A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

    
RS. f. (Gram.) C'est la dix-huitieme lettre & la quatorzieme consonne de notre alphabet. Nous l'appellons erre, nom feminin en effet ; mais le nom qui lui conviendroit pour la justesse de l'épellation est re, s. m. C'est le des Grecs, & le des Hébreux.

Cette lettre représente une articulation linguale & liquide, qui est l'effet d'un trémoussement fort vif de la langue dans toute sa longueur. Je dis dans toute sa longueur, & cela se vérifie par la maniere dont prononcent certaines gens qui ont le filet de la langue beaucoup trop court ; on entend une explosion gutturale, c'est-à-dire qui s'opere vers la racine de la langue, parce que le mouvement n'en devient sensible que vers cette région. Les enfans au contraire, pour qui, faute d'habitude, il est très-difficile d'opérer assez promtement ces vibrations longitudinales de la langue, en élevent d'abord la pointe vers les dents supérieures & ne vont pas plus loin ; delà l'articulation l au lieu de r, & ils disent mon pèle, ma mèle, mes flèles, paller pour parler, coulil pour courir, &c.

Les trois articulations l, r, n, sont commuables entr'elles, comme je l'ai montré ailleurs. (Voyez L.) Les articulations s & r sont aussi commuables entr'elles, parce que pour commencer r la langue se dispose comme pour le sifflement s ; elle n'a qu'à garder cette situation pour le produire. Delà vient, comme le remarque l'Auteur de la Méthode de P. R. (Traité des lettres, ch. xj.) que tant de noms latins se trouvent en er & en is, comme vomer & vomis, ciner & cinis, pulver & pulvis ; & des adjectifs, saluber & salubris, volucer & volucris : que d'autres sont en or & en os ; labor & labos, honor & honos. Le sçavant Vossius (de art. gramm. I. 15.) fait cette remarque : Attici pro aïunt : & veteres latini dixere, Valesii, Fusii, Papisii, Auselii ; quae posteriores per R maluerunt, Valerii, Furii, Papirii, Aurelii.

La lettre r est souvent muette dans la prononciation ordinaire de notre langue : 1°. à la fin des infinitifs en er & en ir, même quand ils sont suivis d'une voyelle, & l'on dit aimer à boire, venir à ses fins, comme s'il y avoit aimé à boire, veni à ses fins ; on prononce r dans la lecture & dans le discours soutenu. 2°. R ne se prononce pas à la fin des noms polysyllabes en ier, que l'on prononce pour ié, comme officier, sommelier, teinturier, menuisier, &c. c'est la même chose des adjectifs polysyllabes en ier, comme entier, particulier, singulier, &c. 3°. R est encore une lettre muette à la fin des noms polysyllabes en er, comme danger, berger, &c. M. l'abbé Girard (tom. ij. pag. 397.) excepte ceux où la terminaison er est immédiatement précédée de f, m ou v, comme enfer, amer, hyver.

L'usage est sur cela le principal maître qu'il faut consulter ; & c'est l'usage actuel : celui dont les décisions sont consignées dans les grammaires écrites, cesse quelquefois assez tôt d'être celui qu'il faut suivre.

La lettre R étoit chez les anciens une lettre numérale valant 80 ; & si elle étoit surmontée d'un trait horisontal, elle valoit 1000 fois 80 ; = 80000.

Dans la numération des Grecs le surmonté d'un petit trait marquoit 100 ; si le trait étoit au-dessous il valoit 1000 fois 100, & = 100000.

Dans la numération hébraïque le vaut 200 ; & s'il est surmonté de deux points disposés horisontalement, il vaut 1000 fois 200, ainsi = 200000.

Nos monnoies qui portent la lettre R, ont été frappées à Orléans. B. E. R. M.


Rcommerce, sert pour les abréviations suivantes, Rs. remises. R, reçu : Ro. recto ; RX. ou RE. richedale ou rixdale. Diction. de Com. (G)


RMédecine, est l'abregé de recipe, prenez.

RRr, (Ecriture) quant à la figure italienne, c'est la seconde partie d'i & le premier courbe d'm, dans l'r coulé & rond, c'est un accent circonflexe & la premiere moitié d'o ; ils se forment tous trois en trois tems, du mouvement mixte des doigts & du poignet. Voyez le volume des Planches.


RAABautrement JAVARIN, (Géog. mod.) ville de la basse-Hongrie, capitale du comté du même nom, au confluent du Raab & du Rabnitz qui se rendent peu après dans le Danube. C'est une place fortifiée & dont les rues ne sont point pavées. L'évêché est suffragant de Gran. Les Turcs prirent Raab sous le sultan Amurat III, mais les comtes de Schwartzenbourg & de Palfi leur reprirent cette ville en 1664. Long. 35. 40. lat. 47. 46. (D.J.)


RAAGDAERS. m. (Commerce) officier en Perse qui reçoit les droits de raagdarie. V. RAAGDARIE.

Ce sont des especes de voyers qui sont partagés par cantons, & chacun d'eux ne répond que des lieux dont il s'est chargé. En conséquence des droits qu'on leur paye, ils sont obligés de veiller à l'entretenement & à la sûreté des grands chemins & de restituer aux propriétaires la valeur des marchandises ou autres effets qu'on leur a volé, lorsqu'ils ne peuvent pas les recouvrer ; mais s'ils les recouvrent, ils en retiennent le tiers pour leur peine. Ils ont sous eux plusieurs escouades de soldats pour la sûreté des voyageurs & des marchands ; mais cet ordre si admirable en apparence est souvent mal exécuté, & les gardes des grands chemins en sont quelquefois eux-mêmes les plus déterminés voleurs. Diction. de Trév. & Chamb. (G)


RAAGDARIES. f. (Commerce) On nomme ainsi en Perse un droit qu'on exige sur toutes les marchandises pour la sûreté des grands chemins, sur-tout dans les lieux dangereux & où l'on rencontre fréquemment des voleurs. Id. ibid. (G)


RAARSA(Géog. mod.) petite île de la mer d'Ecosse, une des Westernes, au nord & près de l'île de Skie ; elle a 7 milles de long & 2 de large.


RABAISS. m. (Jurisprud.) signifie diminution & est opposé à encheres. On appelle adjudication au rabais celle où les offres se font non pas par encheres mais au rabais ; par exemple l'un a offert de faire ce dont il s'agit pour 20000 l. un autre offre de le faire pour 18000 l. un troisieme pour 15000 l. l'adjudication se fait à celui qui offre de faire la chose à meilleur compte ; c'est ce que l'on appelle adjudication au rabais. Ces sortes d'adjudications sont usitées pour les étapes, fourrages, munitions & fournitures des troupes du roi, pour l'entreprise des travaux publics, & dans certains pays, pour l'entretien des mineurs dont on fait un bail au rabais. Voyez ADJUDICATION, BAIL, BATIMENT, ETAPE, DEVIS, MARCHE, FOURNITURES, MUNITIONS, VIVRES, TUTELE.

RABAIS, (Commerce) diminution de valeur ou de quantité. Il se dit des monnoies, des marchandises, & quelquefois des grains & des liqueurs ; mais on dit plus ordinairement déchet quand il s'agit de diminution de quantité. Voyez DECHET.

Rabais se dit aussi quand on retire moins qu'on ne l'esperoit d'un fond ou d'une entreprise de commerce. Ce vaisseau devoit me rapporter 30000 livres ; mais il y a bien du rabais, par les avaries & autres frais. Voyez AVARIE.

Rabais se prend encore pour la remise dont on convient pour payer une somme avant l'échéance du payement. Voulez-vous me faire un tel rabais, je vous payerai comptant. Quelques-uns disent rabat, mais plus improprement que rabais ; le véritable terme est escompte. Voyez ESCOMPTE. Diction. de com. (G)


RABAISSERABAISSE


RABAISSERv. a. (Gram.) c'est mettre au-dessous de la valeur réelle ou prétendue. On rabaisse un homme pour s'élever soi-même ; l'occupation de l'envie est de rabaisser ; on se rabaisse quelquefois par politique.

RABAISSER, v. n. (Commerce) c'est diminuer de prix. Les blés sont bien rabaissés.

RABAISSER, v. a. (Gram.) c'est ôter du prix, de la quantité, de la qualité, ou de la hauteur. Il se dit au simple & au figuré : il faut rabaisser ce mur, ce toît, cet étage. Je rabaisserai un peu de cet orgueil, de cette hauteur qui le rend insupportable aux autres.

RABAISSER, (Jardinage) c'est diminuer de quelques piés une palissade trop haute ; c'est aussi ôter un étage de branches à un arbre, ce qui le rabaisse beaucoup.

RABAISSER, SE RABAISSER, se dit en terme de Manege, du cheval qui n'a pas assez de force pour continuer ses courbettes aussi élevées qu'il les a commencées. Voyez COURBETTE.

RABAISSER LE CARTON, (Relieure) c'est couper avec une pointe d'acier le carton qui fait la partie la plus solide de la couverture d'un livre, & le rendre de tous côtés égal à la tranche, ensorte néanmoins qu'il l'excede de quelques lignes. (D.J.)


RABANERv. a. (Marine) c'est passer des rabans dans quelque chose : ainsi rabaner une voile, c'est y passer des rabans afin de l'amarrer à la vergue. Voyez RABANS. (Q)


RABANou COMMANDES, (Marine) petites cordes faites de vieux cables dont on se sert pour garnir les voiles afin de les ferler, & à plusieurs autres amarrages, comme aussi à renfoncer les manoeuvres. Les garçons de vaisseaux sont obligés d'en porter toujours à leur ceinture sous peine de châtiment.

Rabans d'avuste, ce sont des cordages faits à la main de quatre ou six fils de carret.

Rabans de pavillon, rabans qui sont passés dans la gaîne du pavillon, pour les amarrer au bâton du pavillon.

Rabans de points, ce sont de longues & menues cordes qui servent à passer autour des voiles & des vergues pour les lier ensemble.

Rabans de sabords, rabans qui servent à fermer & à ouvrir les sabords.

Rabans de voile, rabans qui servent à amarrer les voiles aux vergues. (Q)


RABASTENS(Géog. mod.) en latin du moyen âge castrum Rabastense, ville de France dans le haut Languedoc, au diocèse & à six lieues d'Alby, sur le Tarn. C'est un siége de la judicature de l'Albigeois, qui a une collégiale ; il y avoit autrefois un prieuré de l'ordre de Cluni, qui a été uni au college des Jésuites de Toulouse. Long. 19. 22. lat. 43. 48.

Antesignan (Pierre) l'un des plus laborieux grammairiens du xvj. siecle, étoit de Rabastens. Sa grammaire de la langue grecque a été imprimée plusieurs fois ; mais sa grammaire universelle n'a point eu de succès, parce qu'elle est sans ordre & sans principes. (D.J.)


RABATS. m. (Gram.) partie du vêtement des ecclésiastiques, & de la plûpart des gens de robe, des marguilliers, des officiers de communautés, &c. c'est un morceau de toile qui fait le tour du cou, monté sur un porte-rabat, qui couvre le porte-rabat, & qui descend divisé en deux portions oblongues & ourlées, plus ou moins bas sur la poitrine. Autrefois, il bordoit le collet du pourpoint ; tous les hommes portoient le rabat ; il y en avoit à dentelle, à point, d'uni, de plissé, d'empesé. Aujourd'hui il n'est plus d'usage que dans l'église, au palais, & dans les fonctions de quelques dignités ; les ecclésiastiques l'ont court ; les gens de robe & autres, long. Il a été appellé rabat, parce qu'autrefois ce n'étoit que le col de la chemise rabattu en-dehors sur le vêtement. Lorsque le rabat n'a point de barbes ou d'aîles pendantes, mais que ce n'est qu'une simple bande de toile ourlée & attachée sur le porte-collet, on l'appelle collet ; c'est de cette bande de toile qu'on a appellé nos jeunes ecclésiastiques, des petits collets.

RABAT, (Géog. mod.) ville d'Afrique, dans la province de Trémecen, au royaume de Fez, entre la ville de Fez & celle de Tanger, à l'embouchure de la riviere de Burregreg, du côté du couchant, bâtie par Jacob Almanzor. Du vivant de ce prince, elle étoit très-brillante ; on y voyoit plusieurs mosquées, & quelques palais ; à peine y a-t-il aujourd'hui 400 feux ; son château n'est bon que pour un coup de main ; le port est à demi-lieue de la ville, en remontant le fleuve. Long. 11. 28. latit. 33. 42. (D.J.)

RABAT, terme de Commerce, fort usité à Amsterdam : c'est un escompte ou diminution que l'on fait sur le prix de certaines marchandises, lorsque l'acheteur avance le payement de la somme dont il étoit convenu avec le vendeur. Voyez ESCOMPTE.

Le rabat s'estime par mois, & s'accorde seulement pour certaines sortes de marchandises, qui, suivant l'usage d'Amsterdam sont,

C'est-à-dire, que ces marchandises se vendent à payer comptant, en déduisant ou rabattant l'intérêt de l'argent qu'on ne devroit payer qu'au bout de quinze, de dix-huit, de vingt-un, ou de trente-trois mois.

Cet intérêt qu'on appelle rabat, est pour l'ordinaire reglé à huit pour cent par an, qui sont incorporés dans le prix de la marchandise par le vendeur, lequel pouvant donner sa marchandise pour cent florins argent comptant, la vend cent-huit florins, s'il la vend à un an de terme.

Les Marchands n'étant pas toujours en état de payer comptant les marchandises qu'ils achetent, ont imaginé le rabat, tant pour donner le moyen à ceux qui le font de payer comptant, que pour engager les autres à se libérer le plus tôt qu'ils peuvent, en vûe de cet escompte. Dictionnaire de Commerce, Trévoux & Chambers.

RABAT, (Outil de Charron) cet outil est une petite planche quarrée de la grandeur de trois à quatre pouces, qui est percée au milieu d'un trou quarré dans lequel passe un morceau de bois long d'un pié & demi, & de la grosseur en quarré du trou qui est à la planche ; de façon cependant qu'en cognant, l'on peut faire reculer ou avancer le morceau de bois quarré ; le long de ce morceau de bois sont placées de petites pointes qui marquent, quand on les passe sur un autre morceau de bois.

Les Charrons se servent de cet outil pour tracer des lignes droites, de même que les Menuisiers se servent du trusquin dont le rabat est une espece. Voyez TRUSQUIN.

RABAT, (Cirerie) les Blanchisseurs de cire nomment de la sorte, un morceau de grosse toile qu'on met sur le tour ou tourillon de la greloire à quelque distance, pour rabattre ce qui s'éleve de la baignoire en tournant. Savary. (D.J.)

RABATS, (Jardinage) est un terme chez les Fleuristes, qui exprime les feuilles d'une fleur qui tombant à côté des feuilles supérieures, forment comme une espece de rabat ; les balsamines, les iris ont des rabats.

RABAT, (Lutherie) c'est dans les soufflets d'orgue une piece de peau triangulaire & parée sur tous les bords, qui assemble les éclisses par leur bout étroit les unes avec les autres. Voyez a b c, fig. 23. Planche d'orgue, & l'article SOUFFLETS D'ORGUE. Cette peau, comme toutes les autres pieces, est collée avec de bonne colle forte de Menuisier.

RABAT, (Manufacture en soie) lisse sous la maille de laquelle les fils de chaîne sont passés ; elle sert à les faire baisser.

RABAT, terme de Teinturier ; c'est une légere façon de teinture qu'on donne aux étoffes de peu de valeur ; on dit aussi donner un rabat dessiné aux couleurs brunes, comme celle d'olive passée en verd.

RABAT, terme de Vannier, c'est le dessus d'une cage.

RABAT, on appelle chasse au rabat, celle où on va la nuit avec des filets pour rabattre sur le gibier qu'on pousse dedans par le moyen des chiens secrets.

RABAT, (Jeu de paume) c'est le toît d'un ou de deux des côtés du jeu de paume, qui couvre la galerie & forme les dedans.

RABAT, (au jeu de quille) le coup de rabat, est celui qu'on joue de l'endroit où la boule s'est arrêtée après avoir été poussée vers les quilles dressées au coup précédent. Il y a deux coups ; le premier qu'on joue d'une distance marquée, c'est le coup de boule ; le second qu'on joue de la distance à laquelle la boule s'arrête au premier coup, c'est le coup de rabat. On joue autant de coups de rabat, qu'on a abattu de quilles au premier coup de boule, & tous ces coups de rabats se jouent tous de la distance à laquelle la boule s'éloigne du quillier. Il faut donc ménager son premier coup & les coups de rabat, de maniere qu'on abatte le plus de quille possible, & que la boule s'éloigne le moins du quillier. Si en rabattant, on abat plus de quilles qu'il n'en faut, on perd la partie.


RABATAGES. m. (Commerce) on nomme ainsi à Bordeaux ce qu'ailleurs, & sur-tout à Amsterdam, on appelle rabat, c'est-à-dire une espece d'escompte qui s'accorde par le vendeur à l'acheteur en faveur du promt payement. Rabatage signifie aussi quelquefois la même chose que tare. Voyez RABAT & TARE. Diction. de commerce.


RABATEAUS. m. (Couteliers & autres ouvriers qui se servent de la meule) c'est un morceau ou de semelle ou de vieux chapeau qu'on tient appliqué contre la meule, au dessus de l'auge plein d'eau, où elle trempe par sa partie inférieure. La fonction du rabateau est d'arrêter l'eau qui suivroit la meule dans son mouvement circulaire, & qui seroit porté au visage de l'ouvrier couché sur la planche. Il y a un petit morceau de carte placé devant la polissoire pour une fin toute semblable ; elle sépare le superflu de l'émeril dont la polissoire s'enduit, à mesure que l'on polit, & l'empêche de moucheter l'ouvrier beaucoup plus qu'il ne l'est.


RABATTEMENTRABATTEMENT

RABATTEMENT DE DECRET, (Jurisprud.) est une espece de regrès ou rachat dont use celui qui a été évincé de ses biens au moyen d'une adjudication par decret, le droit romain accordoit deux ans à la partie évincée pour exercer ce rachat, & regardoit cette faculté comme très-favorable, comme on voit en la loi derniere au code de jure dominii impetrando.

Cette restitution contre les decrets n'est pourtant point généralement admise, il y a même trois de nos coutumes qui la rejettent formellement ; savoir Auvergne, la Marche & Bourbonnois ; & dans le droit commun, la lésion d'outre-moitié, ni même la lésion énorme, ne font point un moyen de restitution contre un decret.

Quelques auteurs, tels que Dumolin, Gouget & Brodeau, ont prétendu qu'il seroit de l'équité dans ces cas d'admettre la restitution, mais la jurisprudence est contraire.

L'ordonnance de 1629 a fait une exception pour les mineurs, & sa disposition est suivie au parlement de Dijon & dans quelques autres parlemens, dans lesquels on juge même qu'une lésion considérable suffit pour faire restituer le mineur, mais cela n'a pas lieu au parlement de Paris.

Les statuts de Bresse donnent aux parties saisies six mois pour rentrer dans leurs biens subhastés, en remboursant à l'acquéreur le prix principal & les frais.

Mais le rabattement de decret, proprement dit, n'a lieu que dans le Languedoc : ce rachat ou regrès y est fondé sur le droit romain, mais le parlement de Toulouse en a prorogé la durée jusqu'à dix ans.

Quand le bien avoit été adjugé par un arrêt, & quand sur la demande en rabattement il étoit intervenu un arrêt qui permettoit à la partie d'exercer l'action en rabattement, cette action pouvoit être exercée pendant trente années, comme étant personnelle : la jurisprudence n'étoit pas bien certaine sur cette matiere, mais elle a été fixée par une déclaration du roi du 16 Janvier 1736.

Suivant cette déclaration, il n'y a que les propriétaires des biens decrétés ou leurs descendans qui puissent se pourvoir en rabattement de decret. Cette action ne dure que dix ans, en quelque jurisdiction que le decret ait été fait ; le délai ne court que du jour de la mise en possession ; il court contre les pupilles & les mineurs, sauf leur recours, s'il y échoit, contre les tuteurs ou curateurs. La demande en rabattement ne peut être formée qu'au parlement de Toulouse ou à la cour des aydes de Montpellier chacun pour ce qui les concerne : quoique les decrets ayent été faits devant les juges inférieurs, le demandeur doit faire des offres réelles à l'adjudicataire, & en cas de refus, consigner au greffe, les loyaux-coûts se remboursant suivant la liquidation reçue. Les fruits des biens decrétés appartiennent à celui qui a obtenu le rabattement du decret du jour que le prix a été reçu par l'adjudicataire, ou qu'il a été consigné, mais il doit aussi payer les intérêts des loyaux-coûts : l'adjudicataire ne peut même être dépossedé qu'en lui payant la somme liquidée pour les loyaux-coûts & les intérêts, à-moins qu'il n'y eût retardement affecté de la part de l'adjudicataire, auquel cas on peut se pourvoir pour faire cesser les intérêts, & même condamner l'adjudicataire au délaissement, sauf à lui à se pourvoir pour la liquidation. Voyez le traité de la vente des immeubles par decret de M. de Héricourt, chap. xij. n. 6. & les mots ADJUDICATION, CRIEES, DECRET, SAISIE REELLE.


RABATTREv. act. (Gramm.) c'est abattre pour la seconde fois. Il a fallu rabattre plusieurs fois ce pan de muraille.

Il signifie aussi retrancher, diminuer, déduire. On rabattroit beaucoup de l'estime qu'on porte à certains personnages, si on connoissoit leur conduite particuliere & secrette. Je vous rabattrai de vos gages. On n'en veut rien rabattre, c'est un prix fait. Il m'a donné un à-compte, en rabattant sur ce qu'il me doit. Le vent rabat la fumée dans mon appartement. J'ai rabattu les coups. Dans ces dernieres acceptions, rabattre, c'est déterminer en-bas. Se rabattre se dit encore de la derniere course qu'on fait, & de l'endroit où l'on l'arrête. La perdrix s'est rabattue dans ce taillis. Après avoir fait mes visites, je me rabattrai chez moi. Poussé dans ce retranchement, il s'est rabattu sur cette question, &c.

RABATTRE, (Jurisprud.) en terme de palais signifie lever, supprimer : ce terme n'est usité qu'en parlant d'un défaut ou sentence par défaut prise à l'audience, lorsque le défaillant ou son défenseur se présente avant que l'audience soit levée, il peut demander à celui qui préside de rabattre le défaut, & ordinairement on prononce en ces termes le défaut rabattu : mais s'il y avoit de l'affectation de la part du défaillant, & qu'il laissât toujours prendre un défaut, & vînt ensuite à la fin de l'audience seulement pour faire rabattre le défaut, & par ce moyen éluder de plaider contradictoirement ; il dépend de la prudence du juge, dans ce cas, de ne point rabattre le défaut, & en ce cas on ordonne que le défaut tiendra, ou, s'il est encore tems, les parties plaideront.

Quand le défaut n'est pas rabattu, il n'y a plus que la voie d'opposition, si le défaut n'est pas fatal ; ou s'il est fatal, la voie d'appel.

Il est parlé du rabattement des défauts dans quelques anciennes ordonnances, telles que celle de Louis XII. en 1498, & celle de François I. en 1539. Voyez le glossaire de Lauriere aux mots Rabat, Rabattre, Défaut, Opposition, Appel, &c.

RABATTRE, (Comm.) ôter, diminuer, déduire, retrancher du prix d'une marchandise. Je vous rabattrai quatre pour cent, si vous payez comptant. Dict. du Commerce.

RABATTRE, en terme de Boutonnier, c'est l'action de couper en biseau avec une langue de serpent la sertissure d'un bouton ; opération par laquelle on enterre, pour ainsi dire, la calotte dans le moule, pour qu'elle y tienne plus solidement, ce qui se fait sur le tour. Voyez TOUR.

RABATTRE, v. n. (Coutellerie) c'est une des façons qu'on donne sur l'enclume à la forge & au marteau à une piece de coutellerie, qui doit être tranchante. Voyez l'article RASOIR.

RABATTRE, v. act. terme de Laboureur, c'est rouler, adoucir & applanir la terre lorsqu'elle est mouillée & que les avoines sont levées. (D.J.)

RABATTRE, en terme de Manege, se dit d'un cheval qui manie à courbette ; & on dit qu'il les rabat bien, lorsqu'il porte à terre les deux jambes de derriere à la fois, lorsque ses deux jambes touchent terre ensemble, & que le cheval suit tous les tems avec la même justesse. Un cheval qui harpe des deux jarrets & qui a les jambes basses en maniant, rabat bien ses courbettes & avec beaucoup de grace.

RABATTRE, en terme d'Orfévre, c'est abaisser & rendre insensibles les côtes trop vives & trop marquées que le traçoir ou le perloir ont faites sur un champ, ce qui se fait avec un planoir. Voyez PLANOIR.

RABATTRE, terme de Serrurerie, il est commun à tous les Forgerons ; c'est la même chose que réparer, ce qui se fait après que les Forgerons ont fini de forger une piece ; alors ils effacent à petits coups toutes les inégalités que les grands coups de marteau ont pu laisser.

RABATTRE, terme de Tailleur & de Couturiere, c'est prendre un morceau de l'étoffe, la remplir & la coudre. On dit aussi rabattre une couture lorsqu'on l'affaisse en la pressant, soit du dé, soit du fer à repasser ; c'est dans le même sens qu'on rabat un pli.

RABATTRE, terme de Tannerie, qui signifie jetter les cuirs dans un vieux plain, après les avoir tirés de l'eau. Voyez TANNER.

RABATTRE, (Teinture) ce mot se dit pour corriger une couleur trop vive. Par les statuts des Teinturiers, il est porté, article xxij. que les verds-bruns seront alunés & gaudés avec gaude ou sarrette, puis rabattus avec le verdet & le bois d'Inde, & couperose. Les feuilles mortes ne sont rabattues qu'avec la seule couperose ; c'est l'article xxiij. qui étoit aussi inutile que le précédent. Tous les reglemens de M. Colbert sur les Teinturiers ne font pas un grand honneur à ses lumieres.

RABATTRE, terme de Tireur d'or, c'est, par le moyen d'un rouet, faire passer sur la rochette le trait qui est autour de la bobine ; rabattre du trait ; trait rabattu. Diction. du comm. (D.J.)

RABATTRE, se dit, en terme de Chasse, lorsqu'un limier ou un chien-courant tombe sur les voies d'une bête qui va de tems qu'il s'en rabat, & rencontre & en donne la connoissance à celui qui le mene.

RABATTRE, c'est, à la longue Paume, renvoyer de bas, en rasant la terre de plus près possible, à sa partie adverse, la balle qu'il doit servir.

RABATTRE, au jeu de quille, c'est jouer un second coup sur les quilles de l'endroit où la boule a été après le premier jet ; ceux qui font choux-blanc, ne rabattent point. Voyez l'article RABAT.


RABBANI(Hist. des Arabes) le mot de rabbani ou de rabbana signifie en arabe, aussi-bien qu'en hébreu, notre maître, notre docteur. Les Mahométans appellent aussi rabbanian ou rabbaniou, au pluriel, ceux de leurs docteurs qu'ils estiment les plus savans & les plus dévots.


RABBANITES. m. (Hist. des Juifs) on appelle rabbanites les Juifs qui suivent la doctrine de leurs ancêtres, appellés rabbanim ; & ce sont proprement ceux qui ont adopté les traditions des pharisiens qui sont ainsi nommés. On les distingue par-là de la secte des Caraïtes qui s'attachent principalement à l'Ecriture. (D.J.)


RABBou RABBIN, s. m. (Hist. des Juifs) nom des docteurs juifs que les Hébreux appellent rab, rabbi & rabboni, qui dans leur langue signifie maître ou docteur. Quoique tous ces mots aient la même signification, on s'en sert néanmoins différemment. Quand on parle en général & sans appliquer ce terme à aucun nom propre, on dit un rabbin, les rabbins : par exemple, les rabbins ont débité beaucoup de RÊVeries. Mais quand on dénote particulierement un docteur juif, on dit rabbi, comme rabbi Salomon Jarchi, rabbi Manassès ont pensé telle & telle chose ; mais en les nommant plusieurs ensemble, on dit, les rabbins Juda Ching & Juda Ben Chabin sont les auteurs de deux anciennes grammaires hébraïques.

Quelques-uns ont remarqué que rab étoit un titre d'honneur pour ceux qui avoient été reçus docteurs dans la Chaldée ; que rabbi étoit propre aux israélites de la Terre-sainte, & que rabboni ne s'attribuoit qu'aux sages qui étoient de la maison de David. Selden dit que rabbi étoit le titre de celui qu'on avoit ordonné juge ou sénateur de sanhedrin, dans la Terre-sainte, & qu'on donnoit celui de rhab à tout docteur ordonné dans un pays de captivité. Quoiqu'il en soit, il y avoit plusieurs degrés pour parvenir à cette qualité de rabbi ; le premier étoit de ceux que les Juifs appelloient bachur, c'est-à-dire élu au nombre des disciples ; le second étoit de ceux qu'on nommoit chaber ou collegue de rabbins qu'on élevoit à ce grade par l'imposition des mains, dans une cérémonie qu'on appelloit semichach. Enfin lorsqu'on jugeoit ces postulans capables d'élever les autres, on les qualifioit de rabbi. Dans les assemblées publiques, les rabbins étoient assis sur des chaises élevées, les collegues sur des bancs, & les disciples aux piés de leurs maîtres.

Les rabbins modernes sont fort respectés parmi les Juifs ; ils occupent les premieres places dans les synagogues, prononcent sur les matieres de religion, & décident même des affaires civiles ; ils célebrent aussi les mariages, jugent les causes de divorce, prêchent, s'ils en ont le talent, reprennent & excommunient les désobéissans. Les écrits de leurs prédécesseurs, & leurs propres commentaires, contiennent un nombre infini de traditions singulieres, & presque toutes extravagantes, qu'ils observent néanmoins aussi scrupuleusement que le fond de la loi. Ils sont divisés en plusieurs sectes, dont les principales sont les Cabalistes, les Caraïtes, les Talmudistes, & les Massorethes. Voyez ces noms en leur lieu, suivant l'ordre alphabétique.

Les anciens rabbins donnoient fort dans les allégories, dont leurs commentaires sur l'Ecriture ne sont qu'un tissu ; & les modernes n'ont fait qu'enchérir sur eux. On leur attribue aussi un grand nombre de regles & de manieres d'interpreter & de citer les écritures, qu'on prétend que les apôtres ont suivies dans leurs citations & interprétations des prophéties de l'ancien Testament. Stanhope & Jenkius se plaignent beaucoup de la perte de ces regles, par lesquelles, disoient-ils, on rétabliroit les discordances qui se trouvent entre l'ancien & le nouveau Testament.

Surenhusius, professeur en hébreu à Amsterdam, a cru les avoir trouvées dans les anciens écrits des Juifs ; & il observe que les rabbins interpretoient l'Ecriture en changeant le sens littéral en un sens plus noble & plus spirituel. Et pour cela, selon lui, tantôt ils changeoient les points & les lettres, ou ils transposoient les mots, ou les divisoient, ou en ajoutoient : ce qu'il prétend confirmer par la maniere dont les apôtres ont expliqué & cité les prophéties.

Mais qui ne voit que tout ceci n'est qu'un artifice pour rendre moins odieuse la pratique des Sociniens, qui au moyen de quelques points ou virgules ajoutés ou transposés dans les livres saints, y forment des textes favorables à leurs erreurs ? Mais, après tout, l'exemple des rabbins ne les autoriseroit jamais dans cette innovation, ni eux ni leurs semblables, puisque Jesus-Christ a formellement reproché à ces faux docteurs qu'ils corrompoient le texte & pervertissoient le sens des Ecritures. Les apôtres n'ont point eu d'autre maître que l'esprit saint ; & si l'application qu'ils ont quelquefois faite des anciennes écritures au Messie a quelque trait de conformité avec celles qu'on attribue aux rabbins, c'est qu'il arrive souvent à l'erreur de copier la vérité, & que les rabbins ont imité les apôtres, mais avec cette différence qu'ils n'étoient pas inspirés comme eux, & que suivant uniquement les lumieres de la raison, ils ont donné dans des égaremens qui ne peuvent jamais devenir des regles en matiere de religion révélée, où tout doit se décider par autorité.

Mais ce qu'on doit principalement aux rabbins, c'est l'astrologie judiciaire ; car malgré les défenses si souvent réitérées dans leur loi de se servir d'augures & de divinations, ou d'ajouter foi aux prédictions tirées de l'observation des astres, leurs plus fameux docteurs ont approuvé cette superstition, & en ont composé des livres qui l'ont répandue dans tout l'univers, & sur-tout en Europe durant les siecles d'ignorance, au sentiment de M. l'abbé Renaudot, qui connoissoit à fond toute la science rabbinique. Voyez CABALE.


RABBINIQUEadj. (Gram.) qui est des rabbins. On dit le caractere rabbinique, une interprétation, une vision rabbinique.


RABBINISMES. m. (Gramm.) doctrine des rabbins.


RABBINISTES. m. (Gram.) qui suit la doctrine rabbinique.


RABBOTHS. m. (Histoire des Juifs.) Les Juifs donnent ce nom à certains commentaires allégoriques sur les cinq livres de Moïse. Ces commentaires sont d'une grande autorité chez eux, & sont considérés comme très-anciens. Les Juifs prétendent qu'ils ont été composés vers l'an 30 de Jesus-Christ. Ils contiennent un recueil d'explications allégoriques des docteurs hébreux, où il y a quantité de fables & de contes faits à plaisir. On peut prouver aisément que ces livres n'ont pas l'antiquité que les rabbins leur attribuent : c'est ce que le P. Morin a montré évidemment dans la seconde partie de ses exercitations sur la Bible. Quand ils veulent citer ces livres, ils les marquent par le premier mot de chaque livre de Moïse : par exemple ils nomment la Genese Bereschit rabba ; l'Exode ; Scemot rabba ; les Nombres, Bammidbar rabba, & ainsi des autres ; & ils les nomment au pluriel rabboth, comme qui diroit grandes gloses. Il y en a eu diverses éditions, tant en Italie que dans le Levant. M. Simon témoigne s'être servi d'une édition de Salonique.


RABDOIDou RHABDOIDE, suture, (Anatomie) c'est la seconde vraie suture du crâne : on l'appelle aussi sagittale. Rabdoïde vient de , verge.


RABDOLOGIES. f. (Arith.) maniere d'exécuter facilement les deux opérations les plus compliquées de l'Arithmétique, la multiplication & la division, par la voie de l'addition & de la soustraction, & cela au moyen de bâtons, verges ou languettes séparés, & marqués de nombres. C'est une des inventions de Neper. Voyez BATONS DE NEPER.


RABDOMANCIES. f. (Divination) art de deviner par des verges ou bâtons, comme l'indique son nom, composé du grec , baguette, & , divination.

La rabdomancie se pratiquoit en différentes manieres. On croit, par exemple, la trouver dans ce qui est rapporté au chap. xxj. d'Ezéchiel, d'une superstition du roi de Babylone, qui se trouvant à l'entrée de deux chemins, dont l'un alloit à Jérusalem, métropole de la Judée, & l'autre vers Rabbath, métropole des Ammonites, & ne sachant lequel il devoit prendre il voulut que le sort décidât la chose. C'est pourquoi il mêla ses fleches, pour voir de quel côté elles tomberoient. Stetit rex Babylonis in bivio, in capite duarum viarum, divinationem quaerens, commiscens sagittas.... ad dexteram ejus facta est divinatio super Jerusalem. . 21. & 22.

On prétend aussi la trouver dans ces paroles du prophete Osée, où Dieu dit de son peuple adonné à l'idolâtrie, populus meus in ligno suo interrogavit & baculus ejus annuntiavit ei. chap. jv. . 12. S. Jérome croit que dans l'un & l'autre passage il s'agit de la bélomancie, voyez BELOMANCIE.

Mais Theophylacte semble d'abord entendre celui d'Osée de la rabdomancie proprement dite, & voici, selon lui, comme elle se pratiquoit : Virgas duas statuentes, carmina & incantationes quasdam submurmurabant : Deinde virgis, daemonum operatione aut effectu, cadentibus, considerabant, quoniam utraque earum caderet, antrorsum ne an retrorsum, ad dexteram vel sinistram. Sicque tandem responsa dabant insipientibus, virgarum casu pro signis usi. Mais ce qu'il ajoute ensuite fait connoître qu'il la confond, aussi-bien que S. Jérome, avec la bélomancie : Eundem ad modum, dit-il, Nabuchodonosor vaticinabatur ut Ezechiel habet.

On confond assez ordinairement ces deux sortes de divination, car les septante traduisent le d'Ezéchiel par le mot grec , quoique le mot hébreu signifie une fleche. Il est cependant certain que les instrumens de divination dont Osée fait mention, sont différens de ceux dont parle Ezéchiel ; car le premier dit etso, maklo, bois, bâton ; & le dernier écrit hhitsim, fleche. Au reste il se peut faire qu'on se servît de baguettes ou de fleches indifféremment, les gens de guerre de fleches, & les autres de baguettes.

Rabbi Moïse Samson, dans l'explication du cinquante-deuxieme précepte négatif, explique ainsi la divination par les bâtons dont il est parlé dans le ch. jv. d'Osée. " On écorçoit, dit-il, seulement d'un côté & dans toute sa longueur une baguette qu'on lançoit en l'air ; si en retombant elle présentoit à la vue sa partie écorcée, & qu'en la jettant une seconde fois elle montrât le côté qui n'étoit pas dépouillé de son écorce, on en tiroit un heureux présage. Au contraire il passoit pour funeste quand à la premiere chûte la baguette montroit le côté écorcé ; mais quand à toutes les deux fois elle présentoit la même face, soit couverte, soit dépouillée, on en auguroit que le succès seroit mêlé de bonheur & de malheur ". Apud Delrio, lib. IV. cap. ij. sect. 3. quaest. 7. pag. 561. Or ce n'étoit point-là la bélomancie, dans laquelle on se contentoit de marquer deux fleches de certains caracteres relatifs à l'événement qu'on méditoit ; on les lançoit en l'air, & selon qu'elles retomboient à droite ou à gauche, en avant ou en arriere, on en auguroit bien ou mal pour l'entreprise en question. Quoiqu'il en soit, toutes ces pratiques étoient également condamnables.

Ce n'étoit pas chez les Hébreux seuls qu'elles étoient en vogue. Strabon, liv. XIV. rapporte celle dont se servoient les Perses ; & selon Caelius Rhodiginus, leurs mages employoient à cet effet des branches de laurier, de myrte, & des brins de bruyere. Les Scythes se servoient de baguettes de saule ; & les Tartares, qui en sont descendus, ont aussi une espece de rabdomancie, si on en croit Paul Vénitien, l. I. c. xliij. Les Algériens dans la Barbarie en ont encore une autre espece.

Elle a été également connue en occident. Voici comment Tacite s'exprime sur celle des Germains, dans ce qu'il a écrit des moeurs de ces peuples. " Ils sont, dit-il, fort adonnés aux augures & aux sorts, & n'y observent pas grande cérémonie. Ils coupent une branche de quelque arbre fruitier en plusieurs morceaux, & les marquent de certains caracteres, puis les jettent à l'aventure sur un drap blanc : alors le prêtre ou le pere de famille leve chaque brin trois fois, après avoir prié les dieux, & les interpretes selon les marques qu'il y a faites ". Ammien Marcellin, l. XXXI. représente ainsi la rabdomancie des Alains : " Ils devinent, dit-il, l'avenir d'une maniere merveilleuse : les femmes coupent des baguettes bien droites, ce qu'elles font avec des enchantemens secrets & à certains jours marqués exactement. Ils connoissent par ces baguettes ce qui doit arriver ".

On peut rapporter à cette espece de divination, la fameuse fleche d'Abaris, sur laquelle les anciens ont débité tant de fables qu'on peut voir dans Bayle, & la baguette divinatoire qui a fait tant de bruit sur la fin du siecle dernier.

On entend communément par la baguette divinatoire, une petite branche de quelque arbre que ce soit, qui tourne sur tout ce qu'on veut découvrir, quand on vient à passer par-dessus ou à s'en approcher. Dans les premiers tems de l'usage de cette baguette, on se servoit d'une petite houssine de coudre ou d'amandier ; mais dans la suite on a employé des baguettes de toute sorte de bois : on s'est même servi de verges de fer, d'argent, de fil-d'archal, &c. Les gens à baguettes se sont servi de baguettes figurées de trois différentes manieres : 1°. les uns se sont servi de baguettes fourchues par le milieu, qu'ils tenoient des deux mains la pointe en haut ou en bas, ou parallele à l'horison. Voyez la fig. A.

A

2°. D'autres se servoient d'une baguette toute droite, ou fourchue au bout, comme dans les fig. B. C. qu'ils tenoient d'une main, ou qu'ils mettoient sur le dessus ou sur le dedans de la main dans une ligne parallele à l'horison.

B

C

3°. D'autres enfin se servoient d'une baguette coupée en deux parties, dont l'une étoit pointue par un bout pour entrer dans l'autre, dont le bout étoit creux, telle qu'on la voit dans la fig. D. & ils tenoient cette baguette par l'extrêmité des doigts de différente main.

D

La baguette tourne dès qu'on passe sur quelque chose qu'on veut découvrir, soit eaux, soit métaux, soit voleurs, soit bornes de champs, soit reliques de saint, &c. Ce mouvement est quelquefois si violent, que la baguette se brise quand on ne la laisse pas libre.

Dès 1671 on avoit écrit sur la baguette divinatoire, & les effets en étoient connus ; mais rien ne la mit plus en vogue que les découvertes que fit ou prétendit faire par ce moyen Jacques Aymar, paysan né en Dauphiné le 8 Septembre 1622. C'étoit par elle, disoit-on, qu'il avoit découvert les auteurs d'un assassinat commis à Lyon : sa baguette avoit remué sur la serpe qui avoit servi à l'un d'eux ; elle avoit encore remué sur la table d'une hôtellerie où ils avoient mangé ; enfin elle l'avoit conduit dans les prisons de Beaucaire, où ils étoient détenus. Ce phénomene excita bien-tôt l'attention du public : Aymar vint à Paris, & en imposa d'abord aux yeux les moins clairvoyans ; mais ses ruses n'échapperent pas à ceux du prince de Condé, qui fit cacher de l'or & de l'argent en plusieurs trous de son jardin, que ce faux devin ne trouva pas. Il avoua même au prince de Condé que par un mouvement insensible du poignet il faisoit tourner la baguette.

Mais l'imposture d'Aymar ne prouve pas qu'il y en ait dans toutes les autres personnes qui ont fait usage de la baguette, puisque le P. le Brun, dans son histoire critique des superstitions, tome II. p. 332 & 333, atteste, comme témoin oculaire, qu'un président du parlement de Grenoble lui ayant dit que la baguette avoit tourné plusieurs fois entre ses mains, & le P. le Brun ne pouvant le croire, l'occasion se présenta peu de jours après d'en faire l'expérience au Villars, près de Tencin, l'une des terres du président. " Je tins, dit le P. le Brun, la main droite du président avec mes deux mains ; une autre personne lui tint la gauche, dans une allée du jardin sous laquelle il y avoit un tuyau qui conduisoit de l'eau dans un bassin ; en un instant la baguette se tordit si fort entre ses mains, que M. le président demanda quartier, parce qu'elle lui blessoit les doigts ". M. le Royer, avocat à Rouen, & juge des gabelles, & M. le Gentil, religieux prémontré, prieur de Dorenie, près de Guisex, & plusieurs autres personnes fort au-dessus de tout soupçon d'imposture, ont fait usage de la baguette divinatoire qui tournoit de son propre mouvement, sans effort ni secours de la part de la personne qui la tenoit. L'effet est certain, constaté par des expériences sans nombre. D'où ce tournoyement provient-il ? est-il naturel ? est-il surnaturel ?

C'est à ces deux questions que se réduit tout ce qu'on a écrit pour ou contre la baguette. Parmi les savans, les uns en ont regardé le mouvement comme naturel, & par conséquent explicable par les lois de la physique : les autres l'ont regardé comme surnaturel, inexpliquable & produit par des intelligences supérieures à l'homme. Nous allons donner au lecteur l'analyse de l'un & de l'autre sentiment, d'après M. l'abbé de la Chambre dans son traité de la religion, tome II. troisieme part. ch. x. p. 473. & suiv.

Ceux qui ont regardé comme naturel le tournoyement de la baguette, ont pris différentes routes pour en développer la cause & le principe.

1°. Willenius & Frommann croyent que le tournoyement de la baguette vient de la communication du mouvement à l'occasion de la rencontre & du choc des corps, quoiqu'ils ne puissent absolument expliquer le méchanisme de ce phénomene ; & aux objections qu'on leur fait que la baguette ne tourne pas entre les mains de toutes sortes de personnes, & qu'elle ne tourne pas toujours dans les mains de la même personne, ils répondent 1°. qu'il faut que la vertu de la baguette soit aidée de celle du tempérament qui est différent dans tous les hommes. 2°. Que la variation du mouvement de la baguette vient ou de ce que la même personne n'est pas toujours dans les mêmes circonstances pour le sang & les humeurs, ou de ce que les influences des astres s'unissent & se fortifient quelquefois, & quelquefois se combattent. Traité de la baguette imprimé en 1671 ; traité de la fascination, en 1674.

2°. M. de S. Romain explique le mouvement de la baguette par le mouvement des corpuscules qui sortent des corps qu'on cherche, & qui viennent agraffer la baguette. Si la baguette ne tourne pas entre les mains de tout le monde, c'est qu'il y a, dit cet auteur, des tempéramens qui ralentissent la force de ces corpuscules ; & si elle ne tourne pas toujours entre les mains de la même personne, c'est que le tempérament n'est pas toujours dans la même situation & le même état. Traité de la science naturelle dégagée des chican. de l'école 1679.

3°. D'autres disent que les particules qui s'exhalent des sources d'eaux & des métaux empreignent la verge de coudrier, & la déterminent à se baisser pour la rendre parallele aux lignes verticales qu'elles décrivent en se levant. Ces particules d'eau sont poussées au-dehors par le feu central, & par les fermentations qui se font dans les entrailles de la terre. Or, la baguette étant d'un bois poreux, il donne aisément passage à ces corpuscules, qui sont extrêmement subtils & déliés. Ces vapeurs pressées par celles qui les suivent, & pressées par l'air qui pese dessus, sont forcées d'entrer dans les petits intervalles de la baguette, & par cet effort elles la contraignent à s'incliner perpendiculairement, afin de se rendre parallele avec les colomnes que forment ces vapeurs en s'élevant. Les objections ne sont pas moins difficiles à résoudre dans ce sentiment que dans les deux précédens.

4°. L'abbé de Vallemont dans le traité qu'il a donné sur cette matiere, édit. de 1696, p. 379, s'efforce de prouver que cette baguette n'a rien de commun avec toutes les especes de divinations comprises sous le nom de rabdomanie, & que ses effets sont purement physiques. " On conjecture, dit-il, par son mouvement, qu'il y a de l'eau dans la terre, comme on juge par le mouvement d'un hygrometre qu'il y a des vapeurs aqueuses dans l'air, & que conséquemment il y aura de la pluie ". Mais cette raison qui satisfait pour un phénomene, ne satisfait pas pour tous, & ne leve point les difficultés ci-dessus proposées.

5°. M. le Royer prétendoit expliquer le mouvement de la baguette par l'antipathie & la sympathie des Péripatéticiens ; si la baguette ne remue pas entre les mains de tout le monde, c'est qu'il y a, dit-il, des personnes qui ont une antipathie à la vertu de la baguette, & qui en arrêtent l'effet. Si elle ne remue pas toujours entre les mains de la même personne, c'est qu'il y a, ajoute-t-il, auprès de la baguette un corps qui lui ôte toute sa force. L'aimant, par exemple, perd sa vertu quand il y a de l'ail ou un diamant auprès de lui. Mais outre que cet exemple est faux, on sent que ces grands mots d'antipathie & de sympathie sont vuides de raison, & aussi peu propres à expliquer le point en question, que l'opinion de Peucer sur la même matiere ; elle est conçue en ces termes : ad seu divinationem ex plantis, pertinent certae in plantis aliquibus notae indicantes initia, finesve aut conditiones quatuor universalium anni temporum. Eodem divinationes pertinent metallariis usitatae quae fiunt sciotericis & virgulâ divinâ. Ea est ex corylo decisus bifidus surculus, quo venas illi auri argentive feraces explorant, inclinante sese eo virgula quà sub terrâ venae feruntur atque incedunt. Qua vi id soli corylorum praestant surculi, & non item caeterarum arborum quae in iisdem proveniunt locis, eodem terrae altae refectaeque succo obscurum est : nisi quod conjicio habere corylos ad metalla connatam & occultam, &c. Solution merveilleuse qui suppose faux & ne débrouille rien.

Ceux, au contraire, qui rejettent le mouvement de la baguette sur des êtres intelligens, supérieurs à l'homme, l'attribuent au démon. C'est le sentiment de Tollius, de M. Hennin & du P. Malebranche.

Ils avancent 1°. que la baguette ne tourne naturellement ni sur l'eau, ni sur les métaux, ni sur quelqu'autre chose que ce soit : car elle tourne souvent où il n'y a rien, & ne tourne pas toujours où il y a quelque chose ; on a des exemples de l'un & de l'autre. D'ailleurs, elle ne remue que sur ce qu'on a envie de trouver ; or une pensée, un desir ne peuvent faire remuer un bâton. 2°. Que le mouvement de la baguette ne vient point d'un tour de poignet, ni d'une certaine pression de doigts, puisqu'elle tourne sans art entre les mains de plusieurs personnes, & même malgré elles. L'exemple du président de Grenoble que cite le P. le Brun en est une preuve. 3°. Que le mouvement de la baguette doit être rejetté sur l'action des intelligences supérieures à l'homme, & ces intelligences ne pouvant être ni Dieu, ni les anges, parce que le mouvement de la baguette est équivoque, & qu'il est quelquefois fautif dans son opération, ils en concluent que ces intelligences supérieures sont les démons, à qui Dieu permet quelquefois de séduire les hommes, & qui agissent quelquefois par notre ministere, sans que nous ayons fait aucun pacte avec eux. Si ces raisons ne paroissent pas évidentes, on conviendra que les systèmes des Physiciens ne sont pas plus satisfaisans. Traité de la religion, t. II. troisieme partie, chapitre x. p. 473 & suiv.

N. B. Cet article est tiré en partie des mémoires de M. Formey, historiographe de l'académie royale de Prusse.


    
    
RABES DE MORUE(Commerce) ce sont les oeufs de la morue que l'on sale, & qu'on met en barriques. Ce terme n'est en usage qu'à la Rochelle ; ailleurs on dit des raves.


RABETTE(Com.) on dit huile & graine de rabette. La rabette est une espece de choux, dont la graine donne une huile par expression, qu'on emploie dans la pharmacie & dans la draperie.


RABIA POSTERIOR(Chronolog.) nom du quatrieme mois de l'année arabique. Il a 29 jours.


RABIA PRIOR(Chronolog.) nom du troisieme mois de l'année arabique. Il a 30 jours.


RABIHS. m. (Hist. nat. Bot.) espece de fruit qui se trouve dans le royaume de Fez. Il ressemble à la cerise, & a le goût de la jujube.


RABILLAGou RHABILLAGE, s. m. terme de Pêcheur ; c'est le raccommodage des filets.


RABILLEou RHABILLER, (Soierie) se dit d'une corde de semple, d'une corde de rame, d'une arcade, &c. C'est substituer une corde neuve à celle qui s'est cassée.


RABLES. m. (Gram.) c'est dans les animaux quadrupédes la partie située vers les reins, & comprise entre les épaules & les cuisses. Il se dit particulierement des lievres & des lapins ; & quelquefois des hommes. Un homme bien rablé.

RABLES, terme de riviere ; pieces de bois rangées comme des solives, qui traversent le fond des bateaux, & sur lesquelles on attache les semelles, les planches & les bordages du fond. (Q)

RABLE, (Pâtisserie & Boulangerie) instrument à douelle & à long manche de bois, au bout duquel il y a un fer plat recourbé en forme de crosse ou de rateau, pour remuer facilement les tisons & manier la braise dans le four.

Le rable est à l'usage de beaucoup d'autres ouvriers. Il y a des atteliers où il est tout de fer, comme dans les grosses forges, les verreries, les salines, &c. Voyez les articles suivans & les articles FORGES, VERRERIE & SALINES.

RABLE, sorte de boîte sans fond dont les facteurs d'orgues se servent pour couler le plomb ou l'étain fondu, & en faire des tables pour fabriquer les tuyaux d'orgue. Voyez la fig. 60. Pl. d'orgue qui représente le rable & la fig. 59. même Planche, qui représente le rable en situation sur la table. Voyez ORGUE, où le travail du plomb & de l'étain est expliqué, & l'article suivant RABLE, Plomberie.

RABLE, (Plomberie) instrument de bois dont les Plombiers se servent pour couler les tables de plomb & les rendre par-tout égales.

Les Plombiers ont deux rables fort différens, & qui n'ont rien de commun que leur nom & leur usage. L'un sert pour les grandes tables, & l'autre pour les petites.

Le rable pour les grandes tables est une piece de bois épaisse d'un pouce, haute de quatre, & qui occupe toute la largeur des moules ou tables à jetter le plomb. Ce rable porte sur les éponges ou bordures, & y est comme enchâssé par les deux bouts au moyen de deux entailles qu'on y pratique, (fig. 10. Pl. du Plombier.) Il y a au milieu du rable un long manche de bois, au moyen duquel on le conduit. Quand on a levé la poële à verser, & que le plomb fondu commence à se répandre sur le moule, les compagnons poussent le rable, & le conduisent par le manche jusqu'au bout. Voyez PLOMBIER.

Le rable dont on se sert pour les petites tables est une espece de caisse de bois sans fond, & seulement fermée de trois côtés. La piece principale qui communique aux deux autres est haute de six pouces, & de la longueur qu'on veut donner aux petites tables de plomb. Les deux pieces paralleles sont faites en triangle, & vont en diminuant depuis l'endroit où elles sont jointes à la grande, & se terminent en pointe. On verse le plomb fondu dans cette caisse pour couler les petites tables de plomb. Voyez l'usage de cet instrument à l'article PLOMBIER.


RABLURES. f. (Marine) cannelure ou entaille que le charpentier fait le long de la quille du vaisseau, pour emboîter les gabords, & à l'étrave & à l'étambord, pour placer les bouts des bordages & des ceintes. (Q)


RABOTS. m. (Archit.) sorte de liais rustique dont on se sert pour paver certains lieux, pour faire les bordures des chaussées, & pour paver les églises, les jeux de paume, & autres lieux publics. Les Latins l'appelloient rudus novum, quand il étoit neuf, & rudus redivivum, lorsqu'il étoit manié à-bout, & qu'on le faisoit reservir. Daviler. (D.J.)

RABOT, terme d'ouvrier en bois ; c'est un outil à courroyer le bois, & à le rendre uni. Il y en a de plusieurs sortes, de différentes grandeurs, & à divers usages, mais qui tous ont leurs noms particuliers.

L'instrument que l'on nomme proprement rabot, est composé de trois pieces, deux de bois & une de fer ; de celles qui sont de bois, la principale s'appelle le fust ; c'est une espece de billot de dix à douze pouces de longueur, & de deux pouces ou deux pouces & demi d'équarrissage. La face de dessous est fort polie pour couler plus aisément sur le bois ; au milieu de ce billot est une entaille diagonale, qu'on appelle la lumiere, plus ou moins large, suivant la qualité du fer qu'on y veut placer : elle traverse de la partie supérieure du fust à la partie inférieure. Le coin est la seconde piece de bois ; elle est échancrée par le bas, & coupée en chanfrain ; elle sert a arrêter le fer dans la lumiere à la hauteur convenable. Le rabot n'est que pour polir l'ouvrage après qu'on l'a courroyé & dégrossi avec la varlope, ou la demi-varlope, &c.

Les autres sortes de rabots qui servent aux menuisiers, sont le riflard, la grande & petite varlope, la varlope à onglet, divers guillaumes, les deux mouchettes, le bonnet, le bouvet, le bec-de-canne & le feuilleret.

Les Menuisiers-Ebénistes, c'est-à-dire, ceux qui travaillent en placage & en marqueterie, ont tous les rabots des Menuisiers ordinaires ; & outre ceux-là, ils en ont d'autres dont les fers sont différens, & qu'ils taillent, ou font tailler suivant la dureté des bois qu'ils emploient. Les uns ont le fer demi-couché, d'autres où il est debout, & quelques autres qui ont des dents en façon de limes, ou en maniere de truelles brettées : ceux-là servent à dégrossir leur bois. Ils ont aussi des rabots de fer, c'est-à-dire, dont le fust est garni par-dessous d'une plaque de fer fort unie : ceux-ci servent à raboter l'ouvrage quand les pieces de rapport ont été collées, afin de courir moins de risque d'en emporter quelqu'une.

Les rabots des Charpentiers sont le rabot rond, semblable à celui des Menuisiers, & la galere. Le rabot des Serruriers, sert à planir le fer, & à y pousser des filets & des moulures. Voyez l'article MENUISERIE & les Pl. (D.J.)

RABOT A BAGUETTE, (outil d'Arquebusier) ce rabot est long & plat, la face de dessous est faite en moulure creuse, & sert aux Arquebusiers pour polir & tourner en rond les baguettes de fusil. Voyez la figure.

Leur rabot à canon est un rabot long d'un pié, plat & épais de deux pouces, dont la face de dessous est arrondie, & sert aux Arquebusiers pour former la moulure dessus le bois de fusil pour y placer le canon de fusil.

Le rabot plat est fait comme la demi-varlope des Menuisiers, & sert aux Arquebusiers pour diminuer d'épaisseur les bois de fusil avant de les sculpter.

RABOT, (bas au métier & métier à bas) ceux qui travaillent les métiers à bas ont un si grand nombre de pieces à égaliser, qu'ils ont besoin de rabots. Ils en ont sur-tout pour les verges. Voyez l'article BAS AU METIER, & l'article RABOT, fondeur en caracteres d'Imprimerie.

RABOT, (terme de Boueur) outil de bois au bout duquel il y a une petite douve dont les Boueurs se servent sur les ports de Paris pour pousser la boue à l'écart.

RABOT, (Fondeurs de gros ouvrages) les fondeurs de gros ouvrages appellent un rabot une bande ou plaque de fer plate, en forme de douve de tonneau, de douze ou quinze pouces de longueur, & de cinq ou six de hauteur, qui a un long manche en partie de fer, en partie de bois ; elle sert à ces ouvriers comme d'écumoire, pour ôter les scories qui s'élevent sur le métal fondu. Savary. (D.J.)

RABOT, outil servant aux fondeurs de caracteres d'Imprimerie, pour couper, ébarber & donner les dernieres façons aux lettres lorsqu'elles sont serrées dans le justifieur ; sa figure est relative au coupoir dans lequel il coule, & est composé de plusieurs pieces de fer & de cuivre. On arrête au bout de ce rabot, avec des vis, un fer tranchant, taillé exprès pour enlever les parties qu'il doit couper. Voyez COUPOIR, JUSTIFIEUR, & nos Planches.

RABOT, (outil de Gaînier en gros ouvrages) ce rabot est un peu plus long que large, & sert aux Gaîniers en gros ouvrages, pour polir les planches dont ils font leurs coffres ou caisses. Cet outil est semblable à celui des Menuisiers. Voyez MENUISERIE.

RABOT, (terme de Jardinier) le rabot des Jardiniers est simplement une des douves du fond d'une futaille, qui est la plus ceintrée & percée au milieu d'un trou de tariere, pour y attacher la perche qui lui sert de manche. Les Jardiniers s'en servent pour unir les allées de leurs jardins, après qu'ils ont employé le rateau.

RABOT, en terme de Layetier, est un outil composé d'un fût percé à jour & garni d'une poignée. Dans le trou pratiqué environ vers le milieu de ce fût, entre un fer tranchant qui déborde tant-soit-peu le fût afin qu'il puisse enlever toutes les inégalités du bois sur lequel on promene le rabot. Voyez la fig. Planches du Layetier.

RABOT, (Lutherie) les Luthiers ont aussi leurs rabots ; mais ils ne different pas assez des rabots des autres ouvriers en bois pour en faire des articles séparés. Voyez nos Planches de Lutherie.

RABOT, (instrument des Maçons & des Paveurs) instrument dont se servent les Maçons, Limousins, Paveurs, &c. pour éteindre la chaux, & pour la courroyer avec le ciment ou le sable qu'ils emploient au lieu de plâtre dans plusieurs de leurs ouvrages ; c'est un billot de bois de huit à dix pouces de longueur & de deux ou trois pouces de grosseur, emmanché par le milieu d'une longue perche. Dictionnaire du Commerce. (D.J.)

RABOT, on donne en général ce nom à un outil avec lequel les Menuisiers & les Charpentiers dressent les bois ; mais les Menuisiers appellent rabot un petit outil fait d'un morceau de bois de sept à huit pouces de long sur deux pouces de large & trois de haut. Au milieu est une ouverture qu'on nomme lumiere, où se met le fer qui est en pente, & forme un angle de 45 degrés qui serre ledit fer. Le bois de rabot se nomme le fût, ainsi que tous les outils de la même espece qui sont pour l'usage de la menuiserie. L'on se sert du rabot pour planir l'ouvrage lorsque les bois ont été dressés à la varlope, & assemblés ensemble.

Le rabot ceintré sert à planir dans les parties courbes des ceintres où le rabot plat ne peut aller.

Le rabot debout est celui dont le fer n'a aucune inclinaison, & sert pour les bois de racine & des Indes, & autres bois durs.

Le rabot denté est celui dont le fer est cannelé & aussi debout ; il a le même usage que le rabot debout.

Le rabot ceintré & rond est d'usage aux voussures ou culs-de-lampe des niches.

Le rabot rond differe des précédens en ce que son fer est posé dans une entaille faite de côté à moitié de l'épaisseur du fût, & serre avec un coin qui a un épaulement par le haut qui sert à le faire sortir plus facilement de son entaille, comme les autres outils à moulure.

Le rabot rond à joue est celui à qui on a laissé une joue pour soutenir la main lorsqu'on s'en sert pour faire quelque gorge aux bords d'une piece d'ouvrage. Voyez à l'article MENUISERIE le détail de tous ces instrumens.

RABOT, diamant à, (Miroiterie) le diamant à rabot est un instrument dont se servent les Miroitiers pour équarrir leurs glaces, & les vitriers pour couper les verres épais, comme celui qu'on nomme verre de Lorraine. On l'appelle diamant, parce que véritablement la principale piece consiste en une piece de diamant fin. Dict. du Comm.

RABOT, terme de Plombier, est la même chose que l'instrument appellé plus communément rable. Voyez RABLE.

RABOT, (Soierie) outil dont l'usage est de couper plus sûrement le poil du velours. Voyez l'article VELOURS.

RABOT, (outil de Manufact. de glaces) c'est un outil dont on se sert aux verreries de S. Gobin pour couler les glaces de grand volume ; le rabot des Plombiers pour faire ce qu'ils appellent les tables de plomb, est de bois ; mais on le nomme plus ordinairement un rable. Voyez RABLE.

RABOT, (terme de Vinaigrier) bâton au bout duquel il y a une petite douve dont le vinaigrier se sert pour remuer la lie.


RABOTERv. act. c'est en général travailler au rabot.


RABOTEURS. m. (Charpent.) c'est un compagnon de chantier, qui pousse les moulures sur les bois apparens, comme les huisseries des portes, les noyaux, limons, sabots, marches d'escalier, &c. Daviler.


RABOTEUXadj. (Gramm.) il se dit des corps & des chemins dont la surface est inégale.


RABOTIERS. m. (terme d'ancien monnoyage) lorsque l'on monnoyoit au marteau, le rabotier étoit une grande table cannelée en sillons, dans lesquels on plaçoit les quarrés sur la tranche les uns à côté des autres, afin de les prendre plus facilement avec de longues tenailles pour les rechausser.


RABOUGRIR(terme de Forestier) le forestier se sert de ce mot grossier pour désigner des bois qui ne sont pas de belle venue, qui sont ébranchés, qui ne profitent point, qui ont le tronc court, noueux & raboteux. L'ordonnance défend d'étêter les arbres parce que cet étêtement les rabougrit. (D.J.)


RABOUILLIERESS. f. (Chasse) ce sont des creux à l'écart où la lapine fait ses petits afin d'empêcher qu'ils ne soient mangés par les gros lapins.


RABRIRANIO, RAMAI, (Hist. nat.) noms barbares par lesquels on a voulu désigner le bol d'Arménie.


RACAadj. (Critique sacrée) mot syriaque en usage du tems de Jesus-Christ, & qui renfermoit une injure pleine de mépris. Celui qui dira à son frere raca, sera punissable par le conseil, Matt. v. 22. c'est-à-dire, sera puni, . Ainsi I. Macchab. xjv. 45. quiconque aura violé quelqu'une de ces ordonnances, sera puni, . L'interprête grec de S. Matthieu a conservé ce mot syriaque qui étoit dans l'original, parce qu'il étoit fort usité chez les Juifs. La version angloise, celle de Luther, de Genève, de Louvain, de Port-Royal, du P. Amelotte, ont toutes conservé le même mot ; mais le P. Bouhours a mieux aimé en exprimer l'idée, & traduire : celui qui dira à son frere homme de peu de sens, méritera d'être condamné par le tribunal du conseil ; mais le pere Bouhours n'a pas vu que sa traduction péchoit en ce que raca désignoit une injure des plus méprisantes, & que ce reproche homme de peu de sens, ne renferme rien de pareil. Raca signifioit tout ensemble une tête vuide, un homme vain, un imbécille, un sot. (D.J.)


RACAGES. f. (Marine) assemblage de petites boules enfilées l'une avec l'autre, comme les grains d'un chapelet, qu'on met autour du mât, vers le milieu de la vergue, pour accoler l'une & l'autre, afin que le mouvement de cette verge soit plus facile, & qu'on puisse par conséquent l'amener plus promtement. La vergue de civadiere n'a point de racages, parce qu'on ne l'amene point. (Q)


RACAH(Géog. mod.) ville de l'Iraque babylonienne ou Chaldée, que quelques-uns mettent en Mésopotamie. Elle est située au 73 degré 15 de longitude, & à 36 de latitude septentrionale. C'est la même qui a été appellée Aracta, d'où étoit natif Albathani, célebre astronome, qui est ordinairement nommé par les Latins Albategnius aractensis. (D.J.)


RACAILLES. f. terme de mépris, qui se dit de ce qui est de moindre valeur en chaque chose. Ainsi on appelle racaille, de la marchandise de rebut. Payer en racaille, c'est faire des payemens en especes de cuivre ou de billon. Diction. de com. Il se dit aussi de la partie la plus vile du peuple.


RACAMBEAUS. m. (Marine) anneau de fer fort menu, par le moyen duquel la vergue d'une chaloupe est assujettie au mât ; il lui tient lieu de racage. (Q)


RACANELLOLE, (Géog. mod.) fleuve d'Italie, dans la Calabre citérieure ; il a sa source dans l'Apennin, & se jette dans le golfe de Venise. Magin dit que le Racanello est le Cylistarnus des anciens. (D.J.)


RACAXIPE-VELITZLI(Hist. mod.) c'est le nom que les Mexicains donnoient à des sacrifices affreux qu'ils faisoient à leurs dieux, dans de certaines fêtes ; ils consistoient à écorcher plusieurs captifs. Cette cérémonie étoit faite par des prêtres qui se revêtoient de la peau de la victime, & couroient de cette maniere dans les rues de Mexique, pour obtenir des libéralités du peuple. Ils continuoient à courir ainsi jusqu'à ce que la peau commençât à se pourrir. Cette coutume barbare leur produisoit un revenu immense, vû que les prêtres frappoient impunément ceux qui refusoient de les récompenser de leur sacrifice infâme.


RACCOMMODERv. act. (Gramm.) il se dit en général de l'action de remettre en état tout ce qui est dérangé. On raccommode un habit déchiré, une montre dérangée, un discours mal fait, un propos indiscrétement tenu, une affaire mal commencée, des amis, des amans, des parens brouillés. Il est difficile que l'attachement reste le même après des raccommodemens multipliés.


RACCORDEMENTS. m. (Archit.) c'est la réunion de deux corps à un même niveau, ou à une même superficie, ou d'un vieux ouvrage avec un neuf, comme il a été pratiqué avec beaucoup d'intelligence, par François Mansard, à l'hôtel de Carnavalet, rue Couture Sainte Catherine, à Paris, pour conserver la sculpture de la porte, faite par Jean Gougeon, où la façade neuve, qui est un bel ouvrage d'architecture, se raccorde extrêmement bien, tant au-dedans qu'au dehors, avec le reste de cette ancienne maison, qu'on dit être de Jean Bulan, architecte. On appelle encore raccordement, la jonction de deux terreins inégaux, par pentes ou perrons, dans un jardin. (D.J.)

RACCORDEMENT, (Hydr.) est la réunion de deux corps à un même niveau ou superficie, comme de deux montagnes d'inégale hauteur, où on doit faire passer des conduits d'eau. C'est encore la jonction de tuyaux inégaux de diametre, par un tambour de plomb, réunissant les différentes grosseurs qui se distribuent aux fontaines que l'on a à fournir. (K)


RACCOURCIS. m. (Peinture) il se dit de certains aspects de figures d'animaux, ou de quelqu'une de leurs parties dans un tableau. Par exemple, si une figure assise sur un plan horisontal, est représentée par la plante des piés, ses jambes & ses cuisses seront ce qu'on appelle un raccourci. Si la figure étoit couchée, & qu'on la vît de la même maniere, elle seroit toute entiere en raccourci, & ainsi des autres parties.

On dit voilà un raccourci bien entendu, de beaux raccourcis.

Ce seroit parler improprement en Peinture, que d'employer le terme de raccourci en parlant des bâtimens qui cependant sont raccourcis ; on ne dit point le raccourci de ce bâtiment.

RACCOURCI, adj. terme de Blason, ce mot se dit des pieces honorables qui ne touchent point les bords de l'écu ; c'est la même chose que coupé, alaisé ou alisé. (D.J.)


RACCOURCIRv. act. (Gram.) c'est diminuer de longueur. On raccourcit une perche, un mur, un ouvrage, une corde.

RACCOURCIR, (Jardinage) une branche, c'est la rapprocher du corps de l'arbre.

RACCOURCIR, en terme de Raffinerie, n'est autre chose que de faire bouillir les syrops exprimés des écumes, pour en évaporer l'eau de chaux qu'on y avoit mise.


RACCROCHERv. act. (Gram.) c'est rattacher à un crochet ce qui s'en étoit séparé. Raccrocher une tapisserie. Se raccrocher à quelqu'un, & à quelque chose ; on se raccroche à un magistrat, quand on a perdu la protection d'un autre. On se raccroche à tout ce qu'on trouve sous sa main, quand on se noye, ou quand on est dans la misere.


RACES. f. (Généalog.) extraction, lignée, lignage ; ce qui se dit tant des ascendans que des descendans d'une même famille : quand elle est noble, ce mot est synonyme à naissance. Voyez NAISSANCE, NOBLESSE, &c.

Madame de Lambert dit dans ce dernier sens, que vanter sa race, c'est louer le mérite d'autrui. Si le mérite des peres rehausse la gloire des enfans qui les imitent, il est leur honte quand ils dégénerent : il éclaire également leurs vertus & leurs vices. C'est un heureux présent de la fortune qu'un beau nom, mais il faut savoir le porter. " Je serai le premier de ma race, & toi peut-être le dernier de la tienne ", répondit Iphicrate à Hermodius, qui lui reprochoit la bassesse de sa naissance. Iphicrate tint parole ; il commanda en chef les armées d'Athènes, battit les Thraces, rétablit la ville de Seuthée, & tailla en pieces une bande de lacédémoniens. (D.J.)

RACE, (Maréchal.) se dit des especes particulieres de quelques animaux, & sur-tout des chevaux. Les Anglois ne souffrent pas qu'on ait de la race de leurs guilledins. Pour faire race, il faut choisir de bonnes cavales. Cheval de premiere race, est celui qui vient d'un cheval étranger connu pour excellent.


RACHALANDERv. act. (Comm.) remettre une boutique en chalandise, faire revenir les chalands. Voyez CHALANDS.


RACHATS. m. (Jurisprud.) signifie en général, l'action de racheter quelque chose. Il y a plusieurs sortes de rachats.

Rachat ou remeré, en cas de vente d'un héritage ou autre immeuble, est l'action par laquelle le vendeur rentre dans le bien qu'il avoit vendu, en vertu de la faculté de rachat, qui étoit stipulée dans la vente.

Le domaine du roi, lorsqu'il est aliéné, est sujet à rachat ; cette faculté est toujours sousentendue, & est imprescriptible, de même que le domaine.

Dans les contrats de vente des biens des particuliers, la faculté de rachat n'a point lieu si elle est stipulée par cette clause ; le vendeur se réserve le droit de rentrer dans l'héritage vendu, en remboursant à l'acheteur le prix qu'il en a reçu.

La condition du rachat fait que l'acquéreur n'est point propriétaire incommutable tant que dure la faculté de rachat ; dans ce cas la vente n'est que conditionnelle ; c'est pourquoi l'acquéreur d'une maison ne peut expulser les locataires : il peut néanmoins dès le moment de son contrat, commencer à prescrire les hypotheques de son vendeur, & elle est entierement résolue & comme non faite, lorsque le vendeur rentre dans la chose en payant le prix ; c'est pourquoi il la reprend libre & franche de toutes charges que l'acheteur auroit pu y imposer.

Quand le tems de faculté de rachat n'est pas déterminé par le contrat, elle se prescrit comme toute action personnelle par 30 ans.

Il en est de même lorsque la faculté de rachat est stipulée indéfiniment, elle ne dure toujours que 30 ans.

Lorsque le délai du rachat est fixé par le contrat, il faut se conformer à la convention, néanmoins lorsque ce délai est fixé au-dessous de 30 ans, si à l'expiration du terme l'acquéreur ne fait pas déchoir le vendeur de la faculté de rachat, elle se proroge jusqu'à 30 ans. Pour empêcher cette prorogation, & purger le rachat, il faut obtenir un jugement qui déclare le vendeur déchu de la faculté de rachat, c'est ce que l'on appelle un jugement de purification.

Cette prorogation de la faculté de rachat, n'a pas lieu néanmoins, quand la faculté est stipulée par contrat de mariage, en donnant en dot une maison ou autre immeuble.

Le tems du rachat ayant commencé contre le vendeur majeur, continue à courir contre le mineur, sans espérance de restitution, sauf son recours contre son tuteur.

En cas d'exercice de la faculté de rachat, le vendeur gagne les fruits du jour de la demande.

Lorsque le rachat ou remeré est exercé dans le tems porté par le contrat, la vente ne produit point de droits au profit du seigneur.

Voyez Dumoulin de contr. usur. quaest. 52, n. 372, Henrys, tome I. liv. IV, quest. 76. Bretonn. eod. Coquille, sur Nivernois, ch. iv, art. 23, & quest. 260. Recueil de la Combe, & les mots FACULTE, REMERE, VENTE.

Rachat, ou remboursement d'une rente ou pension, est l'acte par lequel on éteint cette rente ou pension en remboursant le sort principal de cette rente ou pension.

Le rachat n'a pas lieu ordinairement pour les rentes ou pensions viageres, à moins que cela ne soit reglé autrement par le titre, ou par convention entre les parties intéressées.

Mais on peut toujours racheter les rentes constituées à prix d'argent ; cette faculté de rachat ne se prescrit point.

A l'égard des rentes foncieres, elles sont non-rachetables de leur nature, à moins que le contraire ne soit stipulé.

Mais la faculté qui est donnée par le contrat, de racheter des rentes de bail d'héritage, assises sur des maisons de la ville & fauxbourgs de Paris ou autres villes, est imprescriptible ; ce qui a été ainsi établi pour la décoration des villes, & afin que les maisons ne soyent pas abandonnées ; on excepte néanmoins de cette regle les rentes, qui sont les premieres après le cens. Voyez Paris, art. 121 ; Orleans, 271, & les commentateurs. Voyez aussi les mots, OFFRES, PRINCIPAL, REMBOURSEMENT, RENTE.

Rachat ou relief, en matiere féodale, pris dans son véritable sens, signifie l'action de racheter du seigneur un fief qui étoit éteint, mais dans l'usage présent, il signifie le droit que le nouveau vassal paye au Seigneur pour les mutations qui sont sujettes à ce droit.

Dans quelques coutumes singulieres, telles que la rue d'Indre, art. 9, le droit de vente en héritage s'appelle aussi rachat, & est de 20 deniers pour livre ; mais communément quand on parle de rachat, ou relief, cela ne s'entend qu'en matiere féodale.

L'origine & l'étymologie du mot rachat, vient de ce que les fiefs dans leur premiere institution, n'étoient point héréditaires, mais seulement pour la vie de celui qui en avoit été investi ; de maniere qu'à la mort du vassal, le fief servant étoit éteint à son égard, & retournoit au seigneur dominant, à moins qu'il n'en fît une nouvelle inféodation en faveur de quelqu'un des héritiers.

Le fief ainsi éteint, étoit censé tombé en la main du seigneur ; & c'est pourquoi, lorsque le seigneur dominant le rétablissoit en faveur d'un nouveau vassal, cela s'appelloit relever le fief, & l'acte, par lequel on le rétablissoit ainsi, s'appelloit le relief, ou comme qui diroit le relévement du fief qui étoit tombé ou devenu caduc : le terme de relief est employé en ce sens dans plusieurs coutumes, telles que Péronne, Auxerre, Hesdin, &c.

Pour obtenir du seigneur ce relief ou relevement du fief, on composoit avec lui à une certaine somme pour laquelle on rachetoit de lui le fief, & cette composition s'appelloit le rachat, ou droit de rachat, c'est-à-dire, ce que l'on payoit pour le rachat. De sorte qu'anciennement le rachat étoit différent du relief. On entendoit par relief, le rétablissement du fief ; & par le terme de rachat, l'on entendoit la finance qui se payoit pour ce rétablissement.

Mais bien-tôt on confondit le rachat avec le relief, de maniere que ces deux termes furent reputés synonymes, quoiqu'ils ne le soyent pas en effet ; car le relief du fief est constamment différent du rachat, ou droit qui se paye pour le relief, ou pour relever le fief. Néanmoins dans l'usage on confond tous ces termes, relief, droit de relief, rachat, droit de rachat ; & l'on se sert indifféremment, des termes relief & rachat, tant pour exprimer l'investiture accordée au nouveau vassal, que pour désigner la finance qui se paye en ce cas au seigneur pour le relief du fief, c'est-à-dire pour en obtenir la prorogation.

Les fiefs étant devenus héréditaires, ce qui n'étoit d'abord qu'une grace de la part du seigneur, passa en coutume, & devint un droit. Il ne dépendit plus des seigneurs d'accorder ou refuser le relief du fief ; ils conserverent seulement le droit d'exiger le rachat pour ce relief dans les mutations sujettes au rachat.

Le droit de rachat ou relief est inconnu dans la plûpart des pays de droit écrit. Les fiefs y sont simplement d'honneur ; mais il y a des lods & mi-lods, qui sont une espece de rachat ou relief pour les rotures.

En Lorraine, ce droit se nomme reprise du fief ; en Dauphiné, placitum vel placimentum ; en Poitou, rachat ou plect, qui est un droit moins fort que le rachat, mais qui a lieu à toute mutation de vassal. En d'autres pays on l'appelle mutagium ; en Languedoc on l'appelle à capto, arriere-capte ; & en Bourbonnois, mariage, une espece de rachat, qui se paye pour les rotures ; celle d'Orleans appelle ce rachat des rotures, relevaisons à plaisir ; & celle de Rheims, essoignes.

On ne connoît point le rachat ou relief en Bourgogne.

Quelques coutumes ne l'admettent que de convention ; telles sont les coutumes de Nevers, la Rochelle, Aunis & Auvergne.

Le droit de relief ou rachat n'a pas toujours été fixé ; les seigneurs l'exigeoient, suivant leur autorité ou leurs besoins, ainsi que l'observe Galand, en son traité du franc-aleu, chap. vj. Presque toutes les coutumes n'étoient encore que des usages non écrits & fort incertains ; mais Charles VII. ayant ordonné en 1453, qu'elles seroient mises par écrit, la rédaction des coutumes mit un frein aux exactions des seigneurs, en fixant ce qu'ils pourroient prétendre pour les profits de fief.

La plûpart des coutumes fixent le relief ou rachat au revenu d'un an, les unes donnent le revenu de la premiere année qui suit la foi & hommage ; d'autres une année prise dans les trois précédentes ; d'autres, comme Paris, article 47, donnent au seigneur le choix de trois choses ; savoir le revenu d'un an, ou une somme offerte par le vassal, ou le dire de prudhommes ; d'autres coutumes ont fixé le rachat, suivant la qualité du fief ; d'autres enfin, suivant le nombre des mesures de terre qu'il contient ; mais le droit le plus général pour le rachat ou relief, est le revenu d'un an ; c'est pourquoi anciennement on l'appelloit aussi annate, ainsi que l'observe Galand, du franc-aleu, p. 170.

Le rachat ou relief féodal, n'a lieu en général que dans les mutations qui arrivent autrement que par vente ou autre acte équipollent à vente.

Quelques coutumes dans lesquelles il n'est jamais dû de quint, donnent le relief ou rachat à toutes mutations ; tel est l'usage pour les fiefs qui se gouvernent suivant la coutume du Vexin françois.

Le droit de relief ou rachat n'est pas acquis du moment que le fief est ouvert ; il faut qu'il y ait mutation de propriétaire, c'est-à-dire, un nouveau vassal.

Le droit est dû aux mutations de vassal, mais toute mutation de vassal ne donne pas ouverture au rachat ou relief. En effet, suivant le droit commun, les mutations en directe en sont exemptes.

La mutation par la succession collatérale, est le cas le plus ordinaire du rachat ou relief. Il est pareillement dû pour démission de biens & donation en collatérale, ou à un étranger : le curateur créé à une succession vacante par la renonciation de l'héritier, doit aussi le relief. Il en est dû pareillement en cas de substitution, lorsque celui qui est appellé est simplement collatéral du dernier possesseur.

Le mari ni la femme ne doivent rien, pour ce qui leur demeure de la communauté, soit jusqu'à concurrence de leur moitié, ou même au-delà, à cause du droit indivis que chacun d'eux a en la totalité.

Le don en usufruit ne produit point de rachat, ni le don mutuel en propriété, lorsque les biens compris dans ce don sont de la communauté.

Quoique le relief ne soit dû communément que pour la mutation de propriétaire, néanmoins lorsqu'une fille, propriétaire d'un fief, vient à se marier, son mari doit la foi & le rachat ou relief, qu'on appelle relief de mariage, le mari est considéré en ce cas comme un nouveau vassal ; mais la coutume de Paris & plusieurs autres, exemptent de ce droit le premier mariage des filles, & cette jurisprudence a été étendue aux autres coutumes qui ne distinguent point.

La mort du bénéficier donne aussi ouverture au rachat ; & pour les chapitres, colleges ou communautés, c'est la mort de l'homme vivant & mourant, mais cela n'a lieu qu'au profit des seigneurs particuliers, nos rois ayant affranchi de ces droits les bénéficiers qui ont des fiefs dans leur mouvance.

On appelle rachat abonné ou ameté, celui par lequel le seigneur est convenu à perpétuité à une certaine somme.

Enfin on appelle rachat rencontré, lorsque deux causes de rachat concourent en même tems, ou que pen dant le cours du premier il y a ouverture à un second.

Le seigneur qui a le choix d'une des trois choses dont on a parlé pour le relief ou rachat, doit consommer son option dans les 40 jours, après les offres du vassal.

Lorsque le seigneur opte le revenu d'une année, il doit jouir en bon pere de famille, & comme auroit fait le vassal ; il a tous les fruits naturels, civils & industriaux, même les profits casuels du fief ; il ne peut pas déloger le vassal, sa femme, ni ses enfans : il doit se contenter des lieux nécessaires pour serrer les fruits.

Le seigneur qui jouit du fief de son vassal pour le rachat, doit pendant cette année acquiter les charges du fief qui sont inféodées.

Quand le fief du vassal se trouve affermi sans fraude, le seigneur doit se contenter de la redevance portée par le bail.

Si le fief ne consiste qu'en une maison occupée par le vassal, celui-ci doit en payer le loyer, à dire d'experts.

Sur le rachat, ou relief, voyez les coutumes au titre des fiefs, & leurs commentateurs, les traités des fiefs, notamment celui de Guyot, titre du relief. Voyez aussi les mots FIEF, MUTATION, PROFITS DE FIEF, RELIEF. (A)

RACHAT DES AUTELS, (Hist. ecclés.) droit que s'arrogerent les moines, dans le neuf, dix & onzieme siecles, de faire le service divin, en succédant aux vicaires des églises. Les évêques à la mort des vicaires, avoient le droit incontestable de pourvoir aux autels ; mais dans ces tems malheureux, les moines avides, souffrant avec peine d'être privés de l'administration des autels, userent de leur crédit pour retirer le culte divin des mains des évêques, moyennant une certaine somme que l'on appella pour lors le rachat des autels, redemptio altarium ; ce fut-là la principale plainte d'Yves de Chartres dans la lettre qu'il écrivit au pape Urbain, qui tint en 1094 le concile de Clermont, où par le septieme canon, les évêques furent rétablis dans leur ancien droit, mais le rachat des autels ne laissa pas que de subsister encore long-tems. (D.J.)


RACHES. m. (Hist. mod.) c'est ainsi que l'on nomme à la cour du roi d'Ethiopie & d'Abyssinie, le principal de ses ministres, qui est en même tems généralissime de ses troupes ; il a sous lui deux inspecteurs, dont l'un s'appelle bellatinoche-gouta, c'est-à-dire seigneur des esclaves, qui fait les fonctions de grand maître de la maison du roi, & qui commande aux vicerois, gouverneurs, & même aux magistrats du royaume. Le second s'appelle takak, ou zekase bellatinoche-gouta ou seigneur des moindres esclaves.

RACHE DE GOUDRON, (Marine) c'est la lie du mauvais goudron.


RACHETABLEadj. (Jurisprud.) se dit de ce qui est sujet au rachat, comme le domaine du roi ou un domaine particulier : en vertu de la faculté de rachat, une rente constituée est rachetable de sa nature, & la rente fonciere l'est par convention. Voyez RACHAT, REMERE, DOMAINE, RENTE. (A)


RACHETERv. act. (Jurisprud.) signifie quelquefois reprendre, comme racheter un fief, ou payer le droit de rachat ou relief ; on dit aussi racheter une rente, une pension, c'est-à-dire la rembourser. Voyez REMBOURSEMENT.

RACHETER, (Archit.) c'est corriger un biais par une figure réguliere, comme une plate-bande qui n'étant pas parallele, raccorde un angle hors d'équerre avec un angle droit dans un compartiment. Ce mot signifie encore, dans la coupe des pierres, joindre par raccordement deux voûtes de différentes especes ; ainsi on dit qu'un cul-de-lampe rachette un berceau, lorsque le berceau y vient faire lunette ; que quatre pendentifs rachettent une voûte sphérique, ou la tour ronde d'un dôme, parce qu'ils se raccordent avec leur plan circulaire, &c. Voyez Daviler. (D.J.)


RACHITIou RHACHITIS, (Médec. prat.) maladie ainsi appellée de , épine du dos, parce que la cause & les principaux symptomes paroissent resider dans cette partie du corps ; elle n'a point été connue avant le milieu du seizieme siecle, où elle commença ses ravages par les provinces occidentales de l'Angleterre, d'où elle se répandit avec beaucoup de promtitude dans tous les pays septentrionaux de l'Europe. Les enfans sont les seules victimes que le rachitis immole à ses fureurs ; elle les prend au berceau depuis le sixieme mois environ de leur naissance, jusqu'à l'âge d'un an & demi, & plus rarement jusqu'à ce qu'ils ayent atteint la moitié de leur premier lustre ; son invasion est marquée par les signes suivans.

La proportion de grosseur qui se trouve entre les différentes parties du corps, commence à cesser de façon que les parties musculeuses, les extrêmités, le col s'amincissent, deviennent grêles & décharnés, cependant la tête grossit, le visage se boursouffle, le ventre se porte en-dehors & présente au toucher une enflure mollasse, la peau perd sa force & son coloris ; elle est d'une blancheur fade, lâche & flasque ; les jointures des os ressortent davantage, leurs épiphyses augmentent en volume, tandis que le corps de l'os est délié & diversement recourbé ; ce vice très-considérable dans l'épine du dos & dans les côtés, retrécit la poitrine par derriere, & la porte en pointe sur le devant, les carotides & les jugulaires dans qui le mouvement du sang est sans-doute gêné par cette disposition vicieuse de la poitrine, paroissent au col très-amples & très-dilatées ; on remarque enfin dans ces malades un développement plus promt de l'esprit, & beaucoup plus de vivacité qu'à l'ordinaire ; à mesure que ces enfans grandissent & que le mal s'invétère, de nouvelles facultés découvrent en eux de nouveaux maux ; dans le tems où suivant l'ordre de la nature & les lois de l'éducation, l'usage des piés leur est accordé, à peine peuvent-ils en profiter, quelques pas les fatiguent ; leurs jambes énervées, engourdies au moindre mouvement, ne leur permettent pas de courir, de sauter, d'aller & de venir, jeux & occupations de leur âge ; on les voit aussi en choisir auxquels ils puissent vaquer étant assis ; leurs bras n'ont pas plus de force, ils ne sauroient vaincre la plus petite résistance, & leur col délié ne soutient qu'avec peine le poids considérable de leur tête grossie, qui chancelle de côté & d'autre ; à ces symptomes propres au rachitis, se joignent en divers tems la dentition difficile, des dévoyemens presque continuels, des sueurs fréquentes, difficulté de respirer, digestion laborieuse, &c. & enfin survient la fievre lente qui hâte le funeste coup d'une mort prématurée.

Parmi les causes, qui, suivant une observation repetée, donnent le plus communément naissance au rachitis, on n'en voit point à qui l'on puisse attribuer l'origine de cette maladie, il n'y en a point qui n'agît avant le seizieme siecle ; cependant, ou elle ne produisoit pas cet effet, ou cet effet produit n'étoit pas observé, ce qui n'est guere vraisemblable ; car le silence des auteurs antérieurs est général sur ce sujet, & tous ceux qui sont venus après s'accordent à en reconnoître la nouveauté, & à fixer la même époque ; comme on peut voir dans les dissertations particulieres que Glisson, Mayow, Hoffman, &c. en ont données ; il ne paroît pas même que ces écrivains se soient beaucoup occupés à rechercher la cause qui a déterminé pour la premiere fois l'invasion de cette fâcheuse maladie ; y auroit-il eu dans ce tems-là une disposition singuliere dans l'air qui dirigeât à cet effet particulier les causes générales d'atrophie, de consomption, ou d'autres maladies ? C'est ce qu'il n'est pas possible d'assurer ; on peut seulement le présumer, & cette conjecture pourra se soutenir par le défaut d'autres plus vraisemblables ; mais laissons cette frivole aitiologie que le raisonnement seul pourroit établir, pour passer à l'examen des causes qu'une observation constante a démontré concourir plus efficacement à la production du rachitis.

Ces causes sont, 1°. l'air froid & nébuleux chargé de mauvaises exhalaisons : la preuve en est que cette maladie est très-fréquente à Londres, où l'air est un espece de cloaque épais, rempli d'exhalaisons & des vapeurs du charbon de terre ; dans les endroits maritimes, ou situés sur le bord des rivieres & des marais. 2°. La mauvaise constitution des parens : le rachitis est très-familier aux enfans, dont les pere & mere sont d'un tempérament foible & lâche, qui vivent dans l'oisiveté & la mollesse ; qui usent d'alimens de mauvais sucs, visqueux, affadissans ; qui sont épuisés par les maladies chroniques, sur-tout véneriennes, & par des excès en différens genres. 3°. Le défaut d'une bonne nourrice : ces tendres victimes susceptibles des moindres impressions ne tardent pas à se ressentir des qualités pernicieuses d'un lait fourni par une nourrice colere, ivrogne, intempérante, vérolée, phthisique, scrophuleuse, ou attaquée de quelqu'autre maladie, ou enfin enceinte, & c'est, à ce que l'on prétend, le vice du lait le plus propre à produire le rachitis & celui qui doit en favoriser les progrès. Des nourrices mercenaires à qui par une coutume barbare introduite par la mollesse, on confie les enfans, se gardent bien de déclarer aux parens leur grossesse, dans la crainte qu'on ne retire avec les enfans le salaire qu'on leur payoit, elles font par une punissable avarice avaler à ces pauvres innocens un lait empoisonné, germe fécond d'un grand nombre de maladies, & principalement du rachitis. J'ai vû plusieurs enfans attaqués de cette maladie, qui la devoient à une semblable cause ; les nourrices sont encore en faute, lorsqu'elles portent entre les bras pendant des journées entieres ces enfans emmaillotés dans une situation gênée, qui leur tient l'épine du dos courbée & les jambes inégalement tendues ; de même aussi lorsque par défaut d'attention, elles leur laissent faire des chûtes sur le dos. 4°. La disposition vicieuse des enfans qui peut avoir pris naissance d'un mauvais régime, de l'usage d'alimens peu convenables à leur âge ; tels sont les substances aqueuses & muqueuses, les fruits d'été cruds, les poissons, le pain non levé & toutes ces panades indigestes, dont on engorge les enfans à Paris, & qu'un homme fait a de la peine à soutenir ; les maladies précedentes mal traitées ne contribuent pas peu à entretenir ou former cette mauvaise disposition ; la petite vérole, par exemple, la rougeole, des dartres, la teigne, la gale, la croûte de lait repercutées donnent souvent lieu au rachitis.

L'action de ces différentes causes tend à déranger la nutrition, à la distribuer inégalement dans les diverses parties du corps, de façon que quelques-unes regorgent de parties nutritives, tandis que d'autres en sont dépourvues ; de là vient l'inégalité d'accroissement ; mais on observe dans cette inégale distribution d'embonpoint, une sorte de régularité. On a cru que la nutrition avoit lieu dans tous les organes qui tiroient leurs nerfs du cerveau, & que les parties dont les nerfs naissoient de la moëlle épiniere étoient les seules qui ne fussent pas suffisamment nourries ; l'observation est conforme sur ce point à ce sentiment ; l'ouverture des cadavres y ajoute encore un nouveau poids. Il paroît évidemment que tous les visceres du bas-ventre, & sur-tout le foie, sont beaucoup plus gros qu'à l'ordinaire ; du reste, les glandes du mesentere sont gorgées, plus apparentes & plus dures ; les poumons sont à la vérité plus petits, mais les parois retrécies du thorax s'opposoient à leur accroissement ; on les trouve en revanche surchargés d'humeurs, remplis de concrétions ; quelquefois de petits abscès, & presque toujours adhérens à la plevre. Le cerveau n'offre rien de remarquable qu'un volume bien au-delà du naturel ; toutes ces parties sont munies de nerfs qui sortent du cerveau : les parties musculeuses externes, les extrêmités qui n'ont que des nerfs spinaux sont toutes dans l'amaigrissement ; d'où l'on a tiré une conclusion qui n'est pas sans fondement, donc il y a un engorgement dans la moëlle épiniere qui empêche la distribution du suc nourricier par les nerfs auxquels elle donne naissance ; il doit donc refluer dans les nerfs que fournit le cerveau absolument libre ; de là le promt accroissement de cet organe & de tous ceux qui en dépendent ; de là aussi le développement de l'esprit, sa vivacité prématurée proportionnée à la force des nerfs, à la facilité avec laquelle ils reçoivent & retiennent les impressions, & forment les idées, tant le matériel influe sur le spirituel des opérations de l'ame. Il faut, suivant ce système, reconnoître que les nerfs sont les principaux organes de la nutrition ; & par conséquent, priver de cette fonction les extrêmités capillaires des vaisseaux sanguins ou lymphatiques, que la théorie ordinaire leur avoit accordée ; mais je ne vois rien dans cette idée que de très-vraisemblable & très-conforme aux expériences, aux observations & aux lois bien connues de l'économie animale. C'est une expérience connue que la section totale d'un nerf fait tomber dans l'atrophie la partie dans laquelle il se distribuoit ; il paroît d'ailleurs que l'humeur qu'on observoit dans les nerfs est plus propre à cet usage qu'à exécuter les mouvemens & les sensations, à quoi les nerfs solides auroient pû suffire ; en creusant cette opinion, on y trouveroit la solution satisfaisante de plusieurs phénomenes regardés comme inexplicables ; nous sommes obligés de passer sous silence ces détails intéressans qui ne seroient pas ici à leur place. Voyez NERF. Revenons à notre sujet ; la courbure des os & la grosseur de leurs épiphyses dépendent de leur ramollissement, des obstacles qui se trouvent dans le corps de l'os, qui retiennent toutes les humeurs dans les extrêmités spongieuses & faciles à se dilater. Plusieurs auteurs ont pensé que les os étoient courbés par la force des muscles, qui dépourvûs de nourriture, restoient toujours de la même longueur, par conséquent ne pouvoient s'étendre, s'allonger sans faire un arc afin que les deux extrêmités conservassent toujours la même distance entr'elles, mesurée par la longueur constante du muscle. Cette explication est éclaircie par la comparaison d'un arbre qui seroit tiré par une corde ; il seroit obligé en croissant d'obéir à cette action, & de se couder ; elle est encore fondée sur ce théoreme de Géométrie, que toute ligne posée entre deux points fixes ne sauroit s'allonger sans devenir oblique, ou courbe ; ce qui y ajoute un nouveau poids, c'est l'observation qui fait voir que les os ne se plient que du côté où il y a des muscles qui tirent ; par exemple, que la jambe est convexe par-devant, & courbée en arriere du côté qui donne attache au solaire, aux gastronumieres, &c. Cette remarque n'a pas échappé aux bonnes femmes qui se mêlent de traiter les enfans rachitiques ; elles ont toujours soin d'appliquer les remedes, de faire les frictions du côté concave, & le succès justifie la bonté de leur méthode.

Cette maladie fâcheuse par les accidens qu'elle entraîne & qui servent à l'établir, l'est encore plus par les suites funestes qu'elle manque rarement d'attirer lorsqu'elle n'est pas prévenue par une mort prochaine ; c'est dans les premiers instans où l'enfant jouit de la vie, que doivent se jetter les fondemens d'une santé durable. Mais quels affreux commencemens ; il n'est pas un seul viscere qui soit dans son assiete naturelle, & qui exerce ses fonctions d'une maniere convenable ; alors se forment ces dérangemens qui sont le noyau des maladies longues, habituelles, qui se développeront après un certain âge, ou de cet état languissant & maladif qui n'aura d'autres bornes que celles de la vie ; victimes infortunées, elles commencent à souffrir en naissant, & sont destinées à des souffrances presque continuelles. Telle est l'horrible perspective qui se présenteroit à leurs regards, si leur vue pouvoit percer dans l'avenir ; la mort d'un côté, & de l'autre la vie la plus desagréable, cent fois plus à craindre que la mort ; & le tout pour expier innocemment les crimes & les débauches de leurs parens, ou l'intempérance & les vices d'une malheureuse nourrice. Souvent à l'incommodité d'une foible santé se joint le desagrément d'une mauvaise conformation ; il n'est pas rare de voir les enfans rachitiques devenir bossus ou boiteux à l'âge de sept à huit ans, & être ainsi défigurés pour le reste de leurs jours ; peut-être que la gibbosité & le rachitis ne sont que les divers périodes d'une même maladie dépendante d'une cause commune. On doit s'attendre que ces accidens succedent au rachitis, s'il n'est pas terminé & détruit entierement à l'âge de cinq ans : la mort est à craindre s'il a dégénéré en phthisie, en fievre lente, en hydropisie de poitrine ou de bas-ventre ; si les autres symptomes sont considérables, si la disproportion des parties est notable, & l'amaigrissement extrême, si l'enfant est né rachitique, ou si cette maladie s'est déclarée peu de tems après la naissance, elle est en général d'autant plus dangereuse, qu'elle a commencé plus tôt. On peut espérer de la guérir dans les cas contraires ; la guerison n'est pas eloignée dès que les symptomes commencent à diminuer ; les éruptions cutanées survenues pendant le rachitis sont d'un très-bon augure ; elles annoncent & operent la guérison ; on vient aussi plus aisément à bout du rachitis qui provient du défaut de régime, de la mauvaise constitution de l'air, de la suppression de la gale, de la teigne, &c. que de celui qui est héréditaire ; enfin on peut toujours fonder quelque espérance sur les résolutions générales qui arrivent fréquemment aux enfans, & sur celle enfin qui est plus remarquable à l'âge de puberté.

Lorsqu'on entreprend le traitement d'un enfant rachitique, il ne faut pas oublier que les différens remedes que la Pharmacie fournit font moins d'effets à cet âge que dans d'autres, & qu'ils sont plus souvent pernicieux ; ainsi on doit bien se garder de surcharger de médicamens ces machines délicates, déja assez affaissées par la maladie : ajoutez à cela que les enfans encore dans l'état de nature, plus conduits par les sensations agréables ou le plaisir, que par la raison, répugnent toujours aux remedes dont le goût est pour l'ordinaire détestable, & refusent absolument de les prendre. C'est pour quoi il faut principalement compter sur les secours que le régime fournit ; & en conséquence si l'enfant est encore en nourrice, lui en procurer une bien portante, & qui ait le moins de mauvaises qualités, ou à son défaut, nourrir l'enfant avec du lait de chevre ou de vache, qui trop épais a besoin d'être coupé avec de l'eau, ou avec la décoction de quelque plante appropriée, mais qui n'ait point de goût desagréable, telle qu'est le chiendent ; car il ne faut pas leur donner de la répugnance pour les alimens en en corrompant la saveur. Si l'enfant peut supporter des alimens plus solides, on aura soin de ne lui en présenter que de facile digestion, secs & sans graisse, assaisonnés même de quelque léger aromate ; leur boisson doit être de l'eau aiguisée de quelques gouttes de vin vieux, ou de l'eau ferrée, ou des eaux minérales légérement ferrugineuses, qui n'ayent rien de rebutant ; on doit tâcher de les tenir dans un endroit sec, bien airé & modérément chaud ; il faut aussi que leurs linges ne soyent ni humides ni froids. Les habillemens & même les chemises de laine leur conviendroient très-bien ; on pourroit les imprégner de quelque vapeur spiritueuse, de même que le lit dans lequel on les couche, qu'on pourroit aussi remplir de simples aromatiques. L'exercice ne doit pas être négligé : si l'enfant ne peut pas marcher, il faut le promener en voiture, l'agiter, le balancer, &c.

Les remedes intérieurs par lesquels on peut seconder l'effet de ces secours diététiques, sont les purgatifs, les extraits amers, les préparations de mars & les absorbans. Les purgatifs ne sont jamais indifférens à cet âge, sur-tout ceux qui poussent par les selles ; les émétiques sont cependant très-appropriés dans le cas présent, moins par l'évacuation qu'ils procurent, que par la secousse générale qu'ils excitent ; on doit préférer l'hypecacuana aux préparations d'antimoine ; les cathartiques les plus convenables sont la rhubarbe, le diagrede, le jalap & le mercure doux. On peut associer ces médicamens, en former des poudres ou des bols, en continuer l'usage pendant plusieurs jours, & réitérer souvent cette purgation ; la manne, la casse, les huileux, tous purgatifs indigestes si peu efficaces & si usités, seroient ici très-déplacés. A ces remedes on fera succéder les opiates, ou les poudres stomachiques, toniques, absorbantes. Parmi les amers on pourra choisir la fougere, que l'observation ou le préjugé ont consacré particulierement dans ce cas, & qu'on regarde comme éminemment anti-rachitique. Si l'engourdissement étoit considérable, & que l'effet des remedes précédens ne fût pas assez sensible, il seroit à propos de leur joindre des médicamens un peu plus actifs, tels que les plantes aromatiques, quelques gouttes d'élixir de propriété de Paracelse, ou même d'esprit volatil de corne de cerf succiné, & autres semblables. Si la suppression de quelque éruption cutanée avoit donné naissance au rachitis, il faudroit faire tous ses efforts pour la rappeller ; ou même ne seroit-il pas avantageux de procurer ces maladies ? on pourroit le faire en couchant les enfans avec des galeux, des teigneux, &c.

A l'extérieur conviennent principalement les frictions seches, avec des étoffes de laine imprégnées de vapeurs aromatiques, les linimens avec des baumes spiritueux, les douches avec des eaux minérales chaudes sur les différentes parties du corps exténuées, & sur-tout sur l'épine du dos ; les bains ou demi-bains aromatiques, ou avec des eaux thermales ; les fomentations avec les mêmes matieres, & quelquefois aussi l'application des vésicatoires derriere les oreilles ou à la nuque du cou ; quelques auteurs proposent aussi les cauteres & les setons ; mais le bien incertain qui pourroit en résulter ne sauroit compenser le désagrément, les douleurs & l'incommodité qu'ils occasionnent ; d'autres conseillent les sangsues ; mais ce remede n'est approprié ni à la maladie, ni à l'age du sujet. Les charlatans anglois comptent beaucoup sur les scarifications des oreilles ; ils prétendent qu'on ne peut guérir aucun rachitique sans cette operation : ce qui est démontré faux par l'expérience journaliere ; cependant ce secours peut avoir l'avantage d'évacuer quelques humeurs de la tête ; son effet est assez analogue à celui des vésicatoires, quoique moins puissant, & à celui de l'opération de percer les oreilles, qu'on voit quelquefois dissiper les fluxions invétérées. Lorsque les os ont commencé à se courber, il faut tâcher de prévenir un vice plus considérable, & même corriger doucement celui qui est formé, par des ligatures, des bandages, des cors, des bottines, &c. convenables à la partie pour laquelle ils sont destinés, & à la gravité du mal.


RACINAGES. m. c'est en terme de Teinture, le bouillon ou la décoction de la racine, écorce, feuille de noyer & coque de noix.


RACINALS. m. (Archit. hydraul.) piece de bois dans laquelle est encastrée la crapaudine du seuil d'une porte d'écluse.


RACINAUXS. m. pl. (Archit. hydraul.) pieces de bois, comme des bouts de solives, arrêtées sur des pilots & sur lesquelles on pose les madriers & plateformes pour porter les murs de douve des réservoirs. On appelle aussi racinaux des pieces de bois plus larges qu'épaisses qui s'attachent sur la tête des pilots, & sur lesquelles on pose la plateforme. Ainsi lorsqu'on a enfoncé les pilots, on remplit tout le vuide avec des charbons, & par-dessus les pieux, d'espace en espace, on met les racinaux qu'on cloue sur la tête des pieux. C'est sur ces racinaux qu'on attache de grosses planches de cinq pouces d'épaisseur, qui forment la plateforme. Daviler. (D.J.)

RACINAUX DE COMBLE, (Archit.) espece de corbeaux de bois qui portent en encorbellement sur des consoles le pié d'une forme ronde, qui couvre en saillie le pignon d'une vieille maison.

Racinaux d'écurie, petits poteaux qui, arrêtés de bout dans une écurie, servent à porter la mangeoire des chevaux.

Racinaux de gruë, pieces de bois croisées qui font l'empatement d'une gruë, & dans lesquelles sont assemblés l'arbre & les arcboutans. Lorsqu'elles sont plates, on les nomme soles. Daviler.


RACINES. f. (Botan.) la racine est la partie de la plante qui reçoit la premiere le suc de la terre, & qui le transmet aux autres ; cette partie est presque toujours dans la terre ; il y a très-peu de plantes où elle soit hors de terre, & nous n'avons presque que le lierre & la cuscute qui ayent une partie de leurs racines découvertes ; mais on ne connoît aucune plante qui n'ait sa racine attachée à la terre ou à quelque corps terrestre.

Toutes les racines sont garnies de fibres & d'une écorce plus ou moins épaisse ; mais comme les differences des racines se tirent de leur principale partie, on n'emploie guere le terme de fibre que lorsqu'elles font cette principale partie.

On peut considérer les racines par rapport à leur tissu, à leur structure & à leur figure.

Le tissu des racines est ou charnu, ou composé de fibres sensibles. Les racines charnues, ou d'un tissu charnu, sont celles dont le corps est une espece de chair, dans laquelle on ne découvre pas de fibres sensibles ; telles sont les racines de l'iris, du cyclamen, du safran, du lis, &c.

Les racines dont le corps est tissu de fibres entrelassées & serrées à-peu-près comme des brins de filasse, sont ou molles ou dures. Les molles sont semblables à celles du fenouil, du chardon-rolland ; on peut les appeller racines à trognons. Les racines dures & ligneuses sont celles du poirier, de l'amandier, du chêne, &c.

Par rapport à la structure, les racines sont composées ou de fibres, ou de plusieurs autres racines, ou d'écailles, ou enfin de tuniques.

Les racines composées de fibres sont ou chevelues ou fibrées ; on appelle chevelues celles dont les fibres sont très-menues & semblables aux cheveux, comme celles du froment, du seigle, &c. on nomme fibrées les racines dont les fibres sont d'une grosseur considérable, comme celles de la violette, de la primevere, &c. Il y en a quelques-unes parmi celles-ci qui poussent des jets qui courent entre deux terres ; on peut les appeller racines fibrées & traçantes.

Les racines composées d'autres racines ont les mêmes racines disposées en bottes, & se nomment racines en botte, comme celles de la guimauve ; ou bien elles ont les mêmes racines disposées sans ordre dans leur longueur, comme celles du poirier. Lorsque ces racines sont plusieurs navets joints ensemble, on les appelle racine à navet, comme celles de l'asphodele, de la pivoine, &c. Si ce sont des grumeaux entassés, on les nomme racines grumeleuses, comme celles de plusieurs renoncules. Il y a quelques racines composées, qui sont des tubercules appliqués l'un sur l'autre, comme on le voit dans le safran & dans le glayeul. On en trouve quelques-unes qui sont des tubercules attachés l'un contre l'autre, savoir celles de la fritillaire, du colchique, &c.

Les racines à écailles ou écailleuses sont composées de plusieurs écailles attachées à un pivot. Il ne faut pas confondre les racines écailleuses avec les racines écaillées ; car les racines écaillées sont d'une seule piece, dont la surface est taillée en écailles comme celles de la dentaire, au lieu que les racines écailleuses sont à plusieurs écailles séparées les unes des autres.

Les racines bulbeuses ou les racines à oignons sont composées de plusieurs peaux ou tuniques appliquées les unes sur les autres, & emboîtées, pour ainsi dire, les unes dans les autres ; elles forment un massif presque rond ou oblong, telles sont les racines de l'oignon commun, du narcisse, de la jacinthe, &c.

Par rapport à la figure, les racines sont rondes & tubéreuses, comme celles du cyclamen, du safran, du bulbo-castanum ; ovales comme celles de plusieurs oignons, & de quelques especes d'orchis, longues & en pivot, que l'on appelle racines piquantes, comme celles de la rave ; à genouillet, comme celles de l'iris, du sceau de Salomon ; en perruque comme la plûpart des racines chevelues.

Les fonctions des racines & la maniere dont elles s'exercent, ne sont encore que fort peu connues. On peut seulement conjecturer que la racine est destinée à affermir la plante dans terre, ou à en tirer de la nourriture ; quelquefois même toute sa surface est propre à cette fonction, comme cela paroît dans les truffes ou dans les pommes de terre. Alors cette surface des racines est parsemée d'une infinité de petites bouches qui sucent le suc nourricier, & l'introduisent dans les vaisseaux dont elles sont les ouvertures, d'où ce suc se distribue dans tout le corps de la plante. Dès que le suc nourricier y est entré, il est crud, & retient la nature des corps qui le fournissent. Ces corps sont ordinairement la terre ou l'eau, qui reçoivent de nouveau tôt ou tard ce que les plantes en tirent ; car toutes celles qui naissent sur la terre ou dans l'eau, quand elles meurent, redeviennent partie de cette même terre ou de cette même eau, ou bien elles se dispersent dans l'air d'où elles retombent dans le sein de la terre ou dans l'eau en forme de rosée, de brouillard, de neige, de grêle, de gelée-blanche & de pluie. La terre est un chaos de tous les corps passés, présens & futurs dont ils tirent leur origine, ou dans lequel tous retombent.

L'eau, les esprits, les huiles, les sels, & toutes les autres choses qui entrent dans la formation des plantes sont renfermées dans la terre ; un feu souterrein, un feu artificiel, ou la chaleur du soleil les met en mouvement, fait qu'elles se mêlent avec l'eau, & s'appliquent aux racines des plantes qui pénetrent dans la terre. Ces sucs cruds circulent dans les plantes, sur tout au printems ; si pour-lors on les examine, on les trouve aqueux, fort délayés, & quelque peu acides ; on en a la preuve dans les liqueurs qui distillent au mois de Mars par des incisions faites au bouleau, à la vigne & au noyer.

Ensuite ces sucs poussés dans les divers organes de la plante, par un effet de sa fabrique, par la chaleur du soleil, par le ressort de l'air, par la vicissitude de son intempérie, qui est tantôt humide, tantôt seche, aujourd'hui froide & demain chaude, par le changement du jour & de la nuit, & par celui des saisons ; ces sucs, dis-je, se changent insensiblement, se cuisent, se perfectionnent par degrés, se distribuent dans chaque partie des plantes, & deviennent ainsi les sucs qui sont propres à leur végétation.

Ainsi les racines deviennent fécondes en troncs, en branches & en rameaux. On le voit dans les ormes des avenues nouvelles ; car étant ordinairement fossoyées & les racines de cet arbre courant beaucoup entre deux terres, le fossé met à nud plusieurs branches de racines qui poussent des jets feuillés, d'où il arrive que ces fossés sont ordinairement tapissés de touffes, de bouquets, de feuilles d'ormes, qui sont l'effet d'un assez grand nombre de rameaux qui sortent de toutes parts des branches souterraines de ces racines. Si on coupoit au pié les arbres portés sur ces racines, il arriveroit qu'un ou plusieurs de ces jets deviendroient à leur tour des troncs du même arbre, & sur-tout si, laissant les plus forts, on retranchoit les plus foibles.

Comme les racines se trouvent fécondes en troncs, & par conséquent en branches & en rameaux, &c. aussi les troncs & les branches sont réciproquement féconds en racines, lorsque l'occasion les met en état de montrer cette fécondité cachée, non-seulement dans les troncs, mais encore dans les branches ; on en a les preuves par les plantes rampantes, par les arbres enterrés au pié, & par les marcottes.

Enfin on sait depuis plus de deux mille ans, par le témoignage de Théophraste, hist. l. I. c. xij. & toutes les relations modernes confirment que les branches du figuier d'Inde jettent des racines pendantes, qui s'allongeant peu-à-peu, prennent terre, poussent une nouvelle tige, & couvrent ainsi la terre qui est autour du principal tronc d'une forêt très-épaisse. (D.J.)

RACINE, (Agricult.) la culture qu'on donne aux productions de la terre agit principalement sur les racines. Les labours, les arrosemens, les améliorations ont un rapport plus immédiat à cette partie des plantes qu'à toute autre. On distingue les racines en pivotantes & rampantes ; les premieres s'enfoncent presque perpendiculairement dans le terrein, les autres s'étendent suivant une direction presque horisontale. Les racines qui sortent immédiatement de la semence sont toujours du genre des pivotantes, elles pénetrent perpendiculairement dans la terre jusqu'à ce qu'elles trouvent le sol trop dur. Ces racines pivotantes, quand la terre facile à percer a du fonds, pénetrent quelquefois à plusieurs brasses de profondeur, à-moins qu'on ne les coupe, ou qu'on ne les rompe, soit de dessein prémédité, soit par accident, car alors elles changent de direction. Quand ces sortes de racines s'étendent horisontalement, on les nomme rampantes ; celles-ci sont d'autant plus vigoureuses qu'elles sont moins profondes en terre, les plus fortes se trouvant à la superficie dans cette épaisseur de terre qui est remuée par la charrue. Elles s'éloignent quelquefois assez considérablement de la plante qui les a produites, & deviennent si fines qu'elles échappent à la vûe, sur-tout quand elles ont pris la couleur de la terre qui les environne, ce qui arrive assez souvent. (D.J.)

RACINE, (Mat. méd.) on ignore généralement le tems propre à cueillir les racines de toutes les plantes qui sont employées dans la matiere médicale, ensorte que la plûpart ont perdu toute leur efficace, faute d'être tirées de terre à propos & avec connoissance. On les laisse gâter dans les jardins & les campagnes, dans l'idée qu'elles s'y conservent, & elles y pourrissent. Il faut les cueillir d'abord que les feuilles de leurs plantes tombent, & avant que les racines poussent de nouveau ; car c'est alors qu'elles ont plus de vertu, & qu'on peut les employer utilement. Mais tantôt le médecin fait une ordonnance de racines qui n'existent pas encore, & tantôt de celles qui sont vieilles, pourries & sans vertu. Telle est la honte de l'art ; ce que je dis des racines, on doit l'appliquer également aux feuilles, aux fleurs & aux graines des plantes ; cependant le vieux médecin clinique meurt dans sa routine & dans son ignorance, incapable de se corriger à un certain âge, & même trop occupé pour s'en donner la peine. (D.J.)

RACINE DE S. CHARLES, (Botan.) cette racine se trouve dans des climats tempérés, & spécialement dans Méchoacan, province de l'Amérique. Son écorce est d'une odeur aromatique, d'un goût amer, & tant-soit-peu âcre. La racine même est composée de fibrilles menues, qui se séparent aisément les unes des autres. L'écorce passe pour sudorifique, & fortifie l'estomac & les gencives. Les Espagnols lui attribuent de grandes vertus.

RACINE DE STE HELENE, (Bot.) Hernand la nomme cyperus americanus. Cette racine est longuette, pleine de noeuds, noire en-dehors, blanche en dedans, & d'un goût aromatique, à-peu-près semblable à celui du Galanga. On nous l'apporte du port de Ste Helene dans la Floride, province d'Amérique, où elle croît. Cette racine est extrêmement apéritive. On la recommande dans la colique néphrétique. Quelques-uns l'appliquent écrasée sur des parties foibles, pour les fortifier. (D.J.)

RACINE DE RHODES, (Botan.) nom vulgaire de l'espece d'orpin nommé par Tournefort anacampseros radice rosam spirante ; cette plante pousse ses tiges à la hauteur d'environ un pié, revêtues de beaucoup de feuilles oblongues, pointues, dentelées en leur bord : ses sommités sont chargées d'ombelles ou bouquets qui soutiennent de petites fleurs à plusieurs pétales disposés en rose, de couleur jaune pâle ou rougeâtre, tirant sur le purpurin. Quand ces fleurs sont passées, il leur succede des fruits composés de gaînes rougeâtres, ramassées en maniere de tête, & remplies de semences oblongues & menues : sa racine est grosse, tubéreuse, blanche en-dedans, charnue, succulente, ayant le goût & l'odeur de la rose quand on l'a écrasée. Cette plante croît sur les Alpes. On nous envoie sa racine seche parce qu'elle est de quelque usage dans la Médecine. (D.J.)

RACINE SALIVAIRE, (Botaniq.) voyez PYRETHRE.

RACINE, s. f. (terme de Grammaire) on donne en général le nom de racine à tout mot dont un autre est formé, soit par dérivation ou par composition, soit dans la même langue ou dans une autre : avec cette différence néanmoins qu'on peut appeller racines génératrices les mots primitifs à l'égard de ceux qui en sont divisés ; & racines élémentaires, les mots simples à l'égard de ceux qui en sont composés. Voyez FORMATION.

L'étude d'une langue étrangere se réduit à deux objets principaux, qui sont le vocabulaire & la syntaxe ; c'est-à-dire, qu'il faut apprendre tous les mots autorisés par le bon usage de cette langue & le véritable sens qui y est attaché, & approfondir aussi la maniere usitée de combiner les mots pour former des phrases conformes au génie de la langue. Ce n'est pas de ce second objet qu'il est ici question ; c'est du premier.

L'étude des mots reçus dans une langue est d'une étendue prodigieuse ; & si on ne prétend retenir les mots que comme mots, c'est un travail infini, & peut-être inutile : les premiers appris seroient oubliés avant que l'on eût atteint le milieu de la carriere ; qu'en resteroit-il quand on seroit à la fin, si on y arrivoit ? L'abbé Danet, dans la preface de son Dictionnaire françois & latin, jugeant de cette tâche par son étendue physique, dit qu'elle ne paroît pas infinie, puisqu'on enferme tous les mots d'une langue dans un dictionnaire qui ne fait qu'un médiocre volume. " Et c'est en effet en cette maniere, selon lui, que Joseph Scaliger, Casaubon & autres savans hommes les apprenoient. Ils en lisoient les divers dictionnaires, ils les augmentoient même de divers mots qu'ils trouvoient dans le cours de leurs études, ils ne croyoient point les savoir qu'ils ne fussent arrivés à ce degré ". Il n'est pas croyable, & je ne croirai jamais que la lecture d'un dictionnaire, quelque répétée qu'elle puisse être, soit un moyen propre pour apprendre avec succès les mots d'une langue, si ce n'est peut-être qu'il ne s'agisse d'un esprit stupide à qui il ne reste que la mémoire organique, & qui l'a d'autant meilleure que toute la constitution méchanique est tournée à son profit.

" Les langues, dit l'auteur des racines grecques, préface, ne s'apprennent que par l'usage ; & l'usage n'est autre chose qu'une répétition continuelle des mêmes mots appliqués en cent façons & en cent rencontres différentes. Il est à notre égard comme un sage maître, qui sait prudemment faire choix de ce qui nous est utile, & qui peut adroitement faire passer une infinité de fois devant nos yeux les mots les plus nécessaires, sans nous importuner beaucoup des plus rares, lesquels il nous apprend néanmoins peu-à-peu, & sans peine, ou par le sens des choses, ou par la liaison qu'ils ont avec ceux dont nous avons déja la connoissance. Mais cet usage, pour les langues mortes, ne se peut trouver que dans les anciens auteurs. Et c'est ce qui nous montre clairement que ce qu'on peut appeller l'entrée des langues, allusion au Janua linguarum de Coménius, ne doit être qu'une méthode courte & facile, qui nous conduise au plus tôt à la lecture des livres les mieux écrits ".

On a vu, article METHODE, qu'il faut commencer par de bons élemens, & passer tout d'abord à l'analyse de la phrase propre à la langue qu'on étudie. Mais comme cet exercice ne met pas dans la tête un fort grand nombre de mots, on a pensé à imaginer quelques moyens efficaces pour y suppléer. La connoissance des racines est pour cela d'une utilité dont tout le monde demeure d'accord ; & de très-habiles gens ont songé à préparer de leur mieux cette connoissance aux jeunes gens. Dom Lancelot est, à mon gré, celui qui a imaginé la meilleure forme dans son Jardin des racines grecques mises en vers françois. M. Etienne Fourmont, cet homme né avec une mémoire prodigieuse & des dispositions extraordinaires pour étudier les langues, a fait pour le latin ce que dom Lancelot avoit fait pour le grec : les racines de la langue latine mises en vers françois, parurent en 1706, livre devenu rare, trop peu connu, & qui mériteroit d'être tiré de l'oubli où il semble enseveli. Un habile disciple de Masclef a donné depuis au public, sous la même forme, les Racines hébraïques sans points-voyelles.

Ces vers sont aisés à retenir, parce que l'ordre alphabétique qui y est suivi, la mesure & les rimes régulierement disposées, conspirent à les imprimer aisément & solidement dans la mémoire.

Or il est certain que quand on sait les racines primitives, & que l'on s'est mis un peu au fait des particules propres à une langue, on n'est plus guere arrêté par les mots dérivés & composés, qui font en effet la majeure partie du vocabulaire.

RACINE D'UNE EQUATION, en Algebre, signifie la valeur de la quantité inconnue de l'équation. Voy. EQUATION.

Ainsi si l'équation est a2 + b2 = x2, la racine de l'équation est la racine quarrée de a2 + b2, ainsi (a2 + b2).

C'est une vérité reçue en Algebre, qu'une équation a toujours autant de racines qu'il y a d'unités dans la plus haute dimension de l'inconnue ; par exemple, une équation du deuxieme degré a deux racines, une du troisieme en a trois : ainsi l'équation x2 = a2 + b2, que nous venons de donner, a deux racines ou deux valeurs de x ; savoir x = + , & x = - . Cette propriété générale des équations peut se démontrer de la maniere suivante.

Soit xn + a xn + 1 + b xn - 1 +.... p = 1, une équation d'un degré quelconque ; & soit c une valeur de l'inconnue x, telle que substituant c au lieu de x dans l'équation, tous les termes se détruisent par des signes contraires, je dis que xn + a xn - 1 + b xn - 2.... + p, se divisera exactement par x = c. Car soit Q le quotient de cette division, le reste r, s'il y en a un, ne contiendra point de x, puisque x ne passe pas le premier degré dans le diviseur, & on aura (x - c) x Q + r égal & identique à xn + a xn - 1 + b xn - 2.... + p. Donc substituant c pour x dans (x - c) x Q + r, tous les termes doivent se détruire, & le résultat être c = 0. Donc cette substitution donnera (c - c) x Q + r = 0 & r = 0. Donc la division se fait sans reste.

On aura donc un quotient xn - 1 + A xn - 2+ B xn - 3 +.... + P. Et s'il y a une petite quantité C qui étant substituée par x dans ce quotient, fasse évanouir tous les termes, on prouvera de même que ce quotient peut se diviser exactement par x - c. En continuant ainsi, on trouvera que la quantité xn + a xn - 1 + b xn - 2, &c. peut être regardée comme le produit d'un nombre n d'équations simples x - c, x - C, x - D, x - E, &c. Donc puisque xn + a xn - 1 + b xn - 2.... &c. = 0, on aura x x x , &c. = 0. Or ce produit sera = 0 dans tous les cas suivans : 1°. x = c ; 2°. x = C ; 3°. x = D ; 4°. x = E, &c. Donc x a autant de valeurs qu'il y a de facteurs linéaires x - c x - C, &c. c'est-à-dire autant qu'il y a d'unités dans n.

Au reste, il ne faut pas croire que toutes ces valeurs soient ni toujours réelles, ni toujours positives. On les distingue en vraies, fausses, & imaginaires.

Racine vraie. Si la valeur de x est positive, c'est-à-dire si x est égale à une quantité positive ; par exemple, si x = r, la racine est appellée racine vraie ou positive. Voyez POSITIF.

Racine fausse. Si la valeur de x est négative, par exemple si x = - 5, on dit que la racine est fausse ou négative. Voyez NEGATIF. Par exemple, l'équation x x + 3 x - 10 - 0, a deux racines, l'une vraie, l'autre fausse, savoir x = 2 & x = - 5.

Racine imaginaire. Si la valeur de x est la racine quarrée d'une quantité négative, par exemple, si x = - 5, on dit alors que la racine est imaginaire.

C'est ce qui arrive dans l'équation x x + 5 = 0, qui a deux racines imaginaires x = + - 5 & x = - - 5. Si on multiplioit l'équation x x + 5 = 0 par l'équation x x + 3 x - 10 = 0, on formeroit une équation du quatrieme degré, qui auroit deux racines imaginaires + - 5 & - - 5, & deux racines réelles, l'une vraie + 2, l'autre fausse - 5.

Dans une équation quelconque, les racines imaginaires, s'il y en a, sont toujours en nombre pair. Cette proposition assez mal démontrée dans les livres d'Algebre, l'est beaucoup plus exactement dans une dissertation que j'ai imprimée au tome II. des Mém. françois de l'académie de Berlin. Voyez aussi IMAGINAIRE & EQUATION. Delà il s'ensuit que dans toute équation d'un degré impair, il y a au-moins une racine réelle.

L'Algebre est principalement d'usage pour mettre les problèmes en équations, & ensuite pour réduire ces équations, ou les présenter dans la forme la plus simple qu'elles puissent avoir. Voyez REDUCTION.

Quand l'équation est réduite à la forme la plus simple, il ne reste plus, pour achever la solution du problème, que de chercher par les nombres ou par une construction géométrique, les racines de l'équation. Voyez EQUATION & CONSTRUCTION.

M. l'abbé de Gua, dans les mémoires de l'académie royale des sciences de Paris, année 1741, nous a donné deux excellentes dissertations sur les racines des équations. Le premier de ces mémoires a pour titre : Démonstration de la regle de Descartes pour connoître le nombre des racines positives & négatives dans les équations qui n'ont point de racines imaginaires ; nous allons rapporter en entier l'espece de préface que M. l'abbé de Gua a mise à la tête de cet ouvrage : elle contient une discussion historique très-intéressante.

" Descartes, dit M. l'abbé de Gua, a donné sans démonstration, à la pag. 108. de sa géométrie, édit. de Paris, année 1705, la fameuse regle que j'entreprens de démontrer. On connoît de ceci, dit cet auteur, combien il peut y avoir de racines vraies & combien de fausses en chaque équation ; à savoir, s'il y en peut avoir autant de vraies que les signes + & - s'y trouvent de fois être changés, & autant de fausses qu'il s'y trouve de fois deux signes +, ou deux signes - qui s'ensuivent, &c.

Ces mots il peut y avoir, que Descartes repete deux fois dans cette proposition, évitant au contraire constamment l'expression il y a, marquent assez qu'il n'a pas regardé la regle qu'il avoit découverte, comme absolument générale, & qu'il a vu au contraire qu'elle devroit seulement avoir lieu, lorsque les racines que les équations peuvent avoir seroient toutes réelles ". M. l'abbé de Gua prouve cette vérité par d'autres endroits du même ouvrage, & il ajoute : " cet auteur s'est expliqué lui-même dans la suite de ce point, d'une maniere précise. Il trouve cette explication dans la lxvij. lettre du troisieme tome. Sa seconde objection, dit Descartes dans cette lettre, en parlant de Fermat, est une fausseté manifeste ; car je n'ai pas dit dans l'article 8. du troisieme livre ce qu'il veut que j'aie dit, à savoir qu'il y a autant de vraies racines que les signes + & - se trouvent de fois changés, ni n'ai eu aucune intention de le dire : j'ai dit seulement qu'il y en peut autant avoir, & j'ai montré expressément, art. 17. du III. liv. quand c'est qu'il n'y en a pas tant, à savoir, quand quelques-unes de ces vraies racines sont imaginaires. "

Quelque nombre de disciples & de commentateurs qu'ait eu ce grand géometre dans l'espace de près d'un siecle, il paroît néanmoins que personne, avant M. l'abbé de Gua, n'étoit encore parvenu à démontrer la regle dont nous parlons.

C'est sans-doute le xlj. chapitre du traité d'Algebre de Wallis, qui a été l'occasion de l'erreur de M. Wolf & de M. Saunderson, qui attribuent l'un & l'autre l'invention de cette regle à Harriot, algébriste anglois. On n'ignore pas que Wallis n'a rien oublié dans cet ouvrage pour arracher en quelque façon à Viete & à Descartes leurs découvertes algébriques, dont il se plait au contraire à revêtir Harriot son compatriote.

" Pour réfuter Wallis, sur l'article dont il est principalement question, nous ne nous servirons, continue M. l'abbé de Gua, que du témoignage de Wallis lui-même, & de Wallis parlant dans le même ouvrage. Il conteste, dans l'endroit que nous venons de citer, que la regle pour le discernement des racines, appartient à Descartes ; plus bas, au chap. lxiij. pag. 215. il continue à la vérité de proscrire cette regle à cause de son prétendu défaut de limitation, mais commençant alors à se contredire, il ne fait plus difficulté de la donner à son véritable auteur.

Wallis au reste n'est pas le seul qui ait attaqué la regle que nous nous proposons de démontrer.

Le journal des savans de l'année 1684, nous apprend, à la page 250. que Rolle la taxoit aussi de fausseté. Le journaliste donne ensuite deux exemples de ce genre ; mais dans ces exemples il se trouve des racines imaginaires.

C'est ce que remarque fort bien le pere Prestet de l'oratoire, dans la seconde édition des élém. liv. VIII. pag. 362.

La remarque de Rolle insérée dans le journal des savans, & la réponse du pere Prestet ne pouvoient manquer de réveiller l'attention de l'académie. Duhamel, qui en étoit alors secrétaire, fit donc mention dans son histoire, de l'observation de Rolle ; & il ajouta que l'académie ayant chargé Cassini & de la Hire d'examiner sa critique, ils avoient rapporté que Schooten avoit déja fait la même remarque, mais que cet auteur prétendoit que Descartes même n'avoit pas donné sa regle pour générale.

Si cette décision a dû en effet fixer le sens véritable de la regle de Descartes, n'auroit-elle pas dû exciter de plus en plus les géometres à chercher une démonstration rigoureuse de cette regle, aulieu de se contenter de la déduire par induction, comme on doit présumer que Descartes l'avoit fait, ou de l'inspection seule des équations algébriques par la multiplication de leurs racines supposées connues ? Un silence si constant sur une vérité qu'on pouvoit désormais regarder presque comme un principe, & dont ce pendant on n'appercevoit point encore l'évidence, n'étoit-il point en quelque sorte peu honorable pour les mathématiques " ? Nous renvoyons le lecteur, pour la démonstration de cette regle, au mémoire de M. l'abbé de Gua, qui l'a démontré de deux manieres différentes. Voyez à l'article ALGEBRE, l'histoire des obligations que cette science a aux différens mathématiciens qui l'ont perfectionnée, & sur-tout à Viete & à Descartes.

RACINE D'UN NOMBRE, en Mathématique, signifie un nombre qui étant multiplié par lui-même rend le nombre dont il est la racine ; ou en général le mot racine signifie une quantité considérée comme la base & le fondement d'une puissance plus élevée. Voyez PUISSANCE, &c.

En général la racine prend la dénomination de la puissance dont elle est racine ; c'est-à-dire qu'elle s'appelle racine quarrée si la puissance est un quarré ; racine cubique si la puissance est un cube, &c. ainsi la racine quarrée de 4 est 2, parce que 2 multiplié par 2 donne 4. Le produit 4 est appellé le quarré de 2, & 2 en est la racine quarrée, ou simplement la racine.

Il est évident que l'unité est à la racine quarrée, comme la racine quarrée est au quarré : donc la racine quarrée est moyenne proportionnelle entre le quarré & l'unité ; ainsi 1 : 2 : : 2 : 4.

Si un nombre quarré comme 4 est multiplié par sa racine 2, le produit 8 est appellé le cube ou la troisieme puissance de 2 ; & le nombre 2, considéré par rapport au nombre 8, en est la racine cubique.

Puisque l'unité est à la racine comme la racine est au quarré, & que l'unité est à la racine comme le quarré est au cube, il s'ensuit que l'unité, la racine, le quarré & le cube sont en proportion continue, c'est-à-dire que 1 : 2 : : 2 : 4 : : 4 : 8. par conséquent la racine cubique est la premiere de deux moyennes proportionnelles entre l'unité & le cube.

Extraire la racine d'un nombre ou d'une puissance donnée, comme 8, c'est la même chose que de trouver un nombre comme 2, qui étant multiplié par lui-même un certain nombre de fois, par exemple deux fois, produise ce nombre 8. Voyez EXTRACTION.

Une racine quelconque, quarrée ou cubique, ou d'une puissance plus élevée, est appellée racine binome, ou simplement binome quand elle est composée de deux parties ; comme 20 + 4 ou a + b. Voyez BINOME.

Si la racine est composée de trois parties, on l'appelle trinome, comme 200 + 40 + 5 ou a + b + c. Voyez TRINOME. Si la racine a plus de trois parties, on l'appelle multinome, comme 2000 + 400 + 50 + 6, ou a + b + c + d. Voyez MULTINOME.

M. l'abbé de Gua nous a donné de plus, dans un mémoire imprimé p. 455 du même vol. une méthode sur le nombre des racines imaginaires, réelles positives ou réelles négatives. Ne pouvant entrer dans aucun détail sur ce sujet, nous nous contenterons de dire avec l'auteur qu'on trouve sur cette méthode quelques vues générales, mais fort obscurément énoncées dans une lettre de Collins au docteur Wallis ; qu'ensuite M. Stirling a poussé ces vues un peu plus loin dans son énumération des lignes du troisieme ordre ; mais qu'il s'en faut bien que la méthode de ce géometre ne laisse plus rien à desirer. Nous croyons pouvoir en dire autant de la méthode de M. l'abbé de Gua, puisque cette méthode, de son propre aveu, suppose la résolution des équations qui n'est pas même trouvée absolument pour le 3e degré. Nous avons parlé à la fin de l'art. EQUATION, du travail de M. Fontaine sur le même sujet. (O)

RACINE, terme d'Astronomie, qui signifie une époque ou instant duquel on commence à compter les mouvemens des planetes. Il est avantageux chaque fois qu'on veut connoître le lieu moyen d'une planete, pour un tems donné, de le trouver calculé dans les tables astronomiques, où l'on a eu soin de reduire le lieu moyen ou l'anomalie moyenne des planetes au tems de quelque ere célebre, telle que l'ere chrétienne, l'ere de Nabonassar, celle de la création du monde, la fondation de Rome, le commencement de la période julienne, &c. Il a donc fallu trouver dans ces tables le lieu moyen des planetes pour ces eres proposées, & sur-tout pour les midis de tems moyen, & non pas de tems vrai ou apparent. Ces lieux moyens des planetes ainsi déterminés, se nomment les époques ou les racines des moyens mouvemens, puisque ce sont autant de points fixes d'où l'on part pour calculer tous les autres mouvemens. Voyez EPOQUE & TABLES. Inst. astr. p. 547. &c.

RACINE, partie des plantes par laquelle elles s'attachent à la terre ; il y a des racines bulbeuses, des tubéreuses & des fibreuses. La racine bulbeuse est ce que l'on appelle vulgairement un oignon, qui est le plus souvent garnie à sa base de racines fibreuses : les bulbes sont solides, radices bulbosae solidae ; par couches, tunicatae ; écailleuses, squamosae ; deux à deux, duplicatae ; ou plusieurs ensemble, aggregatae : elles sont aussi de différentes figures. La racine tubéreuse ou en tubercule est charnue & solide, elle devient plus grosse que la tige, elle y adhere ou y est suspendue par un filet, elle a différentes figures. La racine fibreuse est composée de plusieurs autres racines plus petites que leur tronc ; elle est perpendiculaire ou horisontale, charnue ou filamenteuse, simple ou branchue. Florae par. prod. par M. Dalibard.

RACINE, en Anatomie, se dit assez ordinairement de l'endroit dans lequel les parties font attachées.

On appelle racine des dents la partie de ces os qui est renfermée dans les alvéoles. Voyez ALVEOLE.

La racine du nez est cette partie qui répond à l'articulation des os du nez avec le coronal. Voyez NEZ & CORONAL.

Racine de la langue. Voyez LANGUE.

RACINE, (Critique sacrée) ; ce mot se prend au figuré dans l'Ecriture, soit en bonne, soit en mauvaise part, pour origine, principes, descendans, soit au propre soit au figuré. Racine amere. Hébr. xij. 15. , c'est une méchante racine. Il y a, dit l'Ecclés. xxj. 15. une finesse pleine d'amertume, c'est-à-dire une méchanceté. L'auteur du I. liv. des Macch. j. 2. appelle Antiochus une racine criminelle, , c'est-à-dire un prince dont les actions sont criminelles. L'Ecriture donne aussi figurément des racines aux vertus. La racine de la sagesse, dit le fils de Syrach, c. j. 24. est la crainte du Seigneur, & ses branches donnent une longue vie. (D.J.)

RACINES, (Chronolog.) certains points qu'on prend pour époques.

RACINE, couleur de (terme de Teinturier) on appelle couleur de racine, en terme de teinturier, la couleur fauve qui est une des cinq couleurs simples & matrices. Elle se fait communément avec de l'écorce de noyer, de la feuille & de la coque de noix. (D.J.)


RACKou ARAK, (Hist. mod.) liqueur spiritueuse très-forte, que les habitans de l'Indostan tirent par la fermentation & la distillation du suc des cannes de sucre, mêlé avec l'écorce aromatique d'un arbre appellé jagra. Cette liqueur est très-propre à enivrer ; son usage immodéré attaque les nerfs, suivant Bernier, & produit un grand nombre de maladies dangereuses. On ne sait si c'est la même que les Anglois apportent des Indes orientales, & dont ils font le punch le plus estimé parmi eux, quoiqu'il ait communément une odeur de vernis assez désagréable pour ceux qui n'y sont point accoutumés ; cependant on prétend que ce rack ou arak est une eau-de-vie tirée du ris par une distillation qui vraisemblablement a été mal faite, à en juger par le goût d'empyreume ou de brûlé qu'on y trouve. On apporte pourtant quelquefois des Indes orientales une espece de rack plus pur & plus aromatisé, qui paroît avoir été fait avec plus de soin & qui peut-être a été rectifié ou distillé de nouveau comme l'esprit de vin. Une très-petite quantité de ce rack mêlé avec une grande quantité d'eau, fait un punch beaucoup plus agréable que celui que les Anglois nomment rack-punch ordinaire. Quoi qu'il en soit, les voyageurs semblent s'être beaucoup plus occupés de boire ces liqueurs dans le pays, que de nous les faire connoître.


RACKELSBURG(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne dans la basse Stirie, nommée par les anciens Raclitanum, & par les Vandales Radcony. Elle est sur la gauche du Muer, à 8 milles au-dessous de Gratz. Elle a été incendiée & rebâtie plusieurs fois ; Elle a pour sa défense un château sur une montagne ; les Turcs furent battus devant cette place l'an 1418. Long. 34. 30. latit. 46. 55. (D.J.)


RACLou GRATTOIR, s. f. (Marine) petit ferrement tranchant qui est emmanché de bois, & qui sert à ratisser les vaisseaux pour les tenir propres.

La racle double, est une racle à deux tranchans.

Grande racle, est celle qui sert à nettoyer les parties qui sont sous l'eau.

Et la petite racle, est celle qui sert à nettoyer les parties qui sont hors de l'eau. (Z)

RACLE, terme de riviere, est l'endroit d'une riviere, où le terrein pendant un certain espace a plus de profondeur.


RACLERv. act. (Grammaire) ratisser quelque chose, en ôter les inégalités & le superflu. Les Parcheminiers & les Corroyeurs raclent, ceux-ci leurs cuirs, ceux-là les peaux dont ils fabriquent le parchemin & le vélin.

RACLER, en terme de Mesureurs de grains, signifie ôter avec la racloire ou radoire, ce qu'il y a de trop de grains sur les minots, boisseaux, & autres mesures lorsqu'elles ne doivent pas être données combles. Voyez MESURE & COMBLE ; on dit aussi rader. Voyez RADER, Dictionn. de comm.

RACLER, (Jardinage) se dit d'une allée où il n'y a point d'herbes, & où il ne faut que passer le racloir pour la nettoyer.

RACLER ou GRATTER, en terme d'Orfevre en grosserie, c'est polir avec le grattoir les parties creuses d'une piece d'orfevrerie, où la lime, de quelque espece qu'elle soit, ne peut être introduite. Voyez GRATTER & GRATTOIR.


RACLEURS. m. terme de Mesureur de grains, c'est une sorte de morceau de bois, qui est large d'environ trois doigts, avec un rebord, & qui sert à couper le blé quand on le mesure sur les ports de Paris.


RACLIA(Géog. mod.) écueil de l'Archipel, à 3 milles de Skinosa, entre les îles de Naxie & de Nio, à environ 4 lieues de l'une & de l'autre. Cet écueil a une douzaine de milles de circuit. Les moines d'Amorgos qui habitent Raclia, y font nourrir huit ou neuf cent chevres ou brebis.

Il semble d'abord que le nom de Raclia soit tiré d'Héraclée ; mais outre que les géographes anciens n'ont fait mention d'aucune île de ce nom, il y a beaucoup d'apparence que celle dont il s'agit ici a été connue sous le nom de Nicasia, que Pline, Etienne le géographe, Suidas, & Eustathe, placent auprès de Naxos. (D.J.)


RACLINou RACLINDE, (Géog. mod.) île de la mer d'Ecosse, au-delà du cap de Cantyr, du côté de l'est-sud-ouest, & à quatre milles seulement des côtes d'Irlande ; on la prend pour l'île Ricina de Pline. Voyez RICINA.


RACLOIRS. m. terme de Serrurier, fer tortillé, gros comme le pouce ou environ, qui est attaché à de certaines portes, & accompagné d'un anneau de fer, avec lequel on touche le racloir, afin d'avertir les gens du logis, qu'ils aient à ouvrir la porte. (D.J.)

RACLOIR, (Relieure) les Relieurs-doreurs se servent de cet outil pour unir les tranches du livre & les gouttieres avant d'y mettre l'or, & pour en ôter la superficie de la marbrure. C'est un morceau de bon acier d'environ un pié de long, évidé dans sa longueur, & ayant au milieu une queue de fer emmanchée comme un marteau à un morceau de bois arrondi. Le racloir est arrondi pour ratisser les gouttieres ; de l'autre bout il est quarré pour les tranches de la tête & de la queue des volumes. On a de ces outils de différentes largeurs pour les volumes plus ou moins gros. Voyez Pl. de la Relieure.

RACLOIR, (Tonnelier) instrument avec lequel les Tonneliers nettoyent les douves des futailles en-dedans ; cet outil se nomme une essette. Voyez ESSETTE.


RACLOIRES. f. instrument destiné à racler la langue pour enlever une pituite limoneuse qui exude de ses glandes. Dans l'état de santé, la langue est chargée, sur-tout au réveil, d'une lymphe blanchâtre & mucilagineuse : c'est cette humeur qui se porte sur les dents, s'y attache, & produit ces incrustations tartareuses qui sont les causes éloignées de la carie. On prévient ces inconvéniens dans leur principe, en s'assujettissant à se bien racler & nettoyer la langue tous les matins, avant que de se rincer la bouche ; il faut aussi avoir la précaution d'ôter le limon dont les dents sont couvertes. Bien des personnes se servent d'une petite regle d'écaille, souple & flexible, longue de sept à huit pouces, & large d'environ trois lignes. On la tient par les deux bouts, qu'on approche l'un de l'autre à un pouce de distance ; le centre courbé en arc est porté dans la bouche & sert à racler la langue : en considérant sa forme à sa partie supérieure, on voit qu'elle a une dépression dans le milieu, & qu'elle est composée de deux corps musculeux qui font sur les côtés deux éminences, selon toute sa longueur. On s'est déterminé en conséquence de cette structure, à faire des racloires d'argent dont la lame est pour-ainsi-dire festonnée, suivant la concavité du milieu de la langue, & les deux convexités de ses parties latérales. Les extrêmités un peu plus fortes sont configurées en coeur, & servent à être maintenues entre le pouce & le doigt indicateur de chaque main.

Il y a des racloires faites en espece de rateau sans dents & qui ont une queue, qui leur sert de manche ; cet instrument s'appelle aussi gratte-langue. Le sieur de Lescluze, dans un traité qui a pour titre, nouveaux élémens d'odontologie, publiés en 1754, dit qu'il a remarqué qu'il est presque impossible de nettoyer exactement les dents à leur partie postérieure, & qu'il a imaginé un gratte-langue, dont la queue est à pinces courbes. Les branches de cette pince se serrent par un anneau, comme un porte-crayon ; on met une éponge entre ces branches, & par ce moyen on enleve aisément de dessus les surfaces de toutes les dents, le limon qui forme le tartre, si préjudiciable à leur durée & à celle des gencives. (Y)

RACLOIRE, (Artillerie) instrument de fer qui, dans l'artillerie, sert à nettoyer l'ame & la chambre du mortier. Voyez MORTIER, AME, AMBREMBRE. (Q)

RACLOIRE, (Outil de divers ouvriers) instrument avec lequel on racle. Les Chauderonniers ont des racloires pour gratter les ustensiles de cuivre qu'ils veulent étamer ; les Graveurs au burin, pour ratisser les faux traits de leur gravure ; les Tonneliers, pour nettoyer les douves par le dedans des futailles ; ceux des Graveurs & Chauderonniers se nomment plus proprement des grattoirs, & la racloire des Tonneliers est ce qu'on appelle essette. Savary. (D.J.)

RACLOIRE, terme d'Ebeniste, c'est un outil dont se servent les menuisiers de placage & de marqueterie ; il est partie d'acier & partie de bois : ce qui est d'acier est une espece de lame de trois à quatre pouces de longueur, & de deux ou trois de haut ; la partie de bois qui sert de poignée est de même longueur, arrondie par le haut, avec une rainure par le bas, dans laquelle la lame est engagée. (D.J.)

RACLOIRE, pour graver en mezatinta ou en maniere noire, est un outil d'acier plat & emmanché d'un manche de bois ; cet outil est aiguisé en biseau & diagonalement comme on le voit représenté dans nos Planches ; les graveurs en maniere noire s'en servent pour racler le grain du cuivre & le rendre uni. Voyez GRAVURE EN MANIERE NOIRE.

RACLOIRE, (Horlogerie) lame tranchante des deux côtés, portée par un manche. Les Horlogers & d'autres artistes se servent de cet outil pour racler les plaques & les platines, & pour en effacer promtement les traits de la lime. Voyez nos Planches de l'Horlogerie.

RACLOIRE, instrument de bois fait en forme de regle, qui sert à racler ou rader les mesures de grains quand elles sont trop pleines & qu'on ne veut pas les rendre comble. Voyez RACLER.


RACLURES. f. c'est la poussiere ou les parties détachées d'un corps avec la racloire ; on dit de la raclure de corne de cerf ; de la raclure de parchemin, &c.


RACOLEURS. m. (Grammaire) espece de coquin, dont le métier est d'engager des hommes d'adresse ou de force. Au milieu d'une campagne, il y a peu d'officiers qui se fassent un scrupule d'employer des racoleurs.


RACONI(Géog. mod.) ou RACONIGI ; ville d'Italie dans le Piémont, entre Savillan & Turin, dans un pays charmant, sur les petites rivieres de Grana & de Macra. Il y a dans cette ville deux paroisses, onze couvens, dix d'hommes, un de filles, & environ sept mille habitans. Long. 25. 16. latit. 44. 35. (D.J.)


RACONTERv. act. (Gramm.) c'est faire le récit d'un fait, sans ajouter ni retrancher aux circonstances ; sans cela le récit devient un mensonge. L'histoire du faux Arnauld est une fourberie si compliquée, qu'elle est devenue presque impossible à raconter. On raconte d'Alexandre qu'il fit traîner à un char celui qui commandoit dans Gaza, quoique cet homme brave ne fût coupable à ses yeux que de s'être bien défendu. Il faut rabattre la moitié, & quelquefois le tout, de la plûpart des choses merveilleuses qu'on entend raconter. Celui qui raconte sans cesse, fatigue ; il montre beaucoup de mémoire, & peu de jugement. Le talent de bien raconter est rare.


RACORNIRSE, v. passif. (Gram.) c'est prendre la consistance & la couleur de la corne. Le feu racornit le parchemin, le cuir, la peau, le blanc d'oeuf, la viande.


RACOURS. m. (Manufact. en laine) c'est la quantité dont l'étoffe se raccourcit au moulin, à la teinture, & aux différens apprêts qu'on lui donne.


RACOVI(Géog. mod.) ou ARACOVI ; village de Grece, dans la Livadie. George Wheler, voyage, tom. II. pag. 16. dit : Dans ce village composé de grecs & d'albanois, avec un soubachi ou vayvode turc qui les gouverne, il n'y a point de mosquée ; mais il y a plusieurs églises, dont la meilleure est panagia, ou l'église de la sainte Vierge : les autres sont dédiées à S. George, à S. Démétrius & à S. Nicolas, & quelques autres petites chapelles. Les femmes ajustent là de petites pieces de monnoie, qui leur pendent sur le cou & sur les épaules : elles en parent aussi leurs corps-de-jupes & leurs manches. Elles peignent leurs cheveux en arriere, qu'elles tressent fort joliment sur leur dos, & y pendent à l'extrêmité des boutons d'argent : le reste de leur habillement est une longue veste de drap blanc. Ce sont tous des bergers & des bergeres qui paissent leurs troupeaux sur les montagnes.

On trouve quelques fragmens d'antiquité dans une église ; on y voit quelques morceaux de colonnes de marbre, & des chapiteaux d'ordre corinthien, ce qui fait croire que Racovi est une place ancienne. M. Spon a jugé que c'étoit l'ancienne Amphrysus ; mais Wheler, voyage de Zante à Athènes, liv. I. pag. 58. n'est point de ce sentiment, qui, dit-il, ne s'accorde ni avec Strabon, ni avec Pausanias, qui placent Amphrysus fort loin de l'endroit où est Racovi. (D.J.)


RACOVIE(Géog. mod.) ville ruinée de la petite Pologne, dans le palatinat de Sendomir. Elle est fameuse dans l'histoire par l'école & l'imprimerie que les Sociniens y ont eue, & elle étoit alors le siege de leur secte, qui s'est répandue dans tout le monde. Depuis qu'ils furent chassés de cette ville, en 1645, elle est devenue déserte.

Lubienietski (Stanislas), gentilhomme polonois, y prit naissance en 1623. Il est connu par son theatrum cometicum, & par quelques ouvrages dont on trouve les titres dans la bibliotheque des unitaires. Il étoit en grand commerce de lettres par toute l'Europe, & mourut empoisonné en 1675, à 52 ans.


RACQUITTERv. act. & passif, (Gram.) c'est en général réparer une perte faite au-delà de ses fonds. Celui qui se racquitte au jeu, s'y étoit endetté par une perte qui alloit au-delà de son argent comptant. Il se prend au figuré ; on racquitte le tems perdu ; on se racquitte d'une défaite par une victoire, &c.


RADAINUSS. m. (Hist. nat.) nom d'une pierre à qui l'on attribue des vertus fabuleuses. On dit qu'elle est noire & transparente ; qu'elle se trouve dans la tête d'un coq ou d'un chat de mer.


RADARIES. f. terme de relation, on nomme ainsi un droit qu'on paye en Perse au gouverneur de la province, sur toutes les marchandises, pour la sureté des grands chemins, particulierement dans les lieux dangereux, & où la rencontre des voleurs est ordinaire. Voyez RADARS. (D.J.)


RADARSS. m. pl. (Hist. mod.) nom qu'on donne en Perse à des especes d'archers, ou gardes des grands chemins, postés en certains endroits, & particulierement aux passages des rivieres & des défilés, pour la sureté publique. Ils demandent aux voyageurs où ils vont, d'où il viennent, & courent au moindre bruit d'un vol, pour tâcher d'arrêter celui qui l'a commis. On est bientôt informé par leur moyen de ce qu'est devenu une personne qui a commis une mauvaise action. Quelques-uns de ces radars rodent dans les montagnes & dans les lieux écartés, & s'ils y trouvent quelqu'un, ils s'en saisissent sur le moindre soupçon, pour savoir pourquoi il suit des routes détournées. Leurs appointemens fort modiques d'ailleurs, sont composés par les petits présens qu'ils reçoivent des marchands & autres voyageurs, en leur remontrant la peine qu'ils ont de veiller à la sureté des chemins. Tavernier, de qui nous tirons ces détails, ajoute que la coutume est en Perse, lorsqu'un marchand a été volé, que le gouverneur de la province lui restitue ce qui lui a été pris, pour vû qu'il fasse serment en représentant son livre, ou faisant entendre quelques témoins ; & qu'ensuite c'est au gouverneur à faire la recherche du voleur. Tavernier, voyag. de Perse.


RADE(Géog. mod.) mot françois qui signifie un espace de mer, à quelque distance de la côte, où les grands vaisseaux peuvent jetter l'ancre, & demeurer à l'abri de certains vents quand ils ne veulent pas prendre port. Ce mot vient d'un ancien nom gaulois radis, qui vouloit dire la même chose, & d'où l'on avoit formé le nom latin de l'île de Ré.

On appelle rade foraine, une rade où il est permis à toutes sortes de bâtimens de mouiller l'ancre, sans craindre le canon des forteresses qui commandent ces rades.

Bonne rade, est un lieu où le fond est net de roche, où la tenue est bonne, c'est-à-dire où le fond est bon pour tenir l'ancre, & où l'on est à l'abri du vent. On dit aussi bonne rade, à l'égard d'un tel vent, comme d'est & de sud ; c'est-à-dire que de ces vents la rade est bonne, & qu'on y est à l'abri. (D.J.)

RADE, s. f. (Marine) espace de mer, à quelque distance de la côte, qui est à l'abri de certains vents, & où l'on peut jetter l'ancre.

Les vaisseaux y mouillent même ordinairement, en attendant le vent ou la marée propre pour entrer dans le port, ou pour faire voile. Voyez l'ordonnance de la Marine de 1681, liv. IV. tit. 8.


RADEAU(Fortification) c'est un assemblage de plusieurs pieces de bois qui forment ensemble un plancher, ou une espece de bateau plat, sur lequel on peut mettre des hommes & de petites pieces de canon, pour passer des rivieres, ou transporter des troupes dans des lieux peu éloignés. Voyez PONT. (Q)

RADEAU, terme de riviere, espece de train de bois ou à brûler, ou de charpente, ou de planches, que l'on fait venir à flot sur une riviere.


RADEGAST(Idolat. germaniq.) idole des anciens Slaves. Quelques auteurs disent que Radagaise roi des Huns, qui se distingua dans la guerre du tems des empereurs Arcadius & Honorius, fut après sa mort révéré comme un dieu, sous le nom de Radegast ; mais la malheureuse issue de ses desseins n'étoit guere propre à persuader à des guerriers de l'adorer comme une divinité. Quoi qu'il en soit, il y avoit une statue de Radegast à Rhethra, dans le Mecklenbourg. L'empereur Othon I. en 960, fit briser cette statue, sans qu'aucun historien l'ait décrite ; mais dans les siecles postérieurs, chacun en a forgé des descriptions fabuleuses. Telle est celle de ceux qui nous représentent cette idole d'or massif, ayant sur la tête un casque de même métal, surmonté d'un aigle avec ses aîles déployées ; les Slaves ne savoient pas alors tant de choses. (D.J.)


RADELSTORFF(Géog. mod.) ou Rittelsdorff ; petite ville d'Allemagne dans la Franconie, à 2 milles de la ville de Bamberg. Long. 28. 29. lat. 50. 1.


RADER(Marine) c'est mettre à la rade.

On dit aussi dérader, lorsqu'un vaisseau étant mouillé dans une rade, un coup de vent le force de quitter la rade, de mettre au large. (Q)

RADER, v. act. (Commer.) en termes de Mesureurs de grains, signifie passer la radoire par-dessus les bords de la mesure, pour en ôter ce qu'il y a de trop, & la rendre juste. On dit aussi racler. Voyez RACLER. Diction. de com.


RADERIEvoyez RAAGDARIE.


RADEURS. m. (Com.) celui qui est chargé de la radoire, lorsqu'on mesure des grains, des graines ou du sel. Il y avoit autrefois des radeurs en titre d'office dans les greniers à sel.


RADIALLE, adj. en Anatomie, se dit des parties qui ont quelque relation avec le radius. Voyez RADIUS. L'artere radiale est une branche de la brachiale, qui serpente le long du radius. Elle jette d'abord un ou deux rameaux, qui se portent vers la partie inférieure du bras, & qu'on appelle à cause de cela, rameaux recurrens, qui s'anastomosent avec d'autres rameaux de la brachiale ; puis chemin faisant, elle en fournit aux différentes parties qui l'environnent, & gagne la partie supérieure de la main, au-dessus du pouce, où elle se divise en deux rameaux principaux, dont l'un entre dans la main, & s'anastomose avec la cubitale ; & l'autre tourne autour de la partie supérieure externe du pouce, & se porte en-dedans de la main pour s'anastomoser de nouveau avec la cubitale, & former une arcade de laquelle partent tous les rameaux qui viennent se distribuer aux doigts. Voyez BRACHIALE & CUBITALE.

Le muscle radial interne vient du condyle interne de l'humérus, & se termine à la partie supérieure de l'os du métacarpe, qui soutient le doigt indice.

Le radial externe est composé de deux muscles ; l'un vient de l'épine, qui se trouve au-dessus du condyle externe de l'humérus ; l'autre vient du condyle même, & ils se terminent, le premier, à l'os du métacarpe qui soutient le doigt indice, le second, à l'os du métacarpe qui soutient le doigt du milieu.

Le nerf radial naît de l'union des trois branches composées, dont la premier vient de la quatrieme & de la cinquieme paire cervicale ; la seconde, de la sixieme paire, & de la troisieme de la septieme paire cervicale, & de la premiere dorsale. Le tronc du nerf radial se tourne de devant en arriere, & fait un contour particulier autour de l'os du bras, & gagne le condyle externe de cet os, & se distribue tout le long au tégument qui couvre le rayon antérieurement & extérieurement à ceux qui couvrent les parties antérieures du poignet & la convexité de la main. Il se distribue aussi aux différens muscles qui sont situés dans ces parties, & communique avec un rameau du nerf musculo-cutané.

RADIAL, adj. (Géom.) courbes radiales ; est un nom que quelques auteurs donnent aux courbes, dont les ordonnées vont toutes se terminer en un point, & sont comme autant de rayons partant d'un même centre. C'est de-là que ces courbes ont tiré leur nom. Telle est la spirale dont les ordonnées partent toutes du centre du cercle qui la renferme. Telle est aussi la quadratrice de Dinostrate. Voyez SPIRALE, QUADRATRICE, voyez aussi ORDONNEE & COURBE. On trouve dans ce dernier article l'équation de certaines courbes algébriques, comme l'ellipse, entre des ordonnées partant d'un centre, & les angles correspondans. (O)


RADIATIONS. f. en termes de Physique, se dit de l'émission des rayons qui partent d'un corps lumineux comme centre. Voyez RAYON.

