne peuvent être susceptibles de l'idée accessoire de pluralité. Si l'on trouve des exemples qui paroissent contraires, c'est qu'il s'agit de noms véritablement appellatifs & devenus propres à quelque collection d'individus ; comme, Julii, Antonii, Scipiones, &c. qui sont comme les mots nationaux, Romani, Afri, Aquinates, nostrates, &c. ou bien il s'agit de noms propres employés par antonomase dans un sens appellatif, comme les Cicerons pour les grands orateurs, les Césars pour les grands capitaines, les Platons pour les grands philosophes, les Saumaises pour les fameux critiques, &c.

Lorsque les noms propres prennent la signification plurielle en françois, ils prennent ou ne prennent pas la terminaison caractéristique de ce nombre, selon l'occasion. S'ils désignent seulement plusieurs individus d'une même famille, parce qu'ils sont le nom propre de famille, ils ne prennent pas la terminaison plurielle ; les deux Corneille se sont distingués dans les lettres ; les Cicerons ne se sont pas également illustrés. Si les noms propres deviennent appellatifs par antonomase, ils prennent la terminaison plurielle ; les Corneilles sont rares sur notre parnasse, & les Cicerons dans notre barreau. Je sai bon gré à l'usage d'une distinction si délicate & si utile tout-à-la-fois.

Au reste, c'est aux grammaires particulieres de chaque langue à faire connoître les terminaisons numériques de toutes les parties d'oraison déclinables, & non à l'Encyclopédie qui doit se borner aux principes généraux & raisonnés. Je n'ai donc plus rien à ajouter sur cette matiere que deux observations de syntaxe qui peuvent appartenir à toutes les langues.

La premiere c'est qu'un verbe se met souvent au pluriel, quoiqu'il ait pour sujet un nom collectif singulier ; une infinité de gens pensent ainsi, la plûpart se laissent emporter à la coutume ; & en latin, pars mersi tenuere, Virg. C'est une syllepse qui met le verbe ou même l'adjectif en concordance avec la pluralité essentiellement comprise dans le nom collectif. De-là vient que si le nom collectif est déterminé par un nom singulier, il n'est plus censé renfermer pluralité mais simplement étendue, & alors la syllepse n'a plus lieu, & nous disons, la plûpart du monde se laisse tromper : telle est la raison de cette différence qui paroissoit bien extraordinaire à Vaugelas, rem. 47. le déterminatif indique si le nom renferme une quantité discrette ou une quantité continue, & la syntaxe varie comme les sens du nom collectif.

La seconde observation, c'est qu'au contraire après plusieurs sujets singuliers dont la collection vaut un pluriel, ou même après plusieurs sujets dont quelques-uns sont pluriels, & le dernier singulier, on met quelquefois ou l'adjectif ou le verbe au singulier, ce qui semble encore contredire la loi fondamentale de la concordance : ainsi nous disons, non-seulement tous ses honneurs & toutes ses richesses, mais toute sa vertu s'évanouit, & non pas s'évanouirent (Vaugelas, rem. 340) ; & en latin, sociis & rege recepto, Virg. C'est au moyen de l'ellipse que l'on peut expliquer ces locutions, & ce sont les conjonctions qui en avertissent, parce qu'elles doivent lier des propositions. Ainsi la phrase françoise a de sous-entendu jusqu'à deux fois s'évanouirent, comme s'il y avoit, non-seulement tous ses honneurs s'évanouirent & toutes ses richesses s'évanouirent, mais toute sa vertu s'évanouit ; & la phrase latine vaut autant que s'il y avoit, sociis receptis & rege recepto. En voici la preuve dans un texte d'Horace :

O noctes coenaeque deûm, quibus ipse, meique,

Ante larem proprium vescor ;

il est certain que vescor n'a ni ne peut avoir aucun rapport à mei, & qu'il n'est relatif qu'à ipse ; il faut donc expliquer comme s'il y avoit, quibus ipse vescor, meique vescuntur, sans quoi l'on s'expose à ne pouvoir rendre aucune bonne raison du texte.

S'il se trouve quelques locutions de l'un ou de l'autre genre qui ne soient point autorisées de l'usage, qu'on pût les expliquer par les mêmes principes dans le cas où elles auroient lieu, on ne doit rien en inférer contre les explications que l'on vient de donner. Il peut y avoir différentes raisons délicates de ces exceptions : mais la plus universelle & la plus générale, c'est que les constructions figurées sont toujours des écarts qu'on ne doit se permettre que sous l'autorité de l'usage qui est libre & très-libre. L'usage de notre langue ne nous permet pas de dire, le peuple romain & moi déclare & fais la guerre aux peuples de l'ancien Latium ; & l'usage de la langue latine a permis à Tite-Live, & à toute la nation dont il rapporte une formule authentique, de dire, ego populusque romanus populis priscorum Latinorum bellum indico facioque : liberté de l'usage que l'on ne doit point taxer de caprice, parce que tout a sa cause lors même qu'on ne la connoît point.

Le mot de nombre est encore usité en grammaire dans un autre sens ; c'est pour distinguer entre les différentes especes de mots, ceux dont la signification renferme l'idée d'une précision numérique. Je pense qu'il n'étoit pas plus raisonnable de donner le nom de nombres à des mots qui expriment une idée individuelle de nombre, qu'il ne l'autorise d'appeller êtres, les noms propres qui expriment une idée individuelle d'être : il falloit laisser à ces mots le nom de leurs especes en y ajoutant la dénomination vague de numéral, ou une dénomination moins générale, qui auroit indiqué le sens particulier déterminé par la précision numérique dans les différens mots de la même espece.

Il y a des noms, des adjectifs, des verbes & des adverbes numéraux ; & dans la plûpart des langues, on donne le nom de nombres cardinaux aux adjectifs numéraux, qui servent à déterminer la quotité précise des individus de la signification des noms appellatifs ; un, deux, trois, quatre, &c. c'est que le matériel de ces mots est communément radical des mots numéraux correspondans dans les autres classes, & que l'idée individuelle du nombre qui est envisagée seule & d'une maniere abstraite dans ces adjectifs, est combinée avec quelqu'autre idée accessoire dans les autres mots. Je commencerai donc par les adjectifs numéraux.

1. Il y en a de quatre sortes en françois, que je nommerois volontiers adjectifs collectifs, adjectifs ordinaux, adjectifs multiplicatifs & adjectifs partitifs.

Les adjectifs collectifs, communément appellés cardinaux, sont ceux qui déterminent la quotité des individus par la précision numérique : un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, vingt, trente, &c. Les adjectifs pluriels quelques, plusieurs, tous, sont aussi collectifs ; mais ils ne sont pas numéraux, parce qu'ils ne déterminent pas numériquement la quotité des individus.

Les adjectifs ordinaux sont ceux qui déterminent l'ordre des individus avec la précision numérique : deuxieme, troisieme, quatrieme, cinquieme, sixieme, septieme, huitieme, neuvieme, dixieme, vingtieme, trentieme, &c. L'adjectif quantieme est aussi ordinal, puisqu'il détermine l'ordre des individus ; mais il n'est pas numéral, parce que la détermination est vague & n'a pas la précision numérique : dernier est aussi ordinal sans être numéral, parce que la place numérique du dernier varie d'un ordre à l'autre, dans l'un, le dernier est troisieme ; dans l'autre, centieme ; dans un autre, millieme, &c. Les adjectifs premier & second sont ordinaux essentiellement, & numéraux par la décision de l'usage seulement : ils ne sont point tirés des adjectifs collectifs numéraux, comme les autres ; on diroit unieme au lieu de premier, comme on dit quelquefois deuxieme au lieu de second. Dans la rigueur étymologique, premier veut dire qui est avant, & la préposition latine prae en est la racine ; second veut dire qui suit, du verbe latin sequor : ainsi dans un ordre de choses, chacune est premiere, dans le sens étymologique, à l'égard de celle qui est immédiatement après, la cinquieme à l'égard de la sixieme, la quinzieme à l'égard de la seizieme, &c. chacune est pareillement seconde à l'égard de celle qui précéde immédiatement, la cinquieme à l'égard de la quatrieme, la quinzieme à l'égard de la quatorzieme, &c. Mais l'usage ayant attaché à ces deux adjectifs la précision numérique de l'unité & de la dualité, l'étymologie perd ses droits sur le sens.

Les adjectifs multiplicatifs sont ceux qui déterminent la quantité par une idée de multiplication avec la précision numérique : double, triple, quadruple, quintuple, sextuple, octuple, noncuple, décuple, centuple. Ce sont les seuls adjectifs multiplicatifs numéraux usités dans notre langue, & il y en a même quelques-uns qui ne le sont encore que par les mathématiciens, mais qui passeront sans doute dans l'usage général. Multiple est aussi un adjectif multiplicatif, mais il n'est pas numéral, parce qu'il n'indique pas avec la précision numérique. L'adjectif simple, considéré comme exprimant une relation à l'unité, & conséquemment comme l'opposé de multiple, est un adjectif multiplicatif par essence, & numéral par usage : son correspondant en allemand est numéral par l'étymologie ; einfach ou einfaeltig, de ein (un), comme si nous disions uniple.

Les adjectifs partitifs sont ceux qui déterminent la quantité par une idée de partition avec la précision numérique. Nous n'avons en françois aucun adjectif de cette espece, qui soit distingué des ordinaux par le matériel, mais ils en different par le sens qu'il est toujours aisé de reconnoître : c'étoit la même chose en grec & en latin, les ordinaux y devenoient partitifs selon l'occurrence : la douzieme partie (pars duodecima) .

2. Nous n'avons que trois sortes de noms numéraux : savoir des collectifs, comme couple, dixaine, douzaine, quinzaine, vingtaine, trentaine, quarantaine, cinquantaine, soixantaine, centaine, millier, million ; des multiplicatifs, qui pour le matériel ne different pas de l'adjectif masculin correspondant, si ce n'est qu'ils prennent l'article, comme le double, le triple, le quadruple, &c. & des partitifs, comme la moitié, le tiers, le quart, le cinquieme, le sixieme, le septieme, & ainsi des autres qui ne different de l'adjectif ordinal que par l'immutabilité du genre masculin & par l'accompagnement de l'article. Tous ces noms numéraux sont abstraits.

3. Nous n'avons en françois qu'une sorte de verbes numéraux, & ils sont multiplicatifs, comme doubler, tripler, quadrupler, & les autres formés immédiatement des adjectifs multiplicatifs usités. Biner peut encore être compris dans les verbes multiplicatifs, puisqu'il marque une seconde action, ou le double d'un acte ; biner une vigne, c'est lui donner un second labour ou doubler l'acte de labourer ; biner, parlant d'un curé, c'est dire un jour deux messes paroissiales en deux églises desservies par le même curé.

4. Notre langue reconnoît le systême entier des adverbes ordinaux, qui sont premierement, secondement ou deuxiemement, troisiemement, quatriemement, &c. Mais je n'y connois que deux adverbes multiplicatifs, savoir doublement & triplement ; on remplace les autres par la préposition à avec le nom abstrait multiplicatif ; au quadruple, au centuple, & l'on dit même au double & au triple. Nuls adverbes partitifs en françois, quoiqu'il y en eût plusieurs en latin ; bifariam (en deux parties), trifariam (en trois parties), quadrifariam (en quatre parties), multifariam ou plurifariam (en plusieurs parties).

Les Latins avoient aussi un systême d'adverbes numéraux que l'on peut appeller itératifs, parce qu'ils marquent répétition d'événement ; semel, bis, ter, quater, quinquies, sexies, septies, octies, novies, decies, vicies ou vigesies, trecies ou trigesies ; &c. L'adverbe général itératif qui n'est pas numéral, c'est pluries ou multoties, ou saepe.

On auroit pû étendre ou restreindre davantage le systême numéral des langues ; chacune a été déterminée par son génie propre, qui n'est que le résultat d'une infinité de circonstances dont les combinaisons peuvent varier sans fin.

M. l'abbé Girard a jugé à propos d'imaginer une partie d'oraison distincte qu'il appelle des nombres : il en admet de deux especes, les uns qu'il appelle calculatifs, & les autres qu'il nomme collectifs ; ce sont les mots que je viens de désigner comme adjectifs & comme noms collectifs. Il se fait, à la fin de son disc. X. une objection sur la nature de ses nombres collectifs, qui sont des véritables noms, ou pour parler son langage, de véritables substantifs : il avoue que la réflexion ne lui en a pas échappé, & qu'il a même été tenté de les placer dans la cathégorie des noms. Mais " j'ai vu, dit-il, que leur essence consistoit également dans l'expression de la quotité : que d'ailleurs leur emploi, quoiqu'un peu analogique à la dénomination, portoit néanmoins un caractere différent de celui des substantifs ; ne demandant point d'articles par eux-mêmes, & ne se laissant point qualifier par les adjectifs nominaux, non plus que par les verbaux, & rarement par les autres ".

Il est vrai que l'essence des noms numéraux collectifs consiste dans l'expression de la quotité ; mais la quotité est une nature abstraite dont le nom même quotité est le nom appellatif ; couple, douzaine, vingtaine sont des noms propres ou individuels : & c'est ainsi que la nature abstraite de vertu est exprimée par le nom appellatif vertu, & par les noms propres prudence, courage, chasteté, &c.

Pour ce qui est des prétendus caracteres propres des mots que je regarde comme des noms numéraux collectifs, l'abbé Girard me paroît encore dans l'erreur. Ces noms prennent l'article comme les autres, & se laissent qualifier par toutes les especes d'adjectifs que le grammairien a distinguées : par ceux qu'il appelle nominaux ; une belle douzaine, une bonne douzaine, une douzaine semblable : par ceux qu'il nomme verbaux ; une douzaine choisie, une douzaine préférée, une douzaine rebutée : par les numéraux ; la premiere douzaine, la cinquieme douzaine, les trois douzaines : par les pronominaux ; cette douzaine, ma douzaine, quelques douzaines, chaque douzaine, &c. Si l'on allegue que ce n'est pas par eux-mêmes que ces mots requierent l'article ; c'est la même chose des noms appellatifs, puisqu'en effet on les emploie sans l'article quand on ne veut ajouter aucune idée accessoire à leur signification primitive ; parler en pere, un habit d'homme, un palais de roi, &c.

J'ajoute que si l'on a cru devoir réunir dans la même cathégorie, des mots aussi peu semblables que deux & couple, dix & dixaine, cent & centaine, par la seule raison qu'ils expriment également la quotité ; il falloit aussi y joindre, double, doubler, secondement ; bis, & bifariam, triple, triples, troisiemement, ter, & trifariam, &c. si au contraire on a trouvé quelque inconséquence dans cet assortiment en effet trop bizarre, on a dû trouver le même défaut dans le systême que je viens d'exposer & de combattre. (B. E. R. M.)

NOMBRE, en Eloquence, en Poësie, en Musique, se dit d'une certaine mesure, proportion ou cadence, qui rend un vers, une période, un chant agréable à l'oreille. Voyez VERS, MESURE, CADENCE.

Il y a quelque différence entre le nombre de la Poësie & celui de la Prose.

Le nombre de la Poësie consiste dans une harmonie plus marquée, qui dépend de l'arrangement & de la quantité des syllabes dans certaines langues, comme la grecque & la latine, qui font qu'un poëme affecte l'oreille par une certaine musique, & paroît propre à être chanté ; en effet, la plûpart des poëmes des anciens étoient accompagnés du chant, de la danse, & du son des instrumens. C'est de ce nombre qu'il s'agit, lorsque Virgile dans la quatrieme églogue, fait dire à un de ses bergers,

Numeros memini, si verba tenerem.

Et dans la sixieme,

Tum vero in numerum, faunosque ferasque videres

Ludere.

Dans les langues vivantes, le nombre poëtique dépend du nombre déterminé des syllabes, selon la longueur ou la briéveté des rimes, de la richesse du choix, & du mêlange des rimes, & enfin de l'assortiment des mots, au son desquels le poëte ne sauroit être trop attentif.

Il est un heureux choix de mots harmonieux,

dit Boileau.

Le nombre est donc ce qui fait proprement le caractere, & pour ainsi dire, l'air d'un vers. C'est par le nombre qui y regne qu'il est doux, coulant, sonore ; & par la privation de ce même nombre, qu'il devient foible, rude, ou dur. Les vers suivans, par exemple, sont très-coulans :

Au pié du mont Adulle, entre mille roseaux,

Le Rhin tranquille & fier du progrès de ses eaux,

Appuyé d'une main sur son urne penchante,

Dormoit au bruit flatteur de son onde naissante.

Au contraire celui-ci est dur ; mais l'harmonie n'en est pas moins bonne rélativement au but de l'auteur.

N'attendoit pas qu'un boeuf pressé de l'aiguillon

Traçât à pas tardifs un pénible sillon.

Le nombre de la prose est une sorte d'harmonie simple & sans affectation, moins marquée que celle des vers, mais que l'oreille pourtant apperçoit & goûte avec plaisir. C'est ce nombre qui rend le style aisé, libre, coulant, & qui donne au discours une certaine rondeur. Voyez STYLE.

Par exemple, cette période de l'oraison de Cïcéron par Marcellus est très-nombreuse : nulla est tanta vis, tantaque copia quae non ferro ac viribus debilitari frangique possit. Veut-on en faire disparoître toute la beauté, & choquer l'oreille autant qu'elle étoit satisfaite, il n'y a qu'à changer cette phrase, nulla est vis tanta & copia tanta quae non possit debilitari frangique viribus ac ferro.

Le nombre est un agrément absolument nécessaire dans toutes sortes d'ouvrages d'esprit, mais principalement dans les discours destinés à être prononcés. De-là vient qu'Aristote, Quintilien, Cicéron, & tous les autres rhéteurs, nous ont donné un si grand nombre de regles pour entremêler convenablement les dactyles, les spondées, & les autres piés de la prosodie grecque & latine, afin de produire une harmonie parfaite.

On peut réduire en substance à ce qui suit tous les principes qu'ils nous ont tracés à cet égard. 1°. Le style devient nombreux par la disposition alternative, & le mêlange des syllabes longues & breves, afin que d'un côté la multitude des syllabes breves ne rende point le discours trop précipité, & que de l'autre les syllabes longues trop multipliées ne le rendent point languissant. Telle est cette phrase de Cicéron : domiti gentes immanitate barbaras, multitudine innumerabiles, locis infinitas, omni copiarum genere abundantes, où les syllabes breves & longues se compensent mutuellement.

Quelquefois cependant on met à dessein plusieurs syllabes breves ou longues de suite, afin de peindre la promptitude ou la lenteur des choses qu'on veut exprimer ; mais c'est plutôt dans les Poëtes que dans les Orateurs, qu'il faut chercher de ces cadences marquées qui font tableau. Tout le monde connoît ces vers de Virgile :

Quadrupedante putrem sonitu quatit ungula campum,

Luctantes ventos tempestatesque sonoras.

Voyez CADENCE.

2°. On rend le style nombreux en entremêlant des mots d'une, de deux, ou de plusieurs syllabes, comme dans cette période de Cicéron contre Catilina : vivis & vivis non ad deponendam, sed ad confirmandam audaciam. Au contraire, les monosyllabes trop fréquemment répétés, rendent le style desagréable & dur, comme hac in re nos hic non ferret.

3°. Ce qui contribue beaucoup à donner du nombre à une période, c'est de la terminer par des mots sonores, & qui remplissent l'oreille, comme celle-ci de Cicéron : qui locus quietis ac tranquillitatis plenissimus fore videbatur, in eo maximae molestiarum, & turbulentissimae tempestates extiterunt.

4°. Le nombre d'une période dépend non-seulement de la noblesse des mots qui la terminent, mais de tout l'ensemble de la période, comme dans cette belle période de l'oraison de Cicéron pour Fonteius, frere d'une des vestales : nolite pati, judices, aras deorum immortalium Vestaeque matris, quotidianis virginum lamentationibus de vestro judicio commoveri.

5°. Pour qu'une période coule avec facilité & avec égalité, il faut éviter avec soin tout concours de mots & de lettres qui pourroient être desagréables, principalement la rencontre fréquente des consonnes dures, comme : ars studiorum, rex Xerxes ; la ressemblance de la premiere syllabe d'un mot avec la derniere du mot qui le précede, comme res mihi invisae sunt : la fréquente répétition de la même lettre ou de la même syllabe, comme dans ce vers d'Ennius :

Africa, terribili tremit horrida terrae tumultu.

Et l'assemblage des mots qui finissent de même, comme : amatrices, adjutrices, praestigiatrices fuerunt.

Enfin, la derniere attention qu'il faut avoir, est de ne pas tomber dans le nombre poétique, en cherchant le nombre oratoire, & de faire des vers en pensant écrire en prose ; défaut dans lequel Cicéron lui-même est tombé quelquefois ; par exemple, quand il dit : cum loquitur, tanti fletus gemitusque fiebant.

Quoique ces principes semblent particuliers à la langue latine, la plûpart sont cependant applicables à la nôtre ; car pour n'être point assujettie à l'observation des breves & des longues, comme le grec & le latin, elle n'en a pas moins son harmonie propre & particuliere, qui résulte des cadences tantôt graves & lentes, tantôt légeres & rapides, tantôt fortes & impétueuses, tantôt douces & coulantes, que nos bons orateurs savent distribuer dans leurs discours, & varier selon la différence des sujets qu'ils traitent. C'est dans leurs ouvrages qu'il faut la chercher & l'étudier.

NOMBRE RENTRANT, (Horlogerie) on appelle en Horlogerie nombres rentrans, quand le pignon qui engrene dans une roue, en divise les dents sans reste. Le commun des ouvriers estime que la perfection d'un rouage, consiste dans les nombres rentrans. M. de la Hire est d'un sentiment contraire ; pour moi, je croirois que cela est indifférent, & qu'il n'importe guere que les nombres soient rentrans, ou ne le soient pas, pourvu que les dents d'une roue soient bien égales. (D.J.)

NOMBRES, & petits filets se levent ensemble, termes de Vénerie ; ce sont les morceaux qui se prennent au-dedans des cuisses & des reins du cerf.

NOMBRE DE DIOS, (Géog.) ville ruinée en Amérique, dans la nouvelle Espagne, sur la côte septentrionale de l'isthme de Panama, au nord de la ville de même nom, & à l'orient de Porto-belo. Ce lieu est tombé en ruines, parce que le havre y est mauvais, & que les Espagnols se sont établis à Porto-belo, où le havre est merveilleux, & facile à défendre. (D.J.)


NOMBRERv. act. (Arithm.) c'est exprimer le nombre marqué par un certain assemblage de chiffres. Voyez NUMERATION.


NOMBRILS. m. (Anatomie) autrement dit ombilic, terme dérivé du mot latin umbo, qui signifie la bosse qui s'élevoit au milieu du bouclier des anciens.

Ce noeud est formé de la peau & de la réunion des vaisseaux ombilicaux, que l'on coupe à l'enfant aussi-tôt qu'il est né.

On doit encore considérer à l'ombilic de l'enfant qui est dans la matrice, un cordon de la longueur d'une aune ou environ, qui s'étend depuis l'arrierefaix jusqu'à cette éminence, & qui renferme les vaisseaux ombilicaux, qui sont une veine & deux arteres. Voyez OMBILICAUX, VAISSEAUX.

Le cordon ombilical sert de conduite à ces vaisseaux, qui communiquent la nourriture de la mere à l'enfant & à l'arriere-faix, pour sortir de la matrice l'un après l'autre.

Aussi-tôt que l'enfant est hors de la matrice, on fait une ligature à ce cordon, & on le coupe ensuite un bon travers de doigt au-delà de la ligature ; la nature après cela sépare si bien ce qui en reste, qu'il n'en demeure plus que le vestige dans le noeud que l'on voit à l'homme parfait.

Mais on demande, pourquoi le nombril des hommes est apparent & bien marqué, au lieu que dans la plûpart des especes d'animaux il est presque insensible, & souvent entierement oblitéré ; les singes même n'ont qu'une espece de callosité ou de dureté à la place du nombril ? Cette question est ancienne ; Aristote la faisoit déja de son tems : il est aisé d'y répondre. Le nombril ne paroît pas dans les animaux, parce qu'ils se le coupent à fleur du ventre ; desorte que les vaisseaux ombilicaux n'ayant plus rien qui les retienne au-dehors, se retirent promptement au-dedans, où ils sont renfermés pendant toute la vie de l'animal. Mais aux hommes le nombril qui n'est qu'un assemblage des vaisseaux ombilicaux & de la peau, paroît toujours par une petite éminence qu'il fait au milieu du ventre ; parce qu'il en a été lié à quelque distance, après la naissance de l'enfant.

Saviard, observ. 118, dit avoir vu un enfant âgé de deux mois, dont le nombril n'étoit pas au milieu du ventre, où il se trouve ordinairement, mais audessus du pénil. Fabrice de Hildan, liv. III. de ses Observations, rapporte l'histoire d'un apothicaire, qui jettoit du sang en abondance par le nombril.

L'ombilic est sujet, particulierement aux femmes, à la tumeur que les Medecins nomment exomphale, dont il y a deux différens genres ; les uns faits de parties, & les autres formés d'humeurs. Voyez EXOMPHALE.

J'ajoute seulement ici, qu'Ambroise Paré avertit les jeunes chirurgiens, en parlant de la relaxation de l'ombilic, de ne pas faire l'ouverture de ces tumeurs aux enfans, parce qu'étant faite, les parties sortent au-dehors, & les enfans meurent. Il en rapporte deux exemples. (D.J.)

NOMBRIL, MALADIES DU, (Médec.) la cicatrice qui reste après la naissance à la partie moyenne antérieure du ventre, appellé nombril, est sujette à différentes maladies & par sa propre nature, & parce que dans cet endroit le ventre est moins soutenu.

Quand on n'a point fait exactement la ligature du cordon ombilical, ou qu'elle vient à se rompre avec effusion de sang, on y remédie aisément en y appliquant de l'huile de térébenthine ou de l'esprit-de-vin avec un bandage. Quelquefois dans l'ascite il se rompt, puisqu'on est obligé alors de mettre quelque chose sur le ventre capable de le soutenir, & d'empêcher que toute l'eau ne s'écoule en même tems. Il faut tirer les vers nichés dans cette partie, & la purifier par le moyen des détersifs amers. On en guérit l'ulcere & la puanteur, en y appliquant un antiseptique : les blessures qui arrivent aux autres parties du ventre sont plus dangereuses ; l'inflammation, l'abscès, & la douleur, se guérissent à l'ordinaire. (D.J.)

NOMBRIL, (Maréchal.) se prend chez les chevaux pour le milieu des reins : ainsi on dit qu'un cheval est blessé sur le nombril, lorsqu'il l'est dans cet endroit.

NOMBRIL, (Botan.) on appelle nombril, certaines enfonçures qui se voyent dans quelques fruits, comme dans l'airelle, & qui ressemblent en quelque maniere au nombril des animaux. (D.J.)

NOMBRIL DE VENUS, (Hist. nat. Bot.) cotyledon, genre de plante à fleur monopétale, en forme de cloche, allongée en tuyau, & profondément découpée. Le pistil sort du calice ; il perce la partie intérieure de la fleur, & il devient dans la suite un fruit composé de plusieurs petites graines rassemblées en bouquet, qui s'ouvrent d'un bout à l'autre, & qui renferment des semences ordinairement fort menues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

M. de Tournefort ne compte que huit especes véritables de ce genre de plante, que les Botanistes appellent en latin cotyledon. Les auteurs moins exacts, ont rangé mal-à-propos sous le même nom, d'autres plantes, qui sont des especes de joubarbe, de geum, ou de saxifrage. Il semble qu'on peut distinguer les cotyledons, même quand ils ne sont pas en fleur, par leurs racines tubéreuses, épaisses, & par leurs feuilles arrondies, & grasses ; cependant ce ne sont point-là des caracteres constans ; car il y a des cotyledons qui ont des racines fibreuses, & de longues feuilles.

La commune espece de cotyledon, ou de nombril de Vénus, cotyledon vulgaris, par Tournefort, en anglois, the commun navel wort, or umbilicus Veneris, sera la seule espece que nous décrirons. Sa racine est tubéreuse, charnue, blanche ; elle pousse des feuilles rondes, épaisses, grasses, pleines de suc, creusées en bassin, attachées à de longues queues, d'un verd de mer, d'un goût insipide. D'entre ces feuilles s'éleve une tige menue, simple, ou divisée ; ses fleurs sont en tube allongé & découpé en plusieurs pointes de couleur blanche purpurine, avec dix étamines à sommet droit.

Quand ces fleurs sont tombées, il leur succede des fruits à plusieurs gaînes membraneuses, ramassées en maniere de tête, qui s'ouvrent dans leur longueur, & renferment des semences fort menues.

Cette plante croît naturellement dans les rochers, les vieux murs, & aux lieux pierreux ; elle fleurit en Mai dans les pays chauds, & beaucoup plus tard dans les pays tempérés. On a nommé cette plante cotyledon, ou nombril de Vénus ; parce que ses feuilles sont ordinairement concaves en-dessous, ou creusées presque en maniere d'entonnoir.

Le nombril de Vénus de Portugal, à fleur jaune, cotyledon major, Lusitanicus, radice tuberosâ, longâ, repente, I. R. H. 90, est fort cultivé dans les jardins des curieux ; ses feuilles restent vertes pendant l'hiver, & se fannent en Mai. (D.J.)

NOMBRIL DE VENUS, (Matiere médicale) grand cotyledon, éreude ou écuelle.

Les feuilles de cette plante sont très aqueuses, & leur suc est un peu visqueux. Dioscoride & Galien l'ont regardée comme très rafraîchissante. Ces auteurs assurent que son suc pris intérieurement, chasse le calcul & le sable des reins. Cette vertu est peu confirmée par l'expérience que véritablement on ne tente guere ; car cette plante est peu usitée, sur-tout pour l'usage intérieur. Il est plus constant que dans l'usage extérieur elle peut être mêlée ou substituée aux autres plantes aqueuses & mucilagineuses, principalement à la joubarbe, avec laquelle elle a beaucoup d'analogie. Voyez JOUBARBE. Les feuilles du nombril de Vénus entrent dans l'onguent populeum. (b)

NOMBRIL (Conchyl.), en latin umbilicus, c'est le trou qui est dans le milieu de la base d'une coquille, à côté de la bouche, & qui en fait à-peu-près le centre. (D.J.)

NOMBRIL MARIN, coquillage du genre des limas. Voyez COQUILLE.

NOMBRIL, (Géom.) point de l'axe dans une ligne courbe, qu'on appelle autrement foyer. (D.J.)

NOMBRIL, en terme de Blason, est le point qui est au milieu du dessous de la face, ou le centre même de l'écusson. Voyez POINT.

En supposant l'écusson divisé en deux parties égales au-dessous de la face, le premier point de cette division est le nombril, & le dernier ou le plus bas est la base. Voyez ECUSSON.


NOMEest un mot, ou plutôt une partie de mot dont on se sert en Algebre pour désigner une quantité jointe avec une autre par quelque ligne ; d'où sont venus les mots de binomes, trinomes, &c.

Ainsi a + b est un binome, dont les deux nomes ou noms sont a & b ; a + b + c est un trinome, dont les trois nomes sont a, b, c. Voyez BINOME.


NOMEN(Jurisprud. romaine) Quoique ce mot nomen se trouve dans tous les bons auteurs pour toutes sortes d'engagemens par écrit, soit qu'ils portent intérêt ou non, la jurisprudence romaine en faisoit une différence, & n'employoit proprement ce terme, que pour signifier ce que nous appellons un billet ou une promesse de payer, qui n'est accompagnée ni d'intérêt, ni d'usure. Il y avoit des gens que l'on nommoit pararii ou proxenetae, qui faisoient profession de procurer des créanciers de bonne volonté à ceux qui cherchoient à emprunter de cette sorte. Ces billets ne laissoient pas de s'insinuer sur des registres publics ; mais différens de ceux où l'on inscrivoit les obligations qui portoient intérêt. Ces derniers registres s'appelloient calendriers, parce que les intérêts se payoient tous les mois, & même le premier jour du mois, que l'on nommoit le jour des calendes. (D.J.)


NOMENCLATEURS. m. (Hist. nat.) les nomenclateurs dans l'histoire naturelle, sont les savans qui ont employé leurs veilles à établir les vrais noms des plantes, des poissons, des oiseaux, des quadrupedes, des fossiles, leurs synonymes & leurs étymologies. C'est un travail sec & pénible ; mais qui est très-utile pour servir de concordance dans la lecture des naturalistes anciens & modernes. (D.J.)

NOMENCLATEUR, (Usages des Rom.) en latin nomenclator, en grec , diseur de noms. Le nomenclateur étoit celui qui disoit le nom de chaque citoyen au candidat, lorsqu'il venoit solliciter les suffrages du peuple pour la charge qu'il desiroit d'obtenir.

Il faut savoir que dès que le magistrat avoit permis à un candidat de se mettre sur les rangs pour quelque emploi, alors le candidat se rendoit sur la place en robe blanche lustrée, pour se faire voir & flatter le peuple ; cela s'appelloit prensare honores, parce qu'il ne manquoit pas de prendre les mains de chaque citoyen, & de lui faire mille caresses ; c'est pourquoi Cicéron nomme les candidats, les gens les plus polis du monde, officiosam nationem candidatorum.

Le candidat courtisoit ainsi le peuple deux ans avant que la charge qu'il desiroit fût vacante. Le jour des comices arrivé, il faisoit sa demande dans les formes ; & conduit par ses amis, il se plaçoit sur un monticule, appellé collis hortulorum, vis-à-vis le champ de Mars, afin d'être vu de toute l'assemblée. Comme c'étoit une marque d'estime de nommer chacun par son nom en le saluant, & que les candidats ne pouvoient pas eux mêmes savoir le nom de tous les Romains qui donnoient leurs suffrages, ils menoient avec eux des esclaves, qui, n'ayant eu d'autre occupation toute leur vie que d'apprendre les noms des citoyens, les savoient parfaitement, & les disoient à voix basse aux candidats. Ces esclaves étoient appellés nomenclateurs : c'est d'eux qu'Horace parle dans son épit. 6. L. I. v. 49.

Si fortunatum species & gratia praestat,

Mercemur servum qui dictet nomina, laevum

Qui fodicet latus, & cogat transpondera dextram

Porrigere, hic multum in fabiâ valet, ille Velinâ.

Si c'est le faste & le crédit qui puissent vous rendre heureux, achetez un esclave qui vous apprenne les noms de ceux qui se présentent, & qui vous tire doucement par le bras, pour vous avertir de tendre la main à ceux qui passent, même au milieu des plus grands embarras, & qui vous dise tout bas, celui-ci dispose des suffrages dans la tribu fabienne, celui-là est tout puissant dans la tribu véline.

Disons tout aussi, puisque nous en sommes sur cette matiere. Les candidats, pour mieux réussir dans leurs projets, avoient, outre les nomenclateurs, d'autres gens à eux appellés distributeurs, divisores, qui distribuoient de l'argent à chacun, pour obtenir sa voix. Ils avoient encore des hommes intelligens appellés sequestres ou entremetteurs, en grec, , qui se chargeoient de gagner les suffrages du peuple, & tenoient en dépôt chez eux les sommes d'argent promises. Enfin, il y avoit des gens appellés interpretes, dont on se servoit préalablement pour traiter des conventions du prix des suffrages. C'est ainsi que sur la fin de la république, les charges & les magistratures se vendoient au plus offrant. O ville vénale, s'écrioit Jugurtha, pour qui pourroit t'acheter ! (D.J.)


NOMENTE(Géog. anc.) Nomentum, ancienne ville d'Italie chez les Latins. Tite - Live, l. I. ch. la met au nombre de celles qui furent réduites sous la puissance de Rome par Tarquin l'Ancien. Léandre prétend avec assez de vraisemblance, que c'est aujourd'hui Lamantana dans la Sabine, village entre le Tibre & le Téveron. (D.J.)


NOMENY(Géog.) petite ville de Lorraine sur la Seille, avec titre de marquisat, & un bailliage, à 5 lieues de Nanci, 6 de Metz. Elle a été une des principales places de l'évêché de cette derniere ville. L'abbé de Longuerue vous en donnera toute l'histoire dans sa description de la France. Long. 23. 50. lat. 48. 52. (D.J.)


NOMII(Géog. anc.) en grec ; montagnes de l'Arcadie. Pausanias, lib. viij. ch. xxxviij. dit qu'il y avoit dans ces montagnes un temple consacré au dieu Pan le Nomien.


NOMINATAIRE(Jurisprud.) est celui que quelqu'un a nommé pour remplir un office, bénéfice ou autre place. Voyez BENEFICE & OFFICE. (A)


NOMINATEUR(Jurisprud.) est celui qui a droit de nommer à quelque bénéfice, office ou autre place. Voyez BENEFICE & OFFICE. (A)


NOMINATIFS. m. Dans les langues qui ont admis des cas, c'est le premier de tous, & avec raison, puisque c'est celui qui présente l'idée objective de la signification du nom sous le principal aspect, sous le point de vue même qui a fait instituer les noms : car les noms sont sur tout nécessaires dans le langage, pour présenter à l'esprit d'une maniere distincte les différens sujets dont nous reconnoissons les attributs par nos pensées. Or, telle est spécialement la destination du nominatif ; c'est d'ajouter à l'idée principale du nom, l'idée accessoire du sujet de la proposition ; & c'est par conséquent le cas où doit être le sujet de tout verbe qui est à un mode personnel. Voyez MODE. Populus romanus bellum indixit, hostes fugerunt, funus procedit.

C'est à cause de cette destination, que l'on a appellé ce cas nominatif, mot tiré de nomen même, pour mieux indiquer que sous cette forme le nom est employé pour la fin qui l'a fait instituer. C'est encore dans le même sens que ce cas a été appellé rectus, direct, pour dire qu'il ne détourne pas le nom des vues de son institution : les autres sont appellés obliqui, obliques, par une raison contraire. J'ose croire que cette explication est plus raisonnable, que les imaginations détaillées sérieusement par Priscien (lib. V. de cas.), & réfutées aussi sérieusement par Scaliger, de caus. L. L. lib. IV. cap. lxxx.

Quelques Grammairiens modernes ont encore voulu donner à ce cas le nom de subjectif, pour mieux caractériser l'usage qu'il en faut faire. Je crois que l'ancienne dénomination étant sans équivoque, une nouvelle deviendroit superflue, quelqu'expressive qu'elle pût être.

On demande très sérieusement si le nominatif est un cas proprement dit ; & ce qu'il y a de plus singulier, c'est que l'unanimité est pour la négative. M. du Marsais lui-même (article CAS), & M. Lancelot avant lui (Gramm. gén. part. II. ch. vj.), l'ont dit ainsi. " Il est appellé cas par extension, dit M. du Marsais, & parce qu'il doit se trouver dans la liste des autres terminaisons du nom. Il n'est pas proprement un cas, dit M. Lancelot ; mais la matiere d'où se forment les cas par les divers changemens qu'on donne à cette premiere terminaison du nom ". Je dirois volontiers ici, quandoque bonus dormitat Homerus. Ces deux excellens grammairiens conviennent l'un & l'autre que les cas d'un nom sont les différentes terminaisons de ce nom. On le voit par les textes mêmes que je viens de rapporter ; mais il est certain que les noms sont terminés au nominatif comme aux autres cas, puisqu'un mot sans terminaison est impossible ; le nominatif est donc un cas aussi proprement dit que tous les autres.

Mais c'est, dit-on, la matiere d'où se forment les autres cas. Quand cela seroit, il n'en seroit pas moins un cas, puisqu'il seroit d'une terminaison differente de celle que l'on en formeroit. Mais cela même n'est pas absolument vrai, comme on le donne à entendre : il faudroit qu'on ajoutât au nominatif les autres terminaisons, & que de dominus, par exemple, on formât dominusi, dominuso, dominusum, &c. On ne le fait point ; on ôte la terminaison nominative, qui est us, & on y substitue les autres, i, o, um, &c. C'est donc de domin qu'il faut dire qu'il n'est point un cas, ou plutôt qu'il est sans cas, parce qu'il est sans terminaison significative ; mais aussi domin n'est pas un mot. Voyez MOT.

Il y a plus : les mêmes grammairiens avouent ailleurs que le génitif sert à former les autres cas, & cela est vrai en un sens, puisque les cas qui ne doivent point être semblables au nominatif, ne changent qu'une partie de la terminaison génitive : de lum-en vient le génitif lum-inis, & de celle-ci, lum-in-i, lum-in-e, lum-in-a, lum-in-um, lum-in-ibus. C'étoit donc plutôt sur le génitif que devoit tomber le doute occasionné par cette formation, & l'on pouvoit autant dire que le génitif n'étoit cas que par extension.

Quand la terminaison du génitif a plus de syllabes que celle du nominatif, on dit que le génitif & les autres cas qui en sont formés, ont un crément : ainsi il y a un crément dans luminis, parce qu'il y a une syllabe de plus que dans lumen ; il n'y en a point dans domini, parce qu'il n'y a pas plus de syllabes que dans dominus. Dans la grammaire grecque on appelle parisyllabes, les déclinaisons des noms dont le génitif singulier n'a pas de crément, & imparisyllabes, celles des noms dont le génitif a un crément.

De la destination essentielle du nominatif, il suit deux conséquences également nécessaires.

La premiere, c'est que tout verbe employé à un mode personnel suppose avant soi un nom au nominatif qui en est le sujet : c'est un principe qui a été démontré directement au mot IMPERSONNEL, & qui reçoit ici une nouvelle confirmation par sa liaison nécessaire avec la nature du nominatif.

La seconde conséquence est l'inverse de celle-ci, & sort plus directement de la notion du cas dont il s'agit : c'est qu'au contraire tout nom au nominatif suppose un verbe dont il est le sujet ; & si ce verbe n'est point exprimé, la plénitude de la construction analytique exige qu'il soit suppléé. On a déja vu (INTERJECTION) que ecce homo veut dire ecce homo adest : tum quidam ex illis quos prius despexerat, contentus nostris si fuisses sedibus, &c. (Phaed. I. iij. 12.) c'est-à-dire, tum quidam ex illis quos prius despexerat dixit ei, si, &c. nulli nocendum, (Id. Lib. I. xxvj. 1.) suppl. est. Les titres des livres sont au nominatif par la même raison : Terentii comediae, suppléez sunt in hoc volumine, & ainsi des autres.

Je ne dois pas oublier que l'on dit communement du sujet du verbe, qu'il est le nominatif du verbe ; expression impropre, puisque le nominatif ne peut être cas que d'un nom, d'un pronom ou d'un adjectif. Que l'on dise que tel nom est nominatif, parce qu'il est sujet de tel verbe ; à la bonne heure, c'est rendre raison d'un principe de syntaxe ; mais il ne faut pas confondre les idées. (B. E. R. M.)


NOMINATIONS. f. (Jurisprud.) signifie quelquefois le droit de nommer à un bénéfice, office ou autre place : quelquefois par nomination on entend l'usage qui a été fait de cette faculté en faveur de quelqu'un ; enfin, par nomination on entend aussi l'acte qui exprime la nomination. Voyez BENEFICE, NOMINATEUR & NOMINATAIRE, OFFICE. (A)


NOMINAUXS. m. pl. (Philos. & Théol. scholast.) on dit au singulier nominal, & au pluriel nominaux ; philosophes scholastiques opposés aux réaux ou réalistes sur la question des universaux. Voyez UNIVERSAUX.

On s'échauffa si fort sur cette question puérile du tems de Louis XI, & les deux partis qu'on vient de nommer s'animerent l'un contre l'autre avec tant de fureur, que les réaux ayant eu plus de crédit à la cour, obtinrent du roi un édit aussi sanglant contre les nominaux leurs adversaires, que s'il se fût agi du renversement de la religion & de l'état. Cet édit qui est en latin, est rapporté tout entier par M. Naudé dans son addition aux mémoires de l'histoire de Louis XI.

On ne sauroit maintenant lire cette piece qu'on ne la trouve ridicule, & qu'on ne la regarde comme une aussi grande preuve de la petitesse de l'esprit humain, que les decrets qui ont été faits pour regler la grandeur du capuchon des Cordeliers, & pour déterminer s'ils n'avoient que l'usage, & non le domaine du pain qu'ils mangeoient. L'édit de Louis XI. est daté de Senlis le premier Mars 1473.

Rien au monde n'étoit plus frivole que le fond de la querelle des réaux & des nominaux. Elle rouloit, comme on sait, sur ce que la logique de l'école appelle les cinq universaux, qui sont le genre, l'espece, la différence, le propre & l'accident ; sorte de division des idées, dont la saine Philosophie ne fait pas aujourd'hui le moindre usage, & dont les Péripatéticiens se servoient pour distinguer les différentes manieres dont on peut considérer les choses en général. Les réaux soutenoient que ces cinq universaux étoient quelque chose de réellement existant : les nominaux qu'on appelloit aussi terministes, prétendoient que ce n'étoient que des noms, des termes qui ne signifioient que les diverses manieres, dont la Logique pouvoit envisager les objets de la premiere opération de l'esprit. Ils étoient assurément bien plus sensés que leurs adversaires.

Beaucoup d'écrivains rapportent à Guillaume Occham, cordelier anglois & fondateur des Capucins, l'origine de la secte des nominaux ; c'est une erreur qui vient de ce que le premier des auteurs nominaux qui sont nommés dans l'édit de Louis XI, est un certain Guillaume Okan ; mais on n'a pas fait attention qu'il y est qualifié moine de Citeaux, monachus cisterciensis. La secte des nominaux est d'environ trois cent ans plus ancienne que le cordelier Occham, qui fleurissoit dans le quatorzieme siecle. Son premier auteur fut un médecin d'Henri I, roi de France ; ce médecin natif de Chartres, s'appelloit Jean, & fut surnommé le sophiste, à cause de la subtilité de ses raisonnemens. Il vivoit dans le onzieme siecle sous le roi Henri I. qui mourut en 1060.

Jean le sophiste eut pour disciple un nommé Rocelin que quelques-uns appellent Rosselin, d'autres Russelin, & d'autres Encelin, à qui même on donne pour nom de baptême celui de Jean, ce qui pourroit venir de ce qu'on n'auroit fait qu'une personne du maître & du disciple. Rocelin étoit breton, & fut d'abord chanoine de Compiegne, & puis selon quelques-uns, de S. Martin de Tours. C'est lui qu'il faut regarder comme le véritable fondateur de la secte des nominaux ; il en enseigna publiquement tous les principes.

Le plus célébre de ses éléves fut le fameux Abailard. Ils porterent l'un & l'autre la subtilité de leur dialectique dans la Théologie, dont ils donnerent des leçons publiques, avec un si grand concours d'écoliers, qu'ils s'attirerent une infinité d'envieux, qui parvinrent à faire condamner, comme hérétiques, les ouvrages de Rocelin par le concile de Soissons de 1092, & ceux d'Abailard par le concile de Sens de 1140 : le second a trouvé des apologistes dans ces derniers tems.

Les disputes des réaux & des nominaux, enfanterent malheureusement la Théologie scholastique dans l'église latine ; & Pierre Lombard sorti de l'école des derniers, fut le premier qui la réduisit en une espece de système par ses quatre livres des Sentences, qui pendant si long-tems ont été la boussole des Théologiens, & qu'on ne méprise pas encore aujourd'hui dans toutes les écoles de l'Europe, autant qu'on le devroit pour l'honneur du bon sens & de la raison. (D.J.)


NOMIUS(Mythol.) surnom de Mercure qui lui fut donné, soit à cause des regles de l'éloquence qu'il avoit établies, soit parce qu'il étoit le dieu des pasteurs ; choisissez l'origine ou de , loi, ou de , pâturage. (D.J.)


NOMMÉES. f. (Jurisprud.) se dit en quelques provinces pour exprimer le dénombrement que le vassal donne à son seigneur ; ce terme de nommée vient sans doute de ce que dans cet acte, on déclare nommément chacun des héritages, droits & autres objets qui composent le fief servant. Voyez AVEU & DENOMBREMENT. (A)


NOMMERv. act. (Géog.) c'est désigner une chose par un nom, ou l'appeller par le nom qui la désigne ; mais outre ces deux significations, ce verbe en a un grand nombre d'autres que nous allons indiquer par des exemples. Qui est-ce qui a nommé l'enfant sur les fonts de baptême ? Il y a des choses que la nature n'a pas rougi de faire, & que la décence craint de nommer. On a nommé à une des premieres places de l'église un petit ignorant, sans jugement, sans naissance, sans dignité, sans caractere & sans moeurs. Nommez la couleur dans laquelle vous jouez, nommez l'auteur de ce discours. Qui le public nomme -t-il à la place qui vaque dans le ministere ? Un homme de bien. Et la cour ? On ne le nomme pas encore. Quand on veut exclure un rival d'une place & lui ôter le suffrage de la cour, on le fait nommer par la ville ; cette ruse a réussi plusieurs fois. Les princes ne veulent pas qu'on prévienne leur choix ; ils s'offensent qu'on ose leur indiquer un bon sujet ; ils ratifient rarement la nomination publique.

NOMMER UN DESSEIN, (Terme de Tissutier-rubanier.) C'est ce qu'on appelle chez les ouvriers de la grande navette, les gaziers, les férandiniers, & autres fabriquans d'étoffes, lire un dessein, c'est-à-dire, marquer en détail à l'ouvrier qui monte un métier, quels fils de sa chaîne doivent se lever & se baisser pour faire la façon, afin qu'il attache des ficelles à noeud-coulant aux hautes-lisses de son ouvrage. Savary. (D.J.)


NOMOCANONS. m. recueil de canons & de lois impériales, conformes & relatives à ces canons ; ce mot est composé du grec , loi, & , canon ou regle.

Le premier nomocanon fut fait en 554. par Jean le scholastique. Photius, patriarche de Constantinople compila un autre nomocanon ou collation des lois civiles avec les lois canoniques ; ce dernier est le plus célébre, & Balsamon y fit un commentaire en 1180.

En 1225 Arsénius moine du mont-Athos, & depuis patriarche de Constantinople, recueillit de nouveau les lois des empereurs & les ordonnances des patriarches, qu'il accompagna de notes pour montrer la conformité des unes avec les autres ; on donna aussi à cette collection le titre de nomocanon. Enfin, Matthieu Blastares en composa encore un nouveau en 1335, qu'il appella syntagma ou assemblage de canons & de lois par ordre ; ces diverses collections formoient un corps de Droit civil & canonique parmi les Grecs.

NOMOCANON signifie aussi un recueil des anciens canons des apôtres, des conciles & des peres de l'église, sans aucune relation aux constitutions impériales ; tel est le nomocanon publié par M. Cotelier.

NOMOCANON se prend encore quelquefois pour les livres pénitentiaux des Grecs. Voyez PENITENTIEL. (G)


NOMOPHYLACES. m. (Antiq. grecq.) les nomophylaces étoient chez les Athéniens, des magistrats assez semblables à ceux qu'on nomme shérifs en Angleterre ; ils étoient préposés au maintien des lois & des ordonnances, dont ils tenoient les registres : l'exécution des criminels & l'inspection sur les prisonniers étoient aussi commises à leurs soins. Enfin, ils avoient le droit sur de simples soupçons, d'arrêter les fripons, les marodeurs, les gens sans aveu, les coureurs de nuit ; de les faire mourir sans autre formalité s'ils avouoient leurs crimes ; mais s'ils le nioient, les nomophylaces devoient les poursuivre juridiquement. Potter, Archaeol. graec. tom. I. p. 78. (D.J.)


NOMOTHETES. m. (Antiq. grecq.) ; les nomothetes étoient des magistrats d'Athenes, qu'on tiroit au sort d'entre ceux qui avoient été déja juges au tribunal des Hélies. On les choisissoit au nombre de mille & un, afin que deux avis différens ne pussent point avoir un nombre égal de suffrages.

Leur charge n'étoit pas tout-à-fait comme leur nom semble le porter, de faire de nouvelles lois par leur autorité ; car personne n'avoit ce pouvoir sans l'approbation du sénat & la ratification du peuple ; mais ils étoient préposés pour veiller sur les lois, & s'ils en trouvoient quelqu'une qui fût inutile, préjudiciable au tems, ou contraire au bien public, ils en demandoient l'abrogation par un decret du peuple. Ils avoient encore le droit d'empêcher que personne ne labourât, ou ne fît des fossés profonds dans l'étendue de la muraille pélasgienne ; ils pouvoient saisir les contrevenans, & les envoyer à l'Archonte.

Au reste, le mot nomothete tout seul, signifie presque toujours dans les écrits des orateurs grecs, l'illustre Solon, qui étoit regardé comme le législateur par excellence. Potter, Archaeol. graec. l. I. c. xiij. tom. I. p. 79. (D.J.)


NOMPAREILLES. f. (Tissutier-Rubanier) espece de petit ruban, dont on fait quantité d'ouvrages de modes, comme palatines, agrémens, aigrettes, bonnets, &c. On en fait encore l'enfilage de chapelets, & autres ouvrages de dévotion que font les religieuses. Parlons de sa fabrique : ce n'est qu'une quantité de brins de soie, ordinairement composée de 60 brins sur chaque roquetin, qui formera une branche de nompareille ; on met 20 roquetins ainsi remplis à une banque pour l'opération que l'on va voir. Cette banque est posée à une certaine distance du moulin à passer. Comme il peut arriver des accidens aux soies de ces roquetins, soit par des brins cassés ou mal doublés, & que les mêmes brins venant à tomber sur les roquetins voisins, ce qui en mettroit plusieurs en danger, il est nécessaire qu'il y ait une personne entendue qui veille continuellement à cette banque, pour au moindre accident, couper l'une ou même plusieurs de ces branches suivant le besoin, attendu que l'opération après laquelle on est ne peut se retarder un seul instant. C'est de l'assemblage de ces 20 roquetins que vont être formées 20 nompareilles ; mais auparavant il faut décrire le moulin à passer.

Une table fort épaisse, posée à tenons sur 4 piés extrêmement forts & solides. Sur cette table sont enchassés deux montans, garnis en-dedans avec de la tole, exactement de tous les côtés où il peut y avoir du frottement. Ces montans portent deux roues de bois, de même diametre qu'une autre qui est de cuivre jaune ; la branche du centre de celle-ci qui est à droite est plus longue, afin de recevoir la manivelle dont le manche doit être assez long pour être tourné par deux personnes. Devant ces deux roues & sur cette table, est posé mobilement le peigne, à-travers lequel toutes les 20 branches vont passer. Les choses ainsi disposées, il faut faire chauffer la roue de cuivre à un feu de charbon : ce chauffage a différens degrés ; tantôt il faut qu'elle soit rouge, d'autres fois moins chaude, suivant les différentes couleurs que l'on emploie : c'est à l'ouvrier expérimenté à avoir cette connoissance. Les branches sont mises & logées dans un papier plié, pour commencer l'introduction entre les roues. Après que ces différentes branches ont été placées dans le peigne, ce papier sert à empêcher que les soies ne se collent à la roue de cuivre, & en même tems pour donner prise à la tireuse qui pourroit sans cela en manquer quelques-unes. Cette roue ainsi chauffée, est ôtée du feu par le moyen de la manivelle qu'on introduit dans son tenon, & auquel on met une petite clavette ; il est donc à-propos que ce tenon soit en l'air, lors du chauffage, pour cette prise. La roue est mise à sa place par ce secours, la roue de bois est aussi mise à la sienne, & lui est adaptée de façon qu'elles se touchent dans tous les points de leurs surfaces, par le serrement des coins qui sont introduits dans les embrasures qui donnent passage aux roues ; ces coins sont serrés avec des vis de fer à volonté. Les montans sont encore tenus fixés par des collets de fer qui les environnent. Enfin on ne sauroit prendre trop de précautions pour empêcher que les roues ne vacillent d'aucun côté ; il faut absolument que leur mouvement soit direct. Les choses en cet état, le papier contenant les branches est introduit entre les roues, & reçu derriere le moulin, par la tireuse. Les roues sont mises en mouvement par la manivelle tournée par deux forts hommes ; & pour lors il n'est plus possible d'arrêter, ni même de retarder ce travail, par les inconvéniens qui en résulteroient. Le feu prendroit à la roue de bois par le moindre retardement, l'ouvrage en périroit ; voilà pourquoi il a été dit qu'il falloit une personne entendue qui veille à la banque, pour au moindre obstacle couper les branches sur le champ, dès qu'il se présente, & mettre celles qui vont bien en état de continuer. La tireuse n'a d'autres soins que de recevoir les 20 branches, à l'aide de ses deux mains à mesure qu'elles sortent des roues, pour les faire retomber dans une corbeille, où le tout se trouve en bloc. Ceci fait, il faut séparer chacune branche ; ce qui se fait ainsi : plusieurs personnes s'emparent d'une certaine quantité de ces branches, & divisent ainsi les portions qu'elles conduisent. Supposé donc qu'il y ait quatre personnes qui relevent, après s'être placées elles tirent également, & mettent à mesure sur des bobines ce qui leur vient, qui est cinq branches du tout : par ce relevage, ainsi continué à diverses reprises, on parvient à avoir chaque branche séparée, qui est devidée sur différentes bobines. Cet ouvrage a acquis par ce passage entre les roues assez de consistance pour former, au moyen de l'applatissement, une espece de ruban étroit ; mais dont les soies n'étant point liées par le travail, seront sujettes à se désunir : pour l'empêcher, on le gomme, ce qui se fait ainsi ; on fait une gomme avec des rognures de parchemin mêlées avec de la gomme arabique, selon la force qu'on veut donner au gommage. Cette eau préparée est mise dans quelque vaisseau, pour être employée chaude ; venons à cette opération. Un rochet de nompareille est mis à la banque ; le bout de nompareille en se déroulant par le tirage du moulin, passe dans le vaisseau pour se charger de gomme, étant conduit par une main qui tient une petite verge de cuivre ou de fer, dont les bouts portent contre les surfaces intérieures du vaisseau, à une certaine élévation, suffisante pour laisser aller librement la nompareille qui doit y passer toujours à-plat ; pour éviter qu'elle ne se mette en cordon, elle est enroulée à mesure par le moulin appellé séchoir, qu'une personne fait tourner avec le pouce de la main droite, pendant que de la gauche elle conduit le bout, en l'arrangeant sur ce moulin chaque tour, l'un à côté, & non jamais sur l'autre ; si l'on agissoit autrement, ces tours qui se trouveroient appliqués se colleroient ensemble, & ne pourroient se détacher aisément : cette personne qui conduit ce bout, doit le tenir à plat sur l'éminence du doigt index de la main gauche, & non dans le pli de la phalange ; si on l'y laissoit aller, il seroit sujet à se plier, le pouce s'applique sur ce bout, & le décharge par le serrement, s'il est nécessaire, du trop de gomme qu'il auroit pris. On pose une poële de feu sous ce séchoir pour sécher la nompareille. Cette poële est exhaussée pour être plus à-portée de chauffer & sécher cette nompareille qui, après cette derniere façon, se trouve dans sa perfection. Lorsqu'elle est séche, elle est ôtée de dessus le séchoir & placée dans une corbeille pour être mise en paquet sur la main de bois. Lorsque la nompareille est plus large, elle se fait alors sur le métier, & est liée par quelques coups de navette extrêmement éloignés, seulement pour faire une sorte de liaison, la largeur pouvant faire que les soies qui la composent n'étant que collées comme on l'a vu, elles pourroient se désunir ; celle-ci pour lors est appellée largette.

NOMPAREILLE, Fondeur de caracteres d'Imprimerie ; second corps des caracteres d'Imprimerie. Sa proportion est d'une ligne, mesure de l'échelle ; & son corps double est le cicero. Voyez PROPORTION DES CARACTERES D'IMPRIMERIE, & l'exemple à l'article CARACTERES.

NOMPAREILLE GROSSE, Fondeur de caracteres d'Imprimerie ; vingtieme corps des caracteres d'Imprimerie. Le plus gros de tous ; sa proportion est de seize lignes, mesure de l'échelle. Voyez PROPORTION DES CARACTERES D'IMPRIMERIE, & l'exemple à l'article CARACTERES.

NOMPAREILLE, est en Confiserie, une espece de dragées aussi menues que de la graine de navette, & quelquefois plus fine, qu'on tire ordinairement de Sedan.


NON-AGES. m. (Jurisprud.) ancien terme de coutume & de pratique, qui signifie le défaut d'âge compétent pour faire quelque chose. C'est l'état de minorité féodale ou coutumiere. Voyez MAJORITE, MINORITE.


NON-AGÉadj. (Jurisprud.) dans le style ancien des coutumes & de la pratique, veut dire celui qui n'est pas suffisamment âgé, celui qui n'a pas l'âge requis pour faire quelque chose. En matiere féodale, le non-âgé s'entend de celui qui n'a pas l'âge pour faire la foi. En matiere d'émancipation légale, non-âgé est celui qui n'a pas atteint la majorité coutumiere. Enfin dans les autres matieres, non-âgé est celui qui n'a pas atteint la pleine majorité. Voyez ci-devant NON-AGE. (A)


NON-CONFORMISTESS. m. (Hist. mod.) nom d'une secte, ou plutôt de plusieurs sectes en Angleterre. Voyez SEPARATISTES. Autrefois ce nom étoit restraint aux Puritains ou Calvinistes rigides ; aujourd'hui il s'étend à tous ceux qui ne sont pas du sentiment de l'église anglicane dominante, excepté les Catholiques romains. Voyez PURITAIN, PRESBYTERIEN, INDEPENDANT, &c.

On dit que ce mot a pris son origine dans une déclaration du roi Charles I. qui ordonna que toutes les églises d'Angleterre & d'Ecosse observassent les mêmes cérémonies & la même discipline ; & c'est l'acquiescement ou l'opposition à cette ordonnance, qui a fait donner aux uns le nom de Conformistes, & aux autres celui de non-Conformistes.


NON-NATURELLESCHOSES, c'est un terme de Médecine assez impropre, mais reçu sur-tout dans les écoles, qui demande toujours un commentaire pour être entendu : on appelle donc choses non-naturelles (d'après Galien qui paroît avoir le premier employé cette épithète singuliere) celles qui ne composent pas notre nature ou notre être, mais dont l'économie animale éprouve de grands effets, de grands changemens, de grandes altérations.

C'est, dans le livre de oculis, attribué à cet auteur, que l'on trouve qu'il y a sept choses naturelles, six non - naturelles & trois contre - nature. Les premieres sont les élémens, les tempéramens, les parties, les humeurs, les esprits, les facultés & les actions ; ce sont celles qui concourent à former le physique de notre être : les secondes sont l'air que nous respirons, la matiere des alimens & de la boisson, le mouvement & le repos, le sommeil & la veille, ce que nous retenons dans notre corps & ce qui en sort, & enfin les affections de l'ame : ces choses qui sont celles dont il s'agit dans cet article, sont toutes celles dont on ne peut pas éviter l'usage ou les influences, & qui servent essentiellement à la conservation de la santé, lorsqu'elles sont bien disposées & que l'on en fait un bon usage ; mais qui font un effet contraire lorsqu'elles sont mal disposées par elles-mêmes, ou qu'on n'en use pas bien, elles donnent alors naissance aux troisiemes des choses mentionnées qui sont dites contre-nature, & constituent les maladies, leurs causes & leurs symptômes.

Ces différentes choses font la matiere de la plus grande partie de la science de la Médecine : la Physiologie traite des choses naturelles ; la Pathologie, des choses contre-nature & des mauvais effets que produisent les qualités vicieuses ou l'abus des choses non-naturelles ; & les regles qui établissent leurs bonnes qualités, leur bon usage, font la principale matiere de l'Hygiene. Voyez l'hist. de la Méd. de Leclerc, part. III. liv. III. chap. iij. Voyez aussi les articles PHYSIOLOGIE, PATHOLOGIE & HYGIENE.

Selon M. de Sauvage (Pathol. méthod. sect. 8.), Galien réduit à quatre les six choses non-naturelles ; savoir, 1° ce qui peut être reçu dans le corps, comme le manger & le boire, l'air, les médicamens, les poisons, &c. 2° ce qui peut être retenu dans le corps d'une maniere nuisible, comme les excrémens, les mauvais levains des premieres voies, qu'on appelle sabure, les concrétions pierreuses, les matieres flatueuses, les vers, &c. 3° ce qui peut être appliqué à la surface du corps, comme l'air, les vêtemens, les bains, les morsures des animaux, les solutions de continuité faites par des corps étrangers, &c. 4° enfin les différentes actions du corps & de l'ame, ou ce qui en dérange l'exercice, le rend forcé, ou ce qui le suspend, le fait cesser entierement, comme le mouvement, le repos, le sommeil, la veille & les passions.

Les choses non-naturelles, selon cette derniere division, sont désignées dans les institutions de Boerhaave §. 744. par les quatre mots latins qui suivent, savoir ingesta, retenta, applicata, gesta.

Pitcarn resserre encore davantage la matiere, & présente ces choses sous une idée plus simple en les réduisant à l'action des autres corps sur le nôtre, & à celle de notre propre corps ou de ses facultés sur lui-même ; ainsi deux sortes d'actions qui affectent l'homme, l'une dont le principe lui est étranger, l'autre dont le principe se trouve dans l'économie animale.

Les corps étrangers qui sont susceptibles d'action sur l'homme, ou lui sont nécessaires, & tels même qu'il ne peut s'en passer, ou ils ne lui sont pas nécessaires, ni utiles, ensorte qu'il est même avantageux pour lui de n'en éprouver aucun effet ; les premiers sont l'air, les alimens, les vêtemens ; les autres sont les miasmes, les poisons, qui peuvent pénétrer, être portés dans les corps, les choses qui peuvent le frapper, le blesser, &c.

Les corps étrangers ne peuvent exercer quelqu'action sur notre corps que par un principe méchanique, comme par leur masse, leur mouvement ou leur figure, ou par un principe physique, comme la force de cohésion, d'adhésion ou l'attraction, la dissolution, la fermentation, la putréfaction, c'est-à-dire que ces différentes forces operent sur les parties élémentaires, insensibles, qui entrent dans la composition de nos solides ou de nos fluides.

Les actions de l'homme sur lui-même sont de deux especes ; ou elles sont l'effet de la liberté lorsqu'elles sont déterminées par l'entendement & la volonté ; ou elles sont l'effet de la nature, c'est-à-dire automatiques, lorsqu'elles sont produites comme machinalement par l'instinct & la cupidité. Voyez VOLONTE, LIBERTE, NATURE, INSTINCT, CUPIDITE.

La volonté & la cupidité sont toujours portées au bien, ou à ce qui paroît être un bien : la premiere tend toujours au bien intellectuel ; la seconde au bien sensible, par conséquent à la conservation de la santé.

Cependant lorsque la volonté ne distingue pas facilement un bien réel d'avec un bien apparent, il lui arrive souvent de se tromper & de donner la préférence au dernier, d'où s'ensuit souvent que les actions qu'elle produit nuisent à la santé, comme lorsqu'une jeune fille, pour se guérir des pâles-couleurs & se rendre la peau blanche, se détermine à manger du plâtre, des citrons.

L'instinct qui semble diriger si sûrement les animaux en les portant à ce qui leur est utile, & les éloignant de ce qui peut leur être contraire, n'est pas un guide aussi infaillible pour l'homme, comme lorsqu'il est porté à boire dans le cas de l'hydropisie ascitique.

Ainsi ces considérations établissent la nécessité d'une science qui prescrive à l'entendement des regles, pour distinguer ce qui est utile ou ce qui est nuisible à l'économie animale, & qui, en secondant la nature, en soutienne ou en dirige les opérations relativement à ce qui convient à chaque individu, selon la circonstance où il se trouve à l'égard de la santé ou de la maladie : c'est par-là que se démontrent l'utilité & les avantages pour le genre humain d'un art qui, en prescrivant la maniere d'user des choses non-naturelles, fournit les préceptes & les moyens pour conserver la santé, pour prévenir ce qui peut l'altérer, pour la rétablir lorsqu'elle a éprouvé quelque altération, & pour prolonger la vie autant qu'il est possible en écartant, en corrigeant les causes qui peuvent l'abréger, la détruire avant son terme naturel ; ensorte qu'elle ne finisse que conformément aux lois de la nature par les effets de la vieillesse la plus reculée, qui amene inévitablement la cessation du mouvement qui constitue la vie ; par conséquent la mort qui n'est autre chose que cette cessation, & qui est, dans ce cas seul, véritablement naturelle. Voyez MEDECINE, VIE, SANTE, VIEILLESSE, MORT.

Pour suivre à l'égard des choses non-naturelles, la division, l'ordre le plus connu, on va rapporter ici aussi sommairement qu'il se pourra, eu égard à l'abondance de la matiere, tout ce qui détermine les regles par rapport au bon & au mauvais effet, au bon & au mauvais usage de ces choses, selon qu'on les considere ordinairement dans les écoles, d'après l'expérience, l'observation & la raison.

Ainsi en comptant les choses non - naturelles au nombre de six, comme il a été dit ci-devant, il se présente d'abord à traiter de l'air & de ses qualités par rapport à ses influences sur l'économie animale.

I. De l'air. L'usage de ce fluide que nous ne pouvons éviter de respirer dès que nous sommes nés, & dans lequel nous sommes toujours plongés, est continuel & comme l'aliment de la vie ; ainsi il est d'une plus grande conséquence pour tout ce qui a rapport à la vie, qu'aucune autre des choses non-naturelles : sa pesanteur, son élasticité, sa température, sa nature, à raison des corps étrangers qu'il contient, n'étant pas les mêmes dans les différentes parties de l'athmosphere ; il s'ensuit que les animaux ne peuvent qu'en être différemment affectés, suivant la différence de ces qualités ; il ne peut donc que contribuer beaucoup à la conservation de la santé, lorsqu'elles sont convenables ; & lui nuire, l'altérer, la détruire inévitablement, lorsqu'elles sont contraires. Voyez AIR, ATHMOSPHERE.

L'expérience de tous les tems & de tous les lieux a appris que l'air pur, autant qu'il peut l'être, serein, le plus constamment sec & tempéré, est le plus propre à procurer & à maintenir la vie saine, c'est-à-dire que pour cette disposition il doit être exempt ou purgé de toutes exhalaisons hétérogenes, corrompues, de tout mêlange qui le rend trop pesant, trop humide, trop grossier ; qu'il ne doit pas être ordinairement chargé de nuages, de brouillards pour qu'il soit bien exposé à l'action du soleil ; qu'il ne doit être susceptible naturellement ni de trop de chaleur, ni de trop de froid, relativement à ce qui convient à l'économie animale (voyez CHALEUR, FROID), mais d'une douce température peu variable, proportionnée à l'ordre des saisons.

Le mouvement, l'agitation de l'air, en quoi consistent les vents, servent beaucoup à le dépouiller de ses parties étrangeres : c'est pourquoi les lieux élevés, les montagnes qui sont exposées aux vents, sur-tout à ceux qui viennent des pays méditerranés, sont les lieux où l'air est le plus pur, parce qu'il y est continuellement renouvellé ; c'est la position des lieux qui décide lequel des vents principaux doit être regardé comme le plus salubre : en général celui qui a traversé de grands espaces de mer ou de grands amas d'eau, sur-tout des terreins marécageux, est toujours mal-sain à cause de l'humidité & souvent de la corruption dont il est chargé, & d'autant plus mal-sain qu'il est plus chaud. Hippocrate regardoit avec raison cette qualité de l'air comme une des causes des plus ordinaires des fievres putrides épidémiques & de la peste même, au-lieu que le froid joint à l'humidité ne produit que des maladies catarreuses.

Mais quel que soit le vent qui regne, il est toujours plus sain que le calme des airs qui dure considérablement ; car il peut devenir très-nuisible & même pestilentiel par cette seule cause, sur-tout encore s'il est chaud & humide.

En effet l'air modérement froid est toujours préférable à l'air chaud ; celui-ci relâche les fibres, affoiblit le mouvement oscillatoire des vaisseaux, engourdit la circulation, le cours des humeurs, les dissout, les dissipe par une trop grande transpiration : au-lieu que l'air froid en condensant les corps raffermit les solides de l'animal, le rend plus vigoureux, plus agile, favorise l'élaboration de ses fluides, & fortifie à tous égards le tempérament. C'est ce qu'on observe par rapport aux peuples du nord comparés à ceux du midi, qui sont d'une compléxion plus molle, plus délicate, à proportion qu'on approche davantage de l'équateur : au-lieu que dans les pays septentrionaux on jouit en général d'une vie plus saine & plus longue, & qu'il est fort commun d'y voir des hommes très-robustes, même dans l'âge le plus avancé, & d'y trouver des gens qui vivent plus de cent ans. Voyez CHALEUR, FROID, VIEILLESSE.

Il est aussi très-avantageux, pour la santé, que l'air ne soit pas d'une température trop variable ; que la chaleur & le froid dominent constamment, chacun dans sa saison respective ; que l'on ne soit pas exposé à passer continuellement de l'un à l'autre, à en avoir un mêlange habituel dans toutes les saisons ; que la sérénité du ciel se soutienne longtems de suite, & que, s'il devient pluvieux, ce soit aussi pour quelque tems, afin que les différentes impressions que les corps animés en reçoivent soient durables, & que les alternatives du chaud, du froid, du sec & de l'humide, ne soient pas trop promptes, trop répétées ; parce que cette inégalité trop marquée cause des altérations nuisibles dans l'économie animale, sur-tout relativement à la transpiration insensible. Voyez TRANSPIRATION.

Plus l'air est pesant, plus il est favorable à la santé, sur-tout s'il est en même tems plutôt froid que chaud ; il est plus élastique ; il augmente la force des vaisseaux, sur-tout dans les poumons qu'il dilate plus parfaitement, & il rend ainsi la respiration plus libre. On ne doit cependant pas juger de la pesanteur de l'air par le sentiment d'affaissement que l'on éprouve dans les tems couverts, nébuleux, pluvieux, avec un vent chaud, où tout le monde se plaint de se sentir appesanti, accablé ; c'est alors que l'air est le plus léger, il soutient moins les vaisseaux contre l'effort des humeurs, ce qui produit les effets qui viennent d'être rapportés : l'air est au contraire plus pesant à proportion qu'il est plus serein, & qu'il se soutient long-tems dans cet état. La pesanteur de l'air est très-rarement excessive par cause naturelle ; cette qualité est par conséquent très-rarement au point de nuire à la santé, au lieu que sa légéreté, en favorisant trop la dilatation des vaisseaux dans toute l'habitude du corps & dans les poumons principalement, peut donner lieu à ce qu'il se fasse des engorgemens qui causent de grands embarras, de grands désordres dans la circulation du sang & dans le cours de toutes les humeurs.

On juge des différens changemens qui se font dans les qualités de l'air, par le moyen des différens instrumens que l'art a appropriés à cet effet : on observe les différens degrés de chaleur & du froid par l'inspection du thermometre, ceux du différent poids de l'air par celle du barometre, & la sécheresse ou l'humidité qui y dominent, par le moyen de l'hygrometre. Voyez THERMOMETRE, BAROMETRE, HYGROMETRE.

On observe constamment qu'il n'est aucun tems de l'année, où les qualités de l'air soient plus variables, que dans l'automne & au commencement du printems : c'est ce qui rend ces saisons si sujettes à produire des maladies. Cependant, comme le printems est la saison la plus tempérée, elle est aussi à cet égard la plus avantageuse pour la santé ; puisque c'est le tems de l'année où les animaux sont le plus vigoureux & le plus propres à la génération : ce qui convient principalement au mois de Mai ; le mois de Septembre approche beaucoup d'avoir les mêmes avantages.

Mais il faut avoir attention dans le printems de ne pas se presser de prendre des habits légers, & dans l'automne de ne pas tarder à les quitter pour se couvrir davantage. Selon l'observation de Sydenham, la plûpart des maladies catarreuses inflammatoires qui sont communes dans ces saisons, ne doivent être attribuées qu'au changement d'habits, ou à l'usage trop continué de ceux qui ne tiennent pas les corps assez défendus contre le froid de l'air & l'inconstance de sa température : c'est ce qui fait dire à Horace à ce sujet :

Matutina parùm cautos saepè frigora mordent.

On ne peut être trop attentif dans les tems froids à se tenir la tête sur-tout, l'estomac & les piés chaudement, par le moyen des vêtemens appropriés.

Mais, en cherchant à se défendre des rigueurs de la saison, en évitant de s'exposer à l'air, en se tenant renfermé dans des chambres échauffées par le feu domestique, par les poëles, on doit prendre garde que la chaleur ne soit pas trop considérable, qu'elle n'excede pas beaucoup le degré de température, tel qu'il est fixé par les thermometres d'après celle que l'on observe constamment dans les caves de l'observatoire de Paris. Il faut éviter soigneusement de passer tout-à-coup d'une extrêmité à une autre en ce genre : lorsqu'on a bien froid, on ne doit pas s'approcher subitement d'un grand feu, il faut se réchauffer par degrés, &, dans ce cas, il seroit préférable de commencer par le mouvement du corps, par l'exercice, & la boisson de quelque infusion chaude de plantes aromatiques : & de même dans les grandes chaleurs, ou lorsqu'on s'est échauffé par quelque exercice violent, on doit bien se garder de chercher à se rafraîchir tout-à-coup en passant dans quelque lieu frais, comme les souterreins, les caves le sont alors respectivement, ni de boire de l'eau bien fraîche, de l'eau à la glace ; il faut seulement se livrer au repos dans un lieu sec, fermé ou à l'ombre, & prendre quelque boisson tempérée, acidule.

On doit avoir soin de renouveller souvent l'air des habitations fermées, sur-tout lorsque plusieurs personnes y sont contenues ensemble & pendant un tems considérable, comme dans les cazernes, les hôpitaux, les prisons, où l'on peut faire un usage fort utile du ventilateur. Voyez VENTILATEUR.

L'air, dans les habitations fermées, est très-susceptible de se corrompre par les exhalaisons des animaux vivans & morts ; à s'infecter par la vapeur du charbon, par la fumée des chandelles grasses, de l'huile de noix, &c. par l'exhalaison de la chaux des murailles récemment faites ou blanchies, par l'humidité de la terre dans les logemens bas, profonds, placés sur des terreins marécageux, où il est dangereux de vivre habituellement.

Les différens moyens qui servent à corriger les qualités vicieuses de l'air, consistent en général à dissiper le trop grand froid, l'humidité excessive, par des feux de bois sec, aromatique, allumés, entretenus dans les cheminées, les poëles des maisons où l'on a ôté tout accès à l'air extérieur. A l'égard de la chaleur & de la sécheresse excessive qu'il communique à celui des habitations, on y remédie par les exhalaisons de l'eau fraîche, répandue sur le sol du logement ; par celles de plantes fraîches dont on le jonche ; par celles des branches d'arbre bien garnies de feuilles vertes, bien trempées dans l'eau, qui répandent ainsi beaucoup d'humidité, de fraîcheur dans l'air, selon les observations de Halles dans sa Statique des végétaux : il convient aussi dans ce cas d'employer l'agitation de l'air, qui fait un vent artificiel ; de favoriser l'admission du vent du nord, avec exclusion de celui du midi ; & en général de renouveller l'air, le plus qu'il est possible, par tous les moyens convenables, & particulierement par l'effet du ventilateur.

On empêche ou on corrige la corruption de l'air en éloignant des habitations les latrines, les cimetieres, les boucheries ; en desséchant les marécages, les fossés, où se trouvent des eaux croupissantes ; en ne laissant subsister aucun cloaque dans le voisinage des maisons : on désinfecte l'air d'une maison en y brûlant du sucre, des grains de genievre, des bois aromatiques, des parfums appropriés, &, ce qui est plus simple, en jettant du vinaigre sur des charbons ardens, sur du fer rougi au feu, qui en procurent d'abondantes évaporations anti-septiques. On purifie l'air de l'athmosphere en allumant un grand nombre de feux considérables en plein air, de distance en distance, comme le pratiquoit Hippocrate, pour garantir son pays de la peste dont il étoit menacé par la corruption de l'air des pays voisins.

II. Des alimens & de la boisson. La déperdition que le mouvement, qui fait la vie, occasionne continuellement dans le corps animal, le mettant dans le cas d'avoir un besoin toûjours renouvellé d'une intus-susception, qui, pour la conservation de l'individu, soit proportionnée à cette déperdition, chaque animal est porté à rechercher pour cet effet les matieres qui sont susceptibles d'être converties en sa propre substance : ce sont les corps, composés de parties qui ont de l'analogie avec nos humeurs, d'où se sépare le suc nevro-lymphatique destiné à l'ouvrage de la nutrition. Voyez NUTRITION. Ces corps sont tirés du regne végétal & du regne animal : le minéral n'en fournit aucun de propre à cet ouvrage, si ce n'est l'eau qui, sans être nourriciere par elle-même, est le véhicule des matériaux de la nutrition : ainsi la matiere qui forme les corps d'où nous tirons notre nourriture, étant de différente nature, ne peut par conséquent qu'être une des choses non-naturelles qui influent le plus, en bien ou en mal, dans l'économie animale, selon qu'elle a des qualités qui lui sont plus ou moins convenables ou contraires.

Notre sang qui est le fluide qui fournit toutes les humeurs utiles à la conservation de notre individu, est principalement composé de parties mucilagineuses, qui ne sont autre chose qu'un mêlange de parties aqueuses, huileuses & terreuses, qui forme une espece de gelée : ainsi les matieres qui sont d'une substance le plus propre à fournir des sucs mucides, gélatineux ; qui ont le plus d'analogie, d'affinité avec la nature de nos humeurs ; qui sont le plus faciles à être converties en suc nourricier ; qui ont le moins de parties féculentes, excrémentitielles ; qui sont le plus simples & le moins sujettes à se dissiper, à se volatiliser ; qui n'ont par conséquent point d'odeur forte, point trop de goût actif, aromatique, âcre ; qui possedent ces différentes qualités de leur nature, ou qui peuvent les acquérir par les préparations, par l'art de la cuisine, sont les choses les plus propres & qui doivent être préférées pour fournir une bonne nourriture. Tous les alimens que la nature nous offre avec les qualités convenables pour être employés sans préparation, ou qui en demandent très-peu & point d'assaisonnement, sont doux, tempérés ; tels sont les grains farineux, les fruits, les viandes : il en est de même de la boisson ; la plus naturelle est sans goût ; les fluides fermentés, très-savoureux, peuvent être regardés comme l'ouvrage de l'art.

Ainsi les grains farineux sont un très-bon aliment pourvu qu'ils aient été rôtis & macérés dans l'eau, ou qu'ils aient fermenté pour qu'ils perdent la faculté (découverte par Boyle) qu'ils ont éminemment de produire beaucoup de matiere élastique qui donne lieu à la flatuosité. Voyez FLATUOSITE. La nourriture que l'on tire des seuls végétaux est très-saine, très-propre à procurer une longue vie : c'est ce qu'ont prouvé les Gymnosophistes, les plus anciens des philosophes, qui ne mangeoient rien de ce qui avoit eu vie, rien de ce qui avoit pris son accroissement au-dessous de la surface de la terre & sans être exposé aux rayons du soleil ; ils parvenoient, avec ce genre de vie, à un âge si avancé, que la plûpart ennuyés de vivre étoient obligés de se donner la mort, comme le fit Calanus qui se brûla en présence d'Alexandre & de toute son armée. Il y a encore aujourd'hui de ces philosophes dans les Indes. Voyez VEGETAL, GYMNOSOPHISTE, PYTHAGORICIEN.

Mais, entre les végétaux, le meilleur aliment est, sans contredit, le pain qui est la base de la nourriture dans presque toute la terre. On le prépare avec du blé en Europe ; avec du riz en Asie ; & du maïs en Amérique : son usage est de tous les tems de la vie, excepté la premiere enfance. C'est l'aliment le plus convenable à tous les tempéramens ; on le mêle avec avantage à toute autre sorte de nourriture, & sur-tout à celle qui est tirée du regne animal dont il corrige la disposition alkalescente par l'acescence qui lui est naturelle, par laquelle il sert aussi de correctif à pareille disposition vicieuse qui se trouve dans la masse des humeurs. Mais à cet égard il ne peut être considéré que comme un médicament, tandis qu'il fournit la matiere de la nutrition, par la seule substance mucide dont il abonde, qui est très-analogue à celle qui se trouve dans toutes les parties solides des animaux, dans leur sang & dans leur lait, substance qui constitue un principe commun entre ces différentes parties.

C'est par l'extrait que fait de cette partie mucide l'ouvrage de la digestion & des autres préparations qu'eprouve le chyle pour être converti en sang & en suc nourricier, qu'elle est séparée de ce qui lui est étranger, comme la partie huileuse destinée à former la bile, la graisse, & de ce qui forme la partie lixivielle de nos humeurs, pour qu'il en résulte la véritable matiere de la nutrition, qui est la même dans l'embryon & dans l'adulte, & qui paroît être aussi de la même nature dans tout le regne animal, malgré la différence des genres & des especes qu'il renferme : ainsi tous les individus qui les composent peuvent être convertis en la propre substance les unes des autres, d'une maniere plus ou moins parfaite, selon que la partie mucide nourriciere en est extraite plus ou moins facilement, & s'y trouve plus ou moins abondamment.

Il suit de-là que la substance mucide de tous les végétaux où elle se trouve, peut être aisément appropriée aux animaux, par les moyens que la nature a établis à cet effet : presque toutes les plantes en contiennent dans leur parenchyme, c'est-à-dire dans les interstices de la partie fibreuse, insoluble, qui est comme un tissu spongieux, dont les débris qui résultent de la division qu'opere la digestion, forment la partie fécale qui n'a rien d'alimentaire, de nourricier, lorsque l'extrait des sucs mucides en a été fait entierement ; ensorte que ce qu'on appelle aliment en général, n'est pas tout susceptible d'être converti en suc nourricier, n'est pas par conséquent proprement alimenteux dans toutes ses parties, mais suppose une substance qui peut fournir plus ou moins de matiere mucide nourriciere.

De tous les végétaux, ceux qui contiennent un suc mucide qui a le plus de rapport à celui qui se trouve dans les animaux, sont les plantes à fleurs en croix, dans lesquelles la Chimie a trouvé le plus d'analogie avec les qualités caractéristiques des substances animales, & une plus grande quantité de ce suc mucide gélatineux propre à former le suc nourricier des animaux. Telles sont les plantes succulentes potageres, comme les navets, les raves, &c. Les végétaux qui approchent le plus des qualités de ces derniers, sont les racines, les fruits doux, & les semences à farine : tels sont les panais & autres racines semblables, les châtaignes, les pommes, les poires, les figues, &c. les fruits de noyau ; tels que les amandes, les noix, &c. tous les blés, &c.

Les végétaux, au contraire, les moins propres à nourrir, sont les légumes aqueux, fades ou acidules ; tels que les laitues, les épinards, l'oseille, &c. & les feuilles des arbres, parce qu'ils contiennent très-peu de substance mucide alimenteuse, en automne sur-tout, par rapport aux feuilles, lorsqu'elles commencent à se dessécher.

La preuve de ce qui vient d'être établi sur ces deux différentes classes de végétaux considérés comme alimens, c'est que les bestiaux qui se nourrissent des premiers, s'engraissent beaucoup & en peu de tems ; au lieu que, lorsqu'ils n'ont que des derniers pour tout aliment, ils n'en mangent que forcés par la faim, & deviennent bientôt très-maigres.

Mais les substances qui fournissent le plus de nourriture & de la meilleure, sont les corps des jeunes animaux sains & point chargés de graisse, soit que l'on les tire d'entre les quadrupedes ou les volatiles, soit d'entre les poissons ou les insectes, qui peuvent tous être préparés simplement en les faisant cuire dans l'eau, ou en les rotissant, ou, par l'art de la cuisine, en les assaisonnant de différentes manieres, &c. le lait & les oeufs sont de ce genre.

Les alimens végétaux, cruds, grossiers, pesans conviennent aux personnes d'une organisation forte, robuste, comme aux paysans ; à ceux qui sont accoutumés à des travaux rudes, tels que les laboureurs, les soldats, les artisans grossiers ; à ceux qui sont d'un tempérament chaud ; à tous ceux enfin qui sont constitués de maniere que la force des organes puisse aisément corriger la disposition des végétaux à la fermentation, en en arrêtant les progrès, & convertissant en sucs de nature animale ceux des plantes & des fruits, dont l'usage, par la raison des contraires, ne peut qu'être nuisible aux personnes délicates, d'un tempérament froid, d'une constitution foible ; à ceux qui s'exercent peu ou qui vivent dans l'inaction : les alimens tirés du regne animal conviennent à ces personnes-là, parce que la disposition qu'ont ces alimens à l'alkalinité, à la putréfaction, les rend de plus facile digestion, & qu'ils contiennent des sucs d'une nature déja fort analogue à celle des fluides du corps humain, en laquelle ils se changent facilement. Mais cette même disposition est la raison pour laquelle ils ne sont pas convenables à ceux dont on vient de dire que les végétaux doivent faire leur principale nourriture. En général, les acescens conviennent aux personnes d'un tempérament porté à l'alkalescence ; & au contraire les alkalescens doivent être employés contre l'acescence. Voyez REGIME.

Les alimens sous forme fluide ou molle, comme le laitage, les crêmes de grains rôtis, les panades, les bouillons, les jus de viande, les soupes conviennent préférablement à ceux qui n'ont point de dents, qui ne peuvent pas faire une bonne mastication, comme les enfans, les vieillards ; mais ces mêmes alimens ne suffisent pas pour soutenir les forces des gens robustes, & exercés par le travail, qui ne peuvent pas s'en rassasier. Voyez REGIME.

Les alimens qui contiennent dans leur substance beaucoup de matiere flatueuse, élastique, comme les légumes & les grains farineux non fermentés ; les fruits pulpeux cruds ; les matieres qui sont spécifiquement plus légeres que les sucs digestifs salivaires, comme la graisse, l'huile ; les corps durs, qui ne peuvent être que difficilement pénétrés de ces sucs, comme les substances osseuses, tendineuses, les ligamens, les peaux ; les matieres visqueuses, gluantes, tenaces, comme les huitres, les anguilles : tous ces différens alimens sont de très-difficile digestion.

Quant au régime, on se bornera ici à observer, par rapport à ce qui vient d'être dit de la nature des alimens, que leur usage doit être réglé conformément à l'âge & au genre de vie de chacun en particulier. On apprend par expérience ce qui est utile ou nuisible, dans la maniere dont on se nourrit. C'est d'après cette connoissance réfléchie, à juvantibus & laedentibus, que l'on peut devenir le médecin de soi-même, non pour s'administrer convenablement des remedes, mais pour se garantir des maladies qui peuvent provenir du défaut de régime approprié.

On peut juger que l'on n'a pris que la nourriture convenable, lorsqu'après le repas on ne se sent point le corps appesanti ; & que l'on se trouve au contraire agile, & relevé de l'abatement que l'on éprouve après un certain tems par la privation des alimens.

La sobriété est sans doute un des moyens qui contribuent le plus à conserver saine l'économie animale, & à prolonger la vie autant qu'il est possible, comme l'a très-bien établi le fameux vieillard Louis Cornaro, dans sa dissertation della vita sobria. Mais il ne s'ensuit pas qu'il convienne à tous les tempéramens de manger peu ; ce qui est excès pour l'un ne l'est pas pour l'autre.

Un homme robuste qui fait beaucoup d'exercice, & qui travaille beaucoup & consomme beaucoup de sa force, ne peut se borner à une petite quantité d'alimens ; il faut que les réparations soient proportionnées aux déperditions, autrement il seroit bientôt exténué : les maux qui viennent d'inanition, sont plus difficiles à guérir que ceux que produit la replétion.

Le peu de nourriture ne convient qu'aux personnes d'une constitution foible, délicate ; mais l'excès ne convient à personne. Sanctorius, Aphorism. 54. libr. I. observe très-bien, que, qui mange plus qu'il ne faut, se nourrit moins qu'il ne faut.

Les gens riches, d'une vie sédentaire, qui emploient tout l'art imaginable pour s'exciter à manger au delà de l'appétit, du besoin naturel, ont ordinairement une vieillesse précoce ; la variété & les assaisonnemens des différentes choses destinées à la nourriture, comme les ragoûts, sont en général très-pernicieux à la santé, par la disposition qu'ils donnent à manger avec excès, autant que par la corruption qu'ils portent dans les humeurs : les alimens les plus simples sont les meilleurs pour toute sorte de tempéramens. Voyez REGIME.

Au reste, pour tout ce qui regarde les alimens considérés comme causes de maladies, voyez ALIMENT.

La boisson la plus naturelle est celle qui est commune à tous les animaux pour faire cesser le sentiment du besoin qu'on appelle soif, & pour fournir la matiere d'un mêlange de fluide aux alimens solides, & celle du véhicule principal de la masse des humeurs. Voyez SOIF. C'est l'eau douce, la plus légere, bien battue, sans odeur & sans goût, au degré de la chaleur actuelle de l'air, qui est le fluide le plus propre à satisfaire à ces différens besoins : elle étoit regardée par les Grecs & les Romains, non-seulement comme un moyen très-propre à maintenir la santé, à dépurer le sang, à fortifier le corps, mais encore comme un remede presqu'universel. Hérodote paroît attribuer la longue vie extraordinaire des Ethiopiens (qu'il appelloit par cette raison macrobes) principalement à l'usage qu'ils faisoient d'une eau si légere que le bois ne pouvoit se soutenir sur sa surface. Voyez EAU, (Diete).

L'eau est donc bien préférable à toute boisson spiritueuse, qui par sa qualité stimulante, échauffante, ne peut que disposer aux maladies aiguës ; aussi on ne peut pas disconvenir qu'elle doit nuire dans tous les cas où une boisson cordiale est nécessaire ; nécessité qui n'a jamais lieu dans la bonne santé : mais par l'habitude que l'on a contractée dès l'enfance, de faire usage des liqueurs fermentées, les humeurs prennent une certaine énergie, sans laquelle les solides ne seroient pas suffisamment excités à faire leurs fonctions. C'est un aiguillon, qui devient nécessaire à l'économie animale pour mettre suffisamment en jeu la faculté qui paroît être le principe de toutes les actions du corps (l'irritabilité), voyez IRRITABILITE. Mais lorsque la partie spiritueuse qui forme cet aiguillon, est trop dominante dans la boisson de liqueur fermentée, ou qu'elle est prise en plus grande quantité qu'à l'ordinaire, elle fait d'abord naître plus de gaieté ; elle rend l'esprit plus vif, & dispose à exprimer mieux & avec plus de facilité, les idées qu'elle réveille, lorsque les effets de la boisson ne sont pas plus forts ; il est bon, selon le conseil de Celse, de s'y livrer quelquefois à ce point-là.

Mais si l'excès est plus considérable, les idées se troublent, le délire suit ; le corps devenu chancelant sur ses membres, peut à peine se soutenir, & l'abatement général des forces qui s'ensuit est ordinairement suivi du sommeil le plus profond, quelquefois avec danger qu'il ne se change en apoplexie, & de laisser quelque partie affectée de paralysie ; ou à la longue, lorsque l'on retombe souvent en cet état, de dissoudre le sang & de disposer à la cachexie, à l'hydropisie, & à une fin prématurée. Voyez VIN, Diete, IVRESSE, maladie.

Cependant il faut observer, par rapport à la boisson en général, qu'il est plus nuisible à l'économie animale de boire trop peu que de boire avec excès, sur-tout pour ceux qui ont le ventre paresseux, parce que c'est la boisson qui, comme on vient de le dire, fournit la plus grande partie du dissolvant des alimens dans l'ouvrage de la digestion ; qui constitue le principal véhicule des humeurs pour la circulation, les sécrétions & les excrétions : c'est pourquoi il est si important que la matiere de la boisson ne soit pas de nature à nuire aisément par sa quantité.

Ainsi, l'usage de l'eau pure ou des liqueurs fermentées bien trempées, c'est-à-dire mêlées avec environ les deux tiers d'eau, sur-tout en été, est la boisson la plus convenable, qu'il vaut mieux répéter souvent dans le cours d'un repas, en petite quantité à-la-fois, selon que le pratiquoit Socrate, que de boire à grands coups. Il faut arroser les alimens dans l'estomac à mesure que l'on mange, mais ne pas les inonder. La boisson doit être moins abondante en hiver, & l'on peut alors boire son vin moins trempé, & même en boire de pur lorsqu'il est bon, mais à petite dose. C'est à tort que l'on le recommande ainsi aux vieillards, quoique dans l'hiver de la vie ; ils n'ont pas besoin d'ajouter aux causes qui tendent continuellement à les dessécher de plus en plus : ainsi le vin trempé leur est toujours plus convenable.

On doit dans tous les tems de la vie éviter de boire hors des repas, sur-tout des liqueurs fermentées, pour ne pas troubler la digestion, & ne pas l'exposer aux pernicieux effets de l'ivresse, que l'on éprouve bien plus facilement lorsqu'on boit sans manger.

Les liqueurs fortes, c'est-à-dire toutes celles qui sont principalement composées d'esprit-de-vin, doivent être regardées comme de délicieux poisons pour ceux qui en font un grand usage : il est rare de voir que quelqu'un qui s'est habitué dans sa jeunesse à cette boisson & qui en continue l'usage, passe l'âge de cinquante ans.

III. Du mouvement & du repos. Les effets du mouvement, c'est-à-dire de l'exercice du corps, du travail, & ceux du repos, relativement à la santé & aux maladies qui dépendent de la maniere reglée ou excessive en plus ou en moins avec laquelle on s'y livre, ont été suffisamment expliqués aux articles qui y ont rapport. Voyez EXERCICE, MOUVEMENT, TRAVAIL, REPOS, OISIVETE, HYGIENE, REGIME.

Il suffira de dire ici que la vraie mesure de l'exercice que l'on doit faire pour le bien de la santé, est de s'y livrer assez pour qu'il ne se fasse point d'amas dans le corps, d'humeurs crues mal travaillées ; & non pas trop, au point qu'il se fasse une dissipation de celles qui sont bien préparées à remplir leur destination dans l'économie animale.

Lorsque le corps acquiert plus de poids que de coutume, c'est une marque qu'il n'est pas assez exercé, qu'il est trop livré au repos ; lorsque le corps devient plus leger qu'à l'ordinaire, c'est une preuve qu'il se fait trop de déperdition, que l'exercice ou le travail a été trop fort, & que le repos est nécessaire. On est assuré d'avoir trouvé la proportion que l'on doit mettre entre la quantité des alimens que l'on prend & celle de l'exercice du travail, lorsque le corps conserve à-peu-près le même poids pendant plusieurs années de suite.

Ceux qui sont accoutumés dès l'enfance à des travaux rudes, comme ceux de la terre, qui les rendent exposés à toutes les injures de l'air & à toutes les vicissitudes, ont une vieillesse précoce ; ils sont dans un état de décrépitude dès l'âge de soixante ans : par la raison du contraire, les gens de lettres, & tous ceux qui menent une vie sédentaire, devroient, ce semble, avoir plus de droit à une longue vie ; mais il est cependant vrai qu'ils parviennent aussi très-rarement à un âge avancé, parce que le trop peu, comme le trop de dissipation, nuit également à l'économie animale, par la plénitude & les crudités dans le dernier cas, par l'épuisement & le desséchement dans le premier. Voyez VIEILLESSE.

IV. De la veille & du sommeil. Pour ce qui regarde les effets du sommeil & de la veille, en tant que l'usage reglé, l'excès ou le défaut en ce genre influe essentiellement sur la santé, pour la conserver ou pour lui nuire ; il doit en être traité suffisamment aux articles respectifs. Voyez VEILLE, SOMMEIL.

On se bornera à rappeller ici que le vrai tems où l'on doit faire cesser la veille & se livrer au sommeil, est lorsque dans l'état de santé & sans une fatigue extraordinaire, on se sent le corps engourdi, les membres pesans, la tête lourde, ce qui arrive ordinairement deux heures après le repas du soir fait, environ la fin du jour, pendant lequel on s'est suffisamment exercé. La mesure de la durée convenable du sommeil est que lorsqu'on s'éveille on se sente le corps dispos, agile, & l'esprit libre : le sommeil trop continué rend la tête pesante, cause un sentiment de malaise dans tout le corps, procure des inquiétudes par le défaut d'exercice des organes du mouvement, dont le retour devient nécessaire pour favoriser la circulation du sang, le cours des humeurs, les sécrétions & les excrétions ; ce qui rend indispensable pour le bien de la santé, la veille d'une certaine durée réglée de telle sorte, que la cessation pour le sommeil ne soit pas en général de plus de sept à huit heures pour les adultes ; les enfans en exigent davantage.

Mais la veille ne peut être que très-nuisible lorsqu'elle est employée à entretenir le corps trop longtems en action (sur-tout pendant la nuit, qui est le tems que la nature a destiné au repos du corps & de l'esprit), & qu'elle procure par-là une trop grande dissipation des esprits & des bonnes humeurs, soit pour le travail ou pour l'étude, ce qui jette dans l'abattement & la foiblesse : à quoi on ne peut remédier que par le repos & le sommeil, qui sont toûjours très-favorables à la digestion & au rétablissement des forces, lorsqu'ils sont placés convenablement, & que l'on ne s'y livre pas trop, sur-tout par l'habitude. Ensorte que pour qu'ils ne soient pas contraires à la santé, & qu'ils lui soient véritablement utiles, ils doivent être proportionnés à l'exercice & au travail de la veille qui a précédé : d'où il suit que les regles concernant le mouvement & le repos, conviennent également à ce qui regarde la veille & le sommeil.

V. De ce qui doit être retenu dans le corps, & de ce qui doit en être porté dehors. L'homme adulte en bonne santé, qui tient son corps & son esprit en action d'une maniere convenable & suffisante, prend chaque jour environ huit livres d'alimens ou de boisson, sans qu'il lui en reste aucune augmentation de poids après que la digestion est faite, & que la digestion des humeurs, les sécrétions & les excrétions sont achevées ; il s'ensuit donc qu'il se fait dans l'économie animale saine une juste proportion entre la matiere de la nourriture que l'on prend & celle des excrémens que l'on rend : ensorte que la santé se dérange inévitablement toutes les fois que la quantité des humeurs formées & retenues dans les différens vaisseaux du corps, excede celle des déperditions qui doivent se faire naturellement, ou que la dissipation qui s'en fait est plus considérable que leur entretien.

La conservation de la santé exige qu'il se fasse une séparation, une excrétion de tout ce qui est inutile & superflu dans le corps ; elles se font par la voie des selles, des urines, de la transpiration, & par l'expulsion de la mucosité des narines, de la gorge, des crachats, &c.

Une des plus importantes de ces évacuations, est celle de la partie grossiere des alimens, qui n'est pas susceptible d'être digérée, & n'est pas propre à prendre la nature des humeurs utiles à l'économie animale ; il est très-nécessaire que cette partie fécale, disposée à contracter de mauvaises qualités par son séjour dans le corps, n'y soit point retenue assez pour y donner lieu, & soit convenablement évacuée avec les parties excrémenticielles des humeurs qui s'y trouvent mêlées : c'est pourquoi il est très-avantageux, d'après l'observation faite à cet égard, que le ventre se vuide de ces matieres une fois par jour, pour éviter les mauvais effets qui s'ensuivent lorsqu'elles sont retenues trop long-tems. Voyez CONSTIPATION.

Cependant le ventre paresseux, à l'égard d'une personne de bonne santé, est une marque de tempérament robuste : les personnes délicates au contraire ont naturellement le ventre libre ; les alimens humides végétaux, la boisson abondante, favorisent cette disposition, ainsi que l'usage des lavemens simples ; elle contribue beaucoup à procurer un teint frais ; mais si elle est excessive, elle affoiblit beaucoup. Il faut pour la corriger éviter l'usage des alimens stimulans, âcres, fermentescibles, & ceux qui sont huileux & trop gras. Voyez DEJECTION & DIARRHEE.

Pour ce qui regarde les autres évacuations des matieres excrémenticielles, voyez EXCREMENT, SECRETION, URINE, TRANSPIRATION, MORVE, MUCOSITE, NARINES, CRACHATS, &c.

Il y a aussi des humeurs qui, quoiqu'elles ne soient pas excrémenticielles de leur nature, ne laissent pas de devenir nuisibles lorsqu'elles sont retenues en trop grande quantité, absolue ou respective, comme le sang à l'égard des menstrues, des lochies, des hémorrhoïdes, & de toutes les hémorrhagies naturelles ou critiques, la semence & le lait, dont l'évacuation est utile & même nécessaire dans les circonstances qui l'exigent, mais dont la trop grande perte est aussi très-désavantageuse à la santé, & peut occasionner de grandes maladies ; la salive dans l'état de santé n'abonde jamais assez pour devoir être jettée, comme la matiere des crachats, qui ne peut jamais être qu'une pituite ou une mucosité véritablement excrémenticielle. Voyez LAIT, SEMENCE, SALIVE.

La conservation de la santé exige absolument que l'on ne fasse point usage, pour quelque raison que ce soit, de remedes, de médicamens, sur-tout de ceux qui sont propres à procurer des évacuations extraordinaires, tant que toutes les fonctions se font convenablement & sans aucune apparence de surabondance d'humeurs qui indique le besoin de recourir aux secours de l'art pour aider la nature ou suppléer à son défaut : rien n'est plus contraire à la santé que l'abus en ce genre ; on ne doit faire usage de remedes que dans les cas où l'on a véritablement besoin du conseil du médecin. Voyez REMEDES, MEDICAMENS, HYGIENE.

VI. Des affections de l'ame. L'expérience & l'observation de tous les tems, apprennent que tous les hommes affectés de quelque passion de l'ame qui affecte fortement, violemment, éprouvent un changement considérable dans l'action des organes vitaux ; que le mouvement du coeur, le pouls, la respiration en sont augmentés ou diminués d'une maniere très-sensible, respectivement à l'état naturel, avec des variétés, des inégalités que l'on ne peut déterminer ; que la transpiration, selon Sanctorius, ainsi que les autres excrétions, en sont aussi plus ou moins altérées ; que l'appétit & les forces en sont souvent diminués, &c. Ainsi la tranquillité constante de l'ame, l'éloignement de toute ambition, de toute affection, de toute aversion dominante, contribue beaucoup au maintien de la santé, & lui est essentiellement nécessaire. Il n'est pas moins important à cet égard d'éviter toute application à l'étude trop forte, trop continuée, toute contention d'esprit de longue durée, parce qu'il en résulte une trop grande dissipation du fluide nerveux, outre qu'il est aussi détourné par-là des organes de la digestion & de l'élaboration des humeurs, auxquels il est si nécessaire que la distribution s'en fasse, conformément aux besoins de l'économie animale : ensorte que cette dissipation ou cette diversion sont suivies inévitablement de la diminution, de l'épuisement des forces, & de l'affoiblissement du tempérament, de tous les effets que de semblables lésions peuvent produire. Voyez DEBILITE.

Mais de ce que les passions peuvent nuire à la santé, on n'en doit pas conclure qu'il faille les détruire entierement, pour n'en recevoir aucune impression : d'abord c'est la chose impossible (voyez PASSION, Morale) ; d'ailleurs en supposant que cela se pût, ce seroit détruire des modifications de notre être qui peuvent lui procurer des avantages. En effet, les affections vives de l'ame, lorsqu'elles sont agréables ou qu'elles ne causent pas de trop fortes émotions, les exercices de l'esprit reglés par la modération, sont très-utiles, & même nécessaires à l'homme, pour que la vie ne lui soit pas ennuyeuse, & qu'il y soit attaché par quelque intérêt qui la lui rende agréable, ou au moins en remplisse l'espace : autrement elle seroit, pour ainsi dire, sans feu & sans sel ; elle n'auroit rien qui pût animer & en faire souhaiter la continuation. Les desirs, l'espérance & les plaisirs, auxquels on ne se livre qu'avec modération (& avec l'attention, selon le conseil du chancelier Bacon,de ne se procurer jamais une satisfaction complete , & de se tenir toujours un peu en haleine pour tendre à la possession des biens que l'on peut ambitionner, qui quels qu'ils soient ne sont jamais aussi agréables par la jouissance que par l'attente un peu fondée), sont les seules affections de l'ame qui ne troublent pas l'économie animale, & qui peuvent au contraire contribuer autant à entretenir la vie saine, qu'à la rendre chere & précieuse. Voyez les conseils admirables de Seneque à ce sujet (de tranquillitate animi, cap. xv.), que les bornes de cet ouvrage ne permettent pas de rapporter dans cet article, déja peut-être trop long.

Conclusion. Mais telle est la triste condition du genre humain, que la disposition nécessaire pour rendre la santé parfaite autant qu'il soit possible, qui est une très-grande mobilité dans les organes, ne peut pas être long-tems exercée sans se détruire elle-même. Ainsi, quelque soin que l'on prenne pour ne faire que le meilleur usage des choses non-naturelles, & pour écarter toutes les affections contre nature qui peuvent résulter de leurs mauvaises influences, il reste démontré qu'il est très-difficile de conserver une bonne santé, & de se préserver de maladie pendant une longue vie. Voyez SANTE, VIE, VIEILLESSE, MALADIE.

Il faut encore observer en finissant, que comme les choses non-naturelles ne peuvent être regardées comme salutaires ou nuisibles que relativement à leurs effets dans l'économie animale, cette influence est différente selon la différence de l'âge, du sexe, du tempérament des individus ; selon la différente saison de l'année, la différente température & différent climat, & sur-tout selon les différentes habitudes que l'on a contractées : ensorte que ce qui peut être avantageux aux uns, peut être nuisible à d'autres, & qu'il ne convient pas par conséquent de fixer une regle générale par rapport à la façon de vivre, tant morale que physique. Il ne peut y en avoir qui convienne également à toutes sortes de personnes, dans les différentes circonstances qui viennent d'être établies : on observe même souvent que ce qui convient dans un tems à quelqu'un, ne lui convient pas dans un autre qui paroit peu différent. In omnibus fere, minus valent praecepta, quam experimenta, dit avec raison Quintilien.

Ainsi, c'est à l'expérience qui apprend à connoître ce qui est utile & ce qui est nuisible, & au raisonnement que l'on peut faire en conséquence, qu'il appartient de déterminer, & même seulement par approximation, relativement aux différences génériques des individus & des circonstances, les conditions qui indiquent le bon ou le mauvais usage des choses non-naturelles. Voyez REGIME. Le bon sens éclairé des lumieres de la Physique, peut bien servir pour faire connoître ces conditions à ceux qui veulent faire une étude de ce qui intéresse la conservation de la santé ; mais comme cette étude fait rarement de bons médecins de soi-même en ce genre, il est toujours plus sûr, pour les personnes qui veulent ou qui doivent par état régler tout ce qui a rapport à leur santé & à la prolongation de leur vie, d'avoir recours aux conseils de ceux qui se dévouent spécialement à acquérir les connoissances necessaires à cet égard, & qui jouissent de la réputation bien fondée de les posséder : ce qui n'est pas commun, parce qu'elles exigent qu'ils soient sur-tout bien versés dans la Chimie, pour être en état de donner des préceptes de santé, plus salutaires & plus sûrs que les autres. Voyez MEDECINE, MEDECIN, CHIMIE, CHIMISTE.


NON-OUVRÉadj. terme de métier, il se dit de matieres qui ne sont point travaillées ni mises en oeuvre, particulierement des métaux : de l'acier non-ouvré, du fer, du cuivre non-ouvré.

On appelle de la toile non-ouvrée, du linge non-ouvré, la toile & le linge qui sont unis, qui n'ont aucun ouvrage ni figure dessus.


NON-PAIRVoyez IMPAIR.


NON-VALEURS. m. (Comm.) dette non-exigible par l'insolvabilité du débiteur. On appelle dans les finances non-valeurs les deniers sur la perception desquels on avoit compté, & dont on ne peut faire le recouvrement.


NON-VÛES. f. (Marine) on exprime par ce terme la brume, lorsqu'elle est si épaisse qu'on ne peut rien découvrir au-delà du vaisseau, desorte qu'on ne peut voir les terres quoiqu'on en soit fort proche, ce qui occasionne quelquefois la perte du vaisseau : alors on dit qu'il a péri par non-vûe. (R)


NONA(Géog.) petite ville de la Dalmatie dans l'ancienne Liburnie. On l'appelloit anciennement Oenona ou Oenonum. Elle n'a guere aujourd'hui que 600 habitans, quoiqu'elle soit un évêché suffragant de Spalatro. Les Vénitiens en sont les maîtres, & la mer l'entoure de tous côtés lorsque ses eaux sont hautes. Elle est à 3 lieues N. E. de Zara. Long. 33. 10. lat. 44. 25.


NONACRIS(Géog. anc.) montagne de l'Arcadie, au pié de laquelle étoit la ville de Nonacris, qui lui avoit donné le nom, & qui ne subsistoit plus du tems de Pausanias ; mais cet historien ajoute qu'il n'a jamais vu de montagne si haute. Elle étoit fameuse comme fournissant la source du Styx, dont Vitruve trouvoit l'eau d'une froideur extrême.

Au voisinage de la ville étoit la forêt nommée Nonacrinum nemus. Ovide, Fast. lib. II. vers 275 en parle :

Cinctaque Pinetis nemoris juga Nonacrini.

(D.J.)


NONAGÉSIMou NONANTIEME DEGRÉ, ou simplement NONAGESIME, se dit dans l'Astronomie du quatre-vingt-dixieme degré de l'écliptique, en commençant à compter au point de l'est, c'est-à-dire c'est le point de l'écliptique, qui est éloigné d'un quart de cercle du lieu où l'écliptique coupe l'horison. Voyez ECLIPTIQUE.

La hauteur de ce point qui varie à chaque instant, nous fait connoître la mesure de l'angle que l'écliptique fait avec l'horison, & cet angle se mesure par un quart de cercle, qui étant continué passeroit par les poles de l'écliptique ; par-là on peut trouver aisément la hauteur du nonagésime, pour un tems donné, & à une élévation du pole donnée. Voyez HAUTEUR.

Si on ôte de 90 degrés la hauteur du nonagésime, le reste est la distance du nonagésime au zénith. Chambers. (O)


NONAGONES. m. (Gramm.) figure de 9 angles & de 9 côtés. On dit plus communément ennéagone. Voyez ce mot, voyez aussi POLYGONE.


NONANCOURT(Géog.) en latin du moyen âge Nonanticuria ; petite ville de France en Normandie, au diocese d'Evreux, sur la riviere d'Aure, avec titre de vicomté, & un bailliage. Long. 18. 45. lat. 48. 44. (D.J.)


NONANTIEMENONANTIEME


NONANTOLA(Géog.) petite ville d'Italie au duché de Modene, & aux confins du territoire de Bologne. Elle tombe en grande décadence avec sa bibliotheque, & ses peintures du Guerchin. Long. 28. 56. lat. 44. 30. (D.J.)


NONCES. m. (Jurisp.) nuncius, qu'on appelle quelquefois le nonce du pape, & plus souvent le nonce simplement, est un ecclésiastique député ou envoyé par le pape vers quelque prince ou état catholique pour y résider comme son ambassadeur sous le titre de nonce, & en ce cas il prend le titre de nonce ordinaire ; quelquefois le pape envoie un nonce extraordinaire vers un prince ou un état catholique pour assister, de sa part, à une assemblée de plusieurs ambassadeurs ; & lorsqu'il n'y a point de nonce en titre, cet ambassadeur extraordinaire s'appelle internonce.

On appelloit autrefois les nonces, missi sancti patris, missi apostolici, legati missi.

Nous faisons cependant en France une différence entre les légats du pape & les nonces.

Les légats, lorsqu'ils sont envoyés en France de l'agrément du roi, ont autorité & jurisdiction ecclésiastique, suivant les modifications apposées à leurs facultés lors de l'enregistrement de leurs lettres ; aulieu que les nonces n'ont en France aucune autorité ni jurisdiction ecclésiastique : ils n'y sont considérés que comme les autres ambassadeurs des puissances étrangeres.

C'est ordinairement un évêque ou un archevêque qui remplit cette fonction.

Les nonces du pape ont un tribunal en regle ; & l'exercice de la jurisdiction ecclésiastique dans les pays qui sont soumis à la discipline des decrétales, & aux decrets du concile de Trente, qui concernent la discipline ; ils peuvent dans ces pays déleguer des juges. Ils connoissoient même, avant le concile de Trente, en premiere instance des causes qui sont de la jurisdiction ecclésiastique ; mais ce concile, sess. 24. c. xx. de reform. défend expressément aux légats & aux nonces de troubler les évêques dans l'exercice de leur jurisdiction dans les causes qui sont du for ecclésiastique, & de procéder contre des clercs, & autres personnes ecclésiastiques, sans la réquisition de leur évêque, ou excepté qu'il négligeât de les punir ; ensorte que depuis la publication des decrets de ce concile, ils ne peuvent être juges que d'appel des jugemens rendus par les ordinaires des lieux compris dans l'étendue de leur nonciature : le concile de Toulouse, en 1590, paroît approuver cette discipline.

On entend quelquefois par nonciature, la fonction ou charge du nonce & le tems qu'il l'a exercée. On entend aussi par-là une certaine étendue de territoire soumise à la jurisdiction d'un nonce ; le pape a divisé les pays soumis à sa puissance en plusieurs nonciatures, comme la nonciature d'Avignon.

L'usage où est la cour de Rome d'envoyer des nonces en France est fort ancien ; mais les maximes des décrétales, & celles des conciles de Trente & de Toulouse par rapport à la jurisdiction des nonces, ne sont point reconnues parmi nous, étant contraires à l'usage & aux maximes du royaume.

En effet, les nonces n'ont en France aucun territoire, tribunal ni jurisdiction, soit volontaire ou contentieuse ; ils n'y font, comme on l'a déja dit, d'autre fonction que celle d'ambassadeur ; ils n'ont aucun emploi que proche la personne du roi, & n'ont aucune autre fonction dans le royaume, tellement qu'en 1647 le nonce du pape en France ayant pris dans un écrit la qualité de nonce dans tout le royaume de France, & un autre nonce ayant pris, en 1663, la qualité de nonce au parlement & au royaume, le parlement s'éleva contre ces nouveautés.

Cependant la cour de Rome, ou les nonces mêmes ont fait de-tems-en-tems quelques entreprises contraires à nos maximes ; mais dès qu'elles ont été connues, le ministere public s'y est opposé, & elles ont été réprimées par plusieurs ordonnances & arrêts du parlement.

Pour les informations des vies, moeurs & doctrine de ceux qui sont nommés aux bénéfices consistoriaux, que les évêques de France sont en possession de faire, le concile de Trente donne le même pouvoir aux légats & nonces ; mais en France, les évêques se sont toujours maintenus dans le droit & possession de faire seuls ces informations devant le nonce ; il ne paroît même pas qu'avant le regne d'Henri IV. la cour de Rome ait voulu troubler les évêques de France dans la possession de faire ces informations. Lorsque cette cour eut formé ce dessein, elle ne pensa, jusqu'au pontificat d'Urbain VIII. qu'à établir que ces informations pourroient être faites en France communément par les légats & les nonces, ou par les ordinaires : tel étoit le réglement de Clément VIII. & de Grégoire XIV. Sous le pape Urbain VIII. la cour de Rome alla jusqu'à prétendre qu'en France même les ordinaires ne pouvoient les faire qu'en l'absence des légats & des nonces.

Mais l'ordonnance de Blois, article 1. & 2. la résistance du roi Henri IV. à l'article qui lui fut proposé de réserver ces informations aux nonces, l'avis de l'assemblée des notables tenue à Rouen en 1596, les remontrances de l'assemblée du clergé, convoquée en 1605, l'ordonnance de 1606 dressée sur ces remontrances, celles de la chambre ecclésiastique des états de 1614 ; enfin, les arrêts de réglement de 1639 & de 1672 justifient l'attachement du clergé & de tous les corps du royaume à maintenir les ordinaires dans la possession de faire seuls ces informations.

Le nonce du pape en France, ne peut pareillement donner aucunes provisions pour les bénéfices ; ni aucunes dispenses ; il ne peut fulminer les bulles qui lui sont adressées ; il ne peut même être délégué juge in partibus pour ouir & terminer les différends des sujets du roi, parce que ces sortes de juges doivent être regnicoles.

Il n'a pas non plus droit de visitation ni de correction sur les monasteres, exempts ou non exempts ; c'est pourquoi l'arrêt du parlement du 29 mars 1582, déclara abusif un rescrit de Grégoire XIII. qui commettoit son nonce pour terminer un différend survenu entre le général des cordeliers, & les gardien & couvent des cordeliers de Paris au sujet d'un visiteur avec ample pouvoir d'ouir les parties. L'arrêt du 28 mars 1633, en ordonnant la verification des lettres-patentes du roi qui permettoient l'établissement d'un monastere de religieuses de S. Augustin, mit cette modification, que le pape ne pouvoit exercer aucune jurisdiction, correction ni visitation dans ce monastere, conformément aux droits & privileges de l'église gallicane.

Le nonce ne peut pareillement prendre connoissance des causes de mariage, par la raison qu'il n'a en France aucune jurisdiction ; & s'il y a quelques exemples de causes de mariage, & autres pour lesquelles nos rois ont bien voulu que les nonces, autorisés par lettres-patentes, ayent été commissaires avec d'autres prélats du royaume ; ces exemples ne doivent point être tirés à conséquence.

Voyez les libertés de l'église gallicane, les loix ecclésiastiques, les mémoires du clergé, le dictionnaire des arrêts, au mot nonce. (A)

NONCE, est aussi un terme usité en Pologne, pour désigner les députés des Palatinats, ou des provinces aux dietes du royaume. Ils sont choisis parmi le corps de la noblesse, chargés d'instructions pour les délibérations de la diete, qu'ils peuvent arrêter & dissoudre par le refus de leur acquiescement ou de leur suffrage. C'est ce droit de contredire, jus contradicendi, ainsi qu'ils l'appellent, que les Polonois regardent, comme l'ame de leur liberté, & qui dans le fond n'en est qu'un excès ou un abus. (G)


NONCHALANCES. f. (Gramm.) paresse, négligence, indolence, mollesse, foiblesse d'organisation, ou mépris des choses, qui laisse l'homme en repos, dans les momens où les autres se meuvent, s'agitent & se tourmentent. On devient paresseux, mais on naît nonchalant. La nonchalance ne se corrige point, surtout à un certain âge. Dans les enfans, l'accroissement fortifiant le corps, peut diminuer la nonchalance. La nonchalance qui introduit peu-à-peu le desordre dans les affaires, a des suites les plus facheuses. La nonchalance est aussi accompagnée de la volupté. Elle ne répond guere au plaisir, mais elle l'accepte facilement. Les dieux d'Epicure sont des nonchalans, qui laissent aller le monde comme il peut. Il s'échappe des ouvrages de Montagne une nonchalance que le lecteur gagne sans s'en appercevoir, & qui le tranquilise sur beaucoup de choses importantes ou terribles au premier coup d'oeil. Il regne dans les poésies de Chaulieu, de Pavillon, de la Fare, une certaine nonchalance qui plaît à celui qui a quelque délicatesse d'esprit. On diroit que les choses les plus charmantes ne leur ont rien coûté, qu'ils n'y mettent aucun prix, & qu'ils souhaitent d'être lus avec la même nonchalance qu'ils écrivoient. Il faudroit prêcher aux turbulens la nonchalance, & la diligence aux nonchalans. C'est par un coup ou frappé en sens contraire, qu'on modere la chûte d'un corps en mouvement, ou frappé dans la direction qu'il suit lentement, qu'on accélere sa vîtesse : pour peu qu'on hâtât les uns, ou qu'on arrêtât les autres, ils auroient la vîtesse qui convient aux choses de la vie.


NONCIATIONNOUVEL OEUVRE, s. f. (Droit coutum.) c'est un acte par lequel on dénonce à celui qui fait élever un bâtiment, ou aux ouvriers qui y travaillent, qu'ils aient à cesser, jusqu'à ce qu'il en ait été ordonné par justice. Nous tenons cette coutume des Romains. Lorsque quelqu'un faisoit une entreprise, soit en élevant ou en démolissant sa maison, le voisin qui s'en trouvoit incommodé signifioit aux ouvriers qu'il y mettoit empêchement. Il ne falloit point pour cela avoir la permission du préteur ; & l'exploit qui contenoit cette nonciacion étoit valable, pourvu qu'il fût donné dans le lieu même où les ouvriers travailloient, & à des personnes qui pussent en avertir le propriétaire. Si, malgré cette défense, il vouloit continuer, il étoit obligé, après cet acte, de donner une caution suffisante, qui répondoit pour le propriétaire qu'on remettroit les choses en état, si la justice l'ordonnoit ainsi : ce qui devoit se terminer dans trois mois.

Mais si l'entreprise intéressoit le public, tous les citoyens indistinctement pouvoient user de la nonciation. En France, dans un pareil cas, on en donne avis au voyer. Voyez VOYER. (D.J.)


NONCIATURES. f. (Jurispr.) signifie quelquefois le titre & la fonction du nonce du pape, ou le tems qu'un prélat a exercé cette fonction.

On appelle aussi nonciature un certain territoire dans lequel chaque nonce exerce sa jurisdiction ecclésiastique, ce qui n'a lieu que dans les pays où les nonces exercent une telle jurisdiction, & non en France où ils n'en ont aucune. Voyez ci-devant NONCE. (A)


NONDINA(Mythol.) S. Augustin est le seul qui dise que c'étoit une déesse qu'on invoquoit chez les Romains le neuvieme jour après la naissance ; & c'est de ce neuvieme jour, nonus dies, qu'a été forgé le mot barbare Nondina. (D.J.)


NONESS. f. (Chronol.) c'étoit dans le calendrier romain le cinquieme jour des mois de Janvier, Février, Avril, Juin, Août, Septembre, Novembre & Décembre ; & le septieme des mois de Mars, Mai, Juillet & Octobre. Ces quatre derniers mois avoient six jours avant les nones, & les autres quatre seulement, suivant ces vers,

Sex Maius nonas, October, Julius & Mars

Quatuor at reliqui.

Voyez CALENDES.

Ce mot est venu apparemment de ce que le jour des nones étoit le neuvieme avant les ides, comme qui diroit nono-idus. Voyez IDES.

Les mois de Mars, Mai, Juillet & Octobre avoient six jours avant les nones, parce que ces quatre mois étoient les seuls qui, dans l'année de Numa, eussent 31 jours, les autres n'en avoient que 29, & Février 30 ; mais quand César réforma le calendrier, & qu'il donna 31 jours à d'autres mois, il ne leur donna point 6 jours avant les nones. Voyez CALENDRIER, ANNEE, MOIS, &c.

On comptoit les jours depuis les nones en rétrogradant, comme depuis les calendes, desorte que le premier jour après les calendes ou le second du mois s'appelloit sextus nonarum, pour les mois qui avoient six jours avant les nones, & quartus nonarum pour ceux qui n'en avoient que quatre. Chambers.

NONE, NONES, nonae, (Hist. ancienne) une des sept heures canoniales dans l'Eglise romaine. Voyez HEURE.

Nones, ou la neuvieme heure est la derniere des petites heures que l'on dit avant vêpres, & celle qui répond à 3 heures après midi. Voyez VEPRES.

L'office simple & l'office pour les morts finissent à nones, laquelle heure, selon la remarque du P. Rosweyd, étoit anciennement celle où se séparoit la synaxe, c'est-à-dire l'assemblée ordinaire des premiers Chrétiens à l'église.

L'heure de nones étoit aussi le tems où l'on commençoit à manger les jours de jeûne, quoiqu'il y eût des fideles qui ne mangeoient point avant le soleil couché. Voyez JEUNE.

Pour conserver quelques traces de cette ancienne coûtume, on dit encore nones avant le dîner les jours de jeûne & pendant le carême. Voyez CAREME.

Bingham observe que dans la primitive Eglise, none étoit regardée comme la derniere des heures ou prieres du jour, & qu'elle avoit été instituée principalement pour honorer la mémoire de l'heure à laquelle Jesus - Christ avoit expiré sur la croix. C'est aussi ce que dit la glose : Latus ejus nona bipertit. C'étoit chez les Juifs l'heure du sacrifice solemnel du soir, & on lit dans les Actes que S. Pierre & S. Jean se rendoient au temple à l'heure de nones, ad horam orationis nonam. Les anciens ne disent rien de précis sur le nombre des pseaumes & autres prieres qu'on récitoit à nones. Cassien semble seulement insinuer qu'on n'y chantoit que trois pseaumes. Aujourd'hui dans l'Eglise latine, l'office de none est composé du Deus in adjutorium, d'une hymne, de trois pseaumes sous une seule antienne, puis d'un capitule, d'un répons bref & d'un verset, & enfin d'une oraison propre au tems ou à la fête. Bingham, Orig. ecclés. t. V. l. XIII. c. ix. §. 13.

NONES, (Jurisp.) nona, quasi nona pars fructuum, c'étoit le neuvieme des fruits ou le neuvieme de leur valeur que l'on payoit par forme de redevance pour la jouissance de certains biens, de même que l'on appella dixme ou décime, une autre prestation qui dans son origine étoit par-tout du dixieme des fruits. Le concile de Meaux de l'an 845 demande que ceux qui doivent à l'Eglise les nones & les dixmes, à cause des héritages qu'ils possedent, soient excommuniés, s'ils ne les payent pour fournir aux réparations & à l'entretien des clercs : on voit parlà que les laïques qui tenoient des terres par concession de l'Eglise lui devoient double prestation, savoir d'abord la dixme ecclésiastique, & en outre une redevance du neuvieme des fruits comme rente seigneuriale ou emphytéotique. Voyez DIXME. (A)


NONNATvoyez APHYE.


NONNES. f. (Hist. eccl.) mot qui signifioit autrefois une religieuse, & qui le signifie encore aujourd'hui, quoiqu'il ne soit plus du bel usage & qu'on ne l'emploie plus dans le style sérieux. Voyez RELIGIEUX & PROFES.

Ce mot vient de nonna, nonnana, ou nonnanis, tous mots latins qui signifioient d'abord des pénitens, & ensuite ont signifié des religieux. Borel le fait venir de nonno ou nonna, qui signifie en italien grand-pere, ou grand-mere, & il prétend qu'on appliquoit par honneur le mot de nonna aux religieuses, comme celui de nonno aux religieux.

De-là est venu aussi en anglois le mot nunnery, monastere de femmes. Voyez MONASTERE.

Hospinien prétend que ce nom est originairement égyptien, & qu'il signifie une vierge. Il ajoute qu'en cette langue on appelloit les moines nonni, & les personnes du sexe consacrées à Dieu nonnae. Mais tout cela paroit avancé sans fondement. Ce qu'il y a de certain, c'est que saint Jérôme emploie ce terme dans sa xxij. épître à Eustochius, pour désigner les veuves qui gardoient la continence. Illae interim quae viduitatis praeferunt libertatem, castae vocantur & NONNAE. Bingham pense que les Anglois ont tiré delà leur mot NUN, qui signifie une religieuse. Bingham, Orig. eccles. tom. III. lib. VII. c. iv. §. 8. Hospinian. de Monach. lib. I. cap. j. pag. 3. (G)


NONNETTEVoyez MESANGE-NONNETTE.

NONNETTE BLANCHE, religieuse, mergus rheni Gesnero, oiseau qui ressemble à la piette, & qui n'en differe qu'en ce qu'il est un peu plus petit & qu'il n'a pas de hupe. Ray prétend qu'on ne doit pas faire une espece particuliere de la nonnette blanche, & que c'est le même oiseau que la piette. Voyez PIETTE. Raii, Synop. meth. avium. Voyez OISEAU.


NONOBSTANCESS. f. (Jurisprud.) ce terme qui vient du latin, signifie une clause usitée dans les provisions de cour de Rome, & dans les rescrits qui commencent par ces mots, nonobstantibus, d'où l'on a fait nonobstances ; cette clause fait ordinairement la troisieme partie des provisions de cour de Rome, elle comprend l'absolution des censures, les réhabilitations & dispenses nécessaires pour jouir du bénéfice impétré, nonobstant les incapacités ou autres obstacles qu'on pourroit proposer à l'encontre ; ainsi ces nonobstances sont apposées en faveur des impétrans. Dans les rescrits la quatrieme clause est celle des nonobstances & dérogatoires. Ceux qui sont inférieurs au pape ne peuvent user de la clause de nonobstance & de dérogatoire aux constitutions canoniques, si ce n'est dans certaines dispenses que les archevêques & évêques peuvent donner. Voyez DISPENSE.


NOORDEN(Geog.) ville d'Allemagne, au cercle de Westphalie, à 2 milles d'Embden ; Balthasar de Sens la ravagea en 1531. Long. 24. 40. lat. 53. 36.

Eyben Hulderic, jurisconsulte, né à Noorden, & mort en 1699, âgé de 70 ans, a mis au jour, en latin, des ouvrages estimés sur les Institutes de Justinien, le Droit public & féodal, & le droit des particuliers : ils ont été recueillis & imprimés à Strasbourg en 1708. in-fol. (D.J.)


NOPAGES. m. terme de manufacture. On appelle le nopage d'une piece de drap, ou de quelqu'autre étoffe de lainerie, la façon qu'on leur donne, en leur arrachant les noeuds avec de petites pinces, après qu'on les a levées de dessus le métier. Ainsi noper est la même chose qu'énouer ; & l'ouvriere qui nope ou énoue les pieces de lainerie au sortir du métier, s'appelle nopeuse & énoueuse. (D.J.)


NOPALS. m. (Bot. exotiq.) plante du Mexique, sur laquelle s'élevent les cochenilles sauvages & cultivées. Les Indiens nomment cette plante nopalli, & je crois que pour éviter l'erreur, nous devons lui conserver le nom de nopal en françois, & abroger les noms équivoques de figuier d'Inde, de raquette, de cardasse, & autres semblables. M. Hans-Sloane, dans sa magnifique histoire de la Jamaïque, appelle le nopal en botaniste, opuntia maxima, folio oblongo, rotundo, majore, spinulis obtusis, mollibus, & innocentibus obsito, flore, striis rubris variegato. C'est le tuna mitior, flore sanguineo, cochenillifera, de Dillenius, horti Elthamensis tab. ccxcvij. fig. 383. & le nopal nocheztti d'Hernandez, Hist. Mexic. pag. 78.

Les nopals du Mexique sont des plantes dont la structure est bien différente de celle des nôtres. Ils ont plusieurs branches ou tiges, mais chaque branche n'est qu'une file de feuilles mises bout-à-bout, comme sont les grains de chapelets. Chaque feuille est plate, à contour oval ; elle tire son origine de celle qui la précede ; elle y tient par son bout inférieur, & du bout supérieur part la feuille qui la suit. C'est apparemment la figure de ces feuilles qui a fait donner le nom de raquette à la plante, car chaque feuille est une palette épaisse.

Le nopal qui nourrit la fine cochenille est une sorte d'arbrisseau, qu'on cultive soigneusement & uniquement au Mexique. Il porte des côtes ou feuilles nommées pencas, de figure ovale, d'un verd pâle, pleines de suc, longues chacune de 10 à 12 pouces, larges de 5 ou 6, épaisses, environnées de quelques piquans mols & foibles : voilà tout ce qu'on sait de vrai sur la description de cette plante, & quand je n'ajoute rien de son fruit, de sa fleur, de sa graine, c'est manque de guide, & de peur de tomber dans l'erreur.

Si les personnes qui ont pris des informations au Mexique sur la nature de la cochenille avoient eu soin de demander en même tems une description complete de la plante, nous saurions à quoi nous en tenir, entre les descriptions des Botanistes & des voyageurs, qui se contredisent les uns les autres. M. Hans-Sloane est le seul qui nous ait donné une figure de cette plante, à laquelle on puisse se fier, mais il n'est point entré dans les détails du fruit, de la fleur, & de la graine.

Il y a tant d'especes de tuna d'Amérique, que nous pouvons en comparer le nombre à celui des figuiers de nôtre Europe. Hernandez en décrit sept dans une seule province du Mexique. Il est arrivé de cette variété, que presque tous les auteurs ou voyageurs nous ont donné les unes ou les autres especes de tuna de leur connoissance, pour celle qui nourrit la cochenille : ainsi, par exemple, Pison, liv. XIV. chap. xxxv. a cru faussement que son jamacera étoit le cochenilier. M. Geoffroy a été semblablement trompé, en pensant que l'opuntia major, validissimis aculeis munita, de Tournefort, Inst. rei herb. 129. étoit le nopal ; mais le P. Labat sur-tout, a fait ici autant de bévues que de pas, 1°. en décrivant & représentant le poirier piquant pour l'arbre qui nourrit la cochenille ; 2°. en disant que la cochenille se trouve dans toutes les îles où il y a des acacias ; 3°. enfin dans sa description de l'insecte qu'il n'a jamais vû, ni mort ni vif. (D.J.)


NOQUETS. m. terme de Plombier, petite bande de plomb quarrée, qu'on place pour l'ordinaire dans les angles enfoncés de couverture d'ardoise ; ce sont des especes de noües : le noquet est plié & attaché aux jouées des lucarnes & sur le latis.


NORA(Géog. anc.) ville de l'île de Sardaigne, sur la côte méridionale selon Ptolomée, liv. III. chap. iij. Léandre en nomme aujourd'hui la place Calviri.

Nora étoit encore un lieu fortifié dans la Phrygie, dont parlent Diodore, Plutarque, Cornélius-Népos, & Strabon : ce dernier place ce fort dans la Cappadoce. (D.J.)


NORBA(Géog. anc.) ville d'Italie, dans le Latium. Tite-Live, liv. II. chap. xxxiv. lui donne le nom de Colonie romaine ; il appelle le peuple Norbani, & le territoire Norbanus ager. Norba s'appelle aujourd'hui Norma : on la trouve dans la campagne de Rome au sud de Segni.


NORBA-COESAREA(Géog. anc.) ancienne ville de la Lusitanie. Pline, liv. IV. chap. xxj. la nomme Norbensis colonia Coesariana : on croit que c'est aujourd'hui Alcantara, ou du-moins qu'Alcantara auroit été bâtie dans son voisinage & de ses ruines.


NORCIAou NORSIA, ou NURSIA, (Géog.) petite ville d'Italie, dans l'Ombrie, au duché de Spolete, autrefois épiscopale. Quoique sujette au pape, son gouvernement est en forme de république. Elle élit quatre magistrats qui ne doivent savoir ni lire ni écrire. On voit qu'il ne tiendroit pas à cette bicoque de ramener la barbarie au sein de l'Italie. La situation de Norcia est entre des montagnes, à 8 lieues S. E. de Spolete, 11 lieues N. E. de Narni. Long. 30. 46. lat. 42. 37.

Saint Benoît naquit dans cette ville, ou dans son territoire, vers l'an 480. Il est bien connu pour avoir été l'instituteur d'un ordre de son nom, qui s'est répandu en peu de tems dans toute l'Europe, a acquis des richesses immenses, & a donné de savans hommes à l'Eglise. Il mourut au Mont-Cassin vers l'an 543, après y avoir jetté les fondemens d'un célebre monastere. Voyez MONT-CASSIN.

Mais Norcia est autrement fameuse dans l'histoire, pour avoir donné la naissance à un des plus grands capitaines romains, à Quintus Sertorius. Après s'être distingué dans le barreau par son éloquence, il accompagna Marius dans les Gaules, & le suivit à Rome ; ensuite au retour de Sylla il porta la guerre en Espagne, & par sa valeur se rendit maître d'une partie de ces grandes provinces, qui servit depuis d'asyle & de retraite à ceux qui se déclarerent en sa faveur : il s'y soutint contre Metellus, le jeune Pompée, & tous les autres généraux qu'on lui opposa. Sa haute réputation passa jusqu'en Asie. Mithridate lui offrit des sommes considérables pour fournir aux frais de la guerre, avec une flotte qui seroit à ses ordres, pourvû seulement qu'il lui permit de recouvrer ses provinces ; mais Sertorius rempli de sentimens héroïques, protesta qu'il n'entendroit jamais à aucun traité, qui blesseroit la gloire ou les intérêts de sa patrie. Ce grand homme, qui avoit échappé à tous les périls de la guerre, périt peu de tems après, en 680, par la perfidie des Romains de son parti. Perpenna l'assassina dans un festin. Le nom de ce héros a fourni à Corneille sa belle tragédie de Sertorius. (D.J.)


NORDou NORS, ou NORTH, (Géog.) mot que les Septentrionaux emploient pour signifier la partie du ciel, & celle du globe de la terre, qui est opposée au midi, & qui se trouve entre l'équateur ou la ligne équinoxiale & le pole. Les anciens y remarquerent sept étoiles qu'ils nommerent septem triones, c'est de-là qu'est venu à cette partie le nom de septentrion, & celui de septentrional à tout ce qui est tourné de ce côté-là. C'est la même constellation que les Astronomes appellent la petite ourse, & le peuple le chariot de saint Jacques.

Comme le pole doit être un point fixe dans le ciel, & que cette constellation tourne avec le ciel autour du pole, on peut conclure qu'elle n'est pas précisément au point du pole. On choisit donc pour l'étoile du nord la derniere de la queue de la petite ourse, parce qu'elle décrit le plus petit cercle, & est par conséquent la plus voisine du pole, qui doit être un point immobile au centre du cercle qu'elle décrit. Ce centre est le véritable nord. Le nord, moins proprement dit, est cette constellation que le peuple nomme nord ; & on appelle vent du nord le vent qui vient de ce côté-là ; le nord juste & le midi juste sont diamétralement opposés, & une ligne que l'on tireroit de l'un à l'autre est la méridienne. Voyez MERIDIEN.

On appelle encore nord tout ce qui est du côté du nord, depuis l'ouest jusqu'à l'est, c'est-à-dire depuis l'occident vrai jusqu'à l'orient vrai ; mais les navigateurs divisent ce demi-cercle en plusieurs parties ; premierement ils le divisent en quatre, en plaçant le nord -est entre le nord & l'est ; c'est-à-dire entre le vrai septentrion & l'orient vrai ; & le nord ouest, entre le nord & l'ouest, c'est-à-dire entre le même septentrion & l'occident vrai. Ils subdivisent encore les espaces qui sont entre l'ouest, le nord ouest, le nord, le nord -est, & l'est.

Quand les voyageurs, & le plus grand nombre des géographes après eux, disent qu'un lieu est au nord de l'autre, ils parlent rarement avec assez de précision, ainsi il ne faut pas toujours l'entendre du vrai nord, mais du nord plus ou moins oriental ou occidental. (D.J.)

NORD, VENT DU (Navigation) Le nord est la plage du pole boréal, & le vent du nord est celui qui souffle de ce côté ; nord-est, nom de la plage qui est au milieu du nord & de l'est. Le vent qui souffle de cette plage porte le même nom ; on l'appelle vulgairement galerne, & en latin areta, peliotes ou borapeliotes.

Nord-est, quart à l'est, plage qui décline de 33°, 45'. du nord à l'est : les latins appellent ce vent mesaquilo, mesoboreas, supernas.

Nord-Nord-est, plage qui décline de 22°, 30'. du nord à l'est ; c'est aussi le nom du vent qui souffle de ce côté-là.

Nord-nord-ouest, plage située à 22°, 30'du nord à l'ouest ; le vent qui souffle de cette plage porte le même nom, & en latin celui de circius.

Nord-ouest, nom de la plage qui est entre le nord & l'ouest, & du vent qui souffle de cette partie du monde ; on le nomme en latin borolybicus. Il est humide & dispose l'athmosphere à la pluie. M. Wolf a observé dans une dissertation sur l'hiver de 1709, que ce vent donne le tems inconstant du mois d'Avril.

Nord-ouest, quart à l'ouest. On appelle ainsi la plage & le vent qui décline de 33°, 45'. de l'ouest au nord. Ce vent est connu des latins sous le nom de mesagestes ou mesocosius.

Nord-quart, nord-est. C'est la plage qui décline de 11°, 15'. du nord à l'est ; on donne le même nom au vent qui souffle de cette plage, & qu'on nomme en latin hypaquilo.

NORD, COMMERCE DU (Commerce) On appelle le commerce du nord, celui qui se fait par les Anglois, les François, les Hollandois & autres nations, dans les parties les plus septentrionales de la terre, comme la Norwege, Archangel, le Groenland, la Laponie, &c. on y comprend aussi la mer Baltique.


NORDELLES(Géog.) partie de la Suéde, qu'on nomme communément les provinces du nord, le Nordland. Elles renferment la Gestricie, l'Helsingie, la Medelpadie, l'Angermanie, la Bothnie, la Laponie suédoise, le Jemptand & le Harudall. (D.J.)


NORDESTERv. neut. (Marine) se dit de l'aiguille aimantée de la boussole, lorsqu'elle décline vers le nord-est, au lieu de marquer directement le nord. Voyez DECLINAISON DE LA BOUSSOLE.


NORDHAUSEN(Géog.) ancienne ville impériale d'Allemagne, dans le cercle de basse-Saxe, sur le Hartz. Elle est sous la protection de l'électeur de Saxe, & suit la confession d'Augsbourg : elle a un conseil souverain, & est dans un pays fertile, à 10 lieues S. O. de Dresde. Long. 30. 42. lat. 51. 24. (D.J.)


NORDLINGEN(Géog.) ville libre & impériale d'Allemagne dans la Souabe ; elle est commerçante & professe la religion luthérienne. Ferdinand III, roi de Hongrie, la prit en 1634, & néanmoins il en usa généreusement, en la laissant jouir comme auparavant, du libre exercice de sa religion, & de ses autres priviléges. Elle est sur l'Aigre, à 16 lieues N. O. d'Augsbourg, 6. S. O. d'Octing. Long. 27. 52. lat. 48. 56. (D.J.)


NORDOUESTERv. n. (Marine) se dit de l'aiguille aimantée de la boussole, lorsqu'elle décline vers le nord-ouest au lieu de marquer directement le nord. Voyez DECLINAISON DE LA BOUSSOLE. (Q)


NORDSTRANou NOORSTRAND, (Géog.) Ile du royaume de Danemarck, dans le duché de Sleswig, sur la côte occidentale, vis-à-vis les préfectures de Flensbourg & de Husum : elle a été affligée en différens tems par de funestes inondations, qui l'ont peu-à-peu diminuée, & l'ont enfin submergée en 1634, à quelques endroits près. Elle étoit peuplée d'environ huit mille habitans, & plus de six mille personnes furent noyées dans ce désastre. Long. 26. 40. lat. 64. 36. (D.J.)


NORFOLCK(Géog.) province maritime d'Angleterre, au diocèse de Norwich, avec titre de duché. On lui donne 140 milles de tour, & environ un million cent quarante-huit mille arpens ; elle est bornée au N. & à l'E. par l'Océan germanique. Son terroir est fort varié. Vers la mer c'est un pays plat qui abonde en blé. Ses bois nourrissent beaucoup de bétail, & ses bruieres une infinité de moutons. Ses principales rivieres sont l'Ouze, le Waveney, la Yare & Thyru. Son commerce consiste en blé, laine, miel & safran, dont le meilleur croît auprès de Walsingham. Il s'y trouve quantité de manufactures de différentes étoffes de laine. Ses côtes abondent en harengs. Norwich en est la capitale. Entre les autres villes à marché, on compte principalement Lyn, Yarmouth, Thetford, Castle, Rising, &c.

Il faut dire ici, que Walton Briand, évêque de Chester, étoit de la province de Norfolck, il mourut en 1661 ; mais il s'est rendu célebre pendant sa vie, par son édition de la bible Polyglotte, c'est-à-dire, en plusieurs langues, qu'on appelle la polyglotte d'Angleterre. Il a mis à la tête de cette bible, des prolegomenes qui sont beaucoup plus savans, plus étendus & plus exacts que ceux qui avoient paru jusqu'alors. Ces prolégomenes ont été imprimés séparément à Zurich en 1673. La dissertation latine de M. Walton sur les langues orientales, & sur l'antiquité, l'autorité & l'usage, tant des textes que des versions qui se trouvent dans les polyglottes d'Espagne, de France & d'Angleterre, est un morceau précieux. Enfin, on remarque dans l'édition de la polyglotte du digne évêque de Chester, beaucoup de critique, de jugement, de science & de modération.

Wharton (Henri) naquit aussi dans cette province. Ses principaux ouvrages sont un traité sur le célibat du clergé ; remarques sur l'histoire de la réformation de Burnet, en anglois. Anglia sacra, historia episcoporum londinensium. Appendix ad historiam litterariam Guilielmi Cave & autres. On lui doit encore une bonne édition d'Usserius ; il mourut à Londres en 1694. (D.J.)


NORICIENS(Hist. anc.) peuple de l'ancienne Germanie, qui occupoit les bords du Danube, & faisoit partie des Vindéliciens. Leur pays comprenoit l'Autriche, la Styrie, la Carinthie, le Tyrol, & la Baviere, & une partie de la Franconie ; les Romains nommoient cette partie Noricum ripense, la Pannonie & la Hongrie s'appelloient Noricum mediterraneum.


NORIMON(Hist. mod.) c'est le nom qu'on donne au Japon à une espece de chaise à porteur, dont les habitans du pays se servent dans leur voyage. C'est une caisse quarrée, oblongue, assez grande pour qu'une personne puisse y être assise & même couchée ; elle est fermée par un treillis de cannes entrelacées, & quelquefois vernies. Il y a de chaque côté une petite porte brisée, & communément une fenêtre par-devant & par-derriere. Cette chaise est portée sur des brancards par deux, quatre ou huit hommes, suivant la qualité des personnes.


NORIQUE(Géog. anc.) en latin Noricum, grande contrée, située entre le Danube & les Alpes. Le Danube qui la séparoit de l'ancienne Germanie, s'y trouva depuis entierement enclavé : ses bornes étoient originairement le Danube du côté du nord, le mont Cetius à l'orient, les Alpes Noriques au midi, l'Inn à l'occident.

Il ne paroît pas qu'il ait été fait aucune division du Norique avant l'empire de Constantin. Jusques-là il avoit été compris sous une seule contrée, qui fut premierement le royaume Norique, & ensuite le pays ou la province Norique.

Lorsque le Norique eût sécoué le joug des Romains, ses limites furent tantôt plus étendues, tantôt plus resserrées : les Boiariens s'emparerent d'une partie du Norique ; ce ne fut qu'assez tard que ce pays recouvra ses premieres bornes, s'étendit jusques dans la Pannonie, & se trouva comprendre une grande partie de l'Autriche, de la Baviere, l'archevêché de Saltzbourg, avec la Styrie & la Carinthie.

Auguste ayant conquis le Norique, le réduisit en province romaine : dans la suite des tems, les Goths s'en emparerent. Après leur départ, ce pays fut exposé aux incursions de divers peuples. Les Suèves, les Rugiens, les Hérules, &c. y partagerent successivement les dépouilles des Romains. Odoacre, roi des Hérules, ayant chassé les Rugiens, régna quelque tems dans le Norique ; mais vaincu à son tour par Théodoric, roi des Ostrogoths, il fut contraint de lui céder une partie du pays, dont il fut dédommagé par une portion de l'Italie & de la Rhétie. On croit que ce fut lui qui appella dans le Norique les Boiariens, qui avoient déja pénétré dans la Vindélicie.

De tout tems cette contrée a été célébre par ses excellentes mines de fer. Horace dit par cette raison, noricus cusis : on lit aussi souvent dans les médailles noricum ferrum. Enfin, S. Severin fut le premier apôtre du Norique dans le cinquieme siecle. (D.J.)


NORKOPINou NORKOEPING, (Géog.) en latin moderne Norkopia, ville de Suède, dans l'Ostrogothie, entre Sudercoéping & Nicoéping, sur le bord d'un grand étang, qui a sa décharge assez près de cette ville ; & dont les eaux vont se rendre dans le golfe Brawiken.