Tout corps visible est radiant, car tout corps ou point visible envoie des rayons à l'oeil, puisqu'il ne peut être vu que pour ces rayons. Il y a pourtant de la différence entre radiant & radieux, ce dernier mot se dit principalement des corps qui reçoivent leur lumiere d'eux-mêmes. Le soleil, une chandelle sont des corps radieux ; les planetes, & presque tous les corps subluminaires sont radians.

La surface d'un corps radiant peut être conçue comme consistant en point radieux. Voyez RADIEUX.

En effet, chaque point d'un corps lumineux envoie des rayons en tout sens ; & chaque point d'un corps non lumineux reçoit des rayons de tous côtés, & par conséquent en renvoie aussi de tous côtés. Car une infinité de rayons qui tombent sur le même point d'une surface droite ou courbe, sont renvoyés de maniere que l'angle d'incidence de chacun de ces rayons est égal à l'angle de réflexion. Voyez LUMIERE. (O)

RADIATION, (Jurisprud.) en terme de palais, signifie l'action de rayer quelque chose : on ordonne la radiation d'un article dans un compte ou dans une déclaration de dépens ; la radiation de l'écroue d'un homme qui a été mal emprisonné ; la radiation des termes injurieux qui sont contenus dans quelque écrit ou imprimé ; la radiation des titres ou qualités qui ont été donnés mal-à-propos à quelqu'un dans un acte ; la radiation d'une personne du rôle des tailles, de la matricule ou liste dans laquelle un officier est inscrit ; on ordonne aussi la radiation de son nom dans le tableau des interdits, lorsqu'on le rétablit dans ses fonctions. Voyez BIFFER, LIBELLE, INTERDICTION, SUPPRESSION, RATURE. (A)


RADICALESLETTRES, (Grammaire) ce sont les lettres qui se trouvent dans le mot primitif, & qui se conservent dans le mot dérivé. (D.J.)

RADICALES, lettres, (Ecriture) se dit des lettres qui servent à former les autres.

Il y en a de deux sortes, les radicales des majuscules ou majeurs, & celles des mineurs. Voyez le volume des Planches, à la table de l'Ecriture. Voyez les Pl. qui contiennent les figures radicales.

RADICAL, adj. (Alg.) on appelle ainsi les quantités qui sont affectées du signe , & qui désigne la racine de quelque quantité : par exemple, a, b, sont des quantités radicales. Voyez RACINE, voyez aussi EXPOSANT.

RADICAL, VINAIGRE, (Chymie) voyez la fin de l'article VINAIGRE.


RADICATIONS. f. (Botan.) action par laquelle les plantes poussent leurs racines ; c'est une partie de la botanique, sur laquelle on n'a pas encore assez multiplié les observations & les expériences. (D.J.)


RADICOFANI(Géog. mod.) ville d'Italie en Toscane, dans le Siennois, entre Sienne & Orviete, fondée, à ce qu'on croit, par Didier, roi des Lombards. Cette ville & le château sont la moitié du tems, ainsi que la montagne, enveloppés de nues. On y entend le tonnerre comme grondant sous les piés, ce qui fait juger qu'il y a quelques creux souterrains qui causent ce retentissement. Le terroir produit de bons vins, qu'on garde dans une grotte qui est taillée dans le roc. Long. 29. 30. lat. 42. 52.


RADICULES. f. (Botan.) c'est la partie inférieure du germe d'une graine qui commence à se développer sensiblement, & qui contient en raccourci la véritable racine. La partie supérieure qui renferme le reste de la plante, s'appelle plume.


RADIÉadj. en terme de Botanique, est une épithete qu'on donne à des fleurs rondes & planes, composées d'un disque & d'un simple rang de feuilles longuettes & pointues, disposées à l'entour en forme de rayons ou de rais. Voyez FLEUR.

Les fleurs radiées sont proprement celles qui ont plusieurs demi-fleurons rangés à l'entour du disque, ensorte qu'elles ressemblent à une étoile rayonnante ; telles sont la marguerite, la camomille, &c.

On les appelle aussi fleurs en disque radiées. Voyez DISQUE.

Radié, en terme de Blason, se dit des couronnes antiques, qu'on appelle couronnes radiées.


RADIERS. m. (Hydraul.) c'est un parc de pilotis & de palplanches rempli de maçonnerie, pour élever & rendre solide une plateforme ou plancher garni de madriers & de planches, pour y établir un moulin, ou autre machine hydraulique. (K)

RADIER, terme de riviere ; c'est l'ouverture & l'espace entre les piles & les culées d'un pont, qu'on nomme autrement raies ou le bas radier.


RADIEUXadj. (Optique) se dit du point d'un objet visible, d'où il part des rayons de lumiere. Voy. RAYON & LUMIERE, voyez aussi RADIATION.

Tout point radieux envoie une infinité de rayons ; mais il n'est visible que quand on peut tirer des lignes droites depuis ce point jusqu'à la prunelle ; car tout rayon visuel est une ligne droite.

Tous les rayons qui partent du même point sont divergens, mais il sont rassemblés & réunis par le crystallin, & par les autres humeurs de l'oeil, ensorte qu'ils se réunissent à un seul point au fond de l'oeil, ce qui rend la vision vive & distincte.


RADIOMETRES. m. voyez ARBALESTRILLE.


RADISS. m. raphanus, (Jardinage) est une plante qui s'éleve d'un pié ou deux avec des feuilles larges, découpées profondément, & semblables à celles de la rave. Ses fleurs ont quatre feuilles purpurines ; elles forment une croix, & se convertissent en fruits spongieux imitant une corne, & renfermant des semences rouges & âpres au goût. Sa racine que l'on mange, plus ronde que le navet, en a la figure, son goût est piquant & agréable.

Celui qui est appellé raphanus rusticanus, & cram par les Anglois, est une plante que Tournefort a mise entre les especes du cochlearia ; on en mange la racine.

RADIS, (Mat. méd.) cette racine n'est qu'une variété du raifort. Voyez RAIFORT.


RADIUSS. m. terme d'Anatomie, est un os long & mince, qui accompagne le cubitus depuis le coude jusqu'au poignet. Voyez nos Pl. d'Anat. & leur explication.

Le rayon ne touche l'os du coude que par ses extrêmités, dont la supérieure, qui a la figure d'une petite tête arrondie, est reçue par ce dernier, qu'il reçoit à son tour, formant par cette double articulation, une espece de ginglyme imparfait. Voyez CUBITUS.

Son extrêmité supérieure, qui roule dans la petite cavité sigmoïde de l'os du coude, est couverte d'un cartilage, & a à son sommet une petite cavité ronde qui reçoit l'apophyse externe de l'humerus, au-dessous une tubérosité pour l'attache du biceps.

L'extrêmité intérieure des rayons est plus grosse que la supérieure, & a, outre la cavité sigmoïde latérale interne, deux autres cavités à son extrêmité, qui reçoivent les os du poignet ; & à la partie latérale externe, une petite apophyse nommée stiloïde.

Le rayon & l'os du coude sont un peu courbés, ce qui fait qu'ils ne se touchent que par leurs extrêmités. Ils sont tous deux attachés par un ligament membraneux très-fort. Voyez BRAS.


RADMANSDORF(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans la haute Carniole, près de la Save, non loin de sa source. Lazius veut que ce soit l'ancienne Quadrata ; cependant il dit ailleurs que c'est Gurckfeld.


RADNOR(Géog. mod.) ville d'Angleterre, au pays de Galles, capitale du Radnorshire, à 120 milles au nord-ouest de Londres.


RADNOR-SHIRE(Géog. mod.) province d'Angleterre, au pays de Galles, dans le diocèse de Héréford ; elle est regardée comme une des plus stériles provinces du comté de Galles ; on lui donne 90 milles de circuit, qui renferment environ trois cent dix mille arpens ; elle a trois bourgs avec droit de marché, & pour ville Radnor.

Lucas (Richard), savant théologien, naquit dans cette comté en 1648 ; il a fait en anglois un traité de la félicité, des sermons, & la pratique des vertus chrétiennes, dont on a des traductions en françois. Il mourut en 1715, après avoir perdu la vue longtems auparavant. (D.J.)


RADOIRES. f. ou RACLOIRE, (Mesure de grains) instrument de bois plat en maniere de regle, d'environ deux piés de long, dont les côtés, l'un quarré, & l'autre rond, s'appelle rives. Les jurés-mesureurs de grains s'en servent pour rader ou racler les mesures par-dessus le bord quand elles sont pleines, afin de les rendre justes & sans comble ; ce qui s'appelle mesurer ras. Les grains, la farine, les graines, &c. se radent ou se raclent du côté de la rive quarrée, & l'avoine par le côté de la rive ronde, à cause que ce grain est long & difficile à rader autrement ; les mesureurs de sel se servent aussi de radoires. (D.J.)


RADOM(Géog. mod.) petite ville de la petite Pologne, dans le palatinat de Sendomir, chef-lieu d'un territoire de même nom, près de la Vistule, à 22 lieues au midi de Varsovie : elle fut prise en 1656 par les Suédois, & elle ne s'est pas rétablie depuis. Quelques-uns prétendent que c'est le Carrodunum de Ptolémée, liv. II. ch. xj. mais la plûpart des modernes disent que Carrodunum est Cracovie ; le plus sûr est de ne rien décider. Long. 39. 12. latit. 51. 16. (D.J.)


RADOUBS. m. (Marine) c'est le travail qu'on fait pour réparer quelque dommage qu'a reçu le corps du vaisseau. Les matieres dont on se sert, sont des planches, des plaques de plomb, des étoupes, du bray, du goudron, & en général tout ce qui peut arrêter les voies d'eau. (Q)


RADOUBERv. act. (Marine) c'est donner le radoub. Voyez RADOUB. On dit raccommoder, lorsqu'il s'agit de réparer les manoeuvres.


RADOUCIRv. act. (Gram.) rendre plus doux. La fonte réiterée radoucit les métaux ; la pluie radoucit l'air ; on radoucit l'humeur par des égards ; cet homme si sévere, se radoucit bien-tôt auprès d'une jolie femme.


RADSHEERS. m. (Hist. nat.) c'est le nom que les navigateurs hollandois ont donné à un oiseau qui se trouve à Spitzberg. Ce mot signifie conseiller ; il lui a été appliqué à cause de la gravité de son port ; il a le bec aigu, étroit & mince ; aux piés il n'a que trois ongles qui sont joints par une peau noire ; il n'en a point derriere les piés ; ses jambes sont noires ainsi que ses yeux ; le reste du corps est d'une blancheur éblouissante ; sa queue est longue & très-garnie, & forme une espece d'éventail ; il se nourrit de poisson sans être un oiseau aquatique ; il mange aussi la fiente des vaches marines.


RADSTADT(Géog. mod.) ville d'Allemagne, dans l'archevêché de Saltzbourg, sur l'Ens. Il ne faut pas la confondre avec Rastat, bourg de Souabe, où se fit le traité de paix de 1714, entre l'empereur & le roi de France. Long. 31. 3. latit. 47. 14.


RAETIARIA(Géog. anc.) ville de la haute Mysie, selon Ptolémée, l. III. c. ix. L'itinéraire d'Antonin, qui écrit Ratiaria, marque cette ville sur la route de Viminacium à Nicomédie : le nom moderne est Ressana, selon Lazius. (D.J.)


RAFFAISSER SEv. p. c'est s'affaisser derechef, ou perdre de son volume, ou de sa hauteur. On dit ce mur s'est raffaissé ; cette meule de foin s'est raffaissée.


RAFFALESou RAFFALS, s. m. (Marine) ce sont de certaines bouffées de vent, qui choquent les voiles avec tant de force, que si l'on ne baisse avec diligence les huniers, & qu'on ne largue point promtement les écoutes, on est en danger de démâter ou de sombrer sous voiles.


RAFFERMIRv. act. (Gramm.) c'est rendre ou plus solide, ou plus stable, ou plus compacte. On raffermit un mur par des étaies ; la pâte se raffermit en se séchant ; il se prend au simple & au figuré ; on se raffermit dans ses idées, on raffermit des troupes ébranlées ; on raffermit la santé par le régime.


RAFFESS. f. plur. (Mégisserie) ce sont les rognures des peaux que les Tanneurs & Mégissiers ont préparées, ou que les divers ouvriers qui travaillent en cuir ont débitées. (D.J.)


RAFFINAGERAFFINERIE, RAFFINER ; tous ces termes sont relatifs à la purification d'un grand nombre de substances, telles que les métaux, les sucres, les sels, le camphre, le borax, &c. Le mot raffinage est relatif à la main d'oeuvre, c'est l'art ; le mot raffinerie, aux bâtimens, c'est l'usine ; le verbe raffiner à l'action. Voyez les articles suivans.

RAFFINAGE, s. m. (Métallurgie) c'est une opération par laquelle on cherche à dégager le cuivre noir des substances métalliques étrangeres qui nuisent à sa pureté & à sa ductilité, & qui l'empêchent de paroître sous la couleur rouge qui lui est propre.

Le raffinage de cuivre passe pour une des opérations les plus difficiles de l'art de la Fonderie ; elle demande beaucoup d'expérience & d'habileté, & varie en raison de la différente nature des mines qui ont fourni le cuivre sur lequel on doit opérer. Dans cette opération on se propose d'achever de purifier le cuivre de substances qui sont très-étroitement combinées avec lui ; il faut pour cela le réduire dans une fusion bien liquide & bien parfaite, afin que les matieres qui lui sont étrangeres se mettent en scories. On ne peut produire ces effets sans un degré de feu très-violent ; & d'un autre côté il faut avoir attention que le cuivre ne soit trop raffiné ; ce qui seroit un inconvénient, & nuiroit à la beauté de sa couleur, joint à ce que l'action du feu convertiroit une portion du cuivre en chaux.

Le fourneau de raffinage varie pour les dimensions ; c'est communément un quarré de mâçonnerie, qui s'éleve à environ deux piés au-dessus du sol ; il a six piés de largeur & quatre piés de profondeur ; il est entouré de murs par trois côtés, qui se terminent en un arc surmonté de la cheminée. Au milieu du fourneau contre le mur qui le ferme par-derriere, on forme un vuide quarré dont le fond est une voûte de mâçonnerie qui porte sur le sol, & qui est destiné à servir d'évent, c'est-à-dire à donner passage à l'humidité que le feu pourroit faire sortir du terrein.

Quand le fourneau est ainsi préparé, on couvre le quarré dont nous avons parlé, avec une brasque composée de charbon pilé, de terre grasse, & de pierres, qui résistent au feu pulvérisées & tamisées. On mêle bien ces matieres ; on les humecte avec de l'eau, & l'on en couvre le fourneau. On bat fortement cette brasque avec des palettes de bois, jusqu'à ce qu'elle soit devenue dure & compacte comme une pierre. Lorsque le vuide dont on a parlé, est entierement rempli de cette brasque rendue compacte, & est au niveau de la surface du fourneau, on y forme une cavité ou casse de la forme d'un cône renversé, qui soit propre à contenir deux quintaux de cuivre ; on la rend bien unie & on la saupoudre avec de la pierre pulvérisée. Pour sécher cette casse on y met des charbons ardens, & lorsqu'elle est parfaitement séchée au point d'avoir été rougie, on la remplit de charbon, sur lequel on jette le cuivre noir qui doit être raffiné ; en se fondant, il va couler dans la casse au-travers des charbons. Pour cet effet, on fait aller le vent des soufflets, dont la tuyere doit être au niveau de la casse, & relevée par derriere, afin de porter sur le métal fondu ; mais on ne donne grand feu que lorsque le cuivre est parfaitement fondu. C'est de la disposition de la tuyere que dépend la perfection de cette opération ; le vent en donnant sur le métal fondu, facilite la formation des scories. A mesure qu'il s'en forme, on a soin d'écarter les charbons pour détacher les scories avec un outil de fer, & on les enleve promtement ; après quoi on recommence à faire aller les soufflets, & l'on remet de nouveau cuivre afin que la casse demeure toujours pleine. Lorsque le cuivre ne donne plus de fumée, ce qui vient du plomb avec lequel il s'est uni dans la liquation, ou lorsqu'il ne donne plus que peu ou point de scories, un ouvrier passe derriere le fourneau, & par l'ouverture de la tuyere il trempe dans le métal fondu une baguette de fer dont le bout est d'acier poli, dont il a eu soin de bien chauffer l'extrêmité ; il la retire sur le champ, & la trempe dans de l'eau ; si le cuivre qui est resté attaché à cette baguette ou verge s'en détache facilement, c'est un signe qu'il a été bien purifié ; s'il se détache avec peine, c'est un signe qu'il n'est point encore parfaitement pur, & il faut continuer l'opération jusqu'à ce que l'essai de cuivre se détache aisément de la verge de fer, & qu'il soit d'un beau rouge mêlé de jaune & semblable au laiton. Alors on cesse de souffler, on écarte les charbons, pour découvrir le métal fondu, & l'on attend que le cuivre commence à se figer ; pour lors on trempe un balai de bouleau dans de l'eau froide, & l'on en arrose le cuivre fondu ; par ce moyen le cuivre se partage en un gâteau que l'on appelle pain de raffinage, que l'on enleve avec des tenailles & que l'on jette de biais tout rouge dans de l'eau. On continue la même opération jusqu'à ce que le cuivre fondu qui étoit dans la casse soit entierement vuidé ; & à mesure qu'elle se vuide, les pains ou gâteaux deviennent d'un diametre plus petit ; ce qui vient de la forme conique de la casse. Le cuivre qui a été obtenu dans cette opération s'appelle rosette, ou cuivre de rosette. Voyez ROSETTE.

Lorsque le raffinage a été bien fait, ces gâteaux ou pains sont par-dessous d'un beau rouge vif, & les plaques sont minces par le milieu, & plus épaisses à la circonférence, & intérieurement dans la fracture, elles sont d'un beau rouge de cuivre.

Dans quelques raffinages le cuivre en se raffinant donne une grande quantité de petits globules de cuivre très-petits & semblables à de la graine ; c'est ce qu'on nomme cendrée de cuivre ; ces grains sont produits par le bouillonnement du cuivre dans la casse.

En Suede le raffinage du cuivre se fait dans des casses beaucoup plus grandes que celle que nous avons décrite ; elles contiennent quelquefois jusqu'à 21 quintaux de cuivre ; sur quoi l'on observera que le cuivre qui vient de Suede & de Hongrie passe pour le meilleur de l'Europe ; ce qui vient non-seulement du soin que l'on prend à le raffiner ; mais sur-tout parce qu'au sortir du raffinage, on donne encore une nouvelle fonte à ces cuivres pour les mettre en culot ; ce qui contribue à les purifier davantage ; après quoi on les bat sous de gros marteaux.

Dans le Hartz on fait le raffinage du cuivre avec un feu de bois, usage qui, suivant Schlutter, s'y est introduit en 1732, parce qu'on y raffine du cuivre noir qui est joint avec une portion de plomb ou de litharge.

A Gruenthal en Saxe, le raffinage du cuivre se fait dans un fourneau de réverbere, que l'on chauffe avec du bois. On y raffine quelquefois jusqu'à quarante quintaux de cuivre à-la-fois ; ce qui est plus avantageux que de le raffiner par petites portions. Voyez le traité de la fonte des mines de Schlutter.

RAFFINAGE, s. m. (Sucrerie, Saline) on le dit des métaux, du sucre & du sel ; de celui-ci, quand à force de le faire bouillir, on le fait devenir blanc ; de celui-là, lorsque le clarifiant à plusieurs fois, & en le faisant cuire à diverses reprises, on lui donne certain degré de blancheur, & assez de solidité pour le mettre dans des moules, & le dresser en pains ; on le dit des métaux, en leur donnant plusieurs fusions.

Il n'y a guere de villes en Europe où il y ait plus de raffineries de toutes sortes qu'à Amsterdam ; il y en a jusqu'à soixante, seulement pour le sucre, & à proportion encore davantage pour le camphre, le vermillon, le soufre, l'azur, le sel, le borax, le brai & la résine. (D.J.)


RAFFINEMENTS. m. (Gram.) c'est la manie de s'écarter de la simplicité dans la conduite avec les autres, qu'on se propose de tromper, sans qu'ils s'en apperçoivent ; ou dans la maniere de penser, de parler & d'écrire, afin de surprendre, de paroître neuf, subtil, ingénieux, délicat. Le raffinement dans les actions est tout voisin de la fausseté ; il n'y a point de raffinement dans l'expression ou dans les idées, qui ne marque de la puérilité, & qui ne vise au galimathias. Fuyons le raffinement, même dans la religion & dans la probité.


RAFFINERvoyez l'article RAFFINAGE.

RAFFINER, en terme de Raffineur de sucre, est l'action de purifier & de pétrifier le sucre qui vient des Indes en sable, fort sale & pêle-mêle, sans distinction de qualité. La premiere des opérations du raffinage est donc de trier le sucre pour ne mêler ensemble que les especes qui se conviennent. Quand ce triage est fait, on débarrasse les matieres de leurs excrémens ou écumes par l'ébullition. Voyez CLARIFIER. On les fait cuire. Voyez CUIRE ou CUITE. On les transporte dans des rafraîchissoirs. Voyez RAFRAICHISSOIRS. Quand on a une certaine quantité de sucre cuit, on mouve bien dans le rafraîchissoir, afin de mêler les cuites ensemble. On met cette matiere cuite de hauteur dans des formes plantées dans l'empli, voyez METTRE DE HAUTEUR, PLANTER FORMES & EMPLI, on les emplit (voyez EMPLIR,) on les opale, on les mouve, on les monte, on les met sur le pot, on les change, on les plante, on les couvre, on les rafraîchit, on les estrique, on les loche, on les plamote, on les recouvre, s'il le faut encore, on les change, on les étuve, & pour derniere opération, on les habille. Voyez tous ces termes à leurs articles.


RAFLE DE DES(Analyse des hazards) c'est un coup où les dés jettés viennent tous sur le même point. Si vous voulez savoir le parti de celui qui voudroit entreprendre d'amener en un coup avec deux ou plusieurs dés, une rafle déterminée, par exemple terne, vous considérerez que s'il l'entreprenoit avec deux dés, il n'auroit qu'un hazard pour gagner, & 35 pour perdre, parce que deux dés peuvent se combiner en 36 façons différentes ; c'est-à-dire, que leurs faces qui sont au nombre de six, peuvent avoir 36 assietes différentes, comme vous le voyez dans cette table,

ce nombre 36 étant le quarré du nombre 6 des faces de deux dés. S'il y avoit 3 dés, au lieu de 36 quarrés de 6, on auroit le 216 pour le nombre des combinaisons entre 3 dés ; s'il y avoit 4 dés, on auroit le quarré 1296 du même nombre 6, pour le nombre des combinaisons entre 4 dés, & ainsi de suite.

Il suit de-là qu'on ne doit mettre que 1 contre 35, pour faire une rafle déterminée avec deux dés en un coup. On connoîtra par un semblable raisonnement, qu'on ne doit mettre que 3 contre 213, pour faire une rafle déterminée avec trois dés en un coup, & 6 contre 1290, ou 1 contre 215 avec quatre dés, & ainsi de suite, parce que des 216 hazards qui se trouvent en trois dés, il y en a 3 pour celui qui tient le dé, puisque 3 choses se peuvent combiner 2 à 2, en trois façons, & par conséquent 213 contraires à celui qui tient le dé : & que des 1296 hazards qui se trouvent entre quatre dés, il y en a 6 qui sont favorables à celui qui tient le dé, puisque quatre choses se combinent deux à deux en six façons, & par conséquent 1290 contraires à celui qui tient le dé.

Mais si vous voulez savoir le parti de celui qui entreprendroit de faire une rafle quelconque du premier coup avec deux ou plusieurs dés, il ne sera pas difficile de connoître qu'il doit mettre 6 contre 30, ou un contre 5 avec deux dés, parce que, si des 36 hazards qui se trouvent entre deux dés, on ôte six hazards qui peuvent produire une rafle, il reste 30. On connoîtra aussi très-aisément qu'avec trois dès, il peut mettre 18 contre 198, ou 1 contre 11, parce que si des 216 hazards qui se rencontrent entre trois dez, on ôte 18 hazards qui peuvent produire une rafle, il reste 198, &c. (D.J.)

RAFLE, (Oecon. rustiq.) est le petit rameau tendre de la vigne où étoient attachés les grains de raisin ; on s'en sert à faire du vinaigre ; elle fait tourner le vin & le rend sur ; mais il faut pour cela la mettre en lieu où elle puisse devenir sure elle-même, avant que de la jetter dans le vinaigre, & pour cet effet, à présent, dès que la vendange est faite, on enferme les rafles dans des barrils, de peur qu'elles n'ayent de l'air, parce que, si elles en avoient, elles s'échaufferoient & se gâteroient. On n'a pas jusqu'à présent trouvé d'autre moyen de les conserver que de remplir le vaisseau où on les a enfermées, de vin ou de vinaigre.

RAFLE, s. f. (terme d'Oiselier & de Pêcheur) sorte de filet triple ou contremaillé, pour prendre de petits oiseaux & des poissons.


RAFLEUXen terme de Raffinerie, il se dit d'un sucre qui a été mouvé trop froid, & a contracté pour cette raison des inégalités qui se remarquent sur sa surface. Voyez MOUVER.


RAFRAÎCHIRv. act. (Gram.) ce verbe a quelques acceptions très-diverses. Rafraîchir, c'est communément rendre frais, diminuer la chaleur. L'orgeat rafraîchit. La pluie rafraîchit l'air. La glace rafraîchit le vin. Rafraîchir, c'est échanger, réparer, raccommoder, ravitailler ; on rafraîchit une place de munitions & de soldats ; on se rafraîchit ou l'on reprend des forces, on rafraîchit un mur, un habit, un tableau ; on rafraîchit ses cheveux, en les faisant couper légerement par la pointe ; dans le même sens on rafraîchit des arbres, des bois, un chapeau, un manteau. On se rafraîchit la mémoire, l'imagination, &c.

RAFRAICHIR, (Marine) ce terme a plusieurs significations. On dit rafraîchir le canon, lorsqu'on met du vinaigre & de l'eau dans la volée, lorsqu'il a tiré environ sept coups ; rafraîchir la fourrure, quand on fait changer de place à la fourrure qu'on met tout-autour d'un cable ; & que le vent se rafraîchit, lorsqu'il devient plus fort.

RAFRAICHIR, (Métallurgie) c'est ainsi qu'on nomme dans les fonderies une opération qui consiste à joindre du plomb, de la litharge ou quelqu'autre substance qui contienne du plomb, avec une mine ou un métal, afin que ce plomb se charge de l'argent qui y est contenu. Voyez l'article LIQUATION.

RAFRAICHIR LE GRAIN, (Brasserie) c'est lui donner de l'eau nouvelle, lorsqu'il est à moitié trempé.

RAFRAICHIR, terme de Chapelier, on rafraichit les chapeaux en en rognant les bords, & les lustrant avec de l'eau.

RAFRAICHIR, v. act. terme de Jardinier, ce mot se dit des racines des arbres, & signifie couper un peu de l'extrêmité d'une racine, pour ôter ce qui pouvoit s'être séché ou rompu. (D.J.)

RAFRAICHIR, en terme de Raffineur de sucre, c'est mettre la seconde terre desséchée & une autre terre presque en eau, après que l'autre a été estriquée (Voyez ESTRIQUER), afin d'achever de faire tomber le syrop que les deux premieres esquives n'ont pu chasser.


RAFRAICHISSANT(Thérapeutique) remede rafraîchissant. On donne premierement ce nom à des médicamens destinés à l'usage intérieur, qu'on croit capables de remédier à un état contre nature, assez mal défini par une prétendue augmentation de chaleur naturelle : ce qui fait que cette qualité de rafraîchissant n'est souvent prise que dans un sens figuré ; car la plûpart des remedes intérieurs auxquels on donne ce titre, sont bien capables de calmer la plûpart des symptômes, de l'état appellé échauffement, & même de remédier entierement à cette incommodité (Voyez l'article ÉCHAUFFANT & ÉCHAUFFEMENT) ; mais ils ne sont point capables de diminuer la chaleur naturelle, ou de ramener à l'état naturel la chaleur excessive contre nature, du moins par un effet direct & immédiat.

Les remedes rafraîchissans internes sont premierement les boissons actuellement froides, comme l'eau à la glace, & les liqueurs glacées ou les glaces. Voyez GLACES, Médecine.

2°. Les liqueurs aqueuses acidules, telles que sont les sucs acides des végétaux étendus de beaucoup d'eau, par exemple, la limonade (voyez LIMONADE), l'oxicrat (voyez OXICRAT & VINAIGRE) & enfin les liqueurs aqueuses chargées jusqu'à agréable acidité de quelque acide minéral. Voyez ACIDE sous le mot SEL.

3°. Tous les remedes appellés délayans. Voyez DELAYANS.

4°. Enfin les esprits ardens fermentés très-affoiblis, en les noyant d'une grande quantité d'eau ; ainsi un filet d'eau-de-vie dans un grand verre d'eau fournit un mêlange vraiment rafraîchissant. C'est à cette classe qu'il faut rapporter la petite biere, qui prise en petite quantité est véritablement rafraîchissante.

Il y a aussi des rafraîchissans extérieurs : & ceux-ci le sont à la rigueur, ou à la lettre ; car ils diminuent réellement le degré de chaleur animale. Voyez l'article suivant.

Les rafraîchissans sont employés contre les incommodités, & dans le traitement des maladies proprement dites ; il est traité assez au long de leur emploi au premier égard dans les articles CHALEUR ANIMALE CONTRE NATURE, ECHAUFFANT, & ECHAUFFEMENT.

Quant au second usage des rafraîchissans, savoir, leur emploi dans le traitement des maladies aiguës, on doit le considérer sous deux points de vue, ou comme fournissant le fond, la ressource principale d'une méthode curative générale, telle, par exemple, que celle que professa Hecquet, & qui regne encore assez communément en France. L'usage des rafraîchissans est encore jugé à cet égard dans l'article CHALEUR ANIMALE CONTRE NATURE, pag. 36, col. 2, & pag. 37. col. 1.

L'autre usage des rafraîchissans dans le traitement des maladies aiguës, est de remédier par leur moyen à quelques symptomes graves de ces maladies, savoir, la chaleur véritablement excessive, & portée à un degré dangereux (voyez CHALEUR CONTRE NATURE), mais principalement les sueurs symptomatiques excessives, & qui jettent le malade dans un véritable état d'épuisement.

On a recours dans ces derniers cas aux rafraîchissans extérieurs qui sont les plus directs & les plus efficaces, & même aux plus énergiques d'entr'eux : on découvre un malade, on l'évente dans son lit, on l'arrose d'eau à la glace, & même on le couvre de neige ou de glace. Ces secours, quoiqu'on les employe rarement, sont pourtant le plus souvent suivis des plus heureux succès.

Le plus efficace des rafraîchissans destinés à l'usage intérieur sont les liqueurs acidules qui sont indiquées aussi contre les symptomes des maladies aiguës dont nous venons de parler ; & il est souvent utile, quoique cela soit rarement pratiqué, de donner ces liqueurs rafraîchies, & même à la glace.

Les liqueurs aqueuses actuellement froides, sont aussi comme telles, c'est-à-dire par leur froideur, des remedes qu'on employe utilement dans le même cas.

Tous les autres rafraîchissans, dont nous avons fait mention au commencement de cet article, méritent à peine ce nom, & ne produisent absolument que l'effet délayant. Voyez DELAYANT. (b)

RAFRAICHISSANS, terme de Chirurgie concernant la matiere médicale externe. Ce sont des médicamens qui ont la vertu de tempérer & de calmer la chaleur extraordinaire qu'on sent dans une partie ; telles sont les lotions faites avec les sucs de laitue, de pourpier, de grande & de petite joubarbe, l'eau de plantain, de mouron, de fleur de lis blancs, de nénuphar, de morelle, le petit-lait, l'eau de frai de grenouilles, &c. l'onguent blanc, l'onguent de céruse, le nutritum fait avec la litharge, l'huile & le vinaigre ; le cérat rafraîchissant de Galien, camphré ou non camphré, l'emplâtre de saturne, & différentes préparations de plomb ; le sel de saturne, les trochisques blancs de rhasis, &c.

Ces remedes agissent sur les solides & sur les fluides, en resserrant les premiers, ou en les disposant à se contracter, & en diminuant le mouvement intestin des liqueurs. On met les rafraîchissans au nombre des repercussifs, & ils en font effectivement une classe. Ils seront donc nuisibles lorsqu'il y aura à craindre de repercuter, même modérément ; mais l'application de ce remede sera très-utile quand on devra borner la force expansive des liqueurs & la végétation concomitante des solides : ce qu'on observe principalement dans les cancers ulcérés. C'est pourquoi les rafraîchissans en diminuant le mouvement du sang qui afflue sur la partie, & en réprimant l'expansion & l'orgasme des humeurs qui y sont en stagnation, & les repoussant légerement par la contraction ou le resserrement qu'elles occasionnent aux solides, la douleur, la chaleur & l'inflammation de la partie diminuent.

Ambroise Paré recommande l'usage de l'huile d'oeufs agitée long-tems dans un mortier de plomb, jusqu'à ce qu'elle soit épaissie & devenue noire : on y ajoûte un peu de camphre & de poudre d'écrevisse brûlée ; ce liniment calme la douleur des cancers. Le sucre de saturne dans de l'eau de plantain, est un très-bon remede, ainsi que les sucs de morelle ou de semper vivum battus long-tems dans un mortier de plomb avec un pilon de même métal, &c. Voyez RAFRAICHISSEMENT. (Y)


RAFRAICHISSEMENTS. m. l'action de rafraîchir, de rendre frais. Tout le monde sait que le corps humain est affecté des changemens qui arrivent dans l'air par le chaud & par le froid : un certain degré de chaleur pas assez fort pour dessécher ou détruire les solides, allonge & relâche les fibres ; de-là l'abattement & la foiblesse qu'on sent dans les jours chauds. L'effet de ce relâchement des fibres, & l'expansion des fluides par la chaleur, sont évidens à la vûe & au toucher ; car les parties extérieures du corps sont plus gonflées en tems chaud qu'en tems froid. Ces considérations, qui établissent une cause de la gangrene qui survient si fréquemment aux plaies pendant les grandes chaleurs, nous indiquent les moyens de la prévenir par des secours fort simples. Une infinité d'accidens procedent de ce qu'on tient la chambre d'un homme attaqué de fievre, trop chaude ; car on l'expose par-là aux mauvais effets des vapeurs animales qui détruisent l'élasticité de l'air, & on le prive de l'avantage de la refrigération par l'air frais, dont on sait par expérience que les malades recherchent avidement la jouissance, jusque là même qu'ils sortent du lit pour se procurer du frais. Le rafraîchissement de la place qu'occupe un membre fracturé, prévient les prurits & les démangeaisons érésipellateuses que la chaleur occasionne. Nous en avons parlé au mot FLABELLATION.

Le renouvellement de l'air dans la chambre d'un malade, en donnant à ce fluide une libre entrée par l'ouverture des portes, des rideaux du lit, & même en quelque cas par l'ouverture des fenêtres, ou le faisant entrer par des tuyaux ; en un mot la juste distribution de l'air en général devroit faire, selon le docteur Arbuthnot, une des principales branches du régime dans les maladies inflammatoires. Les soins trop scrupuleux des gardes ignorantes à cet égard, augmentent, dit-il, allongent & rendent souvent la maladie fatale ; cette erreur est encore plus dangereuse dans les personnes robustes, & dont les solides sont d'un tissu serré, que dans ceux dont l'habitude est lâche ; les corps retenant la chaleur à raison de leur densité. (Y)

RAFRAICHISSEMENT, (Marine) nom général ou collectif qu'on donne à toutes sortes de vivres agréables ou nécessaires, comme du pain frais, de la viande fraîche, des herbes, du fruit, &c. & pour les matelots, du tabac, de l'ail & de l'eau-de-vie.

RAFRAICHISSEMENT, quartiers de rafraîchissement, voyez QUARTIER.

RAFRAICHISSEMENT des liqueurs, voyez REFROIDISSEMENT.


RAFRAICHISSOIRS. m. terme de Raffineur, est un grand vase de cuivre rouge composé de plusieurs pieces assemblées, où l'on rassemble plusieurs cuites pour emplir un nombre de formes proportionné à celui des ouvriers, qui ne pourroient ni emplir, ni opaler, ni mouver au tems nécessaire, si le nombre surpassoit leurs forces. Voyez ces mots à leurs articles. On y coule doucement la matiere de la seconde cuite, pour ne point rompre la croûte que la premiere a formée.


RAFUTERRAFUTER


RAGAE(Géog. anc.) ville de Médie, située dans les montagnes qui séparent ce pays de celui des Parthes. Il en est parlé dans Tobie, ch. v. vers. 8, ch. vj. vers. 5. Strabon, liv. II. p. 524, parle aussi de cette ville, mais il écrit Rageia. Il dit que Nicator en fut le fondateur, qu'il l'appella Europus, que les Parthes la nommoient Arsacia, & qu'elle étoit à 500 stades des portes Caspiennes, du côté du midi. (D.J.)


RAGBIL(Géograph. mod.) nom d'une ville du royaume de Ganah, dans le pays des Negres, sur le bord d'un lac que les gens du pays appellent Bahe-Alhalou, mer douce, à cause que ses eaux ne sont pas salées comme celles des autres lacs de ce pays-là, qui sont presque tous salés ou saumaches. D'Herbelot, bibl. orient. (D.J.)


RAGES. f. (Maladie) voyez l'article HYDROPHOBIE. On en distingue de sept sortes pour les chiens.

1°. La rage mue : le chien qui en est attaqué, ne veut point manger, ouvrant toujours la gueule comme s'il avoit quelque embarras dans le gosier, qu'il tâche d'ôter avec sa patte ; il cherche les endroits frais, & se jette dans l'eau quand il en trouve.

Remede. Prenez de la racine de passe-rage, du jus de rhue, & du jus d'hellebore noir, de chacun le poids de quatre écus : mettez le tout dans un pot de terre verni, où vous le laisserez pendant quelque tems ; & après l'avoir passé dans un linge, mettez la liqueur dans un verre avec du vin blanc : ajoutez-y deux dragmes de scamonée non préparée : faites avaler ce remede au chien en lui tenant la gueule en-haut ; saignez-le aussi-tôt à la gueule, laissez-le reposer, & votre chien guérira.

2°. Rage tombante. Le chien qui en est attaqué ne peut se soutenir, & tombe à chaque instant à terre.

Remede. Prenez des feuilles ou de la graine de beone, de jus de croisette, du jus de racine du parc, de chacun le poids de quatre écus ; & quatre dragmes de staphisaigre : mêlez le tout ensemble, & faites avaler cette mixtion au chien, après quoi il faut lui fendre les deux oreilles, ou bien le saigner aux erres.

3°. Rage endormie. Le chien attaqué de cette maladie se tient toujours couché, & veut toujours dormir.

Remede. Prenez le poids de six écus de jus d'absinthe, le poids de deux écus de poudre d'aloës, le poids de deux écus de corne de cerf brûlée, deux dragmes d'agaric, & le poids de six écus de vin blanc : mêlez le tout ensemble, & le faites avaler au chien.

4°. La rage efflanquée. Cette maladie n'attaque que les vieux chiens ; leurs flancs sont fort resserrés, & leur battent continuellement.

Cette rage est incurable, & il faut tuer le chien.

5°. Rage rhumatique. Le chien attaqué de cette maladie a la tête enflée & les yeux si gros, qu'ils lui sortent de la tête.

Remede. Prenez du fenouil, faites-en une décoction dont vous prendrez le poids de six écus ; faites une autre décoction de gui, dont vous prendrez le poids de quatre écus ; faites-en encore une de lierre, dont vous prendrez le poids de quatre écus ; & prenez aussi le poids de quatre écus du jus de polipode : mêlez le tout ensemble dans un poëlon : faites-le bouillir avec vin blanc ; & lorsque ce breuvage sera refroidi, faites-le prendre au chien, & laissez-le ensuite en repos.

6°. Rage chaude. Le chien attaqué de cette maladie porte la queue toute droite ; il se jette indifféremment sur toutes sortes d'animaux, sans prendre garde où il se jette ; sa gueule est toute noire, & n'a point d'écume : c'est la plus à craindre. Il n'y a point de remede, il faut tuer le chien enragé.

7°. Rage courante. Le chien qui en est attaqué porte la queue entre les jambes, & marche comme un renard ; il ne se jette que sur les chiens, sans toucher aux autres animaux, ni aux hommes. Il n'y a point de remede.

Remede pour empêcher que les chiens mordus ne deviennent enragés. Prenez du lait de vache nouvellement tiré ; faites-y tremper de la pimprenelle sauvage, & faites-en boire aux chiens tous les matins pendant neuf jours.

RAGE, (Passion) c'est l'excès de certaines passions violentes, telles que l'amour, la haine, la colere. On aime & l'on hait à la rage. Il y a des hommes qui dans la colere ressemblent à des enragés. Le mot rage s'applique encore à certains penchans outrés & malheureux. On dit d'un mauvais poëte qu'il a la rage de faire des vers, de les réciter. Il a la rage de parler de cette affaire, qu'il n'entend point.


RAGEMEHALE(Géog. mod.) ville des Indes, dans les états du Mogol, au royaume de Bengale, sur la droite du Gange, qui en est à demi-lieue ; mais autrefois il arrosoit ses murs. Cette ville étoit alors très-commerçante, & la résidence du gouverneur de la province. Latit. 23. 18. (D.J.)


RAGGRAVE(Jurisprud.) Voyez REAGGRAVE.


RAGHLES(Géogr. mod.) petite île d'Irlande, dans le lac qui porte le nom de Dirg. Ce lac est dans l'Irlande septentrionale, au comté de Dungall, vers les confins du comté de Fermanagh, & s'appelloit autrefois Liffer. Au milieu de ce lac est l'île de Raghles, fort célebre avant la réformation, parce qu'on la regardoit comme le fauxbourg du purgatoire. Les moines y avoient bâti une cellule auprès d'une profonde caverne, & faisoient accroire au peuple que quiconque auroit le courage d'entrer dans cette caverne, iroit de-là en purgatoire, où il verroit & entendroit des choses extraordinaires.

Pour accréditer cette fourberie, ils disoient que saint Patrice prêchant dans cette île à des Irlandois incrédules, obtint de Dieu par ses prieres que la terre s'ouvrît dans cet endroit jusqu'au purgatoire, afin que ses auditeurs fussent convaincus par leurs propres yeux de la vérité de sa prédication, au sujet des peines des méchans après cette vie. Mais il est certain que dans le tems de saint Patrice on ne connoissoit pas même cette petite île, & qu'on n'en a oui parler que plusieurs siecles après sa mort.

Vers la fin du regne de Jacques I. deux seigneurs, Richard Boyle, comte de Corck, & Adam Lostus, chancelier d'Irlande, avides de découvrir le vrai, envoyerent faire d'exactes perquisitions sur les lieux, par des personnes de probité. L'on trouva que cette caverne, que l'on donnoit pour être le chemin du purgatoire, n'étoit autre chose qu'une cellule assez étroite creusée dans le roc, où il n'entroit de jour que par la porte, qui étoit si basse, qu'un homme de grande taille pouvoit à peine s'y tenir debout.

Quand il venoit quelqu'un dans l'île assez curieux pour hasarder le voyage du purgatoire, un petit nombre de moines qui demeuroient proche de la caverne, le faisoient long-tems jeûner & veiller en même-tems ; ils ne l'entretenoient que des étranges choses qu'il verroit. Toutes ces idées affreuses de diables, de flammes, de feu, de damnés, s'imprimoient fortement dans la cervelle affoiblie par les jeûnes & les insomnies ; & le pauvre voyageur croyoit avoir vu tout ce qu'on lui avoit dit.

Les seigneurs qu'on a nommés ayant découvert ces honteuses impostures, qui déshonoroient la religion, obligerent les moines à se retirer de-là ; & pour empêcher à l'avenir leurs fourberies, ils firent démolir leurs habitations & ouvrir la caverne, qui a toujours été découverte & exposée aux yeux du public depuis ce tems-là. (D.J.)


RAGOTadj. (Maréchal.) on appelle ainsi un cheval qui a les jambes courtes & la taille renforcée & large du côté de la croupe ; il differe du goussaut en ce que celui-ci a l'encolure plus épaisse & qu'il a plus d'épaules. Voyez GOUSSAUT.

RAGOT, terme de Chasse, nom que l'on donne au sanglier qui n'a que deux ans & demi.

RAGOT, s. m. (terme de voiturier) sorte de crampon de fer qui est attaché au limon, & où on attache la chaîne de l'avaloire. (D.J.)


RAGOUTS. m. (Cuisine) sausse ou assaisonnement pour chatouiller ou exciter l'appétit, quand il est émoussé ou perdu.

RAGOUT, se dit aussi du mets même assaisonné ; comme un plat de viande, de poisson, de légume, ou d'autres choses, dont on a fait une étuvée en le faisant cuire avec du lard, du sel, du poivre, des clous de girofle & autres épices.

Toutes les différentes façons de préparer les viandes ou autres mets, sont autant de ragoûts différens.

RAGOUT, (Hist. rom.) quoique le luxe des Romains fût porté fort loin sur la fin de la république, il est à remarquer qu'ils conservoient encore dans leurs tables des restes de leur premiere frugalité, & leur bonne chère tenoit encore à l'ancienne cuisine. Ciceron se plaint dans la lettre 26 du VII liv. à ses amis, d'une dyssenterie causée par l'excès des ragoûts qu'il avoit mangés. Quels étoient ces ragoûts ? Des légumes & toutes sortes d'herbes ; herbas omnes ita condiunt, ut nihil possit esse suavius. Ces herbes si délicatement apprêtées, étoient des cardes de poirée & des mauves, car, ajoûte le consul de Rome, moi qui sçavois bien m'abstenir des murènes & des huitres, je n'ai pas su me défendre des cardes de poirée, ni des mauves : ita ego qui me facilè ostreis & muranis abstinebam, à betâ & malvâ deceptus sum. (D.J.)


RAGRAFFERv. a. (Gram.) c'est rattacher avec des agraffes.


RAGRANDIRv. a. (Gram.) c'est rendre plus grand. Il se dit d'une ouverture, d'une mesure, d'un corps.


RAGRÉERv. a. (Archit.) c'est après qu'un bâtiment est fait, repasser le marteau & le fer aux paremens de ses murs pour les rendre unis & ôter les balévres. En menuiserie & en serrurerie, ragréer, c'est mettre la derniere main à un ouvrage. On dit aussi faire un ragréement, pour ragréer. (D.J.)

RAGREER, (terme de Jardinier) ce mot se dit des branches d'arbres qui ont été sciées. C'est couper avec la serpette la superficie de la partie sciée & comme brûlée par le mouvement de la scie. Il faut ragréer les parties sciées, parce qu'elles pourriroient autrement & ne se recouvriroient jamais. (D.J.)


RAGUÉadj. terme de riviere. Un cable ragué, c'est un cable ou cordage gâté, écorché ou coupé.


RAGUETS. m. (Com. de morue) c'est une sorte de petite morue verte en Bretagne ; dans le triage que l'on fait des différentes especes & qualités de morues, le raguet tient le troisieme rang. Savary.

RAGUNDONA, (Géog. anc.) ville de la Pannonie ; l'itinéraire d'Antonin la marque sur la route d'Ariminum à Cesena, entre Celcia & Poctovios, à 18 milles de la premiere, & à égale distance de la seconde. (D.J.)


RAGUSA(Géog. mod.) petite ville de Sicile, dans le val de Noto, avec titre de baronie. Cette ville est située dans les terres au nord occidental de Modica, sur la riviere de Giarratana, qui, au-dessous de la ville jusqu'à la mer, se nomme Fiume di Mauli, ou Fiume di Agusa. (D.J.)


RAGUSANLE, (Géog. mod.) ou l'état de Raguse ; petit état d'Europe dans la Dalmatie, qui subsiste depuis plusieurs siecles sous un gouvernement aristocratique, & depuis plus de 250 ans sous la protection des Vénitiens & du grand-seigneur, auquel cette république paye chaque année ving-cinq mille écus d'or. Raguse en est la capitale. La ville ou bourg de Stagno, ainsi que les îles Méléda, Augusta & Cazola, dépendent de l'état de Raguse, en sorte que son domaine consiste (dans le petit comme dans le grand comme celui de la république de Venise) en terre ferme & en îles. (D.J.)


RAGUSE(Géog. mod.) ville capitale de la république de même nom, dans la Dalmatie proche la mer, à 26 lieues au nord-ouest de Scutari, avec un port défendu par un fort appellé S. Nicolas. Elle fut presqu'entierement détruite par un tremblement de terre en 1667. On l'a rebâtie depuis, plus belle & plus grande qu'auparavant ; elle est ornée de beaux édifices, fortifiée de bons ouvrages, & munie d'une forteresse qui met son port en sureté contre les entreprises de ses ennemis. L'évêché qui étoit à Epidaure (aujourd'hui Raguse la vieille), fut transféré à Raguse dans le septieme siecle & érigé en archevêché dans le dixieme. Long. de cette ville, 36. lat. 42. 48.

Raguse a été autrefois connue sous les noms d'Hybla minima, d'Hera, ou d'Heraea, d'où l'on a lieu de conjecturer que les monts Hérées de Diodore de Sicile & de Vibius Sequester, sont ceux qu'on trouve près de Raguse. Fazellus & Cluvier se sont persuadés par enthousiasme, que c'étoient les Monti-Sori.

Tout le monde sçait que Raguse est une très-petite république, située sur les côtes de la mer Adriatique ; sa foiblesse l'oblige de ménager toutes les puissances, & même d'acheter du sultan des Turcs, par une espece de tribut, une protection qui la met à couvert des courses des Dulcignotes : ce sont des pirates qui désolent les côtes du golphe adriatique, comme les corsaires de Barbarie désolent celles de la Méditerranée.

Les habitans de Raguse sont riches, parce qu'ils font tous le commerce ; ils se gouvernent à-peu-près comme à Venise, mais conformément à leur petit état. Le grand conseil est composé des nobles qu'on y reçoit à l'âge de vingt-quatre ans ; un noble ne sçauroit découcher sans en avoir donné avis au sénat. Les étrangers qui se trouvent dans la ville, y sont enfermés à clef durant la nuit : les portes se ferment au coucher du soleil & s'ouvrent à son lever.

Le chef de la république de Raguse qu'on nomme recteur, change tous les mois ; les autres officiers toutes les semaines ; le gouverneur du château tous les jours. Cette forme d'administration ne peut être excusée que dans une petite république environnée de puissances formidables, qui corromproient aisément de petits magistrats : car, comme le dit M. de Montesquieu, quoiqu'il soit vrai que dans toute magistrature il faille compenser la grandeur de la puissance par la briéveté de sa durée, cependant il ne faut pas si fort diminuer cette briéveté, qu'elle en devienne une cause de corruption. Qui est-ce qui voudroit gouverner ainsi ses affaires domestiques ?

Banduri (D. Anselme) bénédictin, a fait honneur à Raguse sa patrie. On lui doit une espece de corps complet des antiquités de Constantinople ; il en composa deux volumes in-folio, qui parurent à Paris en 1711, sous le titre d'Imperium orientale. Il y ajouta, outre divers plans topographiques, deux cartes relatives à l'état de l'empire de Constantinople, sous Constantin Porphyrogenète, dressées toutes les deux par Guillaume Delisle, & le bas relief de la colonne historiée de Théodose, gravé d'après les desseins originaux de Gentile Bellini, qui sont conservés dans le cabinet de l'académie de peinture & de sculpture.

On doit encore à D. Anselme une collection de toutes les médailles des empereurs romains, depuis Trajan Dece jusqu'au dernier Paléologue, c'est-à-dire jusqu'à la prise de Constantinople. L'ouvrage parut à Paris en 1718 ; il est dédié à M. le Duc d'Orléans, & forme deux volumes in-fol. L'auteur a mis à la tête de ce recueil, sous le titre de Bibliotheca nummaria, un catalogue ample, raisonné & très-bien fait, de tous les ouvrages qui ont quelque rapport à la connoissance des médailles.

D. Anselme avoit été nommé en 1715 de l'académie des inscriptions. Il mourut à Paris en 1743, âgé de 72 ou 73 ans.

Hodierna (Jean-Baptiste) naquit aussi à Raguse en 1597, & mourut à Palerme en 1660, à 63 ans. Il étoit versé dans l'astronomie, comme il paroît par quelques ouvrages qu'il a publiés en ce genre. (D.J.)


RAHABAT(Géog. mod.) ville aux frontieres de la Syrie sur l'Euphrate. M. Petit de la Croix dit que cette ville est à 65 deg. de long. & à 34 de lat. M. Otter qui la nomme Rahabé, n'en fait qu'un village. Long. selon lui, 66 55. latit. 34. (D.J.)


RAIERAYE, s. f. raia, (Hist. nat. Ichthyol.) nom générique que l'on a donné à des poissons plats & cartilagineux, qui ont de chaque côté du corps de longues appendices que l'on nomme ailes ou ailerons. On divise les raies en trois classes ; la premiere comprend les raies lisses, c'est-à-dire celles qui n'ont point d'aiguillons sur les ailes, & peu sur le corps & sur la queue ; la seconde renferme les raies étoilées ; enfin on a donné le nom de raies piquantes, à celles de la troisieme classe, parce qu'elles ont des aiguillons longs & en grand nombre sur tout le corps, sur les ailes & sur la queue. Toutes les raies ont une taie nommée par les Latins nebula, placée à la paupiere inférieure qui peut couvrir l'oeil en entier ; elles restent presque toutes dans la fange près des rivages, & elles vivent de petits poissons : la plûpart ont la chair dure & de mauvaise odeur.

RAIE BOUCLEE, RAIE CLOUEE, CLAVELADE, raia clavata ; on a donné ces noms à une espece de raie, parce qu'elle a des aiguillons qui ressemblent à des clous ou à des boucles, la plûpart étant courbes & crochus, principalement ceux du milieu du dos, ceux des ailes, & ceux de deux rangées latérales qui sont sur la queue. Ces aiguillons ont pour base des os ronds ; ceux d'une rangée qui est sur le milieu de la queue sont moins forts que ceux des deux rangées latérales ; enfin il s'en trouve plusieurs sur la partie antérieure de la tête. La face supérieure de ce poisson est noire ; sa chair est fort dure.

RAIE AU LONG BEC, sot, ou lentillade ; cette espece de raie est de la classe des raies lisses, parce qu'elle n'a pas d'aiguillons aux ailes ; la partie antérieure de la tête est très-allongée, & fort pointue, ce qui lui a fait donner aussi le nom d'alêne ; elle a trois rangées d'aiguillons à la queue, qui sont de différentes grandeurs ; le premier est plus grand que le second ; le troisieme a presque autant de longueur que le premier, & le quatrieme ressemble au second, &c. les autres différent également entr'eux, & ils ont tous la pointe dirigée en arriere ; celle des aiguillons de la nageoire de la queue est dirigée au contraire sur les côtés ; & ceux qui sont au-dessous de la nageoire ont la pointe tournée en avant du côté de la tête ; il y a quatre aiguillons courts près des yeux, deux de chaque côté, & plusieurs autres très-pointus sous la partie antérieure de la tête. Cette raie est fort grande, & elle a sur le corps plusieurs petites taches de la figure d'une lentille ; c'est à cause de ces taches qu'on la nomme lentillade. Les dents sont dirigées en arriere, & non pas sur les côtés. La chair est moins dure que celle de la plûpart des autres raies.

RAIE FLASSADE ; cette espece de raie est de la classe des raies lisses ; elle ressemble à la raie au long bec, en ce qu'elle a la partie antérieure de la tête allongée ; elle en differe principalement par les aiguillons ; elle n'en a qu'une seule rangée sur la queue, & il n'y en a point d'autres sur le reste du corps. Les ailes sont fort grandes & fort larges ; le corps est étroit, & il va toujours en diminuant de largeur & d'épaisseur depuis le derriere de la tête jusqu'à la queue. Cette espece de raie a la chair moins dure que les autres raies, & elle n'a point d'odeur desagréable, principalement quand elle est jeune.

RAIE A FOULON, raia fullonica. Rondelet a donné ce nom à une espece de raie, parce qu'elle est hérissée d'aiguillons semblables aux pointes de l'outil dont on se sert pour fouler les draps, non-seulement sur le corps, mais encore sur la tête, sur les ailes & sur la queue, même au-delà des nageoires : elle a le bec long & pointu ; les aiguillons de la queue sont courbes, & disposés de façon qu'ils forment trois rangées.

RAIE LISSE, raia laevis, on a donné à cette espece de raie le nom de raie lisse, parce qu'elle a des aiguillons beaucoup moins longs que les autres especes de raies, excepté deux qui sont à la tête près de chaque oeil ; ceux du dos ont peu de longueur, & sont en petit nombre. La queue en a trois rangs, mais ils sont petits ; il y en a quelques-uns en-dessous qui sont recourbés en avant. Le museau est cartilagineux, transparent, & de moyenne longueur. Les yeux ont une sorte de taie appellée par les Latins nebula, qui se trouve dans toutes les especes de raies. La bouche est très-reculée en-arriere, desorte que ce poisson ne peut rien saisir qu'il ne soit renversé ; cette espece de raie n'a point de dents ; l'intérieur de la bouche est garni d'os durs & rudes ; les ailes ou ailerons sont minces, & de moyenne grandeur ; la face supérieure de ce poisson est presqu'entierement noire, & toute la face inférieure a au contraire une couleur blanche. On lui a donné en Languedoc le nom de fumat.

RAIE LISSE ETOILEE, raia asterias ; on a surnommé cette raie étoilée, parce qu'elle a sur la face supérieure des ailes & de tout le corps jusqu'à la premiere nageoire de la queue, des taches qui ont la figure d'une étoile. La queue est plus petite que dans les autres especes de raies, & la tête ressemble plus à la pastenague qu'à celle des autres raies. La raie étoilée vit dans la haute mer ; sa chair n'a pas une odeur desagréable comme la plûpart des autres raies ; elle est plus tendre, plus facile à digérer, & d'un meilleur goût que toutes les autres especes de raie.

RAIE CARDAIRE, raia spinosa ; on a donné le nom de cardaire à une espece de raie, parce qu'elle est couverte d'aiguillons semblables aux pointes des cardes dont on se sert pour carder la laine ; elle en a nonseulement sur le corps, sur la queue & sur les ailes, mais encore sur les côtés de la tête & au-devant des yeux.

RAIE MIRAILLET, ou RAIE A MIROIR, raia oculata ; on a donné ces noms à une espece de raie qui a deux grandes taches rondes semblables à des yeux ou à de petits miroirs, une de chaque côté. La queue a cinq rangées d'aiguillons, & le dos une seule ; il se trouve aussi quelques aiguillons autour des yeux. La face supérieure du corps est brune, & a un grand nombre de petites taches de forme irréguliere : la chair est dure. Cette raie est de la classe des raies lisses.

RAIE ONDEE, ou CENDREE ; cette espece de raie est encore au rang des raies lisses, parce qu'elle a les aiguillons plus courts & en plus petit nombre que les autres raies ; cependant ils sont plus longs & plus nombreux que ceux de la raie lisse ; le corps a moins la figure d'un losange que celui des autres raies, & il approche plus de la figure ovale. Cette espece de raie à laquelle on a donné le nom de coliart, a trois rangées d'aiguillons à la queue, & une sur le milieu du dos ; il y en a aussi quelques-uns près des yeux. On a donné à ce poisson le nom de raie ondée, parce qu'il a une couleur cendrée avec plusieurs traits ondoyans.

RAIE PIQUANTE, raia aspera ; elle differe des autres en ce que ses ailes sont couvertes en entier de petits aiguillons, & qu'elle n'en a aucun sur le corps. La queue est garnie de trois rangées d'aiguillons longs & forts, comme dans la plûpart des autres especes de raies ; ses rangées d'aiguillons s'étendent jusqu'à l'extrêmité de la queue, au lieu que dans les autres raies il n'y a pas d'aiguillons après la nageoire de la queue. La raie piquante a le museau pointu ; la chair en est dure & de mauvais suc.

RAIE PIQUANTE ETOILEE ; cette espece de raie est couverte pour ainsi dire par tout le corps d'aiguillons ; elle en a beaucoup de petits & pointus entre les deux yeux. Il y en a sur le dos une rangée de fort grands ; la queue en a trois rangées de grands & plusieurs petits hors des rangs ; il y en a aussi beaucoup d'épars sur le corps. Toute la face supérieure de ce poisson est brune, & il a un très-grand nombre de taches en forme d'étoiles, ce qui lui a fait donner le nom de raie étoilée ; sa chair est dure & seche.

RAIE PIQUANTE OEILLEE ; cette espece de raie est de la classe des raies piquantes, parce qu'elle a des aiguillons de chaque côté de la tête ; sur le dos, sur la queue & sur les ailes, près d'une tache ronde qui est sur chaque aile, & qui lui a fait donner le nom de raie oeillée : ces deux taches ressemblent à des yeux ; sa chair est dure.

RAIE PIQUANTE par-dessus & par-dessous, toute la face supérieure du corps, des ailes & la queue de cette espece de raie est couverte d'aiguillons, la face inférieure des ailes en est aussi garnie, desorte qu'on ne peut saisir ce poisson que par l'extrêmité de la queue qui n'a point d'aiguillons depuis la premiere nageoire ; au reste cette raie ressemble aux autres. Rondelet, Hist. nat. des poissons de mer, liv. XIII. Voyez POISSON.

RAIE, pêche de la, voici la maniere d'en faire la pêche telle qu'elle se pratique dans le ressort de l'amirauté de Quimper en Bretagne. Cette pêche commence vers Pâque, & finit à la S. Jean, parce qu'alors les Pêcheurs se disposent à faire la pêche de la sardine.

Chaque pêcheur fournit un nombre de filets, dont on fait une tissure ou continuité de rets de la longueur de plus de 1800 brasses. Les posteaux (sorte de poisson) se trouvent sur les fonds où le bas du rets reste tendu au moyen des pierres dont il est chargé. Ce poisson, comme les autres, ne recule jamais, mais pousse toujours en avant, quelque résistance qu'il trouve. Les Pêcheurs ne relevent leurs filets que de deux jours en deux jours, & ils reviennent chez eux dans cet intervalle ; outre les raies, on prend encore des turbots, quelquefois des anges, & souvent des crabes & des homards, ou écrevisses de mer.

On fait sécher les posteaux sans les saler : pour cet effet, on leur ôte les intestins ; & pour les faire sécher plus vîte & plus aisément, on les découpe en plusieurs endroits. On laisse entieres les petites raies ; on les étend sur la côte pour les faire sécher, évitant que le poisson soit mouillé, car l'eau douce le fait noircir, & le met hors de vente.

Ce poisson ainsi préparé ne se vend point au poids, mais au compte. Les marchands l'envoyent à Nantes. La consommation s'en fait par les gens de la campagne durant le tems des vendanges. Les marchands de Nantes y vendent le cent de compte de ces raies depuis 70 jusqu'à 80 livres.

On vend séparément les têtes, que l'on nomme goules rondes ; on en fait des paquets de vingt têtes. Cette denrée est fort courue par ceux qui en font usage, & est regardée comme un mets délicat.

RAIE, (Ecrit. & Comm.) trait ou ligne qui marque, qui sépare, ou qui diversifie les choses. Les livres des marchands ont différentes raies ordinairement de haut en-bas, pour marquer la position des chiffres suivant leur valeur en livres, sols & deniers. Voyez LIVRES DES MARCHANDS. On trouve à cet article des modeles des différentes rayures à l'usage des livres de commerce. Diction. de comm.

RAIES, terme de Charron, ce sont les barres de bois qui partent du moyeu, & vont se terminer dans les mortaises des gentes ; ce sont les raies qui soutiennent toute la circonférence de la roue. Il en faut environ douze pour une grande roue, & six ou huit pour une petite. Voyez les fig. du Sellier, & les Pl. du Charron.

RAIE, (Jardinage) est une trace que l'on fait sur la terre, & c'est une vraie ligne tracée.


RAIFORTS. m. (Hist. nat. Botan.) raphanus, genre de plante à fleur en croix, composée de quatre pétales. Le pistil sort du calice, & devient dans la suite un fruit ou une silique en forme de corne, épaisse, & d'une substance spongieuse, qui renferme deux rangées de semences arrondies. Ces rangées sont séparées l'une de l'autre par une pellicule très-mince. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

Les racines du raifort sont assez longues, blanches en-dedans, d'un rouge vif en-dehors, & d'un goût moins piquant que le radis ; mais pour décrire cette plante en botaniste, il faut nécessairement abandonner les mots du vulgaire, & se servir des termes de l'art : ainsi, pour instruire le lecteur, nous le renvoyons au mot latin RAPHANUS, & au mot françois RAVE ; car dans Paris même on confond le raifort avec la rave. (D.J.)

RAIFORT D'EAU, (Botan.) espece de cresson ou de sisymbrium. Voyez SISYMBRIUM, Botan.

RAIFORT SAUVAGE, (Diet. & Mat. méd.) grand raifort, grand raifort sauvage, cram, mouterdelle ; les feuilles de cette plante sont en usage en Médecine, mais sa racine l'est beaucoup davantage. Les gens de la campagne mangent cette derniere partie dans plusieurs pays. Elle est si âcre qu'il n'y a que les estomacs les plus forts, & les tempéramens les moins irritables à qui elle puisse convenir comme véritable aliment. On la rape dans plusieurs provinces d'Allemagne, & l'on en fait une espece d'assaisonnement pour les viandes, dont on se sert comme nous faisons de la moutarde ; aussi cette racine est-elle connue sous le nom de moutarde des Allemands. On emploie plus communément le raifort sauvage à titre de remede. Cette plante qui est de la classe des cruciferes de Tournefort, est une de celles dont l'alkali volatil spontané est le plus abondant & le plus développé ; elle tient par conséquent un rang distingué parmi les anti-scorbutiques alkalins. Elle est parfaitement analogue non-seulement quant aux qualités absolues, mais même quant au degré d'activité, au cochlearia. Elle est plus forte que le cresson, que la passerage, & même que la moutarde. Voyez tous ces articles, & sur-tout COCHLEARIA. On retire comme de cette derniere plante, des feuilles & des racines du raifort sauvage une eau distillée qui a aussi les mêmes vertus. Cette eau distillée est d'ailleurs éminemment recommandée comme un puissant diurétique. Sa dose ordinaire est d'environ quatre onces. On la mêle, selon les indications, avec du petit lait, avec du vin blanc, avec un bouillon, ou avec un aposème approprié. Le suc de la racine donné de la même maniere & à la même dose est encore meilleur. Ces remedes sont regardés comme une sorte de spécifique contre l'hydropisie & le rhumatisme, & ils réussissent en effet assez souvent dans le traitement de ces maladies. On les donne aussi avec succès dans l'asthme humide, & dans toutes les affections vraiment catharrales de la poitrine. On peut corriger le goût piquant du suc, & châtrer ou modérer son activité, en le réduisant sous forme de syrop, qu'on doit préparer par le bain-marie, comme le syrop anti-scorbutique de la pharmacopée de Paris dont cette racine est un ingrédient.

La racine du grand raifort sauvage entre encore dans la composition du vin anti-scorbutique, de l'eau antiscorbutique & de l'eau générale de la pharmacopée de Paris. Les feuilles & les racines entrent dans l'emplâtre diabotanum. (b)

RAIFORT, (Diete & Mat. médic.) raifort cultivé ou des jardins, rave des Parisiens, raifort ou rave des Parisiens rouge, raifort blanc, gros raifort blanc du Languedoc, où il est appellé rabé de segairé, c'est-à-dire, rave ou raifort de Moissonneur, radis blanc & radis noir.

C'est à une seule espece de plante qu'appartiennent les différentes racines désignées par ces différens noms ; elles ne sont que des variétés de la racine de raifort cultivé : les unes & les autres ont outre ces différences prises de leur forme & de la couleur de leur peau, d'autres variétés aussi accidentelles, fondées principalement sur leur diverse grosseur, sur la différente vivacité de leur goût, & enfin sur ce que leur tissu est plus ou moins dense, plus ou moins fibreux, plus ou moins succulent, fondant ou rempli d'eau ; mais tout cela ne met que très-peu de différences réelles entre les qualités diététiques & médicamenteuses de toutes ces racines, on peut les considérer comme une seule & unique matiere.

Le raifort tendre, tel qu'il est toujours quand il a été cultivé dans un terrein léger & assidument arrosé, & qu'on le cueille avant qu'il ait poussé sa tige, est un aliment très-agréable qui réveille par son goût vif l'appétit & le jeu des organes de la digestion, en même tems qu'il imprime à tous ces organes un sentiment de fraîcheur très-agréable par l'abondance de son eau ; c'est un alkali volatil spontané qui constitue le piquant de son goût : mais ce principe étant noyé dans une très-grande quantité d'eau, ne produit l'effet échauffant qui lui est propre que dans les sujets les plus sensibles, ou lorsqu'on mange des raiforts avec excès, sans les mêler avec d'autres alimens, ou enfin lorsqu'on mange ceux qui sont les plus piquans, ou ce qu'on appelle vulgairement les plus forts. Ces derniers ne sont bons que pour les estomacs vigoureux des paysans & des manoeuvres ; mais tout bon estomac d'un sujet ordinaire de tout âge & de tout état digere très-bien plusieurs douzaines de petites raves de Paris, où elles sont douces & d'ailleurs excellentes, sur-tout lorsqu'on les mange pendant le repas, en les entremêlant avec les alimens ordinaires. Celles-là même pourroient plutôt nuire comme crudité aux estomacs foibles qui craignent les crudités ; elles ne sont pas propres non plus aux personnes qui sont très-sujettes aux coliques venteuses ; le raifort est réellement un peu venteux.

L'usage des raiforts entiers, c'est-à-dire mangés à l'ordinaire, peut être regardé au contraire comme vraiment médicamenteux, & très-utile pour aider la digestion dans les estomacs paresseux & sujets aux congestions de sucs acides, par exemple, chez les mélancoliques : cet aliment est encore éminemment propre aux scorbutiques. Voyez SCORBUT.

Le suc de raifort cultivé est un diurétique des plus éprouvés, qu'on emploie fort communément & avec succès toutes les fois que les puissans diurétiques sont indiqués, dans le traitement de l'hydropisie, les affections des voies urinaires, de l'asthme, &c. la dose ordinaire est de trois à quatre onces prises le matin à jeun pendant quelques jours consécutifs. On édulcore quelquefois ce suc avec le sucre, ou quelque syrop approprié, & principalement lorsqu'on l'ordonne contre l'asthme.

On pourroit retirer par la distillation une eau & un esprit de raifort qui seroient fort analogues quant à leurs vertus absolues, aux mêmes produits du cochlearia, du cresson, du raifort sauvage, &c. mais comme ceux du raifort seroient très-inférieurs en degré de concentration, & par conséquent d'activité à ces dernieres substances, qu'on peut d'ailleurs affoiblir au besoin autant qu'on veut, on n'emploie point ordinairement l'eau ni l'esprit de raifort.

Les semences de raifort s'emploient aussi quelquefois en Médecine, mais fort rarement ; elles contiennent les mêmes principes médicamenteux que la racine ; mais comme ces semences sont plus succulentes, il faut les écraser dans de l'eau, ou dans une liqueur aqueuse, les y laisser macérer pendant une heure, & les exprimer ; la liqueur qui provient de cette opération équivaut à-peu-près au suc de la racine. (b)


RAILLES. m. (Font. salante) instrument à remuer les braises du fourneau. C'est une longue perche au bout de laquelle est un morceau de planche.


RAILLÉES. f. (Fontaine salante) partie du travail qui consiste à remuer les braises à une certaine heure marquée.


RAILLERIES. f. (Morale) discours quelquefois innocent, & très-souvent condamnable. Un bel esprit du siecle dernier, comparoit les railleries innocentes à des éclairs qui éblouissent sans brûler. La raillerie piquante offense plus que la médisance, parce qu'elle porte deux coups à la fois, l'un à l'honneur, l'autre à l'amour-propre ; elle flétrit & déconcerte ; le tour malicieux qu'elle emploie, ajoute presque toujours au chagrin qu'on éprouve d'être taxé d'un travers, ou d'un défaut qu'on veut cacher. On aimeroit mieux être décrié dans l'absence, que d'essuyer des plaisanteries en face. Quelque spirituelle que soit la raillerie, son usage n'est presque jamais bien placé. Elle ne peut s'exercer sur ceux que l'âge ou le caractere ont mis au-dessus de nous, sur ceux qui sont au-dessous, parce que l'éminence du rang se trouve à couvert de la repartie, & rarement sur nos égaux ; si on se la permet dans ce dernier cas, elle doit être très-sobre, très-délicate, très-modérée, & ne toucher qu'à des fautes légeres, à des foiblesses permises, ou à des défauts dont on puisse soi-même plaisanter ; autrement, c'est un jeu trop dangereux à jouer. On sait les raisons de la haine implacable de la duchesse de Montpensier contre Henri III. Elle ne lui pardonna jamais ses railleries, & porta, dit Brantome " sa bonne part de matieres d'inventions de son gentil esprit, & du travail de son corps, à bâtir la funeste ligue qui fit périr ce prince ; qu'après avoir bâti cette ligue, jouant un jour à la prime, ainsi qu'on lui disoit qu'elle mêlat bien les cartes, elle répondit, devant beaucoup de gens ; je les ai si bien mêlées, qu'elles ne se sauroient mieux mêler ni démêler. " (D.J.)

RAILLERIE ENTENDRE, & entendre la RAILLERIE, (Lang. françoise) entendre raillerie & entendre la raillerie, sont deux choses différentes ; entendre raillerie, c'est prendre bien ce qu'on nous dit, c'est ne s'en point fâcher ; c'est non-seulement savoir souffrir les railleries, mais aussi les détourner avec adresse, & les repousser avec esprit ; entendre la raillerie, c'est entendre l'art de railler, comme entendre la poésie, c'est entendre l'art & le génie des vers. Néanmoins, on ne dit guere entendre la raillerie tout seul ; on ajoute d'ordinaire une épithete à raillerie ; on dit, il entend la fine raillerie. Il y a peu de personnes qui entendent l'agréable & l'innocente raillerie. (D.J.)


RAILLEURS. m. (Gram.) un railleur de profession est communément un petit esprit & un mauvais caractere. Quelle occupation que celle de chercher perpétuellement le ridicule qu'il peut y avoir dans les choses & dans les personnes, & de le faire sortir ! Sans compter que cette habitude, qui est presque toujours applaudie par les autres, dégénere en une manie de voir tout d'un oeil défavorable, ce qui marque de la fausseté dans l'esprit.


RAIN(Géog. mod.) petite ville fortifiée d'Allemagne, dans la haute Baviere, située sur une petite riviere nommée Acha, près du Lech, à 3 lieues au levant de Donavert. Le général Tilly y fut blessé à mort, en 1632. Long. 28. 35. lat. 48. 39. (D.J.)

RAIN, s. m. (Lang. françoise) cet ancien mot veut dire un rameau, une petite branche d'arbre. Le roman de la rose dit :

Rose sur rain, & noix sur branche

N'est si vermeille, ni si blanche.

On mettoit en possession des fiefs par le rain & le bâton, c'est-à-dire, en mettant dans la main de l'acquéreur une petite branche d'arbre, ou un bâton. Aubert.

RAIN, terme des Eaux & Forêts ; c'est l'orée d'un bois, la lisiere d'une forêt ; c'est en ce sens que ce mot est employé dans les ordonnances des eaux & forêts ; quand elles défendent de tenir des atteliers pour façonner des bois au rain des forêts, cela veut dire à la lisiere, & aux lieux voisins des bois. (D.J.)


RAINEvoyez RENNETTE.


RAINEAUS. m. (Architect.) c'est ainsi qu'on nomme des pieces de charpente qui tiennent en liaison les têtes des pilotis dans une digue, ou dans les fondations de quelqu'autre édifice.


RAINURES. f. (Menuis.) c'est un petit canal fait sur l'épaisseur d'une planche, pour recevoir une languette, ou pour servir de coulisse. (D.J.)


RAIPONCou REPONCE, s. f. rapunculus, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur monopétale, & à-peu-près en forme de cloche, mais ouverte & découpée de façon qu'elle représente une étoile. Le pistil est ordinairement fourchu, & le calice de la fleur devient dans la suite un fruit divisé en trois loges, qui renferme des semences le plus souvent petites. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

Tournefort compte dix especes de ce genre de plante, dont la principale est à fleur bleue, à racine bonne à manger, rapunculus flore caeruleo, radice esculentâ, I. R. H. 113. en anglois the blue spiked rampion.

Sa racine est longue & grosse comme le petit doigt, ordinairement simple & blanche ; elle pousse une ou plusieurs tiges à la hauteur de deux piés, grêles, anguleuses, cannelées, velues, garnies de feuilles étroites, pointues, sans queue, collées ou adhérentes à la tige par une base un peu large, légerement dentelées sur les bords, & empreintes d'un suc laiteux.

Ses fleurs naissent aux sommets de la tige & des branches sur de longs pédicules : chacune de ces fleurs est une cloche évasée, & coupée ordinairement sur les bords en cinq parties, de couleur bleue ou purpurine, quelquefois blanche, soutenue sur un calice fendu en cinq pieces. Lorsque la fleur est passée, il lui succéde un fruit membraneux, divisé en trois loges, qui renferment plusieurs semences, menues, luisantes, roussâtres.

Toute la plante donne du lait comme les autres campanules. Elle vient sur les bords des fossés, dans les prés, & dans les champs. Elle fleurit en Juin, & on la cultive aussi dans les potagers. (D.J.)

RAIPONCE, (Diete, Mat. méd.) petite raiponce de carême, raiponce sauvage ou grande raiponce, & raiponce d'Amérique ou cardinale bleue, espece de lobelia de Linnaeus.

La racine des deux premieres plantes, & surtout celle de la premiere, se mange assez communément en salade, soit crue, soit cuite. Lorsqu'elle est jeune & tendre, les bons estomacs la digerent assez bien ; elle passe même pour fortifier ce viscere, & pour aider à la digestion. On l'emploie fort rarement à titre de remede. Elle est mise cependant au rang des apéritifs diurétiques, & regardée même comme utile dans la gravelle.

La troisieme est une des plantes que M. Kalm, savant naturaliste suédois, a proposées comme un spécifique contre les maladies véneriennes, dont il a appris le secret des sauvages de l'Amérique septentrionale, & qu'il a publié dans les mém. de l'acad. royale des Sciences de Suede, pour l'année 1750.

C'est la racine de cette plante qui fournit ce spécifique. On en prend cinq ou six soit fraîches, soit séchées. On les fait bouillir pour en faire une sorte de coction ; on en fait boire abondamment au malade, dès qu'il est reveillé ; & il continue d'en faire sa boisson ordinaire dans le cours de la journée ; elle doit être légerement purgative ; si elle agissoit trop vivement, il faudroit la faire moins forte. Pendant l'usage du remede, il faut s'abstenir de liqueurs fortes, & des alimens trop assaisonnés : le malade continue sa boisson ; il s'en sert même pour bassiner & fomenter les parties extérieures du corps sur lesquelles le mal a fait impression : il ne faut que quinze jours ou trois semaines pour parvenir à une guérison totale. Extrait du mémoire ci-dessus cité dans le journal de médecine, Février 1760. Quand le mal est très-invétéré, & que le remede ci-dessus décrit est insuffisant, on le rend plus efficace en y joignant une petite quantité de racine de la renoncule de Virginie. Voyez RENONCULE, Mat. méd. (b)


RAIRou RÉER, v. n. (Vénerie) c'est le cri des cerfs lorsqu'ils sont en rut : on dit les cerfs raient.


RAIS DE CHOEURS. m. (Architect.) ornement accompagné de feuilles d'eau, qui se taille sur les talons.

RAIS, s. m. (Charronage) ce sont les rayons d'une roue de carrosse, qui sont enclavés dans le noyau, & qui portent les jantes. Le mot françois est rayon. Voyez RAYES.

RAIS, (Poterie) ce mot signifie les quatre barres de fer qui suspendent & attachent la roue à la noix. Ces rais ne sont pas placés comme dans les roues ordinaires, mais pendent en lignes diagonales du haut de l'arbre ; ils ont deux usages, l'un de lier & de former la roue, l'autre de lui donner le mouvement lorsque l'ouvrier les pousse avec le tournoir. Savary. (D.J.)

RAIS, terme de Blason ; ce mot se dit de l'escarboucle qu'on peint sur les écus avec huit rayons ou bâtons pommetés, qui en sortent en croix & en sautoir.


RAISINS. m. (Botan. Agricult.) c'est le fruit de la vigne qui vient en grappes, qui est bon à manger & à faire du vin.

Les principales especes de raisin, les plus estimées, les plus ordinaires, ou les plus étendues, soit pour le jardin, pour le vin, ou pour le verjus, sont les morillons, & entr'autres les pineaux, les chasselas, les muscats, les corinthes, les malvoisies, les bourguignons, les bourdelais, les saumoiraux ou prunelles, les méliers, les gamets, les gouais.

Il y a plusieurs sortes de morillons connues presque par-tout, tant aux champs qu'aux jardins, c'est-à-dire, tant propres à faire du vin qu'à manger.

Le raisin précoce, ou raisin de la Magdelaine, est appellé morillon hâtif, parce que c'est un fruit hâtif, qui est souvent mûr dès la Magdelaine. Les Botanistes le nomment vitis praecox columellae, H. R. P. en anglois, the july-grappe. Ce raisin est noir, plus curieux que bon, parce qu'il a la peau dure. On l'estime seulement, parce qu'il vient de bonne heure, mais il n'est bon que dans quelque coin de jardin bien exposé au midi, & à couvert des vents.

Le morillon taconne, vitis subhirsuta, C. B. P. est meilleur que le précédent pour faire du vin, vient bien-tôt après le hâtif, & charge beaucoup. On le nomme aussi meunier, parce qu'il a les feuilles blanches & farineuses. Il se plaît dans les terres sablonneuses & légeres.

Le morillon noir ordinaire est le vitis praecox columellae acinis dulcibus, nigricantibus ; on l'appelle en Bourgogne pineau, & à Orleans auvernat, parce que la plante en est venue d'Auvergne ; il est fort doux, sucré, noir, excellent à manger ; il vient en toutes sortes de terres, & passe aux environs de Paris, pour le raisin qui fait le meilleur vin. Son bois a la coupe plus rouge qu'aucun autre raisin ; le meilleur est celui qui est court, dont les noeuds ne sont pas espacés de plus de trois doigts. Il a le fruit entassé & la feuille plus ronde que les autres de la même espece.

Il y a une seconde espece de morillon, qu'on appelle pineau aigret, qui porte peu, & donne de petits raisins peu serrés ; mais le vin en est fort, & même meilleur que celui du premier morillon. Le pineau aigret a le bois long, plus gros, plus moëlleux, & plus lâche que l'autre ; les noeuds éloignés de quatre doigts au-moins ; l'écorce, fort rouge en-dehors, & la feuille découpée en patte d'oie, comme le figuier.

Il y a une troisieme espece de morillon qu'on appelle franc-morillon ; il fleurit avant les autres plans, & fait d'aussi bon vin que les deux autres morillons. Il a le bois noir, & le fruit de même, fait belle montre en fleur & en verd, mais à la maturité, il déchet de moitié, & quelquefois davantage. Il croît plus qu'aucun autre en bois, en longueur & en hauteur, & les noeuds de ses jettés sont les plus espacés.

Il y a finalement une espece de morillon blanc excellent à manger, mais qui a la peau plus dure que le morillon noir ordinaire.

Le chasselas, vitis uvâ peramplâ, acinis albidis, dulcibus, durioribus, I. R. H. autrement dit muscadet, ou bar-sur-aube blanc, c'est un raisin gros, blanc, excellent, soit à manger, à garder, à sécher, ou à faire de bon vin. Ses grains ne sont pas pressés. Il réussit surtout dans les vignes pierreuses, parce qu'il y meurit plus facilement. Le gros corinthe, dont nous parlerons ci-après, est une espece de chasselas noir-blanc.

Le chasselas noir, vitis uvâ peramplâ, acinis dulcibus nigricantibus, I. R. H. s'appelle en Provence, en Languedoc raisin grec ; il est plus rare & plus curieux que le blanc, & même que le rouge, dont les grappes sont plus grosses. Il prend peu de couleur, & ils sont tous deux excellens.

Il y a beaucoup de sortes de muscats, qui sont exquises la plûpart ; le muscat blanc, ou de Frontignan, vitis Apiana, C. B. P. a la grappe longue, grosse & pressée de grains ; il est excellent à manger, à faire des confitures, de bon vin, & à sécher au four ou au soleil. Il y a une espece de muscat blanc hâtif de Piémont, qui a la grappe plus longue, le grain moins serré & plus onctueux, dont on fait une estime particuliere.

Le muscat rouge, ou de corail, à cause de la vivacité de sa couleur, a les mêmes qualités. Son grain est encore plus ferme, & il demande du soleil pour bien mûrir ; c'est le vitis acinis rubris nigricantibus, dulcissimis, de Garidel.

Le muscat noir est plus gros & fort pressé de grains ; il a le goût moins relevé, mais il est fort sucré, & très-recherché, parce qu'il charge beaucoup, & est hâtif.

Le muscat violet est d'un noir plus clair ; il a la couleur violette, les grappes fort longues, garnies de grains qui sont gros, très-musqués, & des meilleurs.

Le muscat de rizebate est musqué, a le grain plus petit que les autres ; son suc est si doux & si agréable, que ce seroit un de nos premiers raisins, s'il ne couloit point tant ; mais il dégénere presque toujours en raisin de Corinthe, ainsi que le damas ; l'un & l'autre n'ont point de pepin à cause de leur coulure.

Le muscat long, ou passe-musqué d'Italie, est fort gros, fort musqué, excellent en confitures & à manger crud ; ses grappes sont très-grosses & très-longues. Il est rare, curieux, & veut une pleine exposition du midi contre un mur ; il est le meilleur, & le plus parfumé des muscats en confiture.

Il y a le muscat long violet de Madere, qui est un raisin très-rare, & extraordinaire pour sa beauté & sa bonté.

Il y a encore le muscat de Jésu, dont le grain est fort gros, rond, des plus musqués, & des plus rares.

On compte aussi parmi les muscats, le jennetin, autrement dit le muscat d'Orléans, ou de saint Memin ; il est fort sucré, sujet à la coulure, & ressemble à la malvoisie ; c'est pourquoi quelques-uns l'appellent malvoisie blanche. Les limonadiers & les cabaretiers de Paris vendent quelquefois le vin de jennetin pour le muscat de Frontignan.

Le raisin de Corinthe, vitis corinthiaca, sive apyrina. J. B. est un raisin délicieux & sucré. Il a le grain fort menu & pressé, la grappe longue & sans pepin. Voyez RAISIN DE CORINTHE.

Le corinthe violet est un peu plus gros ; il est aussi excellent & sans pepin, mais fort sujet à couler, c'est pourquoi il veut être taillé plus long que les autres vignes.

Le raisin sans pepins est une espece de bar-sur-aube, dont le grain est moins gros, & un peu aigre ; il est très-bon à mettre au four n'ayant pas de pepins, d'où vient qu'on le nomme gros corinthe.

On remarque que tous les muscats & les corinthes sont sujets à la coulure, c'est pourquoi il faut les tailler longs ; on les greffe sur le bordelais quand on ne se soucie pas de les avoir musqués.

La malvoisie est un raisin gris, qui charge beaucoup ; le grain en est petit, sucré, relevé, hâtif, & si plein de jus qu'il passe, ainsi que l'auvernat gris d'Orléans, pour un des raisins les plus fondans ; la malvoisie rouge est de couleur de feu, & a les mêmes qualités que le précédent. La malvoisie blanche est plus rare & moins hâtive ; au reste la malvoisie grise est plus en usage, & on l'estime la meilleure des trois.

Il y a aussi la malvoisie musquée, autrement dit, muscat de malvoisie ; c'est un raisin excellent pour le relief de son musc, qui passe tous les autres ; il vient du Montferrat ; les environs de Turin en sont remplis.

Le bourguignon ou tresseau, est un raisin noir, assez gros, meilleur à faire du vin qu'à manger ; il charge des plus, & donne de grosses grappes.

Le bourguignon blanc, qu'on appelle en quelques endroits mourlon, a les noeuds à deux doigts & demi de distance, le fruit à courte queue & entassé, la feuille fort ronde, comme les gouais, & il résiste à la gelée.

Le noiraut, autrement dit teinturier ou plan d'Espagne, est une autre espece de bourguignon noir. Il a, comme le précédent, le bois dur, noir, la moëlle serrée & petite, les noeuds près l'un de l'autre, la feuille moyenne & ronde, la queue rouge, le grain serré, & qui teint noir ; il résiste à la gelée mieux qu'aucun autre, mais son suc est très-plat, & ne sert plus qu'à couvrir le vin, c'est pourquoi on en plante peu dans chaque vigne. Quand on en a un plan entier, on en fait du vin pour teindre les draps. Le raisin qu'on appelle simplement raisin noir ou raisin d'Orléans, est presque la même chose que le noiraut. Le ploqué lui ressemble aussi, mais il ne teint point ; c'est un raisin qui a dégénéré, & son suc n'étant ni bon ni délicat, il vaut mieux en ruiner l'espece que de la provigner.

Le bourdelais ou bourdelas, vitis uvâ peramplâ, acinis ovatis. I. R. H. s'appelle en Bourgogne grey, & en Picardie grégeoir ; il est de trois sortes, blanc, rouge & noir. Il a la grappe & les grains très-gros ; il est principalement propre à faire du verjus & des confitures. Il est encore excellent pour y greffer toutes sortes de raisins, entr'autres ceux qui sont sujets à couler, comme le damas & les corinthes ; à l'égard des muscats, ils ne seroient plus musqués si on les greffoit sur une autre sorte que sur des muscats même.

Le raisin d'abricot, la vigne grecque, & le farineau, sont trois especes de bourdelais. Le raisin d'abricot est ainsi appellé parce que son fruit est jaune & doré comme l'abricot, la grappe en est belle & des plus grosses.

La vigne grecque, vitis acino rubro, duricori, sapore dulci, Garidel nomme ainsi le raisin merveilleux ou le saint-Jacques en Galice, parce que ce canton espagnol en est plein ; il est rouge & a le grain gros & rond, le fruit doux, hâtif, & bon à faire du vin. Sa grappe est des plus belles & des plus grosses, & sa feuille, dans la maturité du fruit, devient panachée de rouge, ce qui est assez ordinaire aux raisins colorés de noir, de violet, & de rouge.

Le farineau ou rognon de coq est blanc, a le grain petit & long, & il est meilleur à faire du verjus que du vin.

Le sau-moireau s'appelle quille de coq aux environs d'Auxerre ; c'est un raisin noir, excellent à manger & à faire du vin ; il a le grain longuet, ferme, & peu pressé. Il y en a de trois sortes ; la premiere & la meilleure a le bois dur, & des provins noués courts ; la seconde approche fort de la premiere ; la troisieme se nomme sau-moireau chiqueté, ou prunelas blanc, parce qu'il a le bois plus blanc que les autres ; il fait du vin assez plat, ne porte que par année, & il est sujet à s'égrener entierement avant qu'on le cueille.

Le prunelas rouge ou négrier a la côte rouge, le bois noué, la moëlle grosse, la feuille découpée, la grappe grande, claire & fort rouge ; il mûrit des derniers, fait le vin âpre & de durée, c'est pourquoi on n'en met que peu dans les plans de vignes noires, & seulement pour noircir & affermir le vin ; il resiste à la gelée.

Le mélier blanc est un des meilleurs raisins pour faire du vin & pour manger ; il charge beaucoup, a bon suc, se garde, & est excellent à faire sécher au four.

Le mélier noir n'est pas si bon, & il n'a pas tant de force en vin.

Le mélier verd, qu'on appelle en quelques endroits simplement plan verd, est le plus recherché, parce qu'il charge beaucoup, ne coule point, & son vin n'en devient pas jaune.

Le surin est une espece de mélier un peu pointu, d'un bon goût, & fort aimé en Auvergne.

Le gamet est un raisin commun, qui charge beaucoup, & vient mieux que tout autre, mais le vin en est petit, de peu de saveur, & son plan dure peu d'années. Il y a le gamet blanc & noir ; on appelle du vin grossier, gros gamet.

Le gouais est fort commun ; son plan dure cent ans en terre, & il a la grappe plus grosse & plus longue que le gamet ; mais il est de pareille qualité pour faire du vin. Il est infiniment meilleur en verjus, soit liquide ou confit, qu'en vin.

Outre ces onze especes de raisins les plus générales, il y en a d'autres particulieres qu'il est bon de connoître.

Le beaunier, ainsi nommé parce qu'il est fort connu & fort estimé à Beaune, est un raisin qui charge beaucoup, & tire sur le gouais blanc, mais il est bien meilleur ; on l'appelle à Auxerre servinien.

Le fromenteau est un raisin exquis & fort connu en Champagne ; il est d'un gris rouge, ayant la grappe assez grosse, le grain fort serré, la peau dure, le suc excellent, & fait le meilleur vin ; c'est à ce raisin que le vin de Sillery doit son mérite.

Le sauvignon est un raisin noir, assez gros, long, hâtif, d'un goût très-relevé & des meilleurs. Il y a aussi le sauvignon blanc, qui a les mêmes qualités que le noir ; l'un & l'autre sont rares & peu connus.

Le piquant-paul est un raisin blanc, fort doux ; on l'appelle autrement bec d'oiseau, & en Italie pizutelli, c'est-à-dire, pointu, parce qu'il a le grain gros, très-long, & pointu des deux côtés.

Il y a aussi le pizutelli violet, dit dent de loup, qui a le grain long, mais moins pointu ; c'est un des plus beaux raisins & des plus fleuris ; il est assez bon, & se garde long-tems. Nous avons encore un autre raisin qu'on appelle le gland, parce qu'il lui ressemble ; il est jaune, doux, de garde.

La blanquette de limous, est un raisin blanc & pellucide comme du verre ; la grappe en est longue & assez grosse. Il charge beaucoup, & son jus est délicieux.

La roche blanche & noire charge aussi beaucoup, la grappe en est grosse & longue, le grain assez menu & fort serré ; il mûrit avec peine, parce que c'est une espece de petit bourdelais.

Le gros noir d'Espagne, ou la vigne d'Alicante, donne une grosse grappe garnie de gros grains bons à manger, & encore plus à faire le vin d'Alicante, si vanté.

Le raisin d'Afrique a ses grains gros comme des prunes. Il y a le rouge & le blanc. Ses grappes sont extraordinaires pour leur grosseur ; le grain est plus long que rond ; le bois en est épais, la feuille très-grande & large ; il veut un soleil brûlant pour mûrir.

Le maroquin ou barbarou, est un gros raisin violet, dont les grappes sont aussi d'une grosseur extraordinaire ; le grain en est gros, rond & dur, le bois rougeâtre, & la feuille rayée de rouge. Il y en a de cette espece qui rapporte extraordinairement.

Le damas, vitis damascena, H. R. P. est encore un excellent raisin à manger ; la grappe en est fort grosse & longue, le grain très-gros, long, ambré, & n'a qu'un pepin ; il coule souvent & veut être taillé long ; il y en a de blanc & de rouge.

Le raisin d'Italie, autrement dit pergoleze, vitis pergulana, uvâ peramplâ, acino oblongo, duro, majore, subviridi, de Garidel, est de deux sortes, blanc & violet ; il a la grappe grosse & longue, le grain longuet & clair semé, mais il mûrit avec peine en France.

La vigne de Mantoue donne un fruit fort hâtif, mûrit dès le commencement d'Août. Le grain est assez gros, plus long que rond, fort jaune, ambré, & d'un sûr extraordinaire.

Le raisin d'Autriche ou ciouta, a la feuille découpée comme le persil. Il est blanc, doux, charge beaucoup, ressemble au chasselas, mais il est peu relevé en vin.

Le raisin suisse est plus curieux que bon ; il a la grappe grosse & longue, les grains rayés de blanc & de noir, & quelquefois mi-partis.

Voilà une énumération bien ample des diverses especes de raisin, car j'aurois peut-être dû n'en parler que comme Pline l'a fait de son tems. Les grappes de raisin, dit-il, different entr'elles par leur couleur, leur goût, & leurs grains ; il résulte de ces différences une multitude innombrable d'especes qui va se multipliant tous les jours ; ici elles sont purpurines, là de couleur de rose, vertes ailleurs ; mais les noires & les blanchâtres sont les plus communes. Les unes ressemblent à des mamelles gonflées, les autres s'allongent & portent le grain long comme la datte ; en un mot les terreins ne different pas plus entr'eux que les grappes de raisin, ensorte qu'on peut assurer qu'il en est de la vigne comme des poiriers & des pommiers, c'est-à-dire qu'on en trouve une infinité d'especes différentes ; il s'en produit & s'en peut produire tous les jours de nouvelles. (D.J.)

RAISIN BARBU, (Botan.) on sait que la cuscute grimpe jusqu'au haut de la plante à laquelle elle est adhérente, lorsque cela lui est plus facile. Si la plante est basse, comme le thym & le serpolet, elle s'y étend horisontalement ; si la plante est très-haute & qu'elle puisse pousser vers le bas, elle jette de longs filets qui semblent vouloir chercher la terre ; c'est ce qui arrive lorsqu'elle est attachée à une grappe de raisin, on diroit qu'elle affecte alors de laisser pendre ses tiges qui deviennent très-longues ; leur entre la cement forme une masse qui va toujours en se retrécissant, & qui donne à cette grappe de raisin un certain air de monstruosité ; ce phénomene en a imposé, & a valu au raisin ainsi fait le nom de raisin barbu ou chevelu.

Lycosthène, dont l'esprit étoit tout porté pour le merveilleux, témoin son ouvrage intitulé, prodigiorum & ostentorum chronicon ; Lycosthène, dis-je, ne trouva dans ce fait naturel qu'une prodigieuse monstruosité, & tous ceux qui l'ont suivi ont vû par les mêmes yeux ; la nature a paru même à Jean Bauhin s'écarter ici de ses lois générales.

Il est moins étonnant que Licet ait regardé ce raisin comme un vrai monstre, désirant de prouver qu'il y en avoit dans tous les genres d'êtres, il a cité ces grappes de raisin pour un exemple des monstres de la végétation.

Enfin Borel est le premier qui ait reconnu que cette prétendue monstruosité n'étoit dûe qu'à la cuscute qui s'attachoit à la grappe de raisin, & qui selon lui s'y agglutinoit ; l'usage qu'il vouloit tirer de ce fait, l'a engagé à l'observer un peu plus attentivement que ceux qui l'avoient précédé. Comme il vouloit expliquer comment un fil de soie pouvoit s'être enté sur l'oeil d'un particulier, rien ne lui parut plus propre à justifier cette ente que la cuscute. Il se persuada que c'étoit par une glu qu'elle s'attachoit aux raisins, & qu'il en avoit été ainsi de ce fil de soie ; cependant il s'est trompé dans l'une & l'autre de ses observations. La cuscute n'a point la glu qu'il lui attribue, ce n'est point par elle qu'elle s'attache aux autres plantes, & jamais fil de soie ne s'est enté sur l'oeil de personne ; en un mot Borel a expliqué par une ridicule supposition un fait imaginaire.

Les tems ont changé ; il n'y a plus aujourd'hui de physicien qui ne sache la raison de la prétendue monstruosité du raisin barbu : mais le commun des hommes est encore frappé de cet accident, comme d'une chose qui tient du merveilleux ; & même quantité de gens qui se piquent de connoissances au-dessus du vulgaire, ignorent que le raisin barbu n'est autre chose qu'un raisin où la cuscute se crampone, étend ses tiges, & y insinue la partie avec laquelle elle tire son suc nourricier. Voy. CUSCUTE. (D.J.)

RAISIN DE CORINTHE, (Hist. des drog.) voyez-en l'article au mot RAISIN SEC, Botan. (D.J.)

RAISIN DE MER, ephedra, genre de plante dont la fleur n'a point de pétales ; elle est composée de plusieurs étamines & stériles ; les embryons naissent sur d'autres parties de cette plante, ou sur d'autres plantes du même genre qui ne rapportent point de fleurs ; ils deviennent dans la suite un fruit mou, ou une baie garnie d'une capsule, qui renferme des semences le plus souvent oblongues. Tournefort, Inst. rei herb. corol. Voyez PLANTE.

Le raisin de mer est une espece d'ephedra, nommée par Tournefort ephedra maritima major ; c'est un arbrisseau qui croît à la hauteur d'un homme, & son tronc est quelquefois gros comme le bras ; il jette plusieurs rameaux grêles, déliés presque comme ceux du jonc, séparés par des noeuds comme dans l'equisetum, de couleur noirâtre ; ces rameaux se divisent en plusieurs autres dont les extrêmités ou sommets sont pointus, durs & épineux : cet arbrisseau ne porte point de feuilles ; ses fleurs sortent des noeuds des branches attachées à un pédicule menu ; elles sont disposées en petites grappes de couleur herbeuse, blanchâtre ; il leur succede des baies ou fruits pleins de jus, soutenues par un calice en forme de calotte, & prenant une couleur rouge quand ils sont mûrs ; leur goût est acide & agréable ; ils renferment des semences triangulaires, pointues, dures, astringentes ; la racine est oblongue, noueuse : cette plante vient aux lieux sablonneux & maritimes, en Languedoc, en Provence, & autres pays chauds. (D.J.)

RAISIN D'OURS, (Botan.) Tournefort ne compte qu'une seule espece de ce genre de plante qu'il nomme ursiva, I. R. H. 599. c'est un petit arbrisseau bas qui ressemble à l'airelle ou mirtille ; mais ses feuilles sont plus épaisses, oblongues, arrondies, approchantes de celles du buis, rayées des deux côtés, nerveuses, d'un goût astringent, accompagné d'amertume ; ces feuilles sont attachées à des rameaux ligneux, longs d'un pié, couverts d'une écorce mince & facile à séparer ; ses fleurs naissent en grappes aux sommités des branches, formées en grelots, de couleur rouge : lorsqu'elles sont passées, il leur succede des baies presque rondes, molles, rouges, renfermant chacune cinq osselets, rangés ordinairement en côte de melon, arrondis sur le dos, applatis dans les autres côtés ; ces baies ont un goût styptique. Cet arbrisseau croît aux pays chauds, comme en Espagne, en Italie, & autres contrées méridionales. (D.J.)

RAISIN DE RENARD, herba Paris ; genre de plante à fleur en croix, composée de quatre pétales, & d'autant d'étamines pour l'ordinaire. Le pistil sort du calice & devient dans la suite un fruit mou, presque rond, divisé en quatre loges, qui renferme des semences le plus souvent oblongues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

RAISIN DE RENARD, (Mat. méd.) cette plante est alexipharmaque, cephalique, résolutive & anodine, s'il faut en croire certains auteurs ; & elle est venimeuse, s'il faut en croire certains auteurs qui paroissent avoir été trompés par les noms de solanum & d'aconitum, que quelques Botanistes lui ont donné. Quoi qu'il en soit, elle est presque absolument inusitée pour l'usage intérieur, & fort rarement employée dans l'usage extérieur. Plusieurs auteurs recommandent pourtant beaucoup l'application extérieure des feuilles & des baies de raisin de renard, contre les bubons pestilentiels, les phlegmons, l'inflammation des bourses, des testicules & de la verge. Ettmuller propose, comme un excellent remede pour calmer les douleurs atroces du cancer, l'application des feuilles de cette plante pilées dans un mortier de plomb. (b)

RAISIN SEC, (Botan.) les raisins secs sont des fruits mûrs de la vigne, qu'on a séchés au soleil ou au four. On les nommoit autrefois passes en françois, uva passa en latin, & par Dioscoride , qui désigne tout raisin séché. Les anciens Grecs en distinguent de deux sortes ; savoir, les raisins dont on coupoit légerement avec un couteau le pédicule, jusqu'à la moitié, ou qu'on lioit fortement & qu'on laissoit au cep, afin qu'ils se séchassent au soleil ; c'est ce qu'ils appelloient ; mais ceux que l'on séparoit du cep & que l'on faisoit sécher au soleil dans un lieu particulier, ils les nommoient . Dioscoride se sert très-souvent de ce mot, & Columelle nous a indiqué les soins que l'on prenoit pour cette opération ; signifie l'endroit où l'on faisoit sécher les raisins.

On distingue chez les Epiciers trois principales sortes de raisins secs ; savoir, ceux de Damas qui sont les plus gros ; ceux qui tiennent le milieu, tels que les nôtres ; & ceux qui sont les plus petits, ou ceux de Corinthe.

Les raisins de Damas se nomment dans nos auteurs, uvae passae maximae, seù passulae damascena, vitis damascena, dans Tournefort I. R. H. zibib chez les Arabes. Ce sont des raisins desséchés, ridés, applatis, d'environ un pouce de longueur & de largeur, bruns, à demi-transparens, charnus, couverts d'un sel essentiel semblable au sucre, contenant peu de graines ; leur goût, quoique doux, n'est pas agréable.

On les appelle raisins de Damas, parce que l'on les recueille & qu'on les prépare dans la Syrie, aux environs de Damas ; cette ville fameuse qui subsistoit dès le tems d'Abraham, qui a souffert tant de révolutions, & qui est enfin tombée avec toute la Syrie en 1516, sous la domination de l'empire Ottoman. On nous les envoye dans des bustes, especes de boîtes de sapin à demi rondes, & de différentes grandeurs, du poids depuis quinze livres jusqu'à soixante.

Ces raisins tels qu'on les apporte en France, sont égrenés, plats, de la longueur & grosseur du bout du pouce, ce qui doit faire juger de leur grosseur extraordinaire quand ils sont frais, & empêcher qu'on trouve tout-à-fait incroyable, ce que des voyageurs ont écrit dans leurs relations, qu'il y a des grappes de ces raisins qui pesent jusqu'à douze livres. Nous pouvons d'autant moins leur refuser croyance, que nous avons en Provence & en Languedoc, des grappes de raisin du poids de six livres.

On aime les raisins de Damas, nouveaux, gros, bruns, charnus & bien nourris ; on rejette ceux qui sont trop gras, qui s'attachent aux doigts, qui sont couverts de farine, cariés, & sans suc. Au lieu de raisins de Damas, on nous vend quelquefois des raisins de Calabre, ou des raisins aux jubis, applatis, & mis dans des bustes ou boîtes des véritables Damas ; la fourberie n'est pas difficile à découvrir pour peu qu'on s'y connoisse. Les raisins de Damas sont gros, grands, secs & fermes, d'un goût fade & désagréable : ceux de Calabre aussi-bien que les jubis, sont gras, mollasses, & d'un goût sucré. De plus, il est facile de distinguer dans les boîtes, des raisins qui y ont été mis exprès & après coup, d'avec ceux qui n'ont jamais été remués, & qui ont été empaquetés en Syrie. Après tout, la tricherie n'est mauvaise que dans le prix ; car pour l'usage, les raisins de Calabre méritent la préférence.

La vigne qui porte le raisin de Damas, s'appelle vitis damascena, H. R. R. elle differe des autres especes de vignes, sur-tout par la grosseur prodigieuse de ses grains, qui ont la figure d'une olive d'Espagne, ou qui ressemblent à une prune. Il n'y a que quelques curieux qui cultivent en Europe ce raisin par singularité, parce qu'il déplaît au goût, & qu'il ne mûrit qu'à force de chaleur.

Les raisins passes ou passerilles, ou raisins de Provence s'appellent en latin uvae passae minores, seu vulgares ; ce sont des raisins séchés au soleil, semblables aux premiers, mais plus petits, doux au goût, agréables & comme confits ; on les substitue aux raisins de Damas, & ils valent bien mieux. On les prépare en Provence & en Languedoc, mais non pas de la même espece de vigne précisément ; car les uns prennent les raisins muscats, ou les fruits de la vigne appellée vitis apiana, C. B. P. 298 ; d'autres se servent des picardans, d'autres des aujubines, &c.

Les habitans de Montpellier attachent les grappes deux à deux avec un fil, après en avoir ôté les grains gâtés avec des ciseaux ; ils les plongent dans l'eau bouillante, à laquelle ils ont ajoûté un peu d'huile, jusqu'à-ce que les grains se rident & se fanent ; ensuite ils placent ces grappes sur des perches pour les sécher, & trois ou quatre jours après, ils les mettent au soleil. Pour qu'ils soient de la qualité requise, ils doivent être nouveaux, secs, c'est-à-dire les moins gras & les moins égrenés qu'il se pourra, en belles grappes, claires, luisantes, d'un goût doux & sucré. Les raisins muscats sont de moyenne grosseur, d'un goût musqué & fort délicat ; ils se tirent de Languedoc, particulierement des environs de Frontignan, en petites boîtes de sapin arrondies, qui pesent depuis cinq livres jusqu'à quinze. Les raisins picardans approchent assez des jubis, mais ils sont petits, secs, arides, & de qualité inférieure. Voilà nos meilleurs raisins de France qui servent au dessert, en collation de carême, & dont on peut faire des boissons & des décoctions pectorales, convenables dans toutes les maladies qui naissent de l'acrimonie alkaline des humeurs. On peut employer au même but des raisins de Calabre qui nous viennent par petits barrils, où les grappes sont enfilées d'une même ficelle, à-peu-près comme des morilles.

L'on peut également leur substituer les raisins de Malaga, qu'on nomme raisins sol ; ce sont des raisins égrenés, de couleur rougeâtre, bleuâtre, ou violette, secs, d'un très-bon goût, avec lesquels on fait les vins d'Espagne, & que l'on tire de ce pays-là : voici comme on les prépare ; on trempe les grappes de raisins mûrs dans de la lie bouillante, faite des cendres du sarment ; on les en retire sur le champ, on les étend sur des clayes ; on les laisse sécher au soleil ; on en remplit ensuite des cabas, & on les reçoit en barrils de quarante à cinquante livres. Il y a encore les marocains qui sont d'autres raisins d'Espagne, mais très-peu connus en France.

Je passe aux raisins de Corinthe, uvae passae minimae, ou passulae corinthianae ; ce sont de petits raisins secs égrenés, de différentes couleurs, rouges ordinairement, ou plutôt noirs purpurins, de la grosseur des grains de groseilles communes, ou des baies de sureau, sans pepin, doux au goût, avec une légere & agréable acidité ; on les transporte de plusieurs endroits de l'Archipel, & entr'autres de l'isthme de Corinthe, d'où ils ont pris leur nom. On les cultivoit autrefois dans tous les alentours de Corinthe, & en particulier aux environs de ce bois de cyprès, où Diogène jouissoit d'un loisir philosophique, lorsqu'il prit envie à Alexandre de l'y aller surprendre ; mais aujourd'hui, soit par la négligence des habitans de ce pays-là, soit par d'autres raisons, la culture en a passé dans les îles soumises aux Vénitiens.

Ce que raconte Wheler dans son voyage de Grece & de Dalmatie, des divers lieux d'où se tirent ces sortes de raisins, de la maniere qu'on les y prépare, & de la quantité qu'on en transporte en Europe, est assez curieux pour que le lecteur ne soit pas fâché d'en trouver ici le précis.

Il n'y a pas long-tems, dit ce voyageur anglois, qu'on recueilloit encore un peu de raisins de Corinthe à Vasilica, qui est l'ancienne Sicyone, éloignée de Corinthe seulement de six à sept milles ; mais comme on n'en trouvoit pas le débit chez les Turcs, on les a négligés. Depuis que les Chrétiens ont été dépossédés de la Grece, & que le sultan a bâti deux châteaux aux bouches du golfe de Lépante, il ne permet pas aux grands vaisseaux d'entrer dans ce golfe, de peur de quelque surprise, sous prétexte d'aller chercher des raisins de Corinthe. On cultive néanmoins ces raisins sur la côte du golfe & à Vobtilsa, & on les porte à Patras où il en croît aussi. Ces trois lieux en peuvent fournir la charge d'un vaisseau médiocre.

Vis-à-vis de Patras, dans le pays des anciens étoliens, il y a un village nommé Anatolico, bâti comme Venise dans un marais, & peuplé d'environ 200 feux. Ses habitans y cultivent dans la terre-ferme du voisinage le raisin de Corinthe, qui y réussit merveilleusement. Il est beau & bon, & deux fois plus gros que celui de Zante. Ils en peuvent charger avec ceux du village de Messalongi, un grand vaisseau. Le raisin de Corinthe croît encore dans l'île de Céphalonie, & sur-tout dans celle de Zante.

Boterus n'a pas eu tort d'appeller cette derniere île, l'île d'or, à cause de sa fertilité & de sa beauté ; mais elle mérite encore mieux ce nom, depuis que les Vénitiens ont trouvé le moyen d'en tirer tous les ans du profit par le trafic en général, & en particulier par celui de ses raisins. Cette île de la mer Ionienne, au couchant de la Morée dont elle est éloignée d'environ 15 lieues, & au midi de la Céphalonie, gouvernée par un provéditeur vénitien, est le principal endroit où on les cultive. Ils ne viennent pas sur des buissons comme des groseilles rouges & blanches, quoiqu'on le croye ordinairement, mais sur des vignes comme l'autre raisin ; excepté que les feuilles sont un peu plus épaisses, & que la grappe est un peu plus petite. Ils n'ont aucun pepin, & ils sont à Zante tout rouges, ou plutôt noirs.

Ils croissent dans une belle plaine de douze milles de long, & de quatre ou cinq de large, à l'abri des montagnes qui bordent les rivages de l'île ; desorte que le soleil rassemblant ses rayons dans ce fonds, y fait parfaitement mûrir les raisins de Corinthe, le raisin muscat & le raisin ordinaire, dont l'on fait du vin très-fort. Cette plaine est séparée en deux vignobles où il y a quantité d'oliviers, de cyprès, & quelques maisons de campagne qui, avec la forteresse & la croupe du mont di Scoppo, présentent un aspect charmant.

On vendange ces raisins dans le mois d'Août, on en fait des couches sur terre jusqu'à ce qu'ils soient secs. Après qu'on les a rassemblés, on les nettoie, & on les apporte dans la ville pour les mettre dans des magasins qu'ils appellent seraglio : on les y jette par un trou jusqu'à ce que le magasin soit plein. Ils s'entassent tellement par leur poids, qu'il faut les fouir avec des instrumens de fer ; quand on les met en barrils pour les envoyer quelque part, des hommes se graissent les jambes, & les pressent avec les piés nus afin qu'ils se conservent mieux, & qu'ils ne tiennent pas tant de place. Le millier pesant revient à l'acquéreur à environ 24 écus, quoique le premier achat ne soit que de 12 écus ; mais on paye autant de douanne à l'état de Venise que pour l'achat même. On fait quelquefois par curiosité du vin de ce raisin, il est cependant si violent, qu'il pourroit passer pour de l'eau-de-vie.

L'île de Zante fournit tous les ans assez de raisins de Corinthe, pour en charger cinq ou six vaisseaux ; Céphalonie pour en charger trois ou quatre ; Nachaligo ou Anatolico, Messalongi & Patras, pour en charger un : on en transporte aussi quelque peu du golfe de Lépante. Les Anglois ont un comptoir à Zante, qui est conduit par un consul, & cinq ou six marchands pour ce commerce. Les Hollandois y ont un consul, & un ou deux marchands ; & les François n'y ont qu'un commis, qui est le consul & le marchand tout ensemble. Les Anglois achetent presque tout le raisin de Corinthe.

Les Zantins n'ont pas beaucoup de connoissance de l'usage que l'on en fait en Europe ; ils sont persuadés que l'on ne s'en sert que pour teindre les draps, & ils n'ont pu imaginer la consommation prodigieuse qu'en font les Anglois dans leurs mets, leurs pâtés de Noël, leurs gâteaux, leurs tartes, leurs puddings, &c.

Les apothicaires sont ceux qui en débitent la moindre partie.

Ils viennent ordinairement en France par la voie de Marseille, dans des balles du poids de deux à trois cent livres, où ils sont extrêmement pressés & entassés. Les Anglois & les Hollandois en tems de paix, en apportent aussi quantité à Bordeaux, à la Rochelle, à Nantes & à Rouen.

Les raisins de Corinthe doivent se choisir nouveaux, petits, en grosses masses, point frottés de miel, ni mangés de mites. Quand ils sont bien emballés, ils peuvent se garder deux ou trois ans, en ne les remuant point, & ne leur donnant aucun air. La vigne qui les porte, vitis corinthiaca, sive apyrina, J. B. 2. 72. est semblable aux autres ; les feuilles sont seulement plus grandes, moins découpées, obtuses, plus épaisses, & blanches en-dessous.

Tous les raisins secs dont nous avons parlé, se vendent au quintal de cent livres à Amsterdam : le prix de ceux de Corinthe y est depuis 10 jusqu'à 17 florins le quintal : leur tare est de 16 pour 100, leur déduction de 2 par 100 pour le bon poids, & autant pour le promt paiement. Les raisins longs s'y vendent depuis 10 jusqu'à 12 florins les cent livres ; leur tare est de 10 pour 100. Les raisins ronds de cabas, s'achetent depuis 7 jusqu'à 9 florins le quintal. Ils ne déduisent en tout que un pour 100, pour le promt paiement.

Dans les pays septentrionaux on se sert de raisins secs pour faire un vin artificiel, vigoureux, & qui n'est pas désagréable. En pilant ces raisins dans de l'eau bouillante, & les laissant macérer & fermenter, on retire de ce vin de l'eau-de-vie & un esprit de vin. (D.J.)

RAISIN, (Diete & Mat. méd.) le raisin est sur-tout connu par le suc qu'on en exprime, qui étant récent porte le nom de mout, & qui est changé par une espece de fermentation dont il est éminemment susceptible, en cette liqueur si connue sous le nom de vin. Voyez MOUT & VIN. Il ne s'agit dans cet article que des qualités diététiques, des usages & des vertus médicamenteuses du raisin même. Sous ce point de vûe on doit le considérer dans deux états différens ; savoir lorsqu'il est récent, ou du moins frais & bien conservé, ou lorsqu'il est réduit par une dessication artificielle en raisin sec, appellé aussi dans les boutiques passe ou raisins passes, en latin uvae passae.

Les raisins frais sont un aliment très-sain, pourvû qu'on les mange dans un état de parfaite maturité. Ils sont pourtant sujets à l'inconvénient de fournir un suc qui épaissit la salive, qui empâte la bouche & l'ésophage, & qui excite la soif par cette raison. Les raisins qui donnent le meilleur vin sont précisement ceux qui ont éminemment cette qualité, ou plutôt ce vice diététique. Mais il y a quelques especes de raisin dont le suc est très-aqueux, & qui en sont presque absolument exempts : ceux-là n'excitent dans la bouche que le sentiment de fraîcheur, joint à une douceur agréable, & à un goût assez relevé quoique sans parfum proprement dit, ce qui les fait regarder avec raison, comme le plus excellent des fruits, sur-tout dans les pays chauds où les fruits très-aqueux sont aussi salutaires qu'agréables. Le raisin qui est connu en bas Languedoc sous le nom d'aspiran, sous celui de verdal, & sous celui de rabaieren, est vraisemblablement le premier, le plus excellent des raisins à manger. Il joint aux qualités du suc que nous venons d'exposer, la circonstance d'avoir des grains très-gros ; d'avoir une peau extrêmement mince, & de n'avoir qu'un ou deux très-petits pepins. Le village de Pignan, à une lieue & demie de Montpellier, & ceux de Nefie, de Fontés, de Nizas, de Caux & de Peret, aux environs de Pézenas, sont les cantons où ce raisin est le plus beau & le meilleur.

Une observation d'agriculture singuliere à-propos de la vigne qui porte ces raisins aux environs de Pézenas, c'est que la plûpart des seps sont plantés dans des fentes de rochers, qui sont dans tout ce canton une lave très-dure, sans que le fruit dont ces seps se chargent très-abondamment, souffre notablement de la chaleur du climat, & des longues sécheresses qui y sont très-communes en automne.

Le chasselas de Champagne, & celui de Fontainebleau, est encore un très-bon raisin à manger ; & il ne fait aussi-bien que l'aspiran du Languedoc, qu'un petit vin sans corps & peu durable.

Le raisin muscat n'est presque plus mangeable dès qu'il est parfaitement mûr, & cela à cause de la viscosité de son suc, dont nous avons parlé au commencement de cet article ; viscosité qui dégénere même en une certaine âcreté ; & lors même qu'on le mange avant qu'il soit parvenu à ce point, il n'est jamais très-salutaire ; il est venteux, sujet à donner des coliques, on le croit même propre à procurer des accès de fievre ; mais il y a apparence qu'il ne produit ces mauvais effets, que parce qu'on le mange ordinairement étant encore verd : or il est assez bien observé qu'en général le raisin verd est très-fiévreux.

Les raisins mûrs au contraire, non-seulement sont très-salutaires, comme nous l'avons observé plus haut, mais il est très-vraisemblable que l'opinion populaire qui les fait regarder comme une ressource assurée contre les restes des maladies d'été, & surtout contre les reliquats ordinaires des fievres intermittentes, savoir, la maigreur, la jaunisse, les obstructions naissantes, les petites toux seches, &c. que cette opinion, dis-je, n'est pas absolument dénuée de fondement. Laissez-nous attraper les raisins, disent communément dans les provinces où ils sont très-abondans, les convalescens dont nous venons de parler ; ils se gorgent en effet de ce fruit lorsque la saison en est venue, & la plûpart s'en trouvent très-bien. Au reste ce n'est pas par une action purement occulte qu'ils produisent cette merveille, ils entretiennent une liberté de ventre, & même une légere purgation continue, dont l'efficacité est observée contre les incommodités dont nous venons de parler.

Les raisins secs sont employés en médecine de toute antiquité. On en distingue à-présent dans les boutiques des apothicaires de trois especes ; savoir, le raisin de Damas, le raisin de notre pays, qu'on appelle communément à Paris passerille ou raisin de Provence, & le raisin de Corinthe.

On peut très-bien se passer des raisins de Damas, moyennant les raisins de Provence, je veux dire quant à l'usage pharmaceutique ; car quant à l'usage diététique, les premiers sont d'un goût peu agréable, & on ne les sert jamais sur nos tables. Les raisins de Corinthe ne paroissent pas non-plus dans nos desserts, on les emploie seulement dans quelques ragoûts, & dans quelques pâtisseries ; mais beaucoup plus chez quelques peuples nos voisins, que chez nous.

Les raisins secs contenant ce suc doux & mielleux, dont nous avons parlé au commencement de cet article, beaucoup plus concentré ou rapproché que le raisin frais le plus doux & le plus mûr, on peut déduire les qualités diététiques des uns, de ce que nous avons observé de celles des autres. Cependant si on mange modérément des raisins secs à la fin du repas, ils n'incommodent point ordinairement, & sur-tout si on boit par-dessus de l'eau pure ; car l'eau est le remede direct & infaillible de l'épaississement incommode de la salive qu'occasionnent tous les corps très-doux : ainsi on en boit utilement encore sur le raisin frais très-doux. Les usages pharmaceutiques des raisins secs sont plus étendus, on les emploie d'abord dans plusieurs compositions magistrales, ils font ordinairement avec les autres fruits doux & secs, comme figues, dattes, &c. la base ordinaire des tisanes pectorales. On les regarde comme éminemment pectoraux. Voyez PECTORAL & FIGUE, Matiere médicale. On vante chez eux une qualité adoucissante, plus générale & capable d'affecter les reins, la vessie, le foie, &c. tous effets fort douteux, aussi-bien que le pectoral ; car ce suc doux n'est autre chose que le suc nourrissant végétal, très-pur, qui ne peut arriver aux reins, à la vessie, &c. qu'après avoir été digéré, & par conséquent changé, réduit à l'état très-commun de chyle, &c. Voyez DOUX, chymie ; DOUX, diete, INCRASSANT, MUQUEUX, NOURRISSANT, &c. On les emploie plus utilement à masquer le goût de certains remedes désagréables, & principalement du séné. Il est encore suffisamment parlé de cet usage, qui est aussi propre à la figue seche, & aux autres substances analogues, à l'article FIGUE, Matiere médicale, voyez cet article. Voyez aussi l'article CORRECTION, Pharmacie.

Les raisins secs entrent dans plusieurs compositions pharmaceutiques, ceux de Provence en particulier, sont demandés dans la pharmacopée de Paris, pour le syrop d'érysimum, pour celui de guimauve, de Fernel, & pour l'électuaire lénitif ; & ceux de Damas, pour le syrop de Rossolis composé, & pour le syrop de tortue. (b)

RAISIN, (Critiq. sacrée) l'abondance des vignobles de la Palestine a donné lieu dans le vieux Testament à des comparaisons & façons de parler communes, tirées du raisin qui croissoit merveilleusement dans ce pays-là. Nous lisons dans les Nomb. xiij. 24. qu'on en choisit un sep exprès, qui fut porté par deux hommes sur un bâton au camp de Cadé-borne. Aussi Moïse défendit aux Israélites d'être trop exacts à couper toutes les grappes des seps, & leur ordonna d'en laisser subsister pour les pauvres, Deuter. xxiv. 21. & Lévit. xix. 10. C'est par cette raison que l'Ecriture désigne une destruction totale par la similitude d'une vigne que l'on dépouille jusqu'à la derniere grappe. Lévit. vj. 9.

Le sang du raisin, c'est le vin. Il lavera son manteau dans le sang du raisin. Genèse, xlix. 11. C'étoit un proverbe qui signifioit, il établira sa demeure dans un pays de vignoble.

Les peres ont mangé le raisin verd, & les dents des enfans en sont agacées. Ce passage d'Ezéchiel, xviij. 2. ou plutôt cette façon de parler proverbiale, vouloit dire que les peres ont transgressé la loi, & que leurs enfans en ont souffert. (D.J.)


RAISINÉS. m. (Econom. rustiq.) espece de confiture qu'on prépare en faisant cuire le raisin écrasé, & dont on a séparé les grains, & quelquefois la peau, avec le vin doux, réduisant à une consistance convenable. Ce mets est d'un goût aigrelet assez agréable.

RAISINE BLANC, le raisiné blanc ou la résine blanche, est la térébenthine épaisse ou liquide qui découle des lentisques, sapins & pins ; il en découle aussi des cyprès, qui a la même vertu ; elle sert à la Peinture & à la Médecine.


RAISINIERS. m. (Botan. exot.) arbre des îles Antilles, nommé par Jean Bauhin papyracaea arbor guajabara ; par les Caraibes, oulienis, & par les Espagnols, vero. Cet arbre croît à une hauteur médiocre, & rampe presque par terre au bord de la mer ; mais dans un bon terroir il devient assez haut. Sous l'écorce de son tronc, après qu'on a enlevé un aubier blanc de l'épaisseur de deux pouces, on trouve un bois rouge, solide, propre à des ouvrages de menuiserie. Ses feuilles sont rondes, larges comme la paume de la main, épaisses, vertes au fort de l'été, & rouges sur le déclin. Ses fleurs sont de petites fleurs comme celles de la vigne ; il leur succede des baies rougeâtres, & de la grosseur d'une noisette. Au lieu de pepins, chaque grain a sous une tendre pellicule, & sous fort peu de substance aigrelette, rafraîchissante, & d'assez bon goût, un noyau fort dur. (D.J.)


RAISONS. f. (Logique) on peut se former diverses notions du mot raison. 1°. On peut entendre simplement & sans restriction cette faculté naturelle dont Dieu a pourvû les hommes, pour connoître la vérité, quelque lumiere qu'elle suive, & à quelque ordre de matieres qu'elle s'applique.

2°. On peut entendre par raison cette même faculté considérée, non absolument, mais uniquement en tant qu'elle se conduit dans ses recherches par certaines notions, que nous apportons en naissant, & qui sont communes à tous les hommes du monde. D'autres n'admettent point ces notions, entendent par la lumiere naturelle, l'évidence des objets qui frappent l'esprit, & qui lui enlevent son consentement.

3°. On entend quelquefois par la raison, cette lumiere naturelle même, par laquelle la faculté que nous désignons par ce même nom, se conduit. C'est ainsi qu'on l'entend ordinairement, lorsqu'on parle d'une preuve, ou d'une objection prise de la raison, qu'on veut distinguer par-là des preuves & des objections prises de l'autorité divine ou humaine. Au contraire, on entend cette faculté que nous appellons raison, lorsqu'on dit que cette raison se trompe, ou qu'elle est sujette à se tromper, qu'elle est aveugle, qu'elle est dépravée ; car il est visible que cela convient fort bien à la faculté, & nullement à la lumiere naturelle.

4°. Par raison on peut aussi entendre l'enchaînement des vérités auxquelles l'esprit humain peut atteindre naturellement, sans être aidé des lumieres de la foi. Les vérités de la raison sont de deux sortes ; les unes sont ce qu'on appelle les vérités éternelles, qui sont absolument nécessaires ; ensorte que l'opposé implique contradiction ; & telles sont les vérités dont la nécessité est logique, métaphysique ou géométrique, qu'on ne sauroit renverser sans être mené à des absurdités. Il y en a d'autres qu'on peut appeller positives, parce qu'elles sont les lois qu'il a plû à Dieu de donner à la nature, ou parce qu'elles en dépendent. Nous les apprenons ou par l'expérience, c'est-à-dire à posteriori, ou par la raison, & à priori, c'est-à-dire par des considérations tirées de la convenance, qui les ont fait choisir. Cette convenance a aussi ses regles & ses raisons ; mais c'est le choix libre de Dieu, & non pas une nécessité géométrique qui fait préférer le convenable. Ainsi on peut dire que la nécessité physique est fondée sur la nécessité morale, c'est-à-dire sur le choix du sage, digne de sa sagesse, & que l'une aussi bien que l'autre doit être distinguée de la nécessité géométrique. Cette nécessité physique est ce qui fait l'ordre de la nature, & consiste dans les regles du mouvement & dans quelques autres lois générales, que Dieu a établies en créant cet univers. Les lois de la nature sont toujours sujettes à la dispensation du législateur, qui peut, quand il lui plaît, les arrêter & les suspendre ; au lieu que les vérités éternelles, comme celles de la Géométrie, ne sont assujetties à aucune loi arbitraire. Or c'est à ces dernieres vérités que la foi ne sauroit jamais être contraire. La vérité ne peut jamais être attaquée par une objection invincible ; car si c'est une démonstration fondée sur des principes ou sur des faits incontestables, formée par un enchaînement de vérités éternelles, la conclusion est certaine & indispensable ; & ce qui y est opposé doit être nécessairement faux, autrement deux contradictoires pourroient être vraies en même tems. Que si l'objection n'est point démonstrative, elle ne peut former qu'un argument vraisemblable, qui n'a point de force contre la foi, puisqu'on convient que les mysteres de la religion sont contraires aux apparences. Voyez l'article MYSTERES, où l'on prouve contre Bayle la conformité de la foi avec la raison prise pour cet enchaînement de vérités éternelles, qui sont absolument nécessaires. Il faut maintenant marquer les bornes précises qui se trouvent entre la foi & la raison.

1°. Nulle proposition ne peut être reçue pour révélation divine, si elle est contradictoirement opposée à ce qui nous est connu, ou par une intuition immédiate, telles que sont les propositions évidentes par elles-mêmes, ou par des déductions évidentes de la raison, comme dans les démonstrations ; parce que l'évidence qui nous fait adopter de telles révélations ne pouvant surpasser la certitude de nos connoissances, tant intuitives que démonstratives, si tant est qu'elle puisse l'égaler, il seroit ridicule de lui donner la préférence ; & parce que ce seroit renverser les principes & les fondemens de toute connoissance & de tout assentiment : desorte qu'il ne resteroit plus aucune marque caractéristique de la vérité & de la fausseté, nulles mesures du croyable & de l'incroyable, si des propositions douteuses de voient prendre la place devant des propositions évidentes par elles-mêmes. Il est donc inutile de presser comme articles de foi des propositions contraires à la perception claire que nous avons de la convenance ou de la disconvenance de nos idées. Par conséquent, dans toutes les choses dont nous avons une idée nette & distincte, la raison est le vrai juge compétent ; & quoique la révélation en s'accordant avec elle puisse confirmer ces décisions, elle ne sauroit pourtant dans de tels cas invalider ses decrets ; & par-tout où nous avons une décision claire & évidente de la raison, nous ne pouvons être obligés d'y renoncer pour embrasser l'opinion contraire, sous prétexte que c'est une matiere de foi. La raison de cela, c'est que nous sommes hommes avant que d'être chrétiens.

2°. Comme Dieu, en nous accordant la lumiere de la raison, ne s'est pas ôté la liberté de nous donner, lorsqu'il le juge à propos, le secours de la révélation sur des matieres où nos facultés naturelles ne sauroient atteindre ; dans ce cas, lorsqu'il a plû à Dieu de nous fournir ce secours extraordinaire, la révélation doit l'emporter sur toutes les résistances de notre raison ; ces résistances n'étant ici fondées que sur des conjectures probables ; parce que l'esprit n'étant pas certain de la vérité de ce qu'il ne connoît pas évidemment, mais se laissant seulement entraîner à la probabilité, il est obligé de donner son assentiment à un témoignage qu'il sait venir de celui qui ne peut tromper ni être trompé. Lorsque les principes de la raison ne nous font pas voir évidemment qu'une proposition est vraie ou fausse, dans ce cas la révélation manifeste a lieu de déterminer l'esprit, comme étant un autre principe de vérité : & ainsi la proposition appuyée de la révélation devient matiere de foi, & audessus de la raison. La raison ne pouvant s'élever audessus de la probabilité, la foi a déterminé l'esprit où la raison est venue à manquer.

Jusques-là s'étend l'empire de la foi ; & cela sans faire aucune violence à la raison, qui n'est point blessée ou troublée, mais assistée & perfectionnée par de nouvelles lumieres émanées de la source éternelle de toute connoissance. Tout ce qui est du ressort de la révélation doit prévaloir sur nos opinions, sur nos préjugés & sur nos intérêts, & est en droit d'exiger de l'esprit un parfait assentiment. Mais une telle soumission de notre raison à la foi ne renverse pas pour cela les limites de la connoissance humaine, & n'ébranle pas les fondemens de la raison ; elle nous laisse la liberté d'employer nos facultés à l'usage pour lequel elles nous ont été données.

Si l'on n'a pas soin de distinguer les différentes jurisdictions de la foi & de la raison par le moyen de ces bornes, la raison n'aura point de lieu en matiere de religion ; & l'on n'aura aucun droit de se moquer des opinions & des cérémonies extravagantes qu'on remarque dans la plûpart des religions du monde. Qui ne voit que c'est là ouvrir un vaste champ au fanatisme le plus outré, aux superstitions les plus insensées ! Avec un pareil principe, il n'y a rien de si absurde qu'on ne croie. Par-là il arrive que la religion, qui est l'honneur de l'humanité, & la prérogative la plus excellente de notre nature sur les bêtes, est souvent la chose du monde en quoi les hommes paroissent les plus déraisonnables.

RAISON, (os de) en Anatomie, est l'os du devant de la tête, autrement appellé coronal. Voyez CORONAL.

RAISON, en terme d'Arithmétique & de Géométrie, est le résultat de la comparaison que l'on fait entre deux grandeurs homogenes, soit en déterminant l'excès de l'une sur l'autre, ou combien de fois l'une contient l'autre, ou y est contenue. Voyez RAPPORT.

Les choses homogenes ainsi comparées, s'appellent les termes de la raison ou du rapport ; la chose que l'on compare se nomme l'antécédent, & celle à laquelle on la compare, le conséquent. Voyez TERME.

On confond souvent le mot de raison avec celui de proportion, quoiqu'ils soient tout-à-fait différens l'un de l'autre. En effet, la proportion est une identité ou similitude de deux raisons. Voyez PROPORTION.

Par exemple, si la quantité A est triple de la quantité B, le rapport de A à B, c'est-à-dire de 3 à 1, est appellé la raison de A à B. Si deux autres quantités C & D ont la même raison l'une à l'autre que A & B ont entr'elles, c'est-à-dire que l'une soit le triple de l'autre, cette similitude de raisons constitue une proportion, & les quatre quantités A : B : : C : D sont en proportion ou proportionnelles.

La raison peut donc exister entre deux termes, mais il en faut un plus grand nombre pour former une proportion. Il y a deux manieres de comparer les grandeurs entr'elles : on trouve par la premiere de combien elles different entr'elles, c'est-à-dire de combien d'unités l'antécédent est plus grand ou plus petit que le conséquent.

Cette différence est appellée raison arithmétique, ou exposant du rapport arithmétique de deux nombres.

Ainsi, en comparant 5 & 7, on trouve que leur raison arithmétique est 2.

On trouve, en employant la seconde maniere de comparer, combien de fois l'antécédent contient ou est contenu dans le conséquent, c'est-à-dire quelle partie de la plus grande est égale à la plus petite.

Cette raison s'appelle pour l'ordinaire raison géométrique, ou simplement raison.

Wolf distingue la raison, eu égard à la quantité en général, en rationnelle & irrationnelle.

Raison rationnelle est celle de nombre à nombre, par exemple, comme 3 à 4. Voyez NOMBRE.

Raison irrationnelle est celle qu'on ne peut exprimer par aucun nombre rationnel.

Supposons, pour éclaircir la chose par un exemple, deux quantités A & B, dont A soit la plus petite ; si l'on retranche A de B autant de fois qu'elle le peut être, par exemple, cinq fois, il ne restera rien, ou bien il restera quelque chose. Dans le premier cas, A sera à B comme 1 à 5, c'est-à-dire, sera contenu cinq fois dans B ou A = 1/5 B ; cette raison sera donc rationnelle.

Dans le dernier cas, ou il restera quelques parties qui étant retranchées un certain nombre de fois de A, par exemple, trois fois, & pareillement de B, par exemple, sept fois, ne laissera aucun reste ; ou bien il ne restera aucune partie de cette espece. Dans le premier cas A est à B comme 3 à 7, ou A = 3/7 B, & la raison sera rationnelle. Dans le dernier cas, la raison de A à B ne peut être exprimée par des nombres rationnels, ni d'aucune autre maniere, excepté par des lignes ou par une série infinie. Voyez SERIE.

L'exposant d'une raison géométrique est le quotient qui nait de la division de l'antécédent par le conséquent ; l'exposant de la raison de 3 à 2 est 1/2 ; celui de la raison de 2 à 3 est 2/3 : car lorsque le moindre terme est l'antécédent, la raison, ou plutôt l'exposant est une fraction impropre ; d'où il suit que la fraction 3/4 = 3 : 4. Si l'unité tient lieu de conséquent, l'antécédent lui-même sera l'exposant de la raison : par exemple, la raison de 4 à 1 est 4. Voyez EXPOSANT.

Lorsque l'on compare deux quantités sans l'intervention d'une troisieme, ou l'une est égale à l'autre, ou inégale ; ce qui constitue une raison d'égalité ou d'inégalité.

Lorsque les termes de la raison sont inégaux, ou l'on compare le plus petit au plus grand, ou celui-ci au moindre, c'est-à-dire ou le moindre au plus grand, comme une partie à son tout, ou le plus grand au plus petit, comme le tout à sa partie. La raison détermine donc combien de fois le plus petit est contenu dans le plus grand, ou combien celui-ci contient le plus petit, c'est-à-dire à quelle partie du grand le petit est égal.

La raison que le plus grand terme a au plus petit, par exemple, 6 à 3, est appellée raison de plus grande inégalité ; & celle que le plus petit terme a au plus grand, par exemple, 3 à 6, est appellée raison de moindre inégalité.

Cette raison correspond à toutes sortes de quantités en général, soit discrettes ou continues, commensurables ou incommensurables ; mais la quantité discrette ou continue admet une autre espece de raison.

Lorsque le moindre terme d'une raison est une partie aliquote du plus grand, la raison de plus grande inégalité s'appelle multiple, multiplex, & la raison de moindre inégalité, sous-multiple. Voyez MULTIPLE.

Dans le premier cas particulierement, si l'exposant est 2, la raison s'appelle double ; triple, si c'est 3, &c. Dans le second cas, si l'exposant est 1/2, la raison est appellée sous-double ; si c'est 1/3, sous-triple, &c. Par exemple, la raison de 6 à 2 est triple, à cause qu'elle contient 2 trois fois : celle au contraire de 2 à 6 est sous-triple, à cause que 2 est le tiers de 6.

Si le plus grand terme contient le plus petit une ou plusieurs fois, plus une ou plusieurs parties, la raison de plus grande ou de moindre inégalité reçoit encore différens noms. Nous allons les donner ici, quoique la plûpart soient aujourd'hui peu en usage, mais ces noms pourront être utiles à ceux qui lisent les anciens auteurs.

Dans le premier cas, si l'exposant est 1 1/2, la raison est sesquialtere ; si 3 1/3, sesquitierce. Dans l'autre, si l'exposant est 2/3, la raison est appellée sous-sesquialtere ; si 3/4, sous-sesquitierce.

Par exemple, 3 est à 2 en raison sesquialtere, & 2 à 3 en raison sous-sesquialtere.

Lorsque le plus grand terme contient le plus petit une fois, & outre cela plus d'une de ses parties, la raison de plus grande inégalité s'appelle surpartiente, & celle de moindre inégalité sous-surpartiente.

Si l'exposant est 1 2/3, la raison s'appelle surbipartiente tierce ; si 1 3/4, surtripartiente quarte ; si 1 4/7, surquadripartiente septieme, &c. Dans le dernier cas, si l'exposant est 3/5, la raison s'appelle sous-surbipartiente tierce ; si 4/7, sous-surbipartiente quarte ; si &c. Voyez EUCLIDE.

Par exemple, la raison de 5 à 3 est surbipartiente tierce ; celle de 3 à 5 sous-surbipartiente tierce.

Lorsque le plus grand terme contient le plus petit plusieurs fois, & plus d'une de ses parties, la raison de plus grande inégalité s'appelle multiple surparticuliere ; & celle de moindre inégalité, sous-multiple, sous-surparticuliere.

Particulierement dans le premier cas, si l'exposant est 2 1/2, la raison est appellée double sesquialtere ; si 3 1/4 triple sesquiquarte, &c. Dans le dernier, la raison est appellée sous-double, sous sesquialtere, si l'exposant est 2/5, & sous-triple sous-sesquiquarte, s'il est 1/12, &c.

Par exemple, la raison de 16 à 5 est triple sesquiquinte ; celle de 4 à 9, sous-double sous-sesquiquarte.

Enfin, lorsque le plus grand terme contient le plus petit plusieurs fois, & de plus, plusieurs de ses parties aliquotes, la raison de plus grande inégalité est appellée multiple surpartiente ; celle de moindre inégalité, sous-multiple sous surpartiente.

Dans le premier cas, par exemple, si l'exposant est 2 2/3, la raison est appellée double surbipartiente tierce ; si 3 4/7, triple surbiquadripartiente septieme, &c. Dans le dernier cas, si l'exposant est 3/8, on l'appelle sous double sous surquadripartiente tierce ; si 7/25, sous triple sous-surquadripartiente septieme.

Par exemple, la raison de 25 à 7 est triple surquadripartiente septieme ; celle de 3 à 8, sous-double sous-surbipartiente tierce.

Telles sont les diverses especes de raisons rationnelles, dont le nom est absolument nécessaire à ceux qui lisent les anciens auteurs, quoiqu'elles se rencontrent rarement dans les auteurs modernes, qui les expriment par les exposans de la raison, par exemple, par 2 : 1 : si la raison est double ; par 3 : 2 si elle est sesquialtere.

Les raisons égales ou identiques sont celles dont les antécédens ont un rapport égal avec leurs conséquens, c'est-à-dire dont les antécédens divisés par les conséquens, donnent des exposans égaux. On peut concevoir par-là l'identité des raisons irrationnelles.

D'où il suit, 1°. que deux raisons étant égales, l'antécédent de l'une doit contenir autant de fois son conséquent que l'antécédent de l'autre contient le sien. Secondement, si A est à B comme C est à D, cela s'exprime ainsi : A : B : : C : D ; ou A : B = C : D. La premiere expression est celle dont on se sert pour l'ordinaire pour exprimer l'identité des raisons ; l'autre est celle de Wolf, qui a cet avantage sur la premiere, que le caractere du milieu = exprime l'égalité des raisons.

Nous avons déja observé que deux raisons égales, par exemple B : C = D : E, forment une proportion ; si l'on a deux raisons inégales, par exemple A : B & C : D, nous appellerons A : B la plus grande, & nous écrirons A : B > C : D ; au contraire nous appellerons C : D la moindre, & nous écrirons C : D < A : B.

Les raisons composées sont celles qui sont faites par la multiplication de deux ou plusieurs raisons multipliées les unes par les autres, c'est-à-dire par le produit des antécédens & des conséquens. Par exemple, la raison de 6 à 72 est une raison composée de 2 à 6, & de 3 à 12, c'est-à-dire formée du produit des antécédens 2 & 3, & des conséquens 6 & 12.

Une raison composée de deux raisons égales, s'appelle doublée ; triplée, quand elle est composée de trois ; quadruplée, quand elle l'est de quatre ; & en général multipliée, quand elle est composée de plusieurs raisons semblables : par exemple, 48 : 3 est une raison doublée de 4 : 1 & 12 : 3. Voyez DOUBLEE, &c.

Propriétés des raisons. 1°. Les raisons égales à une troisieme, sont égales entr'elles.

2°. Si A : B = C : D, alors en raison inverse B : A = D : C.

3°. Les parties semblables P & p ont même raison aux touts T & t ; & si les touts ont la même raison que leurs parties, les parties sont semblables.

4°. Si A : B = C : D, pour lors en raison alterne A : C = B : D. D'où il suit que si B = D : A = C, & A : B = C : D, & A : F = C : G, nous aurons B : F = D : G. Donc encore si A : B = C : D ; & F : A = G : C, nous aurons F : B = G : D.

5°. Les choses qui ont même raison à une troisieme, sont égales entr'elles, & vice versâ.

6°. Si l'on multiplie des quantités égales A & B par les mêmes quantités, ou par des quantités égales, les produits D & E seront l'un à l'autre comme A & B.

7°. Si l'on divise telle quantité que l'on voudra, comme A & B par les mêmes quantités, ou par des quantités égales, les quotiens seront l'un à l'autre comme A & B.

8°. Si l'on divise les antécédens ou les conséquens des raisons égales A : B & C : D par la même quantité E ; dans le premier cas les quotiens F & G auront même raison aux conséquens B & D ; dans le second les antécédens A & B auront même raison aux quotiens H & K.

9°. Si l'on a plusieurs quantités en raison continue A, B, C, D, E, &c. la premiere A sera à la troisieme C en raison doublée ; à la quatrieme D en raison triplée ; à la cinquieme E en raison quadruplée, &c. de la raison de la premiere A à la seconde B.

10°. Si l'on a une suite de quantités en même raison, A, B, C, D, E, F, &c. la raison de la premiere A à la derniere F, sera composée des raisons intermédiaires A : B, B : C, C : D, D : E, E : F, &c.

11°. Les raisons composées de raisons égales, sont égales. Ainsi les raisons 90 : 3 = 960 : 32, sont composées de 6 : 3 = 4 : 2, & 3 : 1 = 12 : 4, & 5 : 1 = 20 : 4. Pour les autres propriétés des raisons égales, voyez PROPORTIONS. Voyez aussi EXPOSANT. (E)

Moyenne & extrême raison, voyez EXTREME.

RAISON INVERSE, ou RENVERSEE, ou RECIPROQUE ; on dit que deux choses sont en raison inverse de deux autres, lorsque la premiere est à la seconde, comme la quatrieme est à la troisieme. Par exemple, quand on dit que la gravitation est en raison inverse du quarré des distances, cela veut dire que la gravitation à la distance A, est à la gravitation à la distance B, comme le quarré de la distance B est au quarré de la distance A. Voyez GRAVITATION, & voyez aussi INVERSE, &c.

RAISON D'ETAT, (Droit politiq.) Quelques auteurs ont cru qu'il y avoit des occasions dans lesquelles les souverains étoient autorisés à se départir des lois séveres de la probité, & qu'alors le bien de l'état qu'ils gouvernent, leur permettoit des actions injustes à l'égard des autres états, & que l'avantage de leur peuple justifioit l'irrégularité de leurs actions. Ces injustices, autorisées par la raison d'état, sont d'envahir le territoire d'un voisin, dont les dispositions sont suspectes, de se rendre maître de sa personne, enfin de le priver des avantages dont il a droit de jouir, sans motif avoué, ou sans déclaration de guerre. Ceux qui maintiennent un sentiment si étrange, le fondent sur le principe que les souverains, devant chercher tout ce qui peut rendre heureux & tranquilles les peuples qui leur sont soumis, ils sont en droit d'employer tous les moyens qui tendent à un but si salutaire. Quelque spécieux que soit ce motif, il est très-important pour le bonheur du monde, de le renfermer dans de justes bornes ; il est certain qu'un souverain doit chercher tout ce qui tend au bien-être de la société qu'il gouverne ; mais il ne faut point que ce soit aux dépens des autres peuples. Les nations ont, ainsi que les particuliers, des droits réciproques ; sans cela tous les souverains, ayant les mêmes droits, & se prétendant animés par les mêmes motifs, seroient dans un état de défiance & de guerre continuelle. Concluons donc que les représentans des peuples ne peuvent, non plus que les individus de la société, s'exempter des lois de l'honneur & de la probité ; ce seroit ouvrir la porte à un désordre universel, que d'établir une maxime qui détruiroit les liens des nations, & qui exposeroit les plus foibles aux oppressions des plus forts ; injustices qui ne peuvent être permises, sous quelque nom que l'on cherche à les déguiser.

Une autre question est de savoir, si la raison d'état autorise le souverain à faire souffrir quelque dommage à un particulier, lorsqu'il s'agit du bien de l'état : elle sera facile à résoudre, si l'on fait attention qu'en formant la société, l'intention & la volonté de chaque individu a dû être de sacrifier ses propres intérêts à ceux de tous, sans cela la société ne pourroit point subsister. Il est certain que le tout est préférable à sa partie ; cependant dans ces occasions, toujours fâcheuses, le souverain se souviendra qu'il doit une justice à tous ses sujets, dont il est également le pere ; il ne donnera point pour des raisons d'état, des motifs frivoles ou corrompus qui l'engageroient à satisfaire ses passions personnelles ou celles de ses favoris ; mais il gémira de la nécessité qui l'oblige de sacrifier quelques-uns des membres pour le salut réel de toute la société.

RAISON SUFFISANTE, Voyez l'article SUFFISANT.

RAISON, (Jurisprud.) signifie quelquefois un droit qui appartient à quelqu'un, comme quand on dit, noms, raisons & actions : quelquefois raison est pris pour justice ; comme quand on dit, demander raison, faire raison. Souvent raison est pris pour compte, c'est en ce sens que les marchands appellent livres de raison, ceux qui contiennent l'état de tout leur commerce, tant pour eux que pour leurs associés. Voyez ACTION, COMPTE, DROIT, JOURNAUX, LIVRES, MARCHAND, OBLIGATION. (A)

RAISON, (Comm.) se dit du compte qu'un officier inférieur est obligé de rendre à celui à qui il est subordonné. Ainsi l'on dit qu'un tel officier à été mandé pour rendre raison de sa conduite. Voyez VENIAT.

RAISON, en termes de teneurs de livres. On nomme livre de raison, un gros registre sur lequel on forme tous les comptes en débit & en crédit, dont on trouve les sujets, c'est-à-dire les articles sur le livre journal. On l'appelle livre de raison, parce qu'il sert à un marchand à se rendre raison à soi-même & à ses associés de l'état de son commerce. Voyez LIVRES.

Raison signifie aussi la part d'un associé dans le fonds d'une société. On dit ma raison est du quart, du sixieme, d'un douzieme, &c.

Raison, signifie encore dans le commerce, proportion, rapport. Le change d'Amsterdam est à raison de dix pour cent.

RAISON, en termes de commerce de mer, est la quantité de biscuit, de boisson & autres vivres que l'on regle pour la pitance journaliere de chaque matelot sur les navires marchands. En quelques endroits on l'appelle ordinaire, & sur les vaisseaux de guerre ration.

RAISON, terme de société générale. On appelle la raison d'une société, les noms des associés rangés & énoncés de la maniere que la société signera les lettres missives, billets & lettres-de-change. Ainsi l'on dit, la raison de la société sera Jacques Perrin, Guillaume & François Caron. Dictionn. de comm.

RAISON, (Charpent. Art méchan.) Mettre les pieces de bois en leur raison, c'est quand on dispose les pieces qui doivent servir à un bâtiment, & qu'étant mises en chantier, on met chaque morceau & chaque piece en sa place. (D.J.)


RAISONNABLEadj. (Gramm.) Il se dit des personnes & des choses. Un homme raisonnable, ou dont la conduite est conforme à la raison ; une action raisonnable, ou dont le motif est conforme à la raison. Ce mot a une acception un peu détournée, lorsqu'il est appliqué à la femme ; une femme raisonnable est celle qui ne se laisse point emporter à l'esprit regnant de la galanterie. Raisonnable est quelquefois synonyme à juste ; & en effet, la raison dans la conduite, ou la philosophie, ou la justice, c'est la même chose. Je ne lui refuserai rien de ce qu'il est raisonnable d'exiger en pareil cas. Savoir bien raisonner, est un, & être raisonnable, un autre. Raisonnable se prend aussi quelquefois pour modique. On vit en province à un prix raisonnable.


RAISONNEMENTS. m. (Logique & Métaphysique) le raisonnement n'est qu'un enchaînement de jugemens qui dépendent les uns des autres. L'accord ou la discordance de deux idées ne se rend pas toujours sensible par la considération de ces deux seules idées. Il faut en aller chercher une troisieme, ou même davantage, si cela est nécessaire, pour les comparer avec ces idées intermédiaires conjointement ou séparément ; & l'acte par lequel nous jugeons, cette comparaison faite, que l'une ou l'autre de ces deux idées, ou toutes les deux s'accordent ou ne s'accordent pas avec la troisieme, s'appelle raisonnement.

Le pere Malebranche prouve d'une maniere assez plausible, que toute la différence qui se trouve entre la simple perception, le jugement & le raisonnement, consiste en ce que, par la simple perception, l'entendement perçoit une chose sans rapport à une autre : que, dans le jugement, il perçoit le rapport qui est entre deux choses ou un plus grand nombre : & qu'enfin, dans le raisonnement, il perçoit les rapports perçus par le jugement ; desorte que toutes les opérations de l'ame se ramenent à des perceptions.

Il y a différentes sortes de raisonnemens ; mais le plus parfait & le plus usité dans les écoles, c'est le syllogisme, qui se définit, un tissu de trois propositions, fait de maniere, que si les deux premieres sont vraies, il est impossible que la troisieme ne le soit pas. La conséquence ou conclusion est la proposition principale du syllogisme, & à laquelle les deux autres doivent se rapporter ; car on ne fait un syllogisme que pour obliger quelqu'un d'avouer une troisieme proposition qu'il n'avouoit pas auparavant. Supposé la vérité des deux prémisses du syllogisme, il faut que la conséquence soit nécessairement vraie, parce qu'elle est enfermée équivalemment dans les prémisses. Pour rendre ceci intelligible, il faut se souvenir qu'une proposition est vraie, lorsque l'idée du sujet contient l'idée de l'attribut. Comme donc il ne s'agit dans un syllogisme, que de faire sentir que la troisieme proposition, dite la conséquence, est vraie, il ne s'agit aussi que de faire appercevoir comment dans cette conséquence, l'idée du sujet contient l'idée de l'attribut. Or que fait-on pour montrer que la conséquence contient l'idée de l'attribut ? On prend une troisieme idée appellée moyen terme (parce qu'en effet elle est mitoyenne entre le sujet & l'attribut) : de maniere qu'elle est contenue dans le sujet, & qu'elle contient l'attribut ; car si une premiere chose en contient une seconde, dans laquelle seconde une troisieme soit contenue, la premiere nécessairement contiendra la troisieme. Si une liqueur contient du chocolat dans lequel est contenu du cacao, il est clair que cette liqueur contient aussi du cacao. Voyez SYLLOGISME.

Ce que les Logiciens ont dit du raisonnement dans bien des volumes, paroît entierement superflu & de nul usage ; car, comme le remarque l'auteur de l'art de penser, la plûpart de nos erreurs viennent bien plus de ce que nous raisonnons sur des principes faux, que non pas de ce que nous ne raisonnons pas suivant nos principes. Raisonner, dans le sens précis & philosophique, n'est autre chose que de donner son aveu ou son assentiment à la convenance que l'esprit apperçoit entre des idées qui sont actuellement présentes à l'esprit ; or comme nos idées sont pour nous autant de perceptions intimes, & que toutes nos perceptions intimes nous sont évidentes, il nous est impossible de ne pas appercevoir évidemment, si de ces deux idées que nous avons actuellement dans l'esprit, l'une est la même que l'autre ; ou si elle n'est pas la même. Or appercevoir qu'une idée est ou n'est pas une autre idée, c'est raisonner juste : donc il est impossible à tout homme de ne pas bien raisonner.

Quand donc nous trouvons qu'un homme raisonne mal, & qu'il tire une mauvaise conséquence, ce n'est pas que cette conséquence ne soit juste par rapport à l'idée ou au principe d'où il la tire, mais c'est qu'il n'a pas actuellement dans l'esprit l'idée que nous lui supposons. Mais, dira-t-on, il arrive souvent qu'un autre convient avec moi d'une même pensée ou idée, & cependant il en tire une conséquence toute différente de celle que je tire : c'est donc que lui ou moi nous raisonnons mal, & que sa conséquence ou la mienne ne sont pas justes : à quoi je réponds que la pensée ou idée dont vous convenez avec lui, n'est pas au juste la même pensée ou idée que la vôtre ; vous en convenez seulement dans l'expression, & non pas dans la réalité. Rien n'est plus ordinaire que d'user de la même expression qu'un autre, sous laquelle je n'ai pas la même idée que lui. Vous ajoutez qu'un même homme employant le même mot, & se rappellant la même pensée, en tire une conclusion différente de celle qu'il avoit tirée auparavant, & qu'il avoue lui-même qu'il avoit mal raisonné : je réponds de nouveau qu'il a tort de s'en prendre à son raisonnement : mais croyant se rappeller la même pensée, à cause que c'est peut-être le même mot, la pensée d'où il tire aujourd'hui une conclusion différente de celle d'hier ; que cette pensée, dis-je, est différente de celle d'hier, & cela par quelque altération d'idées partiales imperceptibles ; car si c'étoit la même pensée, comment n'y trouveroit-il plus la même convenance avec la conclusion d'hier, une pensée & sa conclusion étant une même idée par rapport à la convenance qu'y trouve notre esprit ?

A prendre la chose de ce biais, un art des plus inutiles seroit l'art de raisonner, puisqu'on ne peut jamais manquer à bien raisonner, suivant les idées qu'on a dans l'esprit actuellement. Tout le secret de penser juste consistera donc à se mettre actuellement dans l'esprit avec exactitude, la premiere idée qu'il faut avoir des choses dont on doit juger ; mais c'est ce qui n'est point du ressort de la Logique, laquelle n'a pour but essentiel que de trouver la convenance ou disconvenance de deux idées qui doivent être présentes actuellement à l'esprit.

La justesse de cette premiere idée peut manquer par divers endroits : 1°. du côté de l'organe de nos sens, qui n'est pas disposé de la même maniere dans tous les hommes : 2°. du côté de notre caractere d'esprit, qui étant quelquefois tourné autrement que celui des autres hommes, peut nous donner des idées particulieres avec lesquelles nous tirons des conséquences impertinentes, par des raisonnemens légitimes : 3°. la justesse des idées manque encore faute d'usage du monde, faute de réflexion, faute d'être assez en garde contre les sources de nos erreurs : 4°. faute de mémoire, parce que nous croyons nous bien souvenir d'une chose que nous avons bien sue, mais qui ne se rappelle pas assez dans notre esprit : 5°. par le défaut du langage humain, qui étant souvent équivoque, & signifiant selon diverses occasions, des idées diverses, nous fait prendre très fréquemment l'une pour l'autre.

Quoi qu'il en soit, l'erreur d'une premiere idée, d'où nous tirons une conséquence toujours conforme à cette premiere idée, ne regarde point la nature de la vérité interne & logique, ou du raisonnement pris dans la précision philosophique. Elle regarde ou la Métaphysique qui nous instruit des premieres vérités & des premieres idées des choses : ou la Morale, qui modere les passions dont l'agitation trouble dans notre esprit les vraies idées des objets : ou l'usage du monde, qui fournit les justes idées du commerce de la société civile, par rapport aux tems & aux pays divers : ou l'usage des choses saintes, & surtout de la loi de Dieu, qui seul nous fournit les idées les plus essentielles à la conduite de l'homme : mais encore une fois, l'erreur ne regarde nullement le raisonnement, entant que raisonnement, c'est-à-dire, entant que la perception de la convenance ou disconvenance d'une idée qui est actuellement dans notre esprit, avec une autre idée qui y est actuellement aussi, & dont la convenance ou disconvenance s'apperçoit toujours infailliblement & nécessairement. Logique du pere Buffier.

Je ne puis mieux terminer ce que j'ai à dire du raisonnement, qu'en rendant raison d'une expérience. On demande comment on peut dans la conversation développer, souvent sans hésiter, des raisonnemens fort étendus. Toutes les parties en sont-elles présentes dans le même instant ? Et, si elles ne le sont pas, comme il est vraisemblable, puisque l'esprit est trop borné pour saisir tout-à-la fois un grand nombre d'idées, par quel hazard se conduit-il avec ordre ? Voici comme l'explique l'auteur de l'essai sur l'origine des connoissances humaines.

Au moment qu'un homme se propose de faire un raisonnement, l'attention qu'il donne à la proposition qu'il veut prouver, lui fait appercevoir successivement les propositions principales, qui sont le résultat des différentes parties du raisonnement qu'il va faire. Si elles sont fortement liées, il les parcourt si rapidement, qu'il peut s'imaginer les voir toutes ensemble. Ces propositions saisies, il considere celle qui doit être exposée la premiere. Par ce moyen, les idées propres à la mettre dans son jour se réveillent en lui selon l'ordre de la liaison qui est entr'elles ; de-là il passe à la seconde, pour répéter la même opération, & ainsi de suite jusqu'à la conclusion de son raisonnement. Son esprit n'en embrasse donc pas en même tems toutes les parties ; mais par la liaison qui est entr'elles, il les parcourt avec assez de rapidité, pour devancer toujours la parole, à-peu-près comme l'oeil de quelqu'un qui lit haut, devance la prononciation. Peut-être demandera-t-on comment on peut appercevoir les résultats d'un raisonnement, sans en avoir saisi les différentes parties dans tout leur détail. Je réponds que cela n'arrive que quand nous parlons sur des matieres qui nous sont familieres, ou qui ne sont pas loin de l'être, par le rapport qu'elles ont à celles que nous connoissons davantage. Voilà le seul cas, où le phénomène proposé peut être remarqué. Dans tout autre l'on parle en hésitant : ce qui provient de ce que les idées étant liées trop foiblement, se réveillent avec lenteur : ou l'on parle sans suite, & c'est un effet de l'ignorance.


RAISONNERterme de commerce de mer ; il se dit de l'obligation qu'ont les capitaines & maîtres des vaisseaux marchands lorsqu'ils rentrent dans les ports, d'envoyer montrer à l'officier ou commis qui est en garde sur la patache, leur congé & leur charte-partie, leur manifeste de chargement & autres papiers & instructions, qu'ils sont tenus de communiquer en conséquence des ordonnances de la marine. Voyez PATACHE, CONGE, CHARTE-PARTIE, MANIFESTE, &c. Dictionnaires de Commerce & de Trévoux.

Raisonner signifie encore expliquer, déclarer la marchandise dans les bureaux des douannes & des traites, pour en payer les droits portés par les tarifs, suivant leur poids, mesure, nombre & qualité. Ce terme n'est guere d'usage que dans les provinces de France du côté du Rhône. Voyez DECLARATION, Dictionnaire de Commerce.


RAITHI REGIO(Géog. anc.) contrée dans la partie méridionale de l'Arabie pétrée, vers les montagnes de l'Arabie heureuse, & aux environs du mont Sinaï, du côté de l'occident, selon le P. Lubin. Les peuples de cette contrée sont appellés Ratheni par Ptolémée, l. V. c. xvij. La contrée de Raithi ou Raithe, s'étend vers la mer rouge dans une longue plaine, large d'environ cinq lieues, & arrosée de plusieurs ruisseaux. Cet endroit est appellé Elim dans le livre de l'Exode, c. xxv. (D.J.)


RAJAH-POURSONS. m. (Hist. mod.) ce mot signifie roi des prêtres dans la langue des Indiens du royaume de Kamboje. C'est le chef suprême de tous les talapoins ou prêtres du pays ; il réside à Sombrapour ; son vicaire ou substitut s'appelle tivinia ; il a de plus un conseil sacerdotal, à la tête duquel il préside, & qui décide souverainement de toutes les matieres de sa compétence ; elles sont fort étendues, vû que dans ce pays l'autorité des prêtres s'étend même sur les choses civiles.


RAJAHSS. m. (Hist. mod.) c'est ainsi que l'on nomme dans l'Indostan ou dans l'empire du Mogol, des princes descendus des Kuttereys ou de la race des anciens souverains du pays, avant que les Tartares monjuls ou mogols en eussent fait la conquête. Le mot rajahs signifie rois ; ils avoient autrefois des états plus ou moins étendus, qu'ils gouvernoient avec une autorité absolue ; depuis que les Mahométans ont fait la conquête de l'Indostan, la plûpart des princes ou souverains de cette contrée furent obligés de se soumettre à leurs vainqueurs qui les rendirent vassaux & tributaires. D'autres rajahs se retirerent dans des lieux inaccessibles où ils vivent dans l'indépendance ; ils font des courses sur les terres de l'obéissance du grand-mogol ; lorsqu'ils font ces sortes d'expéditions, ils ont sous leurs ordres des soldats courageux & déterminés que l'on nomme rajahpoutes, c'est-à-dire fils de rajahs ; ils sont descendus des anciens nobles de l'Inde ; parmi eux le métier de la guerre est héréditaire. Ces rajahpoutes sont exercés aux fatigues & à la discipline militaire ; les rajahs leur accordent des terres à condition d'être toujours prêts à monter à cheval sur l'ordre qu'ils leur donnent, d'où l'on voit que ce sont des especes de feudataires. Le grand-mogol tient plusieurs de ces rajahs à son service, tant à cause de la bonté de leurs troupes, que pour tenir en bride les gouverneurs des provinces, les omrahs ou seigneurs de secours & les autres rajahs qui ne dépendent point de lui. Le plus considérable des rajahs qui sont au service du grand-mogol, est celui de Sedussia, dont la capitale s'appelle Usépour ; il prétend descendre de Porus qui fut vaincu par Alexandre le grand. Tous les princes de sa famille prennent le titre de rana, ce qui signifie homme de bonne mine. Il peut mettre sur pié 250000 hommes. Les rajahs de Rator & de Chaga sont aussi très-puissans ; tous ces princes sont idolâtres.


RAJANIAS. f. (Hist. nat. Bot.) nom donné par Linnaeus à un genre de plante en l'honneur du célebre Ray. En voici les caracteres : il produit séparément des fleurs mâles ou femelles ; dans la fleur mâle le calice est divisé en six segmens longs & pointus ; il forme une espece de cloche évasée au sommet. Cette fleur n'a point de pétales ; les étamines sont six filets soyeux plus courts que le calice, & terminés par de simples sommets. Le calice de la fleur femelle est monopétale en cloches, fixé sur le germe, & tombant ensuite ; il est semblablement partagé en six segmens, & n'a point de pétales. Le germe du pistil est applati, & bordé d'une membrane sur un des côtés. Les stiles, au nombre de trois, sont de la longueur du calice. Les stygmats sont simples & obtus. Le fruit est sphérique, revêtu d'une pellicule qui s'étend presque tout autour ; il contient une simple graine arrondie. Linnaei, gen. plant. p. 479. Plum. 29 & 98.


RAJAPOUR(Géogr. mod.) ville des Indes au royaume de Visapour, près de la côte de Malabar, sur une riviere de même nom, au nord de Goa. Les François y ont un comptoir. Le commerce qui s'y fait consiste en toiles, poivre & salpêtre. Les forêts sont remplies de singes. Latit. 17.

RAJAPOUR, (Géogr. mod.) ville des Indes aux états du Mogol, dans la province de Bécar ; c'est la même que nos cartes placent dans la province de Jésuat, dont ils font la capitale, sur la rive gauche du Gader. (D.J.)


RAJEUNIRvoyez l'article RAJEUNISSEMENT.

RAJEUNIR, en Jardinage, se dit de la maniere de procurer à un arbre une vigueur qui paroît lui manquer. On le taille à cet effet sur les branches de la nouvelle pousse, & l'on supprime la plus grande partie du vieux bois. Cette opération demande une main ménagere qui n'ôte point trop de branches, & les coupe vers la fin de l'automne. Ces plaies seront recouvertes avec de la terre humectée, appellée l'onguent de S. Fiacre, & on mettra un linge attaché autour des plaies les plus considérables.

On n'approuve nullement la maniere de quelques anciens jardiniers qui coupoient de grosses racines pour rajeunir un arbre. Ces grosses racines ôtées font mourir, suivant de bons physiciens, autant de branches, & c'est le vrai moyen de ruiner l'arbre en peu de tems.


RAJEUNISSEMENTS. m. (Médecine) sortir de l'état languissant d'une affreuse caducité ; quitter les incommodités, les rides, la foiblesse, la maigreur qui en sont les compagnes inséparables ; cesser de ressentir un froid continuel, image terrible & avant-coureur de celui de la mort ; retirer enfin un pié chancelant déja engagé dans la fosse pour entrer dans le printems d'une riante jeunesse, pour recommencer la carriere des plaisirs & des jeux, pour reprendre avec facilité l'exercice complet de toutes les fonctions de l'esprit & du corps, & en même-tems la force, la vigueur, la santé, & tous les agrémens qui sont attachés à cet âge charmant, & pouvoir enfin se préparer une longue chaîne de jours purs & sereins : telle est la révolution prodigieuse qui transforme le vieillard en jeune homme ; telle est la perspective séduisante que présente le rajeunissement, objet bien capable d'attirer les desirs empressés des foibles humains ; l'art précieux de produire ces grandes merveilles si célebrées par les poëtes, s'est enfin réalisé dans l'imagination échauffée des Alchymistes ; entraînés par un enthousiasme présomptueux, ils se sont crus les arbitres de la vie & de la mort, les maîtres de faire revivre les plantes desséchées, de multiplier leurs fruits, de changer & transformer les saisons & les âges, &c.

Le plus ancien exemple de rajeunissement qu'on trouve dans les poëtes est rapporté par Ovide, dans le VII. l. des métamorphoses, où il raconte qu'au retour de l'expédition des Argonautes, Jason pria Médée son épouse, fameuse enchanteresse, de rajeunir Aeson son pere accablé sous le poids des ans & hors d'état de mêler les témoignages de sa joie à l'allégresse publique ; deme meis annis, lui dit ce fils généreux, & demptos adde parenti. Elle fut touchée d'une demande si désintéressée ; & après un sacrifice nocturne à la triple Hécate, & aux dieux des forêts & de la nuit où elle implore leur assistance pour lui aider à découvrir des sucs qui puissent renouveller dans Aeson la fleur de la jeunesse ; elle part inspirée par ces divinités, monte dans un char magique, & parcourt dans l'espace de neuf jours & neuf nuits la vallée de Tempé, le mont Ossa, le Pélion, l'Othrys, le Pinde, l'Olympe, les bords de l'Apidane, de l'Amphryse, du Pénée, du Sperchée, du Boelus & de l'Anthédon, & dans tous ces endroits elle cueille des plantes favorables à son expédition ; les dragons attelés à son char, qui respirent l'odeur de ces plantes merveilleuses, sont à l'instant rajeunis, annosae pellem posuere senectae ; étant arrivée chez le vieux Aeson, elle fait des sacrifices, l'un à Hécate & l'autre à la Jeunesse, & implore le secours des divinités terrestres ; elle fait apporter ensuite ce vieillard qui retenoit encore à peine un dernier souffle de vie prêt à s'échapper, & le fait coucher endormi & à demi-mort sur un tas des herbes qu'elle avoit apportées ; alors ayant écarté tout profane, elle commence ces terribles mysteres, elle le purifie trois fois avec du feu, du soufre & de l'eau, cependant elle fait bouillir dans une chaudiere d'airain la composition qui doit opérer le rajeunissement ; outre les plantes dont nous avons parlé, elle y met des pierres précieuses venues d'Orient, du sable ramassé sur les bords de l'Océan, de l'écume que la lune répand la nuit sur les herbes, la chair & les aîles d'une chouette, les entrailles d'un de ces loup-garoux qui paroissent quelquefois sous la figure humaine, la tendre écaille d'une jeune tortue du fleuve Cinyphe, le foie d'un vieux cerf, le bec & la tête d'une corneille qui avoit vécu neuf siecles ; elle ajoute encore une infinité d'autres drogues inconnues, une branche d'olivier depuis long-tems desséchée lui sert pour agiter tout ce mêlange, mais à l'instant cette branche reverdit, & bientôt après se charge de feuilles & de fruits ; l'écume que la violence du feu fait tomber par terre hors du bassin y renouvelle le même prodige, l'herbe y croît aussi-tôt, & des fleurs y naissent dans le moment ; à cette vûe Médée plonge le coûteau dans le sein du fortuné vieillard, & en fait sortir un sang glacé pour y en substituer un nouveau formé par les sucs qu'elle vient de préparer, dont elle fait rentrer une partie par la bouche, & l'autre par la blessure. L'effet du remede est aussi promt que merveilleux, la maigreur, la pâleur & les rides ont disparu de dessus le visage d'Aeson, ses cheveux blancs sont tombés, une longue chevelure noire orne sa tête, ses membres sont remplis de vigueur, en un mot Aeson rempli d'admiration se voit métamorphosé en un homme robuste tel qu'il étoit avant qu'il eût atteint son huitieme lustre.

Aeson miratur & olim

Ante quater denos hunc se reminiscitur annos

Dissimilemque animum subiit aetate relictâ.

Les Alchymistes, aux yeux de qui toute la Mythologie n'est qu'une allégorie soutenue des travaux du grand oeuvre, & qui expliquent si naturellement dans leur systême l'enlevement de la toison d'or, revendiquent l'opération de Médée comme leur appartenant, comme un des principaux procédés de la pierre philosophale, & ne doutent pas un moment de sa réalité & de son succès : les personnes qui n'ont pas pénétré dans les secrets hermétiques, imaginent avec assez de fondement que tout ce récit d'Ovide n'est qu'une fiction agréable, dont le seul but étoit de donner l'essor à son imagination & d'amuser ses lecteurs ; au reste, les explications morales qu'on a voulu donner de cette fable, ainsi que de bien d'autres, sont beaucoup moins satisfaisantes que celles qui sont fondées sur les prétentions des Alchymistes.

La fameuse fontaine de Jouvence qui avoit le pouvoir de rappeller à ceux qui s'y baignoient & qui en bûvoient, la jeunesse passée, ou de la rendre immortelle, quand on en éprouvoit la vertu avant d'en être privé, ne passe pareillement que pour une invention poétique : cependant Deodatus, médecin spagyrique, qui a très-longuement écrit sur les moyens de vivre plus de 120 ans, pense que cette fontaine se trouve réalisée dans le nouveau monde : il s'appuie sur le témoignage de plusieurs historiens dignes de foi qu'il ne nomme pas, & qui rapportent qu'on a trouvé une île connue sous le nom de Bonica, dans laquelle il y a une fontaine dont les eaux plus précieuses que le vin le plus délicat ont l'admirable vertu de changer la vieillesse en jeunesse. Panthem hygiastic. hippocratico-hermetic. lib. I. cap. viij.

Il n'en est pas des alchymistes comme des poëtes ; ceux-ci n'ont jamais parlé sérieusement des méthodes de rajeunir, ils ne les ont exposé que comme les autres fables dont leurs ouvrages sont remplis, se gardant bien d'y ajouter foi eux-mêmes, & ne prétendant nullement en prouver & faire croire la réalité ; mais ceux-là ont regardé le rajeunissement comme un des principaux effets de leur médecine universelle. Robertus Vallensis, Arnaud de Villeneuve, Raymond Lulle, & autres fameux adeptes ont tous assuré positivement que ce remede avoit la vertu d'éloigner ou de dissiper la vieillesse, & de conserver ou de faire renaître la jeunesse ; & ces auteurs ne s'en sont pas tenus, ajoute Deodatus leur partisan zélé, à de simples promesses, ils ont confirmé leurs prétentions par des faits authentiques.

Ils prouvent la possibilité du rajeunissement par l'exemple de différens animaux, 1° de l'aigle, dont il est dit dans les anciennes Ecritures, renovabitur ut aquilae juventus tua : lorsqu'elle est venue à une extrême vieillesse, elle prend entre ses serres une tortue qu'elle éleve fort haut d'où elle la précipite sur un rocher, son écaille se brise, & l'aigle en dévore la chair & les entrailles, & rajeunit ainsi ; de façon qu'elle ne meurt point ni de vieillesse, ni de maladie, mais d'inanition, parce que la partie supérieure de son bec devient tellement crochue, qu'elle lui empêche de l'ouvrir & de prendre la nourriture. 2° Le cerf devenu vieux attire, par la force de son haleine, les serpens du fond des cavernes, les foule aux piés, les mange, cervinus gelidum, dit Martial, sorbet sic halitus anguium, & reprend, par leur vertu, toute la vigueur de la jeunesse ; mais pour parer aux mauvais effets qu'il pourroit ressentir de leur venin, il se plonge en entier jusqu'au museau dans une riviere, alors ses larmes épaissies dans le coin des yeux s'en détachent sous la forme de petites pierres, & passent pour d'excellens alexipharmaques. 3° Les serpens qui tous les printems & les automnes quittent leur peau & leurs années, & reprennent la vivacité de leur vûe & l'agilité de leurs mouvemens ; ce qui arrive de même aux écrevisses, qui changent souvent d'enveloppe. 4° Les éperviers, suivant le rapport de Jean-Baptiste Porta dans son Phytogironicum, lorsqu'ils tardent trop de jetter leurs vieilles plumes, y sont excités par le remede suivant, dont l'effet s'étend encore plus loin ; car outre les nouvelles plumes qu'il fait repousser, il leur redonne la santé, la force, la prestesse, & les autres attributs de la jeunesse ; ce remede consiste à faire cuire un serpent qui vient de naître, & qui a par conséquent peu de venin, avec du froment, à en nourrir une poule, & ensuite la donner à manger à l'épervier, & lui faire boire l'eau qui a servi à la décoction. Si tous ces animaux peuvent rajeunir, pourquoi cet avantage précieux seroit-il refusé à l'homme, s'écrie douloureusement l'auteur que nous avons cité ? Sans doute que l'âne chargé de ce présent que Jupiter envoyoit aux humains, a eu l'imprudence de le laisser prendre aux serpens.

Cependant cet auteur pourroit trouver des motifs de consolation dans les histoires qu'il rapporte, si leur vérité est bien attestée ; car non-seulement le rajeunissement est démontré possible, mais elles constatent évidemment sa réalité. Galien fait mention d'un homme qui cherchant à terminer une vie malheureuse, rendue plus insupportable encore par une lépre générale dont il étoit couvert, se résolut d'avaler une bouteille de vin qu'il croyoit empoisonné par une vipere qui s'y étoit glissée, y avoit été étouffée & y étoit restée pendant quelque tems morte ; à peine eut-il mis ce terrible dessein à exécution qu'il est tourmenté par d'affreux vomissemens, & qu'enfin il tombe dans un assoupissement létargique qui paroissoit mortel ; ce sommeil se dissipe, les vomissemens cessent, & bientôt après tous les poils de son corps se détachent, les ongles se déracinent, tous les membres se dessechent, la mort sembloit prête à l'envelopper ; des moissonneurs qui l'avoient vu avaler ce prétendu poison & qui le lui avoient même fourni s'attendoient au dénouement naturel de ce spectacle tragique ; mais il se termina bien autrement, une étincelle de vie parut ranimer pour un moment cet infortuné moribond, & les spectateurs virent avec une admiration mêlée de crainte de nouvelles chairs se former, les poils & les ongles renaître, la figure s'embellir, la vieille peau se séparer, en un mot un homme tout nouveau. Galen. libr. de simpl. Valescus de Taranta écrit que dans une ville du royaume de Valence il y avoit une abbesse courbée sous le poids des ans à qui tout-à-coup les regles parurent, les dents se renouvellerent, les cheveux noircirent, la fraîcheur & l'égalité du teint revinrent, les mamelles flasques & desséchées reprirent la fermeté & la rondeur propre au sein naissant des jeunes filles, à qui, en un mot, il ne manqua aucun attribut de la plus parfaite jeunesse ; elle fut si frappée de la nouveauté de cet évenement, & en conçut une telle honte, qu'elle se cacha pour se soustraire aux yeux des spectateurs que la curiosité attiroit en foule. Les nouveaux historiens portugais parlent d'un noble indien qui a vécu trois cent quarante ans, & qui a éprouvé trois fois l'admirable vicissitude de la jeunesse & de la caducité. Ici se présente encore l'histoire merveilleuse de Jean Montanus, fameux médecin archispagyriste, qui, par le moyen de son élixir philosophique, revint d'un âge très-avancé dans la fleur de la jeunesse : le même élixir opéra le même miracle, suivant le témoignage de Torquemada, sur un vieillard de cent ans, qui avec la jeunesse obtint encore cinquante ans de vie ; quelques autres ont attribué ces effets à la constitution particuliere de ces deux personnes, dans le dessein de frustrer de la vertu rajeunissante le remede dont ils s'étoient servi, mais on leur répond que cet élixir peu soigneusement gardé ayant été trouvé & pris par des poules, aussi-tôt leurs plumes tomberent, & il en revint de nouvelles.

Tous les alchymistes qui croient au rajeunissement, s'accordent à penser que le vrai specifique propre à opérer ce merveilleux changement, est ce qu'ils appellent la médecine universelle, ou la pierre philosophale ; c'est-là cet élixir incomparable auquel Crollius ne fait pas difficulté de donner les titres fastueux & hyperboliques de feu céleste non brûlant, d'ame & de vie de toute substance créée, de sujet rempli & impregné de toutes les influences, opérations & facultés des corps célestes & terrestres ; de théâtre de tous les secrets de la nature, de miracle de la nature universelle, de quintessence de la machine humaine, de monde régénéré dans lequel est caché le trésor de toute la nature ; de fils du soleil & de la lune, &c. Mais quelle est la composition de ce divin remede ? c'est-là le point principal & malheureusement ignoré ; c'est la même préparation qui peut transformer les métaux en or en purifiant ceux qui sont imparfaits de toutes leurs impuretés, qui peut, disent-ils, en même-tems rétablir l'humide radical dissipé, temperer l'aridité de la vieillesse, cette ennemie naturelle, substituer aux sucs dépravés des humeurs salutaires, suppléer enfin tout ce qui paroît manquer pour produire une santé perpétuelle, le rajeunissement & la guérison de toutes les maladies. Ce secret précieux toujours voilé par les alchymistes jaloux, sous les figures, les emblèmes, les énigmes, les allégories, les hiéroglyphes, les allusions continuelles à la fable ou à l'Ecriture sainte, & sous une variété innombrable de noms, a été perdu avec leurs inventeurs.

On ne sauroit douter que quelques chymistes n'aient découvert la pierre philosophale, voyez ce mot, c'est-à-dire le secret de la transmutation des métaux en or, il ne paroît pas qu'on puisse se refuser à l'authenticité de plusieurs faits rapportés par des témoins irréprochables ; mais il s'en faut bien que la propriété qu'on lui attribue de rajeunir soit aussi solidement constatée. Nous n'entrerons pas dans l'examen critique des observations qui paroissent étayer cette prétention, nous laissons au lecteur curieux & oisif le soin de ces recherches intéressantes ; nous nous contenterons de remarquer que les exemples tirés du prétendu rajeunissement des animaux, pour en démontrer la possibilité, ne sont rien moins que concluans : il en résulte seulement que ces animaux changent de peau ou de plumes ; qu'après cette opération, dont les apprêts sont une espece de maladie, ils sont plus agiles & plus vigoureux parce qu'ils sont déchargés d'un fardeau qui les incommodoit ; mais ils ne perdent pas pour cela une seule année, ils n'en éprouvent pas moins dans la suite les langueurs de la vieillesse, & enfin ils ne succombent pas moins à la mort inévitable qui en est le dernier degré & la fatale terminaison : ajoutez à cela que la plûpart des exemples rapportés sont destitués de preuves suffisantes, & le plus souvent hasardés.

Mais pour se convaincre combien peu le rajeunissement est praticable, qu'on se retrace le tableau de l'homme vivant, qu'on y examine les phénomenes & les effets de la vie, on verra que chaque instant de la vie est un pas vers la vieillesse & la mort ; que telle est la structure de notre machine, que chaque mouvement qui entretient la vie est une cause qui en prépare de loin le ralentissement & la cessation ; & plus l'exercice des fonctions est parfait, plus il tend directement & efficacement à ce but. Dans le jeune homme tous les vaisseaux ouverts & déployés entretiennent l'abord facile & continuel des humeurs dans les différentes parties qui y portent la nourriture, la souplesse, la mollesse & l'humidité nécessaires ; les fluides sont actifs & spiritueux ; ils sont conservés dans cet état par les efforts conspirans de toutes les parties, par la réaction proportionnée des vaisseaux ; mais les efforts nécessaires pour opérer les divers mouvemens, dissipent à chaque instant les humeurs, appliquent plus fortement les petits vaisseaux les uns contre les autres, en expriment les sucs, les collent ensemble, les dessechent, & les fortifient en même-tems ; ainsi dans l'âge d'adulte cette vigueur, cette force mâle qui le caractérisent, sont l'effet de l'anéantissement, de l'exsiccation de plusieurs vaisseaux qui en devenant solides acquierent plus de consistance & de fermeté, & sont plus propres à résister aux efforts qu'exigent les travaux de cet âge. A mesure que cet homme vit, qu'il exécute les mouvemens nécessaires, les causes qui dessechent & détruisent les vaisseaux agissent plus efficacement, bientôt commencent à diminuer la souplesse des ressorts, l'aisance de leur jeu, la réaction des vaisseaux sur le sang, cette liqueur n'est plus dans cet orgasme, dans ce feu de la jeunesse, elle roule plus tranquillement dans ses canaux moins irritables & moins mobiles ; par la succession de tems, ces effets augmentent au point que les nerfs trop rafermis perdent leur tension & leur vibratilité, ils ne représentent que foiblement les objets des sensations ; peu sensibles aux différentes impressions, ils n'exécutent qu'avec peine & lenteur les mouvemens qu'elles excitent ; les forces sont épuisées, la graisse se fond, la peau cesse d'être humectée, elle se ride, se racornit, les tendons, les cartilages des ligamens s'ossifient, les muscles & les vaisseaux durcissent, & deviennent presque incapables de mouvement ; alors un sang glacé coule difficilement dans les veines, un froid mortel s'empare de tout le corps, le tronc n'est plus soutenu par les muscles affoiblis, il obéit à son poids, se courbe vers la terre, & bientôt par une gradation invariable, ce corps qui n'est plus qu'un squelete décharné, tombera tout-à-fait, & cessera de vivre sans s'en appercevoir. Tels sont les changemens qu'éprouve la machine par la succession des âges, changemens opérés par les forces même de la vie, & qui sont d'une nature que tout l'art du monde s'y opposeroit en vain, encore moins pourroit-il les faire cesser quand ils sont formés ; d'où il me paroît que le rajeunissement non-seulement n'a jamais eu lieu, mais même est impossible. La reproduction des cheveux noirs ou des dents dans quelques vieillards, phénomenes bien attestés, ne décident rien du tout, & sont des attributs frivoles qui caractérisent mal la jeunesse quand ils ne sont pas joints aux autres signes plus nécessaires & plus distinctifs. Voyez JEUNESSE & VIEILLESSE.

Mais si le corps des vieillards ne rajeunit pas, dumoins peut-on dire que leur esprit éprouve cette révolution ? Non, car ils ne reprennent ni cette pénétration, ni cette vivacité d'imagination, ni cette activité de la mémoire propre aux jeunes gens ; mais ils franchissent un intervalle en apparence plus grand, ils retombent, comme on dit, dans l'enfance ; ils reprennent la façon de penser conforme à la foiblesse de cet âge, dépourvus de soucis, d'inquiétude, délivrés de tous les objets de crainte, de tristesse, de mécontentement qu'offre la raison à ceux qui sont encore soumis à son empire, ils prennent plaisir aux jeux des enfans, s'amusent de leurs poupées, & comme eux, equitantin arundine longâ ; ce changement est une suite très-naturelle de la foiblesse de leur machine, & surtout des fibres du cerveau ; la force qui leur est nécessaire pour penser, pour imaginer ayant cessé chez eux, ils sont au niveau des enfans, qui ne l'ont pas encore obtenue. (b)


RAJUSTERv. act. (Gram. & Arts méch.) c'est remettre dans l'ordre ; on rajuste un habit, une machine ; la mort dérange & rajuste bien des choses.


RAKKUMS. m. (Hist. mod.) espece de dard fait de bois ou de fer, dont les Hottentots se servent, & qu'ils lancent avec une adresse admirable, au point qu'ils ne manquent presque jamais leur but. Ils se servent de cette arme à la chasse & dans leurs guerres.


RAKONICK(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans la Bohème, sur la petite riviere de même nom, qui se jette dans la Miza, au cercle de Rakonick, à 15 lieues au couchant de Prague. Long. 31. 30. latit. 52. 8. (D.J.)


RALE D'EAUS. m. Rallus aquaticus Aldrovandi, (Hist. nat. Ornithologie) oiseau plus gros que la caille, & plus petit que la poulette d'eau, à laquelle il ressemble pour la forme du corps qui est mince & applati sur les côtés ; cet oiseau a environ un pié deux pouces & demi de longueur depuis la pointe du bec jusqu'au bout des ongles, & seulement onze pouces jusqu'à l'extrêmité de la queue ; l'envergure est d'un pié deux pouces & demi ; la tête & le bec sont applatis sur les côtés ; la tête est petite ; le bec ressemble à celui du paon de mer ; il a environ deux pouces de longueur ; la piece inférieure & la base de la piece du dessus sont rougeâtres, & l'extrêmité de la piece supérieure a une couleur noirâtre ; la langue s'étend jusqu'au bout du bec, & elle est terminée par des sortes de poils ; il y a sur le front un tubercule charnu rond & dégarni de plumes ; ce tubercule est beaucoup plus petit que celui des poules d'eau ; le dessus de la tête, les épaules, le dos, les petites plumes des aîles, & en général toute la face supérieure de l'oiseau, sont panachés de noirâtre & de jaunâtre, ou de jaune verdâtre ; le milieu de chaque plume est noir, & les bords sont jaunâtres ; le menton est blanc ; les plumes de la gorge ont une couleur roussâtre mêlée de cendré, à l'exception des bords qui sont blanchâtres ; la poitrine est d'une couleur bleue, & elle a sur son milieu une bande blanche ; les plumes des cuisses, des côtés du corps & du dessous de l'aîle, sont noires & ont des lignes blanches transversales ; le ventre est roux ; les plumes du dessous de la queue sont blanches & ont quelques taches noires ; les aîles ont chacune vingt-deux grandes plumes qui sont courtes, noires ou noirâtres ; il y a une ligne blanche sur la base de chaque aîle ; la queue est courte & noire, excepté les bords des plumes du milieu qui sont roussâtres ; les piés ont une couleur de chair obscure ; les doigts sont fort longs, comme dans tous les autres oiseaux de ce genre. Le râle d'eau court très-vîte & se tient sur le bord des ruisseaux & des rivieres ; il marche dans l'eau plutôt qu'il ne nage. Willughbi, Ornitholog. Voyez OISEAU.

RALE DE GENET, ou ROI DE CAILLE, ortygometra Aldrovandi, oiseau auquel on a donné le nom de roi de caille, parce qu'on prétend qu'il précede les cailles, & qu'il leur sert de guide lorsqu'elles quittent ces pays-ci pour aller dans un climat plus tempéré ; il pese cinq onces un tiers ; il a treize à quatorze pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'au bout des doigts, & environ dix pouces & demi jusqu'à l'extrêmité de la queue ; l'envergure est de plus d'un pié cinq pouces ; le bec a un peu plus d'un pouce de longueur depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche ; le corps est applati par les côtés, & ressemble par sa forme à celui des poules d'eau ; la partie postérieure de la poitrine & le ventre sont blancs ; la gorge est d'un blanc sale ; il y a sur la tête deux larges lignes noires & une blanche sur les épaules ; les plumes du dos ont chacune le milieu noir & les bords d'un cendré roussâtre ; les cuisses sont traversées par de petites bandes blanches ; il y a vingt-trois grandes plumes dans chaque aîle ; les petites sont d'un jaune couleur de safran ; les bords des grandes plumes ont la même couleur ; la queue est composée de douze plumes, & elle a près de deux pouces de longueur ; le bec ressemble à celui des poules d'eau ; la piece supérieure a une couleur blanchâtre, & l'inférieure est brune ; les jambes sont dégarnies de plumes jusqu'au-dessus de l'articulation du genou. On a donné à cet oiseau le nom de râle de genet, parce qu'il se plaît dans les lieux plantés de genets ; sa chair est très-délicate & a un goût excellent. Willughbi, Ornith. Voyez OISEAU.

RALE, (Diete) on donne ce nom à deux genres d'oiseaux très-différens, dont l'un est appellé râle de genet, & l'autre râle d'eau. Ce dernier qui peut être regardé comme une espece de poule d'eau, a dumoins évidemment les mêmes qualités que les oiseaux connus sous ce dernier nom. Voyez POULE D'EAU.

Le premier ou le râle de genet, qui est aussi appellé roi de cailles, ne differe absolument en rien de la caille lorsqu'on le considere comme aliment, c'est-à-dire qu'étant gras, état dans lequel on le mange ordinairement, il a une chair fondante très-succulente, & d'un goût assez relevé, qui est pourtant un peu fastidieuse à cause de sa graisse qui manque de consistance, qui est même la plus fluide de toutes celles dont sont chargées les diverses chairs que les hommes mangent. Ainsi cet aliment peut être regardé comme ayant éminemment les qualités, les défauts, &c. des viandes grasses. Voyez GRAISSE, diete, & VIANDE, diete. (b)

RALE ou RALEMENT, (Médecin. séméiotique) on appelle ainsi une espece de son qui se fait entendre dans le gosier de quelques malades, & qui imite assez bien, suivant la remarque d'Hippocrate, le bruit de l'eau bouillante ; il est un peu plus fort que le ronflement. Voyez ce mot. Son nom est sans-doute tiré de la sensation qu'il excite dans l'oreille, & il en exprime assez bien la nature. Il semble en effet que les malades au râle prononcent ce mot à chaque expiration ; les Grecs l'appellent , & les Latins stertor, d'où est venu le terme de respiration stertoreuse, synonyme à râlement. Cette espece de son paroît d'abord occasionnée par l'air qui étant exprimé par la trachée-artere, rencontre dans sa cavité ou dans la gorge des humeurs qui s'opposent à son passage, il les agite, les divise, se mêle avec elles en forme de bulles, & les fait, pour ainsi dire, bouillonner : telle est l'idée que présente naturellement la nature de ce bruit. Cette aitiologie si simple n'est point démentie par l'examen plus approfondi des malades dans lesquels on observe ce symptome ; on voit en effet qu'il est très-familier aux moribonds, à quelques apoplectiques, à ceux qui ont quelque maladie de poitrine ou de la gorge, & dans lesquels les crachats sont supprimés. Il est évident que dans tous ces cas il se ramasse beaucoup d'humeurs dans les poûmons & le gosier ; dans les uns elles sont fournies par la matiere des crachats ; dans les autres par les différens liquides qui abordent continuellement à ces parties, & qui par leur relâchement local, ou par la foiblesse générale de la nature, ne peuvent être ni resorbés ni employés à différens usages, ni enfin chassés par leurs conduits affaissés. Il y a lieu de présumer que dans cet état les cordes vocales abreuvées d'humeurs & dans une extrême atonie, ne contribuent pas peu à la gravité de ce son. Voyez VOIX.

Il est facile de juger par-là que ce symptome doit être d'un très-mauvais augure dans toutes les maladies ; l'observation est ici d'accord avec le raisonnement, & elle est si généralement connue, qu'elle a donné lieu à cette façon de parler usitée même parmi le peuple : il est au râle, dit-on d'un malade, lorsqu'on veut signifier qu'il n'y a plus d'espoir, & que la mort est très-prochaine. Le râlement est regardé communément comme un signe d'agonie. Presque tous les malades dans lesquels Hippocrate l'a observé, sont morts, epidem. lib. VI. text. 9. 16. 20. 27. 47, &c. Cependant pour que ce signe soit plus décisivement mortel, il faut qu'il soit joint aux autres signes fâcheux ; & ce n'est que sur l'ensemble des différens signes, qu'un médecin prudent établit son prognostic. Ainsi lorsque le râlement paroît au commencement d'une maladie, lorsque la nature est encore forte, & que la mort n'est annoncée par aucun autre accident, on peut espérer que le râlement se dissipera, & que l'issue de la maladie n'en sera pas moins heureuse. Il arrive alors que les humeurs qui l'occasionnoient étant bien cuites, sont enfin expectorées, & dégagent par-là les voies aëriennes ; c'est ce que Hippocrate a observé dans Pisistrate qui eut un râlement. Néanmoins sa maladie eut son cours à l'ordinaire sans autre signe mortel, sans délire, &c. les excrétions critiques se firent, la fievre fut calmée, le râlement se dissipa, & la santé se rétablit, epidem. lib. VII. text. 86. Ceux, dit le même auteur, qui jouissent d'une bonne santé, sont tout-à coup attaqués d'une violente douleur de tête, avec aphonie & râlement, meurent en sept jours, à-moins que la fievre ne survienne, aphor. 51. lib. VI. On voit aussi dans ce dernier cas, que le râlement n'est pas toujours mortel, & en même tems de quelle utilité est la fievre que tant de médecins redoutent si fort, & qu'ils ne cessent mal-à-propos de combattre comme un ennemi toujours pernicieux, & manifestement opposé au principe vital. (b)


RALENTIRv. act. & passif, (Gram.) c'est rendre plus lent. Il se prend au simple & au figuré ; il commence à ralentir sa course ; la chaleur a ralenti ses vibrations ; voulez-vous connoître le vrai motif qui les anime, examinez les circonstances dans lesquelles ils ralentiront & redoubleront leurs efforts ; l'ardeur des passions se ralentit avec l'âge ; on en fait quelquefois honneur à la raison ; le ralentissement suit le déchet de la force impulsive.


RALINGUERv. n. (Marine) on sous-entend le verbe faire. C'est faire couper le vent par la ralingue, ensorte qu'il ne donne point dans les voiles. Voyez l'article suivant.


RALINGUES(Marine) ce sont des cordes cousues en ourlet tout autour de chaque voile, & de chaque branle, pour en renforcer les bords. On dit tenir en ralingue ou mettre en ralingue ; c'est tenir un vaisseau, ou le disposer de maniere, que le vent ne donne point dans les voiles. On dit encore, mets en ralingue, ou fais ralinguer ; c'est un commandement au timonier de faire ralinguer les voiles.


RALLIERv. act. se dit dans l'art militaire de l'action de rassembler & de mettre en bataille des troupes dispersées ou mises en desordre. Après la perte d'une bataille, le premier soin du général doit être de rallier ses troupes pour faire sa retraite en bon ordre. Voyez RETRAITE. Lorsque des troupes ont pliées dans un combat, on les rallie aussi pour les faire charger de nouveau. Si dans une bataille la premiere ligne a été enfoncée & mise en déroute, la seconde doit s'avancer pour soutenir le combat, pendant qu'on fait ensorte de rallier les troupes de la premiere derriere la seconde ligne. Voyez BATAILLE & ORDRE DE BATAILLE. (Q)

RALLIER, (Marine) on sous-entend le pronom SE, & on dit se rallier à quelque chose, c'est s'en approcher ; ainsi se rallier de terre, c'est s'approcher de terre.

Rallier un vaisseau au vent, c'est mener un vaisseau au vent.


RALLONGEMENTS. m. (Gram.) c'est la même chose que ralonge. Voyez CELURE.

RALLONGEMENT D'ARRESTIER, (Architect.) c'est une ligne diagonale depuis le poinçon d'une croupe jusqu'au pié de l'arrestier, qui porte sur l'encoignure de l'entablement ; on l'appelle aussi reculement ou trait rameneret. (D.J.)


RALLONGERv. act. (Gram.) c'est ajouter à la longueur. On ralonge des manches, un habit, des jupes, &c. On ralonge une corde, une piece de bois, une barre de fer. On ralonge le tems.


RALLUMERv. act. (Gram.) c'est allumer derechef un feu qui s'est éteint. Il se dit au simple & au figuré. L'incendie qu'on croyoit éteint se ralluma pendant la nuit. Sa passion s'est rallumée. Il est difficile de rallumer l'amour de l'honneur, le sentiment de l'indépendance, le zèle de la liberté, dans des ames qu'un long esclavage a avilies. La colere se rallume. L'esprit se rallume. Le discours se rallume. La querelle s'est rallumée. On pourra employer cette expression figurée dans toutes les occasions où la chose pourra se comparer au feu & à son action.


RALONGES. f. (Gram. & Arts méchaniq.) portion qu'on ajoute à un tout trop court, pour lui donner la juste longueur qui convient à l'usage qu'on en veut faire. Le morceau qu'on rapporte dans ce cas à une piece d'etoffe, de toile, &c. s'appelle ralonge.


RALONGÉEadj. (Coupe des pierres) se dit d'une ligne courbe à laquelle on donne plus de tension sur un diamêtre ou une corde, qu'elle n'en avoit sans changer sa hauteur : ainsi des voûtes surbaissés éliptiques pourroient passer pour des cercles ralongés.


RAou BRAMA, s. m. (Hist. mod. Mythol.) c'est le nom que les idolâtres de l'Indostan donnent au principal des trois dieux du premier ordre, qui sont l'objet de leur culte ; les deux autres sont Vistnou & Ruddiren. Voyez ces articles. La religion primitive des Indiens n'admettoit qu'un seul dieu. Il paroît par le livre appellé vedam, qui contient leur loi & leur théologie, que l'être suprême créa Ram ou Brama ; malgré cela leur religion s'étant corrompue, & ayant dégéneré en idolâtrie, les bramines ou prêtres substituerent un grand nombre de divinités ridicules au seul dieu de l'univers, que les Indiens adoroient dans les tems les plus reculés. Telle fut la source de la fortune de Brama, de créature il devint dieu. Les différentes sectes des idolâtres de l'Indostan attribuent des origines ridicules à ce dieu. Quelques-uns croient qu'il fut créé le premier, & qu'il doit être préféré à Vistnou & à Ruddiren ; d'autres au contraire donnent la préférence à l'un de ces derniers. Quoi qu'il en soit de ces importantes querelles, on dit que le Tout-puissant après avoir créé Brama, lui donna le pouvoir de créer l'univers, & tous les êtres qui s'y trouvent ; en conséquence il créa les différens mondes & les hommes ; il se reposa sur des ministres ou dieux subalternes du soin des créations du détail, telles que les plantes, les herbes, &c. Les Malabares au contraire, prétendent que la faculté de créer lui fut donnée par Vistnou, quoique d'autres assurent que ce dernier n'a eu dans son département que le soin de veiller à la conservation des êtres créés par Ram ou Brama. Quant aux bramines ou prêtres, qui prétendent tirer leur origine de Brama, ils soutiennent sa primauté, & disent que le Tout-puissant lui donna le pouvoir de créer & de gouverner l'univers. Ils ajoutent que Dieu, semblable à un grand roi, dédaigne de se mêler des affaires de ce monde qu'il fait gouverner par des ministres. La fonction de Brama est, selon eux, de fixer la bonne ou la mauvaise fortune, le tems de la durée de la vie ; en un mot, tous les événemens qui arrivent dans les huit mondes. Pour le soulager on lui donne un grand nombre de subdélégués & un premier ministre qui préside sur eux. Suivant les fictions des Bramines, le dieu Brama fut créé avec cinq têtes ; mais il ne lui en reste plus que quatre, parce que Vistnou, suivant les uns, & Ruddiren ou Issuren, suivant les autres, lui coupa une de ces têtes. Suivant les sectateurs de Brama, ce dieu réside dans brama-logum, qui est le huitieme ciel, c'est-à-dire, le plus proche de celui où réside le Dieu suprême. Brama, selon eux, est sujet à la mort ; & quelques-uns prétendent même qu'il meurt & revient à la vie tous les ans. On lui donne deux femmes : la premiere est Sarasvati, qui est sa propre fille ; la seconde s'appelle Quiatri. De la premiere il eut un fils nommé Dacha ; il en eut un autre, qui fut produit par le sang qui découla de sa tête coupée, on l'appelle Sagatrakavashen, il a 500 têtes & 1000 bras. Brama eut encore un autre fils appellé Kassiopa, qui fut le pere des bons & des mauvais anges. Quoique suivant le vedam, ou livre de la loi, Brama ait été créé le premier, il y a une secte de Banians qui lui refuse les honneurs divins, le second des triumvirs célestes. Voyez VISTNOU.


RAMA(Géog. mod.) ce mot signifie hauteur. De là vient qu'il y a tant de lieux dans la Palestine où se trouve le nom de Rama, Ramath, Ramatha, Ramot, Ramathaïm, Ramola, Ramatham. Quelquefois la ville s'appellera tout-à-la-fois Rama, Ramatha, Ramot & Ramathaïm ; tous ces mots ne signifiant qu'une hauteur. Quelquefois Rama ou Ramoth est joint à un autre nom, pour déterminer l'endroit où est la hauteur, ou la ville dont on parle. Quelquefois enfin Ramath est mis simplement pour une hauteur, & ne signifie pas une ville, ni un village. Il y a plusieurs lieux du nom de Rama, dont il est parlé dans l'Ecriture-sainte. Le principal est une ville, ou plutôt un bourg de la Palestine, entre Jafa & Jérusalem, à trois lieues de la premiere & à huit de la derniere. Les Turcs y ont cinq mosquées, car tout ce bourg est presque mahométan ; il n'y a que quelques chrétiens maronites, quelques grecs & arméniens. Latit. 32. (D.J.)

RAMA, (Géog. mod.) petite contrée de la Dalmatie, aux confins de la Bosnie, à l'occident de la riviere de Narenta, & des deux côtés de celle de Rama, qui donne apparemment le nom à la contrée.


RAMADA(Géog. anc.) ville de l'Amérique méridionale, dans le gouvernement de Sainte-Marthe, au nouveau royaume de Grenade, à 40 lieues au levant de Sainte-Marthe. Elle étoit appellée autrefois Salamanque. Latit. 11. 12.


RAMADANou RAMAZAN, s. m. (Religion des Turcs) nom de la lune, pendant laquelle les Turcs font le carême avec un jeûne aussi patient qu'austere. Ni la condition des personnes, ni la longueur des jours, ni la chaleur, ni la fatigue du travail, ne les dispensent de cette abstinence. Dans la marche des troupes, où il semble que l'exercice de la guerre bannit celui des institutions religieuses, les soldats turcs qui fatiguent beaucoup en passant les deserts de l'Arabie pétrée, jeûnent avec autant de rigueur que les personnes les plus oisives : voici les détails que Tournefort donne du ramazan ou carême des Turcs ; car le nom du mois a passé à celui de leur carême.

Le carême, dit-il, a été établi pendant la lune de ramazan, parce que Mahomet publia que l'alcoran lui avoit été envoyé du ciel dans ce tems-là. Le jeûne qu'il ordonna est différent du nôtre, en ce qu'il est absolument défendu durant tout le cours de cette lune de manger, de boire, ni de mettre aucune chose dans la bouche, pas même de fumer, depuis que le soleil se leve, jusqu'à ce qu'il soit couché. En récompense, tant que la nuit dure, ils peuvent manger & boire, sans distinction de viande ni de boisson, si l'on en excepte le vin ; car ce seroit un grand crime d'en goûter, & ce crime ne s'expioit autrefois qu'en jettant du plomb fondu dans la bouche des coupables ; on n'est pas si sévere aujourd'hui, mais on ne laisseroit pas d'être puni corporellement. L'eau-de-vie n'est pas épargnée la nuit pendant ce tems de pénitence, encore moins le sorbet & le caffé. Il y en a même qui, sous prétexte de pénitence, se nourrissent alors plus délicieusement que tout le reste de l'année.

L'amour propre, qui est ingénieux par-tout, leur inspire de faire meilleure chere dans les tems destinés à la mortification : les confitures consolent l'estomac des dévots, quoiqu'elles ne soient ordinairement qu'au miel & au résiné. Les riches observent le carême aussi séverement que les pauvres, les soldats de même que les religieux, & le sultan comme un simple particulier. Chacun se repose pendant le jour, & l'on ne pense qu'à dormir, ou au-moins à éviter les exercices qui alterent ; car c'est un grand supplice que de ne pouvoir pas boire de l'eau pendant les grandes chaleurs. Les gens de travail, les voyageurs, les campagnards souffrent beaucoup ; il est vrai qu'on leur pardonne de rompre le jeûne, pourvu qu'ils tiennent compte des jours, & à condition d'en jeûner par la suite un pareil nombre, quand leurs affaires le leur permettront : tout bien considéré, le carême chez les Musulmans n'est qu'un dérangement de leur vie ordinaire.

Quand la lune de Caban, qui précede immédiatement celle de ramazan, est passée, on observe avec soin la nouvelle lune. Une infinité de gens de toutes sortes d'états, se tiennent sur les lieux élevés, & courent avertir qu'ils l'ont apperçue ; les uns agissent par dévotion, les autres pour obtenir quelque récompense. Dès le moment qu'on est assuré du fait, on le publie par toute la ville, & on commence à jeûner. Dans les endroits où il y a du canon, on en tire un coup au coucher du soleil. On allume une si grande quantité de lampes dans les mosquées, qu'elles ressemblent à des chapelles ardentes, & l'on prend soin de faire de grandes illuminations sur les minarets pendant la nuit.

Les muezins au retour de la lune, c'est-à-dire, à la fin du jour du premier jeûne, annoncent à haute voix, qu'il est tems de prier & de manger. Les pauvres mahométans, qui ont alors le gosier fort sec, commencent à avaler de grandes potées d'eau, & donnent avidement sur les jattes de ris. Chacun se régale avec ses meilleures provisions, & comme s'ils appréhendoient de mourir de faim, ils vont chercher à manger dans les rues, après s'être bien rassasiés chez eux ; les uns courent au caffé, les autres au sorbet. Les plus charitables donnent à manger à tous ceux qui se présentent. On entend les pauvres crier dans les rues : je prie Dieu qu'il remplisse la bourse de ceux qui me donneront pour remplir mon ventre. Ceux qui croyent raffiner sur les plaisirs, se fatiguent la nuit autant qu'ils peuvent, pour mieux reposer le jour, & pour laisser passer le tems du jeûne sans en être incommodés. On fume donc pendant les ténebres, après avoir bien mangé ; on joue des instrumens ; on voit jouer les marionnettes à la faveur des lampes.

Tous ces divertissemens durent jusqu'à ce que l'aurore éclaire assez, pour distinguer, comme ils disent, un fil blanc d'avec un fil noir ; alors on se repose, & l'on donne le nom de jeûne à un sommeil tranquille, qui dure jusqu'à la nuit. Il n'y a que ceux que la nécessité oblige de travailler, qui vont à leur ouvrage ordinaire. Où est donc, selon eux, l'esprit de mortification qui doit purifier l'ame des musulmans ? Ceux qui aiment la vie déréglé, souhaiteroient que ce tems de pénitence durât la moitié de l'année, d'autant mieux qu'il est suivi du grand bairam, pendant lequel, par une alternative agréable, on dort toute la nuit, & l'on ne fait que se rejouir tant que le jour dure. (D.J.)


RAMAGEterme d'Oiseleur, c'est le chant naturel des oiseaux ou leur cri ; mais pour spécifier celui d'un grand nombre en particulier, on disoit autrefois en françois que la colombe roucoule, le pigeon caracoule, la perdrix cacabe, le corbeau croasse ; on dit des poulets pioler, des poules glousser, du coq coqueliquer, du dindon glougouter, du pinson fringoter, de l'hirondelle gazouiller, du milan huir, des hupes pupuler, des cailles carcailler, des tourterelles gémir, &c. mais presque tous ces mots sont passés d'usage. (D.J.)

RAMAGE, (Jurisprud.) dans quelques coutumes, comme dans celle de Bretagne, signifie branche particuliere d'une ligne, car chaque ligne paternelle ou maternelle se subdivise en plusieurs branches. On dit communément que quand le ramage défaut le lignage succede, c'est-à-dire qu'au défaut d'une ligne, l'autre succede. Voyez la coutume de Bretagne, articles 298, 306, 322, 323, 325, 326, 330, 331, 482, 541, 593. Hevin sur Frain, chap. lxj. tome I. le gloss. de Lauriere, au mot Ramage.

RAMAGE, jus ramale, c'est le droit ou faculté que dans quelques lieux les sujets ont de couper des rameaux ou branches d'arbres dans les forêts de leur seigneur. (A)

RAMAGE, (Jardinage) est un terme peu usité pour signifier un rameau, une branche d'arbre ; cependant on dit encore un arbre qui a de grands ramages.

RAMAGE, ouvrage à, terme de manufacture, ce mot se dit des broderies & représentations qui se font de toutes sortes de figures & de fleurs, soit avec l'aiguille, soit avec la navette. Les Latins l'ont nommé ars polymitaria, opus plumarium.

RAMAGE, s. m. (Draperie) ce mot se dit de la façon que l'on donne aux draps & étoffes de laine, en les mettant & étendant sur une machine qu'on appelle rame. (D.J.)


RAMAILLERterme de Chamoiseur, qui signifie donner aux peaux de boucs, de chevres & de chevreaux, la façon nécessaire pour les passer en chamois. Voyez l'article CHAMOIS. Cette façon ne se donne qu'après que les peaux ont été passées à l'huile.


RAMANA(Géogr. mod.) ville des Indes, au royaume d'Orixa, sur la rive droite de la riviere de Balassor. Elle est la résidence du roi d'Orixa.


RAMANANÇOR(Géog. mod.) île des Indes, sur la côte de la Pêcherie, près du pays de Maravas, dont elle est séparée par un détroit. On donne à cette île 8 à 9 lieues de circuit. Elle est célebre par son pagode. Lat. 9. 26. (D.J.)


RAMARTvoyez RENARD MARIN.


RAMASSÉpart. Voyez l'article RAMASSER.

RAMASSE, (Maréchal.) cheval ramassé, c'est la même chose que ragot, excepté qu'il se dit de chevaux de toute sorte de taille. Voyez RAGOT.


RAMASSERv. act. (Gram.) ce verbe a plusieurs acceptions. On dit ramasser une pierre, son chapeau, ses gants, lorsqu'ils sont tombés ; & ramasser, c'est relever de terre. On dit ramasser des tableaux, des coquilles, des médailles ; & ramasser signifie recueillir, rassembler. On dit ramasser des soldats dans toutes les contrées ; & ramasser est synonyme à rassembler. On dit cet homme ramasse toutes les choses qui peuvent m'affliger ; où avez vous ramassé cet homme là, &c ?

RAMASSER, (Hydr.) Voyez AMASSER.

RAMASSER L'EMAIL, terme d'Emailleur, qui signifie le prendre encore chaud & liquide dans la cuillier où il a été fondu avec du verre, pour en tirer du canon, c'est-à-dire des bâtons ou filets de grosseurs différentes, dont on se sert pour travailler les ouvrages à la lampe.

Pour cet effet on prend deux bouts de tuyaux de pipes à fumer, qu'on enfonce ensemble dans la matiere qui est en fusion, & comme on les tient avec les deux mains, on les éloigne tant qu'on veut. Si on veut avoir des filets plus longs que le bras d'un homme, un compagnon en tire un des bouts toujours attaché au tuyau de pipe ; c'est ce qu'on appelle tirer l'émail à la course. Voyez ÉMAIL.


RAMBADESS. f. pl. (Marine) ce sont deux élévations égales, d'environ quatre piés 1/2 chacune, divisées par le coursier. Sur chacune d'elles quatorze ou quinze hommes peuvent se placer pour combattre. Voyez Pl. IV. de Marine, fig. 2. la rambade marquée &.


RAMBERGES. f. (Marine) sorte de petit vaisseau propre à aller faire des découvertes. Autrefois on appelloit ainsi en Angleterre des vaisseaux de guerre, & on donne aujourd'hui ce nom à de petits bâtimens qui servent dans les rivieres de ce pays.


RAMBERTSAINT, (Géog. mod.) bourg qu'on nomme une petite ville de France, dans le Forès, au diocèse de Lyon, sur le bord de la Loire qu'on y passe sur un pont, à 4 lieues de Montbrison, & à 3 de S. Etienne. Il y a un chapitre.

RAMBERT-LE-JOUX, (Géog. mod.) petite ville, ou gros bourg de France, dans le Bugey, près d'une branche du mont Jura. Il y a une paroisse, un petit college, & une abbaye de bénédictins. Latit. 35. 54.


RAMBERVILLIERSou plutôt RAMBERVILLERS, (Géog. mod.) petite ville de Lorraine, chef-lieu d'une des plus belles châtellenies de l'évêché de Metz ; c'étoit une ancienne seigneurie qui appartenoit à des seigneurs particuliers, il y a 650 ans. Etienne de Bar, qui fut fait évêque de Metz vers l'an 1120, acquit Rambervillers, & le ferma de murailles. Le même évêque y fonda une abbaye de chanoines réguliers. Long. 24. 19. lat. 48. 22.

Serarius (Nicolas), savant jésuite, interprête de l'Ecriture, naquit à Rambervillers en 1558, & mourut à Mayence en 1609. On a de lui, 1°. des commentaires sur plusieurs livres de la Bible : 2°. des prolégomenes estimés sur l'Ecriture-sainte : 3°. un livre des trois plus fameuses sectes des Juifs ; savoir, des Pharisiens, des Saducéens & des Esséniens. Il a mêlé trop d'érudition inutile dans ses questions & dans ses commentaires ; mais il regne plus de briéveté & de jugement dans ses prolégomenes sur la Bible.


RAMBOUILLET(Géog. mod.) bourg de l'île de France, dans le Hurepoix, à 10 lieues de Paris, avec un château qui appartient au duc de Penthievre. Louis XIV. érigea ce bourg en duché pairie en 1714. Long. 19. 20. latit. 48. 32.


RAMBOURERv. act. c'est remplir de crin, de coton, de lin ou de quelque autre substance pareille. Ainsi on dit une chaise rambourée de laine, &c.


RAMES. f. (Marine) longue piece de bois, dont l'une des extrêmités est applatie, & qui étant appuyée sur le bord d'un bâtiment, sert à le faire siller. La partie qui est hors du vaisseau & qui entre dans l'eau, s'appelle le plat ou la pale, & celle qui est en-dedans, où les rameurs appliquent leurs mains afin de la mettre en mouvement, se nomme le manche de la rame. Pour faire siller un bâtiment par le moyen de cette piece de bois, les rameurs tournent le dos à la proue, & tirent le manche de la rame vers eux, c'est-à-dire la tirent vers la proue afin que la pale avance vers la poupe ; mais la pale ne peut point avancer dans ce sens sans frapper l'eau ; & comme cette impulsion est la même que si l'eau frappoit la pale de poupe à proue, le bâtiment est mu selon cette direction. De-là il suit que plus la pale se meut dans l'eau avec force, c'est-à-dire plus son choc est grand, plus le vaisseau sille vîte. Pour augmenter ce choc, presque tous les mathématiciens prétendent qu'on doit situer tellement la rame sur le bord du bâtiment, qu'elle soit divisée en deux parties égales par l'apostis, ou le point autour duquel elle se meut. Cette prétention est fondée sur ce que dans cette situation le produit des deux parties de la rame est un maximum, c'est-à-dire le plus grand qu'il est possible. Cependant malgré cette raison, M. Euler qui a publié là-dessus un beau mémoire, parmi les derniers de l'académie royale des Sciences de Berlin ; M. Euler, dis-je, veut que la partie extérieure excede l'autre. Il a inséré aussi un long chapitre sur les effets de cette machine, dans sa science navale : Scientia navalis, de actione remorum, cap. vij. Il y a des choses bien curieuses dans ce chapitre. L'auteur y calcule la vîtesse que doit acquérir le vaisseau, suivant l'action des rames ; il propose des machines qu'il estime plus efficaces que cette action, &c. & tout cela doit être lu dans l'ouvrage même. Voyez aussi l'article suivant. On trouvera aussi de nouvelles idées sur ces machines qu'on veut substituer aux rames, dans le Dictionnaire universel de Mathématique, &c. & la théorie en quelque sorte de ces avirons.

Les Latins appelloient les rames, remi, & quelquefois palmae ou palmulae. On leur donnoit aussi autrefois le nom de tonsae, à cause qu'elles frappent les flots, & qu'elles les coupent : Et in lento luctantur marmore tonsae. Un quatrieme nom qu'avoient les rames dans l'antiquité, étoient scalmes, qui signifie cheville, parce qu'il y avoit une cheville à chaque rame.

Plutarque dit que César s'embarqua à Brindes, pour passer un trajet de mer, sur une barque à douze scalmes. A l'égard des bancs où étoient assis ceux qui les faisoient mouvoir, les Grecs les appelloient , & les Latins transtra.

Quasi transversim strata considunt transtris.

Virg. Aenéid. liv. V.

RAME, RAMILLE, (Jardinage) est une petite branche qui se ramasse dans l'exploitation des bois, après qu'on en a tiré le bois de corde, les coterets & les fagots ; elle n'est bonne qu'à faire des bourrées.

RAME, s. f. (Draperie) machine ou instrument dont on se sert dans les manufactures de draperie pour allonger ou élargir les draps, ou seulement pour les unir & dresser quarrément.

Cette machine qui est haute d'environ quatre piés & demi, & qui a plus de longueur que la plus longue piece de drap, est composée de plusieurs petites solives ou morceaux de bois quarrés, placés de même que ceux qui forment les barrieres d'un manege ; en sorte néanmoins que les traverses d'en-bas puissent se hausser & se baisser, suivant qu'on le juge à propos, & être arrêtées solidement par le moyen de quelques chevilles. Il y a le long des traverses tant hautes que basses, des clous à crochet placés de distance en distance. Indiquons en peu de mots la maniere de mettre une piece de drap sur la rame.

La piece de drap étant encore toute mouillée, le chef en est attaché à l'un des bouts de la rame, puis on la tire, à force de bras, par le côté de la queue, pour la faire aller au point de longueur que l'on s'est proposé. La queue du drap étant bien arrêtée, on accroche la lisiere d'en-haut aux traverses d'en-bas, que l'on fait descendre par force jusqu'à ce que le drap soit à la largeur qu'on desire. Ayant été ainsi bien étendu & arrêté tant sur son long que sur son large, on brosse la piece à poil, & on la laisse sécher, ensuite on la leve dessus la rame, & tant qu'elle n'est point remouillée, elle conserve toujours la même largeur & longueur que cette machine lui a donnée. Dict. du Comm. (D.J.)

RAME, s. f. (Papeterie) c'est un paquet de papier composé de vingt mains, chaque main de vingt-cinq feuilles, ensorte que la rame contient en tout cinq cent feuilles. La premiere & la derniere main doit être de même pâte & de même compte que le reste de la rame. Dict. de Trévoux.

RAME, mettre à la (terme de Librairie) mettre un livre à la rame signifie ranger par rame une partie de l'impression d'un livre dont on a eu peu ou point de débit, pour le vendre de la sorte à vil prix aux épiciers & aux beurrieres, & à tous ceux qui en ont besoin, pour envelopper leurs marchandises, ou en faire autre usage. Richelet dit qu'Amelot pensa devenir fou, lorsqu'il apprit qu'on alloit mettre son Tacite à la rame. (D.J.)

RAME, (Manuf. en soierie) faisceau de cordes de fil, au nombre de 400 dans les métiers ordinaires, de la longueur de 15 piés plus ou moins, auxquelles sont attachées les 400 cordes de semple, & qui ont au bout les arcades. L'endroit où les cordes du rame sont gansées & doublées sur le bâton, s'appelle la queue du rame.


RAMou ROAMé, (Géogr. anc.) ville d'Italie dans les Alpes. L'Itinéraire d'Antonin la marque sur la route de Milan à Arles, en prenant par les Alpes cottiennes. Elle étoit entre Brigantio & Eburodunum, à 19 milles du premier de ces lieux, & à 18 milles du second. C'est maintenant un village du Dauphiné sur la Durance, à 2 lieues au-dessous d'Embrun, près du passage des Alpes appellé le Pertuis-Rostau.

RAME, adj. en termes de Blason, a la même signification que chevillé, & se dit des ramures d'une corne de cerf. Fredorf en Baviere, d'argent au cerf de gueules, ramé d'or.


RAMÉADES(terme de Galeres) ce sont deux postes auprès de l'éperon & de l'arbre du trinquet, hauts d'environ quatre piés & demi, sur chacun desquels quatorze ou quinze hommes peuvent se placer pour combattre.


RAMEAUS. m. (Jardinage) se dit d'une jeune branche.

RAMEAU, (Anatomie) se dit de la subdivision des vaisseaux. Chaque artere se divise en différentes branches, & chacune de ces branches se subdivise en plusieurs rameaux.

RAMEAU, (Fortificat.) ce mot se dit des mines & de leurs divers conduits qui s'appellent aussi branches, canaux, retours, araignées, galeries. Les rameaux partent ou du chemin couvert, ou du fossé, & prolongent jusqu'au pié du glacis, ou même quelquefois jusque sur des ouvrages hors du glacis. De ces rameaux principaux il s'en tire d'autres à droite & à gauche sur le glacis, & le long du chemin couvert. On ne peut se parer de l'effet de ces mines qu'en découvrant leurs rameaux. Il faut toujours prendre le dessous de ces rameaux, sans quoi on n'est jamais en sûreté. Dict. milit.

RAMEAU, (Hydraul.) est une veine, un filet d'eau qui se détache d'une source ; ce peut être encore une pierrée droite faite en forme de patte d'oie, pour ramasser le plus d'eau que l'on peut.

RAMEAU, (Hist. & Généalog.) il se dit dans les généalogies de diverses branches qui sortent d'un même tronc. Cette illustre famille s'est divisée en plusieurs rameaux dont les uns se sont portés en France, les autres en Italie.

RAMEAUX, s. m. pl. (terme de Mines) ce mot se dit des mines d'or, d'argent & d'autres métaux qui se trouvent dans les mines, & qui sont plus ou moins abondantes en minérai. (D.J.)


RAMÉES. f. (Gramm. & Oeconom. rustique) assemblage de plusieurs branches d'arbres entrelacées naturellement ou par art. Il se dit aussi de plusieurs branches vertes, couvertes de feuilles & séparées de l'arbre. Au village on danse sous la ramée. On tapisse les rues de ramée aux grandes fêtes. Un bucheron courbé sous le faix de la ramée.


RAMENDABLE(Comm.) ce qui peut se ramender, voyez RAMENDER.


RAMENDERdiminuer de prix, être à meilleur marché.

RAMENDER, v. act. (Arts méchan.) se dit aussi de toute besogne & ouvrage des artisans où ils sont obligés de retoucher pour les remettre en meilleur état ; lorsqu'ils sont poursuivis en justice pour un mauvais travail, ils sont tenus à ramender, si la chose est ramendable. Dict. du Comm. & de Trévoux.

RAMENDER, (terme de Doreur) c'est réparer & recouvrir les endroits de l'or qui se sont gersés ou cassés en les appliquant. On ramende d'abord avec de petits morceaux du même or ; mais quand c'est pour finir l'ouvrage, on se sert d'or à coquille ; ce qui s'appelle boucher d'or moulu.

RAMENDER, (Teinture) on dit ramender une étoffe, quand ayant été jugée défectueuse par les gardes & jurés, on est obligé de la remettre a la teinture. Une étoffe ramendée est toujours plus dure & moins bonne que celle qui a eu sa perfection dès le premier teint. Dict. du Comm.


RAMENERv. act. (Gramm.) on dit cet officier a ramené plusieurs fois sa troupe à la charge ; alors c'est le reduplicatif d'amener ou conduire. On dit les bergers ramenent leurs troupeaux des champs ; & ramener signifie alors remettre à l'endroit d'où l'on est parti. C'est un correlatif d'amener dans ces phrases & autres, il a amené des marchandises de clinquaille, & il a ramené des vins. Il a encore une acception particuliere, lorsqu'on dit, il commandoit, dans cette action, huit cent hommes, dont il n'a ramené que deux cent. Le printems ramene l'hirondelle. Un sage conseil ramene un homme à son devoir. Un juge habile ramene les autres à son opinion. Il ne faut pas ramener tout à soi. C'est un esprit difficile à ramener. J'ai ramené cette affaire de loin.

RAMENER, en termes de Manege, c'est faire baisser le nez à un cheval qui porte au vent, qui leve le nez aussi haut que les oreilles, qui ne porte pas en beau lieu. On met des branches hardies, ou la martingale aux chevaux pour les ramener. Voyez BRANCHE, MARTINGALE.


RAMENERETTRAIT, (Charpentier) on tire un trait rameneret avec le cordeau, pour prendre la longueur des arrestiers.


RAMEQUINest en terme de Cuisinier, un appareil de roignons hachés avec du persil, un ail & un jaune d'oeuf, qu'on étend sur du pain, & qu'on fait rôtir dans une poële, ou sur le gril ; on en fait de fromage, de sucre, &c. de la même maniere.


RAMERvoyez NAGER & RAME.

RAMER, v. act. (Draperie) terme qui signifie mettre une piece de drap encore toute mouillée sur une espece de machine ou instrument de bois que l'on appelle rame, pour, en tirant l'étoffe à force de bras, la faire venir au point de la longueur & de la largeur que l'on s'est proposée. Voyez RAME. (D.J.)

RAMER, (terme de Jardinier) c'est ficher en terre de petites branches ou de petits rameaux d'arbres, pour soutenir les pois, & autres légumes, à mesure qu'ils croissent.

RAMER, en Fauconnerie, on dit, l'oiseau rame en l'air, c'est-à-dire, qu'il se sert de ses aîles comme de deux avirons.


RAMEREAUnom que l'on a donné aux jeunes ramiers. Voyez RAMIER.


RAMESLES, (Rubanier & autres ouvriers Tissutiers) sont de longues ficelles de moyenne grosseur attachées aux arcades des bâtons de retour ; on en met jusqu'à 160 à chacune des arcades à chaque retour ; ainsi lorsqu'il y a 20 retours sur un métier, il y a par conséquent 3200 rames. On va donner la description d'une seule de ces rames qui suffira pour toutes les autres. Cette rame, comme toutes les autres, doit être assez longue pour passer au-travers du porte rame de derriere, ensuite à-travers les hautes-lisses, puis traverser le porte-rame de devant, & descendre encore environ un pié & demi plus bas que le porte rame, pour pouvoir y attacher les lissettes qu'elles doivent faire hausser.


RAMETTES. f. (ustensile d'Imprimerie) c'est un grand chassis de fer qui n'a point de barre dans le milieu ; il y en a de différente grandeur ; les plus grands servent à imposer les placards, les affiches & ouvrages de cette sorte. Voyez CHASSIS. Voyez les fig. Planches de l'Imprimerie.


RAMEURS. m. (Marine) c'est celui qui rame. Voyez l'article RAME.


RAMIERpigeon ramier. Mansart, Coulon. palumbus torquatus Aldrovandi, Wil. s. m. (Hist. nat. Ornithologie) oiseau qui est de la grosseur du pigeon romain ; il a un pié cinq pouces & demi de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & seulement un pié un pouce jusqu'au bout des doigts ; l'envergure est de deux piés cinq pouces ; le bec a un pouce deux lignes de longueur depuis la pointe jusqu'au coin de la bouche ; les aîles étant pliées, s'étendent de deux pouces au-delà du bout de la queue ; la face supérieure & les côtés du cou sont d'un verd doré changeant, qui paroît à certains aspects de couleur de cuivre bronzé ou bleu. Il y a de chaque côté du cou au milieu de ces couleurs une tache blanche disposée de façon que cet oiseau semble avoir une sorte de collier. La partie antérieure du dos & les petites plumes des aîles sont d'un cendré brun ; la partie inférieure du dos, le croupion & les plumes du dessus de la queue ont une couleur cendrée claire. La face inférieure du cou depuis la tête jusques vers le milieu de sa longueur est cendrée ; le reste du cou & la poitrine ont une couleur vineuse mêlée d'un peu de cendré. Le ventre, les côtés du corps, les jambes & les plumes du dessous de la queue sont d'un cendré blanchâtre. La couleur des grandes plumes de l'aîle est brune ; la seconde & les six qui suivent, ont les bords extérieurs blancs ; dans les autres plumes ces bords sont d'un gris brun : il y a sur l'origine de la fausse aîle une grande tache blanche, qui s'étend selon la longueur de l'aîle. Les plumes de la queue ont la face supérieure d'un cendré foncé, à l'exception de l'extrêmité qui est noirâtre ; elles sont au contraire noires en-dessous à l'origine & à l'extrêmité, tandis que le milieu est d'un gris blanchâtre. Les yeux ont l'iris d'un jaune pâle ; le bec est jaunâtre ; la membrane qui se trouve au-dessus des narines, a une couleur rouge, & elle est couverte d'une matiere farineuse & blanchâtre. Les piés sont garnis de plumes presque jusqu'à la naissance des doigts ; leur couleur est rouge, ainsi que celle des doigts ; les ongles sont noires. Brisson, ornit. tom. I. Voyez OISEAU.

RAMIER D'AMBOINE, palumbus amboinensis, oiseau qui est à-peu-près de la grosseur de la tourterelle ; il a dix pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & neuf pouces & demi jusqu'au bout des ongles ; la longueur du bec est de dix lignes depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche ; les aîles étant pliées s'étendent jusqu'aux deux tiers de la longueur de la queue. Le devant de la tête est blanc : cette couleur se prolonge de chaque côté en une bande étroite qui passe sur les yeux : le dessus de la tête a une couleur bleuâtre foncée ; les côtés de la tête, le cou & la poitrine sont rougeâtres ; les plumes de la partie antérieure du dos, & les petites des aîles ont une belle couleur verte dorée qui change à différens aspects en une belle couleur de cuivre bronzé. Il y a quelques petites plumes de l'aîle dont l'extrêmité est blanche : ce qui forme autant de petites taches de cette couleur vers le haut de l'aîle. La partie postérieure du dos & le croupion sont cendrés ; le ventre, les côtés du corps, les jambes & les plumes du dessous de la queue ont une couleur brune mêlée d'une légere teinte de rouge. La face inférieure de l'aîle est rousse, & la face supérieure a une couleur brune foncée, à l'exception des barbes intérieures de chaque plume qui sont rousses depuis leur origine jusqu'environ aux deux tiers de leur longueur. La couleur des plumes de la queue est noire, excepté les deux plumes extérieures de chaque côté qui sont cendrées & terminées par du noir. Le bec est rouge, & la membrane du dessus des narines a une couleur bleuâtre. Les piés sont rouges, & les ongles ont une couleur brune claire. On trouve cet oiseau à Amboine. Ornit. de M. Brisson, tom. I. Voyez OISEAU.

RAMIER BLEU DE MADAGASCAR, palumbus caeruleus madagascariensis, oiseau plus petit que le pigeon domestique : il a dix pouces & demi de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & seulement huit pouces neuf lignes jusqu'au bout des doigts ; la longueur du bec est de onze lignes depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche ; les aîles étant pliées, s'étendent presque jusqu'au bout de la queue. Cet oiseau est presque entierement d'un bleu très-foncé presque noir & brillant ; les plumes de la queue & celles du dessous de la queue sont d'un pourpre violet éclatant ; le col est couvert de plumes longues & étroites, qui semblent avoir un peu de cendré mêlé avec leur couleur bleue. Les yeux sont entourés d'une peau rouge & dégarnie de plumes. Le bec, les piés & les doigts ont une couleur rouge ; celle des ongles est noire. Les piés sont couverts de plumes presque jusqu'à l'origine des doigts. On trouve cet oiseau à Madagascar. Ornit. de M. Brisson, tom. I. Voyez OISEAU.

RAMIER DES MOLUQUES, palumbus moluccensis, oiseau qui est à peu près de la grosseur du ramier de ces pays-ci ; il a un pié cinq pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & un pié trois pouces jusqu'au bout des ongles ; la longueur du bec est d'un pouce cinq lignes depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche. Les aîles étant pliées s'étendent environ au tiers de la longueur de la queue. La tête, la gorge, le cou, la poitrine, le ventre & les jambes sont d'un gris blanc mêlé d'une teinte de rougeâtre ; la couleur du dos, du croupion, des petites plumes des aîles & de celles du dessus de la queue est d'un verd doré qui paroît à certains aspects de couleur de cuivre bronzé. Les plumes des côtés du corps, & celles de la face inférieure des aîles ont une couleur grise blanchâtre ; les plumes du dessous de la queue sont d'une couleur de marron pourprée ; celle des grandes plumes de l'aîle est cendrée ; les moyennes ont le côté extérieur & l'extrêmité de même couleur que le dos, & le côté intérieur est cendré. Il y a dans la queue douze plumes toutes d'égale longueur, cendrées en-dessous & de la même couleur que le dos en-dessus. Les piés sont couverts de plumes jusques vers la moitié de leur longueur. Le bec, les piés & les ongles ont une couleur verdâtre. On trouve cet oiseau aux Moluques. Ornit. de M. Brisson, tom. I. Voyez OISEAU.

RAMIER VERT DE MADAGASCAR, palumbus viridis madagascariensis, oiseau qui est à peu près de la grosseur du pigeon domestique ; il a onze pouces & demi de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & seulement dix pouces jusqu'au bout des ongles ; les aîles étant pliées s'étendent jusqu'à la moitié de la longueur de la queue ; le bec a près d'un pouce de longueur depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche. La tête, le cou, la poitrine, le ventre & les côtés du corps sont d'un verd olivâtre ; le dos, les petites plumes des aîles & celles du dessus de la queue ont la même couleur ; mais elle est plus foncée ; il y a sur le premier pli de l'aîle une petite tache rougeâtre ; les grandes plumes de l'aîle sont noirâtres en-dessus, & cendrées en-dessous. Les plumes du bas-ventre & des jambes ont du jaune & du noirâtre mêlés avec du vert olivâtre ; la queue est cendrée. Les piés sont rouges, & couverts presque jusqu'à la naissance des doigts, de plumes qui ont les mêmes couleurs que celles des jambes. On trouve cet oiseau à Madagascar, où on l'appelle Founingo maïlsou. Ornit. de M. Brisson, tom. I. Voyez OISEAU.

RAMIER, (Diete & Mat. méd.) Voyez PIGEON.

RAMIER, s. m. (Jardinage) se dit d'un tas de bois que l'on range, lorsqu'il est coupé, dans les places les moins garnies de rochées. Il faut ranger ces ramiers avant la pousse, de crainte qu'ils n'étouffent le bois quand il veut pousser.


RAMIFICATIONS. f. (terme d'Anatomie) division, distribution de différens vaisseaux du corps, qui sont regardés comme des branches par rapport aux rameaux qu'ils fournissent. La ramification des arteres, des veines, &c.


RAMIFIERv. act. en Anatomie, se dit de la division des vaisseaux. Telle artere se ramifie en un nombre infini de petits rameaux, & se distribue, &c.


RAMILLESS. f. (Jurisprud.) ramalia minora, ce sont, en termes d'eaux & forêts, les menues branches d'arbres qui restent dans les bois, après qu'on en a tiré le bois de corde & les coterets, & qui ne sont bons qu'à mettre dans les fagots ou dans les bourrées. (A)


RAMILLIES(Géogr. mod.) village des Pays-Bas, dans le Brabant, au quartier de Louvain, près de la source de la Géete. Ce village n'est remarquable que par la bataille que le duc de Malborough, le duc de Virtemberg, & M. d'Owerkerque y gagnerent en 1706, le 23 Mai, jour de la Pentecôte, sur les François commandés par le duc de Baviere & le maréchal de Villeroy ; la défaite des François devint une déroute affreuse par la confiance perdue, & par le trouble qui s'empara des esprits. (D.J.)


RAMINGUEadj. On appelle ainsi, en terme de Manege, un cheval rétif, qui résiste aux éperons & s'y attache, qui rue, qui recule, qui saute plusieurs fois en l'air pour jetter le cavalier en bas ; en quoi il differe du chatouilleux, qui après y avoir résisté quelque tems, obéit ensuite, & va beaucoup mieux par la peur d'un jarret vigoureux, lorsqu'il sent étendre la jambe, qu'il ne va par le coup même. Les ramingues sont dangereux, en ce qu'ils sont sujets à doubler des reins, & à faire des ponts-levis. Voyez PONT-LEVIS.


RAMISTECONSONNE, (Gramm.) On nomme consonnes ramistes l'i & l'v, lorsqu'ils sont consonnes. Ce fut vers le milieu du xvj. siecle, qu'on commença à distinguer les j & les v consonnes, des i & u voyelles. Pierre Ramus ou de la Ramée, imagina cette distinction fort utile dans notre orthographe, d'où ces deux lettres ont retenu le nom de consonnes ramistes. Il mit en usage cette invention dans sa grammaire latine, imprimée en 1557 ; ensuite Gilles Beys, libraire à Paris, ayant connu l'utilité des deux consonnes ramistes, les employa dans l'édition des commentaires de Claude Mignault, sur les épîtres d'Horace, qu'il fit imprimer en 1584 chez Denys Duval. (D.J.)


RAMNEou RAMNENSES, (Antiq. rom.) espece de tribu formée de chevaliers romains. Acron le dit formellement, & préfere ce sentiment à l'opinion de ceux qui croyoient que c'étoit seulement une des tribus romaines ; Ramnes, Luceres, Tatienses, tribus erant, vel ut veriùs Equites. Cornelius Nepos, plus croyable encore que le scholiaste, réunit ces deux sentimens, & les applique aux chevaliers. C'est dans la vie de Romulus, où il dit : tres equitum centurias instituit, quas à suo nomine Ramnenses, à Tito Tatio Tatienses, à Lucumone Luceres appellavit. C'étoit donc une centurie, ou une espece de tribu de chevaliers romains.

Un ancien poëte, mais dont on ignore le nom, dans une piece aussi élégante que modeste sur les fêtes de Vénus, a ramassé en quatre petits vers toutes les parties de la république ; savoir, le peuple Quirites, les chevaliers Ramnes, le sénat Patres, & les empereurs Caesares.

Romuleas ipsa fecit

Cum Sabinis nuptias ;

Unde Ramnes & Quirites,

Proque prole posterâ

Romuli, patres creavit,

Et nepotes Caesares.

Enfin Horace a donné à Ramnes une épithete, qui convient particulierement aux chevaliers romains ; il les nommoit celsi : or celsus vient du grec , qui signifie également un cheval & un cavalier, comme nous l'apprenons de Festus Pompeius. (D.J.)


RAMOITIRv. act. (Gramm.) c'est rendre moite pour la premiere ou pour la seconde fois. Le brouillard ramoitit le linge. La vapeur de l'haleine ramoitit le papier.

RAMOITIR, terme d'Imprimerie, c'est passer l'éponge imbibée d'eau, sur les ustensiles auxquels il faut communiquer une humidité convenable. Les ouvriers de la presse ramoitissent le cuir de leurs balles, leur tympan, & le papier, quand ces choses précédemment trempées ont trop perdu de leur humidité, dans le tems qu'ils viennent à les mettre en oeuvre.


RAMOLADES. f. (Cuisine) On appelle de ce nom une espece de sauce que l'on prépare pour la viande & le poisson. La ramolade est ordinairement composée d'anchois, de persil, de capres, & de ciboules hachées ensemble dans du jus de boeuf ; mais on peut y ajouter plusieurs autres assaisonnemens. (D.J.)


RAMOLLIRv. act. (Gramm.) c'est rendre la mollesse pour la premiere fois ou pour la seconde. Ramollissez ce cuir ; ramollissez ce parchemin.

RAMOLLIR L'OISEAU, c'est ramollir son pennage avec une éponge trempée.


RAMOLLISSANTadj. terme de Chirurgie concernant la matiere médicale externe, c'est la même chose qu'émollient. On donne ce nom à tous les médicamens qui ont la vertu de rendre la souplesse aux parties solides trop tendues, & de redonner de la fluidité aux liqueurs épaissies. Les liquides forment, par la lenteur de leur circulation, ou par leur stagnation, deux especes de tumeurs, des douloureuses, & des indolentes ; il y a des émolliens qui agissent dans le premier cas, en calmant la douleur, ce sont des émolliens anodins ; on en employe d'autres dans le second cas ; on les appelle émolliens résolutifs, parce qu'ils ont la vertu de résoudre les fluides épaissis. Il y en a qui agissent principalement sur les solides trop tendus, ce sont des émolliens relâchans.

La premiere classe d'émolliens que nous disons être anodins, sont des remedes remplis de mucilages aqueux & adoucissans, dont les particules s'attachent aisément aux vaisseaux, assouplissent leurs fibres, & les rendent moins susceptibles d'agacement & d'irritation. A l'aide de la chaleur qu'on donne à ces médicamens, leurs parties déliées s'insinuent dans les pores, raréfient insensiblement les humeurs, & leur font reprendre les voies ordinaires. Tels sont l'eau tiede, le lait, l'althea, la mauve, la pariétaire, le bouillon blanc, le violier, les semences de lin, de fenugrec, de psyllium, &c. Ils conviennent en fomentations & en cataplasmes dans les engorgemens inflammatoires.

La seconde classe d'émolliens est composée de médicamens qui unissent la vertu résolutive à l'émolliente ; ils contiennent des parties actives, qui donnent un peu de ressort aux vaisseaux, & qui les font agir sur les liqueurs stagnantes ; la résolution se fait, si ces liqueurs ont assez de fluidité pour obéir à cette action : & dans le cas contraire les vaisseaux se brisent sur les fluides épaissis, & il en résulte une suppuration, ou purulente, ou putride, suivant la nature de l'humeur qu'on a mise en dissolution dans le lieu de sa stagnation, en excitant à faux le jeu des vaisseaux. Les médicamens émolliens, résolutifs, ou maturatifs, se tirent principalement des matieres gommeuses, telles que le galbanum, l'opopanax, le sagapenum, la gomme ammoniaque. Les quatre farines résolutives, les fleurs de camomille & de mélilot réduites en poudre, servent aussi à faire des cataplasmes émolliens résolutifs, & les gommes susdites entrent dans la composition d'emplâtres, qu'on met avec succés sur des tumeurs dures, dont on a calmé l'inflammation précédente, avec les cataplasmes émolliens anodins, & qui ont ensuite été prédisposées par les cataplasmes émolliens résolutifs. Les emplâtres de vigo, de savon, de ciguë, de diabotanum, de diachylon gommé, sont propres à fondre les tumeurs rénitentes. Voyez RENITENTE.

Les émolliens relâchans, ou chalastiques, doivent produire dans les fibres un changement, par lequel elles deviennent plus allongées sans se rompre. Il suffit pour cet effet, que des particules lubrifiantes s'insinuent entre les solides & les assouplissent. Les émolliens des deux premieres classes ont cette vertu, mais elle réside éminemment dans les remedes onctueux, tels que le beurre, les huiles de lys, de lin, d'amandes douces, les graisses de différens animaux, & leurs moëlles. Les composés sont l'onguent d'althea, de populeum, les huiles de chien, de vers, l'emplâtre de mucilages, celui de diachylon simple, &c. Ces remedes gras ne conviennent point sur les parties enflammées ; ils deviendroient stimulans & suppuratifs ; mais on les employera avec succès sur la peau saine du ventre, pour remédier à l'inflammation des parties internes, comme dans le cas des hernies avec étranglement, de disposition inflammatoire des intestins, pour ramollir les articulations qui ne jouent pas, à cause de la sécheresse ou de la roideur des muscles & des liqueurs, &c. Voyez dans le second tome du recueil des pieces qui ont concouru pour le prix de l'académie royale de Chirurgie, plusieurs mémoires sur les remedes émolliens. (Y)


RAMONNERv. act. (Oecon. domest.) il ne se dit que des cheminées ; c'est l'action de les nettoyer. Ce sont de jeunes savoyards qui ramonnent ici les cheminées, & on les appelle pour cela ramonneurs.


RAMPANORAPANI, ou RAPINI, (Géog. mod.) port & bourgade de la Morée, dans le Brazzo di Maina, sur la côte du golfe de Colochine. Le port Rapani, selon la Guilletiere, étoit autrefois la ville de Geronthrae. Ce port se découvre de loin, sur-tout quand on vient du sud-sud-est, à cause de deux montagnes extrêmement rondes qui l'enferment. Il y a dans cet endroit de la côte, des eaux douces qui sont excellentes. (D.J.)


RAMPANTadj. (Gramm.) il se dit au simple de tout ce qui rampe à terre. Les serpens rampent. Il y a des plantes rampantes. Il se dit au figuré de ceux qui s'abaissent devant les grands, & qui captent leurs faveurs par des voies viles & basses. Du style, un style rampant ; de la conduite, une conduite rampante.

RAMPANT, adj. (Architect.) épithete qu'on donne à tout ce qui n'est pas de niveau, & qui a de la pente, comme un arc rampant, une descente. Voyez ARC. (D.J.)

RAMPANT, adj. terme de Chirurgie, c'est le nom d'un bandage qui se fait avec une bande dont les circonvolutions entourent la partie en forme de spirale, & en laissant entr'elles des espaces découverts. Ce bandage a la figure d'un serpent qui se traîne le long d'un arbre en l'entourant. Voyez BANDE & BANDAGE.

On voit l'application du bandage rampant, au bras gauche de la fig. 1. Pl. XXX.

Ce bandage n'est employé que pour contenir des compresses sur un membre dans une grande étendue avec une bande assez courte, soit que la nécessité oblige de se servir de celle qu'on a sous la main, & souvent aussi par choix, pour ne pas surcharger la partie du poids d'une longue bande. Dans ce cas elle doit toujours être appliquée fort légérement, surtout dans le cas de gonflement ; parce que serrant un peu, on augmenteroit la tuméfaction dans les intervalles que laissent entr'elles les circonvolutions de la bande. (Y)

RAMPANT, adj. terme de Blason ; ce mot se dit des animaux terrestres, comme lions, ours, chiens, loups, &c. qui sont distingués, comme s'ils vouloient s'élever & monter le long d'une rampe. On doit spécifier leur action, à la réserve du lion & du griffon, parce que c'est leur assiette naturelle ; mais pour les autres, ils ont des termes particuliers ; comme le cheval, la licorne, le bélier, le loup, &c. à l'égard desquels on dit effarouchés, effrayés, ravissans, saillans, sautans, &c. Ménétrier. (D.J.)


RAMPERAMPE

Rampe courbe ; c'est une portion d'escalier à vis, suspendue, ou à noyau, laquelle se trace par une cherche ralongée, & dont les marches portent leur délardement pour former une coquille, ou sont posées sur une voute rampante, comme la vis saint-Gilles, ronde.

Rampe de chevron ; c'est l'inclinaison des chevrons d'un comble ; ainsi on dit, faire un exhaussement audessus d'un dernier plancher, jusque sous la rampe des chevrons.

Rampe de menuiserie ; c'est une rampe qui est droite & sans sujétion, comme on en fait pour de petits escaliers dégagés. C'est aussi une rampe courbe qui suit le contour d'un pilier, comme il y en a à plusieurs chaires de prédicateurs. Cet ouvrage est un des plus difficiles de la menuiserie.

Rampe par ressaut ; rampe dont le contour est interrompu par des paliers ou quartiers tournans. Daviler. (D.J.)

RAMPE, (Fortificat.) pente extrêmement douce, qu'on fait le long des talus intérieurs. On les place selon l'occasion & le besoin, tantôt à l'angle du rempart, vis-à-vis l'entrée du bastion, quand le bastion est plein ; tantôt le long des flancs, où à l'angle flanqué, quand le bastion est vuide. (D.J.)

RAMPE, (Hydr.) se dit dans une cascade qui descend en pente douce, d'une suite de chandeliers qui accompagnent les cercles d'une cascade, ou qui se trouvent placés sur les paliers ou repos d'un escalier, ou sur des rampes de gazon, ce qui forme des rampes de jets. (K)

RAMPES DE GAZON, (Jardinage.) Les rampes sont de grands tapis de gazon en pente douce, tels que ceux qui accompagnent les côtés d'une cascade, ou qui servent à raccommoder deux inégalités de terrein, où les différens niveaux de pente de deux allées paralleles.

Ces rampes doivent être prises de loin ; des glacis de gazon ou de petits murs de terrasse les soutiennent ordinairement, & on y met d'espace en espace des arrêts de gazon ou de bois pour rejetter les eaux des ravines des deux côtés.


RAMPEMENTS. m. (Physiq.) mouvement de progression, par lequel les serpens & autres animaux de cette espece, se transportent d'un lieu à un autre.

Quoique les organes que les serpens employent pour ramper, soient fort composés, ayant des os articulés, & des muscles pour cette sorte d'allure, leur mouvement néanmoins n'est différent de celui des vers de terre, qu'en ce que leur corps ne rentre pas en lui-même, mais qu'il se plie pour se raccourcir. Le nombre des replis que ces animaux font, leur sert à s'affermir sur la terre ; ils y rampent avec peine quand elle est fort unie, parce qu'ils ont besoin des inégalités d'un lieu raboteux, afin qu'une partie y étant affermie par ses différens replis, l'autre se puisse lancer en avant, & retirer ensuite la premiere avec plus de force & de promtitude.

Les piés que les chenilles & les vers à soie ont pour marcher, ne rendent leur allure guere différente de celle des vers de terre, parce que la plûpart des chenilles se traînent aussi, & leur corps rentre en lui-même, & se ralonge ensuite ; leurs piés leur servent plus pour arrêter la partie qui pose sur terre, que pour transporter le corps d'un endroit à l'autre par leur mouvement, comme font les piés des autres animaux.

Il y a néanmoins quelques chenilles, qui, comme les serpens, se plient, & font un arc, ramenant leur queue vers leur tête, & ensuite avançant la partie qui est proche de la tête, lorsqu'elles dressent leur corps. Quelques serpens font avec leurs écailles, ce que les chenilles font avec leurs piés ; car elles leur servent pour s'affermir sur la terre, lorsqu'ils les hérissent, quand ils marchent vîte, afin qu'ils puissent pousser contre la terre, comme fait un marinier qui appuie son croc sur le sable pour fare avancer son bateau. Les vers de terre ont des petits poils à chacun des noeuds dont ils sont composés, par le moyen desquels ils s'attachent à la terre, & poussent contre, de même que les serpens font avec leurs écailles. (D.J.)


RAMPERvoyez les articles RAMPANT & RAMPEMENT.

RAMPER, v. pass. (Architect.) c'est pancher suivant une pente donnée.


RAMPINadj. en terme de Manege, se dit d'un cheval bouleté des boulets de derriere, & qui ne marche par conséquent que sur la pince ; c'est ordinairement un défaut que le cheval apporte en naissant. Voyez BOULET, BOULETE.


RAMSEY(Géog. mod.) bourg d'Angleterre dans Huntington-shire. Il a droit de marché public, & il a été fameux autrefois par les richesses de son abbaye. (D.J.)


RAMTRUTS. m. (Hist. mod. superstit.) c'est le nom d'une divinité adorée par les Kanarins, peuple de l'Indostan ; elle a un temple fameux à Onor. On la représente sous des traits qui approchent plus de ceux d'un singe que d'un homme. Dans certains jours solemnels on la porte en procession dans une espece de char, qui a la forme d'une tour pyramidale d'environ quinze piés de haut ; une douzaine de prêtres montent sur cette voiture pour accompagner l'idole ; ils sont traînés par des hommes, qui tiennent à très-grand honneur de servir de bêtes de charge à ce dieu & à ses ministres.


RAMURESou TETES DE CERE, s. f. pl. (Vénerie) les cerfs ne portent leurs premieres têtes, qu'on appelle les dagues, qu'à la deuxieme année ; à la troisieme ils doivent porter quatre, six ou huit cornettes ; à la quatrieme ils en portent huit ou dix ; à la cinquieme dix ou douze ; à la sixieme douze, quatorze ou seize ; & à la septieme, leurs têtes sont marquées de tout ce qu'elles porteront jamais, & n'augmentent plus qu'en grosseur. Voyez l'article CERF.


RANAou RANNA, s. m. (Hist. mod.) titre que l'on donne dans l'Indostan aux princes ou souverains du pays, qui descendent des anciens possesseurs de ces contrées avant que les Tartares en eussent fait la conquête ; cependant le mot sous lequel on désigne ces princes le plus ordinairement, est celui de Rajah. Voyez cet article.


RANCERANCE

Les matieres rances ont une âcreté singuliere & très-sensible au goût, une espece de corrosivité qui doit les faire rejetter absolument des usages diététiques & des usages pharmaceutiques, même extérieurs. (b)


RANCHES. f. (Charpent.) les ranches sont des chevilles de bois dont l'échelier d'une grue est garnie. Elles passent au-travers, & servent d'échelons pour monter au haut de la machine, & pour y mettre la sellette, le fauconneau, les poulies & le cable.


RANCHERS. m. (Charpent.) longue piece de bois traversée de ranches, qu'on pose en arc-boutant pour monter au haut des grues ou des engins. Il y en a qui ne se servent de ce mot que pour les engins, & qui emploient celui de gruau, ou échelier, pour les grues. (D.J.)

RANCHERS, terme de Charron ; ce sont deux morceaux de bois quarré de la longueur de six piés, & de l'épaisseur de quatre pouces ; ces ranchers se placent sur le haut & sur la queue de la charrette, & sont assujettis dessus les timons avec de fortes chevilles de bois ; de façon que les bouts de ces ranchers excedent la charrette d'environ un demi-pié de chaque côté. Les derniers bouts sont percés d'une mortaise chacun pour y poser les cornes de ranchers. Voyez les fig. Pl. du Charron.


RANCIDITÉS. f. espece de corruption desagréable que les graisses & les substances huileuses contractent à la longue, & que la chaleur leur communique. Les médicamens huileux ne conviennent point en topiques sur les parties attaquées d'inflammation, parce que les huiles échauffées perdent leur caractere bienfaisant ; & au lieu de relâcher & d'adoucir, comme on se le propose, elles deviennent âcres & irritantes par rancidité. Willis a parlé de la rancidité dans son traité de la fermentation.

M. Quesnay, dans sa dissertation sur les vices des humeurs, imprimée à la tête du premier tome de l'académie royale de Chirurgie, met aussi la rancidité des humeurs du corps humain au nombre des effets que leur fermentation peut produire. Il se propose dans cet ouvrage important d'établir les principes physiques qui doivent servir de fondement à la doctrine de la suppuration, de la gangrène, des tumeurs, des plaies, des ulceres, & d'autres sujets de Chirurgie. Les humeurs sont infectées, & les solides diversement irrités par les corpuscules viciés qui sont l'effet des différentes dépravations qu'une portion des fluides contractent. Le lait, par exemple, qui se déprave dans l'estomac, y devient rance & amer. On voit des preuves de l'infection & de la malignité qu'il cause, dans les fievres considérables produites par cette dépravation. Suivant l'opinion commune, le lait est susceptible de s'aigrir par une fermentation acéteuse, & l'on croit que la plûpart des maladies des enfans viennent d'acides fournis par un lait aigri dans les premieres voies ; mais ne peuvent-elles pas venir plutôt de la partie butyreuse du lait qui devient rance, ou comme l'on dit vulgairement, d'un lait qui tourne en bile ? Il est évident, dit M. Quesnay, que la malignité de cette derniere sorte de fermentation, dont les matieres grasses sont susceptibles, est bien plus malfaisante que celle de la fermentation acescente. La disposition que les matieres devenues rances ont à se corrompre, doit rendre ces matieres plus redoutables, que celles que la fermentation auroit rendues acides ou vineuses ; celles-ci peuvent être avantageuses pour donner de la durée aux humeurs, dans les cas où l'action excessive des vaisseaux les détruiroit trop promtement. Il n'en est pas de même des matieres devenues rances : la partie grasse ou huileuse de ces matieres, qui domine sur les sels acides, & qui empêche que la fermentation ne puisse développer ces sels, rend ces matieres fort susceptibles de pourriture ; ainsi on doit remarquer que les mauvais effets de ces matieres dépend plus de la pourriture qui survient, que de la dépravation qu'elles avoient contractée d'abord par la fermentation. Plus on cherchera à s'instruire sur la théorie & sur la pratique de la Chirurgie, plus on sentira l'utilité de ces connoissances pour aider directement ou indirectement à l'intelligence de plusieurs points de doctrine qui concernent cet art ; & sur-tout pour éclaircir ce qui regarde les tumeurs graisseuses, les hernies épiploïques qui s'enflamment & suppurent ; les tumeurs froides formées par des sucs muqueux & gélatineux, qui ne sont pas susceptibles de putréfaction, qui se corrompent par rancidité. Voyez SCROPHULE. (Y)


RANÇONS. f. c'est la somme qu'on paye pour un prisonnier de guerre ou un esclave à qui on fait rendre la liberté. Voyez PRISONNIER DE GUERRE.

Il est actuellement assez d'usage parmi les puissances qui sont en guerre, de convenir d'échanger les prisonniers de guerre, ou de payer leur rançon, eu égard à leur grade. La convention qu'on fait pour ce sujet porte le nom de cartel. La rançon d'un soldat y est évaluée à dix ou à douze livres, & celle d'un général ou maréchal de France, à 50 mille livres. Mariana rapporte, liv. XXVII. ch. xviij. que dans la guerre que les François firent contre les Espagnols en Italie, la rançon d'un cavalier étoit le quart d'une année de sa paye ou de sa solde ; d'où l'on croit que le terme de quartier, dont on se sert pour demander à se rendre, est venu. Voyez QUARTIER. (q)


RANCUNES. f. (Gramm.) haine secrette & invétérée, qu'on garde au fond de son coeur jusqu'à ce qu'on ait trouvé l'occasion de l'exercer. Les hommes sujets à cette passion sont à plaindre. Ils portent en eux une furie qui les tourmente sans-cesse. La rancune est taciturne, sombre, mélancolique ; quelque motif qu'elle puisse avoir, elle est d'un caractere triste & fâcheux.


RANDAN(Géog. mod.) petite ville ou plutôt bourg de France, dans la basse Auvergne, proche l'Allier, entre Maringues & Vichy.


RANDASSOou RANDAZZO, (Géog. mod.) petite ville de Sicile, dans le val Demona, vers la source de la riviere Cantara, au pié du mont Etna, & du côté du nord ; on croit que c'est la Tissa de Ptolémée, l. III. c. iv.


RANDERSONou RANDE, (Géog. mod.) en latin du moyen âge Randrusium, ville de Danemarck, dans le nord-Jutland, près de l'embouchure de la Gude dans la mer Baltique. Cette ville est fort ancienne. Abel, duc de Schleswic, la brûla en 1247. Le comte Gerhard de Holstein, surnommé le Chauve, y fut tué eu 1340. La pêche du saumon y est abondante.


RANDIAS. f. (Botan. exot.) arbrisseau d'Amérique ; sa fleur n'a qu'un pétale dont la partie inférieure est tubuleuse, & la partie supérieure évasée, & pour l'ordinaire divisée en cinq segmens. Cette fleur fait place à un fruit ovale, qui n'a qu'une cellule que remplissent des semences plates & cartilagineuses, environnées de pulpe.

Miller n'en compte qu'une espece ; M. Hans-Sloane a donné la description & la figure de cette plante dans son histoire de la Jamaïque, vol. I. p. 40, sous le titre de lycium forte, foliis subrotundis integris, spinis & foliis ex adverso sitis.

Cet arbrisseau est fort commun aux environs de la Vera-Cruz, d'où le docteur Guillaume Houston, qui lui a donné le nom de Randia, en mémoire de M. Isaac Rand, botaniste, a apporté sa semence en Europe. Il s'éleve à dix ou douze piés de haut dans son pays natal, & se divise en un grand nombre de branches, qui croissent deux à deux, ainsi que ses feuilles & ses épines. Ses fleurs sont petites, blanches, & font place à un fruit dur, ovale, à peu-près de la grosseur d'une noix d'Espagne, plein de semences plates, & renfermées sous une pulpe molle & noirâtre. Ses feuilles sont vertes pendant toute l'année. (D.J.)


RANDON(Lang. franç.) ce vieux mot se dit d'une source, d'une pluie, d'un torrent, qui se fait passage par un rocher ; on le disoit aussi des gens qui alloient en troupes. On dit encore en Fauconnerie, fondre en randon, quand l'oiseau de proie fond avec grande impétuosité sur son gibier pour le jetter à terre.

RANDON, (Géog. mod.) ou château neuf de Randon ; lieu de France en Gevaudan, sénéchaussée de Beaucaire ; c'étoit dans le quinzieme siecle une place forte qu'assiégea le connétable du Guesclin, & devant laquelle il mourut de maladie le 13 Juillet 1380, âgé de 69 ans ou environ. En disant adieu aux vieux capitaines qui l'avoient suivi depuis quarante ans, il les pria de ne point oublier ce qu'il leur avoit dit mille fois, " qu'en quelque pays qu'ils fissent la guerre, ils respectassent les gens d'église, les femmes, les enfans & le pauvre peuple. "

Il leur avoit montré l'exemple. Aussi ses propres ennemis lui rendirent un honneur singulier. Le gouverneur de Randon avoit capitulé avec le connétable, & il étoit convenu de se rendre le 12 Juillet en cas qu'il ne fût pas secouru : quand on le somma de remettre la place le lendemain, qui fut le jour de la mort de du Guesclin, le gouverneur répondit qu'il lui tiendroit parole, même après sa mort ; en effet il sortit avec les plus considérables officiers de sa garnison, & mit sur le cercueil du connétable les clés de la ville, en lui rendant les mêmes respects que s'il eût été vivant. Les fameux capitaines qui avoient servi sous ses ordres, refuserent l'épée de connétable, comme ne se sentant pas dignes de la porter après lui ; cependant Olivier de Clisson fut forcé quelque tems après de la recevoir.

Du Guesclin étoit breton, laid & de petite taille ; mais il se fit singulierement estimer par sa valeur & par ses hauts faits, ayant rendu des services très-importans à la France durant la prison du roi Jean, & sous le regne de Charles V. Il s'employa avec un succès admirable à reprendre sur les Anglois plusieurs villes, & n'exécuta pas des choses moins extraordinaires en Espagne.

Ce fut un des plus braves héros de l'ancienne chevalerie. A l'âge de quinze ans, il emprunta en cachette le cheval d'un meunier, vint inconnu à Rennes, pour y joûter dans un tournois qui s'y célébroit, & remporta le prix.

Il ne faut pas néanmoins croire tout ce que les vieilles chroniques disent de lui ; car les auteurs de cette espece d'ouvrages étoient encore entichés de la maladie qui a produit les histoires merveilleuses de Roland, d'Oger le danois, & semblables ; mais on peut consulter sa vie publiée par M. du Chatelet, en 1666 ; elle est meilleure que celle qui avoit été imprimée en très-vieux gaulois, & dans laquelle néanmoins on trouve un passage fort singulier, qui fait voir qu'anciennement les laïcs ont eu le droit d'administrer les sacremens dans certains cas de nécessité.

Cette ancienne vie de du Guesclin nous apprend que dans la bataille de Pontvalin, qu'il gagna sur les Anglois, ses soldats avant que de venir aux mains, se confesserent l'un l'autre, & s'entredonnerent la communion. " Et en icelle place (ce sont ces termes) se desjuner de pain & de vin qu'ils avoient apporté avec eux. Et prenoient les aucuns d'iceux du pain, & le segnoient au nom du sainct sacrement. Et après ce qu'ils estoient confessés l'un à l'autre de leurs péchés, le usoient en lieu d'escommichement. Après dirent mainte oraison, en dépriant à Dieu, qu'il les gardast de mort, de mahaing & de prison. "

Le mot escommichement ou accommichement est dans Froissard, & vient selon Borel, du mot adcommunicare, communier. On trouve même des traces de ces communions beaucoup plus anciennes encore, dans nos vieux romans ; entr'autres au ch. xxxvj. de Galien restauré, où Roland blessé à mort, & couché dans un champ de blé, s'escomiche lui-même de trois brins de blé en herbe, au nom des trois personnes de la très-sainte Trinité.

On sait, dit M. de Voltaire, quels honneurs Charles rendit à du Guesclin. Il fut enterré dans l'église destinée aux tombeaux des rois de France, auprès de celui que Charles V. s'étoit fait préparer. Il a dans le mausolée une lampe de son nom, qui brûle toujours à sa gloire. Son corps fut porté avec les mêmes cérémonies que ceux des souverains. Quatre princes du sang le suivoient. Ses chevaux, selon la coutume du tems, furent présentés dans l'église à l'évêque qui officioit, & qui les bénit en leur imposant les mains. Ces détails sont peu importans ; mais ils font connoître l'esprit de la chevalerie. L'attention que s'attiroient les grands chevaliers célebres par leurs faits d'armes s'étendoit sur les chevaux qui avoient combattu sous eux. (D.J.)


RANDONNÉES. f. terme de Chasse, c'est le nom de la course que les chasseurs font après la bête qu'ils chassent.


RANETTEVoyez RENNETTE.


RANGS. m. (Gramm.) ordre institué entre les choses, ou par la nature, ou par l'art ; ou par des conventions, ou par la justice. Entre les êtres Dieu tient le premier rang ; les rois sont au second. Dans les cérémonies chacun marche à son rang. Les citoyens occupent des rangs différens qu'ils doivent à la fortune, à la naissance, à la force, ou au mérite. Un homme de mon rang, dit un grand. J'ai dans cette compagnie le rang d'ancienneté. Rang se dit encore d'une longue suite d'objets placés sur une même ligne ; un rang de soldats ; un rang d'oignons ; un rang d'arbres : il est quelquefois synonyme à tour ; chacun en son rang ou à son tour se mettra sur les rangs. Il est aussi relatif à collocation ; on le met au rang des saints, au rang des hommes illustres de la nation. Voyez dans les articles suivans d'autres acceptions du même mot.

RANG, (Art milit.) ce mot est employé souvent dans l'art militaire. Le rang d'un escadron ou d'un bataillon, est la ligne droite que font les soldats placés l'un à côté de l'autre. Doubler les rangs, c'est mettre deux rangs en un, & par ce moyen diminuer la hauteur & augmenter le front. A droite par demi-file, doublez vos rangs. Pour faire ce doublement, en cas que le bataillon soit à six de hauteur, les hommes qui sont depuis la demi-file jusqu'au serre file, c'est-à-dire le quatrieme, le cinquieme & le sixieme rang, quittent leur terrein, marchent en avant, & passent par les intervalles des rangs qui les précedent, se vont ranger à leur droite, à savoir la demi-file avec le chef de file, le cinquieme rang avec le second, & le serre-file avec le serre demi-file ; ainsi la hauteur du bataillon est réduite à la moitié.

Rang est encore l'ordre établi pour la marche & pour le commandement des différens corps de troupes, & de divers officiers qui sont en concurrence les uns avec les autres. Diction. milit. (D.J.)

RANG, (Marine) terme dont on se sert pour distinguer la grandeur & la capacité des vaisseaux de guerre. On a coutume de distinguer les vaisseaux de différentes grandeurs par des classes qu'on appelle rang ; les plus gros sont du premier rang, & les plus petits sont du troisieme ; passé ce terme, ce sont des frégates que l'on distingue par le nombre des canons qu'elles portent ; les plus petites s'appellent des corvettes.

Outre la distinction des vaisseaux par rang, on divise encore chaque rang en deux classes, qu'on nomme ordre : ainsi on dit des vaisseaux du premier rang, premier ordre ; du premier rang, deuxieme ordre ; du deuxieme rang, premier ordre, &c.

Nous avons cru qu'il convenoit de commencer par donner une idée de cette division des vaisseaux, avant que de parler de leur construction.

Les vaisseaux du premier rang, premier ordre, ont trois ponts, trois batteries complete s, un gaillard d'arriere placé, un barrot en-avant du grand mât, un château d'avant & une dunette, un barrot en-avant du mât d'artimon ; ces vaisseaux portent depuis 100 jusqu'à 120 canons.

Les vaisseaux du premier rang, deuxieme ordre, ont trois ponts, trois batteries complete s, un gaillard d'arriere jusqu'au sep de grande drisse, une dunette jusqu'au mât d'artimon, & un château d'avant de 32 piés de long ; cet ordre comprend tous les vaisseaux qui portent moins de 110 canons, mais plus de 90.

Les vaisseaux du deuxieme rang, premier ordre, ont trois ponts, trois batteries complete s, un gaillard, un barrot en-avant du grand mât, une dunette de trois barots en-arriere du mât d'artimon, & un château d'avant de 32 piés de long ; ces vaisseaux portent depuis 90 jusqu'à 74 canons exclusivement.

Les vaisseaux du deuxieme rang, deuxieme ordre, ont deux ponts, deux batteries complete s, un gaillard jusqu'au grand mât, un château d'avant de 32 piés de long, & une dunette d'un barrot enavant du mat d'artimon ; cet ordre comprend les vaisseaux depuis 74 canons jusqu'à 60 exclusivement.

Les vaisseaux du troisieme rang, premier ordre, ont deux ponts, deux batteries complete s, un gaillard jusqu'au grand-mât, un château d'avant de 28 piés de long, une dunette jusqu'au mât d'artimon ; cet ordre comprend les vaisseaux qui portent depuis 60 canons jusqu'à 50 exclusivement.

Les vaisseaux du troisieme rang, deuxieme ordre, qu'on commence à appeller frégate, & à désigner par le nombre de leurs canons, ont deux ponts, deux batteries complete s, un gaillard, deux barots en-avant du grand cabestan, un château d'avant de 26 piés de long ; cet ordre comprend les vaisseaux de 50 canons jusqu'à 46 exclusivement.

Les frégates depuis 32 canons jusqu'à 46, ont deux ponts, deux batteries complete s, un gaillard, un barrot en-avant du grand cabestan, un château d'avant de 23 piés de long.

Les frégates depuis 30 jusqu'à 32 canons ont deux ponts, une batterie complete sur le deuxieme pont, un gaillard jusqu'au grand cabestan, un château d'avant de 20 piés de long : on peut faire une frégate de ce rang qui n'auroit qu'un pont une batterie complete , & un gaillard avec un château d'avant, qui seroient séparés au milieu de la distance nécessaire pour placer la chaloupe sur le pont.

Une frégate de 28 canons a deux ponts, & la plus grande partie du canon se place sur le deuxieme pont ; il n'y a sur le premier que 8 canons, 4 de chaque côté, un gaillard prolongé de trois barots enavant du mât d'artimon, & un château d'avant de 19 piés de longueur.

Depuis quelque tems on a changé cet usage, & maintenant une frégate de 28 à 30 canons n'auroit qu'un pont, sur lequel il y auroit 24 canons, & 4 ou 6 sur son gaillard d'arriere. Cette disposition est bien meilleure quand les frégates ont leurs batteries élevées ; car les 8 canons qu'on mettoit sur le premier pont étant fort près de l'eau, étoient presque toujours hors de service.

Une frégate de 22 à 24 canons n'a qu'un pont, un gaillard, & un château d'avant de 18 piés de longueur.

Au-dessous de 20 canons, ce ne sont plus des frégates ; on les nomme corvettes, qu'on distingue comme les frégates, par le nombre de leurs canons.

Une corvette de 16 canons n'a qu'un pont, un gaillard de trois barots en-avant du grand cabestan, & un château d'avant.

Une corvette de 12 canons a un pont, un gaillard, deux barots en-avant du grand cabestan, & un château de 15 piés de longueur.

On a trouvé plus commode de faire à ces petits bâtimens un pont coupé à l'avant & à l'arriere, pour que les logemens y soient plus praticables, de sorte que le canon n'occupe que le milieu.

Les bâtimens de charge se distinguent par le nombre des tonneaux qu'ils portent ; les flutes de 600 ou de 800 tonneaux ont deux ponts, un gaillard jusqu'au grand sep de drisse, un château d'avant de 28 piés, une dunette de 14.

On ne donne toutes ces distinctions de vaisseaux, que comme des choses qui se pratiquent assez communément, mais dont il est souvent à propos de s'écarter, suivant la destination des bâtimens, car il n'y a aucune raison solide qui doive astreindre les constructeurs à suivre servilement ces regles ; au contraire on verra dans la suite qu'ils font très-bien de s'en écarter, & même qu'ils s'en sont écartés avec succès dans la construction des grands vaisseaux de 74 canons, qui sont fort bons pour la marche & pour la guerre.

On a proposé de diviser les vaisseaux du premier rang en quatre ordres ; savoir,

Premier ordre aura des canons du 36 à sa premiere batterie, du 20 à la seconde, du 12 à la troisieme, avec des gaillards.

Second ordre du 36 à la premiere batterie, du 18 à la seconde, du 12 à la troisieme, avec des gaillards.

Troisieme ordre du 36 à la premiere batterie, du 18 à la seconde, du 12 à la troisieme, sans gaillard.

Quatrieme ordre du 36 à la premiere batterie, du 18 à la seconde, du 8 à la troisieme, sans gaillard.

Les vaisseaux du second rang peuvent aussi se diviser en quatre ordres ; savoir,

Premier ordre portant du 36 & du 14, percés de seize sabords à la premiere batterie.

Second ordre portant du 36 & du 18, percés de quinze sabords.

Troisieme ordre portant du 36 & du 18, percés de quatorze sabords.

Quatrieme ordre portant du 36 & du 18, percés de treize sabords.

Les vaisseaux du troisieme rang peuvent se diviser en trois ordres.

Premier ordre portant du 24 & du 12 avec des gaillards, percés de treize sabords.

Second ordre portant du 24 & du 12, avec des gaillards percés de douze sabords.

Troisieme ordre portant du 24 & du 12, sans gaillard.

Enfin les vaisseaux du quatrieme rang peuvent être divisés en quatre ordres ; savoir,

Premier ordre portant du 18 & du 12, avec des gaillards, percés de douze sabords.

Second ordre portant du 18 & du 12, sans gaillards, percés de onze sabords.

Troisieme ordre portant du 18 & du 8, avec des gaillards, percés de douze sabords.

Quatrieme ordre du 18 & du 8, sans gaillards, percés de douze sabords.

En Angleterre il y a six rangs de vaisseaux ; savoir,

Premier rang portant 100 pieces de canon, & ayant 800 hommes d'équipage.

Second rang, 90 canons & 750 hommes.

Pour ne rien laisser à desirer sur cet article, il faut consulter l'ordonnance de 1689, au titre II. l. XII. qui établit cinq rangs de vaisseaux, & admet un premier & deuxieme ordre dans le deuxieme & troisieme rang ; elle fixe aussi les longueurs, largeurs & creux des vaisseaux dans les differens rangs & ordres : ces proportions sont très-différentes de celles qu'on suit aujourd'hui, & on a très-bien fait de s'en écarter, car presque tous les gros vaisseaux avoient leur premiere batterie noyée.

RANG DE RAMEURS, (Marine) on appelle ainsi sur la Méditerranée, & sur les bâtimens de bas bord, le travail des forçats qui sont sur les bancs, & l'effet des rames. Ainsi on dit aller à la voile & aux rangs, pour dire, aller à la voile & aux rames.

RANG D'ECURIE, (Maréchal.) c'est un nombre de chevaux attachés à un même ratelier. Le grand rang, lorsqu'il y a plusieurs écuries, est celui où il y a le plus de chevaux, ou les plus beaux.

Le rang, en terme d'Académie, est l'endroit du manege où les académistes à cheval se tiennent à côté l'un de l'autre, & dont ils sortent pour travailler tour-à-tour.


RANGAMATI(Géog. mod.) ville des Indes, à l'extrêmité des états du grand-mogol, du côté de l'orient, à 27 degrés de latitude nord. Le voyage de Daca à Rangamati est dangereux, à cause de la violence des courans du Gange, des pierres à fleur d'eau, & des bancs de sable. Le P. Barbier, missionnaire jésuite, a décrit cette route au tome VII. des Lettres édifiantes. (D.J.)


RANGÉREGLE, (Synonym.) on est réglé par ses moeurs & sa conduite, on est rangé dans ses affaires & dans ses occupations.

L'homme réglé menage sa réputation & sa personne, il a de la modération, & il ne fait point d'excès ; l'homme rangé menage son tems & son bien, il a de l'ordre & il ne fait point de dissipation.

A l'égard de la dépense à qui l'on applique souvent ces deux épithetes, elle est réglée par les bornes que l'on y met, & rangée par la maniere dont on la fait. Il faut la régler sur ses moyens, & la ranger selon le goût de la société où l'on vit, de façon néanmoins que les commodités domestiques ne souffrent point de l'envie de briller. Synon.

RANGE, en terme de Blason, se dit de plusieurs choses mises sur une même ligne en chef, en fasce, ou en bande. Turin à Paris, de gueules à trois étales d'or rangées en chef.


RANGÉES. f. (Gram.) se dit d'une suite de plusieurs objets placés sur une même ligne ; une rangée d'arbres, une rangée de tentes, une rangée de carosses.

Rang paroît se dire des choses & des personnes ; & rangée seulement des choses.

RANGEE, en terme d'architecture civile, est le côté d'un ouvrage qui va droit sans être coupé par des angles. On le nomme aussi rangée courante.

RANGEE DE PAVES, s. f. (Maçon.) c'est un rang de pavés d'une même grandeur, le long d'un ruisseau, sans caniveaux, ni contre-jumelles, ainsi qu'on le pratique dans les petites cours. (D.J.)


RANGERv. act. c'est placer les choses selon leur rang. Voyez l'article RANG.

On dit ranger des pierres, ranger ses livres, ranger en bataille, ranger ses affaires, se ranger soi-même, se ranger d'un parti, ranger la côte, se ranger autour d'une table, ranger un enfant à son devoir, &c.

RANGER, (Marine) c'est passer auprès de quelque chose. Ranger la terre, c'est passer auprès de la terre. Ranger la côte, c'est naviguer terre à terre, en cotoyant le rivage.

RANGER le vent, c'est cingler à six quarts de vent, près du rumb d'où il vient. On dit que le vent se range de l'avant, lorsque le vent prend le vaisseau par proue, & qu'il devient contraire à la route ; qu'il se range au nord, au sud, &c. quand il vient à souffler du côté du nord ou du sud.

RANGER LA LAINE A PIE, en terme de Tondeur de draps, c'est la demêler jusque dans le pié, ou jusqu'à la corde du drap.


RANGNIT(Géog. mod.) petite ville de Prusse, dans le cercle de Samland, sur le bord méridional du Niémen, aux confins de la Samogitie. Long. 40. 46. lat. 54. 58. (D.J.)


RANGUE(Marine) commandement de faire ranger des hommes le long d'une manoeuvre, ou sur quelque autre corde.


RANGUILLOou ARDILLON, s. m. (Imprimer.) on appelle ranguillon en terme d'Imprimerie, une petite pointe de fer, attachée à une petite lame de fer, quelquefois longue d'un demi-pié, & qui avance sur le tympan : le ranguillon est au bout de cette lame. Il y en a deux, un de chaque côté du tympan, & en perçant le papier, & la feuille qu'on tire du premier côté, ces deux ranguillons sont deux petits trous qui tiennent le registre égal, quand on tire la feuille de l'autre côté. (D.J.)


RANIMERv. act. rendre la vie, la vigueur, la chaleur, l'ame. Il faut ranimer la ferveur d'un néophite, le courage du soldat, l'espérance d'un amant ; le printems ranime toute la nature que l'hiver avoit engourdie ; on ranime le feu qui s'éteint, des couleurs qui se passent, &c.


RANINEou RANULAIRES, (Anat.) veines ranines, ce sont deux veines qui sont sous la langue, & qui prennent leur origine de la jugulaire externe, & sont situées le long de la partie moyenne de la langue. Voyez LANGUE.

On ouvre ces veines avec succès dans l'esquinancie. Elles sont ainsi appellées à cause que dans leur état elles ressemblent à une petite grenouille, que l'on nomme en latin ranula, & qu'elles ne sont jamais sans eau. On donne aussi ce nom à la branche d'artere qui vient de la carotide externe ; & qui se distribue à la langue, d'où on la nomme encore artere sublinguale. Voyez LANGUE.


RANNIRv. neut. terme de Potier d'étain, ancien terme des statuts des maîtres potiers d'étain ; c'est ce qu'on appelle présentement vernisser.


RANRAN(Géog. mod.) province des Indes, au royaume de la Cochinchine, dans sa partie méridionale. La capitale de cette province en porte le nom. (D.J.)


RANULAIRESadj. (Médec.) Voyez RANINES.


RANULEterme de Chirurgie ; tumeur qui vient sous la langue, & qui est produite par la dilatation du conduit excréteur des canaux salivaires inférieurs. Voyez GRENOUILLETTE.

La saignée des veines ranules a été fort préconisée par les anciens dans les esquinancies ; ils la regardoient comme un secours dérivatif, capable d'évacuer immédiatement le sang qui cause l'inflammation. Hippocrate, Alexandre de Tralles, & parmi les modernes, Riviere, le Pois, (Nicolas Pison) & Sydenham, dont l'autorité est d'un si grand poids en pratique, s'accordent tous à faire tirer du sang des veines sublinguales, après quelques saignées faites au bras. M. Van-Swieten expose la doctrine de ces grands maîtres sur le choix des saignées, en adoptant la précaution des saignées préliminaires au bras, sans laquelle celle des ranules seroit, dit-on, dangereuse, parce qu'elle attire le sang sur les parties enflammées. A ces raisons, tirées de la connoissance de la circulation du sang, & de la distribution des vaisseaux, pour expliquer cet effet, M. Van-Swieten joint l'expérience de Tulpius, qui condamne l'usage prématuré de la saignée des ranules, dont il a observé des inconvéniens très-fâcheux. Il convient de rapporter une autorité plus ancienne ; c'est celle de Lanfranc, qui professoit la Chirurgie à Paris à la fin du treizieme siecle : voici ce qu'il dit au chapitre de l'esquinancie, dans sa grande Chirurgie. " Qu'on se donne bien de garde de suivre le conseil de ceux qui prescrivent d'abord la saignée des veines qui sont sous la langue : il arrive souvent que le malade périt par cette saignée qui n'a point été précédée de celle du bras, principalement si le sujet est pléthorique " ; cette réflexion ne porte que sur la saignée des ranules faites prématurément. Quoique les auteurs anciens y ayent eu grande confiance lorsqu'elle étoit placée à propos ; nous ne devons pas blâmer la pratique de nos jours où elle est absolument négligée. La saignée des veines jugulaires auroit tous les avantages que les anciens tiroient de celle des ranules. Alexandre de Tralles dit expressément, que n'ayant pû découvrir les veines sublinguales, il se détermina à ouvrir les jugulaires, & que cette saignée eut tout le succès possible. Joubert présume à cette occasion, que la difficulté de saigner les ranules venoit de la tuméfaction considérable des parties de la bouche. Quoi qu'il en soit, l'ouverture de ces veines est d'une foible ressource, & a beaucoup d'inconvéniens ; elles fournissent rarement la quantité de sang qu'on desireroit, & dans d'autres circonstances, on peut être fort embarrassé à en arrêter l'hémorrhagie ; il y en a des exemples funestes. Cette discussion se trouvera quelque jour exposée dans les mémoires de l'académie royale de Chirurgie, dans une dissertation qui aura pour titre.... du choix des saignées, & du danger de la métastase sur le poumon, par l'effet des saignées du pié dans les esquinancies inflammatoires. (Y)


RAOLCONDA(Géog. mod.) lieu des Indes, au royaume de Visapour, dans la province de Carrarica, à 50 lieues de Golconde. Il est remarquable par une riche mine de diamans des plus estimés de l'Asie, & dont Tavernier à fait un détail curieux dans ses voyages, liv. II. c. xv. Long. 94. 35. lat. 14. 28. (D.J.)


RAON(Géog. mod.) ou Raon-l'Etape, en latin Rado ; petite ville de Lorraine, au diocèse de Toul, dans le comté de Salmes, au pié du mont de Vosge, à l'endroit où la riviere d'Etape se décharge dans la Meurte ; ce qui l'a fait appeller Raon l'Etape, pour la distinguer de Raon sur-Plaine, bourg de la même contrée, situé à la source de la riviere de Plaine. La ville de Raon & celle de Saint-Dié ou Saint-Diey, sont chef-lieux d'une prevôté, qui s'étend jusqu'aux confins de l'Alsace. Long. 24. 30. lat. 44. 20. (D.J.)


RAPACEadj. (Gramm.) qui se saisit avec avidité de sa proie ; il se dit des oiseaux voraces, de certains avares plus avides encore que leurs semblables, & de quelques substances employées dans la métallurgie. Voyez l'article suivant.

RAPACE, (Métallurgie) c'est ainsi qu'on nomme dans la métallurgie les substances, qui non-seulement ont la propriété de se dissiper & de se volatiliser par l'action du feu, mais encore qui sont en état d'entraîner avec elles une portion de la partie métallique, à qui elles donnent, pour ainsi dire, des aîles pour s'envoler. Les mines chargées d'arsenic & de soufre sont des mines rapaces.


RAPAKIVI(Hist. nat.) nom que les Suédois donnent à une pierre qui se trouve en Finlande, près des villes de Lovis & de Degerby ; M. Wallerius dans sa Minéralogie, lui donne le nom de saxum mixtum spathosum. Cette pierre a la propriété de se décomposer à l'air ; elle est composée de particules de quartz, de particules de mica, & de particules spathiques qui sont rouges. Lorsque cette pierre commence à se détruire, il s'y forme d'abord des cercles blanchâtres qui ressemblent à une pierre calcaire, mais qui cependant n'en sont point, vû que ces parties ne font point effervescence avec les acides ; on y découvre encore des particules de mica à l'aide du microscope ; ensuite ces cercles forment des spheres ou globules, qui renferment un noyau de pierre sphérique, ou de la forme d'un rein, de la même nature que la pierre, & de la grosseur d'un pouce ; alors la pierre totale est toute composée de cercles blancs. Les spheres ou noyaux se séparent difficilement de la pierre dans laquelle ils se sont formés ; mais à la fin ils se détruisent comme le reste de la pierre, & se réduisent en petits fragmens anguleux.

M. Wallerius dit que quelques-uns de ces globules, qui ont le même oeil que le reste de la pierre à leur extérieur, font effervescence avec les acides, mais cela n'arrive point à toutes. En lavant cette pierre dans de l'eau, on a obtenu du nitre & du sel marin. Voyez les notes de M. Wallerius, sur les acta chemica holmiensia Urbani Hiaern. tom. II. pag. 168. & suiv.


RAPALLO(Géog. mod.) petite ville d'Italie, dans l'état de Gènes, sur le golfe auquel elle communique son nom. Long. 26. 54. lat. 44. 20.

Liceti (Fortunius) médecin, naquit à Rapallo en 1577, & à ce qu'on dit avant le septieme mois de la grossesse de sa mere. Il mourut à Padoue en 1656 à soixante-dix-sept ans. On a de lui plusieurs traités, dont les principaux sont de monstris, de gemmis, de annulis, de lucernis antiquis, &c. Il soutient dans ce dernier ouvrage, que les anciens avoient des lampes sépulcrales qui ne s'éteignoient point ; mais c'est une erreur qu'il soutient : ces sortes de lampes éternelles n'ont jamais existé, & tout ce qu'on a vû en ce genre n'offre que des phosphores, qui se sont allumés pour un peu de tems après avoir été exposés à l'air. (D.J.)


RAPATELLES. f. terme de Crainiers ; nom que l'on donne à une espece de toile claire faite de crin de cheval, qui sert à faire des tamis ou sas pour passer l'amidon, le plâtre, & autres choses semblables que l'on veut mettre en poudre fine, ce qui fait qu'on l'appelle quelquefois toile à tamis ou à sas. Cette toile qui se fabrique par morceaux presque quarrés, depuis un quart jusqu'à environ trois quarts d'aune de Paris, quelquefois suivant la longueur du crin, se vend par paquets de douze morceaux chacun, dont les plus grands sont appellés amidonniers, du nom des ouvriers qui s'en servent le plus. Savari. (D.J.)


RAPES. f. terme d'ouvriers ; outil de fer, trempé en forme de lime, qui est parsemé de plusieurs dents ou pointes de fer, & qui est monté par un bout d'un morceau de bois arrondi qui lui sert de manche. Les rapes sont ordinairement plates d'un côté, & d'une figure sphérique de l'autre. Il y a encore une sorte de rapes qui ont des dents ou rainures tranchantes ; celles-ci s'appellent des écouannes, si elles sont grandes ; & des écouannettes, si elles sont petites. Ce sont les ouvriers des monnoies & les Peigniers-tabletiers qui se servent de ces dernieres ; les autres sont des outils de Cordonniers, Tourneurs, Menuisiers, Serruriers, Sculpteurs, Plombiers, ébénistes, Arquebusiers, Fourbisseurs, &c. (D.J.)

RAPE, de Tailleur de pierre, est ordinairement un morceau de tole ou fer plat, piqué comme une grille de rape, qui sert à passer sur la pierre.

RAPES, outil d'Arquebusier, ce sont des limes piquées à grain d'orge, comme celles des Menuisiers, &c. & servent aux Arquebusiers pour diminuer les bois de fusil.

RAPE, en terme de Bottier ; c'est une lime taillée fort rude, dont ils se servent pour ébaucher leurs tiges avant de les dresser. Voyez DRESSER.

RAPE, Cordonnier ; elle sert à raper les semelles & les talons, & elle est demie ronde, & en tout semblable à celle des Menuisiers.

RAPE, s. f. (ustensile de Cuisine) c'est un morceau de fer-blanc courbé en voûte, percé de plusieurs trous dans les endroits où le fer blanc est relevé ; il est monté sur du bois, & la partie éminente des pointes sert à raper le sucre, la muscade, la croûte de pain, & autres choses dures propres à être rapées.

RAPES, (outil de Ferblantier) c'est une lime à grain d'orge faite comme les rapes des autres ouvriers, & sert aux ferblantiers pour diminuer les manches de bois des caffetieres, &c.

RAPE, s. f. pl. outil de Fontainier, voyez l'article FONTAINIER.

RAPE, en terme de Formier, c'est un instrument en forme de lime, mais qui a des dents beaucoup plus grosses & plus écartées l'une de l'autre qu'une lime ordinaire. Voyez la Planche du Formier.

RAPES, outil de Gaînier, ce sont des limes qui sont piquées à grains d'orge enlevés, fort aigus. Les gaîniers en ont de plusieurs grandeurs, & s'en servent pour raper les bois qu'ils emploient.

RAPE, ou LIME EN BOIS, (Menuiserie) elle sert aux menuisiers à arrondir ou ceintrer des parties ou endroits où les autres outils ne peuvent atteindre. Voyez l'article & les Planches de MENUISERIE.

RAPE, (Sculpture) espece de lime dont les sculpteurs en marbre & en pierre se servent en plusieurs occasions en finissant leurs ouvrages. Il y a des rapes droites, coudées, piquées, de différente grosseur.

Les sculpteurs en bois s'en servent aussi ; ils en ont de grosses, de petites, de plattes, de quarrées, de rondes, de demi-rondes, de courbées & de non courbées. Voyez les Planches du Sculpteur.


RAPÉS. m. (Oecon. rustique) raisin nouveau dont on emplit le tiers d'une futaille, afin d'y faire passer dessus du vin gâté ou affoibli, pour lui donner de nouvelles forces.

On prend un tonneau bien relié, dans le fond duquel on met un lit de sarment, à la hauteur de deux pouces ; on choisit ensuite de beaux raisins noirs bien mûrs ; on en coupe toutes les queues près des grains sans les crever, on les met doucement sur le sarment jusqu'au bondon ; ensuite on recommence un autre lit de sarment sur lequel on met encore des raisins jusqu'au pié près de l'extrêmité d'en-haut : enfin, on fait un troisieme lit de sarment, & en même tems on a soin de bien foncer ce tonneau ; on le porte doucement dans le lieu où on veut qu'il reste, après l'avoir rempli d'un bon gros vin rouge, à trois doigts du bord, pour lui donner la facilité de bouillir sans beaucoup de déchet. On l'entretient dans le commencement de même que le vin, en évitant qu'il ne s'évente. (D.J.)

RAPE DE COPEAUX, (Econ. rustiq.) c'est ainsi qu'on appelle le rapé qui se fait avec des copeaux qu'on met dans une futaille pour éclaircir le vin. Rien n'est plus innocent, ni mieux imaginé.

Les copeaux qu'on emploie doivent être longs & secs ; on laisse tremper ces copeaux quelques jours dans l'eau, qu'on rechange deux ou trois fois par jour pour ôter le goût du bois ; ensuite on les égoutte, & on les fait bien sécher à l'air ; après quoi on les met dans un tonneau qu'on remplit légerement jusqu'à un doigt près du bord, & on ferme le tonneau de maniere que le vin qu'on doit mettre dedans ne se perde point.

Les copeaux étant bien préparés, & le tonneau foncé, avant que de le remplir de vin, on y met une chopine & plus d'eau-de-vie ; on bouche le tonneau d'un bondon, puis on le roule jusqu'à ce qu'on juge que les copeaux sont bien imbibés de toute l'eau-de-vie. Cela fait, on porte le tonneau dans l'endroit de la cave qu'on lui destine, & on le remplit incessamment de vin. On gouverne le rapé comme tout autre vin nouvellement entonné ; les rapés ne souffrent point long-tems la vuidange, il faut les remplir à mesure qu'ils se vuident. Lorsqu'on s'apperçoit que les rapés de copeaux sont trop long-tems à s'éclaircir, c'est une marque que la lie y est trop abondante ; il faut, pour y remédier, défoncer la futaille, en ôter les copeaux, les remplacer par d'autres tout semblables & pareillement imbibés d'eau-de-vie. (D.J.)

RAPEE, s. f. terme de riviere, il se dit d'une gare où l'on met les bateaux chargés, jusqu'à ce qu'ils ayent leur tour d'arrivage dans les ports. Il y a à Paris rapée d'amont & rapée d'aval.


RAPERv. act. (Gramm.) il a deux acceptions assez différentes ; dans l'une il désigne l'action de réduire en poudre avec la rape, & c'est en ce sens qu'on dit raper du sucre & du tabac ; dans l'autre, l'action de donner avec le même instrument à un corps la forme qu'on se propose en usant sa surface ; c'est ainsi qu'on le rend concave, plat, uni, &c.


RAPERSWIL(Géog. mod.) ville de Suisse aux confins du canton de Zurich, sur une langue de terre qui s'avance dans le lac de Zurich. Elle fut bâtie l'an 1091, & a eu long-tems ses comtes particuliers. Elle est à présent sous la domination des cantons de Zurich & de Berne, qui s'en rendirent les maîtres en 1712, & sous la protection de qui le traité d'Aran régla qu'elle demeureroit à l'avenir, en conservant ses droits & ses privileges.

On a trouvé dans son territoire en 1689 & 1690, quantité de médailles romaines. Il y en avoit entr'autres de Valérien, de Claude II. d'Aurélien, de Sévérine sa femme, de Probus, & de quelques-uns des trente tyrans. Long. 26. 30. lat. 17. 22.

Je ne connois que deux hommes de lettres nés à Raperswil ; un théologien, protestant, du xvj. siecle, nommé Placius (Conrad-Wolfgang), mais dont on ne lit plus les ouvrages ; & Spener (Philippe-Jacques), qui a donné plusieurs livres de piété en allemand, outre son opus heraldicum. Il est mort à Berlin en 1705, âgé de 70 ans. (D.J.)


RAPESS. f. (Commerce) petite monnoie qui a cours en Suisse, dans les cantons de Bâle & de Fribourg ; dix rapes font un batz. Voyez BATZ.


RAPETASSERv. act. c'est raccommoder avec des pieces. Au simple, on ne rapetasse guere que de vieilles hardes ; au figuré, il se dit d'un discours, d'une piece de vers & de tout autre ouvrage de littérature.


RAPHANISS. m. (Hist. nat. Botan. anc.) nom que les Athéniens parmi les Grecs donnoient au raifort, raphanus ; & ce mot raphanus, ou, comme ils disoient, raphanos, désignoit dans la langue attique le chou, brassica. Tous les autres Grecs s'accordoient au contraire à appeller le raifort raphanus, & le chou crambe. Voilà d'où vient que tant d'auteurs ont confondu ces deux plantes, quoique si différentes dans leurs ports & dans leur usage ; mais il suffira d'observer que toutes les fois que Théophraste employe le mot raphanus, il entend le chou, ainsi que tous les autres écrivains d'Athènes, ou qui ont fait usage de l'idiome d'Athènes. Pline, faute d'avoir fait cette remarque, a été trompé par le mot raphanos de Théophraste ; & en le traduisant mot-à-mot, il a attribué au raphanus les détails de l'auteur grec qui concernoit le chou. (D.J.)


RAPHANISTRUMS. m. (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleur en croix, composée de quatre pétales. Le pistil sort du calice de cette fleur, & devient dans la suite un fruit ou une silique articulée, qui renferme dans chaque articulation une semence arrondie. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

Pour caractériser ce genre de plante en deux mots, il suffit de dire avec Rai, que sa silique est divisée en jointures, comme une colonne ornée d'une fusée & d'un filet, & que chaque jointure est pleine de semences rondes. Tournefort en compte cinq especes, dont aucune n'a besoin de description particuliere. (D.J.)


RAPHANUSS. m. (Hist. nat. Botan.) Tournefort compte quatre especes de ce genre de plante, le grand rond, le même à fleur blanche, le noir & le petit des jardins.

Le grand est le raphanus major hortensis, orbicularis, vel rotundus, I. R. H. 229. en anglois, the great round radish, en françois radis.

Sa racine est longue, charnue, plus ou moins grasse & tortue, de couleur brune ou noirâtre, qui a d'abord la figure d'un petit navet, & qui en vieillissant grossit beaucoup, est charnue, d'un goût très-piquant, mais sans être desagréable.

Elle pousse des feuilles grandes, rudes, vertes, découpées profondement, ressemblantes à celles de la rave. Il s'éleve d'entre ces feuilles, des tiges à la hauteur d'environ un pié & demi, rondes & rameuses ; elles portent des fleurs à quatre feuilles purpurines, disposées en croix. Lorsque les fleurs sont tombées, il leur succede des fruits formés en maniere de corne, spongieux en-dedans, qui renferment ordinairement deux rangs de semences presque rondes, rouges, plus grandes que celles du chou & de la moutarde, âcres au goût.

On cultive cette plante dans les jardins potagers, où elle fleurit d'assez bonne heure, & l'on retire sa racine de terre principalement au printems, pendant qu'elle est tendre, succulente, facile à rompre & bonne à manger ; car elle ne s'emploie qu'en cuisine.

Le raphanus minor, oblongus, I. R. H. 229. en françois le raifort, n'est distingué du précédent que par ses racines longues, qui sont à l'extérieur de couleur rouge vif, blanches en-dedans, d'un goût moins fort que le radis, & plus agréable ; on la mange nouvellement semée, & on la cultive beaucoup pour les tables ; on l'appelle improprement rave à Paris, car ce nom ne convient qu'à la rave du Limousin, qu'on cultive dans les champs, & que les Botanistes nomment rapa ou rapum. Voyez RAVE.

Le grand raifort appellé vulgairement le crate, la moutardelle, est le raphanus rusticanus de C. B. & le raphanus sylvestris de J. B. M. de Tournefort l'a rangé parmi les especes de cochlearia, & l'a nommé cochlearia folio cubitali, I. R. H. 215.

Sa racine est longue, grosse, rampante, d'un goût fort âcre & brûlant ; elle pousse des grandes feuilles, longues, larges, pointues, d'un beau verd, ressemblantes à celles de la rhubarbe des moines, mais plus amples & plus rudes. Il s'éleve d'entre ces feuilles une tige à la hauteur d'un pié & demi, droite, ferme, creuse, cannelée, garnie de feuilles longues d'une palme, larges d'environ un pouce, découpées profondément des deux côtés, & d'un goût moins brûlant que la racine.

Cette tige porte à sa sommité de petites fleurs composées chacune de quatre feuilles blanches, disposées en croix ; lorsque les fleurs sont passées, il leur succede des silicules ou petits fruits presque ronds & enflés, séparés par une cloison mitoyenne en deux loges, qui renferment quelques semences arrondies, lisses & rougeâtres.

Cette plante fleurit au printems, & croît naturellement aux bords des ruisseaux, des rivieres & dans les prairies humides ; on la cultive dans les jardins aux lieux ombrageux à cause de sa racine. On l'emploie aujourd'hui dans quelques ragoûts ; on rape cette racine, & l'on en fait une espece de moutarde pour assaisonner les viandes, & réveiller l'appétit ; car la gourmandise n'est que trop alerte à multiplier ses faux besoins & les maladies.

Le grand raifort se multiplie de même fort aisément ; car outre qu'il rampe beaucoup, si l'on coupe des rouelles de sa racine nouvellement tirée de terre, à l'épaisseur de quelques lignes, pendant qu'elle est dans sa vigueur, & qu'on les mette aussi-tôt dans la terre, il en naîtra de chaque rouelle une racine & une plante nouvelle, comme si on avoit planté une racine entiere. On sait que plusieurs autres racines coupées de la même maniere par tranches, produisent le même effet ; tant il est vrai qu'une même plante contient beaucoup de germes dans sa substance, indépendamment des graines ! (D.J.)


RAPHIA(Géog. anc.) ville de la Méditerranée, entre Gaza & Rhinocorure. Elle est célebre par la victoire que Philopator roi d'Egypte gagna dans son territoire sur Antiochus le grand, roi de Syrie, l'an du monde 3787, avant l'ere vulgaire 217 ; c'est ce qu'on lit dans le III. des Macc. j. 11. Josephe de Bell. liv. V. ch. xiv. & Polybe, Hist. liv. V. mettent Raphia pour la premiere ville de Syrie que l'on rencontre en venant d'Egypte. On connoît quelques anciennes médailles frappées à Raphia, & quelques évêques de cette ville dans les conciles d'Orient. Voyez Relandi, Palaest. l. p. 967. & 963. (D.J.)


RAPHIDIM(Géog. sacrée) station ou campement des Israëlites dans le désert, Exod. xvij. 2. Ce lieu, dit dom Calmet, ne devoit pas être éloigné d'Horeb, puisque Dieu ordonne à Moïse d'aller au rocher d'Horeb pour en tirer de l'eau. C'est cette même eau qui servit aux Israëlites, non-seulement dans le campement de Raphidim, & dans celui du mont Sinaï, mais aussi dans les autres campemens, & peut-être jusqu'à Cadès-Barné.

Saint Paul, I. Cor. x. 4. dit que ce rocher les suivoit dans leurs voyages, & qu'il étoit la figure de Jesus-Christ : bibebant de spirituali consequente eos petrâ ; petra autem erat Christus. Soit que l'eau les suivît ou qu'ils suivissent le courant de l'eau ; soit qu'ils portassent toujours de cette eau dans leur marche, comme Elien, Var. Hist. lib. XII. c. xl. dit que l'eau du Choaspe suivoit toujours le roi de Perse, c'est-à-dire qu'on en portoit toujours à sa suite, parce qu'il n'en buvoit point d'autre ; soit enfin qu'on trainât le rocher d'Horeb sur un chariot, à la maniere d'un gros muid toujours plein, & toujours ouvert à quiconque en vouloit boire. Ce dernier sentiment est suivi par les rabbins, & par quelques anciens peres, comme Tertullien, S. Ambroise, S. Chrysostome, S. Thomas, & Cantacuzene.

Le rocher de Raphidim est décrit dans les nouveaux mémoires des missions des jésuites, tom. VII. mais le rocher qu'ils ont décrit n'est point le même que celui dont il est parlé dans l'Exode, car ils disent que c'est une roche d'un granit rouge, haute de 12 piés, percée de vingt-quatre trous, longs d'un pié & larges d'un pouce ; toutes circonstances qui ne se trouve point dans l'Ecriture-sainte, au sujet de la station des Israëlites au désert.


RAPHTI(Géog. mod.) port de la Livadie, sur la côte orientale de cette province, à l'entrée du détroit de Négrepont. C'est le Potamos des anciens, & c'est aujourd'hui un bon port, & l'un des plus assuré de tous ces quartiers ; on y mouille sur sept à huit brasses d'eau, fond de vase mêlé d'herbes marines, & de bonne tenue. (D.J.)


RAPIDEadj. (Gram.) épithete qu'on donne à quelques fleuves ou à certains lieux, où l'eau descend avec telle vîtesse qu'on est obligé d'y faire portage lorsqu'on remonte. Voyez à l'article PORTAGE, FAIRE PORTAGE.

Il se dit au simple & au figuré ; l'éloquence est rapide ; la prononciation est rapide ; on a le cours des idées lent ou rapide.


RAPIECERv. act. (Gram.) c'est mettre des pieces à un vieil habit, à du vieux linge. Il n'y a guere aujourd'hui que les ouvriers aux jours de travail, & les pauvres, qui osent porter un habit rapiecé ou rapieceté.


RAPINES. f. (Gram.) ce mot marque le vol & l'avidité de celui qui l'a fait. Les oiseaux de proie, les usuriers, &c. vivent de rapine.


RAPISTRUMS. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en croix, composée de quatre pétales. Le pistil sort du calice de cette fleur, & devient dans la suite un fruit ou une coque presque ronde, qui n'a qu'une seule capsule, & qui pour l'ordinaire ne renferme qu'une seule semence. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

L'enveloppe de ce genre de plante est presque sphérique, & forme une capsule qui ne contient ordinairement qu'une semence, d'où vient qu'on l'appelle rapistrum monospermum. Tournefort en compte trois especes, & Boerhaave six. (D.J.)


RAPOou RAPHOé, (Géog. mod.) petite ville d'Irlande, presque abandonnée, dans la province d'Ulster, au comté de Dunnegal, à 8 milles, au sud de Saint-John's-Town. Elle a eu autrefois un évêché, dont le siége a été réuni à celui de Londonderry. Long. 10. lat. 54. 58.


RAPOLESTEIN(Géog. mod.) en françois Ribaupierre, petite ville de France, dans la haute Alsace, proche la riviere de Stenbach, au-dessus de Schelestat, avec titre de baronie, connu depuis plus de 700 ans. Le seigneur de cette baronie a un droit fort singulier. Tous les violons d'Alsace dépendent de lui, ou du moins lui doivent une redevance annuelle de cinq livres par chaque bande de violons. Long. 25. 6. lat. 48. 14.


RAPOLLA(Géog. mod.) petite ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la Basilicate, avec titre de duché, sur les confins de la principauté ultérieure, & de la Capitanate, à 3 milles au midi de Melfi. Son évêché fut uni en 1528 à celui de Melfi, & la ville est presque aujourd'hui ruinée. Long. 33. 10. latit. 40. 48. (D.J.)


RAPPELS. m. (Jurisprud.) ce terme a dans cette matiere plusieurs significations différentes, & il y a diverses sortes de rappels.

Rappel de ban, c'est lorsque quelqu'un qui a été banni d'un lieu y est rappellé, & qu'il a permission d'y revenir ; ce rappel se fait par lettres du prince, qui ne peuvent être scellées qu'en la grand-chancellerie ; l'arrêt ou jugement de condamnation doit être attaché sous le contre-scel des lettres, faute de quoi les juges ne doivent y avoir aucun égard ; ces lettres doivent être entérinées sans examiner si elles sont conformes aux charges & informations, sauf aux cours à représenter ce qu'elles jugeront à propos : si c'est un gentilhomme qui obtient de telles lettres, sa qualité de gentilhomme doit y être exprimée nommément afin que les lettres soient adressées à qui il convient. Voyez le titre 16. de l'ordonnance criminelle & le mot BANNISSEMENT.

Rappel par bourse, en Normandie, c'est le retrait lignager qui se fait d'un héritage en rembour sant le prix à l'acquéreur ; cette dénomination vient sans-doute de ce que pour parvenir au retrait il faut faire offre de bourse, deniers, &c. c'est pourquoi l'on dit, rappeller par bourse l'héritage. Anc. cout. de Normandie, ch. cxvj.

Rappel de cause, ou plutôt réappel, est un second appel que le juge fait faire d'une cause à l'audience, soit que les parties ou leurs défenseurs ne se soient pas trouvés à l'audience lorsque la cause y a été appellée la premiere fois, ou que la cause ne fût pas en état ; quand une cause est appellée sur le rôle, & qu'elle n'est pas en état, on ordonne qu'elle sera réappellée sur le rôle dans le tems qui est indiqué. Voyez ROLE.

Rappel de galeres, est lorsqu'un homme condamné aux galeres a permission de quitter & de revenir. Cette grace s'accorde par des lettres de grand-chancellerie, de même que le rappel de ban, & ces lettres sont sujettes aux mêmes formalités. Voyez rappel de ban, & le mot GALERES.

Rappel extra terminos, on sous-entend juris, est un rappel à succession qui est fait hors les termes de droit, c'est-à-dire qui rappelle à une succession quelqu'un qui est hors les termes de la représentation. Voyez ci-après, rappel à succession.

Rappel intra terminos, ou intra terminos juris, est un rappel à succession qui est fait dans les termes de droit, c'est-à-dire qui n'excede point les termes de la réprésentation. Voyez ci-après rappel à succession.

Rappel ou réappel sur le rôle. Voyez ci-devant rappel de cause.

Rappel à succession, est une disposition entre-vifs ou testamentaire, par laquelle on rappelle à sa succession quelqu'un qui n'y viendroit pas sans cette disposition.

On distingue quatre sortes de rappels en fait de succession ; savoir celui qui se fait dans le cas de l'exclusion coutumiere des filles dotées ; celui qui se fait dans le cas de la renonciation expresse des filles dotées ; celui qui répare le défaut de représentation ; enfin celui qui releve les enfans de leur exhérédation.

Le rappel qui se fait dans le cas de l'exclusion coutumiere des filles dotées est d'autant plus favorable que cette exclusion n'étant fondée que sur une présomption de la volonté de celui qui a doté, dès qu'il y a preuve qu'il a ordonné le contraire, sa volonté fait cesser la présomption de la loi.

Ce rappel doit être fait par les pere, mere, ayeul, ou ayeule, étant les seuls qui soient obligés de doter, & qui excluent les filles des successions en les dotant, ce qui a été ainsi établi en faveur des mâles ; il y a cependant des coutumes qui permettent aux freres de rappeller leur soeur qu'ils ont dotée, telle que la coutume d'Auvergne. Quelques-unes, comme celle du Maine, ne permettent pas le rappel à la mere, parce qu'elles ne lui donnent pas le pouvoir d'exclure sa fille en la dotant.

Quand le pere & la mere ont doté, soit conjointement ou séparément, & qu'il n'y a que l'un des deux qui fait le rappel, en ce cas ce rappel n'a d'effet que pour la succession de celui qui l'a ordonné.

Dans quelques coutumes telles que Auvergne, Bourbon, Maine & la Marche, ce rappel ne peut être fait que par le premier contrat de mariage de la fille ; si c'est par quelqu'autre acte, il ne peut être fait que du consentement des mâles ; dans les autres coutumes on peut faire le rappel par tel acte que l'on juge à propos, & sans le consentement des autres héritiers.

Le rappel de la fille vaut une institution contractuelle, de maniere qu'en cas de prédécès de cette fille, il se transmet à ses enfans, quoiqu'ils ne soient pas aussi rappellés nommément.

Dans ces coutumes où la seule dotation de la fille opere son exclusion des successions paternelles & maternelles, si le pere mariant sa fille, lui donne en avancement d'hoirie, il est censé la réserver à succession, & lorsqu'en la dotant, il la fait renoncer aux successions directes, sans parler des successions collatérales, la fille n'est point exclue de celles-ci, parce que l'exclusion générale prononcée par la loi n'a plus lieu, dès que le pere a parlé autrement.

L'effet du rappel des filles est différent dans ces mêmes coutumes d'exclusion, selon l'acte par lequel il est fait : si la réserve de la fille est faite par son premier contrat de mariage, la fille vient per modum successionis ; mais la réserve faite par tout autre acte, n'opere pas plus qu'un simple legs, à moins que les freres n'ayent consenti au rappel.

Le rappel est irrévocable dans les coutumes où il doit être fait par contrat de mariage, comme dans celles d'Auvergne & de Bourbonnois ; au lieu que dans les coutumes où les filles mariées ne sont pas excluses de plein droit, le rappel est toujours révocable par quelque acte que ce soit.

Il y a dans les coutumes d'exclusion, une autre sorte de rappel qu'on peut appeller légal, qui a lieu en faveur des filles qui étoient excluses, par le prédécès des mâles, ou lorsque les mâles ayant survÊCu, ont renoncé à la succession ; il en est parlé dans l'article 309 de la coutume de Bourbonnois.

Pour ce qui est du rappel qui se fait dans le cas de la rénonciation expresse des filles dotées, rien n'est plus favorable, puisque c'est un retour au droit commun, & que le rappel rétablit l'égalité entre tous les enfans.

Quelque autorité que le pere ait dans sa famille, & que le mari ait sur sa femme, il ne peut pas faire pour elle le rappel : ce seroit faire pour elle un testament.

Par quelque acte que la mere rappelle ses filles à sa succession, elle n'a pas besoin de l'autorisation de son mari, parce que c'est une disposition qui touche sa succession. Il faut seulement excepter les coutumes qui requierent expressément cette formalité, comme celles du duché de Bourgogne, de Nivernois & de Normandie.

Le consentement des freres n'est pas nécessaire, si ce n'est dans les coutumes d'exclusion qui requierent ce consentement dans le cas d'une renonciation tacite, telles que Bourbonnois, Auvergne & la Marche ; à plus forte raison est-il nécessaire dans ces coutumes, lorsque la renonciation est expresse.

Le rappel de la fille qui n'est excluse qu'en conséquence d'une renonciation expresse, peut être fait par acte entrevifs ou par testament ; & dans ces coutumes, la fille ainsi rappellée vient en qualité d'héritiere.

Le pere peut toujours révoquer ce rappel par quelque acte qu'il soit fait, à moins qu'il n'eût été fait par le second mariage de la fille.

Les freres peuvent eux-mêmes faire le rappel ; & quand ils y ont donné leur consentement, ils ne peuvent plus le révoquer, si ce n'est dans le cas où le pere révoqueroit le rappel par lui fait.

Quand le rappel qui a pour objet de réparer le défaut de représentation, pour savoir dans quelles coutumes il a lieu, il faut distinguer.

Dans les coutumes telles que Paris & autres qui admettent la représentation à l'infini en directe & dans la collatérale, au profit des enfans des freres succédans avec leurs oncles freres du défunt, le rappel est inutile, n'ayant pas plus d'effet qu'un simple legs.

Le rappel est pareillement inutile dans les coutumes telles que celle de Valois, qui admettent la représentation entre les cousins germains ; car si on veut étendre la représentation au delà, le rappel ne vaut que per modum legati.

Il seroit encore plus inutile de faire un rappel dans les coutumes qui admettent la représentation à l'infini, tant en directe que collatérale, puisque la loi même a pourvu à ce que l'on ordonneroit par le rappel.

Mais le rappel peut être utile dans les coutumes qui ne font aucune mention de la représentation en collatérale, comme celle de Meaux, & il est surtout usité dans celles qui rejettent formellement la représentation en collatérale, comme Senlis, Clermont, Blois, Montargis.

Enfin celles où il est le plus nécessaire, ce sont les coutumes où la représentation n'a lieu ni en directe, ni en collatérale, comme dans les coutumes de Ponthieu, Boulenois, Artois, Hainault, Lille.

Ce rappel peut être fait par toutes sortes d'actes, lorsqu'il est intra terminos juris, c'est-à-dire, lorsqu'il est dans les termes ordinaires de la représentation ; mais quand il est extra terminos, il ne peut être fait que par testament.

Le consentement des héritiers n'y est pas nécessaire, si ce n'est dans les coutumes qui le requierent expressément ; mais il faut toujours le consentement de celui de cujus ; les héritiers ne pourroient pas autrement rappeller l'un d'entr'eux à la succession.

Le rappel n'est pas sujet à acceptation, lors même qu'il est conçu en forme de donation entrevifs ; car c'est toujours une disposition à cause de mort.

Quand le rappel est fait par contrat de mariage d'un des enfans au profit des enfans qui naîtront du mariage, il profite aux enfans d'un autre fils, & de même celui d'un des petits-fils profite à tous les autres, parce que l'égalité est tellement favorable en directe, que l'on présume que le pere ou aïeul qui l'a ordonné pour l'un, a eu aussi intention qu'elle auroit lieu pour tous, pourvu qu'il n'ait rien ordonné de contraire, lors du rappel qu'il a fait, ou depuis.

Mais cette communication de rappel n'a pas lieu en collatérale, à moins qu'il n'y ait quelque chose dans l'acte qui dénote que telle a été l'intention de celui qui disposoit.

Le rappel intrà terminos donne la qualité d'héritier ; celui qui est extrà terminos ne fait qu'un legs, quand même il seroit fait par donation entrevifs.

Reste maintenant à parler du rappel qui a pour objet de relever les enfans de l'exhérédation.

L'effet de celui-ci est toujours de rétablir les enfans dans la qualité d'héritier.

Ce rappel est exprès ou tacite.

Le rappel exprès se fait par testament.

Le rappel tacite se fait par tout acte où le pere déclare qu'il pardonne à son enfant qui étoit exhérédé.

La reconciliation de l'enfant avec le pere suffit même pour opérer un rappel tacite, sans qu'il y ait aucun acte écrit.

Mais le pere, en rappellant son fils, peut mettre quelques limitations à ce rappel. Voyez EXHEREDATION.

Sur la matiere des rappels, voyez le tr. des successions de le Brun, tit. des rappels ; le traité de la représentation de Guiné, & les mots DONATION, HERITIERS, LEGS, REPRESENTATION, TESTAMENT. (A)


RAPPELLERv. act. c'est faire revenir en appellant. Voyez l'article RAPPEL.

RAPPELLER, (Service milit.) ce mot, en parlant du service de l'infanterie, signifie battre le tambour d'une certaine maniere, pour faire revenir les soldats au drapeau ; & cette maniere de battre le tambour sert aussi pour marquer l'honneur que les troupes rendent à des personnes d'un rang très-élevé. A la cour, les régimens des gardes battent aux champs pour le roi ; mais ils ne font que rappeller pour les enfans de France. Dict. milit. (D.J.)


RAPPORTS. m. (Gram.) il se dit de la conformité d'une chose à une autre ; ce sont des qualités communes qui forment le rapport des caracteres entr'eux : ce sont des circonstances communes qui forment le rapport d'un fait avec un autre, & ainsi des autres objets de comparaison à l'infini. Il y a des rapports de convenance, de disconvenance, de similitude, de différence ; mais en général on n'attache guere à ce mot que les idées de convenance & de similitude.