Le mot de Norkoping veut dire, marché du nord, parce que cette ville est située dans la partie septentrionale de l'Ostrogothie ; elle est à 28 lieues S. O. de Stockholm. Long. 35. 15. lat. 58. 28. (D.J.)

Banck (Laurent) né à Norkoping, & mort en 1662. fut professeur en Jurisprudence à Franeker, après ses voyages en plusieurs pays de l'Europe : on remarque entre ses livres, celui de la taxe de la chancellerie romaine, dont il donna une nouvelle édition. On sait que ce livre fut imprimé à Rome en 1514, à Cologne en 1515, à Paris en 1520 & en 1545 ; à Francfort en 1612, à Bois-le-Duc en 1664 : enfin, on ne sauroit croire combien de fois ce livre singulier a été imprimé depuis. L'inquisition d'Espagne & de Rome l'ont condamné, en supposant que les hérétiques l'avoient corrompue. (D.J.)


NORMALadj. (Géom.) une ligne normale, en Géometrie, est ce que l'on appelle autrement & plus ordinairement une perpendiculaire. Voyez PERPENDICULAIRE.


NORMANDIE(Géog.) belle & grande province de France, avec titre de duché ; c'est l'un de ses plus importans gouvernemens généraux, par sa situation sur la mer océane, dans le voisinage de l'Angleterre au septentrion, & dont elle n'est séparée que par le canal de la Manche. Elle est bornée à l'orient par la Picardie & l'île de France ; au midi, par la Beausse, le Perche & le Maine ; & au couchant, par la Bretagne. Elle a environ 60 lieues du levant au couchant, depuis Aumale jusqu'à Valogne : sa largeur du midi au septentrion, est de trente lieues, depuis Verneuil-sur-l'Aure, jusqu'à la ville d'Eu & Tréport. Son circuit est d'environ 240 lieues, dont la plus grande partie est en côtes de mer ; mais particulierement le Cotantin qui avance dans la mer en maniere de péninsule.

Ce pays du tems des empereurs Romains, faisoit partie de la Gaule celtique ou lyonnoise ; ensuite les Francs ayant conquis les Gaules, ce même pays fit partie du royaume de Neustrie sous les rois Mérovingiens, & sous les Carlovingiens : après le partage fait entre les enfans de Louis le Débonnaire, cette province demeura à Charles le Chauve, roi de la France occidentale ; Charles le Simple son petit-fils, fut obligé de la céder en propriété à Rollon, chef des Normands ou Danois. Les successeurs de ce Rollon furent si puissans, que Guillaume, duc de Normandie, descendit en Angleterre & y fut couronné roi. Enfin, Philippe Auguste se rendit maître de la Normandie l'an 1203 sur Jean-Sans-terre, & la réunit à la couronne. Depuis ce tems-là, quelques-uns des rois de France jusqu'à la fin du quatorzieme siecle, donnerent à leur fils-aîné le titre de duc de Normandie, jusqu'à-ce que celui de Dauphin ait prévalu.

Cette province est une des plus riches, des plus fertiles, & des plus commerçantes du royaume ; elle est aussi celle qui donne le plus de revenu au roi. Il n'y croît presque point de vin, mais on y fait beaucoup de cidre & de poiré. Elle est arrosée de plusieurs rivieres, dont les principales sont l'Orne, la Touque, la Rille, l'Eure, la Dive & la Seine. Les prairies & les pâturages en sont admirables ; la mer y est très-poissonneuse, & le poisson en est excellent.

Il se fait beaucoup de sel blanc dans l'Avranchin, le Cotantin & le Bessin, dont on sale les beurres du pays. Il s'y trouve plusieurs mines de fer, & quelques-unes de cuivre ; les verreries y sont en grand nombre ; son principal commerce consiste en laines, draperies, toiles, pêche, &c.

La Normandie comprend sous la métropole de Rouen, six évêchés ; l'on compte dans ses sept diocèses 80 abbayes, & 4289 paroisses. Les pairies & duchés de cette province qui subsistent, sont Eu ; Aumale, Elbeuf & Harcourt.

Je n'entrerai point dans le gouvernement civil & militaire de ce pays, encore moins dans les détails particuliers ; on a sur tout cela, une description historique & géographique en deux volumes in-4 °. avec figures ; je dirai seulement que c'est la province du royaume qui a produit le plus de gens d'esprit & de goût pour les Sciences. (D.J.)


NORMANDS(Hist. mod.) peuples de la Scandinavie & des bords de la mer Baltique, qui ravagerent la France & l'Angleterre pendant le neuvieme siecle. On les appelloit Normands, hommes du nord, sans distinction, comme nous disons encore en général les corsaires de Barbarie. Voici le récit de leurs incursions d'après l'illustre auteur moderne de l'histoire générale : il me procure sans cesse des tableaux intéressans pour embellir l'Encyclopédie.

Les Normands trop nombreux pour leur pays, n'ayant à cultiver que des terres ingrates, manquant de manufactures, & privés des arts, ne cherchoient qu'à se répandre loin de leur patrie. Le brigandage & la piraterie leur étoient nécessaires, comme le carnage aux bêtes féroces. Dès le quatrieme siecle, ils se mêlerent aux flots des autres barbares qui porterent la désolation jusqu'à Rome & en Afrique.

Charlemagne prévit avec douleur les descentes que ces peuples feroient un jour, & les ravages qu'ils exerceroient ; il songea à les prévenir. Il fit construire des vaisseaux qui resteroient toujours armés & équipés ; il forma à Boulogne un des principaux établissemens de sa marine, & il y releva l'ancien phare qui avoit été détruit par le tems : mais il mourut, & laissa dans la personne de Louis le Débonnaire un successeur qui n'hérita pas de son génie ; il s'occupa trop de la réforme de l'église, peu du gouvernement de son état, s'attira la haine des ecclésiastiques, & perdit l'estime de ses sujets. A peine fut-il monté sur le trône en 814, que les Normands commencerent leurs courses. Les forêts dont leur pays étoit hérissé, leur fournissoit assez de bois pour construire leurs barques à deux voiles & à rames. Environ cent hommes tenoient dans ces bâtimens, avec leurs provisions de biere, de biscuit de mer, de fromage & de viande salée. Ils côtoyoient les terres, descendoient où ils ne trouvoient point de résistance, & retournoient chez eux avec leur butin, qu'ils partageoient ensuite selon les lois du brigandage, ainsi qu'il se pratique en Barbarie.

Dès l'an 843, ils entrerent en France par l'embouchure de la riviere de Seine, & mirent la ville de Rouen au pillage. Une autre flotte entra par la Loire, & dévasta tout jusqu'en Touraine ; ils emmenoient en esclavage les hommes, ils partageoient entr'eux les femmes & les filles, prenant jusqu'aux enfans pour les élever dans leur métier de pirates. Les bestiaux, les meubles, tout étoit emporté. Ils vendoient quelquefois sur une côte ce qu'ils avoient pillé sur l'autre. Leurs premiers gains exciterent la cupidité de leurs compatriotes indigens. Les habitans des côtes germaniques & gauloises se joignirent à eux, ainsi que tant de renégats de Provence & de Sicile ont servi sur les vaisseaux d'Alger.

En 844, ils couvrirent la mer de navires ; on les vit descendre presqu'à-la-fois en Angleterre, en France & en Espagne. Il faut que le gouvernement des François & des Anglois fût moins bon que celui des Mahométans qui regnoient en Espagne ; car il n'y eut nulle mesure prise par les François ni par les Anglois pour empêcher ces irruptions ; mais en Espagne les Arabes garderent leurs côtes, & repousserent enfin les pirates.

En 845 les Normands pillerent Hambourg, & pénétrerent avant dans l'Allemagne. Ce n'étoit plus alors un ramas de corsaires sans ordre : c'étoit une flotte de 600 bateaux qui portoit une armée formidable. Un roi de Danemark, nommé Eric, étoit à leur tête. Il gagna deux batailles avant que de se rembarquer. Ce roi des pirates, après être retourné chez lui avec les dépouilles allemandes, envoie en France un des chefs des corsaires, à qui les historiens donnent le nom de Regnier. Il remonte la Seine avec 120 voiles, pille Rouen une seconde fois, & vient jusqu'à Paris. Dans de pareilles invasions, quand la foiblesse du gouvernement n'a pourvu à rien, de la terreur du peuple augmente le péril, & le plus grand nombre fuit devant le plus petit. Les parisiens qui se défendirent dans d'autres tems avec tant de courage abandonnerent alors leur ville, & les Normands n'y trouverent que des maisons de bois qu'ils brûlerent. Le malheureux roi Charles le Chauve, retranché à Saint-Denis avec peu de troupes, au lieu de s'opposer à ces barbares, acheta de 10 mille 500 marcs d'argent (qui reviendroient à 525 mille livres de notre monnoie, à 50 livres le marc), la retraite qu'ils daignerent faire. On lit avec pitié dans nos auteurs, que plusieurs de ces barbares furent punis de mort subite pour avoir pillé l'église de S. Germain-des-Prez ; ni les peuples, ni leurs saints ne se défendirent : mais les vaincus se donnent toujours la honteuse consolation de supposer des miracles opérés contre leurs vainqueurs. Mais il est vrai que les excès auxquels ils se livrerent, leur causerent la dyssenterie & autres maladies contagieuses.

Charles le Chauve en achetant ainsi la paix ne faisoit que donner à ces pirates de nouveaux moyens de faire la guerre, & s'ôter celui de la soutenir. Les Normands se servirent de cet argent pour aller assiéger Bourdeaux, qu'ils pillerent ; pour comble d'humiliation & d'horreur, un descendant de Charlemagne, Pepin roi d'Aquitaine, n'ayant pû leur résister, s'unit avec eux, & alors la France vers l'an 858, fut entierement ravagée. En un mot, les Normands fortifiés de tout ce qui se joignit à eux, désolerent l'Allemagne, la Flandre & l'Angleterre. Nous avons vu dans ces derniers tems des armées de cent mille hommes pouvoir à peine prendre deux villes après des victoires signalées ; tant l'art de fortifier les places, & de préparer des ressources a été perfectionné. Mais alors des barbares combattant d'autres barbares désunis, ne trouvoient après le premier succès presque rien qui arrêtât leurs courses. Vaincus quelquefois, ils reparoissoient avec de nouvelles forces.

J'ai dit que les Normands désolerent l'Angleterre. On prétend qu'en 852, ils remonterent la Tamise avec trois cent voiles. Les Anglois ne se défendirent guere mieux que les Francs. Ils payerent, comme eux, leurs vainqueurs. Un roi nommé Ethelbert, suivit le malheureux exemple de Charles le Chauve. Il donna de l'argent ; la même faute eut la même punition. Les pirates se servirent de cet argent pour mieux subjuguer le pays. Ils conquirent la moitié de l'Angleterre. Il falloit que les Anglois, nés courageux, & défendus par leur situation, eussent dans leur gouvernement des vices bien essentiels, puisqu'ils furent toujours assujettis par des peuples qui ne devoient pas aborder impunément chez eux. Ce qu'on raconte des horribles dévastations qui désolerent cette île, surpasse encore ce qu'on vient de voir en France. Il y a des tems où la terre entiere n'est qu'un théâtre de carnage ; & ces tems sont trop fréquens. Enfin Alfred monta sur le trône en 872, battit les Danois, fut négocier comme combattre, & se fit reconnoître unanimement pour roi par les mêmes Danois qu'il avoit vaincus.

Godefroi, roi de Danemark, à qui Charles le Gros ceda enfin une partie de la Hollande en 882, pénétra de la Hollande en Flandre ; les Normands passerent de la Somme à la Loire sans résistance, & arriverent par eau & par terre devant Paris en 885.

Les parisiens qui pour lors s'attendoient à l'irruption des barbares, n'abandonnerent point la ville comme autrefois. Le comte de Paris, Odon ou Eudes, que sa valeur éleva depuis sur le trône de France, mit dans la ville un ordre qui anima les courages, & qui leur tint lieu de tours & de remparts. Sigefroy chef des Normands, pressa le siege avec une fureur opiniâtre, mais non destituée d'art. Les Normands se servirent du bélier pour battre les murs ; ils firent breche & donnerent trois assauts. Les parisiens les soutinrent avec un courage inébranlable. Ils avoient à leur tête non-seulement le comte Eudes mais encore leur évêque Goslin, qui chaque jour, après avoir donné la bénédiction à son peuple, se mettoit sur la brêche, le casque en tête, un carquois sur le dos & une hache à la ceinture, & ayant planté la croix sur le rempart, combattoit à sa vue. Il paroît que cet évêque avoit dans la ville autant d'autorité pour le moins que le comte Eudes, puisque ce fut à lui que Sigefroy s'étoit d'abord adressé pour entrer par sa permission dans Paris. Ce prélat mourut de ses fatigues au milieu du siege, laissant une mémoire respectable & chere ; car s'il arma des mains que la religion réservoit seulement au ministere de l'autel, il les arma pour cet autel même & pour ses citoyens, dans la cause la plus juste & pour la défense la plus nécessaire, qui est toujours au-dessus des lois. Ses confreres ne s'étoient armés que dans des guerres civiles, & contre des chrétiens. Peut-être, ajoute M. de Voltaire, si l'apothéose est dûe à quelques hommes, eût-il mieux valu mettre dans le ciel ce prélat qui combattit & mourut pour son pays, que tant d'hommes obscurs dont la vertu, s'ils en ont eu, a été pour le moins inutile au monde.

Les Normands tinrent la ville assiégée une année & demie ; les parisiens éprouverent toutes les horreurs qu'entraînent dans un long siege la famine & la contagion qui en sont les suites, & ne furent point ébranlés. Au bout de ce tems, l'empereur Charles le Gros, roi de France, parut enfin à leur secours sur le mont de Mars, qu'on appelle aujourd'hui Montmartre ; mais il n'osa point attaquer les Normands : il ne vint que pour acheter encore une treve honteuse. Ces barbares quitterent Paris pour aller assiéger Sens & piller la Bourgogne, tandis que Charles alla dans Mayence assembler ce parlement, qui lui ôta un trône dont il étoit si peu digne.

Les Normands dans leurs dévastations ne forcerent personne à renoncer au Christianisme. Ils étoient à-peu-près tels que les Francs, les Goths, les Alains, les Huns, les Hérules qui, en cherchant au jv. siecle de nouvelles terres, loin d'imposer une religion aux Romains, s'accommodoient aisément de la leur : ainsi les Turcs, en pillant l'empire des Califes, se sont soumis à la religion mahométane.

Enfin Rollon ou Raoul, le plus illustre de ces brigands du nord, après avoir été chassé du Danemark, ayant rassemblé en Scandinavie tous ceux qui voulurent s'attacher à sa fortune, tenta de nouvelles aventures, & fonda l'espérance de sa grandeur sur la foiblesse de l'Europe. Il aborda d'abord en Angleterre, où ses compatriotes étoient déja établis ; mais après deux victoires inutiles, il tourna du côté de la France, que d'autres Normands avoient ruinée, mais qu'ils ne savoient pas asservir.

Rollon fut le seul de ces barbares qui cessa d'en mériter le nom, en cherchant un établissement fixe. Maître de Rouen, au lieu de la détruire, il en fit relever les murailles & les tours. Rouen devint sa place d'armes ; de-là il voloit tantôt en Angleterre, tantôt en France, faisant la guerre avec politique comme avec fureur. La France étoit expirante sous le regne de Charles le Simple, roi de nom, & dont la monarchie étoit encore plus démembrée par les ducs, par les comtes & par les barons ses sujets, que par les Normands. Charles le Simple offrit en 912 à Rollon sa fille & des provinces.

Rollon demanda d'abord la Normandie : & on fut trop heureux de la lui céder. Il demanda ensuite la Bretagne : on disputa ; mais il fallut la ceder encore, avec des clauses que le plus fort explique toujours à son avantage. Ainsi la Bretagne, qui étoit tout-à-l'heure un royaume, devint un fief de Neustrie ; & la Neustrie, qu'on s'accoutuma bien-tôt à nommer Normandie, du nom de ses usurpateurs, fut un état séparé, dont les ducs rendoient un vain hommage à la couronne de France.

L'archevêque de Rouen n'eut pas de peine à persuader à Rollon de se faire chrétien : ce prince embrassa volontiers une religion qui affermissoit sa puissance.

Les véritables conquérans sont ceux qui savent faire des lois. Leur puissance est stable ; les autres sont des torrens qui passent. Rollon paisible, fut le seul législateur de son tems dans le continent chrétien. On sait avec quelle inflexibilité il rendit la justice. Il abolit le vol chez les Danois, qui n'avoient jusqu'alors vécu que de rapine. Long-tems après lui, son nom prononcé étoit un ordre aux officiers de justice d'accourir pour réprimer la violence : & delà, dit-on, est venu cet usage de la clameur de haro si connue en Normandie. Le sang des Danois & des Francs mêlé ensemble, produisit ensuite dans ce pays ces héros qu'on vit conquérir l'Angleterre, Naples & Sicile.

Le lecteur curieux trouvera dans le recueil de l'académie des belles-Lettres, tome XV. & XVII. in -4°. de plus grands détails sur les incursions des Normands en France, & ce qui est plus important, sur les causes de la facilité qu'ils rencontrerent à la ravager. (D.J.)


NORRKA(Hist. nat. Minéralogie) c'est le nom que les Suédois donnent à une pierre composée de mica, de quartz & de grenat, c'est-à-dire de schoerl. Cette pierre est d'un gris plus ou moins foncé, & les grains de grenats ou de schoerl qui entrent dans sa composition sont plus ou moins sensibles à la vue ; on en fait des meules pour les moulins. Il paroît que cette pierre est une variété de celles à qui en françois on donne le nom générique de granite. Voyez l'essai d'une nouvelle Minéralogie publiée en suédois en 1730. (-)


NORTGAou NORTGOW, (Géog.) contrée d'Allemagne, aujourd'hui nommée communément le haut-palatinat du Rhin, ou le palatinat de Baviere, en allemand Oberfaltz. Le nom Nortgaw ou Nortgow n'est plus d'usage.


NORTHAMPTON(Géog.) ville d'Angleterre, capitale de Northamptonshire, avec titre de comté. Elle fut brûlée en 1695, mais on la rebâtit plus belle qu'auparavant. Elle est presqu'au centre de l'Angleterre, sur le Neu, à 45 milles N. O. de Londres. Long. 16. 40. lat. 52. 12.

Parker (Samuel) naquit dans cette ville en 1640, fut nommé évêque d'Oxford par le roi Jacques II, & mourut en 1686. C'étoit un rigide anglican qui portoit extrêmement haut l'autorité du souverain. Ses ouvrages en général sont pleins d'imagination & de plaisanteries peu convenables dans des matieres sérieuses. Dans un de ses discours sur la croyance des Apôtres, que le regne de Jesus-Christ seroit temporel, il s'exprime en ces termes : " S. Jean étoit trop en faveur pour ne pas se flatter de devenir au moins premier secrétaire d'état. Les femmes comptoient aussi de n'avoir pas peu de part au gouvernement, comme il paroît par la femme du vieux Zébédée. Les uns se proposoient de rester à la cour, & les autres visoient aux intendances de province. Celui-ci comptoit d'avoir la Judée, & celui-là la Galilée, après qu'Hérode & Pilate seroient dépouillés de leur charge ; & le modeste de la troupe bornoit apparemment son ambition à devenir lord-maire de Capernaüm ".

Woolston (Thomas) né à Northampton en 1669, employa malheureusement son savoir & son esprit à attaquer les principes de la foi. Il est fameux par ses six discours sur les miracles de Jesus-Christ, qu'il s'est efforcé de détruire, en les faisant envisager comme de pures allégories. La cour du banc du roi le condamna en 1729, à l'amende de 25 livres sterling pour chaque discours, un an de prison, & à donner caution de sa bonne conduite à l'avenir : mais n'ayant point satisfait à cette Sentence, & ayant au contraire mis au jour une défense de ses discours, étant en prison, il y mourut en 1733, à 63 ans, du rhume épidémique qui courut cette année dans presque toute l'Europe.

Les savans qui ont le mieux réfuté les ouvrages de Woolston, sont M. Gibson, évêque de Londres ; M. Swalbrook, évêque de Lichfield & de Coventry ; M. Sherlock, évêque de Bangor, & le docteur Wade. (D.J.)


NORTHAMPTONSHIRE(Géogr.) province maritime d'Angleterre, dans le diocese de Peterboroug. Elle a 120 milles de tour, & contient environ 550 mille arpens. C'est une des meilleures provinces d'Angleterre, des plus peuplées & des plus fertiles. Elle abonde en blé & en bétail. Ses principales rivieres sont l'Ouse, le Wéland & le Neu, qui ont toutes trois leur source dans ce comté. Northampton en est la capitale.

Entre les illustres savans qu'a produit cette province, je ne dois pas oublier de nommer Mrs. Freind, Wilkins & Whitby.

Freind (Jean) naquit en 1675, & fut tout ensemble habile médecin, écrivain poli, & homme d'état. Tous ses ouvrages ont été rassemblés à Londres en 1733, in-folio. Il mourut dans cette capitale en 1728, premier médecin de la reine d'Angleterre, à l'âge de 53 ans, pour avoir pris une triple dose d'hiera picra Galeni, impatient de la durée d'une fievre simple qu'il voulut trop tôt guérir, n'ayant pas le tems d'être malade.

Withby (Daniel) naquit vers l'an 1638, & fut un fameux théologien de l'église anglicane. Ses deux principaux ouvrages sont des Commentaires sur le nouveau Testament, en 2 vol. in-fol. & son Examen des Variantes du docteur Mill. Il mourut en 1726, à 88 ans.

Wilkins (Jean) évêque de Chester, naquit en 1613. Il épousa la soeur de Cromwel en 1656, & laissa de son mariage une fille qui devint la femme de Tillotson archevêque de Cantorbery, & l'un des plus dignes prélats du monde. M. Wilkins est illustre par ses vertus, par ses talens pour la prédication, par ses lumieres en Théologie, & dans plusieurs parties des Mathématiques. C'est chez lui que se tinrent les premieres assemblées de la société royale. Ses sermons, son traité de la providence & de la priere, ses deux livres sur les devoirs & sur les principes de la religion naturelle, &c. se réimpriment toujours. Ses oeuvres philosophiques ont été recueillies en 1708 in -4°. & on y a mis à la tête la vie de l'auteur. Il mourut de la pierre en 1672. (D.J.)


NORTHEIM(Géog.) ville d'Allemagne, au duché de Brunswick-Lunebourg. Elle a reçu son nom des comtes de Northeim, du domaine desquels elle a autrefois fait partie. La religion protestante s'établit dans cette ville l'an 1539. Elle est située entre les rivieres de Rhume & de Leina, Long. 27. 45. lat. 51. 42. (D.J.)


NORTHUMBERLAND(Géog.) province maritime & septentrionale d'Angleterre, dans le diocèse de Durham, & qui confine à l'Ecosse. Elle a 143 milles de tour, & contient environ un million 370 mille arpens. Elle est fertile en mines de charbon & de plomb. Sa ville capitale est Newcastle.

Il faut bien que je dise un mot de Jean Scot ou plutôt de Jean Duns ; puisque selon la plûpart des historiens, il étoit natif de Douston, dans le Northumberland, quoique d'autres lui donnent pour lieu de sa naissance le village de Duns, en Ecosse, sur la frontiere d'Angleterre ; opinion que son nom rend la plus vraisemblable, & que le surnom de scot, qui veut dire écossois, confirme encore.

Quoi qu'il en soit, il étoit né vers la fin du xiij. siecle, & mourut à Cologne au commencement du xiv. en 1308. Il entra fort jeune dans le couvent des freres Mineurs de Newcastle, en Angleterre ; fit ses études, & professa la Théologie à Oxford. Il vint ensuite à Paris, y prit des degrés, & fit des leçons publiques de Philosophie & de Théologie.

La subtilité de son esprit qui lui fournit les moyens d'établir le contraire de ce que S. Thomas-d'Aquin avoit soutenu dans les choses qui n'intéressent point la Foi, lui fit donner le nom de docteur subtil. Il dut celui de docteur très-résolutif à la hardiesse avec laquelle il avançoit continuellement des sentimens nouveaux, qu'il n'étoit jamais embarrassé de soutenir. Il faut convenir qu'il trouvoit pour cela de grands secours dans toutes ces ergoteries qu'il emprunta des nominaux, & qu'il se rendit propres par l'usage qu'il en fit.

Quoiqu'il soit mort à l'âge de 33 ou 34 ans, il n'a pas laissé d'écrire un grand nombre d'ouvrages, dont l'édition complete faite à Lyon en 1639. est en 12 volumes in-fol. Il n'est pas possible d'en lire douze pages ; car qui peut entendre un jargon qui consiste en formalités, matérialités, entités, identités, virtualités, eccéités, & mille autres termes barbares, nés du cerveau du docteur subtil.

On le regarde communément comme l'auteur de la pieuse opinion de l'immaculée conception de la Vierge. Il paroît du moins certain qu'il est le premier qui l'ait enseignée publiquement dans l'université de Paris. (D.J.)


NORTHUMBRIE(Géog.) C'est ainsi qu'on appelloit, par exemple du tems d'Alfred, le pays qui étoit au nord de la riviere d'Humber, jusqu'à la muraille de Graham, qui alloit du trith de Dumbarton jusqu'au Forth. Tout ce pays-là composoit l'ancien royaume des Northumbriens, & se divisoit en deux parties ; la Decrie & la Bernicie. La premiere s'étendoit de l'Humber à la Tyn, & la seconde de la Tyn à la muraille.


NORTWICH(Géog.) petite ville, à marché, d'Angleterre, dans le Chesshire, située sur la riviere de Weever, & remarquable par ses mines de sel.


NORWEGETERRE ROUGE DE, (Hist. nat.) espece de terre bolaire, d'un rouge jaunâtre, qui se trouve près de Berghen, en Norwege ; elle n'est point onctueuse, est très-légere, ce qui doit faire soupçonner qu'elle est calcaire. On la regarde comme un absorbant & alexipharmaque. Wormius l'appelle terra anti-scorbutica.

On appelle pierre de Norwege une espece de marbre rouge qui vient de Suede. Voyez OCLAND, MARBRE D '.


NORWEGUE(Géog.) Les François disent & écrivent Norwège ou Norvège, royaume d'Europe, dans la Scandinavie, entre la Suede & la mer, sur laquelle il est panché en forme d'une côte de baleine. Il s'étend du midi au nord, depuis le 59e degr. jusqu'au 72e. de latit. & depuis le 26e. degr. jusqu'au 52e. de longit. On lui donne environ 400 lieues de côtes, & 75 de largeur.

Son nom est formé de nord & de weg, chemin du nord ; & il a reçu vraisemblablement ce nom de sa situation vers le pole arctique. Les Latins l'ont nommé Nortmannia, du nom de ses peuples connus sous celui de Normanni qui signifie hommes du nord. Les anciens l'ont appellé Nerigon. Les Sithons qui l'habiterent originairement, ont longtems vécu sans lois & sans religion.

Les historiens font commencer la succession chronologique des rois de Norwegue vers le milieu du x. siecle, par Harald ; & plusieurs continuent cette succession jusqu'en 1387, que ce royaume fut incorporé à celui de Danemarck. Il est gouverné par un vice-roi qui a un pouvoir absolu, & qui réside à Berghen capitale du royaume.

Le froid est extrême en Norwegue, & le terrein infertile, sablonneux, plein de cailloux ; outre que les rochers, les bois, & les montagnes en occupent la plus grande partie ; tout ce qu'on en peut tirer, & qui fait tout le commerce de la Norwegue, consiste en mâts de vaisseaux, en poix, en goudron, en fourrures, & en poisson salé.

La stérilité qui rend les pays méprisables, servit autrefois à la gloire de celui-ci ; puisqu'elle fut la cause des fameuses irruptions de la plûpart de ses habitans sur les côtes de la Frise & des îles britanniques, & comme la base de leurs conquêtes & de leur établissement dans une des meilleures provinces de France : à quoi on peut ajouter le grand nom que leurs descendans se sont fait en Europe, sous celui de Normands, par leurs exploits en Angleterre, en France, & jusque dans l'Italie & dans la Grece.

Aujourd'hui les habitans de Norwegue passent pour être forts, vigoureux, grossiers & bons matelots. Les Lapons qui habitent la partie la plus septentrionale de ce royaume, & par conséquent du continent de l'Europe, sont petits, mal-faits & à demi-sauvages.

Le roi Olaüs, surnommé le saint, y établit le Christianisme dans le xj. siecle, par la force & la violence ; & quel christianisme encore, mêlé de superstition & d'ignorance barbare ! Enfin on reçut la religion luthérienne dans la Norwegue en 1525.

On divise ce royaume en Norwegue propre, & en ses dépendances. La Norwegue propre comprend quatre gouvernemens généraux ; qui sont celui d'Aggérhus, de Berghen, de Drontheim, & de Wardhus. Les dépendances de la Norwegue sont l'Islande & l'île de Fero. Long. 26. 52. lat. 59. 72. (D.J.)


NORWICH(Géog.) ville d'Angleterre, capitale de la province de Norfolck, avec un évêché suffragant de Cantorbery. Il y a une manufacture d'étoffes qui la rend très-florissante. Elle est au centre de la province, au confluent du Winsder & de la Yare, à 16 lieues N. E. de Cambridge, 23. S. E. de Lincoln, 30 N. E. de Londres. Long. selon Street, 19. 45. 55. lat. 52. 44. (D.J.)


NOSOLOGIE(Médec. Patholog.) partie de la Pathologie, qui comme son nom l'indique, est particulierement employée à disserter sur la maladie en général, abstraction faite des symptomes & des causes. Voyez PATHOLOGIE. Ce mot est formé de deux mots grecs, maladie & discours. On ne peut connoître & classer les maladies que par les symptomes ; le genre de connoissance qu'on acquiert par les causes, est toujours incertain, parce qu'il est fondé sur les raisonnemens qui varient autant qu'il y a d'êtres raisonneurs. Nous croyons donc qu'on doit confondre la nosologie avec la symptomatologie. Voyez ce mot & PATHOLOGIE ; & dans la division des maladies éviter de tirer ses signes caractéristiques de la cause, du siege, de la durée, du nom, des sujets, &c. qui peuvent changer, sans que la maladie cesse d'être la même, pour n'avoir égard qu'au concours, à la multiplicité, à l'ordre & à la marche des symptomes ; semblables au naturaliste qui se tromperoit grossierement, s'il vouloit fonder un système & des classes de Botanique sur la texture intime des plantes, qu'on ne découvre qu'à l'aide d'un microscope, & que souvent on imagine, sur le lieu, le pays de leur naissance, sur leur durée plus ou moins longue, &c. Il ne peut proposer une méthode solide & facile à saisir que sur la forme apparente des fruits, des fleurs ou des feuilles ; l'aspect varié & constant des phénomenes ou symptomes frappe seul les yeux du nosologiste, il ne voit que rarement la partie qu'on croit le siege du mal, & les causes éloignées, & jamais la cause prochaine. C'est en suivant la marche que Newton indique au physicien, en passant de l'analyse à la synthèse, en remontant des effets connus par l'observation aux causes, en pénétrant des choses connues aux inconnues, des faits constatés à ceux qui sont incertains, qu'on vient à bout de former & d'affermir la chaîne des connoissances humaines.

Cette façon de procéder présentée par Félix Plater, recommandée & louée par Sydenham, Nenter & Baglivi, suivie par Morton, Musgrave, a été adoptée nommément par l'illustre auteur de la Pathologie méthodique dans la disposition de ses classes de maladie auxquelles nous renvoyons le lecteur, & à l'article MALADIE de ce Dictionnaire, où l'on a donné un extrait de cet excellent Ouvrage.


NOSTOCHS. m. (Botan.) espece de mousse membraneuse, un peu onctueuse, d'un verd pâle, insipide au goût. Cette mousse croît & s'étend le long des prés & de leurs bords herbeux ; elle se montre sur-tout au soleil levant dans l'équinoxe du printems, & celui de l'autonne, après les pluies ; bien-tôt après elle se séche.

Le nom bizarre de nostoch lui vient de Paracelse, qui la regardoit comme une vapeur subtile, exhalée du coeur de la terre, & qui s'épaississoit sur la surface par la chaleur de l'air ; mais le nostoch n'a point cette origine, c'est un corps herbacé, d'une figure irréguliere, d'un verd brun, un peu transparent, & tremblant au toucher comme une gelée ; ce corps ne se fond cependant pas entre les doigts, on a quelque peine à le déchirer comme si c'étoit une feuille, & néanmoins on n'y voit ni fibres, ni nervures. On le trouve sur divers terreins, mais principalement sur des sables, sur des allées de jardin, & après de grandes pluies d'été. Il se conserve tant que le tems est humide, se desseche & périt par le vent & le soleil.

On n'a pas soupçonné d'abord que ce pût être une plante. Il venoit subitement par une espece de miracle, ou de la terre ou même du ciel ; on l'appelloit flos terrae, flos coeli, coelifolium ; & il a tiré de l'obscurité de son origine cet avantage, qu'on a cru qu'il contenoit l'esprit universel destiné à la transmutation des métaux en or. M. Magnol de Montpellier & M. de Tournefort ont été les premiers qui ont osé le ranger parmi les plantes. M. de Reaumur en a un peu plus approfondi le caractere. Il a trouvé que le nostoch est une feuille qui boit très-avidement l'eau ; quand elle s'en est abreuvée, elle paroît dans son état naturel ; hors de-là, elle se plisse, se chiffonne ; de-là vient qu'elle semble naître subitement, & presque miraculeusement après la pluie.

M. Geoffroi avoit cru y remarquer des racines, M. de Reaumur s'est assuré qu'il n'en a point. Ayant observé sur la surface de quelques nostochs, en certains tems, une infinité de petits grains ronds de différentes grosseurs, qu'il soupçonna pouvoir être la semence de la plante, il en sema dans des vases, & en effet les graines leverent, mais jamais il ne vit nulle apparence de racines aux petits nostochs qu'il en tiroit ; il a remis dans le vase ces feuilles naissantes, qui étoient la plante entiere, du côté opposé à celui où elles étoient d'abord, & d'où seroient sorties leurs racines, mais elles n'en végétoient pas plus mal, du-moins ne périssoient-elles pas.

Si le nostoch est sans racines, il végete donc à la maniere des plantes maritimes qui n'en ont point, & qui s'imbibent, par tous les pores de leur substance, d'une eau qui les nourrit. Ces plantes-là n'en manquent jamais, au lieu que le nostoch en manque souvent ; & apparemment il ne croît que dans les tems où il est suffisamment abreuvé, & croît toujours à chaque fois qu'il l'est. M. de Reaumur prétend avoir observé qu'il peut croître au-moins pendant un an : cette observation est bien douteuse ; ce qui est sûr, c'est que quelquefois le nostoch ne paroît que comme une feuille applatie, & d'autres fois cette feuille est frisée & goudronnée. Il est bien singulier que nous ne sachions rien de plus sur le nostoch ; & qu'après avoir débité tant de fausses merveilles de ses vertus, on soit venu jusqu'à ne le plus regarder. (D.J.)


NOTAS. m. (Commerce) terme latin dont on se sert souvent dans le Commerce. Il signifie une observation, une remarque qu'il faut faire aux endroits d'un compte, d'un registre, d'un journal, d'un mémoire, d'une facture, &c. où l'on voit écrit en marge le mot nota, comme quand un article a été mal porté, une somme tirée autrement qu'il ne faut, un endroit obscur & mal exprimé, ou quelqu'autre défaut ou faute qu'on veut faire corriger.

On met aussi quelquefois le nota pour obliger à faire attention aux choses qu'on croit importantes, & dont on veut se souvenir. Dictionnaire de Commerce.


NOTABLECONSIDÉRABLE, DE QUELQUE CONSIDÉRATION, (Hist. mod.) En Angleterre, lorsque quelqu'un laisse en mourant, hors du diocèse où il meurt, des biens meubles ou immeubles montans au-moins à la valeur de cinq livres, ce qui s'appelle un bien notable, ce n'est point à l'évêque dans le diocèse duquel il est mort qu'appartient la vérification du testament, attendu qu'il ne peut pas étendre sa jurisdiction hors des limites de son diocèse, mais à l'archevêque de la province. Voyez VERIFICATION.


NOTAIRES. m. (Jurisprudence) en latin notarius, libellio, tabellarius, tabellio, amanuensis, actuarius, scriba, &c. est un officier dépositaire de la foi publique, qui garde les notes & minutes des actes que les parties passent devant lui.

Le titre de notaire étoit inconnu chez les Juifs & chez plusieurs autres peuples de l'antiquité. La plûpart des conventions n'étoient alors que verbales, & l'on en faisoit la preuve par témoins ; ou si l'on rédigeoit le contrat par écrit, il ne tiroit ordinairement son authenticité que de la signature ou sceau des parties, & de la présence d'un certain nombre de témoins qui, pour plus de sûreté, apposoient aussi leurs sceaux.

Il y avoit pourtant certains actes qui étoient reçus par un scribe ou écrivain public, ou qui étoient cachetés du sceau public.

La loi de Moïse n'avoit ordonné l'écriture que pour l'acte de divorce, lequel, suivant saint Augustin, liv. XIX. ch. xxvj. contre Faustus, devoit être écrit par un scribe ou écrivain public.

Il est parlé dans Jérémie, ch. xxxij. . 10. d'un contrat de vente qui fut fait double, l'un qui demeura ouvert, l'autre qui fut plié, cacheté & scellé, puis remis entre les mains d'un tiers en présence de témoins ; ce double, suivant Vatable, tenoit lieu d'original, & étoit cacheté du sceau public, annulo publico. Vatable ajoute que quand il y avoit contestation en justice pour raison d'un tel acte, les juges n'avoient égard qu'à celui qui étoit cacheté ; qu'au reste on ne se servoit point de tabellions en ce tems-là, mais que les contractans écrivoient eux-mêmes le contrat & le signoient avec les témoins. Il dit pourtant ensuite que quelquefois on se servoit d'écrivains ou tabellions publics ; & c'est ainsi qu'il explique ce passage : lingua mea calamus scribae velociter scribentis.

Les scribes chez les Juifs étoient de trois sortes : les uns, qu'on appelloit scribes de la loi, écrivoient & interprétoient l'Ecriture ; d'autres, que l'on appelloit scribes du peuple, étoient de même que chez les Grecs une certaine classe de magistrature ; d'autres enfin, dont la fonction avoit un peu plus de rapport à celle de notaires, étoient proprement les greffiers ou secrétaires du conseil, lesquels tenoient lieu de notaires en ce qu'ils recevoient & cachetoient les actes qui devoient être munis du sceau public.

Aristote, liv. VI. de ses polit. ch. viij. faisant le dénombrement des officiers nécessaires à une cité, y met celui qui reçoit les sentences & contrats dont il ne fait qu'un seul & même office ; il convient néanmoins qu'en quelques républiques ces offices sont séparés, mais il les considere toujours comme n'ayant qu'un même pouvoir & autorité.

Les Athéniens passoient aussi quelquefois leurs contrats devant des personnes publiques que l'on appelloit comme à Rome argentarii ; c'étoient des banquiers & changeurs qui faisoient trafic d'argent, & en même tems se mêloient de négocier les affaires des particuliers.

Chez les Romains, ceux à qui ces argentiers faisoient prêter de l'argent, reconnoissoient avoir reçu la somme, quoiqu'elle ne leur eût pas encore été payée, comptée & délivrée ; ils écrivoient le nom du créancier & du débiteur sur leur livre qui s'appelloit kalendarium, lequel étoit public & faisoit foi en justice, & cette simple inscription sur ce livre étoit ce qu'ils appelloient litterarum seu nominum obligatio.

Cette façon de contracter avoit cessé d'être en usage dès le tems de Justinien, comme il est marqué au commencement du titre 22. des institutes de litter. oblig.

Ils étoient obligés de communiquer ces livres à tous ceux qui y avoient intérêt, parce que leur ministere étoit public, comme le remarque M. Cujas ; & s'ils le refusoient, on les y contraignoit actione in factum praetoriâ, qui avoit été introduite spécialement contr'eux à cet effet, comme dit M. Colombet en ses paratitles ff. de edendo. M. Cujas, ad leg. XL. ad. leg. aquil. lib. III. Pauli ad edict. dit que si, faute par l'argentier de représenter ses livres, quelqu'un perdoit son procès, l'argentier étoit tenu de l'indemniser du principal & des frais, mais l'argentier n'étoit tenu de montrer à chacun que l'endroit de son registre qui le concernoit, & non pas tout le registre entier.

Tout ce qui vient d'être dit avoit lieu aussi contre les héritiers quoiqu'ils ne fussent pas argentiers, sur quoi il faut voir au digeste le titre de edendo, & la novelle 136. de argentarii contractibus.

La forme requise dans ces livres étoit que le jour & le consulat, c'est-à-dire, l'année où l'affaire s'étoit faite y fut marquée.

Ceux qui avoient remis leur argent en dépôt avoient un privilege sur les biens des argentiers, mais il n'y avoit point de semblable privilege pour ceux qui avoient donné leur argent, afin qu'on le fît profiter & pour en tirer intérêt, comme il est décidé dans la loi si ventri ff. de rebus autorit. jud. possid.

Pancirol. var. quaest. lib. I. ch. xxxj. prétend que si on ajoutoit foi à leurs registres, ce n'étoit pas comme Accurse a prétendu parce qu'ils étoient choisis & nommés par le peuple, mais parce que leur fonction étoit d'elle-même toute publique, & ob publicam causam, étant d'ailleurs permis à tout le monde de l'exercer.

Everhard, de fide instrum. cap. j. n. 34. prétend au contraire qu'il y avoit deux sortes d'argentiers, les uns établis par la ville en certain lieu où chacun pouvoit sûrement porter son argent, d'autres qui faisoient commerce de leur argent pour leur compte. Il y a apparence que les premiers étoient les seuls dont ces registres fissent une foi pleine & entiere, ceux-là étant les seuls qui fussent vraiment officiers publics.

Les argentiers pouvoient exercer leur commerce par leurs enfans & même par leurs esclaves ; ceux-ci pouvoient aussi exercer en leur nom jusqu'à concurrence de leur pécule, mais les femmes n'y étoient pas reçues.

Il paroît au surplus que les argentiers ne recevoient pas indifféremment toutes sortes de contrats, mais seulement ceux qui se faisoient pour prêt de part ou autre négociation d'argent.

En effet, il y avoit chez les Romains, outre les argentiers, plusieurs autres personnes qui recevoient les contrats & autres actes publics ; savoir, des notaires, tabellions, & autres personnes.

Les fonctions des notaires & tabellions ont tant de connexité avec celles de greffier, que dans les lois romaines ces termes scribae & tabularii sont communément joints ensemble, comme on voit au code de tabulariis, scribis & logographis ; & quoique dans l'usage le terme de scriba se prenne ordinairement pour greffier, & tabularius pour tabellion, il est néanmoins certain que dans les anciens textes le terme de scriba comprend aussi tous les praticiens en général, & particulierement les tabellions aussi-bien que les greffiers, témoin la vingt-unieme épître de Cassiodore, lib. XII. variar. écrite au scribe de Ravenne, où l'on voit qu'il étoit à-la-fois greffier & tabellion : aussi dans le vetus glossarium, tabularius sive tabellio dicitur scriba publicus ; le terme de tabularius est aussi souvent pris pour greffier.

Pour ce qui est de la qualité de notaire, elle étoit commune chez les Romains à tous ceux qui écrivoient sous autrui, soit les sentences, soit les contrats, suivant ce que dit Lampride dans la vie d'Alexandre Severe, où il rapporte qu'un notaire, notarium, qui avoit falsifié un jugement rendu dans le conseil de l'empereur, fut banni après avoir eu les nerfs des doigts coupés, afin qu'il ne pût jamais écrire.

Loyseau tient que par le terme de notaire on entendoit proprement ceux qui recevoient & faisoient le plumitif des sentences ou contrats, & que l'on distinguoit des scribes & tabellions par le titre d'exceptores ; on comprenoit même sous ce terme notaires ceux qui recevoient les contrats sous les tabellions, & en général tous ceux qui avoient l'art & l'industrie d'écrire par notes & abréviations : notas qui didicerent propriè notarii appellantur, dit saint Augustin, lib. II. de doctrinâ christ. Ces notes n'étoient point composées de mots écrits en toutes lettres, une seule lettre exprimoit tout un mot, on se servoit même de signes particuliers que Justinien dit avoir été appellés de son tems signes, dont il fut obligé de défendre l'usage à cause de diverses interprétations qu'on leur donnoit. Ces sortes de notes furent appellées notes de Tiron, du nom de celui qui en introduisit l'usage à Rome. Tiron étoit un affranchi de Ciceron auquel il a adressé plusieurs de ses épîtres, qui s'adonna à écrire en figures qui n'étoient caracteres d'aucune langue connue. Il ne fut pas le premier inventeur de cette maniere d'écrire, car elle venoit des Grecs ; mais il y ajouta plusieurs choses de son invention, & la perfectionna : c'est pourquoi on appella notes de Tiron tous les caracteres semblables. Gruter a donné des principes pour déchiffrer ces sortes d'écritures ; & M. l'abbé Carpentier a donné un alphabet tironien pour le déchiffrement d'un manuscrit du tems de Charlemagne, écrit en notes de Tiron, qui est à la bibliotheque du roi.

Cet art d'écrire en notes n'est point venu jusqu'à nous, il en est cependant resté des vestiges en la chancellerie de Rome où l'on délivre des signatures pleines d'abréviations ; c'est peut-être aussi de-là qu'est venu l'invention de l'écriture par chiffres.

On appella donc notaires à Rome ceux qui avoient l'art d'écrire par notes & abréviations ; & comme on s'adressoit à eux pour recevoir toutes sortes d'actes, c'est de-là que le nom de notaire est demeuré aux officiers publics qui exercent la même fonction.

Les notaires romains étoient aussi appellés cursores, à cause de la rapidité avec laquelle ils écrivoient.

Il étoit d'usage à Rome de faire apprendre aux jeunes gens, & principalement aux esclaves qui avoient de l'intelligence, cet art d'écrire en notes, afin qu'ils servissent de clercs aux greffiers & tabellions.

Tous les scribes publics, soit greffiers, tabellions ou notaires, étoient même au commencement des esclaves publics, c'est-à-dire appartenant au corps de chaque ville, qui étoient employés à faire ces sortes d'expéditions, afin qu'elles ne coutassent rien au peuple : cela étoit si ordinaire alors, qu'en la loi derniere au code de servis reipublicae on met en question si l'esclave d'une cité ou république ayant été affranchi, & ayant depuis continué l'exercice du notariat de cette ville, n'avoit pas dérogé à sa liberté.

Comme les esclaves chez les Romains étoient dans le domaine du maître, qui pouvoit les vendre & aliéner, M. Pasquier tient que c'est de-là qu'en France les tabellionnés sont aussi réputés domaniaux.

C'est aussi de-là, suivant Loyseau, que nos notaires se mettent encore stipulans & acceptans pour les parties ; ce qu'ils n'auroient pas pû faire dans l'origine s'ils n'eussent été esclaves publics, étant une regle de droit que personne ne peut stipuler pour autrui, de laquelle regle néanmoins étoient exceptés les esclaves, lesquels pouvoient stipuler & acquérir pour leur maître : si c'étoit un esclave commun à plusieurs, il pouvoit stipuler pour chacun d'eux ; & si c'étoit un esclave public, c'est-à-dire appartenant à une ville, il pouvoit stipuler pour chaque habitant, comme il paroît par plusieurs lois du digeste.

Mais il faut bien prendre garde que les esclaves qui, dans ces premiers tems, faisoient la fonction de notaires à Rome, ne peuvent être comparés aux notaires d'aujourd'hui : en effet, ils n'étoient point officiers en titre, ils n'étoient proprement que les clercs des tabellions, & leurs écritures n'étoient point authentiques, ce n'étoient que des écritures privées.

Bien-loin que la fonction de tabellion & de notaire eût quelque chose d'ignoble chez les Romains, on voit que les patrons se faisoient un devoir & un honneur de recevoir les contrats de leurs cliens.

En effet, les PP. Catrou & Rouillé dans leur grande histoire romaine, liv. I. p. 66. de l'édition de 1725, remarquent, d'après Plutarque & Denis d'Halicarnasse, que les plus riches & les plus nobles citoyens eurent le nom de patrons ; que par-là ils tinrent un rang mitoyen entre les sénateurs & la plus vile populace, que les patrons se chargerent de soutenir & de protéger chacun certain nombre de familles du plus bas peuple, de les aider de leur crédit & de leur bien, & de les affranchir de l'oppression des grands ; que c'étoit aux patrons de dresser les contrats de leurs cliens, de démêler leurs affaires embrouillées, afin de subvenir à leur ignorance contre les ruses de la chicane.

Si le commissaire de la Mare, qui a parlé de l'origine des notaires en son traité de la police, n'eût pas été poussé de quelque jalousie contre les notaires, il n'auroit pas manqué de rapporter ce trait d'histoire, qui justifie que la fonction de recevoir des contrats a toujours été regardée comme importante & honorable, & que l'on a mal-à-propos comparé les clercs des greffiers & tabellions romains avec les notaires d'aujourd'hui, qui n'ont rien de commun avec eux que le nom.

Aussi voit-on que les empereurs Arcadius & Honorius défendirent de prendre des esclaves pour remplir les fonctions de greffier & de notaire, desorte que depuis ce tems on les élisoit dans les villes, de même que les juges ; c'est pourquoi ces fonctions de notaire étoient alors comptées entre les charges municipales.

Les notaires, greffiers & autres praticiens étoient du nombre des ministres, des magistrats ; ils faisoient néanmoins un ordre séparé de celui des ministres inférieurs, appellés appariteurs : la fonction des greffiers & des notaires étoit estimée beaucoup plus honorable, parce que les actes publics étoient confiés à leur fidélité.

Les fonctions de notaire étoient exercées gratuitement, comme des charges publiques & ordinaires, que chaque honnête citoyen exerçoit à son tour ; aussi étoient-elles regardées comme si onéreuses, que plusieurs, pour les éviter, quittoient les villes & s'en alloient à la guerre, ou bien se faisoient officiers domestiques de l'empereur, ce qu'il fallut enfin défendre par une loi expresse.

Il ne faut pas confondre les notaires des Romains avec d'autres officiers, appellés actuarii seu ab actis ; chaque gouverneur en avoit un près de lui, pour recevoir & registrer les actes de jurisdiction volontaire, tels que les émancipations, adoptions, manumissions, & singulierement les contrats & testamens qu'on vouloit insinuer, publier & registrer, qui est ce que l'on appelloit mettre apud acta.

Le pouvoir des tabellions & notaires étoit grand chez les Romains, de même que parmi nous. Justinien, dans la loi jubemus au code de sacro sanctis eccl. les appelle juges cartulaires ; ils font en effet tout-à-la-fois la fonction de greffiers & de juges ; & dans quelques provinces de France, ils ont conservé l'usage de mettre qu'ils ont jugé & condamné les parties à remplir leurs conventions : Cassiodore, en sa formule des notaires, éleve même ceux-ci beaucoup au-dessus des juges, en ce que ces derniers ne font que juger les procès, au-lieu que les notaires les préviennent, & qu'il n'y a pas d'appel de leurs jugemens.

On voit dans la novelle 44. que la méthode des Romains, par rapport aux actes qu'ils passoient devant notaires, étoit que le notaire ou clerc du tabellion écrivoit d'abord l'acte en note ; cette minute ou projet de l'acte s'appelloit scheda ; l'acte n'étoit point obligatoire ni parfait jusqu'à ce qu'il eût été écrit en toute lettre, & mis au net, ce que l'on appelloit in purum seu in mundum, rédiger. Cette opération qui revient assez à ce que nous appellons grosse des contrats, se faisoit par les tabellions, & s'appelloit completio contractus : c'est pourquoi, en la loi contractus au code de fide instrum. il est dit que les parties pouvoient se retracter jusqu'à ce que le contrat fût mis au net & confirmé par la souscription des parties.

Cette souscription n'étoit pas un seing manuel de leur nom ; elle consistoit à écrire au-bas du contrat que les parties l'avoient pour agréable, & accordoient ce qui y étoit contenu ; & à l'égard de leur seing, appellé signum, ce n'étoit autre chose que l'apposition de leur sceau ou cachet particulier, dont ils usoient communément outre la souscription.

Lorsque les contractans ne savoient pas écrire, un ami étoit reçu à souscrire pour eux, ou bien le tabellion ; celui ci ne souscrivoit pas le contrat, il falloit seulement qu'il l'écrivît tout-au-long, il n'étoit pas non plus nécessaire que les témoins souscrivissent l'acte ; il suffisoit de faire mention de leur présence, excepté dans les donations faites par l'empereur qu'ils devoient souscrire.

Ce que les parties & les témoins souscrivoient & scelloient de leurs sceaux n'étoit pas la note ou minute du notaire, c'étoit la grosse, appellée com pletionem. En effet, suivant la loi contractus, il eût été inutile de signer une schede, puisqu'elle n'étoit point obligatoire : d'ailleurs le tabellion délivroit sa grosse sans être tenu d'en faire registre ni de conserver ensuite la note sur laquelle il avoit expédié la grosse, ensorte que cette note n'étoit plus regardée que comme un brouillard inutile ; car ce que l'on appelloit en droit breves, brevia, brevicula, n'étoient point les notes & minutes des obligations, mais seulement des notes particulieres écrites brièvement.

Tous ces usages passerent dans les Gaules avec la domination des Romains.

Les formules de Marculphe & celles qui ont été depuis recueillies par les plus célébres auteurs contiennent divers contrats, où il est fait mention qu'un notaire a été appellé pour les écrire, mais tous ne sont conçus qu'en terme d'écriture privée, on y trouve même la formule de l'acte d'apport, par lequel le magistrat sur le requisitoire des parties ordonnoit que des écritures seroient registrées apud acta, pour les rendre authentiques & exécutoires.

Il y avoit aussi des notaires en France dès le commencement de la monarchie : le roi avoit ses notaires ou secrétaires qui expédioient les actes de sa chancellerie.

Les évêques, les abbés, les comtes étoient obligés d'avoir aussi leur notaire, comme il paroît par un capitulaire de Charlemagne de l'an 805.

Mais on passoit alors peu d'actes par écrit ; l'ignorance étoit si grande, que peu de personnes savoient écrire ; la plûpart des conventions n'étoient que verbales ; pour y donner plus de force, on les faisoit en présence de témoins.

Lorsqu'il s'agissoit d'actes importans, que l'on vouloit rédiger par écrit, on les passoit assez ordinairement en présence & sous l'autorité des comtes ou des évêques, & il est à croire que les notaires de ceux-ci étoient employés à écrire les actes ; mais ils ne les recevoient point comme officiers publics, ils prêtoient seulement leur main, soit comme secrétaires de celui en présence duquel on contractoit, soit comme personnes versées dans l'écriture, & l'acte ne tiroit sa force & son authenticité que du sceau qui y étoit apposé, & de la présence des témoins que l'on y appelloit.

Le savant P. Mabillon, dans son traité de la diplomatique, dit qu'après une exacte recherche dans les plus célebres bibliotheques, tant du royaume que des pays étrangers, il n'a trouvé aucun contrat passé devant notaires comme officiers publics avant l'année 1270.

On tient communément que ce fut saint Louis qui érigea les notaires en titre d'office, & que les premiers de cette espece furent les soixante notaires qu'il créa pour le châtelet de Paris. Voyez NOTAIRES AU CHATELET. (A)

NOTAIRES, par rapport au contrôle des actes, l'une des qualités les plus essentielles des actes, des contrats, des obligations, étant d'avoir une date sûre, constante & authentique ; & l'un des principaux devoirs des notaires étant de la leur assurer, il ne sera pas inutile de rappeller ici les principes d'une matiere aussi intéressante, & d'une utilité si générale pour la société.

Une loi qui porte sur les opérations les plus importantes de la société, puisqu'elle intéresse toutes les conventions qui se font entre citoyens ; une loi qui n'est pas seulement une formalité embarrassante par elle-même, mais que la nécessité des ressources a rendue une imposition considérable, dont les actes & contrats se trouvent chargés, est, sans contredit, l'une des matieres qui méritent le plus d'être connues, développées, approfondies par ceux qui paient, par ceux qui reçoivent, par ceux qui gouvernent. C'est le seul moyen de faire reconnoître aux redevables ce qu'ils doivent, & pourquoi ; d'apprendre à ceux qui sont chargés de la perception, quelles sont les bornes dans lesquelles ils doivent se renfermer, & de remettre sous les yeux du gouvernement le véritable esprit des lois faites ou à faire.

Le contrôle peut être envisagé, 1°. en général ; 2°. relativement aux actes sur lesquels il porte ; 3°. en lui-même comme formalité & comme imposition ; 4°. dans son administration.

Le contrôle dont il est ici question, considéré en général, peut l'être dans sa définition & dans son établissement.

Dans sa définition, c'est une formalité qui a pour objet de constater la date des conventions, d'assurer l'authenticité des actes, & de prévenir les effets de la surprise, de la négligence & de la mauvaise foi. Le droit ajouté à la formalité, n'en constitue point l'utilité ; mais il ne la détruit pas.

L'origine d'une formalité si nécessaire pour la société, remonte bien plus haut que les édits & les déclarations qui ont établi le contrôle des actes proprement dit. Il ne faut pas s'arrêter aux mots ; les idées seules méritent de nous occuper.

Le contrôle a existé dès le moment que la supercherie s'est introduite dans la société, & que les hommes ont eu respectivement intérêt de s'en garantir.

La simplicité des esprits, la pureté des coeurs, le peu d'importance des affaires, la facilité de la plûpart des conventions, la rareté de quelques autres, & plus que tout le reste, la bonne foi des premiers âges, ont d'abord rendu les conventions verbales les plus communes, & les seules nécessaires. Ces conventions ne se passoient même qu'entre les parties intéressées. Elles se fioient alors mutuellement les unes aux autres : elles convinrent ensuite d'appeller des témoins, premiere origine du contrôle.

A ces témoins, on ajouta la sureté des écrits, qui contrôlerent la preuve testimoniale, & qui furent eux-mêmes contrôlés par l'établissement d'officiers publics, qui pussent être d'autant plus surement les dépositaires des intentions de chaque partie, qu'ils y seroient des tiers desintéressés.

Mais comme les notaires mêmes, & tous ceux qui furent successivement autorisés à recevoir les conventions des parties, eurent besoin d'être surveillés, la justice de la loi fut encore obligée de venir au secours des uns, & de s'armer contre l'injustice des autres. Les papier & parchemin timbrés, les droits de sceau, les notaires en second dans certains lieux, & dans d'autres les témoins ajoutés aux notaires mêmes, ont été successivement employés pour remplir l'objet que l'on s'étoit proposé ; & ce sont, à proprement parler, autant de droits de contrôle, qui, sous différentes dénominations, ont le même objet & la même utilité que le contrôle des actes proprement dit.

Celui-ci considéré dans son établissement, a deux époques différentes, suivant la forme dans laquelle les actes se trouvent rédigés.

Il a été établi par édit du mois de Mars 1693 pour les actes passés pardevant notaires, greffiers & autres personnes publiques autorisées à passer, à recevoir, à rédiger les actes & conventions des parties.

Par la déclaration du 14 Juillet 1705, pour les actes passés sous signature privée, on sent assez que sans ce dernier établissement, le premier seroit devenu illusoire pour un très-grand nombre de conventions.

On dit les notaires, à l'exception de ceux de la ville de Paris ; car ils ont été exemptés du droit & de la formalité du contrôle par une déclaration, & puis assujettis par autre déclaration, enfin rétablis dans leur exemption, dont on les a laissés jouir jusqu'à présent par différentes considérations pécuniaires & politiques, dont on aura ailleurs occasion de rendre compte.

On dit les greffiers, lorsqu'ils sortent des bornes de leurs fonctions ordinaires, qui sont d'écrire les jugemens émanés d'une jurisdiction involontaire & forcée, pour écrire & rédiger les conventions, les décisions libres & volontaires que leur dictent les parties ; ils auroient sans cela sans cesse abusé de la loi qui dispense du contrôle les actes judiciaires, c'est-à-dire, qui se font en justice réglée. Cet article est de la plus grande importance dans la matiere dont il est ici question. Tout acte juridique est incontestablement exempt du contrôle, tant pour le droit, que pour la formalité ; mais tout acte cesse d'être juridique, & devient extrajudiciaire, dès qu'il est émané de la volonté des parties, sans que le juge intervienne comme juge, ni le greffier comme ministre établi pour écrire les jugemens. Toutes ces distinctions sont très-essentielles, mais en même tems fort délicates & très-difficiles à saisir : on y reviendra plus d'une fois dans le cours des observations que l'on donnera sur la matiere dont il est ici question.

Quant aux actes sous seing privé qui ne sauroient être produits en justice sans être contrôlés, il faut en excepter les lettres-de-change de place en place & les billets simples à ordre ou au porteur, non entre toutes personnes, mais seulement entre marchands, négocians & gens d'affaires, encore est-il nécessaire que ce soit pour raison de leur commerce réciproque. Ces derniers mots sont extrêmement importans, parce que dans tous autres cas les négocians, marchands & gens d'affaire rentrent dans l'ordre général des citoyens, & leurs engagemens dans la classe ordinaire des conventions.

Si l'on veut, après avoir considéré le contrôle dans sa définition & dans son établissement, le regarder par rapport aux actes sur lesquels il porte, on verra que ces actes eux-mêmes peuvent être envisagés relativement ; 1°. à la matiere ; 2°. à la nature des conventions ; 3°. aux différens objets qu'ils renferment ; 4°. à la forme dans laquelle ils peuvent être rédigés ; 5°. au nombre des parties qui peuvent s'y trouver intéressées ; 6°. aux droits & à la formalité auxquels ils sont assujettis, ou dont ils sont exempts.

La matiere des actes ne sauroit être que laïque ou civile, ecclésiastique ou bénéficiale : mais comme ces derniers ont été traités plus favorablement que les autres, il est essentiel de bien connoître ce qui les caractérise, de ne pas confondre les actes que font les Ecclésiastiques avec ceux qui se font en matiere ecclésiastique, puisque c'est la chose & non l'homme, le bénéfice & non tel ou tel bénéficier, que l'on a voulu favoriser.

Relativement à la nature des conventions que les actes & contrats peuvent renfermer, il seroit impossible de les prévoir & de les énoncer toutes explicitement ; mais toutes les clauses dont un acte quelconque peut être susceptible, pourroient implicitement se trouver dans les quatre divisions de préparatoires, obligatoires, conservatoires & résolutoires, puisqu'on ne peut jamais passer un acte quel qu'il soit, que pour préparer une obligation, pour la contracter, pour la conserver ou pour l'anéantir.

Les actes purement préparatoires ou conservatoires, qui contiennent mention, énonciation, déclaration, interpellation d'une obligation faite ou à faire, mais qui ne la renferment pas, doivent passer pour actes simples, & sont connus sous cette dénomination.

Les obligatoires sont obligatoires, simples ou synallagmatiques : simples, quand ils n'obligent qu'une seule partie vis-à-vis d'une seule personne ou de plusieurs : synallagmatiques, lorsque l'acte oblige plusieurs parties à la fois, & réciproquement les unes avec les autres.

Conservatoires, lorsqu'ils confirment l'obligation déja faite, & qu'ils ont pour objet la conservation d'un droit, d'une convention, d'une action.

Résolutoires, lorsqu'ils anéantissent un engagement, quel qu'il soit, par l'accomplissement des conditions, ou par le désistement de ce qui pourroit être exigé.

Considérés relativement aux différens objets qu'ils renferment, les actes peuvent être passés & convenus entre les mêmes parties pour raison du même fait, ou bien entre différentes parties pour des intérêts différens, ce qui doit nécessairement occasionner différente perception de droits, parce que le contrôle étant relatif aux actions que l'on peut intenter en vertu d'un acte, il doit y avoir autant de droits à recevoir, que l'on peut intenter d'actions.

Par rapport à la forme dans laquelle ils peuvent être rédigés, les actes ne peuvent l'être que par des personnes autorisées à les recevoir, ou sous signature privée, en observant que pour éviter des abus d'une conséquence extrêmement dangereuse, il est des actes qui ne peuvent être reçus & passés que par des officiers publics, tels que les contrats de mariage, les donations, &c. & que pour subvenir à certaines circonstances, on a autorisé dans certains cas, certaines personnes à recevoir certains actes, & tels sont, pour les testamens, les curés, les vicaires, officiers de terre ou de mer.

Quant aux parties qui peuvent se trouver dans un acte, elles sont principales, comme les futurs conjoints dans un contrat de mariage ; ou intervenantes, comme un parent qui paroît dans ce contrat pour faire une donation à ceux qui se marient. Ce sont des observations très importantes à faire, parce que souvent un seul acte en renferme plusieurs, & que chacun doit un droit, comme s'ils eussent été faits séparément.

Examinés à l'égard des droits & de la formalité auxquels ils sont assujettis, ou dont on a cru devoir les exempter, les actes assujettis peuvent l'être à la formalité seulement, & tels sont en petit nombre les actes qui sont contrôlés gratis ; ou bien à la formalité & au droit tout ensemble, & telles sont toutes les autres conventions.

Les uns, par la même raison, sont exempts du droit seulement.

Les autres le sont du droit & de la formalité.

Telle est l'idée la plus simple & la plus générale que l'on puisse donner du contrôle, envisagé par rapport aux actes sur lesquels il porte.

Considéré en lui-même, c'est une formalité, c'est un droit.

Comme formalité, il donne occasion d'examiner, dans quel endroit, dans quel tems, par qui, comment, elle doit être remplie, & de rechercher les raisons de toutes ces différentes obligations.

Comme droit, on peut en considérer la nature, l'établissement, le pié sur lequel il se perçoit & la quotité.

Si l'on considere ces droits dans leur nature, ils sont droits principaux & primordiaux ou droits accessoires, tels que les quatre sols pour livre.

On a déja vu les motifs de leur établissement ; il est évident qu'ils ont eu deux objets : d'assurer l'autenticité des actes : de procurer des secours à l'état.

Quant aux titres de leur perception, ils ne peuvent être fondés que sur des édits, des ordonnances, déclarations, lettres-patentes, tarifs & arrêts, & décisions générales, qui ne sauroient être que confirmatifs de la loi primordiale, ou interprétatifs de quelques dispositions.

Considérés relativement aux différens piés sur lesquels ils sont dûs, ils se perçoivent ou suivant la nature de l'acte, ou suivant la quotité des sommes, ou suivant la qualité des parties.

Quant à la quotité du droit, c'est-à-dire, aux sommes que l'on doit payer selon les différens cas : le montant doit être relatif à la teneur des conventions, à la quotité des sommes énoncées ou calculées d'après une estimation, à la qualité des parties.

Après avoir examiné en quoi consiste le contrôle, considéré en lui-même & relativement aux actes sur lesquels il porte, il est indispensable de le considérer dans son administration.

Elle est politique, économique & juridique, relativement aux vues, aux fonctions, aux obligations du ministere, des fermiers & des juges.

L'administration politique est réelle ou personnelle.

Réelle, elle porte sur les actes & sur les droits, sur la chose, en un mot, & non sur ceux qui la gouvernent, qui la perçoivent, ou qui la jugent.

Sur les actes envisagés relativement à la forme & par rapport aux droits.

A la forme pour les assujettir à des nouvelles formalités, ou pour les affranchir de formalités anciennement établies.

Aux droits pour assujettir au contrôle des actes qui en étoient exempts, ou pour en dispenser ceux qui y étoient assujettis.

Administration réelle qui porte sur les droits considérés tant par rapport à leur quotité, que par rapport à la forme de la perception.

A leur quotité, pour la confirmer ou pour la changer ; pour la confirmer purement & simplement, ou bien avec quelques modifications ; pour la changer soit en la diminuant, soit en l'augmentant.

Par rapport à la forme de la perception pour y faire quelques changemens qui ne peuvent jamais être relatifs qu'à la formalité, aux tems, aux lieux, aux personnes.

Dans l'administration politique personnelle, il faut envisager ce qui tient aux actes & ce qui tient aux droits.

Aux actes considérés relativement aux obligations des parties, des notaires & tabellions, & dans certains cas des curés, des vicaires, des greffiers, & généralement de tous ceux qui ont été autorisés à recevoir, à rédiger les conventions.

Aux droits, par rapport à ceux qui les perçoivent, tels que les fermiers, régisseurs, commis ou préposés qui peuvent être considérés dans leurs établissemens, leurs priviléges & leurs prérogatives.

Leurs fonctions pour la conservation, ou pour la perception des droits.

Conservation des droits par les recherches & visites, chez les notaires, greffiers, &c.

Perception par le recouvrement de ce qui est dû.

Obligations coactives ou prohibitives ; coactives, qui ordonnent certaines choses ; prohibitives, qui en interdisent d'autres.

Emolumens fixes ou casuels ; fixes, tels que les appointemens convenus & déterminés ; casuels, tels que les remises, les gratifications, &c.

Privileges, exemptions, prérogatives, portant sur des charges publiques ou particulieres ; publiques, comme la collecte des tailles, le logement des gens de guerre.

Particulieres, telles que les tuteles, les curatelles, &c.

L'administration économique porte, comme la politique (mais à l'égard des fermiers seulement), d'un côté, sur les formalités ordonnées, & sur les précautions à prendre pour empêcher la fraude, ou pour y remédier ; de l'autre, sur tout ce qui concerne principalement la perception du droit ; & tels sont la régie, le recouvrement, la comptabilité, & généralement tout ce qui concerne le régisseur ou le fermier, & qui ne dépend que de lui.

L'administration juridique n'a rapport qu'aux juges ; mais les juges peuvent être envisagés dans leur établissement, dans leur compétence, dans leurs fonctions, leurs émolumens, leurs privileges & leurs exemptions.

Leur établissement les rend juges ordinaires, ou d'attribution.

Leur compétence porte sur la nature des affaires, ou sur le degré de jurisdiction.

Quant à la nature des affaires, la matiere peut être civile ou criminelle ; civile comme les condamnations qui ne portent que sur le paiement du droit ; criminelle, telle que les malversations des notaires ou tabellions, greffiers, commis, &c.

Le degré de jurisdiction rend les juges magistrats en premiere instance, en cause d'appel ou au souverain.

On ne feroit, quant aux obligations coactives ou prohibitives, aux émolumens fixes ou casuels, aux prérogatives générales ou particulieres, que répéter ce que l'on a ci-devant dit aux mots FINANCIERS, FERMIERS, &c.

NOTAIRES DES ABBES ; anciennement les abbés avoient chacun leur notaire ou chancelier, de même que les évêques & les comtes, cela leur fut ordonné par un capitulaire de Charlemagne de l'an 805. Ce notaire étoit plutôt un secrétaire qu'un officier public, cependant ces notaires ne laissoient pas de recevoir aussi les actes entre ceux qui venoient faire quelque convention devant l'abbé. Voyez le gloss. de Ducange, au mot notarii. (A)

NOTAIRES pour les actes des martyrs, furent institués par S. Clément pape. On les appella notaires, parce qu'ils écrivoient en notes les faits des martyrs & leur constance à souffrir, pour servir d'exemple & de perpétuelle mémoire. Les évêques en constituerent aussi dans leur diocèse ; & c'est sans doute delà que les notaires apostoliques tirent leur origine. Voyez NOTAIRE APOSTOLIQUE, TAIRE REGIONAIREAIRE, PROTONOTAIRE.

NOTAIRE APOSTOLIQUE, étoit autrefois un officier public établi par le pape pour recevoir les actes concernant les matieres spirituelles & ecclésiastiques.

Il y avoit aussi autrefois des notaires ecclésiastiques, qui étoient établis par les évêques ou archevêques dans leur diocèse, pour y recevoir les actes concernant les mêmes matieres spirituelles & bénéficiales ; c'est pourquoi on les appelloit aussi notaires de cour d'église, ou notaires ecclésiastiques, & notaires de l'évêque ou épiscopaux, notaires de la cour épiscopale, notaires communs des évêques ou ordinaires.

Dans la suite n'y ayant plus dans le royaume de notaires apostoliques, & établis par le pape, on donna aux notaires des évêques le nom de notaires apostoliques, & présentement tous les notaires apostoliques sont établis de l'autorité du roi ; c'est pourquoi on les appelle notaires royaux & apostoliques.

Les premiers notaires apostoliques qui furent institués dans la chrétienté, furent ces sept notaires, surnommés regionarii ou scriniarii, que S. Clément établit à Rome pour écrire les actes des martyrs ; leur fonction ne se bornoit pourtant pas à ce seul objet ; car on voit qu'entr'autres choses, ils étoient chargés d'annoncer au peuple les litanies, processions, ou rogations, le lieu où le pape alloit dire la messe ou faire quelque station ; ils rapportoient aussi au pape le nom & le nombre de ceux qui étoient baptisés.

On conçoit par-là qu'ils étendirent aussi leur fonction à recevoir tous les actes qui concernoient les matieres spirituelles & canoniques, & ensuite les bénéfices, lorsqu'il y en eut de formés.

Le nombre de ces notaires ayant été augmenté par S. Clément, ceux qui étoient du nombre des sept premiers notaires, ou du moins qui les représentoient, prirent le titre de protonotaires apostoliques, c'est-à-dire, de premiers notaires.

Mais ce ne fut pas seulement dans les terres du pape que les notaires apostoliques exercerent leurs fonctions ; ils en usoient de même en France, en Angleterre & en Espagne ; car alors on regardoit comme un droit certain, qu'un notaire ou tabellion établi par l'empereur, ou par le pape, ou par quelqu'autre auquel ce droit avoit été accordé par un privilege spécial pourroit instrumenter non-seulement dans les terres soumises à celui qui l'avoit commis ; mais aussi qu'il avoit le même pouvoir dans les autres états dont on vient de parler.

Quelques-uns de ces notaires apostoliques étoient en même tems notaires impériaux & royaux, apparemment pour rendre leur pouvoir plus étendu & moins sujet à contestation.

On voit dans les lettres de Charles V. du mois de Janvier 1364, qu'il y avoit à Auxerre un notaire apostolique, qui se qualifioit tabellion de notre saint pere le pape ; & que ce tabellion s'ingéroit de recevoir des actes pour affaires temporelles, telles que des lettres d'affranchissement.

Dans d'autres lettres du même prince, du mois d'Août 1367, il est fait mention d'un notaire apostolique qui étoit résident en Dauphiné ; ce notaire étoit un clerc du diocèse de Grenoble, lequel se qualifioit apostolicâ imperiali & domini Francorum regis autoritatibus notarius publicus. Il réunissoit, comme on voit, les trois qualités.

Les évêques établirent aussi des notaires ecclésiastiques dans leur diocèse ; ces notaires étoient quelquefois qualifiés de notaires apostoliques, & confondus avec ceux du pape ; d'autres fois on les appelloit seulement notaires ecclésiastiques, notaires de l'évêque ou épiscopaux, ou de la cour épiscopale, ou notaires jurés de l'officialité, parce qu'ils prêtoient serment devant l'official.

La plûpart des évêques avoient plusieurs notaires, & le premier d'entr'eux prenoit le titre de chancelier, même d'archichancelier : celui-ci dictoit aux notaires ; c'est delà que vient la dignité de chancelier, qui s'est encore conservée dans plusieurs églises cathédrales.

Les abbés avoient même leurs notaires, ainsi qu'il leur avoit été ordonné par un capitulaire de l'an 805.

Innocent III. qui siégeoit sur la fin du xij. siecle, & au commencement du xiij. défendit qu'aucun prêtre, diacre ou soudiacre, exerçât l'emploi de tabellion ; mais cela n'empêcha pas que les évêques & abbés ne prissent pour tabellions de simples clercs ; ceux des comtes même étoient aussi la plûpart des ecclésiastiques, l'ignorance étant alors si grande, que les clercs étoient presque les seuls qui sussent écrire.