RAPPORT VICIEUX, (Grammaire) Un rapport est vicieux, quand un mot se rapporte à un autre auquel il ne devroit point se rapporter ; exemples : de quoi les juges n'étant pas d'avis, on dépêcha à l'empereur pour savoir le sien. D'avis étant indéfini, le sien ne devroit pas s'y rapporter. S'il y avoit dans cet exemple : les juges dirent leur avis, & on dépêcha à l'empereur pour savoir le sien, cela seroit régulier, & le sien se rapporteroit bien à leur avis.

Disons la même chose des deux exemples suivans : 1°. Il n'est pas d'humeur à faire plaisir, & la mienne est bienfaisante ; 2°. Que j'ai de joie de vous revoir ! la vôtre n'en approche point. Si l'on avoit dit, son humeur n'est pas de faire plaisir ; que ma joie est grande de vous revoir ! on auroit pu ajouter régulierement, la mienne est bienfaisante, la vôtre n'en approche point, en opposant la mienne à son humeur, & la vôtre à ma joie.

Voici quelques autres exemples : Pour ce qui est des malheureux, nous les secourons avec un plaisir secret ; il est comme le prix qui nous paie en quelque façon du soulagement que nous leur donnons. Il ne se rapporte pas bien à plaisir secret, il falloit mettre qui, nous les secourons avec un plaisir secret, qui est comme le prix, &c.

Mettez-moi en repos là-dessus ; car cela a troublé le mien. Ce rapport de le mien à repos, n'est pas régulier : si la cour de Rome me laissoit en repos, je ne troublerois celui de personne ; il seroit mieux de dire, si la cour de Rome ne troubloit pas mon repos, je ne troublerois celui de personne.

On doit éviter de faire rapporter un mot à ce qui est dit de la chose, au lieu de le faire rapporter à la chose même dont on parle principalement ; exemple : il faut que la conversation soit le plus agréable bien de la vie, mais il faut qu'il ait ses bornes. Il falloit mettre elle au lieu de il, faisant rapporter ce pronom à conservation, & non pas à bien.

On ne doute point que les livres de piété ne soient utiles à un grand nombre de personnes, & que trouvant dans cette lecture, &c. trouvant ne sauroit se rapporter correctement à personnes, parce que personnes est au génitif, & trouvant au nominatif.

Le rapport vicieux est un défaut où on tombe souvent sans y penser ; & l'auteur est moins capable de s'en appercevoir que le censeur éclairé auquel il communique son ouvrage, & qui le lit froidement

RAPPORT, en Géométrie & en Arithmétique, c'est le résultat de la comparaison de deux quantités l'une avec l'autre, relativement à leur grandeur. On se sert aussi du mot raison, & même plus communément, surtout lorsque ce mot est joint à un adjectif, comme raison directe, raison inverse, raison doublée, &c. Voyez RAISON.

L'égalité de deux rapports forme ce qu'on appelle une proportion. Voyez PROPORTION. (E)

RAPPORT ou AFFINITE, (Chymie) les Chymistes entendent par ces mots l'aptitude de certaines substances à s'unir chymiquement à certaines autres substances. Par exemple, ils disent de l'acide & de l'alkali, qui sont capables de contracter l'union chymique, qu'ils ont entr'eux du rapport ou de l'affinité. Mais ils emploient pourtant très-rarement cette expression au positif, c'est-à-dire, pour désigner une propriété absolue : cette aptitude à s'unir considérée absolument, est ordinairement exprimée par les mots de solubilité ou de miscibilité ; & ces expressions d'affinité & de rapport sont consacrés à exprimer les differens degrés d'énergie de cette aptitude, de cette pente à s'unir. On dit, par exemple, que l'acide & l'alkali sont solubles l'un par l'autre, ou qu'ils sont miscibles (voyez MISCIBILITE), & que l'alkali fixe a plus de rapport ou d'affinité avec l'acide que l'alkali volatil.

Les divers degrés de rapport s'estiment entre deux substances par la faculté qu'a l'une de ces substances de précipiter l'autre. Voyez PRECIPITATION. Ainsi, dans l'exemple allégué, l'alkali fixe est dit avoir plus de rapport avec l'acide que l'alkali volatil, parce que si on applique l'alkali fixe à un corps formé par l'union de l'acide & de l'alkali volatil, l'alkali fixe dégage l'alkali volatil, & s'unit à l'acide en sa place. Il est essentiel de se ressouvenir de cette signification propre de ces expressions : plus grand rapport, plus de rapport, &c. car sans cela, on pourroit facilement être trompé par la considération de la facilité avec laquelle certaine substance s'unit à telle substance, & de la difficulté avec laquelle elle s'unit à telle autre ; en pensant que le plus grand rapport se trouve avec la plus grande facilité, & réciproquement. Car cette circonstance ne fait rien du tout au degré d'affinité, puisque tel corps qui s'unit à un autre avec la plus grande facilité, est ensuite précipité par un troisieme, qui n'avoit pas même la faculté de s'unir immédiatement avec celui de la société duquel il le dégage ou précipite. Par exemple, l'acide marin ne s'unit point immédiatement au mercure ni à l'argent, du-moins dans les procédés ordinaires, & l'acide nitreux s'unit, avec la plus grande facilité, à l'une & à l'autre de ces substances métalliques : cependant l'acide marin appliqué au composé formé par l'union de l'acide nitreux & de l'argent, ou du même acide & du mercure, en précipite l'acide nitreux ; c'est pourquoi on dit de l'acide marin qu'il a plus de rapport avec le mercure, & avec l'argent, que l'acide nitreux.

La table des rapports ou affinités, dressée par Geoffroy l'aîné, qui est gravée dans les planches de Chymie (voyez ces Planches), est une suite de systemes ou séries de divers sujets chymiques disposés entre eux, selon les degrés de leur affinité. Chaque colomne de cette table, prise verticalement, contient un de ces systèmes. Le caractere qui occupe la case supérieure de chaque colomne représente la substance chymique avec laquelle toutes les substances représentées dans les cases inférieures ont divers degrés de rapport. La substance de la case inférieure est celle qui a le moindre rapport, celle qui la suit immédiatement en a davantage, & ainsi de suite, jusqu'à celle de la case que suit immédiatement la case supérieure. D'où il s'ensuit que, si on unit ensemble la substance de la case supérieure, & celle de la case inférieure, toutes les substances intermédiaires sont capables de précipiter la substance de la case inférieure ; & que si l'on procede par ordre elles se précipiteront toutes successivement jusqu'à ce qu'on soit parvenu à celle qui a le plus grand rapport connu. Prenons pour exemple la premiere colomne de la table de Geoffroy : l'acide uni à une substance métallique est précipité par la terre absorbante, par l'alkali volatil, & par l'alkali fixe ; la terre absorbante unie à l'acide est précipitée par l'alkali volatil, & par l'alkali fixe, & enfin l'alkali volatil uni à l'acide est précipité par l'alkali fixe.

La table des affinités de Geoffroy fut exposée dès sa publication à plusieurs objections, la plûpart très-légitimes, & auxquelles l'auteur ne donne que des solutions insuffisantes. Plusieurs chymistes ont fait depuis plusieurs corrections & des augmentations considérables à cette table. Mais ces corrections & ces augmentations n'ont pas été rédigées encore : cette table immense d'affinités, qu'on a imprimée avec la pharmacopée de Quincy, est un monstre chymique. M. Jean-Philippe de Limbourg, médecin de Liége, en a présenté une à l'académie de Rouen, qui a remporté le prix proposé par cette compagnie, pour l'année 1758 : cette table est beaucoup plus étendue que celle de Geoffroy ; mais l'auteur n'a pas publié encore les expériences d'après lesquelles il l'a dressée. Ensorte que la table de Geoffroy, toute imparfaite qu'elle est, mérite seule jusqu'à présent d'être adoptée, au-moins comme modele, comme germe ou noyau d'une meilleure, dont vraisemblablement l'art ne sera pas long-tems privé. Au reste, on trouvera dans les articles particuliers destinés aux différens sujets chymiques, plusieurs observations particulieres sur leurs différens rapports, & ces observations quelquefois discutées contradictoirement avec les prétentions de Geoffroy. Voyez, par exemple, à l'article CHAUX Chymie.

Les Chymistes sagement circonspects, se gardent bien de théoriser sur le formel, le mécanisme, les causes de l'affinité chymique. Ils soupçonnent bien que la similitude ou l'identité de certains principes, de certaine surface, de certain côté dans les corps affinés, peut être le principe de cette singuliere propriété : mais cette conjecture est exposée à des difficultés presqu'insurmontables. Car lorsqu'on en vient à la combinaison des principes primitifs, des élémens, la similitude ou l'identité d'une certaine surface, d'un certain côté manque absolument. De plus, il ne se fait point d'union chymique, comme nous l'avons exposé à l'art. MENSTRUE (voyez cet article), sans que les particules de chacun des corps que l'on mêle sous forme d'aggrégé ou de masse, n'aient moins de rapport entr'elles qu'avec celles de l'autre corps. Or certes on ne sauroit concevoir que difficilement (on résoudroit pourtant cette difficulté plutôt que la premiere), qu'il puisse y avoir dans les particules de chacun de ces deux aggrégés que je suppose des corps composés, des surfaces ou côtés plus semblables, plus identiques à l'un des côtés des particules de l'autre aggrégé, que les particules de chaque aggrégé ne sont semblables, ne sont identiques entre elles. Il paroît donc qu'il vaut mieux se contenter de l'expression vague & indéfinie (ces expressions sont si précieuses dans les sciences de fait) d'affinité ; & que M. Pott, qui, en employant le mot d'égalité ou d'identité, reproche aux François leur attachement pour celui d'affinité (Galli affinitatem loqui amant), leur fait un reproche peu philosophique. (b)

RAPPORT, (Hist. rom.) on nommoit ainsi toute proposition qu'on faisoit au sénat, pour qu'il en délibérât ; mais on observoit beaucoup d'ordre & de regle au sujet des rapports qu'on avoit à faire dans cette auguste assemblée.

Le magistrat devoit faire son rapport au sénat, premierement, sur les choses qui concernoient la religion, ensuite sur les autres affaires. Ce n'étoit pas seulement le magistrat qui avoit assemblé le sénat qui pouvoit y faire son rapport, tous ceux qui avoient droit de le convoquer jouissoient du même privilege. Aussi lisons-nous que divers magistrats ont, dans le même tems, proposé au sénat des choses différentes, mais le consul pouvoit défendre de rien proposer au sénat sans son agrément ; ce qui ne doit pas néanmoins s'entendre des tribuns du peuple ; car nonseulement ils pouvoient proposer malgré lui, mais encore changer & ajouter ce qu'ils vouloient aux propositions du consul : ils pouvoient même faire leur rapport, si le consul ne vouloit pas s'en charger, ou prétendoit s'y opposer. Ce droit étoit commun à tous ceux qui avoient une charge égale ou supérieure à celle du magistrat proposant ; cependant, lorsque le consul voyoit que les esprits panchoient d'un côté, il pouvoit, avant que chacun eût dit son sentiment, faire un discours à l'assemblée. Nous en avons un exemple dans la quatrieme catilinaire, que Cicéron prononça avant que Caton eût dit son avis.

Après que la république eut perdu sa liberté, l'empereur, sans être consul, pouvoit proposer une, deux & trois choses au sénat, & c'est ce qu'on appelloit le droit de premier, de second & de troisieme rapport. Si quelqu'un en opinant, embrassoit plusieurs objets, tout sénateur pouvoit lui dire de partager les matieres, afin de les discuter séparément dans des rapports différens. L'art de celui qui proposoit étoit de lier tellement deux affaires, qu'elles ne pussent se diviser.

Chacun des sénateurs avoit aussi le droit, lorsque les consuls avoient proposé quelque chose, & que leur rang étoit venu pour opiner, de proposer tout ce qui leur paroissoit avantageux à la république, & de demander que les consuls en fissent leur rapport à la compagnie, & ils le faisoient souvent, afin d'être assemblés tout le jour ; car après la dixieme heure, on ne pouvoit faire aucun nouveau rapport dans le sénat, ni aucun sénatus-consulte après le coucher du soleil. On disoit son avis debout ; si quelqu'un s'opposoit, le decret n'étoit point appellé sénatus-consulte, mais délibération du sénat, senatus auctoritas ; on en usoit de même, lorsque le sénat n'étoit pas assemblé dans le lieu & dans le tems convenable, ou lorsque ni la convocation n'étoit légitime, ni le nombre compétent. En ce cas, on faisoit le rapport au peuple. Au reste, le consul pouvoit proposer ce qu'il jugeoit à-propos, afin de le mettre en délibération dans l'assemblée ; c'étoit en quoi consistoit sa principale autorité dans le sénat : & il se servoit de cette formule, que ceux qui sont de cet avis passent de ce côté-là, & ceux qui sont d'un avis différent de ce côté-ci. Celui qui avoit fait le rapport passoit le premier.

Lorsque le sénatus-consulte étoit formé, ceux qui avoient proposé ce qui en étoit l'objet, & qui en étoient en quelque sorte les auteurs, mettoient leur nom au bas, & l'acte étoit déposé dans les archives, où l'on conservoit le registre des lois, & tous les actes concernant les affaires de la république. Anciennement le dépôt public étoit dans le temple de Cérès, & les édiles en avoient la garde. C'étoit celui qui avoit convoqué le sénat qui faisoit finir la séance, & il usoit de cette formule : peres conscrits, nous ne vous retenons pas davantage.

Les affaires dont on faisoit le rapport au sénat étoient toutes celles qui concernoient l'administration de la république. Il n'y avoit que la création des magistrats, la publication des lois & la délibération sur la guerre ou la paix, qui devoient absolument être portées devant le peuple. Voyez Denys d'Halicarnasse, liv. IV. ch. xx. & liv. VI. chapitre lxvj. (D.J.)

RAPPORT, (Barreau) exposé que fait un juge ou un commissaire, soit en pleine chambre, soit devant un comité, d'une affaire ou d'un procès par écrit qu'on lui a donné à voir & à examiner. Cette partie est d'un usage bien plus fréquent, & a beaucoup plus d'étendue que n'en a aujourd'hui l'éloquence éteinte du barreau ; puisqu'elle embrasse tous les emplois de la robe, & qu'elle a lieu dans toutes les cours souveraines & subalternes, dans toutes les compagnies, dans tous les bureaux, & dans toutes les commissions. Le succès de ces sortes d'actions attire autant de gloire qu'aucun plaidoyer, & il est d'un aussi grand secours pour la défense de la justice & de l'innocence. Comme on ne peut traiter ici cette matiere que très-légerement, je ne ferai qu'en indiquer les principes sans les approfondir.

Je sai que chaque compagnie, chaque jurisdiction a ses usages particuliers pour la maniere de rapporter les procès ; mais le fond est le même pour toutes, & le style qu'on y emploie doit partout être le même. Il y a une sorte d'éloquence propre à ce genre de discours, qui consiste à parler avec clarté, avec précision, & avec élégance.

Le but que se propose un rapporteur est d'instruire les juges ses confreres, de l'affaire sur laquelle ils ont à prononcer avec lui. Il est chargé au nom de tous d'en faire l'examen. Il devient dans cette occasion, pour ainsi dire, l'oeil de la compagnie. Il lui prête & lui communique ses lumieres & ses connoissances ; or pour le faire avec succès, il faut que la distribution méthodique de la matiere qu'il entreprend de traiter, & l'ordre qu'il mettra dans les faits & dans les preuves, y répandent une si grande netteté, que tous puissent sans peine & sans effort, entendre l'affaire qu'on leur rapporte. Tout doit contribuer à cette clarté, les pensées, les expressions, les tours, & même la maniere de prononcer, qui doit être distincte, tranquille & sans agitation.

J'ai ajouté qu'à la netteté il falloit y joindre de l'élégance, parce que souvent pour instruire, il faut plaire. Les juges sont hommes comme les autres, & quoique la vérité & la justice intéressent par elles-mêmes, il est bon d'y attacher encore plus fortement les auditeurs par quelque attrait. Les affaires, obscures pour l'ordinaire, & épineuses, causent de l'ennui & du dégoût, si celui qui fait le rapport n'a soin de les assaisonner d'un sel pur & délicat, qui sans chercher à paroître, se fasse sentir, & qui par une certaine grace réveille & pique l'attention.

Les mouvemens, qui sont ailleurs la plus grande force de l'éloquence, sont ici absolument interdits. Le rapporteur ne parle pas comme avocat, mais comme juge : en cette qualité, il tient quelque chose de la loi, qui tranquille & paisible se contente de démontrer la regle & le devoir ; & comme il lui est commandé d'être lui-même sans passions, il ne lui est pas permis non plus de songer à exciter celles des autres.

Cette maniere de s'exprimer, qui n'est soutenue ni par le brillant des pensées & des expressions, ni par la hardiesse des figures, ni par le pathétique des mouvemens, mais qui a un air aisé, simple, naturel, est la seule qui convienne aux rapports, & elle n'est pas si facile qu'on se l'imagine.

J'appliquerois volontiers à l'éloquence du rapporteur ce que dit Cicéron de celle de Scaurus, laquelle n'étoit pas propre à la vivacité de la plaidoirie, mais convenoit extrêmement à la gravité du sénateur, qui avoit plus de solidité & de dignité que d'éclat & de pompe ; on y remarquoit avec une prudence consommée, un fond merveilleux de bonne foi, qui entraînoit la créance. Ici la réputation d'un juge fait partie de son éloquence, & l'idée qu'on a de sa probité, donne beaucoup de poids & d'autorité à son discours.

Ainsi l'on voit que pour réussir dans les rapports, il faut s'attacher à bien étudier le premier genre d'éloquence, qui est le simple, en bien prendre le caractere & le goût, & s'en proposer les plus parfaits modeles, être très-réservé & très-sobre à faire usage du second genre, qui est l'orné & le tempéré, n'en emprunter que quelques traits & quelques agrémens, avec une sage circonspection, dans des occasions rares ; mais s'interdire très-séverement le troisieme style, qui est le sublime.

Si les exercices des colleges étoient habilement dirigés, ils pourroient servir beaucoup aux jeunes gens, pour les former à la maniere de bien faire un rapport. Après l'explication d'une harangue de Cicéron, apprendre de bonne heure l'art d'en rendre compte, d'en exposer toutes les parties, d'en distinguer les différentes preuves, & d'en marquer le fort ou le foible, seroit un excellent apprentissage. On peut l'étendre à toutes sortes de sciences, & c'est un des moyens des plus utiles pour rendre un compte judicieux de bouche ou par écrit, de toutes sortes d'ouvrages. Un journaliste est un rapporteur des ouvrages des autres ; la bonté & la fidélité de son rapport font son mérite. (D.J.)

RAPPORT, (Jurispr.) ce terme s'applique à différens actes.

Rapport d'ajournement, voyez Rapport d'exploit.

Rapport d'un appointement, c'est l'exposition du fait & des moyens d'une instance appointée, que le rapporteur fait aux autres juges. Voyez APPOINTEMENT, APPOINTE A METTRE, INSTANCE, PROCES, DELIBERE.

Rapport d'assignation, voyez Rapport d'exploit.

Rapport à la barre de la cour, voyez ci-après rapport de cause.

Rapport de cause, c'est le récit qu'un huissier fait à la cour, qu'il a appellé à la barre de la cour une telle partie & son procureur. Cela se pratique dans les causes qui sont au rôle, lorsqu'une partie demande un défaut à tour de rôle contre le défaillant. Celui qui préside avant d'accorder le défaut, dit : faites appeller & rapporter : alors on donne à l'huissier le sac ou dossier pour appeller le défaillant ; l'huissier va à la barre extérieure de la cour, c'est-à-dire hors de la chambre, & appelle à haute voix le défaillant & son procureur. Il vient ensuite à la barre de la cour ou entrée du parquet, fait son rapport, en disant qu'il a appellé un tel & son procureur. Après quoi le président prononce : la cour, après que la cause a été appellée & rapportée sur le rôle, a donné défaut, &c.

Rapport en Chirurgie, voyez ci-après RAPPORT de médecins & chirurgiens.

Rapport de clerc ou de greffier, c'est l'analyse qu'un greffier fait d'un compte qu'il a examiné. Il en est parlé dans la coutume de Hainault, ch. lxviij.

Rapport & dénombrement, c'est l'aveu ou déclaration que le vassal ou cottier est tenu de donner à son seigneur féodal ou censuel. Voyez les coutumes de Saint-Pol, Bourbonnois & Artois ; Bouthillier, en sa somme rurale, liv. I. ch. lxxxxj.

Rapport d'un délibéré, est l'exposition qu'un juge fait aux autres des faits & moyens d'une cause sur laquelle on a ordonné un délibéré sur les pieces. Voyez DELIBERE.

Rapport d'enquête, est la remise de la minute d'un procès-verbal d'enquête qui est faite au greffe & en la jurisdiction du juge de la cause, par l'enquêteur ou commissaire, pour le fait des enquêtes qui ont été ordonnées. Voyez le gloss. de Lauriere, au mot rapport, & l'ordonnance de 1667, titre XXII. des enquêtes, art. 25.

Rapport en essence, ou en espece, voyez ci-après Rapport à succession.

Rapport d'experts, est le procès-verbal dans lequel des experts font la relation de ce qu'ils ont vu & observé, & où ils donnent leur avis. Voyez le mot EXPERT.

Rapport d'exploit, c'étoit la relation que l'huissier ou sergent faisoit au juge de l'ajournement qu'il avoit donné. Le demandeur alloit devant le juge, & lui présentoit sa requête ; le juge donnoit commission à l'huissier pour assigner, & celui-ci après avoir ajourné en faisoit son rapport verbal au juge. Ce rapport verbal de l'exploit se pratique encore dans les cas où les assignations verbales sont autorisées ; telles que celles données par les sergens verdiers & les sergens dangereux, par les messiers, par les gardes-chasses dans les plaisirs du roi. Voyez ASSIGNATION & AJOURNEMENT.

En quelques lieux, comme à la Rochelle, on appelle encore l'exploit le rapport de l'assignation, parce qu'en effet cet exploit est le procès-verbal & le rapport de ce que l'huissier a fait près du défendeur, avec cette différence que ce rapport est par écrit, au lieu qu'anciennement il n'étoit que verbal.

Rapport ex post facto, est un rapport à succession qui n'a pas été fait dans le tems du partage, & qui se fait après-coup, à cause d'un évenement qui a fait cumuler à l'héritier des qualités incompatibles. Voyez ci-après RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport de garde-chasses, de garde d'eaux & forêts, de messiers, &c. est un procès-verbal fait par ces sortes de préposés, des délits qu'ils ont trouvés dans leur district. Voyez GARDE-CHASSE, GARDE DES EAUX ET FORETS, &c.

Rapport d'huissier ou sergent, voyez ci-devant Rapport d'exploit.

Rapport & hypotheque d'héritage, est une déclaration que l'on fait en justice de celui auquel l'héritage doit appartenir après le décès de celui qui en est actuellement possesseur, & ce pour la sureté de quelque dette ; ce que la coutume de Lille appelle hostigement. Voyez la coutume de Cambray, & le gloss. de Lauriere, au mot rapport.

Rapport de jurés est la même chose que rapport d'experts. Les jurés sont ici des experts ; on les appelle jurés, parce qu'ils prêtent serment à justice. On pourroit aussi quelquefois entendre par ces termes rapport de jurés, les procès-verbaux que les jurés de quelque communauté font lors de leurs visites ; mais c'est le commissaire ou l'huissier dont ils sont assistés qui fait le procès-verbal, & l'on ne se sert pas ordinairement du terme de rapport pour designer cet acte.

Rapport en justice se dit de la représentation que quelqu'un est obligé de faire de certaines pieces devant le juge.

Rapport pour la légitime, est un rapport que les derniers donataires sont obligés de faire en faveur des enfans qui n'ont pas leur légitime. Ce rapport se fait jusqu'à concurrence de la légitime, & suivant l'ordre des donations, en épuisant d'abord la derniere, & remontant successivement aux autres. Voyez DONATION, LEGITIME, RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport de main pleine dans la coutume d'Orléans, c'est lorsque l'on garnit la main de justice d'effets suffisans pour répondre de l'objet de la saisie, afin d'avoir la main-levée de ce qui étoit saisi. Ce terme est usité dans certaines coutumes, comme Orléans, article 438, Montargis, ch. xviij. article 2 ; le gloss. de Lauriere, au mot rapport.

Rapport de maître écrivain est un rapport ou procès-verbal qui se fait par un maître écrivain nommé par justice à l'effet de vérifier quelque écriture ou signature. Voyez COMPARAISON D'ECRITURE, ÉCRITURE, ÉCRIVAIN, EXPERT.

Rapport de matrônes est le procès-verbal que font les sages-femmes nommées par justice à l'effet de visiter quelque femme, fille ou enfant, & de reconnoître son état. Voyez MATRONE & SAGE-FEMME.

Rapport à la masse est la remise que l'on fait à la masse d'une succession, des effets que l'on a reçus en avancement d'hoirie. Voyez RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport de médecins & chirurgiens, est le procès-verbal que des médecins & chirurgiens font ensemble ou séparément de l'état d'un malade, ou d'un cadavre, ou de quelque autre chose dont la connoissance est de leur état. Voyez les principes de jurisprudence sur les visites de médecins ; par M. Prevost, avocat, & les mots MEDECINS & CHIRURGIENS.

Rapport en moins prenant, est un rapport fictif qui se fait à la masse d'une succession, sans y remettre réellement l'effet que l'on rapporte, mais seulement en précomptant sur sa part ce que l'on a reçu. Voyez RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport en mont commun se dit en Flandre pour rapport à la masse d'une succession. Voyez l'institution au droit belgique de Ghawiet, p. 247.

Rapport de montrée & vûe dans la coutume de Bretagne, signifie le rapport des experts qui ont visité un héritage ou quelqu'autre objet.

Rapport en nature est la même chose que rapport en espece ou en essence, à la différence du rapport qui se fait en précomptant ou moins prenant. Voyez ci-devant rapport en espece, & ci-après RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport à partage est la remise effective que l'on fait d'un bien à la masse, ou le compte que l'on en tient à la succession. Voyez RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport de pieces est la représentation que l'on fait de pieces que l'on doit communiquer ou remettre à quelqu'un.

Rapport de procès est l'exposition que l'un des juges qui a été nommé rapporteur, fait aux autres juges, des procédures & pieces d'une instance ou procès. Voyez ci-après RAPPORTEUR.

Rapport de sergent est la relation qu'un sergent fait dans un exploit ou procès-verbal. Voyez l'édit de François I. en 1539, article 9 ; les coutumes de Bourbonnois, Poitou, & autres, & le gloss. de Lauriere, au mot rapport.

Rapport solemnel. Quelques coutumes appellent ainsi le procès-verbal qui est fait devant les gens de loi, pour la dessaisine ou le devêt qui est fait par le possesseur & propriétaire d'un immeuble, à l'effet qu'un autre qui l'a acquis de lui en soit vêtu & saisi. Voyez la coutume de Cambray, titre V. article premier, & Pinault des Jaunaux sur cet article. (A)

RAPPORT A SUCCESSION est la remise réelle ou fictive qu'un héritier fait à la masse, de quelque effet qu'il avoit reçu en avancement d'hoirie, pour être mis en partage.

Le rapport à la succession, à la masse ou au partage, n'est qu'une seule & même chose.

L'obligation de rapport a pour objet de maintenir l'égalité entre les héritiers.

Cependant cette loi si équitable n'a pas toujours été pratiquée de même, & n'est pas encore par-tout uniforme.

Suivant la loi des douze tables, le rapport n'avoit point encore lieu : il ne fut introduit que par le droit prétorien, à l'occasion des enfans émancipés ; ceux-ci conservoient ce qu'ils avoient acquis, au lieu que les acquisitions faites par les enfans étant en la puissance du pere, faisoient partie de sa succession, & conséquemment les enfans émancipés y avoient leur part. Le préteur, pour rendre la condition de tous les enfans égale, obligea les enfans émancipés qui viendroient à la succession du pere, avec ceux qui seroient en sa puissance, de rapporter leurs acquisitions. C'est la disposition de la loi premiere, au digeste de collationibus.

Mais les enfans émancipés n'étoient obligés à ce rapport que quand les enfans étant en la puissance du pere auroient été lésés sans rapport : desorte qu'il n'avoit pas lieu entre deux émancipés, quoique partagés inégalement, ni entre deux enfans étant en la puissance du pere.

C'étoit encore un point de l'ancien droit, que l'enfant émancipé ne laissoit pas d'être tenu au rapport, quoique l'enfant étant en la puissance du pere vînt à la succession à un titre différent, comme si l'émancipé demandoit la possession des biens contra tabulas, & que l'autre enfant institué héritier se tînt à cette qualité.

Les dots des filles n'étoient pas non plus sujettes à rapport, mais elles y furent assujetties par un édit de l'empereur Antonin le pieux, inséré en la loi premiere, au digeste de collat. dotis.

L'empereur Léon ordonna la même chose pour la donation à cause de noces.

Par le dernier droit, tous les enfans qui se portent héritiers, ou qui obtiennent la possession des biens, sont obligés au rapport, soit que les émancipés viennent entr'eux, soit qu'ils viennent avec d'autres enfans qui sont sous la puissance du pere, soit que le partage se fasse entre des enfans qui soient tous sous la puissance du pere ; mais l'enfant émancipé ne rapporte plus que les biens profectices, & non les biens adventices, si ce n'est quant à l'usufruit ; le pere ne gagnant plus que l'usufruit de ces biens adventices sur les enfans qui sont en sa puissance.

Enfin par l'ancien droit, le rapport ne se faisoit que dans les successions ab intestat, & non entre les enfans héritiers institués, à-moins que le pere ne l'eût ordonné par son testament, parce que le rapport ne se fait point entre étrangers, & que les enfans institués héritiers succédoient comme des étrangers ; mais par la novelle 18. les enfans rapportent toujours, soit qu'ils viennent ab intestat, ou en vertu du testament, à-moins que le pere n'ait expressément défendu le rapport, ou qu'on ne puisse induire le prélegs des termes du testament.

Pour ce qui est des coutumes, leur disposition n'est pas uniforme sur cette matiere.

Quelques-unes, comme celles de Nivernois, Bourbonnois & Berry, permettent au pere de défendre le rapport : desorte que dans ces coutumes quand la donation est faite entre-vifs, par préciput & avec dispense de rapport, le donataire ne laisse pas de venir à la succession sans rapporter.

D'autres coutumes, comme celle de Laon, portent que le rapport ne peut être défendu.

Dans les coutumes qu'on appelle coutumes d'égalité parfaite, telles qu'Anjou & Maine, le renonçant même est obligé au rapport.

Enfin, il y a d'autres coutumes qui sont aussi d'égalité, mais non pas d'égalité parfaite, comme celle de Paris, où les enfans venans à succession sont obligés au rapport, quand même le pere les en auroit dispensés par la donation. Mais dans ces coutumes l'enfant peut demeurer donataire entre-vifs, ou être légataire, quoiqu'il ait plus que sa part afférente ; il peut aussi demeurer donataire, & être légataire jusqu'à concurrence de ce qu'il est permis de disposer : le tout sauf la légitime des autres enfans.

Ainsi, les enfans qui ne viennent à la succession qu'en vertu d'un testament, ne sont point obligés de rapporter entr'eux, à-moins que ce ne fussent des enfans rappellés à la succession dans les cas où le rappel donne la qualité d'héritier. Voyez RAPPEL.

L'obligation de rapporter n'a lieu qu'en directe, & non en collatérale, si ce n'est dans quelques coutumes singulieres, comme Chauny, Maine & Anjou ; le rapport n'est même dû que dans la ligne directe descendante ; les ascendans n'y sont point obligés.

Dans les cas où on succede par souches, & non par têtes, comme cela a toujours lieu en directe, le rapport se fait aussi par branches ; de maniere que si dans une branche composée de plusieurs petits-fils, quelques-uns qui sont donataires entre-vifs renoncent à la succession, les autres se portent héritiers, ces derniers sont obligés de rapporter pour les renonçans ; ce qui paroît un peu dur, puisqu'on leur fait rapporter ce qu'ils n'ont pas reçu ; mais aussi la part des renonçans accroît à leur profit, & ils doivent prendre le bénéfice avec les charges.

Les créanciers, le fisc, ni le seigneur haut-justicier qui succede par déshérence ou autrement, ne peuvent pas obliger au rapport, attendu qu'ils ne peuvent pas opposer l'incompatibilité des qualités d'héritier & de légataire ou donataire.

Tout ce qui s'impute sur la légitime est sujet à rapport : ainsi toute donation gratuite est sujette à rapport, sous quelque forme qu'elle soit faite. Ainsi, quand le pere a fait à son fils une vente à vil prix, ou qu'il a payé pour lui le prix de quelque acquisition, qu'il a exercé pour lui un retrait, qu'il a fait des impenses & améliorations sur les biens de son fils, tout cela est sujet à rapport.

A l'égard des choses mobiliaires, le rapport peut en être fait en essence lorsqu'elles ne sont point diminuées par l'usage, comme des diamans & des perles ; que si elles sont anéanties ou détériorées, il faut en rapporter la valeur, eu égard au tems du partage.

Les pensions, alimens & entretien fournis aux enfans, ni les livres, & ce qui a été dépensé pour leur instruction & éducation, tout cela n'est point sujet à rapport, mais une bibliotheque le seroit.

On ne rapporte pas non plus les habits nuptiaux, frais de noces, mais seulement le trousseau de la fille.

Les étrennes & petits présens, les deniers donnés au mineur qui les a dissipés, ceux même que le pere a donnés au majeur pour le jeu, ne sont pas rapportables.

Les offices venaux, soit de judicature ou de finance, sont sujets à rapport, & à plus forte raison les offices domaniaux ; mais ceux de la maison du roi ne se rapportent pas, parce qu'ils sont considérés comme des graces personnelles, & non comme des biens héréditaires.

On ne peut pas obliger l'enfant de rapporter l'office même, il suffit qu'il en rapporte le prix.

L'enfant est aussi obligé de rapporter ce qui a été dépensé pour lui donner un état, comme pour le faire promouvoir aux ordres, le faire recevoir docteur dans quelque faculté, ou avocat, ou pour le faire recevoir maître dans quelque métier.

Les rapports se font ou en précomptant & moins prenant, ou en rapportant en essence.

Les meubles & sommes de deniers se rapportent ordinairement en précomptant & moins prenant : à l'égard des terres, maisons & rentes, on les rapporte aussi quelquefois de même ; mais on peut obliger l'enfant de les rapporter en essence, afin que chacun y ait part, à moins que ces biens n'aient été aliéné par lui de bonne foi, auquel cas il n'est tenu de rapporter que l'estimation.

Les fruits ne se rapportent que du jour de l'ouverture de la succession.

Les effets du rapport sont, 1°. que l'effet qui est rapporté est censé faire partie de la succession du moment qu'elle est ouverte ; 2°. que si l'enfant qui rapporte ne conserve pas dans son lot l'effet qu'il a rapporté, les hypotheques de ses créanciers passent sur les autres biens qui lui sont assignés pour sa part. La raison est que le partage n'est que déclaratif, & que les héritiers sont censés n'avoir jamais eu aucun droit aux biens qu'ils rapportent ; leurs créanciers ne peuvent même se plaindre de cette translation d'hypotheque, ayant dû connoître l'état de leur débiteur ; leur hypotheque sur ces biens n'étoit proprement que conditionnelle, au cas qu'ils demeurassent définitivement à leur débiteur.

La matiere des rapports est traitée au digeste dans les titres de collatione bonorum, & de collatione dotis, & au code, titre de collationibus. On peut aussi voir Domat, part. III. liv. II. tit. jv. Lebrun, des successions, l. III. ch. vj. Duplessis sur la coutume de Paris, traité des success. Bouvot, tom. II. p. 120. Henrys, tome II. liv. VI. quest. 1. les arrêtés de M. le premier président de Lamoignon ; Dupineau, nouv. édit. l. VI. des arrêts, ch. xv. sect. 3. Voyez aussi les mots HERITIER, INCOMPATIBILITE, LEGATAIRE, PARTAGE, QUALITES, RENONCIATION, SUCCESSION. (A)

RAPPORT, (Médec. & Chirurg.) le terme de rapport tire son origine du verbe latin refero, qui signifie je rapporte ; mais on peut dire qu'il est encore de plus près dérivé du mot substantif relatio, qui signifie rapport ou récit d'une chose.

Selon cette premiere idée, il faut entendre par les rapports en Médecine & en Chirurgie, des actes authentiques & publics, que les Médecins & les Chirurgiens titrés sont obligés de faire en justice quand ils en sont requis par le magistrat, pour certifier sur leur conscience de l'état de ceux qu'ils visitent, soit sains, malades, blessés, ou décedés, afin que les juges, ou ceux qui ont droit d'y prendre part, en étant bien informés, fassent, ou ordonnent en conséquence ce qui est raisonnable pour le bien du public & des particuliers.

Des differences de rapports en Chirurgie. Tous les rapports en Chirurgie, quels qu'ils soient, peuvent se réduire sous trois especes générales, qui sont les rapports proprement pris, les certificats d'excuse, & les estimations.

Le rapport proprement pris, est une certification à justice faite par un ou plusieurs chirurgiens titrés, de l'état où ils ont trouvé le corps humain vivant ou mort, dans son tout, ou dans quelques-unes de ses parties. Ces rapports proprement pris, sont de trois especes ; savoir, dénonciatifs, provisoires, & mixtes.

On nomme rapports dénonciatifs, ceux que toutes sortes de chirurgiens font de quelque blessure que ce soit, à l'heure même, ou bien-tôt après, en vertu de leur droit de maîtrise, à la requisition des blessés, ou de ceux qui s'intéressent pour eux, auxquels rapports les juges n'ont d'égard qu'autant qu'ils les croyent justes & raisonnables. Je dis que les juges n'ont à ces rapports dénonciatifs que l'égard qu'il leur plaît ; parce que n'étant que des témoignages volontaires, ils sont sujets à suspicion.

Les rapports proprement pris de la seconde espece, que l'on nomme provisoires, sont ceux qui se font par les chirurgiens jurés en titre d'office préposés pour les rapports, & qui sont ordonnés par le juge. L'on obtient toujours pour les blessés, au moyen de ces rapports, quand les faits qui sont rapportés le méritent, des provisions, tant pour leurs alimens & médicamens, que pour leurs frais de poursuite.

Sous la troisieme espece de rapports proprement dits, que l'on peut appeller rapports mixtes, on comprend ceux qui sont donnés sur la simple requisition des blessés ; mais qui étant faits ou approuvés par les chirurgiens titrés, ne laissent pas d'être provisoires, quoique la partie adverse en puisse contester l'exécution, quand il s'agit d'une seconde provision, en demandant par une requête présentée au juge, une contre-visite ; & en ce cas-là les juges nomment des chirurgiens d'office pour faire le rapport, qui prévaut même sur celui des chirurgiens titrés.

De la validité des rapports en Chirurgie. Comme l'usage des rapports sur quelque matiere que ce soit, n'a été établi en justice que pour connoître des vérités dont les juges ne peuvent pas s'instruire par eux-mêmes, leurs lumieres toutes pénétrantes qu'elles soient, ne suffisant pas pour les éclaircir à fond du détail de tous les faits qui concernent les différentes professions des hommes, il a été d'une grande importance, particulierement à l'égard des rapports en Chirurgie, qui peuvent quelquefois décider de la vie ou de la mort des accusés, d'engager les Chirurgiens à ne se point éloigner de la vérité dans la relation des faits qui dépendent de leur art.

Or comme il se trouve peu de gens si confirmés dans le mal, qui ne soient intimidés par la religion du serment, c'est avec raison que l'on a ordonné que tous les autres titres dont les Chirurgiens pourroient être revêtus, ne rendroient point leurs rapports valables, s'ils ne s'étoient astreins par un serment exprès, à faire ces actes avec fidélité.

C'est aussi pour cela, que de quelque caractere que les Chirurgiens soient pourvus, ils ne sont admis par aucun juge civil ou criminel à faire des rapports en Chirurgie, qu'après avoir prêté ce serment entre ses mains ; & même que les juges subalternes sont toujours bien fondés à demander ce même serment dans les cas extraordinaires aux Chirurgiens qu'ils nomment d'office pour faire des rapports, quand même ils ne pourroient pas ignorer que ces dénomnés ne l'eussent déja fait en des cours supérieures. C'est donc ce serment qui est la premiere condition essentielle à la validité des rapports ; cependant les juges n'admettent à ce serment que des maîtres chirurgiens qui ont un titre qui répond de leur suffisance.

Des conditions requises pour bien faire les rapports proprement pris. Il faut qu'un chirurgien, pour se bien acquiter de sa fonction en faisant les trois sortes de rapports proprement dits, observe nécessairement plusieurs choses.

1°. Il doit les faire dans un esprit d'équité, & avec une intégrité qui soit à toute épreuve ; de maniere qu'elle ne puisse être ébranlée par des offres avantageuses, ni séduite par les prieres de ses proches, & qu'elle le rende sourd aux instances de ses amis, aux sollicitations des puissances, & de tous ceux à qui il est redevable des bienfaits les plus insignes.

2°. Il faut qu'un chirurgien integre examine tout par lui-même, & qu'il ne s'en rapporte en aucune façon à ses collegues, ou à ses serviteurs, dont l'ignorance & l'infidélité pourroient le faire tomber en faute sans le savoir. C'est néanmoins à quoi beaucoup de chirurgiens manquent, principalement à Paris, où il y a un grand nombre de privilégiés, qui n'ayant pas de titre pour faire des rapports, engagent un maître à les signer pour eux ; ce que ces maîtres font trop légerement sur la foi de ces subalternes, sans voir les blessés ou les malades pour qui les rapports sont faits.

3°. Un chirurgien judicieux est obligé à ne rien dire d'affirmatif dans son rapport sur les causes absentes, sur les douleurs, & généralement sur tout ce qui ne tombe pas sous les sens ; parce que le récit qui lui en est fait, soit par le malade même, ou par les assistans, lui doit toujours être suspect.

4°. Il doit prendre toutes les précautions possibles, pour empêcher d'être trompé par des maladies feintes, par des contorsions, ou des convulsions simulées, du sang seringué, des tumeurs apparentes, des contusions en peinture, ou par de semblables artifices ou fourberies.

5°. Il doit faire ses pronostics d'une maniere douteuse, parce que l'événement des maux & des blessures est toujours incertain ; & il vaut mieux dans les faits de conséquence, suspendre son jugement, que d'être trop décisif, particulierement quand il s'agit de prédire la mort, ou d'assurer la guérison des blessés.

6°. Il est encore absolument nécessaire qu'il marque avec précision dans les rapports, la largeur & la profondeur des plaies, & qu'il désigne bien les signes par lesquels on peut juger de la lésion des parties intérieures.

7°. Il doit faire son possible pour bien déclarer l'essence des blessures, pour bien exprimer les accidens qui les accompagnent, & pour déterminer ensuite ce que l'on en peut espérer, & ce que l'on en doit craindre, l'ordre qu'il faudra tenir dans la curation, dans quel tems à-peu-près elle pourra être accomplie ; le régime que l'on doit faire observer aux malades, ou aux blessés ; s'ils doivent rester au lit ou non, & s'ils ne pourront point vacquer à leurs affaires dans le tems même de leur traitement.

8°. Il faut encore qu'il observe avec soin si les blessures pour lesquelles le rapport est requis ou ordonné, ont été les véritables causes de la mort, de l'impuissance, ou des autres accidens qui sont arrivés au blessé ; & cette instruction est très-nécessaire dans la procédure criminelle ; parce que si le blessé est mort par une autre cause que celle de la blessure qu'il a reçue, celui qui l'a blessé n'est pas responsable de sa mort, sa blessure n'ayant pas été mortelle par elle-même.

9°. Le chirurgien qui fait son rapport, ne doit pas négliger de marquer si le blessé l'est venu trouver pour être visité ou pansé, ou s'il a été requis de se transporter chez lui pour en faire la visite & le pansement ; en ce cas, il doit marquer s'il l'a trouvé couché ou debout, vaquant à ses affaires, ou dans l'impuissance d'y donner ses soins.

10°. Il ne doit rien oublier de tout ce qui peut donner au juge quelque éclaircissement, pour juger avec équité & avec connoissance de cause : il doit sur tout cela s'exprimer en termes clairs & intelligibles, & ne se point mettre en peine d'étaler son prétendu savoir, en affectant de se servir de termes barbares & d'école, comme font plusieurs chirurgiens, qui croyent ne parler savamment, que lorsqu'ils ne sont point entendus.

11°. Un chirurgien judicieux doit bien prendre garde de ne pas passer d'un excès à l'autre, & sous prétexte de bien éclaircir un fait, de ne pas charger ses rapports d'une longue suite de raisonnemens. Ces sortes de discours scientifiques ne peuvent être plus mal employés dans un récit, dont la perfection dépend de sa simplicité, de sa précision, & de sa briéveté, accompagnée d'une grande exactitude dans la vérité des faits. Or cet avis n'est pas donné sans raison, puisqu'il s'est trouvé des chirurgiens assez extravagans, pour tracer des figures géométriques dans leurs rapports, & assez peu sensés pour s'imaginer qu'ils se rendroient recommandables aux juges, en leur faisant voir qu'ils pouvoient démontrer géométriquement l'effet des forces mouvantes, & la pesanteur des corps liquides, &c.

12°. Il ne doit pas présumer de son savoir & de sa capacité, jusqu'au point de se croire infaillible ; ensorte qu'une telle présomption l'empêche de prendre conseil dans les choses douteuses & difficiles ; parce que l'amour-propre aveugle celui qu'il obsede, & que cet aveuglement le conduit à l'erreur.

13°. Il est enfin fort à propos que les rapports en Chirurgie soient faits sans connivence, & avec tout le secret possible ; c'est pour cela que l'ordonnance porte qu'on les délivrera cachetés, parce que la révélation du secret attire souvent l'impunité du crime, & la persécution de l'innocence.

Des certificats d'excuses ou exoënes. On entend par l'exoëne ou le certificat d'excuse, une certification par écrit donnée par un médecin ou par un chirurgien, conjointement ou séparément, sur l'état des particuliers, soit à leur simple requisition ou par ordonnance de justice, tendant à faire connoître à tous ceux qui ont droit d'y prendre part, la vérité des causes maladives qui peuvent les dispenser valablement de faire bien des choses dont ils seroient tenus, s'ils jouissoient d'une santé parfaite.

Ces sortes de certifications sont de trois especes ; savoir ecclésiastiques, politiques, & juridiques.

Les exoënes ecclésiastiques tendent à obtenir du pape, des evêques, des prélats, & de tous ceux qui ont quelque supériorité dans la hiérarchie ecclésiastique, des dispenses concernant l'exercice de certaines fonctions bénéficiales, l'observation des lois canoniques, la dissolution du mariage sur faits d'impuissance, attribuée à l'un ou à l'autre des conjoints.

Les exoënes politiques regardent tout l'état en général, ou le service des maisons royales en particulier.

Les premiers se font en France, à la requisition de ceux que leurs maladies ou leurs blessures empêchent de vaquer à leurs charges, emplois, & fonctions. Ceux de la seconde espece qui regardent le service des maisons royales, sont demandés par les officiers de ces maisons. Dans ces sortes d'exoënes politiques, on n'observe aucune formalité judiciaire, étant de simples certificats qui sont délivrés par ordre des supérieurs, ou à la requisition des particuliers. La seule précaution qu'on y apporte, est de n'y avoir aucun égard, que lorsqu'ils sont donnés par des médecins ou chirurgiens d'une réputation connue, & non suspects de subornation.

Les exoënes juridiques ont lieu dans les procédures civiles & criminelles, pour retarder le jugement d'un procès, dont l'instruction ou la poursuite demande la présence des parties.

Elles sont encore requises ou ordonnées, lorsqu'il est question d'élargir, de resserrer, ou de transferer un prisonnier que le mauvais air feroit périr infailliblement ; quand il s'agit de commuer la peine d'un forçat qui n'est pas en état de servir sur les galeres ; d'épargner dans ces pays-ci, ou de modérer les douleurs de la torture à un criminel que sa foiblesse met hors d'état d'en essuyer la violence.

La grossesse ou les couches des femmes, sont encore des raisons valables pour les dispenser de comparoître en personne, afin de répondre aux accusations qui leur sont intentées.

Or il faut pour la validité des exoënes, non-seulement une procuration spéciale de la part des exoënés, par laquelle on affirme à l'audience de la validité de l'exoëne ; mais l'ordonnance veut encore que l'on produise le rapport d'un médecin approuvé, qui ait affirmé de la vérité de sa certification par-devant le juge du lieu.

Au reste, toutes les circonstances marquées pour bien faire les rapports proprement pris, doivent être gardées dans les exoënes juridiques, sur-tout dans la procédure criminelle.

Des rapports comprenant les estimations de visite, pansemens, & médicamens. L'on doit entendre par un rapport d'estimation en Chirurgie, un jugement par écrit donné par un, ou par plusieurs chirurgiens-jurés, sur l'examen d'un mémoire de pansemens & de médicamens qui leur est remis par un chirurgien auquel le payement en est contesté par celui qui en est le débiteur, soit qu'ils lui ayent été faits ou fournis à lui-même, ou que le chirurgien y ait travaillé par son ordre, ou qu'il ait été condamné par justice à en faire les frais.

Les estimations ont donc lieu en Chirurgie, lorsque les salaires sont contestés par les débiteurs aux chirurgiens qui les ont traités, soit qu'ils refusent absolument d'entrer en payement, ou qu'ils leur fassent des offres qui ne soient pas recevables ; car en ce cas-là, les juges ordonnent que les mémoires concernant les opérations, pansemens, & médicamens en question, seront prisés & estimés par des experts, qui sont quelquefois nommés d'office, mais ordinairement dont les parties conviennent ; le demandeur en nommant un, & le défendeur un autre.

Mais au surplus, soit que les experts ayent été nommés d'office, ou que les parties en soient convenues, on observe toutes les formalités nécessaires, pour que les juges puissent faire droit aux parties avec toute l'équité possible.

Il y a ici des regles générales & particulieres à observer dans toutes sortes d'estimations de Chirurgie.

Par exemple, 1°. les experts doivent considérer le mérite de l'opération, parce que celles qui demandent beaucoup de dextérité & d'expériences, ou qui sont pénibles & laborieuses, doivent être mieux payées que celles qui sont faciles, communes, & que l'on fait sans beaucoup de peine & de travail.

2°. Il faut quelquefois avoir plutôt égard à l'importance des maladies ; par exemple, un chirurgien qui réunira en fort peu de tems une grande division dans les chairs, par la suture, par la situation, & par un bandage convenable, méritera d'être beaucoup mieux récompensé qu'un chirurgien ignorant qui aura tamponné une semblable plaie, & qui ne l'aura conduite à sa guérison, qu'après une longue suppuration, & qu'après avoir fait souffrir au blessé de cruelles douleurs qu'il lui auroit épargnées, aussi-bien qu'un traitement fort ennuyeux, s'il eût été bien versé dans son art, dont une des meilleures maximes l'engage à traiter ses malades promtement, surement, & avec le moins de dérangement qu'il est possible.

Je ne prétends pourtant pas inférer de là, que le tems qu'on employe dans les traitemens ne doive pas être considéré dans les estimations de Chirurgie, parce qu'il y a des maladies si grandes par elles-mêmes, qui ont de si fâcheuses complications, & auxquelles il survient un si grand nombre d'accidens, que l'on ne peut très-souvent les guérir que par un long traitement. Il y en a même qui sont légeres en apparence, & que la mauvaise disposition des sujets rend néanmoins très-longues & très-difficiles à guérir. Or les experts doivent peser sur toutes ces choses, afin de faire leur estimation avec équité.

3°. L'on doit beaucoup insister dans la taxe d'un mémoire sur la qualité des personnes qui ont été traitées, aussi-bien que sur leurs facultés ; car plus les personnes sont élevées en dignité, plus aussi demandent-elles de sujétions, de soins, de visites, d'assiduités, qui méritent par conséquent une plus ample récompense : outre que les fonctions des Chirurgiens qui n'ont rien de fixe, sont toujours payées à l'amiable par les honnêtes gens, selon le rang qu'ils tiennent, & cet usage doit servir de regle dans les estimations.

La considération des facultés des malades n'est pas moins essentielle en ces rencontres que celle de leurs qualités, parce qu'il y a tel marchand, ou officier de robe, ou sur-tout tel employé dans les fermes, qui s'incommoderoit moins en payant largement un traitement d'importance ; que beaucoup de gens de la premiere qualité, dont les biens ne répondent pas à leur naissance.

4°. Il faut que les vues des experts s'étendent jusque sur la distance des lieux ; car il ne seroit pas raisonnable qu'un chirurgien qui auroit été d'un bout d'une grande ville à l'autre, pendant trois ou quatre mois, pour faire un traitement de conséquence, principalement à Paris, ou à une lieue & plus dans la campagne, ne fût pas mieux payé qu'un autre chirurgien qui auroit fait un pareil traitement dans son voisinage.

Enfin les experts doivent en même-tems porter leur estimation à des prix honnêtes, équitables & indispensables.

Des talens nécessaires pour bien faire toutes sortes de rapports. Quoiqu'il soit vrai de dire généralement parlant, que les chirurgiens les mieux versés dans la théorie & dans la pratique de leur art, sont aussi les plus capables de bien faire toutes sortes de rapports en Chirurgie, il y a néanmoins des parties de cet art plus particulierement requises pour y bien réussir, & ces parties dépendent ou de l'anatomie, ou de la doctrine des maladies chirurgicales, qu'il faut connoître par leurs propres signes, par pratique & par théorie. Il faut avoir aussi beaucoup d'expérience dans la bonne méthode de traiter ces maladies.

A l'égard de l'anatomie, il faut pour bien faire les rapports, savoir celle que l'on nomme utile, c'est-à-dire celle qui tombe sous les sens, préférablement à celle qui est appellée curieuse, laquelle consiste dans certaines recherches que l'on fait avec le secours du microscope, des injections & des tuyaux qui servent en introduisant l'air dans les conduits, à les rendre plus visibles.

Il faut par exemple, qu'un chirurgien, pour bien faire ses rapports, soit parfaitement instruit de la structure, de l'ordonnance, du nombre, & de la conjonction des os, parce qu'il ne peut sans cela, bien connoître les fractures & les dislocations de ces parties, qui fournissent souvent matiere à faire des rapports : outre que ces masses solides étant fixes & permanentes, lui donnent lieu de mieux désigner la situation des autres parties, qui sont attachées aux corps durs, & auxquelles ils servent d'appui.

Il ne doit pas être moins informé de la situation, de l'ordonnance, du progrès des muscles, & des vaisseaux considérables, afin de pouvoir juger de l'issue des plaies, qui sont faites à la surface du corps, & aux extrêmités tant supérieures qu'inférieures, & cela tant par rapport à l'hémorrhagie, qui est plus ou moins fâcheuse, selon que les vaisseaux ouverts sont plus ou moins gros, qu'eu égard à la perte du mouvement de quelque organe, lorsque les tendons ou les ligamens des jointures se trouvent intéressés dans les plaies.

Il est encore absolument nécessaire qu'un chirurgien, pour bien faire ses rapports, se soit appliqué à examiner la situation de tous les visceres dans les trois cavités principales, qui sont la tête, la poitrine & le bas-ventre ; comment ils sont placés dans les différentes régions qui partagent ces cavités, & comment ils correspondent au-dehors, afin que la division que l'instrument offensif a fait à l'extérieur, lui donne lieu de juger quel viscere peut être blessé dans l'intérieur quand les plaies sont pénétrantes.

La connoissance des maladies chirurgicales lui est absolument nécessaire pour en exprimer dans ses rapports l'essence, les signes, les accidens & les prognostics ; la pratique sur tout cela lui est encore plus nécessaire que la théorie, car quand il s'agira de caractériser une maladie, & de juger de ses suites, comme, par exemple, lorsqu'on sera en doute si certains sujets sont attaqués de vérole, de lepre, de scorbut, de bubons pestilentiels, de cancer, d'écrouelles, &c. Un chirurgien qui aura beaucoup vû & traité de ces sortes de maladies, en jugera bien mieux, & plus surement qu'un autre qui se sera contenté de lire avec application les livres qui en discourent.

Il faut néanmoins qu'il soit savant, indépendamment qu'il doit être expérimenté dans la méthode de traiter ces maladies, afin de pouvoir marquer dans ses rapports l'ordre & le tems de leur curation, & de pouvoir juger si les autres chirurgiens y ont procédé méthodiquement ou non.

Il faut de plus qu'il connoisse bien les remedes, leur prix & leur effet, tant pour ne pas adjuger dans les estimations le payement de plusieurs remedes qui auroient été inutiles ou contraires à la maladie, qu'afin de pouvoir estimer selon leur juste valeur, ceux qui ont été utilement administrés.

Mais comme l'objet des plaies fournit seul plus de matieres aux rapports de Chirurgie que toutes les autres maladies qui sont du ressort de cet art, il résulte que le chirurgien doit s'y appliquer tout entier pour éviter les erreurs dans les rapports en ce genre. Eh combien de connoissance ne demandent-ils pas ! Depuis qu'Hippocrate a avoué ingénument & en grand homme, s'être trompé en prenant dans une blessure à la tête la lésion de l'os pour une suture, que personne ne pense pouvoir être à l'abri d'une faute après l'exemple du prince des Médecins ; mais sur-tout si le chirurgien & le médecin s'apperçoivent dans le traitement d'une blessure avoir commis quelque erreur semblable, par négligence ou par ignorance, il est de leur devoir & de l'équité, d'en faire l'aveu au juge dans leur rapport, afin que celui qui auroit porté le coup, ne soit point puni de la faute d'autrui.

Une autre observation bien importante dans tous les rapports de blessures, c'est de ne point attribuer légérement la mort qui a suivi, à la blessure comme à sa cause. Souvent la mort arrive tout-à-coup, en conséquence des causes cachées jusqu'alors. On peut donc imputer mal-à-propos le terme de notre vie à des accidens qui n'y entrent pour rien, ou du-moins pour peu de chose. Souvent des ignorans, en visitant des cadavres, au lieu d'étudier les blessures en forgent d'imaginaires.

Enfin l'on ne sauroit être trop circonspect à définir le tems qui doit s'écouler entre la blessure & la mort pour décider que la plaie étoit absolument mortelle. Nombre de personnes pensent que si le blessé passe le neuvieme jour, on ne doit point alors attribuer à la blessure la mort qui survient, mais qu'au contraire, si le blessé meurt avant ce tems, la plaie étoit absolument mortelle.

Cette idée n'est cependant qu'un préjugé populaire, dont un habile homme ne doit point se préoccuper. Une artere étant coupée au bras ou à la cuisse, pourra causer la mort au bout de quelques heures, & même plus promtement, quoique cette plaie ne fût pas absolument mortelle, & qu'on eût pû y apporter du remede. Si un intestin grêle se trouve coupé près du pylore, le blessé pourra vivre quelques jours jusqu'à ce qu'il tombe en consomption par défaut de nutrition, & cependant cette plaie sera absolument mortelle. Ces exemples suffisent pour prouver combien la doctrine des rapports est délicate, & combien elle exige de talens, de prudence, de connoissances & de précautions.

Il nous reste à donner quelques modeles généraux des différentes especes de rapports dont nous avons parlé ; nous commencerons par les exoënes.

Exoëne pour une prisonniere. Rapporté par moi maître chirurgien juré à Paris, qu'en vertu de l'ordonnance de messieurs les officiers du grenier à sel de cette ville, en date du 3 Mars 1695, je me suis transporté ès prisons du fort-l'évêque, aux fins de voir & visiter, au desir de ladite ordonnance, la nommée Jaqueline Bataille, âgée de 50 ans ou environ, à laquelle j'ai remarqué une glande tuméfiée & disposée à suppurer, située sous l'aisselle gauche, & un grand nombre de pustules dartreuses aux fesses & aux cuisses, outre qu'elle s'est plainte à moi d'avoir la fievre considérablement les soirs ; toutes lesquelles indispositions me paroissent être causées par un sang échauffé & corrompu, devenu tel par le mauvais air qu'elle respire depuis longtems, & par l'usage des mauvais alimens dont elle a été nourrie ; c'est pourquoi j'estime, sous le bon plaisir néanmoins de mesdits sieurs du grenier à sel, que ladite prisonniere a besoin pour guérir de ses incommodités, d'être saignée, purgée, & traitée suivant les regles de l'art, de respirer un meilleur air, & d'user de bons alimens. De plus, elle doit coucher, boire, & manger seule jusqu'à ce qu'elle soit en état de faire les remedes nécessaires ; sans ces remedes, elle ne manquera pas de communiquer ses maux aux autres prisonniers. Fait à Paris, les jour & an que dessus.

Rapport de la condition d'un coup d'arme à feu, pour savoir si l'arme a crevé dans la main du blessé, ou si le coup a été tiré exprès sur sa personne. Rapporté par moi soussigné maître chirurgien juré à Paris, que de l'ordonnance verbale de nosseigneurs du grand-conseil, j'ai vû & visité le nommé Edme Hamon dit Langevin, en présence de M. Lucas, procureur de la partie, qui ont requis de moi, si les blessures dudit Langevin ont été faites par une arme à feu crevée dans les mains du blessé, ou par un coup de cet arme qui lui auroit été porté en-dehors. Après avoir considéré avec attention toutes les cicatrices, leurs figures & leur situation, je les ai trouvées trop ramassées entr'elles pour procéder d'une arme crevée entre les mains du blessé, laquelle cause toujours à la main de terribles écartemens, qui produisent des cicatrices fort étendues ; ce qui me fait croire que ces cicatrices ont succédé à un coup qui a été tiré de propos délibéré sur la personne dudit Langevin. Fait à Paris ce 14 Avril 1662.

Rapport d'estimation de pansemens & médicamens pour une fracture compliquée à la cuisse. Nous médecin & chirurgien du roi en son châtelet de Paris, soussignés, certifions qu'en vertu d'une sentence contradictoire rendue au châtelet par M. le lieutenant civil, en date du 15 Février 1695, laquelle ordonne que les pansemens faits & fournis au sieur T... capitaine au régiment de, par le sieur B... chirurgien major des hôpitaux du roi, seront par nous prisés & estimés, après avoir préalablement vû & visité ledit sieur T... pour certifier de sa guérison, nous avons procédé à ladite visite, & que nous avons remarqué audit sieur T... deux cicatrices encore récentes, très-considérables & fort profondes ; savoir l'une située à la partie moyenne & antérieure de la cuisse droite, & l'autre à la partie moyenne & postérieure de la même cuisse, pareille à la précédente, que ledit blessé nous a dit être les vestiges d'un coup de mousquet, traversant la cuisse de part en part, & fracturant l'os dans son passage ; laquelle plaie nous a paru très-bien guérie, & avoir été très-sagement traitée ; ensorte que bien loin que le blessé ait lieu de se plaindre de la claudication à laquelle il est réduit, au contraire, nous l'estimons fort heureux que sa cuisse ait pû lui être conservée après une si terrible blessure. Sur quoi nous étant appliqués à l'examen du mémoire qui nous a été mis ès mains par ledit sieur B... & après avoir pesé juridiquement sur les soins, sujétions & assiduités qu'il a été obligé de rendre audit blessé pendant plus de sept mois, tant en la ville d'Ath, qu'en cette ville de Paris, nous estimons que bien que la somme de 1200 liv. demandée par ledit sieur B... ne soit pas exorbitante par rapport à un traitement aussi considérable, & à son heureux succès, il doit néanmoins se contenter de celle de 800 l. attendu qu'il nous est notoire que les biens dudit sieur T... ne répondent pas tout-à-fait à sa qualité & à sa naissance. Fait à Paris le 16 dudit mois & an.

Rapport fait par des matrones de leur visite d'une fille de trente ans qui avoit été forcée & violée. Nous Marie Mirau, Christophlette Reine, & Jeanne Portepoulet, matrones jurées de la ville de Paris, certifions à tous qu'il appartiendra, que le 22e jour d'Octobre de l'année présente 1672, par l'ordonnance de M. le prevôt de Paris, en date du 15 de cedit mois, nous nous sommes transportés dans la rue de Pompierre, en la maison qui est située à l'occident de celle où l'écu d'argent pend pour enseigne, une petite rue entre deux, où nous avons vû & visité Olive Tisserand, âgée de trente ans ou environ, sur la plainte par elle faite en justice contre Jacques Mudont, bourgeois de la ville de la Roche-sur-Mer, duquel elle a dit avoir été forcée & violée.

Le tout vû & visité au doigt & à l'oeil, nous avons trouvé qu'elle a les toutons dévoyés, c'est-à-dire la gorge flétrie ; les barbes froissées, c'est-à-dire l'os pubis ; le lippion recoquillé, c'est-à-dire le poil ; l'entrepet ridé, c'est-à-dire le périnée ; le pouvant débiffé, c'est-à-dire la nature de la femme qui peut tout ; les balunaux pendans, c'est-à-dire les levres ; le lippendis pelé, c'est-à-dire le bord des levres ; les baboles abattues, c'est-à-dire les nymphes ; les halerons démis, c'est-à-dire les caroncules ; l'entrechenat retourné, c'est-à-dire les membranes qui lient les caroncules les unes aux autres ; le barbideau écorché, c'est-à-dire le clitoris ; le guilboquet fendu, c'est-à-dire le cou de la matrice ; le guillenard élargi, c'est-à-dire le cou de la pudeur ; la dame du milieu retirée, c'est-à-dire l'hymen ; l'arriere-fosse ouverte, c'est-à-dire l'orifice interne de la matrice. Le tout vû & visité feuillet par feuillet, nous avons trouvé qu'il y avoit trace de... &c. Et ainsi nous dites matrones, certifions être vrai à vous M. le prevôt, au serment qu'avons fait à ladite ville. Fait à Paris le 23 Octobre 1672.

Ce rapport de matrones avec l'explication des termes ici transcrite, est tiré du tableau de l'amour du sieur Nicolas Venette, médecin. On l'a copié sur le dictionnaire de Trévoux.

Rapport de la visite d'une fille de dix ans, qui avoit été violée, & qui avoit en même-tems contracté la vérole. Rapporté par nous chirurgiens du roi, en sa cour de parlement, maître chirurgien juré à Paris, & maîtresse sage-femme jurée en titre d'office au châtelet de ladite ville, qu'en vertu d'une requête répondue par M. le lieutenant-criminel, en date du 27 Septembre dernier, laquelle ordonne que M. A. L. C. âgée de dix ans, fille de Joseph L. C. joueur d'instrumens, & de R. N. sa femme, sera par nous vue & visitée, nous nous sommes à cet effet assemblés en la maison de J. B. l'un de nous, auquel lieu ladite M. A. L. C. nous a été amenée par son pere ; lequel, avant qu'on procédât à la visite en question, nous a dit que sadite fille avoit été violée il y a six mois ou environ, & que deux mois après ladite violence, il lui avoit paru des pustules en différentes parties de son corps, accompagnées d'une inflammation douloureuse au pharynx, & d'une grande douleur de tête. Sur quoi l'ayant visitée en tout son corps, nous avons remarqué à sa vulve les vestiges d'une contusion & d'un écartement, qui ont procédé de l'intromission que l'on a faite en cette partie, que nous avons trouvée toute humectée du suintement des glandes vaginales. De plus, nous avons remarqué à ladite fille une inflammation ulcéreuse, & un gonflement sensible aux glandes du gosier, nommées amygdales, & quantité de pustules plates & farineuses à la tête, aux bras, aux cuisses, & en d'autres endroits de son corps, qui nous ont paru d'un mauvais caractere, & participer de virulence vénérienne. Enfin ladite M. A. L. C. ayant été interrogée par nous de ce qu'elle ressentoit en tout son corps, elle s'est plainte de ressentir des douleurs continuelles à la gorge & à la tête depuis quinze jours, & principalement la nuit ; ce qui nous a déterminés à déclarer qu'elle a besoin d'être incessamment traitée de la maladie vénérienne dans toutes les formes. Fait à Paris ce 9 jour du mois d'Octobre 1698.

Rapport au sujet d'un enfant étouffé. Nous médecin & chirurgien du roi en son châtelet de Paris, soussignés, certifions que cejourd'hui 21 Décembre 1689, en vertu de l'ordonnance de M. le lieutenant-criminel, nous nous sommes transportés en la rue des Rosiers, quartier S. Antoine, où est demeurant Josse Frocheux, maître cordonnier à Paris, pour voir & visiter le corps de Crépinian Frocheux, son fils, âgé de huit à neuf mois, décédé la nuit derniere, duquel nous avons trouvé la face de couleur violette & pourprée, la bouche & le nez couverts d'écume, & après l'ouverture que nous en avons faite, les poumons pleins d'un air écumeux. Pour raison de quoi, & de la bonne disposition de toutes les autres parties de son corps tant intérieures qu'extérieures, nous avons jugé qu'il a été étouffé & suffoqué par quelque personne endormie, par quelque animal qui s'est couché sur son visage, ou de quelqu'autre maniere à-peu-près semblable, qui ne peut nous être connue ; & nous avons été en quelque façon confirmés dans ce jugement par plusieurs personnes présentes à ladite visite, qui nous ont assuré que ledit enfant étoit le jour précédent en parfaite santé. Fait à Paris, &c.

Rapport concernant un corps mort de la foudre. Rapporté par moi maître chirurgien juré au bourg de Lonjumeau, qu'en vertu de l'ordonnance de M. le prevôt au siege dudit bourg, j'ai vu & visité le corps de feu Martin Josier, dit la Vallée, âgé de 40 ans ou environ, étant au service du sieur Bertrand Vaugire, receveur de la terre & marquisat de Chilly, en qualité d'un de ses charretiers ; auquel j'ai d'abord observé qu'il exhaloit de son cadavre une odeur sulphureuse, & je lui ai ensuite apperçu sur le haut de la tête un endroit plus froid que le reste du corps, ce qui m'ayant porté à examiner plus soigneusement ledit endroit, j'y ai trouvé nombre de poils brûlés & réduits en poussiere de la largeur d'un écu, & audessous une petite ouverture de figure ronde entourée d'un cercle noir ci, pénétrante comme une escare dans toute l'épaisseur des tégumens ; puis ayant introduit ma sonde dans cette ouverture, j'ai trouvé le crâne perforé dans toute son épaisseur, & ma sonde ne rencontroit aucun obstacle à pénétrer dans le vuide selon toute sa longueur ; sur quoi, aprés avoir dilaté les tégumens, j'ai connu que le crâne étoit percé sur le milieu de la suture sagittale. Après cela j'ai scié le crâne, & j'ai reconnu que tant la dure & la pie mere, que toute la substance du cerveau étoient dissoutes en forme de bouillie délayée dans une liqueur noire. Enfin, examinant la base du crâne, j'ai apperçu un trou se glissant obliquement de la selle de l'os sphénoïde vers l'os du palais, que j'ai trouvé percé du côté droit, & deux dents canines brisées en menues parties, & le muscle orbiculaire des levres tout noir & corrompu en-dedans. Toutes lesquelles observations font voir clairement que ledit Josier a été frappé de la foudre, qui lui ayant percé le crâne de part en part, est sortie par la bouche, pendant l'orage qu'il a fait ce matin. Fait au bourg de Lonjumeau, le 26 Juin 1680.

Rapport concernant deux garçons rôtisseurs, l'un trouvé mort, & l'autre fort malade de la vapeur du charbon. Rapporté par moi maître chirurgien juré à Paris, que ce 16 Janvier 1681, j'ai été mandé avec empressement, à cinq heures du matin, en la rue aux Ours, dans une maison où est demeurant le sieur L. maître rôtisseur à Paris, auquel lieu j'ai été conduit au cinquieme étage dans un petit réduit fermé de planches, où étoient gissans les nommés Olivier Graville & Jacques Usart, deux des garçons dudit sieur L. que j'ai trouvés ayant la face de couleur plombée, sans pouls, sans mouvement, sans parole, & avec une froideur universelle ; & comme je me suis d'abord apperçu que la fumée du charbon les avoit réduits en cet état par la mauvaise odeur dont ce petit lieu étoit encore infecté, j'en ai fait promtement tirer l'un d'eux, qui est ledit Jacques Usart, en qui j'ai remarqué quelques signes de vie par un battement fort obscur que je lui ai senti à l'endroit du coeur, ledit Olivier étant mort sans ressource. Or pour secourir ledit Usart encore vivant, je lui ai ouvert la bouche avec un instrument convenable, je lui ai fait avaler un vomitif, & je lui ai soufflé dans les narines de la poudre d'euphorbe pour lui exciter l'éternuement ; lesquels remedes ayant opéré, ledit Usart a ouvert les yeux & recouvré la parole, se plaignant d'une grande pesanteur de tête, & d'une extrême lassitude & foiblesse. Après quoi j'ai conseillé audit sieur L. de faire appeller son médecin pour ordonner au malade en question les autres remedes dont il a besoin pour être parfaitement rétabli. Fait à Paris, &c.

Rapport de visite du cadavre d'une femme qui s'étoit défaite elle-même par suspension. Nous médecin & chirurgien du roi en son châtelet de Paris, soussignés, certifions que sur le requisitoire de M. le commissaire M... nous nous sommes transportés, rue du Monceau S. Gervais, vis-à-vis le grand portail de S. Jean en Greve, à la premiere chambre d'une maison où pend pour enseigne la corne de cerf ; auquel lieu, en présence dudit sieur commissaire & du sieur Bon de Billy l'un des chirurgiens du nouveau châtelet, nous avons visité le cadavre d'une femme qui étoit âgée d'environ 65 à 70 ans, ayant la langue noire, épaisse, & sortant un peu hors de la bouche avec un excrément gluant, rougeâtre & visqueux, venant tant de la bouche que du nez, lequel cadavre on nous a dit être celui de N. D. veuve du nommé T. maître couvreur à Paris. Nous avons trouvé ledit cadavre droit, l'extrêmité des piés à fleur de terre, & attaché par le cou à une solive qui sert de soutien à une soupente, par le moyen d'un cordon composé de deux rubans de fil de différente étendue, l'un large d'un pouce, & l'autre plus étroit, faisant les deux ensemble plus de six aulnes de longueur, avec un gros noeud composé de plusieurs, lequel cordon pendant en bas, formoit une anse qui passoit entre le menton & le larynx par-dessous les angles de la mâchoire inférieure, & entre les oreilles & les apophyses mastoïdes, & par-derriere sur les parties moyennes & latérales de l'occiput, ayant fait une profonde impression à toutes ces parties, & notamment au-dessous de la symphise du menton, ou étoit le noeud qui unissoit tous les bouts du licou, au-dessous duquel étoit encore une autre petite corde faisant six tours autour du cou sans le comprimer. Desorte qu'ayant examiné toutes les circonstances ci-dessus énoncées, aussi bien que celles qui sont insérées au procès-verbal dudit sieur commissaire, & après avoir examiné toutes les parties dudit cadavre, tant intérieures, qu'extérieures, les unes aprés les autres, nous avons reconnu que la seule cause de la mort de cette femme a été celle du licou qu'elle s'étoit elle-même préparé, selon toutes les apparences. Fait à Paris, le 7 Mars 1690.

Certificat pour un religieux prêtre, tendant à obtenir en cour de Rome la permission de continuer à dire la messe. Nous soussignés, maîtres chirurgiens à Paris, certifions à tous qu'il appartiendra, qu'au mois de Juillet dernier, & pendant une partie de celui d'Août suivant, nous avons pansé le R. P. Raymond, prêtre, religieux du tiers-ordre de S. François, au couvent de Picpusse, de son pouce droit, brisé & dilacéré par la détente du ressort du gros horloge de la maison, dans les roues duquel cette partie se trouva embarrassée, & que nous fumes obligés de lui extirper cet organe à l'heure même dans la jointure de la premiere phalange avec l'os du métacarpe, étant impossible de le lui conserver ; ce qui n'empêche pas néanmoins qu'il ne soit parfaitement guéri de cette amputation, que les autres quatre doigts de sadite main ne fassent leur action à l'ordinaire, & ne suppléent par conséquent en quelque maniere au défaut du pouce dont il est privé, au moyen de quoi il est encore en état de satisfaire pleinement à la plûpart des fonctions sacerdotales, & notamment à celle de célebrer la sainte-messe. En foi de quoi nous avons signé le présent certificat pour valoir ce que de raison. Fait à Paris, ce 17 Septembre 1696.

Rapports de corps morts. Premier rapport de l'ouverture du corps de Charles IX. L'an 1574, le 14 avant les calendes de Juin, à quatre heures après midi, l'on fit l'ouverture du corps de Charles IX. très-chrétien, roi de France.

Dans laquelle on apperçut & observa ce qui suit : tout le parenchyme du foie se trouva exangue & desséché ; & les extrêmités de ses lobes vers les parties concaves tendantes à noirceur : la vésicule du foie dénuée de bile, affaissée sur elle-même & un peu noirâtre. La rate étoit sans aucun vice ; il en étoit de même de l'estomac, dont le pylore étoit dans toute son intégrité. L'intestin colon étoit teint de jaune, & d'ailleurs dans son état naturel. L'épiploon étoit d'une mauvaise couleur, exténué à l'excès, brisé en partie, & sans aucune graisse. Les deux reins, la vessie de l'urine, & les ureteres n'avoient contracté aucun vice.

Le coeur étoit flasque, & comme tabide ; & il ne se trouva, contre l'ordinaire, aucune humidité renfermée dans le péricarde. Le poumon gauche étoit tellement adhérent aux côtes, jusqu'aux clavicules, contre l'ordre naturel, qu'on ne put l'en détacher sans le rompre & le déchirer, & sa substance étoit toute pourrie, dans laquelle il s'étoit formé une vomique dont la rupture fournit une excrétion purulente, putride & de très-mauvaise odeur, & en si grande quantité qu'elle regorgeoit par l'âpre artere, laquelle purulence ayant intercepté la respiration, avoit causé à ce monarque une mort soudaine.

Le poumon droit étoit sans adhérence, ayant néanmoins plus de volume qu'il n'en auroit dû avoir naturellement ; & il étoit rempli dans sa partie supérieure d'une humeur pituiteuse, muqueuse & écumeuse, qui tenoit beaucoup de la purulence. Le cerveau étoit parfaitement sain.

Second rapport de l'ouverture du corps mort d'Henri III. Nous, soussignés, conseillers-médecins & chirurgiens ordinaires du roi, certifions que le jour d'hier mercredi de ce présent mois d'Août 1589, environ les dix heures du matin, suivant l'ordonnance de M. le grand-prevôt de France & hôtel du roi, nous avons vu & diligemment visité le corps mort de défunt de très-heureuse mémoire & très-chrétien Henri III. vivant, roi de France & de Pologne, lequel étoit décédé le même jour, environ les trois heures après minuit, à cause de la plaie qu'il reçut de la pointe d'un couteau au ventre inférieur, au-dessous du nombril, partie dextre, le mardi précédent, sur les huit ou neuf heures du matin, & à raison des accidens qui survinrent à sa majesté très-chrétienne si-tôt après icelle plaie reçue, de laquelle & accidens susdits reçus, nous avons fait plus ample rapport à justice.

Et pour avoir plus ample connoissance de la profondeur de ladite plaie & des parties intérieures offensées, nous avons fait ouverture dudit ventre inférieur avec la poitrine & la tête. Après diligente visitation de toutes les parties contenues au ventre inférieur, nous avons trouvé une portion de l'intestin grêle, nommé ilion, percée d'outre en outre, selon la largeur du couteau, de la grandeur d'un pié, qui nous a été représenté saigneux plus de quatre doigts, revenant à l'endroit de la plaie extérieure ; & préfondant plus avant, ayant vuidé une très-grande quantité de sang répandu par cette capacité, avec gros thrombus ou caillots de sang, nous avons aussi vu le mésentere percé en deux divers lieux, avec incision des veines & artères.

Toutes les parties nobles, les naturelles & animales contenues en la poitrine, étoient bien disposées, &, suivant l'âge, bien tempérées, & sans aucune lésion, ni vice, excepté que toutes les susdites parties, comme aussi les veines & arteres tant grosses que petites, étoient exangues & vuides de sang, lequel étoit très-abondamment sorti hors par ces plaies internes, principalement du mésentere, & retenu dedans ladite capacité, comme en un lieu étranger & contre la nature, à raison de quoi la mort de nécessité, & en l'espace d'environ dix-huit heures, est advenue à sa majesté très-chrétienne, étant précédée de fréquentes foiblesses, douleurs extrêmes, suffocations, nausées, fievre continue, altération, soif intolérable, avec de très-grandes inquiétudes, lesquelles indispositions commencerent un peu après le coup donné, & continuerent ordinairement jusqu'au parfait & final syncope de la mort, laquelle, pour les raisons & accidens susdits, quelque diligence qu'on y eût pû apporter, étoit inévitable. Fait, sous nos seings manuels, au camp de S. Cloud près Paris, le jeudi matin 3 d'Août 1589.

Troisieme rapport de l'ouverture du corps mort d'Henri IV. S'est trouvé par les médecins & chirurgiens soussignés ce qui suit :

Une plaie au côté gauche, entre l'aisselle & la mamelle, sur la deuxieme & troisieme côte d'enhaut, d'entrée du travers d'un doigt, coulant sur le muscle pectoral vers ladite mamelle, de la longueur de quatre doigts, sans pénétrer au-dedans de la poitrine.

L'autre plaie au plus bas lieu, entre la cinquieme & sixieme côte au milieu du même côté, d'entrée de deux travers de doigt, pénétrant la poitrine, & perçant l'un des lobes du poumon gauche, & de-là coupant le tronc de l'artere veineuse, à y mettre le petit doigt, un peu au-dessus de l'oreille gauche du coeur. De cet endroit l'un & l'autre poumon a tiré le sang, qu'il a jetté à flots par la bouche, & du sur plus se sont tellement remplis, qu'ils s'en sont trouvés tout noirs comme d'une échymose.

Il s'est trouvé aussi quantité de sang caillé en la cavité de ladite poitrine, & quelque peu au ventricule droit du coeur, lequel ensemble les grands vaisseaux qui en sortent, étoient tout affaissés de l'évacuation, & la veine cave au droit du coup fort près du coeur, a paru noircie de la contusion faite par la pointe du couteau. Pourquoi tous ont jugé que cette plaie étoit seule & nécessaire cause de la mort.

Toutes les autres parties du corps se sont trouvées fort entieres & saines, comme tout le corps étoit de très-bonne température & de très-belle structure. Fait à Paris.

On ne lit point ce dernier rapport sans émotion, parce que l'imagination ne peut ici séparer la nature de la plaie de la personne dont elle causa nécessairement la mort, c'est-à-dire du meilleur & du plus grand roi qu'ait eu la France ; le vainqueur & le pere de son peuple cependant cruellement assassiné par un horrible parricide dans sa capitale, & au milieu de ses sujets qui l'adoroient.

Comme la matiere des rapports est très-importante en elle-même & au bien public, on a cru devoir la traiter avec étendue ; & pour ne rien obmettre, on pense qu'il est bon d'indiquer les principaux auteurs qu'on peut consulter dans l'occasion.

Auteurs sur les rapports. Ammanus (Paulus) Medicina critica, sive decisoria. Lips. 1677, in-4°.

Blegni (Nicolas), la doctrine des rapports en Chirurgie. Lyon, 1684, in-12. premiere édition.

Bohnius (Joan.), de renunciatione vulnerum, Lips. 1689, in-4 °. & 1711, in-4°. Amstelod. 1732.

Codronchius (Bapt.), Methodus certificandi. Imoli. 1597. C'est le premier livre imprimé sur les rapports ; mais l'auteur, dans son ouvrage, ne respire que la philosophie d'Aristote.

Dencherus, de vulneris inspectione post homicidium, Helmstadii, 1727, in-4 °.

Feltmannus (Gerhaldus), de cadavere inspiciendo, Bremae, 1692, in-4 °.

Fidelis (Fortunatus), italien, de relationibus Medicorum, lib. IV. Venet. 1617, in-4 °. Lips. 1674, in-8 °. bonne édition. Cet ouvrage concerne sur-tout les rapports politiques ; & l'auteur est assez exact, quoique trop attaché aux opinions des anciens.

Gendry, maître chirurgien d'Angers, les moyens de bien rapporter en justice. Angers, 1650, in-12. livre tombé dans l'oubli.

Paré (Ambroise) a traité dans ses oeuvres la matiere des rapports.

Reinesius (Thomas), schola Jurisconsultorum medica. Lips. 1679, in-8 °.

Sebizius (Melchior), examen vulnerum corporis humani partium, Argentorati, 1639, in-4 °. Il y a beaucoup de recherches anatomiques dans cet ouvrage.

Suevus (Bernardus), tractatus de inspectione vulnerum laethalium & sanabilium. Marpurgi, 1629, in-4 °.

Techmeyeri (Hermanni-Friderici), Institutiones medico-legales, Jenae, 1723, in-4 °.

Valentini (Michael-Bernardi), Pandectae medico-legales, Francof. ad Maenum, 1701, deux vol. in-4°.

De Vaux, l'art de faire des rapports en Chirurgie, Paris, 1693, 1730 & 1743, in-12. C'est un excellent livre, le plus simple, le plus sage, &, en son genre, le meilleur de tous.

Welschius (Gotofred.), Rectionale vulnerum laethalium judicium. Lipsiae, 1662, in-8 °. 1674, in-4 °.

Zacchias (Paulus), romanus, Quaestiones medico-legales, Avenione, 1660, in-fol. tome premier. Lugd. 1661, tome second, in-fol. & plusieurs fois réimprimé depuis ; c'est un auteur fort connu. (D.J.)

RAPPORT, en terme de commerce de mer, signifie une déclaration que le maître d'un vaisseau marchand doit faire à l'amirauté, vingt-quatre heures après son arrivée dans le port, par laquelle il énonce le lieu d'où il est parti, le tems de son départ, en quoi consiste le chargement de son navire ; les hasards qu'il a courus ; les désordres arrivés dans son bord, & enfin toutes les circonstances essentielles de son voyage, & représenter en même-tems le congé qu'il a eu de l'amiral pour aller en mer.

Les capitaines des vaisseaux armés en guerre sont tenus de se conformer à la même police pour les prises qu'ils font : les droits de ces rapports se payent aux greffes des amirautés, qui pour les recevoir doivent être ouverts en tout tems depuis huit heures jusqu'à onze heures du matin, & depuis deux heures après midi jusqu'à six. Diction. de Commerce.

RAPPORT, ouvrage de, (Ebénisterie) on appelle ouvrages de rapport, des ouvrages faits de plusieurs pierres, ou de bois, de différentes couleurs, dont on forme des desseins & des représentations de compartimens d'oiseaux, de feuillage, & même de figures humaines ; la mosaïque & la marqueterie sont des ouvrages de rapport. (D.J.)


RAPPORTERv. act. (Grammaire) ce verbe a toutes les acceptions du substantif rapport ; voyez l'article RAPPORT. On dit, j'ai renvoyé ces présens, on me les a rapportés : ce chien rapporte-t-il ? ce mets me cause des rapports : on s'est appliqué à les choquer par de faux rapports : les chirurgiens ont fait un rapport : cette affaire a été rapportée au conseil : vous serez obligé de rapporter à la succession : les voyageurs rapportent que dans plusieurs contrées on offre l'usage de sa femme, de sa fille aux étrangers qui y abordent : je m'en rapporte à votre jugement : ces deux relations se rapportent : ces deux mots ne se rapportent pas : il faut rapporter toutes ses actions à quelque fin honnête : malheur à celui qui rapporte tout à son propre intérêt : Alexandre eut la sotte vanité de rapporter son origine aux dieux : vous ne rapporterez de cette entreprise ni honneur ni profit : combien votre argent vous rapporte-t-il ? cette terre n'est pas de bon rapport : ces arbres, ces sortes d'emplois sont d'un petit rapport.

RAPPORTER, signifie, dans l'Arpentage, l'action de tracer sur le papier, par le moyen d'un rapporteur, les mesures que l'on a prises sur le terrein.

L'art de rapporter est, pour-ainsi-dire, la moitié de l'arpentage. Voyez ARPENTAGE.

L'aiguille dont on se sert pour cette opération est une aiguille très-fine, dont une des extrêmités est enfoncée dans un manche pour la commodité de l'opération, & dont on se sert pour piquer les degrés & les minutes qu'on veut prendre sur le limbe du rapporteur. Voyez RAPPORTEUR. (E)

RAPPORTER, au jeu de Mail, signifie remettre sa boule à cinquante pas de la passe quand on la lui a fait passer en moins de coups qu'on n'est convenu d'en jouer.


RAPPORTEURS. m. (Géom.) est un instrument dont les Arpenteurs se servent, & par le moyen duquel ils rapportent & tracent sur le papier les angles qu'ils ont pris sur le terrein avec le demi-cercle, le graphometre ou l'équerre d'arpenteur. Voyez LEVER UN PLAN.

Le rapporteur consiste en un limbe demi-circulaire B A G (Planche de l'arpentage fig. 29.) qui est de cuivre, d'argent, de corne, ou de quelque autre matiere semblable. Ce limbe est divisé en 180 degrés, & terminé par le diamêtre B A, au milieu duquel il y a une petite entaille ou levre, appellée le centre du rapporteur.

Sur le limbe du rapporteur on écrit aussi quelquefois les nombres qui désignent les angles au centre des polygones réguliers : ainsi vis-à-vis le nombre 5, qui marque les côtés du pentagone, on trouve 72, qui est l'angle au centre du pentagone. Voyez POLYGONE.

Usage du rapporteur. 1. Pour tracer sur le papier un angle d'un nombre de degrés donnés. Supposons, par exemple, qu'il s'agisse de tirer du point o une ligne qui fasse un angle de 50 degrés avec la ligne A o B : mettez le centre du rapporteur sur le point o, & son diamêtre sur la ligne A o B. Faites ensuite un point sur le papier vis-à-vis de l'endroit où sont marqués 50 degrés sur le limbe du rapporteur ; par ce point & par le point o tirez une ligne o P, cette ligne fera avec A o B l'angle proposé de 50 degrés.

2. Pour trouver la quantité d'un angle donné ; par exemple le nombre de degrés que contient l'angle P o A, mettez le centre du rapporteur sur le sommet de l'angle o, & son diamêtre sur la ligne o A, l'endroit où le timbre sera coupé par la ligne o P marquera le nombre de degrés que contient l'angle P o A, c'est-à-dire 50.

3. Pour inscrire dans un cercle un polygone régulier quelconque, par exemple un pentagone, mettez le centre & le diamêtre du rapporteur sur le centre & sur un diamêtre du cercle proposé ; & marquez sur le cercle un point vis-à-vis le nombre de degrés que doit avoir l'angle au centre du polygone, qui est, dans ce cas-ci, 72. Par cette marque & par le centre du cercle tirez une ligne qui coupe la circonférence. Du point d'intersection de cette ligne au point où le diamêtre du rapporteur coupe la circonférence, tirez une ligne droite ou corde du cercle. Cette ligne sera le côté du pentagone, dont on prendra ensuite la longueur avec le compas, pour la porter tout-autour de la circonférence ; on aura ainsi les points par où doit passer le polygone inscrit, & il n'y aura plus qu'à joindre ces points par des lignes droites pour achever de décrire le polygone. Voyez POLYGONE.

4. Pour décrire sur une ligne donnée un polygone proposé, par exemple un octogone, ôtez de 180 degrés l'angle au centre du polygone, qui est ici 45d. il restera 135 pour l'angle que font entr'eux deux côtés consécutifs de l'octogone cherché ; & la moitié de cet angle est 67 1/2 ; mettant donc le diamêtre du rapporteur sur la ligne donnée, de maniere que son centre soit sur une des extrêmités de cette ligne, vous marquerez un point vis-à-vis de 67d 1/2, & par ce point & le centre du rapporteur vous tirerez une ligne droite. Vous ferez la même chose à l'autre extrêmité de la ligne donnée, en y mettant le centre du rapporteur ; le point où se couperont les deux droites tirées par les deux extrêmités de la ligne donnée, sera le centre du cercle qui doit être circonscrit à l'octogone ; décrivant donc ce cercle, & portant huit fois sur sa circonférence la longueur de la ligne donnée, on n'aura plus qu'à joindre tous les points qu'on aura marqués, pour avoir l'octogone entier.

Le rapporteur perfectionné est un instrument fort semblable au précédent, excepté qu'il contient un peu plus de lignes, moyennant quoi on peut aller jusqu'à prendre des angles composés de degrés & de minutes, ce qui est impraticable avec le rapporteur simple. (E)

RAPPORTEUR, ou outil à placer les roues de rencontre, (Horlogerie) c'est un instrument (voyez les Pl. & les fig. de l'Horlogerie) dont les Horlogers se servent pour les trous de la roue de rencontre, à-peu-près comme ils employent l'outil à rapporter des trous ; on l'employe pour prendre l'élévation de certains points ou trous au-dessus des platines. Il est composé de trois pieces ; 1°. de la piece m p mobile autour du point m, du ressort r qui la pousse continuellement vers le bout B de la vis V, & de cette vis au moyen de laquelle on la fait élever ou baisser à volonté. Il doit y avoir de plus dans l'entaille E une petite partie adaptée fixement en croix avec l'instrument, afin que lorsque l'on le serre sur la platine, il ne puisse bercer dans aucun sens. Voici comme on s'en sert, on le présente sur la platine & on voit si la pointe p donne précisément dans le trou de la roue de rencontre qu'on veut boucher : si elle n'y donne pas, & qu'elle donne plus haut, on l'abaisse un peu au moyen de la vis v, jusqu'à ce qu'elle donne précisément dedans ; ensuite on serre la vis s pour que cette hauteur ne change point. Le trou étant bouché, on représente de nouveau l'instrument & on le traîne un peu sur la platine, en faisant porter la pointe p contre l'endroit où étoit le trou ; alors elle marque un petit trait qui détermine la hauteur du trou.

RAPPORTEUR, (Barreau) Voyez RAPPORT, Barreau. J'ajouterai seulement que l'office d'un rapporteur exige qu'il mette de l'ordre dans les preuves, de la clarté dans les informations, de la précision dans la récapitulation, & des motifs dans son avis ; tout le reste auroit un air d'affectation, d'envie de briller, de légereté, d'inattention, de précipitation, ou de vaine gloire. (D.J.)


RAPPORTONS. m. terme de Maçon ; masse de pierres propre à fendre en ardoise ; on l'appelle autrement calot.


RAPPRENDREv. act. (Gramm.) c'est apprendre derechef, ce que l'on a su & oublié. On rapprend un discours, un poëme, un rôle. On rapprend un air sur le clavessin ; on rapprend à chanter, à danser, à tirer des armes, à jouer d'un instrument. On ne rapprend guere a être honnête homme.


RAPPROCHERv. act. (Gramm.) c'est diminuer l'éloignement qui sépare deux choses ; il se dit au simple & au figuré. On rapproche un corps d'un autre ; on se rapproche de quelqu'un ; on se rapproche de l'église, &c.

RAPPROCHER, terme de Jardinier ; il se dit des arbres ; c'est raccourcir les branches des arbres qui s'ouvrent trop, ou les branches qui ayant été laissées trop longues ou trop étendues, sont en espalier ou en buisson, & causent un désagrément dans l'arbre, en y rendant vuide un endroit qui doit être garni ; les branches raccourcies en produisent de nouvelles à leur extrêmité, qui rendent l'arbre plus fourni. (D.J.)

RAPPROCHER, terme de Vénerie ; rapprocher un cerf ou le pour chasser, c'est faire aller les chiens doucement, tenir la voie d'une bête qui est passée deux ou trois heures auparavant. Ce mot veut dire aussi aller querir une bête fortlongée.


RAPSA(Géog. anc.) il y a deux villes de ce nom. La premiere, ville de la Médie, étoit dans les terres, selon Ptolémée, liv. VI. ch. ij. qui la place entre Gerepa & Audriaca. La seconde étoit une ville de l'Afrique intérieure. Pline, liv. V. c. v. la met au nombre des villes qui furent subjuguées par Cornelius Balbus. (D.J.)


RAPSODEvoyez RHAPSODE.


RAPSODOMANTIEvoyez RHAPSODOMANTIE.


RAPTRAVISSEMENT, (Synon.) ces mots signifient enlévement violent & forcé ; on dit mieux le rapt de Ganymede fut fait par un aigle, que le ravissement de Ganymede ; cependant, on dit indifféremment le ravissement d'Helene, des Sabines, de Proserpine, ou le rapt d'Helene, des Sabines, de Proserpine ; mais en jurisprudence on dit rapt sans génitif ; il a été convaincu de rapt, le crime de rapt est capital, & l'ordonnance en France s'étend aux filles comme aux garçons. (D.J.)

RAPT, (Jurisprud.) est l'enlévement que quelqu'un fait de son autorité privée, d'une personne qu'il conduit ou fait conduire & detenir dans un lieu autre que celui où elle faisoit sa demeure ordinaire, soit dans la vue de corrompre cette personne, ou de l'épouser, ou de lui faire contracter quelqu'autre engagement.

Ce crime se commet en enlevant une fille, une femme ou une veuve de la maison de son pere, de son mari ou de la sienne propre, ou de celle de son tuteur ou curateur, ou même de tout autre endroit, ou en enlevant une religieuse de son couvent.

C'est aussi un rapt que d'enlever un mineur ou un fils de famille que l'on soustrait à la puissance de ses pere, mere, tuteur ou curateur, pour lui faire contracter mariage à l'insçu & sans le consentement de ceux à la prudence desquels il est soumis.

On distingue deux sortes de rapt : l'un qui se fait par violence & malgré la personne ravie, & celui-là est le rapt proprement dit ; l'autre qu'on appelle rapt de séduction, est celui qui se fait sans aucune résistance de la part de la personne ravie, & qui a lieu lorsque par artifice, promesses ou autrement, on séduit des fils ou filles mineurs & qu'on les fait consentir à leur enlevement ; on l'appelle aussi raptus in parentes, parce qu'il se commet contre le gré des parens ; ce rapt fut puni par Solon encore plus sévérement que celui qui auroit été commis par violence.

L'enlevement des filles & femmes a toujours été suivi de grands malheurs, & a même souvent occasionné des guerres sanglantes ; tel fut l'enlevement de Dina, fille de Jacob, qui porta Siméon & Lévi ses freres à massacrer les Sichimites ; tel fut encore l'enlevement de la belle Hélene qui fut cause de la destruction de Troye.

Il y avoit une loi à Athènes que quelques-uns attribuent à Solon, d'autres à Dracon, qui condamnoit le ravisseur à épouser celle qu'il avoit ravie, ou à subir la mort.

Les Romains furent d'abord peu délicats sur le rapt, témoin l'enlevement des Sabines. Dans la suite ils établirent des peines, mais assez légeres pour un si grand crime. La loi Julia de vi publicâ, au ff. ne prononçoit que l'interdiction de l'eau & du feu, à laquelle succéda la déportation.

Ces peines furent changées & augmentées dans la suite, à mesure que le crime de rapt devint plus fréquent. On peut voir dans le Code théodosien les constitutions faites sur ce sujet par les empereurs Constantin, Constance, Majorien & Jovien.

Justinien a refondu toutes ces lois dans la loi unique, au code de raptu virginum & viduarum ; il ordonne par cette loi que tous les ravisseurs des vierges ou femmes mariées seront, ainsi que leurs complices, punis de mort & leurs biens confisqués, lorsque les personnes ravies étoient de condition libre ; & si le ravisseur étoit de condition servile, il y avoit contre lui peine du feu : il déclare que le consentement de la personne ravie, ni celui de ses pere & mere, donné depuis l'enlevement, ne pourront exempter le ravisseur de cette peine ; que les pere & mere qui dans ce cas garderont le silence, ou qui s'accommoderont à prix d'argent, subiront eux-mêmes la peine de la déportation : il permet aux pere & mere, tuteurs & curateurs, freres & soeurs, maîtres & parens de la personne ravie, de tuer le ravisseur & ses complices qu'ils surprendroient dans l'acte même de l'enlevement ou dans leur fuite ; il ne veut pas que le ravisseur puisse s'aider de la prescription ni de la voie de l'appel, ni qu'il puisse jamais épouser la personne ravie quand même elle ou ses parens y consentiroient.

La loi raptores cod. de episcop. & cleric. qui concerne le rapt des religieuses & des diaconesses, porte qu'outre la peine de mort les biens seront confisqués au profit du monastere des religieuses ou de l'église à laquelle la personne ravie étoit attachée ; elle permet aussi au pere & autres parens, tuteurs & curateurs de tuer le ravisseur surpris en flagrant délit.

La novelle 123. prononce la même peine de mort contre le ravisseur & ses complices, soit que la religieuse ait consenti ou non ; & au cas qu'elle ait consenti, la loi veut qu'elle soit punie sévérement par la supérieure du monastere.

Par rapport à la confiscation, les novelles 143 & 150. décident qu'elle appartiendra au fisc & non à la personne ravie, ni à ses parens qui s'en sont rendus indignes pour n'avoir pas veillé suffisamment à la garde de leurs enfans.

L'église, outre la peine de l'excommunication, défendoit autrefois au ravisseur de jamais épouser la personne ravie, même de son consentement.

Mais par le droit nouveau l'on a permis le mariage lorsque la fille ayant été remise en liberté, persiste à consentir au mariage.

Le concile de Trente ordonne la même chose, & veut de plus que le ravisseur dote la personne ravie à l'arbitrage du juge.

Les anciennes lois des Francs, telles que les lois gombettes & les lois saliques, ne prononçoient contre le ravisseur qu'une amende plus ou moins forte, selon les circonstances.

Mais les dernieres ordonnances ont avec raison prononcé des peines plus séveres.

Celle de Blois, art. 42, veut qu'en cas de rapt de filles ou fils mineurs qui sont attirés par blandices à épouser sans le gré & consentement de leurs pere & mere, le ravisseur soit puni de mort sans espérance de rémission & de pardon, & nonobstant tout consentement que les mineurs pourroient alléguer par après avoir donné audit rapt ; elle veut aussi que l'on procede extraordinairement contre tous ceux qui auront participé au rapt.

La déclaration du 26 Novembre 1639, veut pareillement que les ravisseurs de fils, filles ou veuves soient punis de mort & leurs complices, sans que cette peine puisse être modérée.

Elle déclare même les filles, veuves, mineures de vingt-cinq ans, qui après avoir été ravies contracteront mariage contre la teneur des ordonnances, notamment de celle de Blois, privées par le seul fait, & les enfans qui en naîtront, de toutes successions directes & collatérales, & de tous droits & avantages qui pourroient leur être acquis par mariage, testamens, dispositions de coutume, même de la légitime, voulant que le tout soit confisqué & employé en oeuvres pies.

Cette même loi déclare les mariages faits avec les ravisseurs pendant que la personne ravie est en leur possession, non-valablement contractés, sans qu'ils puissent être confirmés par le tems ni par le consentement des pere & mere, tuteurs & curateurs, & s'ils sont faits après que la personne ravie a été remise en liberté, ou qu'étant majeure elle ait donné un nouveau consentement pour le mariage, les enfans qui naîtront de ce mariage sont déclarés indignes & incapables de légitime & de toute succession, & les parens qui auroient favorisé ces mariages sont aussi déclarés incapables de succéder aux personnes ravies, & défenses sont faites à toutes personnes de solliciter pour eux des lettres de réhabilitation.

L'ordonnance de 1670 met le crime de rapt au nombre de ceux qui ne sont pas susceptibles de lettres de grace ; mais elle n'entend parler que de rapt fait par violence & non du rapt de séduction.

Toutes ces dispositions ont encore été confirmées par la déclaration du 22 Septembre 1710, par laquelle il est défendu d'exempter de la peine de mort le ravisseur qui consentoit d'épouser la personne ravie, comme cela se pratiquoit en Bretagne & dans quelques autres provinces.

Sur le rapt, voyez le décret de Gratien, de raptoribus ; le code théodosien & le code de Justinien, tit. de raptu virginum ; Julius Clarus, Fontanon, Papon, Despeisses, Gui Pape, & le traité des matieres criminelles de M. de Vouglans.


RAPTA(Géog. anc.) ville de l'Ethiopie, sous l'Egypte, située vraisemblablement sur le bord du fleuve Raptus. Arrien, dans son périple de la mer Rouge, dit que Rapta étoit le dernier entrepôt de l'Azanie (aujourd'hui Aïan) ; c'est là que ce navigateur finit sa course, en ajoutant qu'au-delà, l'Océan n'est pas trop bien connu, qu'il tourne vers le couchant, & qu'il va se mêler avec la mer occidentale, au sud de l'Ethiopie, de l'Afrique & de la Libye.

Ptolémée place la ville de Rapta, & le fleuve Raptus au 7e degré de latitude. On croit communément que le fleuve Raptus est la riviere de Zébée d'aujourd'hui, qui prend sa source assez près de la rade de Maleg (l'Astapus des anciens), & qui se jette dans la mer à Quilmanci, dans le royaume de Mélinde ; mais ne seroit-il pas plutôt la rade de Cuabo, dans le royaume de Quiloa ? Il semble que cela cadre beaucoup mieux avec la position que Ptolémée & M. Delisle lui-même donnent au cap Raptum, que le dernier de ces géographes place vers le 10e degré de latitude-sud.

Il est étonnant que M. Delisle ait placé la ville de Rapta, & l'embouchure du fleuve Raptus, 7 degrés au moins en-deçà du cap, c'est-à-dire, entre le 2e & le 3e degré. La distance est assurément trop forte ; Ptolémée ne la fait que d'un degré 25 minutes, & c'est à-peu-près celle qui se trouve entre l'embouchure du Cuabo & le cap Delgado, qui en ce cas seroit le cap Raptum. Il y a encore une raison qui favorise cette conjecture, c'est que Ptolémée dit que depuis l'Arabie heureuse jusqu'au cap Raptum, on fait voile au sud-ouest, mais que de-là au cap Prassum, on tire au midi & à l'orient : or, du cap Delgado à Mosambique, qui est le cap Prassum, la côte ne va plus au sud-ouest comme auparavant ; elle court droit au sud. (D.J.)


RAPUNTIUMS. m. (Botan.) genre de plante dont la feuille & le fruit ressemblent à la campanule. La fleur est monopétale, divisée en plusieurs segmens, & renfermée dans une gaine. Tournefort compte seize especes de ce genre de plante dont les fleurs nommées fleurs cardinales sont cultivées par les curieux, à cause de leur beauté. La premiere espece surtout, qui est la grande, l'emporte sur toutes les autres par l'éclat de sa couleur rouge. Il y en a aussi de très-belles à fleurs bleues, à fleurs blanches, à fleurs d'un jaune doré, à fleurs pourpres, à fleurs violettes, les unes simples, les autres doubles.


RAPURES. f. est la réduction d'un corps dur comme le bois en poudre, ou en petites particules ; telle est la rapure de corne de cerf & du bois de gayac.


RAPUROIRS. m. (terme de Salpétrier) vaisseau ou futaille de bois ou de cuivre, dont se servent les Salpétriers pour mettre le salpêtre de la premiere cuite. (D.J.)


RAQUEou POMME DE RACAGE ou CARACOLETS, (Marine) c'est une boule percée, qui sert à faire un racage. Voyez RACAGE.

Raque, épithete qu'on donne à un cordage gâté, écorché ou coupé.

Raque de haubans, raque qu'on met dans les grands haubans, & dans les haubans de misaine où passent les cargues, les bras, &c.

Raque gougée, c'est une raque à laquelle on fait une échancrure sur le côté, telle qu'on y peut faire entrer une corde d'une moyenne grosseur.

Raque encochée, raque gougée qui a une coche tout-autour, dans laquelle on passe le bitord, qui sert à l'amarrer.


RAQUER(Marine) c'est se gâter. On dit que deux cables se raquent, quand ils se touchent, & s'écorchent en se frottant.


RAQUETTou CARCASSE, s. f. (Hist. nat. Bot.) opuntia, genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le calice de cette fleur devient dans la suite un fruit charnu & ombilique, qui n'a qu'une capsule, & qui renferme des semences faites le plus souvent en forme d'anneau. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

RAQUETTE, (Botan. exot.) espece de figuier d'Inde, qui croît aux îles Antilles, & que nos voyageurs nomment aussi poirier piquant ; c'est cette espece d'opuntia nommé par J. Bauhin, opuntia vulgò herbariorum. Voyez OPUNTIA & FIGUIER D'INDE.

La raquette est un arbrisseau haut communément de dix à douze piés ; on l'appelle raquette aux îles, à cause que ses feuilles sont épaisses, rondes, & piquées comme une raquette de paulme, sans cependant que les trous traversent. Son fruit est de la grosseur & de la figure d'une noix verte ; on le pele pour le manger. Les François le nomment pomme de raquette, & les Espagnols higos de tuna.

RAQUETTE, (Hist. mod.) instrument propre à jouer à la courte paume ou au volant. C'est une palette faite ordinairement d'un treillis de cordes de boyaux de chat, fort tendue & montée sur un tour de bois qui a un manche de médiocre longueur. Voyez PAUME.

Ce mot est dérivé, si l'on en croit Menage, du bas latin retiquetta, diminutif de rete, reticulum, rézeau.

Pasquier observe que de son tems les raquettes étoient une invention toute récente, qu'auparavant on ne jouoit à la paume qu'avec la main, & que le nom de ce jeu venoit de ce qu'on y poussoit la bale avec la paume de la main, comme le pratiquoient les anciens ; cependant ceux-ci donnoient à ce jeu le nom de pila, & à la paume de la main celui de vola, qui ne sont pas tout-à-fait semblables. Quant à la maniere de jouer, elle étoit effectivement telle que Pasquier l'assure. Voyez SPHERISTIQUE.

RAQUETTE, sorte de chaussure dont on se sert en Canada pour marcher sur la neige.

Ces raquettes, dit le P. de Charlevoix (journal d'un voyage d'Amérique, lettre 14), ont environ trois piés de long, & quinze ou seize pouces dans leur plus grande largeur. Leur figure est ovale, à cela près, que l'extrêmité de derriere se termine en pointe. De petits bâtons de traverse passés à cinq ou six pouces des deux bouts, servent à les rendre plus fermes, & celui qui est sur le devant, est comme la corde d'une ouverture en arc, où l'on met le pié qu'on y assujettit avec des courroies. Le tissu de la raquette est de lanieres de cuir de la largeur de deux lignes, & le contour est d'un bois léger durci au feu. Pour bien marcher avec ces raquettes, il faut tourner un peu les genoux en dedans, & tenir les jambes écartées, de peur de se les blesser en les heurtant l'une contre l'autre. Il en coute d'abord pour s'y accoutumer ; mais quand on y est fait, on marche avec facilité, & sans se fatiguer davantage que si on n'avoit rien aux piés. Il n'est pas possible d'user de ces raquettes avec nos souliers ordinaires ; il faut prendre de ceux des sauvages, qui sont des especes de chaussons de peaux boucannés, plissés en-dessus à l'extrêmité du pié, & liés avec des cordons.


RAQUETTIERS(Paumiers) ouvriers qui fabriquent des raquettes. Les maîtres des tripots ou jeux de paume prennent la qualité de maîtres paumiers & raquettiers. Voyez PAUMIER.


RAQUETTONS. m. (terme de paumier) grande raquette dont les joueurs de paume se servent pour mieux garder ce qu'en termes de ce jeu on appelle le dedans.


RARASSA(Géog. anc.) ville de l'Inde en-deçà du Gange. Ptolémée, l. VII. c. j. lui donne le titre de métropole, & la marque entre Gagasmira & Modura. Le nom moderne est Racanga, selon Ortelius. (D.J.)


RAREadj. (Gram.) se dit des choses qui ne se voyent pas souvent ; un cas rare, une circonstance rare, un objet rare, un phénomene rare : des choses précieuses, un diamant rare, un esprit rare, un homme rare, un talent rare, tel que l'art de découper de M. Huber de Geneve : des choses secrettes, de celles qui ont peu de matiere sous un grand volume. Voyez l'article suivant.

RARE, adj. corps rare, (Physique) signifie un corps qui est poreux, dont les parties sont fort distantes les unes des autres, & qui par conséquent sous un grand volume, ne contient que très-peu de matiere. Voyez RAREFACTION, PORE, &c.

En ce sens rare est opposé à dense. Voyez DENSITE. Plusieurs philosophes, tels que les Epicuriens, les Gassendistes, les Newtoniens, tiennent que quelques corps sont moins denses ou plus rares que d'autres, parce qu'ils contiennent plus de vuide dans leurs pores. Les Cartésiens au contraire y logent une plus grande quantité de matiere subtile. Voy. MATIERE SUBTILE, VUIDE, CARTESIANISME, &c. Tous les corps que nous connoissons, sont extrêmement rares ; c'est-à-dire, contiennent très-peu de matiere sous un fort grand volume. Prenons, par exemple l'or : c'est le plus pesant de tous les corps, & par conséquent celui qui contient le plus de parties. Cependant, si on réduit l'or en feuilles, il laisse passer la lumiere, & devient transparent dans toute son étendue : ce qui ne se peut faire à moins qu'il n'ait un grand nombre de pores. L'eau est 19 fois moins pesante que l'or ; par conséquent les parties d'eau qui sont dans un pié cube d'eau, étant resserrées & réunies sans laisser de vuide entr'elles, occuperoient beaucoup moins que la 19 partie de ce pié cube. (O)


RARÉFACTION(Chymie) propriété de dilatation & d'expansibilité que donne le feu à tous les corps solides & liquides.

Tous les corps sur lesquels on fait des expériences, sans en excepter aucun, augmentent en volume dès qu'on les expose au feu, ils se raréfient, sans que cependant on apperçoive aucune différence dans leur poids. Il n'importe pas s'ils sont solides ou liquides, durs ou mols, légers ou pesans ; tous ceux qui sont connus jusqu'à présent, sont soumis à la même loi. Si cependant vous prenez deux corps égaux en pesanteur & en volume, mais dont l'un soit dur & l'autre liquide, vous trouverez entr'eux cette différence ; c'est que le même degré de feu dilate plus le fluide que le solide.

Pour s'assurer de la présence du feu par cet effet, il sera donc plus à-propos pour les expériences, de se servir de corps fluides, plutôt que de solides. On a observé que les liqueurs qui sont moins denses, & plus légeres que les autres, sont aussi plus raréfiées, par le même degré de feu. Ainsi leur raréfaction étant plus sensible, elles sont par conséquent très-propres à indiquer les plus petites augmentations du feu, c'est ce qu'on confirme par l'expérience suivante.

Qu'on prenne une phiole chymique, dont la partie sphérique se termine en un cou cylindrique & étroit, qu'elle soit pleine d'eau jusqu'à un endroit du cou qu'on doit marquer ; qu'on la plonge dans de l'eau chaude contenue dans un vase découvert ; aussi-tôt l'eau baissera un peu au-dessous de la marque ; puis on l'appercevra monter dans le cou de la phiole audessus de la marque, & cela dure pendant tout le tems qu'elle acquiert de nouveaux degrés de chaleur. Si l'on retire cette phiole, & qu'on la plonge dans une autre eau plus chaude, on voit que l'eau monte encore plus haut.

Enfin, plus on l'approche du feu, & plus l'on voit que l'eau se dilate ; mais dès qu'on l'éloigne du feu, on remarque que l'eau descend peu-à-peu. Cette expérience prouve clairement que l'eau est dilatée par le feu, & qu'étant chaude, elle occupe plus d'espace que quand elle est froide, sans que son poids augmente sensiblement. Elle nous apprend encore que le verre, qui est corps solide, ne se dilate pas comme l'eau ; car quoique la phiole s'échauffe également, & même plus tôt que l'eau, elle ne peut cependant pas la contenir comme auparavant, il faut que cette eau monte dans son cou. Qu'on plonge ensuite dans la même eau chaude une autre phiole de même espece, où l'on ait mis de l'alcohol, ou l'esprit-de-vin rectifié ; cet alcohol monte avec plus de vîtesse, & sort quelquefois par l'ouverture de la phiole. Concluons de-là que l'alcohol qui est plus léger que l'eau, est aussi dilaté davantage, & plus promtement. Boerhaave, Chymie. (D.J.)


RARÉFIANSadj. terme de Chymie concernant la matiere médicale externe ; ce sont des médicamens qui ont la vertu d'ouvrir les pores de la peau, par la ténuité & la chaleur de leurs parties. Les vapeurs aqueuses ou fumigations humides ; les douches d'eaux thermales ; les fumigations seches, avec le karabé ; les poudres des plantes aromatiques, &c. sont les remedes raréfians. Voyez DOUCHES, FUMIGATIONS. La décoction des fleurs de sureau, de camomille, ou leurs eaux distillées sont des remedes raréfians, surtout lorsqu'on les applique à un degré de chaleur moderé. Les diaphoretiques dans l'usage intérieur sont ainsi dénommés par rapport à leur action. Les raréfians extérieurs se tirent de la classe des remedes incisifs, discussifs & carminatifs. La vapeur du vinaigre jetté sur des cailloux ardens peut passer pour un raréfiant. Samuel Formi, chirurgien de Montpellier, dit avoir guéri, suivant le précepte de Galien, par ce remede une petite fille qui avoit des tumeurs considérables aux doigts. (Y)


RASadj. (Gram.) qui est uni, plein, de niveau : rase campagne, mesure rase. Qui n'a point de poil, ou qui l'a très-court ; les chiens de Barbarie sont ras ; les moines ont la tête rase. Qui n'a point de duvet ; un velours ras, un ras de S. Maur, de Sicile, &c.

RAS, (Marine) épithete qu'on donne à un bâtiment qui n'est point ponté. Le brigantin, la barque longue & la chaloupe sont des bâtimens ras.

RAS A L'EAU, (Marine) on appelle ainsi un bâtiment qui, étant ponté, est bas de bordage, & qui a sa ligne d'eau proche du plat-bord, ou du moins proche du feuillet des sabords de la batterie basse.

RAS DE COURANT, (Marine) Voyez RAT.

RAS, (Mesure de longueur) le ras de Piémont, est semblable à la brasse de Luques, qui contient un pié, neuf pouces, dix lignes, ce qui fait une demi-aune de Paris ; ensorte que deux ras de Piémont, font une aune de Paris, & une aune de Paris fait deux ras de Piémont. Dictionn. de commerce. (D.J.)

RAS, (Manufact. en foie) ce sont des especes de serges unies. Il y en a qu'on appelle de S. Maur, d'autres de S. Cyr & de Sicile.

Les ras de S. Maur & de S. Cyr ont quatre lisses, & sont armés comme on voit ci-dessous ; avec cette différence, que le ras de S. Maur est tramé de pure & fine soie, & le ras de S. Cyr seulement de fleuret.

Armure d'un ras de saint Maur & de saint Cyr, ou d'une serge à quatre lisses.


RASANTparticipe, (Art milit.) qui rase, terme de fortification.

Flanc rasant, ou ligne rasante, c'est l'endroit de la courtine ou du flanc, d'où les coups qu'on tire rasent, ou vont le long de la face du bastion opposé. Voyez LIGNE DE DEFENSE RASANTE.

La défense des bastions est rasante ou fichante. Voy. LIGNES DE DEFENSE. Chambers.


RASAY(Géog. mod.) île d'Ecosse, au nord de Skie. Elle est mise au nombre des îles du second rang, ayant environ 5 milles de longueur, & est plus propre au pâturage qu'à produire du blé. (D.J.)


RASCASSESCORPION DE MER, scorpeno, s. m. (Hist. nat.) poisson de mer, auquel on a donné le nom de scorpion, parce qu'on prétend que les piquures qu'il fait avec ses aiguillons sont vénimeuses, comme celles du scorpion. Ce poisson a la tête fort grosse, l'ouverture de la bouche grande, & les dents petites ; il est couvert de petites écailles semblables à celles des serpens. Il y a au-dessus des yeux à la place des sourcils deux excroissances molles & cartilagineuses. Les nageoires sont très-larges & très-fortes, elles ont des aiguillons fermes & très-pointus ; il y en a une de chaque côté près des ouies, qui s'étend presque jusqu'à la moitié de la longueur du corps, une sur la partie antérieure du ventre, qui est moins grande que celle des ouies, & une près de l'anus, qui est très-grande & très-forte, une sur le dos, qui s'étend presque sur toute sa longueur, & qui a neuf aiguillons très-pointus. La rascasse est rousse, & quelquefois noirâtre. On a donné à Marseille le nom de scorpeno aux rascasses noires, & celui de scorpaena aux rascasses rousses. La chair de ce poisson est dure, cependant elle s'attendrit si on la garde quelque tems. Rondelet, hist. nat. des poissons, premiere partie, livre VI. chapitre xix. Voy. POISSON.


RASCHIAou RASCIE, voyez ce mot, (Géogr. mod.) pays de l'Europe, qu'on connoît plus communément sous le nom de Servie, qui fait une partie de l'ancienne Mésie, & que les Turcs nomment aujourd'hui, Sirf. (D.J.)


RASCIELA, ou RASCHIAH, (Géog. mod.) pays d'Europe qui fait partie de la Servie. Voy. SERVIE.

Le nom de Rascie lui vient de la riviere Rasca qui y prend sa source. Cette contrée avec la Bosnie, se nommoit autrefois Surbie, ou pays des Sorabes ; elle n'a été connue sous le nom de Rascie, que depuis que les rois de Dalmatie en eurent fait une province, dont le gouverneur fut appellé ban ou duc. Elle tomba ensuite sous la dépendance des rois de Servie, qui la conserverent jusqu'en 1389, que Lazare, despote de Servie, en combattant contre les Turcs, fut fait prisonnier, & égorgé dans la tente du sultan Amurat, qui venoit d'être tué. La Rascie a toujours fait depuis une portion de l'empire turc sous un beglierbeglic.


RASCIENSS. m. (Géog.) peuple de la basse Hongrie & de l'Esclavonie, qui professe la religion grecque sous un patriarche ou métropolitain, qui réside à Esseck. Ce peuple fournit de très-bons soldats.


RASCOUDREv. n. (Minéralogie) dans le langage des ouvriers qui travaillent aux mines, c'est le travail d'un manoeuvre qui détache les seaux ou les paniers dans lesquels on a monté le minerai au haut des bures ou puits, pour placer la charge sur un traineau afin de la transporter au magasin.


RASDIS. f. (Idol. des Germains) nom d'une déesse des anciens Hongrois idolâtres ; on peut lire ce qu'en dit Antoine Bonfinius dans son histoire de Hongrie, l. XII. & Vossius, de idololatriâ, l. III. ch. xvij. (D.J.)


RASES. m. (Marine) c'est de la poix mêlée avec du brai, dont on se sert pour calfater un vaisseau.


RASEBORG(Géogr. mod.) petite ville de Suede, au canton de même nom, dans la Finlande, & sur le golfe de Finlande. Long. 42. 61. lat. 60. 18. (D.J.)


RASENAE(Géogr. anc.) les Rasenae étoient originairement le même peuple que les Rhaeti, anciens habitans du Trentin, & de la partie du Tirol, qui comprend la portion des Alpes où coule l'Athésis. Tite-Live & Pline sont l'un & l'autre de cet avis : il est vrai qu'ils nous donnent ces Rhaeti pour des Toscans chassés des plaines par les Gaulois, lorsque ces derniers envahirent l'Italie vers l'an 600 avant l'ere chrétienne ; & c'est même à cette situation des Rhaeti dans les montagnes, que le premier attribue la barbarie de leurs moeurs, aussi grossieres que celles des autres Toscans étoient douces & polies. Mais cette méprise est une conséquence naturelle de la fausse origine qu'ils donnoient aux Toscans. Or il est bien plus probable que la Rhétie, loin d'être peuplée dans la suite par les Toscans, avoit elle-même fourni à la Toscane ses premiers habitans.

En effet, les Rasenae étoient venus par terre en Italie. Ils y pénétrerent par le Trentin & par les gorges de l'Adige ; & le pays qu'ils occuperent d'abord avoit toute une autre étendue que l'Etrurie proprement dite, comme Polybe l'assure en termes formels. Auteurs de leur plus grande puissance, ils avoient été maîtres non-seulement de l'Etrurie, mais encore de presque toute l'Ombrie, & de tout ce qu'envahirent depuis les Gaulois Cenomani, Boii & Lingones ; c'est-à-dire, de toute la contrée qui s'étend des deux côtés du Pô, depuis l'Adda jusqu'à la mer. Ainsi, pour lors, ils touchoient aux Alpes, dont ils étoient originaires, & n'avoient fait, à proprement parler, que reculer les bornes de leur ancienne patrie, sans en sortir. Les pays qui séparent la Rhétie de la Toscane ayant été dans la suite conquis sur eux par d'autres peuples, cette séparation fit perdre de vue la trace de leur premiere origine. (D.J.)


RASERv. act. (Gramm.) c'est abattre une chose au ras d'une autre. Raser la barbe, c'est la couper au ras du visage ; une maison, c'est l'abattre à ras de terre. Raser signifie aussi toucher légerement. Cette balle a rasé la corde. Voyez les articles suivans.

RASER, (Critique sacrée) La loi portoit que les lévites pour exercer leurs fonctions fussent purifiés, & eussent tout le poil du corps rasé. Nomb. viij. 7. Les lépreux, au septieme jour de leur purification, devoient en faire autant. Lév. xiv. 9. Dans les grandes calamités, tout le peuple ne devoit paroître que rasé Is. xv. 2. Les prêtres seuls étoient exceptés de la loi. Lév. xxj. 5. Quelquefois cependant on laissoit croître sa barbe pour marquer le deuil, ou la part qu'on prenoit aux malheurs d'un ami. Raser toute la barbe & tous les cheveux de quelqu'un, ou la moitié de l'un & de l'autre, c'étoit chez les Juifs une très-grande insulte. II. Rois, x. 4. Ainsi raser tous les poils est une expression figurée qui veut dire outrager, maltraiter avec la derniere rigueur ; c'est pourquoi quand Isaïe, vij. 20, déclare que l'Eternel empruntera un rasoir pour raser le poil du corps de son peuple, ces paroles signifient que Dieu se servira pour punir son peuple du glaive des Assyriens. Raser la poussiere d'une ville, dans le langage du même prophete, ch. xij. v. 25, c'est ruiner une ville de fond en comble. (D.J.)

RASER LA MAISON, (Hist. anc. & mod.) c'étoit chez les Romains une des peines de celui qui aspiroit à la tyrannie. Valere Maxime, liv. VI. ch. iij. rapporte que Sp. Cassius convaincu d'avoir tenté de se rendre maître de la république, fut condamné par le sénat & par le peuple à la mort, dont trois consulats & un magnifique triomphe ne purent le garantir. Le peuple n'étant point encore satisfait, on abattit sa maison pour augmenter son supplice, par la destruction de ses dieux domestiques : Ut penatium quoque strage puniretur.

On sévit aujourd'hui de la même maniere contre les coupables de lése-majesté ; & l'assassinat du roi de Portugal vient d'être suivi du bannissement de l'ordre entier des Jésuites hors de ce royaume, & de la démolition de toutes leurs maisons.

RASER, (Marine) c'est ôter à un vaisseau ce qu'il a d'oeuvres mortes sur les hauts.

RASER, terme de Maréchal. Ce mot se dit en parlant des coins ou dents du cheval. Un cheval qui rase ou qui a rasé, est un cheval qui n'a plus les coins creux, c'est-à-dire dont la dent est rase & unie : ce qui arrive environ à la huitieme année du cheval. Ecole du manege. (D.J.)

RASER, en terme de Layetier, c'est mettre l'extrêmité des planches de niveau entr'elles.

RASER, terme de Chasse. Ce mot se dit du gibier qui se tapit contre terre pour se cacher. La perdrix se rase quand elle apperçoit des oiseaux de proie.

RASER L'AIR, terme de Fauconnerie. Il se dit de l'oiseau lorsqu'il vole sans remuer presque les aîles, & sans daguer.


RASETTESou REGULATEUR, (Lutherie) Dans les jeux d'anches des orgues, ce sont de petites verges de fil-de-fer représentées fig. 53. Planche d'orgue, g E F ; g est une entaille du petit crochet, sous lequel en frappant avec le tranchant d'un couteau, on retire la rasette que l'on enfonce en frappant avec le dos ou le plat du couteau sur la partie supérieure. E, la tige ; F, la partie inférieure recourbée, comme on le voit dans la fig. La partie f s'applique sur la languette des jeux d'anches, & sert à l'y tenir assujettie en un certain point. Voyez TROMPETTE. La tige de la rasette passe par un trou fait à la noix C du tuyau, & par un autre trou fait à la bague D. Voyez la fig. 44. Pl. d'orgue, & l'article ORGUE, où l'usage de la rasette est expliqué.


RASEZ(Géog. mod.) petit pays de France dans le bas Languedoc, avec titre de comté, dont la petite ville de Limoux est le chef lieu. Ce comté fut donné par Charles-le-chauve en 871, à Bernard II. comte de Toulouse ; mais depuis S. Louis il a toujours appartenu à la couronne. (D.J.)


RASGRADou HRASGRAD, (Géog. mod.) ville des états du turc, dans la Bulgarie, entre Rotzig & Ternoo. Le grand-seigneur y tient un sangiac pour avoir le passage du Danube libre.


RASICULMO(Géog. mod.) cap sur la côte septentrionale de la Sicile ; c'est celui qui forme la pointe orientale du golfe de Milazzo. Les anciens le nommoient Tralerium promontorium. (D.J.)


RASIERES. f. (Mesure seche) Il y a deux sortes de rasieres ; l'une que l'on nomme à Dunkerque rasiere ou mesure de mer, & l'autre que l'on appelle rasiere de terre. La premiere pese 280 livres, & quelquefois jusqu'à 290 livres ; & la seconde ne pese que 245 liv. Savary. (D.J.)


RASINA(Géogr. anc.) C'est une riviere ou un ruisseau qui se jette dans le Pô. Ortelius dit que c'est un fleuve dont Martial fait mention l. III. ep. 67.

Vaterno Rasinâ que pigriores. (D.J.)


RASOIRS. m. (Coutellerie) instrument composé d'un taillant d'acier fin, & d'une châsse de bois, d'écaille, ou de baleine, duquel instrument tranchant & affilé on se sert pour faire la barbe.

Voici la maniere dont se fait le rasoir dans la boutique du Coutelier. Vous allongez votre acier en pente, comme si vous vous proposiez de lui former un tranchant d'un côté & un dos de l'autre. Observez de mettre la partie saine de l'acier au dos, parce que c'est ce dos qui formera dans la suite du travail le tranchant du rasoir. Votre barre d'acier étirée en pente, doit avoir environ une ligne d'épaisseur à l'extrêmité de sa pente, & trois lignes environ au dos ; quant à la largeur, elle est de 9 lignes ou environ dans toute la longueur de la barre. Vous la séparez ensuite en petits morceaux d'un pouce de longueur sur la tranche à queue qui est placée dans un trou pratiqué à la base de la bigorne de l'enclume. Quand toutes ces séparations sont faites, ce qui s'exécute en deux ou trois chaudes, vous trempez la barre ainsi divisée par ces séparations obliques, dans de l'eau fraîche ; vous frappez ensuite la barre froide de petits coups de marteau, & elle se casse à toutes les séparations, & se distribue en petits morceaux d'acier en talus, minces d'un côté, épais de l'autre, qu'on appelle bobeches.

Les bobeches étant faites, comme il n'est pas nécessaire que le dos d'un rasoir soit d'un acier aussi fin que son tranchant, on prend un morceau d'acier de Nevers, qu'on allonge, & auquel on donne la même forme qu'à celui d'Angleterre, dont on a fait les bobeches ; c'est-à-dire qu'on le tient dans toute sa longueur également large, mince par un côté, & épais par l'autre ; avec cette différence seule qu'il doit être un peu plus fort que pour les bobeches. Lorsque l'acier est sous cette forme, on l'appelle couverture.

Quand la couverture est prête, vous la faites chauffer ; & pendant qu'elle est chaude, vous la recourbez par le bout à-peu-près de la longueur de la bobeche, que vous insérez entre la partie recourbée & le reste de la barre, qui lui forment comme une châsse, dont les deux côtés intérieurs allant en talus reçoivent avec assez d'exactitude les talus de la bobeche, de maniere que la partie mince de la bobeche soit au fond de la châsse, & la partie épaisse s'éleve au-dessus & sorte en-dehors, débordant environ d'une ligne & demie. Vous frapperez quelques coups de marteau sur la bobeche & sur la couverture, afin de les appliquer l'une & l'autre assez fortement, pour que la bobeche ne se sépare pas de la couverture dans le feu. Vous mettrez dans le feu cet assemblage ; vous le ferez chauffer doucement, assez pour que la bobeche & la couverture commencent à se souder : vous donnerez la seconde chaude un peu plus forte, ainsi de la troisieme ; vous acheverez de souder ; vous allongerez votre morceau d'environ quatre pouces, lui donnant une forme qui tende à celle du rasoir, & qui vous indique surement de quel côté est l'acier d'Angleterre, car c'est ce côté qui doit faire votre tranchant. Vous couperez ce morceau & le séparerez entierement de la couverture, & vous aurez ce qu'on appelle une enlevure de rasoir : Vous mettrez ainsi toute votre couverture & toutes vos bobeches en enlevure, avant que de passer à une autre manoeuvre.

Cela fait, vous prendrez une enlevure & vous l'allongerez d'environ cinq pouces, lui donnant une pente du côté qui doit former votre tranchant, & un peu plus de largeur à la tête qu'à la queue. Vous continuerez d'étendre & de former la lame du rasoir avec la panne d'un marteau qu'on appelle marteau à rabattre ; il faut que cette panne ne soit ni trop ronde ni trop plate ; il faut que la tête soit un peu allongée par le côté ; qu'elle ait là un pouce & un quart ; qu'elle n'ait qu'un pouce sur le devant. Quand on a élargi suffisamment la lame avec la panne, on l'unit avec la tête ; & quand il est dans cet état, le rasoir est ce que les ouvriers appellent rabattu ; on le marque ensuite. Quand il est marqué, on le bat à froid : cette derniere façon de forge serrant les pores de l'acier, ne contribue pas peu à la bonté de l'ouvrage.

Quand le rasoir est parfait de forge, on le lime pour perfectionner sa figure, dans un étau d'environ trois piés de haut ; il doit avoir six pouces du milieu de l'oeil jusqu'au-dessus des mâchoires ; les mâchoires quatre pouces de long, la boîte dix-huit pouces, la vis vingt-quatre pouces ; le diametre de la vis de 16 lignes : il doit peser en tout environ 60 livres. Il y a des pieces de chirurgie qui se forgent sur l'étau ; d'autres qui servent à sertir : ceux-ci doivent être plus petits que celui dont je viens de donner les dimensions ; les autres doivent être plus grands.

Quand on a approché à la lime le rasoir de la figure qu'il doit avoir, en enlevant toutes les inégalités, & en le terminant bien exactement, vous faites allumer un feu de charbon dans un lieu plutôt obscur que trop éclairé ; le grand jour vous empêcheroit de bien juger de la couleur que le feu donnera au rasoir. Quand votre feu sera bien allumé, vous aurez à côté de vous un soufflet moyen, avec un morceau de fer fendu par le bout, long d'environ un tiers d'aune : on appelle cet instrument un faux manche ; le faux manche est plus commode que des tenailles. Vous faites entrer votre rasoir d'environ trois quarts de pouce par le talon dans l'ouverture du faux manche ; vous le posez ensuite sur les charbons ; vous le faites chauffer doucement ; vous lui donnez un peu plus que couleur de cerise, mais non le blanc. Plus l'acier est fin, moins il doit être trempé chaud. La trempe trop chaude dilate les pores, & rend les petites dents de la scie qui forment le tranchant, trop grosses & trop écartées, & par conséquent le tranchant rude. On peut user pour la trempe d'eau de puits ou d'eau de riviere à discrétion ; observant seulement qu'avant de tremper dans l'eau de puits, il faut la dégourdir, en y plongeant un morceau de fer rouge. On trempe au contraire dans l'eau de pluie ou de riviere comme elle est, à moins que ce ne soit en hiver ; mais quand l'une & l'autre commencent à s'échauffer, à force de recevoir des pieces trempées, il faut les rechanger.

Quand le rasoir est trempé, vous prenez un morceau de meule, & vous l'écurez & blanchissez d'un côté ; vous avez ensuite dans une poële du charbon bien allumé, ou de la braise de boulanger, que je préfere au charbon. Vous posez votre rasoir sur cette braise, le dos sur la braise & incliné, afin que le tranchant ne s'échauffe pas plus promtement que le dos, quoiqu'il ait moins d'épaisseur ; vous tenez votre rasoir dans cet état jusqu'à-ce qu'il prenne la couleur de renard, mais non pas tout-à-fait celle d'or. Quand il a cette couleur, nous le trempons dans l'eau ; puis à l'aide d'un manche de bois que nous appellons faux manche, & dans lequel nous enchâssons le talon, nous nous préparons à l'émoudre.

L'opération précédente s'appelle recuit.

Nous prenons pour émoudre le rasoir une meule d'environ quinze pouces, montée sur un arbre de fer d'environ un pouce en quarré, sur dix-huit pouces de long ou environ, selon la commodité des lieux. Nous émoulons le rasoir ; nous dressons le tranchant & les biseaux ; nous formons le dos & le talon, & c'est ce que nous appellons blanchir.

A cette premiere meule on en fait succéder une autre d'environ six pouces de hauteur ; il est évident que celle-ci ayant beaucoup plus de convexité que la premiere, doit évider le milieu du rasoir : aussi fait-elle, & c'est ce que nous appellons dégrossir.

A la seconde meule on en fait succéder une troisieme d'environ dix à douze pouces de diamêtre, pour donner au tranchant la même force depuis le talon jusqu'à la pointe ; & c'est ce que l'on appelle mettre à tranchant. Il faut laisser au tranchant un petit biseau, qu'on gagne à la polissoire ; on fait ce petit biseau avec la pierre à affiler à l'eau.

Lorsque le tranchant, les biseaux & le dos sont bien dressés, l'on a une polissoire de bois de noyer de la hauteur ou environ de la meule à tranchant, mais de deux tiers plus mince, & l'arbre d'un tiers : on couche sur cette polissoire de l'émeri bien broyé, qu'on délaye avec un peu d'huile d'olive : vous en étendez de tems en tems sur votre lame, & vous emportez les traits de la meule, & gagnez le biseau que vous avez fait en affilant ; vous polissez par-tout, & rendez le rasoir propre.

Cela fait, vous avez une châsse d'écaille, de corne, ou de baleine, sur laquelle vous montez la lame du rasoir par le moyen d'un clou & de deux rosettes ; quelquefois on contient les côtés de la châsse en plaçant un clou & deux autres rosettes à l'extrêmité.

RASOIR, outil de Gaînier, c'est une lame de rasoir emmanchée comme une lime. Cette lame est fort tranchante, & sert aux Gaîniers pour couper les grains de la roussette & du requin qu'ils employent. Voyez les fig. Pl. du Gaînier.


RASONS. m. (Hist. nat. & Ichthyol.) novacula, poisson de mer auquel on a donné le nom de rason, parce que son dos est tranchant comme un rasoir. Ce poisson a un empan de longueur, trois doigts de largeur, & un doigt d'épaisseur ; il ressemble au pagre par la tête, & à la sole par la partie postérieure du corps. Il a la bouche petite, & les dents longues, pointues & courbes ; les yeux sont petits ; il y a des traits rouges, & d'autres bleus qui s'étendent sur la tête depuis les yeux jusqu'à la bouche. Ce poisson n'a que quatre nageoires, une sur le dos qui s'étend depuis la tête jusqu'à la queue ; une au-dessus de l'anus, qui s'étend de même jusqu'à la queue, & deux aux ouies, une de chaque côté. Le rason se plaît sur l'arène ; il est commun à Rhodes, à Malthe, à Mayorque & à Minorque. Rondelet, Hist. nat. des poissons, I. part. liv. V. ch. xvij. Voyez POISSON.


RASP-HUIS(Hist. mod. Economie politiq.) c'est ainsi que l'on nomme à Amsterdam, & dans d'autres villes de la province de Hollande, des maisons de correction, dans lesquelles on enferme les mauvais sujets, les vagabonds & gens sans aveu, qui ont commis des crimes pour lesquels les lois n'ont point décerné la peine de mort. On occupe les prisonniers à des travaux pénibles, au profit du gouvernement. A Amsterdam le principal de ces travaux consiste à raper des bois des Indes fort durs, pour servir dans les teintures ; c'est-là ce qui a fait appeller ces sortes de maisons de force rasp-huis, ce qui signifie maison où l'on rape.


RASPEÇONvoyez TAPEÇON.


RASPOUTEou RASBOUTES, s. m. (Hist. mod.) sorte de Banians dans les Indes, qui suivent à-peu-près les mêmes sentimens que ceux de la secte de Samarath. Ils admettent la métempsycose ; mais en ce sens que les ames des hommes passent dans des corps d'oiseaux, qui avertissent les amis des défunts du bien ou du mal qui leur doit arriver : aussi sont-ils grands observateurs du chant & du vol des oiseaux. Parmi eux à la mort du mari, les veuves se jettent dans le bucher où l'on brûle le corps de leurs époux, à-moins qu'en contractant le mariage, il n'ait été stipulé qu'elles ne pourroient être forcées à cette cérémonie. Le nom de raspoutes, signifie homme courageux, parce qu'en général ceux de cette secte sont intrépides. Le grand-mogol s'en sert dans ses armées, & ce sont sans-doute les mêmes que M. de la Martiniere nomme ragéputes, & qui composent les troupes des rajas ou petits rois indiens, vassaux & tributaires du grand-mogol. Les Raspoutes marient leurs enfans fort jeunes, comme tous les autres Banians ; & passent pour n'être pas fort compatissans, excepté à l'égard des oiseaux qu'ils prennent soin de nourrir, & qu'ils craignent de tuer, parce qu'ils se flattent qu'on aura pour eux les mêmes égards lorsqu'après leur mort leurs ames seront logées dans le corps de ces animaux. Olearius, tome II.


RASQUANS. m. (Hist. mod.) c'est le titre que l'on donne au roi des îles Maldives. Ce prince est très-despotique ; cela n'est point surprenant, ce sont les prêtres qui sont les dépositaires de son autorité, & qui exercent l'autorité temporelle, ainsi que la spirituelle. Voyez NAYBES.


RASSADES. f. (Verroterie) espece de verroterie, ou petits grains de verre de diverses couleurs, dont les Negres des côtes d'Afrique, & les peuples de l'Amérique se parent, & qu'on leur donne en échange de quantité de riches marchandises. (D.J.)


RASSANGUES. f. (Hist. nat.) espece d'oyes sauvages de l'île de Madagascar. Ils ont la tête ornée d'une crête rouge.


RASSASIANTadj. RASSASIER, v. act. (Gram.) il se dit des mets dont on ne peut manger en grande quantité, soit qu'ils émoussent promtement le goût, soit qu'ils chargent trop l'estomac, soit qu'ils le remplissent facilement sans le charger, soit que très-nourrissans, l'appétit en soit satisfait par une petite quantité.


RASSECORONDE, (Botan. exot.) nom donné par les Céylanois à la plus fine espece de cannelle, ou d'écorce du cannellier, qui ne croît que dans cette île. Ce mot signifie cannelle fine ou piquante ; c'est celle que la compagnie des Indes orientales Hollandoises apporte annuellement en Europe en quantité considérable, & dont le mêlange est défendu, avec toute autre espece de cannelle, sous des peines extrêmement séveres. Transact. philos. n °. 409. Voyez CANNELLE. (D.J.)


RASSEMBLERv. act. (Gram.) c'est rapprocher des choses éparses. On rassemble des grains de sable en un tas ; on rassemble des troupes, on rassemble ses enfans autour de soi.

RASSEMBLER SON CHEVAL, en terme de Manege, c'est le tenir dans la main & dans les jarrets, de façon que ses mouvemens soient plus vifs & moins allongés ; effectivement le cheval paroît alors beaucoup plus court qu'auparavant. Se rassembler, est l'action du cheval dans cette occasion. Rassembler ses quatre jambes ensemble, mouvement que fait un cheval pour sauter un fossé, une haie, &c.

RASSEMBLER, en terme de Raffinerie, c'est l'action de ramasser dans de grands pots, voyez POTS, les syrops qui sont sortis des pains, & tombés dans des pots d'une grandeur proportionnée à celle des formes. Voyez FORMES.

RASSEMBLER, (Agriculture) c'est la troisieme façon qu'on donne à la terre, dans le labour, avant que de l'ensemencer. On laboure, on refend, on rassemble.


RASSEOIRv. act. neut. réd. c'est dans le sens réduplicatif, se remettre sur son siege après s'être levé. Les juges se sont rassis, & ont déliberé de nouveau sur cet incident. On rassied un corps qui vacille ; les esprits émus se rasseient ; la mer se rassied ; les humeurs se rasseient. L'ame se rassied de son trouble, d'où l'on voit qu'il se prend au simple & au figuré.


RASSISterme de maréchal ferrant, nouvelle application d'un même fer sur le pié d'un cheval, après lui avoir un peu paré le pié. On dit : je ne vous dois pas un fer, ce n'est qu'un nouveau rassis.


RASSURERv. act. (Gram.) il se dit des choses & des personnes. On rassure un corps qui menace de chute, comme une muraille par des étais. On rassure celui qui craint, en lui montrant l'éloignement ou la vanité du péril. On dit d'un tems incertain, qu'il se rassurera. Un heureux événement rassure un souverain sur son trône. On rassure dans la foi les ames foibles & chancelantes. On rassure dans son parti, celui qui est prêt à l'abandonner. L'ame, dans tous ces cas, est considérée comme un corps vacillant, qui peut emporter l'homme à droite ou à gauche, & qu'on détermine d'un côté plutôt que d'un autre, ou qu'on fixe dans l'état de repos & de fermeté, par des promesses, des espérances, des craintes, des menaces, &c.

RASSURER, terme de Fauconnerie, ce mot se dit du bec de l'oiseau qui est rompu ou déjoint. Le bec de l'oiseau se rompt, ou parce qu'il est mal gouverné quand on ne l'ajuste pas comme il faut ; ou parce que quand l'oiseau paît, il demeure sur la partie haute du bec une chair qui s'y attache, s'y pourrit, & y seche si fort que le bec tombe par éclat. Les Fauconniers conseillent pour y remédier, de nettoyer bien le bec de l'oiseau, de le polir, & de le tailler. Ensuite on doit oindre la couronne du bec de graisse de poule, couper une partie inutile du bec de dessus, afin que celui de dessous puisse parvenir à sa grandeur ; mettre sur la partie déjointe, pour la rassurer, de la pâte fermentée & de la poix résine. Enfin pendant tout ce tems, il faut couper le pât de l'oiseau par petits morceaux, pour le nourrir. Fouilloux, Salnove.


RASTAS. m. (Mesure itin. des Germains) mesure itinéraire en usage chez les Germains, & qui leur étoit propre. Elle égaloit trois milles romains, ou deux lieues gauloises. Cette mesure a subsisté en Allemagne jusqu'au tems de la seconde race de nos rois, & peut-être même encore plus tard. Cependant dans l'usage actuel les Allemands employent le terme de milen ou de mille, pour désigner la plus petite mesure itinéraire, la lieue ; & ils ont même communiqué ce mot aux Bohèmiens, aux Polonois & aux Hongrois leurs voisins. On ne voit dans les auteurs Allemands qui ont écrit sur cette matiere, aucune vestige du mot rasta ; mais il se trouve dans le nouveau testament moesogothique, pour signifier une distance itinéraire : dans les poésies runiques, le mot rast est employé au même sens. (D.J.)


RASTAT(Géog. mod.) gros bourg d'Allemagne, dans la Souabe, au marquisat de Bade, avec un château, sur la Murg, au-dessous de Kuppenhen. Il a eu l'honneur d'être le lieu où se traita la paix entre l'empereur & le roi de France en 1714.


RASTENBURG(Géog. mod.) petite ville de Prusse, dans le Bartenland, sur la petite riviere de Guber. Elle a été bâtie en 1329.


RATS. m. (Hist. nat. Zoolog.) mus domesticus, animal quadrupede, long d'environ sept pouces, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, qui est longue de plus de sept pouces. Il a la tête allongée, le museau pointu, la machoire du dessous très-courte, les yeux gros, les oreilles grandes, larges & nues, la queue presqu'entierement denuée de poils, mais couverte de petites écailles disposées sur des lignes circulaires qui l'entourent ; le poil est de couleur cendrée, noirâtre sur la face supérieure de la tête & du corps, & de couleur cendrée, claire, & presque grise sur la face inférieure. Il y a aussi des rats bruns & de presque noirs ; d'autres d'un gris plus blanc ou plus roux ; & d'autres tout-à-fait blancs ; ceux-ci ont les yeux rouges. Il seroit inutile de faire une plus ample description du rat, il est assez connu par l'incommodité qu'il nous cause ; il mange de tout ; il semble seulement chercher, par préférence, les choses les plus dures, & il les lime avec deux longues dents qu'il a au-devant de chaque machoire ; il ronge la laine, les étoffes, les meubles, perce le bois, fait des trous dans l'épaisseur des murs ; il produit plusieurs fois par an, ordinairement en été ; les portées sont le plus souvent de cinq ou de six. Ces animaux pullulent beaucoup, mais lorsque la faim les presse, ils se détruisent d'eux-mêmes ; ils se mangent les uns les autres. Un gros rat est plus méchant, & presque aussi fort qu'un jeune chat ; il a les dents de devant longues & fortes. Le chat mord mal, & comme il ne se sert gueres que de ses griffes, il faut qu'il soit nonseulement vigoureux, mais aguerri. La belette, quoique plus petite, est un ennemi plus dangereux pour les rats ; elle les suit dans leur trou ; elle mord avec de meilleures dents que celles du rat, & au lieu de démordre, elle suce le sang de l'endroit entamé. L'espece des rats paroît être naturelle aux climats tempérés de notre continent, & s'est beaucoup plus répandue dans les pays chauds, que dans les pays froids. Les navires les ont portés en Amérique, aux Indes occidentales, & dans toutes les îles de l'Archipel indien ; il y en a en Afrique : on n'en trouve guere dans le nord au-delà de la Suede. Hist. nat. génér. & part. tom. vij. Voyez QUADRUPEDE.

RAT D'AMERIQUE, mus americanus, Klein, animal quadrupede. Il a environ trois pouces & demi de longueur, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, qui est longue de quatre pouces, de couleur blanchâtre & hérissée de quelques poils. Le dos & la partie supérieure de la tête sont d'une couleur rousse jaunâtre ; le ventre & les piés sont blancs. Cet animal a les oreilles assez grandes, blanchâtres, & les piés de derriere plus longs & plus gros que ceux de devant. Regn. animal. pag. 172.

RAT DES CHAMPS, petit, mus agrestis minor Gesneri, animal quadrupede, qui est ainsi nommé dans le regne animal, & qui est appellé campagnol dans l'hist. nat. général. & part. & rat de terre dans les mémoires de l'acad. royale des Sciences, année 1756. On lui a donné le nom de rat de terre pour le distinguer du rat d'eau, auquel il ressemble par la forme du corps, & par la couleur & la qualité de son poil ; mais il est plus petit, & il n'habite que les lieux secs. On en trouve dans toute l'Europe. Il se pratique des trous en terre, où il amasse du grain, des noisettes & du gland. Dans certaines années il y a un si grand nombre de ces animaux, qu'ils détruiroient tout s'ils subsistoient long-tems ; mais ils se mangent les uns les autres dans le tems de disette. D'ailleurs ils servent de pâture aux mulots ; ils sont aussi la proie des renards, des chats sauvages, des martes & des belettes. Les femelles produisent au printems & en été ; leurs portées sont de cinq ou six, de sept ou huit. Il y a de ces rats qui sont de couleur noirâtre. Hist. nat. génér. & part. tom. VII. Voyez QUADRUPEDE.

RAT D'EAU, mus aquaticus, animal quadrupede. Il a environ sept pouces de longueur, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, qui est longue de quatre pouces & demi. Il differe du rat, en ce qu'il a le poil moins lisse & plus hérissé, le museau plus court & plus épais, les oreilles moins apparentes, &c. La face supérieure du rat d'eau est de couleur mêlée de brun & de jaunâtre, & la face inférieure a des teintes de jaune pâle, de blanc sale & de cendré. Cet animal se trouve sur les bords des rivieres, des ruisseaux, des étangs ; il se nourrit de goujons, de mouteilles, de verrons, d'ablettes, du frai de la carpe, du brochet, du barbeau, de grenouilles, d'insectes d'eau, de racines, d'herbes, &c. Il nage sans avoir de membrane entre les doigts des piés ; il se tient sous l'eau long-tems, & rapporte sa proie pour la manger sur la terre ou dans son trou. Les mâles & les femelles se cherchent sur la fin de l'hiver ; elles mettent bas au mois d'Avril. Les portées sont ordinairement de six ou sept. La chair du rat d'eau n'est pas absolument mauvaise ; les paysans la mangent les jours maigres, comme celle de la loutre. On trouve des rats d'eau par-tout en Europe, excepté dans les climats trop rigoureux du pôle. Hist. nat. génér. & part. tom. VII. Voyez QUADRUPEDE.

RAT MUSQUE, animal quadrupede, qui a une forte odeur de musc ; on le trouve en Russie, en Moscovie, en Laponie. Il ressemble plus au castor qu'aux rats ; il a neuf pouces de longueur depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, qui est longue de six pouces & demi, applatie sur les côtés, large de huit lignes, couverte d'écailles, & parsemée de quelques poils. Le rat musqué a, comme la taupe, la partie supérieure du museau allongée ; l'ouverture de la bouche est petite, & les yeux sont à peine visibles ; chaque pié a cinq doigts joints ensemble par une forte membrane ; les piés de derriere sont plus grands que ceux de devant ; le poil est doux, épais, brillant, & de couleur brune sur le dos de l'animal, & d'un gris blanchâtre sur le ventre. Regn. anim. pag. 136. Voyez QUADRUPEDE.

RAT MUSQUE D'AMERIQUE, (Zoolog.) animal amphibie de l'Amérique septentrionale, de la classe des animaux qui rongent. Le rat musqué & le castor ressemblent de figure à notre rat, mais il est beaucoup plus gros, pesant trois ou quatre livres, & sentant fortement le musc ; sa couleur est brune ; il est couvert de deux sortes de poils, l'un plus grand, l'autre plus court & très-fin, semblable à du duvet ; ses dents sont au nombre de vingt ; sa queue est couverte d'écailles entourées de petits poils nombreux sur les côtés ; les doigts de ses piés sont au nombre de quatre.

Le rat musqué a tant de ressemblance au castor, que les sauvages disent qu'ils sont freres, mais que le castor est l'aîné, & qu'il a plus d'esprit que son cadet. Il est vrai qu'au premier coup d'oeil, on prendroit un vieux rat musqué, & un castor d'un mois, pour deux animaux de même espece. Ces rats sont communs à la Martinique, & dans toutes les contrées du Canada. Le public est redevable à M. Sarrazin, qui étoit médecin du Roi à Québec en 1725, de la connoissance détaillée de leur vie, de leurs bâtimens & ce qui étoit plus difficile à décrire, de leur anatomie complete .

M. de Reaumur a donné dans le recueil de l'académie des Sciences, année 1725, un extrait des divers mémoires que M. Sarrazin lui avoit envoyés sur ces animaux ; & à mon tour, pour former cet article, je vais détacher de l'extrait de M. de Reaumur, ce qui me rejettera le moins dans le détail particulier, & ce qui me paroîtra suffisant pour satisfaire la curiosité des lecteurs.

Les rats musqués se nourrissent pendant l'été de toutes sortes d'herbes, & pendant l'hiver de différentes especes de racines, telles que celles des grandes nymphea blanches & jaunes, & sur-tout du calamus aromatique.

Ils vivent en société, du moins pendant l'hiver ; ils se bâtissent des cabanes, dont les unes plus petites, ne sont habitées que par une seule famille ; & les autres plus grandes, en contiennent plusieurs. Leur génie se montre dans le choix même du lieu où ils s'établissent ; ce n'est pas assez qu'ils soient couverts par leurs bâtimens pendant l'hiver, ils y doivent être à portée de l'eau, & à portée d'avoir commodément des racines propres à se nourrir ; je connois bien des châteaux bâtis contre ces deux régles de situation, que les rats musqués choisissent toujours.

Pour réunir les avantages dont on vient de parler, ils construisent leurs loges dans des marais, ou sur le bord de lacs & de rivieres, dont le lit est plat, l'eau dormante, & où le terrein produit abondamment des racines convenables à leur nourriture ; c'est sur les endroits les plus hauts d'un pareil terrein qu'ils bâtissent leurs loges, afin que les eaux puissent s'élever sans les incommoder.

Le choix du lieu fait, ils préparent la place qui doit occuper l'intérieur de l'édifice qu'ils méditent, & qui leur servira de lit pendant l'hiver. Si la place est trop basse, ils l'élevent & l'abaissent ; si elle est trop élevée, ils la disposent par gradins pour pouvoir se retirer d'étage en étage, à mesure que l'eau montera. Leur maison est plus ou moins grande, selon qu'elle doit être occupée par plus ou moins de rats ; lorsqu'elle n'est destinée que pour sept à huit, elle a environ deux piés de diamêtre en tous sens ; & elle est plus grande proportionnellement, lorsqu'elle en doit contenir davantage.

La loge qu'ils habitent forme un dôme, & est composée de joncs liés, & enduits d'une glaise qui a été bien détrempée. A l'égard de l'ordre avec lequel leur travail est conduit, de la maniere dont ils appliquent la terre & l'applanissent, on n'en est instruit que par les discours des chasseurs ; & les discours de tels gens ne passent nulle part pour des observations de Physiciens, auxquelles on doit ajouter foi. Tout ce qu'on sait de certain, parce qu'on le voit, c'est que les rats musqués ménagent dans leurs domiciles une ouverture, par laquelle ils peuvent entrer & sortir ; mais ils la bouchent entierement quand l'hiver s'est déclaré.

Comme leur constitution n'est pas semblable à celle de ces animaux qui ne mangent point, & qui n'ont aucuns besoins pendant l'hiver, ceux-ci au contraire, outre le corps de bâtiment, se pratiquent des commodités qui leur sont essentielles. Ils font des puits qui communiquent avec l'intérieur de leurs loges, où ils peuvent aller boire & se baigner. Ils creusent des galeries sous terre, ou pour parler moins noblement, des trous pareils à ceux des taupes, afin d'aller chercher pour vivre des racines dans la saison des neiges. En un mot, ils n'oublient rien de ce qui concerne leurs besoins & leur propreté, jusqu'à se procurer des especes de lieux à l'angloise.

Le printems, saison de leurs amours, leur est souvent fatal. Les chasseurs, ces injustes meurtriers de la plûpart des animaux, pipent les mâles, & imitent les femelles, qui ont une sorte de gémissement ; par cette ruse ils les font approcher, & les tuent à coups de fusil. Ceux de ces animaux qui leur échappent, reviennent à leurs loges, & sur-tout les femelles, qui sont d'un sexe timide. La plûpart pourtant font leurs petits où elles se trouvent, mais dans des endroits cachés. Les mâles continuent de courir la campagne ; c'est leur genre de vie de tout l'été. Dès qu'il est passé, le tems de former de nouvelles cabanes revient, car les mêmes ne servent pas plusieurs années ; enfin ils recommencent la vie d'hiver. Les rats musqués qui vivent dans les pays plus chauds que l'Amérique, n'ont pas le même besoin de cabanes ; aussi sont-ils terriers comme nos lapins.

L'opération de leur dissection n'est pas facile ; il est peu de cerveaux capables de soutenir l'action continue d'une aussi forte odeur de musc, que celle que répand cet animal. M. Sarrazin a été deux fois réduit à l'extrêmité, par les impressions que cette pénétrante odeur avoit faites sur lui. Nous aurions peu d'anatomistes, & nous n'aurions pas à nous en plaindre, s'il le falloit être à pareil prix. Les sauvages qui sont affectés aussi désagréablement de l'odeur du musc, que nos femmes hystériques, donnent par cette raison le nom d'animal puant à notre rat.

Il a, comme le castor, deux sortes de poils ; le plus long l'est de dix ou douze lignes, brun, & donne sa couleur à l'animal. Le plus court est une espece de duvet très-fin, dont on se servoit autrefois en qualité de petit poil pour la fabrique des chapeaux. Il garantit le rat du froid, & le grand poil qui est plus rude, défend le duvet de la fange, dans laquelle il se vautre souvent, sur-tout en bâtissant sa loge.

Son dos est formé de neuf vertèbres jusqu'à la racine de la queue ; ses oreilles sont courtes, arrondies par le bout & velues ; il a les yeux presque aussi grands que ceux du castor, quoique ce dernier soit au moins une quinzaine de fois plus gros ; ses deux machoires sont garnies de dix dents chacune, de huit molaires & de deux incisives, ce qui fait vingt dents en tout.

Le rat musqué est un fort rongeur. M. Sarrazin en a renfermé un, qui dans une seule nuit, perça dans du bois dur, un trou de trois pouces de diamêtre, & d'un pié de longueur, par lequel il s'échappa. Sa queue est couverte d'écailles qui empietent un peu les unes sur les autres, & qui sont entourées de petits poils.