Il ne faut donc pas s'étonner si les notaires ecclésiastiques s'ingéroient de recevoir toutes sortes d'actes, même concernant les affaires temporelles.

Dans la suite les notaires royaux se plaignirent de ces entreprises. Dès 1421 ceux du châtelet de Paris obtinrent le 19 Juin une sentence du prevôt de Paris, tant contre les notaires & tabellions apostoliques & impériaux, que contre ceux de l'évêque de Paris, qui défendit à tous ceux-ci de faire aucuns inventaires ni prisées des biens, & aux officiaux de donner aucune commission à cet effet.

Charles VIII. alla plus loin : il défendit, par un édit de l'an 1490, de faire, passer ou recevoir aucun contrat par notaires impériaux, apostoliques ou épiscopaux, en matiere temporelle, sur peine de n'être foi ajoutée auxdits instrumens, lesquels dorénavant seroient réputés nuls.

La facilité que chacun avoit d'obtenir en cour de Rome des commissions de notaires apostoliques, fit que le nombre de ces notaires devint excessif. La plûpart de ceux qui obtenoient ces commissions, étoient des personnes pauvres & indigentes, ou des serviteurs ou domestiques des gens d'église, lesquels commettoient divers abus dans l'exercice de cet emploi.

Dès le tems de François I. il en fut fait de grandes plaintes, même de la part des gens d'église & bénéficiers.

Ces plaintes ayant été réitérées devant Henri II. ce prince y pourvut par un édit du mois de Septembre 1547, par lequel il ordonna que les baillis, sénéchaux & juges présidiaux, de concert avec leurs conseillers, & par l'avis des gens du roi, arrêteroient & limiteroient, chacun dans leur jurisdiction, le nombre des notaires apostoliques qui seroit suffisant, & en quelles villes & lieux ils devroient faire leur résidence, qu'ils choisiroient les plus capables ; & que ceux qui seroient ainsi reservés seroient immatriculés au greffe de la jurisdiction dans laquelle ils seroient départis, pour recevoir dans l'étendue de cette jurisdiction toutes procurations à résigner bénéfices, & autres actes dépendans de leur état.

Cet édit fut registré au grand-conseil séant à Melun, & publié au châtelet.

Henri II. donna au mois de Juin 1550, un autre édit appellé communément l'édit des petites dates, par lequel il ordonna entr'autres choses que l'on n'ajouteroit point foi aux procurations pour résigner, ni aux révocations d'icelles, prises de possession, & autres actes passés par les notaires apostoliques, à moins que ces officiers n'eussent été préalablement examinés & reçus par les archevêques ou évêques, leurs vicaires ou officiaux, & prêté serment entre leurs mains, & qu'ils n'eussent fait enregistrer leurs lettres aux greffes des cours des archevêques ou évêques, & des cours présidiales, & déclaré leur nom, surnom, & le lieu de leur résidence, qu'ils seroient tenus de faire dans les villes & lieux les plus notables du diocèse, selon le département & nombre qui en seroit advisé.

Que les archevêques ou évêques seroient tenus dans trois mois après la publication de cet édit, d'arrêter, par l'avis de leur clergé, le nombre de ces notaires, auxquels il ne pourroit en être subrogé aucun que par mort ou par vacation, privation ou forfaiture, sans en augmenter ; que si aucun de ces notaires étoit interdit par l'évêque, son vicaire ou official, l'interdiction seroit registrée.

Que ces notaires ne pourroient instrumenter que dans un seul diocèse, à peine de faux & de nullité des actes qu'ils auroient reçus.

Qu'il ne seroit point ajouté foi à leurs actes, à moins qu'ils n'y fissent mention de leurs qualités, & du lieu où ils auroient été immatriculés, & de celui de leur demeure.

Que dans les procurations pour résigner bénéfices, ils seroient tenus d'appeller deux témoins pour le moins, gens connus & domiciliés, non parens ni domestiques, & que ces témoins signeroient l'acte au cas que le résignant ne pût signer.

Enfin, que ces notaires seroient tenus de faire bon & loyal registre, tant des procurations pour resigner, que du tems qu'ils les auroient délivrées, combien de fois & à quelles personnes ; qu'ils seroient tenus de remettre chaque année, dans le mois de Janvier au plus tard, au greffe des archevêchés dans lesquels ils auroient instrumenté, une copie signée de leur main, & un extrait collationné de leur registre, contenant tous les actes qu'ils auroient faits pendant l'année, tant procurations que révocations, & autres choses dépendantes d'icelles ; qu'ils garderoient seulement leurs notes sur lesquelles ils auroient dressé leurs registres & extrait.

Cet édit fut registré au parlement.

Louis XIII. par un édit du mois de Novembre 1637, leur défendit, à peine de faux, de délivrer aux parties les minutes des procurations pour résigner, & des autres actes qu'ils passoient en matiere bénéficiale.

Louis XIV. fut obligé de leur réitérer les mêmes défenses, par une déclaration du mois d'Octobre 1691.

Cet abus ne laissa pas de continuer ; il y avoit d'ailleurs plusieurs inconveniens dans la fonction de ces notaires, en ce que, suivant les anciennes ordonnances, les actes qu'ils recevoient n'emportoient point d'hypotheque, & n'étoient point exécutoires sous le scel de la jurisdiction ecclésiastique : de maniere que c'étoient des actes imparfaits.

D'un autre côté, les notaires & huissiers royaux, & ceux des seigneurs, expédioient la plûpart des actes de leur compétence, concurremment avec les notaires apostoliques ; desorte que ces derniers ne trouvoient pas dans leur emploi de quoi subsister avec honneur.

Enfin ces notaires apostoliques n'étant pas encore officiers en titre, ils n'avoient point de successeurs obligés de conserver leurs minutes.

Pour remédier à tous ces inconvéniens, Louis XIV, par l'édit du mois de Décembre 1691, créa en titre d'office formé & héréditaire dans chaque archevêché & évêché du royaume, terres & pays de son obéissance, des offices de notaires royaux, pour être tenus par les notaires apostoliques qui seroient établis dans les villes où il seroit jugé nécessaire, & dont le nombre seroit fixé par les états qui seroient arrêtés dans le conseil, suivant les avis des archevêques & évêques chacun dans leur diocèse.

L'édit attribue à ces notaires royaux & apostoliques le pouvoir de faire seuls, & privativement à tous autres notaires & tabellions, huissiers & sergens, toutes sortes de procurations à resigner bénéfices, ministreries, commanderies, provisoreries, bourses, &c. révocations & significations d'icelles, démissions d'archevêchés, évêchés, abbayes, prieurés, & tous bénéfices & charges ecclésiastiques, & généralement tous les actes qui ont rapport aux bénéfices & fonctions ecclésiastiques, & qui sont détaillés dans cet édit.

Ils sont autorisés par ce même édit à faire, concurremment avec les autres notaires & tabellions, les titres sacerdotaux, fondations de bénéfices, monasteres, obits & autres prieres & services divins ; donations aux communautés ecclésiastiques, séculieres & régulieres, fabriques, confrairies & hôpitaux ; les baux à ferme, & sous-baux des biens d'église, les devis & marchés des constructions, nouvelles refections & réparations de bâtimens appartenans à l'église ; les quittances des ouvriers, contrats de pension viagere promise à un couvent lors de l'entrée d'une fille en religion ; les testamens des gens d'église, & l'inventaire des meubles trouvés après le décès des ecclésiastiques : & il est dit que quand le curé de la paroisse ou son vicaire auront reçu un testament, ils en déposeront la minute huit jours après le decès du testateur, dans l'étude d'un notaire royal & apostolique du diocése, pour la grosse en être par lui expédiée.

Personne ne peut, suivant cet édit, exercer la fonction de notaire apostolique, sans être revêtu de l'un des offices de notaires royaux & apostoliques créés par cet édit.

Il leur est ordonné de faire registre des actes qu'ils auront reçus, & l'édit renouvelle les défenses qui leur avoient été faites d'instrumenter qu'en un seul diocèse, à peine de faux & de nullité des actes.

L'édit ordonne encore qu'ils seront reçus après information de vie & moeurs, par les baillis & sénéchaux, ou juges royaux dans la jurisdiction desquels ils seront établis ; & après qu'ils auront prêté serment devant le juge royal, il leur est enjoint de présenter leurs lettres de notaires apostoliques aux archevêques & évêques, leurs vicaires généraux ou officiaux, & de faire serment entre leurs mains, sans cependant qu'il soit besoin de nouvelle information de vie & moeurs.

Les archevêques & évêques, & leurs officiers, ne peuvent néanmoins, sous prétexte de ce serment ni autrement, s'attribuer la connoissance de l'exécution des actes qui se sont passés par les notaires royaux & apostoliques, & prétendre aucune jurisdiction autre que celle qui leur appartient de droit, suivant les ordonnances.

Les charges de notaires apostoliques créées pour le diocèse de Paris en vertu de l'édit de 1691, ont été réunies aux charges des notaires au châtelet de Paris par l'édit du mois de Février 1693, registré au parlement. C'est pourquoi les notaires du châtelet reçoivent dans le diocèse de Paris les actes qui, suivant l'édit de 1691, doivent être passés devant les notaires royaux & apostoliques. L'édit de 1693 n'excepte de cette regle que les résignations des bénéfices que tous les notaires royaux du diocèse de Paris peuvent recevoir chacun dans leur district, dans les lieux situés à quatre lieues de Paris, & au-delà pour les personnes qui y sont domiciliées, comme on le pratiquoit avant l'édit de 1691.

Dans quelques autres diocèses, les officiers de notaires royaux apostoliques ont été pareillement réunis aux offices de notaires royaux séculiers du même lieu ; dans d'autres diocèses ils ont été acquis seulement par les notaires de certaines villes, qui exercent seuls les fonctions de notaires apostoliques dans tout le diocèse.

Enfin, dans quelques endroits le clergé a acquis ces offices de notaires royaux apostoliques, & les fait exercer par commission.

Il y a encore des ecclésiastiques qui ont le titre de notaires apostoliques ; ce sont des missionnaires qui tiennent leurs pouvoirs immédiatement du S. Siége, pour aller prêcher la foi dans les pays des infideles, tels que la Chine, la Cochinchine, Tonquin, Siam, & autres pays orientaux. Le pape leur donne aussi ordinairement le titre de notaires apostoliques ; & Louis XIV. par une déclaration du 8 Janvier 1681, registrée au parlement de Paris, a permis à ces missionnaires qui sont notaires apostoliques, de faire toutes les fonctions de notaire royal, & a ordonné que les contrats, testamens, & autres actes qui seroient par eux reçus dans ces pays, seroient de même force & vertu que s'ils étoient passés devant les notaires du royaume.

Sur les notaires apostoliques, voyez Joly, Fevret, d'Héricourt, Brodeau sur Louet, lettre N, somm. 5 ; les mémoires du clergé, & ci-après NOTAIRE COMMUN, EPISCOPAL, DE L'EVEQUE, NOTAIRE IMPERIAL. (A)

NOTAIRES-ARPENTEURS-ROYAUX furent créés par édit du mois de Mai 1702, dans toutes les jurisdictions royales. C'étoient des offices en vertu desquels le pourvu pouvoit faire la fonction de notaire avec celle d'arpenteur. Ils ont depuis été supprimés.

NOTAIRE-AUDIENCIER. On joignoit ainsi autrefois le titre de notaire avec celui d'audiencier, pour désigner l'audiencier de la chancellerie de France, parce qu'il étoit tiré du college des notaires ou secrétaires du roi : ce qui fait qu'encore aujourd'hui il jouit des mêmes privileges que les secrétaires du roi. Voyez à la lettre G l'article GRAND-AUDIENCIER.

Il est ainsi appellé dans des lettres de Charles V. alors régent du royaume, en date du 18 Mars 1357.

NOTAIRES AUTHENTIQUES. On donne quelquefois ce titre aux notaires des seigneurs, pour les distinguer des notaires royaux. Ce surnom d'authentique vient probablement de ce que les obligations qu'ils reçoivent sont passées sous le scel du seigneur, qu'on appelle simplement scel authentique, pour le distinguer du scel royal. Fevret, en son traité de l'abus, liv. IV. ch. jv. n. 16, dit que si les évêques ou leurs officiaux avoient interdit ou suspendu de leurs charges les notaires royaux ou authentiques, il y auroit abus.

NOTAIRE des Bayle & Consuls dans le Languedoc, étoit le greffier de ces juges, de même que les greffiers des autres tribunaux étoient aussi alors qualifiés de notaires. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race, où il s'en trouve nombre d'exemples.

NOTAIRES DES CAPITOULS de Toulouse ; ces officiers prétendoient, par privilege impérial, avoir le droit de créer des notaires qui auroient la faculté d'instrumenter par-tout, & concevroient leurs actes en cette forme : Ego talis notarius autoritate imperiali & dominorum de capitulo ; mais les officiers royaux empêcherent cette entreprise sur les droits du roi ; & Benedict, sur le chapitre raynutius in verbo uxorem decis. n. 580, dit que de son tems (il écrivoit au commencement du xvj. siecle) ces notaires de Toulouse n'usoient plus de ces termes, autoritate imperiali, mais qu'ils se qualifioient seulement notaires constitués autoritate dominorum de capitulo. Voyez Fevret en son traité de l'abus, liv. XI. ch. jv. n. 14. & ci-devant NOTAIRE APOSTOLIQUE, & ci-après NOTAIRE IMPERIAL.

NOTAIRES DE LA CHAMBRE ou de la chambre apostolique, lesquels se qualifient en latin secrétaires de la chambre, sont des officiers de la chambre apostolique qui reçoivent & expédient les actes qui émanent de cette chambre, & notamment les bulles & provisions pour les bénéfices. Le banquier qui est ordinairement porteur de la procuration, a le choix de faire mettre le consens par le notaire de la chancellerie, ou par un de ceux de la chambre apostolique, qui l'expédient en la même forme, si ce n'est que les notaires de la chambre comptent l'année depuis la nativité de notre-Seigneur, au lieu que le notaire de la chancellerie compte l'année depuis l'incarnation.

NOTAIRE DE LA CHANCELLERIE ROMAINE est un officier unique, lequel reçoit les actes de consens & les procurations des résignations, révocations, & autres actes semblables. C'est lui qui fait l'extension du consens au dos de la signature, qu'il date ab anno incarnationis, c'est-à-dire de l'année après l'incarnation, qui se compte du mois de Mars, trois mois après la Nativité. Ce notaire se qualifie député de la chancellerie, & signe en ces termes au bas de l'extension du consens, est in cancellariâ N... deputatus. Voyez le traité de l'usage & pratique de la cour de Rome, par Castel, tome I. pag. 46. Voyez aussi ci-devant NOTAIRES DE LA CHAMBRE.

NOTAIRE AU CHASTELET est un notaire royal reçu & immatriculé dans un siége qui a le titre de châtelet, comme les notaires au châtelet de Paris, ceux du châtelet d'Orléans, du châtelet de Montpellier, &c.

L'établissement des notaires au châtelet de Paris est sans doute aussi ancien que le tribunal dont ils sont membres.

Sous la premiere race de nos rois, la justice étoit rendue au châtelet par un comte ; sous la seconde race, depuis 884, par un vicomte ; & sous la troisieme race, depuis l'an 1032, elle commença d'être rendue par un prevôt.

Les capitulaires ordonnoient aux comtes d'avoir sous eux des notaires : ainsi l'on ne peut douter que les comtes de Paris & les vicomtes, qui étoient comme leurs lieutenans, avoient des notaires pour recevoir & expédier les actes de leur jurisdiction ; mais ces notaires, qui servoient de greffiers ou secrétaires aux magistrats du châtelet, n'étoient que des personnes privées : on se servoit alors rarement de leur ministere pour recevoir des conventions, l'ignorance étoit alors si grande, que peu de personnes savoient écrire. C'est pourquoi la plûpart des conventions étoient verbales ; ou si on les rédigeoit par écrit, on se contentoit d'y appeller plusieurs témoins pour les rendre plus authentiques ; & lors même qu'on appelloit un notaire pour les écrire, elles n'étoient toujours regardées que comme écritures privées, à moins qu'elles n'eussent été mises apud acta, comme nous l'avons déja observé en parlant des notaires en général.

Le pere Mabillon, dans sa diplomatique atteste qu'il n'a trouvé aucun acte passé devant notaire comme officier public, avant l'an 1270, & il y a tout lieu de présumer que les notaires de Paris furent les premiers établis en titre d'office.

Le commissaire de la Mare, en son traité de la police, liv. I. tit. XVII. dit que comme nos rois appliquoient à leur profit ce qui étoit payé au prevôt de Paris pour les expéditions des notaires, & que ce magistrat étoit obligé d'en rendre compte, S. Louis voulant débarrasser le prevôt de Paris de ce qui pouvoit avoir quelque rapport à la finance, créa 60 notaires en titre d'office, pour recevoir tous les actes volontaires de sa jurisdiction. Il avance ce fait sur la foi de Joinville, en son histoire de S. Louis, de la chronique de S. Denis ; Nicolas Gilles & Gaguin, hist. de S. Louis, & de Loyseau, en son traité des offices, liv. II. ch. jv. & liv. III. ch. j.

Il observe encore que suivant les ordonnances qui furent faites dans la suite touchant la fonction de ces officiers, pour rendre leurs actes exécutoires & authentiques sans avoir recours au magistrat, ils étoient obligés, 1°. d'être assidus dans leurs fonctions ; 2°. de ne passer aucun acte que dans le châtelet, où ils avoient une salle pour mettre leurs bureaux ; 3°. d'intituler tous leurs actes du nom du magistrat, & de ne parler d'eux qu'en tierce personne ; 4°. les deux qui avoient reçu l'acte devoient le porter ensemble au scelleur, qui avoit aussi son bureau proche leur salle, afin que sur leur témoignage cet officier y apposât, sous l'autorité du prevôt de Paris, le sceau de la jurisdiction ; 5°. enfin ils devoient sur leurs émolumens en payer au roi les trois quarts, que cet officier remettoit ensuite au receveur du domaine, pour en compter à la chambre des comptes.

Nonobstant ce qui vient d'être dit, M. Langlois, dans son traité des droits, privileges & fonctions des notaires au châtelet de Paris, n'a point voulu entreprendre de fixer l'époque de leur établissement ; il s'est contenté de dire qu'il y a tout lieu de présumer qu'ils sont environ de même date que la jurisdiction dont ils sont membres, qui est l'une des plus anciennes du royaume.

Il avoue que les titres qu'ils ont dans leurs archives, ne remontent qu'à 1300 ; mais il observe que dès l'an 1384 leur établissement étoit qualifié d'immémorial ; comme il paroît par un arrêt du parlement du 20 Juillet de ladite année, contenant que de toute ancienneté les notaires avoient été ordonnés & établis au châtelet, pour les affaires volontaires d'entre les parties.

On peut encore ajouter que Philippe-le-Bel, qui commença à regner en 1285, dit dans un mandement de l'an 1300, que depuis long-tems, dudum, il avoit reconnu les inconvéniens qui résultoient de la multitude des notaires au châtelet, ce qui fait juger que leur établissement étoit déjà fort ancien, puisque leur nombre s'étoit accru à tel point que depuis longtems on songeoit à le réduire.

Il falloit que ce nombre fût bien excessif, puisque Philippe-le-Bel crut qu'il suffisoit d'en réserver soixante, comme il l'ordonna par douze lettres patentes ou mandemens, adressés au prévôt de Paris, des années 1300, 1301, 1302, 1303 & 1304.

M. de Lauriere dans une note sur le troisieme de ces mandemens, dit que le prévôt de Paris étoit contrevenu à l'ordonnance, & que ce fut ce qui occasionna le troisieme mandement ; on voit par-là qu'ils étoient commis par le prevôt de Paris, mais on ne le laissa pas le maître de disposer seul de ces places.

Philippe-le-Bel, par une ordonnance du mois de Mai 1313, ordonna que comme il y avoit plusieurs notaires au châtelet qui n'avoient pas les qualités & capacités réquises, qu'ils seroient ôtés par les commissaires à ce députés, lesquels y mettroient des personnes capables, & que lesdits députés suspendroient tout présentement de leur office, ceux contre lesquels il y auroit des preuves des faits dont il y avoit plainte contr'eux.

Philippe de Valois ordonna au mois de Février 1327, qu'en cas de vacation de l'un de ces 60 offices, soit par mort ou autrement, qu'il y seroit pourvu de sujets capables par le chancelier, lequel appelleroit à cet effet avec lui, quatre conseillers au parlement, & le prevôt de Paris. Il est dit un peu plus loin dans la même ordonnance, que les notaires étoient mis par le prevôt de Paris ; mais cela doit s'entendre relativement à ce qui précéde : présentement ils sont pourvus par le roi, de même que tous les autres notaires royaux.

Depuis 1304 leur nombre a été augmenté à différentes fois, & enfin fixé à cent-treize, par lettres patentes de Louis XIII. du mois d'Octobre 1639, registrées au parlement le 24 Novembre de la même année.

Leurs offices sont casuels, & sujets au paiement du prêt & de la paulette, en conséquence de quoi ils ont été déchargés, par arrêt du conseil du 19 Juin 1703, du droit qui leur étoit demandé pour confirmation de l'hérédité des offices, établi par édit d'Août 1701, nonobstant la réunion qui leur avoit été faite des fonctions de greffiers des conventions & des notaires apostoliques, dont les offices avoient été créés héréditaires ; & quoique par édit de Novembre 1708, tous les offices des notaires royaux aient été rendus héréditaires, ceux des notaires du châtelet de Paris en ont été exceptés par un autre édit du mois de Décembre suivant.

Louis XIV. ayant par édit du mois de Mars 1673, créé pour la ville de Paris, vingt conseillers de sa majesté, greffiers des conventions, supprima ensuite le titre de ces 20 offices, & en réunit les fonctions aux cent-treize notaires du châtelet de Paris, par autre édit du mois d'Août suivant.

Le roi déclara par ce second édit, qu'il se portoit d'autant plus volontiers à ces suppression & réunion, qu'il trouvoit par ce moyen occasion de témoigner aux cent treize notaires du châtelet de Paris, l'estime particuliere qu'il faisoit de la bonne conduite qu'ils tiennent dans l'exercice de leurs offices, en leur donnant des marques d'honneur qui les distinguent des autres notaires du royaume, & pour cet effet leur attribua la qualité de conseillers du roi, à chacun d'eux & à leurs successeurs.

Ce titre leur a été confirmé en dernier lieu, par des lettres patentes du mois d'Avril 1736, registrées en parlement.

Anciennement ils ne gardoient point de minutes de leurs actes ; & les délivroient en brevet. Charles VII. leur ordonna le premier Décembre 1437, de tenir registres de leurs actes, pour être lesdits registres remis à leurs successeurs.

Cela n'eut pourtant pas alors d'exécution, puisque l'ordonnance de Louis XII. assujettissant tous notaires & tabellions à faire régistre de leurs actes, en excepte les notaires du châtelet de Paris. Mais depuis ils se sont conformés à l'ordonnance de 1539, qui l'enjoint à tous notaires.

Depuis qu'ils ont commencé à retenir minute de leurs actes, ces minutes sont demeurées en leur possession ; & Henri III. ayant créé en 1575 des notaires gardes-notes, ceux qui avoient été créés pour Paris furent unis aux notaires du châtelet.

Ils ont aussi le titre de garde-scel de sa majesté, en conséquence de divers édits des premier Décembre 1691 & Novembre 1696, qui avoient créé des offices de garde-scels, & d'autres édits du mois de Février 1693 & Décembre 1697, qui ont uni ces offices aux cent-treize notaires du châtelet.

François I. ayant créé en 1542, des tabellions dans toutes les jurisdictions royales, pour grossoyer les actes des notaires, ceux du châtelet en furent exceptés par une déclaration du 6 Juillet 1543, & ils furent maintenus dans le droit de faire expédier leurs grosses par leurs clercs.

Il fut créé par Louis XIV. au mois de Mars 1673, vingt offices de conseillers du roi greffiers des arbitrages, compromis, syndicats & directions des créanciers, sous le titre de greffiers des conventions, avec la qualité & fonction de notaires -garde-notes & tabellions, & la faculté de passer toutes sortes d'autres actes ; mais le titre de ces offices fut supprimé par édit du mois d'Août suivant, & les attributions & fonctions réunis aux notaires du châtelet, ce qui leur a été confirmé par un autre édit du mois d'Avril 1736.

Enfin les notaires du châtelet réunissent aussi la fonction de notaire royal apostolique, le roi ayant par édit du mois de Février 1693, éteint le titre des offices de notaires apostoliques qui avoient été créés pour le diocese de Paris, suivant l'édit du mois de Décembre 1691.

Les notaires du châtelet de Paris jouissent de plusieurs droits & privileges.

La compatibilité de la noblesse avec leurs fonctions a été reconnue en leur faveur, par l'édit du mois d'Août 1673, & par celui du mois d'Avril 1736.

Ils sont en la sauvegarde du roi, eux, leurs biens & domestiques, ce qui leur fut confirmé par des lettres de Charles VI. de l'année 1411.

Ils sont exempts du logement des gens de guerre, tant en leurs maisons de Paris, qu'en celles de la campagne, même du logement des troupes de la maison du roi, comme aussi du logement des officiers de la cour & suite de sa majesté.

Divers édits leur ont aussi attribué l'exemption de tutele, curatelle, guet, garde & autres charges publiques.

Ils jouissent du droit de garde gardienne, & leurs causes soit en demandant ou défendant, sont commises en premiere instance au châtelet, & par appel au parlement ; même les causes criminelles concernant leur ministere & les fonctions de leurs offices.

Les douze plus anciens en réception, successivement, ont droit de committimus aux requêtes du palais.

L'édit du mois d'Août 1713, leur a attribué à chacun un minot de franc-salé, & à ceux d'entre eux qui en vendant leurs offices obtiendroient des lettres d'honoraires, comme aussi aux veuves de ces officiers & honoraires.

Ils ont droit d'instrumenter tant en matiere civile que bénéficiale, dans tout le royaume, lorsqu'ils en sont réquis ; mais ils ne peuvent s'habituer ou faire leur résidence ailleurs qu'en la ville de Paris pour l'exercice de leurs offices.

Ils ont le droit exclusif de recevoir, tant en la ville que dans toute l'étendue du diocese de Paris, tous les actes de matiere bénéficiale, à l'exception seulement des résignations de bénéfices, qui peuvent être reçues par tous notaires royaux, chacun dans son district, dans les lieux situés à quatre lieues de Paris & au-delà, pour les personnes qui s'y trouvent domiciliées.

Eux seuls peuvent dans la ville & fauxbourgs de Paris, faire tous compromis, recevoir les sentences arbitrales, tenir registres des délibérations des syndicats & directions de créanciers, & recevoir les ordres & distributions de deniers émanés de ces directions.

Ils ont de plus le droit de recevoir & passer seuls, & à l'exclusion de tous autres, tous contrats & actes volontaires, tant entre majeurs qu'entre mineurs, en la ville, fauxbourgs & banlieue de Paris.

La confection des inventaires & récolemens, ainsi que des comptes, liquidations & partages volontaires, tant entre majeurs que mineurs, leur appartiennent à l'exclusion de tous autres officiers, dans la ville, fauxbourgs & banlieue de Paris. Ils ont été confirmés dans ce droit, par deux arrêts de reglement du parlement de Paris, des 15 Mars & 23 Août 1752, dont le dernier est contradictoire avec les commissaires.

Ce sont eux, lors des inventaires, qui reçoivent le serment, tant de ceux qui représentent les effets que de ceux qui en font la prisée.

On a tenté plusieurs fois d'assujettir leurs actes à la formalité du contrôle, comme ceux des autres notaires ; mais ils n'y ont pas été sujets long-tems, à cause du préjudice notable que cette formalité apportoit au commerce des affaires & au secret des actes les plus importans ; & lorsque ce droit fut rétabli en 1722, il n'eut lieu que jusqu'en 1723, qu'il fut commué en un droit de marque sur le papier dont se servent les notaires de Paris. Voyez PAPIER TIMBRE.

On a pareillement dispensé les notaires de Paris de faire insinuer eux-mêmes les actes qui y sont sujets.

Il y auroit encore bien d'autres choses à observer au sujet des notaires au châtelet de Paris, mais dont le détail nous meneroit trop loin ; ceux qui voudront s'instruire plus à fond de ce qui les concerne, peuvent consulter le traité qui a été fait sur leurs droits, privileges & fonctions, par M. Langlois notaire, où l'on trouve tous les édits, arrêts & reglemens, notamment les lettres en forme d'édit, portant confirmation de tous leurs droits & privileges du mois d'Avril 1736, registrées le 13 Août suivant.

Les notaires au châtelet d'Orléans & ceux du châtelet de Montpellier, ont comme ceux de Paris, le droit d'instrumenter dans tout le royaume, avec cette différence seulement qu'ils ne peuvent instrumenter à Paris ; au lieu que les notaires de Paris peuvent instrumenter à Orléans & à Montpellier. Voyez la Lande sur la coutume d'Orléans. (A)

NOTAIRES COMMUNS ou EPISCOPAUX, notarii communes ordinariorum ; on entendoit autrefois par-là les notaires épiscopaux, que l'on appelloit ainsi pour les distinguer des notaires apostoliques, qui n'étoient alors autres que ceux commis par le pape. Voyez Dumoulin en ses notes sur l'édit des petites dates ; Ragueau, en son indice, au mot notaire ; Fevret, tr. de l'abus, liv. IV. ch. iv. n. 15. & 16.

NOTAIRES DES COMTES. Anciennement chaque comte ou gouverneur d'une province ou d'une ville avoit, de même que les évêques & les abbés, son notaire, cela leur fut même ordonné par un capitulaire de l'an 805. Voyez ce qui est dit ci-devant à l'article NOTAIRE DES ABBES.

NOTAIRES DES COMTES PALATINS, ou simplement NOTAIRES PALATINS. Il y a dans l'Empire un titre de comte palatin qui n'a rien de commun avec celui des princes palatins du Rhin, c'est une dignité dont l'empereur décore quelquefois des gens de lettres, & selon le pouvoir que leur donnent les lettres-patentes de l'Empire, ils peuvent créer des notaires, légitimer des bâtards, &c. Mais, dit un auteur qui a écrit sur les affaires d'Allemagne, comme on ne respecte pas beaucoup ces comtes, on considere encore moins leurs productions, qui sont souvent vénales aussi bien que la dignité même. Voyez le tableau de l'Empire germanique, pag. 107.

Le pape fait aussi des comtes palatins auxquels il donne pareillement un pouvoir très-étendu, & entre autres choses de créer des notaires ayant pouvoir d'instrumenter par-tout ; mais ces notaires ne sont point reconnus en France, & l'on voit dans les arrêts de Papon, titre des légitimations, que Jean Navar, chevalier & comte palatin, fut condamné par arrêt du parlement de Toulouse, prononcé le 25 Mai 1462, à faire amende honorable & demander pardon au roi pour les abus par lui commis en octroyant en France légitimation, notariat, & autre chose dont il avoit puissance du pape contre l'autorité du roi, & que le tout fut déclaré nul & abusif.

Il est parlé de ces notaires palatins dans l'édit de François 1er du mois de Novembre 1542, où ils sont distingués des notaires impériaux. (A)

NOTAIRES DE LA COUR ; c'étoit le nom que l'on donnoit anciennement aux notaires & secrétaires du roi servans près du parlement ou de quelque autre cour souveraine ; on ne les appelle plus présentement que secretaires du roi près les cours. Voyez SECRETAIRES DU ROI.

NOTAIRE DE COUR D'EGLISE. On comprenoit sous ce terme tous les notaires ecclésiastiques, savoir tant les notaires apostoliques qui étoient établis en France de l'autorité du pape, que les notaires épiscopaux établis de l'autorité de l'évêque, & qui prêtoient serment en l'officialité, pour quoi on les appelloit aussi notaires jurés de l'officialité. Voyez NOTAIRE APOSTOLIQUE.

NOTAIRE DE LA COUR EPISCOPALE ; c'étoient ceux qui étoient institués par l'évêque dans son diocèse. Voyez ci-devant NOTAIRE APOSTOLIQUE.

NOTAIRE DE COUR LAIC ; c'est un notaire royal laïc ou un notaire de seigneur : ce titre est opposé à celui de notaire de cour d'église ou apostolique. Voyez Fevret, traité de l'abus.

NOTAIRE DU DAUPHIN ou DU DAUPHINE, appellé aussi notaire delphinal, ou notaire de l'autorité delphinale, étoit un de ceux qui étoient établis en Dauphiné de l'autorité du dauphin avant que cette province eût été cédée par Humbert II. à Philippes de Valois. Il y eut aussi depuis de ces notaires qui tenoient leurs provisions du roi ou du gouverneur du Dauphiné ; il est parlé de ces notaires de l'autorité delphinale dans plusieurs anciennes ordonnances. Voyez le recueil des Ordonnances de la troisieme race.

Quelques-uns joignent au titre de notaire delphinal celui de notaire impérial ; d'autres y joignoient aussi les titres de notaire royal & apostolique.

Suivant un reglement qui fut fait pour l'administration de la justice en Dauphiné, & confirmé par Charles VI. le 12 Juillet 1409, les notaires delphinaux faisoient serment d'être fideles au dauphin & à ses officiers, de ne point révéler à personne les secrets de l'Empire & du Dauphiné, de donner avis au dauphin, ou à son conseil delphinal de tout ce qui intéresseroit le dauphin, & de le coucher par écrit, tout au long & sans & cetera : ils promettoient aussi de mettre au net dans douze jours, à compter de la réception, tous les testamens, codicilles, donations à cause de mort, & tous contrats & actes entre vifs, avec leurs notes & protocoles ; de donner avis à l'évêque ou à son vicaire des legs pieux dans deux mois, à compter du décès du testateur ; de ne point vexer les sujets pour leurs écritures ni pour celles des autres, & de ne point permettre qu'aucun fût opprimé directement ni indirectement ; de n'écrire aucuns actes sur du papier vieux ou usé, mais sur du parchemin blanc & neuf ; d'écrire fidelement, & de conserver de même les testamens, codicilles, donations à cause de mort, les dépositions des témoins, & autres choses qui appartenoient à leur office, de ne révéler à personne les choses secrettes avant le tems ; d'avoir soin des affaires des veuves & autres personnes misérables ; de l'entretien des ponts, chemins publics, & hôpitaux ; enfin d'exercer loyalement l'office de notaire sans agir par des vûes d'intérêt ni par aucun mouvement de haine ou d'affection particuliere.

On connoît par la forme de ce serment quelles étoient alors les fonctions de ces notaires. Voyez le recueil des Ordonnances de la troisieme race, notamment le tome IX. pag. 456.

NOTAIRES DOMESTIQUES, notarii domestici, c'étoient des secrétaires particuliers que les empereurs romains avoient pour les affaires de leur maisons, à la différence des notaires tribuns & des notaires prétoriens qui étoient pour les affaires publiques. Voyez Pancirolus, in notitiâ Imperii ; le Glossaire de Ducange, au mot notarii. Voyez ci-après NOTAIRES PRETORIENS & NOTAIRES TRIBUNS.

NOTAIRE ECCLESIASTIQUE, signifie tout notaire établi, soit par le pape ou par l'évêque dans son diocèse, pour recevoir les actes concernant les bénéfices & matieres ecclésiastiques.

Ils étoient autrefois de deux sortes dans le royaume, savoir les notaires apostoliques, par lesquels on n'entendoit alors que ceux qui étoient commis par le pape, & les notaires communs ou épiscopaux, qui étoient commis par les évêques chacun dans leur diocèse. Voyez ci-devant NOTAIRE APOSTOLIQUE.

NOTAIRE EPISCOPAL ou COMMUN, étoit un notaire ecclésiastique commis par un évêque ou archevêque, pour recevoir dans son diocese les actes concernant les matieres bénéficiales & ecclésiastiques. Voyez ci-devant NOTAIRE APOSTOLIQUE, NOTAIRE COMMUN, & NOTAIRE ECCLESIASTIQUE, ci-après, NOTAIRE DE L'EVEQUE.

NOTAIRES DES ÉVEQUES, anciennement ces officiers n'étoient pas des notaires publics destinés à recevoir des actes dans le sens que nous entendons aujourd'hui le terme de notaires ; c'étoient des ecclésiastiques que l'évêque choisissoit pour ses secrétaires, & qui outre la fonction des scribes, en remplissoient encore d'autres auprès de lui, comme de porter sa crosse, de porter devant lui des cierges allumés. Voyez la vie de S. Césarien d'Arles, par Messianus, & le gloss. de Ducange, au mot notarii episcoporum.

Ces notaires ou secrétaires pouvoient bien être les mêmes que les évêques établissoient dans leur diocese pour écrire les actes des martyrs, & qui par succession de tems s'adonnerent à recevoir tous les actes concernant les matieres spirituelles & ecclésiastiques, d'où sont venus les notaires apostoliques épiscopaux, c'est-à-dire institués par l'évêque. Voyez ci-devant NOTAIRES APOSTOLIQUES. (A)

NOTAIRES DES FOIRES DE BRIE ET DE CHAMPAGNE, il y avoit anciennement des notaires ou tabellions établis pour recevoir les contrats qui se passoient entre les marchands fréquentans les foires de Brie & de Champagne, pendant le cours de ces foires ; il falloit que le nombre de ces notaires fût d'abord bien considérable, puisque Philippe V. par des lettres du mois de Juin 1317 le réduisit à 40. Philippe de Valois, dans son ordonnance du mois de Décembre 1331 touchant les foires de Champagne & de Brie, voulant que les maîtres de ces foires connussent la suffisance des notaires des foires, & que l'on ne commît à cet office que les plus capables, ordonne que quand le siege d'un notaire de ces foires vaqueroit par mort ou autrement, les maîtres des foires en leur loyauté y établiroient des personnes convenables & suffisantes, & qu'ils auroient la correction de ces notaires présens & à venir, quant à leur destitution s'ils méfaisoient, & l'institution d'iceux quand le cas écheroit sans en prendre pour ce aucun profit, & qu'ils n'établiroient sur leur serment personne qui ne fût capable, soit par priere ou affection. Il ordonna aussi qu'il y auroit dans ces foires deux tabellions pour recevoir les contrats d'italien à italien, au lieu que Charles IV. en 1327, avoit ordonné qu'il n'y en auroit qu'un. Voyez NOTAIRES DES ITALIENS.

Le même Philippe de Valois, au mois de Juillet 1344, ordonna que le nombre des quarante notaires ne seroit point augmenté ; que quand le lieu d'aucun d'eux vaqueroit, que les gardes des foires en auroient le don, & y mettroient personne capable par élection & par serment ; que des premiers notaires qui y seroient établis, l'on en feroit quatre bons clercs & bons notaires suffisans pour écrire en françois & en latin par tout pays ; que si les gardes y mettoient d'autres personnes, ou en recevoient en conséquence des lettres du roi, le don ou réception seroit de nulle valeur ; enfin que ces notaires obéiroient aux gardes des foires, & au chancelier & garde de scel de ces foires.

Les notaires des foires étoient obligés d'exercer leur office en personne, & ne pouvoient le vendre à moins qu'ils n'y fussent autorisés par les gardes. (A)

NOTAIRES DE FRANCE. On donnoit anciennement cette qualité aux secrétaires du roi & greffiers du conseil. Voyez ci-devant au mot CONSEIL DU ROI, l'article des greffiers du conseil.

NOTAIRES-GARDE-NOTES, sont ceux qui, par le titre de leur office, ont droit de garder les notes, minutes, registres & protocoles de leurs prédécesseurs. Anciennement, après le décès de tous les notaires même royaux, leurs veuves & héritiers gardoient les minutes, ou les donnoient à ceux qu'ils jugeoient à-propos. L'ordonnance d'Orléans enjoignit aux juges des lieux de faire inventaire des notes, registres & protocoles des notaires décédés dans leur ressort, pour être ces notes, registres & contrats remis ès mains des greffiers des lieux, afin de les grossoyer & délivrer aux parties moyennant salaire raisonnable. Cette ordonnance n'ayant point été exécutée, Henri III. par l'édit du mois de Mai 1575, créa dans chaque bailliage, sénéchaussée & siege royal, un certain nombre de notaires-garde-notes, par-devers lesquels, aussi-tôt après le décès des notaires du ressort où ils auroient été institués & établis, les veuves & héritiers seroient tenus de remettre toutes notes, minutes, protocoles & registres qui seroient en leur possession, tant de la pratique du défunt que des autres pratiques qu'ils auroient acquises de leur vivant des autres notaires. Cet édit ne fut enregistré que sous les modifications que le nombre des garde-notes seroit certain & déterminé, qu'ils ne seroient point établis dans les lieux où il y avoit des tabellions créés ; que l'émolument des veuves & héritiers des notaires décédés seroit de la moitié ; que l'autre appartiendroit au garde-note ; que le notaire vivant qui auroit résigné ne seroit point tenu de porter ses notes & protocoles aux garde-notes, & qu'il expédieroit ce qu'il auroit reçu avant sa résignation ; enfin que les garde-notes ne seroient point exempts de tutele. Les notaires de Paris & des autres villes ayant formé des oppositions à la réception de ceux qui avoient été pourvus de ces offices de garde-notes, le roi, par arrêt & lettres patentes du 12 Décembre 1577, unit les gardes-notes créés pour Paris aux offices de notaires. Il fit la même chose pour les notaires royaux des autres villes par l'édit du mois d'Avril 1578, au moyen de quoi tous les notaires royaux sont présentement notaires-garde-notes, à l'effet de garder les notes & minutes de leurs prédécesseurs & d'en délivrer des expéditions. Voyez le recueil des offices de Joly, tome IV. liv. III. tit. 41.

Il fut aussi créé huit offices de notaires-garde-notes en la cour & suite du roi par l'édit du mois de Décembre 1637, mais ces offices ont été supprimés. (A)

NOTAIRE-GREFFIER. On donnoit anciennement ce titre à ceux des notaires ou secrétaires du roi qui exerçoient la fonction de greffier dans quelque cour, mais plus souvent on ne les appelloit que notaires. Voyez GREFFIER & SECRETAIRE DU ROI.

NOTAIRE DE L'HOTEL DU ROI. On donnoit quelquefois ce titre aux notaires & secrétaires du roi, comme on voit dans diverses lettres, entr'autres dans celles de Charles VI. du 19 Octobre 1406, contenant un réglement sur l'état & office des clercs notaires de son hôtel. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race, tome IX. pag. 152.

NOTAIRE IMPERIAL ou de l'autorité impériale, est un notaire commis par l'empereur. Il y avoit anciennement en France des notaires impériaux qui ne tenoient leur pouvoir que de l'empereur ; & néanmoins dans l'usage on avoit toléré qu'ils instrumentassent dans le royaume. Il y en avoit pareillement en Angleterre & en Espagne, & ces notaires prétendoient avoir droit d'instrumenter par-tout : ils se fondoient sur le principe rapporté par Balde, de tabellionibus, n. 32. que ceux qui ont merum imperium, pouvant exercer par-tout leur jurisdiction volontaire, leurs notaires pouvoient aussi par-tout recevoir des actes entre tous ceux qui veulent bien avoir recours à eux. Ces notaires impériaux prenoient le titre de notaire public & impérial, comme on voit dans le recueil des ordonnances de la troisieme race, tome V. pag. 55 ; & dans Bacquet, tome II. p. 551, édition de 1744. Le Pape commettoit aussi de même en France des notaires apostoliques, & en faisoit commettre par ses comtes palatins. Il fut jugé au parlement de Paris le 18 Mai 1415, qu'une procuration passée par un notaire ou tabellion apostolique ou impérial étoit bonne en cour laïque, quand la partie étoit du pays de l'empereur. Bibliot. de Bouchel.

Il y avoit en quelques endroits des notaires qui, pour réunir en leur personne un pouvoir plus étendu, étoient tout-à-la-fois notaires apostoliques, impériaux & royaux, tel que celui qui reçut des lettres du mois d'Août 1367, rapportées dans le recueil des ordonnances de la troisieme race.

On fit depuis attention que l'empereur n'ayant aucun pouvoir en France, les notaires par lui commis ne pouvoient faire dans le royaume aucun acte, même de jurisdiction volontaire. C'est pourquoi Charles VIII en 1490, défendit à tous sujets laïcs de passer ou faire recevoir leurs contrats par notaires impériaux, apostoliques ou épiscopaux, en matiere temporelle ou profane, sur peine de n'être foi ajoutée auxdits instrumens, lesquels dorénavant seroient réputés nuls & de nulle force & vertu.

Dans la suite, on n'a plus souffert aucunement que les notaires-impériaux reçussent en France aucun acte. Voyez le glossaire de Ducange, au mot notarii apostolici & imperiales ; & celui de M. de Lauriere, au mot notaires aux notes, p. 151 ; & ci-devant NOTAIRES DES CAPITOULS. (A)

NOTAIRES-INSTRUMENTAIRES. M. Brillon, en son Dictionnaire des arrêts, au mot notaire, pag. 591. & 592, col. 2, appelle ainsi ceux dont les fonctions se bornent à la rédaction & expédition des contrats, pour les distinguer des notaires du roi & de ceux des cours.

NOTAIRES DES ITALIENS. Les anciennes ordonnances portant réglement pour les foires de Brie & de Champagne, avoient accordé qu'il y auroit un ou deux tabellions pour recevoir dans ces foires les contrats d'italien à italien, & non entre autres personnes. Charles le Bel, en 1327, ordonna qu'il n'y auroit qu'un tabellion à cet effet : Philippe VI. en 1331, en établit deux. Ces contrats ne pouvoient être mis à exécution par mandement des foires.

Les notaires du roi ou publics de la province de Languedoc, regis vel publici, furent assujettis par l'ordonnance de Charles V. alors lieutenant du roi Jean son pere, du mois de Février 1356, au payement de l'aide accordé par les états de la province, moyennant quoi l'exaction de marcs d'argent qui se faisoit sur eux fut abolie. (A)

NOTAIRE JURE, notarius-juratus. Dans les anciennes ordonnances, on appelle ainsi ceux qui étoient en titre d'office & qui avoient prêté serment, pour les distinguer des clercs & autres personnes sans caractere qui s'ingéroient de faire aussi la fonction de notaire ; ce qui leur fut défendu par lettres patentes en forme de charte, nommée la philippine, du 20 Juillet 1384.

NOTAIRE-LAÏC, est opposé au notaire qui est seulement apostolique. Voyez ci-devant NOTAIRE-APOSTOLIQUE.

NOTAIRE-MAYOR, en Espagne, est le chef des secrétaires du roi. Il y en a un dans chacun des royaumes qui composent la monarchie d'Espagne. Voyez l'état présent d'Espagne par l'abbé de Vayrac, tome II. p. 180.

NOTAIRE DE L'OFFICIALITE. Ce terme peut avoir deux significations différentes : du tems que les notaires étoient pris pour greffiers, & que l'on confondoit les titres de greffier & de notaire, on entendoit quelquefois par notaire de l'officialité le greffier de ce tribunal ; mais depuis que le titre de notaire a été restreint à ceux qui reçoivent des contrats & autres actes pour les parties, on a entendu par notaire de l'officialité un notaire -ecclésiastique, & singulierement un notaire -épiscopal ou de l'évêque, qui avoit prêté serment en l'officialité. On les appelloit aussi greffiers-jurés de l'officialité. (A)

NOTAIRE DE L'ORDINAIRE, étoit la même chose que notaire de l'évêque. On disoit notaire commun de l'ordinaire pour le distinguer du notaire -apostolique établi par le pape. Voyez ci-devant NOTAIRE-APOSTOLIQUE, NOTAIRE COMMUN, NOTAIRE-EPISCOPAL, NOTAIRE DE L'EVEQUE, &c.

NOTAIRES PALATINS, voyez ci-devant NOTAIRES DES COMTES PALATINS.

NOTAIRE DU PAPE ou NOTAIRE APOSTOLIQUE, étoit anciennement la même chose. Voyez ci-devant NOTAIRE-APOSTOLIQUE.

NOTAIRES DU PARLEMENT, c'étoient les secrétaires du roi, qui étoient députés près le parlement pour y faire les expéditions nécessaires. On les appelle présentement secrétaires de la cour ou secrétaires du roi servant près la cour de parlement : l'un d'eux étoit commis pour greffier ; c'est de-là que le greffier en chef du parlement est encore obligé d'être secrétaire du roi pour pouvoir signer les arrêts. Voyez PARLEMENT à l'article du greffier, & au mot SECRETAIRE DU ROI.

NOTAIRES-POURSUIVANS ou poursuivans la cour, comme qui diroit suivans la cour, étoient ceux des notaires ou secrétaires du roi qui étoient distribués à la suite de la cour pour faire les expéditions de la chancellerie. Il en est parlé dans une ordonnance de Philippe le Long, du mois de Décembre 1320.

NOTAIRES PRETORIENS, on appelloit ainsi chez les Romains, les premiers secrétaires du préfet du prétoire, qui parvenoient à cette place après avoir rempli celles de moindres notaires ou secrétaires, que l'on appelloit cornicularii & primiscrinii. Voyez Pancirolus, in notitiâ imperii, le glossaire de Ducange au mot notarii.

NOTAIRE PRIMICIER, primicerius, quasi primus in cera seu tabulâ ; on donnoit ce titre au premier des notaires du sacré palais. Voyez la notice de l'Empire.

On donnoit aussi ce titre au premier des notaires de l'église romaine : lequel fut depuis appellé protonotaire. Voyez le glossaire de Ducange & ci-après NOTAIRE REGIONNAIRE & à la lettre P, PROTONOTAIRE.

NOTAIRE PUBLIC, on donnoit anciennement ce titre aux notaires royaux, pour les distinguer des notaires des seigneurs qui recevoient les actes dans leur ressort, & qui néanmoins n'étoient point encore réputés officiers publics. Philippe V. dit le Long, dans une ordonnance du mois de Juin 1319, faite sur les remontrances des habitans d'Auvergne, veut & accorde qu'à l'avenir il n'y ait dans la baillie & ressort d'Auvergne, aucun notaire public établi de son autorité, notarius publicus ; ce que M. de Lauriere traduit par notaire royal.

Il y avoit aussi anciennement des notaires impériaux, qui prenoient en même-tems le titre de notaires publics. Voyez NOTAIRE IMPERIAL.

NOTAIRES REGIONNAIRES, notarii regionarii, on donne ce nom aux sept notaires qui furent institués à Rome par le pape S. Clément pour écrire les actes des martyrs. Ils furent appellés régionnaires, parce que le pape leur assigna à chacun une région ou quartier de la ville, dans lequel ils devoient recueillir soigneusement tout ce qui se passoit par rapport aux martyrs. Ces notaires étoient subordonnés aux diacres & aux sous-diacres. Ils avoient encore quelques autres fonctions dans Rome ; c'étoient eux qui annonçoient au peuple, comme font aujourd'hui les couriers, les litanies, c'est-à-dire les processions ou rogations que le pape avoit ordonnées, ou dans quelle église il devoit célebrer la messe, ou faire quelque station ; ils rendoient compte aussi au pape des noms & du nombre de ceux qui avoient été baptisés.

Le nombre des notaires ayant été dans la suite augmenté par les papes, ceux qui étoient des sept premiers institués, furent appellés notaires régionnaires ou protonotaires, c'est-à-dire premiers notaires, & les autres, notaires simplement, ou notaires apostoliques. Voyez ci-dessus le glossaire de Ducange au mot notarii, & NOTAIRE APOSTOLIQUE & PROTONOTAIRE. (A)

NOTAIRE A LA RESIDENCE d'un tel lieu, on appelle ainsi certains notaires royaux, qui par le titre de création de leur office, doivent résider dans une ville ou bourg qui n'est pourtant pas le lieu du siege royal où ils sont reçus ; c'est pour la commodité des particuliers que ces sortes de notaires ont été établis, & afin que ceux qui veulent passer un acte devant un notaire royal ne soient point obligés de se transporter dans la principale ville où est le siege royal dans lequel sont reçus les notaires. On trouve des exemples fort anciens de ces sortes de créations, témoin l'édit du mois d'Octobre 1575, portant création d'un office de notaire royal ès ressorts de Touraine, Anjou, Maine & Vermandois, pour résider à Neufve.

NOTAIRE DU ROI, étoit anciennement la même chose que secrétaire du roi. Voyez l'histoire de la chancellerie par Tessereau, tom. I. & SECRETAIRE DU ROI.

Il ne faut pas confondre les notaires du roi avec les notaires royaux ; les premiers sont des officiers de la grande chancellerie, les autres sont des officiers publics établis pour recevoir les contrats, testamens & autres actes. Voyez ce qui est dit au commencement de cet article sur les notaires en général, & ci-après NOTAIRE ROYAL.

NOTAIRE ROYAL, est celui qui tient ses provisions du roi, à la différence des notaires des seigneurs ou subalternes, qui tiennent leur commission du seigneur de la justice où ils sont reçus.

Il y a deux sortes de notaires royaux ; les uns qu'on surnomme laïcs ou séculiers, parce que leur fonction est de recevoir les actes qui se passent en matiere temporelle ; les autres qu'on appelle royaux apostoliques, parce qu'ils reçoivent les actes en matiere ecclésiastique. Voyez ce qui est dit ci-devant des notaires en général, & la subdivision NOTAIRE APOSTOLIQUE.

NOTAIRE ROYAL ET APOSTOLIQUE, est celui qui réunit la fonction de notaire royal séculier avec celle de notaire royal apostolique. Il y a néanmoins aussi quelquefois des notaires apostoliques qu'on appelle royaux, parce qu'ils ont été créés par le roi ; mais qui ne réunissent pas la fonction de notaire royal laïc.

NOTAIRE ROYAL LAIC ou SECULIER, est celui qui n'est établi que pour recevoir les actes en matiere temporelle, à la différence des notaires seulement apostoliques qui ne reçoivent que les actes concernant les bénéfices & matieres ecclésiastiques. Voyez NOTAIRE APOSTOLIQUE.

NOTAIRE NON ROYAL, se dit en deux sens différens, savoir en parlant d'un notaire seigneurial ou subalterne, & en parlant d'un notaire apostolique, lorsqu'il ne réunit pas en même-tems la fonction de notaire royal laïc ou séculier. Voyez NOTAIRE APOSTOLIQUE & NOTAIRE ROYAL.

NOTAIRE DE SANG ou SANGUIN, c'est ainsi que l'on appelloit anciennement celui des notaires du roi servant près les cours, qui y faisoit la fonction de greffier au criminel, & qui rapportoit les lettres de grace, appellées lettres-de-sang. Il y avoit quatre notaires aux requêtes du palais, dont un étoit notaire-de sang ; c'est ainsi qu'il est qualifié dans une ancienne ordonnance rapportée par Miraulmont dans ses mémoires, pag. 169.

Le sciendum de la chancellerie porte que les notaires sanguins ou criminels ont leur sceau des lettres-de-sang ou criminelles qu'ils font ou qu'ils signent, même le sceau des arrêts criminels & des rémissions de ban en la forme qui se fait en double queue ; que de toutes ces choses ils ne doivent rien prendre sinon qui se puisse manger & consommer en peu de tems, comme par exemple, bas de chausses, ou gants ou semblables choses légeres ; mais qu'ils ne peuvent demander autre chose, sous peine d'infraction de leur propre serment ; & s'il se savoit, de privation & suspension de leur office, dénigrement d'honneur & renommée. (A)

NOTAIRES surnommés scriniarii, c'étoient proprement des secrétaires du cabinet, ou du trésor de l'église. Le P. Mabillon en fait mention dans sa diplomatique pag. 125. & 126. Les notaires régionnaires furent aussi appellés scriniarii, parce que le pape Anthems ordonna que les actes des martyrs seroient renfermés dans des armoires ou boîtes appellées scrinia. Voyez aussi le glossaire de Ducange au mot notarii regionarii. Voyez ci-dessus NOTAIRES REGIONNAIRES.

Il est parlé dans les annales de S. Bertin, sous l'année 877, des notaires qui sont surnommés secundi scrinii, notaires du second cabinet, comme qui diroit notaires ou secrétaires de la petite chancellerie.

NOTAIRES EN SECOND, on appelle ainsi celui de deux notaires qui signe un acte dont l'autre retient la minute, soit qu'il assiste réellement à la passation de cet acte, comme cela s'observe dans les testamens, dans les sommations respectueuses, & dans quelques autres actes de rigueur, soit qu'il le signe simplement, à la relation de son confrere, & sans avoir été présent à la passation de l'acte, ainsi que cela se pratique pour la facilité de l'expédition à l'égard des actes ordinaires : il y a eu néanmoins divers reglemens qui ont enjoint aux notaires en second d'être présens aux actes & contrats, à peine de nullité ; entr'autres un arrêt du parlement du 13 Septembre 1713, rendu en forme de réglement pour les notaires de Meaux ; mais cela n'est point observé à la rigueur, si ce n'est pour certains actes tels que ceux dont on a parlé.

Il n'a pas toujours été d'usage d'appeller un second notaire à la passation des actes, soit que l'on y suppléât par la présence de deux témoins, ou que l'on se contentât de la présence d'un seul notaire, comme cela se pratique encore en certains pays.

Quelques-uns tiennent que l'usage de faire signer deux notaires vient de ce qu'anciennement on prenoit un notaire laïc & un de cour ecclésiastique ; le premier servoit pour obliger au for extérieur, & le second pour obliger au for intérieur, & par serment & conscience. Que cet usage cessa en Bretagne lorsque Pierre Maucler se brouilla avec le clergé, & à Paris, lorsqu'il fut défendu aux notaires ecclésiastiques de recevoir ni signer aucuns actes en matiere temporelle. Quelqu'un m'a pourtant assuré que l'on en usoit encore ainsi en Poitou dans le xv. siecle.

Quoi qu'il en soit, on trouve des actes reçus par deux notaires royaux dès le commencement du xiv. siecle & même auparavant.

La nécessité d'appeller un second notaire fut établie par l'ordonnance de Louis XII. du mois de Mars 1498, art. 66, laquelle porte qu'un seul notaire ou tabellion ne pourra recevoir un contrat sans qu'il y ait deux témoins, nonobstant toutes coutumes locales contraires ; lesquelles sont déclarées abusives.

Lorsque deux notaires reçoivent conjointement un acte, c'est le plus ancien qui en garde la minute, l'autre la signe comme notaire en second. (A)

NOTAIRES DU SECRET, ou Clercs du secret, c'étoient ceux des notaires ou secrétaires du roi qui faisoient la fonction de secrétaire d'état. Voyez au mot CLERC, l'article CLERCS DU SECRET & SECRETAIRES D'ETAT. Voyez aussi les lettres historiques sur le parlement, tome II. pag. 295.

NOTAIRES SECRETAIRES DU ROI, on joignoit anciennement deux titres pour désigner les officiers que nous appellons aujourd'hui simplement Secrétaires du roi. Voyez l'histoire de la chancellerie par Tessereau, tome I. & SECRETAIRES DU ROI.

NOTAIRE SECULIER ou LAIC, s'entend de tout notaire soit royal ou subalterne, qui n'est pas notaire apostolique. Voyez ci-devant NOTAIRE LAIC.

NOTAIRE DE SEIGNEUR, ou NOTAIRE SEIGNEURIAL, est celui qui est commis par un seigneur pour instrumenter en ladite qualité dans l'étendue de sa justice, & qui a prêté serment devant le juge de ce seigneur.

On appelle aussi ces notaires, subalternes, par la raison qui en sera expliquée dans la subdivision suivante.

L'origine des notaires de seigneurs est fort incertaine ; nous croyons cependant qu'on peut la rapporter aux notaires que les comtes du tems de la premiere & de la seconde race étoient obligés d'avoir, comme il est dit dans un capitulaire de Charlemagne, de l'an 805.

Il y a apparence que les comtés ayant été inféodés au commencement de la troisieme race, les seigneurs devenus propriétaires de ces comtés, continuerent d'avoir des notaires, comme ils en avoient du tems qu'ils n'étoient encore que gouverneurs des provinces ou villes dont ils étoient comtes ; & qu'à leur imitation les autres seigneurs auxquels on inféoda ou sous-inféoda de moindres terres, s'étant pareillement attribué l'administration de la justice par une extension du gouvernement militaire qu'ils avoient eu dans ces mêmes terres, & qu'ils conserverent encore sur leurs vassaux & autres sujets ; ils s'arrogerent aussi le droit d'avoir des notaires, qui faisoient d'abord la fonction de greffiers de leurs justices, de même que les notaires royaux la faisoient dans les cours & autres tribunaux royaux, & que ces notaires de seigneurs recevoient aussi le peu d'actes de jurisdiction volontaire que l'on passoit alors ; ce qu'ils faisoient en présence du juge, & sous l'autorité de son nom & du scel authentique du seigneur.

Ce qui est de certain, c'est que long-tems avant Philippe-le-Bel, il y avoit un nombre de prélats, barons & autres seigneurs, qui étoient en possession immémoriale d'instituer des notaires dans leurs terres, tellement que Philippe-le-Bel en défendant par son ordonnance du 23 Mars 1302, à tous sénéchaux, baillifs, justiciers, & à toutes autres personnes, d'instituer en son nom des notaires publics à cause de la multitude excessive qu'il y avoit de notaires, se reservant à lui seul & à ses successeurs rois, le pouvoir d'en créer ; il déclara en même tems qu'il n'entendoit pas néanmoins préjudicier par-là aux prélats, barons, & à tous ses autres sujets, qui par coutume ancienne étoient fondés à établir des notaires.

Ce même prince, par des lettres du mois de Mars 1304, accordées en faveur des barons, des nobles & habitans du pays d'Auvergne, autorisa de plus en plus les notaires subalternes, en ordonnant que ses chanceliers d'Auvergne (c'étoient des gardes des petits sceaux royaux) n'auroient aucuns notaires dans les terres & justices des barons & des autres seigneurs qui avoient haute justice, & qu'ils ne recevroient aucuns contrats dans les terres de ces seigneurs.

Philippe-le-Long fit plus ; car par une ordonnance qu'il donna au mois de Juin 1319, sur les remontrances des habitans d'Auvergne, il leur accorda que dorénavant il n'y auroit dans toute la baillie d'Auvergne & ressort d'icelle, aucun notaire public établi de son autorité, ni qui y fit les fonctions de notaire en aucune maniere ; ensorte que, suivant cette ordonnance, il ne devoit alors y avoir d'autres notaires que ceux des seigneurs, lesquels étoient même les seuls qui pussent instrumenter dans ce pays.

L'ordonnance de Philippe-le-Bel, du 23 Mars 1302, touchant la faculté qu'il avoit conservée aux seigneurs d'avoir des notaires, fut confirmée par le roi Jean, au mois d'Octobre 1351, avec la seule différence qu'en rappellant la disposition qui autorisoit les seigneurs qui seroient fondés sur une ancienne coutume ; il ajoute ces mots & approuvée.

Les seigneurs n'ont donc pas tous droit de tabellionage, mais seulement ceux qui sont fondés en titre ou possession immémoriale.

Quelques coutumes, comme Blois & Senlis, donnent au seigneur châtelain le droit de tabellionage ; celle de Touraine porte que les comtes & les barons peuvent avoir douze notaires, & les châtelains six.

François 1er, par son ordonnance donnée à Angoulême au mois de Novembre 1542, art. 4, accorde aux seigneurs, barons & châtelains des provinces réglées par le droit écrit, le pouvoir d'établir des tabellions, ainsi que faisoient déjà les barons & châtelains des pays coutumiers.

Les seigneurs qui n'ont simplement que la haute justice, n'ont pas droit de tabellionage ; à moins qu'ils ne soient fondés sur une concession expresse, ou sur une possession immémoriale, ou sur la disposition de la coutume.

Quoique les notaires de seigneurs ne soient souvent qualifiés que de tabellions, il est néanmoins certain qu'ils réunissent ordinairement la qualité de notaire à celle de tabellion.

Les notaires de seigneurs ne peuvent instrumenter que dans leur ressort.

L'ordonnance de 1539 leur défend de passer aucuns actes entre ceux qui ne sont point sujets à leur jurisdiction.

Plusieurs édits & déclarations postérieurs leur ont réitéré la même défense de passer aucuns actes, sinon entre personnes demeurantes dans leur territoire, & pour des héritages & choses qui y sont situés ; le tout à peine de faux & de nullité : le dernier réglement fait sur cette matiere, est l'édit du mois d'Octobre 1705.

Néanmoins, suivant la derniere jurisprudence, il suffit que l'acte soit passé dans le territoire de la justice du seigneur, quoiqu'aucune des parties n'y soit demeurante, & que les biens n'y soient pas situés. La question a été ainsi jugée par trois arrêts des 3 Février 1711, 18 Juin 1738, & 1er Août 1739.

L'acte reçu par un notaire de seigneur, dans son ressort, emporte hypotheque sur tous les biens des contractans, en quelque lieu qu'ils soient situés.

Il est exécutoire dans le ressort de la seigneurie, pourvu qu'il soit scellé du sceau de la jurisdiction seigneuriale ; mais pour le mettre à exécution dans l'étendue d'une autre justice, il faut la permission du juge du lieu : telle est la disposition de l'ordonnance de 1539, art. 66. Voyez le Parfait Notaire, de M. de Ferrieres, & le Recueil de Jurisprud. de M. de la Combe, au mot NOTAIRE. (A)

NOTAIRE SUBALTERNE, est un notaire de seigneurs ; quelques auteurs appellent ces notaires subalternes, soit parce qu'ils sont inférieurs aux notaires royaux pour l'étendue de leur pouvoir, soit parce qu'ils exercent leur ministere sous l'autorité d'un juge seigneurial ou subalterne, par lequel ils sont reçus. Voyez ci-devant NOTAIRE DE SEIGNEUR.

NOTAIRES-SYNDICS. Il fut créé par déclaration du 4 Septembre 1706, deux offices de notaires-syndics dans les villes & bourgs, où il avoit été réservé au moins huit notaires ; & un dans les villes & bourgs, où il en avoit été réservé au moins quatre. On attacha à ces offices de notaire le titre de syndic, & le droit de faire les fonctions de SYNDIC de la communauté des notaires. Il fut encore fait par édit du mois d'Août 1707, une autre création de syndic & garde scel des notaires en chaque justice & seigneurie, dans laquelle il y avoit deux notaires royaux établis. Mais tous ces offices de notaires syndics créés en 1706 & 1707, furent réunis aux communautés des notaires, par une déclaration du 24 Avril 1708 ; & par édit du mois de Décembre 1717, le titre & les fonctions de syndic attribués aux notaires créés par l'édit de 1706, furent supprimés. (A)

NOTAIRE-TABELLION, est celui qui réunit en sa personne les fonctions de notaire & celles de tabellion, c'est-à-dire, qui a le droit de recevoir les actes & de les expédier. Autrefois ces deux fonctions étoient séparées ; mais présentement elles sont presque par-tout réunies. Voyez ce qui est dit ci-devant des notaires en général. Voyez aussi TABELLION.

NOTAIRES-TRIBUNS, tribuni & notarii, c'étoient des officiers dont les empereurs romains se servoient pour porter leurs ordres : on pourroit les comparer aux secrétaires des commandemens ; il en est beaucoup parlé par Godefroy, sur la loi unique, au code Théodosien, de mandatis principum, & dans Henri de Valois, sur le liv. XVII. d'Ammian, p. 140.

Il y avoit aussi les tribuns des notaires, tribuni notarii, qui étoient proprement les premiers secrétaires du prince ; ils expédioient les édits du prince & les dépêches des finances. Voyez Zozime, lib. V. le Glossaire de Ducange, au mot Tribuni & les auteurs auxquels il renvoie.

NOTAIRE DE L'UNIVERSITE ; c'est ainsi que l'on appelloit anciennement le scribe ou greffier de chaque université : on en trouve nombre d'exemples dans les anciennes ordonnances de la 3e. race. (A)


NOTAPELIOTESS. m. (Géog. anc.) nom du vent qui souffle entre l'est & le sud. On l'appelle communément vent de sud-est ou eurus. (D.J.)


NOTARICONS. m. (Théol.) est la troisieme partie ou espece de cabale des Juifs. Voyez CABALE.

Rabbi Nathan, dans son grand Aruch, dit que le notaricon consiste à exprimer une chose, ou le nom d'une chose, par une seule lettre ; & fait venir ce mot du latin notarius, qui s'est dit de clercs, greffiers ou scribes qui écrivoient en notes ou caracteres abregés.

R. Elias Levita explique le notaricon de même dans son Thesbitas ; avec cette différence seulement qu'au lieu d'une seule lettre pour un mot entier, il permet d'en employer deux, & quelquefois jusqu'à trois. Voyez ABREVIATION.

Mais il paroît que ni l'une ni l'autre de ces deux définitions n'est la véritable définition du notaricon : car comme le notaricon consiste quelquefois à exprimer un mot entier, par une lettre unique, il consiste aussi d'autres fois à exprimer une lettre unique, par un mot entier.

Ainsi il saut distinguer deux sortes de notaricon ; la premiere consistant à retrancher, par apherese ou apocope, la premiere ou derniere lettre de plusieurs mots, pour en composer un mot ou une phrase ; lesquels sont par conséquent de deux sortes, ou composés de lettres initiales, ou composés de lettres finales. Et cette opération se peut faire de différentes manieres ; ou en suivant l'ordre des lettres, ou en les prenant à rebours. On la peut même faire d'une troisieme maniere, savoir, en passant par-dessus quelques lettres. La premiere de ces trois méthodes, que les rabbins appellent rasche theboth, paroît fort ancienne ; & passe parmi ceux qui sont versés dans l'hébreu, pour avoir tiré son origine des pseaumes, & autres ouvrages faisant partie de l'Ecriture-sainte, rangés par ordre alphabétique, de maniere que le premier verset commençoit par , premiere lettre de l'alphabet ; le second, par , seconde lettre, &c. Voyez ABECEDAIRE.

La seconde méthode est aussi fort commune, & s'appelle sophe-theboth, comme qui diroit fin des mots. Par exemple, en assemblant les dernieres lettres de ces mots , mihi quodnam nomen est ? quodnam ? ils trouvent le nom de Dieu, Jehovah. C'est une opération encore plus puérile, quand ils retranchent les lettres à rebours.

La troisieme méthode est beaucoup plus moderne, plus bizarre, & plus embarrassante. Par cette méthode, ce n'est point un mot qui donne une lettre seulement : mais chaque lettre unique donne un mot ; ensorte qu'un mot seul pourra fournir une phrase entiere.

Ainsi dans le seul mot , bereshit, que nous traduisons par au commencement, les rabbins trouvent : il créa le ciel & la terre, la mer, l'abîme, &c.


NOTATIONS. f. (Géom.) en Arithmétique, l'art de marquer les nombres par les caracteres qui leur sont propres, & de les distinguer par leurs figures. Voyez NOMBRE & CHIFFRE.

Le choix des caracteres arithmétiques est arbitraire ; aussi sont-ils différens chez les différentes nations. Mais il n'y en a peut-être pas de si commodes que ceux dont nous faisons aujourd'hui usage en Europe, qu'on dit avoir été inventés par les Arabes, & qu'on appelle par cette raison chiffres ou caracteres arabes. Cependant, selon l'observation de Wallis, un auteur arabe en attribue l'invention aux Indiens. Voyez BINAIRE, DACTYLONOMIE & ECHELLES ARITHMETIQUES.

Les Grecs, les Hébreux & les autres peuples de l'Orient, aussi bien que les Romains, marquoient leurs nombres par les lettres de leur alphabet. Voyez CARACTERE. Chambers. (O)


NOTES. f. (Gramm.) observations placées au bas des pages sur les endroits difficiles d'un ouvrage quel qu'il soit.

Il n'y a presque pas un ancien auteur qui n'ait été publié avec des notes, & qui n'en eût besoin.

Le mot note a encore d'autres acceptions. Voyez les articles suivans.

NOTE D'ABREVIATION, (Littérat.) écriture abrégée ; les notes d'abréviation en grec , étoient des figures qui n'avoient aucun rapport à l'écriture ordinaire, & dont chacune exprimoit une syllabe, ou un mot tout entier, à-peu-près comme l'écriture chinoise. Ces abrégés avoient été inventés par Ennius ; ils furent ensuite perfectionnés & augmentés par Tiron, & depuis par un affranchi de Mécénas : enfin, Séneque, ou quelqu'un de ses affranchis les rassembla tous. Non-seulement le Bembe mandoit autrefois au pape Jules II. qu'il avoit vû l'Astronomie composée en vers par Hippinus écrite de cette façon, mais Joseph Scaliger parle aussi d'un pseautier écrit de la même maniere.

Il paroît par un passage de la vie de Xenophon, dans Diogene Laerce, que cette façon d'écrire abrégée étoit en usage chez les Grecs long-tems avant qu'elle eût passé chez les Romains. Il est vraisemblable que le mot de notaire vient originairement de cette sorte d'écriture, du moins notarius est expliqué dans un ancien glossaire par .

Du tems de Cicéron, cette maniere d'écrire servoit principalement pour copier les plaidoyers, & les discours qui se prononçoient dans le sénat ; car les actes judiciaires s'écrivoient en notes, c'est-à-dire en notes abrégées, afin que le scribe pût suivre la prononciation du juge, & ne rien perdre de ses paroles. Ces abréviations n'étoient point un mystere de chicane imaginé pour tourmenter les plaideurs, & multiplier les procès ; les Romains ignoroient cet indigne artifice qui n'est que le fruit de l'intérêt, & l'ouvrage de la barbarie ; chaque citoyen entendoit une partie de ces sortes d'abréviations ; c'étoit d'ailleurs le style ordinaire des inscriptions publiques : les Jurisconsultes les employoient communément dans leurs ouvrages, aussi-bien que les Philosophes & les Rhéteurs dans leurs écoles.

A ces notes abrégées de jurisprudence & de jurisdictions, des particuliers en ajouterent depuis des nouvelles pour leur propre utilité, & qui n'étoient point d'usage au barreau, comme l'assure Valerius Probus : chaque caractere signifioit un mot, & cet usage se perfectionna en se portant à toutes sortes de matieres. Quintilien, Manile, Ausone, Martial, Prudence & Eusebe, S. Jerome, & S. Fulgence parlent de ces caracteres d'abréviations. Plusieurs modernes ont écrit pareillement sur cette matiere, mais Orsati (Sertorio) s'est distingué sur tous les autres par son commentaire sur les notes des Romains ; ouvrage plein d'industrie, de travail, & d'exactitude. Voyez aussi TACHEOGRAPHIE. (D.J.)

NOTES, s. f. en Musique, sont généralement tous les caracteres dont on se sert pour l'écrire ou pour la noter : mais ce terme s'applique plus précisément à ceux de ces caracteres qui désignent immédiatement les sons, leurs divers degrés du grave à l'aigu, & leurs différentes durées.

Les Grecs se servoient des lettres de leur alphabet pour noter leur musique. Or, comme ils avoient vingt-quatre lettres, & que leur plus grand systeme, qui, dans un même mode, n'étoit que de deux octaves, n'excédoit pas le nombre de seize sons ; il sembleroit que l'alphabet devoit être plus que suffisant pour les exprimer. Mais il faut remarquer en premier lieu, que les deux mêmes sons étant tantôt à l'extrêmité, & tantôt au milieu du troisieme tétracorde, selon le lieu où se faisoit la disjonction, Voyez SYSTEME, TETRACORDE ; on leur donnoit à chacun des noms qui marquoient ces diverses circonstances : secondement, que ces seize sons n'étoient pas tous les mêmes dans chacun des trois genres, qu'il y en avoit de communs, & qu'il y en avoit de différens ; il falloit par conséquent des notes particulieres pour exprimer ces différences : troisiemement, que la musique instrumentale se notoit d'une autre maniere que la musique vocale ; il falloit donc encore ici des distinctions de caracteres ? enfin, que les anciens ayant au-moins quinze modes, selon le dénombrement d'Alypius, il fallut approprier des caracteres à ces modes-là, comme on le voit dans les tables du même auteur. Toutes ces diverses modifications exigeoient une multitude de signes nécessaires, à laquelle les vingt-quatre lettres étoient bien éloignées de suffire. De là la nécessité d'employer les mêmes lettres pour plusieurs sortes de notes, ce qui obligea de donner à ces lettres différentes situations, & de les mutiler en divers sens. Par exemple, la lettre pi écrite de toutes les manieres , , , , , exprimoit cinq différentes notes. En combinant toutes les modifications qu'exigeoient ces diverses circonstances, on trouve 1620 notes en tout ; nombre prodigieux, qui devoit rendre l'étude de la musique grecque de la derniere difficulté ! aussi l'étoit-elle, selon le témoignage de Platon, qui veut que les jeunes gens se contentent de donner deux ou trois ans à la musique pour en apprendre les rudimens. Cependant les Grecs n'avoient pas un si grand nombre de caracteres différens, mais la même note avoit différentes significations, selon les occasions. Ainsi, cette lettre est dans le genre diatonique le lichanos hypaton du mode lydien & l'hypate-meson du mode phrygien, &c.

Les Latins qui, à l'imitation des Grecs, noterent aussi la musique avec les lettres de leur alphabet, retrancherent beaucoup de cette quantité de notes. Il paroît que Boëce établit l'usage de quinze lettres seulement ; & même le pape Grégoire, considérant que les proportions de sons sont les mêmes d'une octave à l'autre, réduisit encore ces quinze notes aux sept premieres lettres de l'alphabet, que l'on répétoit en différentes formes, d'une octave à l'autre.

Enfin, dans l'onzieme siecle, un bénédictin d'Arezzo, nommé Guy, substitua à ces lettres les syllabes dont nous nous servons aujourd'hui avec des points posés sur différentes lignes paralleles : dans la suite, on grossit ces points, & on s'avisa d'en distribuer aussi dans les espaces compris entre ces lignes.

Des sept noms des notes de notre musique les six premiers seulement, ut, ré, mi, fa, sol, la, sont de l'invention de Guy. On dit qu'il les inventa en 1024, à Pompose, dans le duché de Ferrare, & qu'il les tira de l'hymne de S. Jean,

Ut queant laxis resonare fibris

Mira gestorum famuli tuorum ;

Solve polluti labii reatum

Sancte Johannes.

en prenant la premiere syllabe de chaque hemistiche ou demi-vers : ce qu'Angelo Berardi a renfermé dans le vers suivant.

Ut relevet miserûm fata sollicitosque labores.

La septieme, savoir le si, a été ajoutée, selon quelques uns, par Jean de Muris ; selon d'autres, par Vander Putten ; & par un nommé le Maire, selon Brossard. Voyez SI. Vossius ne veut pas même accorder aux modernes l'invention des six autres notes, mais il avance que les Egyptiens en faisoient usage long-tems auparavant, en quoi il prétend s'appuyer du témoignage obscur de quelques anciens. Voyez les articles CLE, DEGRES, GAMME, INTERVALLES, PORTEE.

Les notes, à ce qu'on croit, n'eurent long-tems d'autre usage que de marquer les degrés & les différences des tons. Elles étoient toutes, quant au tems, d'égale valeur, & ne recevoient à cet égard d'autres différences que celles des syllabes longues & breves sur lesquelles on les chantoit : c'est dans cet état qu'est demeuré le plein-chant. Voyez PLEIN-CHANT. On prétend même que cela dura pour la musique jusqu'en 1330, où, selon la commune opinion, Jean de Meurs ou de Muris, docteur & chanoine de Paris, leur donna différentes figures pour marquer les rapports de durée qu'elles devoient avoir entr'elles : plusieurs de ces figures ne subsistent plus ; on leur en a substitué d'autres. Voyez MESURE, TEMS, VALEUR DE NOTES.

Pour déterminer le sens des notes, & en rendre exactement l'expression, il y a huit choses essentielles à considerer ; savoir, 1. la clef & sa position ; 2. les dièses ou bémols qui peuvent l'accompagner ; 3. le lieu ou la position de la note ; 4. son intervalle ; c'est-à-dire, son rapport à celle qui la précede, ou la tonique ; 5. sa figure ; 6. le tems où elle se trouve, & la place qu'elle y occupe ; 7. le dièse, ou bémol, ou béquarre accidentel qui peut la précéder ; 8. l'espece de la mesure & le caractere du mouvement. Une seule de ces observations manquée doit faire chanter faux ou hors de mesure.

Tous ceux qui ont examiné avec attention la méchanique des caracteres de notre musique, y ont apperçu des défauts considérables, qui ne sont que des suites nécessaires de la maniere dont ces caracteres se sont établis. La musique a eu le sort des arts qui ne se perfectionnent que lentement & successivement ; les inventeurs des notes n'ont songé qu'à l'état où elle se trouvoit de leur tems, sans prévoir celui où elle pouvoit parvenir dans la suite ; aussi leur systême s'est-il bien-tôt trouvé défectueux ; & d'autant plus défectueux que l'art s'est plus perfectionné. A mesure qu'on avançoit, on établissoit de nouvelles regles pour remédier aux inconvéniens présens : en multipliant les expressions, on a multiplié les difficultés, & à force d'additions & de chevilles, on a tiré d'un principe assez simple, un systême fort embrouillé & fort mal assorti.

Plusieurs de ces défauts sautent aux yeux. En général, on peut les réduire à trois classes principales. La premiere est la multitude des signes & de leur combinaisons, qui surchargent inutilement l'esprit & la mémoire des commençans. De façon que l'oreille étant formée, & les organes ayant acquis toute la facilité nécessaire long-tems avant qu'on soit en état de chanter à livre ouvert ; il s'ensuit que la difficulté est toute dans l'observation des regles, & nullement dans l'exécution du chant. La seconde est le défaut d'évidence dans le genre des intervalles exprimés sur la même ou sur différentes clefs, défaut d'une si grande étendue, que non-seulement il est la principale cause de la lenteur du progrès des écoliers, mais encore qu'il n'est point de musicien formé qui n'en soit incommodé dans l'exécution. La troisieme enfin est l'extrême diffusion des caracteres & le trop grand volume qu'ils occupent ; ce qui, joint à ces lignes, & à ces portées si ennuyeuses à tracer, devient une source d'embarras de plus d'une espece. Si le premier mérite des signes d'institution est d'être clair, le second est d'être concis : quel jugement doit-on porter des notes de notre musique à qui l'un & l'autre manque ?

Les Musiciens, il est vrai, ne voient point tout cela. Faut-il s'en étonner ? La musique pour eux n'est pas la science des sons ; c'est celle des noires, des blanches, des doubles croches, &c. Dès que ces figures cesseroient d'affecter leurs yeux, ils ne croiroient jamais voir de la musique. D'ailleurs, ce qu'ils ont appris difficilement, pourquoi le rendroient-ils facile à d'autres ? Ce n'est donc pas eux qu'il faut consulter sur ce point.

Mais les défauts des caracteres de la musique sont plus aisés à connoître que les remedes à trouver. Plusieurs jusqu'ici l'ont tenté sans succès.

Tous les systèmes qui n'ont pas eu pour premier principe l'évidence des intervalles, ne nous paroissent pas valoir la peine d'être relevés. Nous ne nous arrêterons donc point à celui de M. Sauveur, qu'on peut voir dans les mémoires de l'académie des Sciences, année 1721, ni à celui de M. Demaux, donné quelques années après. Des queues tournées à droite, à gauche, en haut, en bas, & des biais en tout sens, pour représenter des ut, des ré, &c. sont les notes inventées par celui-ci. Celles de M. Sauveur sont des têtes & des queues différemment situées pour répondre aux dénominations, pa, ra, ga, so, bo, lo, do, &c. substituées par le même auteur à celle de l'Arétin. On sent d'abord que tout cela ne dit rien aux yeux, & n'a nul rapport à ce qu'il doit signifier. Plus récemment encore on a proposé un nouveau système dans un petit ouvrage intitulé dissertation sur la musique moderne, & publié en 1743 ; la simplicité de ce systême nous invite à en rendre compté dans cet article.

Les caracteres de la musique ont un double objet ; savoir, de représenter les sons 1°. selon leurs divers intervalles du grave à l'aigu, ce qui constitue l'harmonie & le chant ; 2°. & selon leurs durées relatives du vîte au lent, ce qui détermine le tems & la mesure.

Pour le premier point, de quelque maniere qu'on retourne la musique, on n'y trouvera jamais que des combinaisons des sept sons de la gamme portés à diverses octaves, ou transposés sur différens degrés, selon le ton & le mode qu'on aura choisi. L'auteur de la dissertation exprime ces sept sons par les sept premiers chiffres de l'arithmétique, desorte que le chiffre 1 forme la note ut ; 2, la note ré ; 3, la note mi, &c. & il les traverse d'une ligne horisontale dans l'ordre marqué. Voyez les Pl. de Musique.

Il écrit au-dessus de la ligne les notes qui, continuant de monter, se trouveroient dans l'octave supérieure ; ainsi, l'ut qui suivroit immédiatement le si, en montant d'un sémiton, doit être au-dessus de la ligne de cette maniere , & de même les notes qui appartiennent à l'octave aiguë, dont cet ut est le commencement, doivent toutes être audessus de la même ligne. Si l'on entroit dans une troisieme octave à l'aigu, il ne faudroit que traverser les notes par une seconde ligne accidentelle audessus de la premiere. Voulez-vous, au contraire, descendre dans les octaves inférieures à celle de la ligne principale, écrivez immédiatement au-dessous de cette ligne les notes de l'octave qui la suit en descendant ; si vous descendez encore d'une octave, ajoutez une ligne au-dessous, &c. au moyen de trois lignes seulement vous pouvez parcourir l'étendue de cinq octaves ; ce qu'on ne sauroit faire dans la musique ordinaire à moins de dix-huit lignes.

On peut même se passer de tirer aucune ligne. On place toutes les notes horisontalement sur le même rang : on met un point au-dessus de chaque note qui passe, en montant, le si de son octave, c'est-à-dire, qui entre dans l'octave supérieure ; ce point suffit pour toutes les notes suivantes qui sont dans la même octave. Que si l'on redescend d'une octave à l'autre, c'est l'affaire d'un autre point sous la note par laquelle on y rentre, &c.

La premiere maniere de noter avec des lignes convient pour les musiques fort travaillées & fort difficiles, pour les grandes partitions, &c. La seconde avec des points est propre aux musiques plus simples & aux petits airs ; mais rien n'empêche qu'on ne puisse à sa volonté l'employer toujours à la place de l'autre, & l'auteur s'en est servi pour la fameuse ariette, l'objet qui regne dans mon ame, qu'on trouve ainsi notée fort exactement par ses chiffres, en partition avec la basse & la symphonie, à la fin de son ouvrage.

Par cette méthode, tous les intervalles deviennent d'une évidence dont rien n'approche ; les octaves portent toujours le même chiffre ; les intervalles simples se reconnoissent toujours dans leurs doubles ou composées : on connoît d'abord dans la dixieme + 3 ou 13, que c'est l'octave de la tierce majeure 13. Les intervalles majeurs ne peuvent jamais se confondre avec les mineurs ; le 24 sera éternellement une tierce mineure, 46 éternellement une tierce majeure, la position ne fait rien à cela.

Après avoir ainsi réduit toute l'étendue du clavier sous un beaucoup moindre volume avec des signes beaucoup plus évidens, on passe aux transpositions.

Il n'y a dans notre musique, qu'un mode majeur & un mode mineur. Qu'est-ce que chanter ou jouer en ré majeur ? C'est transporter la gamme ou l'échelle d'ut, un ton plus haut, & la placer sur le ré, comme tonique ou fondamentale : tous les rapports qui appartenoient à l'ut deviennent propres au ré par cette transposition. C'est pour exprimer cela qu'il a tant fallu imaginer d'altération, de dièses ou de bémols à la clé. L'auteur du nouveau systême supprime tout d'un coup tous ces embarras ; le seul mot ré mis à la marge, avertit que la piece est en ré majeur, & comme alors ré est revêtu de toutes les propriétes de l'ut, aussi l'appelle-t-il ut, & le marque-t-il avec le chiffre 1, & toute son octave avec les chiffres, 2, 3, 4, &c. comme ci-devant. Ce ré de la marge, il l'appelle clé ; c'est la touche ré ou D du clavier naturel ; mais ce même ré devenu tonique, il l'appelle ut dans le chant : c'est la fondamentale du mode.

Il faut remarquer que cette fondamentale, qui est tonique dans les tons majeurs, devient médiante dans les tons mineurs ; la tonique qui prend le nom de la, se trouvant alors une tierce mineure, audessous de cette fondamentale ; c'est ce qui se distingue par une petite ligne horisontale qui se tire sous la clé. Ré designe le mode majeur de ré ; mais ré désigne le mode mineur de si, dont ce ré est médiante. Distinction qui n'est que pour la connoissance assurée du ton, & dont on peut se passer dans les chiffres du nouveau systême, aussi-bien que dans les notes ordinaires ; au lieu des noms mêmes des notes, on pourroit se servir pour clés des lettres majuscules de la gamme qui leur répondent, C pour ut, D pour ré, &c. Voyez GAMME.

Les Musiciens ont beaucoup de mépris pour la méthode des transpositions ; l'auteur fait voir que ce mépris n'a nul bon fondement ; que c'est leur méthode qu'il faut mépriser, puisqu'elle est difficile en pure perte, & que les transpositions, dont il montre les avantages, sont même sans qu'ils s'en apperçoivent, la véritable regle que suivent tous les grands musiciens & les habiles compositeurs. Voyez TRANSPOSITION.

Il ne suffit pas de faire connoître toutes les notes d'une octave, ni le passage d'une octave à l'autre par des signes clairs & certains ; il faut encore indiquer de même le lieu du clavier qu'occupent ces octaves. Si j'ai un sol à entonner, ce sol doit être déterminé ; car il y en a cinq dans le clavier, les uns hauts, les autres moyens, les autres bas, selon les différentes octaves. Ces octaves sont indiquées dans le nouveau systême par de petites lettres qui sont au commencement de chaque ligne, qui répondent à autant d'octaves & determinent le lieu du clavier où l'on se trouve en commençant cette ligne. Il faut voir la figure qui est à la fin du livre, & l'explication qu'en donne l'auteur pour se mettre au fait de cette partie de sa méthode qui est des plus simples.

Il reste pour l'expression de tous les sons possibles à rendre les altérations accidentelles amenées par la modulation, ce qui se fait sans embarras. Le dièse se forme en traversant la note d'une petite barre montant de gauche à droite, ainsi 3, 7 ; le bémol par une semblable barre, descendant dans le même sens 7, 3. A l'égard du béquarre, l'auteur le supprime, comme un signe tout-à-fait inutile dans son systême.

Cette partie ainsi remplie, il faut venir au tems ou à la mesure.

D'abord, l'auteur fait main-basse sur cette foule de différentes mesures, dont on a si inutilement chargé la musique. Il n'en reconnoît que deux, mesure à deux tems & mesure à trois : les tems de chacune de ces mesures peuvent à leur tour être divisés en deux, ou en trois parties égales. De ces deux regles combinées, il tire des expressions exactes pour tous les mouvemens possibles.

On rapporte dans la musique ordinaire les diverses valeurs des notes, à celle d'une note particuliere qui est la ronde, ce qui fait que la durée de cette ronde variant continuellement, les notes qu'on lui compare n'ont point de valeur fixe. M. Rousseau s'y prend autrement : il ne détermine les valeurs des notes que sur l'espece de la mesure dans laquelle elles sont employées, & sur le tems qu'elles y occupent : une note entre deux barres remplit seule toute une mesure : dans la mesure à deux tems, deux notes au lieu d'une remplissant la mesure, forment chacune un tems. Trois notes font la même chose dans la mesure à trois tems. S'il y a quatre notes dans une mesure à deux tems ou six dans une mesure à trois, c'est que chaque tems est subdivisé en deux parties égales ; on passe donc deux notes pour un tems. On en passe trois, quand il y a six notes dans l'une ou neuf dans l'autre. En un mot, quand il n'y a aucun signe d'inégalité, le nombre des notes contenues dans une mesure, se distribue également en deux ou trois tems, selon l'espece de la mesure ; & pour rendre cette distribution plus aisée, on sépare si l'on veut les tems par des virgules ; ensorte qu'en lisant la musique, on voit clairement la valeur des notes sans qu'il leur faille donner pour cela aucune figure particuliere. Voyez les Planches de Musique.

Les divisions inégales ne sont gueres plus difficiles à noter. Ces inégalités ne sont jamais que des subdivisions, qu'on ramene à l'égalité par un trait dont on couvre deux ou plusieurs notes. Par exemple, si un tems contient une croche & deux doubles croches, un trait au-dessus ou au-dessous des deux doubles croches, montrera qu'elles ne font ensemble que la valeur de la croche : ainsi un tel tems se trouve divisé en deux parties égales ; savoir la note seule & le trait qui en comprend deux. Il y a encore des subdivisions d'inégalité qui peuvent exiger des traits, comme si une croche pointée étoit suivie de deux triples croches, il faudroit d'abord un trait sur les deux notes qui exprimeroient les triples croches, ce qui les rendroit ensemble égales au point ; puis un second trait, qui couvrant les deux triples croches & le point, les rendroit ensemble égaux à la croche ; mais quelque vîtesse que puissent avoir les notes, ces traits ne sont jamais nécessaires que quand les valeurs sont inégales, & quelque inégalité qu'il puisse y avoir, on n'aura jamais besoin de passer deux traits, sur-tout en séparant les tems par des virgules. Voyez les fig.

L'Auteur du nouveau systême y employe le point, mais c'est autrement que dans la musique ordinaire ; dans celle-ci le point vaut toujours la moitié de la note qui le précéde ; dans la sienne le point qui marque toujours le prolongement de la note précédente, n'a point d'autre valeur que celle de la place qu'il occupe : si le point remplit un tems, il vaut un tems ; s'il remplit une mesure, il vaut une mesure ; s'il se trouve dans un tems avec une autre note, le point vaut la moitié de ce tems. En un mot, le point se compte pour une note, s'évalue comme les notes mêmes, & il y a tel cas où l'on peut employer plusieurs points de suite de valeurs égales ou inégales, pour marquer des tems ou des syncopes.

Tous les silences n'ont besoin que d'un seul caractere ; c'est le zéro. Le zéro s'emploie comme les notes & comme le point, il vaut le tems ou la durée dont il occupe la place, & le point se place après un zéro pour prolonger un silence, comme après une note pour prolonger un son.

Tel est à-peu-près le fond du systême de M. Rousseau : nous ne le suivrons point dans le détail des régles, ni dans la comparaison qu'il fait des caracteres en usage avec les siens : on s'attend bien qu'il met tout l'avantage de son côté, mais ce préjugé ne détournera jamais un homme impartial d'examiner les raisons de cet auteur dans son ouvrage même. Voyez dans nos Pl. de Musiq. un air noté par ces nouveaux caracteres. (S)

NOTE SENSIBLE, en Musique, est celle qui est une tierce majeure au-dessus de la dominante, ou un semi-ton au-dessous de la tonique. Le si est note sensible dans le ton d'ut, le sol dièse dans le ton mineur de la.

On l'appelle note sensible, parce qu'elle fait sentir le ton & la tonique, sur laquelle, après l'accord dominant, elle est même obligée de monter, ce qui fait que quelques-uns traitent cette note sensible de dissonance majeure.

Je n'ai point dit que la note sensible est la septieme note du ton, parce qu'en mode mineur cette septieme note n'est note sensible qu'en montant ; car en descendant, elle est à un ton de la tonique, & à une tierce mineure de la dominante. Voyez MODE, TONIQUE, DOMINANTE, &c. (S)

Nous avions promis de donner ici, d'après M. Rameau, la raison pourquoi la note sensible est un demi-ton au-dessous de la tonique. La raison qu'il en donne est que cette note sensible est la tierce majeure de la dominante, qui résonne dans la dominante, & que le repos ou cadence parfaite dans la basse étant la cadence ou chûte de la dominante à la tonique, le repos le plus parfait dans l'échelle diatonique doit par conséquent consister à monter la note sensible à cette tonique. Voyez mes élémens de Musique, article 77, premiere édition. (O)

NOTE, signifie, dans le Commerce, un petit extrait ou mémorial qu'on fait de quelque chose pour s'en mieux souvenir.

Les agens de change prennent la note des lettres & billets de change que les marchands ou banquiers ont à négocier ; quelquefois les marchands les leur confient sur une simple note signée d'eux. Pour plus d'exactitude, l'agent doit faire toûjours la note double ; l'une pour le banquier à qui appartiennent les lettres & billets, l'autre pour soi-même. Dictionnaire de Commerce.

NOTE, veut dire aussi un mémoire, un état. Donnez-moi une note, c'est-à-dire, un état de ce que je vous dois. Id. ibid.


NOTÉadj. (Jurisprud.) On appelle un homme noté, en terme de palais, celui dont l'honneur & la réputation ont souffert quelque atteinte, soit par un jugement qui a prononcé contre lui quelque peine qui porte infamie de droit ou de fait, soit par quelque accusation ou reproche dont il ne s'est point lavé. Voyez INFAMIE. (A)


NOTERv. act. c'est écrire de la musique avec des caracteres destinés à cet usage, & appellés notes. Voyez NOTES.

Il y a, outre la beauté des caracteres, une certaine netteté & une certaine élégance dans la maniere de noter, à laquelle les copistes ne sont pas toûjours attentifs, & qui soulage pourtant beaucoup l'attention du lecteur. Par exemple, on ne devroit pas serrer les notes de longue durée, comme on fait celles de moindre valeur ; mais il faudroit que l'égalité de l'espace fût à-peu-près correspondante à l'égalité des tems. Dans les partitions, il faut que non-seulement chaque mesure, mais chaque tems & même chaque note, quand cela se peut, soit exactement vis-à-vis de celle qui lui doit correspondre d'une partie à l'autre. Dans la musique vocale, il faut avoir grande attention que les notes répondent exactement aux syllabes ; ce qui ne peut guere mieux se faire qu'en écrivant les paroles les premieres, car c'est leur distance qui doit déterminer celle des notes ; il n'y a que les roulades à excepter. Quand on ajoute des lignes audessus ou au-dessous de la portée, il ne faut point qu'elles soient continues, mais qu'elles soient coupées & séparées d'une note à l'autre, afin que le lecteur ne soit pas exposé à les confondre avec les cinq lignes de la portée. Cet avertissement est sur-tout pour les copistes françois : celui qu'on devroit donner aux copistes italiens seroit d'être plus exacts à former le guidon à la fin de chaque ligne, afin qu'on ne fût pas exposé à prendre une portée pour l'autre. Il y a mille petites attentions de cette nature qui sont communément méprisées, & dont la négligence incommode pourtant les plus habiles, même sans qu'ils s'en apperçoivent. (S)


NOTICES. f. terme de Littérature, qui signifie la connoissance qu'on donne d'une chose, par des observations & des recherches critiques qu'on fait dessus. De-là est venu le mot de notification, l'action de notifier, de donner la notice ou la connoissance de quelque chose. Ces mots sont également dérivés du latin noscere, connoître. Voyez CONNOISSANCE.

Pour donner la notice d'un livre ou d'un manuscrit, on examine par qui il a été composé, en quel tems, quelle en est la forme, l'écriture, le nombre des pages : on fait un sommaire de ce qu'il contient, on dit par quelles mains il a passé, & comment il est parvenu dans le cabinet ou la bibliotheque qui le possede.

Notice est aussi le titre de certains ouvrages, composés pour faire connoître d'une maniere particuliere les villes, les provinces, les routes, &c. d'un royaume, les diverses parties d'une province, les villes & les paroisses d'un diocèse, &c.

Tel est le livre intitulé notitia Imperii, & la notice des Gaules que nous a donnée M. de Valois sous le titre de notitia Galliarum, & qui est un recueil des différens noms que les provinces & les villes de France ont portés en différens tems. M. Secousse de l'académie des Belles-Lettres a donné, dans le septieme volume des mémoires de cette académie, un projet d'une nouvelle notice des Gaules & pays soumis aux François depuis la fondation de la monarchie, & un essai relatif à ce même projet, qui montre combien un pareil ouvrage seroit intéressant, s'il étoit exécuté par une main aussi habile que celle qui a tracé le plan.

Les notices des dignités de l'Empire, tant d'orient que d'occident, sont d'un grand usage dans l'étude de l'Histoire, soit romaine, soit ecclésiastique ; cependant elles ne peuvent guere être utiles, dumoins aux jeunes gens, sans d'excellentes notes telles que celles de Pancirole, & sans de fréquentes corrections dans le texte qui est horriblement défiguré ou corrompu.


NOTIFICATIONS. f. (Jurisprud.) est un exploit par lequel on donne connoissance à quelqu'un du contenu dans quelque acte : la notification se fait en signifiant une copie de l'acte, à ce que celui auquel on le signifie n'en prétende cause d'ignorance. Quelquefois cette signification est accompagnée de l'exhibition de l'original, comme quand l'acquéreur d'un fief notifie son contrat au seigneur pour faire courir l'an du retrait féodal, ou, si c'est un héritage roturier, pour ne pas encourir l'amende dûe pour ventes récelées & non-notifiées. Le seigneur féodal qui saisit le fief de son vassal, doit lui notifier la saisie ; enfin, un gradué doit notifier ses grades tous les ans dans le tems de carême. Voyez EXHIBITION, GRADES, GRADUES, SAISIE FEODALE. (A)


NOTIOMETRE(Physiq.) est la même chose qu'hygrometre. Voyez HYGROMETRE.


NOTIONS. f. est un terme de Logique, qui signifie l'idée que nous nous formons d'une chose. Ce nom ne convient qu'aux idées complexes. Voyez IDEE & PRENOTION.

M. Léibnitz a distingué fort exactement toutes les especes de notions dans les actes de Leipsick, 1684.

Notion claire, selon lui, est celle qui suffit pour se rappeller un objet ; par exemple, celle d'une figure.

Notion obscure, c'est celle qui ne suffit pas pour se rappeller un objet ; par exemple, celle d'une plante qu'on doute, en la voyant, si on ne l'a pas vûe déja ailleurs, & si on doit lui donner tel ou tel nom.

Notion distincte, c'est celle qui nous rend capables de marquer les différens caracteres auxquels nous reconnoissons une chose ; par exemple, celle-ci : le cercle est une figure terminée par une ligne courbe qui revient sur elle-même, & dont tous les points sont également éloignés d'un point milieu. Voyez DISTINCT.

Notion confuse, est celle avec laquelle on n'est pas en état de marquer les différens caracteres auxquels on peut reconnoître un objet, quoi qu'il soit. Telle est la notion de la couleur rouge.

Notion adéquate, c'est celle où l'on a des notions distinctes des marques ou caracteres qui font reconnoître un objet ; par exemple, c'est la notion du cercle dont nous venons de parler, lorsqu'elle est accompagnée de la notion distincte d'une courbe qui revient sur elle-même, & dont tous les points sont également éloignés d'un autre point qui est au milieu. Voyez ADEQUAT.

Notion inadéquate, c'est celle où l'on n'a que des notions confuses des caracteres qui entrent dans la notion distincte.

On admet dans les Mathématiques quelques notions confuses, lorsque leur explication n'est pas de grande conséquence pour la démonstration.

Ainsi Euclide n'explique point la notion d'égalité, quoiqu'elle entre dans les notions de triangle équilatéral, de rhombes, &c. parce que les propositions, dont la démonstration est appuyée sur la notion d'égalité, sont aisément accordées sans entrer dans un si grand détail ; par exemple, que deux choses égales à une même troisieme sont égales entr'elles. Mais, dans les définitions mathématiques, on n'admet jamais d'autres notions que celles qui sont distinctes, & en même-tems aussi adéquates qu'il est possible, & que le sujet le demande. Voyez DEFINITION.

On distingue dans l'école les notions en formelles & objectives, & chacune se subdivise en premiere formelle & seconde formelle, premiere objective & seconde objective.

Premiere formelle notion, est la connoissance que nous avons d'une chose selon ce qu'elle est, ou ce qu'elle a en elle-même ; par exemple, la notion du feu en tant que feu, celle d'un corps lumineux en tant que lumineux, &c.

Premiere notion objective, est la chose elle-même connue selon ce qu'elle est, ou ce qu'elle a en elle-même, comme le feu connu en tant que feu.

Seconde notion formelle, c'est la connoissance d'une chose selon ce qu'elle reçoit de l'entendement, comme celle du feu en tant que sujet & non attribut.

Seconde notion objective, est ce qui s'applique à une chose par le moyen de l'opération de l'entendement, ou ce qu'elle reçoit de l'entendement.

Notions communes, appellées aussi prénotions, & , sont certains principes que l'on regarde comme innés & comme évidens par eux-mêmes, c'est-à-dire, qui frappent l'esprit par une lumiere qui leur est propre, sans le secours d'aucune preuve, comme si Dieu lui-même les avoit gravés dans notre ame : ces principes sont les fondemens de toutes les Sciences, & les moyens par lesquels on les démontre. Voyez IDEE INNEE, CONNOISSANCE, &c.

Ces notions communes, qu'on regarde comme le fondement des Sciences, sont appellées axiomes. Voyez AXIOME.

On les appelle communes, non qu'elles soient si nécessairement apperçues par tout le monde qu'aucun homme ne les puisse ignorer ou nier, mais parce qu'elles sont regardées comme vraies & certaines par toutes les personnes qui ont une droite raison. C'est ainsi qu'on dit qu'une nourriture est saine, quoiqu'elle ne soit pas telle généralement pour tous les hommes, mais seulement pour ceux qui sont en bonne santé. Aristot. topic. c. iv.

Il y a de deux sortes de notions communes ; savoir, 1°. de théoriques, qui ne menent qu'à des choses de pure spéculation, par exemple, celles-ci : chaque chose est ou n'est pas ; rien ne peut se faire de lui-même ; le tout est plus grand que sa partie ; si des grandeurs égales sont ajoutées à des grandeurs égales, les sommes seront égales : 2°. des notions communes pratiques, qui servent de fondement aux principes de la vertu & de la saine morale ; par exemple, Dieu doit être aimé & adoré ; nous devons honorer nos parens ; nous devons rendre à chacun ce qui lui est dû, comme nous voudrions qu'on nous le rendît à nous-mêmes.

Il y a cependant des philosophes (& on peut dire que ce sont les plus habiles), qui rejettent absolument ces notions prétendues innées ; la raison qu'ils en apportent est que notre esprit n'a pas besoin d'être préparé à penser par de certaines notions actuelles, mais que la seule faculté de penser lui suffit, ce qui se manifeste par les perceptions qu'un enfant reçoit du pain, du goût, des couleurs, &c. Ces philosophes ajoutent que les organes de nos sens, affectés par les objets qui se présentent à eux, & joints avec la faculté que nous avons de réfléchir sur ces objets & de combiner les idées qu'ils font naître en nous, sont plus que suffisans pour produire dans notre ame toutes les connoissances que nous avons. Voyez CONNOISSANCE.


NOTIUM(Géog. anc.) nom 1°. d'une ville de l'Ionie ; 2°. d'une ville de l'Aeolide ; 3°. d'une ville dans l'île de Calidna aux environs de l'île de Rhodes ; 4°. d'un promontoire de la Chine, selon Ptolémée, l. VII. c. iij. (D.J.)


NOTO(Géog.) ville de Sicile dans la partie méridionale de l'île, vers la source d'une petite riviere de même nom. C'est l'ancienne Neetum. Elle est située dans les terres, sur une petite montagne assez escarpée, à 9 milles E. de Modica, à 8 O. de la mer de Sicile, & à 15 N. du cap de Passaro. Long. 32. 45. lat. 36. 50.

NOTO, VAL DI, (Géog.) l'une des trois vallées ou provinces qui partagent la Sicile, & à laquelle la ville de Noto qui en est la capitale, donne son nom. Elle est bornée au N. par le Val-Démona ; à l'E. & au S. par la mer ; à l'O. partie par la mer, partie par le val di Mazara.

La petite ville de Noto est la patrie de Aurispa (Jean), qui fut dans les langues grecques & latines l'un des plus doctes personnages du commencement du xv. siecle. On lui attribue une traduction d'Archimede, une version d'un traité de consolation de Philiscus à Ciceron, & celle du commentaire d'Hiérocles sur les vers dorés de Pythagore ; cette derniere fut imprimée à Bâle in-8 °. en 1543, qui est à-peu-près le tems de la mort du traducteur. (D.J.)


NOTOIREadj. (Jurisp.) se dit de ce qui est connu, public & évident. Il y a notoriété de droit & notoriété de fait. Voyez ci-après NOTORIETE.


NOTORIÉTÉS. f. (Jurisp.) se dit en général de ce qui est connu.

La notoriété d'un fait le rend en quelque sorte certain, tellement qu'en matiere criminelle la notoriété d'un crime tient lieu d'information. Voyez l'ordonnance de 1670, tit. X. art. 9.

La notoriété publique est celle des choses que tout le monde connoît.

La notoriété particuliere est la connoissance de quelques personnes. On fait des notoriétés ou des certificats pour attester certains faits qui sont notoires dans une ville, dans une maison ou dans une famille ; pour attester qu'un homme est mort en tel tems, qu'il étoit riche d'une telle somme, qu'il a laissé tant d'enfans, qu'un tel a été son héritier.

Acte de notoriété est un certificat authentique délivré par des officiers de judicature, de ce qui se pratique dans leurs siéges sur quelque matiere de Jurisprudence, ou quelque forme de procédure.

Ces sortes d'actes sont ordinairement accordés à la requisition de quelqu'un qui a intérêt de constater l'usage.

Le juge qui les délivre, ne le doit faire qu'après avoir consulté les autres officiers de son siége s'il y en a, & même après avoir pris l'avis des avocats & procureurs, ou autres praticiens de son siége, s'il n'y a ni avocats ni procureurs en titre.

L'usage des actes de notoriété s'est introduit depuis l'abrogation des enquêtes par turbes, qui a été faite par l'ordonnance de 1667.

Pour que les actes de notoriété puissent avoir quelque autorité dans une cause ou procès, il faut qu'ils ayent été délivrés en vertu d'un jugement d'un juge supérieur ; autrement ces sortes d'actes ne passent que pour des certificats mendiés, que le juge a accordés par complaisance & à force d'importunités.

Il faut aussi qu'il y ait requête présentée par l'une des parties ; qu'on appelle devant le juge les parties qui peuvent y avoir intérêt ; que les avocats soient ouis de vive voix à l'audience, & le syndic des procureurs pour tous ceux du siége ; que le ministere public ait donné ses conclusions ; que l'acte fasse mention des jugemens sur lesquels la notoriété est établie ; enfin, qu'il soit ordonné qu'acte en sera délivré à la partie requérante, pour lui servir ce que de raison.

Les juges sont les seuls qui ayent caractere pour donner des actes de notoriété ; les avocats d'un siége même en corps ne peuvent donner que des consultations ; les gens du roi, ou autres personnes qui exercent le ministere public, ne sont pas non plus parties capables pour donner des actes de notoriété en forme.

On a imprimé en 1709 un recueil des actes de notoriété, que M. le lieutenant civil le Camus avoit donnés sur l'usage observé au châtelet dans plusieurs matieres importantes.

Sur les actes de notoriété voyez Rebuffe, in tract. de consuetud. num. 6. Henrys, tome I. liv. IV. ch. iij. quest. 8. Augeard, tome I. arrêt du 30 Août 1706.


NOTOZÉPHYRUSS. m. (Géog. anc.) on donne ce nom au vent qui souffle d'un point situé entre le sud & l'ouest ; c'est le vent du sud-ouest, nommé en latin africus.


NOTRE-DAME(Hist. ecclés.) est le nom qu'on donne souvent à la sainte Vierge. De-là sont venus les mots de fêtes de Notre-Dame, office de Notre-Dame, congrégations, communautés, ordres de Notre-Dame. Voyez VIERGE.

NOTRE-DAME DU CHARDON, (Hist. mod.) c'étoit autrefois un ordre militaire institué en 1370 par Louis II. duc de Bourbon. Il étoit compose de 26 chevaliers, dont ce prince & ses successeurs furent les chefs. Ils portoient une ceinture bleue céleste, & dans les grandes cérémonies, un manteau de la même couleur, avec un collier d'or entrelacé de fleurs de lys ; & pour dévise, le mot Espérance, qu'on lisoit en grandes lettres dans les intervalles des fleurs.


NOTTINGHAM(Géog.) ville d'Angleterre, capitale du Nottinghamshire, sur le Léan, à 96 milles de Londres. Long. 16. 24. lat. 52. 55.


NOTTINGHAMSHIRE(Géograp.) province d'Angleterre au diocèse d'Yorck, dans les terres. Elle a cent milles de tour, & contient environ 568 mille arpens ; l'air y est pur, mais le terrein n'est pas par-tout le même. Au sud-est elle est fertile, & à l'ouest elle est pleine de bois & de mines de charbon de terre. Elle est arrosée par quelques petites rivieres, outre la Trent qui sépare cette province de Lincolnshire. Nottingham en est la capitale.

C'est dans cette province que naquit en 1489 l'illustre Thomas Cranmer, archevêque de Cantorbéri. Sa vie & sa mort tragique sont connues de tout le monde. Les curieux en trouveront le détail dans Burnet & Rapin Thoyras. Il publia quelques ouvrages en latin ; corrigea la version angloise de la bible, & professa sans détour la religion protestante sous le regne d'Henri VIII. mais la reine Marie étant montée sur le trône, résolut sa mort. Elle détestoit Cranmer, tant à cause de sa religion, que parce qu'il avoit contribué au divorce d'Henri VIII. avec sa mere. Il fut brûlé vif en 1556 à l'âge de 68 ans. On sait que ce primat du royaume, violemment persécuté par la reine Marie, avoit eu la foiblesse quelque tems avant sa mort, d'abjurer sa religion ; mais il reprit son courage sur le bucher. " Il déclara qu'il mouroit protestant, & fit réellement ce qu'on a écrit de lui, & peut-être ce qu'on a feint de Mutius Scévola. Il plongea d'abord dans les flammes la main qui avoit signé l'abjuration, & n'élança son corps dans le bucher, que quand cette main fut tombée. C'est ainsi qu'il se punit d'avoir succombé à ce qui lui paroissoit une foiblesse ; action si belle, que l'Angleterre ne cede rien à Rome dans la gloire d'avoir mis au jour un citoyen qui sut porter la constance & la fermeté héroïque au-delà de toutes les bornes.

Rien cependant n'arrêta les cruautés de la reine Marie. Sombre & tranquille dans ses barbaries, autant qu'Henri son pere étoit emporté, elle eut un autre genre de tyrannie. Elle mourut paisible, mais abhorrée de la saine partie de la nation, souverainement méprisée de son mari Philippe II. & de tous ses sujets, qui lui reprochent encore la perte de Calais, laissant enfin une mémoire odieuse dans l'esprit de quiconque n'a pas l'ame d'un persécuteur ". (D.J.)

NOTUS, s. m. (Marine & Litt.) vent du midi.


NOUDLEou NUDELN, (Cuisine) c'est un ragoût fort usité en Allemagne, dont la base est une bonne pâte faite avec de la fleur de farine, du lait & du beurre ; quand le tout a été bien incorporé, on étend cette pâte avec le cylindre pour la rendre mince, après quoi on la coupe par petites lanieres, semblables à du ruban étroit. On la fait bouillir légérement dans de l'eau ou dans du bouillon ; après quoi on met cette pâte découpée dans un plat, au fond duquel on a eu soin de mettre un peu de beurre bien frais ; on met le plat sur le feu, & l'on applique une pelle rouge au-dessus de la pâte, afin de la rissoler, & les noudles sont préparées. On peut, si l'on veut, saupoudrer le tout avec du fromage de Parmesan. Ce ragoût est à-peu-près semblable aux vermicelli ou aux macaroni des Italiens, excepté que ces dernieres pâtes ont presque toujours un goût de moisissure que les noudles n'ont pas, parce qu'on les fait à mesure que l'on en a besoin.


NOUES. f. (Archit.) c'est l'endroit où deux combles se joignent en angle rentrant ; ce qui fait l'effet contraire de l'arestier : on appelle noue corniere la noue où les couvertures de deux corps de logis se joignent.

Noue est aussi le nom d'une espece de tuile en demi-canal pour égoutter l'eau. Quelquefois les couvreurs emploient au lieu de noues, des tuiles hachées, qu'ils taillent exprès à coups de martelet.

Noue de plomb ; c'est une table de plomb au droit du tranchis, & de toute la longueur de la noue d'un comble d'ardoise. Elle sert à égoutter les eaux. Daviler. (D.J.)

NOUE, être noué, c'est être rachitique. Voyez RACHITIQUE.

NOUE, adj. (terme de Blason) Ce mot se dit de ce qui est lié & entouré ; ainsi on dit porter d'argent à deux fasces nouées de gueule.

NOUEES, terme de Vénerie, c'est la fiente des cerfs, qu'ils jettent depuis la mi-Mai jusqu'à la fin d'Août. Ils jettent leurs fumées toutes formées, grosses, longues & nouées.

Il y a de la différence entre les fumées du relevé du soir & celles du matin ; les premieres sont mieux digérées que celles du matin, à cause du repos & du tems que le cerf a eu de faire son ronge & digérer son viandis ; au contraire celles du matin ne sont pas si digérées, à cause de l'exercice qu'ils font la nuit en viandant.

NOUER LA LONGE, terme de Fauconnerie, c'est mettre l'oiseau en mûe, & l'empêcher de voler pendant quelques mois.

On dit aussi en fauconnerie nouer ou nager entre deux airs.

On appelle noues les fondrieres, marécages & autres terres basses & humides qui accompagnent les étangs, les rivieres & les torrens.


NOUEMENTNOUEMENT

Les anciens ont attribué cet état fortuit à des filtres ou à des ensorcellemens magiques. Platon avertit les nouveaux mariés de tâcher de s'en garantir. Virgile désigne clairement le nouement de l'aiguillette dans ce vers de sa viij. églogue :

Terna tibi haec primum triplici diversa colore

Licia circumdo.

Les fables d'Apulée ne parlent que des enchantemens qu'employoit Pamphila fameuse magicienne, pour procurer l'impuissance au milieu des feux de l'amour. De là vient que Minucius Felix disoit au payen Caecilius, que son Jupiter même n'avoit pas toujours eu le pouvoir de délier les charmes de la ceinture de Junon. Numantina femme de Plautius Silvanus, fut accusée d'avoir par sortilege rendu son mari impuissant : Injecisse carminibus & veneficiis vecordiam marito, pour me servir de l'expression délicate de Tacite, annal. l. IV.

Il semble que les Jurisconsultes romains ne doutoient point du succès de l'art magique pour produire le nouement de l'aiguillette, car Paulus cite une loi qui défendoit d'user de ligature ; Pomponius Sabinus & Servius condamnent la pratique de ces sortes de noeuds enchanteurs. Enfin les historiens en citent des exemples remarquables. Amasis roi d'Egypte, dit Hérodien, ne put connoître sa femme Laodicée, parce qu'il avoit été lié par la magie. Sozomene, l. VIII. rapporte d'Honorius fils de Théodose, qu'après avoir épousé la fille de Stilico, une sorciere lui noua l'aiguillette, & l'empêcha par ce moyen d'accomplir le mariage. La reine Brunehaut, mere de Thierry roi de Bourgogne, le charma si bien, selon le récit d'Aimoin, qu'il ne put jouir d'Hermenaberge sa femme. Si l'on s'en rapporte à Grégoire de Tours, Eulasius éprouva le même sort ; car ayant enlevé d'un monastere de Langres une fille dont il étoit amoureux, & l'ayant épousée, ses concubines jalouses l'empêcherent par leurs sortileges, de consommer ce mariage ; concubinae ejus, ce sont les propres paroles de l'historien, lib. X. cap. viij. instigante invidiâ, sensum ei oppilaverunt.

Mais depuis long-tems personne ne donne plus croyance à ces contes frivoles. On sait que les charmes dont la magie usoit autrefois pour inspirer de l'amour, ou pour arrêter subitement dans un corps bien organisé, le transport des desirs, tenoient toute leur puissance du trouble que des menaces effrayantes jettoient dans un esprit crédule. Le penchant à l'amour dans les uns, & dans les autres la crainte de ne pouvoir le satisfaire, rendoit leur résistance inutile, ou leurs efforts impuissans. Les organes qui renouvellent le monde depuis tant de siecles, sont échauffés ou glacés en un moment par l'empire de l'imagination. Quand elle est allarmée par de tristes illusions, il ne faut pour la guérir que la frapper plus fortement par des illusions plus flatteuses & riantes. (D.J.)


NOUERterme de manufacture ; est parmi les ouvriers qui se servent de la navette, rejoindre les fils de la chaîne ou de la trame de leur ouvrage, qui se rompent en travaillant.

On appelle noeud de Tisserand, le noeud qui sert à reprendre ces fils cassés.

Esnouer, c'est la façon qu'on donne à l'étoffe pour en ôter les noeuds ; les esnoueuses sont les ouvrieres qui les ôtent.

NOUER, (Jardinage) se dit du fruit quand le bouton a formé la fleur, & qu'ensuite cette fleur se passe & que son pistil se change en un petit bouton qui est le fruit même.

NOUER, (Architect. Sculpt.) c'est lier & joindre. On dit un grouppe de figures bien nouées ensemble.


NOUESS. f. pl. terme de Saline ; c'est une des quatre issues des morues que l'on sale : on les nomme quelquefois nos, mais leur véritable nom est tripes de morues. Elles se lavent & s'apprêtent à-peu-près comme ce que les Bouchers appellent une fraise de veau, à qui elles ressemblent beaucoup. Elles se salent dans les lieux de la pêche en même tems que le poisson, & elles s'encaquent dans des futailles ou barrils du poids de 6 à 700 livres. Savary. (D.J.)


NOUETS. m. terme de Pharmacie ; est un petit paquet de drogues médicinales enfermées dans un linge, qu'on met infuser ou bouillir dans quelque liqueur, pour y communiquer leur teinture ou leurs vertus.

On fait aussi des nouets en Médecine, qu'on emploie en guise de suppositoires & de pessaires.

Les Cuisiniers se servent aussi de nouets d'épiceries ou d'herbes aromatiques, pour donner du goût à leurs sauces. Ceux-ci sont également d'usage en Médecine & en Pharmacie.

On fait par exemple, des nouets où l'on met de la graine de lin, de pavot, de semences froides, de l'orge, du gruau, afin d'en tirer l'huile & le mucilage, en mettant ces nouets dans le bouillon.

On met beaucoup de remedes dans les nouets, le mercure, la rhubarbe, le quinquina, la gentiane, les poudres de tout genre, pour que ces drogues mises ainsi dans les décoctions ou dans les apozemes, n'y déposent point leurs parties intégrantes & terrestres.

Ces nouets doivent être renouvellés souvent, à cause de la qualité rance ou aigre que les drogues y contractent. Le nouet de Mars & de Mercure peuvent s'ordonner sans être renouvellés.

Le nouet est ainsi nommé, parce qu'on fait un noeud à un morceau de linge, pour en former un sachet dans lequel on puisse tenir renfermés quelques ingrédiens, & les suspendre dans la liqueur qu'on veut impregner de la vertu de ces médicamens.

Le nouet signifie aussi dans ce sens, un sachet rempli d'ingrédiens, que l'on suspend dans du vin pour le médicamenter, ou dans quelqu'autre liqueur.


NOUEUXBOIS, (Charpent. Menuiser.) c'est celui qui est rempli de noeuds qui le rendent de mauvaise qualité.

NOUEUX, en terme de Blason ; se dit des troncs & branches d'arbres qui ont beaucoup d'inégalités & de noeuds.

Thomassin en Bourgogne, d'azur à deux estocs ou bâtons noueux d'or en croix, ou à la croix de deux bâtons estoqués.


NOULETSS. m. pl. (Archit.) ce sont les petits chevrons qui forment les chevalets & les noues ou angles rentrans, par lesquels une lucarne se joint au comble, & qui forment la fourchette.


NOURRIparticipe du verbe nourrir. Voyez NOURRIR, NOURRICE, NOURRITURE, NUTRITION.

NOURRI, se dit en peinture d'un tableau bien empâté, c'est-à-dire, lorsqu'il y a beaucoup de couleurs. Voyez EMPASTE. Les tableaux bien nourris de couleurs changent moins promtement que les autres.

NOURRI, en terme de Blason, se dit non-seulement des fleurs de lis dont la pointe d'en - bas ne paroît point, comme aux armoiries de Vignancourt ; mais encore du pié des plantes qui ne montrent point de racine. Vignancourt en Picardie, d'argent à trois fleurs de lis au pié nourri de gueules.


NOURRICES. f. (Médec.) femme qui donne à teter à un enfant, & qui a soin de l'élever dans ses premieres années.

Les conditions nécessaires à une bonne nourrice se tirent ordinairement de son âge, du tems qu'elle est accouchée, de la constitution de son corps, particulierement de ses mamelles, de la nature de son lait, & enfin de ses moeurs.

L'âge le plus convenable d'une nourrice est depuis vingt à vingt-cinq ans jusqu'à trente-cinq à quarante. Pour le tems dans lequel elle est accouchée, on doit préférer un lait nouveau de quinze ou vingt jours à celui de trois ou quatre mois. La bonne constitution de son corps est une chose des plus essentielles. Il faut nécessairement qu'elle soit saine, d'une santé ferme & d'un bon tempérament ; ni trop grasse, ni trop maigre. Ses mamelles doivent être entieres, sans cicatrices, médiocrement fermes & charnues, assez amples pour contenir une suffisante quantité de lait, sans être néanmoins grosses avec excès. Les bouts des mamelles ne doivent point être trop gros, durs, calleux, enfoncés ; il faut au contraire qu'ils soient un peu élevés, de grosseur & fermeté médiocre, bien percés de plusieurs trous afin que l'enfant n'ait point trop de peine en les suçant & les pressant avec sa bouche. Son lait ne doit être ni trop aqueux, ni trop épais, s'épanchant doucement à proportion qu'on incline la main, laissant la place d'où il s'écoule un peu teinte. Il doit être très-blanc de couleur, de saveur douce & sucrée, sans aucun goût étrange à celui du lait. Enfin, outre les moeurs requises dans la nourrice, il faut qu'elle soit vigilante, sage, prudente, douce, joyeuse, gaie, sobre, & modérée dans son penchant à l'amour.

La nourrice qui aura toutes ou la plus grande partie des conditions dont nous venons de parler, sera très-capable de donner une excellente nourriture à l'enfant qui lui sera confié. Il est sur-tout important qu'elle soit exempte de toutes tristes maladies qui peuvent se communiquer à l'enfant. On ne voit que trop d'exemples de la communication de ces maladies de la nourrice à l'enfant. On a vu des villages entiers infectés du virus vénérien que quelques nourrices malades avoient communiqué en donnant à d'autres femmes leurs enfans à alaiter.

Si les meres nourrissoient leurs enfans, il y a apparence qu'ils en seroient plus forts & plus vigoureux : le lait de leur mere doit leur convenir mieux que le lait d'une autre femme ; car le foetus se nourrit dans la matrice d'une liqueur laiteuse, qui est fort semblable au lait qui se forme dans les mamelles : l'enfant est donc déja, pour ainsi dire, accoutumé au lait de sa mere, au lieu que le lait d'une autre nourrice est une nourriture nouvelle pour lui, & qui est quelquefois assez différente de la premiere pour qu'il ne puisse pas s'y accoutumer ; car on voit des enfans qui ne peuvent s'accommoder du lait de certaines femmes, ils maigrissent, ils deviennent languissans & malades : dès qu'on s'en apperçoit, il faut prendre une autre nourrice. Si l'on n'a pas cette attention, ils périssent en fort peu de tems.

Indépendamment du rapport ordinaire du tempérament de l'enfant à celui de la mere, celle-ci est bien plus propre à prendre un tendre soin de son enfant, qu'une femme empruntée qui n'est animée que par la récompense d'un loyer mercenaire, souvent fort modique. Concluons que la mere d'un enfant, quoique moins bonne nourrice, est encore préférable à une étrangere. Plutarque & Aulu-Gelle ont autrefois prouvé qu'il étoit fort rare qu'une mere ne pût pas nourrir son fruit. Je ne dirai point avec les peres de l'Eglise, que toute mere qui refuse d'alaiter son enfant, est une marâtre barbare, mais je crois qu'en se laissant entraîner aux exemples de luxe, elle prend le parti le moins avantageux au bien de son enfant. Est-ce donc que les dames romaines, disoit Jules-César à son retour des Gaules, n'ont plus d'enfans à nourrir, ni à porter entre leurs bras ; je n'y vois que des chiens & des singes ? Cette raillerie prouve assez que l'abandon de ses enfans à des nourrices étrangeres, ne doit son origine qu'à la corruption des moeurs.

En Turquie, après la mort d'un pere de famille, on leve trois pour cent de tous les biens du défunt ; on fait sept lots du reste, dont il y en a deux pour la veuve, trois pour les enfans mâles, & deux pour les filles ; mais si la veuve a alaité ses enfans elle-même, elle tire encore le tiers des cinq lots. Voilà une loi très-bonne à adopter dans nos pays policés.


NOURRICIERadj. (Anat.) dans l'oeconomie animale, épithete d'un suc qui ne contient aucun sel fixe, & qui n'est composé que de terre & d'huile tenace, dont la tenacité dépend de l'eau qu'elle contient, & dont une partie se dissipe peu-à-peu, & ne se répare point.

C'est dans ce desséchement que consiste la caducité, parce que les vaisseaux devenant plus resserrés, plus durs & plus roides, ne sont plus agiles ni si propres à former les humeurs qui nourrissent le corps, & qui lui donnent la force, ni à satisfaire aux fonctions nécessaires à la santé & à la vie.

Les sucs albumineux, les gélatineux, les bilieux & l'humeur aqueuse, que les anciens connoissoient sous le nom de sang, de bile, de mélancholie, de pituite, ont été appellés par eux humeurs nourricieres, parce qu'elles entretiennent la plénitude des vaisseaux, & qu'elles réparent continuellement la perte de celles qui dégenerent en humeurs excrémenteuses, & qui sont continuellement chassées du corps, & aussi parce qu'ils croyoient qu'elles servoient après avoir passé par différens degrés de perfection ou de coction, à nourrir les parties solides : mais la nourriture ou la réparation de la substance de ces parties est si peu considérable, & a si peu de rapport avec la quantité d'humeurs qui se forme continuellement, qu'il est très-facile d'appercevoir que toutes ces humeurs degénerent presqu'entierement en excrémens. Voyez M. Quesnay, Ess. phys. (L)


NOURRIR(Jardinage) cet arbre, ce bois est nourri par une bonne terre. Ces palissades sont bien nourries. Voyez NUTRITION.

NOURRIR LES SONS, en Musique, c'est les soutenir exactement durant toute leur valeur, au lieu de les laisser éteindre comme on fait souvent : c'est faire tout le contraire de ce qu'on fait en les détachant. Voyez DETACHE.


NOURRISSANT(Chimie & Diete) ou nutritif, corps nourrissant, matiere ou substance nutritive, ou alimenteuse, nourriture.

La matiere nutritive, ou l'aliment proprement dit, est tout corps qui étant mangé par les animaux, est altéré chez eux ; de maniere qu'étant uni & assimilé à leur substance, le corps animal prend de l'accroissement & est réparé.

Tous les corps naturels que les animaux peuvent avaler ne sont point propres à les nourrir. Cela est prouvé par une observation suivie, & par le choix constant de certaines substances particulieres qu'un instinct sûr & fidele suggere aux animaux. Les minéraux sont généralement & principalement exclus de la classe des corps nourrissans. Tout ce que les animaux mangent n'est pas aussi entierement alimenteux ; car dans leur pâture la plus commune se trouve une portion considerable de matiere essentiellement alimenteuse, comme nous le prouverons plus bas : & toute cette masse de matiere mangée, ingestorum, ne se change pas même en chyle, qui est la forme la plus grossiere & la plus éloignée sous laquelle la matiere nutritive se réduit pour passer par des élaborations ultérieures dans l'état immédiatement propre à s'assimiler à la substance animale ; d'où l'on voit combien sont inexactes & superficielles certaines théories de la digestion, qui ne roulent que sur la division, l'atténuation, le ramollissement, le paîtrissement, sub actio, de toute la matiere mangée, considérée indistinctement in concreto ; comme si le chyle n'étoit autre chose qu'une poudre ou une bouillie de toute cette masse étendue dans un liquide, & non pas un véritable extrait qui n'a besoin, après une mastication convenable, que d'une application paisible des liqueurs digestives d'un vaisseau & d'un dégré de chaleur convenable. Voyez DIGESTION, oeconom. anim.

Un examen simple, facile, mais exact des phénomenes de la digestion fait voir qu'il y a dans les alimens ordinaires (prenant le mot d'alimens dans un sens moins rigoureux & comme synonyme de matiere mangée, qu'il seroit bien commode de pouvoir appeller mangeaille), tant tiré du regne animal que du regne végétal, tels que les chairs, les légumes, les fruits, les semences, &c. qu'il y a, dis-je, un parenchyme fibreux, dont le tissu n'est que grossierement divisé par la mastication & par la force méchanique des organes digestifs, en accordant même que ces organes exercent une telle force, qui résiste aussi du moins dans l'homme, & selon les expériences les moins contestées à l'action dissolvante des sucs digestifs, & qui fournit la matiere principale & fondamentale des excrémens. Ceci est encore prouvé par la considération suivante ; savoir que les sucs séparés par les opérations vulgaires de la cuisine de ce parenchyme, par exemple, les bouillons, les sucs & les décoctions des fruits, des légumes, &c. fournissent une nourriture très-abondante, tandis que les marcs ou résidus de cette opération, c'est-à-dire les parenchymes quand ils sont bien épuisés, sont exactement & absolument inalimenteux.

Il est observé encore que dans les matieres dont se nourrissent communément les animaux, & principalement les hommes, se trouvent certaines substances, soit naturellement, soit introduites par art, c'est-à-dire des assaisonnemens, qui étant portées avec le chyle dans la masse des humeurs, sont bientôt séparées de l'aliment proprement dit par la voie des sécrétions ; par exemple, une quantité considérable d'eau, qui fournit la base de l'urine, de la transpiration, de la plûpart des excrémens ; le principe aromatique de certaines plantes & le sel marin qui sont chassés avec l'urine ; les acides qui affectent principalement la double voie de la transpiration cutanée & pulmonaire ; les matieres huileuses ou graisseuses qui sont employées à la composition de la graisse, de la bile, &c.

Il est connu d'ailleurs que la substance propre des animaux, tant l'humeur vitale lymphatique, que tous les organes, & même les plus solides, sont formés d'une matiere particuliere dont l'essence est bien déterminée, savoir du corps muqueux (voyez MUQUEUX, Chimie), altéré par des changemens successifs, qui n'ont point échappé à l'observation. Ceci peut même être démontré, en suivant les états successifs des organes animaux depuis celui de mollesse, & même de liquidité dans la premiere formation de l'embryon, jusqu'à leur état le plus solide dans l'adulte, & en remettant presque entierement par une manoeuvre facile, par l'action du digesteur ou machine de Papin (voyez DIGESTEUR) tous ces organes dans leur premier état de mucosité.

Si donc la pâture ou mangeaille commune des animaux, contient une substance analogue à ce corps muqueux ; que ce corps muqueux retiré d'un animal puisse fournir une nourriture très-propre aux autres animaux ; & si une matiere parfaitement analogue à ce corps se trouve aussi abondamment répandue dans les substances végétales dont les animaux ont coutume de se nourrir ; il est naturel de conclure que ce corps muqueux est la véritable matiere nutritive.

Or une pareille matiere peut être retirée des parties charnues & même osseuses des animaux, soit par art, c'est-à-dire par la simple décoction, moyen que tout le monde connoît dans la préparation ordinaire des bouillons, de la gelée de corne de cerf, &c. ou des os même les plus durs, par le digesteur de Papin (voyez DIGESTEUR), soit même par l'action ordinaire des sucs digestifs des animaux. Le lait, le sang, & les humeurs séreuses, lymphatiques & muqueuses, &c. des animaux, contiennent aussi abondamment cette matiere.

La plûpart des végétaux, peut-être tous, contiennent aussi une substance très-analogue à la mucosité animale, & qui ne s'éloigne de la parfaite identité avec cette derniere substance, que par un passage insensible, tel que ceux qu'observe constamment la nature. Cette matiere nutritive végétale est renfermée dans les différentes especes de corps végétaux muqueux. Voyez MUQUEUX CORPS, (Chimie.)

Il est prouvé par une observation constante, que les substances animales qui sont éminemment muqueuses, sont aussi éminemment nourrissantes, beaucoup plus que les substances végétales quelconques, & que les végétaux sont d'autant plus nourrissans, qu'ils contiennent une plus grande quantité de corps muqueux, & de corps muqueux plus approchant de l'état de la mucosité animale. Le degré extrême d'abondance & d'analogie avec le mucus animal, se trouve dans les racines tendres & charnues des plantes cruciferes, comme les navets & les raves ; & dans quelques autres parties de plantes de la même classe, comme les feuilles de choux, & sur-tout de choux blanc, pommé, les têtes de choux-fleurs ; viennent ensuite les farineux, comme semences céréales & légumineuses, châtaignes, glands, &c. les racines sucrées de panais, de bette, de chervi, &c. les fruits doux, comme figues, raisins, poires, pommes, &c. les semences émulsives d'amandes, de noix, de noisettes, de pignons, &c. & enfin, toutes les herbes & gousses non mûres des plantes graminées & légumineuses, qui comme on sait, fournissent la pâture la plus nourrissante aux animaux herbivores. L'extrême opposé, les substances végétales les moins nourrissantes, sont les plantes potageres aqueuses, insipides, ou acidules, telles que la laitue, les épinards, l'oseille, &c. & principalement les feuilles des arbres, qui, à l'exception de celles de quelques arbres à fruit légumineux, tel que l'acacia vulgaire, contiennent peu de matiere muqueuse, même dans leur état de maturité ou de vigueur, & par conséquent beaucoup moins encore, lorsqu'elles sont épuisées par la vieillesse, qu'elles sont prêtes à tomber ; aussi voit-on que les animaux engraissent bientôt par l'usage des premiers de ces alimens végétaux, qu'ils mangent d'ailleurs avidement ; au lieu qu'ils maigrissent bientôt, lorsqu'ils sont réduits à l'usage de ceux de la derniere classe, vers lesquels ils ne se portent que lorsqu'ils sont pressés par la faim.

La matiere nutritive considérée en soi, est réellement dépouillée de toute qualité médicamenteuse. Les anciens médecins qui l'ont bien connue, l'ont même définie par cette absence de toutes qualités médicamenteuses, par leur nihil eminens, nihil provitans, nihil laedens, &c. ensorte que s'il se trouve quelque ordre de corps naturels auxquels les Médecins aient accordé quelques qualités médicamenteuses, & que ces corps ne soient cependant que purement nourrissans, on peut assurer que l'action de ces corps sur l'économie animale est mal estimée. Ce qu'on peut avancer, par exemple, des prétendus incrassans. Voyez INCRASSANS. Mais comme la matiere nutritive se trouve quelquefois dans un corps qui peut contenir d'ailleurs un principe médicamenteux, & même allié dans ces corps à ce principe, par exemple, au parfum vif, ou à l'alkali volatil spontané dans plusieurs matieres végétales, à un principe échauffant, indéfini, & peut-être mal décidé, dans la vipere & quelques autres animaux ; il y a aussi ce qu'on appelle des alimens médicamenteux, ou des médicamens alimenteux ; mais encore un coup, on doit exclure de cette classe l'aliment pur.

On doit observer aussi que les lois de diete établies aux articles généraux alimens & régime, & dans tous les articles particuliers de diete répandus dans ce Dictionnaire, portent sur la variété des alimens déduite de cet alliage dont nous venons de parler ; mais plus encore de la diversité du tissu du parenchyme, dans lequel la matiere nutritive est enfermée. Ainsi le mot aliment est pris dans tous ces articles in concreto, comme synonyme à chose mangée, & non pas dans un sens étroit, comme nous l'avons pris dans cet article. (b)


NOURRITURES. f. (Médecine) tout corps qui subsiste par le moyen des fonctions vitales & animales, & qui par des frottemens insensibles, vient à bout d'user les solides ; tout corps qui change ses humeurs, & chasse dehors celles qui sont superflues, a besoin d'un supplément analogue à l'action particuliere de l'organe qui est le laboratoire du chyle ; or toutes les substances prises intérieurement, & capables de fournir la matiere qui peut réparer nos pertes, s'appellent nourritures ou alimens, tant solides que fluides.

Ces nourritures doivent varier suivant l'âge & l'état actuel du corps ; les femmes grosses, les nourrices, les sujets robustes, les personnes foibles, les oisifs, ceux qui font beaucoup d'exercice, les gens en santé, les malades & les convalescens, doivent se nourrir différemment. Il convient encore d'avoir égard aux différences des tems de l'année, & des saisons.

Les nourritures trop abondantes distendent l'estomac, le chargent, causent des anxiétés, des douleurs, la compression des parties adjacentes, le dégoût, la nausée, le vomissement, le cours de ventre. Les choses crues séjournent trop dans ce viscere ; lorsque dans cet état elles viennent à passer dans les voies de la circulation, elles produisent la cacochimie, la crudité des humeurs, leur pourriture, & l'affoiblissement des forces. Au commencement il est aisé de prévenir tous ces maux par le vomissement, par des évacuations abondantes, & par une diete ménagée. Les accidens qui succedent par la suite, se guérissent par la sobriété, par l'exercice du corps, & par l'usage des stomachiques.

Quand on prend moins de nourriture qu'il ne faut, il survient d'abord une faim insupportable, mais qui se passe d'elle même ; au lieu que la soif ne fait qu'augmenter. De-là le défaut d'humidité & la rétention des choses inutiles, d'où résulte un amas de parties hétérogenes, qui empêchent la génération des esprits & des autres humeurs. La fin de tous ces accidens, est une foiblesse excessive qui seroit suivie de la mort, si on n'y portoit remede. Les corps une fois tombés dans un tel degré de foiblesse, ont besoin d'alimens legers, succulens, pris chaque fois en petite quantité ; il faut donc y subvenir par l'application & l'injection des choses nourrissantes.

Les alimens tenaces, salés, fumés, gras, glutineux, difficiles à se digérer par la force de l'estomac & des intestins, & par la viscosité des sucs qui abondent dans ces parties, donnent au chyle & aux humeurs des qualités nuisibles à la santé ; ils chargent les organes de la chylification de particules hétérogenes, âcres, putrides, & causent en conséquence un grand nombre de maladies, telles que le dégoût, l'ardeur du ventricule, la cardialgie, l'anxiété, le hoquet, les rots, la puanteur, le flux de ventre, le cholera, la dyssenterie, & une infinité d'autres maux.

Il faut chasser hors du corps par le secours des relâchans & des minoratifs, toutes les humeurs corrompues qui se sont amassées dans les premieres voies, en prévenir le retour par des remedes opposés, recourir ensuite aux stomachiques & aux savonneux, pour rendre à l'estomac son ton naturel, & aux humeurs qui y abondent, leur saponacité ordinaire.

Il vaut mieux pour la santé prendre plus souvent de la nourriture en petite quantité, que de laisser trop de distance entre les repas. L'exercice violent aussi-tôt après avoir mangé, a l'inconvénient de porter des crudités dans le sang. L'estomac même chargé de nourriture, cause ordinairement des inquiétudes pendant le sommeil.

Toutes les especes différentes de nourriture ne produisent pas le même genre de maladies. Il faut user d'alimens mûrs, parce que ceux qui ne le sont point, deviennent difficiles à digérer. Ceux qui sont ténaces, faute d'avoir été cuits ou rotis, produisent un mauvais chyle. Les alimens d'habitude & qui plaisent, se digerent beaucoup mieux, quoiqu'ils soient d'une plus mauvaise qualité, que les alimens auxquels on n'est point fait, & qui ne flattent point le goût. Les alimens âcres, salés, fumés, torréfiés, nidoreux, sont aussi nuisibles, que les alimens simples & d'un bon suc sont salutaires ; mais les alimens trop faciles à digérer ne réparent point assez les forces des laboureurs, des ouvriers, & des gens robustes qui exercent beaucoup la machine.

Les farineux, les légumineux, les mucilagineux pris en trop grande abondance, produisent une pituite acide, des flatuosités, & le gonflement de l'estomac ; on y remédie par des résolutifs alkalins. Quant aux matieres retenues dans la capacité du bas-ventre, il les faut évacuer par des minoratifs. Les fruits acescens, saponacés, fermentent aisément dans les premieres voies, y causent des vents, des aigreurs, la colique, & la diarrhée. Pour calmer toutes ces maladies, il est besoin de recourir aux spiritueux, aux aromatiques, & aux autres remedes capables d'absorber l'acide.

Les corps gras, oléagineux, qui par leur rancidité produisent la cardialgie, la colique, l'ardeur du ventricule, le flux de ventre bilieux, demandent l'usage des purgatifs aigrelets, & des remedes acides saponacés, pour les résoudre, & modérer leur action. La chair des animaux, des poissons, les oeufs, les choses succulentes qui sont devenues nidoreuses, & qui ont été suivies de la colliquation d'humeurs, requierent les antiseptiques legerement acides. L'usage des vineux, des spiritueux, dont la boisson produit l'ivresse & le tremblement, doit être insensiblement abandonné. Les alimens doux, sucrés, mielleux, la biere nouvelle, le moût de vin, en un mot, toutes les substances qui fermentent facilement & dégénerent en acide, sont la source d'aigreurs & de maladies de nerfs, qu'il convient de traiter par les alkalis, les aromatiques combinés avec les résineux & les corroborans. Les aqueux tiedes pris souvent & abondamment, affoiblissent le ton de l'estomac, donnent lieu au relâchement du corps, à la pâleur, au froid des parties, au tremblement, à la foiblesse, & à la trop grande ténuité des humeurs. Tous ces accidens se guérissent par l'usage modéré des mêmes boissons froides mêlées avec les stomachiques corroborans. (D.J.)

NOURRITURE ou subsistance des animaux ; elle a fourni à M. Derham diverses remarques intéressantes, dont je vais donner l'extrait.

La premiere regarde le maintien d'un aussi grand nombre d'animaux qu'on en trouve répandus dans toutes les parties du monde ; la seconde est prise de la quantité de nourriture proportionnée à ceux qui la consument ; la troisieme, de la variété des alimens convenables à la diversité des animaux ; la quatrieme, de la pâture particuliere qui se trouve dans chaque lieu convenable aux créatures qui y ont été destinées ; la cinquieme, de l'admirable & curieux appareil d'organes qui servent à amasser, à préparer & à digérer la nourriture ; la sixieme, enfin, de la sagacité merveilleuse de tous les animaux pour trouver leur nourriture propre, & pour en faire provision. Ecoutons d'abord deux sages payens : Pastum animantibus largè & copiosè natura eum qui cuique aptus erat, comparavit, & ille Deus est qui per totum orbem armenta dimisit, qui gregibus ubique passim vagantibus pabulum praestat. En effet, c'est une des grandes actions de la puissance & de la sagesse de Dieu aussi bien que de sa bonté, de pourvoir ainsi de pâture tout un monde animal, tel que celui qui occupe de toutes parts le globe terrestre, tant les terres que les mers, tant la zone torride & les zones glaciales que les tempérées ; en général il s'en trouve suffisamment en tous lieux, on pourroit même dire abondamment, sans pourtant qu'elle excede au point d'en faire gâter ou corrompre une partie, & de causer par-là des infections dans le monde ; ce qu'il faut particulierement remarquer ici, c'est que parmi la grande diversité des alimens, les plus utiles sont plus universels & en plus grande quantité ; ils croissent & se multiplient le plus facilement, & résistent le mieux aux injures du dehors & aux mauvais tems. Les animaux, par exemple, qui mangent de l'herbe font en grand nombre, & en dévorent une grande quantité ; aussi trouve-t-on la surface de la terre presque par-tout tapissée & couverte d'herbe ou d'autres plantes salutaires, & cela naturellement & sans culture. Il en est de même du grain, sur-tout de celui qui est le plus utile : avec quelle facilité ne le cultive-t-on pas, & combien est abondante la moisson qu'on en recueille ? le froment fournit une preuve suffisante sur ce sujet. Tritico nihil est fertilius : hoc ei natura tribuit quoniam eo maxime alebat hominem, ut positum medio, si sit aptum solum. Rien de plus commun que le froment ; un seul grain en peut fournir jusqu'à 360. Le blé vient par-tout où le sol ne s'y oppose pas.

La variété des alimens. Sed illa quanta benignitas naturae quod tam multa ad vescendum tam varia tamque jucunda gignit ; neque ea uno tempore voluit ut semper & nos dote delectemur & copia ? Les diverses especes d'animaux se délectant dans des alimens différens, les uns aiment l'herbe, les autres les grains & les semences : les uns sont carnassiers, les autres mangent des insectes : l'un choisit une sorte d'alimens, l'autre une autre : quelques-uns demandent une nourriture délicate & bien préparée, il y en a d'autres plus goulus qui avalent tout ce qu'ils trouvent. Si tous les animaux se portoient vers la même espece de nourriture & ne pouvoient vivre sans elle, il ne s'en trouveroit pas assez pour leur subsistance ; au lieu que cette inclination pour diverses sortes d'alimens, qui fait que les uns ont en aversion la nourriture qui fait plaisir aux autres, est un moyen très sagement ordonné pour sustenter suffisamment chaque sorte d'animaux, & même souvent au-delà du nécessaire. Chaque endroit de la surface de la terre est rempli d'animaux qui lui sont propres, & dont les organes qui servent à la vie & à leurs actions principales sont appropriés d'une maniere curieuse & singuliere à chaque lieu respectif. Une action merveilleuse de la providence à cet égard, c'est que chacun de ces lieux apporte une nourriture propre à l'entretien des créatures qui y vivent. Comme toutes les régions de la terre, ses divers climats & ses différens terroirs, les mers & les autres eaux, même les lieux les plus malpropres & les plus remplis de putréfaction, sont tous habités par des créatures vivantes, aussi rencontre-t-on dans chacun l'une ou l'autre espece d'alimens propres à la subsistance des créatures qui y sont. On en peut alléguer mille preuves, comme la grande variété d'herbes, de fruits, de grains, &c. qu'on trouve sur la terre ; les essaims nombreux d'insectes qui sont dans l'air, &c. Mais la maniere dont Dieu a pourvu à la nourriture des animaux aquatiques, est sur-tout très-remarquable : non-seulement il a fait germer diverses plantes dans les eaux, mais il y a approprié ces mêmes eaux à servir de matrice à un grand nombre d'animaux, particulierement à quantité d'insectes, tant aquatiques que de ceux qui appartiennent à l'eau ou à la terre, qui par la grande affinité qu'ils ont avec les eaux, se délectent souvent dans cet élément, & de cette maniere deviennent la proie des habitans de l'eau, & leur fournissent une abondante nourriture. En effet, quels essaims prodigieux de petits animaux ne voit-on pas dans les eaux ? quelquefois ils sont en si grand nombre, qu'ils en troublent même la couleur. Si nous accompagnons des yeux les alimens depuis qu'ils entrent dans la bouche jusqu'à ce qu'ils sortent du corps, nous rencontrerons par-tout une structure & une disposition d'organes où brille un art exquis & une adresse inconcevable : tout est conforme au lieu où l'animal habite, & à la nourriture qu'il y trouve. Alia dentibus praedantur, alia unguibus, alia rostri aduncitate carpunt, alia latitudine ruunt, alia acumine excavant, alia sugunt, alia lambunt, sorbent, mundant, vorant : non est minor varietas in pedum ministerio ut rapiant, retrahant, teneant, premant, pendeant, tellurem scabere non cessent.