Sa poitrine est fort étroite par en haut ; ses côtes sont au nombre de douze, six vraies & six fausses ; son foie est composé de sept lobes, dans un desquels est située la vésicule du fiel, qui s'ouvre dans le duodenum ; ses intestins sont fort étroits, & ont environ six piés de longueur ; son estomac ressemble assez à celui du castor par l'extérieur, & en quelque chose à celui du rat domestique ; son oesophage est revêtu intérieurement d'une membrane blanche, qui couvre quelquefois son estomac ; sa vessie n'a rien de particulier ; mais l'issue de l'urethre dans le rat femelle, & dans les especes de rat connues, savoir, le rat d'eau, le rat domestique, est fort différente de celle des autres animaux.

On peut ranger sous trois classes, les variétés que nous trouvons dans les animaux, pour l'écoulement des urines. Le castor, & tous les oiseaux qui n'ont qu'une ouverture sous la queue, donnent des exemples de la premiere. Tous les animaux terrestres, excepté le castor, dont on vient de parler, donnent des exemples de la seconde espece ; l'urethre y conduit les urines par la fente des parties naturelles, où elle a son issue. Nos rats musqués femelles, donnent des exemples de la troisieme variété ; elles ont trois issues ; savoir, l'anus, la fente des parties naturelles, & l'éminence velue, ou les follicules situées sur l'os pubis, par où l'urethre rend les urines.

Les parties de la génération du rat musqué femelle, sont semblables à celles du rat domestique femelle ; elles ont six mamelles, savoir trois de chaque côté, & elles font jusqu'à cinq ou six petits.

Les follicules dont nous venons de parler, sont situées au-dessus de l'os pubis. On les trouve également au mâle & à la femelle. Les canadiens les appellent rognons du rat musqué ; & les canadiennes, par modestie, les nomment boutons. Les uns & les autres croyent que ce sont ses testicules. Les chasseurs arrachent les follicules des rats musqués, mâle & femelle, dans la saison du rut ; ils leur coupent en même tems un peu de peau, dont ils les enveloppent pour les vendre ; ces follicules ont la figure d'une petite poire renversée. Elles sont un composé de glandes conglomerées, enveloppées de membranes garnies de vaisseaux & de conduits excrétoires, qui fournissent vraisemblablement l'humeur qu'elles contiennent.

Cette humeur ressemble au lait, tant par sa consistance, que par sa couleur. On ne peut douter un moment, que l'odeur de musc, qu'exhale le rat musqué, ne lui soit due. M. Sarrazin croyoit qu'elle lui étoit communiquée par le calamus aromatique, dont il se nourrit assez ordinairement. Clusius a aussi attribué à cette plante, l'odeur du musc du rat qu'il a décrit. Ce qui semble prouver qu'elle contribue beaucoup à celle du nôtre, c'est qu'il a plus d'odeur à la fin de l'hiver, où il n'a presque vÊCu que de cette plante, que pendant l'été & l'automne, où il se nourrit indifféremment de diverses autres racines. Mais quelle que soit sa nourriture, il se fait vraisemblablement dans cet animal, lorsque la saison de ses amours arrive, une fermentation qui exhale cette odeur.

La verge est attachée par sa racine à la levre inférieure de l'os pubis. Le balanus a trois ou quatre os, qui peuvent remuer en tous sens. Les testicules ont la grosseur d'une noix muscade, & sont situés à côté de l'anus. Les vésicules séminales paroissent parfaitement dans le tems du rut ; elles sont si engagées sous l'os pubis, qu'il faut le détruire pour les bien reconnoître ; leur longueur est d'environ un pouce ; ces vésicules servent probablement de prostates. Mais une chose bien singuliere, & peut-être particuliere au seul rat musqué, c'est qu'à mesure que son amour s'affoiblit, la plûpart de ses organes de la génération s'effacent, les testicules, l'épididime & les vésicules commencent à se flétrir.

Ses piés de devant sont semblables à ceux de tous les animaux qui rongent ; ceux de derriere n'ont aucune ressemblance aux piés du rat domestique, non plus qu'à ceux du castor, & du rat musqué, décrit par Clusius. Il dit que ce dernier a les piés de derriere garnis de membranes ; le nôtre a les doigts séparés les uns des autres, avec une membrane qui regne le long des côtés de chaque doigt, & qui est garnie de poils rudes ; ensorte que les doigts, la membrane, & les poils arrangés d'une certaine maniere, forment un instrument propre à nager, mais qui ne vaut pas cependant le pié du castor ; aussi ne nage-t-il pas si vîte. Il marche en canne, mais beaucoup moins que le castor & que les oiseaux de riviere ; ce mouvement est aidé par un muscle qui tire la jambe & la cuisse en dehors. Sa force pour nager est augmentée, parce qu'il décrit avec sa patte une ligne courbe, plus longue par conséquent que si elle étoit droite. Cette force dépend encore beaucoup de la maniere dont sa patte est tournée ; je veux dire, qu'elle l'est en dehors, & se présente toujours également contre l'eau.

Le rat des Alpes de M. Rey, est celui de l'Europe, qui a plus de ressemblance pour la conformation extérieure, avec le rat musqué d'Amérique. On nous envoye quelquefois du Canada les rognons secs de cet animal, qu'on nomme rognons de musc ; mais nos parfumeurs n'en font presque plus d'usage. (D.J.)

RAT DE NORVEGE, (Zoologie) M. Linnaeus, dont nous allons emprunter les connoissances sur le rat de Norvège, le caracterise par les noms de mus caudâ abruptâ, corpore fulvo, nigro, maculato. Je passe sous silence les noms que Gesner, Ziegler, Johnston & d'autres lui ont donné. Ce rat est un peu plus petit que le rat ordinaire, & est à-peu-près gros comme une taupe, le fonds de sa couleur est un jaune tirant sur le brun, excepté au ventre, où le jaune est plus clair ; le devant de sa tête est noir, de même que le dessus des épaules & des cuisses, & ses côtés sont tachetés ; sa queue courte & velue est de couleur jaune, entremêlée de noir : il a une barbe comme les autres rats, & cinq doigts à chaque pié ; ses oreilles sont fort courtes ; il a quatre dents devant, deux en-haut, & deux en-bas, & à chaque côté des mâchoires, trois molaires.

Ces rats demeurent dans les montagnes de la Lapponie, qui sont toutes criblées de trous qu'ils y font pour se loger. Chacun a le sien, ils ne sont pas coenobites ; ce n'est pas pourtant qu'ils soient farouches, au contraire, ce sont des rats de société & d'ailleurs très-résolus ; ils aboient comme de petits chiens, quand on en approche ; & si on leur présente le bout d'un bâton, au lieu de s'enfuir, ils le mordillent & le tiraillent. Ils font ordinairement cinq ou six petits à la fois, mais jamais plus ; aussi leurs femelles n'ont-elles que six tetes. Ils se nourrissent avec de l'herbe & de la mousse à rennes.

Ce qu'il y a de plus remarquable dans ces animaux, ce sont leurs émigrations ; car en certains tems, ordinairement en dix ou vingt ans une fois, ils s'en vont en troupes nombreuses, & marchant par bandes de plusieurs milliers, ils creusent des sentiers de la profondeur de deux doigts, sur un demi-quart ou un quart d'aune de largeur. On voit même plusieurs de ces sentiers à la fois paralleles les uns aux autres, & divisés en droite ligne, mais toujours distanciés de plusieurs aunes. Chemin faisant, ils mangent les herbes & les racines qui sortent de terre, & font des petits en route, dont ils en portent un dans la gueule, un autre sur le dos, & abandonnent le surplus, si surplus il y a. Ils prennent en descendant des montagnes, le chemin du golfe de Bothnie ; mais ordinairement ils sont dispersés, & périssent avant d'y arriver.

Une autre singularité dans la maniere dont ils font ce voyage, c'est que rien ne peut les obliger à se détourner de leur route, qu'ils suivent toujours en droite ligne. Qu'ils rencontrent, par exemple, un homme, ils tâchent de lui passer entre les jambes, plutôt que de se déranger de leur chemin, ou bien ils se mettent sur les piés de derriere, & mordent la canne qu'on leur oppose. S'ils rencontrent une meule de foin, ils se font un chemin au travers, à force de manger, & de creuser, plutôt que d'en faire le tour.

Le peuple qui n'a point su la demeure de ces animaux, s'est imaginé qu'ils tomboient des nues. Wormius a fait un ouvrage pour l'expliquer par des raisons probables ; mais avant que d'examiner comment il peut tomber des rats du ciel, il eût été bon de s'assurer s'il en tomboit effectivement. On ne croit plus présentement aux pluies de rats, ni de grenouilles. Mais comme il y a des tems où les grenouilles paroissent en nombre dans différens pays ; de même il y a des tems en Lapponie où les rats de Norvège descendent des montagnes pour ainsi dire par colonies.

S'ils font quelque dommage dans les champs & les prairies, c'est peu de chose, & leur présence indemnise les habitans ; car quand ils commencent à défiler dans les provinces septentrionales de la Suede, les habitans font ample capture d'ours, de renards, de martres, de goulus, & d'hermines, parce que tous les animaux qui suivent nos rats pour en faire leur proie, s'exposent par-là eux-mêmes à devenir celle des hommes.

On feroit de leur peau des fourrures fort belles, & fort douces, si ce n'est qu'elles sont trop tendres, & se déchirent aisément. Quant à la qualité venéneuse qu'on leur attribue, je ne vois par sur quoi on la fonde ; chaque observateur peut se convaincre aisément, qu'ils n'infectent ni l'eau, ni l'air. Si les chiens n'aiment à en manger que la tête, cela ne prouve rien. Les chats ne mangent guere non plus que la tête des rats ordinaires. S'ensuit-il de-là, que les rats sont venimeux ? Varron nous apprend au contraire, que les anciens habitans d'Italie, en engraissoient & en mangeoient ; & Mathiole nous atteste, qu'ils ont fort bon goût. On sait que dans un autre pays, on tue la marmotte qui est une sorte de rat ; qu'on en fait fumer la viande & qu'on la mange. (D.J.)

RAT ORIENTAL, mus orientalis, Klein, animal quadrupede ; il a deux pouces de longueur depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, qui est grosse & longue d'un pouce & demi. La couleur du poil est rousse ; il y a sur le dos des raies blanchâtres, les oreilles & les jambes sont très-courtes. Reg. animal. pag. 175.

RAT PENNADE, voyez CHAUVE-SOURIS.

RAT PALMISTE, mus palmarum, animal quadrupede ; il a cinq pouces de longueur, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, qui est longue de six pouces ; ses oreilles sont courtes & arrondies. Il y a sur le dos de ce rat trois bandes longitudinales de couleur jaunâtre ; le reste du corps est varié de roux & de noir ; la face supérieure de la queue a une couleur mêlée de noir & de jaunâtre, la face inférieure est d'un jaune roux, avec des bandes longitudinales noires & blanchâtres. Reg. anim. p. 156. où l'animal dont il s'agit est sous le nom d'écureuil palmiste.

RAT BLANC DE VIRGINIE, mus agrestis virginianus albus. Klein, animal quadrupede ; il a environ trois pouces & demi de longueur, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, qui est longue de deux pouces neuf lignes, pointue & parsemée de longs poils. Reg. anim. p. 173.

RAT SAUVAGE, (Zoolog.) c'est ainsi qu'on nomme au Mississipi, l'animal qu'on appelle carachupa au Pérou. Fraizier dit qu'il a la queue pelée, les dents continues sans division, & deux bourses, dont l'une lui couvre l'estomac, & l'autre le ventre, & que c'est dans ces bourses qu'ils mettent leurs petits, lorsqu'ils fuient. Cette description n'est ni vraie, ni exacte, mais on peut recourir à celle de Tyson, qui est bonne & parfaite. (D.J.)

RAT, (Marine) espece de ponton, composé de planches, qui sont attachées sur quelques mâts, & sur lequel se mettent les Charpentiers & les Calfateurs, pour radouber & carener le vaisseau.

RAT ou RAS, (Marine) c'est un courant rapide & dangereux, ou un changement dans le mouvement des eaux, c'est-à-dire des contre-marées, qui sont ordinairement dans une passe ou dans un canal.

RAT, (Marine) on sous-entend à queue de. Voyez COUET A QUEUE DE RAT.

RAT, GRIS DE, terme de Teinturier ; on appelle gris de rat, une couleur semblable à celle de la peau de rat. Cette couleur est de quelque nuance plus brune, que celle qu'on nomme gris de souris. (D.J.)

RAT, s. m. (Tireur d'or) les ouvriers tireurs d'or appellent rats, les trous médiocres des filieres qui leur servent à dégrossir l'or, l'argent, & le léton, pour les réduire en fils, en les faisant passer successivement par d'autres trous plus petits, jusqu'à celui qu'ils nomment superfin. Savary.


RATAFIATS. m. (Médecine) est une liqueur spiritueuse, faite avec les noyaux de différens fruits, ou avec les fruits même, & singulierement avec des cerises & des abricots.

Le ratafiat de cerises se fait en écrasant les cerises & les mettant dans l'eau-de-vie ; on y ajoute les noyaux, avec les framboises, le sucre, de la cannelle, du poivre blanc, de la muscade, & du clou de girofle. On met vingt livres de cerises sur vingt pintes d'eau-de-vie : on laisse le vaisseau ouvert pendant dix ou douze jours ; enfin on le bouche bien & on n'y touche de deux mois.

Le ratafiat d'abricots se fait de deux manieres, ou en faisant bouillir les abricots dans du vin blanc, & y ajoutant une égale quantité d'eau-de-vie, avec du sucre, de la cannelle, de la fleur de muscade & des noyaux d'abricots, laissant le tout infuser pendant huit ou dix jours, & tirant ensuite la liqueur au clair ; ou en faisant infuser les abricots coupés par morceaux, pendant un jour ou deux, dans l'eau-de-vie, passant la liqueur à-travers une chausse, & y ajoutant les ingrédiens ordinaires.

RATAFIAT, (Chymie, Diete, ou plutôt Gramm.) nom qu'on donne à certaines liqueurs spiritueuses, dont l'espece est fort indéterminée, mais plus communément cependant à celles qui sont préparées par infusion ou par le mêlange du suc des fruits. Ce nom est aussi employé quelquefois dans le sens le plus général, & comme synonyme de liqueurs spiritueuses ; mais encore un coup, toute cette nomenclature est fort arbitraire. Voyez LIQUEURS SPIRITUEUSES, Chymie & Diete. (b)


RATATINÉ(Jardinage) s'applique à un arbre qui ne donne que des foibles productions, que des jets minces ; un fruit est ratatiné, quand il est tout ridé.


RATES. f. en Anatomie, est un viscere mou, spongieux, d'une couleur rouge foncé, ou plutôt livide, qui ressemble ordinairement à la figure d'une langue, & qui est quelquefois triangulaire & quelquefois arrondi. Voyez les Pl. d'Anatom. & leur explication.

Ordinairement il n'y a qu'une rate, quelquefois cependant on en trouve deux, & même trois. Elle est située dans l'hypocondre gauche, entre les fausses côtes & l'estomac ; elle est un peu convexe du côté des côtes, & concave vers l'estomac. Communément sa longueur est de six pouces, sa largeur de trois, & son épaisseur d'un pouce. Elle est attachée avec l'omentum, qui avec les vaisseaux sanguins la joignent à l'estomac & au rein gauche, & quelquefois au diaphragme.

Elle est couverte de deux membranes ; la membrane externe vient du péritoine & n'est attachée à la tunique interne que par le moyen des vaisseaux sanguins. La membrane interne est composée de fibres admirablement entrelacées, c'est de-là probablement que viennent ce grand nombre de cellules ou de vésicules qui forment la principale masse de la rate, quoique Malpighi les attribue plutôt aux conduits veineux. Les cellules communiquent les unes aux autres & se dégorgent dans le tronc de la veine splénique. Elles sont garnies en-dedans, suivant Malpighi, de différentes petites glandes jointes ensemble, dont 6, 7, ou 8 forment une espece de petites glandes conglomérées, auxquelles les arteres & les veines paroissent se terminer.

Les vaisseaux sanguins sont l'artere splénique qui vient de la coeliaque, & la veine splénique qui renvoye le sang au foie par la veine porte. Voyez SPLENIQUE.

Ses nerfs viennent du plexus splénique proche le fond de l'estomac : aussi-tôt que les vaisseaux entrent dans la rate, ils sont tous enveloppés d'une membrane ou enveloppe commune, & distribués abondamment dans toute la substance de la rate. De plus il y a quantité de vaisseaux lymphatiques.

Les anastomoses qui sont entre les arteres & les veines de la rate, sont plus visibles dans cet endroit qu'en toute autre partie du corps, & on observe que ce viscere reçoit à proportion beaucoup plus de sang que les autres parties. Voyez ANASTOMOSE.

L'usage de la rate a été bien contesté de tout tems, soit à cause que la dissection n'en fait point appercevoir l'usage immédiat, soit parce qu'on trouve que tous les animaux à qui on la coupe ne laissent pas de vivre sans rate. Tout ce qui arrive, par exemple, aux chiens à qui on l'a coupée, c'est qu'ils sont plus alertes qu'à l'ordinaire, qu'ils urinent plus souvent ; qu'ils sont plus affamés qu'auparavant, & que pendant les premiers jours ils sentent des nausées & qu'ils vomissent : on ajoute que pour faire un bon coureur il faut lui ôter la rate.

C'est pourquoi quelques-uns ont imaginé que la rate ne servoit que d'un poids pour entretenir l'équilibre du corps ; d'autres qu'elle ne servoit qu'à faire la symmétrie ; d'autres croyent que c'est un poids inutile & une des superfluités de la nature ; d'autres que c'est une fosse commune dans laquelle le sang dépose ses parties grossieres ; d'autres enfin que c'est un feu dont la chaleur anime l'action de l'estomac.

Plusieurs anciens ont dit qu'elle étoit le réservoir de la bile noire ou humeur mélancolique ; c'est pourquoi quelques-uns d'entr'eux l'appellent l'organe du rire. Voyez RIRE, HYPOCONDRIAQUE, &c.

M. Cowper tire de la grande quantité de sang qui se trouve dans la rate, & de ses inosculations apparentes, une conjecture bien naturelle sur son usage, ou du-moins sur son méchanisme particulier. Il pense donc que la rate n'est qu'un organe subordonné qui aide à la circulation, & croit que du concours du sang artériel & de celui des veines, il résulte une impétuosité qui se communique au sang des veines, & qui facilite son passage à-travers les ramifications de la veine porte à la veine cave ; car autrement ce sang seroit tellement interrompu par les ramifications doubles de la veine porte, qu'il ne lui resteroit pas assez de force pour aller au coeur. Voyez CIRCULATION.

L'action ou l'effet de la rate, suivant Boerhaave, est de recevoir le sang nouveau des arteres, de le préparer dans ses glandes, & le répandre dans ses cellules ; de reporter le sang qui est resté après cette préparation aux petites veines, & de-là à la veine splénique ; de mêler les humeurs ainsi préparées avec les sucs nerveux, & de les préparer, atténuer, & unir plus intimement ensemble en une même humeur.

Malpighi, & après lui le docteur Keill, & quelques autres, prétendent que la rate est un viscere qui aide au foie à faire la secrétion, &c. de la bile. Nous avons observé qu'à cause de la proximité du foie & du coeur, & de la vîtesse du mouvement du sang dans l'aorte, une humeur composée de particules, qui se combine aussi lentement que le fait la bile, ne pourroit pas être préparée, si la vîtesse du sang n'étoit pas diminuée en faisant plusieurs tours pour passer à-travers l'estomac, les intestins, & l'omentum, &c. jusqu'au foie.

De plus, le docteur Keill conjecture que ces parties ne suffisoient pas pour recevoir tout le sang qui devoit être envoyé au foie ; c'est pourquoi la nature a formé la rate dans les cavités de laquelle le sang étant répandu par une petite artere, se meut dumoins aussi lentement que tout ce qui passe au foie d'une autre maniere, au moyen de quoi les particules qui composent la bile dans le sang qui passe par le rameau splénique, ont plus d'occasion, par une circulation si longue & si lente, de s'unir, qu'elles n'en auroient si elles avoient été portées par les branches de la coeliaque directement au foie ; par conséquent sans la rate le foie n'auroit pas pû préparer une aussi grande quantité de bile qu'il en faut, c'est-à-dire que la nature en demande. Voyez BILE ; voyez aussi FOIE.

Je n'ajouterai qu'un petit nombre de remarques.

On ne sauroit donner une description exacte de la rate, parce que sa figure & son volume varient beaucoup, par conformation naturelle, par l'âge, par maladies ; elle paroit même grosse ou petite lorsque par l'ouverture du cadavre, l'estomac est vuide ou plein ; si l'estomac est plein, il la resserre ; s'il est vuide, il lui permet de s'étendre ; mais Van-Horne l'a une fois trouvée d'une grosseur extraordinaire, pesant plus de cinq livres ; d'autres fois elle se trouve presque réduite à rien. M. Littre a fait voir à l'académie des Sciences une rate d'homme entierement pétrifiée ; elle tenoit comme de coutume à ses vaisseaux & ligamens ordinaires, & elle pesoit une once & demi. Le même Littre fit aussi voir une partie de la membrane d'une autre rate d'homme devenue osseuse.

Ce viscere est communément attaché au bord du diaphragme par un ligament membraneux particulier ; mais dans quelques sujets on trouve d'autres ligamens différens des vaisseaux courts qui l'attachent à l'estomac & au colon.

Riolan dit avoir vû la rate dans l'hypocondre droit, & le foie dans le gauche. Guy-Patin raconte aussi que dans un voleur qui fut roué à Paris en 1650, on trouva le foie du côté gauche, & la rate du côté droit ; mais on ne peut guere compter sur le récit de Riolan, ni sur celui de Guy-Patin, parce que ce dernier ne cite aucun témoignage confirmatif, & que les auteurs contemporains n'en ont fait aucune mention. Nos anatomistes modernes, qui dans l'Europe ont ouvert entr'eux des milliers de cadavres depuis cent ans, n'ont jamais écrit qu'ils eussent vû ce phénomene.

D'autres auteurs ont prétendu qu'il y a des hommes auxquels la rate manque naturellement. Hollier, Dulaurens, Kerkring, ont appuyé ce conte du poids de leurs dissections ; mais quelque forts que semblent des témoignages affirmatifs, de pareilles observations sont trop suspectes pour les admettre, tant qu'elles ne seront pas confirmées par les dissections postérieures.

Il est d'autres anatomistes qui nous disent au-contraire avoir trouvé quelquefois dans le corps humain deux & même trois rates bien conformées ; mais leur témoignage ne mérite aucune créance. Il paroît même que les especes de petites rates particulieres vues par M. Winslow, n'étoient que des appendices de la rate, & des jeux de la nature.

Comme quelques expériences ont justifié que la rate n'étoit pas absolument essentielle à la vie des animaux, on a vû, dans le dernier siecle, des chirurgiens s'aviser de dire que l'homme tireroit des avantages de se faire ôter la rate ; mais ce systême barbare & ridicule, eut d'autant moins d'approbateurs, que les chiens sur lesquels ils imaginerent de faire leurs expériences pour prouver leur opinion, souffrirent de grands dérangemens dans tout leur corps, languirent, & moururent bien-tôt après. (D.J.)

RATE, (Physiolog.) la rate située dans l'hypocondre gauche, pendante sous le diaphragme, adhérente au rein gauche, à l'épiploon, & en quelque maniere à l'estomac, est exposée dans cette situation à la pression du diaphragme & des muscles de l'abdomen. Elle reçoit un sang pur, artériel, qui ne fait que de sortir du coeur ; la coeliaque, quelquefois l'aorte même lui fournit une artere, de laquelle le foie, le pancréas, le duodenum, le ventricule, reçoivent aussi leurs vaisseaux artériels ; d'où il est constant que le sang ainsi distribué à la rate par une infinité de rameaux, est tout-à-fait semblable à celui qui est porté aux autres parties qu'on vient de nommer.

Comme l'injection prouve qu'il y a un passage directement ouvert de ces arteres dans les veines, il paroît que les extrêmités des artérioles spléniques ne se terminent pas toutes de la même maniere, mais qu'il regne ici une variété assez considérable, que cependant aucun art n'a pu démontrer jusqu'à présent, sur-tout à cause de la grande friabilité de ce viscere.

Il est néanmoins évident que la rate est construite comme tous les lieux du corps où se font des secrétions, & que conséquemment il s'en fait certainement en cette partie. Les vaisseaux lymphatiques qu'on y trouve environnant toute la tunique vaginale, rampant entre les deux sur les membranes propres spléniques, s'écartant çà & là de l'artere splénique ; ces vaisseaux, dis-je, sont en plus petite quantité dans ce viscere que dans les autres ; & comme ils ne pénetrent point dans l'intérieur, il suit qu'ils prennent leur origine des vaisseaux qui servent à nourrir le corps de la rate.

Si dans une rate lavée, dont on a exactement lié la veine, on souffle de l'air par l'artere dans toute la substance de ce viscere, & qu'ensuite après avoir lié l'artere, & laissé la rate se dessécher à l'air, on la disseque ; outre les arteres, les veines, & les nerfs, on voit en l'examinant bien, plusieurs cellules vuides, distendues, distinctes, composées de membranes élevées en droite ligne, de figure & de capacité diverses, lesquelles s'ouvrent les unes dans les autres par un orifice, & même dans ses plus grands trous faits au sinus veineux.

Les parois des membranes qui forment ces cellules sont arrosées de très-petites arteres ; on y voit de plus une grande quantité de corps ovales blancs, mous, disposés en forme de grappes glanduleuses, dont toutes les propriétés montrent sensiblement que ces grains servent à exprimer les glandes.

Quoique la rate ait à peine aucun mouvement sensible, qu'elle ne soit point douée d'un sentiment exquis, & qu'on n'observe pas même qu'elle en ait besoin, elle a cependant plusieurs grands & différens nerfs destinés pour elle seule, & qui se distribuent dans toute sa masse. C'est pourquoi il est très-vraisemblable que ces petits tuyaux nerveux s'y déchargent de leur humeur subtile, qui se mêle ensuite aux autres liqueurs veineuses qu'on y trouve.

Il suit de ce détail, que la principale action de la rate paroît consister en ce que, 1°. le sang artériel pur, abondant en lymphe, prépare une lymphe très-subtile dans les petites glandes de ce viscere, l'y sépare, la verse dans les cellules par ses émonctoires particuliers, & en décharge aussi peut-être une partie dans la veine splénique. 2°. Le sang qui reste après cette action semble être porté dans les petites veines, & de-là dans les veines communes. 3°. L'autre troupe d'artérioles qui tapisse les parois des membranes, verse peut-être dans les cellules ouvertes des membranes, un sang plein de lymphe, & qui vient d'être atténué dans ce tissu artériel, comme il arrive dans les corps caverneux. 4°. Il est aussi croyable que les nerfs y portent, y déposent, y mettent, y fournissent sans-cesse une grande quantité d'esprits. 5°. Que toutes ces humeurs, ainsi préparées, confusément mêlées, après avoir croupi un moment, sont comprimées, mêlées, atténuées, & souffrent la même élaboration que dans le poumon, par la forte action du sang artériel, par l'impétuosité du suc nerveux, par la contraction des deux membranes propres de la rate, & de sa tunique vaginale, par le renversement des fibres qui sont ici très-nombreuses, par l'agitation du diaphragme, des muscles, des vaisseaux, & des visceres abdominaux.

Le sang qui est fluide en cet endroit, disons riche en esprit & en lymphe, qui forme difficilement des concrétions, intimement mêlé, se séparant avec peine en parties hétérogenes, acquiert par ces causes une couleur rouge pourpre, & sort ainsi coloré de ce viscere par la grande veine splénique : tel est donc l'effet de la rate ; mais comme toute l'humeur qui y est préparée va dans la veine porte & au foie, il est évident que la rate travaille pour ce dernier viscere.

En effet, le foie & la rate semblent être dans une mutuelle dépendance l'un de l'autre. 1°. Dans les animaux auxquels on a enlevé la rate, on trouve le foie augmenté en volume, obstrué, flétri, ulcéré, défiguré ; ces changemens se sont trouvés quelquefois réunis & quelquefois séparés ; c'est-à-dire qu'on a trouvé dans quelques chiens ces assemblages de maux, & que dans d'autres on n'a rencontré qu'un seul de ces vices. 2°. Il est certain que la bile n'est plus la même dans les animaux auxquels on a enlevé la rate, la quantité est moindre, la couleur est blanchâtre, la consistance en est plus épaisse : on a trouvé les molécules de cette bile, comme des grumeaux de fromage. 3°. Il est donc évident que le foie & la bile ont besoin du sang de la rate, c'est-à-dire d'un sang plus fluide, & qui ait plus de lymphe & de sérosité, ou qui soit préparé d'une façon particuliere comme le sang de la rate.

On peut juger par ce récit, si les diverses opinions qu'on a avancées sur les usages de la rate, sont des opinions bien fondées : les uns ont dit que la rate n'avoit d'autre usage que de servir de contre-poids au foie, en donnant plus de pesanteur à l'hypocondre gauche ; mais ceux qui raisonnoient ainsi ignoroient la véritable situation du foie qui couvre l'estomac en partie, & qui se jette quelquefois extraordinairement dans l'hypocondre gauche ; quelle étoit donc la nécessité de cet équilibre ? Peut-on dire d'ailleurs qu'un corps aussi petit que la rate par rapport au foie, puisse balancer ce viscere ?

Ceux qui ont imaginé que la rate n'étoit qu'un jeu de la nature ou un fardeau inutile, ont encore parlé avec moins de fondement ; sa perfection, les vûes raisonnées & constantes qu'on trouve dans sa structure animale, ne permet pas qu'on raisonne ainsi : les effets que produit l'absence de la rate, auroient dû inspirer un sentiment bien différent ; les chiens auxquels on enleve ce viscere, deviennent tristes, maigrissent, ont une bile visqueuse, un sang noirâtre & épais.

Les chymistes qui ont prétendu qu'il se fil troit dans la rate une âcreté vitale, sont encore plus chimériques, car il n'y a pas le moindre acide dans la rate, & le lait ne s'y caille jamais. Vains jouets de l'imagination, disparoissez à la vûe des vérités anatomiques.

Est-il probable qu'on soit impuissant & stérile quand la rate est détruite ? Non sans-doute, & c'est plutôt le contraire. Les parties génitales sont éloignées de la rate de tout le péritoine. De plus, on sait que les chiennes sans rate ne sont pas moins fécondes ni moins avides du mâle. Tant qu'on ne raisonnera pas sur des principes tirés de la structure des parties, on ne fera que des systèmes propres à nous égarer.

Je pardonnerois plutôt aux anciens qui ont établi dans la rate le trône des ris, de la joie, & le siége des plaisirs du siecle de Saturne ; du-moins est-il vrai que quand la rate fait bien ses fonctions, on dort mieux, on est plus gai & plus content, mais c'est que rien ne gêne le cours du sang & des esprits.

Après tout, notre système physiologique sur la rate peut seul être en état de satisfaire à plusieurs questions, autrement assez obscures ; par exemple,

Que font la situation, le volume, le voisinage de la rate, la façon dont elle est suspendue ? Que nous apprennent la situation, la naissance, la capacité de l'artere splénique ? Je réponds, que la rate, voisine du diaphragme, du coeur, de l'estomac, & des muscles du bas-ventre qui l'entourent, est ainsi placée pour mieux recevoir l'action de toutes ces parties. Ce viscere est ainsi suspendu afin de pouvoir être également comprimé de toutes parts, par rapport aux besoins du sang qui s'y filtre. L'artere splénique, la plus grande des arteres du bas-ventre, libre dans son trajet, est avantageuse à la rate, parce qu'elle fournit promtement une grande abondance de sang qui circule avec rapidité.

Pourquoi un animal qui a la rate coupée devient-il plus lascif ? La situation de l'artere spermatique en donne la raison. Le sang de l'aorte ne pouvant plus passer par l'artere splénique liée & bouchée, est forcé de couler plus abondamment dans les vaisseaux spermatiques ; ainsi la secrétion étant augmentée, augmente le desir de l'évacuer ; mais comme le manque de rate coûte beaucoup au foie, cette lasciveté est de peu de durée.

D'où vient que le même animal à qui on a coupé la rate pisse très-souvent ? C'est parce que la lymphe qui couloit par l'artere coeliaque dans la rate, est obligée d'entrer dans les arteres émulgentes qui sont peu éloignées de l'artere coeliaque.

D'où vient que les animaux qui n'ont point de rate sont plus voraces que les autres ? Cela doit arriver, tant parce qu'il se filtre plus de suc gastrique, une des causes de la faim, que parce que la contraction du ventricule augmente, & toujours par la même raison, qui est que le sang de la coeliaque entre en plus grande quantité dans les rameaux qui se distribuent à l'estomac ; ainsi le ventricule étant évacué plus promtement, la voracité renaît ; mais elle dure peu, parce que la chylification se dérange.

D'où viennent les borborigmes, les nausées, les vomissemens qui arrivent les premiers jours qu'on a fait l'extirpation de la rate à quelque animal ? La situation des nerfs spléniques & stomachiques en donnent la raison. Le cours du sang & des esprits dans les intestins est entierement troublé ; telle portion qui en reçoit plus que de coutume, se contracte plus vivement, & l'air qui séjourne entre deux barrieres nouvelles, est poussé fortement & par secousses.

Par quelle raison, après l'extirpation de la rate, l'animal qui a souffert cette opération, est-il abattu, triste & tourmenté de la soif ? Je répons que cet animal a souffert des douleurs violentes qui ont dû troubler toute l'économie des parties voisines ; les nerfs sympathiques en restent ébranlés, & les impressions de la douleur subsistent long-tems.

On remarque aussi que le foie grossit, ou se flétrit, ou s'enflamme dans les animaux qui n'ont pas de rate ; si ce viscere est en bon état, il doit grossir, par la même raison qu'un rein grossit quand l'autre est perdu ; mais s'il est mal disposé, il peut se flétrir ou s'enflammer, parce qu'il se trouve privé d'une grande quantité de lymphe qui lui venoit de la veine splénique.

On observe encore qu'après l'extirpation de la rate, l'hypocondre droit paroît plus élevé ; cela procede de ce qu'on a extirpé la partie qui élevoit l'hypocondre gauche ; outre qu'alors le foie s'augmente communément par la plus grande quantité de sang qui y circule.

On demande enfin par quelle raison les hypocondriaques & les spléniques sont sujets à tous les maux & accidens dont on vient de parler. Pour quelle raison sont-ils pâles, & pourquoi cependant sont-ils quelquefois provoqués à rire sur des riens ?

Les hypocondriaques en qui la rate obstruée ne fait pas ses fonctions, doivent être sujets à-peu-près aux mêmes symptomes que les animaux auxquels on a enlevé la rate ; c'est à-peu-près la même chose dans l'économie animale que la rate manque, ou qu'elle ne fasse pas ses fonctions.

La pâleur vient peut-être 1°. de ce que les veines mesentériques qui sont extrêmement grosses, retiennent une grande quantité de sang : 2°. de ce que le sang trop épais ne sauroit entrer dans le réseau qui colore la peau.

Quoique les hypocondriaques soient ordinairement fort tristes, il leur arrive cependant de rire le plus dans certaines occasions & sur des bagatelles ; c'est parce qu'alors le sang regorge dans les artères diaphragmatiques. On conçoit encore que les esprits refluent alors des nerfs de la rate dans les nerfs du diaphragme qui sont voisins, & l'on sait que le ris ne manque pas de survenir quand les nerfs du diaphragme viennent à être ébranlés. (D.J.)

RATE maladie de la, (Médecine) le viscere attaché dans l'hypocondre gauche, suspendu au diaphragme, contenant dans ses cellules une grande quantité de sang moins disposé à s'épaissir que partout ailleurs, est le viscere qu'on nomme la rate ; ce viscere dépourvu d'un émonctoire particulier, & doué d'un mouvement propre, est sujet à grand nombre de maladies.

1°. Il est vrai que l'absence & le défaut de cette partie, quand le volume du foie se trouve plus considérable qu'à l'ordinaire, prouve qu'elle n'est pas absolument nécessaire à la vie, mais elle l'est à la santé.

2°. Les grandes blessures de la rate sont communément mortelles. La contusion & la compression qu'elle peut éprouver, produit une dureté très-difficile à résoudre : c'est le chef-d'oeuvre de l'art d'y réussir.

3°. Ceux qui ont la rate enflée, sont appellés vaporeux, rateleux ; souvent on confond cette maladie avec la mélancolie, la colique, ou le gonflement de la partie gauche du foie ; souvent aussi l'enflure vient d'hydropisie, d'hydatides ; & alors la rate est attaquée de relâchement & de froideur. Les sujets qui se trouvent dans ces divers cas, sont ordinairement soulagés, lorsqu'il leur survient une diarrhée, à moins que cette diarrhée ne soit produite par la compression du réservoir lombaire. Ces sortes de tumeurs, à raison de leurs différentes causes, sont d'un traitement trop difficile ; l'enflure de la rate accompagnée de dureté, de skirrhe, d'écrouelles, exige des topiques résolutifs internes & externes joints à des douces frictions.

4°. On traite de même l'obstruction de la rate ; pour ce qui regarde son inflammation, la douleur, l'abscès, l'ulcere, & la corruption qui y surviennent, ce sont autant de maux dont le traitement ne s'éloigne pas de la méthode curative générale, à moins qu'on n'ait à prévenir avec grand soin le dépôt de l'humeur dans la cavité du bas-ventre. La douleur de la colique qu'on guérit par des émolliens & des minoratifs, est assez souvent attribuée à la rate. Quant à celle qui paroît à la suite d'une violente course, elle se dissipe d'elle-même par le repos, au cas qu'elle ne soit point accompagnée de fievre, d'inflammation, & d'autres symptomes fâcheux. (D.J.)

RATE retranchement de la, opération de Chirurgie par laquelle on extirperoit la rate. Le vulgaire ignorant imagine qu'on peut rendre un homme habile à la course, en le dératant, c'est-à-dire, en lui extirpant la rate. Ce viscere est sujet à des engorgemens considérables de sang qu'on soulage par l'application des sangsues aux veines hémorrhoïdales, à des skirres qu'on résout par des emplâtres ou cérats émolliens & discussifs. Fabrice d'Aquapendente, célebre chirurgien médecin de Padoue, rapporte des cures admirables de ce genre opérées par ses soins. Les anciens croyoient guérir les maux de rate, en cautérisant avec un fer rouge, en divers endroits, la peau sur la région de ce viscere. On a porté plus loin les tentatives cruelles & téméraires. Il y a cent cinquante ans qu'un particulier avoit acquis une certaine vogue en Italie par une opération sur la rate ; il couvroit l'hypocondre gauche d'une feuille de papier ; il appliquoit dessus le tranchant d'une hache, qu'il frappoit d'un grand coup de marteau : les malades s'en retournoient dans l'espérance d'être guéris. Fabrice d'Aquapendente assure qu'un pauvre homme fut tué par cette opération, parce que la hache ayant été frappée trop rudement, le papier, l'abdomen & la rate furent fendus du coup. Quand on considere la situation de la rate dans l'abdomen, & les connexions qu'elle a par le moyen de ses vaisseaux & de sa membrane, avec l'estomac, le diaphragme, l'épiploon, le péritoine, &c. on concevra bien qu'il n'est pas possible de faire l'extirpation de ce viscere, sans exposer celui à qui l'on feroit certe opération, au danger de mourir d'hémorrhagie dans l'opération même, ou fort peu de jours après, par l'inflammation de tous les visceres circonvoisins avec lesquels il a des rapports médiats ou immédiats. Cependant le chevalier Leonard Fioraventi prétend avoir extirpé la rate à une femme de Palerme avec le plus grand succès, & que cette rate pesoit plus de trente-deux onces. Plusieurs auteurs qui regardent Fioraventi comme un charlatan du premier ordre, tiennent cette observation pour très-suspecte. On sait que les animaux sur lesquels on a fait l'expérience de l'extirpation de la rate, sont tous morts peu de tems après par le vice du foie. On en a tiré des inductions sur les usages particuliers & relatifs de ces deux parties si essentielles à la digestion. Voyez RATE, terme d'anatomie. (Y)


RATEAou RATELIER, s. m. (Marine) c'est le nom qu'on donne à 5 ou 6 poulies qu'on met de rang l'une sur l'autre, le long de la livre du mât de beaupré, pour y passer les manoeuvres de ce mât. (Z)

Râteaux, ce sont des menues pieces de bois dentelées, que l'on cloue au-dessous du milieu des deux grandes vergues ; savoir, la grande vergue, & la vergue de misaine, & dans lesquelles passent les éguillettes qui tiennent la tête de la voile, à la place des rabans, parce qu'on n'en peut pas mettre en cet endroit.

Râteaux ou rateliers à chevillots, sont de petites traverses de bois qu'on met en quelques endroits, & surtout dans les haubans d'artimon, avec des chevillots, pour y amarrer de petites manoeuvres.

RATEAU, (Cirerie) le rateau des blanchisseurs de cire est de bois avec des dents fort serrées ; il sert à retirer les cires de dessus les toiles de l'herberie, quand elles y sont restées suffisamment suivant leur qualité. (D.J.)

RATEAU, terme de Cordier, c'est une piece de bois garnie de dents aussi de bois, qui est élevée horisontalement au bout de l'attelier des cordiers. C'est entre les dents du rateau que l'ouvrier met ses fils ou ses cordons, à mesure que l'ouvrage s'avance. Savary. (D.J.)

RATEAU, (Horlogerie) les Horlogers nomment ainsi une portion de roue d'environ 12 degrés située sous le coq des montres, où elle tourne dans la coulisse. Voyez les Pl.

Le rateau a une partie q que l'on appelle sa queue. Vers l'extrêmité de cette queue il y a deux petites chevilles qui s'élevent au-dessus de son plan de l'épaisseur d'un liard, ou un peu moins. La distance entre ses chevilles est d'une très-petite quantité plus grande que l'épaisseur du ressort spiral. C'est entre ces chevilles que passe ce ressort. Voyez nos Pl. de l'Horlogerie.

RATEAU, (terme de Jardinier) C'est un outil de jardinier dont il se sert pour tirer les herbes des allées des jardins, après qu'on les a arrachées avec la ratissoire. Il y a des rateaux à dents de fer, & d'autres à dents de bois ; les rateaux à dents de fer sont préférables pour dresser les planches & les plateformes. (D.J.)

RATEAUX, (Pêcher) c'est ainsi qu'on appelle de petits gors nommés improprement tesselles, dans la riviere de Villaine, dans l'amirauté de Vannes en Bretagne.

RATEAUX, terme de pêche ; les rateaux de pêcheur ont jusqu'à trois ou quatre piés de tête, 12 dents de fer, & quelquefois 16, dont les pêcheurs se servent pour déterrer les poissons plats qui se sont ensablés ; ils font cette pêche, lorsqu'il ne reste plus que quelques pouces d'eau sur les sables, & même après qu'ils sont à sec. Ce travail ne peut détruire le fretton qui s'est déja retiré de la côte ; d'ailleurs on ne peut guere traîner cet instrument que sur les sables que l'eau a déja abandonnés. On pêche de cette maniere d'assez beaux poissons, comme soles, petits turbots ou cailletots, barbues, plies, limandes, carrelets, floudes, &c. Voyez HERSE, qui fait en grand ce que le rateau fait en petit.

RATEAU, (terme de Serrurier) garniture ou garde d'une serrure. Ce sont de petits morceaux de fer, ou pointes faites en forme de rateau, qui entrent dans les fentes & dans les dents du panneton, ou museau de la clé ; on les a imaginés pour empêcher qu'une autre clé ne pût ouvrir cette même serrure. (D.J.)

RATEAU pour séparer les portées des chaînes des étoffes de soie. Le rateau est un outil qui sert à plier les chaînes sur l'ensuple ; il est de la longueur de quatre piés ; il est garni de différentes dents en yvoire éloignées de 3 lignes environ les unes des autres ; elles ont à chaque bout un liteau d'un pouce environ de large, & demi-pouce d'épaisseur. Il y a un de ces liteaux qui se déboite au moyen d'un vis qui est au milieu, pour qu'on puisse faire les portées aisément entre les dents.

Les dents des rateaux ont différens éloignemens, suivant la quantité de portées dont la chaîne est composée, qui doit avoir toujours sa même largeur sur l'ensuple de derriere.

Les gaziers, drapiers & autres ouvriers ourdisseurs ont aussi leurs rateaux semblables à celui-ci.

RATEAUX, en terme de Vergettier, ce sont des especes de balais dont le manche traverse la porte en côté, comme font les manches de rateaux. Les Tapissiers s'en servent pour nettoyer les pieces de tapisseries, d'où on les a appellés brosses à tapissier.


RATÉE CANNE(terme de relation) on nomme cannes ratées aux îles françoises de l'Amérique, les cannes à sucre, qui ont été entamées par les rats ; ces cannes s'aigrissent presque aussitôt, le dedans noircit, & elles deviennent absolument inutiles à faire du sucre, ne servant tout au plus qu'à faire de l'eau-de-vie.

Les rats des îles se prennent avec des chiens élevés à cette chasse ; les chats qu'on y porte, ou qui y sont nés, n'étant point propres à détruire un animal si nuisible, outre que les Negres, pour qui les chats sont un grand ragoût, songent à les prendre, bien loin de les élever à faire la guerre aux rats.

Ces derniers animaux font un si grand dégat dans les terres plantées de cannes, qu'il y a des chasseurs établis payés exprès pour les prendre : ce qu'ils font avec une espece de traquenar d'osier en forme de panier, dans lequel est placé un noeud coulant. Labat, voyage. (D.J.)


RATELS. m. (Commerce) poids dont on se sert en Perse, qui revient environ à la livre de seize onces de France. Le ratel est la sixieme partie du petit batman, qu'on appelle autrement batman de Tauris. Voyez BATMAN, dictionn. de Commerce & de Trévoux.


RATELIERvoyez RATEAU.

RATELIER, s. m. (Bonneterie) espece d'instrument sur lequel on foule les bas, les bonnets & autres semblables ouvrages de laine qui se font au tricot ou au métier. (D.J.)

RATELIER, terme de Corderie, est une espece de rateau : il y en a de plusieurs sortes. Les uns sont attachés à une piece de bois qui tient au plancher ; d'autres sont sur des piquets qui sont plantés en terre ; d'autres enfin sont scellés dans des murs ; & tous servent à soutenir le fil, quand on en a filé une certaine longueur. Voyez l'article CORDERIE & les figures.

RATELIER, (Maréchal.) on appelle ainsi dans les écuries, une grille de bois qu'on attache au-dessus de la mangeoire, & derriere laquelle on jette du foin que le cheval tire entre les rouleaux de cette grille pour le manger. Il y en a des droits & des panchés.

RATELIER, (terme de Rotisseur) piece de bois de 8, 10, 12 piés de long, avec des chevilles pour pendre le gibier.

RATELIER, (terme de Tourneur) sorte de train de bois où il y a plusieurs especes de chevilles de bois appellées rosettes, sur lesquelles on met des armes, comme des épées, des fusils, des pistolets ; on fait aussi des rateliers à mettre des formes dont se servent les cordonniers. (D.J.)


RATENAU(Géog. mod.) ville d'Allemagne, dans la moyenne marche de Brandebourg, sur le Havel, entre les villes de Brandebourg & Havelberg. Elle fut bâtie en 430, & souffrit beaucoup dans les guerres du siecle passé, ayant été prise & reprise alternativement par les Suédois & par les Impériaux. Long. 30. 28. latit. 52. 39. (D.J.)


RATENBURG(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne dans le Tirol, entre Kuffstein & Schwaz, sur l'Inn. Long. 29. 32. lat. 47. 12. (D.J.)


RATEPENADEVoyez CHAUVE-SOURIS.

RATEPENADE, Voyez GLORIEUSE.

RATEPENADE, Voyez POISSON VOLANT.


RATERprendre un rat, se dit des armes à feu lorsqu'on a lâché la détente pour faire tomber le chien sur sa batterie, & que le coup n'est pas parti. Les mousquets étoient bien moins sujets à rater que les fusils, pistolets & mousquetons, parce que l'effet de la meche étoit plus certain que le feu de la pierre sur la batterie ; mais aussi les fusils ont beaucoup plus de commodité pour tirer promtement & commodément. Voyez MOUSQUET. Les gros fusils comme le sont ceux des Boucaniers, sont bien moins exposés à rater que les autres ; des batteries aussi fortes que celles de ces fusils ratent très-rarement, leurs pierres ne s'usent que très-peu & elles ne se cassent point. Voyez ARMES BOUCANIERES.

Plusieurs causes font rater le fusil ; sçavoir, lorsque la pierre ou la batterie se trouve usée, ensorte que le choc du chien sur cette batterie ne produit point de feu, ou bien lorsque la poudre est humide ou mouillée, ou que la lumiere se trouve bouchée par l'espece de crasse que la poudre laisse dans le fusil en s'enflammant. (Q)


RATIATUM(Géog. anc.) ville détruite des Gaules, dont Ptolémée est le seul des anciens écrivains qui en fasse mention. Deux manuscrits de cet auteur, conservés dans la bibliothèque du Roi de France, placent Ratiatum à 17. 50. de longit. & à 48. 20. de latit.

M. l'abbé Belley a fait une dissertation sur cette ville, pour prouver qu'elle étoit située vers la riviere de Loire, dans le pagus Ratiatensis, le pays des Raits, auquel elle a donné son nom. Elle a été vraisemblablement détruite pendant les courses des Normands qui firent dans tout ce pays là d'horribles ravages. Voyez les Mémoires de l'académie des inscript. tom. 19. in-4 °. (D.J.)


RATIBOR(Géog. mod.) ville d'Allemagne, capitale du duché du même nom dans la haute Silésie, sur l'Oder, dans un terrein fertile en blé & en fruits, à 6 milles d'Oppelen ; le roi de Danemarck fut obligé d'en lever le siege en 1627, & les Suédois la prirent en 1642. Long. 35. 58. latit. 50. 15.


RATIEREterme de Rubanier, c'est le metier dont les rubaniers se servent pour faire cette espece de tissu rond en forme de cordonnet, & qu'on appelle gance. Voyez GANCE.


RATIFICATIONS. f. RATIFIER v. a. (Gram. & Jurisprud.) c'est un acte par lequel quelqu'un approuve un acte qui a été passé pour lui.

Si celui qui a agi pour un tiers l'a fait en vertu d'une procuration valable, l'acte n'a pas besoin d'être ratifié par celui qui a donné la procuration, celui-ci étant valablement obligé à tenir ce qui a été fait en vertu de sa procuration, pourvû que le mandataire n'ait point excedé son pouvoir ; & la ratification qui seroit faite dans ce cas, ne seroit que surabondante.

Mais si celui qui a agi pour un autre l'a fait sans pouvoir, celui pour lequel il a agi n'est obligé que du jour de sa ratification.

Lorsque l'on s'est fait fort de quelqu'un que l'on a promis de faire ratifier, on ne peut demander l'exécution de l'acte jusqu'à ce que l'on ait rapporté la ratification.

Si l'acte que l'on ratifie étoit nul dans son principe, comme la vente que quelqu'un fait du bien d'autrui, la vente qu'un mari fait du bien de sa femme sans son consentement, la ratification n'a point d'effet rétroactif, & l'hypotheque sur les biens de celui qui ratifie n'a lieu que du jour de sa ratification.

Un mineur devenu majeur peut ratifier un acte passé par lui ou par son tuteur. Cette ratification peut être expresse ou tacite ; on appelle ratification tacite celle qui résulte de son silence pendant dix années depuis la majorité ; en l'un & l'autre cas sa ratification a un effet rétroactif, parce que l'obligation du mineur n'est pas nulle de plein droit, elle peut seulement être annullée s'il y a lieu. Voyez au cod. le tit. si major factus ratum habuerit.

RATIFICATION, lettres de, sont des lettres du grand sceau que l'acquéreur d'un rente sur le roi obtient pour purger les hypotheques que son auteur pourroit avoir constituées sur la rente.

Elles ont pour ces rentes le même effet qu'un décret pour les héritages par rapport aux hypotheques.

L'édit du mois de Mars 1623 a créé des conservateurs des hypotheques pour recevoir les oppositions de ceux qui prétendent quelque droit sur les propriétaires de ces rentes.

Les acquéreurs, à quelque titre que ce soit, ne sont tenus suivant cet édit pour se procurer leur sûreté, que de prendre au grand sceau des lettres de ratification ; & s'il ne se trouve point d'opposition au sceau de ces lettres, toutes hypotheques sont purgées.

Mais ces lettres ne purgent pas les douaires & substitutions non encore ouvertes, non plus que les decrets.

Elles ne purgent pas non plus l'hypotheque du roi sur les rentes des comptables, le roi n'étant jamais censé accorder de privilege contre lui-même.

Le seul moyen d'acquérir surement des rentes qui appartiennent à des comptables, en suivant la déclaration du 4 Novembre 1680, est de communiquer le contrat au procureur général de la chambre des comptes & d'obtenir son consentement pour s'assurer que le comptable n'est plus redevable envers le roi. V. au mot Lettres, LETTRES DE RATIFICATION. (A)


RATINES. f. (Draperie) sorte d'étoffe de laine croisée, qui se fabrique sur un métier à quatre marches, de même que les serges & autres semblables étoffes qui ont de la croisure. La ratine est une sorte de tissu fait de fils de laine entrelacés les uns dans les autres d'une certaine maniere, qui en forme la croisure ; les fils qui vont en longueur depuis le chef jusqu'à la queue de la piece, se nomment fils de chaîne ; & ceux qui sont placés de travers sur la largeur de l'étoffe, sont appellés fils de trême ; ensorte qu'une piece de ratine est composée d'une chaîne & d'une trême.

Il y a des ratines drapées ou apprêtées en draps, des ratines à poil non drapées, & des ratines dont le poil est frisé du côté de l'endroit, ce qui fait qu'on les appelle ordinairement ratines frisées ; les unes sont blanches & les autres sont de différentes couleurs, soit que la laine en ait été teinte avant que d'être filée, ou que l'étoffe ait été mise de blanc en teinture, après avoir été fabriquée. Dict. du Com. (D.J.)


RATIONS. f. à l'armée ou sur mer, est la pitance ou portion réglée de vivres, de boisson, ou de fourrage, qu'on distribue tous les jours à chaque soldat ou chaque matelot, pour leur subsistance. Voyez MUNITION.

Quelques-uns font venir ce mot de l'espagnol racion ; mais il vient plutôt du latin ratio, aussi bien que le racion des Espagnols, & même en plusieurs lieux de la mer, on dit encore raison dans le même sens.

On donne pour les chevaux des rations de foin & d'avoine, quand ils ne peuvent pas aller au fourrage.

Les rations de pain pour les soldats sont réglées par le poids du pain de munition.

La ration de pain pour les soldats est pour l'ordinaire d'une livre & demie par jour.

On donne aux officiers plusieurs rations de pain, selon leur qualité, & à proportion de l'équipage qu'ils sont obligés d'entretenir.

Quand on augmente la ration à des jours de réjouissance, on l'appelle double ration.

On donne à l'équipage d'un navire des rations de biscuit, de légumes & d'eau, à proportion des vivres dont il est fourni.

La ration ordinaire sur mer, & sur-tout sur les vaisseaux portugais, est une livre & demie de biscuit, une pinte de vin & deux pintes d'eau douce par jour, & tous les mois un arrobe, ou 31 livres de viande salée, avec quelques poissons secs & des oignons. Chambers.

En France la ration de vivres pour la nourriture du soldat en campagne est actuellement de 28 onces de pain, & d'une demi-livre de viande. En route la ration pour chaque fantassin doit être de 24 onces de pain cuit & rassis, entre bis & blanc, d'une pinte de vin mesure de Paris, & du cru du lieu, ou d'un pot de cidre ou de biere, mesure de Paris, & d'une livre de viande de boeuf ou de mouton, au choix de l'étapier.

La ration en route de chaque gendarme, garde-du-corps, chevaux-legers ou mousquetaire de la garde, gendarmes ou chevaux-legers des compagnies d'ordonnance de la gendarmerie, & celle de chaque grenadier à cheval, doit être composée de deux pains de 24 onces chacun, cuits & rassis, entre bis & blanc, de deux pintes de vin mesure de Paris, & du cru du lieu, ou de deux pots de cidre ou de biere, mesure de Paris, & de deux livres & demie de viande de boeuf, veau ou mouton, au choix de l'étapier.

La ration de vivres pour un cavalier aussi en route, est de 36 onces de pain, d'une pinte & demie de vin, ou d'un pot & demi de cidre ou de biere, mesure de Paris, & de deux livres de viande. Celle du dragon n'est que de 24 onces de pain, d'une livre & demie de viande, & d'une pinte de vin, &c.

A l'égard de la ration des officiers, elle augmente selon leur grade. Voyez le Code militaire de M. Briquet.

Indépendamment de la solde réglée pour chaque année de paix & pour les mois d'hiver pendant la guerre, le roi fait fournir une ration de fourrage par jour à chaque brigadier, cavalier, carabinier, hussard, trompette, timbalier, & chaque dragon monté ; cette ration de fourrage est composée de quinze livres de foin, & cinq livres de paille, ou de dix livres de foin sans paille, où il n'y en a point, & de deux tiers d'un boisseau d'avoine, mesure de Paris.

Celle que le roi doit fournir pendant la guerre, aux officiers des troupes d'infanterie, lorsqu'elles ont servi, ou ont été destinées pour servir en campagne, est composée de douze livres de foin & huit livres de paille, & d'un demi-boisseau d'avoine ; un capitaine reçoit quatre rations par jour ; un lieutenant, un sous-lieutenant, ou enseigne, deux ; un colonel, six ; un lieutenant-colonel, trois ; un commandant breveté, deux ; un major, cinq ; un aide-major, trois ; un prevôt, une ; un aumônier, une ; les colonels réformés à la suite des régimens, six ; les lieutenans-colonels, quatre ; les capitaines, deux ; & les lieutenans, une.

Dans les camps de discipline, chaque bataillon colonel reçoit quarante rations par jour ; chacun des autres trente.

Un mestre-de-camp du régiment de cavalerie ou de dragons, qui a servi ou qui a été destiné pour servir en campagne, reçoit six rations de fourrage de cavalerie ; un lieutenant-colonel, quatre ; un major, huit ; un aide-major, quatre ; un capitaine, six ; un lieutenant, quatre ; un cornette, trois ; un maréchal-des-logis, deux : chacun des aumôniers & chirurgiens de cavalerie & de dragons, où il doit y en avoir, en reçoit une.

Chaque mestre-de-camp, ou lieutenant-colonel réformé à la suite des régimens de cavalerie & de dragons, reçoit six rations ; chaque capitaine réformé, quatre ; chaque lieutenant réformé, deux.

Dans les camp de discipline, un mestre-de-camp de cavalerie ou de dragons, reçoit trois rations de fourrage ; un lieutenant-colonel, deux ; un major, quatre ; un aide-major, deux ; un capitaine, trois ; un lieutenant & cornette, deux ; on en donne une à chaque maréchal-des-logis ; deux à chaque capitaine réformé, & une à chaque lieutenant réformé.

Les officiers, autres que les colonels, mestres-de-camp, lieutenans-colonels en pié ou réformés, & les majors des régimens, qui s'absentent par semestre ou congé, n'ont que la moitié du fourrage attribué à leur garde ; tous ceux qui n'obtiennent point de relief, après s'être absentés sans congé, ou l'avoir outrepassé, perdent le tout.

La fourniture de fourrage se fait aux officiers du jour que les troupes entrent en quartier d'hiver, jusqu'à ce qu'elles se mettent en campagne.

Il n'en est plus fourni aux officiers des troupes qui restent dans leurs quartiers au-delà du dernier Avril ; après les cent cinquante jours du quartier d'hiver, les places du fourrage ne sont plus payées à la cavalerie logée dans les généralités, qu'au prix coutant & sans aucun bénéfice ; alors le tresorier de l'extraordinaire des guerres rembourse à raison de cinq sols pour chaque ration de ces généralités ; elles payent la somme à quoi monte le prix de ces places de fourrages fournis après le quartier d'hiver. Code militaire. (q)


RATIONALS. m. (Hist. ecclésiast.) ornement du grand-prêtre chez les Juifs. C'étoit une piece d'étoffe précieuse que le grand-prêtre portoit sur l'estomac, & qui avoit environ une palme en quarré. Voyez PALME.

Les Hébreux le nommoient coschen, & quelquefois coschen michphat, que les septante ont rendu par , & S. Jerome par rationale & rationale judicii. On ne sait pas bien ce que veut dire coschen à la lettre ; la plûpart des interprêtes le dérivent de l'arabe casan, qui signifie gros, épais, inégal, comme étoit en effet le rational. On croit qu'on lui donnoit le nom de rational, ou de rational du jugement, parce qu'il découvroit la volonté de Dieu, ou parce que le grand-prêtre qui le portoit étoit le chef de la justice, & se revêtoit de cet ornement quand il prononçoit des jugemens en matiere de conséquence. Calmet, dict. de la Bible, tom. III. lettre au mot rational, pag. 352.

Quoi qu'il en soit, le rational, selon Ducange, étoit un double quarré de quatre couleurs tissu d'or, sur lequel étoient posées en quatre rangs, douze grosses pierres précieuses, dont chacune portoit gravé le nom d'une des douze tribus d'Israël. Le rational étoit double, c'est-à-dire d'un tissu double & épais, ou composé de deux pieces repliées l'une sur l'autre, comme une espece de malle dans laquelle étoient renfermés l'urim & thummin, selon les rabbins. Il étoit attaché sur les épaules par deux chaînes & deux crochets d'or. Dieu lui-même avoit prescrit la forme du rational. Exod. xxviij. 15. 29.

Quelques auteurs ont cru que dans la primitive Eglise, les évêques portoient aussi un rational, mais outre qu'on ignore quelle en étoit la forme, il y a grande apparence que ces auteurs l'ont confondu avec le pallium, ou avec un reliquaire que quelques évêques portoient pendu au cou. Voyez PALLIUM & RELIQUAIRE.

RATIONAL, (Théolog. scholast.) est aussi le titre de différens livres. Le plus considérable est celui que donna Guillaume Durant, célebre théologien scholastique du treizieme siecle, sous le titre de rationale divinorum officiorum. Il l'acheva en 1286, comme lui-même nous l'apprend.


RATIONALISS. m. (Littér.) officier de la cour des empereurs romains ; ce mot dans Lampridius en la vie de Sévére Alexandre, qui paroît avoir établi les rationaux dans sa maison, est synonyme à celui de procurator. En ce cas les rationaux étoient des especes d'intendans, ou des gens d'affaires des empereurs.


RATIONARIUMS. m. (Littérat.) on appelloit ainsi chez les Romains le registre des comptes de l'empire ; on le nommoit autrement breviarium rationum totius imperii, parce qu'on y régistroit les revenus & les dépendances de l'empire romain. (D.J.)


RATIONNELadj. terme fort en usage dans plusieurs parties des Mathématiques, & qu'on employe en plusieurs sens différens.

Horison rationnel, ou vrai, est celui dont le plan passe par le centre de la terre, & qui divise par conséquent le globe en deux hémispheres ou portions égales. Voyez HORISON.

On l'appelle rationnel parce qu'on ne le conçoit que par l'entendement, par opposition à l'horison sensible, ou apparent, qui est sensible à la vue.

Nombre entier rationnel est celui dont l'unité est une partie aliquote. Voyez NOMBRE & ALIQUOTE.

Nombre mixte rationnel est celui qui est composé d'un entier & d'une fraction, ou d'une unité & d'un nombre rompu. Voyez FRACTION.

Les quantités commensurables sont celles qui sont entr'elles comme un nombre rationnel à un autre nombre rationnel (voyez COMMENSURABLE) ; car l'unité est une partie aliquote d'un nombre rationnel ; & une fraction a quelque partie aliquote commune avec l'unité : donc si des qualités sont entr'elles comme un nombre rationnel à un autre nombre rationnel, ou l'une est une partie aliquote de l'autre, ou il y a quelque partie aliquote commune aux deux ; d'où il suit qu'elles sont commensurables.

La division d'un nombre rationnel par un autre de même espece donne un quotient rationnel.

Quantité rationnelle est une quantité commensurable avec son unité. Voyez NOMBRE & UNITE.

Supposons qu'une quantité soit 1, il y en a une infinité d'autres qui lui seront commensurables ; ce sont ces quantités qu'Euclide appelle rationnelles.

Il appelle irrationnelles ou sourdes, celles qui sont incommensurables avec l'unité, comme la racine quarrée de 2, &c. Voyez INCOMMENSURABLE.

Rapport rationnel, est celui dont les termes sont des quantités rationnelles, ou un rapport entre des quantités qui sont entr'elles comme nombre à nombre, par exemple, le rapport de 3 à 6. Voyez RAPPORT.

L'exposant d'un rapport rationnel est une quantité rationnelle. Voyez EXPOSANT. Chambers. (E)


RATISS. m. terme de Boucher ; les Bouchers appellent ainsi la graisse qu'ils ôtent des boyaux des animaux qu'ils tuent, particulierement des boyaux du boeuf. Ils lui ont donné ce nom, parce qu'ils la ratissent avec un couteau, que de son usage ils nomment couteau aux ratis. Ils appellent aussi table aux ratis, une petite table sur laquelle ils dégraissent les boyaux. Ces ratis fondus font une partie des suifs qu'ils vendent aux chandeliers & aux courroyeurs. Savary.

RATIS, (Poids) ce mot s'entend du poids dont on se sert pour peser les diamans à la mine de Soumelpour, dans le royaume de Bengale. Le ratis est de sept huitiemes de carat, c'est-à-dire trois grains & demi. On se sert du même poids dans tout l'empire du Mogol ; & l'on s'en sert aussi pour peser les perles. Savary.


RATISBONNE(Géograph. mod.) en allemand Regensburg ; ville d'Allemagne dans la Baviere, au confluent de la Nab & du Regen avec le Danube, à 25 lieues au nord de Munich, à 26 au nord-est d'Augsbourg, & à 20 sud-est de Nuremberg. Elle est fort ancienne, & sa situation sur trois rivieres la rend commerçante. Il y a dans cette ville une salle où se tiennent les dietes générales de l'empire. La cathédrale est dédiée à S. Pierre. L'évêque, qui est suffragant de Saltzbourg, est prince de l'empire, ainsi que les abbesses de deux abbayes de filles qui sont dans cette ville, outre plusieurs autres communautés religieuses ; mais les luthériens y sont nombreux, & ont un consistoire de leur religion depuis 1555. L'ordre Teutonique y possede deux maisons, dans l'une desquelles réside un commandeur de l'ordre. Le pont de pierre sur lequel on passe le Danube, est le meilleur de tous ceux qui sont sur ce fleuve. Long. suivant Stréet, 28. 56. 15. lat. 49. 2.

Dom Juan d'Autriche, fils naturel de Charles-Quint, & l'un des grands capitaines du seizieme siecle, naquit à Ratisbonne en 1547, & mourut à Gemblours en 1578, à 32 ans. Il avoit gagné la bataille de Lepante contre les Turcs, & étoit lors de sa mort gouverneur des Pays-Bas. On a cru long-tems que la dame Blomberg (Barbe) étoit la mere de ce prince ; mais Strada nous assure qu'elle ne fit que servir de couverture à une grande princesse dont Charles-Quint eut ce fils naturel. Son frere Philippe II. le soupçonna de vouloir se faire souverain de la Flandre, & les liaisons qu'il avoit avec la reine Elisabeth autorisoient ses soupçons : on ne crut point que sa mort qui suivit de près fût naturelle. Autre anecdote curieuse : Philippe II. ayant trouvé dans les papiers de dom Juan un traité de ligue avec Henri, duc de Guise, qui eût été également fatal à la France & à l'Espagne, profita de cette découverte pour faire les mêmes propositions au duc de Guise, ensorte qu'il tourna à son avantage ce qui devoit lui être contraire, & que dom Juan fut la cause indirecte de cette fameuse ligue qui causa tant de malheurs.

Je ne connois point d'hommes de lettres un peu célebres nés à Ratisbonne, car les ouvrages astronomiques de Pimmart (George Christophe) sur le soleil & la lune, n'ont pas fait fortune dans le monde, quoique cet auteur ne soit mort qu'en 1705.

Prasch (Jean Louis) étoit assez versé dans la connoissance du droit civil & naturel ; mais ses ouvrages ont roulé sur d'autres sujets de littérature, & sont tombés dans l'oubli. Il mourut en 1690.

Rulland (Martin) fut médecin de l'empereur, & mourut à Prague en 1611, du mal d'Hongrie, lues hungarica, sur lequel il avoit fait un traité. C'est lui qui écrivit l'histoire fausse & ridicule de la prétendue dent d'or. (D.J.)


RATISSERv. act. (Gramm.) c'est détacher des parties de la surface d'un corps, en y appliquant quelque instrument tranchant. Voyez les articles suivans.

RATISSER, façon que les fondeurs de caracteres d'Imprimerie donnent à toutes les lettres que l'on crene, qui sont plus nombreuses dans les caracteres italiques que dans ceux de romain ; ces lettres crenées ont une partie de leur figure qui saille & excede le corps du côté qu'on frotte les autres ; on ne peut frotter celle-ci, parce que la pierre emporteroit cette partie qui saille, & estropieroit la lettre. Pour suppléer à cette fonction de la pierre, après que la lettre est crenée, on ratisse & emporte avec un canif, depuis l'oeil de la lettre jusqu'au pié, tout ce qu'il y a d'étranger au corps. Cela les polit de façon qu'elles s'accollent & se joignent comme si elles avoient été frottées. Voyez CRENER, FROTTER, PIERRE A FROTTER, & nos Planches.

RATISSER, RATISSAGE, (Jardinage) est le soin que l'on a de tenir un jardin très-propre dans ses allées, en coupant les herbes qui y croissent, & en y passant le rateau fin ; cet ouvrage demande un tems qui ne soit pas trop sec.

Lorsqu'au commencement de l'automne les allées sont remplies de feuilles & de graines d'arbres ou de marrons, on les racle seulement avec un rabot de bois.

Ratissage exprime encore la quantité d'allées qu'il faut ratisser dans un jardin.

Il se dit aussi pour faire entendre que dans un parterre entre les pieces de broderie, il y a de grandes parties blanches qu'on ratisse.

Pour éviter le grand ratissage des allées, on met souvent au milieu des tapis de gazon avec deux sentiers sur les côtés pour la promenade.

RATISSER LES BALLES, en termes d'Imprimerie, c'est ôter de dessus les cuirs l'encre, ou lorsqu'elle se trouve trop abondante, ou qu'elle jette une espece de crasse qui s'y forme, & qui remplit l'oeil de la lettre : pour cet effet, après avoir versé sur chaque balle une demi-cuillerée d'huile déteinte, & l'avoir étendue sur toute la surface des cuirs, on se sert d'un couteau dont la lame est très-plate, & n'a presque point de tranchant.

RATISSER LES VEAUX, (terme de Relieure) avant de couper les peaux de veau, les relieurs les trempent dans de l'eau de puits, & les tordent bien ; puis ils étendent la peau entiere, du côté du tan, sur une douve ou planche cambrée, qui appuie d'un bout à terre & de l'autre contre le ventre de l'ouvrier, & avec la dague ils ôtent le tan qui a pu rester sur la peau. On dit ratisser les veaux. Voyez TREMPER LES VEAUX, DAGUE, DOUVE, & Planches de Relieure.

RATISSER LES GOUTTIERES d'un livre à dorer sur tranche ; lorsque les relieurs doreurs ont mis leur livre dans la presse à dorer, ils en ratissent avec le racloir la superficie de la marbrure, tant du côté de la gouttiere que du haut & du bas. Ils se servent pour les gouttieres du racloir des gouttieres, & pour les tranches unies du haut & du bas du racloir des bouts. Voyez RACLOIR, GOUTTIERE, TRANCHE, DORER, MARBRER, & nos Planches de Relieure.


RATISSOIRES. f. (outil de Jardinier) instrument avec lequel on ratisse. Il se dit particulierement de celui dont se servent les jardiniers pour détruire les mauvaises herbes des allées de leurs jardins. Ils en ont de deux sortes ; l'une plate, & qui se pousse en avant ; l'autre qui forme un angle avec son manche qu'on tire devant soi ; toutes deux sont de fer plat, un peu tranchant, avec un long manche de bois.

RATISSOIRE, c'est une bande de fer plat recourbé par les deux bouts, qu'on scelle dans le mur à côté des portes des jardins, pour détacher des souliers le sable, la boue ou la terre qui reste sous la ratissoire, & qu'on n'emporte pas dans les appartemens. On appelle cet instrument gratte-pié ou décrotoir.

RATISSOIR, s. m. ou RATISSOIRE, s. f. (Pâtissier) c'est un petit instrument tout de fer, large de quatre ou cinq pouces, étroit par un bout & recourbé par l'autre, pour lui servir de manche, dont se servent les boulangers & pâtissiers pour ratisser la pâte qui s'attache à leurs fours ou à leur pétrin. (D.J.)


RATOE(Géog. anc.) ville de la Grande-Bretagne. L'itinéraire d'Antonin la place sur la route de Londinium à Lindum, entre Vennonies & Verometum, à 12 milles de la premiere de ces places, & à 13 milles de la seconde. Ptolémée, l. II. ch. iij. nomme cette ville Ragae, & Cambden croit que c'est aujourd'hui Ratby ; d'autres la marquent aux environs de Rusland, ou près de Ratiford.


RATONS. m. (Hist. nat. Zoolog.) vulpi affinis americana, rattoou, seu racoou, Ray, animal quadrupede, à-peu-près de la grosseur d'un petit blaireau : il a le museau mince & affilé comme celui du renard ; le nez retroussé, la levre inférieure beaucoup moins avancée que le nez, la tête grosse comme celle du renard, les oreilles plus courtes & arrondies à l'extrêmité, la queue longue & touffue & entourée d'anneaux de différentes couleurs comme la queue du renard, les jambes de devant plus courtes que celles de derriere : le poil est doux, touffu, de couleur grise, mêlée de noir & d'une teinte de fauve ; il y a un bandeau noir & transversal au-dessus des yeux. En marchant, cet animal ne pose sur la terre que la pointe des piés comme les chiens ; mais lorsqu'il est en repos, il s'appuie sur le talon ; il se dresse sur les piés de derriere, comme les rats, les écureuils, &c. Il prend ses alimens avec les piés de devant pour les porter à sa bouche ; il les soutient avec les deux piés, parce que ses doigts n'ayant que peu de flexibilité, il ne peut ni saisir ni empoigner avec un seul pié. Il trempe dans l'eau, ou plutôt il détrempe tout ce qu'il mange, & il mange de tout. Cependant on a observé qu'un raton que l'on a nourri pendant long-tems, aimoit le sucre, le lait & les autres nourritures douces, à l'exception des fruits auxquels il préféroit la chair & sur-tout le poisson. Il étoit très-carnassier, il cherchoit les souris, les taupes, les grenouilles & même les insectes, tels que les araignées, les limaces, les limaçons ; il mangeoit de toute chair cruë, cuite, & même assaisonnée ; cependant le fromage fermenté & la moutarde lui repugnoient. Il étoit fort agile & il grimpoit sur les arbres avec beaucoup de facilité. Cet animal est originaire des contrées méridionales de l'Amérique ; il est très commun à la Jamaïque où il habite dans les montagnes, & en descend pour manger les cannes de sucre. Hist. nat. gen. & part. tome VIII. Voyez QUADRUPEDE.


RATONNEAUILE DE (Géog. mod.) c'est le nom d'une des petites îles de Marseille, dans la mer Méditerranée, sur la côte de Provence. Cette île n'a qu'une demi-lieue de longueur, & est à environ 300 toises d'éloignement du château d'If.


RATRAYLE (Géog. mod.) riviere d'Ecosse ; elle prend sa source dans la province de Buchan, & se jette dans la mer. Elle formoit autrefois à son embouchure une baie appellée Straaberg. On y voyoit un bon port, avec une petite ville qui portoit le nom de la riviere ; mais l'Océan a comblé le port par les sables qu'il y a jettés, & la ruine du port a entraîné celle de la ville.


RATTACHERv. act. (Gramm.) c'est attacher derechef. Il se prend au simple & au figuré. On rattache une porte, une fenêtre, ses chausses, ses bas, une jarretiere ; un homme se rattache quelquefois à une femme avec plus d'amour qu'il n'en eut jamais pour elle. On se rattache au service d'un grand, à un ami dont on s'étoit séparé.


RATTARSS. m. pl. (Comm.) mot persan, qui signifie commis des douannes, ou gardes des grands chemins ; ces derniers se nomment autrement raagdaers. Voyez RAAGDAERS.

Les rattars des douannes de Perse font rarement des avanies aux Francs, & le plus souvent n'ouvrent pas même leurs valises ou leurs ballots & caisses de marchandises. Ils se contentent de leur simple déclaration, & n'exigent que les droits d'entrée & de sortie qui leur sont légitimement dûs. Au contraire les rattars ou gardes des grands chemins sont pour la plûpart voleurs & concussionnaires, sur-tout ceux qui se trouvent sur les routes de Tauris à Ispaham. Dict. du Comm. de Trévoux, & Chambers.


RATTEINDREv. act. (Gramm.) c'est en doublant de vîtesse, rejoindre ce qui a devancé. Il se dit des choses & des personnes. Voilà une boule qui ratteindra celle qui la précede ; ce second courier aura de la peine à ratteindre le premier, quoiqu'il y ait peu d'intervalle entre leurs départs. Il se prend aussi au figuré. Si vous vous laissez une fois devancer dans la carriere des lettres par vos compagnons d'étude, vous aurez bien de la peine à les ratteindre.


RATTOLFSZELL(Géogr. mod.) ville d'Allemagne, dans la Suabe, sur le Bodensée. Elle doit son nom à Rattolfe, évêque de Vérone, qui y bâtit le premier un monastere. Cette petite ville appartient aujourd'hui à la maison d'Autriche qui l'a fait fortifier.


RATTRAPERv. act. (Gramm.) ce verbe a plusieurs significations. On rattrape à la course celui qui nous devançoit ; on rattrape l'argent qu'on avoit perdu au jeu ; on a bien de la peine à rattraper son bien d'entre les mains de la justice.


RATURES. f. (Jurisprud.) on entend par-là ce qui est effacé dans un écrit soit authentique ou sous seing privé.

Un acte dans lequel il se trouve quelques ratures qui tombent sur des choses qui peuvent être de quelque conséquence, est nul, à-moins que les ratures ne soient approuvées par les parties & par les notaires & témoins, si c'est un acte passé devant notaire.

Les greffiers & autres officiers publics doivent pareillement approuver les ratures qui se trouvent dans leurs minutes & expéditions.

Pour approuver valablement une rature, il faut compter le nombre de mots & de lignes qu'elle contient, & exprimer que l'on approuve la rature de tant de lignes & tant de mots. Voyez APOSTILLE, INTERLIGNE, RENVOI, PARAPHE. (A)

RATURE, (terme de Potier d'étain) petite bande d'étain en forme du ruban étroit & délié qu'on appelle nonpareille, & que le crochet enleve lorsqu'on tourne l'étain sur la roue. Les potiers d'étain refondent leurs ratures, & elles leur servent à faire diverses sortes de besognes.

RATURES DE PARCHEMIN, terme de Parcheminier, qui signifie la partie que l'ouvrier enleve de dessus la peau avec le fer. Ces ratures servent à faire la colle dont plusieurs sortes d'ouvriers font usage dans leurs métiers différens ; les parcheminiers appellent aussi ces ratures de la colle de parchemin, parce que bien des ouvriers s'en servent pour faire une sorte de colle très claire. Ceux qui en font le plus d'usage sont les manufacturiers d'étoffes de laine pour empeser les chaînes de leurs étoffes, les papetiers pour coller le papier, & les peintres en détrempe pour faire tenir les couleurs dont ils barbouillent les murailles & les planchers.

Pour faire cette colle, on met les ratures bouillir dans de l'eau claire, & on les laisse sur le feu plus ou moins de tems, selon que l'on veut que la colle soit plus ou moins forte, & ensuite on passe cette colle par un tamis ou une chausse.


RATURERv. act. (terme de Parcheminier) ôter le superflu du parchemin en cosse avec le fer à raturer.


RATZEBOURGou RAZEBOURG, (Géograp. mod.) ville d'Allemagne dans la basse Saxe, sur une hauteur environnée d'un lac, à quatre milles au sud-est de Lubec, & à égale distance de Lunebourg. Son évêché fut sécularisé par la paix de Westphalie, & cédé au duc de Mecklenbourg. Ratzebourg appartient aujourd'hui avec le duché de Lawembourg à l'électeur d'Hanover. Long. 28. 35. lat. 53. 46. (D.J.)


RAUDA(Géogr. anc.) ville de l'Espagne tarragonoise. Ptolémée, liv. II. c. vj. qui la donne aux Vaccéens, marque sa situation entre Abbocela & Segisama-Julia. Elle étoit, selon l'itinéraire d'Antonin, sur la route d'Asturica à Saragosse, entre Pintia & Clunia. C'est présentement, selon le P. Briet, Aranda de Duero.


RAUDII-CAMPI(Géog. anc.) lieu d'Italie audelà du Pô. On donnoit ce nom à la plaine où C. Marius défit les Cimbres. On s'accorde peu sur la situation de cette plaine. Les uns la mettent près de Vérone, & les autres veulent que ce soit la plaine de Verceil.


RAUDNITZ(Géog. mod.) petite ville de Boheme, dans le cercle de Sclani, sur la gauche de l'Elbe, avec un château.


RAUDUSCULUM(Monn. rom.) c'étoit la plus vile espece de toutes les monnoies romaines, ainsi appellée, parce qu'elle n'étoit que de cuivre. Cicéron employe ce mot dans plusieurs endroits de ses lettres, pour désigner des petites dettes. (D.J.)


RAUGRAVES. m. (Hist. mod.) nom de dignité qui a été en usage en Allemagne, comme ceux de landgrave, marggrave, burggrave, &c. on croit que comme ceux-ci sont tirés de l'autorité qu'un prince avoit sur un pays, une marche ou frontiere, une ville ou bourg, de même le titre de raugrave étoit dérivé de la nature du pays où commandoit celui qui le portoit. Ce mot en allemand raugraffen a été rendu par Reinesius en latin par comites asperi, à cause des pays rudes & sauvages que les raugraves habitoient entre la Meuse & la Moselle, leur principale résidence étant à Creutznach. On les trouve aussi nommés hirsuti comites, & dans des lettres écrites l'an 1308 au magistrat de Spire par Georges, seigneur de Gemersheim, il se nomme Georgius comes hirsutus ; dans la bulle d'or, les raugraves sont nommés parmi ceux qui accompagnoient l'électeur de Trèves. La réalité de ce titre est donc bien constatée ? Mais on ignore quand il a commencé, quelle autorité y étoit attachée, & dans la personne de qui il a fini. Il y a apparence que les biens de la famille qui le portoit sont passés dans la maison palatine, parce que dans le xvij. siecle Charles-Louis, électeur palatin, le fit revivre en faveur d'un de ses fils naturels, mais cette qualité ne subsiste plus aujourd'hui. Imhoff, Notitia.


RAULIS. m. (Hist. nat.) nom qu'on donne à Aix-la-Chapelle à du zinc tiré de la calamine, en y joignant du charbon. Ce zinc s'appelle rauli lorsqu'il n'a point été purifié, & on l'appelle arco lorsqu'il est parfaitement pur.


RAULINS. m. (Hist. mod.) c'est le nom qu'on donne aux pontifes ou prêtres idolâtres dans le royaume d'Arrakan, aux Indes orientales. Il y a une espece d'hiérarchie parmi ces prêtres, qui sont de trois ordres différens ; savoir les pungrini, les panjani, & les schoshom, ce qui répond à nos évêques, aux prêtres & aux diacres. Tous ces raulins sont soumis à un souverain pontife, qui est l'arbitre suprême de toutes les matieres relatives à la religion. La vénération que l'on a pour lui est si grande, que le roi du pays lui cede la place d'honneur, & ne lui parle qu'avec le plus profond respect. Les pungrini portent sur leur tête une mitre ou un bonnet jaune ; les autres se rasent la tête & sont vêtus de jaune : ils sont obligés de garder le célibat ; & en cas de désobéissance à leurs supérieurs, on les chasse du clergé, & ils deviennent sujets aux mêmes taxes que les laïcs. Lorsqu'un indien tombe malade, on envoie chercher un raulin ou prêtre, à qui l'on a plus de foi qu'au médecin ; ce prêtre dit des prieres, & souffle sur le malade ; & lorsque cela ne réussit point, il lui conseille d'offrir un sacrifice à Chaorbaos, c'est-à-dire au dieu des quatre vents. Il consiste à immoler des cochons, de la volaille, & d'autres animaux, que le prêtre est chargé de manger. Ce sacrifice se réitere quatre fois en l'honneur des quatre vents, à-moins que le malade ne meure avant que d'en avoir fait la dépense. Si ces quatre sacrifices ne produisent aucun effet, l'on a recours à une nouvelle cérémonie appellée talagno. On commence par tendre la chambre du malade avec des tapis ; on y dresse un autel sur lequel on place une idole ; on fait danser le malade au son des instrumens, jusqu'à ce qu'il tombe en défaillance ; alors on croit qu'il est en conférence avec le dieu. Cet exercice dure pendant huit jours ; si le malade ne peut y suffire, on fait danser un de ses parens en sa place : durant ce tems on ne doit pas manquer de faire grande chere aux prêtres, sans quoi le ciel ne seroit point favorable au malade.


RAUMO(Géog. anc.) petite ville de Suede dans la Finlande septentrionale, sur le golfe de Bothnie, à l'embouchure d'une petite riviere, entre Biornbourg & Nikork, près du détroit de même nom ; en suédois Raumo sund. Long. 40. 4. lat. 61. 26. (D.J.)


RAUQUEadj. (Gramm.) Il se dit du bruit, des sons, de la voix, lorsqu'elle est basse, sourde & dure. Les pigeons ont la voix rauque.


RAURACIENSS. m. Rauraci, (Hist. anc.) peuples de Germanie qui du tems des Romains habitoient une partie du pays des Helvétiens ou Suisses, sur les bords du Rhin, où se trouve la ville de Bâle, qui s'appelle en latin Augusta Rauracorum.


RAURANUM(Géog. anc.) ville de la Gaule aquitanique. L'itinéraire d'Antonin la met sur la route de Bordeaux à Autun, entre Annedonacum & Limonum, à 20 milles de la premiere, & à 21 milles de la seconde. On prétend que c'est aujourd'hui Rom, chef-lieu d'un doyenné rural du diocèse de Poitiers. (D.J.)


RAURAQUESLES, Rauraci ou Raurici, (Géog. anc.) anciens peuples de la Gaule belgique. Ces peuples avoient entr'autres une ville très-considérable, dans laquelle Munatius Plancus conduisit une colonie romaine du tems d'Auguste, comme le prouve une inscription recueillie par Gruter. L'itinéraire d'Antonin nomme cette ville Augusta Rauracorum, & la marque sur la route de Milan à Mayence, en passant par les Alpes pennines. Le village d'Augst retient encore aujourd'hui l'ancien nom d'Augusta que portoit cette ville. (D.J.)


RAUSCHENBERG(Géog. mod.) ancienne petite ville d'Allemagne dans le landgraviat de Hesse, au comté de Zigenhaim, entre Gemond & Schonstett. Cette ville a été ruinée par les flammes en 1266, en 1315, & en 1529. (D.J.)


RAUTY MUMMYS. m. (Hist. des foss. exot.) ou rauty muddum ; nom donné par les peuples des Indes orientales à une substance fossile dont ils font grand cas ; c'est une espece de substance de la nature des sélenites qu'on trouve sur les plus hauts rochers, & qui est formée de la même maniere que le sélenite rhomboïde de l'Europe. On pulvérise ce fossile ; on le fait bouillir dans le lait, & on le donne dans les maux vénériens. Woodward, catalog. foss. tome II. page 9. (D.J.)


RAUVOLFErauvolfia, s. f. (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleur monopétale tubulée, en forme de soucoupe, & profondément découpée. Le pistil sort du calice ; il est attaché comme un clou à la partie inférieure de la fleur, & il devient dans la suite un fruit presque rond, mou & plein de lait, qui renferme une ou deux semences dures. Plumier, nova plant. amer. genera. Voyez PLANTE.


RAVA(Géog. mod.) ville de la grande Pologne, capitale du palatinat de même nom, à 15 milles au sud-ouest de Varsovie, sur la riviere de Rava qui l'environne de tous côtés, & qui joint à un château où on tient garnison, en fait une place de défense. La ville est assez peuplée, mais les maisons ne sont bâties que de bois. Sigismond Auguste, roi de Pologne, fit enfermer dans le château le duc de Mecklenbourg, l'an 1564. Le palatinat de Rava est entre ceux de Lencicza & de Mazovie. Long. 37. 56. lat. 51. 48.

Zaluski (André-Chrysostome), évêque de Plocko, puis de Warmie, & grand chancelier de Pologne, naquit dans le palatinat de Rava en 1650. Il eut beaucoup de part à toutes les affaires importantes du royaume, & mourut à Gutstadt en 1711, à 61 ans. Il a traduit en polonois l'histoire du vieux & du nouveau Testament de Royaumont, & cette traduction a été imprimée à Braunsberg en 1709, in-4 °. mais son principal ouvrage est un recueil curieux de lettres latines, intitulé : Epistolae historico-familiares à morte Ludovicae reginae & abdicatione regis Casimiri usque ad nostra tempora. Braunsberg, 1709-1711, en quatre vol. in-fol. Ces lettres contiennent une infinité de faits intéressans sur l'histoire de Pologne.

Les neveux du chancelier Zaluski, dont l'un est aussi grand-chancelier, & l'autre grand-référendaire de la couronne, se sont distingués de notre tems par leur goût & leur zèle pour les sciences. Le grand-référendaire a publié non-seulement les oeuvres posthumes de son oncle, mais encore les oeuvres du comte Potocki, imprimées en 1747. in-fol. De plus l'un & l'autre ont établi à Varsovie une bibliotheque publique, qu'on nomme la bibliotheque zaluskienne. (D.J.)


RAVAGES. m. (Gramm.) grand désordre causé par quelque cause physique ou morale. Les orages font un grand ravage dans les champs. Les soldats font du ravage dans les provinces. L'amour a fait bien du ravage dans le monde.


RAVALEMENTS. m. (Maçonnerie) c'est dans les pilastres & corps de maçonnerie ou de menuiserie, un petit enfoncement simple au bord d'une baguette ou d'un talon. Daviler.

RAVALEMENT, (Marine) nom qu'on donne à des retranchemens faits sur le haut de l'arriere de quelque vaisseau pour y mettre les mousqueteries.


RAVALERv. act. termes de Bourrelier, c'est rendre le cuir plus mince, & en ôter un peu avec le couteau à pié.

RAVALER, v. act. (terme de Doreur sur métal) on appelle ravaler l'or & l'argent, la façon qu'on donne à chaque couche de feuilles de ces métaux en les étendant avec le brunissoir de fer sur la piece qu'on dore avant que de la mettre au feu. (D.J.)

RAVALER, (Jardinage) se dit d'une branche élevée ou trop longue qu'il faut couper : il se dit encore mieux d'un étage de branches placées au-dessus du rang que l'on veut conserver. Ce ravalement fait ainsi à-propos, force l'arbre à repousser vigoureusement par en-bas.

RAVALER, (Maçonn.) c'est faire un enduit sur un mur de moilons, & y observer des champs, des naissances, & des tables de plâtre ou de crépi. C'est aussi repasser avec la laie ou la ripe une façade de pierre ; ce qui s'appelle aussi faire un ravalement, parce qu'on commence cette façon par en-haut, & qu'on finit par en-bas, en ravalant. Voyez Daviler. (D.J.)


RAVAUDEUSES. f. (Métier en couture) on nomme ainsi toute femme qui a d'ordinaire une espece de petite boutique portative, & qui dans quelque endroit d'une rue raccommode des hardes, & plus ordinairement toutes sortes de bas de fil, de laine, de coton, de soie, &c.


RAVAUXS. m. pl. terme de chasse ; grande perche garnie de branches, pour faire tomber les oiseaux que d'autres chasseurs ont fait partir quand on chasse au feu. Trévoux.


RAVErapa, s. f. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en croix, composée de quatre pétales. Le pistil sort du calice de cette fleur, & devient dans la suite un fruit ou une silique composée de deux panneaux appliqués sur les bords d'une cloison mitoyenne qui divise la silique en deux loges remplies de semences ordinairement arrondies. Cette silique est terminée le plus souvent par une sorte de corne d'une substance spongieuse, qui contient une semence de même forme. Ajoutez aux caracteres de ce genre, que la racine est charnue & tubéreuse. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

RAVE, (Botan.) entre les six especes de ce genre de plante, que compte Tournefort, la commune cultivée est nommée rapa sativa, rotunda, radice candidâ, I. R. H.

Sa racine est tubéreuse, charnue, ronde, grosse quelquefois comme la tête d'un enfant, de couleur verte, blanche, jaune, rougeâtre, noirâtre en-dehors, jettant en-bas quelques petites fibres remplies d'une chair assez dure, blanche, d'un goût tantôt doux & tantôt âcre. Elle pousse des feuilles oblongues, amples, couchées sur terre, découpées profondément presque jusqu'à leur côte, rudes au toucher, de couleur verte-brune, & d'un goût herbacé.

Il s'éleve d'entre les feuilles une tige à la hauteur de quelques piés, rameuse, garnie de feuilles qui l'embrassent par une large base, & finissent en pointe, portant au sommet de petites fleurs jaunes, composées chacune de quatre pétales disposées en croix, soutenues par un calice attaché sur un pédicule long & grêle. Lorsque les fleurs sont passées, il leur succede des siliques rondes, séparées par une cloison mitoyenne, lesquelles renferment deux rangs de semences arrondies, rougeâtres, qui approchent de celle du chou. Elle fleurit au printems & en été.

Les racines de cette plante varient non-seulement par leur couleur extérieure, mais encore par leur grandeur. Pline & Tragus disent en avoir vu qui pesoient jusqu'à 40 livres. Un terroir gras & humide, joint à la culture & à la chaleur du climat, peut beaucoup contribuer à ce poids énorme. (D.J.)

RAVE, (Mat. médic. & Diete) vraie rave, mâle ou ronde, & femelle ou oblongue ; rave du Limousin.

Les racines connues sous ces noms, qui appartiennent à une seule & même plante, dont elles ne sont que des variétés, & qui sont la seule partie de cette plante qui soit employée, soit dans la cuisine, soit en pharmacie ; ces racines, dis-je, ont tant de rapport avec les navets, soit par leurs qualités diététiques, soit par leurs qualités médicamenteuses, qu'on peut considérer à ces deux égards la rave & les navets, comme une seule & même matiere. Voyez NAVET, diete & mat. médicale. (b)

RAVE DES PARISIENS, (Diete) Voyez RAIFORT.


RAVELINS. m. (Fortification) c'est le nom qu'on donnoit autrefois à la demi-lune. Voyez DEMI-LUNE. (Q)


RAVELLO(Géog. mod.) petite ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la principauté citérieure, à 4 milles de la mer, au nord d'Amalsi ; elle a été bâtie en 1086. Son évêché est suffragant d'Amalfi, auquel on a réuni celui de Scala, en 1603. Long. 32. 8. latit. 40. 36. (D.J.)


RAVENDIAHS. m. (Hist. des sect. asiatiq.) nom d'une secte qui s'éleva en Orient au commencement de celle des Ismaëliens, & qui avoit pour chef un arabe nommé Ravendi. Ceux qui embrasserent ses opinions furent encore appellés Zendecah, du mot zend, livre de Zoroastre, & l'évangile, pour ainsi dire, des mages, dont ces sectaires étoient une branche. Ils croyoient la métempsycose, & tâcherent en vain de persuader à Almansor, second kalife abbasside, que l'esprit de Mahomet avoit passé dans sa personne, & qu'il devoit accepter les honneurs divins, qu'en conséquence ils vouloient lui rendre. (D.J.)


RAVENDSARAS. m. (Hist. nat. Bot.) arbre de l'île de Madagascar, qui est de la grandeur d'un laurier ; sa feuille, quoique plus petite, ressemble à la sienne. Il produit un fruit semblable à une noix verte, dont la chair & l'écorce ont le goût du girofle ; on s'en sert pour assaisonner les mets. Ce fruit se nomme voaravendsara.


RAVENNE(Géog. mod.) ville d'Italie, dans l'état de l'église, capitale de la Romagne. Elle étoit autrefois sur les bords de la mer, & en est aujourd'hui éloignée de trois milles, à 16 lieues au levant de Bologne, à 15 au sud-est de Ferrare, & à 68 au nord de Rome, dans un terroir un peu marécageux, mais fertile en fruits, en vin & en gibier.

Cette ville est très-ancienne, car ce furent M. Marcellus & M. Scipion qui la subjuguerent l'an 520 de la fondation de Rome. Elle fut déclarée ville municipale, à laquelle les Romains accorderent l'exemption de toutes sortes de contributions, & le droit de se gouverner selon ses lois. Elle fut embellie par quelques empereurs romains, qui y fixerent leur séjour. Théodoric, roi des Ostrogoths, en fit le siege de son empire.

Ravenne devint ensuite la capitale de l'exarchat, dignité qui dura plus de 170 ans sous quinze exarques. Elle est aujourd'hui sous la domination du pape, qui la gouverne par des légats, mais elle est extrêmement déchue, pauvrement bâtie, dépeuplée, & de moitié moins grande que Ferrare. Elle a plusieurs couvents d'hommes & de filles, & deux académies, qui cultivent tristement un peu de belles-lettres & de mauvaise poésie. Les ouvrages même de ceux qui ont compilé son histoire & ses fastes, comme Rubens, Thomaïus, Jerôme Faber, Pasolin & Corneus, se trouvent à peine dans quelques bibliotheques d'Italie.

L'archevêché de Ravenne, auquel sont attachés de grandes prérogatives, est fort ancien. Son archevêque avoit autrefois le titre de primat d'Italie, & portoit les mêmes marques d'honneur que le pape ; il étoit seigneur temporel de plusieurs villes, bourgs, & villages, dans toute l'étendue de l'exarchat ; sa jurisdiction ecclésiastique n'est encore aujourd'hui que trop considérable. Long. de Ravenne 34. 50. lat. 44. 20.

Honorius & Valentinien III. tinrent longtems leur cour à Ravenne, & y moururent. Honorius étoit un prince sans esprit & sans mérite. Lui & son frere Arcadius, empereur d'Orient, sont célebres dans l'histoire par leur foiblesse & leur pusillanimité. Tous deux furent menés par leurs ministres, comme les troupeaux sont conduits par les bergers. Tous deux esclaves dans leurs palais, enfans dans le conseil, étrangers aux armées, ne conserverent que quelque tems l'empire, que parce qu'ils le donnerent tous les jours. Tous deux moururent jeunes ; Arcadius, l'an 408 de J. C. à 31 ans ; Honorius, en 423, à 39 ans ; & c'est sous celui-ci que l'empire d'Occident s'affaissa tout-à-coup.

Valentinien III. né à Ravenne, ne le releva pas ; il tua de sa propre main son meilleur général, & fut assassiné lui-même à l'âge de 30 ans, en 455, par ordre de Pétrone Maxime, dont il avoit corrompu la femme, & qui s'empara du trône après son assassinat.

Pierre Damien, cardinal dans le xj. siecle, étoit natif de Ravenne. Il travailla à rétablir la discipline dans les monasteres, & mourut en 1073, à 66 ans. Ses ouvrages ont été recueillis en quatre tomes infolio, & pourroient être réduits en quatre feuilles, pour avoir la connoissance suffisante de l'histoire ecclésiastique du siecle de ce pieux cardinal. (D.J.)

RAVENNE, L'EXARCHAT DE, (Géog. mod.) c'étoit autrefois une grande contrée de l'Italie, qui demeura aux Grecs dans le tems de la décadence de leur empire. Ils y tenoient un gouverneur, qu'ils appelloient exarque, & parce qu'il faisoit sa résidence à Ravenne, on nomma ce pays l'exarchat de Ravenne. Il renfermoit l'Emilie, & les villes de Ravenne, de Bobio, de Cesena, de Forlimpopoli, de Forli, de Faenza, d'Immola, de Bologne, de Ferrare, de Comachio, d'Adria, & de Gabellum, avec leurs territoires. Ainsi, cet exarchat contenoit la Romagne, prise dans sa plus grande étendue. On y joignoit quelquefois la Pentapole, dont les cinq villes étoient Rimini, Pisauro, Fano, Ancone, & Osmo. (D.J.)


RAVENSBERG(Géog. mod.) comté d'Allemagne, dans la Westphalie. Il est borné au nord par les évêchés d'Osnabrug & de Minden ; au midi, par celui de Paderborn ; au levant, par une partie du comté de la Lippe ; & au couchant, par l'évêché de Munster. Il a pris son nom d'un château qui appartient au roi de Prusse, & qui est situé sur une montagne près de la riviere de Hessel. Herforden est la capitale de ce comté.

C'est dans le château du comté de Ravensberg qu'est né un théologien nommé Nobtenius (Jean Arnold), mort en 1740, à 57 ans. Il a écrit en allemand des sermons utiles, sur la vérité de la réligion chrétienne, & une lettre dans laquelle il rend compte d'une opération chymique assez curieuse de M. Neumann, à l'imitation du miracle de S. Janvier à Naples. Plusieurs membres de la société royale de Berlin dînoient chez ce professeur en chymie, le 26 Janvier 1734. A la fin du repas parurent sur la table trois phioles de crystal, dans chacune desquelles étoit renfermée une matiere en très-petit volume, séche, noire, & si dure, qu'elle excitoit du bruit sur les parois des phioles, quand on les remuoit. Bien-tôt après, M. Neumann fit apporter une tête de mort, qui n'étoit pas celle de S. Janvier. Ensuite ayant approché la premiere phiole de la tête, la matiere devint vermeille, se liquéfia, bouillonna, augmenta son volume, & remplit la phiole. La seconde phiole étant approchée de la même tête, ne bouillonna que foiblement. Enfin, dans la troisieme phiole, tout resta sec, noir & dur.

Ce fait, vu par 14 témoins, capables de voir, paroît être constamment le même que le miracle de Naples, à deux choses près : l'une, que les solemnités & l'éclat y ont manqué ; l'autre, que M. Neumann n'a pas cru devoir mettre ni les lumieres, ni la bourse de personne à contribution. (D.J.)


RAVENSBURG(Géog. mod.) ville libre d'Allemagne en Souabe, dans l'Algow, sur la rive droite de la Schuss, à 4 lieues au nord-est de Buchorn, & à 6 au nord de Lindau. Le gouvernement y est partagé entre les Catholiques & les Luthériens. Long. 27. 10. latit. 47. 46.


RAVENSTEIou RAVESTEIN, (Géogr. mod.) petite ville ou plutôt bourg d'Allemagne en Poméranie, dans la prevôté de Jacobs-Haye. Elle a appartenu autrefois à la maison de Damniz. (D.J.)


RAVERDOIRS. m. (Brasserie) c'est une cuvette ovale qui est sous la tape de la cuve-matiere ; elle sert à recevoir les matieres de ladite cuve.


RAVESTANSS. m. pl. (Verrer.) especes de paniers dont on se sert dans les Verreries pour déposer les ustensiles de verre au sortir du four à cuire, jusqu'à ce qu'on les empaille dans les paniers où on les met pour les transporter.


RAVESTEIN(Géog. mod.) petite ville des Pays-bas au Masland, sur la rive gauche de la Meuse, à 5 lieues au sud-ouest de Nimegue, & à 8 au nord-est de Bois-le-Duc. Elle est chef-lieu d'une seigneurie qui appartient à l'électeur palatin ; ce prince a dans cette ville un château, où les Hollandois ont droit d'entretenir garnison & d'avoir une église réformée. Long. 23. 12. latit. 51. 48. (D.J.)


RAVESTISSEMENTS. m. (Jurisprud.) est une maniere de revêtir quelqu'un de la propriété des biens qu'on lui transmet. Ce ravestissement s'opere de la part de celui qui donne en se dévestissant & désaisissant de ses biens, & en revestissant de ces mêmes biens le donataire.

Il y a ravestissement d'héritage & ravestissement de meubles.

On distingue aussi le ravestissement par lettres du ravestissement de sang.

Le ravestissement par lettres est celui qui s'opere par le moyen d'un acte de ravestissement ou saisine qui est donné par les hommes de loi.

Cette maniere de donner a lieu entre conjoints, c'est une donation mutuelle qu'ils se font devant les gens de loi ; il en est parlé dans les coutumes de Cambrai, Lille, scelin locale de Lille, Valenciennes & Béthune. Dans ces coutumes, les conjoints ne se peuvent donner mutuellement que par vest & devest, saisine & dessaisine, c'est-à-dire chacun se dessaisissant en faveur de l'autre, & chacun se faisant vestir & ensaisiner par les hommes de loi de ce qui lui est donné, ce que l'on appelle devoir de loi ; mais quoique l'effet de ces devoirs soit de dessaisir celui qui aliene, & de saisir ou ensaisiner celui qui acquiert ; cependant le ravestissement passé par-devant loi acquiert que le survivant des conjoints soit par loi remis ès biens dont le ravestissement est fait en-dedans l'an après le trépas du premier décédant quant aux héritages, & dans quarante jours quant aux meubles, après que le décès du prémourant est venu à sa connoissance.

Le ravestissement de sang est un droit par lequel le survivant des conjoints jouït en usufruit de la moitié des héritages cottiers ou mainfermes de ses enfans, ce droit n'a lieu qu'en premier & noble mariage, & ne dure que tant que les enfans qui en sont venus sont vivans. Voyez les coutumes ci-dessus citées ; Desjaunaux, sur celle de Cambrai ; Bouteiller, dans sa somme rurale, p. 885 ; & le glossaire de Lauriere au mot Ravestissement. (A)


RAVETS. m. insecte des pays chauds de l'Amérique, il est de la grosseur & à-peu-près de la figure & de la couleur des hannetons, mais plus écrasé, plat, mollasse, dégoûtant, exhalant une mauvaise odeur. La femelle du ravet étant féconde, pond & dépose sur tout ce qu'elle rencontre une espece d'oeuf de couleur brune, gros comme une petite feve, un peu applati, & s'ouvrant par le côté en deux parties, l'intérieur de cet oeuf est partagé transversalement par des petites logettes, renfermant une substance gluante dans laquelle se forment les embryons, qui, lorsqu'ils ont acquis des forces suffisantes, ouvrent l'oeuf & s'échappent avec une extrême vivacité. Les ravets étant parvenus à leur grosseur parfaite changent de peau & prennent des aîles ; dans cet état ils sont d'un blanc d'ivoire qui brunit dans l'espace de cinq à six heures, & l'insecte reprend sa premiere couleur.

On rencontre assez souvent une autre espece de ravets, qu'on nomme kakerlats ; ceux-ci sont beaucoup plus gros que les précédens, leur couleur est d'un vilain gris, ils sont hideux à voir, volent pesamment & répandent une odeur très-forte & très-dégoûtante.

Ces insectes se trouvent en grand nombre dans les maisons, ils se fourrent par-tout, dans les jointures des maisons, derriere les meubles, & même dans les armoires où ils rongent, gâtent & infectent tout ce qu'ils touchent.

Il y a encore d'autres petits ravets qui ne sont guere plus gros que des mouches à miel, ils ont les aîles pointues par leurs extrêmités, un peu transparentes & d'une couleur olivâtre : cette espece est fort commune à la côte de Guinée d'où elle a été transportée en Amérique par les vaisseaux qui font la traite des negres. M. LE ROMAIN.


RAVI(Géogr. mod.) riviere de l'Inde, dans les états du Mogol. Elle a sa source dans les montagnes de Nagracut ; & après avoir reçu les eaux de deux autres rivieres, elle se perd dans la riviere de l'Inde, vis-à-vis de Buchor.


RAVIERES(Géog. mod.) en latin du moyen âge Rabierae ; petite ville de France en Champagne, au diocèse de Langres, sur la riviere d'Armançon. Le terroir y produit du blé & du vin. Long. 21. 43. latit. 47. 36. (D.J.)


RAVINESS. f. pl. ou grandes pluies, pluies d'orage, (Hydraul.) quand un lieu ne fournit point de sources, on a recours aux eaux de ravines qu'on ramasse dans la campagne par le moyen de rigoles faites le long des pieces de terre & des grands chemins ; on leur donne une pente douce pour les conduire dans un réservoir. On peut, pour ôter la couleur jaune de ces eaux, les purifier en les faisant tomber dans un puisart caillouté où elles déposeront, avant de tomber dans le réservoir, le plus gros de leur saleté. (K)


RAVIRv. act. enlever de force. Voyez l'article RAPT. On ravit une fille à ses parens. Les oiseaux voraces ravissent leur proie. Les historiens & les grands poëtes ravissent les noms des grands hommes & le leur à l'oubli. Le médecin ravit l'homme à la mort. Ravir est aussi quelquefois synonyme à enchanter : vous me ravissez : c'est à ravir ; vous m'enchantez. La beauté ravit tous les coeurs. Il y a des saints qui ont été ravis en extase. On fit croire aux Romains que Romulus avoit été ravi au ciel. S. Paul fut ravi au troisieme ciel.


RAVISSANT(Blason) qui enleve par force. Il se dit en terme de Blason d'un loup qui porte sa proie, aussi-bien que du lion rampant.

Agout en Provence, d'or au loup ravissant d'azur.


RAVISSEMENTEXTASE ou TRANSPORT DE L'AME, (Littérature) voyez EXTASE, ENTHOUSIASME, &c.


RAVITAILLEMENTS. m. RAVITAILLER, v. act. (Art militaire) c'est l'action de refournir de vivres une place qui en manque.


RAVIVERterme de Fondeur, raviver le feu, c'est le rendre plus vif ; raviver le cuivre, c'est le raper, le limer, pour le rendre propre à recevoir la soudure.


RAVOIRSRAVOIRS

Pour établir les pêcheries, les pêcheurs plantent sur les écores des bancs, des pieux ou piquets qui sortent du sable d'environ deux piés ; le filet, qui a au-moins la même hauteur, & dont l'ordonnance a fixé la maille à deux pouces en quarré, comme celle des bas-parcs, est amarré sur le haut des pieux par un tourmort : le bas n'est amarré qu'au premier & au dernier pieu. Les pieux sont rangés en ligne droite, souvent sur plusieurs rangées assez près l'une de l'autre ; le dos du filet est tourné à la mer. Ainsi les ravoirs ne pêchent point à marée montante ou de flot, parce qu'elle fait lever le bas du filet, qui est d'ailleurs libre & volage sur la corde des pieux, afin qu'il puisse d'autant plus facilement faire le ventre ou la follée au retour de la marée, qui venant à tomber de ces bancs en ravines, pousse dans le filet tout ce qui a monté de flot ; & comme le bas du filet est un peu élevé du terrein, il reçoit dans sa follée tout ce que la marée y pousse. Le filet est élevé de terre plus ou moins, suivant les saisons, afin que les herbes & ordures qui montent dans les baies venant à retourner, puissent passer sous le filet, qu'elles entraîneroient avec elles sans cette précaution. Aussitôt que la marée descend, les pêcheurs vont sur les bancs, quoiqu'il y reste encore quelques piés d'eau ; ils accrochent d'espace en espace le bas du filet au haut des pieux, & attendent que la marée soit basse pour prendre le poisson qui est entré dans la follée du filet. Il n'y a que les grandes froidures qui fassent cesser cette pêche.

Les hamaux des ravoirs tramaillés ont six pouces en quarré, & la flue ou filure, nappe, a deux pouces.

RAVOIRS TRAMAILLES, en usage dans le ressort de l'amirauté de Boulogne par les pêcheurs d'Etaples.

Les rets de leurs ravoirs sont de deux sortes ; les uns ont leurs filets simples, & les autres sont tramaillés. Les premiers se tendent comme ceux de la baie de l'Authie, en traversant la baie, les filets un peu retroussés au-dessus du fond.

Les ravoirs tramaillés ont leurs pieces de 14 à 15 brasses de longueur, & environ trois piés de hauteur ; les mailles des hamaux qui sont des deux côtés, n'ont que cinq pouces environ en quarré ; & celles de la flue, filure, maillons & nappe, n'ont que 16 à 17 lignes aussi en quarré ; ils ont été avertis d'en augmenter le calibre.

Lorsque les ravoyeurs d'Etaples tendent ces filets dans leur baie, la manoeuvre de la pêche est différente de celle des ravoirs ordinaires : le ret est arrêté seulement par la tête à des piquets plantés dans le sable, par le travers du canal de la Canche ; les pêcheurs en joignent plusieurs pieces bout-à-bout, suivant la place qu'ils choisissent pour les tendre, & le changement des bancs de sable où ils les placent. Le bas du ravoir tramaillé n'est pas retroussé au-dessus du terrein comme aux autres ravoirs simples ; il traîne à terre sans y être arrêté, pour que la marée montante fasse lever le filet, qu'elle souleve ; & lorsqu'elle baisse, comme il est arrêté par le pié des piquets ou piochons, les poissons qui ont monté avec la marée s'y trouvent pris. Ainsi cette espece de ravoir ne peut pêcher que d'ebbe, & non de flot.

Tous ces pêcheurs côtiers de pié ne tendent guere que durant les beaux tems, sur-tout pendant celui de la vive-eau, parce que lors des plus grandes marées, & que la mer descend davantage, ils peuvent alors placer leurs filets de piés plus avant à la basse eau.


RAWAPOPHYSE DE RAW, professeur d'Anatomie & de Chirurgie dans l'université de Leide, s'est rendu célebre par son savoir dans l'Anatomie, & par sa dextérité dans la Chirurgie. Il eut une dispute avec Ruysch, au sujet de la découverte de la membrane du scrotum. Schmid a donné la figure de la longue apophyse du marteau, appellée apophyse de Raw. Voyez MARTEAU.


RAYAUXS. m. pl. (terme d'ancien monnoyage) c'étoit le moule où l'on couloit les lames, appellé aujourd'hui moule. Voyez MOULE.


RAYEvoyez RAIE.


RAYERv. act. (Gram.) c'est faire une raie ; vous avez rayé ce papier. C'est effacer d'une raie ; rayez cela de vos papiers. C'est gâter une surface polie par des traits qui lui ont ôté son uni ou son éclat ; cette pierre est rayée.

RAYER, terme d'Arquebusier, c'est faire une rayure en forme de vis dans le canon de l'arme à feu, afin qu'elle porte plus loin. (D.J.)

RAYER, en terme de Diamantaire, se dit de la poudre de diamant qui agissant sur le diamant toujours du même sens, y fait des traits comme la lime sur les métaux.

RAYER, en terme de Pâtissier, c'est faire des raies sur une piece de pâtisserie avec un couteau, en croix, & par forme d'ornemens.

RAYER, rayer les voies d'une bête, terme de chasse, c'est faire une raie derriere le talon de la bête ; cela ne se doit faire qu'aux bêtes que l'on a dessein de détourner : c'est ce qui la fait connoître à ceux qui sont aux bois.


RAYMIS. m. (Hist. mod. culte) c'est le nom que les anciens Péruviens donnoient à la grande fête du soleil ; elle se célébroit immédiatement après le solstice d'été. Tous les grands du royaume & les officiers se rassembloient dans la capitale : on se préparoit à la fête par un jeûne de trois jours, pendant lesquels on se privoit du commerce des femmes ; & il n'étoit point permis d'allumer du feu dans la ville. Les prêtres purifioient les brebis & les agneaux qui devoient être immolés en sacrifice, & les vierges consacrées au soleil préparoient les pains & les liqueurs qui devoient servir d'offrandes & de libations. Le jour de la solemnité dès le grand matin, le monarque, à la tête des princes de sa maison, se rendoit à la place publique les piés nuds, & la face tournée vers l'orient, pour attendre le lever du soleil ; & par différens gestes ils marquoient le respect & la joie que leur causoient les premiers rayons. On célébroit les louanges du soleil par des hymnes, & le roi lui-même lui offroit des libations. Les grands du royaume faisoient les mêmes cérémonies dans d'autres places publiques de la ville de Cusco ; après quoi les différentes troupes se rendoient au grand temple, où il n'étoit pourtant permis qu'au roi & aux incas d'entrer. La cérémonie se terminoit par le sacrifice d'un grand nombre de brebis ; on choisissoit entr'autres un agneau noir pour consulter l'avenir ; on l'étendoit à terre la tête tournée vers l'orient, & le sacrificateur lui ouvroit le côté gauche pour en retirer le coeur & les poumons. Lorsque l'on ôtoit ces parties vives & palpitantes, on se promettoit un succès très-favorable. Enfin, ceux qui assistoient à la fête faisoient rôtir la chair des victimes, qu'ils mangeoient avec dévotion & avec joie.


RAYN(Géogr. mod.) petite ville d'Allemagne dans la basse Styrie, sur la Save, au sud-est de Cilley, avec un château. Cette petite ville a été endommagée d'un tremblement de terre qu'elle éprouva en 1640. (D.J.)


RAYONS. m. terme de Géométrie, c'est le demi-diamêtre d'un cercle, ou la ligne tirée du centre à la circonférence. Voyez DIAMETRE.

Le rayon s'appelle en Trigonométrie, sinus total. Voyez SINUS.

Il est évident par la définition & par la construction du cercle, que tous ses rayons sont égaux. Voyez CERCLE.

Dans la haute Géométrie, le rayon de la développée, le rayon de la courbure, ou le rayon osculateur, radius osculi, est la ligne droite C M, (Pl. analys. fig. 12.) représentant un fil, dont le développement a formé la courbe A M. Voyez DEVELOPPEE, OSCULATION, OSCULATEUR, &c. Chambers. (E)

RAYON ASTRONOMIQUE, est un instrument autrement nommé arbalestrille. Voyez ARBALESTRILLE.

RAYON, (Optique) trait ou ligne de lumiere qu'on imagine partir d'un corps lumineux. Voyez LUMIERE.

M. Newton définit les rayons les moindres parties de la lumiere, soit qu'elles soient successives dans la même ligne, ou contemporaines dans plusieurs, c'est-à-dire que, selon ce philosophe, un rayon de lumiere est une suite de plusieurs corpuscules en très-grand nombre, qui s'échappent du corps lumineux, & qui se suivent pour ainsi dire à la file & en ligne droite.

Il paroît en effet que la lumiere est composée de parties successives & contemporaines ; puisqu'on peut intercepter dans un endroit celles qui viennent dans un instant, & laisser passer celles qui lui succedent l'instant d'après, intercepter celles qui viennent dans le même instant dans un endroit, & les laisser passer dans un autre.

Un rayon est appellé direct, lorsque toutes ses parties comprises entre l'oeil & l'objet lumineux sont en ligne droite. Ce sont les propriétés de cette espece de rayon, qui font le sujet de l'optique proprement dite. Voyez OPTIQUE.

Un rayon rompu est celui qui s'écarte de cette direction, ou qui se détourne de sa route en passant d'un milieu dans un autre. Voyez REFRACTION.

Si un rayon après avoir frappé la surface d'un corps, retourne en-arriere, on l'appelle réfléchi. Voyez REFLEXION.

Dans l'un & dans l'autre cas, le rayon qui tombe sur le point de réflexion ou de réfraction, s'appelle incident. Voyez INCIDENCE.

Les rayons paralleles sont ceux qui partant de divers points de l'objet, conservent toujours une égale distance les uns des autres. Voyez PARALLELE.

Les rayons convergens, sont ceux qui partant de divers points de l'objet, concourent ou tendent vers un même point. Voyez CONVERGENT.

Les rayons divergens, sont ceux qui partant d'un point de l'objet, s'écartent & s'éloignent les uns des autres. Voyez DIVERGENT.

Ce sont les diverses especes de rayons, directs, réfléchis ou rompus, qui servent à distinguer les différens corps que l'on considere en Optique : un corps, par exemple, qui répand la lumiere qui lui est propre, est appellé corps lumineux.

S'il ne fait que réfléchir les rayons qui lui viennent d'un autre corps, on l'appelle corps éclairé.

On l'appelle corps transparent, ou diaphane, quand il donne passage aux rayons. Voyez DIAPHANEITE. Et corps opaque, quand il les intercepte, ou qu'il leur refuse passage. Voyez OPACITE.

Il suit de-là qu'aucun corps n'envoye des rayons, qu'il ne soit lumineux ou éclairé. Voyez RADIATION.

C'est par le moyen des rayons réfléchis des différens points des objets éclairés, & qui parviennent à l'oeil, que ces objets deviennent visibles ; & de-là vient qu'on a donné à ces rayons le nom de rayons visuels. Voyez VISUEL.

On remarque en effet, qu'un point d'un objet s'apperçoit de tous les endroits où l'art peut mener une ligne de ce point ; d'où il suit que chaque point d'un objet envoye de tous côtés un nombre infini de rayons. Il paroît encore par d'autres expériences, que les images de tous les objets desquels on peut mener des lignes droites à l'oeil, se peignent dans cet organe au-delà du crystallin d'une maniere très-distincte, quoiqu'en petit. Voyez VISION & OEIL ARTIFICIEL. Chaque rayon emporte, pour ainsi dire, avec lui l'image du point de l'objet d'où il part ; de sorte que les divers rayons qui partent du même point, sont réunis en un seul par le crystallin ; & ce point de réunion est au fond de l'oeil.

C'est la quantité & la densité des rayons qui partent d'un corps lumineux, qui constitue l'intensité de la lumiere ; mais il faut convenir que la direction suivant laquelle ces rayons frappent l'oeil, y entre aussi. En effet, un rayon perpendiculaire frappant l'oeil avec plus de force qu'un rayon oblique, en raison du sinus total au sinus de l'angle d'incidence, comme il résulte des lois de la percussion, affectera l'oeil beaucoup plus vivement qu'un rayon oblique.

Si donc la quantité des rayons est égale, l'intensité sera comme le sinus de l'angle d'incidence ; si l'angle d'incidence est le même, l'intensité sera comme la quantité des rayons. Si l'une & l'autre different, l'intensité sera en raison composée de la densité des rayons, & du sinus de l'angle d'incidence.

Il suit de-là 1°. que si la lumiere se répand en lignes paralleles dans un milieu qui ne lui résiste point, son intensité ne variera point par l'éloignement.

2°. Que si elle se répand par des rayons convergens dans le même milieu, la force sera en raison doublée réciproque des distances du point de concours. En effet, un cercle par exemple, étant mis à un pié de distance, recevra une certaine quantité de rayons : à deux piés de distance il ne recevra à-peu-près que le quart de la quantité de rayons qu'il recevoit auparavant ; à trois piés que la neuvieme partie de ces mêmes rayons. Voyez QUALITE.

3°. Que si la largeur du plan éclairé est à la distance du point lumineux, comme 1 à 2000000, les mêmes choses doivent arriver à-peu-près, que si les rayons étoient paralleles : d'où il suit que comme le diametre de la prunelle, quand elle est dans sa plus grande largeur, excede à peine un cinquieme de pouce ; les rayons peuvent être censés tomber sur elle parallelement, lorsqu'ils viennent d'un point un peu éloigné.

4°. Si on présente une surface quelconque à des rayons paralleles qui tombent dessus perpendiculairement, & qu'ensuite on incline cette surface, la quantité des rayons diminuera en raison du sinus d'incidence au sinus total, & la force de ces mêmes rayons diminuera aussi dans la même raison ; desorte que la raison composée de la quantité des rayons & du sinus d'incidence, sera comme le quarré de ce sinus. De-là vient cette regle que l'intensité des rayons de lumiere qui tombent sur une surface donnée, est en raison du quarré du sinus d'incidence.

L'effet des lentilles & des miroirs concaves, est de rendre divergens les rayons paralleles ; de rendre paralleles ceux qui sont convergens, & de faire que ceux qui sont divergens le deviennent encore plus. Voyez MIROIR.

L'effet des lentilles & des miroirs convexes, est de rendre les rayons divergens paralleles, de rendre convergens ces derniers, & de faire que ceux qui sont convergens, le deviennent encore davantage.

Les rayons de lumiere ne sont point similaires ou homogenes ; mais ils different en réfrangibilité, en réflexibilité, & en couleur. Voyez REFRANGIBILITE.

C'est proprement de leur différente réfrangibilité que naissent toutes leurs autres différences ; dumoins il paroît que les rayons qui conviennent ou different en ce point, conviennent ou different aussi dans tout le reste.

L'effet du prisme est de séparer les différentes sortes de rayons qui viennent pêle-mêle du soleil, & qui ont différens degrés de réfrangibilité, &c. Voyez PRISME & REFRACTION.

Outre la réfrangibilité & les autres propriétés des rayons de lumiere dont on est déja assuré par des observations & des expériences, M. Newton soupçonne qu'ils peuvent en avoir un grand nombre d'autres ; particulierement celle d'être détournés par l'action des corps auprès desquels ils passent.

Ce philosophe croit que les rayons peuvent en passant par les extrêmités des corps se replier en plusieurs manieres, & pour ainsi dire serpenter ; & que ceux qui paroissent tomber sur les corps, sont réfléchis ou rompus avant d'y arriver. Il ajoute qu'ils peuvent par le même principe souffrir différentes réfractions, réflexions, & inflexions. Voyez DISTRACTION. Voici encore quelques questions que le même philosophe propose sur cette matiere.

N'est-ce point les rayons qui frappant le fond de l'oeil excitent dans la rétine des vibrations qui s'étendent jusqu'au cerveau par le moyen des fibres, des nerfs optiques, & causent la vision ? Les rayons différens ne causent-ils point des vibrations plus ou moins fortes, qui excitent la sensation de différentes couleurs, de même que les vibrations de l'air, suivant leur plus ou moins de force, excitent les sensations de différens sons ? Voyez SON.

Les rayons les plus réfrangibles ne causent-ils pas les vibrations les plus courtes, pour exciter la sensation d'un violet foncé, & les moins réfrangibles les plus longues pour exciter cette sensation d'un rouge foncé ; & les divers espaces intermédiaires de rayons, des vibrations de grandeurs intermédiaires pour exciter les sensations des couleurs de même nature ? Voyez COULEUR.

L'harmonie & la dissonnance des couleurs ne peut-elle pas venir de la proportion de ces vibrations, de même que celles des sons dépendent des vibrations de l'air ? Car il y a des couleurs dont l'union flatte l'oeil, comme l'or & l'indigo, & d'autres dont l'accord est extrêmement desagréable.

Les rayons de lumiere n'ont-ils point divers côtés doués de plusieurs propriétés originales ? Il semble en effet, que chaque rayon de lumiere a deux côtés opposés qui possedent une propriété, d'où dépend la réfraction extraordinaire du crystal d'Islande, & deux autres côtés qui en sont dénués. Voyez CRYSTAL D'ISLANDE.

Les rayons ne sont-ils point de petits corps émanés des substances lumineuses ? En effet, de pareils corps peuvent avoir toutes les conditions de la lumiere ; & cette action & réaction entre les corps transparens & la lumiere, ressemble parfaitement à la force attractive qui subsiste entre les autres corps. Il n'est besoin d'autre chose pour la production de toutes les différentes couleurs, & de tous les degrés de réfrangibilité, sinon que les rayons de lumiere soient de différentes grosseurs ; car les moindres peuvent former le violet, qui est la plus foible & la moins brillante de toutes les couleurs, & celle qui se détourne le plus de son droit chemin à la rencontre des corps ; & les particules les plus grosses ne sont-elles pas celles qui produisent les couleurs plus fortes ; le bleu, le verd, le jaune & le rouge. Il n'est besoin d'autre chose pour faire que les rayons se réfléchissent & se transmettent aisément, sinon qu'ils soient de petits corps, qui par attraction, ou par quelqu'autre propriété semblable, excitent des vibrations dans les corps sur lesquels ils agissent ; car ces vibrations étant plus vives que celles des rayons, elles les changent & les alterent successivement, au point d'augmenter & de diminuer par degrés leur vîtesse, & d'y causer les variétés dont nous venons de parler.

Enfin, la réfraction extraordinaire du crystal d'Islande, n'est-elle pas causée par quelque vertu attractive qui réside dans certains côtés, tant du rayon, que du cristal ? Voilà les idées de M. Newton sur les propriétés des rayons de lumiere ; idées que ce philosophe n'a qu'ébauchées, parce qu'elles ne pouvoient pas être rendues autrement.

Rayon commun, en termes d'Optique, se fait quelquefois d'une ligne droite, tirée du point de rencontre des deux axes optiques, par le milieu de la ligne droite qui joint le centre des prunelles des deux yeux.

Rayon principal, en termes de Perspective, est la distance de l'oeil au plan vertical. Voyez PERSPECTIVE. Chambers. (O)

Pinceau de rayons, voyez PINCEAU.

RAYON, en termes de Mécanique, se dit des rais d'une roue, parce qu'ils sortent du moyen en forme de rayons.

RAYON VISUEL, (Nivell.) se dit dans l'opération d'un nivellement, quand vous mettant à 3 ou 4 piés de distance du niveau, vous posez l'oeil, & vous vous alignez sur la surface de la liqueur colorée comprise dans les trois fioles : ce qui dirige votre rayon visuel, & forme une ligne de mire pour poser un jalon ou une perche à quelque distance.

RAYON EXTERIEUR, c'est, dans la Fortification, la ligne tirée du centre de la place à l'angle du polygone extérieur, ou à l'angle flanqué du bastion. C'est proprement le rayon du polygone extérieur. Ainsi O H, Pl. I. de fortification, fig. 1, est le rayon extérieur.

RAYON INTERIEUR, c'est la ligne tirée du centre de la place à l'angle du centre du bastion, ou bien c'est le rayon du polygone intérieur, comme O K, Pl. IV. de Fortif. fig. 1. (Q)

RAYON, (Agriculture) c'est le fond des sillons que produit la charrue, en labourant la terre en droite ligne ; on les fait en pente pour l'écoulement des eaux de pluie. (D.J.)

RAYON, (Jardinage) espece de petite rigole profonde d'un pouce, & qu'on tire au cordeau sur des planches, pour y semer avec propreté les graines qui ne se sement point en plein champ, comme les épinars, le cerfeuil, le persil, & quantité d'autres.

RAYON, s. m. (terme de Marchand) il signifie des divisions d'armoires en quarrés, où l'on met différentes marchandises en ordre, & séparées les unes des autres.

RAYON, (terme de Monnoie) les rayons sont des creux & cannelures qui sont dans les lingotieres, & qui servent de moule aux lingots. (D.J.)

RAYONS, en terme d'Orfevre en grosserie, ce sont des traits, ou lames aiguës d'or ou d'argent, qui entourent la lunette d'un soleil, & imitent les rayons naturels de lumiere. Il y a des rayons simples, des rayons flamboyans, & des rayons à la bermine. Voyez ces mots à leur article.

Les rayons à la bermine sont des rayons réunis ensemble, & qui ne sont séparés qu'à leur extrêmité, étant plus ou moins longs pour approcher la nature de plus près. On les appelle ainsi du nom d'un chevalier romain qui en a été l'inventeur.

Rayon flamboyant est un trait tourné en serpentant, & qui représente les variations de la flamme.

Rayon simple interne, ce sont des languettes d'or ou d'argent directes, qui imitent les rayons de lumiere. On en orne les soleils pour exposer le S. Sacrement.


RAYONNANTadj. terme de blason, qui se dit du soleil & des étoiles. Mudtschideler d'argent rayonnant en barre de cinq pieces de gueule, mouvantes de l'angle senestre du chef.


RAYONNERvoyez l'article RAYON.

RAYONNER, (Jardinage) c'est l'usage où l'on est dans un potager de rayonner les planches, avant que de semer les graines potageres, telles que l'oseille, la poirée, le persil, le cerfeuil & les épinars : ce qui se fait avec la pointe d'un bâton qui trace des rigoles à distance convenable, suivant un cordeau tendu d'un bout à l'autre de la planche ; les autres graines, telles que les racines, les raves, les oignons, se sement en pleine planche, sans rayonner, & même les jardiniers marechais, pour aller plus vîte, sement tout sans rayonner : ce qui n'est jamais si propre.


RAYURES. f. (Charpent.) c'est un assemblage de pieces de bois qui se fait dans un comble, au droit des croupes, ou des noues. (D.J.)


RAZS. m. (Mesure seche) c'est au pays de Bresse la même mesure que le bichet ; anciennement on l'appelloit bichet raz, & par la suite on l'a nommé raz seulement. De Lauriere.


RAZES. f. (Mesure seche) mesure de grains dont on se sert dans quelques lieux de Bretagne, particulierement à Quimpercorentin. C'est une espece de grand boisseau. Savary.


S. m. en Musique, est une des notes de la gamme de Guy Aretin ; & cette note s'exprime par la lettre D de cette même gamme. Voyez D & GAMME. (S)

RE, ISLE DE, (Géog. mod.) île de l'Océan, sur la côte occidentale de la France, au gouvernement du pays d'Aunis, à une lieue de la terre-ferme, & à trois lieues de la ville de la Rochelle. Elle a 3 à 4 lieues de longueur, sur une ou deux de largeur. On l'appelle en latin du moyen âge, Radis ou Ratis, ou insula Ratensis, de radis, rade, à cause sans-doute des bonnes rades qu'on trouve sur sa côte.

Il n'est fait aucune mention de cette île avant le huitieme siecle. On y voyoit alors un monastere célebre, où Hunaud duc d'Aquitaine, se fit moine l'an 744. Cette île fut occupée dans l'onzieme siecle, par les seigneurs de Mauléon en Poitou, qui étoient aussi seigneurs de la Rochelle. Charles VII. par ses lettres patentes de l'an 1457, exempta de taille les habitans de cette île, en faveur du vicomte de Thouars leur seigneur. De-là vient qu'ils sont toujours francs de taille ; mais les fermiers y ont un bureau pour percevoir les droits sur le sel : cette île en produit beaucoup, ainsi que du vin, dont on fait de l'eau-de-vie ; mais il n'y croît ni blé, ni foin.

Elle est commode pour le commerce, assez peuplée, & comprend six paroisses. Louis XIII. après la conquête de la Rochelle, se rendit maître de l'île de Ré, & y fit élever deux forts. Sous Louis XIV. elle a été fortifiée de nouveau, & munie de deux autres forts. L'île, la ville & la citadelle, ont un gouverneur particulier, avec un double état-major. Long. 16. 28. latit. 46. 14. (D.J.)


RE-ENFORESTERv. act. (terme de Jurisp.) c'est réunir aux forêts royales une terre qui en avoit été séparée, après y avoir été unie une premiere fois ; comme le fut la forêt de Dean sous Charles II. Voyez ENFORESTER, DESENFORESTER & PURLIEU.


RÉACAPTES. f. terme de Coutume, nom d'un droit seigneurial. Les acaptes en Languedoc & en Guyenne, sont de certains droits dûs au seigneur foncier & direct, par le changement de l'emphytéote, soit que le changement soit arrivé par mort, mariage, vente, &c. Et les réacaptes ou arrieres acaptes, sont des droits dûs par les emphytéotes à la mutation des seigneurs, soit par mort, mariage, ou autrement.


RÉACTIONS. f. terme de Physique, est l'action d'un corps sur un autre, dont il éprouve l'action. Voyez ACTION.

Les Péripatéticiens définissent la réaction, l'impression que fait un corps sur celui qui l'a affecté, impression qu'il exerce sur la partie même de l'agent qui l'a affecté, & dans le tems que l'agent l'affecte ; comme fait l'eau jettée sur du feu, qui en même tems qu'elle s'y échauffe, éteint le feu.

C'étoit un axiome dans les écoles, qu'il n'y a point d'action sans réaction ; ce que les Scholastiques expriment par ces termes : omne agens, agendo repatitur.

Mais on ignoroit que la réaction est toujours égale à l'action. C'est M. Newton qui a fait le premier cette remarque, & qui nous a appris que les actions de deux corps qui se heurtent l'un l'autre, sont exactement égales, mais s'exercent en sens contraires ; ou, ce qui est la même chose, que l'action & la réaction de deux corps l'un sur l'autre, produisent des changemens égaux sur tous les deux ; & que ces changemens sont dirigés en sens contraires.

Ainsi quelque corps que ce soit qui en presse ou en attire un autre, en est également pressé ou attiré. Voyez LOIS DE LA NATURE, au mot NATURE.

Si un corps mu, venant à en choquer un autre, change son mouvement en quelque direction que ce soit, le mouvement du premier s'est aussi altéré en sens contraire ; & cela en conséquence de la réaction du second corps, & de l'égalité des deux impressions réciproques.

Ces actions produisent des changemens égaux, non pas à la vérité dans les vîtesses, mais dans les mouvemens des deux corps, c'est-à-dire dans les produits de leurs masses par leurs vîtesses. Voyez PERCUSSION, &c. Chambers. (O)


RÉADING(Géog. mod.) ville d'Angleterre, capitale du Berckshire, au confluent de la Tamise & du Kennet, à 32 milles au couchant de Londres. Elle envoye deux députés au parlement, a droit de marché public, & est très-peuplée, contenant trois paroisses. On y fabrique beaucoup de draps, dont le débit contribue à son opulence, ainsi que celui des grains germés pour la biere. Long. 16. 45. latit. 51. 28.

Laud (Guillaume), naquit à Réading en 1573, & étoit fils d'un marchand drapier de cette ville. Il se distingua par ses talens, & devint successivement docteur d'Oxford, évêque de S. David, puis de Bath & de Wels, ensuite de Londres, enfin archevêque de Cantorbéry en 1633. Il fut accusé de haute trahison en 1640, & décapité en 1644, devant la tour de Londres, âgé de 71 ans passés.

C'étoit un homme savant, sincere, zélé, régulier dans ses moeurs, & humble dans sa vie privée ; mais chaud, indiscret, & soutenant avec trop de feu certaines choses peu importantes en elles-mêmes. Telles sont, par exemple, son ordonnance de mettre la table de la communion au côté oriental des églises ; les révérences qu'il voulut qu'on y fît ; le nom d'autel qu'il leur affecta ; la suppression des sermons du Dimanche au soir ; son dessein d'ôter aux églises walones leurs privileges ; les jeux du Dimanche, dont il se déclara le protecteur, & quelques autres bagatelles sur lesquelles s'exerçoit toute la ferveur de ce tems-là. Mais sa sévérité dans la chambre étoilée, & dans la cour de la haute-commission, sur-tout son injustice dans la poursuite violente de l'évêque Williams, étoient des taches si noires, qu'il n'y avoit presque que l'horrible injustice de sa mort qui pût l'en laver. Son supplice produisit si bien cet effet, qu'il l'érigea lui-même en modele, & donna à ses sentimens une sanction, qui les a fait passer pour la regle de distinction des amis ou des ennemis prétendus de l'église anglicane.

Attaqué avec fureur par ses ennemis, accablé de calomnies, il ne laissa échapper, même dans les lettres familieres qu'il écrivoit à Vossius, aucune expression injurieuse contre ses persécuteurs. Il est pleinement justifié de l'odieuse accusation que ses adversaires répandirent par-tout contre lui, d'avoir voulu introduire le papisme dans l'église anglicane. Non-seulement son principal ouvrage est en faveur de cette église contre Fisher, mais de plus, il ne cessoit de presser Vossius d'entreprendre la réfutation des livres du cardinal Baronius.

On a recueilli en un corps tous les ouvrages de ce prélat anglois, dont le premier volume parut en 1671, & le second en 1700, in-folio. M. Heylin a donné l'histoire de la vie de cet archevêque & M. Warton (Henri), a publié son apologie, à Londres en 1695, in-fol. Le lecteur peut aussi consulter les fastes d'Oxford, par Wood, tome I. coll. 147. (D.J.)


RÉAGGRAVATIONS. f. (Jurisp.) Voyez ci-devant REAGGRAVE.


RÉAGGRAVES. m. (Jurisp.) iterata aggravatio ; quelques-uns disent aggrave, Fevret dit réaggravation ; mais dans l'usage présent, on dit réaggrave : c'est la troisieme des monitions canoniques, que l'on employe pour contraindre quelqu'un à faire quelque chose, comme pour l'obliger de venir à révélation des faits dont on veut avoir la preuve. La premiere monition s'appelle monitoire ou monition simplement. Ce premier monitoire prononce la peine d'excommunication ; le second qu'on appelle aggrave, prive celui qui est réfractaire aux monitions, de tout usage de la société civile ; le troisieme qu'on appelle réaggrave, défend publiquement à tous les fideles d'avoir aucune sorte de commerce avec l'excommunié, que l'Eglise annonce comme un objet d'horreur & d'abomination. Les aggraves & réaggraves se publioient autrefois au son des cloches & avec des flambeaux allumés, qu'on éteignoit ensuite, & qu'on jettoit par terre. Voyez Fevret, tr. de l'abus ; Ducasse, tr. de la jurisd. ecclésiast. & AGGRAVE, MONITOIRE, EXCOMMUNICATION. (A)


RÉAJOURNEMENTS. m. (Jurisp.) est la nouvelle assignation que l'on donne à celui qui n'a pas comparu au premier ajournement, & contre lequel on a pris défaut.

L'usage des réajournemens a été abrogé en matiere civile par l'ordonnance de 1667, tit. v. article 2. Cependant on les pratique toujours aux consuls pour les causes de Paris.

Ils ont encore lieu en matiere criminelle, comme on peut voir dans l'ordonnance de 1670, tit. xvij. des défauts & contumaces. (A)


RÉALEadj. (Marine) nom de la principale galere d'un royaume indépendant. Voyez GALERE REALE.

REALE, (Hist. nat.) espece de faisan de la nouvelle Espagne. Il est d'un brun-clair par le corps, ses aîles & sa queue sont noires ; il porte une crête qui forme une espece de couronne sur sa tête.

REALE, s. f. (Monnoie) la réale vaut la huitieme partie d'une piastre de plate ou d'argent, c'est-à-dire environ douze sols huit deniers monnoie de France, en comptant la piastre sur le pié de cinq livres.


RÉALGARS. m. (Hist. nat.) c'est le nom qu'on donne à une mine d'arsenic, qui est d'un rouge ou d'un jaune plus ou moins vif. Il y en a d'un jaune-orangé ; il y en a d'opaque, de demi-transparent ; il est quelquefois rouge comme du cinnabre ; enfin il y en a qui est transparent comme un rubis. Le plus ou le moins de rougeur de cette substance, vient du plus ou du moins de soufre qui est combiné avec l'arsenic ; c'est un poison très-vif. Ce minéral se trouve en Transilvanie & en Turquie ; on en rencontre aussi en Suede, dans la Dalie orientale. Voyez la Minéralogie de Wallerius.


RÉALISERv. neut. (Jurisp.) dans cette matiere signifie quelquefois effectuer une chose ; quelquefois c'est faire emploi d'une somme de deniers, ou la stipuler propre.

Réaliser des offres, c'est accompagner les offres labiales d'une somme de deniers, ou de quelque autre chose mobiliaire, de l'exhibition & présentation de cette somme ou autre chose, à l'effet que celui à qui les offres sont faites, puisse recevoir ce qui lui est offert.

On réalise des offres à l'audience en faisant porter les deniers à l'audience, & y réitérant les offres avec exhibition de ces deniers.

La réalisation des deniers dotaux, est lorsqu'on fait emploi des deniers pour sureté de la dot.

Réaliser un contrat ou une rente, c'est lorsqu'on en reconnoît le titre devant le seigneur dont l'héritage est tenu, ou devant les officiers de sa justice, afin d'acquérir droit réel & hypotheque, & pour être nanti. Voyez les coutumes d'Amiens, Péronne, Cambrai, & le style de Liége. Voyez DOT, OFFRES REELLES, PROPRES FICTIFS, NANTISSEMENT, SAISINE. (A)


RÉALISTES. m. (Philosoph.) nom qu'on a donné aux philosophes opposés à Ochan, & ses sectateurs. Ils croyent que les universaux sont des réalités qui existent, de fait, hors de la pensée, & de l'imagination. Les Nominaux sont opposés aux Réalistes. Il y a bien plus de Réalistes qu'on n'imagine.


REALITÉS. f. (Gram.) se prend souvent par opposition à l'apparence. On dit, par exemple, d'un homme vraiement pieux & d'un hypocrite, que l'un a la réalité, ou la chose même ; & que l'autre n'en a que les apparences. Par opposition à spectre, fantome, image ; ici, c'est la chose, c'est la réalité ; là, ce n'est que l'ombre.


RÉALMONT(Géog. mod.) petite ville de France, dans le haut-Languedoc, au diocèse & à 2 lieues d'Albi, sur la riviere de Dadou. Elle est le chef-lieu d'une prevôté.


RÉALVILLE(Géog. mod.) petite ville de France, dans le Querci, au diocèse & à 2 lieues de Montauban, vers le nord, sur l'Avéiron. (D.J.)


RÉAME(Géog. mod.) ville de l'Arabie heureuse, au royaume d'Hadramut, environ à une lieue d'Alcharana. L'air en est très-pur, & son territoire fertile nourrit des moutons si gras qu'à peine peuvent-ils marcher.


RÉAPPOSERv. act. (Gram.) apposer derechef. Voyez APPOSER.


RÉAPPRÉCIATIONS. f. (Comm.) seconde appréciation d'une chose, d'une marchandise ; ce terme est sur-tout en usage dans le tarif de la douanne de Lyon de 1632, dans lequel tous les droits sont distingués en ancienne taxation & en nouvelle réappréciation, c'est-à-dire en droits d'ancienne & nouvelle imposition. Dictionn. de Comm. de Trev. & de Chambers.


REARPENTERv. act. arpenter derechef. Voyez l'article ARPENTER.


REASSIGNATIONS. f. (Jurisprud.) est la même chose que réajournement. Voyez ci-devant REAJOURNEMENT. (A)


REATou REATAE, (Géog. anc.) ville d'Italie dans l'Umbrie, chez les Sabins, au voisinage d'Interocrea, selon Strabon, l. V. p. 228. Denys d'Halicarnasse dit que ses habitans étoient Aborigènes, & Silius Italicus, l. VIII. v. 417. nous apprend que la ville étoit dédiée à Cybèle.

.... Hunc foruli, magnaeque Reate dicatum

Coelicolûm matri.

Réate étoit une préfecture, comme nous le voyons dans la troisieme catilinaire de Ciceron, c. ij. & Suétone, c. j. nous fait entendre que c'étoit un municipe, car il donne au grand pere de Vespasien, le titre de municeps reatinus. Tite-Live fait mention de divers prodiges arrivés à Réate ; il dit entr'autres, l. XXV. c. vij. & l. XXVI. c. xxiij. qu'on publioit y avoir vû voler une grosse pierre, & qu'une mule contre la stérilité ordinaire de ces sortes d'animaux, y avoit produit un mulet. Cette ville retient quelque chose de son ancien nom ; car on la nomme aujourd'hui Rieti. Voyez ce mot. (D.J.)


REATIUM(Géog. anc.) ville d'Italie, selon Etienne le géographe ; on croit que c'est aujourd'hui Messurga.


REATU(Jurisprud.) être in reatu, terme usité dans la pratique criminelle, lequel vient du latin reatus, qui signifie l'état de celui qui est coupable de quelque crime ; on comprend dans cette classe tout accusé qui est dans les liens d'un decret de prise de corps ou d'ajournement personnel, parce qu'on le repute coupable jusqu'à ce qu'il se soit justifié, scelus est accusari.

Les suites de cet état sont ; 1°. que celui qui est in reatu ne peut faire aucune disposition de ses biens en fraude des réparations civiles qui peuvent être adjugées contre lui par l'événement, ni de la confiscation s'il y a lieu.

2°. Il demeure interdit de plein droit de toutes fonctions publiques, & de tous honneurs ; & si c'est un ecclésiastique, il ne peut pareillement faire aucune fonction de son état.

Du reste, celui qui est in reatu conserve tous ses autres droits, & n'est pas censé mort civilement, quand même par l'événement, il seroit condamné à mort ; car le jugement qui emporte mort civile n'a point d'effet rétroactif, si ce n'est pour l'hypotheque des réparations civiles qui remonte au jour du délit. Voyez ACCUSE, CRIME, DECRET, DELIT, REPARATION CIVILE. (A)


RÉAUXRÉAUX

Les Réaux soutenoient que l'objet de la dialectique sont les choses, & non pas les paroles ; les Nominaux philosophoient sur les mots & les notions des termes, c'est-à-dire que raisonnant sur l'universel, ces nouveaux dialecticiens l'établissoient dans les noms, & soutenoient que toutes choses étoient singulieres ; mais voulant donner du crédit à leur secte, ils se vantoient de suivre Porphyre & Aristote.

Pour entendre cette querelle philosophique, il faut remonter à la philosophie ancienne ; or dans cette philosophie, Platon entendoit par idées, les modèles essentiels de chaque chose existans réellement, & selon lesquels tout a été formé, communiquant à chaque être sa nature invariable. Ces idées, selon ce philosophe, tirent leur origine de l'entendement divin, & y sont comme dans leur source, mais elles ont néanmoins leur propre substance ; & la philosophie a pour objet la connoissance de ces essences des choses, en tant qu'elles existent séparément, & hors de la matiere.

Aristote trouva qu'il étoit ridicule de supposer ainsi des essences universelles hors de la matiere, par lesquelles les êtres soient modifiés, quant à leur essence. Mais comme il ne pouvoit nier que les choses n'ayent une forme essentielle, il aima mieux soutenir que ces formes avoient été imprimées dans la matiere de toute éternité, & que c'étoit de ces formes séminales ou substantielles, que la matiere recevoit sa forme.

Zénon & l'école stoïcienne ne disconvenoient point qu'il n'y eût des principes des choses matérielles, mais ils se moquoient de ces universaux qu'on faisoit exister hors de l'entendement, & qu'on distinguoit des notions universelles, & des termes dont on se servoit pour les désigner.

En disputant dans la suite sur ces belles questions, la doctrine d'Aristote prévalut insensiblement, & les Philosophes soutinrent que l'universel n'étoit ni avant ni après la chose, mais dans la chose même ; en un mot, qu'il existoit des formes substantielles. C'étoit l'opinion régnante de l'onzieme siecle, tems où s'éleva une nouvelle secte, qui abandonnant Aristote, adopta les principes des Stoïciens, & soutint que les universaux n'existoient ni avant les choses, ni dans les choses ; qu'ils n'avoient aucune existence réelle, & que ce n'étoient que de simples noms, pour désigner les divers genres des choses. On n'est pas d'accord sur le premier inventeur de ce système ; mais voici ce qu'en disent les auteurs de l'histoire littéraire de la France, tom. VII. pag. 132.

" Jean le Sophiste, fort peu connu d'ailleurs, passa pour le pere de la nouvelle secte, quoique d'autres transportent cet honneur à Roscelin, clerc de Compiegne, qui ne le mérite que pour en avoir été le plus zélé partisan.... Outre Roscelin, Jean eut encore pour principaux disciples, Robert de Paris, Arnoul de Laon & Raimbert Ecolâtre de Lille en Flandres, qui en firent de leur côté grand nombre d'autres. Ainsi se forma la fameuse secte des Nominaux, qui causa un schisme furieux parmi les Philosophes, & troubla toutes nos écoles. Le mal ayant commencé sur la fin de ce siecle, alla toujours en croissant, & l'on fut très-long-tems sans y pouvoir apporter de remede. Une de ses plus funestes suites, fut de réduire le bel art de la dialectique, à un pur exercice de disputer & de subtiliser à l'infini. L'on ne s'y proposoit autre chose, que de chicaner sur les termes & les réponses des adversaires, de les embarrasser par des questions sophistiques ; d'en inventer de curieuses & d'inutiles, de trouver de vaines subtilités, des distinctions frivoles, qui ne demandent que de l'esprit & de l'imagination, sans lecture & sans examen des faits. En un mot, bien loin d'approfondir les choses, jusqu'à ce qu'on eût trouvé un principe évident par la lumiere naturelle, ce qui est le but de la bonne dialectique ; on ne s'amusoit qu'à disputer sans fin, & ne s'avouer jamais vaincu. De-là, tant d'opinions incertaines, & de doutes pires que l'ignorance même : déplorable maniere de philosopher, qui s'étendit sur la théologie & sur la morale. "

Saint Anselme, Lanfranc & Odon, s'opposerent vigoureusement aux Nominaux, & l'on croit que trois ouvrages du dernier sur la dialectique, regardoient cette controverse. Un de ces écrits étoit intitulé le Sophiste, & tendoit à apprendre à discerner les sophismes, & à les éviter. Un autre portoit pour titre complexionum, des conclusions ou des conséquences, dans lequel on conjecture qu'Odon établissoit les regles du syllogisme, pour mettre ce que l'école appelle un argument en forme, & apprendre par-là à raisonner juste. Le troisieme étoit intitulé : de l'être & de la chose, parce qu'il y discutoit, si l'être est le même que la chose, & la chose le même que l'être. On ne connoît au reste ces trois écrits, que par le peu que nous en apprend Herimanne ; & Sanderus, qui a trouvé parmi les manuscrits des bibliotheques de la Belgique, la plûpart des autres écrits d'Odon, n'y a découvert aucun des trois qu'on vient de nommer. (D.J.)


REBAISSERv. act. (Gram.) baisser derechef. Voyez l'article BAISSER ; REBAISSER, à la monnoie, c'est ôter du flanc le trop de poids, pour le rendre de la pesanteur que l'ordonnance prescrit ; on rebaisse en se servant d'une lime appellée écouanne. La premiere opération qui a pour but de donner à la piece son poids est appellée approcher ; & celle qui le lui donne au juste s'appelle rebaisser.


REBANDERv. act. (Gram.) bander derechef. Voyez l'article BANDER.

REBANDER, (Marine) terme bas qui signifie remettre à l'autre bord, retourner à un autre côté.

Rebander à l'autre bord ; c'est courir sur un autre air de vent.


REBAPTISANSS. m. (Hist. ecclésias.) c'est le nom qu'on donne à ceux qui baptisent de nouveau les personnes qui ont déja été baptisées.

S. Cyprien, Firmilien & plusieurs autres évêques d'Afrique & d'Asie, pensoient qu'on devoit rebaptiser les hérétiques qui revenoient dans le sein de l'Eglise. Le pape S. Etienne soutenoit fortement le contraire, à moins que ces hérétiques n'eussent été baptisés par d'autres qui altéroient la forme du baptême ; aussi est-ce ce que l'Eglise décida dans le concile de Nicée. Mais S. Cyprien & Firmilien se fondoient sur la tradition de leurs prédécesseurs, & selon quelques théologiens, ne regardoient cette question que comme un point de discipline. S. Etienne au contraire, croyoit qu'elle intéressoit la foi, & alla selon quelques-uns jusqu'à anathématiser les défenseurs de l'opinion contraire ; d'autres disent, qu'il ne fit que les menacer de l'excommunication, & qu'il est probable qu'ils revinrent au sentiment de ce pontife ; mais on n'a point de monument authentique pour le prouver. Ce qu'il y a de certain, c'est que la tradition la plus générale de l'Eglise, étoit qu'on ne devoit point rebaptiser les hérétiques qui avoient été baptisés avec la forme prescrite par Jesus-Christ. Donat fut condamné à Rome dans un concile, pour avoir rebaptisé quelques personnes qui étoient tombées dans l'idolâtrie après leur premier baptême.

On a donné aussi le nom de Rebaptisans aux Anabaptistes, parce qu'ils donnent le baptême aux adultes, quoiqu'ils l'ayent déja reçu dans leur enfance. Voyez ANABAPTISTE.

Il est constant par la pratique universelle de l'Eglise, qu'on n'a jamais crû devoir réitérer le baptême une fois légitimement conféré ; & parmi les anciens hérétiques qui rebaptisoient les Catholiques, les Donatistes, par exemple, on ne réitéroit le baptême, que parce qu'on ne regardoit pas comme un sacrement, celui qu'avoient administré les Catholiques ; mais les hérétiques entr'eux ne baptisoient point ceux de leur secte. Nous ne trouvons dans toute l'histoire ecclésiastique, que les Marcionites qui rebaptisassent leurs propres sectateurs jusqu'à trois fois, comme le rapporte S. Epiphane, hérésie 42. Les empereurs Valentinien & Théodose le jeune avoient fait des lois très-séveres contre les Rébaptisans, qui portoient confiscation de leurs biens, mais il ne paroît pas qu'on les ait punis de mort. Bingham, Orig. ecclés. tom. IV. lib. XII. c. v. §. 1, 2, 3, & seq.


REBARBES(Graveur) voyez EBARBURES.


REBARDER(Jardinage) on dit rebarder une planche de potager, quand on éleve avec le rateau un peu de terre tout-autour en forme de rebord pour retenir dans le milieu de la planche, l'eau des arrosemens & de la pluie, & empêcher qu'elle ne s'échappe dans les sentiers du pourtour.


REBATTEMENTS. m. (Musique instrum.) répétition fréquente des mêmes sons. C'est ce qui arrive dans la modulation, où les cordes essentielles de chaque mode, ou de la tirade harmonique doivent être rebattues plus souvent que pas une des autres ; & entre les trois cordes de cette tirade, les deux extrêmes, c'est-à-dire, la finale dominante, qui sont proprement le rebattement ou repercussion de chaque mode, doivent être plus souvent rebattues que celle du milieu, ou la médiante ; mais pour bien faire, il faut que les cordes essentielles tombent dans les bons-tems de chaque mesure, qu'elles soient des notes, ou longues, ou censées longues. Brossard.

REBATTEMENT, (terme de Blason) ce mot se dit de diverses figures qui se font à fantaisie, & qu'on aime beaucoup en Allemagne. Les principales sont une dextre, une pointe, une plaine, une champagne, une pointe en pointe, des goussets, une gorre, une bilette couchée, un écusson renversé dans un autre, &c. On appelle aussi rebattemens plusieurs autres divisions extraordinaires de l'écu, lorsque les figures sont opposées, & qu'elles semblent se rabattre l'une l'autre. Menestrier.


REBATTREv. act. (Gram.) c'est battre derechef. Voyez l'article BATTRE.


REBAUDIR(terme de Chasse) ce mot se dit lorsque les chiens ont la queue droite, le balai haut, qu'ils se redressent, & qu'ils sentent quelque chose d'extraordinaire. Trévoux.


REBECS. m. (instrum. de Musique) sorte d'instrument de musique hors d'usage ; il étoit tout d'une piece & à trois cordes ; on en jouoit avec un petit archet, & avec une mesure précipitée. Voyez Mersenne Harmonicorum, lib. III. Ce mot vient vraisemblablement du celtique ou bas-breton reber, qui signifie un violon, & rebeter, joueur du violon. (D.J.)


REBELLEadj. (Gramm.) celui qui se révolte contre son supérieur. Voyez l'article REBELLION. On dit, la chair est rebelle ; une maladie rebelle ; une mine rebelle. Voyez l'article suivant.

REBELLE, (Métallurgie) on donne ce nom aux mines qui résistent à l'action du feu, & qui ont de la peine à entrer en fusion. C'est un synonyme de réfractaire.


REBELLIONREBELLION

Les ordonnances mettent ce crime au nombre des cas royaux.

Il se commet principalement lorsque l'on outrage & excede les magistrats & autres officiers de judicature, & les huissiers & sergens exerçant quelque acte de justice ; dans ce cas la rebellion est punie de mort sans espérance d'aucune grace. Telle est la disposition de l'ordonnance de Moulins, art. 34, & de celle de Blois, art. 190, renouvellée par l'art. 4. du tit. 16 de l'ordonnance de 1670 ; & s'il arrive que le coupable soit tué en faisant rébellion à force ouverte, le procès doit être fait à son cadavre ou à sa mémoire, suivant l'art. 1. du tit. 22 de l'ordonnance de 1670.

Ceux qui se louent ou s'engagent pour retirer des mains de la justice un prisonnier pour crime, commettent une autre espece de rebellion, pour laquelle l'ordonnance de 1670, tit. 16, art. 4, défend aussi d'accorder des lettres de grace.

Il y a d'autres cas où la rebellion à justice n'est pas punie si séverement : ce qui dépend des circonstances. Ces cas sont ;

1°. Lorsque quelqu'un refuse d'ouvrir les portes à un commissaire ou autre personne chargée de l'exécution d'un jugement, & qu'il se tient fort dans sa maison ou château, pour résister à celui qui est porteur des pieces. La peine de ce délit est seulement corporelle ou pécuniaire, selon les circonstances ; il emporte aussi la démolition de la maison ou château, & la confiscation des fiefs & justices. C'est la disposition de l'art. 2 de l'édit de Charles IX. donné à Amboise en Janvier 1572.

2°. Ceux qui s'emparent par violence des fruits & revenus des biens saisis par autorité de justice, ne doivent aussi être punis que d'une peine corporelle ou pécuniaire, à l'arbitrage du juge, suivant l'art. 5 du même édit ; il ordonne à la vérité dans ce cas la confiscation des biens saisis, mais on ne prononce plus cette peine.

3°. Celui qui donne retraite à ceux que la justice poursuit pour les arrêter, doit, suivant l'art. 193 de l'ordonnance de Blois, être puni de la même peine que méritoit l'accusé ; mais cela ne s'observe pas à la rigueur, & la peine est modérée, suivant les circonstances du crime, & le motif qui y a donné lieu, comme si c'est par commisération, ou qu'il y ait parenté entre l'accusé fugitif & celui qui lui a donné retraite.

Enfin ceux qui favorisent l'évasion des accusés des mains de la justice ou des prisons, doivent, suivant l'édit de François I. du mois d'Août 1525, art. 15, être punis aussi séverement que s'ils avoient rompu les prisons, & ôté les prisonniers des mains de la justice ; mais présentement on distingue : si celui qui a favorisé l'évasion, avoit le prisonnier à sa garde, comme un geolier, un guichetier ou sentinelle, en ce cas, la peine est des galeres, suivant l'art. 19 du tit. 13 de l'ordonnance de 1670 ; à l'égard des autres personnes, on modere la peine, suivant les circonstances, comme on l'a dit ci-devant.