Prenons pour seul exemple la diversité des dents ; si les divers animaux aiment une nourriture différente, comme nous l'avons remarqué ci-dessus, l'on voit aussi constamment que les dents sont toujours proportionnées à cette nourriture : celles des bêtes rapaces sont propres à saisir, à empoigner & à déchirer leur proie : dans ceux qui mangent de l'herbe, elles ont une figure convenable à rassembler & à briser les végétaux ; ceux qui n'ont point de dents, comme les oiseaux, y suppléent par de petites pierres qu'ils avalent & qui affilent leur bec, par leur jabot & leur gésier dans l'ouvrage de la digestion. L'exemple le plus considérable sur ce sujet, est celui de quelque genre d'insectes, comme des papillons, &c. tant qu'ils ne sont que dans leur état de nymphes ou de chenilles, & qu'ils ne font que ramper, ils ont des dents dévorantes, & se nourrissent de quelques tendres plantes ; mais dès qu'ils deviennent papillons, ils n'ont plus de dents, mais une espece de proboscis ou trompe pour sucer le miel des fleurs, &c. Ainsi les parties qui servent à leur nourriture changent avec la nourriture même qu'ils vont chercher ailleurs aussitôt que leurs aîles leur permettent de voler. Il y a aussi bien des choses remarquables dans les dents des poissons : dans quelques uns elles sont aiguës & emboîtées de telle sorte, qu'elles sont panchées en arriere : par-là les dents saisissent & tiennent plus fermement leur proie, & facilitent le passage vers l'estomac ; en d'autres elles sont larges & plates, étant faites ainsi pour rompre les écailles des serpens ou des poissons à écailles dont ils se nourrissent. Quelques-uns ont des sortes de dents placées dans la bouche, d'autres au gosier ; les écrevisses de mer & autres les ont dans l'estomac même : on trouve trois de ces dents molaires au fond de leur estomac, accompagnées de muscles qui servent à les mouvoir. Voyez DENT.

Ce dernier article est un des plus curieux & des plus importans ; peut-être à la vérité ne trouvera-t-on rien à cet égard de fort étonnant ni de remarquable dans l'homme, parce qu'il se sert de son entendement & de sa raison, & qu'il a un empire souverain sur toutes les créatures, ce qui lui suffit dans toutes les circonstances où il peut se trouver à l'égard de sa nourriture. Mais ici même le créateur a donné des marques de sa sagesse, en ne faisant rien d'inutile ; il n'a point pourvu l'homme d'un attirail d'organes pour effectuer ce qu'il pouvoit se procurer par la faculté de son entendement, & par le pouvoir de son autorité sur les bêtes. Pour les créatures inférieures & privées de raison, le créateur les a amplement dédommagées de ce défaut par la force de l'instinct ou de la sagacité naturelle qu'il leur a imprimée. Quibus bestiis erat is situs, ut aliûs generis bestiis vescerentur, aut vires natura dedit, aut celeritatem ; data est quibusdam etiam machinatio quaedam atque solertia.

Il s'ouvre ici un vaste champ pour admirer la sagesse, la puissance, le soin & la prévoyance de Dieu : c'est ce qu'on reconnoîtra d'abord si l'on fait attention aux divers instincts du gros & du menu bétail, des oiseaux, des insectes & des reptiles ; car dans chaque espece d'animaux on découvre des actions très-remarquables que leur sagacité naturelle ou leur instinct leur fait faire, & qui se rapportent aux diverses circonstances de leur nourriture & de leur conservation. Dans les animaux mêmes qui trouvent facilement & proche d'eux leur nourriture, comme sont ceux qui mangent de l'herbe ou des plantes, & qui par conséquent n'ont pas besoin de beaucoup d'industrie pour la découvrir ; cette finesse dans le goût & dans l'odorat qui leur fait distinguer si promtement & en toute rencontre ce qui est salutaire de ce qui leur seroit pernicieux ; cette finesse, dis-je, ne laisse pas de fournir un sujet d'admiration. Mais dans ceux dont la nourriture est plus cachée & plus difficile à trouver, on découvre un instinct merveilleux & qui se diversifie en mille manieres. Avec quelle sagacité quelques animaux ne vont-ils pas à la poursuite de leur proie ; d'autres ne la guettent-ils pas en lui dressant des embûches ? avec quelle industrie les uns ne vont-ils pas la chercher au fond des eaux, dans les marécages, dans la boue & dans les vilenies ? les autres ne remuent-ils point la terre à la superficie, & même ne fouillent-ils pas jusque dans ses entrailles ? Quelle structure, quel dessein ne découvre-t-on pas dans les gros nerfs destinés particulierement dans ces créatures à cette fonction ? Quelle admirable faculté que celle d'un grand nombre d'animaux, par laquelle ils découvrent leur proie à de grandes distances ; les uns par la finesse de l'odorat la sentent à plusieurs milles d'eux ; les autres par la subtilité de la vûe l'apperçoivent dans l'air ou ailleurs, quoiqu'encore très-éloignés. Les animaux rapaces, comme les loups, les renards, &c. découvrent leur proie à une grande distance : les chiens & les corbeaux sentent les charognes de fort loin par la finesse de l'odorat ; & s'il est vrai, comme les personnes superstitieuses se l'imaginent, que ces derniers en volant par-dessus les maisons ou en les fréquentant présagent la mort de quelqu'un, ce sera sans doute par une odeur cadavéreuse que les corbeaux sentent dans l'air à l'aide de leur odorat subtil, laquelle est exhalée des corps malades qui ont au-dedans d'eux les principes d'une mort prochaine. Les faucons & les milans qui épient leur proie sur terre, les mouettes & les autres oiseaux qui la découvrent dans l'eau, apperçoivent à un grand éloignement & pendant qu'ils volent, les souris & les petits oiseaux, & les insectes qui sont sur terre, de même que les petits poissons, comme les chevrettes, &c. sur lesquels ils s'élancent & qu'ils attrapent dans l'eau. Quel appareil commode l'ouvrier de la nature n'a-t-il pas encore donné aux animaux qui sont obligés de grimper pour atteindre à leur nourriture ! non-seulement on voit en eux une structure singuliere dans les piés & dans les jambes, une force extraordinaire dans les muscles & les tendons, qui ont le plus de part à cette action, mais aussi une méchanique particuliere dans les principales parties qui agissent dans le tems même qu'ils courent après la nourriture. Quelle provision d'organes que celle des oiseaux & des bêtes nocturnes ! ils ont la structure des yeux tout-à fait singuliere, & peut-être aussi un odorat extrêmement fin, qui les mettent en état de discerner leur nourriture dans l'obscurité. Article de M. FORMEY.

NOURRITURE, (Maréchall.) belle nourriture se dit particulierement d'un poulain bien fait.

NOURRITURE, terme de Tannerie. Toutes les fois que les Tanneurs donnent aux cuirs qui sont dans la fosse une nouvelle poudre de tan imbibée d'eau, ils appellent cela leur donner de la nourriture. Ainsi quand un cuir n'est pas tanné comme il faut, ils disent qu'on ne lui a pas donné assez de nourriture, pour faire entendre qu'on lui a épargné l'eau & le tan, & qu'il n'a pas été assez long-tems dans la fosse.


NOUVEAUse dit en Mathématique de certaines parties de cette science, en comparant l'accroissement qu'elles ont reçu des modernes à l'état d'imperfection dans lequel les anciens nous les avoient transmises. Voyez les articles ANCIEN & MODERNE.

Nouvelle Géométrie, voyez GEOMETRIE.

Nouvelle Astronomie, voyez ASTRONOMIE.

Nouveau style en Chronologie se dit de la nouvelle maniere de compter depuis la réformation du calendrier.

Le nouveau & le vieux style different, 1°. de onze jours, ensorte que lorsque l'on compte dans le nouveau style le 11 du mois, on ne compte dans le vieux style que le premier du même mois. 2°. Par la lettre dominicale & par le jour auquel tombent les fêtes mobiles, la fête de Pâques, par exemple, n'étant pas le même jour une année quelconque dans le nouveau style que dans l'ancien. Cela est évident de soi-même, par la différence de 11 jours qu'il y a entre ces deux styles. Voyez AN & CALENDRIER. (O)

NOUVEAU, (Critique sacrée.) Ce mot a plusieurs sens dans l'Ecriture. Il signifie, 1°. ce qui est extraordinaire, inusité : nova bella elegit Dominus, dit Débora dans son cantique, Jud. v. 8. Il veut dire 2°. ce qui est différent, mandatum novum do vobis, Joan. xiij. 34. Le commandement de la charité est de tous les tems, mais Jesus-Christ l'a gravé de nouveau dans le coeur des hommes, & a fait de l'amour qu'il a eu pour eux la regle de celui que ses disciples se doivent les uns aux autres. 3°. Cum illud bibam novum vobiscum, xjv. 25. Ce vin nouveau est un vin céleste ; de même le ciel nouveau, la terre nouvelle, la Jérusalem nouvelle, signifient le ciel des bienheureux. 4°. Il se prend aussi pour beau, Deus canticum novum, cantabo tibi. Ps. clxiij. 9. Le Seigneur déclare qu'il ne faut pas mettre du vin nouveau dans de vieux outres. Luc, v. 38. c'est-à-dire qu'il ne convenoit pas de surcharger les apôtres d'observances difficiles. 5°. Tempore messis novorum, dans le mois des nouveaux fruits, c'est le mois de Niran. Exod. xxiij. 15. (D.J.)

NOUVEAU, (Comm.) ce qui n'a point encore paru, ce qui n'a point encore servi.

NOUVEAU, en terme de teneurs de livres ; on dit porter à nouveau compte, pour dire porter le solde d'un compte arrêté sur une nouvelle feuille ou sur un nouveau livre. Cette somme est portée à nouveau compte sur le livre d'extrait n°. 3. à folio 3. recto. Dictionnaire de Commerce.

NOUVEAU PLEIN, (Ustensile de Tannerie) ce mot signifie, en terme de Tanneurs, de Mégissiers, & d'autres ouvriers qui apprêtent les cuirs, une cuve pleine de chaux nouvelle & qui n'a point encore servi.


NOUVEAUTÉS. f. (Morale, Politiq. Gouvern.) c'est tout changement, innovation, réforme bonne ou mauvaise, avantageuse ou nuisible : car voilà le caractere d'après lequel on doit adopter & rejetter dans un gouvernement les nouveautés qu'on y veut introduire.

Le tems, dit Bacon,est le grand innovateur ; mais si le tems par sa course empire toutes choses, & que la prudence & l'industrie n'apportent pas des remedes, quelle fin le mal aura-t-il ? Cependant ce qui est établi par coutume sans être trop bon, peut quelquefois convenir, parce que le tems & les choses qui ont marché long-tems ensemble, ont contracté pour ainsi dire une alliance, au lieu que les nouveautés, quoique bonnes & utiles, ne quadrent pas si bien ensemble : elles ressemblent aux étrangers qui sont plus admirés & moins aimés. D'un autre côté, puisque le tems lui-même marche toujours, son instabilité fait qu'une coutume fixe est aussi propre à troubler qu'une nouveauté. Que faire donc ? admettre des choses nouvelles & qui sont convenables, peu à-peu & pour ainsi dire insensiblement : sans cela tout ce qui est nouveau peut surprendre & bouleverser. Celui qui gagne au changement remercie la fortune & le tems ; mais celui qui perd, s'en prend à l'auteur de la nouveauté. Il est bon de ne pas faire de nouvelles expériences pour raccommoder un état, sans une extrême nécessité & un avantage visible. Enfin il faut prendre garde que ce soit le desir éclairé de réformer qui attire le changement, & non pas le desir frivole du changement qui attire la réforme.

Quant à la Morale, je m'en tiens à ce seul passage de l'Ecriture : Stemus super vias antiquas, atque circumspiciamus quae sit via bona & recta, & ambulemus in ea. (D.J.)

NOUVEAUTE, terme de modes ; ce qui est nouveau, ce qui n'a point encore paru.

On appelle ainsi au palais toutes ces nouvelles modes d'écharpes, de coiffures, de rubans, &c. que les marchands y inventent & y étalent chaque jour, pour y satisfaire & y tenter le luxe & le goût changeant & inquiet de l'un & l'autre sexe.

Les Marchands d'etoffes d'or, d'argent & de soie, donnent aussi le nom de nouveautés aux taffetas & autres légeres étoffes qu'ils font faire tous les ans pour les habits d'été des dames, & qui ordinairement ne plaisent guere au-delà des trois mois qu'on donne à cette saison. Il y a des nouveautés chez Barbier qu'on ne voit point ailleurs. (D.J.)

NOUVEAUTE, s. f. terme de Jardinier ; on appelle de ce nom les fruits & les légumes, qui, par le soin & l'industrie du jardinier, viennent dans leur perfection avant la saison ordinaire, & au printems. Ainsi c'est de la nouveauté que d'avoir des fraises au commencement d'Avril.


NOUVELLES. f. (Politiq.) avis de quelque évenement vrai ou faux. C'est une vieille ruse politique qui trouve toujours des dupes, que de débiter & de répandre en tems de guerre de fausses nouvelles en faveur de son pays. Stratoclès ayant appris que les Athéniens avoient perdu une bataille navale, se hâta de prévenir les porteurs d'une si triste nouvelle, se couronna de fleurs, & publia de tous côtés dans Athènes, que l'on venoit de remporter une victoire signalée. Le peuple crédule courut en foule au temple, s'empressa de témoigner sa reconnoissance aux dieux par des sacrifices ; & le magistrat trompé par la voix publique, distribua des viandes à chaque tribu : mais au bout de deux jours le retour du débris de l'armée dissipa la joie, & la changea en fureur contre Stratoclès. On le cita, il comparut avec assurance, & de sang froid il répondit. Pourquoi vous plaindre de moi ? me ferez-vous un crime, de ce qu'en dépit de la fortune, j'ai su deux jours entiers vous donner les plaisirs de la victoire, & par mon artifice dérober tout ce tems à votre douleur ?

Une autre ruse moins noble, c'est d'inspirer toute la haine possible contre les puissances avec lesquelles on est en guerre : je n'en citerai qu'un exemple, & je ne toucherai point de trop près aux vivans. A la nouvelle de la bataille de la Boine qui se donna en 1689, le bruit de la mort du prince d'Orange s'étant répandu dans Paris, on se jetta dans tous les excès d'une joie effrénée ; on illumina, on tira le canon, on brûla dans plusieurs quartiers des figures d'osier qui représentoient le prince d'Orange. Ces réjouissances indécentes, fruit de la haine qu'on avoit inspiré depuis long-tems au peuple François contre le roi Guillaume, faisoient l'éloge de ce prince, & la honte de ceux qui se livrerent à ces témoignages insensés de la haine. Ils auroient eu besoin de l'avis sage d'un Phocion. Un jour que sur la nouvelle de la mort d'Alexandre, le peuple athénien alloit s'abandonner à l'ivresse de sa joie, Phocion le retint par cette réflexion judicieuse. " Si Alexandre aujourd'hui est mort, ainsi qu'on le publie, il le sera encore demain. Que risquez-vous donc à modérer & à suspendre les mouvemens d'une joie indécente, dont la précipitation pourroit vous coûter des regrets & de la honte ? "

Je dirois à toutes les personnes capables de sentir & de raisonner : " Savez-vous que la violente joie de la mort d'un ennemi respectable que vous venez d'apprendre, a quelque chose de si honteux, qu'on peut appeller cette joie un crime de lése-humanité ? Savez-vous qu'elle est aussi glorieuse pour celui qui la cause, qu'infâme pour celui qui la ressent ? " Ce n'est pas du moins avec cette bassesse d'ame que pensoit Montecuculli, quand apprenant la mort de M. de Turenne, il s'écria : " Quel dommage que la perte d'un tel homme qui faisoit honneur à la nature ! " (D.J.)

NOUVELLE LUNE, (Astr.) est le nom qu'on donne au commencement du mois lunaire, ou à l'état de la lune lorsqu'elle se trouve entre la terre & le soleil, & que sa partie obscure est tournée vers nous, de maniere que nous n'appercevons point cette planete : la lune est alors en conjonction avec le soleil. Voyez CONJONCTION. Les éclipses de soleil n'arrivent que dans les nouvelles lunes, lorsque la lune se trouve précisément entre la terre & le soleil ; ensorte qu'elle cache à plusieurs des habitans de la terre, ou tout le disque du soleil, ou au moins une partie de ce disque. Il y a nouvelle lune quand cette planete se trouve avec la terre & le soleil dans un même plan perpendiculaire au plan de l'écliptique ; & lorsqu'elle est outre cela dans la même ligne droite, ou à-peu-près, il y a éclipse de soleil. Voyez ECLIPSE. (O)


NOUVELLETÉS. f. (Jurisprud.) ou cas de nouvelleté ; c'est lorsque quelqu'un trouble un autre dans la possession de quelque héritage ou droit réel, soit en l'usurpant, soit en y faisant quelque innovation qui lui peut faire préjudice.

La nouvelleté donne lieu à l'action possessoire que l'on appelle complainte, en cas de saisine & de nouvelleté. Cette action doit s'intenter dans l'an & jour du trouble : elle étoit différente de celle en cas de simple saisine ; mais cette derniere action est abolie. Voyez COMPLAINTE. (A)


NOUVION(Géog.) village de France en Picardie, diocèse d'Amiens, sur la route d'Abbeville à Montreuil. Je ne parle de ce village, que parce que son château étoit célébre au quatorzieme siecle. Louis XI vint de Rouen y faire sa résidence l'an 1464. François 1er y a aussi donné des déclarations en Février & Mars 1539. (D.J.)


NOVAE(Géog. anc.) Ce nom a été donné par les anciens à plusieurs villes ; 1°. à une ville de la basse Mysie, sur le Danube, & qui étoit la demeure de la premiere legion italique, Lazius l'appelle Novomont ; 2°. à une ville de la seconde Moésie ; 3°. à une ville de la haute Moésie ; 4°. à une ville de la seconde Pannonie ; 5°. à une ville de Macédoine ; 6°. à une ville d'Espagne, sur la route d'Astorga à Tarragone. (D.J.)


NOVALE(Jurisprud.) novalis, novalia, c'est une terre nouvellement défrichée. On regarde comme telles celles qui ont été défrichées depuis quarante ans en-çà.

Les dixmes novales sont celles qui se perçoivent sur ces terres nouvellement défrichées. On les appelle aussi quelquefois novales simplement. Voyez au mot DIXME à l'article DIXME NOVALE. (A)

NOVALE, (Géog.) petite ville, ou plutôt gros bourg d'Italie, entre Padoue & Trévise. Long. 29. 40. lat. 45. 35. (D.J.)


NOVANA(Géog. anc.) ville d'Italie dans le Picemum, selon Pline, l. III. c. xiij. Quelques manuscrits portent Nabana. On croit que c'est aujourd'hui Citta-Nova. (D.J.)


NOVANTAou NOVANTES, (Géog. anc.) peuples de l'île d'Albion, selon Ptolomée, l. II. c. iij. qui les place dans la partie septentrionale, & leur donne deux villes, savoir Leucopibia & Retigonium.


NOVARou NOVARA, (Géog.) ancienne & forte ville d'Italie, au duché de Milan, capitale du Novarese, avec un évêché suffragant de Milan. C'est une des principales forteresses du Milanez. Les anciens l'ont nommée Novaria, comme le prouve une inscription qui se conserve à Rome. Elle demeura long-tems sous la puissance des ducs de Milan ; ensuite elle fut possédée successivement par les de la Torré, par les Visconti, par les Sforce & par les ducs de Parme. Elle est sur une colline, à 5 lieues N. E. de Verceil, 8 N. E. de Casal, 10 de Milan. Long. 26. 10. lat. 45. 25.

M. Fleuri dit que Pierre Lombard, appellé autrement le Maître des sentences, étoit né près de Novare. Il fut évêque de Paris en 1160, & mourut en 1164, comme le porte son épitaphe. Son ouvrage des sentences est la source de la théologie scholastique, qui a fait tant de mal dans l'église latine.

Torniel (Augustin), de l'ordre des Barnabites, dont il devint général, naquit aussi près de Novare en 1543, & mourut à Milan en 1622, âgé de soixante-dix-neuf ans. On a de lui : annales sacri & profani ab orbe condito ad mortem JesusChristi. Mediol. 1610. in-fol. 2 vol. Francof. 1611. & Antverp. 1620. edit. opt. C'est un ouvrage médiocre & qui n'est plus recherché, malgré l'éloge magnifique qu'en fait M. Dupin. (D.J.)


NOVARESE(Géog.) petite contrée d'Italie dans le duché de Milan. Elle est bornée au N. par les vallées de Sessia & d'Ossola, à l'E. par le Milanez propre, au S. par le Vigevanase, & à l'O. par le Piémont. Novare ou Novara en est la capitale.


NOVATEURS. m. (Gram.) celui qui introduit quelques nouveautés, se prend presque toujours en mauvaise part, tant les hommes ont d'attachement pour les choses établies. Il y a des novateurs en littérature, en religion, en politique. Les novateurs en littérature peuvent corrompre ou perfectionner le goût ; en religion, exciter ou calmer des troubles ; en politique, sauver ou perdre une nation. C'est le tems qui juge les innovations ; & si l'innovation est vraiment utile, le mépris retombe sur les mauvais critiques qui l'ont blâmée : on les appelle des sots, & on restitue au novateur le titre d'homme de génie qu'il a mérité.


NOVATIENSS. m. pl. (Hist. ecclés.) secte d'anciens hérétiques, ainsi nommés de Novatus, prêtre africain, ou de Novatianus, prêtre de Rome.

On les appelle aussi Cathari, du grec , pur, dans le même sens que les Anglois appellent puritains les calvinistes rigides.

Novatien se sépara d'abord de la communion du pape Corneille, sous prétexte qu'il étoit trop facile à admettre à la pénitence ceux qui avoient apostasié pendant les persécutions.

Ensuite Novatus étant venu à Rome, il se joignit à la faction de Novatien, & l'un & l'autre soutinrent qu'il n'y avoit plus de pénitence pour ceux qui étoient tombés dans quelque péché grave après leur baptême, fondant leur opinion sur le passage de saint Paul : Il est impossible à ceux qui apostasient après avoir été une fois éclairés & qui ont goûté les dons célestes, de se renouveller par la pénitence.

Non pas qu'ils niassent qu'une personne tombée dans un péché quelque énorme qu'il fût, pût en obtenir le pardon par la pénitence, puisqu'ils recommandoient eux-mêmes la pénitence dans les termes les plus forts ; mais ils enseignoient que l'Eglise n'avoit pas le pouvoir de recevoir les pécheurs à sa communion, comme n'ayant d'autre voie pour remettre les péchés que celle du baptême, qui ne peut être conféré qu'une fois à la même personne. Voyez BAPTEME.

Par progression de tems les novatiens modérerent & adoucirent la rigueur de la doctrine de leurs maîtres, & ne refuserent l'absolution qu'à de grands pécheurs. Voyez ABSOLUTION.

Les deux chefs furent excommuniés & déclarés hérétiques ; ce n'est pas qu'ils excluassent les pénitens de la communion de l'Eglise ; mais parce qu'ils nioient que l'Eglise avoit le pouvoir de remettre les péchés.

Les novatiens ajouterent de nouvelles erreurs à celles de leur chef, comme l'improbation des secondes noces & la nécessité de rebaptiser les pécheurs. Leur secte subsista jusque dans le quatrieme siecle après le concile de Nicée, qui fit des réglemens pour la forme de leur réception à l'Eglise. Depuis ils se diviserent en différentes branches, dont il y avoit encore des restes en Occident dans le septieme siecle, & en Orient dans le huitieme, & quelques-uns d'entr'eux mêlerent des cérémonies judaïques à celles du christianisme. Euseb. hist. eccl. l. VI. Baronius, annal. Dupin, bibl. eccl. des aut. des trois premiers siecles.


NOVATIONS. f. (Jurisprud.) est le changement d'une obligation en une autre. L'effet de la novation est qu'elle détruit l'ancienne obligation, ensemble tous ses accessoires, tels que les privileges & hypotheques, l'obligation des cautions, &c. de sorte que par le moyen de la novation, c'est une obligation toute nouvelle, qui est constituée au lieu de l'ancienne. Elle s'opere en quatre manieres.

La premiere se fait, lorsque la cause de l'obligation seulement est changée, sans qu'il y ait changement de débiteur ; par exemple, lorsqu'une simple obligation est convertie en un contrat de constitution.

La seconde est lorsque la personne du créancier est changée ; ce qui arrive par le moyen de la délégation.

La troisieme se fait par le changement de débiteur ; ce qui arrive lorsqu'un tiers s'oblige envers le créancier de lui payer ce qui lui étoit dû par l'ancien débiteur.

Le quatrieme se fait par le changement du créancier & du débiteur ; ce qui lui arrive lorsqu'un créancier délegue ce qui lui est dû par son débiteur, qu'il charge de payer au créancier d'une autre personne. Voyez le liv. III. des institutes, tit. 30. §. 30. (A)


NOVELLAREpetite ville d'Italie dans le comté de même nom, dont elle est le chef-lieu. Elle est située entre Guastalla vers le nord, Carpi à l'orient, Reggio au midi, & Verceil au couchant. L'empereur a disposé de cette ville en 1737 en faveur du duc de Modene, auquel il l'a donné en fief. Elle est à 7 lieues de Parme. Long. 28. 12. lat. 44. 50. (D.J.)


NOVELLESS. f. pl. (Jurispr.) sont des constitutions de quelques empereurs romains, ainsi appellées quasi novae & recenter editae, parce qu'elles étoient postérieures aux lois qu'ils avoient publiées.

Elles ont été faites pour suppléer ce qui n'avoit pas été prévu par les lois précédentes, & quelquefois pour réformer l'ancien droit en tout ou partie.

Quoique les novelles de Justinien soient les plus connues, & que quand on parle des novelles simplement on entende celles de cet empereur, il n'est pourtant pas le premier qui ait donné le nom de novelles à ses constitutions ; il y en a quelques-unes de Théodose & Valentinien, de Martian, de Léon & Majorien, de Severe & d'Anthemius, qui ont aussi été appellées novelles.

On verra dans la suite que depuis Justinien quelques empereurs ont aussi publié des novelles.

Celles des empereurs qui ont précédé Justinien, n'eurent plus l'autorité de loi après la rédaction & composition du droit par l'ordre de cet empereur, d'autant que dans le titre de confirm. digest. il ordonna que toutes les lois & ordonnances qui ne se trouveroient pas comprises dans les volumes du droit publiés de son autorité, n'auroient aucune force, défendant aux avocats & à tous autres de les citer, & aux juges d'y avoir égard.

Cependant ces novelles ne sont pas entierement inutiles ; car le code Justinien ayant été composé principalement des constitutions du code Théodosien, & des novelles de quelques empereurs qui avoient précédé Justinien, on voit par la lecture du code Théodosien de ces novelles, & du code Justinien, ce que Tribonien, qui a fait la compilation de ce dernier code, a pris de ces novelles, ce qu'il en a retranché, & comment il en a divisé & tronqué plusieurs, ce qui sert beaucoup pour l'intelligence de certaines lois du code.

Par exemple, Tribonien a divisé en trois la novelle 5 de Théodose, de tutoribus, dont il a fait la loi 10. C. de legitim. heredib. la loi 6. C. ad sen. Tertull. & la loi pénultieme C. in quibus causis pignus vel hyp. contrah.

De la novelle 9 du même empereur, qui est de testamentis, Tribonien a tiré deux lois ; savoir la loi 27 cod. de testam. & la loi derniere du même titre.

De la novelle de Valentinien & de Majorien, tit. IV. de matrim. senat. il a tiré la loi 9, au code de legibus, & ainsi de plusieurs autres.

Les novelles des empereurs qui ont précédé Justinien ont été imprimées pour la plus grande partie, avec le code Théodosien, par Jean Sichard, en l'année 1528, & ensuite par les soins de Cujas, en l'an 1566, & quelques-unes y ont été ajoutées depuis par Pierre Pithou, l'an 1571.

Les novelles de Justinien sont les dernieres constitutions faites par cet empereur sur différentes matieres, après la publication de son second code ; elles composent la quatrieme & derniere partie du droit civil.

Justinien, en confirmant le digeste, avoit dès-lors prévu qu'il seroit obligé dans la suite de faire de nouvelles lois ; il s'en explique de même dans la loi unique, au code de emendat. cod. & dans ses novelles 74 & 127.

Suivant le rapport d'Harmenopule, Tribonien fut employé pour la composition des novelles, comme pour celles des autres volumes du droit romain. Il étoit, comme on sait, grand-maître du palais, ce qui revenoit à la dignité de chancelier. Il étoit aussi le premier de tous les questeurs. D'autres tiennent que Justinien employa divers jurisconsultes, ce qui est assez vraisemblable, par la diversité du style dont elles sont écrites.

Si l'on en croit Harmenopule, Tribonien, qui aimoit beaucoup l'argent, faisoit ces novelles pour divers particuliers, desquels il recevoit de grandes sommes pour faire une loi qui leur fût favorable : on lui imputa même d'avoir fait à dessein des constitutions obscures & ambiguës, pour embarrasser les parties dans de grands procès, & les obliger d'avoir recours à son autorité.

Les novelles de Justinien sont adressées ou à quelques officiers, ou à des archevêques & évêques, ou aux citoyens de Constantinople : elles avoient toutes la même force, d'autant que dans celles qui sont adressées à des particuliers, il leur est ordonné de les faire publier & de les faire observer selon leur forme & teneur.

Elles furent la plûpart écrites en grec, à l'exception des novelles 9 & 11, la préface de la novelle 17, les novelles 23, 33, 34, 35, 41, 62, 65, 114, 138 & 143, qui furent publiées en latin, parce qu'elles étoient destinées principalement pour l'empire d'Occident.

Il y a eu plusieurs éditions du texte grec des novelles ; la premiere fut faite à Nuremberg par les soins d'Haloander, en 1531, chez Jean Petro ; la seconde à Bâle, par Hervagius, avec les corrections d'Alciat & de quelques autres auteurs, en 1541 ; la troisieme par Henri Serimger, écossois, en 1558, chez Henry Etienne.

On n'est pas bien d'accord sur le nombre des novelles de Justinien ; quelques-uns, comme Irnerus, n'en comptent que 98 : cependant on en trouve 128 dans l'abrégé qu'en fit Julien. Haloander & Serimger en ont publié 165, & Denis Godefroy y en a encore ajouté trois, ce qui feroit 168. Le moine Matthieu prétend que Justinien en a fait 170 ; mais il est certain que dans ce nombre il y en a plusieurs qui ne sont pas de Justinien, telles que les novelles 140, 144, 148 & 149, qui sont de l'empereur Justin, & 161, 163 & 164, qui sont de l'empereur Tibere II.

L'incertitude qu'il y a sur le nombre des novelles de Justinien, peut venir de ce que l'on a confondu plusieurs novelles ensemble, ou bien de ce que plusieurs de ces constitutions ayant rapport à des choses qui n'étoient plus d'usage en Europe, on négligea de les enseigner dans les écoles : les glossateurs n'expliquerent aussi que celles qui étoient d'usage, au moyen de quoi les autres furent omises dans plusieurs éditions.

Après le décès de Justinien, qui arriva, selon l'opinion commune, l'an du monde 566, de son âge 82, & de son empire 39, une partie de ses novelles, qui étoient dispersées de côté & d'autre, fut recueillie & rédigée en un même volume en langue grecque, en laquelle elles avoient été écrites, & quelque tems après elles furent traduites en langue latine.

Jacques Godefroy estime que cette premiere version fut mise en lumiere vers l'an 570, par l'ordre de Justin II. Quelques-uns l'attribuent à Bulgarus, sous Frédéric Barberousse ; d'autres à un certain Irnerus, autre que celui dont on parlera ci-après. Cette premiere traduction, qui est littérale, se trouve remplie de termes barbares ; mais Cujas tient que c'est plutôt le fait des imprimeurs que celui du traducteur, & Leunclavius témoigne que cette traduction est la plus ample & la plus correcte.

Peu de tems après, le patrice Julien, qui avoit été consul, surnommé l'antécesseur, parce qu'il étoit professeur de Droit à Constantinople, fit de son autorité privée un épitome des novelles, qu'on appella les novelles de Julien ; ce n'est pas une traduction littérale, mais une paraphrase qui est fort estimée. L'auteur en a retranché les prologues & les épilogues des novelles. Elle est divisée en deux livres ; le premier contient jusqu'à la novelle 63e. le second les autres novelles.

La seconde traduction des novelles est celle d'Haloander, imprimée pour la premiere fois à Nuremberg l'an 1531, & depuis réimprimée en plusieurs autres lieux.

Il y en a une troisieme & derniere d'Agylée, faite sur la copie grecque de Serimger, imprimée à Bâle par Hervagius l'an 1561, in-4 °. Celle-ci est fort estimée.

Cependant Contius s'est servi de l'ancienne, & c'est celle qui est imprimée dans les corps de Droit civil, avec les gloses ou sans gloses.

Cette premiere version a été appellée le volume des authentiques, pour dire que c'étoit la seule version fidele & entiere.

Les ravages des guerres & les incursions des Goths dans l'Italie & dans la Grece, avoient causé la perte du droit de Justinien, & du premier livre grec des novelles & de la premiere traduction ; ces livres furent enfin retrouvés dans Melphi, ville de la Pouille ; & Irnerus, par l'autorité de Lothaire II. vers 1130, remit au jour le code & la premiere version latine des novelles de Justinien.

Cette édition des novelles par Irnerus, a été appellée germanique ou vulgate ; c'est celle dont on se sert présentement pour la citation des novelles : cependant elle se trouva défectueuse ; plusieurs novelles y manquoient, soit qu'Irnerus ne les eût pas retrouvées, soit qu'il les eût retranchées, comme étant hors d'usage.

Berguntio ou quelqu'autre interprete, vers l'an 1140, divisa ce volume des novelles en neuf collations, & changea l'ordre observé dans la premiere version, & ce volume fut appellé authentique, authenticum, ou volumen authenticorum, & a été depuis reçu dans toutes les universités.

Quelques-uns veulent que le nom d'authentique lui ait été donné parce que les lois qu'il contient ont plus d'autorité que les autres, qu'elles confirment, interpretent ou abrogent ; d'autres disent que c'est par rapport aux authentiques d'Irnerus, qui n'étant que des extraits des novelles, n'en ont pas l'autorité ; d'autres enfin veulent que ce soit par rapport à l'épitome de Julien, qui ne fut fait que de son autorité privée.

Il ne faut pas confondre ce volume appellé authentique avec les authentiques appellés authenticae, qui sont des extraits des novelles qu'Irnerus insera dans le code aux endroits où ces novelles ont rapport.

On ne voit pas pourquoi les novelles ont été divisées en neuf collations : ce terme signifie amas & rapport ; mais dans une même collation il y a des novelles qui n'ont aucun rapport les unes avec les autres, elles y sont rangées sans ordre.

La premiere & la seconde collation de l'édition d'Irnerus, contiennent chacune six novelles ; la troisieme & la quatrieme chacune 7 ; la cinquieme 20, la sixieme 14, la septieme 10, la huitieme 13, & la neuvieme 15.

Haloander & Serimger en ont ajouté 70, qui étoient la plûpart des lois particulieres & locales ; il y en a pourtant aussi quelques - unes qui sont des lois générales qu'ils ont dispersé dans différentes collations ; savoir deux dans la seconde, une dans la troisieme, 17 dans la quatrieme, 6 dans la cinquieme, 3 dans la sixieme, autant dans la septieme, & 38 dans la neuvieme.

Chaque collation est divisée en autant de titres qu'elle renferme de novelles.

Ces novelles sont divisées en un commencement ou préface, plusieurs chapitres qui sont subdivisés en paragraphes ; & à la fin il y a un épilogue où l'empereur ordonne l'observation de sa loi.

Pour plus grande intelligence des novelles, il est bon d'observer le tems où elles ont été publiées.

Les 16 premieres le furent en 535 ; la 17e jusqu'à la 38, en 536 ; la 38e jusqu'à la 64, en 537 ; la 64e jusqu'à la 78, en 538 ; la 78e jusqu'à la 98, en 539 ; la 98e jusqu'à la 107, en 540 ; la 107e jusqu'à la 116, en 541 ; les 116e & 117 en 542 ; la 118e en 543 ; la 119e en 541 ; la 120e en 545 ; les 121e, 122, 123, 124, 125, 128, 129, 131, 132, 134, 135, 136, 137, 142, 146, 147, 157, en l'an 541 ; la 126e est sans date ; la 127e en 548 ; la 130e & la 133, en 545 ; la 140e en 546 ; la 141e & la 149, en 544 ; la 143e en 546 ; la 145e en 549 ; la 148e en 535 ; la 162e en 539 ; toutes les autres sont sans date.

Divers auteurs ont travaillé sur les novelles de Justinien ; Cujas en a fait des paratitles qui sont fort estimés ; Gudelinus a fait un traité de jure novissimo ; Rittershusius les a aussi traitées par matieres. Ceux qui ont travaillé sur le code ont expliqué par occasion les authentiques. M. Claude de Ferrieres a fait la jurisprudence des novelles en deux volumes in 4°. en 1688 ; M. Terrasson en a aussi traité fort doctement dans son histoire de la jurisprudence romaine.

Quelques empereurs après le decès de Justinien, firent aussi des constitutions qu'ils appellerent novelles ; savoir Justin II. Tibere II. Léon, fils de l'empereur Basile, Héraclius, Alexandre, Constantin Porphyrogenete, Michel & autres.

Les novelles de ces empereurs furent imprimées pour la premiere fois en 1573, & depuis elles furent jointes par Leunclavius à l'épitome des 60 livres de basiliques, à Basle en 1575 : on les a imprimées depuis à Paris en 1606, & à Amsterdam en 1617.

Les 113 novelles de l'empereur Léon ont été imprimées avec le cours civil par Godefroy ; ces novelles n'ont point force de loi. Voyez AUTHENTIQUES, CODE JUSTINIEN, DROIT ROMAIN. (A)


NOVEM-VIRSS. m. (Hist. anc.) surnom donné aux archontes d'Athenes, parce qu'ils étoient au nombre de neuf. Il y a grande apparence que ce furent les Romains qui leur donnerent ce titre après la conquête d'Athènes ; car ce nom est latin, tout semblable à ceux de triumvir, sextumvir, decemvir, &c. que les Romains tiroient du nombre des magistrats qu'ils désignoient par ce titre, & l'on sait qu'Athènes déchue de son ancienne puissance & soumise aux Romains, conserva toujours la liberté d'élire ses magistrats, & le droit de se gouverner selon ses lois. Enfin dans toute l'antiquité grecque on ne voit pas que le titre de novem-virs ait été donné aux archontes. Voyez ARCHONTES.


NOVEMBRES. m. (Calendr.) nom du onzieme mois de l'année julienne & grégorienne. Il n'étoit que le neuvieme chez les Romains, lorsqu'ils n'en avoient que dix, & c'est de-là qu'il a tiré son nom latin. Ce mois a 30 jours, & c'est le 22 que le soleil entre dans le signe du sagittaire.

NOVEMBRE, (Littérat.) neuvieme mois de l'année de Romulus, & le onzieme de la nôtre. Il étoit sous la protection de Diane. Ausone le personnifie sous la figure d'un prêtre d'Isis, habillé de toile de lin, ayant la tête chauve ou rasée, & étant appuyé contre un autel sur lequel est une tête de chevreuil, animal qu'on sacrifioit à la déesse. Il tient un sistre à la main, instrument qui servoit aux Isiaques. Le rapport qui se trouve encore entre le personnage & le mois, c'est qu'aux calendes de Novembre, on solemnisoit les fêtes d'Isis. Le 5 de Novembre on célebroit les neptunales, le 15 les jeux populaires, le 21 les libérales, & le 27 les sacrifices mortuaires. (D.J.)


NOVEMDIALES(Littérat. grec. & rom.) en latin novemdialia ; sacrifices que faisoient les anciens Romains pendant 9 jours, avec des banquets chaque jour, soit pour appaiser la colere des dieux, soit pour se les rendre propices avant que de se mettre sur mer, soit pour détourner d'autres malheurs. Enée dans Virgile, n'oublie point ces sortes de sacrifices en l'honneur de Neptune :

Jamque dies epulata novem gens omnis & aris

Factus honos, placidi straverunt aequora venti.

" Neuf jours s'étoient écoulés dans les sacrifices & les festins, lorsque la mer parut favorable pour la navigation ". Ce fut Tullus Hostilius, selon Tite-Live, qui institua ces sacrifices, après avoir reçu la nouvelle des ravages causés sur le mont Albain par une grêle terrible, dont la grosseur & la dureté firent dire qu'il étoit tombé une pluie de pierres. C'est des novemdiales que nos neuvaines ont pris leur origine ; plusieurs chrétiens n'ont que trop consacré de rits de la religion payenne.

Au reste les novemdiales, novemdialia, signifioient aussi chez les Romains les funerailles, parce qu'elles se faisoient neuf jours après le decès. On gardoit les corps pendant sept jours, on le brûloit le huitieme, & le neuvieme on enterroit les cendres. Les Grecs nommoient cette cérémonie . (D.J.)


NOVEMPAGI(Géog. anc.) ville de la Toscane ; Pline, liv. III. ch. v. la met dans les terres, & Léander prétend que c'est aujourd'hui Bagnarea.


NOVEMPOPULANIE(Géog. anc.) nom qui fut donné anciennement à une grande contrée de la France. Cette contrée étoit enfermée entre la Garonne, les Pyrénées & l'Océan, & s'étendoit même jusqu'à la Loire sous le regne d'Auguste. Sous Constantin le Grand, à ce que l'on croit, elle fut partagée en deux provinces nommées Aquitaine & Novempopulanie. Enfin Hadrien divisa toutes les terres qu'Auguste avoit renfermées dans l'Aquitaine, en trois provinces qui furent nommées l'Aquitaine premiere, l'Aquitaine seconde & la Novempopulanie. On appella alors Novempopulanie l'ancienne Aquitaine, ou l'Aquitaine proprement dite, qui comprenoit du tems de César, les terres qui se trouvoient entre la Garonne, les Pyrénées & l'Océan.

Sous les regnes qui précéderent celui de Chilperic II. les Gascons quittant leurs montagnes, se rendirent maîtres du pays & des villes entre la mer, la Garonne & les Pyrénées ; pour lors la Novempopulanie commença à s'appeller Gascogne, du nom de ses vainqueurs. (D.J.)


NOVENDIALnovendiale, (Hist. anc.) sacrifice que les Romains faisoient pendant neuf jours, comme son nom le marque assez, pour détourner les malheurs dont quelque prodige sembloit les menacer, & par cet acte de religion appaiser les dieux irrités. Ce fut Tullus Hostilius, selon Tite Live, qui le premier institua ces sacrifices sur la nouvelle qu'on rapporta d'une grêle tombée sur le mont Albain, d'une grosseur & d'une dureté si extraordinaire qu'on s'imagina que c'étoit une pluie de pierres. Les Romains fort crédules en fait de prodiges, sur-tout dans les premiers tems, eurent occasion de renouveller souvent le novendial. Voyez NOVEMDIALES.


NOVENDILES, JEUX(Antiq. rom.) c'étoit les mêmes que les jeux novemdiales ou funebres qu'on donnoit à la mort des grands hommes ou des empereurs. Voyez NOVEMDIALES. (D.J.)


NOVENSILES(Hist. anc.) c'étoient les dieux des Sabins que les Romains adopterent, & auxquels le roi Tatius fit bâtir un temple : leur nom signifie dieux nouvellement arrivés ou nouvellement connus. D'autres prétendent que ces dieux étoient ceux qui présidoient aux nouveautés ou au renouvellement des choses ; & selon quelques mythologistes, leur nom vient du nombre neuf, novem, parce qu'on en comptoit autant, savoir, Hercule, Romulus, Esculape, Bacchus, Enée, Vesta, la Santé, la Fortune & la Foi : d'autres enfin ont cru que c'étoient les neuf Muses. Mais tous ces auteurs ne nous ont point appris ce que ces dieux novensiles avoient de commun entr'eux, ni ce qui les distinguoit des autres divinités.


NOVERUS(Géog. anc.) ou Novarus ; ancien bourg de France en Saintonge, au-delà de la Charente par rapport à Bordeaux : Ausone y avoit sa maison. On croit que c'est aujourd'hui le village appellé les Nouliers.


NOVI(Géog.) petite ville d'Italie dans l'état de Gènes, à 12 lieues au N. O. de Gènes, & à 5 au S. O. de Tortone. Long. 26. 23. lat. 44. 45.


NOVI-BASAR(Géog.) ou Jéni-Basar ; petite ville de la Turquie européenne dans la Servie, aux frontieres de l'Herzegovine, sur la riviere de Rasca, à 29 lieues O. de Nissa, 41 S. de Belgrade. Long. 38. 59. lat. 43. 25. (D.J.)


NOVICES. m. (Jurisprud.) est une personne de l'un ou l'autre sexe qui est dans le tems de sa probation, & qui n'a pas encore fait ses voeux de religion.

Depuis que la vie monastique eut commencé d'être assujettie à de certaines regles, on crut avec raison, qu'il ne falloit pas y admettre indifféremment tous ceux qui se présentoient pour entrer en religion.

La regle de S. Benoît veut que l'on éprouve d'abord, pendant quatre ou cinq jours, celui qui postule pour prendre l'habit, afin d'examiner sa vocation, ses moeurs & ses qualités du corps & de l'esprit ; qu'après avoir ainsi éprouvé l'humilité du postulant, on lui permette d'entrer dans la chambre des hôtes pour les servir pendant peu de jours. S. Isidore dans sa regle, veut que les postulans servent les hôtes pendant trois mois. Ces premieres épreuves, qui précedent le noviciat, sont plus ou moins longues, suivant l'usage de chaque congrégation.

Après ces premieres épreuves, le postulant est admis dans la chambre des novices.

On donne pour maître aux novices, un ancien profès qui ait du zele, & qui soit bien exercé dans la pratique de la regle. On choisit ordinairement un prêtre âgé de plus de 35 ans, & qui ait plus de dix ans de profession.

Pour la validité des voeux que le novice doit faire lors de sa profession, il est essentiel que pendant son noviciat il soit exactement instruit de la regle & des autres exercices & obligations de la vie monastique, & qu'on les lui fasse pratiquer.

Suivant la regle de S. Benoît, le noviciat doit être d'un an entier. Justinien dans sa novelle 5, suivant la regle des anciens moines d'Egypte, veut que les novices soient éprouvés pendant 3 ans. Comme plusieurs supérieurs dispensoient de cette regle, le concile de Trente a ordonné, que personne de l'un & de l'autre sexe ne soit admis à faire profession qu'après un an de noviciat depuis la prise d'habit, & que la profession faite auparavant soit nulle.

L'ordonnance de Blois, art. 28, a adopté cette décision du concile de Trente ; mais le concile ni l'ordonnance n'ont pu éviter de reprouver les statuts ou usages de certains ordres, qui veulent plus d'un an pour la probation.

L'année de probation ou noviciat doit être continue & sans interruption, pas même d'un seul jour, autrement il faut recommencer le noviciat en entier.

Mais si un novice après avoir rempli son tems de probation sort du monastere, & y rentre ensuite, il peut faire profession sans recommencer le noviciat.

Les mineurs ne peuvent se faire religieux sans le consentement de leurs pere & mere ; mais quand ils n'ont plus ni pere ni mere, leurs tuteurs & curateurs, & même les parens collatéraux, ne peuvent pas les empêcher d'entrer en religion : ils n'ont que la voie de représentation auprès de l'évêque pour l'engager à examiner la vocation du mineur.

Le concile de Trente défend de rien donner au monastere, sous quelque prétexte que ce soit, par les parens ou curateurs, excepté la vie & le vêtement du novice ou de la novice pour le tems de son noviciat : ne hac occasione discedere nequeat. Au surplus il faut voir ce qui a été dit ci-devant au mot DOT, au sujet de celles qui se donnent pour l'entrée en religion.

Les donations que font les novices sont réputées à cause de mort. Il suffit même pour cela, que le donateur soit dans le dessein formel de se faire religieux, comme s'il avoit déja son obédience, & étoit sur le point d'entrer dans le monastere pour y faire son noviciat.

Les novices ne peuvent disposer en faveur du monastere où ils doivent faire profession, ni même en faveur d'un autre, soit du même ordre, soit d'un autre ordre, directement ni indirectement. Ordonnance de Blois, art. 19. Ordonn. de Blois, art. 28.

Ce même article de l'ordonnance de Blois permet aux novices de disposer de leurs biens & des successions qui leur sont échues, trois mois après qu'ils auront atteint l'âge de 16 ans.

L'ordonnance des testamens, art. 21, porte que ceux ou celles qui ayant fait des testamens codicilles ou autres dernieres dispositions olographes, voudront faire des voeux solemnels de religion, ils seront tenus de reconnoître ces actes pardevant notaires avant que de faire leurs voeux, sinon que les testamens, codicilles, ou autres dispositions demeureront nuls & de nul effet.

Quant à l'âge auquel les novices peuvent faire profession, l'ordonnance d'Orléans l'avoit fixé à 25 ans pour les mâles, & 20 ans pour les filles ; mais suivant l'ordonnance de Blois, qui est conforme en ce point au concile de Trente, il suffit pour les uns & les autres d'avoir 16 ans accomplis.

L'examen des postulantes, avant la prise d'habit, avant leur profession, appartient à l'évêque diocésain. Voyez les Mémoires du clergé, les Loix ecclésiastiques, la Jurisprudence can. de Lacombe, & aux mots DOT, MOINES, MONASTERES, RELIGION, VOEUX. (A)


NOVICIATS. m. (Jurisprud.) est le tems de probation, c'est-à-dire, le tems pendant lequel on éprouve la vocation & les qualités de la personne qui est entrée en religion, avant de l'admettre à faire profession. Voyez ci-devant NOVICE. (A)


NOVIGRAou NOVEGRADI, (Géog.) petite ville de Dalmatie sur la rive méridionale du lac de même nom, près du golfe de Venise, à 8 lieues N. O. de Zara, 7 O. de Nona. Long. 34. 20. lat. 44. 30. (D.J.)

NOVIGRAD, LAC DE, (Géog.) petit lac de la Dalmatie, qui tire son nom de la ville de Novigrad, bâtie sur l'un de ses bords ; il se décharge par un long canal dans le golfe de Morelacca.

NOVIGRAD, (Géog.) petite ville fortifiée de la haute Hongrie, chef-lieu du comté de même nom, sur une montagne au levant, & près du Danube, à 6 lieues N. E. de Grau, 14. N. O. de Bude. Long. 36. 45. lat. 47. 50.


NOVIODUNUM(Géog. anc.) Il y a plusieurs Noviodunum en diverses parties de l'Europe, & l'on en compte jusqu'à quatre dans la Gaule ; Noviodunum Aeduorum, Nevers ; Noviodunum Biturigum, Neuvi sur Baranjon ; Noviodunum Diablentum, Nogent le Rotrou ; & Noviodunum Suessionum, que Sanson & M. l'abbé Lebeuf croient être Soissons. Pour ce qui est de Noviodunum sans addition, ce nom peut s'accommoder à diverses autres places que Noyon. De même il y a dix ou douze Noviomagus en diverses parties de la Gaule seulement ; plusieurs Mediolanum, Lugdunum, &c. ces noms étant communs à différentes places.


NOVIOREGUM(Géog. anc.) ville d'Aquitaine. L'itinéraire d'Antonin la met sur la route de Bourdeaux à Autin, à 12 milles de Tomnum, & à 15 de Mediolanum Santonum, entre ces deux villes.


NOVITIIdans l'ancienne milice des Romains, c'étoient les premiers & nouveaux soldats qu'on appelloit ainsi pour les distinguer des vétérans. Voyez VETERANS.

Dans les anciens ordres de chevalerie il y avoit des novices ou clercs des armes, qui faisoient une sorte d'apprentissage avant d'être admis au rang de chevaliers. Voyez CHEVALIER.


NOVITO(Géog.) petite riviere d'Italie au royaume de Naples. Elle a sa source dans l'Apennin, coule dans la Calabre ultérieure, & va se jetter dans la mer Ionienne. Elle s'appelloit anciennement Butrotus.


NOVIUS(Géog. anc.) fleuve de l'île d'Albion, selon Ptolémée, liv. ch. iij. qui place son embouchure entre celle du fleuve Dera & le golfe Ituna. Cambden croit que c'est aujourd'hui le Nyd.


NOVOGORODDUCHE DE, (Géogr.) duché des états de l'empire Russien. On le nomme Novogorod-weliki, c'est-à-dire le grand Novogorod, & la ville de Novogorod-weliki, qui en est la capitale, lui donne son nom. Ce duché est borné au nord par le lac d'Onéga & de Cargapol ; à l'est par les duchés de Belozero & de Twere ; au sud par la province de Rzeva, & à l'ouest par l'Ingrie. Il y a dans ce pays plusieurs grands lacs & rivieres. (D.J.)

NOVOGOROD, (Géogr.) ou Novogrod, & communément weliki Novogorod, c'est-à-dire le grand Novogorod, ville de l'empire Russien, capitale du duché du même nom, avec un archevêché & un château où l'archevêque & le vaivode font leur résidence. Elle est avantageusement située pour le commerce, sur le bord de la riviere de Wolchowa, qui sort de la partie septentrionale du lac d'Ilmen, & qui est très-poissonneuse. Comme cette riviere est navigable depuis sa source, & que le pays abonde en blé, lin, chanvre, cire & cuir de Russie, il se faisoit autrefois dans cette ville un grand trafic de toutes ces marchandises. Jean Bazilowitz grand duc de Moscovie, y commit des cruautés inouies en 1569, sur la seule défiance qu'il eut de la fidélité de ses habitans. Cette ville est située à 50 lieues S. E. de Narva, 48 N. E. de Pleskow, 90 N. O. de Moskow. Long. 51. 15. lat. suivant Oléarius, 58. 23.

NOVOGROD-SERPSKOI, (Géog.) ou Novoserpskoi, ville de l'empire Russien, capitale de la province de même nom, dans le duché de Severie sur le Dubica, à 50 lieues N. E. de Kiovie. Long. 51. 45. lat. 52. 80.


NOVOGRODECK(Géog.) palatinat de la Russie lithuanienne, au midi de celui de Troki. Il a 60 lieues du levant au couchant, & 30 du midi au nord. On le partage en quatre territoires ; savoir, Novogrodeck, Slonim, Wolkowits & Neswis.


NOYA(Hist. nat.) serpent d'une couleur grisâtre qui se trouve dans l'île de Ceylan : il a environ quatre pieds de longueur. On voit sur sa tête quelque chose qui ressemble assez à une paire de lunettes. Les habitans lui donnent le nom de noya-rodgerah, ou de serpent royal, parce qu'il n'est point nuisible ; il combat à toute outrance le serpent nommé polonga, qui est très-venimeux & nuisible aux bestiaux.


NOYALLES. f. (Manuf. de toiles) c'est ainsi que l'on appelle certaines especes de toiles de chanvre écrues, très-fortes & très-serrées, qui se fabriquent en divers lieux de Bretagne, dont l'usage est pour faire des voiles de vaisseaux & de bâtimens de mer.

Les noyalles se distinguent en noyalles extraordinaires à six fils de brin, en noyalles extraordinaires à quatre fils de brin, en noyalles ordinaires à quatre fils, en noyalles courtes, en noyalles simples, & en noyalles rondelettes.


NOYAUOSSICULE, ossiculum, c'est la partie dure des fruits qui contient un corps mou & bon à manger, auquel on a donné le nom d'amande ; comme dans l'amandier, l'abricotier, le pêcher, &c. Tournefort, Inst. rei herb.

NOYAU, s. m. (Astron.) nom que quelques astronomes donnent au milieu des taches du soleil & des têtes des cometes, qui paroît plus clair que les autres parties de ces astres. Hevelius dans sa cometographie, liv. VII. remarque à l'égard des noyaux des taches du soleil, qu'ils croissent & décroissent ; qu'ils occupent presque toujours le milieu des taches, & que ces taches étant prêtes à disparoître, ces noyaux crevent par éclats. Cet astronome a encore observé que dans une tache il y a souvent plusieurs noyaux qui se concentrent quelquefois en un seul. Les noyaux, dans la tête d'une comete, diminuent de même, & se dissipent par éclat ; ils se changent à la fin en une matiere semblable au reste. (D.J.)

NOYAU, (Hist. nat. Minéral.) nucleus, ou metrolitus ; c'est ainsi que les Naturalistes nomment la substance, qui après avoir été moulée dans l'intérieur d'une coquille dont elle a pris la forme, s'est enfin durcie, & a pris la consistance d'une pierre. Ces noyaux sont de différente nature, suivant les différens sucs lapidifiques, & les différentes terres qui sont venues remplir la capacité de ces coquilles. Il y en a de calcaires, de silicées, de grais, &c. Ces noyaux ont aussi pris différentes formes, suivant les coquilles dans lesquelles ils se sont moulés.

L'on nomme aussi noyaux les pierres, soit mobiles, soit adhérentes, qui se trouvent dans les cavités des étites ou pierres d'aigle.

Enfin on appelle noyau, la partie la plus dure qui se trouve au centre de certains cailloux. (-)

NOYAU, en terme d'Artillerie, est une espece de barre de fer longue & cylindrique, qui après avoir été revêtue d'un fil d'archal tourné en spiral, & recouvert d'une pâte de cendre que l'on fait bien secher, se place au milieu du moule d'une piece de canon pour en former l'ame. Quand le métal a été coulé dans le moule, & que la piece est fondue, on retire le noyau, & l'on alleze ensuite la piece pour égaliser l'intérieur du canon, & lui donner partout la même épaisseur & le même calibre.

On couvre le noyau d'une pâte de cendre, afin d'empêcher que le métal ne s'y attache, & qu'on puisse le retirer aisément du milieu de la piece lorsqu'elle est fondue.

Pour que le noyau soit placé exactement au milieu du moule, & que sa position ne puisse pas changer, on le soutient du côté de la culasse par des barreaux d'acier passés en croix, c'est ce qu'on appelle le chapelet, & du côté de la bouche de la piece, par une meule faite de plâtre & de tuiles, dans laquelle est passé le bout du noyau.

Lorsque les pieces sont coulées massives elles n'ont point de noyau. On les fore après qu'elles sont fondues. Cette derniere méthode est plus avantageuse que l'ancienne, pour éviter les soufflures & les chambres. Voyez CANON.

On appelle encore noyau dans l'Artillerie, un globe ou une boule de terre sur laquelle se moule la chape des bombes, des grenades & des boulets creux. Entre cette chape & ce noyau se coule le métal ; & quand il est coulé on casse le noyau, & l'on en fait sortir la terre. Aux boulets on ne fait des noyaux que pour faire les coquilles qui sont ou de fer, ou de sable. Ces noyaux sont de la grosseur qu'on veut donner aux boulets. Voyez BOMBE, GRENADE, BOULET, &c. (Q)

NOYAU est aussi, dans l'Artillerie, une espece de moule qu'on fait pour les bombes, grenades & boulets creux.

La grosseur du noyau répond au vuide qu'on veut donner à la bombe ou à la grenade. C'est une boule de terre égale au vuide. On y ajoute dessus une couche d'une autre terre plus douce, de l'épaisseur qu'on veut donner au métal de la bombe ou de la grenade. Dessus cette terre on fait la chape d'une autre terre encore plus forte, après quoi on ôte celle qui occupe l'espace que le métal doit remplir, & l'on rejoint la chape sur le noyau ; on coule ensuite la bombe ou la grenade. Voyez BOMBE. (Q)

NOYAU, s. m. (Archit.) c'est la maçonnerie qui sert de grossiere ébauche pour former une figure de plâtre ou de stuc. On la nomme aussi ame. Selon M. Félibien, les anciens faisoient les noyaux des figures avec de la terre à potier, composée de bourre & de fiente de cheval, bien battues ensemble. Cela se pratique encore aujourd'hui, principalement pour les figures de bronze, parce que la terre résiste mieux à la force & à la violence de ce métal fondu, que toute autre matiere. Mais pour les figures moyennes, & pour celles qu'on a à jetter en or ou en argent, on se sert de plâtre bien battu, avec lequel on mêle de la brique pilée & bien sassée qu'on employe ainsi. On prend les premieres assises du moule remplies des épaisseurs de cire qu'on assemble de bas en haut sur une grille de fer plus large de trois ou quatre pouces que la base de la figure. Cet assemblage se fait autour de la barre qui doit soutenir le noyau. On serre ensuite fortement ces épaisseurs de cire avec des cordes, de peur que les pieces ne se détachent, & on verse du plâtre détrempé bien clair & mêlé avec de la brique battue & sassée, sitôt qu'on a disposé la premiere assise du creux. Cette premiere assise étant remplie, on éleve la seconde que l'on remplit de même ; c'est ainsi qu'on continue d'assise en assise à élever toutes les pieces du moule, & à former le noyau. Quand le creux est rempli, on défait toutes les parties du moule, en commençant par le haut, & alors on voit la figure de cire toute entiere qui couvre le noyau qui est dedans. Voyez les principes d'Architect. de Félibien, &c. liv. II. ch. v.

Noyau est aussi le nom de toute saillie brute, & particulierement de celle de brique, dont les moulures lisses doivent être trainées au calibre, & les ornemens postiches scellés. Les Italiens appellent ossatura l'un & l'autre des noyaux qui ont fait le sujet de cet article.

Noyau de bois. Piece de bois, qui, posée à plomb, reçoit dans des mortoises le tenon des marches d'un escalier de bois, & dans laquelle sont assemblés les limons & appuis des escaliers à deux ou à quatre noyaux. Voyez ci-après noyaux d'escalier.

On appelle noyau de fond celui qui porte depuis le rez-de-chaussée jusqu'au dernier étage ; noyau suspendu, celui qui est coupé au-dessous des paliers & rampes de chaque étage ; & noyau à corde, celui qui est taillé d'une grosse moulure en maniere de corde pour conduire la main. C'est de cette derniere façon qu'on les faisoit autrefois.

Noyau d'escalier. C'est un cylindre de pierre qui porte de fond, & qui est formé par le bout des marches gironnées d'un escalier à vis. On appelle noyau creux celui qui étant d'un diametre suffisant, a un puisard dans le milieu, & qui retient par encastrement les collets des marches. Tel est le noyau des escaliers de l'église de S. Louis des invalides à Paris. On donne encore le nom de noyau creux à un noyau fait en maniere de mur circulaire, & percé d'arcades & de croisées pour donner du jour. Ce noyau est pratiqué aux escaliers en limace de l'église de S. Pierre de Rome, & à l'escalier du château de Chambor.

Il y a encore de ces noyaux qui sont quarrés, & qui servent aux escaliers en arc de cloître, à lunettes & à repos. Tel est le noyau du bout de l'aîle du château de Versailles, appellé l'aîle des princes, située du côté de l'orangerie. Vitruve appelle aussi noyau de plancher, une couche de mortier de six doigts d'épaisseur, faite de chaux avec deux fois autant de ciment, qu'on met sur un plancher, avant que d'y mettre le pavé. Vitruve, liv. II. chap. j. (D.J.)

NOYAU, terme de Fonderie. Le noyau que quelques-uns appellent l'ame d'une figure, est un corps solide dont on remplit l'espace renfermé par les cires. La maniere dont il est composé doit avoir quatre qualités essentielles. Premierement, il faut qu'étant renfermée dans les cires, elle ne puisse s'étendre ni se comprimer. En second lieu, il faut qu'elle puisse résister à la violence du feu lorsqu'on en fait le récuit sans se fendre ni se tourmenter. Il faut en troisieme lieu qu'elle ait une qualité que les ouvriers appellent bouf, qui est, pour ainsi dire, une molle résistance, afin que le métal remplissant l'espace qu'occupoient les cires, le noyau ait assez de force pour résister à sa violence, & n'en ait pas trop en même tems pour s'opposer au métal qui travaille à mesure qu'il se refroidit dans le moule ; ce qui feroit gercer le métal dans plusieurs endroits. La quatrieme qualité que doit avoir le noyau est, qu'il soit d'une matiere agréable au métal, & qu'il le reçoive volontiers lorsqu'il coule, sans le retrancher, & y faire des soufflures ; ce qui pourroit arriver s'il y avoit trop de plâtre dans sa composition.

On forme ordinairement le noyau d'une matiere composée de deux tiers de plâtre & d'un tiers de brique bien battus & sassés, que l'on gâche ensemble, & que l'on coule dans les assises du moule, après que l'armature est faite, continuant ainsi jusqu'au haut de la figure. La brique qu'on mêle avec le plâtre l'empêche de pousser, & fait qu'il résiste à la violence du feu & du métal. Voyez FONDERIE & les fig. Pl. de la Fonderie des fig. équestres.

NOYAU, en terme de graveur en pierres fines ; c'est la partie de la pierre qui est entrée dans la charniere, sorte de bouterolle concave, représentée, figure, Pl. de la Gravure.

On détache ensuite le noyau, & la pierre se trouve par ce moyen, creusée, ou champlevée ; on grave ensuite ce que l'on veut dans le fond du creux que le noyau a fait, ce qui donne plus de relief aux empreintes, si la pierre est destinée à faire un cachet.

NOYAUX ou NOIX ; on appelle ainsi dans les orgues des morceaux de plomb représentés, fig. 53. A Pl. d'orgue, percés d'un trou que l'on soude, au bas des tuyaux des jeux d'anches, comme il est représenté en C, fig. 44. Ces noyaux, qui ont un talon a, sont formés dans un moule d'une grandeur proportionnée à celle du tuyau, & servent après qu'ils y ont été soudés, à tenir l'anche & la languette au moyen d'un petit coin de bois, dont on remplit le reste du trou. Ils ont aussi un autre petit trou par lequel passe la rosette, qui va appuyer sur la languette de l'anche. Voyez la fig. 44 & l'article TROMPETTE, & ORGUE, où la facture des jeux d'anches est expliquée.

NOYAU, c'est le nom que les Potiers d'étain donnent aux pieces de leurs moules, que les chapes qui composent ces mêmes moules enveloppent. Aux moules de vaisselle le noyau est convexe, & c'est ce qui forme le dedans, qui est creux ; à ceux de poterie, les noyaux sont enveloppés de chapes. Ils ont un cran, qu'on appelle portée, qui tient les chapes en respect. Voyez CHAPE, & les figures du Potier d'étain.


NOYÉpass. (Physiol.) une personne noyée est celle qui a été suffoquée par l'eau, & qui y a perdu la vie.

Les noyés meurent par le défaut d'air & de respiration ; il suit de-là que leur mort est promte & vraisemblablement assez douce, parce que le sang qui s'amasse dans le cerveau, d'où il ne peut descendre dans les poumons, presse l'origine des nerfs, & éteint aussi-tôt le sentiment. Leur mort ressemble à celle de ceux qu'on étrangle avec une grande promtitude.

On a cru pendant long-tems que c'étoit à force d'avaler de l'eau que les noyés périssoient ; mais Becker, dans une dissertation intitulée de submersorum morte sine potu aquae, a le premier réfuté cette opinion par les faits. Il a ouvert deux hommes noyés, & ne leur a point trouvé d'eau dans l'estomac, les intestins, ni les poumons. Après Becker, MM. Littre, Sénac & autres, ont confirmé la même vérité par l'ouverture de cadavres de gens & d'animaux qui avoient été submergés.

L'usage commun de suspendre par les piés ceux qui ont été noyés, dans l'espérance de les rappeller à la vie, en leur faisant rendre l'eau qu'on suppose qu'ils ont avalé, n'est donc qu'une erreur populaire. On ne voit point que cette suspension produise rien de favorable, & elle ne fait rendre, à ceux qui viennent de se noyer, que le peu d'eau qui étoit dans leur bouche ; cependant cette pratique subsiste toujours, parce qu'il est ordinaire que les préjugés tiennent bon non-seulement contre les raisonnemens, mais contre l'expérience. Il y a plus, quand même les noyés auroient avalé de l'eau, ils ne la rendroient pas par la suspension des piés, & l'eau ne sortiroit point de leur estomac ou de leurs poumons, en vertu de la situation renversée.

Un accident ordinaire aux noyés, c'est que leurs corps se gonflent. Rendus par-là plus légers, ils surnagent à la surface de l'eau. Quelle est la cause de ce gonflement ? Dans les corps vivans l'air est comprimé, & par la pression de l'air extérieur, & par la tension naturelle des parties, & par l'action du coeur, qui pousse continuellement dans ces espaces fort étroits & le sang, & cet air qui l'accompagne. Dans les cadavres, il n'y a que la premiere cause de compression qui subsiste, & c'est le défaut de la seconde qui produit dans les noyés ce gonflement qui leur est particulier ; toutes leurs parties sont abreuvées d'eau, relâchées, incapables de tenir l'air resserré, comme elles faisoient ; & il se dilate autant que lui permet l'air extérieur.

Les cadavres noyés ainsi gonflés, semblent être sans ressource ; mais quelques cas heureux nous apprennent à tenter tout ce que la Médecine peut employer de plus propre pour ranimer ceux qui viennent d'être submergés, en tâchant de rétablir leur respiration, soit par l'esprit de sel ammoniac, qu'on souffleroit dans leurs narines, soit par des choses irritantes, soit même par la trachéotomie. Déthardingius conseille ce dernier moyen, & dit l'avoir éprouvé avec succès. Il prescrit de souffler fortement avec la bouche, ou quelque tuyau que ce soit, une grande quantité d'air dans le poumon, d'abord après l'ouverture promtement faite.

L'amour de l'humanité devroit inspirer aux académies l'idée de choisir de ces sortes d'objets utiles pour être le sujet de leurs prix, & les expériences heureuses en ce genre mériteroient des récompenses du souverain.

L'histoire de l'académie des Sciences, années 1719, 1725 & 1744, parle beaucoup des noyés, mais avec plus de dépense d'esprit, que de recherches un peu approfondies. (D.J.)

NOYE, se dit de la batterie-basse d'un vaisseau qui est trop près de l'eau, & enfonce de façon que la mer peut entrer par les sabords. Ce qui provient quelquefois d'un défaut de construction, ou de trop charger le bâtiment.

NOYE, adj. (Docimastique) se dit d'un essai recouvert de ses scories, qui, ayant perdu toute communication avec l'air, & étant plongé sous ses scories, ressemble à un noyé qui est sous l'eau, d'où lui est venue la dénomination. Il a pour synonyme étouffé. Voyez à cet article ce qui rend l'essai noyé, & de quelle façon on remédie à cet inconvénient. Voyez aussi l'art. ESSAI. M. DE VILLIERS.


NOYERc'est l'action de suffoquer par le moyen de l'eau. Voyez SUFFOCATION.

M. Halley observe que ceux qui n'ont pas l'habitude de plonger, commencent à se noyer dans l'espace d'environ une demi - minute. Voyez PLONGER.

C'étoit autrefois une espece de punition. Les chroniques nous assurent que du tems de Louis XI. roi de France, les François condamnoient souvent leurs criminels à être noyés au lieu d'être pendus. Chron. scand. Voyez PUNITION.

Les auteurs d'Histoire naturelle & les Médecins nous fournissent plusieurs exemples bien vérifiés & très-merveilleux de personnes noyées qui ont recouvré la vie ; ce qui peut-être, en y pensant sérieusement, pourroit jetter quelque lumiere sur la notion si obscure que nous avons de la vie & de la mort.

Pechlin, de aere & alim. def. c. x. donne l'histoire d'un jardinier de Troningholm, vivant alors, âgé de 65 ans, lequel s'étant laissé tomber, il y avoit dix-huit ans, sous la glace, à la profondeur de 18 aunes, où il resta au fond situé debout pendant 16 heures ; il en fut retiré par le moyen d'un crochet qu'on lui enfonça dans la tête, on l'enveloppa dans des draps, dans l'opinion où l'on étoit que l'on pourroit le rappeller à la vie ; on le mania ensuite, & on le frotta avec des linges ; on lui souffla de l'air par les narines pendant plusieurs heures ; jusqu'à ce que le sang commençât à reprendre son mouvement ; enfin, en lui appliquant des liqueurs anti-apoplectiques & réjouissantes, il recouvra la vie. En mémoire de cet accident, la reine-mere lui fit une pension annuelle, &c.

Tilesius, garde de la bibliotheque du roi, nous donne une histoire moins vraisemblable d'une femme de sa connoissance, qui resta sous l'eau trois jours entiers, & qui revint à la vie de la même maniere que le jardinier de Troningholm. Cette femme vivoit encore du tems de Tilesius.

Mais que dirons-nous de Burmanus, qui nous assure qu'étant dans le village de Bones, de la paroisse de Pithou, il assista à l'oraison funebre d'un nommé Laux-Jona, âgé de 70 ans, dans laquelle le prédicateur rapporta que cet homme à l'âge de 17 ans avoit été enseveli sous l'eau pendant sept semaines, & qu'enfin en ayant été retiré, il en revint. Pechlin ubi sup. sit penes ipsum fides, l'en croie qui voudra.

NOYER, v. act. (Hydr.) on noye quelquefois un jet en faisant passer l'eau au-dessus de l'ajutage, ce qui en diminuant sa hauteur le fait paroître plus gros, & blanc comme de la neige.

Quand on noie un bassin, c'est pour nourrir les glaises. On bouche alors la décharge de superficie. (K)

NOYER, v. act. terme de Peinture. Ce mot se dit des couleurs & des contours ; c'est mêler tendrement & confondre habilement les extrêmités des couleurs, avec d'autres qui leur sont voisines. (D.J.)

NOYER, au jeu de boule ; se dit de l'action par laquelle un joueur ayant trop donné de force à sa boule, va la jetter dans le noyon.


NOYERS(Géog.) petite ville de France, en Bourgogne, sur la petite riviere de Serain, dans un vallon entouré de montagnes, à 7 lieues S. E. d'Auxerre. Long. 21. 30. lat. 47. 36.

Mrs Grenau freres, sont natifs de Noyers. Le cadet (Bénigne) devint professeur au college d'Harcourt, & y est mort en 1723, à 42 ans. L'aîné (Pierre), membre de la congrégation de la doctrine chrétienne, est mort en 1722, à 62 ans. Il a fait une satyre assez ingénieuse, sous le titre d'Apologie de l'équivoque.

Treuvé (Simon-Michel), théologien, étoit de Noyers, & fut gratifié par M. Bossuet d'un canonicat de son église de Meaux. Cependant il devint un zélé partisan de MM. de Port-royal, & des plus opposés à la constitution Unigenitus. Son meilleur ouvrage qu'il fit à 24 ans, a pour titre : Dispositions qu'on doit apporter aux sacremens de pénitence & d'eucharistie, in-12. Il mourut à Paris en 1730, à 77 ans. (D.J.)


NOYONS. m. signifie, en Horlogerie, une petite creusure, de forme cylindrique. Voyez CREUSURE. (T)

NOYON, terme de jeu de boule, espace qui est audelà de la barre du jeu de boule, & qui est environ trois piés derriere le but. Quand la boule entre dans cet espace, on dit qu'elle est noyée, & le joueur a perdu son coup.

NOYON, (Géog.) ville de France, dans le Vermandois, en Picardie, aujourd'hui du gouvernement de l'île de France, avec un évêché suffragant de Rheims, dont l'évêque est comte & pair de France, ayant l'honneur de porter le ceinturon & le baudrier au sacre du roi.

Cette ville est fort ancienne : elle a été nommée en latin Noviodunum, Noviomagum, Novionunum, & Noviomagus - Veromanduorum. Elle n'étoit pas fort considérable sous l'empire romain, parce que la capitale des peuples Vermandois étoit la ville d'Auguste, aujourd'hui Saint-Quentin, située sur la Somme. Comme elle fut détruite par les Barbares, l'évêque des Vermandois se retira à Noviomagus, changé par corruption en Noviomum, Noyon. On voit par la notice de l'empire, section 35. que sur la fin du iv. siecle, ou au commencement du v. Noyon étoit la demeure d'un préfet pour les Romains. Elle est dans une situation assez commode pour le commerce, & contient environ quatre mille habitans.

Les trois races des rois de France ont illustré cette ville par quelques événemens particuliers. Chilpéric II. de la premiere race, y fut enterré en 721. Charlemagne, de la seconde race, y fut selon quelques-uns couronné en 768 ; & Hugues Capet, de la troisieme, y fut élevé à la royauté en 987. François I. y conclut un traité avec Charles - Quint en 1516.

Cette ville a aussi essuyé en différens tems diverses calamités. César s'en rendit le maître. Les Normands la saccagerent dans le ix. siecle. Elle a été incendiée plusieurs fois depuis. Du tems de la ligue, elle fut prise & reprise. Enfin elle fut rendue à Henri IV. en 1594. Son commerce consiste en blé & avoine, en toiles de chanvre & de lin, & en cuirs tannés.

L'évêché des Vermandois fut transféré à Noyon sous l'épiscopat de Saint-Médard en 531. Cet évêché est évalué à plus de 25000 liv. de revenu fixe, & le casuel en est très-considérable. On compte dans le diocèse 17 abbayes, & 450 paroisses qui sont partagées en 12 doyennés ruraux.

Noyon est bâti sur une pente douce & en bon air, à un quart-de-lieue de l'Oise, sur la riviere de Vorse, à 9 lieues N. O. de Soissons, 13 S. E. d'Amiens, 24 N. E. de Paris. Long. 20. 40. 43. lat. 49. 34. 37.

Je ne sai par quelle étoile Noyon a produit plus de gens de lettres que les autres villes de Picardie. Je pourrois nommer M. le Cat, mais il vit encore heureusement ; ainsi je ne parlerai que des morts, & je n'en citerai que quelques-uns, dont cette ville est la patrie. Tels sont :

Conte (Antoine le), en latin Contius, jurisconsulte du xvj. siecle, dont Cujas faisoit beaucoup de cas, mourut en 1586. Ses oeuvres ont été imprimées en un volume in-folio.

Fourcroi (Bonaventure) étoit mauvais poëte ; mais avocat célebre, quoique les ouvrages de sa profession soient aujourd'hui peu recherchés. Il mourut à Paris en 1691, dans un âge décrépit.

Masson (Innocent le), s'acquit pendant sa vie de la réputation par ses livres de piété, qui sont à présent tombés dans le plus profond oubli. Il devint général des Chartreux, & violent ennemi des Jansénistes. Il est mort en 1704, à 76 ans.

Maucroix (François), intime ami de la Fontaine, devint chanoine de Rheims, & mourut en 1708, à 89 ans. Il écrivoit très-poliment, & versifioit avec aisance. Nous lui devons de bonnes traductions dans notre langue ; les Philippiques de Démosthène, l'Eutyphron, le grand Hippias, quelques Dialogues de Platon, & le Rationarium temporum du P. Petau.

Mais Noyon est bien moins connu par tous les gens de lettres que je viens de nommer, que pour avoir donné en 1509 la naissance à Calvin, cet homme si fameux par ses ouvrages, par ses disciples, & par les peuples éclairés, chez lesquels sa doctrine a été reçue dans tous les points où elle a paru conforme à celle de la primitive église.

Calvin possédoit les plus heureux dons de la nature. Il joignoit à beaucoup d'esprit une merveilleuse sagacité, une mémoire excellente, une rare érudition, une plume éloquente & facile, l'art de manier la parole, le talent supérieur d'écrire purement en latin comme en françois, un travail infatigable, qu'il ne cessoit pas même dans le tems que des maladies l'attachoient au lit, une vigueur d'esprit toujours active, un courage qui ne s'étonnoit de rien, & plus que tout cela, l'ambition d'étendre la réformation dans toute l'Europe, en France, en Suisse, en Allemagne, & jusqu'aux extrêmités du nord.

Plein de ce vaste projet, il s'y dévoua dès sa jeunesse, étudiant profondément la Théologie & la Jurisprudence. Il fit connoître ce qu'il seroit un jour par la harangue qu'il suggéra au recteur de l'université de Paris, & qui excita des grandes rumeurs en Sorbonne & au Parlement. Il n'avoit que 26 ans, quand il publia son Institution chrétienne, avec une épître dédicatoire à François I. qui est une des trois préfaces qu'on admire le plus, car elle va de pair avec celle de M. de Thou & la préface de Polybe de Casaubon.

Cet ouvrage fit voler si haut la réputation de Calvin, qu'il ne tint plus qu'à lui de choisir dans les pays protestans, le lieu où il jugeroit bon de se fixer. Le hazard seul le décida pour Genève, où il acquit plus d'autorité que Luther n'en eut jamais en Saxe. Il devint le législateur spirituel de cette république ; il y dressa un formulaire de catéchisme, de confession de foi, & de discipline ecclésiastique, qui fut reçu par tout le peuple en 1541. Il mourut en 1564, à 55 ans. Ses travaux continuels abregerent ses jours, mais ils lui procurerent un nom célebre & un très-grand crédit.

Austere par tempérament, irréprochable dans ses moeurs, dur envers lui-même comme envers les autres, d'une frugalité & d'un desintéressement admirables, il ne laissa pour tout bien en mourant, que la valeur de cent vingt écus d'or. Mais c'étoit un homme entier dans ses sentimens, jaloux du mérite des autres, violent, emporté, dangereux quand il étoit contredit ; brûlant d'une seule passion, de l'ardeur de se signaler, & d'obtenir cet empire de la domination sur les esprits, qui flatte tant l'amour propre, & qui d'un théologien fait une espece de conquérant, comme dit M. de Voltaire. Piqué de trouver dans Servet, un adversaire plus fort que lui en raisons, il lui répondit par des injures ; passa des injures à la haine, le fit arrêter dans son voyage à Genève, & pour comble d'horreur, le fit brûler vif. Cette action barbare a souillé la mémoire de Calvin d'une tache éternelle dans l'esprit des Réformés tout autant que dans l'esprit des Catholiques.

Ce fut à Noyon que Hugues Capet se fit proclamer roi, en 987. On sait, dit l'auteur moderne de l'Histoire générale, comment ce duc de France, comte de Paris, enleva la couronne au duc Charles oncle du dernier roi, Louis V. Si les suffrages eussent été libres, le sang de Charlemagne respecté, & le droit de succession aussi sacré qu'aujourd'hui, Charles auroit été roi de France. Ce ne fut point un parlement de la nation qui le priva du droit de ses ancêtres ; ce fut ce qui fait & défait les rois, la force aidée de la prudence. (D.J.)


NOYUREterme d'Horlogerie. Voyez CREUSURE.


NOZEROYou NOZERET, (Géog.) petite ville de France dans la Franche - Comté, au bailliage de Salins. Elle est située sur une montagne, à six lieues S. O. de Salins, quinze S. de Besançon. Long. 24. 45. lat. 46. 44.

Gilbert Cousin, auteur du xvj. siecle, né à Nozeroy, en a donné une notice assez étendue dans sa description de la Bourgogne. (D.J.)


NSOSSI(Hist. nat.) animal quadrupede qui se trouve dans le royaume de Congo, & dans d'autres parties de l'Afrique. Il est de la grandeur d'un chat, & d'un gris de cendre ; son front est armé de deux petites cornes. C'est le plus craintif & le plus inquiet des animaux ; ce qui le tient toujours en mouvement, & l'empêche de boire ou de paître tranquillement. Sa chair est très bonne à manger, & les habitans préferent sa peau à toute autre pour faire les cordes de leurs arcs.


NTOUPIS. m. (Hist. ecclés.) nom que les Grecs donnent aux excommuniés après leur mort, parce que leurs corps, disent-ils, ne pourrissent point en terre, mais s'enflent & résonnent comme un tambour quand on les roule. On dit que l'on vit une preuve de cette vérité sous le regne de Mahomet II. empereur des Turcs ; car ce sultan ayant entendu parler de la force des excommunications dans l'église grecque, envoya dire à Maxime, patriarche de Constantinople, qu'il eût à trouver le cadavre d'un homme excommunié & mort depuis long-tems, pour connoître en quel état il seroit. Le patriarche fut d'abord surpris, & communiqua cet ordre à son clergé qui ne fut pas moins embarrassé. A la fin les plus anciens se ressouvinrent que sous le pontificat de Gennadius il y avoit une très-belle femme veuve qui osa publier une calomnie contre ce patriarche, tâchant de persuader au peuple qu'il avoit voulu la corrompre, & que ce prélat ayant assemblé son clergé, fut contraint de l'excommunier ; qu'ensuite cette femme étoit morte au bout de quarante jours, & que son corps ayant été retiré de terre long-tems après, pour voir l'effet de l'excommunication, il fut trouvé entier, & fut inhumé une seconde fois. Maxime s'informa du lieu de sa sépulture ; & après l'avoir trouvé, en fit avertir le sultan qui y envoya des officiers, en présence desquels on ouvrit le tombeau où le cadavre parut entier, mais noir & enflé comme un ballon. Ces officiers ayant fait leur rapport, Mahomet en fut extrêmement étonné, & députa des bachas qui vinrent trouver le patriarche, visiterent le corps, & le firent transporter dans une chapelle de l'église de Pammacharista, dont ils scellerent la porte avec le cachet du prince. Peu de jours après, les bachas, suivant l'ordre qu'ils en eurent du sultan, retirerent le cercueil de la chapelle, & le présenterent au patriarche pour lever l'excommunication, & connoître l'effet de cette cérémonie qui remettoit les corps dans l'état ordinaire des autres cadavres. Le patriarche ayant dit la liturgie, c'est-à-dire les prieres prescrites en cette occasion, commença à lire tout haut une bulle d'absolution pour les péchés de cette femme, & en attendit l'effet avec des larmes de zèle & des aspirations à Dieu. Les Grecs disent qu'il se fit alors un miracle, dont une foule incroyable de gens furent témoins ; car à mesure que le patriarche récitoit la bulle, on entendoit un bruit sourd des nerfs & des os qui craquetoient en se relâchant & en quittant leur situation naturelle. Les bachas, pour donner lieu à la dissolution entiere du corps, remirent le cercueil dans la chapelle qu'ils fermerent & scellerent avec le sceau du sultan. Quelques jours après ils y firent leur derniere visite ; & ayant vû que le corps se réduisoit en poudre, ils en porterent les nouvelles à Mahomet, qui plein d'étonnement, ne put s'empêcher de dire que la religion chrétienne étoit admirable.

Il ne faut pas confondre les ntoupis dont nous venons de parler, avec les broucolacas ou faux ressuscités, qui font encore beaucoup de bruit parmi les Grecs. A leur dire, les broucolacas sont aussi des cadavres de personnes excommuniées ; mais au lieu que les ntoupis sont seulement incorruptibles jusqu'à-ce qu'on ait levé la sentence d'excommunication, les broucolacas sont animés par le démon qui se sert de leurs organes, les fait parler, marcher, boire & manger. Les Grecs disent que, pour ôter ce pouvoir au démon, il faut prendre le coeur du broucolacas, le mettre en pieces, & l'enterrer une seconde fois. Guillet, Hist. du regne de Mahomet II.


NU(Gramm.) qui n'est couvert d'aucun vêtement. L'homme naît nu. Les Poëtes peignent l'Amour nu. Les Peintres montrent les Graces nues. Il se dit des choses : une épée nue ; un morceau d'Architecture trop nu ; le mérite va souvent nu. On en a fait un substantif en Peinture, & l'on dit le nu. Ce qui a rendu les anciens statuaires si savans & si corrects, c'est qu'ils avoient dans les gymnases le nu perpétuellement sous les yeux. Il faut que le nu s'apperçoive sous les draperies. Les Chimistes font certaines opérations à feu nu ou ouvert. Les pilastres sont en saillie sur le nu du mur.

NU, NUDITE, (Crit. sacr.) ces termes, outre leur signification littérale, se prennent en plusieurs autres sens : par exemple, pour la partie du corps que l'on doit couvrir ; d'où viennent ces façons de parler, ostendere nuditatem alicujus, traiter indignement quelqu'un : & dans Habacuc, vae inebrianti amicum suum ut aspiciat nuditatem, ij. 15. malheur à celui qui enivre son ami pour voir sa nudité, c'est-à-dire pour le traiter avec mépris ? Jérémie, ij. 25. retirez-vous de votre idolâtrie. Etre nu, nudum esse, signifie être dans l'opprobre : eras nuda & contusione plena, Ezéch. xvj. 7.

Nu se prend aussi pour pauvrement habillé : cum videris nudum, operi eum. Isaïe, xlviij. 7. Saül demeure nu tout le jour au milieu des prophetes, cecidit nudus totâ die illâ & nocte, I. Reg. xix. 24. c'est-à-dire peu vêtu, avec la seule tunique qui servoit de chemise, sans robe longue & sans manteau : c'est ainsi que plusieurs critiques l'entendent de l'état d'Isaïe, ibat nudus, parce qu'il avoit quitté le sac qui étoit l'habit ordinaire des prophetes ; cependant quelques peres l'expliquent d'une nudité réelle, à l'exception des parties que la pudeur demande qui soient cachées : aspiciam captivitatem inimicorum meorum nudato capite, je jouirai de la captivité de mes ennemis qui seront emmenés nues têtes. Deut. xxxij. 42. On emmenoit les captifs dépouillés & nue tête ; de-là ces façons de parler nudare caput, se découvrir la tête, pour marquer le deuil ; nudare ignominiam alicujus, exposer quelqu'un à une grande infamie. Ezéch. xvj. 37. (D.J.)

NU, adj. terme de Chimie, signifiant la même chose que pur, simple, dégagé de toute combinaison, de tout alliage. En parlant des métaux trouvés dans le sein de la terre : par exemple, on appelle nu celui qui s'y rencontre sous la forme & avec l'éclat métallique, & qui n'est par conséquent déguisé ou marqué par aucune substance étrangere qui le minéralise. Voyez MINERAI ou MINE. On appelle encore vierge le métal qui est dans le premier état.

Une huile essentielle est nue ou libre dans les végétaux, & dans un état opposé par cette circonstance à celui d'une autre huile qu'on retire des mêmes végétaux par la violence du feu ; cette derniere y étoit dans un état de combinaison ou d'union chimique. (b)

NU, LE, (Peint. & Sculpt.) Le nu, ou le nu d'une figure, désigne les endroits du corps qui ne sont pas couverts. Les Peintres & les Sculpteurs ont quelquefois péché contre les regles de la modestie pour s'attirer de l'estime & de la gloire par leur grand art à représenter la beauté, & en quelque sorte la mollesse des carnations ; car il faut beaucoup d'étude & d'habileté pour réussir en ce genre ; & d'ailleurs on a remarqué qu'ils en tiroient un si grand avantage pour l'agrément de leur composition, qu'on ne songe plus à leur reprocher cette licence, ou plutôt la nécessité où ils sont de l'employer toutes les fois qu'elle n'est pas contraire aux bornes de la modestie. On dit que Mabuze, contemporain de Lucas de Leyde fit le premier connoître en Flandre l'art de produire le nu dans des tableaux d'histoire ; mais sa maniere étoit bien grossiere en comparaison de celle d'Annibal Carrache & du Cavedone. Ce dernier dessinoit parfaitement le nu, & les commencemens heureux qu'il eut dans son art, lui annonçoient une fortune brillante ; mais il éprouva tant de malheurs, qu'accablé de vieillesse & de misere, il finit ses jours dans une écurie à Boulogne en 1660, âgé de 80 ans. (D.J.)

NU, s. m. (Archit.) C'est une surface à laquelle on doit avoir égard pour déterminer les saillies. On dit le nu d'un mur, pour dire la surface d'un mur qui sert de champ aux saillies. Les feuillages des chapiteaux doivent répondre au nu de la couronne.

NU, (Maréchal.) monter à nu, c'est à poil. Voyez MONTER. Vendre un cheval tout nu, c'est le vendre sans selle ni bride, par le bout du licol.


NUAGES. m. n'est autre chose qu'une petite nuée. Voyez NUEE.

NUAGE GRAND, LE, (Astronom.) nom donné par les Astronomes à une tache blanchâtre & considérable qu'on voit dans la partie australe du ciel, semblable en couleur à la voie lactée ; avec cette différence que celle-ci est composée d'un grand nombre de petites étoiles, au lieu que l'on n'en découvre aucune dans le grand nuage, ni à la vue simple, ni avec les plus longues lunettes, avec lesquelles même on ne la distingue pas du reste du ciel.

NUAGES, s. m. pl. (Médec.) les médecins nomment nuages les corpuscules qui flottent sur la surface de l'urine. On remarque dans les nuages les mêmes variétés par rapport à la continuité & la division, l'égalité & l'inégalité, l'épaisseur & la ténuité, la qualité & la diversité de couleur que dans le sédiment de l'urine ; mais comme c'est le propre des nuages d'être composés de particules grasses & huileuses, c'est par cette raison qu'ils flottent & demeurent suspendus étant plus légers.

NUAGE, (Médec.) en grec nephelion, en latin nubecula, maladie de l'oeil ; c'est un ulcere assez leger de la cornée transparente, semblable à celui que l'on nomme brouillard, mais un peu plus profond, plus blanc, & qui occupe souvent moins de place ; comme dans cet ulcere la superficie de la cornée est attaquée, il reste après sa guérison une cicatrice légere qui incommode un peu la vue, quand elle se trouve au-dessus de la prunelle. Les anciens ont appellé cet ulcere nuage, parce qu'il est plus épais que celui qu'ils nomment brouillard, en grec achlys, en latin caligo oculi ; ce dernier n'est proprement qu'un commencement d'ulcération de la sur-peau qui recouvre la cornée, & après sa guérison il ne reste aucune cicatrice, parce que cette sur-peau se reproduit aisément. (D.J.)

NUAGE, s. m. (terme de Blason) ce mot se dit des pieces qui sont représentées avec plusieurs ondes, sinuosités ou lignes courbes, soit fasces, soit bandes.


NUAISONS. f. (Marine) c'est la durée d'un tems égal & uni.


NUANCE(terme de Teinturier) adoucissement, diminution d'une couleur, depuis la plus sombre jusqu'à la plus claire de la même espece.

Il y a des nuances de rouge, de verd, de bleu, de gris-de-lin, de jaune, &c. & chaque nuance contient huit ou neuf dégradations de couleurs.

Les maîtres & gardes des teinturiers en soie sont obligés par leurs statuts & réglemens de teindre tous les deux ans deux livres de soie de seize sortes de nuances en cramoisi ; savoir, quatre rouges, quatre écarlates, quatre violettes & quatre canelles, pour servir d'échantillons matrices sur lesquels les débouillis des soies de pareilles nuances doivent être faits.

NUANCE, (Peinture) sont les passages insensibles d'une couleur à l'autre, ou du clair aux bruns. On ne se sert cependant guere de ce terme en peinture.

NUANCES, MARQUE DE (Soierie) billets attachés à la gavassine pour indiquer à l'ouvrier la couleur qu'il doit mettre quand une fleur, une feuille commence.

NUANCE, (ouvrage d'Ourdissage) s'entend de toute couleur qui passe par gradation du foncé au pâle, & cela par différens degrés imperceptibles ; il faut avoir attention que ces gradations ne soient pas trop tranchantes, ce qui choqueroit l'oeil, & détruiroit l'harmonie qui doit toujours regner dans l'union des couleurs.


NUAYHASS. m. (Hist. nat. Botan. exot.) sorte de roseau des Indes orientales, dont les habitans racontent des merveilles fabuleuses recueillies dans l'Hortus malabaricus. Les Indiens assurent que cette plante ne fleurit qu'une fois au bout de soixante ans, & qu'ensuite elle meurt dans le cours d'un mois, aussitôt que sa graine est parvenue à maturité ; mais ce qui paroît de plus certain, c'est que ses jets ou son tronc doivent être d'une prodigieuse hauteur ; car on conserve peut-être encore à l'université de Leyde une des tiges de cette espece de bambou, qui est de la longueur de vingt-huit piés ; & il y en a une dans le musaeum d'Ashmole à Oxford, un peu moins grande, mais qui a huit pouces de diametre : cependant ces jets ne paroissent être que des portions du tronc, parce qu'elles ont à-peu-près la même largeur aux deux bouts.


NUBAEI(Géog. anc.) peuples d'Ethiopie. Pline, liv. VI. ch. xxx. & Ptolémée, liv. IV. ch. viij. les placent au-delà de Méroé, entre l'Arabie pétrée & la rive orientale du Nil. Ces deux géographes n'ont donc pas prétendu parler sous le nom de Nubaei, des peuples qui habitent le royaume de Nubie, qui est bien plus haut, & de l'autre côté du Nil.


NUBECULAS. f. (Astron.) on ne connoît pas d'autre terme par lequel on ait désigné une tache dans le ciel près le pole sud de l'écliptique. Hévélius a représenté la figure de cette tache dans son Firmamentum sobiescianum, fig. F ff. (D.J.)

NUBECULE, s. f. (Chirur.) petit nuage ; terme dont on se sert quelquefois pour marquer une maladie de l'oeil, qui fait voir les objets comme à-travers un nuage ou un brouillard. Voyez NEPHELION.

La nubécule semble provenir de quelques particules grossieres arrêtées dans les pores de la cornée, ou qui nagent dans l'humeur aqueuse ; desorte que la lumiere n'a point son passage libre.

Nubécule ou nuée, se dit aussi de ce qu'on appelle autrement albugo & pannus, voyez ALBUGO & PANNUS.

Nubécule se dit encore de ce qu'on voit suspendu en maniere de nuage au milieu de l'urine. On l'appelle aussi quelquefois enoeorema. Voyez URINE.


NUBIE(Géog.) grand pays d'Afrique situé entre le 45 & 57 degré de long. & entre le 15 & 23 degré de lat. Il a plus de 400 milles dans son étendue du nord au sud, & plus de 500 de l'est à l'ouest. Sa ville principale est Dangala ou Dongola.

La Nubie connue anciennement sous le même nom, est bornée maintenant à l'est par la côte d'Abex ; à l'ouest par le Zaara ; au nord par l'Egypte & une partie du Bilédulgérid, & au midi par l'Abyssinie.

Le sol de la Nubie est fertile dans les cantons qui sont proche du Nil ; mais par-tout ailleurs il est tout-à-fait stérile, & parsemé d'affreuses montagnes de sable : aussi ne trouve-t-on que quelques bourgs & quelques villages situés sur le bord du Nil. Personne n'est encore parvenu dans l'intérieur de cette vaste région. Les principales denrées du canton de Dangala consistent en bois de santal, en civette & en ivoire.

Ce qu'on sait de ce pays, c'est qu'il est gouverné par un prince puissant, qui est indépendant. Les habitans ont le nez écrasé, les levres grosses & épaisses, & le visage fort noir.

L'air y est par-tout extrêmement chaud, & il n'y pleut que très - rarement ; cependant nous n'avons point d'observations faites avec le thermometre en Nubie, comme nous en avons de faites au Sénégal, où la liqueur monte jusqu'à 38 degrés ; mais tous les voyageurs s'accordent à dire que la chaleur y est excessive. Les déserts sablonneux qui sont entre la haute Egypte & la Nubie, échauffent l'air au point que le vent du nord des Nubiens doit être un vent brûlant : d'autre côté, le vent d'est qui regne le plus ordinairement entre les tropiques, n'arrive en Nubie, qu'après avoir parcouru les terres de l'Arabie, sur lesquelles il prend une chaleur que le petit intervalle de la mer rouge ne peut guere tempérer. On ne doit donc pas être surpris d'y trouver les hommes tout-à-fait noirs.

La Nubie est un des pays des plus inconnus qu'il y ait dans le monde. Il est vrai que le P. Tellez, MM. Ludolf & autres, nous ont donné des descriptions de ce pays, sur des mémoires un peu plus sûrs que les anciens voyageurs qui n'avoient fait que le défigurer par leur hardiesse & leur mauvaise foi ; mais enfin tous ces auteurs n'ont décrit que cette partie de l'Ethiopie que nous appellons Abyssinie, & non pas celle que nous appellons Nubie. (D.J.)


NUBILEadj. (Gramm.) qui a l'âge requis par la nature & par la loi pour le mariage. Les filles sont nubiles à douze ans, les garçons à quatorze ; l'âge nubile est aussi appellé l'âge de puberté.


NUCERIA(Géog. anc.) ville d'Italie dans la Pouille, presqu'aux confins des Hirpins, & qui devint colonie romaine. Cicéron la nomme Luceria, & Tite-Live appelle les peuples Lucerini. Cette ville se nomme aujourd'hui Lucera. Il y a 2°. Nuceria ville d'Italie dans l'Ombrie en-deçà de l'Apennin, auprès de la source du Tinuo. C'est aujourd'hui Nocera camellaria. 3°. Nuceria, ville d'Italie dans la Campanie, aux confins du Picenum, auprès du fleuve Sarno, est la ville qu'on nomme à présent Nocera. 4°. Nuceria, ville d'Italie dans la Gaule Cispadane, sur le Pô, au-dessous de Brixellum, s'appelle de nos jours Luzara.


NUCHTLI(Hist. nat.) fruit d'Amérique, qui est assez semblable à une figue, & qui comme elle est remplie de graine. Il y en a de différentes couleurs à l'extérieur ; on en trouve de vertes, de blanches, de jaunes & de panachées ; intérieurement le fruit est de couleur de chair ou rouge ; elle colore en rouge l'urine de ceux qui en ont mangé. C'est, suivant les apparences, un nom indien du figuier d'inde.


NUCKNUCK

Glandes de Nuck, en Anatomie ; ce sont plusieurs petites glandes situées dans les fosses orbitaires, entre le muscle abducteur, & la partie supérieure de l'os de la pommete. Voyez GLANDES & CRANE.

Elles tirent ce nom de leur inventeur Antoine Nuck, professeur en Médecine à Leyde. Ce même auteur a donné son nom à un conduit salivaire, ductus nuckianus. Voyez SALIVAIRE & AQUEUX.


NUCTULIUSS. m. (Mythol.) dieu de la nuit, différent de Lunus ; mais il n'est connu que par une inscription trouvée à Brest, sur une statue qui représente ce dieu sous la figure d'un jeune homme, vêtu à-peu-près comme Atys, éteignant son flambeau, & ayant à ses piés une chouette.


NUDIPÉDALES(Antiq. rom.) nudipedalia ; fête extraordinaire qu'on ne célebroit à Rome que fort rarement, & toûjours par ordonnance du magistrat. On marchoit nus piés dans cette fête pour se mortifier à l'occasion de quelque calamité publique, comme peste, famine, inondation, sécheresse & autres malheurs pareils. Lorsque les dames romaines elles-mêmes, avoient à offrir de grandes supplications à la déesse Vesta, elles faisoient leurs processions nus piés dans le temple de cette divinité.

Il est très-vraisemblable que les prêtres des Hébreux alloient nus piés dans le temple du Seigneur, du moins dans une partie du temple ; car comme tous les habits sont prescrits aux sacrificateurs, Exod. xxviij. sans aucune mention des souliers, que d'ailleurs Moyse s'approchant du buisson ardent, ôta les souliers de ses piés, on a lieu de présumer que les sacrificateurs faisoient la même chose dans le temple où Dieu résidoit d'une maniere extraordinaire, dans le schekina, sur le propitiatoire. Quoiqu'il en soit, il reste encore parmi les Chrétiens des traces, je ne dirai pas des nudipédales hébraïques, mais romaines. (D.J.)


NUDITÉSS. f. (Peint. & Sculpt.) on nomme nudités, des figures qui ne sont pas couvertes dans plusieurs parties, ou qui sont entierement immodestes. Toute nudité n'est pas blâmable dans un tableau, parce que souvent le sujet ne permet pas à l'artiste d'agir autrement. Il seroit ridicule de voir Adam & Eve habillés ; c'est pour cela que les statues sont presque toutes nues au milieu de nos places, & que dans nos églises même, les vierges ont le sein découvert, l'enfant Jésus ainsi que les anges sont toujours peints nus. Les tableaux de Raphaël, de Michel-Ange, de Jules Romain & tous les autres grands peintres qui ornent nos églises, ne présentent que des figures d'hommes & de femmes nues, parce que le sujet qu'ils traitoient l'exigeoit nécessairement : il y auroit donc de la foiblesse à en être scandalisé.

Mais il ne faut pas que les nudités puissent faire rougir ceux qui les regardent. Il ne faut pas représenter aux yeux des honnêtes gens, ce qu'on n'oseroit pas faire entendre à leurs oreilles. Ces peintures impudiques s'appelloient en latin libidines. Parrhasius entre les anciens, n'étoit pas moins repréhensible à cet égard, que l'est entre les modernes Marc-Antoine Raimond, pour de certaines gravures trop connues. Pline dit en parlant de Parrhasius : pinxit & ex minoribus tabellis libidines, eo genere petulantis joci se reficiens.

Il est vrai que c'étoit la coutume de peindre les femmes nues dans les endroits publics de la Grece & de Rome. La Vénus de Médicis est une nudité admirable pour l'élégance & le beau fini ; mais toutes les nudités des Grecs & des Romains n'étoient pas des libidines. Les peintures obscenes, dont on porta les représentations en gravure sur l'or, l'argent, & jusque sur les pierres précieuses, ità ut in poculis libidines caelabant ; de telles peintures, dis-je, ne prirent faveur qu'avec la corruption. Tite-Live raconte qu'on voyoit alors sur les murs d'un temple détruit de Lanuvium, une Hélene & une Atalante nues, d'une si grande beauté, & en même tems peintes si immodestement, que des personnes craignant que ces nudités ne fussent que propres à allumer des passions criminelles, vouloient les tirer de-là, mais qu'un ancien préjugé ne permit pas de les laisser enlever.

Cependant la Chaussée se justifie très-bien d'avoir mis au jour les monumens obscenes du paganisme, & Léonard Agostini n'a pas craint de dédier au pape ses gemme antiche, parmi lesquelles on en voit plusieurs qui représentent les choses les plus immodestes. Enfin les peintures d'Herculanum ne sont pas exemptes de nudités licencieuses ; mais il n'étoit pas possible de les supprimer sans tomber dans le ridicule. (D.J.)


NUDS-PIÉSNUDS-PIÉS


NUÉ(Rubanier) est la même chose que nuancé. Voyez NUANCE.


NUE PROPRIÉTÉ(Jurisprud.) est celle dont l'usufruit est séparé. Voyez PROPRIETE. (A)


NUÉES. f. (Physiq.) n'est autre chose qu'un brouillard qui s'éleve fort haut dans l'athmosphere.

Les nuées s'élevent dans notre athmosphere à différentes hauteurs. On en voit quelquefois qui sont suspendues les unes au-dessus des autres, & qui paroissent fort distinctes, ce qui dépend sur-tout de la différence de leur pesanteur spécifique, qui les tient en équilibre avec un air plus ou moins dense. On connoît qu'elles sont suspendues les unes au-dessus des autres par les différentes routes qu'elles prennent, étant portées les unes plus haut, les autres plus bas, sans se mêler ensemble. Il paroît que les plus hautes nuées s'élevent rarement au-dessus de la hauteur du sommet des plus hautes montagnes ; car on voit ordinairement de loin, que ces sommets s'élevent au-dessus des nuées. 2°. Nous apprenons de divers observateurs qui ont été sur les plus hautes montagnes, qu'ils ont toujours vu les nuées flotter au dessous d'eux, sans avoir jamais remarqué qu'elles se trouvassent au-dessus de leurs têtes. Riccioli a calculé que les plus hautes nuées ne s'élevent jamais à la hauteur de 5000 pas. Peut-être y a-t-il cependant quelques exhalaisons subtiles qui montent beaucoup plus haut.

Les nuées changent continuellement de grandeur & de figure, car l'air dans lequel elles sont suspendues, n'est presque jamais calme. Elles different beaucoup en grandeur, car les unes sont petites, les autres fort grosses ; & on peut hardiment établir avec M. Mariotte, qu'il y en a qui ont un mille de longueur, & même un mille en quarré. Il s'en trouve qui ont beaucoup d'épaisseur, ou beaucoup de diametre en hauteur, comme on peut le conclure de la pluie qui en tombe. Il me souvient, dit M. Musschenbroeck, d'avoir observé que dans un tems d'orage, il tomba en pluie d'une nuée, un pouce d'eau en hauteur dans l'espace d'une demi-heure, d'où l'on peut conclure que cette nuée avoit du moins 100 piés d'épaisseur ; cependant toute la nuée ne tomba pas, mais il parut qu'il en étoit resté bien autant qu'il en étoit tombé en pluie.

Le vent fait quelquefois avancer les nuées avec une si grande rapidité, qu'elles font 2 à 3 lieues en une heure. Il arrive assez souvent qu'elles se mettent en pieces, & se dispersent de telle maniere qu'elles disparoissent entierement : de-là vient que le ciel est quelquefois serein & clair, lors même qu'il fait une violente tempête.

Les nuées se dissipent aussi, lorsque l'air dans lequel elles sont suspendues, devient plus pesant, car elles sont alors obligées de s'élever plus haut, pour être en équilibre avec un air plus raréfié, & alors à mesure qu'elles montent à-travers un air plus pur, qui en dissout quelques parties avec lesquelles il se mêle, elles diminuent & se dissipent insensiblement.

Les nuées paroissent de diverses couleurs, mais elles sont ordinairement blanches, lorsqu'elles réfléchissent la lumiere telle qu'elle vient du soleil sans la séparer en ses couleurs. On voit aussi lorsqu'il tonne, des nuées brunes & obscures, qui absorbent la lumiere qu'elles reçoivent & n'en réfléchissent presque rien. Les nuées paroissent rouges le matin lorsque le soleil se leve, & le soir lorsqu'il se couche ; & celles qui se trouvent plus proches de l'horison, paroissent violettes, & deviennent bientôt après de couleur bleue. Ces couleurs dépendent de la lumiere, qui pénetre dans les globules de vapeur transparentes, & qui venant à se réfléchir, sort par un autre côté, & se sépare en ses couleurs, dont la rouge vient d'abord frapper notre vûe, ensuite la violette, puis la bleue, suivant la différente hauteur du soleil. Ces couleurs se forment à-peu-près de la même maniere que celles de l'arc-en-ciel.

L'usage des nuées est fort considérable.

1°. Elles soutiennent & contiennent la matiere dont la pluie est formée. En effet, comme elles se forment le plus au-dessus de la mer, & qu'elles sont ensuite emportées par les vents en différentes contrées, elles peuvent alors servir à humecter la terre, à l'aide de la pluie qui en tombe, & dont elles fournissent elles-mêmes la matiere. Ce qui nous fait connoître la sagesse infinie du Créateur, qui a remédié par-là à un grand inconvénient ; car si les rivieres & les lacs ne se débordoient pas, la terre ne manqueroit pas de se dessécher & de devenir stérile, sans le secours des nuées & de la pluie, qui rendent par-tout la terre fertile.

2°. Les nuées couvrent la terre en différens endroits, & la défendent contre la trop grande ardeur du soleil qui pourroit la dessécher & la brûler. Par-là toutes les plantes ont le tems de préparer les sucs dont elles se nourrissent ; au-lieu qu'autrement elles se seroient développées beaucoup trop tôt par la chaleur du soleil, & plusieurs de leurs vaisseaux se seroient trop dilatés, ce qui les auroit mis hors d'état de pouvoir recevoir leur nourriture.

3°. Les nuées semblent être une des principales causes des vents libres qui soufflent de toutes parts, & qui sont d'une très-grande utilité.

Cet article est tiré en entier de l'essai de Physique de M. Musschenbroeck, pag. 749. & suiv.

NUEE, COLOMNE DE, (Critiq. sacrée) les Israëlites en sortant d'Egypte furent toujours conduits dans le désert par une colomne de nuée pendant le jour, laquelle devenoit colomne de feu pendant la nuit. Cette colomne étoit d'ordinaire à la tête de l'armée des Israëlites ; mais quand ils furent arrivés sur le bord de la mer Rouge, elle vint se placer entre le camp des Israëlites & celui des Egyptiens, qui les poursuivoient. Cette nuée continua toujours depuis à suivre le peuple dans le désert : l'ange du Seigneur gouvernoit les mouvemens de cette nuée ; & elle servoit de signal pour camper & décamper, ensorte que le peuple s'arrêtoit dans l'endroit où elle se fixoit, & ne partoit que lorsqu'elle se levoit. Ce récit de la colomne de nuée & de feu, se trouve dans l'Exode, ch. xiij. v. 20 & 21. ch. 40. v. 34 & 35. & plus au long dans les Nombres, ch. ix. 15. 22.

Un critique moderne a fait un savant mémoire pour prouver que cette colomne de nuée & de feu ne doit pas être interprétée miraculeusement, & qu'elle ne désigne qu'un signal pour diriger la marche des Israëlites dans le désert. Comme la dissertation de ce critique est très-rare, & écrite dans une langue étrangere, on sera peut-être bien aise d'en trouver ici l'analyse.

Le critique anglois dont je parle, commence par observer que le style de l'ancien Testament est extrêmement hyperbolique, non-seulement dans les livres poétiques, mais aussi dans ceux qui sont écrits en prose. Tout ce qui est beau en son genre, est attribué à Dieu. Un puissant prince ou un patriarche, comme Abraham, est nommé un patriarche de Dieu ; Ninive est appellée une ville grande à Dieu ; une armée nombreuse, l'armée de Dieu ; de hautes montagnes, les montagnes de Dieu ; un profond sommeil, un sommeil du Seigneur ; une vive crainte, la crainte du Seigneur, &c. Ces préliminaires suffisent pour l'intelligence de quelques expressions qui se rencontrent dans le récit de Moïse sur la colomne de nuée & de feu ; qui conduisit l'armée des Israëlites dans le désert.

Dans les pays peuplés la route des armées est dirigée par des colomnes militaires, par des portes, des rivieres, collines, villes, villages, châteaux, &c. Mais dans des déserts, il est nécessaire qu'un guide général précéde le gros d'une armée pour qu'elle ne s'égare pas, & qu'elle puisse savoir quand il saut camper, décamper, ou faire halte. Le feu est un signal qui peut servir à indiquer ces choses en tout tems. Par le moyen de ce signal, l'armée des Israëlites pouvoit savoir parfaitement, s'il falloit qu'elle s'arrêta ou non ; & c'est ce signal qu'il faut entendre par la colomne de nuée & de feu, qui guidoit le peuple juif dans le désert.

Comme la flamme & la fumée montent en haut, on leur a donné le nom de colomne, non-seulement dans l'Ecriture, mais dans les auteurs profanes ; il y en a de bonnes preuves dans Quinte-Curce, liv. V. ch. xiij. Pline, liv. II. ch. xix. Lucrèce, lib. VI. v. 425 & 432. Le prophete Ezéchiel, ch. viij. xj. ch. x. iv. parle d'une nuée de parfum ; & pour citer encore un passage plus formel, on lit dans les Juges, ch. xx. xl. que la fumée commença à monter comme une colomne.

Lorsque les Israëlites sortirent d'Egypte, ils formoient une armée & marchoient en ordre de bataille, dit l'Exode en plusieurs endroits, ainsi que les nombr. ch. xxxiij. v. 1. Leur premiere station fut à Ramesès ; la seconde à Succoth, la troisieme à Etham : le pays ayant été jusques-là praticable, ils n'eurent besoin d'aucun signal pour diriger leurs marches. Mais le désert de la mer Rouge commençoit à Etham, comme le dit l'Exode, 13. 18. & de l'autre côté étoit encore un désert affreux ; ainsi les Israëlites avoient alors un besoin indispensable d'un feu pour signal & pour guide. Ce feu étoit dans une machine élevée au haut d'une perche ; un officier le portoit devant la premiere ligne de l'armée. Ce signal dirigeoit d'autres signaux semblables, qu'on multiplioit, suivant les besoins & le nombre de troupes. Quand le tabernacle fut fait, on plaça le principal signal de feu au haut de cette tente où Dieu étoit présent, par ses symboles & ses ministres.

Pendant que ce feu étoit au haut du tabernacle, les Israëlites continuoient de séjourner dans leur camp. Toutes les fois qu'on l'ôtoit, soit de nuit, soit de jour, ils décampoient & le suivoient. Ce signal étoit en usage parmi d'autres nations, particulierement chez les Perses. Alexandre emprunta d'eux cette coutume : il y a un passage de Quinte-Curce, l. V. ch. ij. tout-à-fait semblable à celui de Moïse. Ce passage est trop curieux pour ne le pas rapporter ici. Tuba, cum castra movere vellet Alexander, signum dabat, cujus sonus plerumque tumultuantium fremitu haud satis exaudiebatur. Ergo perticam (une perche) quae undique conspici posset, suprà praetorium statuit, ex quâ signum eminebat pariter omnibus conspicuum ; observabatur ignis noctu, fumus interdiu. Quinte-Curce, l. III. c. iij. décrit la marche de Darius contre Alexandre ; l'on y peut voir que la marche des Israëlites & des Perses étoit fort semblable.

Clément d'Aléxandrie rapporte de Thrasibule, que rappellant de Philas les exilés à Athènes, & ne voulant pas être découvert dans la marche, prit des chemins qui n'étoient pas battus. Comme il marchoit la nuit, & que le ciel étoit souvent couvert de nuages, une colomne de feu lui servoit de guide. Ce fut à la faveur de ce phénomene, qu'il conduisit sa troupe jusqu'à Munychia, où cette colomne cessa de paroître, & où l'on voit encore, dit Clément, l'autel du phosphore.

Ce pere de l'église allégue ce fait, pour rendre probable aux Grecs incrédules, ce que l'Ecriture dit de la colomne qui conduisit les Israëlites. Voilà donc Clément d'Alexandrie qui ne faisoit point un miracle de la colomne de nuée & de feu qui conduisoit les Israëlites dans le désert.

" Elle vint, dit l'Ecriture, entre le camp des Egyptiens & celui des Israëlites. Aux uns, elle étoit obscurité ; & aux autres, elle éclairoit de nuit " ; c'étoit un stratagème de marche pour tromper les Egyptiens, & ce stratagème a été mis en usage par d'autres peuples, ainsi qu'on peut le prouver par un exemple tout-à-fait semblable, tiré du 3e. l. de la Cyropédie de Xénophon. D'ailleurs, comme les Egyptiens ne furent point étonnés de cette nuée, il s'ensuit qu'ils ne la regarderent pas pour être un phénomene extraordinaire & miraculeux.

Il est vrai que l'Ecriture dit, Exod. xiij. 20. & le Seigneur marchoit devant eux ; mais ces paroles signifient seulement, que Dieu marchoit devant les Israëlites par ses ministres. Les ordres de Moïse, d'Aaron, de Josué & autres, sont toujours attribués à Dieu, suprème monarque des Israëlites. Il est dit aux Nomb. 10. 12. que les Israëlites partirent, suivant le commandement du Seigneur, déclaré par Moïse : ces paroles montrent bien que Moïse disposoit de la nuée.

Enfin, l'ange du Seigneur, dont il est ici parlé, étoit le guide de l'armée ; il se nommoit Hobab beau-frere de Moïse, étoit né, avoit vécu dans le désert, & par conséquent en connoissoit toutes les routes. Aussi ses actions très-naturelles justifient que ce n'étoit point un vrai ange. Le mot hébreu traduit par ange, n'a pas une signification moins étendue, que celle du mot grec . Il est dit, par exemple, dans le second livre des Juges, 1. 5. qu'un ange du Seigneur monta de guilgal en bokim, &c. tous les interprêtes conviennent que cet ange du Seigneur qui monta de guilgal en bokim, n'étoit qu'un homme, un prophete ; mais il n'est pas besoin de nous étendre davantage sur ce sujet(D.J.)

NUEE, (Terme de Lapidaire) il se dit des parties sombres qui se trouvent assez souvent dans les pierres précieuses, qui en diminuent la beauté & le prix.


NUEMENTadv. (Jurisprud.) signifie immédiatement & sans moyen, comme quand on dit, qu'un fief releve nuement du roi, ou que l'appel d'un tel juge se releve nuement au parlement. (A)


NUEou NUANCER, v. act. (Terme de Manuf.) c'est disposer les nuances d'une étoffe, d'une tapisserie, d'un ouvrage de broderie. Ainsi nuancer en tapisserie, c'est mêler dans une tapisserie les laines de différentes couleurs, de maniere qu'elles produisent une union agréable & qui fasse une maniere d'ombre. Les Perruquiers désignent aussi par le mot nuer ou nuancer, le mêlange de cheveux de différentes & d'assortissantes couleurs. (D.J.)

NUER, v. act. (Soierie) Nuer un dessein, c'est marquer sur les fleurs les couleurs que l'ouvrier doit employer.

NUER, (Géog.) petite riviere d'Irlande ; elle a sa source dans le Queens-County, baigne Kilkenny, & se joint à la riviere de Barrow un peu au-dessus de Ross.


NUESSES. f. (Jurisprud.) dans quelques coutumes & provinces, signifie droit direct & immédiat, c'est en ce sens que la coutume d'Anjou, art. 12. & celle du Maine, art. 13. appellent justice en nuesse, celles qui s'exercent nuement sur un fond. Nuesse se prend aussi quelquefois dans les mêmes coutumes pour district ou territoire soumis immédiatement au seigneur. Voyez Brodeau, sur l'art. 13. de la cout. du Maine, & le gloss. de Lauriere au mot nuesse. (A)


NUESTRANUESTRA

NUESTRA SEGNORA DE LA VICTORIA, (Géog.) ville de l'Amérique septentrionale au Mexique, sur la côte de la baie de Campêche, dans la province de Tabasco, dont elle reçoit aussi le nom ; Cortez prit cette ville en 1519, & la saccagea. Long. 285. lat. 18. (D.J.)


NUEVA-SEGOVIA(Géog.) ville des Indes orientales, dans la partie septentrionale de l'île de Luçon, province de Cagayan, avec un évêché, & un fort. L'alcalde mayor de la province fait sa résidence en cette ville ; elle est vers l'embouchure de la riviere de Cagayan. Long. 138. 5. lat. 18. 56. (D.J.)


NUFAR(Botan. des Arabes) nom original, & premierement donné par les Arabes au nymphaea ; les Grecs emprunterent ce mot des Arabes, & l'écrivirent très-diversement, comme nous le dirons tout-à-l'heure. Les Arabes eux-mêmes mirent le mot nil devant celui de nufar, pour désigner l'espece particuliere de nymphaea d'Egypte ; ils l'appellerent donc nil-nufar, & pour adoucir ce terme, ils dirent ninufar ou nénufar, ensuite les Grecs écrivirent d'abord ninufarium, & par abréviation nufarium : enfin, ils transposerent les lettres mêmes, & au lieu de nilufar, ils écrivirent ninufar, terme qui seroit inintelligible, si l'on n'en retrouvoit pas la trace dans le mot original nilecfar. (D.J.)


NUIREv. neut. (Gram.) c'est apporter un obstacle ou un dommage. Ses soins déplacés ont nui au succès de cette affaire. Les froids & les pluies ont nui à la récolte des vins. Cette nuée de critiques dont nous sommes accablés nuisent plus qu'ils ne servent au progrès des connoissances : le défaut de nuire pour nuire, marque le plus méchant & le plus vil des caracteres. Il est presque impossible de rien faire qui ne serve ou ne nuise : ne pas nuire équivaut souvent à servir. Ma recommandation ne lui a pas nui : le paysan qui étoit traîné à l'audience par une fille, qui l'accusoit d'être le pere de l'enfant qu'elle portoit dans son sein, disoit avec une finesse fort au-dessus de son état, qu'il ne l'avoit pas fait, mais qu'il n'y avoit pas nui.


NUISANCES. f. (terme de Palais) signifie un mal ou dommage fait, soit à un endroit public, par exemple, un grand chemin, un pont ou une riviere commune, ou bien à un endroit privé, en y mettant quelque chose qui puisse engendrer de la corruption, en usurpant le terrein ou faisant chose semblable.


NUITS. f. (Astron.) partie du jour naturel, qui dure tant que le soleil est sous notre horison. Voyez JOUR.

La nuit proprement dite, c'est-à-dire, l'obscurité, ne commence qu'à la fin du crépuscule, voyez CREPUSCULE ; & la nuit, telle qu'on la définit ici, n'est considerée qu'astronomiquement.

Sous l'équateur, les nuits sont égales aux jours ; sous le pole, la nuit dure la moitié de l'année. Le jour des équinoxes, les nuits sont égales aux jours dans tous les climats de la terre.

Dans l'hémisphere septentrional que nous habitons, les nuits sont plus grandes que les jours, depuis l'équinoxe d'automne jusqu'à celui du printems, & les nuits sont plus courtes que les jours, depuis l'équinoxe du printems jusqu'à celui d'automne.

Les plus grandes nuits de l'hémisphere septentrional arrivent au solstice d'hyver, & les plus courtes au solstice d'été ; c'est le contraire dans l'hémisphere méridional. Voyez GLOBE. (O)

Les anciens Gaulois & les anciens Germains, divisoient le tems, non par jours, mais par nuits ; comme il paroît par différens endroits de Tacite & de César ; les Arabes font la même chose encore aujourd'hui.

Les premiers Anglois Saxons étoient dans le même usage.

Ainsi dans un concile, tenu en Angleterre l'an 824, nous lisons : Ibi finitâ & proscriptâ contentione coram episcopo post 30 noctes, illum juramentum ad Westminster deductum est. De-là sont venus les mots anglois, sevennight, fort night, qui signifient sept nuits, quatorze nuits, semaine, quinzaine. Chambers.

NUIT, (Critiq. sacrée.) Les anciens Hébreux partageoient la nuit en quatre parties, qu'ils appelloient veilles dont chacune duroit trois heures ; la premiere commençoit au soleil couché & s'étendoit jusqu'à neuf heures du soir ; la seconde jusqu'à minuit ; la troisieme jusqu'à trois heures ; & la quatrieme finissoit au lever du soleil. Ces quatre parties de la nuit sont quelquefois appellées dans l'Ecriture le soir, le milieu de la nuit, le chant du coq, & le matin.

La nuit se prend figurément pour les tems d'affliction & d'adversité : probasti cor meum & visitasti nocte ; Ps. xv. 3. 2°. Pour le tems de la mort : Joan. ix. 4. venit nox quando nemo potest operari. 3°. Les enfans de la nuit sont les Gentils, & les enfans du jour les Chrétiens ; ces derniers marchent à la lumiere des vérités de l'Evangile, & les premiers marchent dans les ténebres de l'ignorance ; nous ne sommes point enfans de la nuit, I. Thess. c. v. 5. (D.J.)

NUIT, (Littérat.) Les anciens Germains comptoient par les nuits. On trouve encore des vestiges de cette maniere de compter dans les langues germaniques. En anglois senigth, abréviation de seven nigths, sept nuits, signifie huit jours ; fort-nigth pour fourtéen nigths, quatorze nuits, veut dire quinze jours. En Allemand, siben nachte, seven nachte, sept nuits, veut dire huit jours, la huitaine. Au titre 49. de la loi salique, on voit que les délais pour comparoître en justice étoient de tel ou tel nombre de nuits. En plusieurs endroits de ce royaume, nos paysans pour dire aujourd'hui, se servent du vieux mot à-nuit ou à-trêt, corrompu du latin hâc nocte. Les Gaulois comptoient aussi par les nuits & non par les jours. C'est, dit César, parce qu'ils croyoient tous être descendus de Pluton. (D.J.)

NUIT, (Mytholog.) La fable a fait la nuit une divinité, & la plus ancienne de toutes, parce que les ténebres ont précédé la lumiere. Elle étoit fille du chaos selon Hésiode. Les poëtes qui l'ont suivi se sont efforcés de nous peindre cette divinité. Les uns lui donnent des aîles comme à l'amour & à la victoire, pour marquer la rapidité de sa course. Euripide la réprésente ingénieusement couverte d'un grand voile noir, parsemé d'étoiles, parcourant sur son char la vaste étendue des cieux ; cette maniere de représenter cette divinité, a été suivie par les Peintres & les Sculpteurs. On la trouve cependant quelquefois sans char, tenant d'une main son voile parsemé d'étoiles qui voltige au gré des vents, & tournant de l'autre son flambeau vers la terre dont elle s'approche, comme si elle vouloit éteindre sa torche. C'est ainsi qu'on voit la nuit dans un dessein tiré d'un manuscrit de la bibliotheque du roi, que dom Bernard de Montfaucon a fait graver dans sa paléographie. Il paroît de-là que cette maniere de peindre la nuit fut pratiquée jusqu'au moyen âge, & étoit encore usitée au dixieme siecle.

Les Poëtes donnent à la déesse, sans le commerce d'aucun dieu, des enfans de son espece : le cruel destin, les parques, les ténebres, la misere, la mort, la douleur, l'envie, le travail, la vieillesse ; cette famille n'étoit point belle. Enée, avant que de descendre dans les enfers, immole une brebis noire à la nuit comme mere des Euménides. Pausanias dit que cette déesse avoit un temple qu'on nommoit le temple des divinations, parce que le tems de la nuit est le plus propre à approfondir des choses obscures & difficiles. C'est peut-être pour cela que les Grecs donnoient à la nuit l'épithete de sage & de prudente. (D.J.)


NUITONS(Géog. anc.) en latin Nuithones ; anciens peuples de la Germanie, compris autrefois sous les Sueves septentrionaux. Tacite les joint avec six autres peuples, & dit que les fleuves & les forêts du pays faisoient leur défense. Cluvier met les Nuitons entre les Suardones, les Deuringi, les Langobardi, & le Suevus ou l'Oder. De cette maniere, leur pays auroit compris la partie de la marche de Brandebourg, où sont les villes ou bourgs de Prentzlow, de Templin, de Ny, & d'Angermund ; une portion du duché de Mecklembourg, & une portion de la Poméranie.

Les ravages de ces peuples unis aux Bourguignons dans le pays des Rauraques & dans celui des Helvétiens, les fit connoître vers le milieu du cinquieme siecle. Une partie de ces Nuitons s'établit dans l'Helvétie, & donna le nom de Nuitland au pays, qui forme aujourd'hui le territoire allemand du canton de Berne. (D.J.)


NUITS(Géog.) ville de France en Bourgogne, sur le ruisseau de Muzin. Elle est située dans une plaine, au pié d'une montagne, à quatre lieues de Dijon & à trois de Beaune, sur la grande route de l'une de ces villes à l'autre. Ses vins sont fort estimés ; & le voisinage de la riviere de Saône lui favorise le commerce de quelques denrées qui se transportent à Lyon. Long. 22. 28. lat. 47. 10. (D.J.)


NULLI(Cuisine) espece de ragoût italien, propre à être servi avec les entremêts. On bat ensemble des jaunes d'oeufs avec de l'eau rose & du sucre, on met le tout dans un plat sur le feu, & l'on remue constamment jusqu'à ce que le mêlange ne se gonfle plus ; on laisse bouillir jusqu'à consistance d'une bouillie épaisse, alors on y répand du sucre, de la canelle, ou tel autre aromate que l'on juge à-propos, ou bien l'on y met de l'écorce de cedra ou de citron confite, ou des pistaches.


NULLITÉS. f. (Jurisprud.) signifie la qualité d'un acte qui est nul & comme non-avenu. On entend aussi par le terme de nullité, le vice qui empêche cet acte de produire son effet.

Il y a deux sortes de nullités : les unes touchent la forme des actes ; les autres, le fond.

Les nullités de forme sont celles qui proviennent de quelque vice en la forme extérieure de l'acte ; par exemple, s'il manque quelque chose pour le rendre probant & authentique.

Les nullités des actes au fond sont celles qui viennent d'un vice intrinseque de l'acte ; par exemple, si celui qui s'oblige n'en a pas la capacité, ou si la disposition qu'il fait est prohibée par les lois.

On distingue encore les nullités en nullités de droit & nullités d'ordonnance ou de coutumes. Ces nullités de droit sont celles qui sont prononcées par les lois, comme la nullité de l'obligation d'un mineur qui est lésé.

Les nullités d'ordonnance sont celles qui résultent de quelque disposition d'ordonnance, qui ordonne de faire quelque chose à peine de nullité. Quelques-unes de ces nullités d'ordonnance regardent la forme de la procédure ; c'est pourquoi on les appelle aussi nullités de procédure, comme seroit dans un exploit le défaut de mention de la personne à qui l'huissier a parlé.

Il y a des nullités d'ordonnance qui regardent la forme ou le fond de certains actes, comme dans les donations le défaut de tradition & d'acceptation, le défaut d'insinuation.

Il en est de même des nullités de coutume : ce sont des peines prononcées par les coutumes pour l'omission de certaines formalités, comme la nullité du retrait lignager faute d'offres réelles à chaque journée de la cause, ou bien lorsqu'une disposition entre-vifs ou testamentaire est contraire à la coutume.

Les voies de nullité n'ont point lieu en France, c'est-à-dire, que les actes dont les lois prononcent la nullité ne sont pas nuls de plein droit, il faut les faire déclarer tels ; ce qui ne se peut faire sans obtenir à cet effet des lettres du prince. Mais cela n'a lieu que pour les nullités de droit, c'est-à-dire, celles qui résultent du droit romain, comme la nullité de l'obligation d'un mineur : il faut qu'il obtienne des lettres de rescision pour se faire restituer contre son obligation.

Il n'en est pas de même des nullités d'ordonnance & de coutume, il ne faut point de lettres pour les opposer : elles sont encourues de plein droit par la contravention à la disposition de l'ordonnance ou de la coutume qui prononce la peine de nullité.

Les moyens de nullité sont ceux que l'on tire de la nullité de quelque procédure.

L'ordonnance de 1667, tit. 5, veut que dans les défenses on emploie les fins de non-recevoir, nullité des exploits ou autres exceptions péremptoires, si aucunes y a, pour y être préalablement fait droit.

On appelle nullité péremptoire celle qui anéantit toute une procédure, & où la forme emporte le fond.

Lorsqu'on procede purement & simplement sur un exploit ou autre procédure, sans en demander d'abord la nullité, en ce cas les nullités sont couvertes, c'est-à-dire, que l'on n'est plus recevable dans la suite à les opposer.

Celui qui requiert quelque préalable, proteste ordinairement de nullité au cas que l'on passe outre, avant d'avoir satisfait à ce qu'il requiert.

Les juges qui évoquent ou qui accordent des défenses d'exécuter un jugement rendu par quelque juge inférieur, font en même-tems défenses de faire des poursuites, au préjudice de leur jugement, à peine de nullité. Voyez ACTES, FORME, FORMALITES, PROCEDURE. (A)


NUMANA(Géog. anc.) ville du Picenum, bâtie par les Siciliens selon Pline, & située à douze milles d'Ancone selon la table de Peutinger. Il paroît par une ancienne inscription rapportée dans Gruter, que c'étoit une ville municipale. On l'appelle aujourd'hui Numana. (D.J.)


NUMANCE(Géog. anc.) en latin Numantia ; ville de l'Espagne tarragonoise dans le pays des Arévaques, située sur une petite éminence entre Volucé & Augustobriga, à 15 milles de la premiere & 23 milles de la seconde. Le Durius (le Douro) l'arrosoit comme le dit Strabon, mais ce fleuve étoit peu considérable en cet endroit, parce qu'il se trouvoit encore voisin de sa source.

Numance avoit 2880 pas de tour. Florus l'appelle Hispaniae decus, à cause du courage de ses habitans. Cette ville, dit-il, sans murs, sans tours, & munie seulement d'une garnison de quatre mille Celtiberes, soutint seule pendant 14 ans les efforts d'une armée de quarante mille hommes. Elle fut enfin saccagée l'an 621 de Rome par Scipion Emilien, après avoir lassé la patience de six consuls. Numantia fera, dit Horace, pour marquer la valeur féroce de ses habitans, qui aimerent mieux se détruire eux-mêmes par le feu, le fer & le poison, que de tomber entre les mains du vainqueur.

Ecoutons à-présent Mariana sur la situation & les ruines de cette ville qu'il avoit vûe & examinée avec soin. On montre, dit-il, les ruines de Numance à l'extrêmité de la Celtibérie du côté du septentrion, à l'orient du fleuve Durius, à 4 milles de Soria & du Pont-de-Garay, Puente-Garay, environ à 3 lieues des frontieres de l'Aragon vers le couchant. L'art avoit moins contribué à sa défense que la nature. Elle étoit bâtie sur une colline dont la pente étoit assez douce, mais de difficile accès, parce que les montagnes l'entouroient presque de toutes parts : un seul côté aboutissoit à une plaine fertile, qui s'étendoit l'espace de 12 milles le long de la riviere de Téra, jusqu'à l'endroit où elle se joint au Durius. Semblable à la ville de Sparte, Numance n'avoit point de murailles : elle étoit seulement munie d'une forteresse où les habitans mirent leurs effets les plus précieux ; & ce fut dans cette forteresse qu'ils soutinrent si long-tems les attaques des Romains. (D.J.)


NUMÉRALadj. (Arithm.) c'est la même chose que numérique : voyez NUMERIQUE. On dit quelquefois l'Arithmétique numérale pour la distinguer de l'Arithmétique littérale. Voyez LITTERAL & ALGEBRE. (E)

NUMERAL, terme de Finances, ce qui sert à désigner un nombre. On appelle en termes de finance & de compte, lettres numérales, les lettres qui sont employées pour tirer les sommes en ligne au lieu des chiffres arabes ; telles sont V. X. L. C. D. M. qui signifient 5. 10. 50. 100. 500. 1000. On les nomme aussi chiffres romains & chiffres de compte.


NUMÉRATEURS. m. (Arithm.) c'est un nom que l'on donne au chiffre supérieur d'une fraction : il indique quel nombre il faut prendre des parties dont la quantité est exprimée par le chiffre inférieur, que l'on nomme dénominateur : ainsi 7/10 est l'expression de sept dixiemes d'un tout quelconque. 7 est le numérateur, & 10 le dénominateur : le dénominateur marque que le tout est supposé divisé en 10 parties ; & le numérateur, qu'il en faut prendre 7. Voyez FRACTION & DENOMINATEUR. (E)


NUMÉRATIONS. f. en Arithmétique, est l'art de prononcer ou d'estimer un nombre quelconque, ou une suite de nombres. Voyez NOMBRE.

On exprime ordinairement les nombres par les neuf caracteres suivans, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. Quand on est arrivé à dix, on recommence & on répete les mêmes chiffres, qui pour-lors expriment des dixaines.

Weigelius enseigne comment on pourroit nombrer sans passer le chiffre 4, c'est-à-dire, en répétant seulement les chiffres 1, 2, 3, 4 ; & M. Léibnitz, dans ce qu'il appelloit son arithmétique binaire, s'est servi des deux chiffres 1, 0, seulement, pour exprimer toutes sortes de nombres. Mais ces sortes de manieres de calculer sont plus curieuses qu'utiles. Voyez BINAIRE.

Afin que les neuf caracteres numériques pussent exprimer non-seulement des unités, mais des dixaines, des centaines, des milles, &c. on leur a attribué une valeur locale, dépendante de la place où ils sont ; ainsi quand un chiffre est seul, ou qu'il est le plus à la droite dans un nombre quelconque, il signifie des unités ; à la seconde place, il marque des dixaines ; à la troisieme, des centaines ; à la quatrieme, des mille. Voyez NOTATION. Chambers.

Maintenant, pour exprimer ou lire un nombre qui est écrit, & pour assigner à chaque caractere sa valeur propre, divisez le nombre proposé en commençant de la droite vers la gauche en plusieurs classes de trois chiffres chacune, séparées l'une de l'autre par des virgules : après quoi on observera que les chiffres contenus dans la premiere classe ou premier ternaire, en allant de la droite vers la gauche, n'expriment que des unités, des dixaines, & des centaines simples, sans aucune autre dénomination ; dans la seconde classe, ce sont des unités, des dixaines, des centaines de mille ; la troisieme exprime des millions, la quatrieme des billions, la cinquieme des trillions, & ensuite des quatrillions, des quintillions, des sextillions, des septillions, &c.

S'il falloit donc faire la numération ou énoncer la quantité 92, 084, 300, 216, 947, après l'avoir distinguée en classes ou en ternaires par des virgules, on diroit quatre-vingt-douze trillions, quatre-vingt-quatre billions, trois cens millions, deux cent seize mille, neuf cent quarante-sept.

Il est à-propos d'observer ici 1°. que les chiffres qui vont en augmentant de la droite vers la gauche, s'énoncent en allant de la gauche vers la droite ; en voyant les chiffres 947, on ne dit pas sept quarante-neuf cent, mais neuf cent quarante-sept.

2°. Que la dénomination d'un ternaire ne se fait qu'après avoir énoncé le dernier chiffre de ce ternaire, en allant de la gauche vers la droite : pour énoncer les chiffres 347000, on ne dit pas trois cent mille quarante mille sept mille, mais simplement trois cent quarante sept mille ; parce que l'on suppose que la dénomination mille affecte les cent & les dixaines ainsi que les unités. (E)

Pour mettre en chiffres un nombre proposé, par exemple, trois cent quarante-un millions deux cent treize mille six cent vingt-deux, on écrira d'abord 341, puis à la droite-213, enfin 622. Cela est clair par ce qui précede ; car puisque tout nombre se divise en unités, en mille, en millions, &c. la difficulté se réduit à exprimer des centaines, des dixaines, & des unités d'unités, de mille, de millions. Or, pour exprimer ces centaines, ces dixaines, il n'y a qu'à mettre d'abord le chiffre qui représente les centaines, ensuite celui qui représente les dixaines, & qui sera zéro, s'il n'y a point de dixaines, enfin celui qui représente les unités. En général, on voit que toute la difficulté de la numération se réduit à énoncer & à écrire un nombre composé de trois chiffres, en se souvenant que de trois en trois chiffres, allant de droite à gauche, la dénomination change ; que les unités deviennent des mille, les mille des millions, ceux-ci des billions, &c. (O)

NUMERATION, s. f. (Commerce) compte, payement actuel fait en deniers comptans. On dit en ce sens : la numération de cette somme a été faite en présence d'arbitres, de notaires. Dictionnaire de Commerce.


NUMÉRIA(Mythol.) divinité qui présidoit à l'art de compter, arti numerorum ; mais cette divinité ne se trouve exister que dans les écrits de saint Augustin. (D.J.)


NUMÉRIQUEou NUMÉRAL, adj. (Arithm.) ce qui a rapport aux nombres. Voyez NOMBRE.

Le calcul numérique est celui qui se sert des nombres au lieu des lettres de l'alphabet. Voyez ALGEBRE & ARITHMETIQUE.

La différence numérique est la différence qui distingue un individu d'avec un autre.

Ainsi on dit d'une chose qu'elle est la même qu'une autre numériquement, la même numero, ou la même numericè, lorsqu'elle est exactement la même qu'une autre dans le sens le plus étroit qu'on puisse donner à ce mot. Chambers.

NUMERIQUE, (Géométrie) exegese numérique. Voyez EXEGESE.


NUMEROS. m. (Commerce) terme fort usité parmi les marchands, négocians & manufacturiers, signifie un certain nombre ou chiffre qu'on met sur les marchandises pour les pouvoir distinguer plus facilement.

Dans les livres, factures, & autres écritures mercantilles, le mot numero s'exprime en abrégé par cette figure N°. les nombres ou chiffres s'écrivent ensuite de cette maniere, N°. 1, N°. 5, N°. 10, N°. 50, &c.

On se sert aussi du terme de numero pour faire entendre la grosseur, longueur, largeur & qualité de certaines marchandises qu'il seroit difficile d'exprimer autrement : ainsi les épingles des numeros 3, 4, & 5, sont les plus petites de toutes. Celles des numeros 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, & 14, augmentent insensiblement de grosseur & de longueur ; enfin les numeros 16, 18, & 20, sont les plus fortes de toutes, ensorte qu'un marchand qui en veut avoir de diverses sortes, écrit aux fabriquans qu'il en veut telle ou telle quantité de tels & tels numeros, & il est servi à son gré : il en est de même des rubans, galons, padoues, &c.

C'est pareillement avec ces numeros que l'on marque les caisses, balles, ballots, &c. que les commissionnaires envoyent à leurs commettans par les voitures publiques ; on écrit pour cet effet avec de l'encre & une espece de plume ou pinceau de bois, N°. 1, sur la premiere balle ou caisse, N°. 2, sur la seconde, & ainsi de suite quand elles sont pour le même marchand, ce qu'on marque aussi sur la lettre de voiture.

Numero désigne assez souvent dans la table d'un régistre la page sur laquelle quelque somme est portée, ce qui est la même chose que si on disoit, page 6, page 10, page 20, &c.

Les marchands se servent de certains numeros mystérieux pour se souvenir du prix des marchandises sur l'enveloppe desquelles ils les mettent. Voyez MARQUE.

On appelle dans le commerce livre de numero, une sorte de livre que les marchands tiennent pour connoître avec facilité toutes les marchandises qui entrent dans leurs magasins, qui en sortent, ou qui y sont actuellement. Le livre des numeros est du nombre de ceux qu'en fait de parties doubles on nomme livres auxiliaires. Voyez Dictionn. de Comm. tom. III. pag. 591. & 592.

Le numero est un mot en usage dans les anciens auteurs pour signifier le payement d'une somme, par exemple, d'un livre en un certain nombre d'épices, comme 20 sols : il est opposé à libra pensa. Voyez LIVRE. Dictionnaire de Chambers.


NUMEROTÉadj. (Commerce) ce qui est marqué d'un numero. Voyez NUMERO.


NUMEROTERv. act. (Comm.) mettre des numeros sur quelque chose, marchandise, balle, caisse, &c. Voyez NUMERO.


NUMICUou NUMICIUS, (Géog. anc.) petit fleuve qui couloit auprès de Lavinium. Virgile l'a immortalisé dans son Eneïde, en nous assurant que ce fut entre le Numicus & le Tibre qu'Enée prit terre lorsqu'il aborda en Italie : lisez ces deux vers, l. VII. v. 797.

Qui saltus est, Tiberine, tuos, sacrumque Numici

Littus arant, Rutulosque exercent vomere colles.

En effet, ce fleuve couloit aux confins des Rutules : quelques-uns le nomment à présent Rivo. (D.J.)


NUMIDIE(Géog. anc.) en latin Numidia, grande contrée d'Afrique, qui eut anciennement le titre de royaume, mais dont les bornes étoient différentes avant la guerre de Carthage, de ce qu'elles furent sous les premiers empereurs romains. D'abord la Numidie comprenoit deux grandes nations, l'une connue sous le nom de Numides massaesyliens, l'autre sous celui de Numides massyliens. Les premiers habitoient à l'occident, les autres à l'orient. Marius ayant défait Jugurtha, la Numidie tomba sous la puissance du peuple romain, qui pour-lors se contenta de la donner à d'autres rois : mais sous Jules-César les deux Numidies furent réduites en provinces romaines. La Numidie massylienne fut appellée simplement la province de Numidie ; & la Numidie massaesilyenne ne fut plus connue que sous le nom de Mauritanie césarienne. La métropole civile de la province de Numidie étoit Cirta, qui eut le titre de colonie, & depuis celui de colonie constantine.

Massinissa, roi de Numidie, à qui le sénat de Rome donna tout ce qu'il avoit conquis en Afrique, mérite ici quelques lignes. Il remporta une victoire en personne à l'âge de 92 ans contre les Carthaginois. Il fit la guerre jusqu'à la fin de ses jours, montant à cheval sans selle & sans aide. Il mourut l'an de Rome 636, & laissa quarante-quatre fils, dont le dernier n'avoit que quatre mois : je reviens à mon sujet.

La Numidie qui faisoit autrefois partie de la Libye sur la côte septentrionale d'Afrique, & qui s'étendoit du nord au sud, entre la Mauritanie à l'ouest, & la Bazacène à l'est, est maintenant une partie de la Barbarie, qui contient à-peu-près le royaume d'Alger, & quelques déserts du Bilédulgérid.

On sait que la Numidie devint, sous les empereurs chrétiens, une province ecclésiastique, dans laquelle il se forma un grand nombre d'évêchés. La notice épiscopale d'Afrique vous en fournira les noms, & même ceux des évêques. (D.J.)

NUMIDIE, MARBRE DE, (Hist. nat.) marbre très-dur & fort estimé des anciens, mais dont ils ne nous ont point laissé de descriptions : quelques auteurs ont cru qu'il étoit jaune. M. Hill le regarde comme un marbre bleuâtre & d'une seule couleur : les Romains s'en servoient pour carreler les édifices. Il prend un très-beau poli, quelquefois il est traversé de veines blanches. Nous avons en Europe un grand nombre de marbres qui ont toutes ces qualités, & qui peuvent servir aux mêmes usages que celui que les Romains faisoient venir de Numidie. (-)


NUMISMALESPIERRES, (Hist. nat. Minéral.) nom donné par les Naturalistes à des pierres qui ont une forme circulaire & applatie, qui les fait ressembler à de la monnoie ; on les nomme en latin lapides numismales, ou nummi diabolici. Il y a lieu de croire que ces pierres ne sont autre chose que de vraies pierres lenticulaires. Voyez LENTICULAIRES, pierres.

On trouve dans la Laponie suédoise, près du fort de Brattensborg, dans une ville appellée Ivoë, des petites pierres en forme de monnoie, & que l'on nomme pour cette raison nummi Brattensburgici ; ces pierres numismales ont cela de particulier, qu'elles montrent à leur surface une figure assez semblable à une tête de mort. M. Stolbaeus les appelle ostracites numismatici ; il a publié à leur sujet une dissertation en 1732, imprimée à Lunden, Londini Gothorum ; cet auteur croit que c'est une coquille d'huitre parasite très-petite, qui a même conservé sa nature de coquille, & qui a été pétrifiée, ostracites minimus parasiticus. Cette coquille adhéroit à une huitre plus grande, dont elle tiroit sa nourriture par trois ouvertures, qui lui donnent cette ressemblance imparfaite qu'on y voit avec la figure d'une tête de mort. Voyez Acta litteraria & scient. suecica, anno 1731. (-)


NUMISMATIQUEART, c'est la science des médailles. Voyez le mot MEDAILLE. Il nous suffit d'observer en passant que cette science, après avoir fait comme les autres, de grands progrès dans le dernier siecle, s'est encore perfectionnée depuis 60 ans, non-seulement pour les choses, mais pour le goût. Il est aisé de remarquer combien nos modernes ont découvert de mysteres, qui avoient échappés aux premiers auteurs qui déchiffrerent l'Art numismatique. Quelque obligation qu'on ait à ceux qui ont rompu la glace, il n'y a point de comparaison entre les lumieres que nous ont donné sur ce sujet, Nonius, Husius, Erizzo, Strada, Hemmelarius, Occo, Vico, Paruta & leurs semblables, avec ce que nous ont appris, Mezzabarba, Patin, Vaillant, Morel, le pere Hardouin, Spanheim, Bellori, Buonarotti, Béger, Haym, de Bose, & quelques autres modernes, qui ont apporté dans l'explication des médailles toute l'érudition & l'exactitude qu'on peut désirer d'excellens antiquaires. (D.J.)


NUMISMATOGRAPHIES. f. (Hist.) mot grec, qui signifie la description & la connoissance des médailles & des monnoies antiques, soit d'or, soit d'argent, soit de cuivre. Voyez MEDAILLE & MONNOIE.

Fulvius Ursinus, Ant. Augustinus, évêque de Sarragosse, Erizzo, noble vénitien, & Occo, ont beaucoup réussi dans la Numismatographie ; plusieurs auteurs modernes ont pareillement travaillé sur cette matiere avec succès, entr'autres les deux Mezza-barbes, Patin, Spanheim, Hardouin, Morel, Vaillant, Joubert, Baudelot, Beger, de Valois, messieurs de Bose, de la Bastie ; & parmi les Anglois Evelyn.