Quoiqu'un huissier ou autre officier de justice excede son pouvoir, il n'est pas permis de lui faire résistance à cause du respect dû à la justice même, dont il exécute les mandemens ; on a seulement la voie de se plaindre, & d'appeller de ce qui a été fait.

En cas de rebellion, les huissiers ou autres officiers chargés de mettre à exécution quelque ordonnance de justice, doivent en dresser leur procès-verbal signé d'eux & de leurs recors, & des voisins & autres assistans, si faire se peut, & remettre ce procès-verbal entre les mains du juge, pour y être pourvu, & en envoyer une expédition à M. le procureur général, sans néanmoins que l'instruction & le jugement de la rebellion puissent être retardés.

Ceux qui ont fait rebellion, sont decretés d'ajournement personnel sur la seule signature de l'huissier & de ses records. Si la rebellion est grave, le procès-verbal sert de plainte ; & quoiqu'il n'y ait qu'un ajournement personnel contre les dénommés au procès-verbal de l'huissier, on informe contr'eux, & s'il y a charge, le juge peut décreter de prise-de-corps.

Les gouverneurs, lieutenans-généraux des provinces & villes, baillifs, sénéchaux, maires & échevins sont obligés par les ordonnances de prêter main-forte en cas de rebellion à l'exécution des decrets & de toutes les ordonnances de justice ; la même chose est enjointe à un prevôt des marchands, vice-baillifs, vice-sénéchaux, leurs lieutenans & archers, à peine de radiation de leurs gages en cas de refus, dont il doit être dressé procès-verbal par le juge, huissier ou autre qui éprouve ce refus, & l'on envoye ce procès-verbal au procureur général du ressort.

Quoique la rebellion arrive pour l'exécution d'un jugement rendu en matiere civile, c'est le lieutenant criminel qui en doit connoître.

Au reste, tous juges, à l'exception des juges & consuls, & des bas & moyens justiciers, peuvent connoître des rebellions à l'exécution de leurs jugemens. Voyez la loi carceris 8, ff. de custod. & exhib. reor. la loi milites 12, ff. ibid. l'ordonnance de 1670, tit. 1, 13, 16 & 22, & Bornier ibid. Theven. liv. IV. tit. 8 & 9, & le traité des crimes par M. de Vouglans, pag. 461 & suivantes. (A)


REBENIRv. act. (Jurisprud. can.) c'est donner une nouvelle bénédiction, soit à une église qui a été polluée, ce qu'on appelle aussi réconciliation ; soit à quelque vase sacré qui est devenu profane à cause que l'ouvrier y a mis le marteau. Voyez BENEDICTION, EGLISE, POLLUTION, RECONCILIATION, VASES-SACRES. (A)


REBETREvoyez ROITELET.


REBIS. m. (Hist. mod. Religion) c'est ainsi que l'on nomme au Japon les fêtes solemnelles que célebrent ceux qui suivent la religion du Sintos ; elles se passent à visiter ses amis. Après avoir été au temple, on employe le reste du jour en festins & en réjouissances. Les Japonois sont persuadés que les plaisirs innocens dont jouissent les hommes, sont très-agréables à la divinité, & que la meilleure maniere d'honorer les cami, c'est-à-dire, les saints, est de se procurer dans ce monde une partie de la félicité que ces êtres heureux goûtent dans le ciel. Les Sintoïstes ont chaque mois trois fêtes : la premiere se célebre à la nouvelle lune : la seconde, à la pleine lune, & la troisieme, le dernier jour de la lune. Ils ont outre cela plusieurs fêtes solemnelles : la principale s'appelle songuatz ; elle arrive le premier jour de l'année ; elle se passe à se faire des présens. La seconde fête se nomme songuatz-somnitz, & se célebre le troisieme jour du troisieme mois ; elle est destinée à la récréation des jeunes filles, à qui leurs parens donnent un grand festin. La troisieme fête s'appelle goguatz-gonitz, & tombe sur le cinquieme jour du cinquieme mois ; elle est destinée pour les jeunes garçons. La quatrieme nommée sissiguarz-nanuka, se célebre le septieme jour du septieme mois ; c'est un jour de réjouissance pour les enfans. Enfin la fête appellée kunitz se célebre le neuvieme jour du neuvieme mois ; elle est consacrée au plaisir de la table, au jeu, à la danse, & même à la débauche & à la dissolution.


REBINERv. act. (Jardinage) c'est donner aux terres le second labour qui suppose le premier binage fait.


REBLANCHIRv. act. rendre la blancheur.


REBLANDISSEMENTS. m. (Jurisprud.) c'est lorsque le vassal ou sujet vient par-devers son seigneur ou devant son sénéchal ou bailli, pour savoir de lui la cause de la saisie ou du blame de son aveu & dénombrement. Cette démarche a été ainsi appellée, parce que c'est blandè dominum adoriri, lui demander civilement la cause, &c. Voyez la coutume de Tours, art. 22, 30, 31 ; Lodunois, ch. j. art. 24, 26, 27 ; les preuves de l'histoire de Montmorency, p. 144, lig. 35. & le gloss. de M. de Lauriere. (A)


REBLAT(Géog. sacrée) ville de Syrie, dans le pays d'Emath, à ce que nous apprenons d'Ezéchiel, lvij. 17 ; nous n'en savons pas davantage ; mais il paroît que S. Jérome s'est trompé, en prenant Reblat pour Antioche de Syrie, qui étoit fort éloignée d'Emath, & n'étoit point sur le chemin de Judée en Mésopotamie, au lieu que Reblat étoit sur ce chemin. C'est à Reblat que Nabuchodonosor fit crever les yeux à Sédécias, & fit mourir le fils de ce malheureux prince, ainsi que ses principaux officiers. (D.J.)


REBOIREv. n. (Gramm.) c'est boire derechef. Il se dit dans quelques arts ; faire reboire, c'est humecter derechef.


REBONDIadj. REBONDIR, v. n. faire un ou plusieurs bonds. Rebondi se dit aussi des chairs fermes & potelées ; des joues rebondies.


REBORDS. m. (Gramm.) partie saillante de quelque ouvrage. On dit le rebord d'une piece, d'une cheminée, d'un parapet, &c. il se dit aussi de la partie rebordée d'un vêtement, le rebord d'une robe, d'une manche.


REBORDERv. act. (Gramm.) c'est border une seconde fois.

REBORDER ou RABORDER, (Marine) c'est tomber une seconde fois sur un vaisseau.

REBORDER, (Jardinage) Les gasons poussant toujours au-delà de la trace, il faut tous les mois les reborder, en tendant un cordeau d'un angle à l'autre, & coupant l'excédant à la bêche ou au couteau, c'est le moyen de leur conserver un air de régularité.


RÉBOTTERact. (Jardinage) est un terme en usage chez les pepiniéristes, pour signifier un arbre de rébut qu'ils recepent au printems à un oeil ou deux au-dessus de la greffe. Il pousse de ces yeux, ou d'un oeil seul, un ou deux jets, semblables à celui ou à ceux de la greffe même de l'année précédente. Ces sortes d'arbres rébottés, qui trompent la plûpart de ceux qui ne remarquent pas leurs doubles playes, réussissent rarement : souvent le bon marché qu'on en fait, les fait prendre, toujours au risque de ne pas réussir.


REBOUCHERv. act. (Gramm.) c'est boucher derechef. Voyez BOUCHER.

REBOUCHER, terme d'artisan. Ce mot se dit quand la pointe ou le taillant des instrumens pointus ou tranchants s'émousse au lieu de pénétrer dans les corps durs & solides. Un fer, une coignée qui n'est pas bien trempée, se rebouche en abattant des bois durs, comme le buis, le gayac, &c. Trevoux. (D.J.)


REBOUILLIRv. act. & n. (Gramm.) c'est bouillir ou faire bouillir derechef. Ce syrop, cette gelée est trop fluide, il faut la faire rebouillir.


REBOUISAGEREBOUISAGE


REBOURGEONNERv. n. terme de Grammaire, pousser de nouveaux bourgeons.


REBOURSFIL DE, (Drap.) fil tors à contresens d'un autre.


REBRASS. m. (Lang. franç.) vieux mot qui signifioit le rebord, le repli de quelque ajustement ; le rebras des manches, le rebras d'un manteau, désignoit ce qui se retourne sur l'épaule, sur le bras, & où l'on met d'ordinaire des paremens. Richelet. (D.J.)


REBRASSERv. act. terme de Grammaire, brasser derechef. Voyez l'article BRASSER.


REBRECHEou REBRICHER, (Jurisprud.) signifie quelquefois répéter, récoler. On trouve dans quelques anciennes coutumes, rebrecher une enquête, c'est-à-dire, en faire le récolement. Voyez le ch. xl. des anciennes coutumes de Bourges, publiées par la Thaumassiere, p. 265.

Quelquefois rebrecher, signifie débattre ou repliquer ; dans quelques provinces les rebreches sont des repliques aux soutenemens d'un compte.

On entend quelquefois par rebreches, toutes sortes d'écritures, ce qui paroît venir de ce que le titre de ces écritures étoit écrit en lettres rouges, ce qui les faisoit appeller rubriches ou rubriques, & par corruption, rebriches, d'où l'on a fait rebrecher & rebricher. Voyez Beaumanoir en ses coutumes de Beauvoisis, ch. vj. & le gloss. de M. de Lauriere. (A)


REBRIDERv. act. terme de Grammaire ; brider derechef. Voyez l'article BRIDER.


REBRODERv. act. terme de Grammaire, réparer la broderie d'un ouvrage, ou la doubler, ou y ajouter quelque travail. Voyez l'article BRODERIE.


REBROUILLERv. act. terme de Grammaire, brouiller de nouveau. Voyez l'article BROUILLER.


REBROUSSES. f. (Lainage) c'est un instrument de fer en forme de petit peigne rond par le dos : il y en a de deux sortes, l'un qui a des dents pointues, & l'autre qui n'en a point. La rebrousse sert aux tondeurs de draps pour rebrousser, ou relever le poil ou la laine sur la superficie de l'étoffe, afin de la pouvoir tondre plus facilement. Il y a bien des endroits où l'on ne se sert point de rebrousses dentées, parce que l'on prétend qu'elles peuvent énerver ou altérer le fond des étoffes. Savary. (D.J.)


REBROUSSEMENTS. m. (Géometrie) est la même chose que ce que l'on appelle en latin flexus contrarius, flexion contraire. On peut concevoir le rebroussement des courbes de la maniere suivante. Supposons une ligne courbe A F K, (Pl. géométr. fig. 82.) partie concave, & partie convexe, par rapport à la ligne droite A B, ou au point déterminé B. Le point F, qui sépare la partie concave de la courbe, de la convexe, ou qui termine l'une, & sert de commencement à l'autre, est appellé le point d'inflexion, lorsque la courbe est continuée du point F, vers le même endroit qu'auparavant. Quand elle retourne en arriere vers A, F est le point de rebroussement. Voyez INFLUXION.

La regle pour trouver les points de rebroussement, est la même en général, que pour trouver les points d'inflexion ; c'est faire = 0, ou = à l'infini ; ce qui distingue d'ailleurs le point de rebroussement du point d'inflexion, c'est qu'au point d'inflexion l'ordonnée n'a qu'une seule valeur, à moins qu'elle ne soit tangente de la courbe ; au lieu qu'au point de rebroussement, elle en a deux, ou même davantage. Voyez le traité des courbes de M. Cramer, où vous trouverez sur cette matiere un plus grand détail.

Rebroussement de la seconde espece est un point A (fig. 7. Analys.), où les deux branches P m, p m, du rebroussement ne sont pas convexes l'une vers l'autre comme dans le rebroussement ordinaire, mais placées de maniere que la concavité de l'une regarde la convexité de l'autre. Soit une courbe qui ait pour équation y2 - 2 x2 y + x4 - n5 = 0. (A P = x, P M = y). Cette courbe aura à son origine en A un point de rebroussement de la seconde espece ; car on aura y = x2 + ; d'où l'on voit 1°. que x positive donne deux valeurs de y, lesquelles lorsque x est infiniment petite, sont toutes deux positives : 2°. d y = 2 x d x + 5/2 x 2/3 d x ; d'où l'on voit que d y = 0 dans les deux branches, lorsque x = 0, & qu'ainsi les deux branches A M, A m, tournent toutes deux à leur origine leur convexité vers l'axe A P ; 3°. que x négative donne y imaginaire, & qu'ainsi la courbe n'a que les deux branches A M, A m, & par conséquent doit avoir en A un point de rebroussement de la seconde espece, puisque ces deux branches à l'origine A, tournent toutes deux leurs convexités vers le même côté. Voyez à ce sujet les recherches sur le calcul intégral, imprimées dans le second volume en françois des mém. de l'acad. des Sciences de Prusse.

Je suis le premier qui ait démontré invinciblement l'existence de ces points, que d'habiles géometres avoient attaquée, comme le savant M. Euler l'a reconnu dans les mém. de l'acad. de Berlin de 1750, pag. 112.


REBROUSSERv. act. (Gramm.) ne se dit guere que des cheveux, du poil ; c'est les renverser en sens contraire à celui qu'ils ont pris naturellement ou artificiellement. On rebrousse le poil du drap. On rebrousse chemin.

REBROUSSER le cuir, (Courroyerie) C'est après qu'on a coupé le grain du cuir qu'on a étendu sur la table du côté de la chair, & qu'on a tiré à la moyenne pommelle, le retourner de l'autre côté, c'est-à-dire du côté de la fleur, pour lui donner la même façon.

REBROUSSER, parmi les Tondeurs de drap, c'est relever la laine d'une étoffe pour la prendre & la couper avec les forces. Voyez REBROUSSE.


REBROYERv. act. terme de Grammaire, broyer de nouveau. Voyez BROYER.


REBRUNIRv. act. terme de Grammaire, brunir une seconde fois. Voyez BRUNIR.


REBUBES. f. (Luth.) c'est le même instrument qu'on appelle trompe ou guimbarde, ou rebute. Voyez REBUTE.


REBUFFADES. f. (Langue franç.) action par laquelle un supérieur repousse avec mépris ou injure un inférieur qui lui demande quelque chose. Borel dérive rebuffade de re & du vieux mot buffe, qui signifioit un soufflet. Chartier, dans son histoire de Charles VII. dit : " En icelui an, environ huit heures de nuit, battit messire Jean de Graville, messire Geoffroi Bouciquault en la rue S. Mery, parce que ledit Bouciquault avoit donné une buffe audit Graville, par jalousie d'une demoiselle ". Ménage croit que rebuffade vient de rebouffer, qui n'est plus en usage, mais qui vouloit dire autrefois chasser avec mépris.


REBUSS. m. (Littér.) jeu d'esprit assez insipide qui consiste à employer, pour exprimer des mots, des images des choses & des syllabes détachées, ou des portions de mots. Telle est la devise de l'écu de la maison de Savoye Raconis, qui porte dans ses armes des choux, cabus, & pour mot ceux-ci tout n'est, ce qui joint avec les choux, signifie tout n'est qu'abus ; ou celui-ci ainsi figuré :

qui en ajoutant à chaque mot de la premiere ligne super, pour exprimer qu'ils sont au-dessus des monosyllabes de la seconde, signifie, Deus super nus, gratiam super nam denegat super bis.

On fait honneur de l'invention des rebus aux Picards, c'est pourquoi l'on dit communément rebus de Picardie.

Leur origine vient, selon Ménage, de ce qu'autrefois les ecclésiastiques de Picardie faisoient tous les ans, au carnaval, certaines satyres qu'ils appelloient de rebus quae geruntur, & qui consistoient en plaisanteries sur les avantures & les intrigues arrivées dans les villes, & où ils faisoient grand usage de ces allusions équivoques, mais qui furent ensuite prohibées comme des libelles scandaleux.

Marot, dans son coq-à-l'âne, a dit qu'en rébus de Picardie, par une étrille, une faux & un veau, il faut entendre étrille Fauveau.

On faisoit autrefois grand cas des rébus, & il n'y avoit personne qui ne voulût en imaginer quelqu'un pour désigner son nom. Le sieur des Accords a fait un recueil des plus fameux rébus de Picardie. On est revenu de ce goût, & les rébus ne se trouvent plus que sur les écrans & quelquefois sur les enseignes ; comme pour dire à l'assurance, on peint un A sur une anse.

Cependant on trouve dans l'antiquité quelques traces des rébus, & même dans le siecle d'Auguste. Ciceron, dans sa dédicace aux dieux, inscrit son nom par ces mots, Marcus Tullius, & au bout une espece de petit pois, que les Latins appelloient cicer, & que nous nommons pois chiche. Jules-César fit représenter sur quelques-unes de ses monnoies un éléphant, qu'on appelloit César en Mauritanie. On raconte aussi que Lucius Aquilius Florus & Voconius Vitulus, tous deux préfets de la monnoie dans le même siecle, firent graver sur le revers des especes, le premier une fleur, & l'autre un veau. A moins qu'on ne dise que c'est-là l'origine des armes parlantes.

On pourroit encore annoblir davantage les rébus en en cherchant les fondemens jusques dans les hiéroglyphes des Egyptiens ; mais ce seroit prodiguer de l'érudition mal-à-propos.


REBUTS. m. se dit, en termes de Commerce, d'une marchandise passée, de peu de valeur, hors de mode, que tout le monde rejette, ou ne veut point acheter. Mettre une étoffe, une marchandise au rebut, c'est la ranger dans un coin de sa boutique ou de son magasin, où l'on a coutume de placer celles dont on fait peu de cas, & dont on n'espere pas se défaire aisément. Dict. du Comm. & de Trevoux.


REBUTES. f. (instrument de Musique) instrument qu'on nomme à Paris guimbarde. Il est composé de deux branches de fer, ou plutôt d'une branche pliée en deux, entre lesquelles est une languette d'acier attachée par un bout pour faire ressort ; elle est coudée par l'autre bout. On tient cet instrument avec les dents, de maniere que les levres ni autre chose ne touchent à la languette. On la fait remuer en passant la main promtement par-devant, & frôlant le bout recourbé, sans autre art que la cadence de la main, la modification de la langue & des levres acheve le reste ; ensuite la respiration donne un son frémissant & assez fort pour faire danser les bergers. Cet instrument s'appelle dans quelques endroits épinette, dans d'autres trompe ; mais son plus ancien nom est rebute, peut-être parce que celui qui en joue semble rebuter continuellement la languette de cet instrument. (D.J.)


REBUTÉpartic. (Gramm.) il se dit des chiens, des oiseaux, des animaux de service, comme boeufs, ânes, mulets, chevaux, lorsqu'ils ont employé inutilement tous leurs efforts à vaincre quelque obstacle, qu'ils ont senti qu'il étoit au-dessus de leur force, & qu'ils refusent malgré les coups mêmes à s'y appliquer derechef.


REBUTERREBUTER

REBUTER LES MARCHANDS, c'est les recevoir mal avec des manieres brusques & grossieres, ou en leur surfaisant exorbitamment la marchandise.

REBUTER UN CHEVAL, en termes de Manege, c'est exiger de lui plus qu'il ne peut faire, de façon qu'à la fin il devient comme hébêté & insensible aux aides & aux châtimens. Voyez AIDE.


RECACHERv. act. (Gramm.) c'est cacher une seconde fois. Voyez CACHER.


RECACHETERv. act. (Gramm.) cacheter de nouveau. Voyez CACHETER.


RECALERv. act. (Menuiserie) c'est lorsque les assemblages sont coupés ou onglés, & qu'ils ne se rapportent point, leur donner un coup avec la varlope à onglet ou autres.


RÉCAMERv. act. (Soierie) c'est enrichir un brocard d'or, d'argent ou de soie, en y ajoutant une espece de broderie élevée, faite au milieu comme le reste de l'étoffe, mais après coup, & en mettant de nouvelles chaînes & de nouvelles trêmes d'or, d'argent & de soie. Les brocards récamés sont les plus riches & les plus chers ; cette maniere d'enrichir & de relever la beauté des étoffes, aussi-bien que le mot qui l'exprime, viennent d'Italie. Les Italiens disent ricamare. Dict. du Comm. (D.J.)


RECANATI(Géog. mod.) ville d'Italie, dans la marche d'Ancône, sur une montagne, près de Musotte, à trois mille au sud-ouest de Lorette. Son évêché érigé en 1240, a été transféré à Lorette dans le xvj. siecle. Long. 31. 20'. lat. 43. 25'. (D.J.)


RÉCAPITULATIONS. f. (Belles-Lettres) dans un discours oratoire, est une partie de la peroraison, qui consiste dans une énumération courte & précise des principaux points sur lesquels on a le plus insisté dans le discours, afin de les présenter à l'auditeur comme rassemblés & réunis en un seul corps pour faire une derniere & vive impression sur son esprit. On l'appelle aussi anacephaleose. Voyez ANACEPHALEOSE & PERORAISON.

Une récapitulation bien faite demande beaucoup de netteté & de justesse d'esprit, afin d'en écarter tout ce qui pourroit être inutile, traînant ou superflu. La peroraison de Ciceron dans sa harangue pour la loi Manilia fournit un exemple d'une récapitulation exacte. Quare cum bellum ita necessarium sit ut negligi non possit, ita magnum ut accuratissimè sit administrandum, & cum ei imperatorem praeficere possitis, in quo sit eximia belli scientia, singularis virtus, clarissima autoritas, egregia fortuna, dubitabitis, quirites, quin, &c. En effet il ne s'étoit proposé autre chose dans ce discours que d'établir la nécessité & l'importance de la guerre qu'on vouloit faire en Asie, & de montrer que Pompée étoit le seul général qui pût la terminer avec autant d'habileté que de bonheur.

Récapitulation peut aussi se dire de l'opération de l'esprit, par laquelle il se rappelle & remue plusieurs idées pour se les remettre toutes sous un même point de vue. Voyez MEMOIRE, REMINISCENCE, PENSEE, REFLEXION.


RECARRELERv. act. (Gramm.) c'est remonter de carreaux. Il se dit aussi des souliers & des bottes qu'on remonte de semelles.


RECASSERv. act. (Agricult.) c'est donner le premier labour à une terre, après qu'elle a porté du blé. Le tems le plus ordinaire de recasser les terres, pour y semer des menus grains, est, dans ce pays-ci, le mois de Novembre. On recasse les terres en bien des endroits pour y semer de grosses raves.


RECÉDERv. act. (Gramm.) rendre à quelqu'un ce qu'il avoit cédé. Je lui ai recédé cette maison qu'il m'avoit vendue à un prix très-modique. Je lui ai recédé ce livre qui lui étoit plus utile qu'à moi ; cette pierre gravée qui manquoit à sa collection, cette médaille qui lui faisoit envie.


RECÉLÉRECÉLÉ

Suivant le droit romain, celui qui détournoit quelques effets d'une succession, pouvoit être poursuivi par l'action expilatae haereditatis.

A l'égard de la femme qui avoit soustrait quelques effets appartenans à son mari ou à sa succession, on ne donnoit point contr'elle par bienséance l'action de vol, mais l'action rerum amotarum, qui revient à notre action de recélé.

Parmi nous, on peut, pour le recélé, prendre la voie civile ou la voie criminelle, même obtenir monitoire, & saisir & revendiquer les choses recélées.

Mais entre co-héritiers, ou contre la veuve, l'action extraordinaire n'a pas lieu, à moins que la deprédation ne soit énorme, ou qu'elle n'ait été commise depuis la rénonciation à la succession ou à la communauté.

L'héritier présomptif, même mineur, étant convaincu de recélé, est réputé héritier pur & simple, sans pouvoir jouir du bénéfice d'inventaire quoiqu'il rapportât les effets recélés ; & si d'autres que lui y ont intérêt, il est privé de sa part dans les effets recélés.

Quand la femme qui a détourné quelque chose du vivant de son mari le rapporte à la succession, elle n'encourt aucune peine ; mais si elle dénie d'avoir commis aucun recélé, & qu'il soit prouvé, elle perd sa part dans les effets recélés ; & si elle a disposé des effets, elle en doit la récompense.

Si elle a commis le recélé de puis la mort de son mari, & qu'elle accepte la communauté, elle est pareillement privée de sa part dans les effets recélés, & même de l'usufruit qu'elle auroit eu de l'autre moitié de ces effets comme donataire mutuelle.

Si elle renonce à la communauté, mais qu'elle ait commis le recélé avant sa renonciation, elle est réputée commune nonobstant sa renonciation, à cause de l'immixtion.

Le mari doit de même tenir compte des effets qu'il auroit détournés pendant le mariage ; & s'il a commis le recélé depuis la mort de sa femme, il perd sa part dans les effets recélés.

L'héritier ou le survivant qui a recélé, n'en est pas quitte pour rapporter la chose, il doit aussi rapporter les fruits & les intérêts.

En matiere de recélés la preuve testimoniale est admise, à quelque somme que l'objet se monte. Le témoignage des domestiques est reçu ; & un fils peut faire informer contre sa mere, sauf, après l'information faite, à la convertir en enquête.

L'action de recélé se prescrit par vingt ans, à compter du jour de l'ouverture de la succession & du prétendu recélé commis. Voyez COMMUNAUTE, EXPILATION D'HEREDITE, SUCCESSION ; le Brun, traité des successions, & traité de la communauté ; le traité des crimes par M. de Vouglans. (A)

RECELE, à la Monnoie, fraude qui a lieu lorsque le directeur d'une monnoie, de concert avec ses officiers, ne fait mention sur ses comptes que d'une petite quantité de marc fabriqué, quoiqu'il en ait monnoyé beaucoup plus. Quand elle se découvre, on condamne le directeur à restituer le quadruple sur le pié de ce qui avoit été fabriqué ; on interdit les officiers ; & les uns & les autres sont condamnés à de fortes amendes envers le roi, & quelquefois à des peines encore plus grandes, selon le grief.


RECÉLEMENTS. m. (Jurisprud.) semble être la même chose que recélé ; cependant on en fait une différence : le recélé s'entend toujours des choses, aulieu que le recélement s'entend le plus souvent des personnes.

Recélement de la personne de l'accusé, est lorsqu'on lui donne la retraite, & qu'on le cache pour le soustraire aux poursuites de la justice. L'ordonnance de Blois, art. 193. veut que ceux qui recelent l'accusé subissent la même peine que celui-ci méritoit ; mais on modere cette peine selon les circonstances.

Le recélement des corps morts des bénéficiers, est lorsqu'on cache la mort d'un bénéficier pour avoir le tems d'impétrer ses bénéfices ; le droit canonique prononce dans ce cas la peine d'excommunication. L'ordonnance de 1539, confirmée par celle de Blois, & par la déclaration du 9 Février 1657, registrée au grand-conseil le 30 Mars 1662, prononcent la confiscation du corps & des biens contre les laïcs qui le commettent, & la privation à l'égard des ecclésiastiques, de tout droit & possession qu'ils pourroient prétendre sur les bénéfices vacans, avec une amende à l'arbitrage du juge. La déclaration veut que pour parvenir à la preuve de ce recélement, le premier juge sera tenu, sur la requisition des évêques & autres collateurs, de se transporter avec eux en la maison du bénéficier, pour se faire représenter le malade ou son corps, dont il dressera procès-verbal ; & qu'en cas de refus de la part des parens ou domestiques, les évêques & collateurs pourront pourvoir aux bénéfices, comme vacans.

Recélement de grossesse, est lorsqu'une fille ou femme cele sa grossesse pour supprimer ensuite le part, voyez PART, & l'article SUPPRESSION DE PART.

Recélement de choses volées, est lorsque quelqu'un reçoit & garde sciemment des choses qui ont été volées par un autre. Ce recélement est considéré comme un vol, & ceux qui le commettent ne sont pas moins punissables que les voleurs mêmes, parce qu'ils les favorisent. Voyez ci-après RECELEUR. (A)


RECELERv. act. voyez les articles RECELE & RECELEMENT.

RECELER, v. act. terme de Chasse, ce mot se dit d'une bête qui a demeuré deux ou trois jours dans son fort ou dans son enceinte sans sortir.


RECELEUR(Jurisprudence) est celui qui retire chez lui une chose qu'il sait avoir été volée.

On dit communément que s'il n'y avoit point de receleurs il n'y auroit point de voleurs, parce que les receleurs les entretiennent dans l'habitude de voler.

Les receleurs sont ordinairement punis de la même peine que les voleurs, si ce n'est lorsqu'il s'agit de vol avec effraction, ou sur les grands chemins, & autres semblables, pour lesquels les voleurs sont condamnés à la roue, au lieu que les receleurs sont seulement condamnés à la potence, & quelquefois même à une simple peine corporelle, lorsque les receleurs sont des proches parens du voleur, comme pere, mere, freres & soeurs.

Au reste, on ne regarde comme receleurs que ceux qui retirent une chose qu'ils savent avoir été volée ; car ceux qui ont acheté de bonne foi & d'une personne connue une chose qui se trouve avoir été volée, ne sont pas regardés comme receleurs, ils ne sont tenus qu'à la restitution de la chose volée, & peuvent même en repéter le prix contre celui qui la leur a vendue. Voyez aux decrétales & au code, le titre de furtis, & les titres du code & du digeste de receptator. Julius Clarus, lib. V. §. furtum ; le traité des crimes, par M. de Vouglans, tit. v. (A)


RECENSEMENTS. m. (Jurisprud.) est la répétition & l'audition de témoins qui ont revélé devant un curé, en conséquence d'un monitoire publié par une ordonnance du juge laïc. Cette répétition & audition se fait devant lui, & non devant le juge d'église, parce que le monitoire ayant été publié de l'autorité du juge laïc, n'attribue aucune jurisdiction au juge d'église. Voyez MONITOIRE, REPETITION, REVELATION, TEMOINS. (A)


RÉCENTadj. (Gramm.) dont la date est nouvelle. C'est un événement récent ; c'est une blessure récente ; c'est une découverte récente ; j'en ai la mémoire récente.


RÉCEPERv. act. (Jardin.) c'est couper entierement la tête d'un arbre. Voyez ÉTETER.


RÉCÉPISSÉS. m. (Jurisprud.) terme emprunté du latin, & adopté dans la pratique judiciaire pour exprimer un acte sous signature privée, par lequel on reconnoît avoir reçu des pieces de quelqu'un pour en prendre communication.

Un procureur qui retire une instance ou un procès de chez le rapporteur, en donne son récépissé. (A)


RÉCEPTACLES. m. (Architect. hydraul.) c'est un bassin où plusieurs canaux d'aqueduc, ou tuyaux de conduite viennent se rendre, pour être ensuite distribués en d'autres conduits. On nomme aussi cette espece de réservoir conserve, comme le bassin rond qui est sur la bute de Montboron, près Versailles. Daviler. (D.J.)

RECEPTACLE DES GRAINES, (Botaniq.) nom donné par les Botanistes à la base des fleurs & des graines qui sont dans les plantes à fleurs composées ; c'est le thalamus flosculorum, le lit nuptial des fleurons. Les fleurs sont en grand nombre dans le réceptacle, & sans aucun pédicule. Le disque du réceptacle est de différentes formes dans les différentes plantes ; dans quelques-uns il est applati, dans d'autres concave, ici convexe, ailleurs globulaire, & dans plusieurs pyramidal. (D.J.)


RÉCEPTIONS. f. (Gramm.) c'est l'action de recevoir. Il y a eu dans un très-petit intervalle de tems, un grand nombre de réceptions à l'académie françoise ; le public ne les a pas toutes également approuvées.

RECEPTION, (Jurisprud.) ce terme dans cette matiere, s'applique à plusieurs objets différens.

Il y a réception en foi & hommage, voyez FOI & HOMMAGE.

Réception par main souveraine, voyez MAIN SOUVERAINE.

Réception d'officiers, voyez OFFICES, OFFICIERS, RECIPIENDAIRE, INSTALLATION, SERMENT.

Réception de caution, voyez CAUTION.

Réception d'enquête, voyez ENQUETE. (A)

RECEPTION, en terme d'Astrologie, se dit de deux planetes qui changent de maison. Lorsque le soleil, par exemple, arrive dans le cancer, maison de la lune, & que la lune à son tour entre dans la maison du soleil, on dit alors qu'il y a réception.

Les Astrologues disent aussi que deux planetes sont en réception d'exaltation, lorsqu'elles ont changé leurs exaltations.


RECERCELÉadj. terme de Blason ; il se dit de la croix ancrée tournée en cerceaux, & de la queue des cochons & des levriers.

S. Weyer en Allemagne, d'or à la croix ancrée, recercelée de sable, chargée en coeur d'un écusson de sable, à trois bezans d'or.


RECÈSRECÈS

Les jurisconsultes allemands distinguent les recès de l'Empire en généraux & en particuliers. Les premiers sont les lois faites par tous les états assemblés en corps ; les derniers sont les résolutions prises par les députations particulieres. On les distingue encore en recessus primarios & recessus secundarios. Les premiers sont ceux que l'on fait imprimer & que l'on publie ; les autres sont des résolutions que l'on tient secrettes, & qui se déposent dans les archives de l'empire, dont l'électeur de Mayence a la garde. Voyez Vitriarii institutiones juris publici Romano-germanici.


RECETTES. f. (Comm.) est la réception ou le recouvrement de deniers dûs. En ce sens, on dit c'est un tel qui a fait la recette, qui est chargé de la recette.

Il se dit du lieu où les receveurs tiennent leur bureau : en ce sens, on dit porter les deniers à la recette.

De la charge de receveur : en ce sens l'on dit, la recette générale des finances, la recette des décimes.

Des deniers même dont le recouvrement a été fait : en ce sens, l'on dit la recette est montée à tant. C'est aussi en ce sens que le mot recette est pris dans un état de compte, dont la recette fait le second chapitre : le premier est le chapitre de dépense, & le troisieme est le balancé ou finito de compte.

RECETTE, (Salpêtrerie) On nomme ainsi dans les atteliers où se fabrique le salpêtre, de petits baquets de bois qui sont au-dessous de la canelle ou pissotte des cuviers, pour y recevoir les eaux imprégnées de salpêtre, qui en coulent à mesure qu'on en jette sur les terres & les cendres dont ils sont remplis. Il y a autant de recettes que de cuviers. Ainsi, chaque attelier en a 24, qui est le nombre ordinaire des cuviers : on y puise l'eau avec des seaux. On se sert aussi de recettes qu'on emplit d'eau froide, pour avancer la crystallisation du salpêtre qu'on veut réduire en roche. Savary. (D.J.)


RECEVABLEadj. (Jurisprud.) se dit de ce qui est admissible ; non-recevable, de ce qui n'est pas admissible. On dit de quelqu'un qu'il est non-recevable dans sa demande, lorsqu'il y a quelque fin de non-recevoir qui s'éleve contre lui. Voyez FINS DE NON-RECEVOIR. (A)

RECEVABLE, en terme de Commerce, ce qui est bon, ce qui est de qualité à ne pouvoir être refusé. Ce blé est recevable, il est bon & marchand. On dit au contraire non-recevable de ce qui est mauvais ou décrié. Cet ouvrage n'est pas recevable, il n'est qu'à demi-fini. Dictionn. de Comm. & de Trév.


RECEVEUR(Gramm.) est un officier titulaire dont la fonction est de recevoir des deniers dont le payement est ordonné. Il y a autant de différentes sortes de receveurs que de causes différentes, d'où provient l'obligation de payer les deniers dont ils sont receveurs. Ainsi l'on dit receveur des tailles, receveur des décimes, receveur des restes de la chambre des comptes, &c. Il y en a une infinité d'autres.

RECEVEUR d'une compagnie, c'est celui qui est chargé par sa compagnie de percevoir ses revenus. Cet office a différens noms, selon les compagnies ; dans quelques-unes il s'appelle le trésorier, dans d'autres le caissier, & dans quelques autres le syndic. Voyez TRESORIER, CAISSIER, SYNDIC.

RECEVEUR GENERAL DES FINANCES, (Finance) officier titulaire en France qui perçoit dans chaque généralité les deniers du roi, & les distribue suivant l'ordre & l'état qui lui en est donné.

En 1662 M. Colbert rappella les anciennes ordonnances, par lesquelles tout comptable étoit obligé de fournir au conseil des états au vrai de la recette & dépense, trois mois après son exercice, & de faire recevoir son compte à la chambre du trésor dans l'année d'après son exercice. Cette méthode faisoit jouir l'état de fonds considérables qui restoient entre les mains des receveurs généraux jusqu'à la reddition de leurs comptes, & dont le roi payoit cependant l'intérêt, puisqu'il servoit aux avances dont il avoit besoin. En réformant cet abus, qui sera toujours plus grand à mesure que les comptes seront retardés, il obligea les receveurs à signer des résultats, pour fixer le payement des tailles dans dix-huit mois, & depuis dans quinze.

C'est, dit l'auteur moderne sur les finances, à la faveur de ces résultats qu'on a attaché aux charges de receveurs généraux une idée de besoin ; mais, continue cet auteur, a-t-on bien examiné si ces résultats ne pourroient point être faits avec la même sureté & avec plus d'économie par des receveurs particuliers ? La caisse commune des recettes générales ne pouvoit-elle pas former sans inconvénient une des caisses du trésor royal, où l'on ne sauroit montrer trop d'abondance ? est-il bien nécessaire qu'il y ait des charges dont l'intérêt rapporte tout au moins dix pour cent ? ne sont-ils pas une diminution de la recette du prince, ou un accroissement de charge sur le peuple ?

On dira sans-doute que le principal objet d'utilité de cet arrangement, consiste dans l'usage du crédit des receveurs généraux ; il ne s'agiroit plus alors que d'approfondir la cause de leur crédit, & la nature de celui de l'état, lorsqu'il voudra l'employer à la droiture avec économie & fidélité.

La dépendance volontaire où l'on est des financiers, même dans les tems de paix, a toujours été fort couteuse à l'état, & leur a donné les moyens de rendre cette dépendance forcée dans d'autres circonstances, parce que l'argent se trouve tout concentré entre leurs mains. Lorsqu'un état dépense par anticipation, ou bien il prévoit un promt remplacement, ou bien il ne le prévoit qu'éloigné. Dans le premier cas, une caisse des emprunts, des promesses du trésor-royal, fourniront toujours promtement & à bon marché les secours dont on peut avoir besoin, si le gouvernement a de l'ordre & de l'exactitude. Dans le second cas, le crédit des financiers est pour l'ordinaire insuffisant. En Hollande, en Angleterre, il n'y a pas de moyen terme entre le public & l'état dans les emprunts par anticipation sur le revenu de l'état. Les billets de l'échiquier à Londres à six mois & un an, se négocient aux particuliers plus facilement que ceux des banquiers, pendant la guerre comme pendant la paix, & toujours à un intérêt au-dessous de celui des effets à long terme.

Concluons que toute constitution d'état qui a de la stabilité, tâchera d'avoir un crédit national proportionné à l'exactitude & à l'économie du gouvernement, à l'étendue des ressources publiques ; mais tout crédit médiat est précaire, borné & couteux par sa nature. Ce vain étalage de crédit des finances, ressemble exactement à celui que feroit un grand seigneur d'une multitude de domestiques, qui s'enrichissent des débris de sa fortune. (D.J.)

RECEVEUR, (Ordre de Malthe) c'est le nom d'un chevalier qui réside dans une commanderie pour en recueillir les revenus. Les receveurs dans l'ordre de Malthe jouissent de tous les droits & privileges de la résidence conventuelle. (D.J.)

RECEVEUR DES BOITES à la monnoie, c'est un officier qui est dépositaire des deniers emboîtés, lesquels ont été envoyés de chaque monnoie du royaume pour être jugés par la cour. Il y a à Paris & à Lyon des receveurs des boîtes.

Receveur au change, est un officier qui reçoit les matieres du public ; son droit est de six deniers par marc d'or, & de trois deniers par marc d'argent & de billon. Les directeurs dans les provinces sont ensemble receveurs au change & trésoriers.


RECEVOIRv. act. (Gram.) terme relatif à donner. Il ne faut recevoir que de celui qu'on estime. Il a reçu un coup d'épée. Ils ont reçu la récompense ou la punition qu'ils ont méritée. On reçoit un ordre du prince. On reçoit ses deniers. On reçoit mal ou bien ses convives. On reçoit des visites. On reçoit avocat, procureur ; on reçoit des complimens, des injures, un exemple. On reçoit du plaisir & de la peine. On reçoit un concile ; une loi ; un usage ; une coutume. On reçoit une impression ; une sensation ; une idée. On reçoit le S. Esprit ; la grace ; la bénédiction ; la malédiction, &c.

Recevoir & accepter peuvent être considérés comme synonymes. Alors nous recevons ce qu'on nous donne ou ce qu'on nous envoie. Nous acceptons ce qu'on nous offre.

On reçoit les graces. On accepte les services. Recevoir exclud simplement le refus. Accepter semble marquer un consentement, ou une approbation plus expresse.

Il faut toujours être reconnoissant des bienfaits qu'on a reçus. Il ne faut jamais mépriser ce qu'on accepte. L'abbé Girard. (D.J.)

RECEVOIR, (Jurisprud.) quelqu'un intervenant dans une cause ou une instance, ou recevoir son intervention ; c'est admettre un tiers à contester pour son intérêt pour une cause ou instance commencée avec deux autres parties. Voyez INTERVENANT & INTERVENTION.

Recevoir quelqu'un à foi & hommage ; c'est de la part d'un seigneur recevoir d'un vassal, la soumission que celui-ci doit à raison du fief dont il a acquis la propriété. Voyez FOI.

RECEVOIR, s. m. (Salpêtrerie) on nomme ainsi dans la fabrique des salpêtres, un vase de cuivre fait en forme de grand chaudron, dans lequel on met l'eau de la cuite au sortir des chaudieres, pour la faire rassoir quelque-tems. Le recevoir a un robinet au bas à quatre doigts du fonds, pour tirer la cuite à clair, & sans que les ordures qui s'y sont précipitées puissent couler avec. Il y a aussi des recevoirs de bois, qui sont des especes de petites auges ou baquets. (D.J.)


RECHABITESS. m. (Hist. ecclésiastique) parmi les anciens Juifs. Hommes qui menoient un genre de vie différent de celui des autres Israëlites, & formoient une espece de secte à part.

Ils étoient ainsi nommés de Jonadab, fils de Réchab, leur instituteur, qui leur avoit prescrit trois choses ; 1°. de ne jamais boire de vin, ou d'aucune autre liqueur qui puisse enyvrer ; 2°. de ne point bâtir de maisons, mais de vivre à la campagne sous des tentes ; 3°. de ne semer ni grains, ni blé, & de ne point planter des vignes. Les Réchabites observoient ces réglemens à la lettre, comme on le voit par Jeremie, c. liij. . 6.

On croit que les Réchabites servoient au temple en qualité de ministres ou de serviteurs des prêtres, comme les Gabaonites & les Nathinéens. On lit dans les paralipomenes, c. xj. . 5. qu'ils faisoient l'office de chantres dans la maison du Seigneur, & qu'ils étoient cinéens d'origine, descendans de Jethro, beau-pere de Moïse, par Jonadab leur chef, qui, selon quelques-uns, vivoit sous Joas, roi de Juda, contemporain de Jehu, roi d'Israël.

S. Jerôme, dans sa 13 épitre à Pauline, appelle les Réchabites moines, monachi. C'est ce qui a peut-être donné occasion à un capucin nommé Boulduc, d'en faire des religieux vivans en communauté, ayant des supérieurs généraux & particuliers, comme on en voit aujourd'hui dans nos monasteres. Selon lui, le nom de Réchabites leur vient d'Elie & d'Elisée, qui sont nommés dans l'Ecriture les chariots d'Israël réchabaims. Mais il n'est pas étonnant qu'il fasse venir les Réchabites du chariot d'Elie, puisqu'il a fait venir les Pharisiens de ses chevaux, pharamin en hébreu signifiant des chevaux.

Quelques-uns ont confondu les Assidéens & les Esséniens avec les Réchabites. Mais il est sûr que les Esséniens & les Assidéens cultivoient des champs, habitoient dans des maisons & gardoient le célibat, pratiques toutes opposées à celles des Réchabites. Voyez ASSIDEENS & ESSENIENS.


RÉCHAFAUDERv. act. & pass. c'est redresser un échafaud. Il faudra se réchafauder. Voyez ÉCHAFAUDER.


RECHAMPIRv. act. (Peintres, Doreurs) quand on dore quelque grand ouvrage dont les fonds sont blancs, il arrive presque toujours qu'en couchant de jaune, cette couleur se répand sur les fonds ; & pour réparer cet accident, on prend du blanc de céruse broyé & détrempé dans de l'eau où de la colle de poisson a déja trempé quelque tems ; on donne à ce mêlange un bouillon ou deux, après l'avoir passé au travers d'un linge. De ce blanc ainsi infusé & détrempé dans cette colle, on couvre ce que le jaune ou l'assiette peut avoir gâté. On y donne deux ou trois couches, & c'est ce que l'on appelle réchampir. Diction. de comm. (D.J.)


RECHANGES. m. (Jurisprud.) est un second droit de change, qui est dû par le tireur d'une lettre-de-change au porteur de cette lettre, lorsqu'elle est protestée, & que le porteur a été obligé d'emprunter de l'argent, & d'en payer le change. Voyez l'ordonnance du commerce, tit. 6. le traité du change & rechange fait par Maréchal, le parfait négociant de Savary, & ci-devant le mot CHANGE, & le mot LETTRE-DE-CHANGE. (A)

RECHANGE, (Marine) nom général qu'on donne à toutes les manoeuvres, voiles, vergues, funins, &c. qu'on met en réserve pour s'en servir au défaut de celles qui sont en place. On appelle dans le levant les voiles & les vergues de rechange, voiles & vergues de respect, voiles & vergues de répit.


RECHANGERv. act. (Gram.) c'est changer une ou plusieurs fois. Voyez l'article CHANGER. Il faut rechanger cette marchandise, cet exemple contre un autre. Il faut rechanger de serrure. Il faut rechanger d'avis. Il faut rechanger de batterie, &c.


RÉCHAPPERv. act. (Gram.) c'est échapper derechef. Voyez l'article ÉCHAPPER. Il a réchappé de cette maladie. Il s'est réchappé des prisons. Il s'est réchappé d'une maniere indécente en présence de son supérieur, qui l'en a repris.


RECHARGERECHARGE

On a expérimenté qu'une piece de 24 peut tirer 90 ou 100 coups en 24 heures, ce qui fait cinq coups par heure, mais on a soin de rafraîchir la piece après avoir tiré 10 ou 12 coups. Pour cet effet, on trempe l'écouvillon dans de l'eau, & on l'insinue plusieurs fois dans l'ame du canon. (Q)


RECHARGERv. act. (Gram.) c'est charger une seconde fois. Voyez l'article CHARGER.

RECHARGER, v. n. terme de Charon ; recharger un aissieu de charrette, c'est regrossir les bras quand ils sont foibles. Diction. des Arts, 1731. (D.J.)


RECHASSERv. act. (Gram.) c'est chasser une seconde fois. Voyez l'article CHASSER.

RECHASSER, v. act. terme de chasse ; ce mot signifie faire entrer dans les forêts les bêtes qui en sont sorties. Il y a eu autrefois des charges de rechasseurs des bêtes fauves données par le roi de France à des gentilshommes, avec des gages pour nourrir des chiens courans, rechasser les bêtes dans les forêts, & rompre ensuite les chiens. Trevoux. (D.J.)


RÉCHAUDS. m. (Ustensile général) ustensile de ménage qui sert à mettre du feu pour cuire & rechauffer les choses refroidies. On en fait de fer, de cuivre, & quelquefois d'argent. Les deux premieres sortes sont du métier de chauderonnier, la derniere de celui d'orfévre. Un réchaud de fer doit être fait de fer de cuirasse, & être composé d'un corps, d'une grille, d'un fond, d'une fourchette & d'un manche. Savary.

RECHAUD, (Littérat.) en grec . Clément d'Alexandrie met cet ustensile parmi les instrumens de luxe, parce qu'on l'employoit de son tems, comme nous nous en servons aujourd'hui, pour empêcher les viandes qu'on sert sur la table de se refroidir ; c'est ce qui peut nous faire entendre ce passage de Séneque, epist. 85. Circa caenationes ejus, tumultus coquorum est, ipsos cum obsoniis focos transferentium. Hoc enim jam luxuria commenta est, ne quis intepescat cibus, ne quid palato jam calloso parùm ferveat ; caenam culina prosequitur. " A ses soupers, tout retentit du bruit des cuisiniers, qui transportent des réchauds avec les viandes, car la friandise a déja imaginé ce raffinement, afin qu'aucun mets ne tiédisse, & que tout soit assez chaud pour ces palais endurcis ; la cuisine suit le souper ". Voilà bien du bruit pour des réchauds portés sur la table, qui empêchent seulement de manger froid, & avec dégoût, ce qui n'est bon & agréable que chaud.

Au reste, Séneque ne veut pas dire que l'invention du réchaud fût nouvelle de son tems, il ne parle que de l'usage qu'on en faisoit, qui en effet étoit nouveau mais très-sensé.

On trouvera dans les antiquités romaines de M. le comte Caylus, tom. I. la représentation d'un des réchauds de bronze des Romains, avec trois oies qui lui servent d'appui. Il a 7 pouces depuis l'extrêmité d'une des trois têtes d'oiseau, jusqu'au bord opposé de sa circonférence. Cette espece de plateau a quinze lignes de creux, & les piés l'élevent au-dessus de deux pouces du plan. Les trois oies, car elles paroissent telles, forment les trois appuis qui se terminent par des piés de boeufs, & leurs aîles déployées avec assez de grace, sont d'un bon goût d'ornement. Ces têtes, qui se reploient sur leur estomac, & qui forment des especes d'anses, excédent d'un demi-pouce la circonférence du plateau.

Nous avons bien perfectionné cette invention, car je crois que nos réchauds à l'esprit-de-vin l'emportent de beaucoup sur ceux contre lesquels Séneque est si fort irrité. (D.J.)

RECHAUD, (Jardinage) ce mot est aujourd'hui plus en usage parmi les jardiniers que celui de réchauffement. Le réchaud est une épaisseur de fumier d'un ou deux piés, dont on environne des couches pour les réchauffer, avant que leur chaleur soit éteinte. S'il n'y a qu'une couche, on fait ce réchaud tout-autour d'environ deux piés de haut ; s'il y a deux couches ou plus, on ne donne cette épaisseur que du côté isolé. Quand les réchauds sont faits, on jette quelques voies d'eau par-dessus, pour empêcher le fumier de brûler la terre ; on fait les réchauds plus élevés que les couches, parce qu'ils s'affaissent promtement, & on les recharge de nouveau fumier pour les tenir continuellement un peu plus hauts que les couches. (D.J.)


RÉCHAUD(Teint.) on dit donner le premier ou le second réchaud, pour dire donner le premier ou le second feu, ce qui signifie passer une premiere ou seconde fois l'étoffe que l'on veut teindre dans la chaudiere où est la teinture chaude.


RÉCHAUFFEMENTS. m. terme de Jardinier, ce mot se dit d'un sentier de couches ou de planches qu'on remplit de fumier neuf, afin que ce fumier venant à s'échauffer, communique sa chaleur aux couches ou planches voisines, ensorte que les plantes qui y sont poussent malgré le froid de l'hiver ; on dit aussi réchaud. Voyez RECHAUD. (D.J.)


RÉCHAUFFERv. act. (Gram.) c'est rendre de la chaleur à ce qui s'est refroidi, ou en donner à ce qui est froid. Il se prend au simple & au figuré, faites réchauffer ce potage ; il s'est un peu réchauffé sur la fin de son rôle ou de son discours.

RECHAUFFER CARREAU, terme d'ancien monnoyage, c'étoit donner une seconde recuite aux carreaux ; ce procédé suivoit celui de recuire carreau. Voyez RECUIRE CARREAU.

RECHAUFFER, RECHAUFFEMENT, (Jardinage) c'est mettre de nouveau fumier dans les sentiers entre les couches trop froides pour les réchauffer & leur donner de la vigueur. On dit réchauffer une planche d'asperges.

RECHAUFFER UN CHEVAL, en termes de Manege, c'est se servir des aides un peu vigoureusement, pour rendre plus actif un cheval paresseux.


RÉCHAUFFOIRS. m. (Archit.) petit potager près de la salle à manger, où l'on fait réchauffer les viandes lorsque la cuisine en est trop éloignée. Daviler. (D.J.)


RECHAUSSERv. act. & pass. c'est remettre sa chaussure ; rechaussez-vous, j'ai vu vos jambes. Se rechausser, voyez les articles suivans.

RECHAUSSER, v. act. (Charpent.) c'est remettre des dents aux roues & aux machines dentées comme à celle des moulins. (D.J.)

RECHAUSSER, (Jardinage) est apporter de la terre le long des arbres dont le pié est trop dégarni. On rechausse ainsi de terre les asperges & les palissades pour les faire repousser.

RECHAUSSER, à la monnoie, c'est diminuer un flanc & le rendre du poids prescrit par les ordonnances. On ne se sert plus de ce terme ; cette manutention s'appelle ajuster.

Dans l'ancien monnoyage rechausser, c'étoit abattre les pointes ou angles des flancs quarrés ; & c'étoit la cinquieme façon qu'on suivoit en fabriquant au marteau.


RECHAUSSOIRS. m. terme de Carreleur, marteau léger dont les ouvriers ou tailleresses se servent pour rechausser les carreaux.

RECHAUSSOIR, terme d'ancien monnoyage, étoit une espece de marteau long & recourbé, à-peu-près comme celui dont se servent continuellement les Tonneliers : il servoit pour arrondir & abattre les angles ou pointes des carreaux.


RECHBERG(Géog. mod.) comté d'Allemagne dans la Souabe, le long de la riviere de Rems, entre le Wirtemberg & le pays d'Oetlingen. Il a ses seigneurs particuliers, & il fut érigé en comté par l'empereur Ferdinand II.


RECHERCHE(Lang. franç.) ce mot signifie en général perquisition ; mais il ne se dit pas indifféremment de toutes choses. Ce ne seroit pas parler correctement que de dire, faire la recherche d'une chose perdue ; cependant on dit faire la recherche de l'auteur d'un meurtre, des secrets de la nature, &c.

On dit aussi faire la recherche d'une fille, pour dire la faire demander en mariage.

On ne diroit pas dans le propre, la recherche des perles, la recherche des trésors que la terre & la mer renferment dans leurs abysmes ; mais on diroit bien au figuré, la recherche des biens de la terre & la recherche des trésors.

Quand on dit d'une chose égarée, quelque recherche que j'en aie faite, je n'ai pu en rien apprendre, alors recherche se prend au figuré, & c'est comme si l'on disoit, quelque soin que j'aie pris pour en apprendre des nouvelles.

Non-seulement on ne dit pas recherche au propre à l'égard d'une chose perdue, mais on ne dit pas même rechercher, à-moins que par ce verbe on n'entende chercher une seconde fois ; par exemple, on n'a pas bien cherché par-tout, il faut rechercher.

Recherche se dit en termes de Jurisprudence pour enquête ; la recherche des faux-monnoyeurs, des faux-nobles.

Enfin recherche se dit au figuré des choses curieusement recherchées. Un livre plein de belles recherches. Les Anglois sont les hommes qui dans les sciences font les recherches les plus profondes. (D.J.)

RECHERCHE, (Jurisprud.) signifie perquisition, & quelquefois poursuite.

Recherche d'une personne pour crime, c'est lorsque la justice poursuit quelqu'un prévenu de quelque délit.

Recherche de la noblesse, c'est lorsque le roi commet des juges pour faire des perquisitions contre ceux qui usurpent le titre de noble.

Recherche de procès, & instance en la répétition que l'on en fait contre ceux qui en sont chargés. Voyez JUGES, AVOCATS, PROCUREURS.

Recherche d'un acte est la perquisition que l'on en fait dans un greffe ou dans l'étude d'un notaire, lorsque l'on ne sait pas au juste la date de cet acte, on paye en ce cas un droit de recherche, c'est-à-dire pour la recherche. (A)

RECHERCHES PERPETUELLES, (Jurisprudence romaine) c'étoit des perquisitions que le sénat ordonnoit de faire suivant les conjonctures pour les crimes capitaux & d'état ; ces perquisitions & le jugement en étoit commis par le peuple à des magistrats particuliers, à des préteurs, qu'on nommoit questeurs du parricide.

Les perquisitions ou recherches qu'ils faisoient à cette occasion furent appellées quaestiones perpetuae, soit parce qu'elles avoient une forme prescrite qui étoit certaine & invariable, ensorte qu'elles n'avoient pas besoin d'une nouvelle loi comme autrefois, soit parce que les préteurs faisoient ces recherches perpétuellement & durant toute l'année de leur exercice, & que le peuple, comme ci-devant, ne nommoit plus des édiles pour faire ces sortes d'informations.

L'objet des premieres recherches perpétuelles furent les concussions, les crimes d'ambition, ceux d'état & de péculat. Sylla y joignit le crime de faux, ce qui renfermoit le crime de fabrication de fausse monnoie, le parricide, l'assassinat, l'empoisonnement, on y ajouta encore comme une suite la prévarication des juges & les violences publiques & particulieres. Cependant le peuple & même le sénat connoissoient quelquefois par extraordinaire de ces crimes, & nommoient des commissaires pour informer ; ainsi qu'il arriva dans le procès de Silanus, accusé de concussion dans l'affaire de Milon, touchant le meurtre de Clodius, & dans celle de ce Clodius même qui avoit profané le culte de la bonne déesse. On ordonnoit alors une information de pollutis sacris, sur-tout lorsqu'il s'agissoit d'une vestale accusée d'avoir eu commerce avec un homme, & d'autres crimes semblables ; à l'égard de l'assassinat, le peuple faisoit le procès aux coupables dans des comices assemblés par centuries.

Lorsque le sénat avoit ordonné les recherches ou informations, les préteurs tiroient entr'eux au sort le procès qui devoit leur échoir, car les comices ne fixoient point l'attribution des causes. Quelquefois les deux préteurs travailloient au même procès, surtout quand il s'agissoit d'un grand nombre de complices. Quelquefois un seul préteur connoissoit de deux affaires. Le préteur étranger connut pendant un certain tems du crime de concussion ; & même le préteur de la ville, par un decret du sénat, informoit sur les affaires de l'état : cependant cela est douteux, puisque Verrès contrevint aux lois, lorsque dans sa préture il voulut juger d'un crime d'état. Enfin on vit quelquefois les deux préteurs joints ensemble pour juger de la même affaire. (D.J.)

RECHERCHE, en Musique, c'est une espece de prélude ou de fantaisie sur l'orgue ou sur le clavecin, dans laquelle le musicien affecte de rechercher & de rassembler les principaux traits d'harmonie & de chant qui viennent d'être exécutés, ou qui vont l'être dans un concert. Cela se fait ordinairement sur le champ & sans préparation, & demande par conséquent beaucoup d'habileté.

Les Italiens appellent encore recherches ou cadences ces arbitrii ou points d'orgue que le chanteur se donne la liberté de faire sur une des notes de sa partie, parcourant toutes les cordes du mode, & même en sortant quelquefois, selon les idées de son génie & les routes de son gosier, tandis que tout l'accompagnement s'arrête jusqu'à ce qu'il lui plaise de finir. Voyez BRODERIE. (S)

RECHERCHE DES EAUX, (Hydraul.) se fait ordinairement dans les mois d'Août, de Septembre & d'Octobre ; la terre alors déchargée de toutes ses humidités est plus seche, & toute l'eau qui s'y trouve peut s'appeller source.

Sans s'arrêter à tous les moyens indiqués par les auteurs pour découvrir les sources, on dira que l'aspect du terrein, la situation du lieu & la nature des terres sont les trois choses essentielles qu'il faut consulter.

Un praticien qui voit une terre couverte de plantes aquatiques, telles que des roseaux, des cressons, des baumes sauvages, vitex, lierres terrestres, argentines, joncs, queues de renard, connoît aisément qu'il y a de l'eau, & juge de sa profondeur jusqu'au lit de glaise qui la retient & qui se découvre souvent à mi-côte. On suppose que ces herbes y croissent naturellement, & que ce ne sont point des marais ou des eaux sauvages.

La situation du lieu s'entend de sa disposition avantageuse pour les eaux, tel que seroit un terrein à mi-côte couvert de verdure, dont la pente peu considérable seroit d'une vaste étendue, si ce terrein est l'égoût naturel d'une hauteur plus élevée, le sommet poussera les glaises à mi-côte, & les découvrira à la vûe.

La nature des terres doit encore être examinée, leur couleur blanchâtre ou verdâtre, telle que celle des glaises, annonce surement de l'eau qui les a fait changer de nature, & les a, pour ainsi dire, engraissées : les terres franches, le gravier, la pierre rouge sont les meilleurs terreins pour la durée d'une source, parce qu'elle se tient en réserve dans ces sortes de terre, & fournit plus long-tems que sur un lit de glaise, qui souvent glisse & change de place avec elle. (K)

RECHERCHE DE COUVERTURE, terme de Couvreur ; c'est la réparation d'une couverture où l'on met quelques tuiles ou ardoises à la place de celles qui manquent, & la réfection des tuilées, solins, arestiers & autres plâtres.

RECHERCHE DE PAVE, (Maçonnerie) c'est raccommoder les flasques, & mettre des pavés neufs à la place de ceux qui sont brisés. (D.J.)


RECHERCHERv. act. (Gramm.) Voyez l'article CHERCHER, & les articles RECHERCHE. C'est chercher une seconde fois. J'ai recherché ce passage, & je n'ai pû le retrouver. Je rechercherai avec soin tout ce qui appartient à la connoissance de cette affaire. L'état a fait rechercher ce qu'il y avoit de plus curieux en histoire naturelle. Il recherche depuis long-tems cette fille en mariage. On recherche les concussionnaires ; on recherche les auteurs de cet ouvrage. L'un recherche les dignités, un autre la richesse, un troisieme les bonnes tables. Il recherche la faveur des grands. Il a fait de profondes recherches dans l'antiquité. Il y a beaucoup d'érudition & de recherches dans ce petit ouvrage. C'est un morceau recherché par son utilité ; c'est un style recherché qui me déplaît. C'est un tableau recherché que je préfere à beaucoup d'autres. Ne recherchez pas davantage cette bague, je l'ai, &c.

RECHERCHER, (Archit. décorat.) c'est réparer avec divers outils, les ornemens d'architecture ; desorte que les moindres parties en soient bien terminées.

RECHERCHER, (Sculpture) ce terme est particulierement employé en Sculpture dans le même sens que finir, terminer ; par exemple dans les bas-reliefs de la colonne Trajane, il y a des morceaux extrêmement recherchés ; ce mot en général signifie un travail peiné, fait avec beaucoup de choix, d'intelligence & de soin.


RECHICOURT(Géogr. mod.) petit comté de France dans l'évêché de Metz. Il est limitrophe de la seigneurie de Marsal, & a été tenu en fief des évêques de Metz, il y a plus de cinq cent ans.


RECHIGNERv. neut. terme de Jardinier ; il se dit des plantes qui ne poussent pas vigoureusement, ainsi que des arbres qui languissent, & qui ne font que des jets foibles, accompagnés de petites feuilles jaunâtres.


RECHINSERRECHINSER


RECHIUS(Géogr. anc.) fleuve de la Macédoine, & qui couloit proche de la ville de Thessalonique, où après avoir arrosé un terroir fertile, il se déchargeoit dans la mer. Son cours, dit Procope, Oedif. l. IV. c. iij. est calme & paisible. Son eau est bonne à boire. Ses bords sont couverts d'agréables pâturages ; mais le pays avec tous ces avantages, étoit exposé aux courses des ennemis, n'ayant aucun fort dans l'espace de quarante milles. Ce fut par cette raison que Justinien en fit bâtir un à l'embouchure de ce fleuve, & le nomma Artemise.


RECHLINGHAUSEN(Géogr. mod.) petite ville d'Allemagne dans l'archevêché de Cologne, sur la Lippe, capitale du comté de même nom. Il y a dans cette ville un chapitre de dames, dont la seule abbesse fait des voeux, & c'est un bel exemple à suivre. Long. 24. 56. lat. 51. 34. (D.J.)


RECHUTES. f. (Gramm.) c'est l'action de retomber. Il se prend au simple & au figuré. Il a fait une rechûte dangereuse. Croyez-vous que Dieu pardonne tant de rechûtes successives ?

RECHUTE, (Médecine) ce mot vient du latin recadere, retomber, d'où est formé recidiva ; on a donné ce nom au retour des accidens d'une maladie qui paroissoit terminée ; ainsi entre la maladie & la rechûte, il y a un tems plus ou moins considérable pendant lequel les symptomes sont dissipés, la santé sembler se rétablir, & se rétablit quelquefois en effet : alors si le malade fait quelque excès dans le boire ou le manger, s'il s'expose de nouveau aux causes qui avoient d'abord donné naissance à la maladie ; ou si enfin, ce qui arrive le plus souvent, la crise n'a pas été complete , & que le noyau de la maladie n'ait pas été entierement détruit, le malade retombe ou fait une rechûte, les symptomes reparoissent, & la maladie parcourt ses différens périodes à la maniere accoutumée. L'intempérance des malades cause bien moins de rechûtes qu'on ne le croit communément ; les médecins intéressés à favoriser cette erreur publique, ne manquent pas de lui attribuer des rechûtes dont ils sont l'unique cause par la maniere inappropriée dont ils ont traité le malade ; il n'est pas rare de les voir occasionnées par l'action des mêmes causes qui avoient produit la maladie ; c'est ce que j'ai très-souvent observé sur les fievres intermittentes : l'air marécageux ou infecté de quelque miasme particulier, inconnu, des campagnes qui sont sur les bords de la mer aux environs de Montpellier, est une cause fertile de ces sortes de fievres, peu de personnes en sont exemptes ; elles viennent dès qu'elles sont attaquées, chercher du secours dans les villes voisines ; elles repartent guéries ; mais la même cause est bientôt dans ces sujets disposés suivie des mêmes effets ; ce n'est que dans la suite qu'on peut trouver un remede assuré ; de toutes les maladies les fievres intermittentes sont celles qui récidivent le plus facilement : long-tems après qu'elles sont dissipées, il reste une disposition que je crois dans les nerfs, qui est telle que si le jour où l'accès devroit revenir, les malades font quelque excès, ils rattrapent aussi-tôt la fievre. Vanswieten en rapporte un exemple remarquable ; un homme ayant été par l'effet du printems délivré d'une fievre quarte opiniâtre, marqua dans un almanach avec une étoile, tous les jours où ses accès reviendroient, si la fievre continuoit, afin d'éviter avec plus de circonspection, ces jours-là, tout excès, suivant le conseil d'un médecin instruit : fidele à ces préceptes pendant plusieurs mois, sa santé fut inaltérée ; mais après ce tems faisant avec ses amis une partie de pêche, on le jetta en badinant dans l'eau, dès-lors il commença à frissonner, à claquer des dents ; en un mot il eut le premier accès d'une fievre quarte, dont il fut long-tems tourmenté ; & en consultant son almanach, il s'apperçut que c'étoit précisément un des jours fiévreux qu'il avoit noté. L'hiver & l'automne sont de même que dans bien d'autres maladies, les tems les plus favorables aux rechûtes. Les fievres ardentes sont, suivant l'observation d'Hippocrate, souvent suivies de rechûtes. Coac. praenot. cap. iij. n°. 31.

Le même auteur remarque que ce qui reste après la crise, occasionne ordinairement des rechûtes, aphor. 13. lib. II. que les malades retombent facilement lorsque les crises n'ont pas été complete s, qu'elles n'ont pas eu lieu les jours impairs ou critiques, aphor. 36. & 61. lib. IV. Coac. praenot. cap. ij. n°. 5. & cap. iij. n°. 42. Les maladies qu'on arrête sans en emporter la cause, sont très-sujettes à récidiver ; telles sont les fievres avec redoublement, plusieurs maladies périodiques, & les fievres intermittentes humorales qu'on traite par le quinquina ; on doit s'attendre à une rechûte dans les maladies qu'on voit se terminer sans crise, ou avec des évacuations peu proportionnées. On doit toujours craindre le bien qui arrive sans une cause suffisante ; lorsque la crise ne se fait pas aux jours convenables, lorsque, comme l'a observé Hippocrate, les urines sont troubles, & que les sueurs sont en même-tems copieuses, ou que les urines sont irrégulierement épaisses. Coac. praenot. cap. xxvij. n°. 23. & 39.

Les rechûtes sont toujours plus dangereuses que la maladie, à cause de la foiblesse où les accidens & les remedes précédens ont jetté le malade. Si les rechûtes sont fréquentes, dit Hippocrate, la phthisie est à craindre. Coac. praenot. cap. iij. n°. 40. Les rechûtes, dit-il ailleurs, à la fin desquelles le sang coule du nez, entraînent à la suite des vomissemens de matieres noirâtres, & souvent dégénerent en tremblement, ibid. n°. 17. Dans le traitement des rechûtes, il faut suivre la même méthode qui convient dans la maladie premiere ; je ne dis pas celle qu'on a déja employée, parce qu'il est vraisemblable que dès que le malade est retombé, la méthode a été mauvaise ; il faut seulement faire attention, & avoir égard à l'état de foiblesse où doit se trouver le malade. (b)

RECHUTE, (Fortification) c'est une élévation de rempart plus haute dans les endroits où il se trouve commandé.


RECIDIVES. f. (Jurisprud.) est la rechûte dans une même faute. La récidive est punie plus rigoureusement que le délit qui est commis pour la premiere fois.

Dans les jugemens qui se rendent en matiere d'injures, rixes & autres excès, on fait défenses aux parties de récidiver, sous plus grande peine, ou sous telle peine qu'il appartiendra. (A)


RECIFS. m. (Commerce de mer) on nomme ainsi à Amsterdam un récépissé que le pilote d'un vaisseau marchand donne aux cargadors, des marchandises qu'il reçoit à bord, & qui doivent faire la cargaison de son navire. Le récif porte une déclaration de la quantité des balles, tonneaux, ou pieces qui lui ont été remises, & des marques qu'elles ont ; c'est sur cette déclaration que le marchand dresse son connoissement. Dict. de Commerce.


RECINERLE (Lang. franç.) ce vieux mot qu'on trouve dans Rabelais, dans Montagne, & autres, signifie le gouter, la collation qu'on fait après dîner. Reciner, dit M. Duchat, vient de recaenare, qui selon Festus, signifioit anciennement dîner. J'ai vû dans mon enfance, dit Montagne, les déjeûners, les reciners, les collations plus fréquentes qu'à présent ; seroit-ce qu'en quelque chose nous allassions vers l'amendement ? Vraiment non ; mais c'est que nous sommes devenus plus foibles, plus coints (beaux galans ajustés), plus damerets, &c. (D.J.)


RECINIUM(Antiq. rom.) le recinium étoit une fête qu'on célebroit tous les ans à Rome le 24 de Février, en mémoire de ce que Tarquin le superbe fut chassé de la ville, & la monarchie détruite. Cette fête se renouvelloit encore le 26 de Mai, jour où le roi des sacrifices nommoit son successeur dans la place des comices ; & le sacrifice achevé, il s'enfuyoit promtement, pour marquer la fuite précipitée du roi Tarquin. (D.J.)


RECINUou RECINUS, (Littérature) c'étoit selon quelques-uns une coëffe que les dames romaines portoient sur leur tête, & selon d'autres, une espece de toge qu'elles portoient attachée par-devant avec un clou quarré de couleur pourpre.


RÉCIPÉS. m. (terme de Médecine) est une ordonnance ou formule, qui prescrit le remede que doit prendre un malade. Voyez ORDONNANCE.

On appelle ainsi cette formule, parce qu'elle commence par le mot recipe, prenez, que les médecins abregent ordinairement par une R tranchée de cette maniere .


RÉCIPIANGLES. m. instrument de Mathématique, qui sert à prendre des angles, & qui est principalement d'usage pour lever des plans.

Le récipiangle est fait ordinairement en forme d'équerre ou de beuveau, & composé de deux branches qui se meuvent autour d'un clou qui les assemble.

Lorsqu'on veut mesurer un angle avec cet instrument, on applique le centre d'un rapporteur à l'endroit où les deux branches du récipiangle se joignent, & l'on observe la quantité de degrés compris entre deux : ou bien on transporte l'angle sur le papier, & on les mesure avec un rapporteur. Voyez RAPPORTEUR.

On ajoute quelquefois un cercle gradué au centre de l'équerre, avec un stile qui montre la quantité de degrés, sans qu'on soit obligé d'avoir recours au rapporteur.

Lorsqu'on veut mesurer un angle avec le récipiangle, on applique le dedans ou le dehors de l'instrument sur les lignes qui le forment, suivant que l'angle est ou saillant ou rentrant. Chambers. (E)


RÉCIPIENDAIRES. m. (Jurisprud.) est celui qui se présente pour être admis dans quelque état ou office.

Pour connoître si le récipiendaire a les qualités requises, & s'il n'y a point de causes de l'exclure, on fait une information de ses vie & moeurs.

Le récipiendaire subit ordinairement ensuite un examen dans lequel on l'interroge sur ce qu'il doit savoir pour bien remplir son état.

Quand il est trouvé capable, on ordonne qu'il sera reçu, on lui fait prêter serment, & on l'installe.

Au reste les démarches nécessaires pour parvenir à la réception, sont différentes selon l'état & office, & selon le tribunal où on est reçu. Voyez le dict. de droit de M. de Ferriere au mot RECIPIENDAIRE.


RÉCIPIENT(Vaisseau chymique) ce mot n'a pas besoin d'être défini.

Les vaisseaux destinés à recevoir certains produits des opérations chymiques, ne portent le nom de récipient que dans les appareils de distillation. L'usage a restreint ce nom à cet emploi particulier. Ainsi le poudrier, la cucurbite, &c. qu'on employe dans les filtrations à recevoir la liqueur filtrée, la casse d'un fourneau de fusion ou de raffinage qui reçoit les matieres fondues, &c. encore moins la partie d'un tamis qui reçoit les poudres tamisées ; tout cela, disje, n'est point appellé récipient.

Toutes les différentes especes de récipiens, soit simples, soit composés, sont énoncées au mot DISTILLATION, & figurés dans les Planches de Chymie. Voyez cet article & ces Planches. (b)

RECIPIENT de la machine pneumatique est un vase de verre, ou d'une autre matiere, qu'on applique sur la platine de la machine pneumatique, & duquel on chasse l'air par le moyen d'une pompe. Voyez MACHINE PNEUMATIQUE.

Les choses que l'on met sous le récipient de la machine pneumatique, sont censées être dans le vuide, lorsque l'air est pompé. Voyez VUIDE & MACHINE PNEUMATIQUE.

Othon de Guericke cherchant à faire le vuide, l'essaya d'abord dans des vaisseaux de bois qui lui réussirent mal à cause de leur grande porosité ; il le tenta plus heureusement dans des globes de cuivre ; enfin il le fit voir dans un ballon de verre qu'on nomme communément récipient dans les laboratoires de Chymie ; & voilà sans-doute ce qui a donné lieu de nommer ainsi ces especes de cloches de crystal ou de verre qu'on met sur la machine pneumatique.

Les premiers récipiens étoient des especes d'entonnoirs de verre qui s'ajustoient à la pompe par leur col ; leur ouverture supérieure suffisamment large pour recevoir toutes sortes de corps, dispensoit de les détacher de la pompe toutes les fois qu'on vouloit faire une nouvelle expérience. On arrangeoit à son aise dans la capacité du vaisseau tout ce qu'on vouloit éprouver dans le vuide, & on le couvroit d'un chapiteau qui fermoit exactement, & au-travers duquel on pouvoit communiquer des mouvemens sans laisser rentrer d'air.

Il y a long-tems que le récipient a quitté la forme d'entonnoir pour prendre celle d'une cloche arrondie par le haut dont les bords posent sur une large platine de cuivre garnie d'un cuir mouillé : ce cuir procure une jonction très-exacte du récipient à la platine, & le poids de l'athmosphere, au premier coup de piston, supplée amplement à toutes sortes de luts & de cimens. (O)


RÉCIPROCATIOou PENDULE, voyez PENDULE.


RÉCIPROQUEREFLECHI, adj. synonymes dans le langage grammatical, le pronom françois se & soi, en latin sui, sibi & se, en grec , , , est celui que quelques grammairiens nomment réciproque, que d'autres appellent réfléchi, & que d'autres enfin désignent indifféremment par l'une ou par l'autre de ces deux dénominations. Toutes les deux marquent la relation d'une troisieme personne à une troisieme personne, & quand on ne veut rien dire autre chose, on peut regarder ces deux adjectifs comme synonymes ; ainsi on peut les employer peut-être assez indifféremment, quand on envisage le pronom dont il s'agit en lui-même, comme une partie d'oraison particuliere & détaché de toute phrase.

Mais si on regarde ce pronom dans quelque emploi actuel, on doit, selon la remarque de M. l'abbé Fromant (supp. au ch. viij. de la II. part. de la gramm. gén.), dire qu'il est réciproque, lorsqu'il s'employe avec les verbes qui signifient l'action de deux ou de plusieurs sujets qui agissent respectivement les uns sur les autres de la même maniere, comme dans cette phrase, Pierre & Paul s'aiment l'un l'autre, Pierre est un sujet qui aime, l'objet de son amour est Paul ; Paul est en même tems un sujet qui aime, & Pierre est à son tour l'objet de cet amour de Paul ; ce que l'un des deux sujets fait à l'égard du second, le second le fait à l'égard du premier ; ni l'un ni l'autre n'est l'objet de sa propre action ; l'action d'aimer est réciproque.

Dans les phrases au contraire où le sujet qui agit, agit sur lui-même, comme Pierre s'aime, le pronom se que l'on joint au verbe, doit être appellé réfléchi, parce que le sujet qui agit, est alors l'objet de sa propre action ; l'action retourne en quelque maniere vers sa source, comme une balle qui tombe perpendiculairement sur un plan, remonte vers le lieu de son départ ; sa direction est rompue, flectitur, & elle repasse sur la même ligne, reflectitur, c'est-à-dire, retrò flectitur.

Je remarquerai ici une erreur singuliere où est tombé M. l'abbé Regnier, & que M. Restaut a adoptée dans ses principes raisonnés : c'est que l'on ou on, & quelquefois soi, est un nominatif, que de soi en est le génitif, se & à soi le datif, se & soi l'accusatif, & de soi l'ablatif. On prouve cette doctrine par des exemples : au nominatif, on y est soi-même trompé ; au génitif, on agit pour l'amour de soi ; au datif, on dispose de ce qui est à soi, on se donne des libertés ; à l'accusatif, on se trompe, on n'aime que soi ; à l'ablatif, on parle de soi avec complaisance.

J'ai dit ailleurs quels sont les véritables cas de ce pronom & des autres ; & ils different entr'eux, comme dans toutes les langues à cas, & comme l'exige leur dénomination commune de cas par des terminaisons différentes, par des chûtes variées, casibus. Voyez PRONOM. Je ne veux donc pas insister ici sur la singularité de l'opinion cent fois détruite dans cet ouvrage, que les prépositions & les articles forment nos cas ; mais je remarquerai que les exemples allégués ne prouvent que soi, de soi, se, à soi, & de soi sont les cas de on, qu'autant qu'ils ont rapport à on. Il faudroit donc dire que soi est un autre nominatif du nom ministre dans cette phrase, le ministre crut qu'il y seroit soi-même trompé ; que de soi est le génitif de chacun dans celle-ci, chacun agit pour l'amour de soi ; que à soi est le datif de Dieu dans cette autre, Dieu rapporte tout à soi ; que soi est l'accusatif de l'homme, quand on dit, l'homme n'aime que soi ; & qu'enfin de soi est l'ablatif du nom philosophe, quand on dit, le philosophe parle rarement de soi. Comment a-t-on pu admettre le principe dont il s'agit, sans en voir les conséquences, ou voir les conséquences sans rejetter le principe ? Est-ce-là ce qu'on appelle raisonner ?

Remarquez qu'il auroit pu arriver qu'il y eût aussi des pronoms réciproques ou réfléchis des deux premieres personnes, puisque les sujets de l'une & de l'autre peuvent être envisagés sous les mêmes aspects que ceux de la troisieme ; par exemple, je me flatte, tu te vantes, nous nous promenons, &c. Mais l'usage n'introduit guere de choses superflues dans les langues ; & les pronoms réfléchis des deux premieres personnes ne pouvoient servir à rien : il n'y a que le sujet qui parle, ou qui est censé parler, qui soit de la premiere personne ; il n'y a que le sujet à qui l'on parle qui soit de la seconde ; cela est sans équivoque : mais tous les différens objets dont on parle, sont de la troisieme ; & il étoit raisonnable qu'il y eût un pronom de cette personne qui indiquât nettement l'identité avec le sujet de la proposition, tel que se & soi. (B. E. R. M.)

RECIPROQUE, adj. (Matth.) les figures réciproques, en terme de Géométrie, sont celles dont les côtés se peuvent comparer de telle maniere que l'antécédent d'une raison & le conséquent de l'autre se trouvent dans la même figure. Voyez Pl. géom. fig. 22, n °. 2. soit A = 12, D = 3, C = 9, B = 4.

A : B : : C : D, ou

12 : 4 : : 9 : 3.

c'est-à-dire, autant que le côté A du premier rectangle est plus grand que le côté B du second rectangle, autant aussi le côté C du second rectangle est-il plus grand que le côté D du premier : d'où il suit que les deux rectangles doivent être égaux. Voyez RECTANGLE.

Il suit de-là que les triangles, les parallélogrammes, les prismes, les parallélepipedes, les pyramides, les cones ou les cylindres, qui ont leurs bases & leurs hauteurs réciproques, sont égaux ; & que s'ils sont égaux, leurs bases & leurs hauteurs seront réciproques. Voyez TRIANGLE, PARALLELEPIPEDE, PRISME, CONE & CYLINDRE.

Proportion réciproque. Lorsqu'on a quatre nombres dont le quatrieme est moindre que le second, en même raison que le troisieme est plus grand que le premier, & vice versâ, cela s'appelle une proportion réciproque. Voyez PROPORTION. La proportion réciproque s'appelle plus communément raison inverse. Voyez RAISON & INVERSE.

C'est-là le fondement de la regle de trois inverse. Voyez REGLE.

RECIPROQUES, RECURRENS ou RETROGRADES, en Poësie, se dit de certains vers qui lus à-rebours, sont les mêmes. Voyez PALINDROMES.


RÉCIT(Hist. Apolog. Oraison. Epopée.) Le récit est un exposé exact & fidele d'un événement, c'est-à-dire, un exposé qui rend tout l'événement, & qui le rend comme il est ; car s'il rend plus ou moins, il n'est point exact ; & s'il rend autrement, il n'est point fidele. Celui qui raconte ce qu'il a vu, le raconte comme il l'a vu, & quelquefois comme il n'est pas ; alors le récit est fidele, sans être exact.

Tout récit est le portrait de l'événement qui en fait le sujet. Le Brun & Quinte-Curce ont peint tous deux les batailles d'Alexandre : celui-ci avec des signes arbitraires & d'institution, qui sont les mots : l'autre avec des signes naturels & d'imitation, qui sont les traits & les couleurs. S'ils ont suivi exactement la vérité, ce sont deux historiens ; s'ils ont mêlé le faux avec le vrai, ils sont poëtes, du moins en la partie feinte de leur ouvrage. Le caractere du poëte est de mêler le vrai avec le faux, avec cette attention seulement, que tout paroisse de même nature.

Sic veris falsa remiscet,

Primo ne medium, medio ne discrepet imum.

Quiconque fait un récit, est comme placé entre la vérité & le mensonge ; il souhaite naturellement d'intéresser ; & comme l'intérêt dépend de la grandeur & de la singularité des choses, il est bien difficile à l'homme qui raconte, sur-tout quand il a l'imagination vive, qu'il n'a pas de titres trop connus contre lui, & que l'événement qu'il a en main, se prête jusqu'à un certain point, de s'attacher à la seule vérité, & de ne s'en écarter en rien. Il voit sa grace écrite dans les yeux de l'auditeur, qui aime presque toujours mieux une vraisemblance touchante, qu'une vérité seche. Quel moyen de s'asservir alors à une scrupuleuse exactitude ?

Si on respecte les faits où on pourroit être convaincu de faux, du moins se donnera-t-on carriere sur les causes ? On se fera un plaisir de tirer les plus grands effets, les plus éclatans, d'un principe presque insensible, soit par sa petitesse, soit par son éloignement. On montrera des liaisons imperceptibles, on r'ouvrira des soûterrains ; une légere circonstance mise hors de la foule, deviendra le dénouement des plus grandes entreprises. Par ce moyen on aura la gloire d'avoir eu de bons yeux, d'avoir fait des recherches profondes, de connoître bien les replis du coeur humain, & par dessus tout cela on captivera la reconnoissance & l'admiration de la plûpart des lecteurs. Ce défaut n'est pas, comme on peut le croire, celui des têtes légeres & vuides de sens ; mais pour être proche de la vertu, ce n'en est pas moins un vice.

Outre la fidélité & l'exactitude, le récit a trois autres qualités essentielles. Il doit être court, clair, vraisemblable. On n'est jamais long, quand on ne dit que ce qui doit être dit ; la briéveté du récit demande qu'on ne reprenne pas les choses de trop loin, qu'on finisse où l'on doit finir, qu'on n'ajoute rien d'inutile à la narration, qu'on n'y mêle rien d'étranger, qu'on y sous-entende ce qui peut être entendu sans être dit ; enfin qu'on ne dise chaque chose qu'une fois. Souvent on croit être court, tandis qu'on est fort long. Il ne suffit pas de dire peu de mots, il ne faut dire que ce qui est nécessaire.

Le récit sera clair, quand chaque chose y sera mise en sa place, en son tems, & que les termes & les tours seront propres, justes, naïfs, sans équivoque, sans désordre.

Il sera vraisemblable, quand il aura tous les traits qui se trouvent ordinairement dans la vérité, lorsque le tems, l'occasion, la facilité, le lieu, la disposition des acteurs, leurs caracteres sembleront conduire à l'action : quand tout sera peint selon la nature, & selon les idées de ceux à qui on raconte.

Le récit acquiert une grande perfection, quand il joint aux qualités dont nous avons parlé, la naïveté, & la sorte d'intérêt qui lui convient ; la naïveté plait beaucoup dans le discours, par conséquent elle doit plaire également dans le récit. Quant à l'intérêt, celui du récit véritable est sans-doute plus grand que celui du récit fabuleux, parce que la vérité historique tient à nous, & qu'elle est comme une partie de notre être. C'est le portrait de nos semblables, & par conséquent le nôtre. Les fables ne sont que des tableaux d'imagination, des chimeres ingénieuses, qui nous touchent pourtant, parce que ce sont des imitations de la nature, mais qui nous touchent moins qu'elle, parce que ce ne sont que des imitations, &c.

A toutes ces qualités du récit ajoutons qu'il doit être revêtu des ornemens qui lui conviennent.

On peut réduire les diverses especes de récits à quatre, qui sont le récit de l'apologue, le récit historique, le récit poëtique & le récit oratoire ; nous y joindrons le récit dramatique, quoiqu'il appartienne à la classe générale des récits poëtiques ; & nous dirons un mot de chacun de ces récits, parce qu'il est bon de les caractériser. (D.J.)

RECIT DE L'APOLOGUE, (Fable) exposé d'une action allégorique, attribuée ordinairement aux animaux. Le récit de l'apologue doit en particulier être court, clair, & vraisemblable ; le style en doit être simple, riant, gracieux, naturel, ou naïf. Les ornemens qui lui conviennent consistent dans les images, les descriptions, les portraits des lieux, des personnes, des attitudes. Ses tours peuvent être vifs & piquans, les expressions riches, hardies, brillantes, fortes, &c. Telles sont les principales qualités qu'on demande dans les récits de la fable, & en général dans tous ceux qui sont faits pour plaire.

RECIT HISTORIQUE, (Histoire) le récit historique est un exposé fidele de la vérité, fait en prose, c'est-à-dire dans le style le plus naturel & le plus uni ; cependant le récit historique a autant de caracteres qu'il y a de sortes d'histoires. Or il y a l'histoire des hommes considérés dans leurs rapports avec la divinité, c'est l'histoire de la religion ; l'histoire des hommes dans leurs rapports entr'eux, c'est l'histoire profane ; & l'histoire naturelle, qui a pour objet les productions de la nature, ses phénomenes & ses variations.

RECIT ORATOIRE, (Art orat.) c'est dans le genre judiciaire, la partie de l'oraison qui vient ordinairement après la division ou l'exorde. Ainsi l'art de cette partie consiste à présenter dans cette premiere exposition le germe à demi éclos des preuves qu'on a dessein d'employer, afin qu'elles paroissent plus vraies & plus naturelles quand on les en tirera tout-à-fait par l'argumentation.

L'ordre & le détail du récit doivent être relatifs à la même fin. On a soin de mettre dans les lieux les plus apparens les circonstances favorables, de n'en laisser perdre aucune partie, de les mettre toutes dans le plus beau jour. On laisse au contraire dans l'obscurité celles qui sont défavorables, ou on ne les présente qu'en passant, foiblement & par le côté le moins desavantageux. Car il y auroit souvent plus de danger pour la cause de les omettre entierement, que d'en faire quelque mention ; parce que l'adversaire revenant sur vous, ne manqueroit pas de tirer avantage de votre silence, de le prendre pour un aveu tacite, & il renverseroit alors sans peine tout l'effet de vos preuves ; on trouve tout l'art de cette sorte de récit dans celui que fait Ciceron, du meurtre de Clodius par Milon.

RECIT POETIQUE, (Poésie) c'est l'exposé de mensonges & de fictions, fait en langage artificiel, c'est-à-dire avec tout l'appareil de l'art & de la séduction. Ainsi de même que dans l'histoire les choses sont vraies, l'ordre naturel, le style franc, ingénu, les expressions sans art & sans apprêt, du-moins apparent ; il y a au-contraire dans le récit poétique, artifice pour les choses, artifice pour la narration, artifice pour le style & pour la versification.

La poésie a dans le récit un ordre tout différent de celui de l'histoire. Le récit poétique se jette quelquefois au milieu des événemens, comme si le lecteur étoit instruit de ce qui a précédé. D'autres fois les Poëtes commencent le récit fort près de la fin de l'action, & trouvent le moyen de renvoyer l'exposition des causes à quelque occasion favorable. C'est ainsi qu'Enée part tout-d'un-coup des côtes de Sicile : il touchoit presque à l'Italie ; mais une tempête le rejette à Carthage, où il trouve la reine Didon qui veut savoir ses malheurs & ses avantures ; il les lui raconte, & par ce moyen le poëte a occasion d'instruire en même tems son lecteur de ce qui a précédé le départ de Sicile. Ils ont aussi un art particulier par rapport à la forme de leur style ; c'est de donner un tour dramatique à la plûpart de leurs récits.

Il y a trois différentes formes que peut prendre la poésie dans la maniere de raconter. La premiere forme, est lorsque le poëte ne se montre point, mais seulement ceux qu'il fait agir. Ainsi Racine & Corneille ne paroissent dans aucune de leurs pieces ; ce sont toujours leurs acteurs qui parlent.

La seconde forme est celle où le poëte se montre & ne montre pas ses acteurs, c'est-à-dire qu'il parle en son nom, & dit ce que ces acteurs ont fait : ainsi La fontaine ne montre pas la montagne en travail ; il ne fait que rendre compte de ce qu'elle a fait.

La troisieme est mixte, c'est-à-dire que sans y montrer les acteurs, on y cite leurs discours, comme venant d'eux, en les mettant dans leurs bouches ; ce qui fait une sorte de dramatique.

Rien ne seroit si languissant & si monotone qu'un récit, s'il étoit toujours dans la même forme. Il n'y a point d'historien, quoique lié à la vérité, qui n'ait cru à propos de lui être en quelque sorte infidele, pour varier cette forme, & jetter ce dramatique dont nous parlons en quelques endroits de son récit : à plus forte raison la poésie usera-t-elle de ce droit, puisqu'elle veut plaire ouvertement, & qu'elle en prend sans mystere tous les moyens.

Mais il ne suffit pas à la poësie de diversifier ses récits pour plaire, il faut qu'elle les embellisse par la parure & les ornemens : or c'est le génie qui les produit, ces ornemens, avec la liberté d'un dieu créateur, ingenium cui sit divinitas. (D.J.)

RECIT DRAMATIQUE, (Poésie dramatique) le récit dramatique qui termine ordinairement nos tragédies, est la description d'un événement funeste, destiné à mettre le comble aux passions tragiques, c'est-à-dire à porter à leur plus haut point la terreur & la pitié, qui se sont accrues durant tout le cours de la piece.

Ces sortes de récits sont ordinairement dans la bouche de personnages qui, s'ils n'ont pas un intérêt à l'action du poëme, en ont du-moins un très fort, qui les attache au personnage le plus intéressé dans l'événement funeste qu'ils ont à raconter. Ainsi, quand ils viennent rendre compte de ce qui s'est passé sous leurs yeux, ils sont dans cet état de trouble qui naît du mêlange de plusieurs passions. La douleur, le desir de faire passer cette douleur chez les autres, la juste indignation contre les auteurs du désastre dont ils viennent d'être témoins, l'envie d'exciter à les en punir, & les divers sentimens qui peuvent naître des différentes raisons de leur attachement à ceux dont ils déplorent la perte, toutes ces raisons agissent en eux, en même tems, indistinctement, sans qu'ils le sachent eux-mêmes, & les mettent dans une situation à-peu-près pareille à celle où Longin nous fait remarquer qu'est Sapho, qui, racontant ce qui se passe dans son ame à la vûe de l'infidélité de ce qu'elle aime, présente en elle, non pas une passion unique, mais un concours de passions.

On voit aisément que je me restrains aux récits qui décrivent la mort des personnages, pour lesquels on s'est intéressé durant la piece. Les récits de la mort des personnages odieux ne sont pas absolument assujettis aux mêmes regles, quoique cependant il ne fût pas difficile de les y ramener, à l'aide d'un peu d'explication.

Le but de nos récits étant donc de porter la terreur & la pitié le plus loin qu'elles puissent aller, il est évident qu'ils ne doivent renfermer que les circonstances qui conduisent à ce bien. Dans l'événement le plus triste & le plus terrible, tout n'est pas également capable d'imprimer de la terreur, ou de faire couler des larmes. Il y a donc un choix à faire ; & ce choix commence par écarter les circonstances frivoles, petites & puériles : voilà la premiere regle prescrite par Longin ; & sa nécessité se fait si bien sentir, qu'il est inutile de la détailler plus au long.

La seconde regle est de préférer, dans le choix des circonstances, les principales circonstances entre les principales. La raison de cette seconde regle, est claire. Il est impossible, moralement parlant, que dans les grands mouvemens, le feu de l'orateur ou du poëte, se soutienne toujours au même degré. Pendant qu'on passe en revue une longue file de circonstances, le feu se ralentit nécessairement ; & l'impression qu'on veut faire sur l'auditeur languit en même tems. Le pathétique manque une partie de son effet ; & l'on peut dire que dès qu'il en manque une part, il le perd tout entier.

Cette seconde regle n'est pas moins nécessaire pour nos récits, que la premiere. Les personnages qui les font sont dans une situation extrêmement violente ; & ce que le poëte leur fait dire, doit être une peinture exacte de leur situation. Le tumulte des passions qui les agitent, ne les rend eux-mêmes attentifs, dans le désordre d'un premier mouvement, qu'aux traits les plus frappans de ce qui s'est passé sous leurs yeux. Je dis, dans le désordre d'un premier mouvement, parce que ce qu'ils racontent, venant de se passer dans le moment même, il seroit absurde de supposer qu'ils eussent eu le tems de la réflexion ; & que le comble du ridicule seroit de les faire parler comme s'ils avoient pu méditer, à loisir, l'ordre & l'art qu'il leur faudroit employer pour arriver plus surement à leurs fins. C'est pourtant sur ce modele, si déraisonnable, que sont faits la plûpart des récits de nos tragédies, & on n'en connoît guere qui ne péchent contre la vraisemblance.

La troisieme regle, est que les récits soient rapides, parce que les descriptions pathétiques doivent être presque toujours véhémentes, & qu'il n'y a point de véhémence sans rapidité. Nos récits sont encore asservis à cette regle ; mais il ne paroît pas que la plûpart de nos tragiques la connoissent, ou qu'ils se soucient de la pratiquer. Si leurs récits font quelque impression au théâtre, elle est l'ouvrage de l'acteur, qui supplée par son art à ce qui leur manque. Mais destitués de ce secours dans la lecture, ils sont presque tous d'une lenteur qui nous assomme, & qui nous refroidit au point que, si dans le cours de la piece notre trouble s'est augmenté de plus en plus, comme cela se devoit, nous nous sentons aussi tranquilles, en achevant sa lecture, que nous l'étions en commençant. Le style le plus vif & le plus serré convient à nos récits. Les circonstances doivent s'y précipiter les unes sur les autres. Chacune doit être présentée avec le moins de mots qu'il est possible.

Voilà les regles essentielles d'après lesquelles on doit juger les récits de nos tragédies ; & c'est d'après ces mêmes regles, qu'on trouve que le fameux récit de la mort d'Hippolyte, par Théramène, pèche en général contre les caracteres des passions dont le personnage qui parle doit être agité. Mais ce n'est point à Racine, comme poëte, que l'on fait le procès dans son récit, c'est à Racine faisant parler Théramène ; c'est à Théramène lui-même, qui ne peut pas plus jouir des privileges accordés aux Poëtes, qu'aucun personnage de tragédie. La premiere partie du récit de Théramène, répond à ceux que les anciens ont fait de la mort d'Hippolyte. Racine en avoit trois devant les yeux ; celui d'Euripide, celui d'Ovide & celui de Séneque. Il les admira ; & selon toute apparence, les fautes qu'on lui reproche, ne viennent que de la noble ambition qu'il a eu de vouloir surpasser tous ces modeles. Au reste on a discuté ce beau morceau avec la derniere rigueur, dans la derniere édition de Despréaux, à cause de l'excellence de l'auteur. Mais les critiques qu'on en a faites, toutes bonnes qu'elles puissent être, ne tournent qu'à la gloire des talens admirables d'un illustre écrivain, qui dès l'instant qu'il commença de donner ses tragédies au public, fit voir que Corneille, le grand Corneille, n'étoit plus le seul poëte tragique de la France. (D.J.)

RECIT EPIQUE, (Epopée) c'est l'exposition d'une action héroïque, intéressante & merveilleuse. Ses qualités essentielles, sont la briéveté, la clarté & le vraisemblable poétique. Ses ornemens sont dans les pensées, dans les expressions, dans les tours, dans les allusions, dans les allégories, dans les images, en un mot, dans toutes les choses qui constituent le beau, le pathétique, & le sublime de la poésie. Voyez POEME EPIQUE. (D.J.)

RECIT, s. m. en Musique, est le nom générique de tout ce qui se chante à voix seule. On dit un récit de basse, un récit de haute-contre. Ce mot s'applique même dans ce sens, aux instrumens ; on dit récit de violon, de flûte, de hautbois. En un mot réciter, c'est chanter ou jouer seul, une partie quelconque, par opposition au choeur & à la symphonie en général, où plusieurs chantent ou jouent la même partie à l'unisson.

On peut encore appeller récit, la partie où regne le sujet principal, & dont toutes les autres ne sont que l'accompagnement. (S)


RÉCITANTadj. partie récitante. C'est celle qui se chante par une seule voix, ou se joue par un seul instrument ; par opposition aux parties de symphonie & de choeur, qui sont exécutées à l'unisson par plusieurs concertans. Voyez RECIT.


RÉCITATIFS. m. en Musique, est une maniere de chant qui approche beaucoup de la parole ; c'est proprement une déclamation en musique, dans laquelle le musicien doit imiter autant qu'il est possible, les inflexions de voix du déclamateur. Ce chant est ainsi nommé récitatif, parce qu'il s'applique au récit ou à la narration, & qu'on s'en sert dans le dialogue.

On ne mesure point le récitatif en chantant ; car cette cadence qui mesure le chant, gâteroit la déclamation : c'est la passion seule qui doit diriger la lenteur ou la rapidité des sons. Le compositeur, en notant le récitatif sur quelque mesure déterminée, n'a en vûe que d'indiquer à-peu-près comment on doit passer ou appuyer les vers & les syllabes, & de marquer le rapport exact de la basse continue & du chant. Les Italiens ne se servent pour cela que de la mesure à quatre tems, mais les François entremêlent leur récitatif de toutes sortes de mesures.

Le récitatif n'est pas moins différent chez ces deux nations, que le reste de la musique. La langue italienne douce, flexible & composée de mots faciles à prononcer, permet au récitatif toute la rapidité de la déclamation. Ils veulent d'ailleurs que rien d'étranger ne se mêle à la simplicité du récitatif, & croiroient le gâter en y mêlant aucun des ornemens du chant. Les François au contraire, en remplissent le leur autant qu'ils peuvent. Leur langue, plus chargée de consonnes, plus âpre, plus difficile à prononcer, demande plus de lenteur, & c'est sur ces sons ralentis qu'ils épuisent les cadences, les accens, les ports-de-voix, même les roulades ; sans trop s'embarrasser si tous ces agrémens conviennent au personnage qu'ils font parler, & aux choses qu'ils lui font dire. Aussi dans nos opéra, les étrangers ne peuvent-ils distinguer ce qui est récitatif, & ce qui est air. Avec tout cela, on prétend en France que le récitatif françois l'emporte infiniment sur l'italien ; on y prétend même que les Italiens en conviennent, & l'on va jusqu'à dire qu'ils ne font pas de cas de leur propre récitatif. Ce n'est pourtant que par cette partie que le fameux Porpora s'immortalise aujourd'hui en Italie, comme Lully s'est immortalisé en France. Quoi qu'il en soit, il est certain que d'un commun aveu, le récitatif françois approche plus du chant, & l'italien de la déclamation. Que faut-il de plus pour décider la question sur ce point ? (S)


RÉCITATIONS. f. (Poésie théât. Art orat.) La récitation, dit M. l'abbé Dubos, est une déclamation simple, qui n'est point accompagnée des mouvemens du corps, & que l'industrie des hommes a inventée pour plaire, & pour toucher davantage que ne peut faire la lecture, sur-tout quand il s'agit de poésie. En effet, la récitation bien faite donne aux vers une force qu'ils n'ont pas, quand on les lit soi-même sur le papier où ils sont écrits. L'harmonie des vers qu'on récite, flatte l'oreille des auditeurs, & augmente le plaisir que le sens des vers est capable de donner ; c'est un plaisir pour nos oreilles, au-lieu que leur lecture est un travail pour nos yeux. L'auditeur est plus indulgent que le lecteur, parce qu'il est plus flatté par les vers qu'il entend, que l'autre par ceux qu'il lit. Aussi voyons-nous que tous les Poëtes, ou par instinct, ou par connoissance de leurs intérêts, aiment mieux réciter leurs vers, que de les donner à lire, même aux premiers confidens de leurs productions. Ils ont raison s'ils cherchent des louanges, plutôt que des conseils utiles.

C'étoit par la voie de la récitation que les anciens poëtes publioient ceux de leurs ouvrages qui n'étoient pas composés pour le théâtre. On voit par les satyres de Juvenal, qu'il se formoit à Rome des assemblées nombreuses, pour entendre réciter les poëmes que leurs auteurs vouloient donner au public. Nous trouvons même dans les usages de ce tems-là, une preuve encore plus forte du plaisir que donne la récitation des vers, qui sont riches en harmonie. Si donc la simple récitation est si flatteuse, il est facile de concevoir les avantages que les pieces qui se représentent sur le théâtre, tirent de la déclamation : comme l'éloquence du corps ne persuade pas moins que celle des paroles ; les gestes aident infiniment la voix à faire son impression. Voyez DECLAMATION. (D.J.)


RÉCLAMATEURS. m. (Commerce) celui qui réclame, qui revendique une chose qui lui appartient. Ce terme est principalement en usage dans les amirautés de France, pour signifier un négociant, ou autre personne qui redemande un vaisseau, ou les marchandises de son chargement, qu'il prétend n'être pas de bonne prise, & conteste aux armateurs qui s'en sont emparés. Diction. de comm. & de Trévoux. Voyez l'article RECLAMATION.


RÉCLAMATION(Jurisp.) signifie quelquefois revendication, comme quand on dit la réclamation d'un meuble ou autre effet ; la réclamation d'un serf fugitif, de la part du seigneur.

Réclamation signifie aussi quelquefois plainte ou protestation, action ; comme quand on dit qu'il faut réclamer contre un acte dans les dix ans.

Réclamation contre les voeux de religion, est la protestation qu'un religieux fait contre l'émission de ses voeux, & la demande qu'il forme ensuite pour faire annuller ces mêmes voeux.

Il y a autant de causes de réclamation, que de causes qui peuvent rendre nulle la profession religieuse. Les plus ordinaires sont, lorsque le profès n'a point fait le tems nécessaire de noviciat ; lorsqu'il a prononcé ses voeux avant l'âge de 16 ans accomplis ; qu'il les a faits par crainte, par violence, ou dans un tems auquel il n'avoit pas son bon sens, ou si la profession n'a point été reçue par un supérieur légitime, ou qu'elle n'ait pas été faite dans un ordre approuvé par l'Eglise.

Toute personne de l'un ou de l'autre sexe qui veut faire déclarer ses voeux nuls, pour quelque cause que ce soit, doit avoir proposé ses moyens de nullité au supérieur, ou à la supérieure, & à l'ordinaire du lieu où le monastere est situé, dans les cinq ans, à compter du jour de la profession : on ne doit point écouter celui ou celle qui n'a point rempli cette formalité.

La disposition du concile de Trente est conforme à ce qui vient d'être dit, pour la nécessité de réclamer dans les cinq ans.

En France, on n'admet point ce qu'on appelle ailleurs la profession tacite. La réclamation doit y être faite dans les cinq ans, non en vertu du concile de Trente, mais en vertu d'un ancien usage qui est fondé sur la disposition de droit, ne de statu defunctorum post quinquennium quaeratur. C'est ainsi que s'en expliqua M. Talon, lors d'un arrêt du 4 Mars 1627, qui est au journal des audiences.

Ainsi parmi nous, le laps de cinq ans sans réclamation, ne repare rien, il n'opere qu'une fin de non-recevoir qui empêche d'admettre & d'écouter les plaintes contre l'émission des voeux ; au-lieu que dans les pays où la profession tacite est admise, le laps de cinq ans sans réclamation, est une nouvelle profession tacite, qui ratifie la premiere, & en répare tous les défauts.

On accorde quelquefois à Rome une dispense de laps de cinq ans depuis la profession, sans aucune déclaration faite au supérieur & à l'ordinaire. Mais pour qu'une telle dispense ne soit pas abusive, il faut que celui qui l'a obtenue n'ait point eu la liberté de proposer, dans les cinq ans, ses moyens de réclamation.

Quelques religieux avant de donner leur requête en réclamation, obtiennent un bref de cour de Rome à cet effet, ce qui n'est pourtant pas nécessaire, ne s'agissant pas en cette occasion de dispenser & relever le religieux de ses voeux ; mais seulement de juger si l'émission des voeux a été faite valablement.

Le religieux qui veut réclamer contre ses voeux, n'est pas obligé de faire des poursuites à cet effet dans les cinq ans ; il suffit que dans ce délai il ait protesté & proposé ses moyens au supérieur & à l'ordinaire, pourvû néanmoins que depuis les cinq ans il n'ait pas laissé encore écouler l'espace de dix années, parce qu'un tems si considérable feroit présumer qu'il a abandonné tacitement sa réclamation.

Quand la cause de réclamation vient de ce que la personne étant déjà liée, ne pouvoit s'engager dans l'état religieux ; en ce cas, cette personne peut réclamer après les cinq ans, tant que le même empêchement subsiste. Ainsi un homme marié doit toujours retourner avec sa femme, & vice versâ, la femme retourner avec son mari, quand il y auroit plus de 20 ans que l'un ou l'autre se seroit engagé dans la vie religieuse.

Celui qui réclame contre ses voeux doit être revêtu des habits de son ordre, & demeurer actuellement dans son monastere. Telle est la disposition du concile de Trente ; & si le religieux se présentoit autrement, loin de l'écouter, on le traiteroit comme un apostat.

La demande en réclamation de voeux ne peut être portée que devant le juge d'église, cette matiere étant reputée purement spirituelle ; ce qui est conforme à l'ordonnance de 1539, & à l'édit du mois d'Avril 1695. Desorte que quand il y a appel comme d'abus au parlement, d'une sentence de l'official en cette matiere, le parlement juge seulement s'il y a abus ou non, & pour le fond renvoie les parties devant l'official.

Le religieux qui réclame, doit faire assigner devant l'official le supérieur du monastere, & ceux qui ont intérêt de s'opposer à sa restitution au siecle. Si les faits articulés par le religieux paroissent pertinens, on l'admet à la preuve ; & si elle se trouve concluante, le juge par sa sentence, déclare nulle la profession de celui qui réclame, & lui permet de rentrer au siecle.

Le religieux qui veut réclamer contre ses voeux, ne peut pas se contenter de faire preuve de ses faits devant l'official, & ensuite se pourvoir en cour de Rome, & y obtenir un rescrit qui déclare ses voeux nuls ; cette procédure seroit contraire à la pragmatique & au concordat, qui veulent que les causes ecclésiastiques soient jugées sur les lieux.

Il est défendu, sous peine de mort, aux personnes de l'un & l'autre sexe qui ont intenté leur action en réclamation, ou obtenu des rescrits pour être relevées de leurs voeux, de se marier avant que le rescrit soit fulminé, ou le procès jugé. La même peine doit avoir lieu contre ceux & celles qui épousent sciemment de telles personnes. Voyez la pragmatique, le concordat, le concile de Trente, les arrêts des 26 Février 1624, & 9 Juillet 1668, les lois civiles de M. de Héricourt. (A)


RECLAMES. f. (terme de breviaire) c'est la derniere partie d'un répons, laquelle se repéte après le verset, & après le Gloria patri ; il y a des répons à double reclame. La reclame se marque avec une étoile. (D.J.)

RECLAME, terme d'Imprimerie, c'est le dernier mot mis au bas de la derniere page d'un cahier ou feuille d'impression, pour annoncer le premier mot du cahier suivant ; en France on ne met de réclame qu'à chaque feuille ou à chaque cahier ; mais les étrangers sont assez dans l'usage d'en mettre une à chaque page.

RECLAME, terme de Chasse, se dit de la voix, des appeaux, des sifflets, & autres inventions dont on se sert pour assembler les oiseaux & les bêtes, par un son qui les trompe ; réclame se dit en fauconnerie de la voix du fauconnier & du tiroir dont il se sert pour faire revenir les oiseaux de proie sur le poing ; & réclamer, c'est rappeller un oiseau en lui montrant le leurre ou le tiroir pour le faire revenir sur le poing.

RECLAMER, (Jurisprud.) Voyez ci-devant RECLAMATION.


RECLAMPERv. a. (Marine) c'est raccommoder un mât ou une vergue, quand ils sont rompus.


RECLINAISONRECLINAISON

On trouve aisément la reclinaison par le moyen suivant. Ayant tiré une ligne horisontale sur le plan propre, avec un niveau ou quart de cercle, & une autre ligne sur celle-là à angles droits, on y appliquera une regle assez large, desorte qu'un de ses côtés soit sur la ligne qu'on a tracée perpendiculairement à la ligne horisontale, & que le plan de la regle soit perpendiculaire au plan du cadran ; l'angle compris entre le côté de la regle appliquée sur le plan, & une ligne à plomb ou verticale tirée dans le plan de la regle, sera l'angle de reclinaison du plan ; cet angle se peut mesurer aisément par le moyen d'un quart de cercle. Voyez CADRAN. (O)


RECLINANTCADRAN (Gnomonique) est un cadran dont le plan s'éloigne de la ligne perpendiculaire ou du zénith. Voyez RECLINAISON.

Quand cette reclinaison est égale à la hauteur du pole, le cadran se nomme équinoxial. V. CADRAN.

Cadran reclinant & déclinant, est un cadran qui n'est ni vertical ni opposé perpendiculairement à aucun des points cardinaux, ni dans la direction d'aucun de ces points. Voyez DECLINANT.


RECLOUERv. act. (Gram.) rattacher avec des clous. Voyez CLOUER, CLOU.


RECLUSS. m. (Jurisprud.) se dit des religieux ou autres personnes enfermées dans une cloture très-étroite, dans une cellule, dans un hermitage, éloigné du commerce & même du voisinage du reste des hommes.

Ce mot se dit principalement de ceux qui s'enferment ainsi par dévotion pour faire pénitence ; il se dit aussi quelquefois des femmes qui vivent mal, que leurs maris font reclure dans un couvent pour y garder une prison perpétuelle. Voyez ADULTERE, &c.

Il y avoit autrefois un grand nombre de reclus. Ces reclus étoient des solitaires qui s'enfermoient dans une cellule & faisoient voeu de n'en sortir jamais.

On ne les admettoit à faire des voeux, qu'après qu'ils avoient donné des preuves suffisantes de leur rénonciation au monde, & qu'ils en avoient obtenu la permission de l'évêque ou de l'abbé du monastere dont ils se séparoient, si c'étoit des religieux, comme c'étoit l'ordinaire ; aussi les cellules des reclus devoient-elles toujours joindre à quelque monastere.

Lorsqu'ils avoient obtenu la permission du prélat, ils étoient éprouvés pendant un an dans le monastere, d'où ils ne sortoient point pendant toute cette année. Voyez NOVICIAT, PROBATION.

Après ce tems ils étoient admis à faire voeu de stabilité, dans l'église, en présence de l'évêque ; après quoi le nouveau reclus entroit dans sa cellule, dont l'évêque scelloit la porte de son sceau.

La cellule devoit être petite & exactement fermée. Voyez CELLULE.

Le reclus avoit dans sa cellule tout ce qui étoit nécessaire à la vie ; & s'il étoit prêtre, il avoit même un oratoire consacré par l'évêque, avec une fenêtre en dedans de l'église d'où il pût faire son offrande à la messe, entendre chanter, chanter lui-même avec la communauté, & répondre à ceux qui avoient à lui parler ; mais il falloit que cette fenêtre eût un rideau en dedans & en dehors, afin que le reclus ne pût ni voir en dehors ni être vu.

Il avoit un petit jardin à côté de sa cellule, où il pouvoit faire venir quelques plantes & prendre l'air, & à côté de sa cellule étoient celles de ses disciples s'il en avoit, comme cela étoit ordinaire, avec une fenêtre de communication par où ils lui fournissoient ses besoins, & recevoient ses instructions.

Quand on jugeoit à propos de mettre deux ou trois reclus ensemble, leurs cellules étoient contiguës les unes aux autres & avoient des fenêtres de communication ; & si une femme vouloit les consulter ou se confesser à eux, il falloit que ce fût dans l'église & en présence de tout le monde.

Quand il y avoit deux ou trois reclus ainsi rassemblés dans des cellules voisines, ils pouvoient avoir des conférences ensemble ; mais il falloit que ce ne fût que sur des matieres spirituelles ; ils pouvoient aussi se confesser les uns les autres ; mais si le reclus étoit seul, il falloit qu'il s'examinât lui-même, & il n'avoit là personne à qui se confesser.

Si le reclus tomboit malade, on ouvroit sa porte pour laisser entrer les personnes du dehors qui vouloient l'assister ; mais il ne lui étoit jamais permis de sortir sous quelque prétexte que ce fût.

Il y avoit aussi des recluses qui menoient à peu près la même vie. Sainte Viborade vÊCut recluse à S. Gall, & fut martyrisée par les Hongrois en 825.

Le P. Helyot nous a donné un détail des cérémonies qui se pratiquoient lorsqu'on faisoit une recluse, dans la vie de la mere de Cambrai, institutrice de l'ordre de la Présentation de Notre-Dame. Lorsque la cellule qu'on lui bâtit auprès de l'église de S. André de Tournai fut finie, l'évêque vint l'attendre dès le matin à la porte de l'église ; à son arrivée elle se prosterna aux piés du prélat qui lui donna sa bénédiction & la conduisit au maître autel ; puis ayant beni le manteau, le voile & le scapulaire, il les lui mit & lui donna un nouveau nom.

Lorsqu'elle eut fait son voeu, l'évêque après avoir fait un discours public concernant les engagemens de la recluse, la conduisit processionnellement à sa cellule, le clergé chantant le long du chemin, veni sponsa Christi, &c.

Là l'évêque l'ayant encore benie de nouveau, consacra sa cellule, & l'y enferma pour toujours.


RECLUSERIES(Jurisprud.) étoient des oratoires occupés par des personnes pieuses qui vivoient séparées du monde & enfermées dans ces sortes d'oratoires ; il y avoit des recluseries d'hommes & des recluseries de filles ; quelques-unes ont été détruites, d'autres réunies à des monasteres, d'autres converties en de simples chapelles. (A)


RECOCHERv. act. (Boulangerie) il se dit de la pâte, c'est l'action de la rebattre du plat de la main.


RECOEFFERv. act. (Gram.) c'est coëffer derechef. Voyez l'article COEFFER. Une femme se recoeffe. On recoeffe une bouteille.


RECOGNERv. act. (Gram.) c'est cogner derechef. Voyez l'art. COGNER. On recogne une cheville qui veut sortir de son trou, un clou qui branle, un boulon qui n'est pas assez enfoncé.


RECOLEMENTS. m. (Jurisprud.) du latin recolere, est une vérification de quelque chose.

Recolement de témoins, est une formalité usitée dans les procès criminels, qui consiste à relire à chaque témoin sa déposition & à l'interpeller de déclarer s'il y persiste, ou s'il veut y ajouter ou diminuer, dont on dresse un acte que l'on appelle le procès-verbal de recolement.

Cette formalité qui étoit inconnue dans le droit romain, a été introduite parmi nous pour s'assurer d'autant mieux de la vérité des dépositions ; elle n'a lieu que dans les procès qui sont reglés à l'extraordinaire, & il faut qu'il y ait un jugement qui ordonne que les témoins ouis aux informations, & autres qui pourront être ouis de nouveau, seront recollés en leurs dépositions, & si besoin est, confrontés à l'accusé. Ce jugement est le premier acte qui regle la procédure à l'extraordinaire.

Néanmoins les témoins fort âgés, malades, valétudinaires, prêts à faire voyage ou dans quelqu'autre nécessité urgente, peuvent être répétés avant qu'il y ait un jugement qui l'ordonne ; mais la répétition ou recolement du témoin ne vaut pour confrontation contre l'accusé contumace, qu'après qu'il a été ainsi ordonné par le jugement de contumace.

En tout procès reglé à l'extraordinaire, les témoins doivent être recollés, quand même ils auroient été ouis devant un conseiller de cour souveraine.

Les témoins doivent être assignés pour le recolement ; s'ils font défaut, on les condamne à l'amende, & en cas de contumace, le juge peut ordonner qu'ils seront contraints par corps.

Ils doivent être recollés chacun séparément, & après serment par eux prêté & lecture faite de la déposition, on interpelle le témoin de déclarer s'il veut y ajouter ou diminuer, & s'il y persiste on en fait mention & on écrit ce qu'il ajoute ou diminue ; on lui lit ensuite le recolement, lequel doit être paraphé & signé dans toutes ses pages par le juge & par le témoin, si celui-ci sçait ou veut signer, sinon on doit faire mention de son refus.

Le recolement ne se réitere point, encore qu'il eût été fait pendant l'absence de l'accusé, & que le procès ait été instruit en différens tems, ou qu'il y eût plusieurs accusés.

Le procès verbal de recolement doit être mis dans un cahier séparé des autres procédures.

Lorsqu'il a été ordonné que les témoins seront recollés & confrontés, la déposition de ceux qui n'ont pas été confrontés ne fait point de preuve, à moins qu'ils ne soient décedés pendant la contumace de l'accusé.

En procedant au jugement d'un procès criminel, s'il s'agit d'un crime auquel il puisse échoir peine afflictive & que les charges soient fortes, les juges peuvent ordonner le recolement & la confrontation des témoins, quoique cela n'ait pas été fait précédemment.

Dans la visite du procès on fait lecture de la déposition des témoins qui vont à la décharge, quoiqu'ils n'aient point été recollés ni confrontés, pour y avoir par les juges tel égard que de raison.

Les témoins qui depuis le recolement retractent leurs dépositions, ou les changent dans des circonstances essentielles, sont poursuivis & punis comme faux témoins.

Le recolement doit être suivi de la confrontation des témoins à l'accusé. Voyez l'ordonnance de 1670. tit. 15. Bornier, sur ce titre & les mots CONFRONTATION, PROCES CRIMINEL, TEMOIN.

RECOLEMENT, en matiere d'inventaire, est la vérification qui se fait des meubles, ou des titres & papiers compris dans un inventaire, pour reconnoître ceux qui se trouvent encore en nature & marquer ceux qui sont en deficit.

Il y a trois cas où l'on ne fait que recoller les meubles & autres effets.

1°. Quand ils ont déja été inventoriés & qu'ils se trouvent encore en nature, du moins pour la plus grande partie.

2°. Quand une femme séparée de biens, ou quelqu'autre personne justifie par des actes authentiques que les meubles lui appartiennent.

3°. Lorsque les meubles ont été saisis, & que le saisissant a droit de faire valoir sa saisie.

Dans ces différens cas le recolement tient lieu d'inventaire. Cette maniere de procéder a deux objets, l'un d'éviter les frais, l'autre d'empêcher que les effets reclamés ne soient confondus parmi ceux de la succession, ou de conserver le privilege spécial que celui qui reclame les meubles peut y avoir. Voyez le traité de l'apposition & levée des scellés, & le mot INVENTAIRE. (A)

RECOLLETS, s. m. pl. (Hist. ecclés.) congrégation de franciscains réformés, qu'on appelle aussi freres mineurs, de l'ordre de saint François, de l'étroite observance. Voyez FRANCISCAIN.

Ils furent établis vers l'an 1530, sous le pontificat de Clément VII. qui voyant que plusieurs religieux de l'ordre de saint François, se proposoient d'en pratiquer la regle à la lettre, & dans sa plus grande perfection, leur fit donner des maisons où ils recevoient ceux qui avoient l'esprit de recollection, terme qui leur fit donner le nom de récollets. Cette réforme fut apportée d'Italie en France vers l'an 1584, où ces religieux furent d'abord établis dans les villes de Tulles en Limosin, & de Murat en Auvergne. Il paroît par les lettres du cardinal d'Ossat, qu'ils avoient un couvent à Paris dès 1603, & depuis ils en ont édifié près de 150 dans tout le royaume, où ils sont divisés en sept provinces.


RECOMMANDARESSES. f. (Police de Paris) femme qui a des lettres du lieutenant de police, portant permission de tenir une espece de bureau d'adresse, où les particuliers peuvent aller chercher des servantes & des nourrices. La déclaration du roi enregistrée au Parlement le 14 Février 1715, a établi à Paris quatre bureaux pour les recommandaresses, & dans chaque bureau, qui est sous l'inspection d'un des commissaires du châtelet, il doit y avoir un registre paraphé par le lieutenant général de police. (D.J.)


RECOMMANDATIONS. f. terme de Grammaire, Voyez RECOMMANDER.

RECOMMANDATION, s. f. (Jurisprud.) en matiere criminelle, est proprement une opposition que l'on fait à l'élargissement d'un prisonnier, pour quelqu'autre cause que celle pour laquelle il a été constitué prisonnier.

Le procès-verbal de recommandation doit contenir les mêmes formalités que le procès-verbal d'écroue, il doit être précédé d'un commandement fait au prisonnier amené entre les deux guichets, & le lendemain l'huissier doit le faire revenir au même lieu pour faire son procès-verbal de recommandation, comme s'il le constituoit de nouveau prisonnier ; il doit y exprimer les causes de la recommandation, & les arrêts, jugemens & autres actes en vertu desquels la recommandation est faite. On y doit aussi exprimer le nom, surnom & qualité du prisonnier, & ceux de la partie qui le fait recommander, & le domicile qui doit être élu par cette partie, au lieu où la prison est située, le tout à peine de nullité.

Ce procès-verbal doit aussi être signifié, & copie laissée au prisonnier en parlant à sa personne, & l'huissier doit faire mention du tout dans son procès-verbal, à peine de nullité.

La recommandation peut être faite sur un homme emprisonné pour dettes, ou sur un homme détenu pour crime.

Celui qui est emprisonné pour dettes, peut être recommandé par d'autres dettes, & par d'autres créanciers, mais il ne peut être recommandé pour crime & vice versâ. Celui qui est emprisonné pour crime, ne peut être recommandé pour dette civile. Néanmoins, lorsque le prisonnier qui a eu quelque administration se trouve condamné pour crime capital, s'il est recommandé pour une dette qui dérive du fait de son administration, on differe l'exécution jusqu'à ce qu'il ait rendu compte.

Un prisonnier détenu pour crime, peut être recommandé pour d'autres crimes, & dans ce cas on préfere la recommandation qui est faite pour le crime le plus grave.

Quand l'emprisonnement pour dettes est déclaré nul par quelque défaut de forme, cela emporte aussi la main levée des recommandations ; mais quand l'emprisonnement est valable en la forme, les recommandations tiennent avant leur effet, quoique l'élargissement du prisonnier ait été ordonné par le mérite du fond sur le premier emprisonnement. V. le tit. 13 de l'ordonn. de 1670 ; Bornier sur ce titre & les mots ÉCROU, EMPRISONNEMENT, ÉLARGISSEMENT, PRISONNIER, PRISON. (A)

RECOMMANDATION, lettre de, (Littérat.) Voyez LETTRE de recommandation.

J'ajouterai seulement, que Ciceron répondant à Trébatius, qui se plaignoit que César ne lui faisoit point de bien, quoique lui Ciceron l'eût recommandé par plusieurs lettres. " Vous vous rebutez, dit-il, comme si vous eussiez porté à votre général, non pas une lettre de recommandation, mais une obligation pour recevoir de l'argent, & vous en retourner promtement chez vous ". Tanquam enim syngraphum ad imperatorem, non epistolam attulisses. (D.J.)


RECOMMANDERv. act. (Gramm.) il se dit des choses & des personnes. On recommande à son enfant de fuir les mauvaises compagnies. On recommande un homme à un autre. On se recommande à Dieu & à la sainte Vierge. On se recommande à tous les saints dans le péril, &c.

RECOMMANDER, (Jurisprud.) Voyez l'article RECOMMANDATION.

RECOMMANDER, (Commerce) Voyez l'article suiv.

RECOMMANDER une chose volée, (Comm.) c'est faire courir chez les marchands qui pourroient l'acheter, des billets contenant sa nature, sa qualité, sa forme, &c. afin que si elle leur étoit apportée, ils pussent la retenir & en donner avis. On m'a volé une montre d'or à répétition ; je l'ai fait recommander chez les horlogers. Dictionn. de Comm. & Trév.


RECOMMENCERv. act. (Gramm.) c'est reprendre une occupation interrompue ; & l'on dit en ce sens, on recommence à travailler au louvre. La pluie recommence. Les troubles recommencent.


RÉCOMPENSES. f. prix accordé pour quelque action qu'on juge bonne & utile. Dans la croiance des Chrétiens, & même des Déistes, il y a des châtimens & des récompenses à venir. Il y a des philosophes qui nient l'immortalité de l'ame & la vie future, admettant l'existence de Dieu, parce que la vertu, selon eux, est suffisamment récompensée par elle-même, & le vice suffisamment puni dès ce monde-ci. Ils croyent que la loi qui anéantit les êtres sans retour, est universelle & s'exécute sur l'homme, ainsi que sur tous les autres animaux. Rien ne dégoute plus de bien faire, que les récompenses mal placées. Quelle bizarrerie dans nos lois ! Tous les crimes ont leur punition ; aucune vertu n'a sa récompense ; comme si les citoyens n'avoient pas autant de besoin d'être encouragés à la vertu, qu'effrayés du vice. En cela les Chinois sont plus sages que nous. On dit, pourquoi vous récompenser ? Vous avez fait votre devoir. Mais ne m'en a-t-il rien coûté pour faire ce devoir ?

RECOMPENSES MILITAIRES, (Hist. anc.) prix ou marques d'honneur accordés par l'état aux guerriers, en reconnoissance de leur bravoure. On peut les distinguer chez les anciens en deux especes générales, savoir en récompenses honorables, & en récompenses lucratives.

Les premieres étoient celles auxquelles les peuples avoient attaché des idées de gloire, & qui étoient moins précieuses par les marques de distinction prises en elles-mêmes, que par la réputation qu'elles procuroient. De ce genre étoient chez les Grecs, les statues, les inscriptions, &c. & chez les Romains, les différentes couronnes & l'honneur du triomphe. Voyez COURONNE & TRIOMPHE.

Les récompenses lucratives étoient, ou des sommes d'argent, ou des terres conquises distribuées aux vieux soldats, ou des pensions données après leur mort à leurs femmes & à leurs enfans. Cette distinction supposée, il est facile de l'appliquer aux différens genres de récompenses militaires usitées chez les anciens.

Les Grecs pour exciter l'émulation & l'amour de la gloire, avoient imaginé grand nombre de ces distinctions flatteuses, dont les hommes sont toujours avides : une statue, une inscription honorable sur son tombeau, engageoient un citoyen à se sacrifier pour la patrie. A Athènes on exposoit pendant trois jours les ossemens de ceux qui avoient été tués dans le combat, & chacun s'empressoit à leur venir jetter des fleurs, offrir de l'encens & des parfums ; on les ensevelissoit ensuite avec pompe dans autant de cercueils qu'il y avoit de tribus dans la république, & avec un concours infini de peuple. Enfin quelques jours après un citoyen ou un orateur des plus qualifiés d'Athènes prononçoit publiquement leur oraison funebre.

Outre cela la république nourrissoit les veuves de ces illustres morts, lorsqu'elles étoient dans le besoin, faisoit élever leurs enfans jusqu'à ce qu'ils fussent parvenus à l'adolescence, & alors on les renvoyoit chez eux avec cette cérémonie singuliere. Pendant les fêtes de Bacchus, un héraut les produisoit sur le théâtre, couverts d'une armure complete , & les renvoyoit avec cette formule qu'il prononçoit, & qu'Eschine nous a conservée. " Ces jeunes orphelins, à qui une mort prématurée avoit ravi au milieu des hasards leurs peres illustres par des exploits guerriers, ont retrouvé dans le peuple un pere qui a pris soin d'eux jusqu'à la fin de leur enfance. Maintenant il les renvoye armés de pié en cap, vacquer sous d'heureux auspices à leurs affaires, & les convie de mériter chacun à l'envi les premieres places dans la république. "

Ceux qui survivoient aux dangers de la guerre, & qui avoient rendu des services importans à l'état, étoient honorés d'une couronne dans l'assemblée du peuple ; elle étoit d'abord d'un olivier sacré qu'on conservoit dans la citadelle, ensuite on décerna des couronnes d'or. Souvent ils étoient nourris aux dépens du public dans le pritanée, & souvent aussi gratifiés d'une certaine quantité de terres dans les colonies.

Les Romains employerent à-peu-près les mêmes récompenses, comme on peut voir au mot COURONNE. Mais ils avoient, outre cela, pour les généraux, les honneurs du grand & du petit triomphe, distinctions que les Grecs n'accorderent jamais à leurs plus grands hommes. D'ailleurs les généraux eux-mêmes faisoient à leurs soldats des distributions de blés, & même de terres, comme Sylla en donna aux siens, ou des largesses pécuniaires ; ainsi César donna deux cent mille sesterces au centurion Sceva, qui dans une action avoit reçu deux cent trente fleches sur son bouclier. Le congé absolu étoit toujours accompagné, ou d'un établissement dans les colonies, ou sous les empereurs, d'une espece de pension, qui étoit régulierement payée aux vétérans sur le trésor public pour leur subsistance. Outre cela les promotions à des grades supérieurs pour les officiers subalternes, les couronnes d'or, & le titre d'imperator déférés aux généraux, étoient de puissans aiguillons pour les faire voler à la gloire.

RECOMPENSE, (Jurisprud.) est une indemnité que l'on donne à quelqu'un pour lui tenir lieu de quelqu'autre chose qu'il devoit avoir.

La récompense en fait de communauté, est l'indemnité qui est due à un des conjoints, par l'autre qui a profité des deniers de la communauté.

Cette indemnité a lieu, lorsqu'un des conjoints a fait des deniers de la communauté, quelques impenses ou améliorations sur ses propres, ou qu'il a racheté quelque rente qu'il devoit de son chef : dans ces cas & autres semblables, celui qui a profité des deniers de la communauté, doit récompense à l'autre conjoint ou à ses héritiers, conformément aux articles 232 & 234 de la coutume de Paris ; autrement il dépendroit des conjoints de s'avantager l'un ou l'autre indirectement, aux dépens de la communauté, ou même de leurs propres biens.

Quand la femme ou ses héritiers renoncent à la communauté, ils ne peuvent demander de récompense au mari pour ce qu'il a tiré à son profit de la communauté, ils ne peuvent demander que le remploi de leurs propres s'il y en a eu d'aliénés.

Mais pour les impenses & améliorations faites sur les propres de la femme, la récompense en est toujours due au mari, quand même la femme renonceroit à la communauté.

Il y a une autre sorte de récompense ou indemnité qui est due par le frere aîné à ses puînés, quand il retient tout l'enclos ou jardin joignant le château ou manoir qui contient plus d'un arpent de terre. Cette récompense doit être fournie en terres du même fief, quand il y en a, sinon en d'autres terres ou héritages de la même succession, à la commodité des puînés, le plus que faire se peut, au dire de prudhommes, ainsi qu'il est porté par l'article 13 de la coutume de Paris.

Celle d'Etampes, art. 10, porte, qu'à défaut d'héritages, la récompense sera fournie en deniers ou autrement ; que pour raison de ce, il n'est dû au seigneur aucun quint ni rachat.

Il est encore dû une autre sorte de récompense au légataire, lorsque le testateur lui ayant laissé plus que le quint des propres, l'héritier ne veut lui abandonner que le quint, & que cet héritier trouve dans la succession d'autres biens libres en meubles & acquêts ; mais s'il n'y avoit pas d'autres biens, le légataire n'auroit point de récompense à prétendre. Voyez COMMUNAUTE, PROPRES, REMPLOI, PRECIPUT, LEGS, QUINT DES PROPRES. (A)


RECOMPOSERRÉCOMPOSITION, (Gram. & Chymie.) On nomme récomposition en Chymie, le rétablissement des corps formés de leurs principes ou de leurs parties séparées ; ensorte qu'il reforme le tout comme auparavant. Il y a très-peu de cas où un corps composé ne puisse être distingué par les sens, de celui qui n'a jamais été séparé par le feu. Si l'art de la Chymie étoit parfait, on pourroit cependant à quelques égards, recomposer plusieurs corps qui ont été divisés ; mais cela n'est pas possible dans le regne végétable & animal, parce que leur structure est vasculaire. Il faut donc soigneusement distinguer la régénération impossible des corps organisés, de celle qui peut s'opérer sur les autres corps qui ne sont pas tels. (D.J.)


RECOMPTERv. act. (Gramm. & Comm.) c'est compter de nouveau, pour voir si on ne s'est point trompé en comptant la premiere fois. Recompter son or ou son argent. Recompter un mémoire. Dictionn. de comm.


RECONCILIATIONS. f. (Gramm.) Voyez RECONCILIER.

RECONCILIATION, (Théolog.) se dit de l'acte d'un pénitent, qui peu de tems après avoir reçu l'absolution, se présente de nouveau à son confesseur, & lui déclare ou quelques fautes legéres survenues depuis sa confession, ou quelque peché, qui dans la confession même avoit échappé à sa mémoire.

RECONCILIATION D'UNE EGLISE, (Jurisprud.) c'est lorsqu'on la rebénit de nouveau à cause qu'elle avoit été prophanée par quelque effusion de sang ou autre scandale. (A)


RECONCILIERv. act. (Gramm.) c'est rapprocher des personnes que quelque démêlé avoit séparées. Un petit intérêt les avoit brouillées, je les ai reconciliées. La vie des amans est une vie de reconciliations & de brouilleries. Il y a des offenses qu'on n'oublie jamais, & des hommes avec lesquels on ne se reconcilie point. Le mépris est irréconciliable. Il y a des haines irréconciliables.


RECONDUCTIONRECONDUIRE, (Jurisp.) est un renouvellement d'un louage ou d'un bail à terme ; on l'appelle aussi quelquefois relocation, sur-tout dans les contrats pignoratifs, où le créancier reloue au débiteur son propre bien. Voyez CONTRAT PIGNORATIF & RELOCATION.

La reconduction en général, est expresse ou tacite, expresse lorsqu'elle se fait par écrit ou même verbalement par paroles expresses entre les parties.

La tacite reconduction est, lorsque le locataire ou fermier continue de jouir de ce qui lui a été loué après la fin de son bail, sans que le propriétaire s'y oppose ; le silence de celui-ci, & le fait du locataire ou fermier, font présumer un consentement de part & d'autre pour la continuation du bail.

Cette reconduction tacite n'a lieu que pour les baux conventionnels, & non pour les baux judiciaires, ni pour les baux emphitéotiques ; elle se fait aux mêmes prix, charges & conditions : mais les cautions de l'ancien bail sont déchargées, & l'hypotheque tacite qui a lieu pour cette continuation de bail, ne remonte point au jour de l'ancien bail au préjudice des créanciers intermédiaires.

Suivant l'usage le plus général, la tacite reconduction est d'un an pour les héritages des champs, en payant les labours & semences qui pourroient avoir été faits pour les années suivantes ; cependant quand les soles ou saisons des terres sont inégales pour le produit, la tacite reconduction doit durer autant d'années qu'il y a de soles, comme deux ou trois années.

A l'égard des baux à loyer, la tacite reconduction ne dure qu'autant de tems que l'habitation du locataire dureroit s'il n'y avoit point eu de bail. Le bailleur & le preneur peuvent, de part & d'autre, se donner congé dans le tems reglé par l'usage, selon la nature de la location. Voyez BAIL, FERME, LOCATION, LOUAGE, LOYER, le droit commun de la France, par Bontjon. (A)


RECONFRONTATIONRECONFRONTER, (Jurisprudence) est une seconde représentation faite à l'accusé des témoins qui ont déposé contre lui, ou une seconde représentation des complices l'un à l'autre, lorsqu'ils se sont accusés mutuellement, ou qu'ils se sont contrariés dans leurs réponses. Voyez l'ordonnance de 1670, tit. XV. & ACCUSE, CONFRONTATION, RECOLLEMENT. (A)


RECONNOISSANCES. m. (Morale) c'est un acte excellent de bienveuillance envers ceux qui se sont montrés bienfaisans envers nous, & cet acte nous excite fortement à rendre la pareille autant que nous le pouvons, mais toujours sans donner aucune atteinte au bien public. Si vous aimez mieux une définition plus courte & moins philosophique, la reconnoissance est le sentiment d'un bienfait qu'on a reçu.

Ce sentiment attache fortement au bienfaiteur avec le desir de lui en donner des preuves par des effets sensibles, ou du-moins d'en chercher les occasions.

Il ne faut point confondre ce sentiment noble & pur avec une adulation servile, qui n'est autre chose qu'une demande déguisée. On ne voit que trop souvent de ces bas adulateurs toujours avides, jamais honteux de recevoir, se passionnant sans rien sentir, & prodiguant des éloges pour obtenir de nouvelles faveurs. Leurs propos, leurs transports, leurs panégyriques annoncent la fausseté. La reconnoissance, de même que l'amour, ne s'exprime peut-être jamais de si mauvaise grace que quand elle est véritable.

" Les branches d'un arbre, dit le Bramine inspiré, rendent à la racine la seve qui les nourrit ; les fleuves rapportent à la mer les eaux qu'ils en ont empruntées. Tel est l'homme reconnoissant : il rappelle à son esprit les services qu'il a reçus, il chérit la main qui lui fait du bien ; & s'il ne peut le rendre, il en conserve précieusement le souvenir. Mais ne reçois rien de l'orgueil ni de l'avarice ; la vanité de l'un te livre à l'humiliation, & la rapacité de l'autre n'est jamais contente du retour quel qu'il puisse être ".

Je veux même que la reconnoissance coute à un coeur, c'est-à-dire qu'il se l'impose avec peine, quoiqu'il la ressente avec plaisir, quand il s'en est une fois chargé. Il n'y a point d'hommes plus reconnoissans que ceux qui ne se laissent pas obliger par tout le monde ; ils savent les engagemens qu'ils prennent, & ne veulent s'y soumettre qu'à l'égard de ceux qu'ils estiment. On n'est jamais plus empressé à payer une dette que lorsqu'on l'a contractée avec répugnance, & l'honnête-homme qui n'emprunte que par nécessité gémiroit d'être insolvable.

Comme les principes des bienfaits sont fort différens, la reconnoissance ne doit pas être toujours de la même nature. Quels sentimens, dit très-bien M. Duclos, dois-je à celui qui par un mouvement d'une pitié passagere n'a pas cru devoir refuser une parcelle de son superflu à un besoin très-pressant ? Que dois-je à celui qui, par ostentation ou par foiblesse, exerce sa prodigalité sans acception de personne, sans distinction de mérite ou d'infortune ? à celui qui par inquiétude, par un besoin machinal d'agir, d'intriguer, de s'entremettre, offre à tout le monde indifféremment ses démarches, ses sollicitations & son crédit ? Mais une reconnoissance légitime & bien fondée emporte beaucoup de goût & d'amitié pour les personnes qui nous obligent par choix, par grandeur d'ame & par pure générosité. On s'y livre tout entier, car il n'y a guere au monde de plus bel excès que celui de la reconnoissance. On y trouve une si grande satisfaction, qu'elle peut seule servir de récompense.

La pratique de ce devoir n'est point pénible comme celle des autres vertus ; elle est au contraire suivie de tant de plaisir, qu'une ame noble s'y abandonneroit toujours avec joie, quand même elle ne lui seroit pas imposée : si donc les bienfaiteurs sont sensibles à la reconnoissance, que leurs bienfaits cherchent le mérite, parce qu'il n'y a que le mérite qui soit véritablement reconnoissant. (D.J.)

RECONNOISSANCE, RESSENTIMENT, (Synon.) ces deux mots désignent une même chose, avec cette différence que le second seul & sans régime signifie ordinairement le ressouvenir d'une injure, le dépit, la colere, ensorte que c'est ce qui précede & ce qui suit, qui le détermine en bonne ou en mauvaise part ; néanmoins ressentiment au pluriel ne se prend jamais dans un sens favorable.

Le poids de la reconnoissance est bien léger quand on ne le reçoit que des mains de la vertu ; mais affecter de la reconnoissance pour des graces qu'on n'a point éprouvées, c'est travailler bassement à en obtenir. S'il est d'une belle ame, d'avoir un tendre & vif ressentiment des bienfaits qu'elle reçoit, il n'en résulte cependant pas qu'il faille conserver un ressentiment vindicatif des injures qu'on nous fait, parce que le christianisme demande le sacrifice de notre ressentiment ; d'ailleurs on doit toujours consacrer ses ressentimens particuliers au bien de l'état & à l'avancement de la religion.

Il y a des prétendus actes de reconnoissance qui ne sont que des procédés, quelquefois même intéressés, comme il y a chez les amans, des témoignages de colere & de ressentiment, qui ne sont que des signes d'une passion prête à se réveiller avec plus de force.

Quelques hommes offensent, & puis ils se fâchent ; la surprise où l'on est de ce procédé ne laisse pas de place au ressentiment : quelques-uns se vantent de services qu'ils ne vous ont point rendus, & par-là ils vous dégagent des liens de la reconnoissance.

On se loue des grands, on s'épuise en termes de reconnoissance ; cela signifie souvent qu'on se loue soi-même, en disant d'eux tout le bien qu'ils nous ont fait, ou même qu'ils n'ont pas songé à nous faire. On loue les grands, pour marquer qu'on les voit de près, rarement par estime ou par reconnoissance : on ne connoît pas souvent ceux que l'on loue. La vanité ou la légereté l'emportent quelquefois ; on est mal-content d'eux, & on les loue.

Pison, après la mort de Germanicus, se rendit auprès de Drusus, en qui il comptoit trouver moins de ressentiment de la mort d'un frere, que de reconnoissance de l'avoir défait d'un rival. (D.J.)

RECONNOISSANCE, en Poésie dramatique ; la reconnoissance, dit Aristote, est, comme son nom l'indique, un sentiment qui faisant passer de l'ignorance à la connoissance, produit ou la haine ou l'amitié dans ceux que le poëte a dessein de rendre heureux ou malheureux. Aristote remarque ensuite que la plus heureuse reconnoissance est celle qui cause la péripétie, laquelle change entierement l'état des choses.

La reconnoissance est simple ou double : la simple est celle où une personne est reconnue par un autre qu'elle connoît : la double est quand deux personnes qui ne se connoissoient point viennent à se reconnoître, comme dans l'Iphigénie d'Euripide, où Oreste reconnoît cette princesse par le moyen d'une lettre, & elle le reconnoît par un habit, ensorte qu'elle échappe des mains d'un peuple barbare par le secours d'Oreste, ce qui contient deux reconnoissances différentes qui produisent le même effet.

Les manieres de reconnoissance peuvent être extrêmement diversifiées, & dépendent de l'invention du poëte : mais quelles qu'elles soient, il faut toujours les choisir vraisemblables, naturelles, & si propres au sujet, que l'on ait lieu de croire que la reconnoissance n'est point une fiction, mais une partie qui naît de l'action même.

La reconnoissance se fait quelquefois par le raisonnement. C'est ainsi que Chrysothemis reconnoît dans l'Electre de Sophocle qu'un de ses parens est arrivé dans Argos, parce qu'elle voit sur le tombeau d'Agamemnon une grande effusion de lait, quantité de fleurs répandues & des cheveux arrachés, ce qui ne pouvoit être l'action que d'un parent de ce prince. Elle fait alors les recherches pour tâcher de le découvrir, & enfin elle rencontre Oreste qui étoit venu en secret pour venger la mort de son pere, à qui il avoit offert un sacrifice funebre, selon la coutume.

De toutes les beautés de la tragédie, les reconnoissances sont une des plus grandes, sur-tout celles où la nature se trouve intéressée : car indépendamment des tendres mouvemens qu'elle excite par elle-même, c'est aussi par-là qu'elle parvient au but principal de la tragédie, qui est de produire la terreur & la pitié. Dans Sophocle, la reconnoissance d'Oedipe & de Jocaste qui passe par tant d'incidens, y prend tout ce qu'il faut pour frapper plus heureusement le coup de terreur, si j'ose ainsi parler, & qui fait d'autant plus d'impression qu'il est suivi d'un changement de fortune dans les principaux personnages.

Remarquez encore que ce changement d'état se fait si immédiatement après la reconnoissance, que le spectateur n'a pas le tems de respirer, & que le tout se passe dans la chaleur de ses mouvemens. C'est ce qui fait dire à M. Dacier que la reconnoissance de l'Electre du même poëte n'est pas, à-beaucoup-près, si vive ni si belle, parce qu'elle est éloignée de la péripétie ; car après qu'Oreste & Electre se sont reconnus, ils sont encore du tems dans le même état, & ils ne changent de fortune que par la mort de Clytemnestre & d'Egiste.

Ce n'est qu'entre les principaux personnages d'une tragédie que les reconnoissances produisent leur grand effet, & ce n'est aussi que des circonstances où elles sont placées que dépend leur véritable beauté. Dans l'Oedipe, c'est de la mere à son fils ; mais par cette reconnoissance, ce fils va se trouver l'époux de sa mere & le meurtrier de son pere, dont la mort lui a servi de degrés pour monter au trône, & le triste moyen de contracter une alliance incestueuse qui met le comble à ses infortunes.

Nous avons quelques tragédies où l'on a employé des moyens particuliers de reconnoissance, dont l'antiquité n'a pas fait usage ; c'est au son de voix que Zénobie reconnoît Rhadamiste. Comme le son de la voix se perd moins à un certain âge que les traits de ressemblance, c'est lui qui dans cette belle tragédie prépare la reconnoissance, & qui aide à rappeller les traits d'un visage que dix années d'absence ont dû masquer, & qui lui rend sa premiere fraîcheur aux yeux d'une épouse vertueuse. Quelle est la surprise de Rhadamiste de trouver vivante une femme dont l'excellente beauté a fait tous les crimes, & dont l'excès de la passion d'un mari farouche a cru mettre en sûreté la fidélité & l'honneur par des précautions barbares, & sans exemple ? En effet, pour empêcher que dans la déroute de son armée Zénobie ne tombât entre les mains d'un ennemi vainqueur, Rhadamiste la jetta dans l'Araxe, après l'avoir crue morte sous les coups pressés d'une main sanglante : l'atrocité de l'action confondue avec ce signe singulier de reconnoissance & présente à l'esprit du spectateur, a fait à la quarantieme représentation de la piece le même plaisir qu'à la premiere. (D.J.)

RECONNOISSANCE, en Jurisprudence, signifie en général un acte, par lequel on reconnoît la vérité de quelque point de droit ou de quelque fait.

Reconnoissance se prend quelquefois pour une cédule ou billet, par lequel on reconnoît devoir une somme à quelqu'un, ou que l'on est obligé de faire quelque chose.

RECONNOISSANCE D'ECRITURE PRIVEE est lorsqu'on reconnoît la vérité d'une écriture ou signature privée.

Elle se fait devant notaire ou en justice.

Pour opérer la reconnoissance devant notaire, il faut qu'il en soit passé un acte, faisant mention de ladite reconnoissance.

Elle se fait en justice lorsque le porteur d'une promesse ou autre écriture privée assigne celui qui l'a écrite ou signée, à comparoir devant un juge compétent, pour reconnoître ou dénier l'écriture ou signature, & en cas de dénégation, être procédé à la vérification de cette écriture par experts.

Tout juge devant lequel les parties se trouvent en instance est compétent pour la reconnoissance & vérification d'une promesse ou autre écriture privée ; mais pour le principal, il faut se pourvoir devant le juge naturel des parties.

Les reconnoissances & vérifications des écritures privées se font partie présente ou duement appellée devant le rapporteur, ou, s'il n'y en a point, devant l'un des juges qui sera commis sur une simple requête, pourvû que la partie contre laquelle on prétend se servir des pieces, soit domiciliée ou présente au lieu où l'affaire est pendante, sinon la reconnoissance doit être faite devant le juge royal ordinaire du domicile de la partie, laquelle doit être assignée à personne ou domicile ; & s'il échet, de faire quelque vérification, elle se fait devant le juge où est pendant le procès principal. Ordonnance de 1670, tit. XII. art. 5.

L'édit du mois de Décembre 1680 porte que, par l'exploit de demande, on peut déclarer que dans trois jours le défendeur sera tenu de reconnoître ou dénier l'écriture, sinon qu'elle demeurera tenue pour reconnue ; que si le défendeur dénie l'écriture, on procede à la vérification sur des écritures publiques & authentiques.

La reconnoissance d'une écriture privée faite devant notaire ou en justice, emporte hypotheque à compter de ce jour.

On procede aussi en matiere criminelle à la reconnoissance des écritures privées & signatures.

Celles qui peuvent servir à l'instruction & à la preuve de quelque crime, doivent être représentées aux accusés ; & après serment par eux prêté, on les interpelle de déclarer s'ils les ont écrites ou signées, & s'ils les reconnoissent véritables.

Si l'accusé reconnoît les pieces pour véritables, elles font foi contre lui sans autre vérification ; s'il les dénie, on les vérifie sur pieces de comparaison.

La procédure que l'on doit observer dans cette matiere est prescrite par l'ordonnance de 1670, tit. VIII. & par l'ordonnance du faux. (A)

RECONNOISSANCE D'AINE ET PRINCIPAL HERITIER est une déclaration que des pere & mere ou autres ascendans font par le contrat de mariage d'un de leurs enfans, par laquelle ils font en sa faveur une espece d'institution contractuelle des biens qu'ils possedent actuellement, & s'obligent à les conserver à cet enfant qu'ils reconnoissent en qualité d'aîné pour leur principal héritier.

L'effet de ces sortes de reconnoissances est reglé différemment par les coutumes. Voyez le traité des institutions & substitutions contractuelles de M. de Lauriere, & le traité des conventions de succéder, par Boucheul. (A)

RECONNOISSANCE D'HERITAGES est une déclaration que l'on passe au terrier d'un seigneur pour les héritages qui sont tenus de lui à cens.

Les gens de main-morte sont aussi tenus de passer une reconnoissance pour les héritages qui ont été amortis, quoique ces héritages ne doivent plus de cens ni autres droits seigneuriaux ; c'est pourquoi cette reconnoissance s'appelle déclaration seche : elle sert à contracter la directe & la justice du seigneur.

Tout nouveau tenancier est obligé de passer à ses frais reconnoissance au seigneur : celui-ci peut même obliger ses censitaires à lui passer nouvelle reconnoissance tous les 30 ans, parce que cette reconnoissance supplée le titre primitif, & sert conséquemment à empêcher la prescription.

Le nouveau seigneur peut aussi demander une reconnoissance à ses censitaires, quoiqu'ils en ayent déja fait une à son prédecesseur ; mais en ce cas, la reconnoissance se fait aux frais du seigneur. Ferr. sur la quest. 417. de Guypape.

Une seule reconnoissance suffit pour conserver le cens ordinaire ou autre droit représentatif du cens ; mais pour autoriser la perception des droits exhorbitans, tels que des corvées, une seule reconnoissance ne suffit pas, il en faut au-moins deux ou trois quand le seigneur n'a pas de titre constitutif. Voyez AVEU, DECLARATION D'HERITAGES, TERRIER, Larocheflavin des droits seigneuriaux, la pratique des terriers, Henrys, Guyot. (A)


RECONNOITRESE RECONNOITRE, (Lang. franc.) reconnoître, pour témoigner de la reconnoissance, se dit avec la personne, avec la chose ; exemples ; je reconnoîtrai cette faveur ; j'ai reconnu cet homme à sa voix, & à sa démarche.

Se reconnoître, se prend en trois significations : il n'eut pas le tems de se reconnoître, c'est-à-dire, de reprendre ses sens, de faire réflexion sur soi ; Dieu lui a fait la grace de se reconnoître, c'est-à-dire, de se repentir. Je commence à me reconnoître, c'est-à-dire, à me rappeller l'idée du lieu, du pays où je suis. (D.J.)

RECONNOITRE, (Fortification) signifie dans l'art militaire, voir & examiner.

Ainsi l'on dit reconnoître une troupe, un camp, un ouvrage, une breche, un défilé, un marais, un gué, &c.

Comme le général ne peut pas reconnoître lui-même tous les différens objets sur lesquels il a besoin d'avoir des reconnoissances exactes, c'est à ceux qu'il charge de ce soin de ne rien négliger pour s'assurer par eux-mêmes de tout ce qui concerne l'examen qui leur est confié ; afin de ne point le tromper par de faux rapports qui peuvent lui faire prendre des partis très-préjudiciables à l'armée.

On ne doit employer dans des commissions aussi délicates & aussi importantes, que des gens courageux & très instruits de la science militaire, sans laquelle, avec de la bonne volonté & du zele, il est impossible de bien juger de toutes les circonstances dont il est à propos que le général soit informé.

On doit reconnoître aussi le pays par où les armées doivent passer, & où elles doivent agir ; mais cette reconnoissance, pour être bien faite, exige de grands talens. Il faut être consommé dans la science & dans la pratique de la guerre, pour bien juger des différentes opérations militaires, relatives à la nature du pays. Ce n'est point assez d'avoir de bonnes cartes pour cet effet, ni beaucoup de géographes à sa suite pour lever le pays ; les cartes les plus exactes sont fort imparfaites à cet égard ; car, comme le dit très-bien M. le maréchal de Puysegur, comment me donneront-elles par des traits de plume, une connoissance assez exacte, pour que je puisse décider si une hauteur est un peu plus élevée qu'une autre qui sera vis-à-vis ? Si de la cavalerie peut y monter, ou seulement de l'infanterie, & combien de cavaliers pourroient y monter de front ? Il est évident que les cartes ne peuvent donner ces différentes connoissances, non plus que ce qui concerne la nature des marais, des défilés, des chemins, des bois, &c. Cependant on croit communément n'avoir rien omis pour bien reconnoître un pays lorsqu'on s'en est procuré des cartes, ou qu'on en a fait lever ; mais si l'on s'en tient aux connoissances qu'elles peuvent donner, on ne connoît le pays que très-imparfaitement. Pour être vraiment utiles, il faut qu'elles soient accompagnées d'un mémoire particulier, qui explique toutes les circonstances du terrein dont la connoissance est nécessaire dans les actions & les mouvemens des armées ; travail qui ne peut être fait que par un homme intelligent, très-versé dans la théorie & la pratique de la guerre, & non point par un simple géographe.

La connoissance du pays où se fait la guerre est si importante, qu'on ne doit rien négliger pour se la procurer la plus exacte qu'il est possible. Sans quoi il arrive souvent, comme le dit M. le maréchal de Puysegur, qu'on donne bien des combats où l'on perd beaucoup de monde mal-à-propos. Il en donne pour exemple les combats de Fribourg, en 1644. Il prétend que si l'on avoit bien connu le terrein des environs de cette ville, il étoit aisé de le faire abandonner sans combat au général Mercy. Voyez sur ce sujet dans l'art de la guerre, ij. 11. les différens articles du chapitre vj. & entre autres l'article xxviij. qui traite des moyens de prendre connoissance d'un pays.

RECONNOITRE une place, c'est l'examiner avec soin, pour juger des endroits les plus foibles ou les plus propres aux attaques. Voyez SIEGE. (Q)

RECONNOITRE, (Marine) c'est approcher d'un vaisseau pour examiner sa grosseur, les forces qu'il peut avoir, & de quelle nation il est.

RECONNOITRE UNE TERRE, (Marine) c'est observer la situation d'une terre, afin de savoir quelle terre c'est.


RECONQUERIRv. act. (Comm.) c'est conquérir une seconde fois. Voyez CONQUERIR & CONQUETE. C'est un pays reconquis ; les provinces limitrophes sont exposées à être conquises & reconquises.


RECONSTRUIREv. act. (Gramm.) c'est construire derechef. Voyez les articles CONSTRUIRE & CONSTRUCTION.


RECONSULTERv. act. (Gramm.) c'est prendre une seconde consultation sur la même affaire. Il arrive souvent qu'une affaire est bonne à la consultation, & mauvaise à la reconsultation, tant notre jurisprudence est équivoque & diverse. Voyez CONSULTER & CONSULTATION.


RECONTRACTERv. act. (Gramm.) c'est contracter une seconde fois ; cet acte avoit été résilié, mais les parties qui persistoient dans les mêmes intentions, ont réparé les défauts de la forme & du fonds, & recontracté.


RECONVENIRRECONVENTION, (Jurisprudence) est une action que le défendeur intente pour se parer de celle que le demandeur a intenté contre lui.

Toute action intentée par le défendeur contre le demandeur, n'est pas une reconvention ; ce n'est qu'autant qu'elle tend à empêcher l'effet de l'action du demandeur, ou à opérer une compensation. Ainsi la reconvention est en matiere civile, ce que la récrimination est en matiere criminelle.

La reconvention étoit admise en droit, comme il paroît par la loi 6 au code de compensationibus, & en la loi 1, §. dernier, quae sententiae.

La coutume de Paris, article 106. & un grand nombre d'autres coutumes, portent que reconvention n'a lieu en cour laie, si elle ne dépend de l'action, c'est-à-dire, si la demande en reconvention n'est la défense naturelle contre l'action premierement intentée ; & en ce cas, le défendeur peut par ses défenses se constituer incidemment demandeur.

Ainsi dans notre usage la reconvention n'est admise que lorsque la demande que forme le défendeur est vraiment incidente & connexe à la demande principale ; desorte que si la demande formée pour le défendeur est indépendante de la premiere, elle est regardée comme une demande principale qui doit être formée à domicile, & jugée séparément.

Les Canonistes tiennent que la reconvention a lieu en cour ecclésiastique, c'est-à-dire, que dans ces tribunaux on admet plus aisément le défendeur à former toutes sortes de demandes, quoiqu'elles ne dépendent pas de la premiere ; mais il faut toujours que le juge soit compétent d'en connoître, eu égard à la matiere, & que ces demandes incidentes tendent à opérer une compensation ; car si ces demandes ne paroissoient formées que pour embarrasser l'affaire, on ne croit pas que le juge d'église se portât à les joindre à la premiere.

Sur la reconvention on peut voir Bacquet, traité des droits de justice, ch. viij. n. 10. Coquille, quest. 307. Ferrieres, sur l'article 306 de la coutume de Paris. (A)


RECONVOQUERv. act. (Gramm.) c'est convoquer derechef. Voyez CONVOQUER & CONVOCATION.


RECOPIERv. act. (Gramm.) c'est copier une seconde fois. Voyez COPIER & COPIE.


RECOQUILLER(Jardinage) il se dit des feuilles d'un arbre lorsqu'elles ont été ratatinées & ramassées par les vents qui viennent au printems.


RECORDS. m. (Jurisprud.) signifie quelquefois recit, témoignage, attestation d'un fait ; quelquefois il signifie le témoin même qui certifie ce qui s'est passé en sa présence.

RECORD d'un jugement ou d'un contrat, se faisoit anciennement lorsque l'acte n'avoit pas été rédigé par écrit ; on faisoit une enquête pour prouver ce qui avoit été jugé ou stipulé entre les parties ou leurs auteurs ; on en usoit de même pour constater un ajournement qui n'avoit été fait que verbalement.