NUMISTROou NUMESTRO, (Géogr. anc.) ville d'Italie chez les Brutiens, dans les terres selon Ptolémée, liv. III. chap. j. quelques-uns croient que c'est aujourd'hui Clocento. (D.J.)


NUMMINUMMI

NUMMI DIABOLICI. Voyez l'article NUMISMALES & LENTICULAIRES.


NUMMULAIRES. f. (Botan.) c'est l'espece de lysimachie, nommée par Tournefort, lysimachia humi fusa, folio rotundiore, flore luteo. I. R. H. Sa racine est traçante, menue, fibreuse ; elle pousse plusieurs tiges longues, grêles, anguleuses, & rampantes à terre ; ses feuilles sont opposées deux-à-deux, arrondies, un peu crêpées, vertes-jaunâtres, d'une saveur acidule & astringente. Des aisselles des feuilles sortent des grandes fleurs jaunes, formées en rosette, d'une seule piece, pointues, attachées à des pédicules courts ; dans quelques rameaux on observe trois feuilles, & autant de fleurs à chaque noeud. Quand les fleurs sont tombées, il leur succede de petits fruits sphériques, qui renferment des semences fort menues, & à peine visibles.

Cette plante aime les lieux humides, le long des fossés, le courant des eaux. Elle fleurit depuis le mois de Mai jusques bien avant dans l'été. On remarque qu'elle s'éleve plus ou moins, suivant les terres qui lui sont favorables, & que celle qui se trouve dans les jardins croît plus grande que celle des champs.

Les feuilles de nummulaire sont aigrelettes, styptiques, & rougissent beaucoup le papier bleu. L'acide dont elles abondent, y produit avec la terre un sel alumineux enveloppé d'un peu d'huile, ce qui rend cette plante astringente & vulnéraire ; on s'en sert intérieurement & extérieurement. (D.J.)

NUMMULAIRE, HERBE AUX ECUS, (Mat. méd.) cette plante que les Botanistes ont aussi appellée centimorbia, herbe à cent maux, à cause des grandes propriétés qu'ils lui ont attribuées, est pourtant fort peu usitée en Médecine ; c'est une de celles sur l'éloge desquelles un auteur très-moderne de matiere médicale, le continuateur de Geoffroi, a été le plus sobre, quoiqu'il ait bien noté ce nom de centimorbia, & l'origine de ce nom. Voici en substance ce qu'il en dit : " l'herbe aux écus est très-astringente & très-vulnéraire, très-propre pour arrêter toutes sortes de flux de sang & les fleurs-blanches, & pour consolider les plaies intérieures, les ulceres du poumon, les plaies & ulceres de l'extérieur ". Camerarius assure qu'elle est bonne contre le scorbut, bouillie avec le lait. Tragus la conseille bouillie avec du vin & du miel dans les ulceres du poumon ; & dans du lait, contre la dyssenterie & les fleurs-blanches. Mathiole, Schroeder, Ettmuller & Ray assurent qu'elle guérit les descentes des petits enfans, étant appliquée extérieurement, & prise en poudre intérieurement à la dose d'un scrupule dans une cueillerée de lait ou de bouillie, une fois le jour, en continuant pendant quelque tems : le suc de cette plante entre dans l'emplâtre opodeltoch. (b)


NUMMULARIUSS. m. (Littérat.) ce mot désignoit chez les Romains, non-seulement un banquier ou une personne qui commerçoit en banque, mais encore celui qui apprécioit la valeur des especes, suivant leur poids & leur titre. (D.J.)


NUMMUou NUMUS, (Hist. anc.) étoit chez les Romains le nom d'une piece de monnoie, autrement nommée sestertius. Voyez SESTERCE.

On l'appelloit aussi quelquefois nummus sestertius. Decem millia nummum, & decem millia sestertium, signifioient chez les Romains la même somme : le petit sesterce, & par conséquent le nummus, valoit deux sols & demi de notre monnoie. Voyez MONNOIE.


NUNCIATIO(Littér.) ce mot latin veut dire en général, l'action d'annoncer une chose ; mais il designoit particulierement chez les Romains la déclaration d'un augure sur ce qu'il avoit observé dans les auspices. Le rapport des mauvais présages par les augures se nommoit obnunciatio, & Ciceron nous apprend que le tribun du peuple fit une loi qui défendoit d'acquiescer aux auspices & aux augures, & de pronostiquer des malheurs futurs, obnunciare, pour rompre les assemblées & les résolutions qu'on y pourroit prendre. (D.J.)


NUNCUPATIFadj. terme de Jurisprudence, qui ne se dit qu'en parlant d'un testament. Or un testament nuncupatif que Justinien appelle , voluntatem non scriptam, étoit celui par lequel le testateur nommoit seulement de vive voix l'héritier qu'il vouloit instituer, & les légataires à qui il faisoit des largesses, & cela en présence de sept témoins convoqués pour cet effet ; si le testateur étoit aveugle, il falloit un huitieme témoin, ou un notaire qui rédigeât par écrit la volonté du testateur.

Le testament nuncupatif n'est usité qu'en pays de droit écrit, où il est tenu pour bon ; mais en pays coutumier il est rejetté, à-moins qu'il ne soit testament militaire. Voyez TESTAMENT.


NUNDINAL(Belles-Lettres) c'est le nom que donnoient les Romains aux huit premieres lettres de l'alphabet, dont ils faisoient usage dans leur calendrier. Voyez LETTRE.

La suite des lettres A, B, C, D, E, F, G, H, y étoit écrite disposée en colonne, & répétée successivement depuis le premier jour de l'année jusqu'au dernier. Une de ces lettres marquoit les jours de marché ou d'assemblée qu'on appelloit nundinae quasi novem dies, parce qu'il revenoit tous les neuf jours.

Le peuple de la campagne, après avoir travaillé huit jours de suite, venoit à la ville le neuvieme jour pour vendre ses denrées, & pour s'instruire de ce qui avoit rapport, soit à la religion, soit au gouvernement.

Lorsque le jour nundinal tomboit, par exemple, sur la lettre A, il arrivoit le 1, le 9, le 17, & le 25 de Janvier, & ainsi de suite de neuf jours en neuf jours, & la lettre D étoit pour l'année suivante la lettre nundinale.

Ces lettres nundinales ont une grande ressemblance avec nos lettres dominicales, à cette différence près que celles-ci reviennent tous les huit jours. Voyez LETTRE DOMINICALE.


NUNNA(Toilerie chinoise) toile blanche de la Chine, dont il se fait un négoce considérable au Japon.


NUPTIALadj. (Gramm.) qui est relatif au mariage ; on dit la bénédiction nuptiale, le lit nuptial ; la robe nuptiale, la chambre nuptiale.

NUPTIALE, bénédiction, (Droit nat.) cette coutume, ou cette cérémonie, est établie par les lois civiles, parce qu'elle est très-honnête & très-convenable ; mais elle n'est point nécessaire par le droit naturel dans le mariage, parce que la propriété passe d'une personne à l'autre, par le seul consentement de celui qui la transfere & de celui qui la reçoit. Il y a plus, cette loi humaine a son mauvais côté, je veux dire l'abus qu'on en a fait pour s'assujettir les hommes ; cependant elle a son bon côté qui semble devoir l'emporter dans l'état où sont les choses. Quoi qu'il en soit, les Chrétiens ont emprunté cet usage des Juifs, qui l'observoient eux-mêmes comme venue des anciens patriarches, plutôt que comme prescrite par la loi de Moïse : voyez les preuves qu'en donne Grotius dans son Commentaire sur Matth. c. j. v. 18. & pour ne pas nous étendre plus au long à ce sujet, voyez sur l'origine & les progrès de cette coutume Selden, de uxore hebr. lib. II. cap. xij. & xxviij. comme aussi les Antiquités ecclésiastiques de M. Bingham, liv. XXII. chap. iv. mais surtout le Jus ecclesiasticum Protestantium de M. Bohmer, lib. IV. tit. III. § 4. & seq. (D.J.)


NUQUES. f. (Anatomie) la nuque, ou la partie postérieure du cou, garnie ordinairement de cheveux courts & fins, ce qui a peut-être donné occasion aux Anglois de nommer cette partie du cou la nappe. Voyez COU.


NUR(Géog.) ville d'Asie dans le Zagatai, entre Samarcande & Bacare, presque à égale distance des deux villes. Long. 85. 30. lat. 38. 25. (D.J.)


NUREMBERGou NURENBERG, (Géograp.) ville impériale d'Allemagne dans le cercle de Franconie, dont elle est la capitale.

Laissons-là les faits qui regardent l'antiquité de son origine ; ce n'est point des Nérons que cette ville tire son nom, mais plutôt des Noriques dont elle a été la métropole. Elle reçut la religion chrétienne sous le regne de Charlemagne, & elle fut soumise immédiatement à l'empire par l'empereur Louis III. Ce fut à Nuremberg que se tint, sous Othon I. la premiere diete de l'Empire, en l'année 938 ; sous le regne de Charles IV. c'est-à-dire, au milieu du xiv. siecle, cette ville reçut les accroissemens qui la rendirent à-peu-près telle qu'elle est, hormis l'université, qui fut érigée en 1632. Son domaine est considérable : aussi paie-t-elle pour son mois romain 1480 florins en argent. Son gouvernement est très-sage, & ses magistrats travaillent à y faire fleurir le commerce, les sciences & les arts. On y voit un arsenal bien fourni, une riche bibliotheque & un observatoire. Il y a plusieurs manufactures d'étoffes, & on y travaille beaucoup & très-artistement en montres, en ouvrages de cuivre, & en quincaillerie. On y professe la religion luthérienne, & les autres y sont tolérées.

Nuremberg est située dans un terrein sabloneux sur le Fignitz, qui la coupe en deux parties, à 20 lieues N. O. de Ratisbonne, 34 N. O. de Munich, 24 N. d'Augsbourg, 100 N. O. de Vienne, & à 150 E. de Paris. Long. 28. 44. lat. 49. 25. ou plutôt la différence des méridiens entre Paris & Nuremberg est de 35'. 27''. dont Nuremberg est plus oriental que Paris.

Comme cette ville a toujours encouragé les sciences, il n'est pas étonnant qu'elle ait produit plusieurs gens de lettres. Je nommerai seulement les principaux.

Besler (Basile) est connu des Botanistes par le magnifique ouvrage intitulé hortus Eystettensis, Norib. 1613. 4. vol. in-fol. chartâ maximâ. Son parent Michael Rupert Besler étudia l'Anatomie, & mourut en 1661 à 54 ans. Ce dernier a mis au jour gazophylacium rerum naturae. Lips. 1716 in-fol.

Camerarius (Joachim) s'attacha à l'étude de la Médecine & de la Botanique, & publia quelques ouvrages en ce genre. Il est mort en 1598 à 164 ans.

Crellius (Jean) mort à Cracovie en 1632 à l'âge de 42 ans, a été le plus habile & le plus grand défenseur du socinianisme. Tous ses ouvrages sont extrêmement recherchés.

Hansacks, cordonnier, se mit à la tête de la confrairie des poëtes artisans d'Allemagne, & publia plusieurs volumes de vers de sa façon ; mais il n'avoit pas, comme M. Adam, le génie poëtique.

Hoelztin (Jérémie) professeur en grec à Leyde, succéda à Vossius, & traduisit Apollonius de Rhodes. L'édition est de 1641. Lugd. bat. ex officinâ Elzevirianâ. M. Ménage n'en parle pas avantageusement. Il mourut en 1641.

Osiander (Luc) a fait plusieurs ouvrages théologiques. Il mourut en 1604, âgé de 70 ans. Tous les Osianders se sont distingués en ce genre.

Wagenseil (Jean Chrysostome) devint professeur en histoire, en droit, & en langues orientales à Altorf, où il mourut, en 1705, à 72 ans. On recherche encore son ouvrage intitulé tela ignea satanae, 2 vol. in-4 °.

Walther (D. Michel) prédicateur, a publié dans le dernier siecle quelques ouvrages latins sur la théologie. Il mourut en 1662 à 69 ans.

Entre les artistes de Nuremberg, on peut nommer Pens & Cart (Pierre). J'ai parlé de Pens au mot GRAVEUR. Cart se distingua dans l'Architecture : il bâtit, en 1597, le pont de pierre qu'on voit à Nuremberg sur le Pénitz. C'est un pont d'une seule arcade, qui, d'une base à l'autre porte 97 piés d'étendue, 13 seulement d'élévation, & 50 de largeur. (D.J.)

NUREMBERG, EMPLATRE DE (Pharmacie) prenez minium demi-livre, huile rosat, ou plutôt huile d'olive pure 20 onces, cire jaune une livre, camphre & suif de cerf, de chacun six dragmes. Faites avec suffisante quantité d'eau commune un emplâtre selon l'art.

Cet emplâtre est très-bon, parce qu'il est très-simple. Il est tout aussi contentif, tout aussi agglutinatif, tout aussi émollient, tout aussi résolutif, tout aussi dessicatif que l'emplâtre le plus composé ; n'étoit le camphre, qui, s'il conserve son activité dans ce mêlange, peut rendre l'emploi de cet emplâtre suspect dans les cas de grande inflammation ; l'emplâtre de Nuremberg pourroit tenir lieu dans la pratique de tous les emplâtres. Peut-être même l'exception du cas d'inflammation exquise ne lui ôte-t-elle pas l'universalité : car dans ce cas, le mieux est de n'appliquer aucun emplâtre. (b)


NURSA(Géog. anc.) ville d'Italie dans le Piémont. Virgile, Enéïd. l. VII. vers. 744. la surnomme Montosa. (D.J.)


NURSCIA(Mytholog.) divinité autrefois adorée par un peuple du voisinage de Rome, appellé les Volsiniens. On croit que c'est la fortune qu'ils adoroient sous ce nom.


NUSCO(Géog.) petite ville d'Italie au royaume de Naples, dans la principauté ultérieure, au pié d'une montagne, à 6 lieues au S. E. de Bénevent, avec un évêché suffragant de Salerne. Long. 32. 40. lat. 40. 52. (D.J.)


NUTATION(Botan.) direction de la plante du côté du soleil.

Le soleil par son action sur la surface supérieure des feuilles, change souvent leur direction, & les détermine à se tourner de son côté : c'est ce mouvement connu des Physiciens, qu'ils ont nommé la nutation des plantes.

Cette nutation est beaucoup plus sensible dans les feuilles des herbes, que dans celles des arbres. M. Bonnet a observé que celle de la grande & de la petite mauve, celle du trêfle, & de l'atriplex, suivent, en quelque maniere, le cours du soleil : au matin, leurs feuilles regardent le levant ; vers le midi, & vers le soir le couchant. Pendant que le soleil demeure sous l'horison, & dans des tems couverts ou pluvieux, les feuilles des plantes qu'on vient de nommer, se disposent horisontalement, & présentent leur surface inférieure à la terre. Les phénomènes du tournesol, n'ont donc rien de particulier, & presque toutes les plantes herbacées deviendront des tournesols pour l'observateur, qui sait les suivre avec attention. Les feuilles de la plûpart des plantes ligneuses ont trop de roideur pour le prêter aussi facilement à toutes les impressions du soleil ; elles s'y prêtent cependant assez souvent, & l'on ne manque pas d'observations en ce genre. Quelquefois même la plante s'incline vers le soleil, & en suit les mouvemens. (D.J.)


NUTATIONSse dit en Astronomie, d'une espece de mouvement qu'on observe dans l'axe de la terre, en vertu duquel il s'incline tantôt plus, tantôt moins à l'écliptique.

La nutation de l'axe de la terre vient de la figure de cette planete, qui n'est pas exactement sphérique, & sur laquelle l'action de la lune & du soleil est un peu différente, selon les situations où ces deux astres sont par rapport à nous. Car la terre n'étant pas un globe parfait, la force qui résulte de l'action de la lune & du soleil sur elle, ne passe pas toujours exactement par le centre de gravité de la terre, & par conséquent elle doit produire dans son axe un petit mouvement de rotation.

M. Bradley est le premier qui ait observé ce mouvement, en 1747, qu'il a trouvé suivre à-peu-près la révolution des noeuds de la lune. J'ai démontré, en 1749, dans mes recherches sur la précession des équinoxes, que ce phénomène est en effet une suite du systême newtonien. Voyez PRECESSION & EQUINOXE.

M. Bradley, par ses observations, détermine la nutation de l'axe de la terre de 18''. en tout, & cette nutation se fait dans le même-tems que la révolution des noeuds de la lune ; aussi ai-je trouvé par la théorie, que cette nutation doit se faire de la sorte, & qu'elle dépend presque entierement de l'action de la lune, & de la position de son orbite. Cette nutation produit en même-tems dans la précession des équinoxes une petite équation, qui dépend aussi de la lune & de la position de ses noeuds. Voyez PRECESSION & EQUINOXES ; & comme la nutation vient presque uniquement de la lune, au lieu que la précession vient de la lune & du soleil ; on tire de-là une méthode pour déterminer la masse de la lune. Voyez LUNE & mes recherches sur la précession des équinoxes. Voyez aussi la seconde partie de mes recherches sur le systême du monde, art. 302, où j'ai prouvé que M. Bradley est bien fondé à croire ses observations de la nutation exactes, à 2''. près tout-au-plus. (O)


NUTRITIONS. f. (Econom. anim.) , nutritio, nutricatio. C'est la fonction du corps vivant, par laquelle les parties qui le composent étant continuellement susceptibles d'être enlevées les unes ou les autres, & étant séparées peu-à-peu du tout par l'action de la vie, sont renouvellées & réparées par cette même action ; ensorte que la restitution qui s'en fait par une susception intérieure des parties des alimens, qui sont analogues à celles qui forment les élémens de l'organisation, & ceux des humeurs qu'elle renferme, est entierement proportionnée dans l'état de santé, à la déperdition qui s'est faite, de ces élémens, soit pour la quantité, soit pour la qualité & pour la promptitude avec laquelle s'exécute cette réparation.

La nutrition n'est, par conséquent, pas autre chose que la conservation complete du corps animal dans toutes ses parties par rapport à la consistance & au volume qu'elles doivent avoir naturellement pour l'exercice de leurs fonctions respectives.

Le corps humain est composé de parties solides & de parties fluides : celles-ci sont plus abondantes, comme on peut en juger 1°. par l'origine de la matiere de la nourriture, qui vient des alimens réduits à l'état de fluidité, qui est la seule forme sous laquelle ils peuvent pénétrer dans le tissu des parties où se fait la nutrition : 2°. par la quantité du sang & de la masse des humeurs. Voyez SANG, HUMEUR. 3°. Par le rapport que l'on trouve entre la capacité des vaisseaux & les fluides qui y sont contenus. Voyez VAISSEAU. 4°. par les injections dans les cadavres. Voyez INJECTION Anat. 5°. par le peu de poids auquel est réduit le corps humain privé de ses fluides, l'effet de plusieurs sortes de maladies. 6°. par la distillation chimique, ou par le desséchement des corps morts. Voyez SOLIDE, Physiol. FIBRE, Econ. anim. &c.

On conçoit aisément que, puisqu'il se fait dans tous les corps inanimés, même les plus solides & les plus brutes, une dissipation continuelle de leurs parties, par la seule action de la matiere ignée, dont ils sont tous pénétrés, à plus forte raison, une pareille dissipation doit elle avoir lieu & d'une maniere bien plus considérable, dans les corps qui, outre cette cause commune, sont doués d'un principe de mouvement, qui tend aussi sans cesse à détruire l'assemblage des parties qui forment les corps organisés ; mais ce sont surtout les fluides contenus dans les organes, ceux qui sont aqueux principalement, qui sont le plus promptement emportés par l'effet de la chaleur animale, & du mouvement des humeurs. La transpiration sensible qui se fait par les tégumens & par les poumons est au moins de trois à quatre livres par jour (Voyez TRANSPIRATION) ; & les parties les plus grossieres de nos fluides, les plus disposées à la coagulation par l'effet du repos & du froid, sont continuellement portées à se dissoudre par le mouvement animal & la chaleur vitale, portée à 96 dégrés du thermometre de Fahrenheit, qui est la mesure ordinaire de celle de l'homme dans l'état de santé ; effet du frottement des globules des humeurs, contre les parois des vaisseaux & de ces mêmes globules entr'eux (voyez CHALEUR ANIMALE), jusqu'à ce qu'ils parviennent à s'atténuer, à se diviser, à se volatiliser. Voyez MOUVEMENT, Physiolog. CIRCULATION, PUTREFACTION.

On doit observer, par rapport à la dissipation du fluide animal, que l'urine elle-même en fait une grande partie, parce qu'elle n'est pas seulement composée des parties aqueuses de la boisson ou des parties excrémentitielles des alimens : il s'y trouve encore beaucoup des humeurs de l'animal, puisqu'elle a tant de disposition à se pourrir, à devenir alkaline, & qu'elle contient des parties huileuses, spiritueuses, volatiles ; on peut ajouter encore que, par la voie des selles, il sort aussi chaque jour ordinairement de la bile & du différent suc intestinal excrémentitiel à la quantité de plusieurs onces.

Toutes ces différentes sortes de dissipation des fluides du corps animal sont suffisamment prouvées par l'inspection, par la pondération & par les effets de l'exercice, du travail excessif, par ceux de la fievre, des purgatifs & de toutes les évacuations artificielles, qui produisent une diminution considérable du poids du corps, par la maigreur & le desséchement, qui sont les suites de ces déperditions excessives.

Ainsi, la dissipation continuelle des fluides du corps vivant étant suffisamment établie, il s'agit à présent d'examiner celle des parties solides : elle se démontre facilement par ses causes : en effet, les colonnes du sang, c'est-à-dire, de celui de nos fluides qui est mû avec le plus de force & de vîtesse, étant par l'action du coeur, poussées avec impétuosité contre les courbures, les angles des vaisseaux, & les points de rétrécissement de leur cavité, contre ceux de séparation entre leurs ramifications, en écartent les tuniques, les redressent, les allongent & les mettent dans un état de distractilité, qui ne cesse avec tous les autres effets qui s'ensuivent, que lorsque la force de l'impulsion cesse elle-même, & que la force d'élasticité des fibres reprend le dessus & les remet dans l'état de flexion qui leur est naturel ; ce qui produit des efforts alternatifs qui se répetent environ cent mille fois par jour, & seroient suffisans par les frottemens qui s'ensuivent pour user des machines de bois très-dur, & même de métal.

Ainsi, il ne doit pas paroître surprenant qu'il se fasse une déperdition de parties dans les organes du corps humain, qui ne sont composés que d'une terre friable, dont les particules ne sont unies entr'elles que par la seule force de cohésion dont elles sont douées, comme le prouve la combustion des os, & même celle des cheveux, & sans perdre leur forme ; & par la matiere mucide visqueuse, qui entre dans la composition de toutes les parties solides de l'animal. Ensorte que ces parties considérées en détail ont si peu de consistance, qu'elle peut être détruite par la dissolution qu'operent la chaleur animale, la putréfaction, qui les réduisent en une espece de liquament mucilagineux dans lequel il ne reste plus aucune marque d'organisation.

La dissipation des élemens de nos solides qui exige la réparation, la nutrition dans tout le cours de la vie se fait dans tous les vaisseaux de notre corps, c'est-à-dire dans toutes les parties qui le composent ; puisqu'elles ne sont toutes qu'un assemblage de vaisseaux : mais c'est sur les plus petits, qui forment la surface intérieure des grands, que portent les effets du frottement, du tiraillement, par lesquels les élemens des fibres, qui forment leurs tuniques, étant ébranlés par la répétition des chocs qu'ils éprouvent, & les fibres elles-mêmes étant allongées, il se fait un écartement entre les particules terreuses & glutineuses dont elles sont formées, & il s'ensuit nécessairement une diminution dans la force de cohésion, qui unit ces élemens entr'eux ; ensorte que cette force n'est plus suffisante pour résister à l'effort, à l'abrasion, qui enleve, qui détache entierement celles des particules élementaires qui cédent le plus, & qui, ayant éprouvé le plus d'ébranlement, se trouvent le plus disposées à la solution de continuité ; & sont, en conséquence, séparées en tous sens de tous les élemens voisins, au point d'être entierement hors de la sphère d'attraction réciproque, & d'être entraînées par le torrent des fluides, avec lesquels il est un contact immédiat, de maniere qu'il se fait un vuide, une fossette à la place de la particule qui est emportée ; laquelle fossette est remplie en même-tems par une autre particule analogue, fournie par l'humeur lymphatique mucide, lente, contenue dans les vaisseaux nourriciers ; ensorte que cette particule, proprement alimentaire, qui est un mêlange d'élemens de terre & de gluten, se moule dans le vuide, le scrobicule de la membrane ou tunique du vaisseau simple, & ne différe de la particule qu'elle remplace, qu'en ce que la nouvelle a plus de viscosité, de force, de cohésion, n'ayant pas encore été exposée à l'action du frottement, à la chaleur animale qui subtilisent, qui volatilisent les élemens même des parties solides, & qui font bientôt éprouver à son tour la même altération à la particule subsidiaire, comme à toute autre : ensorte qu'elle est aussi enlevée à son tour, & remplacée par une autre, ce qui se répéte ainsi continuellement dans tous les points du corps, plus ou moins promptement, à proportion que les parties sont plus ou moins exposées à l'action de la vie.

On voit par-là que les corps animés ne pourroient pas subsister long-tems, s'il n'y avoit quelque chose de propre à réparer les pertes qu'ils font continuellement, puisque dans toute leur étendue il n'y a pas une seule partie qui ne perde quelque chose à chaque instant.

Cette déperdition est très-considérable pendant les premieres années de la vie, que toutes les parties solides sont plus molles, & qu'elles sont plus en mouvement : elle diminue à proportion qu'on avance en âge ; mais il s'en fait toujours : ensorte que pendant l'enfance & la jeunesse, la dissipation est proportionnée à la quantité de matiere mucilagineuse, qui abonde alors dans la masse des humeurs pour fournir celle de la nutrition : la quantité de la dissipation, comme celle de cette matiere, diminue de plus en plus, à mesure qu'on avance en âge, que toutes les parties solides acquierent plus de consistance, & tendent presque toutes à l'ossification. Voyez VIEILLESSE.

Ce n'est pas dans le même-tems qu'il est enlevé des parties élémentaires de tous les points de la fibre par les frottemens, par les chocs qu'éprouvent les solides de notre corps ; chacune de ces parties se trouvant douée respectivement d'une force de cohésion un peu différente, eu égard au plus ou moins d'efforts qu'elle a essuyés, qui tendent à détruire cette force, c'est-à-dire, à la surpasser & la rendre nulle, résiste plus ou moins à ces efforts, par lesquels elle doit être tôt ou tard séparée du tout qu'elle compose, selon que cette force est plus ou moins considérable, à proportion que cet effort est plus ou moins violent, & que l'organe dans le tissu duquel il se fait a plus ou moins de consistance.

C'est dans l'intérieur des grands vaisseaux où le mouvement des humeurs, leur choc contre les parois sont les plus considérables, que se fait en conséquence l'enlevement des parties élémentaires des solides, c'est-à-dire, des élémens des fibres qui forment les membranes extrêmement déliées des vaisseaux simples, dont l'assemblage compose les tuniques, & conséquemment les surfaces intérieures de ces grands vaisseaux.

Mais ce ne peut être que dans les petits vaisseaux simples, qui forment les tuniques des grands vaisseaux, que peut se préparer & s'opérer la réparation des particules enlevées, parce que les humeurs contenues dans ces petits vaisseaux étant très éloignées du principe d'impulsion, & ayant eu dans leur cours une infinité de résistances à surmonter, leur mouvement progressif, qui ne subsisteroit plus dans les derniers vaisseaux, sans l'action que leur donne vraisemblablement l'irritabilité dont ils sont doués, ce mouvement ne peut au moins qu'être très-petit, & favoriser conséquemment l'application des particules destinées à remplacer par intus-susception celles qui ont été emportées au-dehors de ces vaisseaux simples ; ensorte que comme c'est l'effort qui se fait à la surface extérieure de ces petits vaisseaux qui forme l'intérieur des grands, que l'on doit regarder comme étant la cause qui tend continuellement à détruire toute la consistance des solides, la lenteur du mouvement des humeurs dans les vaisseaux simples, concourt à opérer l'intus-susception des particules nourricieres qui s'oppose à cette destruction, en tant que la force d'attraction & de cohésion dont elles sont susceptibles d'éprouver les effets de la part des parois des scrobicules ou cavités formées par l'enlevement des particules élémentaires, l'emporte sur le peu de force d'impulsion qui leur reste pour être portées plus avant dans leurs propres vaisseaux, ou même la simple force de suction, semblable à celle des tubes capillaires ou des racines des plantes, peut suffire vraisemblablement pour conserver le cours des fluides contenus tant qu'ils restent sous cette forme.

Il n'y a d'ailleurs que les parties surabondantes du suc nourricier qui ne sont pas employées à leur destination, qui arrivent à l'extrêmité des arteres nevro-lymphatiques, qui sont les véritables vaisseaux nourriciers, pour être reportées dans la masse des humeurs par les veines correspondantes, tandis que les particules enlevées des parois des grands vaisseaux sont entraînées dans le torrent de la circulation, où elles se mêlent au sang & aux autres humeurs, comme parties redevenues susceptibles d'entrer dans la composition des fluides du corps animal ; mais d'une maniere qui les rend impropres à former de bonnes humeurs. La chaleur & le frottement qui la produit, dont elles ont éprouvé les effets, les ayant fait dégénérer, en leur faisant contracter une qualité lixivielle, qui ne les dispose qu'à se mêler à la partie excrémenticielle de la masse des humeurs, avec laquelle elles ont le plus d'analogie, à être séparées de cette masse par les vaisseaux propres à les attirer, à les recevoir, pour être rejettées hors du corps par les organes destinés à cet effet.

D'où il suit que les alimens ou les corps destinés à fournir la nourriture de l'animal, étant la plûpart sous forme solide, ne contribuent à leur destination, qu'après avoir passé sous forme fluide dans la masse des humeurs, par l'extrait qui se fait de la matiere alimentaire dans les premieres voies sous le nom de chyle, lequel est encore un assemblage grossier de parties hétérogenes, parmi lesquelles se trouve la véritable matiere de la nutrition, qui ne se développe & n'est suffisamment préparée, atténuée, qu'après avoir souffert différentes élaborations, d'abord sous la forme de sang, ensuite sous celle de lymphe, qui se subtilise & s'évapore de plus en plus, en passant par différentes filieres de vaisseaux toujours plus petits & toujours moins composés, jusqu'à ce qu'il soit parvenu à la derniere division des vaisseaux, qui sont ceux dans la composition desquels il n'entre que des fibres simples, élémentaires, formées par conséquent de particules plastiques, de la même nature que le fluide qu'ils contiennent, qui a toutes les qualités requises pour entrer dans la composition des fibres simples, dont sont formées toutes les parties solides, tous les organes, qui n'en sont que des aggrégés.

Ainsi l'extrait des alimens devenu un fluide, qui conserve cette forme pour passer en masse par différentes élaborations, redevient solide en détail, en parvenant à sa destination principale, qui est de nourrir le corps, en formant ou réparant ses parties solides, pour reprendre ensuite de nouveau sa fluidité, lorsqu'il ne forme plus que les débris de ces mêmes solides, dans la composition desquels il étoit entré par l'action de la vie, & dont il a été tiré par l'effet de cette même action : ensorte que par une admirable disposition de la machine humaine, le principe de la vie, qui est en même-tems inévitablement un principe de destruction, prépare aussi & opere en même-tems ce qui est nécessaire pour corriger ce mauvais effet, & devient par ce moyen un principe de conservation, tant que l'état de santé se soutient & entretient les dispositions nécessaires pour ce principe, parce que ce n'est que du concours de toutes les fonctions, dont l'exercice est bien réglé & se fait bien naturellement, que résultent les conditions pour une bonne nutrition.

Voilà ce qui paroît pouvoir être dit de plus vraisemblable & de plus conforme, à ce que l'on connoît des opérations de l'oeconomie animale, relativement à l'organisme & au méchanisme de la nutrition, qui, au reste, a toujours été regardée comme un des plus grands mysteres de la nature, & qui a conséquemment fourni matiere, ou au moins donné lieu aux hypotheses (en trop grand nombre, & dont l'exposition seroit trop longue, même en précis, pour trouver place ici), que les physiologistes ont proposées pour tenter de deviner le secret que la nature semble jusqu'à présent s'être réservé à cet égard : ensorte que les moyens dont elle se sert pour la conservation des individus, ne sont pas moins cachés, que ceux qu'elle emploie pour la conservation de l'espece. Voyez GENERATION.

Les lumieres de la théorie ne peuvent donc qu'être extrêmement bornées, lorsqu'on est réduit à conjecturer sur les causes & les effets physiques qui se dérobent à nos sens, comme il en est de l'opération dont il s'agit : mais il est presqu'aussi avantageux d'avouer simplement notre ignorance à cet égard, & la difficulté de la dissiper, comme à l'égard de toutes les autres premieres causes physiques, telles que la gravitation, l'attraction, l'élasticité, &c. pour épargner des recherches, qui, après tout, sont fort inutiles, puisque les principes de ces objets étant bien connus, n'en seroient pas plus susceptibles de modification de notre part, & que d'ailleurs il reste toujours impossible de porter jusqu'à la démonstration l'explication de pareils effets.

Tout ce qu'il y a de plus certain sur la nature de la matiere de la nutrition, & qu'il importe de savoir, c'est que toutes les parties solides des animaux, les os même comme les chairs, dont on fait la décoction dans la machine de Papin, se dissolvent entierement & se réduisent en un suc qui paroît homogene, gélatineux & diaphane ; d'où on peut conclure, que ce qui forme principalement le corps de l'animal, est ce qui résulte constamment & également de toutes ses parties ; que c'est par conséquent un fluide mucide qui fournit les élémens des fibres & les matériaux de tous les organes.

On observe que les premiers rudimens des animaux sont formés d'un suc lymphatique de la nature du blanc d'oeuf, & que les embryons mis dans de l'eau tiede, se liquéfient & se changent entierement en une matiere visqueuse, diaphane ; d'où on peut inférer avec fondement que la matiere dont les animaux sont engendrés, sont formés originairement, doit aussi être conséquemment celle de leur nutrition.

Ainsi il paroît que l'on peut assurer que la partie mucilagineuse la plus fine des matieres destinées à notre nourriture, qui sont portées dans la masse des humeurs & qui y éprouvent différentes élaborations, est le véritable suc nourricier : c'est pourquoi l'on observe que dans les animaux robustes, vigoureux, le sang est fort chargé de parties gélatineuses, & qu'au contraire il ne se trouve presque point de parties concrescibles dans le sang des animaux qui périssent par le défaut d'alimens ou par le marasme, qui provient de ce que le sang n'est pas propre à fournir le suc nourricier.

Ce n'est cependant pas la partie rouge du sang qui sert à la nutrition non plus que le chyle, dans lesquels il ne se trouve point de parties gélatineuses bien travaillées, bien développées. Ces fluides operent la réplétion des vaisseaux, réparent par conséquent la perte des fluides, qui se dissipent continuellement. Ils fournissent aussi plus ou moins les sucs huileux qui forment la graisse, qui contribuent par conséquent à augmenter le volume du corps ; mais ils n'ont pas les qualités nécessaires pour nourrir immédiatement les parties qui les contiennent, pour entrer dans leur composition intime, & être changées en la propre substance de l'animal, en ce qui fait la matiere de ses parties solides, des fibres qui forment toute son organisation : ils sont trop grossiers pour pouvoir pénétrer dans les différentes divisions de filieres, par lesquelles cette matiere doit être filtrée, subtilisée avant d'être propre à remplir sa destination.

Il suit donc que puisque la véritable matiere de la nutrition est un suc gélatineux, les alimens qui contiennent le plus de matiere mucide, de cette matiere qui est regardée par un des plus ardens scrutateurs de la nature, le célebre Néedham, & par le savant auteur de l'histoire naturelle moderne, M. de Buffon, comme un composé de molécules organiques, sont les plus propres à réparer les pertes du corps animal, & à servir à sa conservation individuelle ; au lieu que les matieres que l'on prend pour se nourrir, qui contiennent peu de suc gélatineux, ne fournissent que très peu de suc nourricier, & sont par conséquent très-peu propres pour la nourriture : ainsi les chairs des jeunes animaux, comme les poulets, les agneaux, les veaux, celles des boeufs, des moutons, de la volaille ; les oeufs, le lait, les extraits de ces différentes matieres alimentaires faits par décoction ou de toute autre maniere qui peut séparer en plus grande abondance les sucs gélatineux mucides des parties fibreuses terreuses qui les contiennent, comme une éponge chargée d'eau, & forment la partie inutile, inerte, non alimentaire ; en un mot des corps dans la nature destinés à fournir la matiere de la nutrition, sont les substances les plus propres à fournir une bonne nourriture, à réparer le sang & les autres humeurs d'où se tire le suc nourricier ; lorsqu'il s'est fait une grande déperdition de ces différentes humeurs par maladie ou par toute autre cause ; c'est par le défaut de matiere mucide, gélatineuse, c'est-à-dire, par le peu qu'en contiennent les substances végétales, qu'elles sont très-peu propres en général, excepté leurs semences, à fournir une bonne nourriture. Ce sont les plantes succulentes, à fleurs cruciformes, dont la partie mucide est la plus analogue à celle des animaux & abonde le plus, qui, de tous les végétaux sont employés avec le plus d'avantage pour fournir la matiere de la nutrition.

En recherchant plus particulierement la nature de cette matiere, il paroît qu'on doit la regarder comme homogene, & d'une qualité égale, similaire dans toutes les parties où elle est distribuée & mise en oeuvre pour sa destination ; ensorte qu'elle ne differe dans ses effets, que par la figure, l'organisation même de la partie, à la nutrition de laquelle elle est employée. Cette qualité de la matiere nourriciere, Galien l'appelloit douce ; ce qui ne signifie autre chose dans le sens d'Hippocrate, qu'une qualité tempérée, dans laquelle rien ne domine, rien n'est irritant, & pour ainsi dire, altérant. Cependant il paroît, selon les observations d'un savant physicien chimiste, M. Venel, professeur à Montpellier, que la plus grande partie des alimens, & les meilleurs, renferment dans leur substance nourriciere, une sorte de sel qu'il appelle microcosmique, c'est-à-dire, animal, qui venant à se developper à force d'élaborations dans les différens vaisseaux par où elle est filtrée, sert à aiguiser le suc nourricier parvenu dans les dernieres filieres de ses propres vaisseaux, & à donner de l'activité aux fibres élémentaires de l'organisation : ce qui peut contribuer beaucoup à différens phénomenes de l'économie animale. Voyez SEL, ANIMAL, IRRITABILITE.

Ne pourroit-on pas ajouter en passant, à l'occasion du sel animal dont il vient d'être fait mention comme propre à favoriser la faculté irritable des solides, que ce peut être aussi ce mixte qui, étant trop développé ou trop abondant, excite avec excès cette propriété des solides dans plusieurs maladies inflammatoires, dans les fievres lentes, hectiques, dans les cacochimies chaudes, rhumatismales, arthritiques, cause une crispation dans les vaisseaux nevro-lymphatiques, qui ne permet plus la distribution du suc nourricier, le fait refluer dans la masse du sang où il fournit la matiere plastique, concrescible, qui forme la coëne que l'on voit souvent dans les maladies se former sur la surface du sang qui est tiré par la saignée, où il est si dominant dans la masse des humeurs, qu'il détruit la consistance, la viscosité nécessaire au suc nourricier, qui revient par là trop fluxible & susceptible de se dissiper, en se mêlant à la sérosité excrémenticielle, qui forme la matiere de la transpiration & des urines, ou qui prend son cours quelquefois par la voie des selles, ou qui se répand sur la masse dans quelques cavités sans issue, d'où s'ensuivent la maigreur, le desséchement, qui résultent presque toujours de ces évacuations ou de ces hydropisies colliquatives.

Ne peut-on pas dire encore que, comme la qualité mucilagineuse balsamique des humeurs dans les premiers tems de la vie (d'où par conséquent celle du suc nourricier) favorise l'accroissement, la qualité saline ammoniacale que contractent de plus en plus les humeurs à mesure qu'on avance en âge, établit peu à peu l'espece de cacochimie naturelle qui opere tous les mauvais effets de la vieillesse, pareils à ceux qui produisent la plûpart des maladies dont on vient de parler, dont le principal effet est aussi de procurer, pour ainsi dire, une vieillesse anticipée ?

Quoi qu'il en soit de ces conjectures, qui ne paroissent pas sans utilité, ni déplacées dans cet article, il reste au moins certain que le suc nourricier est de toutes les humeurs du corps humain, celle qui est la plus animale, puisqu'elle est la seule qui puisse se changer en la propre substance de l'animal, par l'analogie qu'elle a acquise avec les élémens qui le composent, par la qualité plastique que lui ont donnée les plus grandes élaborations qui puissent s'operer dans le corps animal, qui la font passer par le dernier degré d'atténuation, de coction possibles dans cette machine vivante, pour la séparer de tout ce qui lui est étranger ; mais de façon qu'à mesure qu'elle acquiert la plus grande fluidité pour pénétrer dans les filieres les plus fines que l'on puisse concevoir, elle devient par sa nature mucilagineuse & par la lenteur de son mouvement de plus en plus disposée à la concrétion.

On a cru que le fluide des nerfs se mêle au suc nourricier, parce que toutes les grandes évacuations qui sont suivies de la maigreur, de l'exténuation, sont aussi accompagnées de beaucoup de foiblesse ; mais 1°. la qualité des fluides dont il s'agit, n'a aucune analogie, est entierement opposée, parce que celui des nerfs ne peut être composé de parties mucilagineuses, mais huileuses, sulphureuses, électriques, & doit avoir par conséquent, par sa nature & par sa destination, le plus grand éloignement à devenir concrescible comme le fluide nourricier. 2°. L'effet qui vient d'être allégué, peut être attribué tout simplement à ce que les évacuations dissipent la matiere du fluide nerveux, comme celle de la nutrition ; d'où suit le relâchement des nerfs, qui ne doivent leur ressort qu'au fluide qu'ils contiennent ; d'où s'ensuit que lorsque ce ressort manque dans le genre nerveux en général, ou à l'égard d'une partie quelconque, le suc nourricier, en conséquence, n'est point préparé & distribué dans les vaisseaux avec les qualités convenables.

Il en est de même lorsque la circulation du sang est interceptée dans une partie, comme par la ligature d'une artere, d'un nerf, ou par la paralysie : ces différentes lésions nuisent considérablement au méchanisme & à l'organisme de la nutrition, par l'action affoiblie, empêchée des solides de cette partie, & le déréglement dans le mouvement d'impulsion des fluides qui doivent y être distribués ; ce qui donne lieu à ce que la nutrition est plus ou moins imparfaite, & que la maigreur, le desséchement, ou la bouffissure, & le relâchement des fibres musculaires succedent dans les parties viciées ; ce qui est plus sensible encore dans les plaies de ces parties, où il ne se forme que de mauvaises chairs fongueuses, blaffardes, qui ne peuvent jamais former une bonne cicatrice.

L'excès dans l'évacuation de la liqueur séminale par l'exercice vénérien, par la répétition trop fréquente des pollutions involontaires, des pollutions nocturnes occasionnées par des rêves & par toute autre cause que ce puisse être, mais sur-tout par la mastupration, est une des causes des plus considérables & des plus communes du défaut de nutrition & de l'épuisement qui s'ensuit ; parce que cette liqueur véritablement analogue au suc nourricier, par sa qualité mucilagineuse, plastique, & par l'élaboration qu'elle éprouve, étant d'ailleurs destinée en grande partie à être repompée dans la masse des humeurs, est un des principaux moyens que la nature employe pour entretenir la sensibilité, l'irritabilité convenables dans toutes les parties solides des mâles ; ce qui contribue le plus à établir la force, la robusticité qui les distinguent entre les deux sexes : effet que l'on peut encore attribuer au sel animal, dont la liqueur séminale doit être imprégnée, tout comme le suc nourricier, eu égard au rapport de ces deux fluides entr'eux. Voyez SEMENCE, IRRITABILITE.

Le spasme, le resserrement des nerfs qui gênent le cours des humeurs dans une partie quelconque, en y empêchant conséquemment la distribution du suc nourricier, nuisent aussi beaucoup à la nutrition, & peuvent causer la maigreur, le desséchement des parties affectées.

L'exercice violent, le travail forcé, la fievre & toute agitation excessive du corps & d'esprit, doivent être aussi rangés parmi les causes qui peuvent le plus contribuer à altérer la qualité du suc nourricier, en détruisant sa qualité concrescible, plastique, en le volatilisant & le disposant à se dissiper sans remplir convenablement sa destination. Par la raison du contraire, le défaut d'exercice, d'action des organes, du mouvement animal, produit un embonpoint excessif, qui dépend cependant beaucoup plus de la réplétion des vaisseaux adipeux & des cellules graisseuses, que d'un excès de nutrition proprement dite, qui ne se fait même jamais parfaitement dans ce cas, & ne produit que des fibres lâches, des chairs molles, par le défaut d'élaboration suffisante du suc nourricier.

Dans les premiers tems de la vie, les fluides prédominent sur les solides qui sont alors très-flexibles, & pour ainsi dire ductiles. Les vaisseaux cedent aisément aux efforts des parties contenues ; ils sont susceptibles d'une dilatation toujours plus considérable ; ils s'étendent & s'allongent de plus en plus, ce qui exige une nutrition plus abondante que n'est alors la déperdition de substance par l'action de la vie, c'est ce qui forme l'accroissement. Voyez ACCROISSEMENT.

Dans un âge avancé, au contraire, les solides qui perdent peu-à-peu presque toute leur flexibilité, qui n'ont plus de ductilité, cedent difficilement à l'effort des fluides, se condensent de plus en plus ; ensorte que les fibres de toutes les parties, bien loin de s'allonger & de s'étendre, ne permettent pas même que la réparation soit proportionnée aux pertes que font continuellement les solides ; elles se raccornissent, les vaisseaux s'obliterent, se raccourcissent, & donnent lieu à un véritable décroissement, qui dépend principalement de ce que la contraction des vaisseaux l'emporte sur la force d'impulsion & de dilatation de la part des fluides. Voyez DECROISSEMENT.

Pour un plus grand détail sur tout ce qui a rapport à la nutrition, voyez principalement la physiologie de M. de Senac, connue sous le titre, Essai de physique sur l'anatomie d'Heister ; le Commentaire de la physiologie de Boerhaave, de l'édition du baron de Haller, & la physiologie même de ce savant auteur, qui n'a point encore paru en entier, mais dont les premiers volumes font désirer les derniers avec le plus grand empressement.

NUTRITION, (Jardinage) se dit des végétaux qui profitent beaucoup ; ce qui contribue le plus à cette nutrition, ce sont les labours & les engrais que l'on donne à la terre.

Les vrais principes de la nutrition des plantes sont les pluies, la rosée, les parties nitreuses de l'air, les sels de la terre fermentés par les feux souterrains, & secondés de l'ardeur du soleil.


NUTRITUM(Pharmac. & Mat. med.) Onguent nutritum : prenez de litharge préparée six onces, d'huile d'olive dix-huit onces, de vinaigre très-fort demi-livre ; arrosez la litharge tantôt avec l'huile, tantôt avec le vinaigre, en agitant continuellement dans le mortier jusqu'à ce que vous ayez employé vos deux liqueurs, & qu'elles se soient unies à la litharge sous forme & en consistance d'onguent.

Le nutritum est fort recommandé dans les maladies de la peau accompagnées de rougeur, de chaleur & de démangeaison, principalement dans les dartres. Ce remede réussit communément lorsque ces incommodités sont légeres, & il calme au moins pour un tems celles qui sont plus rebelles. On redoute dans ce remede la vertu repercussive, qui peut en effet devenir nuisible par accident, c'est-à-dire, si les éruptions cutanées disparoissant brusquement par l'application de cet onguent, causent des accidens qui surviennent souvent à la guérison de ces maladies ; mais le nutritum est communément trop peu efficace pour qu'il puisse passer en général pour un remede suspect. Voyez REPERCUSSIF. (b)


NUX INSANA(Botan. exot.) nom donné par Clusius à un fruit des Indes qui cause des vertiges, ou un délire quelquefois de deux ou trois jours à ceux qui en mangent. Il vient sur un arbre grand comme un cerisier & à feuilles de pêcher. C'est un fruit gros comme nos petites prunes, rond, couvert d'une écorce dure, rude, rougeâtre, renfermant un noyau membraneux, noir, marqué d'une tache blanche, & entouré d'une pulpe noire, semblable à celle de la prune sauvage ; ce noyau contient une amande ferme de couleur cendrée. (D.J.)


NUYou NEUS, (Géog.) ville d'Allemagne dans l'électorat de Cologne. Elle appartenoit à la maison d'Autriche. Le duc de Parme la prit en 1580, & y exerça toutes sortes de barbaries. Elle est sur la petite riviere d'Erfft, à demi-lieue du Rhin, 2. S. O. de Dusseldorp, 6 N. de Cologne. Long. 24. 22. lat. 51. 18.

Schaaf (Charles), un des savans hommes de ce siecle dans les langues orientales, étoit de Nuys. L'université de Leyde l'appella dans son sein, & se l'attacha par ses bienfaits. Il mourut en 1729. Ses principaux ouvrages sont, 1°. opus Aramoeum ; 2°. novum testamentum syriacum, avec une traduction latine ; lexicon syriacum concordantiale. (D.J.)


NYCTAGEou NYCTAZONTES, s. m. (Hist. eccles.) secte de ceux qui déclamoient contre la coutume qu'avoient les premiers chrétiens de veiller la nuit pour chanter les louanges de Dieu, parce que, selon eux, la nuit est faite pour le repos des hommes. Ce mot dérive du grec , nuit.


NYCTALOPIES. f. (Chirurgie) maladie des yeux qui empêche de voir pendant le jour & non pas pendant la nuit, ou indisposition des yeux qui fait que la personne qui en est attaquée, voit mieux la nuit que le jour.

Ce mot vient du grec , nuit, & , renard, parce qu'on dit que cet animal voit moins bien le jour que la nuit. Hippocrate a employé ce mot dans ce sens.

La nyctalopie vient, dit-on, de ce que les esprits sont trop dissipés dans le jour, & qu'ils le sont moins pendant la nuit. Voyez VUE.

La nyctalopie, selon Boerhaave, consiste en ce que l'uvée est sans mouvement, quoiqu'elle soit ouverte.

NYCTALOPIE se dit aussi d'une maladie des yeux toute contraire, qui empêche de voir lorsque le soleil se couche & que sa lumiere commence à diminuer. Voyez AVEUGLEMENT. C'est ce qu'on appelle en latin nocturna caecitas.

En général on appelle de ce nom toute maladie qui empêche de voir à quelque tems particulier de la journée où les autres voient. Il n'y a aucuns signes auxquels on puisse reconnoître ces malades ; on n'en juge que sur la déposition des malades ; ainsi on ne peut rien promettre sur la cure ; il est même difficile de saisir une indication positive, & l'on se retranche sur l'usage des remedes généraux qui sont souvent infructueux.

Dans les Transactions philosophiques, on trouve un exemple d'un jeune homme de vingt ans qui avoit été affecté de nyctalopie des son bas âge, & si jeune même, qu'il n'étoit pas en état de dire quand elle avoit commencé. M. Parliam nous assure que ce jeune homme avoit la vûe très-bonne pendant le jour, mais qu'à la brune il ne voyoit plus du tout, & que la lumiere d'une chandelle ou le secours d'un verre, ne lui servoient de rien : que cependant en examinant ses yeux, il n'avoit pas trouvé qu'il y manquât rien ; qu'il n'avoit point non plus de vertige, ni d'autre maladie de tête à quoi on pût attribuer cette indisposition de sa vûe. Il s'élevoit sur ses yeux, comme nous le rapporte le sieur Parliam, une espece de nuage qui s'épaississoit par degrés comme un brouillard à mesure que le jour baissoit. Sa vûe étoit la même dans les différens aspects de la lune ; la lumiere du feu ou de la chandelle ne lui faisoient point de peine, & l'hiver & l'été étoient pour sa vûe la même chose.

Le docteur Briggs essaye de rendre raison de ce cas, de la maniere qui suit : " comme il s'éleve pendant le jour une grande quantité de vapeurs, qui se condensant par la fraîcheur du soir, retombent & rendent plus épais l'air qui est voisin de la terre ; les humeurs pouvoient être affectées de même dans les yeux de ce jeune homme, & devenir le soir plus grossieres & plus troubles : de même que nous voyons souvent l'urine devenir plus claire ou plus trouble, selon qu'elle est échauffée ou refroidie ; & qu'au moyen de cet épaississement des humeurs, les rayons éprouvant une réflexion ou une réfraction excessive, ne parviennent pas jusqu'à la rétine, ou ne l'affectent que foiblement ".


NYCTELIESou NYCTILÉES, (Hist. anc.) orgies ou fêtes de Bacchus qu'on célébroit pendant la nuit : ce mot est grec & composé de , nuit, & de , former, accomplir. C'étoit un de ces mysteres ténébreux où l'on s'abandonnoit à toutes sortes de débauches. La cérémonie apparente consistoit dans une marche ou course tumultueuse que faisoient dans les rues ceux qui célébroient cette fête, portant des flambeaux, des bouteilles, & des verres, & faisant à Bacchus d'amples libations. On renouvelloit ces cérémonies à Athènes tous les trois ans au commencement du printems. On célébroit aussi des fêtes de même nom en l'honneur de Cybele. Voyez BACCHANALES.


NYCTEMERONS. m. (Astron.) c'est le nom que les Grecs donnoient au jour naturel, ou au tems de la révolution diurne & apparente du soleil autour de la terre. Voyez JOUR.

Ce mot est formé des deux mots grecs nuit, & , jour ; parce que le tems d'une révolution entiere du soleil autour de la terre, renferme la nuit & le jour. (O)


NYCTILEIUS(Mythol.) , surnom de Bacchus, pris des nyctilées qu'on célébroit en son honneur. (D.J.)


NYCTOSTRATEGE(Antiq. grecq. & rom.) , en latin nyctostrategus, officier principal chez les anciens, préposé pour prévenir les incendies pendant la nuit, ou pour les éteindre ; à Rome ils avoient par cette raison le commandement de la garde ; & en conséquence de leur charge & de leur nombre on les appella triumvirs de nuit, nocturni triumviri. (D.J.)


NYECARLEBY(Géog.) petite ville de Suede dans la Finlande, sur la côte orientale du golfe de Bothnie, au midi de Jacobstat, & à l'embouchure d'une petite riviere.


NYLAND(Géog.) province de Suede, sur le golfe de Finlande, où elle s'étend l'espace de 40 lieues marines du levant au couchant. Elle est bornée au nord par la Tartarie, à l'orient par la riviere de Kymen qui la separe de la Carélie finoise ; au midi par le golfe de Finlande, & à l'occident par la Finlande méridionale. Borgo, Rasebourg, & Helsingfors, sont les principaux lieux de cette province.


NYMBOURG(Géog.) ville forte de Bohème, sur l'Elbe, entre Prague & Breslaw. Les troupes saxonnes la prirent d'assaut en 1634, & passerent au fil de l'épée une partie de ses habitans. Long. 33. 1. lat. 50. 8. (D.J.)


NYMPHAGOGE(Antiq. grecq. & rom.) , en latin nymphagogus ; on appelloit nymphagoges chez les anciens, ceux qui étoient chargés de conduire la nouvelle fiancée de la maison paternelle à celle de son nouvel époux. (D.J.)


NYMPHARENA(Hist. nat.) nom donné par Pline à une pierre qui se trouvoit en Perse, & qui ressembloit aux dents de l'hippopotame. Peut-être étoit-ce quelque ossement de poisson, que l'on trouve quelquefois dans le sein de la terre.


NYMPHARUMNYMPHARUM


NYMPHATÈS(Géog. anc.) Pline écrit Nyphatès, montagne de la grande Arménie, où, selon Strabon, le Tigre prenoit sa source. (D.J.) Voyez NIPHATES.


NYMPHES. f. (Mythol.) ce mot signifie en latin une nouvelle mariée ; mais c'est toute autre chose dans la Mythologie : les Poëtes l'ont donné à des divinités subalternes, dont ils ont peuplé l'univers. Il y en avoit qu'on appelloit uranies ou célestes, qui gouvernoient la sphere du ciel ; d'autres terrestres ou épygies : celles-ci étoient subdivisées en nymphes des eaux, & nymphes de la terre.

Les nymphes des eaux étoient encore divisées en plusieurs classes ; les nymphes marines appellées océanides, néréides, & mélies. Les nymphes des fontaines, ou naïades, crénées, pégées : les nymphes des fleuves & des rivieres, ou les potamides : les nymphes des lacs, étangs, ou lymnades.

Les nymphes de la terre étoient aussi de plusieurs classes ; les nymphes des montagnes qu'on appelloit oréades, orestiades ou orodemniades : les nymphes des vallées, des bocages, ou les napées : les nymphes des prés ou limoniades : les nymphes des forêts, ou les dryades, & hamadryades. Tous ces noms marquoient le lieu de leur habitation.

Elles ont encore eu plusieurs autres noms : comme ionides, isménides, lysiades, thémistiades, & cent autres qu'elles tiroient du lieu de leur naissance, ou plutôt des lieux où elles étoient adorées, comme Pausanias & Strabon les interpretent.

On n'accordoit pas tout-à-fait l'immortalité aux nymphes ; mais Hésiode les fait vivre quelques milliers d'années. On leur offroit en sacrifice du lait, de l'huile, & du miel, & on leur immoloit quelquefois des chevres.

Il n'est pas aisé de découvrir l'origine de l'existence des nymphes, & des fables qu'on a débitées sur leur compte. Cette idée des nymphes est peut-être venue de l'opinion où l'on étoit anciennement, que les ames des morts erroient auprès des tombeaux, ou dans les jardins & les bois délicieux qu'elles avoient fréquentés pendant leur vie. On avoit même pour ces lieux un respect religieux ; on y invoquoit les ombres de ceux qu'on croyoit y habiter ; on tâchoit de se les rendre favorables par des voeux & des sacrifices, afin de les engager à veiller sur les troupeaux & sur les maisons. Meursius remarque que le mot grec nymphé, n'est autre que le mot phénicien néphas, qui veut dire ame ; & il ajoute que cette opinion, ainsi que plusieurs autres de ce tems-là, tiroient leur origine des Phéniciens.

Cette conjecture sur l'origine des nymphes peut encore être appuyée par l'idée que l'on avoit que les astres étoient animés ; ce qu'on étendit ensuite jusqu'aux fleuves, aux fontaines, aux montagnes & aux vallées, auxquelles on assigna des dieux tutélaires.

Dans la suite on a pris pour des nymphes des dames illustres par quelques avantures ; c'est pour cela sans doute qu'Homere appelle nymphes, Phaëtuse & Lampetie, qui gardoient en Sicile les troupeaux du soleil.

On a même été jusqu'à honorer de simples bergeres du nom de nymphe, & tous les poëtes anciens & modernes ont embelli leurs poésies de cette nouvelle idée. Mais comme Diodore rapporte que les femmes des Atlantides étoient communément appellées nymphes, il semble que c'est dans ce pays-là, que prit naissance l'opinion de l'existence de ces déesses ; parce qu'on disoit que c'étoit dans les jardins délicieux de la Mauritanie tingitane, auprès du mont Atlas, qu'habitoient après leur mort les ames des héros.

Quant aux métamorphoses de tant de personnes changées en nymphes, en naïades, en oréades, en néréïdes, en dryades, en hamadryades, &c. on peut penser que lorsque quelques dames illustres étoient enlevées à la chasse, qu'elles périssoient dans la mer, dans les bois ; la ressource ordinaire étoit de dire que Diane ou quelqu'autre divinité les avoit changées en nymphes. Tel étoit la prétendue Egérie, cette célebre nymphe que Numa Pompilius alloit souvent consulter dans la forêt d'Aricie. Après la mort de ce prince, les Romains ne trouvant plus cette nymphe merveilleuse, mais seulement une fontaine, ils imaginerent la métamorphose de la nymphe en fontaine.

Nous ne dirons rien ici de la belle description que fait Homere de l'antre des nymphes, ni de ces vers où Horace nous représente Bacchus instruisant ces déesses : vidi Bacchum docentem nymphas. On ne seroit sûrement pas content des allégories que quelques auteurs y ont trouvées, & encore moins des obscénités qu'un philosophe stoïcien, homme grave & sérieux, a débitées sur ce sujet dans son héxaméron rustique.

Mais nous pouvons bien dire un mot de la fureur qu'éprouvoient ceux qui par hasard avoient vû quelque nymphe dans le bain. Ovide lui-même craignoit cet événement, comme il nous l'apprend au IV. liv. des Fastes, quand il dit,

Nec Dryadas, nec nos videamus labra Dianae,

Nec faunum medio cùm premit aura die.

" Jamais ne puissions-nous appercevoir Diane,

Ni les nymphes des bois, ni les faunes cornus,

Lorsqu'au milieu du jour ils battent la campagne ".

C'est à quoi Properce, liv. III. élég. xij. fait allusion, lorsque décrivant la félicité des premiers siecles il dit :

Nec fuerat nudas paena videre deas.

" Alors pour avoir vû quelques déesses nues,

On n'étoit point puni si rigoureusement ".

Ceux qui étoient épris de cette fureur des nymphes, s'appelloient en grec , en latin lymphatici. Les eaux, dit Festus, s'appellent lymphes, du nom de nymphes ; car on croyoit autrefois que tous ceux qui avoient seulement vû l'image d'une nymphe dans une fontaine, étoient épris de fureur le reste de leur vie. Les Grecs les nommoient nympholepti, & les latins lymphatici.

Plutarque dans la vie d'Aristide, dit : " la caverne des nymphes sphragitides est située à l'une des croupes du mont Cythéron ; il y avoit anciennement un oracle, de l'esprit duquel plusieurs devenoient insensés ; ce qui les fit nommer nympholepti ". (D.J.)

NYMPHE, (Littérat.) ce mot se prend quelquefois dans les auteurs grecs & latins pour une femme simplement. C'est ainsi que l'emploie Homere, Iliad. p. v. 130. Callimaque, hymn. in Del. v. 215. Hymn. in Apoll. v. 90. &c. Ovide applique ce mot aux femmes des Grecs, lorsqu'il dit :

Grata ferunt nymphae pro salvis dona maritis.

C'est une chose assez commune dans les auteurs, d'appeller nymphes, les épousées & les nouvelles mariées. Elles portent le nom de nymphes, dit Phornutus, parce qu'alors elles paroissent en public pour la premiere fois, ayant été auparavant cachées, pour ainsi dire, dans leurs maisons. (D.J.)


NYMPHÉES. m. nymphaeum, (Architect. antiq.) Les Grecs & les Romains appelloient ainsi certains bâtimens rustiques qui renfermoient des grottes, des bains, des fontaines, & d'autres édifices de cette nature, tels qu'on imaginoit qu'étoient les demeures des nymphes.

On voit un édifice de ce genre entre Naples & le mont Vésuve ; il est construit de marbre & de forme quarrée ; on y entre par une seule porte, d'où l'on descend dans une grande grotte qu'arrose une fontaine. Le pavé est de marbre de diverses couleurs, & les murailles sont revêtues de coquillages, & tout le tour est orné de diverses statues de nymphes & de figures grotesques.

Il y avoit à Rome & à Constantinople de magnifiques nymphées, dont il ne reste aucun vestige.

On appelloit encore nymphées certaines maisons publiques où ceux qui n'avoient point de logemens commodes venoient faire des festins de noces. On nommoit ces bâtimens nymphaea ou lymphaea, à cause de leurs jardins de plaisance, qui étoient embellis de grottes, de coquillages & de jets d'eau. (D.J.)


NYMPHÉE(Géog. anc.) en latin Nymphaea & Nymphaeum. Ptolémée parle d'une île Nymphaea dans la mer Méditerranée, au voisinage de l'île de Sardaigne. Pline fait mention d'une autre île Nymphaea dans la Mer Ionienne, aux environs de Samos.

Nymphaeum étoit une ville de Pont qui appartenoit aux Athéniens, & qui leur payoit chaque année un talent pour tribut.

Il y avoit une autre ville de même nom dans la Chersonese taurique. Enfin Nymphaeum étoit un lieu sur la mer Ionienne, auprès du fleuve Aous, dans le territoire d'Apollonie. Cet endroit est célebre dans les écrits des anciens, par un oracle & un feu merveilleux qui sortoient, disent-ils, du fond d'une vallée & d'une prairie verdoyante. Tite-Live, Plutarque, & Dion Cassius en parlent sur le même ton. (D.J.)


NYMPHESS. f. pl. (Anatom.) Ces deux especes de crêtes d'un rouge vermeil dans les jeunes filles, une de chaque côté, qui descendent en grossissant jusque vers le milieu de la vulve, s'appellent nymphes, parce qu'on a cru qu'elles dirigeoient le cours de l'urine. Elles ne sont ni de même longueur dans tous les sujets, ni toujours de même grosseur l'une que l'autre ; & elles s'allongent tellement dans quelques femmes, particulierement de certains pays, qu'on est obligé de les couper.

Les nymphes, en latin nymphae, sont deux plis prominens de la peau intérieure de la grande aîle extérieure, étendus depuis le prépuce du clitoris jusqu'au grand orifice de la matrice, de l'un & de l'autre côté. Ces plis sont d'abord fort étroits ; ils prennent de la largeur à mesure qu'ils descendent, & ils vont ensuite en se retrécissant vers leur extrêmité inférieure.

Ils sont d'une substance spongieuse, composée de membrane délicate, de vaisseaux très-deliés & parsemés de petites glandes sebacées, dont plusieurs sont sensibles à la vûe. Cette disposition intérieure les rend capables de se gonfler à proportion du clitoris, lorsque le sang & les esprits leur sont portés en abondance.

La situation des nymphes est oblique ; leurs extrêmités supérieures sont fort approchées : la distance qui est entre leurs extrêmités inférieures est plus grande ; elles sont pourvues de quantité de mamelons qui les rendent fort sensibles ; elles reçoivent des arteres & des veines des vaisseaux honteux, & leurs nerfs viennent des intercostaux.

Les filles ont ces parties si fermes & si solides, que l'urine sort de l'urethre entre leurs parois avec une espece de sifflement ; mais elles sont plus ou moins flasques & flétries dans les femmes mariées, à proportion des enfans qu'elles ont eu & de leur âge.

Les nymphes sont quelquefois si larges ou si allongées, qu'elles prominent hors des levres des parties naturelles, & qu'elles incommodent en marchant, en s'asseyant, & même dans les plaisirs de l'amour : quand ce cas existe, on est obligé de les couper. Mauriceau dit avoir fait à Paris le retranchement des deux nymphes à une femme qui l'en pria très-instamment, tant parce qu'étant obligée, à ce qu'elle lui dit, d'aller souvent à cheval, l'allongement de ses nymphes, qu'elle avoit très-grandes, lui causoit par le froissement une douloureuse cuisson, que parce que cette difformité lui déplaisoit fort, aussi bien qu'à son mari.

Pour faire cette opération, on étend la personne sur le dos, on lui écarte les cuisses & les levres des parties naturelles : ensuite le chirurgien prend avec sa main gauche l'une ou l'autre des nymphes, & en coupe, avec une paire de ciseaux qu'il tient de la droite, autant qu'il est nécessaire. Il a soin de se pourvoir de styptiques pour arrêter l'hémorrhagie, & des autres remedes dont il pourroit avoir besoin si la malade tomboit en défaillance. Il panse ensuite la blessure avec quelques baumes vulnéraires, & il parvient facilement à la guérir d'après cette méthode. On trouve dans Sollingen, observat. 80. un cas dans lequel la mortification des nymphes en rendit l'amputation nécessaire.

L'excision des nymphes a été pratiquée chez les Egyptiens, & dans quelques endroits de l'Arabie & de Perse. Strabon dit que les femmes égyptiennes recevoient la circoncision. Bélon nous apprend, dans ses observations, livre III. chap. xxviij. que cet usage, qui subsistoit encore de son tems, étoit simplement fondé sur des raisons naturelles qui même n'ont pas lieu dans toutes les femmes de ce pays-là.

Cette incommodité est assez commune en Afrique, & il y a des hommes si l'on en croit Léon l'africain, qui n'ont d'autre métier que de savoir retrancher aux femmes les nymphes trop allongées ; ils crient à haute voix dans les rues : Qui est celle qui veut être coupée, &c. (D.J.)


NYMPHIUS(Géog. anc.) ou Nymphaeus, fleuve de Mésopotamie, qui, selon Suidas, se jette dans le Tigre. Procope dit qu'il servoit de borne entre les Perses & les Romaei. (D.J.)


NYMPHOIDEnymphoides, s. f. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur monopétale ordinairement en forme de rosette & profondément découpée. Le pistil sort du calice ; il perce la partie inférieure de la fleur, & devient dans la suite un fruit ou une gaîne oblongue, applatie & molle, qui n'a qu'une seule capsule, & qui renferme des semences enveloppées chacune d'une coëffe, Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


NYMPHOMANIou FUREUR UTERINE, (Med.) maladie ou symptome qui accompagne les passions amoureuses, les pâles couleurs, les obstructions de la matrice & enfin la sécheresse, l'acrimonie & la salacité dans les humeurs de cette partie. Voyez FUREUR UTERINE.


NYMPHOTOMIES. f. terme de Chirurgie, signifie l'amputation d'une partie des nymphes ou du clitoris, que quelques-uns appellent aussi nymphes, lorsque ces parties forment un volume si considérable qu'elles empêcheroient la consommation du mariage, ou la rendroient extrêmement difficile. Voyez NYMPHES.

Galien observe qu'on étoit souvent obligé de faire la nymphotomie sur les femmes égyptiennes ; mais dans notre Europe il est rare que cette opération soit nécessaire.

Si cependant il arrive qu'elle le soit, les casuistes décident que la femme est obligée de s'y soumettre.

La nymphotomie est, à proprement parler, la circoncision des femmes. Voyez CIRCONCISION.

L'allongement des nymphes est si ordinaire dans l'empire des Abyssins, qu'il a fallu y établit la circoncision pour les femmes.

Les nymphes & les levres deviennent quelquefois si longues, qu'on ne sauroit approcher certaines femmes. Au rapport de Léon l'afriquain, il y a des hommes qui n'ont d'autre métier que de savoir retrancher ce que la nature a trop allongé dans ces parties.

Le célebre Mauriceau, chirurgien de Paris, a fait avec succès cette opération. Une femme de condition, obligée de monter souvent à cheval, sentoit alors des cuissons insupportables & de la douleur par le froissement des nymphes, qu'elle avoit très-longues. Elle se détermina à se les faire amputer par cette raison, & aussi parce que la longueur démesurée de ces parties déplaisoit beaucoup à son mari. Il faut prendre des précautions pour arrêter le sang avec soin : car Mauriceau dit que plusieurs heures après l'opération il a vu survenir une hémorrhagie assez considérable, qui mit la malade en danger. On préviendra cet accident en lavant la plaie avec de l'eau alumineuse, & par l'application de l'agaric, de la charpie seche, de compresses graduées soutenues par un bandage qui fasse une compression suffisante. Voyez HEMORRHAGIE, LIGATURE, STYPTIQUES. Il y a apparence que les historiens qui disent que dans certains pays on châtroit les femmes, n'ont entendu parler que de la nymphotomie, & non de l'extirpation des ovaires qu'on pratique sur les truies pour les rendre stériles. Voyez, sur la castration des femmes, la généanthropie de Sinibaldus. (Y)


NYN(Géog.) riviere d'Angleterre ; elle a sa source dans le Northamptonshire, & va se décharger dans le Boston-deep. J'en ai déja parlé à l'article NEYN, car ce mot s'écrit Neyn, Nyn, Néane, &c.


NYON(Géog.) petite ville de Suisse au canton de Berne, chef-lieu du petit baillage de même nom, près du lac de Geneve, & à quatre lieues de cette ville.

Nyon est fort ancienne, comme le prouvent des inscriptions romaines, qui marquent qu'il y a eu des romains établis dans son territoire. Pline la nomme colonia equestris, parce qu'elle avoit été peuplée de cavaliers vétérans. Elle est appellée simplement equestris dans l'itinéraire d'Antonin. Elle est située pour la plus grande partie sur une colline qui s'éleve au bord du lac de Genève, & en partie dans la plaine qui s'étend le long du lac au pié de la colline. Elle a bien de la peine à se relever de l'incendie qui la réduisit en cendres l'an 1399. Longit. 23. 44. latit. 46. 25.


NYSou NYSSA, (Géog. anc.) Je dis Nysa ou Nyssa, car ces deux mots se prennent indifféremment l'un pour l'autre par les anciens géographes, pour désigner la même ville. On en trouve plusieurs qui portent ce nom de Nysa ou Nyssa ; savoir,

1°. Nysa, ville de l'Arabie heureuse, aux confins de l'Egypte, selon Diodore de Sicile, qui dit que Jupiter y porta le petit Bacchus son fils, afin qu'il y fût nourri par les nymphes : & c'est de-là qu'il fut appellé Dionysius, nom formé de celui de Jupiter son pere, & de celui de la ville Nysa.

2°. Nysa ou Nyssa, ville de la Cappadoce, nommée en françois Nysse, Voyez NYSSE.

3°. Nysa, ville de l'Inde, entre les fleuves Cophènes & Indus. On prétend qu'elle fut bâtie par Bacchus, qui lui donna son nom. Elle étoit commandée par une montagne nommée Merus, mot qui en grec signifie une cuisse. On voit assez que ce nom fait allusion à la seconde naissance de Bacchus, sorti de la cuisse de Jupiter.

4°. Nysa, ville de la Lydie, selon Strabon, ou de la Carie, selon Ptolémée. Wheeler dit avoir vu une médaille de Nysa, frappée du tems de l'empereur Maximin, dont elle porte la tête & le nom ; sur le revers il y a une fortune qui tient en sa main une corne d'abondance, & un gouvernail en l'autre, avec ces lettres, , c'est-à-dire que cette médaille de la ville de Nysa a été frappée sous le gouverneur Aurelius Primus Ruphinus.

5°. Etienne le géographe parle d'une Nisa, ville de Béotie ; d'une autre Nysa, ville de la Thrace ; d'une troisieme Nysa, ville de l'île de Naxie ; d'une quatrieme, ville de l'Eubée ; & d'une cinquieme, ville de la Libye. (D.J.)


NYSLOT(Géog.) forteresse de l'empire Russien dans la Livonie, sur la rive occidentale de la Narva, à 8 lieues S. O. de Narva. Longit. 46. 30. latit. 58. 46.


NYSSA(Botan.) nom d'une plante décrite par Gronovius, & dont Linnaeus a fait un genre distinct d'après les caracteres suivans. Ses fleurs sont mâles & femelles ; dans la fleur mâle le calice est à cinq feuilles étendues : la fleur est monopétale, partagée en cinq segmens de la forme & de la grandeur de ceux du calice : les étamines sont six filamens pointus plus longs que la fleur ; les bossettes des étamines sont doubles. Dans la fleur femelle le calice est semblable que dans la mâle, mais il reste avec le fruit : la fleur est aussi la même. Le pistil a sous le calice un germe oval, le stile est délié, plus long que la fleur : le stygma est oblong, applati & penché. Le fruit est un noyau ovoïde à une seule loge, qui renferme une noix pointue aux deux bouts, & sillonnée dans les bords des raies longitudinales. (D.J.)


NYSSE(Géog. anc.) en latin Nyssa, ville de la Cappadoce, que l'itinéraire d'Antonin place sur la route d'Ancyre à Césarée, entre Parnassus & Osiana. Elle est fameuse par S. Grégoire de Nysse, que son frere S. Basile y établit évêque en 371. Ses ouvrages, dont le P. Fronton a donné une édition en 1605, sont écrits dans un style affecté & plein d'allégories & de raisonnemens abstraits, souvent inintelligibles. (D.J.)