RECORD dans un exploit, est un des témoins dont l'huissier se fait assister ; ces témoins ont été appellés records, parce que dans le tems que les exploits n'étoient pas rédigés par écrit, leur témoignage servoit à recorder ou rappeller ce qui avoit été fait & dit par l'huissier ou sergent. L'ordonnance de 1667, titre 2. article 2, veut que les huissiers dans tous leurs exploits, se fassent assister de deux records qui signent avec eux l'original & la copie des exploits, sans qu'ils puissent se servir de records qui ne sachent écrire, ni qui soient parens, alliés ou domestiques de la partie ; mais depuis l'établissement du contrôle des exploits, le ministere des records n'est plus nécessaire que dans certains exploits de rigueur, tels que les saisies réelles & les commandemens recordés faits pour parvenir à ces sortes de saisies. Voyez Boursier sur ces articles. Voyez aussi le glossaire de M. de Lauriere, au mot RECORD. (A)


RECORDÉadj. (Jurisprud.) se dit de ce qui est muni de la présence & attestation de deux records ou témoins. Ce terme n'est guere usité qu'en matiere d'exploits & de commandemens ; il y a certains exploits & commandemens qui doivent être recordés. Voyez AJOURNEMENT, CONTROLE, EXPLOIT, SAISIE REELLE. (A)


RECORDER(Hist. munic. d'Anglet.) nom d'un magistrat qui sert de conseiller au lord-maire, pour l'informer en toutes occasions des lois & coutumes de la ville de Londres : c'est lui qui prononce les sentences ; il prend place dans le conseil du maire avant tous les échevins qui n'ont pas encore été maires. (D.J.)


RECORRIGERv. act. (Gramm.) c'est corriger derechef. Voyez les articles CORRIGER & CORRECTION.


RECORSS. m. (Gram.) aide de sergens ; celui qui l'assiste, lorsqu'il fait ses fonctions ; le recors sert de témoin & prête main forte. Voyez l'article SERGENT.


RECOUCHERv. act. (Gram.) c'est se coucher une seconde fois ; il s'est levé, mais il a fallu le recoucher au bout de quelques instans : recoucher une branche, c'est l'enfoncer en terre en la pliant ; on couche gros à certains jeux ; on couche cent louis ; on en recouche tant qu'on veut.


RECOUDREv. act. (Gram.) c'est reprendre à l'aiguille ce qui s'est décousu ; recoudre son habit ; recoudre une plaie. On dit au figuré des vers recousus de pieces & de morceaux.


RECOUPÉterme de Blason ; on appelle écu recoupé, un écu mi-coupé & recoupé un peu plus bas.


RECOUPEMENSS. m. pl. (Archit.) ce sont des retraites fort larges, faites à chaque assise de pierre dure, pour donner plus d'empatement à de certains ouvrages construits sur un terrein en pente roide, ou à d'autres fondés dans l'eau, comme les piles de pont, les digues, les massifs de moulins, &c. (D.J.)


RECOUPERv. act. (Gramm.) c'est couper une seconde fois. Cet habit a été mal coupé, il a fallu le recouper. On recoupe au jeu, quand on a mal coupé. Voyez COUPER & COUPURE.


RECOUPESS. f. pl. (Archit.) on appelle ainsi ce qu'on abat des pierres qu'on taille pour les équarrir ; quelquefois on mêle du poussier ou poudre de recoupes, avec de la chaux & du sable, pour faire du mortier de la couleur de la pierre ; & le plus gros des recoupes, particulierement celles qui proviennent de pierres dures, sert à affermir le sol des caves, & à faire des aires dans les allées des jardins. (D.J.)

RECOUPE ou RECOUPETTE, s. f. terme de Meûnier ; farine que l'on tire du son remis au moulin. Il n'y a guere que les pauvres gens qui mangent du pain de recoupe.

RECOUPE, c'est dans la gravure en bois, le coup de pointe donné en second lieu après la coupe, pour enlever le bois en creux & façon de gouttiere, & commencer à former l'un des côtés d'un trait de relief ou d'une taille. Voyez COUPE & GRAVURE EN BOIS aux principes de cette gravure.


RECOURBERv. act. (Gram.) c'est donner forme d'une courbe, on dit recourber une barre de fer, recourber un tuyau, &c.


RECOURIRv. act. (Gram.) c'est courir derechef, recourir après cet homme. Il est plus ordinaire au figuré qu'au simple, il fallu recourir à la justice, contre ses entreprises réitérées. Recourir à la clémence du prince & à la miséricorde de Dieu. Recourir à la médecine & à la sorbonne. Recourir aux anciens manuscrits. On dit en marine, recourir sur une manoeuvre, & sur la terre, sur l'eau avec une chaloupe, la tenant à la main ; faire recourir l'écoute, la bouline, le couet de revers ; & c'est pousser ces manoeuvres hors du vaisseau en avant, afin de leur donner du balant ; recourir les coutures d'un vaisseau pour y repasser légerement le calfat. Voyez les articles RECOURS.


RECOURSS. m. (Gram.) refuge, asyle. Voyez l'article RECOURIR.

RECOURS, (Jurisprud.) ou action recursoire, est une action de garantie que l'on exerce contre quelqu'un afin d'être déchargé, sinon indemnisé de la demande ou prétention d'un tiers. Voyez GARANTIE. (A)

RECOURS, s. m. terme de Monnoie ; ce mot se dit d'une permission que le prince accorde de quelque foiblage sur le poids de l'espece ; il signifie aussi le rapport de l'espece au marc, & du marc à l'espece ; c'est-à-dire la quantité d'especes, comme d'écus ou de pistoles, par exemple, qui doit se faire de chaque marc d'or ou d'argent. Savary. (D.J.)


RECOUS VAISSEAUcommerce de mer ; ce mot se dit d'un vaisseau repris sur les ennemis. Les ordonnances de la marine reglent le tems qu'un vaisseau doit rester entre les mains des ennemis, pour être déclaré simplement recous, ou censé une nouvelle prise.


RECOUSSE(Jurisprud.) signifie en général l'action de recouvrer quelque chose.

Dans quelques coutumes on appelle recousse ou for-gage, la faculté que celui dont les meubles ont été vendus par justice, a de les retirer dans un certain tems.

Les coutumes de Tours, Angers & quelques autres appellent le retrait lignager recousse simplement, & recousse par grace, le remeré ou rachat conventionnel ; & les rentes rachetables, rentes à recousse, comme si l'on rachetoit l'héritage qui étoit chargé de la rente.

Dans les anciennes ordonnances recousse d'un prisonnier signifie l'enlevement qui pourroit en être fait, comme dans l'édit de Melun, art. 21. où il est dit, que les ordinaires ne pourront être contraints à bailler vicariats, sinon ès causes criminelles où il y auroit crainte manifeste de recousse du prisonnier. Voyez le glossaire de M. de Lauriere, au mot recousse. (A)


RECOUVRE(Marine) commandement de hâler une manoeuvre, & de la tirer dans un vaisseau.


RECOUVREMENTS. m. (Gram.) action par laquelle on entre ou rentre en possession d'une chose. Le recouvrement des deniers royaux est toujours dispendieux ; on dit le recouvrement de la santé & des forces. Voyez l'article suivant. Le recouvrement d'une chose volée ou perdue. Le recouvrement des droits, des taxes, des tailles.

RECOUVREMENT DES FORCES, analepsis ; ce changement s'opere dans notre corps à la suite des maladies par l'expulsion de la matiere morbifique, en même tems que par l'usage des remedes analeptiques. Et on ne procure point un recouvrement des forces vrai & constant par l'usage des restaurans, attendu qu'il y a nombre de maladies, & sur-tout les febriles & convulsives, où la force & puissance motrice des solides est dans un haut degré, quoique les forces naturelles soient languissantes & très-froides, alors il y a une cause morbifique qu'il faut détruire : la véritable vigueur des forces naturelles dépend donc plutôt pour la plus grande partie, de la conversion des alimens solides & liquides convenables en sang & en liqueur bien conditionnée, où il se forme derechef un fluide qui se séparant dans le cerveau, entre dans les muscles & les membranes des nerfs.

Les nourritures de bon suc sont donc le meilleur moyen pour procurer le recouvrement des forces, & c'est en cela que consiste le régime analeptique, tels sont les bouillons gelatineux, de viande, de chapon, des os & de leur moëlle, tirés par la coction de ces alimens dans l'eau avec un peu de vin, quelques rouelles de citron, quelques grains de sel, de macis & de girofle en poudre dans un vaisseau fermé, ceux qui se font avec de gros pain, où le froment est en entier, de l'eau, du vin & des oeufs.

La décoction de chocolat dans l'eau, ou le lait, le lait d'ânesse, l'eau distillée de gros pain, avec l'écorce de citron, & sur-tout le bon vin vieux du Rhin, & le véritable d'Hongrie.

Nota. Que ces secours alimenteux nourrissans ne doivent point être emploiés pendant la maladie, & lorsque toute la masse du sang & des liqueurs est remplie d'impureté ; mais dans la convalescence, & lorsque les passions de l'ame, les longues veilles, les travaux & fatigues de l'esprit & du corps, les grandes hémorrhagies, ont abattu & détruit les forces ; on doit même dans ces circonstances en user avec ménagement, parce que ces alimens passent promtement dans le sang, & qu'ils en augmentent la quantité.

C'est donc une grande faute de se gorger d'alimens nourrissans dans les cas où les digestions sont dérangées, ralenties, dans le cas de convalescence, de foiblesse & d'épuisement, dans l'accouchement, dans les pertes, parce que la quantité des alimens ne répondant pas aux forces digestives, il est nécessaire qu'il se forme une sabure, dont les moindres suites sont d'augmenter la foiblesse, en épaississant le sang & la lymphe, & en reproduisant de nouveau la matiere morbifique.

RECOUVREMENT, s. m. terme de Menuisier, c'est une espece de rebord de quelque sorte d'ouvrage que ce soit. Ainsi on dit le recouvrement d'un coffre fort, pour le rebord du couvercle d'un coffre fort. On appelle panneaux recouverts, ceux qui excedent & recouvrent l'assemblage. On dit aussi en maçonnerie des joints recouverts, pour désigner des joints faits avec des pierres de taille, sur-tout aux terrasses. (D.J.)

RECOUVREMENT, piece de, voyez à l'article BAS la description du métier à bas.


RECOUVRERv. act. (Gram.) c'est rentrer en possession. Il se dit des choses & des personnes. On recouvre sa fortune, on recouvre son ami. Voyez l'article RECOUVREMENT.

RECOUVRER, (Marine) c'est tirer une manoeuvre dans le vaisseau.


RECOUVRIRv. act. (Gramm.) c'est couvrir derechef. Voyez l'article COUVRIR. Il faut recouvrir ce livre, cette maison. Le tems se recouvre.

RECOUVRIR, (Jardin) Ce mot se dit des plaies faites aux arbres, soit dans le corps, pour avoir été écorchés, soit à l'extrêmité des branches taillées, quand la seve vient à étendre la peau par dessus, ensorte qu'il ne paroisse plus de bois de cet arbre ou de cette branche. Ainsi on dit, les arbres de cette pepiniere sont bien recouverts, c'est-à-dire que l'argot du sauvageon étant coupé auprès de l'endroit greffé, la partie taillée & coupée s'est si bien recouverte d'écorce, que la greffe & le sauvageon ne paroissent pas séparés & différens l'un de l'autre. (D.J.)


RECRÉANCES. f. (Jurisprud.) est la possession d'une chose qui est adjugée par provision, en attendant le jugement du fond.

Quelques coutumes appellent toute provision recréance, même en matiere prophane ; mais communément ce terme n'est usité qu'en matiere bénéficiale.

La recréance dans ces matieres est la possession d'un bénéfice que l'on accorde par provision à celui des contendans qui a le droit le plus apparent, & qui paroît le mieux fondé ; sauf aux autres contendans à contester ensuite sur la pleine maintenue.

Le jugement qui accorde cette possession provisoire, s'appelle jugement de recréance.

En matiere de régale, la recréance s'appelle état.

Quand les droits & titres des parties sont si douteux qu'il n'y a pas lieu d'adjuger la maintenue à l'un ou à l'autre, le juge n'ordonne guere aujourd'hui le sequestre ; il doit, suivant les articles 57 & 58 de l'ordonnance de 1539, faire droit sur le possessoire, & adjuger la recréance au possesseur, sauf à juger dans la suite l'instance possessoire par jugement de pleine maintenue, sans user à cet égard de renvoi par-devant le juge de l'église sur le pétitoire. Au grand-conseil l'on ordonne plus communément le sequestre.

En adjugeant la recréance à celui qui a le droit le plus apparent, on lui adjuge aussi les fruits & revenus du bénéfice du jour de ses provisions, & l'on condamne l'autre contendant à rendre ceux qu'il a perçus.

Les sentences de recréance sont exécutoires nonobstant l'appel, suivant l'ordonnance de 1667, pourvu qu'elles soient rendues par des juges royaux ressortissans sans moyen ; qu'ils aient assisté du-moins au nombre de cinq qui soient nommés dans la sentence ; & si c'est sur instance, ils doivent signer la minute de la sentence.

Quand la recréance est accordée par arrêt, celui qui l'obtient n'est pas tenu de donner caution ; mais si c'est seulement par sentence, il doit faire au greffe les soumissions en tel cas requis, & l'élection de domicile.

La caution que donne le recrédentiaire est pour la restitution des fruits, au cas que la sentence de recréance soit infirmée.

Le jugement de recréance doit être executé avant qu'il soit procédé sur la pleine maintenue.

Lorsqu'il échet de juger séparément la provision avec le fond, il n'est pas permis aux juges de cumuler l'un & l'autre & de prononcer par un même jugement sur la recréance & sur la pleine maintenue, parce que cela se feroit en fraude de l'appel, qui est une voie de droit : on ne pourroit plus demander la provision après le jugement de la pleine maintenue, desorte que la provision ne seroit pas exécutée nonobstant l'appel.

Le dévolutaire peut prendre la possession de droit, mais il ne peut pas la prendre de fait avant qu'il ait obtenu une sentence de recréance ou de maintenue, suivant l'ordonnance d'Henri II. Voyez les définitions du droit canon, au mot recréance, & le recueil des matieres bénéfic. de Drapier, tome II. titre de l'action possessoire. (A)


RÉCRÉATIFadj. (Gramm.) qui récrée, qui amuse. Cette lecture est récréative ; la variété de ce jeu est récréative.


RÉCRÉATIONS. f. (Gramm.) délassement accordé après le travail. Les études & les récréations se succedent alternativement dans les maisons où l'éducation est bien entendue. On dit les heures de récréation ; on dit les récréations mathématiques d'Ozannam, d'un ouvrage de cet auteur, qui contient ce que ces sciences abstraites ont de plus amusant.


RECRÉDENTIAIRES. m. (Jurisprud.) est celui qui demande la recréance ou provision d'un bénéfice, ou auquel la possession en a été adjugée provisoirement, comme ayant le droit le plus apparent. Voyez ci-devant RECREANCE. (A)


RÉCRÉERv. act. (Gram.) c'est délasser, amuser. Permettez aux jeunes gens de se récréer. Le vin récrée l'ame ; l'arc-en-ciel récrée les yeux.


RECRÉERv. act. (Gramm.) c'est créer une seconde fois. On avoit supprimé ces offices, & on vient de les recréer.


RECRÉMENTS. m. dans l'économie animale, est le nom qu'on a donné à des sucs qui se séparent de la masse du sang par des couloirs qui les distribuent à différentes parties du corps pour des usages particuliers.

Il y a des recrémens qui sont destinés pour la génération & la nourriture des enfans dans le sein de la mere, & pour les alimens pendant un tems après leur naissance ; tels sont dans les animaux mâles la liqueur prolifique, & dans les femelles, le suc des ovaires, qui fournit la premiere nourriture au genre animal, lorsque l'oeuf est fécondé par la semence, le suc nourricier qui est filtré par la matrice pour nourrir l'enfant dans le sein de la mere : enfin le lait qui est séparé dans les mamelles, pour l'alimenter après sa naissance.

Il y en a d'autres qui sont filtrés & déposés dans différentes parties du corps, pour l'usage de ces parties mêmes : ceux-ci peuvent être réduits à trois genres, savoir aux recrémens dissolvans, aux recrémens lubrifians, & aux recrémens humectans.

Les recrémens dissolvans sont les sucs bilieux dont nous avons parlé, lesquels fournissent la salive, le dissolvant de l'estomac, le suc pancréatique, la bile, & le suc dissolvant intestinal.

Les recrémens lubrifians sont les sucs muqueux qui servent à enduire les filtres, les conduits & les cavités par où passent & où séjournent les recrémens dissolvans, & les excrémens qui pourroient blesser ces parties par leur acrimonie ; ils servent aussi à couvrir la surface intérieure des cavités où l'air a accès, pour éviter que les sels dont l'air est chargé n'agissent sur ces parties, & pour éviter le desséchement auquel elles seroient exposées, si elles n'étoient continuellement & immédiatement touchées par l'air.

Les recrémens lubrifians different beaucoup entre eux, sur-tout par les différens degrés de consistance qu'ils doivent avoir selon l'acrimonie des sucs & l'impression de l'air, auxquelles ils s'opposent, & selon la nature, l'action & l'usage de différentes parties qu'ils enduisent & humectent. Ils paroissent même de différente nature ; les uns sont plus onctueux, les autres sont plus glaireux ; il y en a qui ne sont pas entierement privés de sels comme les humeurs du nez ; d'autres à en juger par leur insipidité, paroissent en être entierement privés ; tels sont ces crachats que fournissent les poumons dans l'état de santé : ainsi il y a de la différence entre les huiles muqueuses qui fournissent ces différens recrémens.

Les recrémens lubrifians servent non-seulement à enduire les parties dont nous venons de parler, mais ils se mêlent aussi avec les recrémens dissolvans, & avec la semence, pour retenir & assujettir leurs parties actives ; de-là vient la consistance un peu épaisse de la semence, la ténacité de la bile, la consistance limoneuse de la salive, &c.

Les recrémens humectans sont formés d'une eau très-vaporeuse, légerement huileuse, qui relâche, humecte & lubrifie toutes les parties qui agissent & qui frottent les unes contre les autres ; tel est l'usage des larmes qui mouillent continuellement les yeux, de la sérosité qui humecte la plevre, la surface des poumons, le péritoine, la surface extérieure des intestins, les membranes des jointures, celles qui couvrent les muscles, &c. M. Quesnay, ess. phy.


RECRÉMENTIELadj. (Gram.) c'est ainsi qu'on désigne les matieres qu'on regarde comme des recrémens. Voyez l'article RECREMENT.


RECRÉPIRv. act. (Gramm.) c'est crépir de nouveau. Il se dit au simple & au figuré ; une maison recrépie, un visage recrépi de rouge & de blanc.


RECREUSERv. act. (Gramm.) c'est creuser derechef, ou plus avant. On n'a point trouvé d'eau dans cet endroit, il a fallu recreuser ailleurs. Les fossés n'étoient pas assez profonds, il a fallu les recreuser.


RECRIBLERv. act. (Gramm.) c'est cribler plusieurs fois. Voyez les articles CRIBLE & CRIBLER.


RÉCRIERSE, v. n. (Gramm.) c'est exprimer la louange ou le blâme par des cris. On s'est récrié d'admiration en plusieurs endroits de cet ouvrage. Tout le monde s'est récrié d'indignation contre la bassesse de cette délation ; & l'on a mis le délateur au-dessous même du coupable. Lorsque la jalousie détermina cet homme à accuser son confrere d'une mauvaise action réelle ou fausse, mais oubliée, la ville se récria contre lui, & les gens sensés prononcerent que la délation marquoit un mauvais caractere, & que la mauvaise action deférée ne marquoit qu'un moment malheureux.


RÉCRIMINATIONRÉCRIMINER, (Jurispr.) La récrimination est l'accusation que celui qui est déja accusé fait lui-même contre son accusateur.

Quand la récrimination porte sur le même fait, il faut d'abord juger laquelle des parties demeurera l'accusé & l'accusateur. La plainte qui est la derniere dans l'ordre des dates, est ordinairement regardée comme récriminatoire, à-moins que par les circonstances & par le vû des charges, il ne paroisse que le dernier plaignant est véritablement la partie souffrante.

La récrimination se fait quelquefois par l'accusé en accusant l'accusateur d'un autre délit ; mais cette espece de récrimination n'est point reçue en France, quand il ne s'agit que d'un délit égal ou plus léger. La même chose s'observoit chez les Romains, suivant la loi 19. cod. qui accusari possunt vel non ; & autrement il n'y a point de coupable qui ne s'efforçât par une accusation fausse ou véritable d'éluder celle qui a été intentée contre lui.

Il en seroit autrement si la plainte récriminatoire étoit pour un délit beaucoup plus grave que celle qui faisoit l'objet du premier plaignant. Voyez Belordeau, lettr. R. Voyez aussi les mots ACCUSATEUR, ACCUSE, CRIME, DELIT, PLAINTE. (A)


RÉCRIREv. act. (Gramm.) c'est écrire une seconde fois. J'ai récrit cet ouvrage ; je l'ai recopié d'un bout à l'autre. Il faut récrire cet endroit, le style en est mauvais. Avez-vous récrit à M. un tel ? non, mais je lui répondrai incessamment.


RECROISETÉadj. terme de Blason. Ce mot se dit de la croix lorsqu'à l'extrêmité de ses branches il y en a une autre petite qui la traverse, ce qui forme quatre croisettes. Ainsi on dit N. porte d'argent à six croix recroisettées de gueule. Menestrier. (D.J.)


RECROITREv. act. (Gramm.) c'est croître de nouveau. Donnez aux ongles, aux chairs, aux cheveux, aux plantes, aux bois le tems de recroître.


RECRUadj. (Langue françoise.) Ce mot, pour signifier las, fatigué, harassé, est assez connu quoique vieux ; mais tout le monde ne sait pas que le terme recrû a été fort en usage dans les tems où les duels étoient autorisés, & qu'un homme recrû signifioit un homme vaincu. Voyez Ducange, dans ses observations sur Joinville. (D.J.)


RECRUESS. f. (Art milit.) sont des levées de soldats qu'on fait faire dans les villes & les villages, pour augmenter les troupes & remplacer les soldats morts ou blessés, ou qui ont desertés.

La conduite de chaque homme de recrue est payée à raison de deux sols par lieue, à compter de l'endroit d'où l'officier les amene, & dix sols par homme pour chaque séjour pris de cinq en cinq jours. Pendant la guerre on ne paye que trente livres pour chaque homme de recrue. Elémens de l'art milit. par d'Héricourt. (Q)


RECRUTERv. act. (Gramm.) c'est rétablir par des recrues. Voyez RECRUE.


RECTANGLES. m. (Géom.) que l'on appelle encore quarré long & oblong, est une figure rectiligne de quatre côtés (MLIK, Pl. Géométr. fig. 60.) dont les côtés opposés O P & N Q, O N & P Q sont égaux, & dont tous les angles sont droits. Voyez QUADRILATERE.

Ou bien un rectangle est un parallélogramme, dont les côtés sont inégaux, mais qui a tous ses angles droits. Voyez PARALLELOGRAMME.

Pour trouver la surface d'un rectangle, il ne faut que multiplier les côtés M L & M I l'un par l'autre.

Si M L est = 345 piés, & M I = 123, la surface sera égale à 42435 piés quarrés.

Il suit de là 1°. que les rectangles sont en raison composée de celle de leurs côtés M L & I M ; desorte que les rectangles de même hauteur sont entr'eux comme leurs bases, & ceux qui ont même base sont l'un à l'autre comme leurs hauteurs.

2°. Si on a trois lignes en proportion continue, le quarré de la moyenne sera égal au rectangle des deux extrêmes. Voyez PROPORTION.

3°. Si l'on a quatre lignes droites en proportion continue, le rectangle de deux extrêmités sera égal au rectangle des deux moyennes.

4°. Si l'on tire du même point A (fig. 61.) deux lignes, dont l'une A D soit tangente, & l'autre A B sécante au cercle, le quarré de la tangente A D sera égal au rectangle compris dans la sécante A B & sous sa partie A C qui est hors du cercle.

5°. Si l'on tire du même point A deux ou plusieurs sécantes A a, A B, les rectangles compris sous les toutes & sous leurs parties qui sont hors du cercle, seront égaux entr'eux. Voyez SECANTES.

6°. Lorsque deux cordes s'entrecoupent dans un cercle, les rectangles compris sous leurs segmens sont égaux. Voyez CORDE.

Rectangles semblables. Voyez SEMBLABLE.

Rectangle, en terme d'Arithmétique, est la même chose que produit. Voyez PRODUIT & MULTIPLICATION.

RECTANGLE, se dit aussi adjectivement.

Un triangle rectangle est celui qui a un angle droit ou égal à 90 degrés.

Il ne peut y avoir qu'un angle droit dans un triangle rectiligne, ce qui fait qu'un triangle rectangle ne sauroit être équilatéral. Voyez TRIANGLE & RECTANGULAIRE. (E)


RECTANGULAIREadj. ou plus communément RECTANGLE, terme de Géométrie, qui se dit des figures & des solides, qui ont un ou plusieurs angles droits. Voyez ANGLE.

Tels sont les quarrés, les rectangles & les triangles rectangles parmi les figures planes ; les cubes, les parallélepipédes, &c. parmi les solides. Voyez FIGURE & SOLIDE.

Les anciens entendoient par section rectangulaire du cône, ce que nous appellons aujourd'hui parabole, parce qu'avant Apollonius on ne consideroit cette section conique que dans un cône, dont la section par l'axe formoit un triangle rectangle au sommet du cône.

De-là vient qu'Archimede a intitulé son livre de la quadrature de la parabole, de rectanguli coni sectione. (E.)


RECTEURS. m. (Hist. mod. Jurisprud.) est un titre commun à plusieurs sortes de personnes.

Le chef des universités est qualifié de recteur ; il a le pouvoir d'ordonner ce qu'il estime convenable pour le progrès des études, & pour la police des colleges, & de tous ceux qui sont au nombre des suppôts de l'université. Sa fonction ne dure qu'un an, mais quelquefois il est continué. Dans l'université de Paris, il préside au tribunal de l'université établi par le roi, en 1600. Il a pour conseillers les doyens des quatre facultés, & les procureurs des quatre nations qui composent la faculté des arts. Le procureur syndic y assiste comme partie publique avec le greffier & le receveur. Ce tribunal se tient chez le recteur le premier samedi du mois, & toutes les fois qu'il y a des contestations à juger entre les suppôts de l'université. L'appel des sentences de ce tribunal se releve au parlement. Voyez COLLEGE, FACULTE, UNIVERSITE.

Dans quelques académies celui qui préside est aussi qualifié de recteur : par exemple, dans l'académie royale de peinture & sculpture, la dignité de recteur est réunie dans quatre recteurs, qui l'exercent chacun par quartier, avec le conseil des trois autres. Voyez ACADEMIE.

En quelques provinces, comme en Bretagne, on appelle recteurs ceux que l'on appelle communément ailleurs curés, & l'on y donne aux vicaires le titre de curés. (A)

RECTEUR, (Histoire de Venise) titre qui est commun au podestat, au capitaine des armées des Vénitiens ; il signifie celui qui gouverne les villes de l'état.

RECTEUR, (Esprit) Voyez EAUX DISTILLEES, ODORANT (Principe), MERCURE (Principe), ODORE (Chymie)mie).


RECTIFICATIONS. f. (Chymie) espece de distillation & de purification. Voyez DISTILLATION & PURIFICATION.

La rectification est la nouvelle distillation d'un produit d'une distillation précédente. Ainsi, on appelle rectifié l'esprit-de-vin distillé de nouveau dans la vue de le séparer de son eau surabondante ; l'éther distillé de nouveau pour le séparer d'un esprit-de-vin phlegmatique & d'un acide sulphureux volatil ; une huile essentielle épaissie, dans le dessein de lui redonner de la fluidité ; l'huile empireumatique animale, pour lui donner de la limpidité, & la priver d'une partie de son odeur ; l'acide vitriolique pour le concentrer & le décolorer, &c. (b)

RECTIFICATION, s. f. terme de Géométrie, rectifier une courbe, c'est trouver une ligne droite égale en longueur à cette courbe. Voyez COURBE.

On n'a besoin, pour trouver la quadrature du cercle, que de la rectification de sa circonférence : car il est démontré que la surface d'un cercle est égale à un triangle rectangle, dont les deux côtés qui comprennent l'angle droit sont le rayon & une ligne droite égale à la circonférence. Voyez CERCLE & CIRCONFERENCE.

Rectifier le cercle revient donc au même que de le quarrer : mais l'un & l'autre sont également difficiles. Voyez tous les différens efforts que l'on a faits pour rectifier le cercle, afin de trouver sa quadrature, au mot QUADRATURE DU CERCLE.

La rectification des courbes est une branche de la Géométrie composée, dans laquelle on apperçoit sensiblement l'usage du calcul intégral ou de la méthode inverse des fluxions. Car puisqu'on peut regarder une ligne courbe comme composée d'une infinité de lignes droites infiniment petites : en trouvant la valeur d'une de ces lignes par le calcul différentiel, leur somme trouvée par le calcul intégral donnera la longueur de la courbe.

Par exemple, si M R (Pl. anal. fig. 18.) = d x, & m R = d y ; M m ou l'élément de la courbe sera . Si donc l'on substitue dans l'équation différentielle de la courbe particuliere la valeur de d x2 ou de d y2, on aura l'élément particulier dont l'intégration donnera la valeur de la courbe. Voyez INTEGRAL.

Rectifier la parabole. Nous avons

Pour rendre cet élément de la courbe intégrable, réduisez-le en une suite infinie, en extrayant la racine de a a + 4 y y, & vous aurez d y (a a + 4 y y) : a = d y + <2y2dy/a2> - <2y4dy/a4> + <4y6dy/a6> - <10y8dy/a8> &c. dont l'intégrale y + <2y3/3a2> - <2y5/5a4> + <4y7/7a6> - <10y9/9a8> &c. à l'infini, exprime l'arc parabolique A M. Soient A C & D C (Planc. anal. fig. 19.) les demi-axes conjugués d'une hyperbole équilatere ; on aura A C = D C = a. Supposons M P = 2 y, Q M = x ; pour lors A P = x - a ; conséquemment, à cause de P B x A P = P M2 x x - a a = 4 y y ; donc x x = 4 y y + a a ; donc x = (4 y y + a a). Si donc l'on suppose que q m est infiniment proche de Q M, nous aurons Q q = 2 d y ; & par conséquent l'élément de l'espace curviligne c Q M A = 2 d y (a a + 4 y y). On voit donc que la rectification de la parabole dépend de la quadrature de l'espace hyperbolique C Q M A.

Rectification de la cycloïde. Soit A = Q x, A B = 1, (fig. 27.) on aura Q q = M S = d x, P Q = (x - x x). M P = M S ou d y = . Donc M m ou = , dont l'intégrale 2 x ou deux fois la corde A P est égal à l'arc A M.

On peut donc parvenir à la rectification des courbes, en considérant la fluxion de la courbe comme l'hypothénuse d'un triangle rectangle dont les côtés sont les fluxions de l'ordonnée & de l'abscisse. Mais il faut avoir soin dans l'expression de cette hypothénuse, qu'il ne reste qu'une des fluxions & qu'une des deux co-ordonnées, sçavoir celle dont on a retenu la fluxion. Un dernier exemple éclaircira encore cette pratique.

Le sinus verse A R (fig. 20.) étant donné, trouver l'arc A C. Soit A R = x, c R = y, o A = r ; c E la fluxion de l'abscisse ; E D la fluxion de l'ordonnée ; C D la fluxion de l'arc C A. Par la propriété du cercle, 2 r x - x x = y y : donc 2 d x - 2 x d x - 2 y d y. Donc d y = <2(Racine)dx-2xdx/2y> = . Donc = : & par conséquent si l'on réduit en une suite infinie, que l'on multiplie ses différens membres par d x, & que l'on prenne l'intégrale de chacun, on aura la longueur de l'arc A C. Chambers. (O)


RECTIFIERv. act. (Gramm.) c'est corriger ce qu'il y a de défectueux dans une chose. Il faut rectifier cet endroit amphibologique ; ses moeurs, son style, sa conduite, une huile empyréumatique, un acte, une procédure, &c.

RECTIFIER le globe ou la sphere, (Astronom.) c'est ajuster & disposer le globe ou la sphere pour la solution d'un problème. Voyez GLOBE & SPHERE.

Cela se fait en déterminant d'abord le lieu du soleil dans l'écliptique, ce qui se trouve aisément par le moyen du cercle des mois & du cercle des signes qui sont sur l'horison ; ensuite on porte le lieu du soleil ainsi trouvé sous le globe méridien immobile où les degrés sont marqués ; on éleve le pole au-dessus de l'horison suivant la latitude du lieu ; on place l'index des heures exactement sur minuit, on dispose le quart de cercle de hauteur, s'il le faut, de maniere qu'une des extrêmités de ce quart de cercle soit fixé au zénith, & que l'autre parvienne jusqu'à l'horison, ensorte qu'on puisse faire tourner ce quart de cercle tout-autour de l'horison par une de ses extrêmités, tandis que l'autre demeure fixe au zénith.

Toutes ces opérations sont comprises dans le mot rectifier le globe. Quand cela est fait, le globe céleste représente la véritable position des cieux pour le soir du jour qu'on l'a rectifié, & le terrestre représente la situation de la terre, pour le midi du jour où il est rectifié. (O)


RECTILIGNEadj. en Géométrie, est un terme qui s'applique aux figures, dont le périmetre est composé de lignes droites. Voyez FIGURE, PERIMETRE, LIGNE, &c.

Angle rectiligne, voyez ANGLE.


RECTITUDES. f. (Langue françoise) on ne doit point faire de difficulté d'employer ce mot en physique, parce qu'on en a souvent besoin ; ainsi, M. de la Chambre a eu raison de dire la rectitude de la vue ; ce mot au figuré désigne la droiture, l'intégrité, la rectitude des moeurs, la rectitude des jugemens. Moliere a dit dans son Misantrope :

Mais cette rectitude

Que vous voulez en tout avec exactitude,

Cette pleine doctrine où vous vous renfermez,

La trouvez vous ici dans ce que vous aimez ?

MM. de Port-royal & le dictionnaire de l'académie, employent ce mot assez souvent ; la rectitude de mon coeur me gardera contre l'injustice. (D.J.)


RECTOterme du palais ; ce terme est fréquemment employé au palais, quand on cite la page d'un ancien registre ou d'un ancien livre. Recto est la page d'un livre ouvert qui se présente d'abord à la droite du lecteur ; c'est l'opposé du verso, qui est la page qu'on trouve après avoir tourné le feuillet, au mot recto & verso, on ajoute communément folio, folio recto, folio verso. Ce passage, cette loi se trouve folio 30 recto, ou folio 30 verso. Cela vient de ce qu'anciennement chaque feuillet n'avoit qu'un chiffre au premier côté de la page. (D.J.)


RECTORATS. m. (Hist. mod.) ou la qualité de recteur de l'université. Voyez ci-dessus RECTEUR.

Dans l'université de Paris le rectorat n'est pas perpétuel, on renouvelle le recteur de trois mois en trois mois, à moins qu'il ne soit continué, ce qui arrive presque toujours.

Le rectorat est une espece d'époque dans les universités : on dit qu'une telle chose est arrivée sous le rectorat d'un tel ; par exemple, que l'université de Paris a révoqué son appel de la constitution unigenitus sous le rectorat de M. l'abbé de Vantadour.


RECTUMterme d'Anatomie, le troisieme & dernier des gros intestins. Voyez INTESTINS.

Il est ainsi appellé parce qu'il s'étend tout droit depuis l'os sacrum jusqu'à l'anus, sans faire aucun tour ni repli comme les autres.

Il est ordinairement de la longueur d'un travers de main, & de la grosseur de trois doigts. Sa partie supérieure est attachée à l'os sacrum & au coccyx par le moyen du péritoine ; & dans les hommes au cou de la vessie, & au vagin dans les femmes ; sa partie inférieure aboutit à l'anus & est munie de trois muscles ; le premier est le sphincter qui sert à le fermer & à empêcher la sortie involontaire des excrémens. Voyez SPHINCTER.

Les deux autres qu'on appelle releveurs de l'anus, servent à relever ou à repousser le rectum en arriere après que les excrémens sont sortis, car il lui arrive souvent, sur-tout quand la matiere est trop dure, de sortir trop avant.

Dans le cadavre d'un enfant mort quelques jours après sa naissance, M. Littre a vû le rectum divisé en deux parties, qui ne tenoient l'une à l'autre que par quelques petits filets, longs d'environ un pouce ; ces deux parties séparées s'étoient fermées chacune de son côté par le bout où s'étoit fait la séparation, desorte que les deux clôtures se regardoient. Hist. de l'académie, année 1710. (D.J.)


REÇUS. m. en terme de Commerce, est une quittance ou décharge, c'est-à-dire un acte par lequel il paroît qu'une chose a été payée. Voyez QUITTANCE.

Quand le reçu est inscrit sur le dos du billet, on l'appelle endossement. Voyez ENDOSSEMENT.


RECUEILS. m. (Belles-Lettres) signifie parmi les savans, un registre ou une collection raisonnée de toutes les choses dignes de remarque, qu'un homme a retenu dans ses lectures ou dans ses études, tellement disposées, que parmi un grand nombre de titres & de sujets de toute espece, on puisse trouver facilement celui qu'on cherche, & y avoir recours dans l'occasion.

Les recueils sont d'une grande utilité, ce sont des especes de magasins où l'on dépose les meilleurs & les plus beaux endroits des auteurs afin de les avoir toujours prêts pour s'en servir. Différentes personnes ont différentes manieres de les disposer. Mais la plus estimée & la plus usitée parmi les savans, c'est celle de ce grand maître dans la méthode, M. Locke. Il jugea à propos de la rendre publique dans une lettre adressée à M. Toynard, y étant déterminé autant par les sollicitations de ses amis qui en avoient éprouvé toute l'utilité, que par le grand avantage que lui en avoit fait reconnoître à lui-même une expérience de plus de vingt années.

Nous donnerons ici au lecteur la substance de cette méthode, afin qu'il puisse lui-même la mettre en pratique, s'il le juge à propos, & rien n'est plus aisé.

La premiere page du livre en blanc, dont vous voulez faire votre recueil, doit lui servir comme d'une espece d'index, & contenir les renvois à tous les différens sujets & à toutes les diverses matieres dont il y est parlé.

Tout le secret, tout l'art de cette méthode consiste donc dans la disposition simple & avantageuse de cet index, ensorte qu'il puisse admettre une quantité & une variété suffisante de sujets sans confusion.

Pour y par venir il faut diviser en vingt-cinq parties par des lignes paralleles & horisontales, les deux premieres pages qui sont vis-à-vis l'une de l'autre ; ensuite chaque cinquieme ligne sera distinguée des autres, par une couleur différente ou par quelque autre maniere. Ces lignes doivent être coupées perpendiculairement par d'autres lignes tirées de haut en bas, & dans chacun des espaces résultans de l'intersection de ces lignes horisontales & perpendiculaires, on écrira les lettres de l'alphabet & majuscules & minuscules, selon l'ordre que l'on voit ci-dessous.

Nota benè. Que ceci représente ce qui est sur une seule page pendant qu'il y en a autant sur l'autre ; car chaque page est divisée en deux colonnes.

On concevra tout-d'un-coup par ce modele dressé par les quatre lettres B C D E, ce qu'il faudroit faire pour toutes les autres lettres de l'alphabet, de même que la maniere de tirer les lignes horisontales & perpendiculaires, de former les divisions & d'y écrire les lettres minuscules.

Ayant ainsi disposé l'index de votre recueil, il est tout préparé, vous pouvez y inscrire toutes sortes de sujets, & voici comment. Considérez à quel titre vous rapporteriez le passage que vous voulez mettre dans votre recueil, & auquel vous seriez conduit le plus naturellement pour le chercher : remarquez dans ce titre la lettre initiale & la premiere voyelle qui la suit, ce sont les deux lettres caractéristiques d'où dépendent tout l'usage de l'index.

Supposez, par exemple, que je veuille insérer dans mon recueil un passage qui ait rapport à ce titre dispute, je remarque que D est la premiere lettre, & que i est la premiere voyelle ; cherchant alors dans l'index la division D i, & dans celle-ci la ligne (car c'est la place de tous les mots dont la premiere lettre est D, & la premiere voyelle i), comme dispute, distrait, divinité, discours, dissimulation, discorde, &c. & ne trouvant point de nombres déja marqués qui m'indiquent aucune page du livre où ces mots sont insérés, je tourne les feuillets jusqu'à la premiere page blanche, & comme je suppose qu'on ne s'est pas encore servi du recueil, ce sera la seconde, & là j'écris ce que j'avois intention de mettre sous le titre dispute, observant de mettre toujours les titres à la marge, ensorte qu'ils soient isolés du corps de l'article, & par-là qu'ils se présentent plus facilement à la vûe. Ceci étant fait, je marque un 2 dans l'index à la division D i, qui dès ce moment est en possession de la seconde & de la troisieme page, assignées pour-lors aux lettres de cette caractéristique.

Si j'avois trouvé le numéro de quelque page déja marqué dans l'espace D i, j'aurois été obligé de recourir à cette page & d'y écrire [le passage que je voulois insérer ], dans la place qui reste, desorte que si après avoir écrit un passage sur la dispute ou sur quelque sujet semblable, je voulois en mettre un autre sur le distrait ou sur quelque sujet semblable, trouvant la page 2 déja en possession de l'espace de cette caractéristique, je commencerois le passage qui regarde le distrait dans le reste de la page, qui ne pouvant contenir le tout m'oblige à continuer jusqu'à la page 3, qui par là est encore pour D i, & j'ajoute le nombre 3 dans l'index.

Un exemple rendra sensible la méthode d'écrire les chapitres ; le premier est tiré de Montagne, & le deuxieme de la Bruyere.

Dispute. Quels vices n'éveillent pas les disputes, dit Montagne, étant presque toujours commandées par la colere ? Nous entrons en inimitié, premierement contre les raisons, & puis contre les personnes : nous n'apprenons à disputer que pour contredire, & chacun contredisant & étant contredit, il arrive que le fruit de la dispute est d'anéantir la vérité. L'un va en orient, l'autre en occident ; on perd le principal & on s'écarte dans la presse des incidens, au bout d'une heure de tempête on ne sait ce qu'on cherche, l'un est bas, l'autre est haut, l'autre à côté ; l'un se prend à un mot & à une similitude, l'autre n'écoute & n'entend plus ce qu'on lui oppose, & il est si engagé dans sa course qu'il ne pense plus qu'à se suivre & non pas vous. Il y en a qui se trouvant foibles, craignent tout, refusent tout, confondent la dispute dès l'entrée ou bien au milieu de la contestation, se mutinent à se taire, affectant un orgueilleux mépris ou une sottement modeste fuite de contention, pourvû qu'il ne regarde pas combien il se découvre. L'autre compte ses mots & les pese pour raisons, celui-là n'y employe que l'avantage de sa voix & de ses poumons ; on en voit qui concluent contr'eux-mêmes, & d'autres qui lassent & étourdissent tout le monde de préfaces & de digressions inutiles ; il y en a enfin qui s'arment d'injures, & qui feront une querelle d'allemand, pour se défaire de la conférence d'un esprit qui presse le leur.

Distrait. Ménalque descend son escalier, ouvre sa porte pour sortir, il la referme, il s'apperçoit qu'il est en bonnet de nuit, & venant à se mieux examiner, il se trouve rasé à moitié, il voit que son épée est mise du côté droit, que ses bas sont rabattus sur ses talons, & que sa chemise est par-dessus ses chausses. S'il marche dans les places, il se sent tout-d'un-coup frappé rudement à l'estomac ou au visage, il ne soupçonne point ce que ce peut être, jusqu'à ce qu'ouvrant les yeux & se réveillant, il se trouve ou devant un limon de charrette ou derriere un long ais de menuiserie que porte un ouvrier sur ses épaules. On l'a vû une fois heurter du front contre celui d'un aveugle, s'embarrasser dans ses jambes, & tomber avec lui chacun de son côté à la renverse. Il lui est arrivé plusieurs fois de se trouver tête pour tête à la rencontre d'un prince & sur son passage, se reconnoître à peine, & n'avoir que le loisir de se coller à un mur pour lui faire place : il cherche, il brouille, il crie, il s'échauffe, il appelle ses valets l'un après l'autre, on lui perd tout, on lui égare tout. Il demande ses gants qu'il a dans les mains, semblable à cette femme qui prenoit le tems de demander son masque lorsqu'elle l'avoit sur le visage. Il entre à l'appartement, & passe sous un lustre ou sa perruque s'accroche & demeure suspendue, tous les courtisans regardent & rient ; Ménalque regarde aussi & rit beaucoup plus haut que les autres ; il cherche des yeux dans toute l'assemblée où est celui qui montre ses oreilles & à qui il manque une perruque. S'il va par la ville, après avoir fait quelque chemin, il se croit égaré, il s'émeut, il demande où il est à des passans qui lui disent précisément le nom de sa rue. Il entre ensuite dans sa maison, d'où il descend précipitamment, croyant qu'il s'est trompé. Il descend du palais, & trouvant au bas du grand degré un carrosse qu'il prend pour le sien, le cocher touche & croit remener son maître dans sa maison ; Ménalque se jette hors de la portiere, traverse la cour, monte l'escalier, parcourt l'antichambre, la chambre, le cabinet, tout lui est familier, rien ne lui est nouveau ; il se repose, il est chez soi ; le maître arrive, celui-ci se leve pour le recevoir, il le traite fort civilement, le prie de s'asseoir, & croit faire les honneurs de sa chambre ; il parle, il RÊVe, il reprend la parole ; le maître de la maison s'ennuie, il demeure étonné ; Ménalque ne l'est pas moins, il ne dit pas ce qu'il en pense. Il a affaire à un fâcheux, à un homme oisif, qui se retirera à la fin ; il espere & il prend patience ; la nuit arrive qu'il est à peine détrompé, &c.

Quand les deux pages destinées à une classe sont remplies, cherchez le premier revers blanc, si c'est celui qui suit, écrivez à la marge au bas de la page qui est déja remplie la lettre V pour verte, tournez & la même en haut de la page suivante, & continuez dans cette nouvelle page comme ci-devant, si les pages qui suivent immédiatement la précédente sont remplies par d'autres classes, écrivez toujours de même au bas de cette derniere la lettre V, mais ajoutez-y le numéro de la premiere page qui se trouve vuide, & au haut de cette page le numéro de la derniere page remplie par la même classe, mettant alors le titre à cette nouvelle page ; procédez comme ci-dessus par ces deux nombres de renvoi, l'un au haut, l'autre au bas de la page, quoique les mêmes sujets se trouvent dans des pages éloignées les unes des autres, ils sont toujours liés ensemble ; il ne sera pas mal non plus qu'à chaque fois que vous mettez un nombre au bas d'une page vous le mettiez aussi dans l'index.

Nota que si le titre est un monosyllabe commençant par une voyelle, cette voyelle devient en même tems & la lettre initiale & la lettre caractéristique ; ainsi le mot art doit être écrit dans la division A a.

M. Locke exclut deux lettres de son index, qui sont K & Y, & il y supplée par les équivalens C & I ; & pour le Q comme il est toujours suivi d'un u, il le met dans la cinquieme division de Z, & ainsi il n'a point de Z u, qui est une caractéristique qui se trouve rarement. Q étant ainsi le dernier de l'index, la régularité de celui-ci est toujours conservée sans diminuer son étendue ; d'autres aiment mieux garder la division Z u, & donner une place au Q u au-dessous de l'index.

Si quelqu'un imagine que ces cent classes ne sont pas suffisantes pour comprendre des sujets de tous les genres sans confusion, il peut, en suivant la même méthode, les augmenter, & même jusqu'à cinq cent, en faisant entrer une caractéristique de plus dans chaque classe. Mais l'auteur nous assure que pendant un grand nombre d'années, s'étant servi d'un index entierement semblable à celui dont il trace le plan pour ses collections, il n'y avoit jamais remarqué ce défaut.

Tel est le précis que M. Chambers donne de la méthode de M. Locke, auquel nous n'avons rien changé que les deux exemples cités ci-dessus, que nous avons substitués à ceux qu'allegue l'auteur anglois sur les mots beauté & bienveillance, qui commencent par les mêmes lettres en anglois, s'écrivant beauté & benevolence, ce qu'on ne pouvoit rendre en françois par la différence de la premiere voyelle, ni par conséquent alléguer en exemple de la lettre initiale & de la caractéristique ; mais afin que le lecteur ne soit pas entierement privé de ce que M. Chambers a dit, nous allons ajouter ici ce qu'on trouve dans son article sur la beauté.

Beauté. C'est avec raison qu'on appelle sens la faculté que nous avons d'appercevoir les idées de la beauté ; son affinité avec les autres sens étant si semblable, que de même que dans ceux-ci, le plaisir qu'elle excite en nous ne vient point d'aucune connoissance de l'utilité de l'objet, de principes de proportions ou de causes, puisque ce plaisir de la beauté n'est point augmenté par le savoir le plus exact, quoiqu'à la vérité il puisse, par des vûes d'utilité, ajouter au plaisir de la beauté, un plaisir raisonnable entierement différent. De plus, les idées de la beauté, comme les autres idées sensibles, nous sont nécessairement agréables, aussi-bien qu'elles le sont immédiatement, puisque nulle résolution de notre part, nulles considérations d'aucun avantage ou desavantage, ne sont capables de changer la beauté ou la laideur d'un objet ; car de même que dans les sensations externes, nulle vûe d'intérêt, nulle crainte de dommage, distincte de la sensation immédiate de la douleur, ne peuvent nous rendre un objet agréable ou désagréable ; tellement que si vous nous proposiez un monde entier pour récompense, ou que vous nous menaciez du plus grand malheur, pour nous faire aimer un objet difforme, ou haïr un objet aimable ; les récompenses ou les menaces nous feroient bien dissimuler ou nous porteroient à nous abstenir extérieurement de la recherche de l'objet aimable, & à rechercher l'objet difforme ; mais les sensations résultantes de leurs formes, & les perceptions qu'ils produisent en nous seroient toujours invariablement les mêmes. De-là il paroit clairement que certains objets sont les causes immédiates du plaisir qu'excite en nous la beauté ; que nous sommes organisés pour les appercevoir, & que ce plaisir est réellement dictinct de cette joie produite par l'amour-propre, à la vûe de tout avantage futur. Ne voyons-nous pas souvent qu'on sacrifie la commodité & l'utilité à la beauté, sans d'autres vues d'avantages dans la belle forme que de se procurer les idées flatteuses de la beauté ? Ceci nous montre donc, que de quelque maniere que l'amour-propre nous engage à rechercher les beaux objets dans la vue de ressentir les plaisirs qu'ils excitent en nous, comme dans l'architecture, le jardinage, &c. que cependant il doit y avoir en nous un sens de beauté, antérieur même à la perspective de ces avantages, sans lequel sens ces objets ne nous paroîtroient pas avantageux sous ce point de vue, ni n'exciteroient point en nous ce plaisir qui les constitue avantageux. Le sentiment de beauté que certains objets excitent en nous, par lequel nous les constituons avantageux, est fort distinct du desir que nous en avons, lorsqu'ils sont ainsi constitués : notre desir de la beauté peut être contre-balancé par les récompenses & les punitions ; mais le sentiment qu'elle excite en nous, est toujours le même ; ôtez ce sentiment de la beauté, les maisons, les jardins, les habits, les carrosses, pourront bien nous intéresser comme commodes, fertiles, chauds, doux, mais jamais comme beaux, & dans les visages je ne vois rien qui nous plairoit que la vivacité des couleurs & la douceur de la peau.


RECUEILLEMENTS. m. terme de Grammaire, action qui consiste à détacher son esprit de tous les objets de la terre, & à le ramener en soi pour l'appliquer à la contemplation des choses de la vie éternelle. Les mondains & les médecins prennent le recueillement habituel pour une affection mélancolique.


RECUEILLIRv. act. terme de Grammaire, c'est ramasser des choses éparses, les rassembler, en faire la recolte. On recueille les fruits, les blés, les grains ; on recueille une succession. On recueille des nouvelles, des connoissances, des matériaux. On recueille dans la vieillesse le fruit des études de la jeunesse. On recueille les débris d'un repas, d'un naufrage. On recueille chez soi toutes sortes de gens. On recueille les poëtes, les historiens dans sa bibliotheque. On recueille les suffrages. On recueille ses esprits. Voyez RECUEILLEMENT.

RECUEILLIR, v. act. en Architecture, c'est raccorder une reprise par sous oeuvre d'un mur de face ou mitoyen avec ce qui est au-dessus. Ainsi on dit se recueillir, lorsqu'on érige à plomb la partie du mur à rebâtir, & qu'elle est conduite de telle sorte qu'elle se raccorde avec la partie supérieure du mur estimée bonne à conserver, ou du-moins avec un petit porte-à-faux en encorbellement, qui ne doit avoir au plus que le sixieme de l'épaisseur du mur. Daviler.

RECUEILLIR le papier, terme de Papeterie, qui signifie l'ôter de dessus les cordes des étendoirs après qu'il a été bien collé & séché, afin de le mettre en presse ; cette opération se nomme aussi ramasser le papier. Voyez PAPIER & les Pl. de Papeterie.


RECUEILLOIRS. m. terme de Cordier, outil de bois dont se servent les cordiers pour tortiller leur ficelle, & c'est ce qu'ils appellent recueillir la ficelle.


RECUIREv. act. terme de Grammaire, c'est cuire de nouveau. Il faut recuire ces confitures. Mais il se dit particulierement des métaux ; on les recuit après qu'ils ont été trempés, pour les rendre plus flexibles, moins cassans, plus doux, plus faciles à redresser. Le recuit se fait de tous les ouvrages tranchans après la trempe. Pour cela, on a des brasiers ardens sur lesquels on les expose. L'action du feu produit l'un de ces deux effets ; ou elle restitue la piece recuite dans l'état où elle étoit avant la trempe dans laquelle elle s'est envoilée, ou elle la dispose à être restituée avec le marteau à redresser. Ce marteau à redresser est d'un acier très-fin, très-dur & bien trempé ; sa tête est en biseau tranchant. On appuie fermement la piece sur une enclume, un tas, en un mot, quelque soutien qui ait de la solidité ; & en la frappant convenablement en différens endroits avec le marteau à redresser, on la fait revenir à son premier état. Les traits du marteau à redresser sont ensuite effacés à la meule.

RECUIRE, en termes d'Epinglier fabriquant d'aiguilles pour les Bonnetiers, est l'action de détremper la matiere au feu dans une espece de gaufrier, où elle n'est enfermée qu'à moitié du côté du bec. Voyez BEC & GAUFRIER. On recuit le fil pour le rendre moins cassant.

RECUIRE, en termes de Bijoutier, c'est rendre à l'or sa ductilité & sa malléabilité en le faisant rougir au feu toutes les fois qu'il a été durci, soit par le marteau, l'estampe ou l'extension au banc à tirer, à la filiere, au ciselet, &c.

RECUIRE, (Coutel.) voyez l'article RECUIRE en général & les articles COUTELIER & RASOIR.

RECUIRE CARREAUX, terme d'ancien Monnoyage, c'étoit mettre les carreaux au feu pour en rendre le métal plus facile & plus doux à travailler.

RECUIRE, en termes d'Orfevre en grosserie, c'est remettre au feu les pieces quand elles ont été réparées, pour brûler la crasse ou les ordures qui peuvent s'y trouver, & donner également prise au blanchissement sur toute la piece.

RECUIRE, en termes de Planeur, se dit de l'action de rendre le métal plus doux & plus friable, après qu'il a été forgé, pour le planer plus aisément & sans risque.

RECUIRE, en termes de Verrerie, c'est placer les pieces dans un four particulier, appellé de cet usage four à recuire, les y chauffer, & empêcher par cette manoeuvre qu'elles ne se fêlent exposées à l'air.


RECUITS. m. (Gramm. & Arts méchan.) il se dit & de l'action de recuire, & de la qualité acquise à la piece par l'action de recuire.

RECUIT, on dit en termes de Fondeur d'artillerie, &c. mettre ou porter un moule au recuit, lorsqu'effectivement ce moule étant vuidé par le dedans de la premiere terre qui avoit servi à le former, & qu'il ne reste plus que la chape qui doit donner l'impression au métal, on le porte dans la fosse destinée pour cela, on le recuit, & on le seche avec force buches allumées qu'on jette dedans.

RECUIT, s. m. (Monnoyage) il se dit des métaux & du verre. Les monnoyeurs disent qu'un flaon a été au recuit quand on l'a mis au fourneau qui sert à recuire les especes avant qu'on les frappe. Les ordonnances veulent que les ouvriers mettent les flaons & carreaux au recuit à toutes les façons qu'ils donnent à l'ouvrage. Le recuit de verre consiste à être mis dans une arche du fourneau des verriers pour achever d'y prendre sa parfaite cuisson. Boissard.


RECUITEURSS. m. pl. terme de Monnoyeurs, ouvriers des monnoies qui ont soin de cuire les flaons ; ce sont proprement les apprentis. On leur donne ce nom parce que c'est ordinairement la fonction des nouveaux ouvriers, & comme leur apprentissage en fait de monnoyage, de donner le recuit aux lames & aux flaons. (D.J.)


RECULS. m. (Artillerie) est le mouvement en arriere de quelque corps que ce soit, mais singulierement d'une arme à feu. Voyez CANON, MORTIER, &c.

Plus la charge est forte, caeteris paribus, plus le recul est considérable.

Par une expérience faite en présence de la société royale de Londres, & rapportée dans les Transactions philosophiques, on a trouvé que des canons avec une certaine charge, envoyent le boulet à gauche de leur direction naturelle, & que le recul au contraire se faisoit en tirant sur la droite.

Quelques membres de l'académie royale des Sciences doutant de la justesse de l'observation, M. Cassini le jeune entreprit de répeter l'expérience ; ce qu'il fit avec une machine aussi semblable qu'il put à celle dont on s'étoit servi en Angleterre, & réitéra l'opération quantité de fois.

Le résultat de cette expérience fut que le boulet, quand le canon avoit la liberté du recul, s'écartoit en effet à droite de la ligne qu'il auroit suivie si le canon eût été arrêté de maniere à ne point pouvoir reculer ; mais on ne trouva point ces deux directions contraires entre le boulet & le recul qu'on avoit trouvées en Angleterre. Voyez l'histoire de l'académie royale des Sciences, année 1703, p. 120. &c. Chambers.

Le recul est causé par l'action de la poudre, qui en s'enflammant agit d'abord également sur toutes les parties intérieures de la chambre, ce qu'elle ne peut faire sans donner un petit mouvement à la piece de tout sens ; mais comme la résistance des côtés dirige l'action de la poudre, selon la direction de l'ame du canon, lorsqu'elle agit sur le boulet pour le pousser ou chasser en avant, elle agit aussi vers la partie de l'ame opposée à l'ouverture de la piece, c'est-à-dire vers la culasse, à laquelle elle donne ce mouvement en arriere qu'on appelle recul. Le recul diminue une partie de l'action de la poudre sur le boulet, mais on ne peut éviter cet inconvenient. Si l'on vouloit empêcher l'affut de s'y prêter, l'action de la poudre le briseroit en très-peu de tems. (Q)

RECUL, (Horlogerie) c'est dans l'échappement dit à recul, l'excès de la force motrice transmise sur le régulateur, qui par son mouvement acquis fait retrograder la roue de rencontre.

Dans l'échappement à recul & à palette, l'on sait que l'axe de la roue de rencontre est perpendiculaire sur celui du balancier, & que la roue poussant par une de ses dents la palette du balancier, lui communique le mouvement en lui faisant décrire un arc appellé arc de levée ; & après cette levée le balancier ayant reçu du mouvement, continue l'arc qui devient cinq ou six fois plus grand. Pendant ce tems la dent diametralement opposée, qui est la suivante, pour pousser l'autre palette se trouve en action sur elle, & tend par son mouvement propre à retenir la vibration. Mais comme le balancier a acquis de la force pour continuer l'arc commencé, il arrive que la palette opposée qui doit succéder, a obligé la roue de rencontre de retrograder ; c'est ce qui forme le recul.

Ce recul est en raison composée de la directe des arcs que le balancier décrit après la levée, & de l'inverse du nombre des dents de la roue. Le balancier ayant fini sa vibration, se trouve ramené par le concours de la roue de rencontre qui reprend son mouvement direct & de la réaction de son ressort spiral.

Dans cet échappement, la vibration du balancier est gênée par l'extrêmité de la palette opposée à celle qui vient de décrire l'arc de levée ; d'où il faut remarquer que le levier de résistance est plus court que la palette, puisqu'il n'est à cause de l'obliquité, que le sinus de l'angle qu'elle forme sur le plan de la roue ; desorte que ce levier étant très-court & très-puissant pour faire retrograder la roue de rencontre, & celle-ci au contraire n'ayant que peu de force à l'extrêmité de son rayon pour gêner la vibration, cet échappement est celui qui permet le plus puissant régulateur. M. ROMILLY.


RECULEMENTS. m. en Architecture, se dit ordinairement d'une ligne verticale à une ligne inclinée, comme de l'aplomb au talud, ou de l'écartement d'une ligne courbe à l'égard de la tangente, comme à une porte en tour ronde ou creuse, à l'égard de sa corde, ou d'une parallele.

RECULEMENT D'ARESTIER, s. m. (Arch.) d'autres disent rallongement d'arestier ; c'est la ligne diagonale depuis le poinçon d'un croupe jusques au pié de l'arestier, qui porte dans l'encoignure de l'entablement. On le nomme aussi trait rameneret.

RECULEMENS, ou BANDES DE COTE, terme de Bourrelier, c'est une partie du harnois des chevaux de carrosse, qui consiste en une large bande de cuir épaisse & ourlée qui regne le long des côtés du cheval, & vient passer par-devant sur le poitrail qu'elle double en quelque maniere. Cette bande de cuir va se terminer des deux côtés à un gros anneau de fer, immédiatement à l'endroit où finit l'avaloir d'en-bas. On l'appelle reculement, parce que le cheval en reculant tire en arriere l'avaloir d'en-bas, laquelle au moyen de deux anneaux qui lui sont communs avec les reculemens, attire en arriere les chaînettes qui sont attachées au timon, & par cette méchanique font reculer le timon, & par conséquent le carrosse. On l'appelle aussi bandes de côté, parce qu'effectivement cette partie des harnois regne le long des flancs du cheval. Les reculemens sont garnis de fourreaux ou morceaux de cuir double auxquels sont attachées des grosses boucles de cuivre qui servent d'ornement, & en même tems par où les bandes du surdos sont attachées au reculement. Voyez les Pl. du Bourrelier.


RECULERv. act. c'est éloigner un corps en sens contraire à celui dont il avoit été approché. Reculez cette chaise ; reculez ce mur ; reculez cette cloison, cette borne, &c. Faites reculer cette foule. Il se prend au simple & au figuré. Il est honteux de reculer quand on s'est avancé jusqu'à un certain point. Votre affaire est bien reculée.

RECULER, LE, s. m. (Horlog.) c'est une lime que l'on appelle ainsi à cause qu'elle n'est pas taillée d'un côté.


RECUPERATORES(Antiq. rom.) on nommoit ainsi des commissaires qui connoissoient des causes dans lesquelles il s'agissoit du recouvrement & de la restitution des deniers & effets des particuliers. Quand la formule de l'action étoit réglée, le demandeur prioit le prêteur de lui donner un tribunal ; alors le prêteur nommoit les juges dont nous venons de parler ; mais il ne les nommoit que dans les contestations de fait, comme en matiere d'injures, &c. Voyez Hottoman. ad Ciceron. pro Caecin. ch. l. (D.J.)


RECURRENTadj. terme d'Anatomie, est un nerf qui naît de la paire vague, & qui fournit plusieurs rameaux au larinx, qu'il aide à former & modifier la voix, ce qui lui a fait donner le nom de nerf vocal. Voyez NERF, VOIX.

On l'appelle recurrent, parce qu'il remonte du thorax vers le larinx. Il y a le recurrent droit & le recurrent gauche. Ils sont tous deux des branches de la paire vague (voyez VAGUE) ; & ils s'étendent le long de la trachée-artere, à laquelle ils donnent quelques rameaux, & vont aboutir aux muscles du larinx.

Ce qui fait conjecturer qu'ils contribuent à la formation de la voix, c'est qu'un chien ne sauroit plus aboyer quand ils sont une fois coupés. Voyez LARINX.


RÉCUSABLEadj. (Jurisprud.) se dit d'un juge ou autre officier, ou témoin qu'une partie est fondée à ne pas reconnoître. Voyez RECUSATION. (A)


RECUSATIONS. f. (Jurisprudence) est une exception par laquelle on refuse de reconnoître un juge ou autre officier, ou un expert, ou même un témoin.

Un juge peut être récusé tant en matiere civile que criminelle ; mais il faut pour cela qu'il y ait juste cause. Ces causes sont :

1°. Si le juge est parent ou allié de l'une des parties, sçavoir en matiere civile, jusqu'aux enfans de cousin issu de germain, qui sont le quatrieme degré inclusivement, & en matiere criminelle jusqu'au cinquieme.

Ces degrés se comptent suivant le droit canonique, & les degrés d'alliance se comptent comme ceux de parenté.

En outre en matiere criminelle, si le juge porte le nom & les armes, & qu'il soit de la famille de l'accusateur ou de l'accusé, il est obligé de s'abstenir, en quelque degré de parenté ou alliance qu'il soit.

La récusation a aussi lieu, quoique le juge soit parent ou allié des deux parties.

La parenté ou alliance du juge avec la femme de l'une des parties, dans les degrés ci-dessus expliqués, donne aussi lieu à la récusation, supposé que la femme soit vivante, ou qu'il y ait des enfans.

Mais si la femme est décédée sans enfans, il est seulement défendu au beau-pere, aux gendres & aux beaux-freres d'être juges des parties.

2°. Le juge est récusable lorsqu'il est prouvé par écrit, qu'il a un différend semblable à celui des parties.

3°. S'il a donné conseil, ou s'il a connu auparavant du différend comme juge arbitre, ou s'il a sollicité ou recommandé l'affaire, s'il a ouvert son avis hors la visite & jugement du procès ; mais dans tous ces cas, il est cru à sa déclaration, à moins qu'il y ait preuve par écrit au contraire.

4°. Si le juge a un procès en son nom dans un tribunal où l'une des parties est juge.

5°. S'il a menacé une des parties verbalement ou par écrit, depuis l'instance, ou dans les six mois qui ont précédé la récusation, ou s'il a eu inimitié capitale.

6°. Si le juge ou ses enfans, son pere, ses freres, oncles, neveux, ou ses alliés en pareil degré, ont obtenu quelque office, bénéfice ou autre emploi de l'une des parties, pourvû que la nomination ait été volontaire & non forcée.

7°. Si le juge est protecteur, chef ou syndic de l'ordre, corps, college ou communauté contre lequel on plaide.

Il en est de même s'il est tuteur honoraire ou onéraire, subrogé tuteur ou curateur, héritier présomptif ou donataire, maître ou domestique de l'une des parties.

Enfin il peut y avoir encore d'autres causes de récusation, quoique non prévûes par l'ordonnance, lesquelles se tirent des moyens de fait & de droit ; par exemple, s'il étoit prouvé que le juge est en grande familiarité avec l'une des parties, &c.

Le juge qui est dans le cas de récusation doit se récuser lui-même sans attendre que la récusation soit proposée.

Si le juge ne se récuse pas lui-même, la partie qui a quelque moyen de récusation doit le proposer aussitôt qu'il est venu à sa connoissance, & dans la huitaine de la déclaration du juge ou de la partie, la récusation doit être formée.

Toute cause de récusation doit être proposée avant contestation en cause, si ce n'est que la cause soit survenue depuis, ou qu'elle ne soit venue à la connoissance de la partie que depuis que la cause a été contestée.

Si l'on veut récuser un juge commis pour faire une descente, il faut le faire trois jours avant son départ, pourvû que le transport ait été signifié huit jours auparavant.

Les causes de récusation doivent être spécifiées dans la requête.

Le juge qui est récusé ne doit point être présent au jugement de la récusation.

Pour juger une récusation, les juges doivent être au nombre de cinq, ou du-moins au nombre de trois, s'il y a moins de six juges dans le siege. A défaut de juges en nombre suffisant pour juger la récusation, on prend des avocats ou praticiens du siege.

Les jugemens qui interviennent en matiere de récusation sont exécutoires, nonobstant opposition ou appellation, si ce n'est qu'il s'agisse de descente, information ou enquête, auquel cas le juge récusé ne peut passer outre, & il doit être procédé à l'acte qui est à faire par un autre juge ou praticien du siege, à moins que l'intimé ne déclare qu'il veut attendre le jugement de l'appel.

Les juges présidiaux jugent sans appel les récusations dans les matieres dont la connoissance leur est attribuée, pourvû qu'ils soient au nombre de cinq.

Dès qu'un juge est récusé il doit s'abstenir de paroître au siege, soit à l'audience ou au conseil ; il ne lui est même pas permis de solliciter pour ses parens, ou autres personnes dont il prend les intérêts.

Quand la récusation est déclarée impertinente & inadmissible, la partie qui l'a proposée doit être condamnée en l'amende ; le juge peut même demander réparation des faits qui ont été proposés contre lui ; mais il ne peut pas non plus assister au jugement de la réparation. Voyez l'ordonnance de 1539, artic. 10. celle de Roussillon, artic. 12. celle de Blois, artic. 118 & suivans ; celle de 1667, tit. 24. & Bornier sur ce titre ; Julius Clarus, lib. V. sentent. quaest. 43. Peleus, quaest. 134. La Rocheflavin, des parlem. liv. XIII. ch. lxxxiij. Despeisses, tom. II. pag. 450. Bouvot, tome II. au mot récusation. Dufail, liv. III. ch. xxj. xxviij. lxvij. cij. cdxxx & cdxcviij. Papon, liv. VII. tit... Le traité des récusations par Ayrault, dans son instruction judiciaire, & celui de Bruneau, en son traité des matieres criminelles. Voyez JUGE.

Les experts peuvent être récusés comme les juges. Voyez l'ordonnance de 1667, tit. 21. artic. 9 & 11.

On récuse aussi des témoins par forme de reproche. Voyez REPROCHE & TEMOIN. (A)


RÉDACTEURS. m. (Gramm.) celui qui s'occupe à rédiger, à réduire sous un moindre volume, à extraire d'un ouvrage les choses essentielles, & à les présenter séparément. Si les livres continuent à se multiplier à l'infini, ce sera un jour une fonction très-nécessaire & très-importante que celle de rédacteur. Le titre d'homme de génie sera si difficile à acquérir, & la rédaction des ouvrages publiés si avantageuse, que la considération publique sera accordée aux sous-rédacteurs, que la foule des esprits se portera de ce côté, & que peut-être les rédacteurs venant à leur tour à surabonder, il faudra des rédacteurs de rédactions.


RÉDACTIONS. f. (Gramm.) c'est l'action de présenter sous une forme plus claire & plus abregée, un ouvrage quelconque. On dit la rédaction des coutumes, la rédaction des ordonnances, la rédaction des historiens, &c.


REDANS(Fortification) c'est dans l'enceinte des places & des retranchemens qui se font en campagne, différentes parties disposées à peu-près en dents de scie, de maniere qu'elles se flanquent ou se défendent réciproquement.

Les redans sont encore dans la fortification passagere ou dans les lignes & les retranchemens, des parties de l'enceinte disposées de façon qu'elles forment une espece de demi-lune, ou d'angle saillant vers la campagne. Voyez LIGNE DE CONTREVALLATION & de CIRCONVALLATION.

Les redans sont composés de deux faces, qui doivent au point où elles se rencontrent, faire un angle d'environ 60 degrés vers la campagne. Ils sont éloignés de 120 toises, qui se comptent de la pointe de l'un à la pointe de l'autre. Ils ont 30 toises de gorge, & leurs faces en ont chacune 25.

Au lieu de redans, on employe quelquefois des bastions dans les lignes ; la défense en est meilleure, mais le travail est plus long, parce que la ligne a alors plus de développement. (Q)


REDARATOR(Mythologie) surnom du dieu qui chez les Romains présidoit à la seconde façon de labour que l'on donnoit aux terres. On peut voir Saumaise sur Solin, pag. 724. (D.J.)


REDDES. f. (Jurisprud.) au parlement de Toulouse est un élargissement accordé aux prisonniers détenus pour assaires légeres, en faveur des fêtes, à la charge par eux de se représenter toutes fois & quantes ils en seront sommés. C'est ainsi que la redde est définie dans les décisions du droit civil de M. de Fromental, procureur du roi au présidial du Puy, au mot prisonniers, pag. 586. col. 2. Cet auteur ajoute que l'usage en est très-ancien dans le royaume, qu'elle se fait aux fêtes de Noël, de Pâques & de Pentecôte, sur quoi il renvoie à Graverol sur la Rocheflavin, au mot emprisonnement, art. 6.

Gabriel Cayton, dans son style du parlement de Toulouse, liv. IV. tit. 13. p. 573. art. des reddes & élargissemens des prisonniers, dit que le parlement de Toulouse ému d'un devoir de charité, suivant l'ordonnance du roi Henri II. de l'an 1549, a accoutumé d'aller trois ou quatre fois l'an par compagnies faisant un corps, même les veilles de Noël, Pâques & Pentecôte, ès prisons de la ville, pour voir & entendre les délits & nécessités des prisonniers, & ordonner leur expédition & délivrance si faire se peut ; que sur les lieux, après avoir entendu les jugemens des reddes précédemment faits, ou le fait sommairement, soit de leur bouche, ou par un avocat ou procureur qui les assiste, ils sont retenus ou élargis pour l'honneur de la fête ou autrement, en baillant caution, ou à la charge de se remettre, la justice inclinant toujours à miséricorde ; qu'avant d'en venir là, les greffier criminel ou garde-sacs, ont accoutumé remettre ès mains de MM. les gens du roi, tant le rôle des prisonniers cohartés de la cause & du fait de leur détention, que les procédures & informations contr'eux faites, afin que la cour sur leur rapport sommaire, en fasse le jugement.

M. de Fromental, loc. cit. dit encore que les officiers du sénéchal & les capitouls de la ville de Toulouse, se rendent la veille des fêtes solemnelles à la grand-chambre du parlement de Toulouse, & y rendent compte au parlement des prisonniers qu'ils ont dans leurs prisons, & de l'état dans lequel sont leurs procédures, & qu'ensuite le parlement se distribue pour aller faire la redde dans toutes les prisons.

Il paroît par ce que disent ces auteurs, que la redde est la même chose que ce qu'on appelle dans les autres parlemens, la séance aux prisons, & que la redde ne differe de cette séance quant à la forme, si ce n'est qu'il n'y a qu'une seule députation pour la séance, au lieu qu'il paroît qu'il y en a plusieurs pour la redde, selon le nombre des prisons.

En d'autres endroits ces sortes de séances aux prisons, s'appellent audience de misericordiâ, de miséricorde ; on en tient une au présidial de Bourg-en-Bresse la samedi-saint dans les prisons ; c'est le lieutenant-général qui y va : il peut y mener des conseillers pour les consulter, mais sans être astraint à suivre leur avis. Il étoit d'usage autrefois que le lieutenant-général élargissoit un prisonnier sans aucune formalité. M. le chancelier d'Aguesseau écrivit à ce sujet à M. du Four, qui étoit alors lieutenant-général de Bourg, pour empêcher cet abus. On prétend que cet usage avoit été établi à l'instar de ce qui se pratiquoit du tems des Juifs. Voyez SEANCE. (A)


REDDITIO(Littérat.) on appelloit ainsi la troisieme partie du sacrifice des Romains, quand on rendoit les entrailles de la victime après les avoir considérées. (D.J.)


REDDITIONS. f. (Gramm.) c'est l'action de rendre. Il ne s'employe guere que dans le commerce & au palais. On dit la reddition d'un compte ; la reddition d'un arrêt.


REDÉBATTREou débattre derechef ; REDÉCLARER, ou déclarer une seconde fois : REDÉCROITRE, ou décroître pour la seconde fois ; REDÉDIER, ou dédier de nouveau ; REDÉFAIRE, ou défaire derechef ; REDÉJEUNER, REDÉLIBERER, REDÉLIVRER, REDEMANDER, REDEMEURER, REDEMOLIR, verbes réduplicatifs. Voyez les verbes simples DEBATTRE, DECLARER, DECROITRE, DEDIER, DEFAIRE, DEJEUNER, DELIBERER, DELIVRER, DEMANDER, DEMOLIR.


RÉDEMPTEURS. m. (Théologie) celui qui rachette, formé du latin redimere, racheter. Ce nom se donne par excellence à Jesus-Christ, qui est mort & a répandu tout son sang pour nous racheter de l'esclavage du péché & de la mort éternelle. Mais dans le style de la loi de Moïse, on le donne aussi à celui qui est en droit de racheter l'héritage ou même la personne de son proche parent, & de les retirer des mains d'un étranger ou d'un autre juif qui les auroit achetés. Dieu avoit ordonné que ni les fonds de terre ni les personnes des Hébreux ne fussent pas vendus pour toujours, & que chacun rentrât dans la possession de ses biens & de sa liberté en l'année sabbatique & en l'année du jubilé ; mais sans attendre ces années, lorsqu'il se trouvoit un parent riche & en état de racheter les biens ou la liberté de son frere, la loi lui en donnoit le pouvoir ; c'est ce qu'on appelloit le droit de rédemption ou de rachat, donnant de même le nom de rédempteur au proche parent qui jouit de ce droit. Il y a sur cette matiere plusieurs détails que l'on peut lire dans les chap. xxv. & xxvij. du Lévitique. On voit aussi la pratique de cette loi dans l'histoire de Ruth, c. ij. v. 20. c. iij. v. 9. & dans Jérémie, c. xxxij. v. 7. & 8.

On appelloit aussi rédempteur du sang, en hébreu goel haddam, celui à qui il appartenoit de poursuivre la vengeance du sang de son parent mis à mort ; comme on voit dans les nombr. c. xxxv. v. 12. 19. 21. & dans le Deuteron. c. xix. v. 6. & 12. Pour éviter les premiers effets du ressentiment de ces vengeurs, ou rédempteurs, Dieu avoit ordonné des villes d'asyle & de refuge dans tous les cantons d'Israël, pour empêcher les meurtres & les excès de violence. Voyez ASYLE & REFUGE. Calmet, dictionn. de la Bible.


RÉDEMPTIONredemptio ; l'action de racheter. Parmi les Chrétiens le mystere de la rédemption est la mort de Jesus-Christ mis en croix, & qui s'est offert à son pere comme victime pour nous, afin de nous délivrer de l'esclavage du péché & du démon, auquel le péché d'Adam nous avoit assujettis. Cette rédemption a non-seulement été suffisante, mais encore surabondante. Dieu nous en applique les mérites par les sacremens, & principalement par le baptême. Elle est offerte à tous, mais tous n'en retirent pas également le fruit. Voyez PREDESTINATION, REPROBATION, VOLONTE EN DIEU.

REDEMPTION, (Théologie) quand on lit avec attention les écrits des Peres, on ne peut douter qu'ils n'ayent cru que l'Etre suprême veut en général le salut de tous les hommes ; qu'il n'y en a aucun qui par la mort de Jesus-Christ ne puisse être reconcilié avec Dieu, & qu'il fait offrir à certaines conditions le salut à tous.

Clément Alexandrin étoit grand universaliste : on trouve à chaque page de ses écrits des traits qui l'indiquent. " Dieu se propose, dit-il in protreptico, p. 72, de sauver le genre humain ; c'est pour cela que ce Dieu tout bon, a envoyé le bon pasteur ". Il dit dans ses stromates, l. VII. p. 702. que Dieu est le sauveur de tous, non de ceux-ci, & point de ceux-là : . Et peu après il ajoute : " comment est-il sauveur & seigneur, s'il n'est pas seigneur & sauveur de tous ?... Jamais donc le sauveur n'a en haine les hommes, lui qui par un effet de sa charité, n'ayant point dédaigné de prendre une chair infirme, est venu en chair pour le salut commun de tous. "

Irénée, liv. V. c. xvij. dit que " dans les derniers tems Notre Seigneur établi médiateur entre Dieu & les hommes, a appaisé pour tous le pere contre qui nous avions péché, ayant réparé notre desobéissance par son obéissance ".

Origene pensoit de la même façon ; il dit, l. I. in Jobum, " que Jesus-Christ étant venu sur la terre, a souffert en son corps pour le salut de tous les hommes ". Il insiste sur cette doctrine en divers en droits. Dans son traité contre Celse, il dit l. IV. p. 135, " qu'il ne tient pas à Jesus-Christ que sa vertu ne se fasse sentir par-tout, puisqu'il est venu pour être le sauveur de tout le genre humain. "

Les docteurs dont nous exposons les sentimens, n'étoient pas moins universalistes sur l'article de l'offre que Dieu fait de sa grace à tous les hommes. Clément d'Alexandrie tient encore ici un rang distingué. Il dit, in protreptico, p. 55. " que comme Dieu aime les hommes, il les appelle tous à la connoissance de la vérité, ayant envoyé le Paraclet. Ecoutez, dit-il, vous qui êtes loin ; écoutez aussi, vous qui êtes près ; la parole n'est cachée à personne ; c'est une lumiere commune ; elle brille pour tous les hommes, &c. "

Origene est dans les mêmes idées, comme on le voit en divers endroits de son traité contre Celse. " Que les savans, dit-il dans cet ouvrage, l. III. p. 116. de la traduction de Bouhereau, que les sages, que les prudens approchent s'ils veulent ; mais que les ignorans, les fous, les étourdis & les simples, ne laissent pas d'approcher hardiment aussi, car notre doctrine promet de guérir ceux qui sont dans ce mauvais état, & de les rendre tous dignes de Dieu. C'est une fausseté d'avancer que les prédicateurs de cette sainte doctrine ne veulent gagner que des personnes sans esprit, sans jugement & sans vertu, des femmes, des enfans & des esclaves. Il est vrai qu'elle invite toutes ces personnes à la suivre, afin de les corriger de leurs défauts ; mais elle y invite aussi ceux qui ont d'autres qualités meilleures ; car Jesus-Christ est le sauveur de tous les hommes, & principalement des fideles, sans avoir égard soit à leur sagesse, soit à leur simplicité ; il est la victime de propitiation offerte au pere pour nos péchés, & non-seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde ".

Les curieux trouveront un grand nombre de passages semblables dans Vossius, hist. Pelag. l. VII. part. I. thesi 2. 3. 4.

Enfin il est constant que la plûpart des Peres ont été universalistes, & S. Augustin paroît avoir embrassé ce sentiment dans son exposition de ces paroles de S. Paul : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. En premier lieu, dit-il, il veut que tous soient sauvés en tant qu'il n'y en a aucun de sauvé que Dieu n'ait dessein de sauver, à peu-près comme l'on dit d'un maître qu'il enseigne telle ou telle science à tout le monde, parce qu'il n'y a personne de ceux qui l'étudient, qui ne l'apprenne de ce maître. En second lieu il veut que tous soient sauvés, c'est-à-dire des personnes de toute nation, de tout sexe, de tout âge, de toute condition. En troisieme lieu, l'apôtre parle d'une volonté de Dieu antécédente & conditionnelle, de la même maniere qu'on peut dire d'un juge, qu'en général il veut la vie de tous les hommes en les considérant exempts de crimes, & par une volonté conséquente, il veut que tel ou tel soit puni de mort, en tant que coupable de meurtre, ou d'autre crime. Voyez PREDESTINATION, Hist. ecclés. (D.J.)

REDEMPTION DES CAPTIFS, ou NOTRE-DAME DE LA MERCY, (Hist. ecclésiast.) ordre militaire, & ensuite religieux, fondé par S. Pierre Nolasque, par S. Raimond de Rochefort, & par Pierre, roi d'Aragon. Les religieux de cet institut, outre les trois voeux ordinaires de la religion, de chasteté, de pauvreté & d'obéissance, en font un quatrieme de s'employer pour la délivrance des esclaves chrétiens, détenus par les Barbares, & même d'entrer en servitude pour la liberté des fideles. Les papes ont approuvé cet ordre, & lui ont accordé divers privileges.


REDEMPTORESS. m. (Hist. rom.) on nommoit ainsi chez les Romains les entrepreneurs pour la construction, ou la réparation des ouvrages publics ; c'étoit avec eux que les censeurs concluoient tous les traités qui concernoient cette partie de la police générale.

Je ne saurois mieux expliquer le mot redemptor, que par les paroles de Festus, qui a écrit : redemptores propriè atque antiquâ consuetudine dicebantur qui, cùm quid publicè faciendum aut praebendum conduxerant, effecerantque, tùm demùm pecunias accipiebant : nam antiquitùs emere pro accipere ponebatur. At ii nunc dicuntur redemptores, qui quid conduxerunt praebendum utendumque. On appelloit proprement, & par une ancienne coutume, redemptores, ceux qui avoient fait marché de faire, ou de fournir quelque chose à la république, & qui après l'avoir fait, recevoient l'argent qui leur avoit été promis ; car anciennement, le mot qui signifie acheter, signifioit prendre ; mais aujourd'hui l'on appelle redemptores, ceux qui ont loué quelque chose pour la relouer & pour s'en servir. Horace emploie toujours ce mot dans le premier sens. Ode 1. liv. III. Ode 11. liv. II. &c. (D.J.)


REDEN(Géog. mod.) par les Polonois Radzimi ; bourg, & anciennement petite ville de la grande Pologne, au Palatinat de Culm, entre Graudentz & Fridek. Après avoir beaucoup souffert dans les guerres, elle fut réduite en cendres par un incendie, en 1575. (D.J.)


REDENSS. m. pl. terme d'Architecture ; ce sont dans la construction d'un mur sur un terrein en pente, plusieurs ressauts qu'on fait d'espace en espace à la retraite, pour la conserver de niveau par intervalle. Ce sont aussi, dans les fondations, diverses retraites causées par l'inégalité de la consistance du terrein, ou par une pente fort sensible. Daviler.


REDENTterme de coupeur de bois ; c'est ainsi qu'on nomme la principale branche de la tige d'un arbre qu'on laisse subsister en coupant toutes les autres.


REDÉPECHERv. act. (Gramm.) ou dépêcher une seconde fois. Voyez DEPECHE & DEPECHER.


REDESCENDREv. act. (Gramm.) descendre une seconde fois, ou plus bas. Voyez DESCENDRE & DESCENTE.


REDEVABLEadj. (Gramm.) réliquataire ou débiteur d'un reliquat de compte. Vous m'êtes redevable de vingt pistoles sur ce marché, & d'autant sur cet autre. Il se dit aussi au moral. Vous lui êtes redevable de votre fortune. Vous êtes redevable à Dieu de vos bonnes actions & de votre salut.


REDEVANCES. f. (Gramm. & Jurisprud.) charge à acquiter annuellement, pour quelque fonds qu'on possede. La redevance est en argent ou en grain, ou en corvées, ou en offices personnels.


REDEVANCIERS. m. (Gramm. & Jurisprud.) vassal ou tenancier d'héritage, sujet à redevance.


REDEVENIRv. act. (Gramm.) recommencer à être ce qu'on étoit auparavant. Voyez DEVENIR. Il est redevenu faux, libertin, méchant.


REDEVIDERou devider derechef. Voyez DEVIDER & DEVIDOIR.


REDHIBITIONS. f. (Jurisprudence) est une action intentée par l'acheteur d'une chose défectueuse pour faire casser la vente, lorsqu'il y a eu du dol & de la mauvaise foi de la part du vendeur, & que la chose vendue se trouve atteinte de quelque vice redhibitoire que le vendeur a caché.

Cette action tire son origine du droit romain, ainsi qu'on le peut voir au digeste, titre aedilitio edicto.

L'acheteur, en concluant à la nullité de la vente, & à ce que le vendeur soit tenu de reprendre la chose qu'il a vendue, demande en même tems la restitution du prix qu'il a payé.

On appelle vices redhibitoires ceux qui sont tels qu'ils rendent la vente nulle ; tels sont la pousse, la morve & la courbature dans la vente des chevaux : dans ce cas, il faut que l'action redhibitoire soit intentée dans les neuf jours.

Il y a pareillement lieu à la redhibition en fait de vente de marchandise vendue par un marchand ou artisan, lorsque la marchandise ne se trouve pas de la qualité requise par les statuts & réglemens de leur communauté ; & dans ce cas, l'action doit être intentée aussitôt que l'acheteur a eu connoissance du vice de la chose vendue ; néanmoins il n'y a point de tems fixe pour cela.

La redhibition peut même avoir lieu dans la vente d'un fonds, lorsqu'il s'y trouve quelque vice qui étoit inconnu à l'acheteur, & qui en rend l'usage inutile, comme s'il exhale de ce fonds des vapeurs contagieuses.

Si la chose vendue ne se trouve pas de la qualité portée par le contrat, c'est encore une cause de redhibition.

Au lieu de l'action redhibitoire l'acheteur peut user d'une autre action appellée actio quanti minoris ; celle-ci ne tend pas à résoudre la vente, mais seulement à obliger le vendeur de faire raison à l'acquéreur de ce qu'il a payé de trop, eu égard aux défauts de la chose vendue, & qu'il auroit probablement payé de moins s'il eût connu ces défauts.

La redhibition ni l'action quanti minoris n'ont pas lieu dans les ventes qui se font par autorité de justice, parce que la justice n'est jamais présumée avoir voulu tromper personne.

Les juges-consuls connoissent de l'action redhibitoire pour marchandises vendues entre marchands. Voyez les lois civiles, liv. I. tit. ij. sect. 11. Loisel institut. liv. I. tit. iv. reg. 17. Basnage, sur l'article 40 de la coutume de Normandie, & ci-devant le mot GARANTIE. (A)


REDHIBITOIREadj. terme de Jurisprudence ; se dit de ce qui tend à la redhibition ou résolution d'une vente à cause de quelque vice que l'on a caché à l'acheteur.

Les vices ou causes redhibitoires sont les défectuosités qui donnent lieu à la redhibition.

L'action redhibitoire est celle que l'acheteur intente contre le vendeur pour parvenir à la redhibition. Voyez ci-devant REDHIBITION. (A)


REDICULI-CAMPUS(Géog. anc.) campagne en Italie, à deux milles de Rome, sur la voie Appienne, selon Pline, liv. X. ch. xliij. c'est dans le même endroit qu'étoit le temple appellé rediculi fanum. Voyez REDICULUS, Ant. rom. (D.J.)


REDICULUSS. m. (Antiq. rom.) nom d'un petit temple qui étoit bâti à 2 milles de Rome dans l'endroit où Annibal avoit posé son camp, & s'étoit ensuite retiré sans rien faire. On se persuada que les dieux, protecteurs de Rome, avoient frappé le général des Carthaginois d'une terreur panique, & l'on éleva cette chapelle en mémoire d'un événement si mémorable.


RÉDIGERv. act. (Gram.) Voyez les articles REDACTEUR & REDACTION.


RÉDIMERv. act. (Gram.) racheter. De rédimer on a fait rédempteur, rédemption. Voyez ces mots. Il a abandonné toute sa fortune pour se rédimer de ce châtiment.


REDIMICULUMS. m. (Littérat.) nom d'une ceinture des dames romaines ; après avoir entouré le col, elle se partageoit sur la poitrine, passoit sur les côtés, & faisoit quelques tours pour attacher la robe fermement à la taille. (D.J.)


REDINGOTES. f. terme de Tailleur ; mot anglois francisé, riding-coat, habit de cheval ; c'est une espece de grand surtout boutonné pardevant avec un collet & des ouvertures derriere & aux côtés. La mode de cet habit, qui est très-propre pour monter à cheval & pour résister aux injures de l'air, subsiste aussi dans ce royaume depuis près de 40 ans.


REDINTUINUM(Géog. anc.) ville de la Germanie. Ptolémée, l. II. ch. xj. la marque entre Marobudum & Nomisterium. Lazius dit que c'est aujourd'hui une ville de Bohème appellée Tein.


REDIREv. act. (Gram.) dire une seconde ou plusieurs fois, ou d'après soi-même, ou d'après un autre. Accordons au-moins au malheureux la consolation de redire leurs peines. Nous n'écoutons souvent que pour redire. On ne trouve rien à redire à vos amusemens, à vos ouvrages, à votre conduite ; ici il est synonyme à reprendre.


REDISTRIBUERv. act. (Gram.) distribuer derechef. Voyez REDISTRIBUTION, DISTRIBUER & DISTRIBUTION.


REDISTRIBUTIONen Jurisprudence, d'instance ou procès, est une nouvelle distribution qui s'en fait à un conseiller, au lieu & place d'un autre, qui avoit été nommé rapporteur.

Ces redistributions ont lieu en plusieurs cas ; savoir, quand le rapporteur est recusé justement, ou qu'il se déporte lui-même du rapport, soit pour prévenir une récusation, ou pour cause de maladie, ou autre empêchement : elles ont aussi lieu lorsque pendant la poursuite du procès le rapporteur se démet de sa charge, ou qu'il vient à décéder.

Pour faire ordonner une redistribution, la partie qui veut aller en avant fait remettre le procès au greffe par le secrétaire de celui qui étoit rapporteur ; il présente ensuite un placet au président, lequel ordonne la redistribution à un autre rapporteur.

Quand la redistribution est faite, le procureur de la partie qui l'a obtenue le fait signifier au procureur de l'autre partie. Voyez DISTRIBUTION, INSTANCE, PROCES, RAPPORTEUR. (A)


REDITES. f. (Gram.) répétition de ce qu'on a dit. C'est un des caracteres de la passion d'user de redites. La musique, à qui les redites sont essentielles, ne devroit mettre en chant que les discours des hommes passionnés. Il faut éviter les redites dans le discours ou écrit ou parlé.


REDNITZ(Géog. mod.) riviere d'Allemagne, en Franconie. Elle a sa source dans l'évêché d'Aichstet, proche de Weissenbourg ; c'est après avoir baigné la ville de Bamberg qu'elle va se perdre dans le Mein.


REDOIELLEvoyez ROITELET.


REDOLDESCou REDOUDESCO, (Géog. mod.) petite ville d'Italie, dans le Mantouan, sur le Tartaro, entre Mariana au nord, & Marcaria vers le midi. (D.J.)


REDON(Géog. mod.) ville de France, dans la basse Bretagne, au diocese de Vannes, sur la Villaine, à 10 lieues au levant de Vannes. Elle doit son origine à une abbaye de l'ordre de S. Benoît, qui y fut fondée sous le regne de Louis le Débonnaire, & elle existe encore. Redon est l'étape de toutes les marchandises qui vont à Rennes, & qu'on y conduit dans des bateaux. Longitude 15. 36. latitude 47. 38.

REDON, terme de Tanneur, est une plante qui se trouve en plusieurs endroits de la France, mais principalement en Gascogne.

Quand cette herbe est seche & reduite en poudre, on s'en sert quelquefois au lieu de tan pour passer les peaux de mouton en basanne ou mesquis.

Les Tanneurs de Gascogne s'en servent aussi pour donner aux cuirs de veau & de vache ce qu'ils appellent la premiere nourriture.

En Russie, où cette plante est très-commune, on l'emploie aussi pour préparer les peaux de vache, appellée communément vaches de Russie.


RÉDONDANCES. f. (Gram. & art orat.) vice ou défaut qui consiste à multiplier mal-à-propos les paroles. Voyez PLEONASME.

Les termes parfaitement synonymes doivent être retranchés d'un discours, si l'on veut y éviter la rédondance qui rend le style foible & languissant.

M. Despréaux a bien dépeint ce défaut, & moins encore pour les mots que pour le fond des choses, dans ces vers.

Un auteur quelquefois trop plein de son objet,

Jamais, sans l'épuiser, n'abandonne un sujet ;

S'il rencontre un palais, il m'en dépeint la face :

Il me promene après de terrasse en terrasse :

Ici s'offre un perron, là regne un corridor,

Là ce balcon s'enferme en un balustre d'or :

Il compte les plafonds, les ronds & les ovales,

Ce ne sont que festons, ce ne sont qu'astragales.

Je saute vingt feuillets pour en trouver la fin,

Et je me sauve à peine au-travers du jardin.

Ce mot rédondance est plus latin que françois ; & nous ne pouvons le rendre en françois que par ceux de superfluité ou abondance stérile.


REDONDANTadj. (Géom.) hyperboles redondantes, le nom que M. Newton a donné dans son enumeratio linearum tertii ordinis à une espece de courbes du troisieme ordre, qui ayant trois asymptotes droites, en ont par conséquent une de plus que l'hyperbole conique ou apollonienne. Voyez COURBE & ASYMPTOTE. (O)


REDONDou ROTONDE, (Géog.) petite île angloise située par les 16 degrés 54 minutes dans la partie septentrionale des îles Antilles entre Nieves & Montserate ; le milieu de cette île est occupé par une grosse montagne ronde en forme de dôme, qui lui a fait donner le nom qu'elle porte ; du reste ce lieu est médiocre, & n'a rien qui le distingue.


REDONDELA(Géog. mod.) petite ville d'Espagne dans la Galice, au fond d'un petit golphe, à 6 lieues de Pontevedra. Il n'y a dans cette ville qu'une paroisse, un couvent de cordeliers, & un de filles. On pêche sur la côte beaucoup d'anchois. Long. 9. 18. latit. 42. 7'. (D.J.)


REDONDO(Géog. mod.) ville de Portugal, dans la province de Béira, à l'embouchure du Mondego, à 6 lieues au sud-ouest de Coimbre. Elle fut fondée l'an 1312. Ses environs sont fertiles en blé & en gibier. Long. 9. 34. latit. 39. 53'.


REDONNÉvoyez REDONNER.

REDONNE AUX CHIENS, terme de Chasse, c'est lorsqu'on a requêté un cerf pour le relancer.

Redonner se dit aussi des oiseaux qui se remettent de nouveau à la poursuite du gibier qui se reguinde en l'air.


REDONNERv. act. (Gram.) donner une seconde fois. Voyez l'article DONNER.


REDORERv. act. (Gramm.) c'est remettre en or ou en dorure. Voyez l'article DORER.


REDORTES. f. (terme de Blason) ce mot se dit d'une branche de frêne & autres arbres, retortillée en anneau les uns sur les autres. Il y a dans le blason des redortes feuillues, & d'autres sans feuilles. (D.J.)


REDOUBLÉadj. en Musique, intervalle redoublé est tout intervalle simple porté à son octave. Ainsi la treizieme composée d'une sixte & de l'octave, est une sixte redoublée, & la quinzieme qui est une octave ajoutée à l'octave, est une octave redoublée ; quand au lieu d'une octave, on en ajoute deux, l'intervalle est triplé ; quadruplé, quand on ajoute trois octaves.

Pour trouver le simple d'un intervalle redoublé quelconque, rejettez sept autant de fois que vous le pourrez, du nom de l'intervalle redoublé, & le reste sera le nom de l'intervalle simple. De treize rejettez sept, il reste six, par conséquent la treizieme est une sixte redoublée. De quinze ôtez deux fois sept ou quatorze, il reste un, par conséquent la quinzieme est un unisson triplé ou une octave redoublée.

Réciproquement pour redoubler un intervalle simple quelconque, ajoutez-y sept, & vous aurez le nom du même intervalle redoublé ; pour tripler un intervalle simple, ajoutez y quatorze, &c. Voyez INTERVALLE.


REDOUBLEMENTS. m. (Gram.) relever avec accroissement. Cette nouvelle lui a donné un redoublement de chagrin, de force, d'espérance, d'appétit. La fievre lui vient par redoublemens. Voyez REDOUBLER.


REDOUBLERv. act. (Gram.) réitérer une chose plusieurs fois : redoubler la menace : redoubler le coup. Il se prend aussi pour signe d'accroissement ; redoubler la garde : redoubler la terreur, redoubler de soins, d'attention. Sa fureur redouble.


REDOUL LE(Botan.) Le redoul nommé par nos botanistes coriaria, est un genre de plante à fleur composée de dix étamines chargées chacune de deux sommets ; elles sortent du fond du calice, lequel est divisé en cinq parties jusqu'à sa base. Lorsque la fleur est passée, le pistil contenu dans un autre calice devient un fruit, qui renferme cinq semences assez semblables en figure à celle d'un rein.

Nous ne connoissons qu'une espece de ce genre dite coriaria ou rhus myrtyfolia, monspeliaca, par C. B. Pin. 414. On l'appelle coriaria ou herbe aux tanneurs, parce qu'elle a le même usage pour apprêter les cuirs, que Théophraste, Dioscoride, Pline & autres auteurs attribuent au sumach, qu'ils ont nommé rhus coriaria ou rhus coriariorum.

Les tanneurs sechent cette herbe, & la font moudre sous une meule posée de champ, qui tourne autour d'un pivot vertical ; cette poudre est un tan bien plus fort que celui de l'écorce de chêne vert ; car quand les tanneurs veulent hâter la préparation des cuirs, ils ne font que mêler le tiers ou le quart de cette poudre au tan ordinaire ; au moyen de ce mêlange, le cuir est plus tôt nourri, mais il en vaut beaucoup moins pour l'usage.

M. Linnaeus a rangé le redoul parmi les plantes qui ont des fleurs mâles sur des piés différens de ceux qui portent les femelles. Il a dix étamines à sa fleur mâle, & la femelle est baccifere ; toutes deux sont sans pétales ; les feuilles sont entieres, lisses, trois ou quatre fois plus grandes que celles du myrte, opposées deux à deux le long des tiges.

La plûpart des modernes qui ont écrit sur cette plante, se sont contentés de dire qu'elle servoit aux tanneurs à nourrir les cuirs, & aux teinturiers à teindre en noir les maroquins ; d'autres l'ont pris pour le rhus obsoniorum, c'est-à-dire, le sumach, avec lequel ils l'ont confondu, trompés par la ressemblance des noms, & le défaut de connoissance de leurs caracteres distinctifs ; d'autres, copistes de Pline, ont avancé que le frutex coriarius ou rhus sauvage à feuilles de myrte, étoit utile en Médecine pour déterger les ulceres, pour résister au venin, & pour guérir les maladies appellées poeliaques.

Après ces éloges, on ne soupçonneroit pas que le redoul fût une plante vénéneuse ; c'est cependant un vrai poison, & un poison singulier par ses effets ; car il cause également l'épilepsie aux hommes qui mangent de ses fruits, & aux animaux qui broutent ses jeunes rejettons. Ce sont des faits intéressans, sur lesquels on doit quelques observations à M. Sauvage de la Croix insérées dans le recueil de l'académie royale des Sciences, année 1739.

Les chevreaux & les agneaux qui ont mangé des rejettons de cette plante, chancellent, tournoyent, & tombent avec des trémoussemens de tout le corps ; ces animaux se relevent ensuite, mais pendant un tems ils portent la tête basse, & donnent étourdiment contre ce qui se présente à leur passage, & restent enfin des heures entieres dans cet état épileptique. Les bergers disent que le redoul enivre seulement ces animaux, & que ce ne sont que les jeunes qui s'y laissent attrapper, les vieux se donnant bien de garde d'y toucher ; ils ajoutent que leur yvresse ne tire pas à conséquence ; mais comme des témoignages de bergers ne sont d'aucun poids, on est venu à des expériences, & l'on a trouvé que les feuilles tendres & nouvelles ne font effectivement qu'enivrer ces animaux, au lieu que les vieilles feuilles & les baies du redoul sont un poison plus violent. M. Linnaeus a remarqué que les jeunes pousses de certaines plantes très-venimeuses étoient sans danger, du moins dans certains pays. Dans la Lapponie suédoise, on mange en salade, sans aucun accident, les jeunes feuilles du napel, ou de l'aconit bleu. En France ne mange-t-on pas les asperges, ou jeunes pousses du clematitis, l'herbe aux gueux, dont les feuilles plus anciennes servent aux mendians à s'exciter des ulceres aux jambes ?

Mais le redoul est-il réellement un poison pour les hommes ; car on sait que ce qui l'est pour les animaux ne l'est pas toujours pour nous ? Je réponds que deux expériences funestes qui coûterent la vie à deux personnes, ont assez prouvé combien cette plante est dangereuse.

A Alais, un enfant âgé de dix ans s'avisa de manger au mois de Septembre de l'année 1732, des baies de cet arbrisseau, trompé peut-être par la ressemblance qu'elles ont avec les mûres de ronces ; étant de retour chez lui, il tomba coup sur coup dans plusieurs attaques d'épilepsie si violentes, que nonobstant tous les secours de l'art, il mourut le lendemain.

L'année suivante à pareille saison, un laboureur âgé de 40 ans avala une vingtaine de baies de redoul, & une demi-heure après il fut saisi d'épilepsie ; on le saigna ; les attaques redoublerent ; on lui donna l'émetique, il vomit une dixaine des baies qu'il avoit mangées, & néanmoins il mourut le soir même.

L'action du redoul est inexplicable ; l'inspection & l'ouverture du cadavre n'en découvrent rien ; le goût, la vue, l'odorat ne rendent le redoul suspect qu'autant que la prudence demande de ne pas manger d'un fruit dont on ignore les vertus ; l'affinité de cette plante avec la casia, l'éphédra, le smylax, le tamnus, le genevrier n'apprend rien de ses qualités. Ses baies qui d'abord paroissent agréables, ne se démentent pas pour être mâchées plus long-tems, comme il arrive aux ricins, à l'aconit, à la dentelaire. L'extrait de leur pulpe est mucilagineux, doux, aigrelet, & se fond à l'air, après avoir été desséché. Les pepins pulvérisés & infusés dans l'eau-de-vie, ensuite passés au travers d'un papier brouillard, ne donnent aucune partie huileuse. Soupçonner dans ce fruit un acide coagulant, seroit un soupçon imaginaire, & même démenti par l'examen ; car le sang des cadavres ne paroit nullement coagulé. Enfin l'analyse chymique du redoul fournit les mêmes principes que ceux des plantes salutaires. Ainsi tenons-nous-en à savoir par le fait, que c'est un poison végétal dont il faut se garder, & qui produit à peu près les mêmes symptomes dans l'homme & dans les animaux qui broutent : ce n'est pas que le redoul ne méritât de nouvelles recherches ; mais personne ne s'occupe des plantes véneneuses. Nous avons quantité d'ouvrages sur les plantes usuelles, où l'on n'a cessé de se copier ; & nous n'en avons pas un sur les plantes nuisibles. (D.J.)


REDOUTABLEadj. (Gram.) qui est à redouter. Il se dit des choses & des personnes. Son nom est redoutable : c'est un guerrier redoutable.


REDOUTES. f. en terme de fortification, est un ouvrage auquel on donne la figure d'un quarré, d'un bastion ou d'une demi-lune. On place les redoutes au pié du glacis, & alors elles s'appellent communément lunettes. Voyez LUNETTE. On en construit aussi dans les environs des places, à la portée du fusil des ouvrages les plus avancés. On choisit pour cela les lieux par où l'ennemi peut s'approcher de la place : les redoutes placées dans ces endroits servent à enfiler les travaux de l'ennemi dans les sieges, & à lui rendre les approches de la place plus difficiles. On employe encore ces ouvrages pour couvrir les écluses & les différens postes qu'on veut conserver dans les environs des places.

Les redoutes doivent être placées de maniere que l'ennemi ne puisse ni les tourner, ni empêcher leur communication avec la ville. On doit observer qu'elles ne puissent pas après avoir été prises, lui servir de rempart contre le feu de la place.

Pour construire une redoute B vis-à-vis une place d'armes rentrante P, Pl. IV. de fortif. fig. 3, on menera par le sommet in de l'angle rentrant de la contrescarpe, & par celui de l'angle saillant de la place d'armes P, une ligne m n qu'on prolongera indéfiniment vers la campagne. On prendra le point n à 20, 30, ou 40 toises de cette place d'armes, suivant qu'on voudra que la redoute soit plus ou moins avancée dans la campagne. On menera par le point n une perpendiculaire à la ligne m n qu'on prolongera de part & d'autre de cette ligne, & sur laquelle on prendra n o & n p de 15 ou 20 toises pour les demi-gorges de l'ouvrage. Par les points o & p, on élevera les perpendiculaires o q, p r, à chacune desquelles on donnera 10 ou 12 toises, elles seront les flancs de la redoute. Des points q & r, pris pour centres & d'un intervalle de 25, 30 ou 35 toises, on décrira deux arcs qui se couperont dans un point s, duquel on tirera les lignes s q, s r, qui seront les faces de la redoute. On donne à cet ouvrage un parapet de 7 ou 8 piés de hauteur, & de 18 d'épaisseur. On lui mene une ou deux banquettes, ensorte que le parapet n'ait que 4 piés & demi d'élevation sur la banquette. Cet ouvrage a un fossé de 8 ou 10 toises parallele à ses faces, lorsqu'il est sec, & de plus parallelement aussi à ses flancs quand il est plein d'eau. Dans le premier cas, il forme une espece de rampe douce des flancs à l'angle flanqué, où il doit avoir 8 ou 9 piés de profondeur. On le dispose ainsi, afin qu'il soit vu du chemin-couvert dans toute son étendue, & que l'ennemi, après s'en être emparé, ne s'y trouve pas à couvert du feu de la place. Les redoutes sont ordinairement entourées d'un chemin-couvert. Lorsqu'il y a plusieurs front de fortification, accompagnés de redoutes au pié du glacis, le chemin-couvert qui les enveloppe, forme un avant chemin-couvert, comme à Landau, Luxembourg & plusieurs autres places. Les redoutes sont de terre ou de maçonnerie. Il y en a de voutées à l'épreuve de la bombe. On les appelle redoute cazemattées. Il y en a à Luxembourg de cette espece : ces redoutes ne peuvent gueres être détruites que par les mines, ce qui est une affaire difficile & de longue discussion.

On communique du chemin-couvert de la place aux redoutes & aux lunettes, par une espece de double chemin-couvert, qui va de l'angle saillant des places d'armes, devant lesquelles ces ouvrages sont construit, à la gorge des mêmes ouvrages. On construit cette communication en menant des paralleles de part & d'autre de la ligne T n, & à la distance de 9 piés. L'élevation de terre qui lui sert de parapet, se perd en glacis, comme celui du chemin-couvert. La communication a une banquette de chaque côté avec des palissades. L'entrée du chemin-couvert est fermée par une traverse T, qui empêche que l'ennemi ne voye dans la place d'armes, après s'être emparé de la redoute. On pratique dans l'épaisseur du parapet de la communication, à côté de la traverse T, un petit passage de part & d'autre, d'environ 2 piés de largeur. La traverse a 4 ou 5 toises de longueur & 3 d'épaisseur. Elle a une banquette du côté intérieur, vers le chemin-couvert de la place. Cette traverse se nomme le tambour. Voyez TAMBOUR. Elle sert encore à flanquer ou à défendre la communication, laquelle a plusieurs tambours ou traverses. Lorsqu'il n'y a point d'avant fossé à la place, outre la communication dont on vient de parler, il y en a ordinairement une autre souterraine, qui est plus sûre que la premiere : lorsque les redoutes sont un peu avancées dans la campagne, elle met en état de les soutenir avec beaucoup d'opiniatreté. Les communications des redoutes de Luxembourg sont de cette maniere.

Il faut observer 1°. que les faces des redoutes ou lunettes doivent être défendues par les branches du chemin-couvert, sur lesquelles tombe leur prolongement ; qu'ainsi l'angle flanqué s de la redoute B ne pourroit être plus avancé dans la campagne, parce qu'alors le prolongement de ses faces pourroit tomber au-delà des angles E & F du chemin-couvert, auquel cas elles ne seroient plus défendues. Les parties E u & t F, sont celles qui défendent la redoute B.

2°. Que l'angle flanqué des redoutes ou des lunettes ne doit jamais avoir moins de soixante degrés. S'il se trouve plus aigu, il faut diminuer les faces & augmenter la gorge de quelques toises, de maniere cependant que la redoute ou lunette se trouve toujours bien flanquée & défendue du chemin-couvert.

3°. Bien prendre garde, dans l'établissement des redoutes, & en général dans la position de tous les ouvrages qu'on construit au-delà du glacis, qu'ils ne puissent pas être pris par leur gorge ou tournés ; c'est-à-dire, que l'ennemi ne puisse pas diriger ou conduire les approches entre cet ouvrage & la place, sans être obligé de l'attaquer en forme ; car autrement la construction en devient totalement inutile pour sa défense. Les redoutes ou lunettes vis-à-vis les places d'armes rentrantes du chemin-couvert ne sont point aussi exposées à cet inconvénient que celles des places d'armes saillantes ; c'est pourquoi elles doivent y être placées préférablement. Elles ont d'ailleurs l'avantage, dans cette premiere position, de pouvoir prendre des revers sur l'ennemi, lorsqu'il veut s'établir sur les angles saillans du glacis, qui sont les premiers objets de son attaque : ce qui le met dans la nécessité de s'emparer de ces ouvrages pour pouvoir avancer ses travaux avec succès.

La construction des redoutes qu'on établit dans la campagne, c'est-à-dire, dans les environs des places, n'est susceptible d'aucune difficulté. On donne au côté des redoutes quarrées, 20 ou 25 toises de longueur ; la gorge de celles qui sont en forme de bastions, a 15 ou 18 toises, les faces 17 ou 20, & les flancs 8 ou 10. On peut augmenter ou diminuer ces mesures, suivant l'usage particulier auquel chaque redoute est destinée, & à la quantité de monde qu'elle doit contenir.

Il est d'usage de relever tous les jours la garde que l'on met dans les redoutes ; mais lorsqu'elles se trouvent trop éloignées de la place, on les construit comme des especes de petits forts particuliers. On les fait entierement de maçonnerie, & on leur donne un ou deux étages, pour y distribuer les logemens nécessaires aux officiers & aux soldats qu'on y met en garnison. On y construit aussi quelquefois, quand le terrein le permet, un soûterrein où l'on pratique un magazin à poudre, & un autre pour les vivres ou munitions de bouche. On peut aussi y construire une cîterne dans laquelle on conduit les eaux de la pluie qui tombent sur la partie supérieure de la redoute, laquelle partie se nomme plate-forme. Cette plateforme a un parapet de maçonnerie percé de tous côtés par des embrasures pour tirer le canon, ou des crenaux pour tirer le fusil. La partie supérieure de ces redoutes saille quelquefois en machicoulis, afin de faire découvrir le pié du mur de la redoute. On les appelle alors redoutes à machicoulis. Voyez MACHICOULIS.

On construit encore des redoutes dans les lignes de circonvallation & de contrevallation, dans les différens postes qu'on veut garder à la guerre, & même quelquefois devant le front des armées en bataille, pour les fortifier, & leur servir d'espece de retranchement. Voyez ORDRE DE BATAILLE. Ces redoutes sont de terre avec un rempart fraizé. Voyez FRAIZES.

On peut encore se servir des redoutes pour former une espece de ligne de circonvallation autour des places, comme M. le maréchal de Saxe l'avoit fait à Maestricht en 1748 ; plusieurs militaires pensent que cette circonvallation formée d'ouvrages ainsi détachés est plus avantageuse que les lignes ordinaires. Nous observerons seulement ici sur ce sujet que les plus fameux capitaines anciens & modernes se sont servi très-avantageusement de ces lignes : qu'on n'a point encore d'exemple à alléguer en faveur des circonvallations formées de redoutes détachées ; & que dans un objet aussi important, l'amour de la nouveauté ne doit point nous porter à changer l'ancienne méthode qu'autant qu'il sera bien prouvé que la nouvelle est plus avantageuse ; & c'est ce qu'on n'a point encore fait. Nous renvoyons pour le détail de cette espece de problème militaire, à notre traité de l'attaque des places, seconde édition, dans lequel nous avons examiné les avantages & les inconvéniens des deux especes de lignes dont il s'agit. (Q)

REDOUTE A CREMAILLERE, c'est une redoute ordinaire dont les faces forment des especes de redans perpendiculaires les uns aux autres de trois piés de côté ou de saillie.

L'objet de ces redans est de défendre toutes les parties de la redoute, c'est-à-dire, les angles qui dans les autres constructions ne sont pas défendues. Ingénieur de campagne par M. de Clairac.

Cette sorte de redoute demande du tems pour être construite solidement : ce qui fait qu'elle ne peut guere s'employer que dans les endroits que l'on peut fortifier à loisir. (Q)

REDOUTE, s. f. (Hist. mod.) en Italien ridotto. C'est un lieu public établi à Venise, où l'on s'assemble pour jouer à des jeux de hasard & sur-tout au pharaon. C'est toujours un noble Vénitien qui tient la banque, & il a à ses côtés deux dames masquées pour l'avertir des fautes d'inadvertence qu'il pourroit commettre à son préjudice. On n'y entre que masqué, & c'est pendant le carnaval que se tient la redoute. Les étrangers se plaignent de ne gagner presque jamais au jeu qui s'y tient.


REDOUTÉ TRES(Hist. de France) titre que l'on a donné à quelques-uns des rois de France. Dans l'ouvrage qui a pour titre le songe du vieil Pélerin, la reine Vérité conseille au jeune roi Charles VI, de ne pas souffrir que dans les lettres qu'on lui adresse, ou dans les requêtes qu'on lui présente, on employe le mot metuendissimo, très-redouté seigneur ; cette offrande, dit-elle, flatteuse & boursouflée de vent, fut premierement offerte à ton grand pere Philippe le Bel. Sans ce passage nous ne saurions peut-être pas en quel tems le titre de très-redouté, est devenu une expression de formule qui n'est pas faite pour les bons princes. (D.J.)


REDRESSEMENT(terme de Maçonnerie) ce terme se dit du travail du maçon pour remettre un plancher ou tout autre ouvrage de niveau.


REDRESSERv. a. (Gram.) remettre droit. Voyez DROIT. On redresse un arbre, une regle, une planche, une aiguille ; il se prend aussi quelquefois au moral, & l'on dit redresser le jugement, la raison, la conduite.

REDRESSER, en terme de Batteur d'or, c'est l'action de rouler une bande d'or en la tirant à deux par chacune de ses extrêmités ; cette opération sert à faire prendre le pli à l'or, & le prépare à recevoir toutes les formes qu'on va lui donner.

REDRESSER, en terme de Cornetier tabletier, c'est l'action d'unir les inégalités extérieures & intérieures d'un cornet, par le moyen du billot à redresser & du mandrin. Voyez ces mots à leur article.

REDRESSER les peaux, (terme de Chamoiseur) qui signifie les faire passer une seconde fois sur le palisson ; c'est la derniere façon qu'on leur donne après qu'elles ont été passées en huile, & après cette façon elles sont en état d'être vendues & employées. Voy. CHAMOIS.

Redresser les Peaux, est aussi un terme de Megissier, qui signifie détirer les peaux avec les mains sur une table pour empêcher qu'il n'y reste aucun pli.

REDRESSER LES GANTS, terme de Gantier ; c'est leur donner leur derniere façon en les détirant avec les mains ; on dit aussi redresser les estavillons, c'est-à-dire ouvrir les gants en large & les étendre en long avec les fuseaux ou bâtons à gants.

REDRESSEUR DE TORTS, ce mot en usage dans les romans des chevaliers errans, étoit pris dans un sens moral & appliqué à ceux qui reparoient les outrages & les violences qu'on faisoit aux personnes. Nous le prenons ici dans un sens physique, pour signifier un chirurgien qui s'applique particulierement à donner aux membres la configuration qu'ils ont perdue par la maladie connue sous le nom de rachitis. J'ai vu un privilégié à Paris, il y a quelques années, qui m'a appellé pour être témoin de plusieurs cures en ce genre. Il faisoit baigner les enfans pendant quelques jours pour assouplir les membres ; il les frottoit ensuite tous les jours avec une pommade dont il faisoit un secret ; elle étoit de couleur verte & son odeur étoit assez forte. Cette composition m'a paru ressembler à l'onguent martiatum, décrit dans toutes les pharmacopées ; après quelques jours de ces embrocations, il mettoit des compresses, des éclisses & des bandages assez serrés pour retablir le membre dans sa rectitude naturelle, j'ai vu des succès de cette méthode, & assez promts. Un enfant de sept à huit ans entr'autres, rachitique depuis l'âge de deux ans, avoit les jambes torses faisant un arc en dedans au point qu'étant debout, comme il pouvoit s'y tenir, il portoit sur la partie moyenne de chaque jambe, elles formoient exactement un X ; au bout de trois semaines les jambes étoient redressées, mais non assez pour pouvoir être abandonnées sans éclisses. Des bains froids étoient très-bien indiqués pour raffermir ensuite les parties rétablies dans leur figure naturelle. (Y)


REDRESSOIRS. m. outil de Potier d'étain ; c'est un morceau de plomb rond de la grosseur d'un oeuf de poule, dans lequel tient par un bout une verge de fer un peu courbe ; il sert à redresser les bosses des pots en l'introduisant & frappant par dedans pour les relever.


RÉDUCTIBLEadj. (Gram.) qui peut être réduit. On dit les chaux métalliques sont réductibles, ou peuvent être ramenées sous la forme métallique par l'addition du phlogistique ; cette équation est réductible. Voyez l'article REDUCTION, (arithmétique & algébre.) Il n'y a point de corps qui ne soit réductible en poudre ; ce legs est réductible, il est plus fort que la loi ne le permet. Voyez TRITURATION, CHAUX METALLIQUE, REDUCTION (Chymie.) Ce syllogisme peut se réduire ou est réductible de cette forme sous cette autre. Voyez REDUCTION, (Logique.)


RÉDUCTIONS. f. (Logique) opinion des anciens sur les réductions.

Pour entendre le galimathias de l'école sur les réductions des syllogismes, il faut se rappeller,

1°. Que les quatre voyelles A E I O, désignent les quatre diverses especes de propositions.

2°. Que la disposition des trois propositions d'un syllogisme, selon leurs quatre différences A E I O, s'appelle mode.

3°. Que par la combinaison l'on peut trouver soixante-quatre modes, mais que si on a égard aux regles générales & particulieres des syllogismes, il n'y a que dix-neuf modes concluans, que les anciens ont exprimés par les vers suivans, je veux dire par les trois voyelles de chaque mot.

Barbara, Celarent, Darii, ferio, Baralip-ton

Celantes, dabitis, fapesmo, friseso-morum

Cesare, Camestres, festino, Baroco, Darapti

Felapton, Disamis, Datisi, Bocardo, ferison.

4°. Que de ces dix-neuf modes, il n'y a que les quatre premiers qui soient parfaits, c'est-à-dire, selon les péripatéticiens, dont la conclusion soit déduite clairement des prémisses. Dans les quinze autres, ou la conclusion n'est pas naturelle & directe, ou du moins on ne saisit pas aisément la conséquence du syllogisme ; delà vient qu'on les a nommés modes imparfaits ou indirects : ils n'ont été admis que pour être transformés en modes parfaits, & cela par des changemens dont la recherche ne suppose pas peut-être moins d'esprit que les plus sublimes démonstrations géométriques. Ils ont appellé réduction la maniere de réduire un mode imparfait au mode parfait : nous allons voir qu'ils admettoient deux sortes de réductions.

Réduction ostensive, lorsqu'un mode imparfait est réduit au mode parfait sans changer ni le moyen terme, ni la conclusion, c'est la réduction ostensive. Les vers mystérieux que j'ai rapportés ci-dessus, sont faits pour nous conduire dans le procedé de la réduction.

Car 1°. chaque mode imparfait commence par la consonne ou B, ou C, ou D, ou f, pour avertir qu'il doit être réduit à celui de ces modes parfaits, Barbara, Celarent, Darii, ferio, qui a la même lettre initiale.

2°. Les Lettres S. P. M. qu'on trouve dans les mots des mêmes vers, désignent les transpositions & les différentes conversions des propositions nécessaires à la réduction : car la lettre S qui suit une proposition marque qu'elle doit être convertie simplement. P demande une conversion par accident. Enfin M désigne la transposition de la proposition après laquelle elle est écrite dans les vers, c'est-à-dire que la mineure doit devenir majeure, & la conclusion doit devenir majeure ou mineure. C'est ainsi qu'ils l'ont exprimé en latin :

S i vult simpliciter verti, P vero per accid.

M vult transponi, C per impossibile duci.

Les derniers mots signifient que les modes où il y a C, se réduisent à l'impossible.

Voici un exemple de la réduction ostensive sur un mode où sont les trois consonnes S, P, M.

Fa Tout animal est vivant,

pesm Nulle pierre n'est animal :

o Donc quelque vivant n'est pas pierre.

Par la lettre initiale f, je suis averti que je dois réduire mon syllogisme au mode ferio.

A P, désigne la conversion par accident de la majeure.

E S, dénote la conversion simple de la mineure.

Enfin M qui suit, m'avertit de transposer cette mineure & d'en faire la majeure de mon nouveau syllogisme que voici :

Fe Aucun animal n'est pierre,

ri Quelque vivant est animal :

o Donc quelque vivant n'est pas pierre,

Réduction à l'impossible. La réduction à l'impossible consiste à forcer quelqu'un d'admettre quelque chose de contraire aux prémisses accordées d'un syllogisme en forme dont il a nié la conclusion : cela se fait par le moyen d'un nouveau syllogisme, qui contient une proposition contradictoire à la conclusion niée du premier syllogisme, avec une des prémisses déja accordée dans le même syllogisme. Par exemple, si l'on m'avoit accordé les deux prémisses du syllogisme suivant, & que l'on m'en eût nié la conclusion.

Bo Quelque animal n'est pas raisonnable,

car Tout animal est substance :

do Donc quelque substance n'est pas raisonnable ;

Pour lors prenant la contradictoire de la conclusion avec une des prémisses, j'aurois ce nouveau syllogisme :

Toute substance est raisonnable,

Tout animal est substance :

Donc tout animal est raisonnable.

Par ce moyen mon adversaire seroit fort embarrassé ; car la conséquence de ce dernier syllogisme est si claire, qu'on ne peut pas la nier. Il ne pourroit pas non plus nier la majeure, puisque c'est la contradictoire de la conclusion qu'il m'auroit niée dans le premier syllogisme. Enfin la mineure est une des prémisses qu'il m'auroit accordée dans le même syllogisme.

Pour montrer à quel mode parfait on doit réduire chaque mode imparfait, les péripatéticiens ont inventé le vers suivant :

Phoebifer axis obit terras sphaetamque quotannis.

dont ils décomposent les parties, en écrivant une syllabe sur chaque mode imparfait, depuis baralipton,

Phae bi

jusqu'à ferison, de cette façon : Baralipton, Celantes

fer axis

Dabitis, fapesmo &c. Puis ils remarquent les quatre voyelles A, E, I, O. Les modes imparfaits qui sont écrits sous A, se réduisent à Barbara ; ceux qui sont sous E, à celarent ; les modes qui sont sous I, à Darii ; enfin ceux qui se trouvent sous O, se réduisent à ferio.

La doctrine de la réduction à l'impossible, suppose que nous sachions au juste quelle prémisse il faut changer. Les mêmes philosophes y ont pourvu, ils nous en instruisent par les vers suivans :

Major sit minor, & sit contradictio major

Dempto celantes in quo convertitur ordo.

Servat majorem, variatque secunda minorem

Tertia majorem variat servatque minorem.

Cela signifie que dans les modes de la premiere & troisieme figure, on fait la mineure de la majeure, à laquelle on substitue la contradictoire de la conclusion.

Au contraire dans le mode celantes, ou dans les modes de la seconde figure, on conserve la majeure & on change la mineure, à laquelle on substitue la contradictoire de la conclusion.

REDUCTION, s. f. terme d'Arithmétique ; se dit des nombres, des poids, mesures, monnoies, &c. lorsqu'on veut savoir le rapport qu'elles ont les unes aux autres ; ainsi l'on dit, faire la réduction des nombres entiers en fractions, & des fractions en nombres entiers ; faire la réduction des poids étrangers en poids de France, & des poids de France en poids étrangers ; il en est de même des mesures, des monnoies, &c. Voyez MESURE, MONNOIE.

La réduction est de deux especes, 1°. descendante : quand on réduit une grande quantité en une moindre ; elle se fait en considérant combien la plus grande contient des parties de la moindre, & en multipliant la premiere par le nombre de ces parties. Voyez MULTIPLICATION.

On réduit la livre monnoie en sols, en la multipliant par 20 ; les sols en deniers, en les multipliant par 12. Voyez LIVRE.

La livre de poids se réduit en onces, en la multipliant par 16 ; les onces en gros, en les multipliant par 8, &c. Voyez LIVRE, ONCE, &c.

La réduction ascendante, est celle par laquelle on réduit une espece de moindre valeur en une autre de valeur plus grande.

Elle se fait en divisant la plus petite espece par le nombre des parties de cette espece que contient la plus grande ; ainsi 24720 sols, divisés par 20, donnent 1236 liv. Voyez DIVISION.

Pour faciliter cette pratique, on a imaginé plusieurs manieres d'abréger les réductions. Voyez PRATIQUE.

On réduit, par exemple, les verges en aunes, en retranchant 1/5, & en aunes de Flandres en y ajoutant 1/5. On réduit l'aune de Flandres en verge en retranchant 1/4, &c.

La réduction des équations en algebre, consiste à débarrasser les équations de toutes les quantités superflues, à les réduire aux expressions les plus simples, à séparer les quantités connues des inconnues, jusqu'à-ce que celles-ci se trouvent seules dans un membre de l'équation, & les autres dans l'autre. Voyez EQUATION.

La réduction d'une équation est la derniere partie de la résolution d'un problème. Voyez RESOLUTION & PROBLEME.

La fin de toutes les opérations algébriques, est que l'inconnue demeure seule dans l'un des membres de l'équation, & qu'il n'y ait que des grandeurs connues dans l'autre, sans le mêlange d'aucune inconnue ; car il est évident qu'on aura par-là la valeur de la quantité inconnue.

Cette réduction se fait par l'addition, la soustraction, la multiplication, la division, l'extraction des racines, & en élevant une puissance à un plus haut degré ; ensorte que l'égalité subsiste toujours. Ces opérations suffisent pour la réduction des équations simples ; mais les équations d'un plus haut degré demandent des procédés plus composés.

Il paroît par la formation des puissances, qu'en élevant une inconnue à sa plus haute puissance, elle se trouve mêlée autant de fois avec des quantités connues, que sa puissance a de degrés, ce qui la rend beaucoup plus difficile à dégager. Voyez RACINE & EQUATION.

La réduction d'une figure, d'un dessein, &c. consiste à en faire une copie plus petite que l'original, en conservant toujours sa forme & sa proportion.

Le principal usage du compas de proportion, c'est la réduction des figures, ce qui lui a fait aussi donner le nom de compas de réduction. Voyez COMPAS.

Il y a plusieurs méthodes de réduire les figures ; la plus aisée est de se servir du pantographe, mais cette méthode a des défauts. Voyez PANTOGRAPHE. Voici celles dont on se sert pour l'ordinaire.

Pour réduire une figure A B C D E, Pl. géometr. fig. 64. n °. 2. e figure semblable de moindre étendue ; d'un point pris vers le milieu de la figure, par exemple en z, tirez des lignes à tous ses angles A, B, C, menez la ligne a b parallele à A B, b c, parallele à B C, & vous aurez la figure a b c d e, semblable à A B C D E.

Supposez que l'on veuille augmenter la figure a b c d e, il ne faut que prolonger les lignes au-delà des angles, comme z D, z C, &c. & mener les lignes D C, D B paralleles aux côtés d c, d b, &c.

Réduire une figure en proportion donnée ; supposez que l'on veuille diminuer la figure A B C D E, fig. 65. suivant le rapport de a b, fig. 66, à la ligne A B ; menez la ligne indéfinie G H, fig. 67 ; prenez sur cette ligne G H = A B ; du point G comme centre, décrivez l'arc H I. Portez a b sur l'arc H I, afin qu'elle en devienne une corde, & tirez G I ; vous aurez par le moyen de l'angle I G H toutes les mesures de la figure que vous voulez réduire. Ainsi pour avoir le point c, portez B C, prenez de G en K ; du centre G décrivez l'arc K L, & prenez b c égale à la corde K L & l'angle a b c = A B C.

On décrira de même tous les autres côtés & tous les autres angles de la figure. Cette méthode peut aussi servir à augmenter une figure.

Maniere de réduire une figure par le moyen de l'échelle : mesurez tous les côtés de la figure A B C D E avec une échelle, & servez-vous d'une échelle plus petite pour y prendre ces mêmes mesures, suivant la proportion requise. Voyez ECHELLE.

Réduire une carte, un dessein, une figure par le moyen des carreaux ; divisez l'original aussi-bien que le papier sur lequel vous voulez le copier en un nombre égal de carreaux, en observant de faire ceux du papier plus grands ou plus petits, suivant qu'on voudra la copie plus ou moins grande.

Il ne reste plus qu'à dessiner dans chaque carré de la seconde figure, ce qui se trouve enfermé dans le carré correspondant de la premiere. Voyez CHASSIS, L'ECHELLE DE REDUCTION.

L'échelle de réduction, est un morceau de buis large & mince, sur lequel sont marquées différentes lignes ou échelles de parties égales, qui servent à transformer les longueurs mesurées en parties plus petites.

Cet instrument est utile aux Arpenteurs, pour réduire des cartes ou plans d'une dimension dans une autre ; on le nomme quelquefois échelle d'arpenteur. Voyez ECHELLE. Chambers. (E)

REDUCTION A L'ECLIPTIQUE, en Astronomie ; c'est la différence entre l'argument de latitude, tel que N P, fig. 26. Pl. astronom. & un arc N R de l'écliptique, intercepté entre le lieu d'une planete dans l'écliptique, & le noeud N. Voyez ECLIPTIQUE & LIEU.

Pour trouver cette réduction, l'angle d'inclinaison P N R & l'argument de la latitude N P étant donnés, il n'y a qu'à déterminer l'arc N R, par la trigonométrie sphérique, soustraire N R de N P & le reste sera la réduction.

REDUCTION, (Chymie) opération de chymie par le moyen de laquelle les corps métalliques, les demi-métalliques, & les autres mines réduites en cendres, en chaux, en crocus, & même en verre, reprennent leur premiere composition, leur premiere forme, & leur premiere propriété.

Cette opération se fait de deux manieres générales, c'est-à-dire en redonnant à un corps le principe sulphureux ou inflammable qu'on lui a enlevé, ou en lui ôtant les parties salines, & les autres particules étrangeres qui lui sont adhérentes. Dans le premier cas, on se sert d'ingrédiens remplis de principes inflammables ; par exemple, des sucs des animaux, d'huiles onctueuses, de la poix, du suif, des charbons, &c. & même quelquefois se sert-on du soufre commun minéral pour la réduction du régule d'antimoine ; dans le second cas, on se sert d'ingrédiens salins alkalis, tels que le sel de tartre, les cendres gravelées, le flux noir, &c. Nous devons cependant observer qu'il y a très-souvent des réductions qui ne se font qu'en redonnant au corps le principe dont il a été dépouillé, & en le débarrassant des parties hétérogènes qui y sont adhérentes ; elles ont par conséquent besoin d'un ingrédient, tant inflammable, que salin alkali.

Outre les ingrediens dont nous venons de parler, il faut aussi pour achever la réduction, que les matieres soient fondues jusqu'à être liquides, afin qu'on puisse en ôter plus facilement & plus exactement les parties hétérogènes ; que le principe inflammable qui doit en rétablir la composition puisse y rentrer, & que les cendres, les crocus & les chaux puissent pendant leur fusion, recouvrer leur premiere forme, & leur consistance métallique ou demi-métallique. (D.J.)

REDUCTION, terme de Chirurgie, opération par laquelle on remet & on réduit en leur place les parties qui en sont sorties.

Ce terme est applicable à plusieurs maladies chirurgicales. Dans les luxations, l'indication curative est de remettre la tête des os dans les cavités d'où elles sont sorties. On remédie dans les fractures à la solution de continuité, en mettant les pieces d'os à leur niveau naturel. On replace les parties molles qui font une tumeur dans les hernies ; on repousse dans leur lieu naturel, le vagin, la matrice, l'anus, descendus ou renversés.

Les préceptes généraux sur la méthode de réduire les luxations & les fractures sont exposés aux mots LUXATION & FRACTURE. La réduction des hernies peut se faire avec la main sans le secours de l'incision, par l'opération du taxis. Voyez HERNIE & TAXIS.

Pour parvenir à la réduction des hernies, il faut mettre le malade en situation convenable, couché sur le dos, les cuisses & les jambes fléchies ; le bassin & la poitrine élevés, pour que les muscles du bas-ventre ne soient point tendus. On met un coussin sous la tête, pour qu'elle soit fléchie sur la poitrine, afin de relâcher les muscles sterno-mastoïdiens. Si la tête étoit renversée, ou seulement à-plat, le moindre effort que feroit le malade pour la relever, occasionneroit la contraction des muscles droits du bas-ventre, parce qu'alors ces muscles seroient obligés d'agir pour fixer la poitrine, & donner un point d'appui solide aux muscles sterno-mastoïdiens, par la contraction desquels la tête seroit relevée.

Le malade placé, comme on vient de le dire, doit éviter tout effort capable de pousser les intestins du côté de la hernie. Le chirurgien embrasse la tumeur à sa racine, & le plus près de l'anneau qu'il lui est possible ; il la manie doucement, tâche d'amollir & d'étendre les matieres contenues dans la portion d'intestin. Il est bien de tirer un peu à soi, si cela se peut sans effort, pour faire sortir doucement une plus grande portion d'intestin dans le sac herniaire. On a dû souvent le succès de la réduction à cette tentative, parce que les matieres étendues dans un plus grand espace, ont fait moins de violence. On parvient quelquefois à réduire une partie de l'intestin, sans pouvoir réussir à une réduction entiere. C'est sur-tout ici le cas de retirer un peu à soi l'intestin, & de le comprimer mollement & latéralement : par ce moyen on allonge l'anse que l'intestin forme dans le sac herniaire, & l'on fait refluer les matieres vers le ventre. Le poids du paquet intestinal peut beaucoup contribuer à tirer dans le ventre les parties qui en sont sorties. Dans cette vûe, on fait quelquefois coucher le malade, avec succès, du côté opposé à la hernie ; & j'ai vu des hernies dont les symptomes fâcheux ne paroissoient laisser d'autre ressource que celle de l'opération, se réduire d'elles-mêmes, en soutenant les malades la tête en-bas, & les piés en-haut.

Il y a des précautions à prendre dans les diverses tentatives qu'on fait pour obtenir la réduction des hernies ; & ces précautions sont relatives à la structure des parties qui donnent passage à celles qui sont déplacées. Dans la hernie inguinale, on doit diriger les parties vers la crète de l'os des îles ; parce que l'anneau du muscle oblique externe, entre les piliers duquel passent l'intestin & l'épiploon, ensemble ou séparément, étant formé par l'écartement des fibres aponévrotiques de ce muscle, les parties ont suivi cette obliquité dans leur issue ; & on les fatigueroit inutilement en voulant les réduire sans être toujours attentif à cette direction. Dans la hernie crurale, il faut faire lever le genou du côté de la hernie, pour relâcher le ligament de Falloppe, sous lequel passent les parties, & on les repousse vers l'ombilic. Dans l'exomphale, le malade doit avoir les fesses & la poitrine fort élevées, & on dirige les mouvemens de la main de façon à faire rentrer les parties perpendiculairement.

On s'apperçoit de la réduction de l'intestin par un gargouillement assez sensible, à l'instant que la tumeur diminue de volume. Il n'en est pas de même de l'épiploon, qui ne rentre que peu-à-peu & sans aucun bruit. Sa tuméfaction considérable, & les adhérences qu'il a contractées avec le sac herniaire, sont des obstacles à sa réduction ; ce qui a lieu sur-tout dans les anciennes hernies.

Lorsque la réduction des parties est faite, il faut que l'application d'un bandage convenable les contienne, & s'oppose à leur issue. Voyez BRAYER. On doit le porter continuellement, parce que si on laisse retomber les parties dans le sac herniaire, ne fût-ce qu'une seule fois, cela suffit pour retarder de beaucoup la guérison radicale qu'on peut espérer d'obtenir, sur-tout dans la jeunesse, en continuant assez long-tems l'usage du brayer.

On ne doit point appliquer le bandage contentif que la hernie ne soit bien réduite. Cependant cette regle générale souffre une exception à l'égard des hernies épiploïques, qu'il n'est pas toujours possible de réduire parfaitement, par les raisons que nous avons exposées. On ne laisse pas de se servir avec succès d'un brayer, dont la pelote creuse, faite en cuilliere, & moulée sur la figure de la tumeur, comprimera mollement l'épiploon. Ce brayer empêchera qu'il ne sorte davantage, & occasionnera peu-à-peu sa flétrissure, en affaissant les cellules graisseuses les unes sur les autres, & empêchant le suc huileux qui s'y figeoit, d'y pénétrer. Cette méthode n'a point lieu, faute de point d'appui, pour une hernie où l'épiploon seroit tombé dans le scrotum.

Lorsque la hernie est réduite, si les signes d'étranglement qui n'auroient pas encore paru venoient à se manifester, on y remédieroit suivant l'exigence du cas. Voyez HERNIE.

Les tentatives pour la réduction des hernies, doivent souvent être précédées de saignées, de lavemens & de fomentations émollientes, de l'application des cataplasmes de même vertu, afin de relâcher les parties enflammées. Voyez ÉTRANGLEMENT.

La réduction de l'anus, du vagin & de la matrice, a été décrite aux mots CHUTE DE L'ANUS, &c. (Y)

REDUCTIONS, s. f. terme de relation, on appelle dans les Indes occidentales réductions, les peuplades indiennes gouvernées par les Jésuites. Ces réductions sont en grand nombre dans le Paraguay. (D.J.)


RÉDUIREv. act. (Gram.) on dit réduire un métal en chaux, en grenaille ; reduire de la cire en masse, l'or ou l'argent en lingots, le plomb en saumons, le cuivre en mattes, le mercure en vapeurs, le bois en poudre, le charbon en cendres ; & c'est altérer la nature ou la forme. On dit réduire une décoction à la moitié ; & c'est la diminuer. Réduire une équation ; & c'est la mettre sous une forme plus commode pour l'usage qu'on s'en propose. Réduire un peuple rebelle ; & c'est l'assujettir à son obéissance. Réduire à la mendicité, à l'hôpital, aux dernieres extrêmités ; & c'est causer tous ces maux. Réduire son discours à certains chefs marqués ; & c'est en faire l'objet principal. Réduire les compagnies à un moindre nombre d'hommes ; & c'est en retrancher une partie. Réduire à prononcer entre les dieux & vous ; & c'est contraindre. Réduire un dessein, un tableau &c. c'est le rendre en plus petit, ou en plus grand. Réduire des fractions en entiers, ou des entiers en fractions, voyez l'article REDUIRE, Arithmétique. Réduire en art, c'est donner les regles, les lier, & les diriger à un but.

REDUIRE un cheval, (Maréchallerie) ou le dompter ; c'est l'obliger à quitter son humeur sauvage & ses fantaisies, ou ses vices. On réduit mieux & plus aisément un cheval par la douceur, que par la violence.


RÉDUITS. m. (Archit.) c'est un petit lieu retranché d'un grand, pour le proportionner, ou pour quelque autre commodité, comme les petits cabinets à côté des cheminées & des alcoves. Daviler.

REDUIT, en terme de Fortification, est une espece de petite demi-lune, construite dans la demi lune ordinaire. C'est proprement un corps-de-garde retranché, dont les murailles ont des creneaux. L'usage du réduit est de donner une retraite sûre aux soldats lorsqu'ils se trouvent obligés d'abandonner la demi-lune, ou qu'ils ne peuvent plus y soutenir l'assaut. Etant retirés dans le réduit, ils causent beaucoup d'obstacles aux logemens que l'ennemi veut faire dans la demi-lune qu'ils viennent d'abandonner.

Il y a des places, telles que Landau, le neuf-Brissac, &c. dans lesquelles les réduits ont un rempart & un parapet comme la demi-lune.

Réduit est encore, en terme de Fortification, un bastion dont on fortifie la gorge du côté de la place, & qui a le même usage que la citadelle ; ou en général un espace fortifié, tant contre la ville, que contre la campagne. Lorsque les villes sont fort grandes & fort peuplées, le réduit occupe la partie de la ville opposée à la citadelle. Le terrein de la campagne, opposé au réduit, doit être exactement fortifié, parce qu'autrement l'ennemi pourroit attaquer d'abord le réduit, & se rendre maître ensuite de la ville, laquelle n'est point fortifiée contre cet ouvrage. On trouve des réduits à Strasbourg, à Lille, &c. ils ont une espece de garnison particuliere, avec un commandant, des bâtimens nécessaires pour la garnison, & des magasins de guerre & de bouche, &c. Lorsque la ville n'est pas assez grande pour qu'on y construise une citadelle, on se contente d'y faire un réduit, qui a le même usage. C'est ainsi qu'on en a usé à Landau. Voyez CITADELLE.


RÉDUPLICATIFadj. (Gram.) il se dit des noms, des verbes, en général des mots qui marquent la réitération d'une action ; par exemple, redire, recommencer, redoubler.


RÉDUPLICATIONen Logique, est une condition ou restriction exprimée dans une proposition qui indique & assigne la maniere dans laquelle un attribut est énoncé de son sujet. Les mots qui servent à la réduplication, sont, comme, considéré, en tant que, &c. De-là les propositions réduplicatives sont celles dans lesquelles le sujet est répété avec la même circonstance ou condition ; par exemple, l'homme, comme homme, est raisonnable. Les rois, en tant que rois, ne dépendent que de Dieu.

REDUPLICATION, s. f. (Art oratoire) figure de rhétorique, par laquelle un membre de phrase commence par le même mot qui termine le membre précédent ; comme, vivit, & vivit non ad deponendam, sed ad confirmandam audaciam. La réduplication est encore censée avoir lieu quand le même terme est répété par énergie, quoique les deux mêmes mots ne soient pas immédiatement proches l'un de l'autre, comme dans ce beau distique qui sert d'inscription à l'arsenal de Paris.

Aetna haec Henrico vulcania tela ministrat,

Tela giganteos debellatura furores.

Voyez ANADIPLOSE & REPETITION.


RÉÉDIFIERv. a. édifier derechef. Voyez ÉDIFICATION & ÉDIFIER.


RÉELadj. (Gram.) qui est en effet. Il s'oppose en ce sens, à apparent. Pourquoi tromper les hommes par des démonstrations, quand on ne peut, ni veut les servir réellement ? Voyez l'article REALITE.

REEL, droit, (Jurisp.) voyez au mot DROIT, l'article DROIT REEL.


RÉELLEMENT(Jurisp.) se dit quelquefois de ce qui se fait effectivement, à la différence de certaines opérations qui ne sont que fictives & simulées ; comme quand on offre réellement une somme à deniers découverts, à la différence des offres qui ne sont que labiales.

Quelquefois réellement signifie corporellement, comme prendre réellement possession d'une chose ou d'un héritage.

Saisir réellement un immeuble, c'est en saisir le fonds ; à la différence des saisies mobiliaires qui ne tendent qu'à arrêter les revenus. Voyez OFFRES REELLES, POSSESSION, SAISIE REELLE. (A)


RÉERterme de Chasse, c'est le cri ou le beuglement d'un cerf, d'un daim & d'un chevreuil quand ils sont en rut. On dit aussi, les chevreuils réent presque toujours quand ils entrent en amour.


RÉES(Géog. mod.) ville d'Allemagne, au cercle de Westphalie, dans le duché de Cleves, sur la droite du Rhin, entre Wesel & Emmerick. Elle appartient au roi de Prusse, & elle est défendue par un fort, bâti en-deçà du Rhin. Les Espagnols la prirent en 1598, & les états des Provinces-unies la leur enleverent en 1614. Long. 24. 5. lat. 51. 43. (D.J.)


RÉFACTIONS. f. terme de Douanne & de Commerce, il signifie la remise que les commis des bureaux d'entrée & de sortie sont tenus de faire aux marchands, de l'excédent de poids que certaines marchandises peuvent avoir lorsqu'elles ont été mouillées, au-dessus de celui qu'elles auroient naturellement si elles étoient seches ; telles que sont les laines, les cotons, les chanvres, les lins & autres marchandises de pareille espece. Suivant le réglement de 1723, cette réfaction ne s'accorde que quand le poids de marchandises est augmenté de cinq pour 100, & au-dessus. Diction. de Comm. de Trévoux, & de Chambers.


REFAIREv. act. (Gramm.) c'est faire une seconde fois. Refaire un ouvrage, un mur, un discours, une remontrance ; c'est aussi rétablir, comme dans se refaire ; refaire sa santé ; renfler, donner une premiere cuisson, comme dans refaire une volaille sur le gril ; recommencer une partie, comme au piquet à écrire, lorsque les deux joueurs font un même nombre de points ; on dit c'est un refait.


REFAITparticipe. Voyez le verbe REFAIRE.

REFAIT, (Maréchal.) un cheval refait, est un mauvais cheval, ou un cheval maigre & usé, qu'un maquignon a raccommodé pour le vendre.

REFAIT, terme de Chasse, se dit d'un cerf ou de son bois qui se renouvelle ; on dit le cerf a déja du refait.


REFAUCHERv. act. (Gram.) faucher pour la seconde ou troisieme fois. Voyez FAUCHER.


REFES. f. (Commerce) mesure des longueurs, dont on se sert à Madagascar ; c'est environ ce qu'on appelle une brasse en Europe. On mesure à la refe les pagnes, les cordes & autres choses semblables, qui entrent dans le commerce par échange, que font ensemble ces insulaires. Ils se servent aussi de la demi-refe, c'est-à-dire de l'ouverture de la main depuis l'extrêmité du pouce jusqu'au bout du petit doigt, ce qui fait l'empan, qu'en leur langue ils nomment une main. Diction. de comm. & de Trév.


RÉFECTIONS. f. dans l'économie animale, espece de réparation subite des forces, qui se fait aussitôt qu'on a pris des alimens.

L'homme le plus affamé n'a qu'à prendre un bon consommé, ou une rotie au vin, il se sentira un peu refait pour le moment, & comme fortifié avant que d'avoir rien avalé. La connoissance de l'économie animale en donne la raison ; il y a sur la langue, comme par tout le corps, des veines absorbantes qui sucent, ou pompent, ou aspirent les parties les plus mobiles & les plus nourrissantes des alimens qu'on mâche pour les porter au coeur par les jugulaires. Gonflez d'air la langue après l'avoir laissée long-tems se macérer dans l'eau, vous verrez l'air poussé par ses plus petits pores ; cette expérience réussit encore mieux dans le ventricule, & démontre assez la vérité de ce que je dis pour ne pas citer ces plantes, & autres matieres, qui comme l'achemella ou bidens sec, le suc d'orge, de réglisse, la pâte de guimauve, le sucre, le cachou même qui se fondent totalement dans la bouche, sans laisser de sédiment, ou du-moins que très-peu ; nouvelle preuve des vaisseaux absorbans.

REFECTION, (Jurisprud.) en matiere de visites de bâtimens & autres ouvrages, signifie reconstruction. Voyez BATIMENT, REPARATIONS, EXPERT, VISITE. (A)


RÉFECTOIRES. m. (Architect.) grande salle où l'on mange en communauté. Celui des peres bénédictins de S. Georges major à Venise, est un des plus beaux qu'il y ait, & celui de l'abbaye de S. Denis en France, est un des plus hardis pour la construction. Daviler. (D.J.)


REFENDS. m. (Menuiserie) morceau de bois, ou tringle ôtée d'une planche ou d'un ais trop large.

REFENDS, s. m. pl. (Architect.) ce sont les entredeux des pierres de taille, qui sont aux encoignures des murs, & autres endroits d'un bâtiment. Daviler. (D.J.)


REFENDREv. act. (Archit.) refendre, en Charpenterie, c'est débiter de grosses pieces de bois avec la scie, pour en faire des solives, chevrons, membrures, planches, &c. ce qui s'appelle encore scier de long.

Cela se pratique aussi en Menuiserie ; ainsi les Menuisiers nomment refend un morceau de bois, ou une tringle ôtée d'un ais trop large.

Refendre, en Serrurerie, c'est couper le fer à chaud, sur la longueur, avec la tranche & la masse.

Refendre, en couverture, c'est diviser l'ardoise par feuillets avant que de l'équarrir.

Enfin refendre, en terme de paveur, c'est partager de gros pavés en deux, pour en faire du pavé fendu, pour les cours, écuries, &c. Diction. d'archit. (D.J.)

REFENDRE, en terme de Cardier, c'est l'action de démêler pour-ainsi-dire les pointes en passant une fendoire (voyez FENDOIRE) de rangs en rangs ; cette opération a de plus l'avantage de redresser les rangées, & de rendre les pointes d'égale distance entr'elles.

REFENDRE, (Jardinage) on dit refendre un oeillet. Voyez AJUSTER.

REFENDRE, en terme de Metteur en oeuvre, c'est ouvrir l'espace dans lequel doit entrer une autre piece, comme par exemple, les corps de bague sont refendus en haut pour y loger des rouleaux d'or ou d'argent, ou des feuillages.


REFENTES. f. (Jurisprud.) dans la coutume de Touraine, est une réformation que les puînés peuvent faire du partage qui leur est offert par l'aîné. Celui-ci doit avoir les deux tiers, & les deux puînés l'autre. Si les puînés ne sont pas contens de la tierce partie qu'il leur a assignée par le partage ; l'article 273 porte, qu'ils sont tenus de faire deux portions des deux tiers retenus par l'aîné, hormis le droit d'aînesse, desquelles portions l'aîné en prendra une avec la tierce partie qu'il avoit présentée aux puînés, & l'autre portion demeurera aux puînés. Cette division que les puînés font des deux tiers que l'aîné avoit retenus pour lui, est ce que l'on appelle faire la refente du partage. Le terme de fente en Anjou & Touraine signifie partage, & refente signifie subdivision d'un lot en deux. Voyez la coutume de Touraine. (A)


REFERÉS. m. (Jurisprud.) terme de pratique, tiré du latin referre, qui signifie rapporter ; on appelle referé le rapport qui est fait au juge, en son hôtel, de certaines difficultés qui surviennent dans le cours des actes de justice, comme dans les appositions de scellé, confection d'inventaire, procès-verbaux de saisie, & exécution ; l'officier qui est arrêté par quelque opposition ou autre difficulté sur laquelle il ne se croit pas autorisé à passer outre, ordonne qu'il en sera referé, & en conséquence on assigne les parties à comparoir à bref délai en l'hôtel du juge, lequel rend son ordonnance sur la difficulté qui a donné lieu au referé. (A)


REFERENDAIRES(Jurisprud.) sont des officiers de chancellerie lesquels y font le rapport des lettres qui sont de leur ministere.

Dans la chancellerie de Rome il y a des referendaires qui ont part à l'expédition des lettres pour les bénéfices.

En France, sous la premiere race de nos rois, on donnoit quelquefois le titre de referendaire à celui qui étoit dépositaire du sceau du roi, dont il scelloit les lettres.

On a depuis donné le nom de referendaires à des officiers des petites chancelleries qui font le rapport des lettres de justice.

Anciennement c'étoit douze anciens avocats qui exerçoient les fonctions de referendaires en vertu d'un brevet qui leur étoit donné à cet effet.

Mais François I. par édit du mois de Février 1522 les créa en titre d'office, & leur donna la qualité de conseillers rapporteurs & referendaires ; il y en a douze en la chancellerie du palais.

Les referendaires jouissent du droit de committimus & mêmes privileges que les autres officiers des chancelleries. Voyez Joly, des offices de France, tom. I. liv. II. tit. 7. p. 758. & aux additions, p. 355. (A)


REFERERv. act. (Gram.) c'est renvoyer une chose à une autre. Je m'en refere à monsieur un tel ; c'est aussi rendre compte ; il en sera referé à la cour.


REFERMERv. act. (Gramm.) c'est fermer une seconde fois. Il a refermé sa bourse. Cette blessure se referme. Il ne faut pas refermer trop tôt un ulcere.


REFERRERv. act. (Gram.) c'est remettre les fers. Ce cheval est guéri de sa blessure, on peut le referrer.


REFEUILLERverb. act. (Architect.) c'est faire deux feuillures en recouvrement, pour loger un dormant, ou pour recevoir les venteaux d'une porte, ou les volets d'une croisée. (D.J.)


REFICHERv. act. (Gram.) c'est ficher de nouveau ; il faut reficher ce clou à sa place, cette cheville dans son trou ; c'est aussi remaçonner les joints d'une muraille.


REFIGERv. n. (Gram.) c'est figer de nouveau ; ces graisses se figent, se fondent, & se refigent d'un moment à l'autre.


REFIXERv. act. (Gram.) c'est fixer une seconde fois. Voyez les articles FIXER & FIXATION.


REFLAMBERv. act. & n. (Gram.) c'est flamber de nouveau. Voyez FLAMBER & FLAMME.


REFLÉCHIadj. rayon refléchi, (en Optique) est un rayon renvoyé par une surface sur laquelle il tombe. Vision refléchie, est celle qui se fait par le moyen des rayons refléchis de la surface des objets, & qui parviennent à l'oeil. Voyez VISION & REFLEXION.

La vision refléchie est l'objet de la Catoptrique. Voyez CATOPTRIQUE.

La théorie de la vision refléchie, embrasse tous les phénomenes des miroirs de toute espece. Voyez MIROIR. Chambers. (O)


RÉFLÉCHIRv. act. (Gram.) c'est dans un corps l'action de renvoyer loin de soi celui qui vient le frapper ; les miroirs réfléchissent la lumiere ; le bois, la pierre, l'eau réfléchissent plus ou moins les corps dont ils sont frappés. Il se dit au figuré dans le même sens ; la gloire de votre pere réfléchit sur vous ; & dans un sens tout différent, il a profondément réfléchi sur cette matiere ; ici il marque une attention longue & instructive : il faut accoutumer les enfans à réfléchir de bonne heure ; toutes nos démarches devroient être réfléchies.


REFLETS. m. (Architecture) c'est dans les desseins d'Architecture, une demi-teinte claire qui s'observe à l'extrêmité d'une ombre, pour faire paroître un corps rond ou cylindrique, comme dans la longueur d'une colonne, par exemple du côté de l'ombre. (D.J.)

REFLET, (Peinture) c'est ce qui est éclairé dans les ombres par la lumiere que renvoyent les objets éclairés & voisins. Comme le reflet est une sorte de rejaillissement de clarté, qui porte avec soi une couleur empruntée de l'objet qui la renvoye, il s'ensuit que les effets du reflet doivent être différens en couleur & en force, selon la différence de la lumiere, de la matiere, de la disposition, ou de l'aspect des corps. (D.J.)


REFLEURIRv. n. (Gram.) c'est fleurir de nouveau. Voyez les articles FLEUR & FLEURIR.


RÉFLEXIBILITÉS. f. (Optique) est cette disposition que les rayons de lumiere ont à se réfléchir. Voyez REFLEXION : ou bien c'est cette disposition qu'ils ont à retourner du milieu sur la surface duquel ils tombent dans celui d'où ils étoient venus. On dit que les rayons sont plus ou moins réflexibles, à proportion de la facilité qu'ils trouvent de retourner en-arriere sous la même incidence. Voyez RAYON.

Si un rayon de lumiere passe du verre dans l'air, & qu'il s'incline de plus en plus sur la surface commune de ces deux milieux, il commence enfin à se réfléchir entierement de cette surface lorsqu'il est parvenu à une certaine obliquité ; ceux des rayons qui se réfléchissent en plus grande quantité sous la même incidence, ou qui commencent à se réfléchir plus tôt, sont les plus réflexibles.

M. Newton a découvert le premier que les rayons de lumiere sont de différentes couleurs, & ont différens degrés de réflexibilité ; ce qu'il prouve par l'expérience suivante. Il applique un prisme D F E, (Pl. Optique, fig. 55.) dont les angles sont chacun de 45 degrés, à l'ouverture o d'une chambre obscure ; de telle sorte, qu'une partie de la lumiere se réfléchisse de la base en G : les rayons violets se réfléchissent les premiers, suivant H G, & les autres continuent à se rompre, suivant G K. Les rayons bleus sont ceux qui se rompent le plus, ensuite les verds, &c. Voyez PRISME.

D'où il paroît que les rayons qui different en couleur, different aussi en réflexibilité. Voyez COULEUR.

Il paroît aussi par d'autres expériences, que les rayons qui sont les plus réflexibles, sont aussi les plus réfrangibles. Voyez REFRANGIBILITE. Chambers. (O)


RÉFLEXIONS. f. (Logique) la réflexion est une opération de notre ame, qui dirige successivement son attention sur les diverses parties d'un tout. C'est la réflexion qui la retire de la dépendance où elle est de tous les objets qui agissent sur elle. Maîtresse par son moyen de se rappeller les choses qu'elle a vues, elle y peut porter son attention, & la détourner de celles qu'elle voit ; elle peut ensuite la rendre à celles-ci, ou seulement à quelques-unes, & la donner alternativement aux unes & aux autres. A la vue d'un tableau, par exemple, nous nous rappellons les connoissances que nous avons de la nature, & des regles qui apprennent à l'imiter ; & nous portons notre attention successivement de ce tableau à ces connoissances, & de ces connoissances à ce tableau, ou tour-à-tour à ses différentes parties. C'est par une suite de cette liberté où nous met la réflexion de disposer de notre attention, que nous pouvons à notre gré, ou fixer nos regards sur le tronc d'un arbre, ou les élever sur la tige, & les promener ensuite sur les branches, les feuilles, les fleurs. Nous pouvons prendre de nouveau une feuille, & procéder de même dans l'examen que nous en faisons. Il est vrai que l'exercice donne la facilité de manier, pour ainsi dire, l'attention, & qu'ici, comme par-tout ailleurs, la coutume perfectionne la nature.

Cette maniere d'appliquer de nous-mêmes notre attention tour-à-tour à divers objets, ou aux différentes parties d'un seul ; c'est donc ce qu'on appelle réfléchir. On ne peut mieux en faciliter l'exercice, qu'en s'occupant des objets qui, exerçant davantage l'attention, lient ensemble un plus grand nombre de signes & d'idées. Tout dépend de là : cela fait voir que l'usage où l'on est de n'appliquer les enfans pendant les premieres années de leurs études, qu'à des choses auxquelles ils ne peuvent rien comprendre, ni prendre aucun intérêt, est peu propre à développer leurs talens ; cet usage ne forme point de liaison d'idées, ou les forme si legeres, qu'elles ne se conservent point.

C'est à la réflexion que nous commençons à entrevoir tout ce dont l'ame est capable : tant qu'on ne dirige point soi-même son attention, l'ame est assujettie à tout ce qui l'environne, & ne possede rien que par une vertu étrangere ; mais si maître de son attention, on la guide selon ses desirs ; l'ame alors dispose d'elle-même, en tire des idées qu'elle ne doit qu'à elle, & s'enrichit de son propre fonds.

L'effet de cette opération est d'autant plus grand, que par elle nous disposons de nos perceptions, à-peu-près comme si nous avions le pouvoir de les produire & de les anéantir. Que parmi celles que j'éprouve actuellement, j'en choisisse une, aussi-tôt la conscience en est si vive & celle des autres si foible, qu'il me paroîtra qu'elle est la seule chose dont j'aye pris connoissance. Qu'un instant après, je veuille l'abandonner, pour m'occuper d'une de celles qui m'affectoient le plus légerement ; elle me paroîtra rentrer dans le néant, tandis qu'une autre m'en paroîtra sortir. La conscience de la premiere, pour parler moins figurément, deviendra si foible, & celle de la seconde si vive, qu'il me semblera que je ne les ai éprouvées que l'une après l'autre. On peut faire cette expérience, en considérant un objet fort composé. Il n'est pas douteux qu'on n'ait en même tems conscience de toutes les perceptions que ses différentes parties, disposées pour agir sur les sens, font naître. Mais on diroit que la réflexion suspend à son gré les impressions qui se font dans l'ame, pour n'en conserver qu'une seule.

La Géométrie nous apprend que le moyen le plus propre à faciliter notre réflexion, c'est de mettre sous les sens les objets mêmes des idées dont on veut s'occuper, parce que la conscience en est plus vive. Mais on ne peut pas se servir de cet artifice dans toutes les sciences. Un moyen qu'on employera partout avec succès, c'est de mettre dans nos méditations de la clarté, de la précision, & de l'ordre. De la clarté, parce que plus les signes sont clairs, plus nous avons conscience des idées qu'ils signifient, & moins par conséquent elles nous échappent : de la précision, afin que l'attention moins partagée, se fixe avec moins d'effort : de l'ordre, afin qu'une premiere idée plus connue, plus familiere, prépare notre attention pour celle qui doit suivre.

La réflexion qui nous donne le pouvoir de distinguer nos idées, nous donne encore celui de les comparer, pour en connoître les rapports. Cela se fait en portant alternativement notre attention des unes aux autres, ou en la fixant en même tems sur plusieurs. Quand des notions peu composées font une impression assez sensible pour attirer notre attention sans effort de notre part, la comparaison n'est pas difficile : mais les difficultés augmentent, à mesure que les idées se composent davantage, & qu'elles font une impression plus legere. Les comparaisons sont, par exemple, communément plus aisées en Géométrie qu'en Métaphysique. Avec le secours de cette opération, nous rapprocherons les idées les moins familieres de celles qui le sont davantage ; & les rapports que nous y trouvons, établissent entr'elles des liaisons très-propres à augmenter & à fortifier la mémoire, l'imagination, & par contre-coup la réflexion.

Quelquefois, après avoir distingué plusieurs idées, nous les considérons comme ne faisant qu'une seule notion : d'autres fois nous retranchons d'une notion quelques-unes des idées qui la composent ; c'est ce qu'on nomme composer & décomposer ses idées. Par le moyen de ces opérations, nous pouvons les comparer sous toutes sortes de rapports, & en faire tous les jours de nouvelles combinaisons. Pour bien conduire la premiere, il faut remarquer quelles sont les idées les plus simples de nos notions ; comment & dans quel ordre elles se réunissent à celles qui surviennent. Par-là on sera en état de regler également la seconde ; car on n'aura qu'à défaire ce qui aura été fait ; cela fait voir comment elles viennent l'une & l'autre de la reflexion.

La réflexion n'a point lieu dans les enfans nouveau-nés ; & même les personnes en âge de raison ne réfléchissent pas, à beaucoup près, sur tout ce qu'elles voyent & sur tout ce qu'elles font. On voit des personnes, qui emportées par la vivacité de leur tempérament, & n'ayant pas été accoutumées à la réflexion, parlent, jugent, agissent, conformément à l'impression actuelle qu'elles éprouvent, & ne se donnent jamais la peine de peser le pour & le contre des partis qu'on leur propose. On peut passer ainsi sa vie dans la société ; mais les sciences, c'est-à-dire, les véritables sciences, les théories, ne s'acquierent qu'à l'aide de l'attention & de la réflexion ; & quiconque néglige ces secours, ne fera jamais de progrès dans les connoissances spéculatives. Voyez l'essai sur l'origine des connoissances humaines.

REFLEXION, s. f. en terme de Méchanique, c'est le retour ou mouvement retrograde d'un mobile occasionné par la résistance d'un corps qui l'empêche de suivre sa premiere direction. Voyez MOUVEMENT, RESISTANCE, &c. On a mis en question, s'il y a quelques momens de repos ou intervalle entre l'incidence & la réflexion : les Péripatéticiens & tous ceux qui conçoivent le mouvement réfléchi comme différent de l'incident sur le même corps, tiennent pour l'affirmative. Le mouvement d'incidence, suivant ces auteurs, est entierement perdu & détruit par la résistance de l'obstacle qu'il rencontre, & le mobile demeure par-là parfaitement en repos au point de contact jusqu'à ce qu'une cause contraire l'oblige à se réfléchir de nouveau.

Les Cartésiens soutiennent la négative, & nient qu'il y ait aucun repos entre l'incidence & la réflexion, ils alleguent pour preuve de ce qu'ils avancent, que si le mouvement venoit à cesser un seul moment, il n'y auroit qu'une nouvelle cause étrangere qui pût le faire renaître, & que le corps demeureroit dans ce nouvel état aussi long-tems que s'il étoit en repos depuis un tems considérable. Voyez REPOS & LOIS DE LA NATURE.

En conséquence Rohault & d'autres définissent la réflexion, le détour ou le changement de détermination qui arrive à un corps qui se meut à la rencontre d'un autre qu'il ne peut pénétrer.

De même, disent-ils, qu'un pendule après être parvenu à la plus grande hauteur où il peut atteindre ne s'arrête point ; de même deux corps durs qui se rencontrent directement ne s'arrêtent point, mais continuent leur mouvement dans un sens contraire, suivant la loi que la nature a établie, & cela par l'influence ou impulsion immédiate de la cause qui les a d'abord mis en mouvement. Mais cette doctrine est aujourd'hui presque universellement rejettée.

En effet, il n'y a aucune raison qui oblige un corps parfaitement dur, comme les Cartésiens le supposent, de se réfléchir lorsqu'il rencontre un plan inébranlable. Lorsque ce corps dur vient choquer le plan, il perd tout le mouvement qu'il avoit dans cette direction ; & pour qu'il reçoive du mouvement dans une autre direction, il faut de deux choses l'une, ou qu'il reçoive le mouvement de quelque cause, ou que ce mouvement se trouve déja implicitement, pour ainsi dire, dans le mouvement qu'il avoit déja, à-peu-près comme le mouvement d'un corps par un des côtés d'un parallelogramme se trouve implicitement dans son mouvement par la diagonale, ensorte que si on oppose à ce corps mû, suivant la diagonale, une puissance qui arrête son mouvement dans la direction d'un des côtés, le corps prendra de lui-même la direction & la vîtesse qu'il doit avoir, suivant l'autre côté du parallelogramme. Voyez COMPOSITION DE MOUVEMENT & DYNAMIQUE.

Or on ne peut supposer ici aucune de ces deux choses. 1°. Le plan ou corps choqué qui par la supposition est inébranlable, & n'a qu'une force de résistance purement passive, ne peut donner au corps aucun mouvement, il ne peut qu'arrêter celui que ce corps avoit. 2° On ne peut pas dire non plus que le mouvement du corps en arriere existât implicitement dans le mouvement primitif : car soit b le mouvement primitif du corps, a le mouvement qu'on lui suppose en arriere, il faudroit dans cette supposition regarder la vîtesse b comme composée du mouvement a que le corps garde après le choc, & d'un autre mouvement qui est détruit. Or ce mouvement détruit ne pourroit être que a + b, car la vîtesse b est composée de la vîtesse a en arriere, & de la vîtesse a + b en avant. Donc la vîtesse a + b doit être détruite par la rencontre du plan, & à plus forte raison la vîtesse a ; donc le corps choquant doit rester en repos.

La raison qui a porté les Cartésiens à établir cette loi de réflexion ; c'est que, selon eux, il ne doit point y avoir de mouvement perdu dans la nature, & que par conséquent un corps ne doit point perdre son mouvement sans le communiquer à un autre : & comme on suppose ici que le corps choquant ne peut pas communiquer son mouvement, ils en concluent qu'il doit se réfléchir avec ce mouvement. Mais outre qu'il est ici question de corps parfaitement durs, qui n'existent point dans la nature, nous observons souvent dans le choc des corps que la même quantité de mouvement ne s'y conserve pas. Voyez PERCUSSION.

Les auteurs modernes les plus célebres conçoivent la réflexion comme un mouvement propre aux corps élastiques, par lequel, après en avoir frappé d'autres qu'ils n'ont pu mouvoir de leur place, ils s'en éloignent en retournant en arriere par leur force élastique. Voyez ÉLASTIQUE.

C'est sur ce principe que quelques auteurs assurent qu'il peut y avoir & qu'il y a effectivement un moment de repos entre l'incidence & la réflexion ; puisque le mouvement réfléchi n'est point une continuation du premier, mais un nouveau mouvement qui naît d'une nouvelle cause ou principe, savoir de la force d'élasticité. Cependant l'opinion de ces auteurs prise en un certain sens, n'est point une suite nécessaire de la nature de l'élasticité. Un corps à ressort qui vient frapper un plan se bande & s'applatit peu-à-peu en changeant de figure, & consume petit-à-petit tout le mouvement qu'il avoit & qu'il employe à bander son ressort. Quand une fois le ressort est totalement bandé, & que le corps a perdu tout son mouvement, le ressort se débande aussi-tôt sans qu'il y ait d'intervalle entre le commencement du débandement & la fin du débandement.

En effet quelle seroit la cause qui feroit que le ressort resteroit bandé lorsque le mouvement du corps est entierement cessé, & que rien ne s'oppose au débandement du ressort ? Il se débandera donc aussi-tôt, & rendra par dégrés au corps tout le mouvement qu'il avoit perdu, précisément comme un pendule qui retombe après avoir monté. Il n'y aura donc point d'intervalle entre la fin du bandement, qu'on peut regarder comme le terme de l'incidence, & le commencement du débandement qu'on peut regarder comme le premier moment de la réflexion. Car quand le corps commence à se débander, toutes ses parties, hors celle du point de contact, commencent à s'éloigner du plan ; & tant que le corps bande son ressort, toutes ses parties s'approchent du même plan. Mais si on veut prendre pour le moment d'incidence celui où le corps vient à toucher le plan, & pour le moment de réflexion celui où le corps quitte entierement le plan, il est évident qu'il y aura un intervalle de tems fini, quoique très-court, entre l'incidence & la réflexion, savoir le tems que le ressort met à se bander & à se débander. Voyez ÉLASTICITE.

C'est une des grandes lois de la réflexion que l'angle qu'un corps réfléchi fait avec le plan de l'obstacle réfléchissant, est égal à celui sous lequel il frappe cet obstacle. Cette loi se démontre de la maniere suivante : imaginons qu'un corps ou point élastique A, fig. 26, Opt. vienne frapper le plan immobile D E suivant la direction A B, le mouvement de ce corps suivant A B peut être regardé comme composé d'un mouvement suivant A P perpendiculaire au plan D E, & d'un mouvement suivant F B, parallelement au plan D E. Voyez COMPOSITION. Or comme de ces deux mouvemens il n'y a que le mouvement suivant A F auquel le plan résiste, le ressort se comprimera & se débandera suivant A F, ou ce qui revient au même suivant B H, ainsi le corps A ou B recevra en arriere suivant B H un mouvement égal & parallele à A F ; mais ce même corps garde outre cela le mouvement suivant B F, qui n'est ni détruit, ni alteré par le plan ; son mouvement, après le choc, est donc composé d'un mouvement B G égal à B F, & d'un mouvement B H égal à A F, il décrira donc la diagonale B C, laquelle fera évidemment l'angle C B G de réflexion égal à l'angle A B F d'incidence. Voyez ANGLE & INCIDENCE. Pour les différentes lois de mouvement que l'on a observées dans les réflexions des corps, voyez PERCUSSION.

REFLEXION des rayons de lumiere, (Optique) est un mouvement des rayons, par lequel, après avoir tombé sur les parties solides des corps, ou, pour mieux dire, après s'en être approchés le plus près qu'il est possible, ils s'en éloignent de nouveau. Voyez REFLEXIBILITE.

C'est par la réflexion des rayons de lumiere qui tombent sur les surfaces des corps éclairés, que ces mêmes corps deviennent visibles. Voyez VISION & RAYON.

Et c'est la disposition qu'ont les corps à réfléchir tel ou tel rayon en plus grande abondance, qui est la cause des différentes couleurs qu'on y remarque. Voyez COULEUR.

La réflexion de la lumiere de dessus les surfaces des miroirs fait l'objet de la catoptrique. Voyez CATOPTRIQUE.

La réflexion de la lumiere, ainsi que M. Newton l'a fait voir, ne se fait point par les rayons qui frappent toutes les parties d'un corps, mais par quelque propriété de ce même corps également répandue sur toute sa surface, au moyen de laquelle il agit sur le rayon, l'attirant ou le repoussant sans aucun contact immédiat. Voyez RAYON.

Il prétend que c'est ce même pouvoir qui fait que les rayons se rompent dans d'autres circonstances, & qu'ils émanent du corps lumineux. Voyez LUMIERE.

Les raisons dont il se sert pour prouver son sentiment, sont 1° que les surfaces des miroirs qui paroissent les plus unies à l'oeil, sont cependant raboteuses & inégales ; puisque polir une glace n'est autre chose qu'enlever ses parties les plus éminentes par le moyen du sable ou du tripoli. Si donc les rayons de lumiere étoient réfléchis en frappant les parties solides du verre, les réflexions ne seroient jamais aussi exactes qu'elles le sont, & le verre le plus uni écarteroit autant les rayons que le plus raboteux. Il reste donc à savoir comment un verre poli peut réfléchir les rayons aussi régulierement qu'il fait, & on ne peut résoudre ce problème qu'en disant que la réflexion d'un rayon se fait non d'un seul point de corps réfléchissant, mais par quelque faculté de ce corps également répandue sur toute sa surface, par laquelle il agit sur un rayon sans aucun contact immédiat ; car on a déja fait voir au mot DIFFRACTION, que les parties des corps agissent sur la lumiere à une certaine distance.

2°. Si l'on fait ensorte que les couleurs que l'on a séparées par le moyen d'un prisme placé à l'endroit par où un rayon de lumiere entre dans une chambre obscure tombent successivement sur un second prisme, placé à une très-grande distance du premier avec une même obliquité ; le second prisme peut être tellement incliné aux rayons incidens, qu'il réfléchisse tous ceux qui sont de couleur bleue, & qu'il donne passage à ceux qui sont rouges. Or si la réflexion étoit causée par les parties de l'air ou du verre, on pourroit demander d'où vient qu'à la même obliquité d'incidence les rayons bleus frappent ces parties de maniere qu'ils se réfléchissent, & que les rouges trouvent assez de pores pour passer à-travers le prisme en grande quantité.

3°. Il n'y a point de réflexion sensible au point où deux verres se touchent, & cependant on ne voit point d'où vient que les rayons ne heurtent point les parties du verre, lorsqu'il est contigu à un autre verre avec autant de force que lorsqu'il l'est à l'air.

4°. Si les rayons rouges & bleus qui ont été séparés par le prisme, tombent successivement sur une lame plate de telle matiere transparente que ce soit, dont l'épaisseur augmente en proportion arithmétique continue, telle qu'une lame d'air entre deux verres, dont l'un soit plan & l'autre un peu convexe, la même lame réfléchira dans la même partie tous les rayons d'une même couleur, & donnera passage à tous ceux d'une couleur différente, mais elle réfléchira dans ses différentes parties les rayons d'une seule & même couleur à une épaisseur, & leur donnera passage à une autre, & ainsi alternativement & à l'infini. Or, on n'imaginera jamais que dans un endroit les rayons qui font voir, par exemple, une couleur bleue, rencontrent fortuitement les parties solides, & ceux qui font voir le rouge les pores du corps ; & que dans un autre endroit où le corps est ou un peu plus mince, ou un peu plus épais, les rayons bleus frappent ses pores, & les rouges ses parties solides.

5°. Dans le passage de la lumiere du verre dans l'air, la réflexion est aussi forte que dans son passage de l'air dans le verre, & beaucoup plus forte que dans son passage de ce même verre dans l'eau. Il ne paroît pas cependant possible que l'air ait un plus grand nombre de parties réfléchissantes que l'eau ou le verre ; & quand même on supposeroit que cela est, on n'en seroit pas plus avancé pour cela ; car la réflexion est aussi forte ou même plus forte, quand on écarte l'air du verre au moyen de la machine pneumatique, que quand il lui est contigu. On objectera peut-être, selon l'hypothese de Descartes, qu'encore que l'on pompe l'air, il ne laisse pas d'y avoir une matiere subtile qui le remplace, laquelle étant beaucoup plus dense, est par conséquent beaucoup plus propre qu'aucun autre corps à réfléchir la lumiere. Mais quand nous n'aurions pas fait voir ailleurs, voyez MATIERE SUBTILE, que cette matiere subtile n'a jamais existé ; l'expérience suivante suffiroit pour nous convaincre de la fausseté de cette hypothèse.

5°. Si la lumiere en passant du verre dans l'air le frappe sous un angle moindre de 40 ou 41 degrés, elle se réfléchit entierement ; mais si son obliquité est moindre, elle est transmise pour la plus grande partie. Or, on ne peut pas s'imaginer que la lumiere à un degré d'obliquité, rencontre assez de pores dans l'air pour lui donner passage, & que sous un autre degré elle ne rencontre que des parties capables de la réfléchir entierement, sur-tout si l'on fait attention que dans son passage de l'air dans le verre, quelqu'oblique que soit son incidence, elle trouve assez de pores dans le verre pour en transmettre la plus grande partie. Que si l'on suppose qu'elle n'est point réfléchie par l'air, mais par les parties les plus superficielles du verre, la même difficulté subsistera toujours ; d'ailleurs une pareille supposition est inintelligible, & paroîtra également fausse, si l'on met de l'eau à la place de l'air derriere quelque partie du verre : car en supposant les rayons dans une obliquité convenable, par exemple de 40 ou 46 degrés, suivant laquelle, ils sont tous réfléchis dans l'endroit où l'air est contigu au verre, ils seront transmis pour la plûpart dans l'endroit où l'eau le touchera : ce qui prouve que leur réflexion ou leur transmission dépend de l'air & de l'eau qui sont derriere le verre, & non point de ce qu'ils frappent les parties de ce dernier ; les rayons ne se réfléchissant jamais qu'ils ne soient parvenus à la derniere surface du verre & prêts à en sortir. Car s'ils rencontrent en sortant la surface de l'eau & de l'huile, ils passent à-travers ; l'attraction du verre étant balancée ou diminuée par une force contraire, & ne pouvant avoir son effet à cause de l'attraction de la liqueur qui lui est adhérente : mais si les rayons en sortant de cette derniere surface tombent dans un vuide qui n'a point d'attraction, ou dans l'air qui n'en a que fort peu, & point assez pour contre-balancer l'effet du verre, pour-lors l'action du verre les attire de nouveau, & les oblige à se réfléchir.

Cela paroîtra encore plus évident si l'on applique l'un contre l'autre deux prismes de verre, ou deux verres objectifs, dont l'un soit plat & l'autre un peu convexe, ensorte cependant qu'ils ne se touchent point, & qu'ils ne soient pas trop éloignés ; car la lumiere qui tombera sur la surface postérieure du premier verre, à l'endroit où il n'est pas éloigné du second d'un 1/1000000 de pouces, passera à travers sa surface pour pénétrer dans le second verre, quoiqu'il y ait de l'air ou du vuide entre deux ; mais si l'on ôte le second verre, la lumiere passant de la seconde surface du premier verre dans l'air ou dans le vuide, se réfléchira & retournera de nouveau.

Il suit delà, selon M. Newton, que les rayons sont attirés par quelque propriété du premier verre, n'y ayant rien qui puisse occasionner leur retour, & que la réflexion n'est point causée par quelque matiere subtile, contiguë à la surface postérieure, suivant les principes de Descartes ; puisque cette matiere devroit les réfléchir aussi-bien lorsque les verres sont presque contigus, que lorsqu'ils sont séparés l'un de l'autre.

Enfin, si l'on demande comment quelques-uns des rayons sont réfléchis & d'autres transmis, & pourquoi ils ne se réfléchissent pas tous également ; en supposant que la réflexion vienne de l'action de toute la surface, M. Newton répond qu'il y a tant dans les rayons de lumiere que dans les corps mêmes, certaines vibrations, ou quelque propriété pareille, imprimées aux rayons par l'action du corps lumineux qui les envoye, ou par celle des corps qui le réfléchissent, & qui fait que ces rayons, dans cette partie de leur vibration qui concourt avec le mouvement des parties du corps, entrent dans le corps, y sont rompus & transmis ; au lieu que ceux qui sont dans la partie contraire de leur vibration se réfléchissent. Voyez COULEUR & LUMIERE.

Le P. Malebranche, quoique d'une opinion fort différente de M. Newton sur la nature de la lumiere & sa propagation, est entierement de l'avis de ce philosophe, sur la cause de la réflexion : il pense comme lui que ce ne sont point les parties solides des corps qui réfléchissent la lumiere, & les raisons qu'il en apporte sont les mêmes. Voyez la recherche de la vérité, tom. iv. pag. 508, édit. de 1721. Plusieurs philosophes ont depuis adopté cette opinion ; cependant il semble que les preuves que ces deux auteurs en donnent, prouvent seulement que les rayons ne sont point réfléchis uniquement par les parties solides des corps, mais que cette réflexion a une autre cause plus générale & plus étendue ; mais ils n'ont peut-être pas prétendu donner entierement l'exclusion aux parties solides ; ils ont seulement dit qu'il y avoit beaucoup d'apparence que les rayons qui tomboient sur ces parties, s'éteignoient au moins en grande partie, & perdoient leurs forces.

REFLEXION, en terme de Catoptrique, est le retour d'un rayon de lumiere de la surface polie d'un miroir, d'où il est repoussé. Voy. MIROIR & CATOPTRIQUE.

On donne au rayon qui est ainsi renvoyé le nom de rayon réfléchi ou de réflexion ; & au point du miroir où son retour commence, celui de point de réflexion.

Si l'on suppose, par exemple, que le rayon A B, (Pl. Optiq. fig. 26.) parte du point lumineux A, & aille frapper le miroir en B, pour retourner en C, la ligne B C représentera le rayon réfléchi, & B le point de réflexion ; A B représentera le rayon incident ou d'incidence, & B le point d'incidence.

De même la ligne C G menée de quelque point C du rayon réfléchi B C, perpendiculairement au miroir, est appellée la cathete de réflexion ou de l'oeil ; & la ligne A F, menée du point lumineux perpendiculairement au miroir, est appellée la cathete d'incidence. Voyez CATHETE.

Des deux angles que le rayon réfléchi B C fait avec le miroir, le plus petit C D E est appellé angle de réflexion ; de même des deux angles que le rayon incident fait avec le miroir, le plus petit A B D est appellé angle d'incidence. Voyez ANGLE.

Si le miroir est ou convexe ou concave, les plus petits angles que le rayon fait avec la tangente au point de réflexion & d'incidence, sont les angles de réflexion & d'incidence.

L'angle C B H que le rayon réfléchi fait avec une perpendiculaire au point de réflexion, est appellé l'inclinaison du rayon réfléchi ; de même que l'angle A B H est appellé l'inclinaison du rayon incident. Voyez INCLINAISON.

Lois générales de la réflexion. Quand un rayon de lumiere est réfléchi par un miroir de telle forme que ce soit, l'angle d'incidence est toujours égal à l'angle de réflexion. Cette loi a lieu dans les percussions de toutes les especes de corps, & par conséquent elle doit être la même dans celle des rayons de lumiere. Voyez PERCUSSION.

Cette loi se trouve confirmée par une expérience très-facile : car faisant tomber par un petit trou un rayon solaire sur un miroir enfermé dans une chambre obscure, on a le plaisir de le voir se réfléchir & faire l'angle de réflexion égal à celui d'incidence. Voyez CHAMBRE OBSCURE.

On peut encore démontrer la même chose d'une autre maniere : que l'on place par exemple un demi cercle F G (Pl. Optiq. fig. 26.) sur un miroir D E, ensorte que son centre soit en B, & son limbe perpendiculaire à la surface du miroir. Que l'on prenne des arcs égaux F a & G e, & que l'on place un objet en A & l'oeil en C, on verra l'objet par un rayon réfléchi en B, & si l'on couvre ce dernier point B, on cessera d'appercevoir l'objet.

Telle est la loi que les rayons de lumiere observent très-exactement lorsqu'ils rencontrent la surface des corps polis ; mais la démonstration de cette loi n'est peut-être pas aussi facile qu'on pourroit se l'imaginer.

Les anciens auteurs d'optique, pour prouver l'égalité des angles d'incidence & de réflexion, se sont fondés sur ce principe, que la nature agit toujours par les voyes les plus courtes ; & ils prétendent qu'un rayon de lumiere A B se réfléchit suivant la ligne B C, parce que le chemin le plus court pour aller du point A au point C en frappant le plan D E, est de passer par le point B, tel que l'angle A B F d'incidence, soit égal à l'angle C B G de réflexion ; ensorte que si le corps ou point A passoit par tout autre point que B du plan D E pour arriver en C, il y arriveroit par un chemin plus long que A B C. Telle est la démonstration que donnent Vitellion, Ptolémée, Héliodore de Larisse, Héron, Clavius, &c. M. de Fermat s'est servi du même principe pour démontrer l'égalité des angles d'incidence & de réflexion ; mais on voit assez combien il est peu solide : car 1°. le rayon qui part de A a déja une direction déterminée, & par conséquent on ne peut pas dire qu'il prenne la direction A B pour arriver au point C, mais plutôt qu'il arrive au point C parce qu'il a pris la direction A B.

2°. D'ailleurs si la nature agit toujours par les voies les plus courtes, pourquoi le rayon ne va-t-il pas tout droit de A en C au lieu de passer par le plan D E, qui ne se trouve là qu'accidentellement ?

3°. Enfin une raison décisive contre ce principe, c'est que le chemin de réflexion A B C est à la vérité le plus court dans les miroirs plats & dans les miroirs sphériques convexes ; mais dans les miroirs concaves sphériques, il est souvent le plus long ; que devient alors ce principe ? M. de Fermat répond que la ligne droite étant plus simple que la circulaire, le mouvement du rayon doit alors se rapporter au plan qui touche le miroir concave au point d'incidence, & qu'en substituant ainsi un miroir plan au miroir concave, le principe subsiste dans son entier. Le P. Tacquet dit que la nature agit à la vérité par la voie la plus courte, lorsqu'il y en a une plus courte de possible ; mais que quand il n'y en a pas, elle prend la plus longue, qui est alors la seule voie unique & déterminée. Il ne paroît pas nécessaire de réfuter sérieusement ces opinions.

La preuve la plus plausible que l'on donne de l'égalité des angles d'incidence & de réflexion, consiste à regarder un globule de lumiere D (fig. 54. Opt.) qui vient frapper le plan G B, comme un corpuscule élastique, & à appliquer à ce corps tout ce que nous avons dit de la réflexion des corps élastiques. Cependant il faut convenir que si ce ne sont point les parties solides des corps qui réfléchissent la lumiere, cette démonstration n'est pas entierement satisfaisante, à moins qu'on ne veuille substituer à l'élasticité du globule D une force repoussante répandue dans la surface A B, qui après avoir détruit le mouvement perpendiculaire du rayon suivant D G, lui rend ensuite ce mouvement suivant C H.

Il suit delà, 1°. que si un rayon de lumiere H B tombe perpendiculairement sur la surface d'un miroir D E, il se réfléchira sur lui-même & retournera en arriere.

2°. Que plusieurs rayons ne peuvent point se réfléchir d'un seul point du miroir vers le même point ; car il faudroit pour cela que l'angle de réflexion fût égal à différens angles d'incidence, ce qui est absurde.

3°. Qu'un rayon comme A B ne peut se réfléchir vers deux ou un plus grand nombre de points, car dans ce cas tous ses angles de réflexion seroient égaux à celui d'incidence, ce qui est également absurde.

II. Chaque point d'un miroir réfléchit les rayons qui tombent sur lui de toutes les parties d'un objet. Puis donc que les différens rayons qui partent d'un objet lumineux ne peuvent point se réfléchir du même endroit d'un miroir vers le même point, il s'ensuit que les rayons qui viennent des divers points d'un objet, se sépareront après la réflexion, & montreront chacun le point d'où ils sont partis. V. VISION.

Delà vient que les rayons réfléchis des miroirs, représentent l'image des objets qui sont placés vis-à-vis. Voyez MIROIR.

Il est aisé de concevoir par-là d'où vient que les images des objets ne se peignent point sur les corps dont la surface est inégale, c'est qu'ils réfléchissent la lumiere de telle sorte qu'ils confondent les rayons par leurs éminences & leurs cavités, leurs hauteurs & leurs enfoncemens alternatifs.

III. Si l'oeil C & le point lumineux A changent mutuellement de place, le rayon se réfléchira vers l'oeil, en prenant le même chemin qu'auparavant ; car le rayon qui étoit auparavant le rayon de réflexion, deviendra celui d'incidence ; & puisqu'il doit réfléchir sous le même angle que celui sous lequel il tombe, celui qui étoit auparavant le rayon d'incidence, deviendra le rayon de réflexion.

IV. Le plan de réflexion, c'est-à-dire le plan où se trouvent les rayons incidens & réfléchis, est perpendiculaire à la surface du miroir ; & dans les miroirs sphériques, il passe par le centre. Il suit delà que la cathete d'incidence & de réflexion se trouve dans le plan de réflexion. Voyez CATHETE.

Euclide, Alhazen & d'autres, regardent comme un axiome la proposition que le plan de réflexion est perpendiculaire au miroir, & ne prennent point la peine de la démontrer, parce qu'elle est évidente par les observations aussi bien que par l'expérience.

Mais cette proposition peut se prouver aisément, en remarquant que la réflexion doit se faire dans le plan où tombe la ligne (fig. 54.) perpendiculaire au plan, puisque c'est dans la direction de cette ligne que le corps ou point C est repoussé par le plan A B.

V. Plusieurs auteurs prétendent que l'image de tout objet peint dans un miroir est dans la cathete d'incidence. Les anciens ont pris cette proposition pour un axiome ; & comme l'image doit nécessairement se trouver dans le rayon réfléchi, ils en concluoient qu'il doit paroître dans le point de concours du rayon réfléchi avec la cathete d'incidence ; ce qui est généralement vrai dans les miroirs plans, mais non pas dans les autres, comme le montre Kepler. Voyez MIROIR & APPARENT.

Quant aux lois particulieres de la réflexion qui resultent des circonstances des différentes especes de miroirs plans, concaves, convexes, &c. Voyez-les au mot MIROIR.

Réflexion de la lune, est un terme dont quelques auteurs se servent pour exprimer ce que nous appellons autrement sa variation ; c'est une des principales irrégularités de son mouvement, par laquelle son vrai lieu hors des quadratures, differe du lieu que l'on trouveroit par le calcul du mouvement de cette planete dans une ellipse. Voyez LUNE, Chambers & Wolf. (O)

REFLEXION, (Gnom.) cadran à réflexion est une sorte de cadran solaire qui indique les heures par le moyen d'un miroir plan placé de maniere qu'il réfléchit les rayons solaires au haut d'un plafond où les heures sont tracées.

Les rayons du soleil qui viennent tomber sur un cadran à réflexion, ont leur direction de bas en haut, au lieu que ceux qui tombent sur les cadrans ordinaires ont leur direction de haut en bas. Ainsi un cadran à réflexion, soit horisontal, vertical, soit incliné, n'est autre chose qu'un cadran horisontal, vertical ou incliné, tracé à l'ordinaire, & dont la surface est opposée au soleil : d'où il s'ensuit que pour tracer de pareils cadrans, on peut les décrire d'abord sur le papier à l'ordinaire, comme si on vouloit faire un cadran direct, en observant seulement d'écrire les heures avant midi à gauche de la méridienne, & les autres à droite, & ensuite renverser le papier, de maniere que les heures qui étoient à droite se trouvent à gauche.

Voilà quelle doit être la construction de ces cadrans, lorsque la surface du miroir plan qui leur renvoye les rayons est entierement exposée au soleil, & éclairée par cet astre, parce qu'alors les cadrans de réflexion doivent montrer l'heure de la même maniere que si le soleil étoit sous l'horison, & que la terre étant transparente, il éclairât le plan du cadran ; mais si les rayons du soleil tombent sur le miroir par un trou, & qu'ils soient réfléchis de-là sur le cadran, il faut alors que le cadran soit construit de la même maniere que si le bout de son stile étoit placé dans la perpendiculaire menée du trou sur le miroir, & prolongée au-dessous du miroir, & que le bout de ce stile fût autant éloigné de la surface du miroir en-dessous que le trou l'est en-dessus. Voyez CADRAN. (O)


REFLUERv. n. (Gramm.) il se dit de tout fluide qui pressé dans un endroit se porte dans un autre. Ce mouvement s'appelle reflux, & l'action refluer. On l'employe au propre & au figuré. Les eaux de cette riviere ont reflué sur mes champs ; sa mauvaise humeur refluera sur vous.


REFLUXS. m. (Phys.) c'est la descente de la marée ou son refoulement. On l'appelle ainsi, parce que c'est le mouvement opposé à flux. Voyez FLUX & MAREE. (O)


REFONDERv. act. (Jurispr.) du latin refundere, qui signifie verser, se dit en matiere de dépens pour rembourser. Refonder les frais de contumace, c'est payer au demandeur ce qu'il lui en a coûté pour lever le défaut. Voyez CONTUMACE, DEPENS, FRAIS, REFUSION. (A)


REFONDREv. act. (Gramm.) c'est fondre derechef. Ce réduplicatif a toutes les acceptions du verbe fondre. Voyez FONDRE & FONTE.


REFONTES. f. (Monnoie) c'est le changement qu'on fait aux monnoies en les remettant à la fonte pour en faire de nouvelles especes. Trévoux. (D.J.)


REFORGERv. act. (Hydrauliq.) est battre au marteau les tables de plomb, pour reboucher les soufflures qui se trouvent dans la fonte. (K)


RÉFORMATIONRÉFORME, (Synon.) La réformation est l'action de réformer ; la réforme en est l'effet.

Dans le tems de la réformation on travaille à mettre en regle, & l'on cherche les moyens de remédier aux abus. Dans le tems de la réforme, on est réglé, & les abus sont corrigés.

Il arrive quelquefois que la réforme d'une chose dure moins que le tems qu'on a mis à sa réformation. Synon. françois. (D.J.)

REFORMATION, s. f. (Théolog.) l'acte de réformer ou de corriger une erreur ou un abus introduit dans la religion, la discipline, &c.

C'est à l'Eglise seule qu'appartient le droit de réformation, soit dans les opinions, soit dans les moeurs. Ainsi les conciles de Constance & de Bâle se proposerent de réformer l'Eglise, tant dans son chef que dans ses membres. C'est par la même autorité que le concile de Trente a travaillé utilement à la réformation de la discipline.

Réformation est aussi le nom que les Prétendus réformés ou Protestans donnent aux nouveautés qu'ils ont introduites dans la religion, & le prétexte par lequel ils colorent leur séparation d'avec l'Eglise romaine.

La prétendue réformation fut commencée par l'électeur de Saxe, à la sollicitation de Luther, environ le milieu du xvj. siecle. Voyez LUTHERANISME.

Henri VIII. roi d'Angleterre, qui avoit écrit contre cet hérésiarque, démentit bientôt ses sentimens par une conduite toute semblable. Sa passion pour Anne de Boulen, lui fit souhaiter de rompre son mariage avec Catherine d'Aragon ; mariage contracté de bonne foi depuis vingt ans, & sur lequel ce prince n'avoit pas témoigné jusque-là le moindre scrupule. Le pape Clément VII. n'ayant pas voulu prononcer la sentence de divorce qu'Henri VIII. demandoit, celui-ci n'en répudia pas moins sa premiere femme, se sépara de l'Eglise romaine, abolissant la primauté du pape, & s'attribuant à lui-même le titre de chef suprème de l'église anglicane. Il persécuta les catholiques qui ne vouloient pas reconnoître l'autorité qu'il s'arrogeoit à cet égard, fit saisir les monasteres & les autres maisons religieuses, réunit leurs terres au domaine de la couronne, ou les divisa aux nobles & aux gentilshommes. Au reste, il ne s'écarta point des dogmes catholiques, & poursuivit dans ses états les Luthériens & les Calvinistes avec la derniere sévérité. Aussi les Anglois pensent-ils que sous son regne la réformation ne fut que commencée ; mais sous celui d'Edouard VI. son successeur, le duc de Sommerset, qui étoit zwinglien, ayant appellé dans le royaume Pierre Martyr, & Bernardin Ochin, on reprit avec plus de chaleur l'ouvrage de la réformation ; on nia la transubstantiation, la présence réelle ; on abolit la messe & le culte des images, & à l'ancienne liturgie on en substitua une nouvelle toute dans les principes de ces nouveaux réformateurs. Le regne de Marie qui succéda, vit détruire tout cet ouvrage, & rétablir la Religion catholique en Angleterre ; mais il fut trop court pour l'affermir ; & la reine Elisabeth qui vint ensuite, consomma le projet de la réformation.

A-peu-près dans le même tems, Calvin, Zwingle, Bucer, Mélanchton, Carlostad & plusieurs autres, s'érigeoient en réformateurs en France, en Suisse, & en diverses parties de l'Allemagne. La Suede, le Danemark, & les Provinces-Unies, se séparerent aussi dans le même siecle de l'Eglise romaine.

On a si savamment écrit sur cette matiere, que nous ne nous étendrons pas à faire sentir combien peu le nom de réformation convient à ces entreprises sur l'autorité de l'Eglise ; nous nous contenterons d'observer que pour entreprendre un aussi grand ouvrage, il falloit au-moins avoir un caractere : or quel caractere, quelle mission légitime avoient Luther & Calvin, & leurs semblables ? Ils ne tenoient pas leur pouvoir de l'Eglise, ils le tenoient encore moins immédiatement de Dieu. La mission extraordinaire dont leurs défenseurs ont voulu les décorer, n'a été soutenue ni de miracles ni de prophéties, ni d'aucune des autres marques qui ont éclaté dans Moïse & dans Jesus-Christ. Quels abus ont-ils prétendu corriger ? La foi de la présence réelle, de la transubstantiation, du mérite des bonnes oeuvres, la priere pour les morts, les jeûnes, les voeux monastiques, le célibat des prêtres, &c. Mais il suffit d'ouvrir l'histoire ecclésiastique pour reconnoître qu'on avoit cru ou pratiqué toutes ces choses dans l'Eglise dès la premiere antiquité ; & que s'il ne tient qu'à se parer du prétexte de réformation & du titre de réformateur, chaque particulier va bientôt renverser tout ce qu'il y a de plus solidement établi en fait de créance ou de morale. C'est ce que n'ont que trop justifié & leurs propres principes, & l'expérience ; leurs principes, en attribuant à chaque particulier le droit de régler sa foi sur l'intelligence qu'il a des écritures, & par-là même, en n'établissant au milieu d'eux aucune autorité légitime pour décider les questions de foi ; l'expérience, par leurs propres variations, & par cette multitude de sectes sorties depuis deux siecles du Protestantisme.

Quant à la réformation d'Angleterre, outre que le titre de chef suprème de l'église anglicane est une usurpation manifeste de la part d'Henri VIII. il est visible, dit M. Bossuet, que le dessein de ce prince n'a été que de se vanger de la puissance pontificale qui le condamnoit, & que sa haine fut la regle de sa foi sur la primauté du pape : aussi n'attenta-t-il rien contre les autres vérités catholiques ; mais les innovations faites sous ses successeurs, portent les mêmes caracteres que celles qui ont été faites par Luther & Calvin ; elles ont eu les mêmes suites. Le nom de réformation est donc à leur égard un titre abusif. Voyez l'histoire des variations de M. Bossuet, sur-tout les liv. VII. & X. & l'ouvrage de M. Nicole, intitulé les Prétendus réformés convaincus de schisme.

REFORMATION, (Jurisprud.) se dit de ce qui est ordonné pour prévenir quelques abus, ou pour les réprimer.

C'est principalement en matiere d'eaux & forêts que l'on se sert du terme de réformation. Les grands-maîtres en procédant à leurs visites, peuvent faire toutes sortes de réformations, & juger de tous délits, abus & malversations qu'ils trouveront avoir été commis dans leur département, soit par les officiers ou par les particuliers.

Toutes appellations en matiere de réformation d'eaux & forêts, doivent être jugées au siége de la table de marbre par les juges établis pour juger en dernier ressort. Voyez EAUX & FORETS, TABLE DE MARBRE. (A)

REFORMATION des monnoies, (Monnoie) c'est le changement qu'on fait seulement des empreintes des especes, sans en faire la réfonte. Boissard. (D.J.)


RÉFORMES. f. (Théolog.) rétablissement d'une premiere discipline qui a été négligée, ou correction des abus qui s'y sont introduits.

Ce mot pris dans le sens ecclésiastique, signifie la réduction d'un ordre ou d'une congrégation religieuse à garder l'ancienne sévérité de la regle de laquelle elle s'est insensiblement éloignée ; ou le désaveu de l'ancienne regle & de l'institution même, pour en suivre une plus sévere. Voyez ORDRE & RELIGIEUX.

C'est dans ce sens que l'on dit que la congrégation de saint Maur est une réforme de l'ordre de saint Benoît ; que les Feuillans sont une réforme de l'ordre de Cisteaux, & ainsi de plusieurs autres. Voyez BENEDICTINS, CISTERCIENS, FEUILLANS.

REFORME, s. f. c'est dans l'Art militaire la réduction qu'on fait ordinairement à la paix dans les troupes, pour en diminuer le nombre & la dépense.

La réforme n'est pas tout-à-fait la même chose que le licenciement ; elle n'opere qu'une réduction dans les corps où elle est faite, au lieu que le licenciement en opere entierement le renvoi ou la suppression.

Les grands états sont obligés d'avoir toujours un grand nombre de troupes entretenues, même en tems de paix, pour garder les places, & pour avoir un nombre d'officiers & de soldats bien exercés dans toutes les manoeuvres militaires. Ce nombre doit nécessairement augmenter en tems de guerre ; mais à la paix on remet les troupes à-peu-près dans l'état où elles étoient avant la guerre ; pour cet effet, on en réduit le nombre par une réforme que l'on fait dans chaque corps de troupes.

Comme il est très-important de conserver les officiers qui ont servi, pour leur faire remplir les différens emplois militaires par préférence à tout autre, on prend dans les réformes les arrangemens qui paroissent les plus convenables à cet effet. Dans la réforme faite après la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748, on conserva les capitaines des compagnies supprimées dans chaque bataillon, pour remplir les places de seconds officiers dans les compagnies auxquelles on réduisit les bataillons ; & cela en qualité de capitaine en second, avec quarante-deux sols d'appointemens par jour. On ne conserva de lieutenans que le nombre nécessaire pour mettre un second officier aux compagnies de fusiliers où il n'y avoit pas de capitaine en second.

Pour les places de lieutenant & pour celles d'enseigne, elles furent données aux plus anciens lieutenans ; les lieutenans-enseignes, ou lieutenans en second qui par l'arrangement pris se trouverent sans emploi, furent envoyés dans leurs provinces sans appointemens, excepté ceux dont les commissions étoient antérieures au premier Janvier 1744, qui eurent 150 livres d'appointemens de réforme. Le roi déclara, par son ordonnance du 10 Février 1749, que son intention étoit que ces lieutenans & enseignes fussent rappellés aux places qui viendroient à vaquer dans les régimens, & qu'il n'y fût point nommé d'autres sujets tant qu'ils subsisteroient.

Les soldats congédiés furent renvoyés en différentes bandes dans les provinces d'où ils étoient, & conduits sur des routes avec étapes, par des officiers choisis à cet effet. Le roi leur fit donner à chacun trois livres, & on leur laissa l'habit uniforme avec le chapeau.

Dans cette réforme le roi ayant supprimé 48 bataillons de son infanterie françoise, jugea à propos de conserver les grenadiers de ces bataillons, pour en composer le corps des grenadiers de France. Voyez GRENADIERS DE FRANCE. (Q)

REFORME, terme de commerce en détail ; il signifie la note qu'un marchand met sur un billet ou numéro attaché à une piece d'étoffe entamée, de la quantité d'aunes qui en a été levée, ce qui reforme les premiers aunages. Voyez AUNAGE & NUMERO. Dict. de Commerce & de Trévoux.


REFORMÉOFFICIER, (Art milit.) c'est en général un officier dont la place & la charge a été supprimée, desorte qu'il demeure quelquefois dans le même corps en qualité de capitaine en pié reformé, ou bien il y demeure en qualité de capitaine ou de lieutenant en second, c'est-à-dire, qu'il soulage l'officier en pié, & qu'il fait une partie du service, ou enfin, reste en qualité de capitaine ou de lieutenant réformé à la suite d'une compagnie maintenue sur pié, & il y demeure toujours avec l'avantage d'être conservé dans son rang d'ancienneté, & en état de monter aux charges vacantes, selon la date de sa commission ou de son brevet. Dictionn. milit. (D.J.)


REFORMERen Jurisprudence, signifie changer de forme & rectifier quelqu'acte ; on dit réformer des conclusions. (A)


REFOULÉadj. (Hydraul.) on dit que l'eau est refoulée, quand elle est forcée de monter soit dans un corps de pompe, soit en descendant d'une montagne pour remonter sur une autre. (K)


REFOULEMENTS. m. l'action de refouler. Voyez REFOULER.

REFOULEMENT du grain, terme de mesurage ; c'est l'entassement & le resserrement que fait un tas de grain. Ce refoulement a ses variétés, dont on peut juger par les différentes manieres dont on mesure le grain, ce qui n'est pas d'une petite conséquence, tant pour les acheteurs que pour les vendeurs. Car, par exemple, lorsque deux hommes, tenant un sac, laissent tomber de haut le grain dans le minot, le refoulement augmente le poids de cette mesure d'une livre. Cette maniere de mesurer se pratique à la grève & sur les ports : mais dans les bateaux, comme au quai de l'Ecole, où la maniere est différente, on y plonge la mesure de haut en bas, & en la retournant on la secoue fortement ; quand elle s'acheve d'emplir, le balancement fait une augmentation de trois livres par minot, au lieu qu'à la halle & dans les marchés ordinaires, le blé se coule à la main, & les marchands & laboureurs ne veulent pas même que l'on batte la mesure avec le rouleau dont on la rase. (D.J.)


REFOULERv. act. c'est fouler derechef. Voyez les articles FOULE & FOULER.

REFOULER, terme de Marine ; c'est aller contre la marée. On dit que la marée refoule lorsqu'elle descend.

REFOULER, en terme de Tabletier-Cornetier ; c'est l'action de former les fonds de toutes les sortes de cornets, à jouer, ou à écrire ; ce qui se fait ainsi. La matiere échauffée au feu se met en-travers dans un billot qui tire son nom de son usage. Chaque bout de la piece est appuyé sur une plaque. Le mandrin qui est dedans ne va point jusqu'à l'extrêmité où l'on veut faire le fond, & par le moyen d'un coin de bois mis à l'un ou l'autre bout, entre la plaque contre laquelle l'ouvrage est arrêté, & une autre qui est derriere celle-ci, la corne s'allonge aux coups de marteau, & le vuide se ferme enfin.

REFOULER, c'est en terme de Chasse, retourner sur ses pas.


REFOULOIRS. m. c'est dans l'Artillerie, un bâton ou hampe, qui porte à son extrêmité une tête de bois de forme cylindrique, avec laquelle on presse la poudre dans la piece, de même que le fourrage ou le tampon qu'on met dessus. Quelques auteurs donnent le nom de fouloir à cet instrument, mais refouloir est son vrai nom. Voyez cet instrument en E, Pl. VI. de Fortification, fig. 6. (Q)


REFOURNIRterme de commerce ; fournir ou se fournir de nouveau. Voyez FOURNIR.


RÉFRACTAIREadj. (Métallurgie) mot dont on se sert dans les fonderies pour désigner les mines qui, soit par elles-mêmes, soit à cause des substances avec lesquelles elles sont jointes, n'entrent point en fusion, ou du moins se fondent très-difficilement.

On nomme aussi pierres réfractaires ou apyres, celles que l'action du feu ne peut convertir ni en chaux, ni en verre, comme les talcs, &c.


RÉFRACTÉadj. (Optique) se dit d'un rayon de lumiere qui a souffert une ou plusieurs réfractions. On l'appelle aussi rayon rompu. Voyez REFRACTION.


RÉFRACTIONS. f. terme de Méchanique, est le détour, le changement de direction qui arrive à un mobile quand il tombe obliquement d'un milieu dans un autre qu'il pénétre plus ou moins facilement, ce qui est cause que le mouvement de ce corps devient plus ou moins oblique qu'il n'étoit auparavant, & s'éloigne de sa rectitude. Voyez MILIEU.

Par exemple, si une balle A, (Pl. Méchanique, fig. 52.) se meut dans l'air, suivant la ligne A B, & qu'elle frappe obliquement la surface de l'eau C D, elle n'ira point en E, mais elle se détournera vers F. De même si la balle se meut dans l'eau suivant la ligne A B, & qu'elle tombe obliquement sur la surface de l'air C D, elle n'ira point directement au point E, ni au point F, mais elle se détournera vers G. C'est ce détour dans l'un & l'autre cas que l'on nomme réfraction ; & on le distingue par le moyen de la perpendiculaire M I ; celle qui se fait suivant B G est appellée réfraction en s'approchant de la perpendiculaire, ou vers l'axe de réfraction ; & l'autre B F, réfraction en s'éloignant de la perpendiculaire, ou de l'axe de réfraction.

Plusieurs auteurs regardent, après Descartes, comme une loi de la réfraction qui a lieu dans tous les corps & dans tous les milieux, qu'un corps qui entre obliquement d'un milieu qui lui résiste dans un autre où il rencontre moins de résistance, se rompt en s'approchant de la perpendiculaire, & qu'en passant d'un milieu plus rare dans un autre plus dense, il s'éloigne de la perpendiculaire.

Ces auteurs en concluent que si les rayons de lumiere qui entrent de l'air dans l'eau s'approchent de la perpendiculaire ; au lieu qu'une balle qu'on jette dans l'eau s'en éloigne ; cela prouve que l'eau résiste moins que l'air au mouvement de la lumiere, quoiqu'elle fasse plus de résistance à celui de la balle.

Mais on ne sauroit trop s'étonner que les Philosophes aient été si longtems dans l'erreur sur ce sujet. Il est vrai qu'il paroît naturel de faire dépendre la réfraction de la lumiere des mêmes principes que la réfraction des corps solides. Mais quand on examine attentivement les phénomenes qui naissent de la réfraction de la lumiere, & qui ne s'accordent point du tout avec les circonstances qui accompagnent la réfraction des corps solides ; on est d'abord frappé de cette différence. Il est prouvé que la réfraction d'un rayon de lumiere qui a traversé le verre d'un récipient, augmente à mesure que les coups de piston raréfient l'air contenu dans ce récipient. Quelle difficulté pour les Cartésiens ? Diront-ils que la machine pneumatique augmente l'embarras du milieu qu'elle raréfie, & que le rayon ne doit jamais éprouver plus de résistance que lorsque le récipient est aussi purgé d'air qu'il est possible ? Ils doivent le dire sans-doute, & ils ne peuvent se dispenser d'admettre que les corps les plus denses sont ceux qui ouvrent le passage le plus libre à la lumiere. Etrange conséquence, bien propre à dégouter du principe ; on doute qu'il y ait des adoucissemens capables de lui faire perdre ce qu'elle a de révoltant. Voici pourtant une difficulté encore plus considérable. Si la résistance du milieu cause la réfraction de la lumiere, comme elle cause la réfraction des corps solides, il suit qu'un rayon qui souffre plusieurs réfractions, doit perdre sensiblement de son mouvement, & qu'il le perdra même entierement, ainsi qu'il arrive à un corps solide qui traverse un fluide. Or l'expérience dément encore ici la comparaison que doivent faire les Cartésiens ; & s'il arrive qu'un rayon qui traverse plusieurs milieux perde sensiblement de sa lumiere, il n'en faut attribuer la cause qu'à la perte réelle de quelques-unes de ses parties interceptées ou réfléchies par les particules solides du milieu ; celles de ses parties qui échappent & pénétrent continuent leur route avec la totalité primitive de leur mouvement.

Telles sont les difficultés qui se présentent d'abord contre l'explication de Descartes & de ses sectateurs. Voyez sur ce sujet les mém. de l'académie 1739. Mais on peut en trouver encore d'autres en approfondissant de nouveau cette matiere. Quelque absurdité qu'il paroisse y avoir, à supposer que les milieux les plus denses sont ceux qui résistent le moins à la lumiere, les Cartésiens se sont toujours tenus retranchés dans cette supposition, comme dans un asyle où il étoit difficile de les forcer. Car la nature des corpuscules lumineux, & la maniere dont se fait la propagation de la lumiere, nous est trop peu connue pour qu'il soit facile de démontrer que l'eau leur résiste plus que l'air. C'est pourquoi il paroît que le meilleur moyen d'examiner la validité du principe cartésien, c'est de déterminer exactement par le calcul les lois de la réfraction des corps solides, & d'examiner si ces lois s'accordent avec celle de la réfraction de la lumiere. C'est ce que j'ai fait dans mon traité des fluides, 1744, où j'ai traité ce sujet à fond. Les propositions où ma méthode me conduit sont, pour la plûpart, très-paradoxes, & très-éloignées de tout ce qu'on avoit cru jusqu'ici. Il résulte de mes démonstrations, qu'aucune des lois qu'on observe dans la réfraction de la lumiere, ne doit avoir lieu dans celle des corps solides, & qu'ainsi c'est mal-à-propos qu'on a fait dépendre l'une & l'autre réfraction des mêmes principes.

Je démontre, par exemple, qu'il n'est pas vrai en général que tout corps doive se rompre en s'approchant de la perpendiculaire dans les milieux qui lui résistent moins, & réciproquement. La réfraction d'un corps dépend entierement de sa figure, & de la direction sous laquelle il entre dans le nouveau milieu. Un corps sphérique qui entre obliquement d'un milieu dans un autre, se rompt toujours, & se rompt en s'approchant ou en s'éloignant de la perpendiculaire, selon que le milieu où il entre est moins ou plus résistant que celui d'où il vient. Mais on ne peut pas dire qu'en général tous les corps de figure quelconque observent cette loi. Ainsi, un corps qui auroit la figure d'un parallélogramme rectangle, & qui viendroit frapper la surface du nouveau milieu, de maniere que sa direction fût suivant une de ses diagonales, & que son autre diagonale fût parallele à la surface du nouveau milieu, ce corps ne souffriroit dans son partage aucune réfraction, quoiqu'il entrât obliquement ; & il se romproit en s'approchant ou en s'éloignant de la perpendiculaire, selon que sa direction seroit en-deçà ou en-delà de sa diagonale, soit que le milieu où il entre soit plus dense, ou qu'il soit plus rare que celui d'où il vient.

Plusieurs auteurs regardent comme un axiome, que pour qu'un corps se rompe, il faut qu'il tombe obliquement sur un second milieu. Il n'y a point de réfraction dans les incidences perpendiculaires.

Cette proposition n'est cependant pas vraie généralement ; car le parallélogramme dont nous venons de parler, souffriroit une réfraction s'il tomboit perpendiculairement sur le milieu nouveau ; ainsi la proposition dont il s'agit, doit s'entendre seulement des corps sphériques, ou ce qui est à peu-près la même chose, des corps considérés comme des points, sans avoir égard à leur figure, ou enfin en général, des corps symmétriques, qui entrent perpendiculairement dans le nouveau milieu, suivant une ligne ou plan qui les divise en parties égales & semblables ; car il est évident qu'il n'y a point alors de raison pour que le corps s'écarte d'un côté de ce plan plutôt que de l'autre. L'expérience nous fait voir au reste, que les rayons de lumiere perpendiculaires ne souffrent aucune réfraction.

Vossius & Snellius ont cru cependant avoir observé une réfraction dans un rayon de lumiere perpendiculaire, un objet perpendiculaire paroissant dans l'eau beaucoup plus près qu'il ne l'étoit en effet ; mais c'étoit attribuer à une réfraction du rayon perpendiculaire, ce qui ne vient que de la divergence du rayon oblique très-proche du rayon perpendiculaire, lequel rayon oblique souffre une réfraction.

Il se fait néanmoins une réfraction manifeste, même des rayons perpendiculaires, dans le crystal d'Islande. Voyez CRYSTAL D'ISLANDE.

Quoique l'incidence oblique soit nécessaire dans tous les milieux que nous connoissons, pour produire la réfraction, elle ne doit pourtant pas passer un certain degré. Quand elle est plus grande qu'il ne faut, le mobile ne pénetre point le milieu, & il se réfléchit, au lieu de souffrir une réfraction. En effet on a remarqué souvent que les corps qui frappent trop obliquement la surface de l'eau, se réfléchissent. Quelquefois dans les batailles navales, les boulets sont ainsi renvoyés par l'eau ; la même chose arrive aux petites pierres que les enfans jettent avec roideur sur la surface de l'eau pour leur faire faire plusieurs sauts. Voyez l'article RICOCHET, où cette théorie est expliquée, ainsi que celle de la réfraction des corps solides en général.

Les anciens confondoient souvent la réfraction avec la réflexion. M. Newton, sans les confondre, a fait voir qu'il y a beaucoup d'analogie entr'elles, surtout dans ce qui concerne la lumiere. Voyez REFLEXION & LUMIERE.

Les lois de la réfraction des rayons de lumiere dans les surfaces qui séparent des milieux différens, soit que ces surfaces soient planes, concaves, ou convexes, &c. font l'objet de la Dioptrique. Voyez DIOPTRIQUE.

C'est par le moyen de la réfraction que les verres ou lentilles convexes rassemblent les rayons, grossissent les objets, brûlent, &c. Voyez LENTILLE & FOYER.

C'est là-dessus qu'est fondée l'invention des microscopes, des télescopes, &c. Voyez MICROSCOPE & TELESCOPE.

C'est par la réfraction que tous les objets éloignés paroissent hors de leur véritable place, & que les corps célestes particulierement paroissent plus élevés au-dessus de l'horison qu'ils ne le sont effectivement. Voyez LEVER, COUCHER, LIEU, APPARENT, &c. Voyez aussi plus bas REFRACTION ASTRONOMIQUE.

Réfraction de la lumiere, en Optique, est une inflexion, un détour ou un changement de direction qui arrive à un rayon, quand il passe d'un milieu dans un autre qui le reçoit plus ou moins facilement : ce qui est cause qu'il se détourne de sa direction. Voyez RAYON.

M. Newton prétend que la réfraction de la lumiere n'est point causée par les rayons qui rencontrent la surface des corps, mais sans aucun contact par l'action de quelque puissance qui se trouve également répandue sur toute leur surface, & qui détourne les rayons de leur chemin.

Les raisons dont nous nous sommes servis pour prouver que la reflexion se fait sans aucun contact immédiat, ont également lieu dans ce qui concerne la réfraction ; mais on peut y joindre les suivantes.

1°. Lorsqu'un rayon de lumiere passe du verre dans l'air avec une certaine obliquité, ce rayon traverse l'air ; mais il se réfléchit entierement, si l'obliquité est très-grande ; car la puissance ou attraction du verre sera trop forte pour laisser passer aucun de ces rayons : ce qui fait qu'ils se réfléchiront entierement au lieu de se rompre.

2°. La lumiere se rompt & se réfléchit plusieurs fois alternativement dans les lames minces du verre, à mesure que leur épaisseur augmente en progression arithmétique. C'est l'épaisseur de ces lames qui fait qu'elle se réfléchit ou qu'elle se transmet alternativement, sur quoi voyez LUMIERE & COULEUR.

3°. Quoique le pouvoir que les corps ont de réfléchir & de rompre la lumiere, soit à peu près proportionnel à leur densité, on trouve cependant que les corps gras & sulphureux la réfléchissent avec plus de force que leur densité ne sembleroit l'exiger ; car comme les rayons agissent avec plus de force sur ces corps pour les allumer que sur les autres ; de même les corps, par leur attraction mutuelle agissent avec plus de force sur les rayons pour les rompre.

Enfin ce ne sont point seulement les rayons qui passent à-travers le verre, qui se rompent, ceux même qui passent de l'air dans le vuide ou dans un air beaucoup plus rare, ou même vers les extrêmités de la plûpart des corps opaques, par exemple, le bord d'un canif, souffrent la même inflexion à cause de l'attraction du corps. Voyez DIFFRACTION.

Voici comment on peut expliquer la maniere dont se fait la réfraction par une simple attraction sans aucun contact immédiat. Supposons que H I (Pl. optiq. fig. 56) termine les deux milieux N & O, dont le premier soit le plus rare, par exemple, de l'air ; le second plus dense, savoir du verre, l'attraction des milieux sera ici comme leurs densités. Supposons que P S soit le terme auquel la force attractive du milieu le plus dense s'étende au dedans du plus rare, & que R T soit le terme auquel s'étend l'attraction du milieu plus rare dans le milieu plus dense.

Soit maintenant un rayon de lumiere A a qui tombe obliquement sur la surface qui sépare les milieux, ou plutôt sur la surface P S, où commence l'action du second milieu qui attire le plus, toute attraction se faisant suivant des lignes perpendiculaires au corps attirant ; dès que le rayon arrivera au point a, il commencera à être détourné de sa direction, par une force supérieure qui l'attire davantage vers le milieu O que vers le milieu N, c'est-à-dire, par une force qui le poussera suivant une direction perpendiculaire à la surface H I ; de-là vient que le rayon s'écarte de la ligne droite à chaque point de son passage entre P S & R T, qui sont les limites au-dedans desquelles l'attraction agit. Il décrira donc une courbe a B C entre ces deux lignes. Il faut supposer cette ligne courbe tracée, quoique nous ne l'ayons représentée que par deux lignes droites qui font un angle en B. Mais étant parvenu au-delà de R T, il se trouvera hors de la sphere d'attraction du milieu N : ce qui fait qu'il sera attiré également en tous sens par le milieu O, & par conséquent s'avancera en ligne droite vers C, suivant la direction de la tangente de la courbe en B.

Supposons de nouveau que N soit le milieu le plus dense, O le plus rare, & H I la ligne qui les termine. Soit R T la distance à laquelle le milieu le plus dense étend sa force attractive dans le plus rare : le rayon ayant passé le point a, sera dans la sphere de l'attraction supérieure du milieu le plus dense ; mais comme cette attraction agit suivant les lignes perpendiculaires à sa surface, le rayon s'éloignera continuellement de son droit chemin A M, & s'approchera perpendiculairement vers P S : étant donc ainsi poussé par deux différentes forces, il aura un mouvement composé par lequel, au lieu de a M, il décrira la courbe a m.

Enfin quand il sera arrivé en m, se trouvant hors de l'attraction du milieu N, il se mouvra uniformément dans une ligne droite, dans la direction où l'extrêmité de la courbe le laisse. On voit donc comment la réfraction se fait tant en s'approchant de la perpendiculaire D E, qu'en s'en éloignant, savoir en s'en approchant, lorsque O est plus dense que N, & en s'en éloignant, lorsque N est plus dense que O.

Il faut observer que l'attraction du milieu le plus dense de N, par exemple, diminue continuellement à mesure que le rayon avance de B vers la limite de l'attraction R T, à cause qu'il se trouve de plus en plus un moindre nombre des parties qui agissent ; car plus le corps s'approche de R S, plus il s'éloigne du milieu supérieur, & plus par conséquent l'attraction de ce milieu devient foible.

Remarquez encore que la distance entre P S & R T étant fort petite, on ne fait point attention, quand il est question de réfraction, à la partie courbe du rayon ; mais on la considere comme composée de deux lignes droites C B, A B, M B, A B.

Un rayon A B (Pl. Optiq. fig. 56), tombant obliquement du point lumineux A sur le point B d'une surface diaphane H I plus rare ou plus dense que le milieu par lequel il a passé en venant de l'objet lumineux, change donc en général de direction, & se détourne vers C ou vers m, au lieu d'aller vers M en ligne droite.

Ce détour est appellé la réfraction du rayon : B C, le rayon rompu, ou la ligne de réfraction : & B le point de réfraction.

La ligne A B est appellée ligne ou rayon d'incidence, & à son égard B est aussi appellé le point d'incidence.

Le plan dans lequel les rayons incidens & rompus se trouvent, est appellé plan de réfraction, la ligne B E menée dans le milieu où se fait la réfraction perpendiculairement à la surface rompante au point de réfraction B, axe de réfraction. La ligne D B menée perpendiculairement sur la surface rompante au point d'incidence B par le milieu où passe le rayon incident, est appellée axe d'incidence : ces deux axes sont toujours en ligne droite, puisque la surface H I est commune aux deux milieux.

L'angle A B I compris entre le rayon incident & la surface rompante, est appellé angle d'inclinaison ; & l'angle A B D compris entre le rayon incident & l'axe d'incidence, angle d'incidence.

L'angle M B C que le rayon rompu fait avec celui d'incidence, s'appelle l'angle rompu ; & l'angle C B E que le rayon rompu C B E fait avec l'axe de réfraction, angle de réfraction.

Loix générales de la réfraction ; 1°. du rayon de lumiere qui entre dans un milieu plus dense, en sortant d'un milieu plus rare, par exemple de l'air dans le verre, se rompt en s'approchant de la perpendiculaire, c'est-à-dire, de l'axe de réfraction.

Il suit de-là que l'angle de réfraction est plus petit que celui d'incidence, puisqu'ils seroient égaux, si le rayon alloit en droite ligne de A vers M. Il suit encore qu'un rayon perpendiculaire à la surface rompante passera à-travers sans se rompre, puisqu'il ne peut être rompu en s'approchant de la perpendiculaire. La raison en est que l'attraction du milieu le plus dense qui dans des incidences obliques à sa surface agissant perpendiculairement à cette même surface, détourne le rayon de sa route directe, cette attraction, dis-je, lorsque l'incidence est perpendiculaire, agit suivant la direction du rayon, & par conséquent ne change point cette direction.

2°. La raison du sinus de l'angle d'incidence à celui de l'angle de réfraction, est fixe & constante ; si la réfraction se fait de l'air dans le verre, elle est plus grande que 114 à 76, mais moindre que 115 à 76, c'est-à-dire, à peu près comme 3 à 2.

Cette raison s'accorde avec une autre de M. Newton, qui fait le sinus de l'angle d'incidence au sinus de l'angle de réfraction, comme 31 à 20 : ce qui est à peu près comme 3 à 2. Il y a, il est vrai, quelque différence dans la quantité de réfraction, selon les différentes especes de verre ; mais cette précision n'est point absolument nécessaire ici. Descartes a trouvé que la raison du sinus de l'angle d'incidence au sinus de l'angle de réfraction dans l'eau de pluie est comme 250 à 187, c'est-à-dire, à peu près comme 4 à 3 : ce qui s'accorde avec l'observation de M. Newton qui la fait comme 529 à 376. Dans l'esprit-de-vin ce même auteur fait cette raison comme 100 à 73 : ce qui n'est pas fort éloigné de la raison sesquitierce, c'est-à-dire, de 4 à 3.

On n'a point encore déterminé d'où vient le différent pouvoir réfractif dans les différens fluides. L'eau claire est de tous les corps celui qui rompt le moins les rayons ; mais quand elle est impregnée de sel, sa réfraction augmente à proportion de la quantité qu'elle en contient. M. Newton fait voir que dans plusieurs corps, par exemple, le verre, le crystal, la sélenite, la fausse topase, &c. le pouvoir réfractif est proportionnel à leur densité ; il n'y a que les corps sulphureux, comme le camphre, l'huile d'olive, l'ambre, l'esprit de térébenthine, &c. où il est deux ou trois fois plus grand que dans les autres corps de densité égale ; & néanmoins le pouvoir réfractif de chacun de ces corps sulphureux comparés ensemble, est à peu près comme leur densité. Quant à l'air, M. Newton montre qu'un rayon de lumiere, en traversant l'athmosphere, se rompt comme il le feroit, s'il passoit avec la même obliquité du vuide dans un air aussi dense que celui qui est dans la partie la plus basse de l'athmosphere. Voyez ATHMOSPHERE & CREPUSCULE.

Il suit du principe que nous venons d'établir, qu'un angle d'incidence & l'angle de réfraction qui lui correspond, étant une fois connus, il est aisé de trouver la valeur des angles de réfraction correspondans à plusieurs autres angles d'inclinaison.

Zahnius & Kircher ont trouvé que si l'angle d'incidence de l'air dans le verre est de 70d., l'angle rompu sera de 38d. 50'; & c'est sur ce principe que Zahnius a construit une table des réfractions de l'air dans le verre pour différens degrés d'angles d'incidence. Voici un abrégé de cette table.

C'est Willeb. Snellius qui a le premier découvert la raison constante des sinus des angles d'inclinaison & des angles rompus. On attribue communément cette découverte à Descartes, qui selon quelques-uns, l'ayant trouvée dans les manuscrits de Snellius, la publia pour la premiere fois dans sa dioptrique, sans faire mention de lui : c'est ce que nous apprend M. Huyghens. Mais ce prétendu vol de Descartes n'est point prouvé ; d'ailleurs la raison trouvée par Descartes est plus simple que celle de Snellius, qui au lieu des sinus d'incidence & de refraction, mettoit les sécantes de leurs complémens, qui sont en raison inverse de ces sinus.

Comme les rayons de lumiere n'ont pas tous le même degré de réfrangibilité, cette raison des sinus peut varier suivant leurs différentes especes. La raison des sinus que les auteurs ont observée n'a donc lieu que par rapport aux rayons de réfrangibilité moyenne, c'est-à-dire, à ceux qui sont verds. M. Newton fait voir que la différence de réfraction entre les rayons les moins réfrangibles & ceux qui le sont le plus, est environ le 1/23 partie de toute la réfraction des moyens réfrangibles ; & cette différence est si petite qu'il arrive rarement qu'on doive y avoir égard. Voyez REFRANGIBILITE.

3°. Lorsqu'un rayon passe d'un milieu plus dense dans un autre plus rare, par exemple du verre dans l'air, il s'éloigne de la perpendiculaire, ou de l'axe de réfraction ; d'où il suit que l'angle de réfraction est plus grand que celui d'incidence.

Lorsque la réfraction se fait de l'air dans le verre, la raison du sinus de l'angle d'incidence, au sinus de l'angle de réfraction, est comme 3 à 2 ; si c'est de l'air dans l'eau, comme 4 à 3 : c'est pourquoi si la réfraction se fait d'une maniere contraire ; savoir du verre ou de l'eau dans l'air, la raison du sinus dans le premier cas, sera comme 2 à 3, & dans le second comme 3 à 4.

4°. Un rayon qui tombe sur une surface courbe, soit concave ou convexe, se rompt de la même maniere que s'il tomboit sur un plan tangent à la courbe au point d'incidence.

Car la courbe & la surface plane qui la touche, ont une portion infiniment petite, commune entr'elles. Donc quand un rayon se rompt dans cette petite partie, c'est la même chose que s'il souffroit une réfraction dans le plan touchant.

5°. Si une ligne droite E F (fig. 57,) coupe la surface rompante G H, à angles droits, & que l'on mene d'un point pris dans le milieu le plus dense, tel que D, la parallele D C au rayon incident A B, elle rencontrera le rayon rompu en C, & aura même raison avec B C, que le sinus de l'angle de réfraction, au sinus de l'angle d'incidence.

Si donc le rayon B C passe du verre en l'air, il sera en raison sous-sesquialtere à C D ; si de l'air dans le verre, en raison sesquialtere, c'est-à-dire dans le premier cas comme 2 à 3, dans le second comme 3 à 2 à C D.

De même si la lumiere passe de l'eau dans l'air, C B sera en raison sous-sesquitierce à C D, ou comme 3 à 4 ; si de l'air dans l'eau, en raison sesquitierce, ou comme 4 à 3. Voyez fig. 57 & 58.

Loix de la réfraction dans les surfaces planes. 1°. Si des rayons paralleles se rompent en passant d'un milieu transparent, dans un autre moins dense, ils demeureront paralleles après la réfraction.

La raison en est, qu'étant paralleles, leur obliquité ou angle d'incidence est le même. Or nous avons fait voir, que lorsque les obliquités sont égales, la réfraction l'est aussi. Il s'ensuit donc qu'ils conserveront après la réfraction le parallélisme qu'ils avoient auparavant.

Il suit de-là, que si l'on présente un verre plan des deux côtés, directement au soleil, la lumiere passera au-travers, comme si le verre n'y étoit point : car les rayons étant perpendiculaires, passeront à-travers sans souffrir de réfraction. Si l'on présente le verre obliquement au soleil, la lumiere après la réfraction aura à-peu près la même force qu'auparavant ; car sa force dépend de l'épaisseur & de l'union des rayons, aussi-bien que de l'angle sous lequel elle frappe l'objet ou l'oeil, & l'un & l'autre sont invariables dans le cas dont il s'agit. Il faut pourtant avouer que la lumiere pourra être un peu affoiblie à cause des rayons qui se perdent dans l'intérieur du corps, & qui y sont comme absorbés ou réfléchis.

2°. Si deux rayons C D & C P, (fig. 59.) partant du même point lumineux C, tombent sur une surface plane, ensorte que les points de réfraction D & P, soient également distans de la cathete d'incidence G K, les rayons rompus D F & P Q auront le même foyer virtuel, ou point de dispersion G. Voyez FOYER VIRTUEL.

Il suit de-là, 1°. que puisque dans les rayons qui sont fort proches les uns des autres, la distance de la cathete est à-peu-près la même, ils divergeront sensiblement du même point G, c'est-à-dire qu'ils auront le même foyer virtuel G.

2°. Lorsque les rayons rompus qui tombent sur un oeil placé hors de la cathete d'incidence, sont ou également distans de cette cathete, ou fort proches les uns des autres, ils frapperont l'oeil comme s'ils venoient du point G, & par conséquent on verra le point C par les rayons rompus, comme s'il étoit en G, ou plutôt comme si les rayons partoient de C. Voyez DIOPTRIQUE.

3°. Si un rayon E D tombe obliquement d'un milieu plus rare, dans un autre plus dense, dont la surface est plane, la distance C K du point lumineux, aura une moindre raison à la distance K G du foyer virtuel, que le sinus de l'angle de réfraction à celui de l'angle d'incidence. Mais si la distance K D du point K de réfraction à la cathete d'incidence, est très-petite par rapport à la distance C K du point lumineux, pour lors C K sera à K G, sensiblement & à très-peu-près, en raison du sinus de l'angle de réfraction au sinus de l'angle d'incidence.

Il suit de-là, 1°. que lorsque la réfraction se fait de l'air dans le verre, la distance du point de dispersion des rayons près de la cathete, est sesquialtere de la distance du point radieux, & celle des rayons les plus éloignés plus que sesquialtere.

2°. Si l'oeil est placé dans un milieu dense, les objets qu'il verra dans le plus rare, lui paroîtront beaucoup plus éloignés qu'ils ne le sont en effet ; & l'on pourra déterminer le lieu de l'image, dans quelque cas donné que ce soit, par la raison de la réfraction. Ainsi les objets placés dans l'air, doivent paroître à un oeil placé dans l'eau, beaucoup plus éloignés qu'ils ne le sont réellement.

3°. Si un rayon D G tombe obliquement d'un milieu plus dense, dans un autre plus rare A B, la distance G K du point lumineux, a une plus grande raison à la distance K C du point de dispersion, que le sinus de l'angle de réfraction au sinus de l'angle d'incidence ; mais si D est fort près de K, K G sera à K C, sensiblement & à très-peu-près, en raison du sinus de l'angle de réfraction, à celui de l'angle d'incidence.

Il suit de-là, 1°. que lorsque la réfraction se fait du verre dans l'air, la distance du point de dispersion des rayons, près de la cathete d'incidence, est sous-sesquialtere de la distance du point lumineux ; & que celle des rayons les plus éloignés, est moins que sous-sesquialtere.

2°. Si la réfraction se fait de l'eau dans l'air, la distance du point de dispersion des rayons, près de la cathete, sera sous-sesquitierce ; & celle des rayons les plus éloignés, moindre que sous-sesquitierce.

3°. Si donc l'oeil est placé dans un milieu plus rare, les objets placés dans un milieu plus dense, lui paroîtront plus près qu'ils ne le sont ; & l'on pourra déterminer le lieu de l'image dans quelque cas donné que ce soit, par la raison des sinus des angles d'incidence & de réfraction. De-là vient que le fond d'un vaisseau plein d'eau, paroît élevé par la réfraction à un tiers de sa hauteur, à un oeil placé perpendiculairement au-dessus de la surface, & c'est ce qui fait que les poissons & les autres corps qui sont plongés dans l'eau, nous paroissent plus près qu'ils ne le sont en effet.

4°. Si l'oeil est placé dans un milieu plus rare, l'objet qu'il verra dans un milieu plus dense, par un rayon rompu sur une surface plane, lui paroîtra plus grand qu'il ne l'est effectivement. C'est une proposition que tous les auteurs avancent, fondés sur ce que l'angle visuel, sous lequel on voit l'objet, ou l'angle formé par les rayons rompus des extrêmités de l'objet, est plus grand que l'angle que feroient ces mêmes rayons, s'ils venoient à l'oeil immédiatement sans se rompre. Cependant on ne doit pas regarder cette démonstration comme bien exacte, parce que la grandeur apparente des objets n'est pas uniquement proportionnelle à la grandeur de l'angle visuel. Voyez APPARENCE & VISION.

Selon les mêmes auteurs, si l'objet est placé dans un milieu plus rare, & l'oeil dans un milieu plus dense, l'objet paroîtra plus petit. Ainsi les objets qui sont sous l'eau, paroîtront plus grands qu'ils ne le sont à un oeil placé dans l'air, & ceux qui sont dans l'air, paroîtront plus petits aux poissons qui sont dans l'eau.

Quoique les conséquences s'accordent assez avec ce que l'expérience nous découvre, cependant il ne faut point regarder comme bien démontrés les théoremes précédens sur la grandeur apparente des objets vus par des verres plans. Cette matiere est encore sujette à beaucoup de difficultés.

Lois de la réfraction dans les surfaces sphériques, tant concaves que convexes. 1°. Un rayon de lumiere D E, (fig. 60.) parallele à l'axe d'une sphere plus dense, apres une seule réfraction E, vient couper l'axe en un point F, qui est au-delà du centre C.

Car le demi diametre C E, mené au point de réfraction E, est perpendiculaire à la surface K L, & par conséquent l'axe de réfraction ; mais nous avons vu qu'un rayon qui passe d'un milieu plus rare, dans un milieu plus dense, s'approche de la perpendiculaire ou de l'axe de réfraction ; c'est pourquoi le rayon D E s'approchera de l'axe de la sphere A F, & viendra enfin le couper, & cela au-delà du centre C en F, à cause que l'angle de réfraction F E C, est moindre que celui d'incidence C E H.

2°. Si un rayon D E tombe sur la surface sphérique convexe d'un milieu plus dense que celui d'où il vient, & qu'il vienne parallélement à l'axe A F, le demi diametre C E sera au rayon rompu E F, en raison du sinus de l'angle rompu, au sinus de l'angle d'incidence ; mais la distance C F du centre, au point de concours F, sera au rayon rompu F E, en raison du sinus de l'angle de réfraction au sinus de l'angle d'incidence.

3°. Si un rayon D E tombe sur la surface sphérique convexe d'un milieu plus dense K L, parallélement à son axe A F, la distance du foyer à la surface rompante, est à sa distance du centre F C, en plus grande raison que celle du sinus de l'angle d'incidence au sinus de l'angle de réfraction. Mais si les rayons sont fort proches de l'axe, & l'angle d'incidence B C E fort petit, les distances B C & C F du foyer à la surface & au centre, seront à-peu-près en raison du sinus de l'angle d'incidence au sinus de l'angle de réfraction.

Il suit de-là, 1°. que si la réfraction se fait de l'air dans le verre, dans le cas où les rayons sont près de l'axe, B F : B C : : 3 : 2 ; & dans le cas où le rayon est fort éloigné de l'axe, B F : F C > 3 : 2. Par conséquent dans le premier cas, B C : B F : : 1 : 3 ; & dans le dernier, B C : B F < 1 : 3.

2°. Si la réfraction se fait de l'air dans l'eau ; dans le premier cas B F : F C : : 4 : 3, & dans le dernier, B F : F C > 4 : 3 ; par conséquent dans le premier, B C ; B F : : 1 : 4 ; & dans le dernier B C : B F >, 1 : 4.

Il suit donc, 1°. que puisque les rayons du soleil sont sensiblement paralleles, dès qu'ils viendront à tomber sur la surface d'une sphere de verre solide, ou d'une sphere remplie d'eau, ils ne suivront pas une route parallele à celle de l'axe, au dedans de la sphere. Vitellion s'est donc trompé, quand il a avancé que les rayons du soleil qui tombent sur une sphere de verre, s'approchent du centre en se rompant, & en conservant leur parallélisme. Voyez FOYER.

4°. Si un rayon D E (fig. 61.) parallele à l'axe F A passe d'un milieu plus dense dans un milieu sphérique plus rare, il s'éloigne de l'axe après la réfraction ; & la distance F C du point de dispersion au foyer virtuel, au centre de la sphere sera à son demi-diametre C E en raison du sinus de l'angle de la réfraction à celui de l'angle rompu, & à la portion du rayon rompu F E qui est retournée en arriere en raison du sinus de réfraction au sinus de l'angle d'incidence.

5°. Si un rayon E D, en sortant d'un milieu plus dense, tombe parallelement à l'axe A F sur la surface sphérique convexe K L, d'un milieu plus rare, la distance F C du point de dispersion au centre sera à sa distance de la surface F B en plus grande raison que celle du sinus de l'angle de réfraction au sinus de l'angle d'incidence ; mais si le rayon D E est fort proche de l'axe F A, la raison sera à-peu-prés la même que celle du sinus de l'angle de réfraction au sinus de l'angle d'incidence. Il suit de-là, 1°. que si la réfraction se fait du verre dans l'air, dans le cas où le rayon est près de l'axe, F C : F B : : 3 : 2, par conséquent B C : F B : : 1 : 2 ; c'est pourquoi dans le cas où le rayon est plus éloigné de l'axe, B C : F B < 1 : 2. 2°. Si la réfraction se fait de l'eau dans l'air ; dans le premier cas F C : F B : : 4 : 3 ; par conséquent B C : F B : : 1 : 3 ; dans le second cas B C : F B < 1 : 3. 3°. Puisque le point de dispersion F est plus éloigné de la surface rompante K L, si le rayon passe de l'eau dans l'air, que s'il passe du verre dans l'air, les rayons paralleles se disperseront moins dans le premier cas que dans le second.

6°. Si un rayon H E (fig. 60.) tombe parallelement à l'axe F A d'un milieu plus rare sur la surface d'un milieu plus dense, sphériquement concave, le rayon rompu E N sera dirigé comme s'il partoit du point de l'axe F ; desorte que F E sera à F C en raison du sinus de l'angle d'incidence au sinus de réfraction.

7°. Si un rayon E H en sortant d'un milieu plus rare, tombe parallelement à l'axe F E sur la surface sphérique concave d'un milieu plus dense, la distance F B du point de dispersion à la surface rompante sera à F C, distance du centre, en plus grande raison que celle du sinus de l'angle d'incidence, au sinus de l'angle de réfraction ; mais si le rayon est fort proche de l'axe, & l'angle B C E fort petit ; B F sera à C F, à très-peu près, en raison du sinus de l'angle d'incidence au sinus de l'angle de réfraction. D'où il suit, 1°. que si la réfraction se fait de l'air dans le verre, dans le cas où le rayon est près de l'axe F B : F C : : 3 : 2 ; dans le cas où il est plus éloigné de l'axe F B : F C > 3 : 2 ; par conséquent dans le premier B C : F C : : 1 : 2 ; & dans le dernier B C : F C < 1 : 2. 2°. Si la réfraction se fait de l'air dans l'eau, dans le cas où le rayon est près de l'axe F B : F C : : 4 : 3 ; dans le cas où il est plus éloigné de l'axe F B : F C > 4 : 3 ; par conséquent dans le premier cas B C : F C : : 1 : 3, & dans le second B C : F C < 1 : 3. 3°. Puisque ce point de dispersion F est plus éloigné du centre de la réfraction qui se fait dans l'eau que si elle se fait dans le verre, les rayons se disperseront moins dans le dernier cas que dans le premier.

8°. Si le rayon H E (fig. 61.) en sortant d'un milieu plus dense tombe parallelement à l'axe A F sur la surface d'un milieu plus rare, sphériquement concave ; le rayon rompu concourra avec l'axe A F au point F, ensorte que la distance C F du point de concours au centre, sera au rayon rompu F E en raison du sinus de l'angle de réfraction au sinus de l'angle d'incidence.

Réfraction dans un prisme de verre. Si un rayon de lumiere D E (fig. 62.) tombe obliquement de l'air sur un prisme A B C, il se rompra en approchant de la perpendiculaire, & au-lieu d'aller vers F il se détournera en G, c'est-à-dire vers la ligne H I, abaissée perpendiculairement à la surface A B au point de réfraction E. De même puisque le rayon E G passant du verre dans l'air tombe obliquement sur C B, il se rompra vers M, & s'éloignera de la perpendiculaire N G O, & de-là naissent les divers phénomenes que l'on observe dans le prisme. Voyez PRISME.

C'est sur cette proposition qu'est fondée la propriété qu'a le prisme de séparer les rayons de différentes couleurs. Car les rayons de différentes couleurs se rompent différemment, comme l'on sait, de sorte que si plusieurs rayons paralleles à D H, & de différente refrangibilité (voyez REFRANGIBILITE), tombent sur la surface A B, ces rayons après leur entrée dans le verre ne seront plus paralleles. Ils en sortiroient paralleles si C B étoit parallele à A B, comme on le verra plus bas. Mais comme C B n'est point parallele à A B, ces mêmes rayons ne sont plus paralleles en sortant, & par conséquent ils sont écartés & séparés les uns des autres ; desorte que le rayon D H qui n'étoit qu'un rayon blanc ou un faisceau de rayons de toutes sortes de couleurs, mêlés & confondus ensemble, devient après la réfraction du prisme, un faisceau de rayons séparés.

Réfraction dans une lentille convexe. Si des rayons paralleles A B, C D, & E F, (fig. 63.) tombent sur la surface d'une lentille 2 B 3 K ; le rayon perpendiculaire A B passera vers K sans se rompre, d'où sortant dans l'air perpendiculairement comme auparavant, il ira directement en G. Mais les rayons C D & E F qui tombent obliquement de l'air sur le verre aux points D & F, se rompront vers l'axe de réfraction (c'est-à-dire vers les lignes H I & L M menées perpendiculairement sur la surface rompante aux points de réfraction F & D) & se détourneront vers P & vers 2. De même, sortant obliquement du verre pour tomber sur la surface de l'air, ils s'éloigneront de la perpendiculaire ; c'est pourquoi D 2 n'ira point vers X mais vers G ; & F P vers G au-lieu d'aller en R. On peut démontrer de même que tous les autres rayons qui tombent sur la surface du verre se rompront & aboutiront tous à-peu-près au point G, pourvu que les rayons E F, C D, &c. soient assez près de l'axe A B ; car s'ils en sont éloignés, leur point de concours avec l'axe ne pourra pas être censé au même point G. C'est pour cela que la plûpart des lentilles, comme 2 B 3 K ont fort peu de convexité, ou quand elles sont fort convexes, fort peu de largeur ; car si on leur donnoit trop, les rayons qui tomberoient vers les extrêmités 2, 3, iroient rencontrer l'axe A B, après s'être rompus dans un point fort différent du point G où concourent les rayons rompus fort près de l'axe : & ces rayons qui tombent vers l'extrêmité 2, 3, empêcheroient de cette maniere le foyer G d'être aussi net qu'il seroit sans cela. C'est aussi pour cette raison qu'on couvre souvent les extrêmités 2 & 3, soit devant, soit par derriere, de quelque corps opaque, pour intercepter, soit avant soit après la réfraction, les rayons qui tombent sur les extrêmités 2 & 3. Voyez FOYER.

De-là vient la propriété qu'ont les verres convexes, de rassembler les rayons paralleles, & les réunir tous au même point.

Réfraction dans une lentille concave. Si des rayons paralleles A B, C D, & E F (fig. 64.) tombent sur une lentille concave G B H I M K, le rayon A B perpendiculaire au point B ira sans se rompre en M, où demeurant toujours perpendiculaire, il passera dans l'air sans se rompre jusqu'en L. Mais le rayon C D qui tombe obliquement sur la surface du verre, s'approchera de la perpendiculaire N D O, & s'avancera vers Q ; le rayon D E qui tombe obliquement du verre sur la surface de l'air, se rompra en s'éloignant de la perpendiculaire, & ira vers U : on démontrera de même que le rayon E F se rompra vers Y & de-là vers Z.

De-là vient la propriété qu'ont les verres concaves de disperser les rayons paralleles & de les rendre divergens.

Réfraction dans un verre plan. Si des rayons paralleles E F, G H, I L (fig. 65.) tombent obliquement sur un verre plan A B C D, leur obliquité étant la même à cause de leur parallélisme, ils s'approcheront tous également de la perpendiculaire, & demeurant paralleles aux points M, O, & Q, ils passeront dans l'air en s'éloignant également de la perpendiculaire, & resteront toujours paralleles.

Ainsi les rayons E F, G H, & I L en entrant dans le verre se détourneront en sortant ; desorte que la premiere réfraction est ici détruite par la seconde, sans que pour cela l'objet paroisse dans sa véritable place ; car le rayon B 2 après s'être rompu au point B, ne concourra point avec le rayon I L, mais lui sera parallele, & la couleur du rayon demeurera la même, puisque la seconde réfraction détruit réellement la premiere. Voyez COULEUR.

Réfraction astronomique, ou réfraction des astres, c'est le détour ou le changement de direction qui arrive aux rayons de ces corps lumineux, quand ces rayons passent dans notre athmosphere, ce qui fait que les astres paroissent plus élevés au-dessus de l'horison qu'ils ne le sont en effet.

Cette réfraction vient de ce que l'athmosphere est inégalement dense dans les différentes régions, qu'elle est plus rare, par exemple, dans la région la plus élevée, & plus dense dans les couches qui sont les plus voisines de la terre ; & cette inégalité dans le même milieu, le rend équivalent à plusieurs milieux d'inégale densité. Voyez AIR & ATHMOSPHERE.

M. Newton a montré qu'un rayon de lumiere en passant de la région supérieure de l'athmosphere dans l'inférieure, souffre la même réfraction que s'il passoit immédiatement, avec la même obliquité du vuide, dans un air d'une densité pareille à celle de la région la plus basse de l'athmosphere.

Voici comment on peut concevoir l'effet de cette réfraction. Supposons que Z v (Pl. astronom. fig. 57. n°. 2.) soit le quart d'un cercle vertical décrit du centre de la terre T, au-dessous duquel est un autre quart de cercle A B, qui représente la surface de la terre, & G H un quart de cercle qui est la surface de l'athmosphere : supposons aussi que S E soit un rayon de lumiere qui passe de l'astre S, & tombe sur l'athmosphere au point E. Ce rayon sortant d'un milieu éthéré plus rare que notre air, & peut-être d'un vuide parfait, & tombant sur la surface de l'athmosphere, s'approchera de la perpendiculaire ; & puisque l'air supérieur est plus rare que celui qui est vers la terre, & devient d'autant plus dense qu'il s'en approche, ce rayon se rompra toujours en avançant, & parviendra à l'oeil suivant la ligne courbe E A. Supposant donc que la ligne droite A Q soit tangente à l'arc A E au point A, le rayon entrera dans l'oeil A, suivant la direction A Q. Et puisqu'on voit toujours les objets dans la ligne, suivant la direction de laquelle les rayons entrent dans l'oeil, l'astre paroîtra dans la ligne A Q, c'est-à-dire au point Q du ciel, qui est plus proche du zénith que l'astre ne l'est en effet.

De-là naissent les phénomenes du crépuscule, voyez CREPUSCULE.

C'est ce qui fait aussi que la lune paroît quelquefois éclipsée, quand elle est au-dessous de l'horison, & que le soleil est au-dessus. Voyez ECLIPSE.

Plusieurs observations astronomiques faites avec la derniere précision, prouvent que les astres souffrent une réfraction réelle. La plus simple de toutes ces observations est que le soleil & la lune se levent plus tôt & se couchent plus tard qu'ils ne doivent faire, suivant les tables, & qu'ils paroissent encore sur l'horison dans le tems qu'ils doivent être au-dessous.

En effet, comme la propagation de la lumiere se fait en lignes droites, les rayons qui partent d'un astre qui est au-dessous de l'horison, ne peuvent parvenir à l'oeil, à-moins qu'ils ne se détournent de leur chemin en entrant dans notre athmosphere. Il est donc évident que les rayons souffrent une réfraction en passant par l'athmosphere ; & c'est ce qui fait que les astres paroissent plus élevés qu'ils ne le sont en effet ; desorte qu'il est nécessaire, pour réduire leurs hauteurs apparentes aux vraies, d'en retrancher la quantité de la réfraction. Voyez HAUTEUR.

Comme les anciens n'avoient aucun égard à la réfraction, il n'est pas surprenant qu'ils ayent commis quelquefois des erreurs considérables pour avoir compté sur de trop grandes hauteurs.

Il suit de la doctrine que nous venons d'établir, que nous ne voyons jamais le véritable lever ou coucher du soleil, & que nous n'en apperçevons que le phantome ou l'image, cet astre étant pour lors au-dessous de l'horison.

Les astres qui sont au zénith ne sont sujets à aucune réfraction. Ceux qui sont dans l'horison souffrent la plus grande réfraction possible. La réfraction diminue continuellement depuis l'horison jusqu'au zénith ; & cela vient de ce que dans le premier cas les rayons sont perpendiculaires, qu'ils sont plus obliques dans le second, & que cette obliquité va toujours en diminuant dans le troisieme.

Le soleil & les étoiles souffrent la même réfraction quand ils sont également élevés au-dessus de l'horison ; car les rayons incidens ont les mêmes inclinaisons à hauteurs égales : mais les sinus des angles de réfraction sont aux sinus des angles d'inclinaison en raison constante : donc, &c.

Tycho-Brahé qui a le premier déduit les réfractions du soleil, de la lune & des étoiles fixes, des observations qu'il avoit faites, fait les réfractions solaires beaucoup plus grandes que celles des étoiles fixes ; & les réfractions lunaires quelquefois plus grandes & quelquefois plus petites que celles des étoiles. Mais on n'étoit point encore au fait dans son siecle de la théorie des réfractions, dont nous sommes redevables à Snellius, comme nous l'avons observé.

M. de la Hire nous a donné une table des réfractions des corps célestes dans leurs divers degrés d'élévation fondée sur les observations les plus sûres & les plus exactes : la voici.

Tables des réfractions des corps célestes à leurs différens degrés d'élevation.

M. Bouguer a depuis perfectionné cette table. Voyez les mémoires de l'académie de 1739 & 1749.

Tycho-Brahé veut que les réfractions du soleil s'évanouissent à la hauteur de 46d ; celles de la lune à celle de 45d, & celles des étoiles fixes à 20d : mais Cassini a trouvé qu'elles s'étendent jusqu'assez près du zénith. Tycho fait les réfractions beaucoup plus petites qu'elles ne le sont en effet, si l'on en excepte l'horisontale qu'il a faite trop forte ; car il fait celle-ci de 34' dans le soleil, de 33' pour la lune & de 30' pour les étoiles fixes. De la Hire & Cassini la font de 32' pour tous les corps célestes. Tycho fait la réfraction du soleil à la hauteur de 33d de 55'' ; aulieu qu'elle n'est, suivant Cassini que de 1' 43''.

La réfraction diminue les ascensions droites & obliques d'un astre, & augmente ses descensions : elle augmente la déclinaison septentrionale, & diminue la méridionale. Voyez ASCENSION, DESCENSION, &c.

La réfraction dans la région orientale du ciel diminue la longitude d'un astre, mais elle l'augmente dans la région occidentale ; elle diminue la latitude méridionale, & augmente la septentrionale. Voyez LONGITUDE & LATITUDE.

La réfraction n'est donc point à négliger dans l'Astronomie ; & elle est absolument nécessaire pour déterminer avec précision les phénomenes des mouvemens célestes ; & il ne faut point s'étonner que les anciens astronomes, qui n'y faisoient aucune attention, soient tombés dans un grand nombre d'erreurs. Voyez ASTRONOMIE.

Observer la réfraction d'un astre. 1°. Observez sa hauteur méridienne lorsqu'il sera près du zénith ; la latitude du lieu étant connue, il sera facile d'avoir sa déclinaison, l'astre n'ayant pour lors aucune réfraction sensible. Voyez DECLINAISON.

2°. Observez la hauteur du même astre dans quelqu'autre degré, & marquez-en le tems au moyen d'une pendule bien réglée. 3°. Calculez sa véritable hauteur pour le tems donné par le moyen de sa déclinaison. Voyez HAUTEUR.

L'ayant trouvée moindre que la hauteur observée, il ne faut plus que retrancher l'une de l'autre pour avoir la réfraction que l'on cherche.

Nous avons remarqué ci-dessus que les anciens n'avoient aucun égard à la réfraction dans les calculs astronomiques ; mais il paroît qu'on n'en ignoroit point la cause dès le xj. siecle. On peut voir ce qui est dit sur ce sujet dans l'optique de Alhayfen, auteur arabe, qui a composé aussi un traité sur les crépuscules. Vitellion écrivit ensuite sur le même sujet ; & cependant ni lui, ni Copernic, ni plusieurs autres n'ont pas jugé à propos d'en tenir compte dans les observations astronomiques, soit parce qu'ils n'ont pu parvenir à en trouver la quantité, soit parce qu'elle n'étoit pas encore assez connue vers l'horison. Tycho-Brahé y réussit enfin ; mais il a supposé que les réfractions cessoient à environ 45 degrés de hauteur, comme l'on a déja remarqué ci-dessus : en quoi il se trompa ; car à 45 degrés elles sont encore d'une minute. Le premier qui a publié quelques observations sur les réfractions a été Bernard Walterus de Nuremberg, & néanmoins ni lui, ni ses successeurs n'en ont fait aucun usage pour corriger les hauteurs méridiennes. M. Cassini détermina les réfractions premierement avec un gnomon de 80 piés de hauteur ; ensuite par d'autres observations faites avec des quarts de cercles & de sextans garnis de lunettes. Car après l'appareil extraordinaire, & les sommes presqu'immenses que Tycho avoit employées à construire les instrumens les plus parfaits, il n'auroit guere été possible, sans la regle dont nous venons de parler, ou sans la découverte qui se fit bien-tôt après des lunettes qu'on appliqua aux quarts de cercles, de parvenir à s'assurer s'il y avoit effectivement 1'de réfraction à la hauteur du pole d'Uranibourg. Aussi ne doit-on pas être surpris si la table de M. Cassini ne fut pas d'abord adoptée ; mais au retour d'un voyage fait à l'île de Cayenne par M. Richer en 1672, la réfraction d'une minute à la hauteur du pole fut généralement reconnue ; & après quelques légeres corrections, M. Cassini a publié la table dont on se sert encore aujourd'hui. Cette table est assez conforme aux moindres réfractions d'hiver. Dans ce tems-là M. Ricard s'apperçut aussi, en observant d'abord le soleil à Paris, & ensuite au cap de Sette, que les réfractions horisontales étoient variables & inconstantes. On remarqua de plus que les observations faites en l'île de Cayenne, presque au milieu de la zone torride, donnoient de plus petites réfractions qu'en France proche de l'horison ; car on les y a soupçonnées être les deux tiers & un peu plus de celles de notre climat. Ces deux dernieres découvertes n'ont point été reçues dans ces derniers tems, soit qu'on les ait négligées ou autrement ; jusqu'à ce que la matiere ayant été traitée avec plus de soin pendant les deux voyages faits au Nord & au Pérou, il a été constaté par des observations décisives que les réfractions étoient plus petites pendant l'été, comme on peut s'en convaincre par ce qui est rapporté dans le volume de l'académie de 1739, & dans l'histoire céleste de M. le Monnier. M. Bouguer nous a donné une table des réfractions, construite sur les observations faites au niveau de la mer dans la zone torride. En France on a remarqué par des observations réitérées, que la réfraction est moindre dans les grandes chaleurs, & plus petite dans les grands froids.

On a cherché à expliquer par la réfraction, l'observation que firent les Hollandois qui passerent l'hiver en 1597 dans la nouvelle Zemble. Le soleil qui avoit entierement disparu le 14 Novembre, commença à se montrer de nouveau le 24 Janvier, c'est-à-dire six jours plus tôt qu'il n'eût dû le faire, suivant les calculs astronomiques rapportés dans les actes de Leipsic de 1697.

Je ne dois point oublier que Charles XI. roi de Suede, étant en 1697, à Tornéo dans la Bothnie occidentale, sous le 65d 33' de latitude, observa que le soleil ne se couchoit jamais pendant la nuit du 14 au 15 de Juin, & qu'il étoit toujours visible. Ayant envoyé l'année suivante Dilembergius & Spolius, deux mathématiciens célebres, pour observer le même phénomene avec plus d'exactitude, ils trouverent que la nuit du 10 au 11 de Juin, le diamêtre du soleil étoit élevé au-dessus de l'horison des 3/4, & le 14 du même mois à 66 degrés 15 minutes ; à Kangis ils trouverent que le diamêtre du soleil étoit élevé au-dessus de l'horison d'environ deux fois sa grandeur.

Quoiqu'il semble naturel d'expliquer ces effets par la réfraction, cependant il faut avouer que par les observations les plus exactes faites dans la zone glacée, les réfractions ne paroissent pas assez considérables pour produire des effets si singuliers. Ainsi il faut croire ou que les faits dont on vient de parler n'ont pas été bien observés, ou, ce qui est plus vraisemblable, qu'ils dépendent de quelqu'autre cause.

Réfraction de hauteur, est un arc d'un cercle vertical, comme S S, Pl. astron. fig. 28. dont la hauteur d'un astre S E est augmentée par la réfraction. Voyez HAUTEUR.

Réfraction de déclinaison, est un arc d'un cercle de déclinaison, comme S I, dont la déclinaison de l'astre D S est augmentée ou diminuée par la réfraction. Voyez DECLINAISON.

Réfraction d'ascension & de descension, est un arc de l'équateur D d, dont l'ascension & la descension d'un astre, soit droit ou oblique, est augmentée ou diminuée par le moyen de la réfraction. Voyez ASCENSION.

Réfraction de longitude, est un arc de l'écliptique T t, fig. 29. dont la longitude d'un astre est augmentée ou diminuée par le moyen de la réfraction. Voyez LONGITUDE.

Réfraction de latitude, est l'arc d'un cercle de latitude S I, dont la latitude d'un astre T S est augmentée ou diminuée par le moyen de la réfraction. Voyez LATITUDE. Wolf & Chambers. (O)

REFRACTION ; cadrans à réfraction, sont ceux qui indiquent les heures par le moyen de quelque fluide transparent, à-travers lequel les rayons du soleil passent. Voyez CADRAN.

Pour décrire ces sortes de cadrans, on prendra sur le contour du vase un point quelconque, pour être le centre du cadran ; on appliquera sur les bords du vase un cadran horisontal, qui ait ce même centre, en déterminant la ligne méridienne sur les bords du vase, & on y marquera aussi les autres lignes horaires ; ensuite on ôtera le cadran horisontal, & on placera une corde ou fil depuis le centre dans un plan perpendiculaire à la ligne méridienne, ensorte qu'elle fasse avec cette ligne un angle égal à la latitude ou élévation du pole du lieu ; & que par conséquent cette corde ou fil représente l'axe de la terre. Après quoi on remplira le vase de quelque liqueur, & avec une chandelle, ou quelqu'autre corps lumineux, on fera ensorte que le fil jette son ombre successivement sur tous les points horaires placés sur les bords du vase, l'ombre de ce même fil au fond du vase donnera les véritables lignes horaires, dans chacune desquelles on marquera deux ou plusieurs points pour les tracer ; on effacera ensuite, si l'on veut, les lignes horaires qu'on avoit d'abord tracées sur les bords du vase, par le moyen du cadran horisontal ; & enfin, si on oriente le vase de façon que sa méridienne réponde à la méridienne du lieu, le cadran qui est tracé au fond du vase montrera les heures quand le vase sera rempli de la même liqueur dont on l'avoit rempli avant que de construire le cadran. (O)

REFRACTION, (Nivell.) est la brisure du rayon de lumiere, lorsqu'il change de milieu ; on s'apperçoit en nivellant de ces effets causés par les vapeurs qui dérangent le rayon visuel, & on a inventé des tables pour corriger le niveau apparent sur le vrai niveau, qui est si considérable qu'il a près d'un pié d'erreur sur 1000 toises. (K)

REFRACTION, en terme de Commerce, se dit lorsqu'un marchand s'étant trompé dans un compte à son préjudice ou au désavantage d'un autre, demande ou fait restitution des sommes omises ou ajoutées par erreur.

Je vous ferai réfraction de 40 liv. que j'ai mis de trop sur mon mémoire, c'est-à-dire, je vous ferai raison, je vous tiendrai compte de 40 liv. Dictionn. de Comm. tom. III. p. 1085.


REFRAIou REFREIN, s. m. (Poësie) reprise de quelques mots, ou même de quelques vers, qu'on repete au bout du couplet d'une chanson, d'une ballade, d'un chant royal, d'un rondeau, triolet, ou autre poësie françoise semblable. Les Italiens l'appellent dans leurs airs ritornella. Ce mot vient peut-être de referaneus cantus, chant qui revient toujours ; ce qu'il y a de plus sûr, c'est que le refrain doit être naturellement agréable, plaisant & ingénieux.

Les anciens ont connu les refrains, & les ont quelquefois employés pour mieux exprimer la force & la vivacité de la passion. Bion nous en donne un exemple dans son idylle sur la mort d'Adonis, où, après avoir dit d'abord , je pleure la mort d'Adonis, il répete la même chose plusieurs fois, pour peindre ces transports subits & excessifs de l'amour de Vénus. (D.J.)


REFRANCHIRv. n. terme de Marine, on sousentend le pronom se, terme synonyme à s'épuiser. Ainsi, on dit que l'eau de pluie ou les vagues qui sont entrées dans un vaisseau se réfranchissent quand elles s'épuisent, & que leur quantité diminue par le moyen des pompes.


RÉFRANGIBILITÉS. f. (Optique) est la disposition que les rayons ont à être rompus. Voyez REFRACTION.

Une plus grande ou moindre réfrangibilité est une disposition à être plus ou moins rompu en passant sous le même angle d'incidence dans le même milieu.

Toute la théorie de M. Newton sur la lumiere & les couleurs est fondée sur les différentes réfrangibilités des rayons de lumiere. La vérité du principe paroîtra par les expériences suivantes.

1°. Si l'on fait passer un rayon de lumiere à-travers un petit trou fait à la fenêtre d'une chambre obscure sur un prisme A B C (Pl. Optiq. fig. 65. n. 2.) il peindra toutes les couleurs de l'arc-en-ciel dans toute leur vivacité sur un papier blanc E F ; savoir, le rouge en E, ensuite le jaune, le verd, le bleu, & enfin le pourpre ou le violet ; & la couleur sera la même sur quelque corps que l'on reçoive la lumiere.

Néanmoins cette lumiere colorée se propage en lignes droites, de même que l'autre lumiere, elle se refléchit aussi de la surface d'un miroir, elle se rompt en passant à-travers une lentille, & conserve ses couleurs tant après la réfraction qu'après la réflexion. Ces rayons étant rassemblés au foyer d'une lentille convexe, dégénerent en une lumiere blanche fort éclatante ; mais ils reprennent leur premiere couleur lorsqu'ils ont passé le foyer, parce qu'alors ils s'écartent & se séparent de nouveau.

Puis donc que ces rayons ne passant pas le prisme, souffrent une réfraction à leur entrée, & une autre à leur sortie ; (Voyez PRISME) il s'ensuit qu'un rayon de lumiere se convertit en rayons colorés par la seule réfraction.

2°. Puisque les rayons colorés se continuent toujours en lignes droites, quoiqu'ils se réfléchissent des miroirs, ou qu'ils se rompent dans les lentilles, il s'ensuit qu'ils retiennent toutes les propriétés de la lumiere.

3°. Puisqu'il se fait au foyer une décussation & un mêlange des différens rayons colorés, qui les fait paroître blancs, & qu'ils reprennent leur premiere couleur après leur séparation au-delà du foyer ; il s'ensuit que les rayons rouges, jaunes, verds, bleus & pourpres étant mêlés ensemble dans une proportion convenable, doivent produire la couleur blanche. Voyez BLANC.

Il est bon d'observer que cette expérience réussit également quand la chambre n'est point obscure, les couleurs en sont seulement moins suivies.

Les rayons qui sont les plus réfrangibles par le prisme D E F (fig. 66.) étant de nouveau rompus par le prisme G H, dont l'axe est dans une situation perpendiculaire à l'égard de l'axe du premier prisme, sont encore plus rompus par le prisme G H, que les autres rayons qui ont moins de réfrangibilité. Desorte que l'image N O de figure oblongue, formée par le premier prisme, devient alors inclinée, & conservant la même largeur, prend la situation I K.

M. Newton a le premier découvert cette propriété des rayons de lumiere d'être différemment réfrangibles, dans les Trans. philosoph. de l'année 1675 ; & a depuis répondu aux objections que lui ont fait plusieurs auteurs, entr'autres le P. Pardies, M. Mariotte, & plusieurs autres. Il a dans la suite établi plus au long cette théorie, & il l'a éclaircie & confirmée par un grand nombre d'expériences dans son traité d'Optique.

Ce ne sont pas seulement les rayons colorés produits par la réfraction qu'ils souffrent dans le prisme, mais encore ceux qui se réfléchissent des corps opaques, qui ont des différens degrés de réfrangibilité & de réflexibilité ; & comme le blanc est produit par les mêlanges de plusieurs rayons colorés, M. Newton en conclud que tous les rayons homogenes ont leur propre couleur qui répond à leur degré de réfrangibilité, & qu'elle ne peut être changée ni par la réflexion, ni par la réfraction ; que la lumiere du soleil est un composé de toutes les couleurs primitives, & que toutes les couleurs composées ne naissent que du mêlange de ces dernieres. Voyez COULEUR.

Il croit que les différens degrés de réfrangibilité naissent de la différente grandeur des particules dont les différens rayons sont composés. Par exemple, que les rayons les plus réfrangibles, c'est-à-dire, les rouges, sont composés des particules les plus grosses ; les moins réfrangibles, c'est-à-dire, les violets, des plus petites, & les rayons intermédiaires, jaunes, verds & bleus, de particules d'une grosseur intermédiaire. Voyez ROUGE, &c. Chambers.

Le même auteur remarque qu'une des principales causes de l'imperfection des lunettes est la différente réfrangibilité des rayons de lumiere. Car, ces rayons étant différemment réfrangibles, sont d'abord différemment rompus par la lentille ; & étant ensuite rapprochés, ils forment des foyers différens par leur réunion. C'est ce qui avoit engagé M. Newton à imaginer son télescope catadioptrique, où il substitue la réflexion à la réfraction, parce que tous les rayons de lumiere réfléchis par un miroir concourent tous au-moins sensiblement au même foyer, ce qui n'arrive pas dans les lentilles. Voyez TELESCOPE. (O)


REFRAPPERv. act. c'est frapper derechef. Voy. l'article FRAPPER.

REFRAPPER, terme de Monnoie ; c'est frapper de nouveau les monnoies décriées ou usées par le frai ; on les remet sous de nouveaux coins pour leur donner une autre marque, éviter la dépense de la fonte, & par ce refrappement il paroît toujours sur la monnoie quelques restes de la vieille empreinte. (D.J.)


REFRAYERv. act. terme de Potier de terre ; c'est rendre la vaisselle de terre plus unie, soit avec le doigt, soit autrement, avant que de la cuire.


REFREINS. m. terme de Marine ; c'est le retour du réjaillement des houles ou des grosses vagues de la mer qui vont se briser contre les rochers.


REFRENERv. act. (Gram.) c'est mettre un frein. On refrene ses passions ; on refrene la licence des peuples.


REFRIGERENTS. m. (Chymie) vaisseau destiné à être rempli d'eau froide, & au moyen duquel on peut appliquer cette liqueur à un autre vaisseau plein de vapeurs qu'on propose de condenser par le froid.

Les refrigerens les plus utiles, sont une espece de cuvette formée au-dessus & autour du chapiteau du grand alambic ordinaire. Voyez CHAPITEAU & les Planches de Chymie, & le serpentin ; qui est un tuyau en spirale ou en zig-zag, ouvert par les deux bouts, enfermé & arrêté dans une espece de petit cuvier de cuivre ou de bois, de maniere que son extrêmité supérieure dépasse le bord supérieur du cuvier, & se présente au-dehors dans une direction propre à recevoir le bec d'un alambic ; & que son extrêmité inférieure perce le côté du cuvier auprès du fond, & puisse être commodément adapté à un récipient. Voyez les Planches de Chymie.

On peut placer dans le même cuvier plusieurs tuyaux distincts & séparés. Car on a besoin de plusieurs de ces tuyaux, pour ne pas communiquer aux produits de certaines distillations exécutées dans cet appareil, certaines qualités, principalement le goût & la saveur de quelques substances qu'on y auroit traitées auparavant. On ne sauroit, par exemple, faire passer de l'esprit-de-vin dans un tuyau où on a auparavant distillé une huile essentielle, sans que cet esprit en prenne le goût & l'odeur.

Voyez à l'article DISTILLATION ce qui y est dit de l'utilité du rafraîchissement, & de la maniere de l'obtenir. (b)


REFRINGENTadj. (Physiq.) qui rompt. Il se dit de tout corps qui fait souffrir à la lumiere quelque réfraction. Un corps refringent, la surface refringente.


REFRIREv. act. (Gramm.) c'est frire de nouveau. Voyez FRIRE & FRITURE.


REFRISERv. act. (Gramm.) c'est friser derechef. Voyez les articles FRISER & FRISURE.


REFROIDIRv. act. & neut. c'est rendre moins chaud ou augmenter le froid. Il se prend au physique & au moral. La neige refroidit l'air & la terre. L'âge refroidit les passions.


REFROIDISSEMENT(Physiq.) action par laquelle un corps devient froid, c'est-à-dire perd de sa chaleur, ou action par laquelle on refroidit ce même corps. On donne deux causes du refroidissement aux corps ; le froid & la densité des fluides où l'on plonge les corps chauds qu'on veut refroidir ; mais il y en a encore une troisieme qui contribue d'abord au même effet ; c'est l'agitation du corps chaud dans une liqueur froide : par cette agitation on fait que le corps s'applique continuellement contre un nouveau fluide froid ; ce qui produit un refroidissement très-promt. Cette troisieme cause nous donne la raison physique de la méthode qu'on employe pour durcir le fer : pour y parvenir, quand le fer est bien rouge & sur le point de se fondre, on le plonge & on l'agite subitement dans de l'eau très-froide, de façon que cette agitation le refroidit & le durcit entierement dans un instant ; par-là les élémens du fer qui étoient fort relâchés & amollis par l'action du feu, se trouvent intimement réunis, condensés & comprimés les uns contre les autres par le froid subit qui leur est appliqué de tous côtés. Il en résulte qu'après ce refroidissement, toutes les parties du fer sont étroitement serrées entr'elles, & deviennent très-dures, mais en même-tems très-fragiles. (D.J.)

REFROIDISSEMENT, (Physiq. Chymie) on entend par refroidissement, la diminution de la chaleur d'un corps, mais plus particulierement celle de la chaleur que l'athmosphere lui communique. Les habitans des pays chauds, toujours environnés d'une athmosphere brûlante, ont été les premiers à chercher les moyens de refroidir les corps, sur-tout les boissons dont ils font usage. Ces moyens que tous les voyageurs se sont plû à nous décrire, & qu'ils font remonter à la plus grande antiquité, se réduisent à exposer à l'air leur eau & leurs autres boissons dans des vaisseaux de terre poreux, qu'ils enveloppent quelquefois d'une pochette de toile, ou de quelque étoffe qu'on a soin d'imbiber d'eau de tems en tems. Cet usage est si étendu, qu'il y a des villes dont le principal commerce consiste dans ces sortes de vaisseaux, telle est la ville de Com en Perse, selon le témoignage de Chardin. Voyez le tome III. de ses voyages, édition de Paris 1723, in-12 pag. 45. celle de Cane en Egypte, au rapport de Paul Lucas, tome II. de ses voyages de l'édition de Rouen 1724, in-12. pag. 383, &c. Lorsqu'ils sont en voyage, ils portent leur eau dans des outres de cuir qu'ils pendent sous le ventre de leur cheval, où ils prétendent qu'elle se tient fraîche. Les grands seigneurs la font porter par un domestique dans un vaisseau d'étain enveloppé d'une pochette que le domestique a soin de mouiller de tems en tems. Ceux de ces voyageurs qui ont examiné la chose avec le plus d'attention, nous apprennent que ce refroidissement ne s'opere qu'en vertu d'une évaporation qui se fait au-travers des pores des vaisseaux de terre, ou de celle de l'eau de la pochette dont ils enveloppent le vaisseau qui contient leur eau.

Mais ce moyen n'est pas le seul ; ils se servent aussi de salpêtre, qu'ils font dissoudre dans l'eau dans laquelle ils plongent les vaisseaux qui contiennent les liqueurs qu'ils veulent faire rafraîchir. C'est de-là sans-doute, que cet usage a passé en Europe, où l'on ne tarda pas à s'appercevoir que ce sel, ainsi que le sel marin, augmentoit le froid de la neige, ou de la glace pilée, au point de congeler les liqueurs qu'on plongeoit dans ce mêlange.

Ce fait n'échappa pas aux Physiciens. Le célebre Boyle est cependant le premier que nous connoissions qui ait cherché à l'étendre, en appliquant les autres sels au refroidissement des liqueurs. On trouve dans son histoire du froid, publiée à Londres en 1665, le germe de toutes les expériences qu'on a faites depuis sur cette matiere ; ce qui nous engage à donner un précis de ses découvertes.

Après s'être assuré que dans les climats tempérés comme l'Angleterre, la neige ni la glace pilée ne suffisoient pas seules pour produire de la glace, & qu'on en obtient plus surement en mêlant ensemble de la neige & du sel marin, il trouva que ce sel marin n'avoit pas seul cette propriété, il réussit à produire de la glace en substituant au sel marin du nitre, de l'alun, du vitriol, du sel ammoniac, & même du sucre. Il est vrai que de tous ces sels, le plus efficace est le sel marin.

Après ces expériences, Boyle essaya si les acides tirés des sels neutres par la distillation, n'auroient pas la même propriété ; il versa sur la neige du bon esprit de sel : Nous trouvâmes comme nous l'avions craint, dit-il, que quoique cet acide dissolvoit assez rapidement la neige sur laquelle il agit, sa fluidité empêcha que la neige ne pût le retenir assez long-tems ; il se précipita au fond, & resta trop peu mêlé avec elle, pour pouvoir glacer de l'eau qui étoit contenue dans une petite bouteille à essence. Le peu de succès de cette tentative lui fit imaginer un autre expédient ; il mit donc dans une bouteille de verre assez épaisse, de la neige sur laquelle il versa une certaine quantité d'esprit de sel affoibli, & il agita fortement la bouteille. Il n'eut pas de glace ; mais il remarqua que l'eau de l'athmosphere s'attachoit à la bouteille. Il crut que si cette tentative n'avoit pas mieux réussi que la premiere, ce n'étoit que parce qu'il avoit employé une bouteille trop épaisse. Il répéta donc son expérience avec une bouteille plus mince ; l'ayant long-tems secouée, il remarqua que l'humidité qui s'y attachoit s'y geloit, quoique foiblement. C'est en faisant ces expériences, qu'il commença à s'appercevoir que les sels fondoient toujours la glace ou la neige à laquelle on les mêloit ; car il dit : je dois faire remarquer ici une fois pour toutes, que la glace ou la neige mêlée avec les sels, quels qu'ils soient, se fond toujours.

L'huile de vitriol qu'il essaya ensuite, lui donna un froid plus considérable ; mais l'acide qui produisit le plus grand froid, fut l'esprit de nitre. Il soumit encore à ses expériences, l'esprit du vinaigre, & l'esprit acide du sucre ; ils produisirent l'un & l'autre une glace fort mince, & qui se fondit bien-tôt. L'esprit d'urine mêlé à la neige, fit geler l'humidité qui adhéroit à la bouteille ; mais la glace avoit peu de consistance. L'esprit de sel ammoniac fait avec la chaux, agit beaucoup plus rapidement, & la glace qu'il produisit étoit beaucoup plus solide. Ayant versé en même-tems sur de la neige de l'esprit d'urine & de l'huile de vitriol, ils produisoient de la glace, mais très-lentement.

Il fit encore des expériences avec le sel gemme, du sublimé corrosif & du sel ammoniac sublimés ensemble ; du sucre raffiné & non raffiné, & elles lui réussirent également bien. Une forte dissolution de potasse versée sur de la neige, produisit un peu de glace ; une dissolution de sel de tartre fit le même effet, mais la glace étoit très-mince. Il versa sur de la neige qu'il avoit mise dans une bouteille une dissolution de plomb dans l'acide du vinaigre, l'humidité de l'air qui s'étoit attaché à la bouteille se gela. L'esprit de vin rectifié sur la chaux, versé sur de la neige produisit une glace beaucoup plus épaisse qu'aucun des mêlanges précédens ; il glaça même l'urine. Dans une autre occasion, l'esprit de nitre mêlé avec de la neige, produisit un si grand froid, que non-seulement la bouteille s'attacha au plancher sur lequel on l'avoit mise, mais encore du vinaigre distillé qu'on avoit versé dessus, s'y gela, & y forma une croûte de glace assez épaisse, sans perdre cependant son goût salin ; il glaça encore de l'esprit de sel foible à la vérité, plusieurs liqueurs salines qui formerent des crystallisations régulieres, & même de l'esprit volatil de sel ammoniac tiré avec la chaux ; il fit des crystaux entierement semblables à ceux du sel ammoniac ; mais ces crystaux se fondoient aussi rapidement qu'ils se formoient.

Voulant découvrir pourquoi ces mêlanges produisoient un froid plus grand que celui que la neige seule étoit capable de produire, il mit dans une bouteille qu'il eut soin de bien boucher, de la neige seule, il remarqua qu'elle se liquefioit beaucoup plus lentement que celle à laquelle on avoit mêlé des sels. Il s'assura même par d'autres expériences, que les sels qui n'accéléroient pas la fonte de la neige, ne produisoient point de glace, quoique l'humidité de l'athmosphere s'attachât aux bouteilles qui contenoient les mêlanges ; ainsi les crystaux du tartre, ni le borax, ni même le sublimé corrosif, mêlés avec la neige, ne glacerent pas les liqueurs qu'on exposa à leur action ; ils resterent long-tems sur la neige sans être dissous.

Cette observation le conduisit à examiner quel effet produiroient des corps capables de dissoudre la neige très-rapidement par leur chaleur ; il mit donc dans une bouteille qu'il avoit presque remplie de neige, une quantité assez considérable de sable bien chaud ; mais quoique la neige se fondît assez rapidement, il ne s'y forma point de glace : la bouteille se couvrit seulement d'humidité. Il répéta la même expérience avec de l'eau chaude qu'il versa sur la neige au moyen d'un entonnoir dont le tuyau étoit très-petit, pour que l'eau ne se répandît pas sur le verre, le froid produit fut très-considérable ; il s'amassa beaucoup d'humidité sur la bouteille ; mais on ne put pas y appercevoir de glace. Comme on auroit pû soupçonner que l'humidité qui s'attachoit ainsi aux bouteilles dans lesquelles il faisoit ses expériences, venoit de la neige même fondue, il pesa avec beaucoup d'exactitude, une bouteille dans laquelle il mit un mêlange d'esprit-de-vin & de neige ; le tout pesa trois onces six gros : lorsque l'humidité s'y fut attachée, elle pesa dix-huit grains de plus. Dans une autre expérience il trouva que cette augmentation alloit à vingt grains ; preuve évidente que cette humidité étoit fournie par l'air qui environnoit les bouteilles.

Après s'être assuré que les sels ne produisoient du froid que parce qu'ils dissolvoient la neige ou la glace, il étoit naturel de rechercher quelles étoient les liqueurs qui dissolvoient le plus rapidement la glace ; voici les expériences que M. Boyle fit à ce sujet.

Premiere expérience. 1°. Un cylindre de glace d'un pouce de long, mis dans de l'huile de vitriol, s'y fondit en cinq minutes.

2°. Un cylindre de glace de la même dimension, mis dans de l'esprit de vin dans lequel il plongea, s'y fondit en 12 minutes.

3°. Un autre se liquéfia en 12 1/2 minutes dans de l'eau-forte.

4°. Un autre en 12 minutes dans de l'eau pure.

5°. Un autre fut presque 44 minutes à se fondre dans de l'huile de térébenthine.

6°. Un sixieme fut 64 minutes à se fondre à l'air.

Seconde expérience. 1°. Un cylindre de glace semblable aux précédens, se fondit en trois minutes dans de l'huile de vitriol.

2°. En 13 minutes dans de l'esprit de vin.

3°. En 26 dans l'eau.

4°. En 47 dans l'huile de térébenthine.

5°. En 52 dans l'huile d'olives.

6°. En 152 dans l'air.

Peu de tems après avoir publié son histoire du froid, M. Boyle fit part à la societé royale de Londres d'une expérience qui fut insérée dans le n° XV. des Transactions philosophiques. Par cette expérience il prétend fournir un moyen de produire un froid considérable sans le secours de neige, de glace, de grêle, de vent & de nitre, & cela dans toutes les saisons de l'année. La voici : prenez une livre de sel ammoniac en poudre, dissolvez le dans trois livres d'eau, l'y mettant en une seule fois si vous voulez produire un froid très-considérable, mais de peu de durée ; ou en deux ou trois reprises, si vous voulez avoir un froid moindre à la vérité, mais plus durable ; agitez le mêlange avec un petit bâton, un morceau de baleine ou quelqu'autre chose que le sel ne puisse pas attaquer pour accélérer la dissolution, car c'est de là que dépend le succès de l'expérience. Lorsque le tems est bien disposé, le froid qu'on produit par ce moyen, va quelquefois au-dessous du terme de la glace. M. Boyle est même parvenu à produire de la glace en un tems très-court. Le 27 Mars, dit-il, mon thermometre qui avoit 16 pouces de long, environ un huitieme de pouce de diamêtre, & dont la boule étoit de la grosseur d'une noix muscade, étant à 8 5/8 pouces, je le plongeai dans l'eau, & l'y ayant promené pour l'y en faire prendre la température, il descendit à 7 3/8 pouces ; je mis alors du sel ammoniac dans cette eau, au bout d'un quart d'heure le thermometre étoit descendu à 5 11/26 ; il y avoit près d'un demi quart d'heure que les vapeurs qui s'étoient attachées au vaisseau avoient commencé à se géler. Lorsque la vertu frigorifique fut arrivée à son plus haut période, je remarquai que de petites lames d'eau dont je couvrois le vaisseau, se glaçoient en un quart de minute pourvû qu'on agitât fortement le mêlange ; trois quarts d'heures après qu'on eut mis le sel ammoniac dans l'eau, le thermometre qu'on avoit retiré quelque-tems auparavant, mais qui cependant n'étoit encore remonté qu'au premier terme de la glace, descendit un pouce au-dessous de ce terme ; deux heures & demie après qu'on eut commencé à dissoudre le sel ammoniac, la liqueur du thermometre se soutenoit au milieu des deux termes de la glace, dont le premier étoit à 5 1/2 pouces, (lorsqu'elle étoit à cette hauteur, il commençoit ordinairement à géler en plein air) & le second à 4 3/4 pouces : c'étoit le plus bas où les plus grands froids de l'hiver précédent avoient pu la faire descendre. Trois heures après le commencement de l'opération, la liqueur n'étoit encore remontée qu'au premier des termes de la glace dont je viens de parler ; après quoi elle commença de remonter très-lentement, &c.

Depuis Boyle, un grand nombre de physiciens se sont occupés du même objet ; nous allons rapporter le plus succinctement qu'il nous sera possible, les expériences qu'ils ont ajoutées à ses découvertes.

Messieurs de l'académie de Florence trouverent que le sel ammoniac mêlé à la glace, produit un froid plus considérable que le nitre, & que l'huile de vitriol concentrée, versée sur du sel ammoniac, produisoit une forte effervescence qui étoit accompagnée d'un froid capable de produire la congelation d'une lame d'eau qui couvriroit le vase. Voyez les Essais de l'académie del Cimento. Boyle répéta depuis cette expérience avec le même succès, il remarqua en outre que l'huile de vitriol étendue, versée sur l'esprit volatil de sel ammoniac fait avec l'alkali fixe, avoit fait descendre son thermometre d'un pouce.

M. Geoffroy, le médecin, lut en 1700 à l'académie royale des Sciences de Paris, des observations sur le froid ou le chaud qui accompagne certaines dissolutions. Il a mis dans un vase une pinte d'eau commune, il y a placé un thermometre de 18 pouces & l'y a laissé quelque tems pour qu'il prit le degré de la température de l'eau ; il y a jetté ensuite quatre onces de sel ammoniac, la liqueur du thermometre est descendue de 2 pouces 9 lignes en moins d'un quart-d'heure. Il a fait cette expérience avec le salpêtre, le thermometre est descendu d'un pouce trois lignes ; avec le vitriol, il est descendu de près d'un pouce ; le sel marin l'a fait descendre de dix lignes seulement ; ce sel se dissout plus difficilement que les autres. Tous les sels alkali volatils ont refroidi l'eau commune par leur mêlange plus ou moins, selon qu'ils étoient plus ou moins purifiés ; celui d'urine a paru le faire plus promtement qu'aucun autre.

Le sel ammoniac mêlé avec le vinaigre distillé, le suc de limon, le verjus n'a fait aucune effervescence, il a beaucoup refroidi ces liqueurs. Une once de sel ammoniac jettée sur quatre onces de vinaigre distillé, a fait descendre la liqueur du thermometre de 2 pouces 3 lignes ; le même sel mêlé avec le suc de limon ou le verjus, l'a fait descendre de 2 pouces ; demi once de salpêtre ayant été jettée dans trois onces de son esprit acide, il s'en est élévé quelques vapeurs, le thermometre est descendu de 4 lignes ; un semblable mêlange de salpetre & d'esprit de vitriol a exhalé des vapeurs assez abondantes & a fait descendre le thermometre de 6 à 7 lignes ; demi-once de sel ammoniac dans trois onces d'esprit de nitre, fit descendre le thermometre de 2 pouces 5 lignes, il s'éleva quelques vapeurs ; trois onces d'huile de vitriol & demi-once de sel ammoniac firent une violente effervescence, la matiere se gonfla considérablement, il en sortit beaucoup de vapeurs qui firent monter un thermometre suspendu au-dessus, tandis que celui qui plongeoit dedans descendit de 3 pouces 6 lignes. Une livre de sublimé corrosif, autant de sel ammoniac pulvérisés séparément & mêlés ensemble, produisent en versant dessus trois chopines de vinaigre, un froid si considérable qu'on a peine à tenir le vaisseau où est le mêlange.

Tous les sels alkalis volatils mêlés avec différens acides, firent des effervescences plus ou moins fortes selon le degré d'acidité des liqueurs & selon le degré de pureté de l'alkali. Ils firent tous descendre la liqueur du thermometre ; mais celui qui la fit descendre le plus bas, est le sel volatil d'urine. Une once de ce sel bien purifié, fit une violente effervescence avec quatre onces de vinaigre distillé, la matiere se gonfla avec bruit, & le thermometre descendit d'un pouce neuf lignes ; ce sel mêlé avec trois onces d'esprit de vitriol a fait effervescence, le thermometre est descendu de 2 pouces 4 lignes.

Enfin M. Geoffroy rapporte qu'ayant rempli d'eau froide un grand bassin dans lequel il plongea une cucurbite pleine d'eau, il jetta quatre ou cinq pellées de braise bien allumée dans l'eau du bassin ; la liqueur d'un thermometre qu'il avoit mis dans la cucurbite & qui en avoit pris la température descendit de 2 ou 3 lignes.

Le frere de cet habile chymiste ayant beaucoup travaillé sur les huiles essentielles, s'apperçut que leur dissolution dans l'esprit-de-vin étoit accompagnée d'un refroidissement sensible, ce qui l'engagea à faire un grand nombre d'expériences qu'il communiqua en 1727 à l'académie royale des Sciences, sous le titre d'observations sur le mêlange de quelques huiles essentielles, avec l'esprit-de-vin. On y trouve qu'un mêlange de deux onces d'esprit-de-vin & d'autant d'huile rectifiée de térébenthine, firent descendre un thermometre de la construction de M. Amontons, d'une ligne & demie ; dans un mêlange d'une autre huile moins rectifiée à même poids, le thermometre descendit de 2 lignes à 2 lignes & demie ; un mêlange semblable de térébenthine & d'esprit-de-vin, le fit descendre encore au-dessous ; une once de camphre & autant d'esprit-de-vin le firent descendre jusqu'à 4 1/2 lignes ; deux onces d'excellent baume de copahu, mêlées à deux onces d'esprit-devin, firent descendre le thermometre à 3 1/2 lignes, cependant tout le baume ne fut pas dissous : l'huile essentielle de lavande fut dissoute sans produire aucun changement sur le thermometre ; l'huile de citron, toujours mêlée à parties égales d'esprit-de-vin, firent descendre la liqueur de 2 1/2 lignes ; l'huile d'anis figée, la fit baisser de 4 à 5 lignes ; cette même huile devenue fluide, fit descendre le thermometre de 5 lignes ; l'essence de limette qui se dissout difficilement, le fit descendre de 3 lignes ; l'huile essentielle de girofle se mêle parfaitement à l'esprit-de-vin, mais ne produit aucun changement sur le thermometre.

Fahrenheit, si connu par ses thermometres de mercure, découvrit en 1729, un moyen nouveau de produire un froid beaucoup plus grand que tous ceux qu'on avoit observés jusqu'alors dans la nature, puisqu'il fit descendre son thermometre à 40 degrés audessous de 0, c'est-à-dire 72 degrés au-dessous du terme de la glace. Ce moyen que Boërhaave nous a conservé dans sa chymie, part. I. traité du feu, pag. 87. de l'édition de Paris 1733. in-4 °. consiste à verser sur de la glace pilée, de bon esprit de nitre ; lorsque le thermometre est descendu aussi bas qu'il peut descendre, on décante l'eau produite par la fonte de la glace opérée par l'acide nitreux, on y reverse de nouvel esprit de nitre, ce qu'on repete jusqu'à ce que le thermometre ne descende plus ; on produit un froid encore plus considérable si l'on a la précaution de refroidir l'esprit de nitre lui-même, en le tenant dans la glace sur laquelle on verse d'autre esprit de nitre. On est parvenu depuis peu en Russie de congeler le mercure par ce moyen, en faisant l'expérience dans un tems extrêmement froid.

Le fameux professeur Van-Musschenbroeck, qui nous a procuré une édition latine des expériences de Messieurs de l'académie de Florence, y a ajouté beaucoup d'expériences & d'observations qu'il a recueillies de divers auteurs, ou qu'il a tirées de son propre fonds ; parmi celles qu'il a apportées sur la production du froid, nous avons cru devoir recueillir les suivantes. Il a dissous dans l'eau de pluie du nitre, du borax, du sel marin, du sel ammoniac, du vitriol verd, du vitriol bleu, du verdet, de l'alun de roche, du tartre, de la crême de tartre, de l'alkali volatil, de la suie ; tous ces mêlanges ont fait baisser le barometre plus ou moins quelquefois d'un demi degré seulement.

L'huile distillée de fenouil, mêlée à l'esprit-de-vin, ne paroît pas affecter le thermometre ; mais lorsqu'on fait le mêlange dans le vuide de la machine pneumatique, elle le fait descendre de 2 degrés : l'huile de carvi le fait descendre de 3 1/2 degrés de plus dans le vuide qu'en plein air ; le froid que l'huile de térébenthine produit dans le vuide, est d'un degré plus considérable que celui qu'elle produit dans le plein ; l'huile de romarin ne fait descendre le thermometre que d'un degré & demi, & celle d'anis que d'un degré.

Le sel volatil d'urine, mêlé au vinaigre distillé, fit descendre la liqueur du thermometre de 44 à 33 degrés ; la craie qui produit de la chaleur en se dissolvant dans l'acide du vinaigre, fait descendre le thermometre d'un degré, si l'on fait l'expérience dans le vuide de la machine pneumatique.

M. Musschenbroeck a répété l'expérience de MM. de l'académie de Florence, il a versé de l'huile de vitriol sur du sel ammoniac dans le plein & dans le vuide ; dans le plein, le thermometre exposé à la vapeur, est monté de 10 degrés, celui qui plongeoit dans le mêlange est descendu de 12 : dans le vuide, le thermometre plongé dans la liqueur, est descendu de 21 degrés, celui qui étoit suspendu au-dessus, n'a d'abord éprouvé aucun changement ; mais lorsque l'autre a commencé à remonter, il est monté beaucoup plus vîte que lui, desorte que lorsque le premier a été à 58 degrés, il étoit à 69 ; lorsqu'il a été à 68, il étoit monté à 70, où il s'est arrêté, l'autre ayant continué à remonter jusqu'à 74 degrés.

La perfection que M. de Réaumur venoit de donner aux thermometres, le mit en état de déterminer avec plus d'exactitude qu'on n'auroit pu faire jusqu'alors, le degré de froid que chaque sel étoit capable de produire en le mêlant avec la glace, & la proportion dans laquelle il devoit y être mêlé pour produire le plus grand des froids qu'il est capable de faire naître. Voici le résultat de ses expériences, tel qu'il se trouve dans les mémoires de l'académie des Sciences pour l'année 1734.

Le borax n'a donné à la glace qu'un demi degré de froid au-dessus de la congelation.

La chaux vive en a donné un & demi.

Le vitriol verd ou de Mars, deux ; le sel de Glauber n'en a pas donné davantage.

La soude & la cendre de bois neuf, en ont donné trois chacune.

Le nitre le plus raffiné ; 3 1/2.

Le sucre, 5.

Le sel de soude, 6 1/2.

L'alkali fixe du tartre, celui de la soude & le sel de verre, 10 chacun.

Le sel marin, 15.

Le sel gemme, 17.

La potasse, 17 & demi ; & de moins bonne, 16.

De la glace pilée, & la moitié de son poids d'esprit de nitre ramené au degré de la congelation, ont fait baisser la liqueur dans le thermometre à 19 degrés au-dessous de la congelation.

De l'esprit de nitre & de la glace refroidis au point d'avoir 14 degrés de froid, ont produit un froid qui a fait descendre la liqueur du thermometre à 23 1/2 deg.

De la glace & de l'esprit de nitre refroidis à ce point, l'ont fait descendre à 25 degrés.

L'esprit de sel a produit trois quarts de degré de froid moins que l'esprit de nitre.

De l'esprit-de-vin auquel M. de Réaumur avoit fait prendre 19 degrés de froid, en environnant la bouteille dans laquelle il étoit, de glace réfroidie à ce point, versé sur de la glace réfroidie au même degré, a fait descendre le thermometre à 21 1/2 degrés.

Convaincu par ces expériences qu'avec de la glace & du sel refroidis, on pouvoit produire des degrés de froid plus grands que ceux qu'ils donnent, lorsqu'on les mêle ensemble, n'ayant chacun que le froid de la congelation ou un froid moindre, il mêla ensemble de la glace & du sel marin qui avoient chacun 14 degrés de froid & qui étoit très-sec, il ne se fit aucune fusion, aussi n'y eut-il pas de froid produit ; mais ayant versé sur la glace de l'eau chargée de sel marin & froide, de 8 à 9 degrés, la glace & le sel se fondirent, & sur le champ, le froid des matieres qui se fondoient augmenta desorte que le thermometre descendit à 17 1/2 degrés, deux degrés & demi plus bas que le terme ordinaire du froid de la glace & du sel marin ; d'où il conclut qu'au moyen de cet expédient, on pourroit avec de la glace & du sel refroidis de plus en plus, produire des degrés de froid de plus grands en plus grands.

Afin de déterminer en général la proportion des sels à la glace pour produire le plus grand froid qu'ils sont capables de faire naître, M. de Réaumur fait remarquer, que le refroidissement ne se faisant qu'à l'occasion de la fonte de la glace, il falloit employer la quantité, soit de matiere solide, soit de liquide, nécessaire pour fondre la glace. Ainsi la proportion la plus efficace du mêlange d'un sel avec la glace, seroit celle que l'eau peut tenir en dissolution, si le sel pouvoit être mêlé en parties infiniment petites avec la glace prodigieusement divisée ; mais comme cela n'est pas possible, il faut mettre un peu plus de sel que l'eau n'en peut dissoudre, afin qu'il touche une plus grande quantité de glace & qu'il en accélere mieux la dissolution.

M. de Réaumur termine son mémoire par cette observation : Une remarque que nous avons faite, dit-il, c'est que pour produire de nouveaux degrés de froid, il faut que de la glace fondue & de la matiere, soit solide, soit liquide qui a été employée, il se fasse un nouveau liquide. De-là naît une regle pour connoître les liqueurs, qui mêlées avec la glace, sont capables d'y produire du froid. Toutes les liqueurs huileuses qui ne peuvent pas se mêler avec l'eau, seront employées sans succès. Aussi ai-je éprouvé que des huiles grossieres, telles que l'huile de lin, ou des huiles plus subtiles, comme l'esprit & l'huile de térébenthine, sont jettées inutilement sur la glace ; elles la peuvent fondre, mais elles ne peuvent se mêler avec l'eau qui naît de la fusion, & par-là elles sont incapables de produire de nouveaux degrés de froid.

M. Richmann dans un mémoire qu'on trouve dans le tom. I. des nouveaux mémoires de l'académie Impériale de Petersbourg, pour les années 1747 & 1748 dit avoir observé.

1°. Qu'un thermometre qu'on retire de l'eau & qu'on expose à l'air, lors même que sa température est supérieure ou égale à celle de l'eau dont on le retire, descend toujours.

2°. Qu'ensuite il remonte, jusqu'à ce qu'il soit parvenu au degré de la température de l'athmosphere.

3°. Que le tems qu'il employe à descendre est moins long, que celui qu'il met à remonter.

4°. Que lorsque le thermometre qu'on a retiré de l'eau est parvenu au degré de la température de l'air, sa boule est seche.

5°. Mais qu'elle est humide, tant qu'il est au-dessous de ce degré, d'où il conclut.

6°. Que c'est à cette humidité seule, qu'il faut attribuer la descente du mercure dans le thermometre, puisque de quelque maniere que cette humidité soit produite, le thermometre descend, & qu'il indique la température de l'air dès qu'il est sec.

7°. Que cet abaissement du mercure est tantôt plus grand, & tantôt plus petit.

M. de Mairan a fait à-peu-près les mêmes observations. Il a vû en outre qu'on augmentoit le refroidissement, ou du moins qu'on accéleroit la descente de la liqueur du thermometre, en soufflant dessus ou en l'agitant en rond ; & il dit que l'expérience réussit toujours mieux dans un tems sec par le vent de nord, & lorsque le mercure est fort haut dans le barometre, qu'en un tems humide par un vent de sud lorsque le barometre est fort bas. Voyez Dissertation sur la glace, édition de 1749. in-12.

Ce phénomene a été pour nos deux physiciens une source de conjectures & d'hypothèses que nous ne croyons pas devoir rapporter, parce qu'elles sont suffisamment réfutées par les observations de M. Cullen, professeur en Médecine, dans l'université de Glasgow, qui a démontré le premier qu'il étoit dû à l'évaporation du liquide. Nous allons donner un sommaire du mémoire qu'il lut à ce sujet à la société d'Edimbourg le 1 Mai 1755.

Un de ses disciples ayant observé, que lorsqu'après avoir plongé un thermometre dans l'esprit-de-vin, on venoit à l'en retirer & à l'exposer à l'air, le mercure descendoit toujours de deux ou trois degrés, quoique cet esprit fût au degré de la température de l'athmosphere ou même au-dessous ; ce fait joint à ce qu'il avoit lû dans la Dissertation de M. de Mairan sur la glace, lui fit conjecturer que les fluides en évaporation pouvoient produire du froid, ce qui l'engagea à faire de nouvelles expériences pour vérifier cette conjecture.

Il commença par répeter les expériences qui avoient été faites avec l'esprit de vin, & il trouva quelque soin qu'il prît pour que son esprit-de-vin fût exactement à la même température que l'athmosphere, que le thermometre descendoit constamment de plusieurs degrés, toutes les fois qu'il l'en retiroit, & qu'il continuoit à descendre, tant que la boule étoit mouillée. Il observa encore, que si lorsque la boule commençoit à sécher & le mercure à remonter ; on la plongeoit de nouveau dans l'esprit-de-vin, & qu'on l'en retirât sur le champ, le mercure descendoit plus bas ; & qu'en répetant cette manoeuvre, on pouvoit produire un froid très-sensible. Il observa en outre, qu'on augmentoit ce froid en agitant le thermometre dans l'air entre chaque nouvelle immersion, en soufflant sur la boule avec un soufflet, pendant qu'elle étoit mouillée d'esprit de vin, ou même en agitant l'air de toute autre maniere.

Mais ce qui confirme de plus en plus sa conjecture, c'est que l'esprit de sel ammoniac retiré par la chaux, l'aether de Frobenius, l'aether nitreux, la teinture volatile de soufre, l'esprit-de-vin, l'esprit de sel ammoniac, tiré avec l'alkali fixe, l'eau-de-vie, le vin, le vinaigre, l'eau, l'huile essentielle de térébenthine ; celle de menthe & celle de piment lui présenterent le même phénomene. Ces différentes liqueurs produisoient du froid, en s'évaporant de dessus la boule du thermometre, les unes plus, les autres moins, selon l'ordre où nous les avons rangées, de façon qu'il paroît que l'énergie avec laquelle ces différens fluides en évaporation produisent le froid, suit à-peu-près le rapport de leur volatilité.

Voici encore des faits qui concourent à démontrer cette théorie ; un thermometre suspendu dans le récipient d'une machine pneumatique, descend de deux ou trois degrés toutes les fois qu'on en pompe l'air. Mais lorsqu'il est resté quelque tems dans le vuide, il remonte jusqu'au degré de la température de l'athmosphere, & lorsqu'on laisse rentrer l'air extérieur, il remonte encore 2 ou 3 degrés au-dessus.

Si on place sous le récipient d'une machine pneumatique un vaisseau rempli d'esprit-de-vin dans lequel plonge un thermometre ; quand on pompe l'air, le thermometre descend de plusieurs degrés, mais beaucoup plus sensiblement lorsque l'air sort abondamment de l'esprit-de-vin : comme ce fluide fournit de l'air pendant long-tems, il faut un tems considérable pour que le thermometre remonte à la température de l'air extérieur. Si lorsqu'il est arrêté on le retire de l'esprit-de-vin, & qu'on le tienne suspendu dans le vuide, il descend très-rapidement huit ou neuf degrés au-dessous, beaucoup plus bas qu'il ne seroit descendu dans l'air, dans les mêmes circonstances. L'esprit de sel ammoniac fait avec la chaux & les deux aethers ont présenté les mêmes phénomenes lorsqu'on a fait les expériences dans le vuide ; il est même arrivé une fois, que M. Cullen ayant mis un vaisseau plein d'aether nitreux dans lequel plongeoit un thermometre, qui marquoit la température de 53 degrés dans un vaisseau plus grand qu'il remplit d'eau, ayant pompé l'air & ayant laissé les vaisseaux quelques minutes dans le vuide, il trouva la plus grande partie de l'eau glacée, & le vaisseau qui contenoit l'aether, environné d'une croute de glace dure & épaisse.

M. Baumé a répeté les expériences de M. Cullen, & il y a ajouté quelques nouvelles observations ; par exemple, il a ramené de l'aether au terme de la congelation en entourant de glace le vaisseau qui le contenoit ; il y a plongé à différentes reprises des thermometres qu'il avoit aussi eu la précaution de refroidir au même degré, ils sont descendus ; savoir, celui d'esprit-de-vin à 5 degrés, & celui de mercure à 7. Il a vû aussi que le mêlange de l'aether & de l'eau produit de la chaleur, mais le mêlange de l'aether & de la glace fait descendre le thermometre d'esprit-de-vin de 5 degrés, & celui de mercure de 6 degrés au-dessous de la congelation. Si à ce mêlange on ajoute du sel ammoniac, les thermometres descendent à 14 degrés au-dessous de ce terme.

Tels sont les faits que les physiciens ont recueillis sur la production artificielle du froid ; on peut les réduire à quatre phénomenes principaux.

1°. Tous les liquides en évaporation sont capables de refroidir les corps de dessus lesquels ils s'évaporent.

2°. La solution des sels neutres dans l'eau est accompagnée d'un refroidissement d'autant plus considérable, que cette solution est plus promte.

3°. Tout ce qui est capable de liquefier la glace & de se mêler à l'eau qui résulte de sa liquéfaction, augmente l'énergie de la propriété qu'elle a de refroidir les corps auxquels elle est appliquée.

4°. L'application de certains acides à quelques sels neutres, sur-tout au sel ammoniac & aux alkalis volatils, cause un froid sensible. (Article de M. ROUX, Doct. en Médec.)

REFROIDISSEMENT, en terme de Maréchal ferrant ; c'est une morfondure légere. Voyez MORFONDURE.


REFROTTERv. act. (Gram.) c'est frotter de nouveau. Voyez l'article FROTTER.


REFUGES. m. (Gram.) signifie un sanctuaire ou asyle, où un homme qu'on persécute cherche sa sureté. Voyez ASYLE.

Il y a à Paris un hôpital qu'on appelle le refuge, où l'on enferme les filles de mauvaise vie.

REFUGE, DROIT DE, (Antiq. grecq. & rom.) en latin perfugium inviolabile ou jus perfugii ; droit de sureté pour les coupables & les malheureux, accordé en leur faveur par les Grecs & les Romains, à des villes, à des temples, à des autels & autres lieux consacrés à quelque divinité.

Il faut donc savoir, que tout lieu consacré, étoit par sa consécration saint & inviolable ; mais ces lieux sacrés, les temples même ne jouissoient pas tous du droit de refuge ; ce privilege leur étoit accordé par la piété & par la libéralité des princes, ou par decret d'un peuple, d'une nation.

Le sénat de Rome, en confirmant les actes de Jules-César, qui avoit accordé le droit d'asyle au temple de Vénus de la ville d'Aphrodisée en Carie, ordonna que ce droit seroit semblable à celui du temple de Diane éphésienne, à Ephèse. Le sénat en confirmation de l'édit d'Auguste, reconnut aussi les refuges sacrés, , des temples de la ville de Stratonicée en Carie.

Les droits de refuge avoient plus ou moins d'extension, suivant que l'exigeoient ou le bien de la religion, ou les intérêts politiques ; & quelquefois on les restraignoit, ou même on les supprimoit entierement, lorsque les abus étoient nuisibles à la société. Plusieurs temples de la Grece & de l'Orient, jouissoient du droit d'asyle ; on en peut lire les détails & les preuves dans l'ouvrage du baron de Spanheim. Voyez aussi le mot ASYLE.

J'ajoute seulement, qu'il faut bien distinguer , le droit d'asyle & le titre d', accordé à un pays, à une ville, soit par les princes, soit par le consentement des peuples. Le premier signifie un lieu de retraite & de refuge ; le second exprime une sauve-garde, & une espece de neutralité qui mettoit un pays, une ville à couvert d'insulte, de pillage, & de tout acte d'hostilité. (D.J.)

REFUGE, villes de, (Critiq. sacrée) Moïse établit six villes où pourroient se retirer en sûreté ceux qui par hasard & sans le vouloir auroient tué un homme, afin qu'ils eussent le tems de se justifier & de se défendre devant les juges, sans avoir rien à craindre des parens du mort. Il y avoit trois de ces villes dans la terre de Chanaan, en deçà du Jourdain. Quoique le meurtrier dans ces villes de refuge fût à l'abri des poursuites de la famille de celui qui avoit été tué, il ne l'étoit pas de celles de la justice. On informoit contre lui, & il falloit qu'il prouvât que le meurtre qu'il avoit commis étoit involontaire. S'il se trouvoit coupable, on le punissoit selon la rigueur des lois ; mais s'il étoit innocent & reconnu pour tel par un jugement solemnel, il demeuroit captif dans la ville de refuge jusqu'à la mort du souverain pontife, d'où dépendoit uniquement sa liberté. C'est ainsi que Moïse, pour inspirer aux Juifs une plus grande horreur de l'homicide, crut devoir punir le meurtre, même involontaire, par une espece d'exil. Si le meurtrier sortoit avant le tems prescrit, le vengeur du sang de celui qui avoit péri avoit droit de le tuer impunément ; mais après le décès du grand-prêtre, il lui étoit permis de se retirer par-tout où il vouloit, sans que personne pût le poursuivre, ni lui faire aucune insulte. (D.J.)


RÉFUGIÉS(Hist. mod. politiq.) C'est ainsi que l'on nomme les Protestans françois que la révocation de l'édit de Nantes a forcés de sortir de France, & de chercher un asyle dans les pays étrangers, afin de se soustraire aux persécutions qu'un zele aveugle & inconsidéré leur faisoit éprouver dans leur patrie. Depuis ce tems, la France s'est vûe privée d'un grand nombre de citoyens qui ont porté à ses ennemis des arts, des talens, & des ressources dont ils ont souvent usé contr'elle. Il n'est point de bon françois qui ne gémisse depuis long-tems de la plaie profonde causée au royaume par la perte de tant de sujets utiles. Cependant, à la honte de notre siecle, il s'est trouvé de nos jours des hommes assez aveugles ou assez impudens pour justifier aux yeux de la politique & de la raison, la plus funeste démarche qu'ait jamais pu entreprendre le conseil d'un souverain. Louis XIV. en persécutant les Protestans, a privé son royaume de près d'un million d'hommes industrieux qu'il a sacrifiés aux vûes intéressées & ambitieuses de quelques mauvais citoyens, qui sont les ennemis de toute liberté de penser, parce qu'ils ne peuvent régner qu'à l'ombre de l'ignorance. L'esprit persécuteur devroit être réprimé par tout gouvernement éclairé : si l'on punissoit les perturbateurs qui veulent sans-cesse troubler les consciences de leurs concitoyens lorsqu'ils different dans leurs opinions, on verroit toutes les sectes vivre dans une parfaite harmonie, & fournir à-l'envi des citoyens utiles à la patrie, & fideles à leur prince.

Quelle idée prendre de l'humanité & de la religion des partisans de l'intolérance ? Ceux qui croyent que la violence peut ébranler la foi des autres, donnent une opinion bien méprisable de leurs sentimens & de leur propre constance. Voyez PERSECUTION & TOLERANCE.


REFUGIUM-APOLLINIS(Géogr. anc.) lieu de Sicile sur la route d'Agrigente à Syracuse, en prenant le long de la mer. C'est l'itinéraire d'Antonin qui en fait mention. Il le marque entre Plagia-Herco ou Cymba, & Plagia-Syracusis, à 20 milles du premier de ces lieux, & à 32 milles du second. C'est le même lieu que la plûpart des anciens ont nommé Pachymi-Portus. Aujourd'hui on l'appelle Porto-di-Longobardo. (D.J.)


REFUGIUM-CHALIS(Géog. anc.) lieu de Sicile. L'itinéraire d'Antonin le met sur la route d'Agrigentum à Syracuse, en prenant le long de la mer ; mais il faut lire Gelae au lieu de Chalis. Le nom moderne est Terra-nova. (D.J.)


REFUITES. f. (Menuiserie) c'est l'excès de profondeur d'une mortaise, d'un trou de boulin, &c. On dit aussi qu'un trou a de la refuite, quand il est plus profond qu'il ne faut pour encastrer une piece de bois ou de fer qui sert de linteau entre les deux tableaux d'une porte. (D.J.)

REFUITE, terme de Chasse. Ce mot se dit des ruses d'un cerf qu'on chasse, & qui retourne sur ses pas. Il se dit aussi des lieux où fuient les bêtes lorsqu'on les chasse. Trévoux. (D.J.)


REFUSS. m. (Morale) dénégation de quelque chose qu'on demande. Les refus peuvent être offensans, fâcheux, injurieux, civils, honnêtes, & même obligeans ; leur différence provient de l'assaisonnement qu'on y met. La pensée de Pline le jeune n'est que trop souvent vraie. " Telle est, dit-il, la disposition du coeur humain ; vous détruisez vos premiers bienfaits, si vous ne les soutenez par de seconds : obligez cent fois, refusez une, le refus seul restera dans l'esprit ". Cependant un refus tempéré par toutes sortes d'adoucissemens, ne choque point les personnes raisonnables ; & l'on ne s'offense point d'un refus de vertu, dit Montagne. (D.J.)

REFUS, (Architect. hydraul.) On dit qu'un pieu ou un pilot est enfoncé au refus du mouton, lorsqu'il ne peut entrer plus avant, & qu'on est obligé d'en couper la couronne. Daviler. (D.J.)

REFUS ; on appelle cerf de refus un cerf de trois ans.


REFUSERv. act. & n. (Gramm.) c'est ne pas accorder ce qu'on demande. Voyez l'article REFUS. Il y a des gens d'un caractere si mol, qu'ils ne savent ni accorder ni refuser. On se refuse à la sollicitation de son coeur ; on est refusé d'une dignité. On se refuse à une intrigue ; on se refuse à la poursuite.

REFUSER, (Marine) On dit qu'un vaisseau a refusé, quand il a manqué à prendre vent devant.

REFUSER, terme de Manege. On dit que le cheval refuse lorsqu'il ne veut pas, ou qu'il n'a pas la force d'obéir au cavalier.


REFUSIONS. f. (Jurispr.) se dit en parlant des frais de contumace. Faire la réfusion de ces frais, c'est les payer. Voyez REFONDER. (A)


REFUTATApl. n. (Chancellerie) mot latin qui se met sur les lettres par les référendaires lorsqu'elles sont rejettées, parce qu'elles sont mal dressées, ou qu'elles contiennent des choses contraires aux ordonnances. Trévoux. (D.J.)


RÉFUTATION(Art orat.) c'est la partie d'une piece d'éloquence qui répond aux objections de la partie adverse, & qui détruit les preuves qu'elle a alléguées.

La réfutation demande beaucoup d'art, parce qu'il est plus difficile de guérir une blessure que de la faire.

Quelquefois on retorque l'argument sur son adversaire. Protagore, philosophe, sophiste & rhéteur, étoit convenu avec Euathlus son disciple d'une somme qui lui seroit payée par celui-ci lorsqu'il auroit gagné une cause. Le tems paroissant trop long au maître, il lui fit un procès ; & voici son argument : ou vous perdrez votre cause, ou vous la gagnerez ; si vous la perdez, il faudra payer par la sentence des juges ; si vous la gagnez, il faudra payer en vertu de notre convention. Le disciple répondit : ou je perdrai ma cause, ou je la gagnerai ; si je la perds, je ne vous dois rien en vertu de notre convention ; si je la gagne, je ne vous dois rien en vertu de la sentence des juges.

Quand l'objection est susceptible d'une réfutation en regle, on la fait par des argumens contraires, tirés ou des circonstances, ou de la nature de la chose, ou des autres lieux communs.

Quand elle est trop forte, on feint de n'y pas faire attention, ou on promet d'y répondre, & on passe légerement à un autre objet : on paye de plaisanteries, de bons mots. Un orateur athénien entreprenant de réfuter Démosthène, qui avoit mis tout en émotion & en feu, commença en disant qu'il n'étoit pas surprenant que Démosthène & lui ne fussent pas de même avis, parce que Démosthène étoit un buveur d'eau, & que lui il ne buvoit que du vin. Cette mauvaise plaisanterie éteignit tout le feu qu'avoit allumé le prince des orateurs.

Enfin, quand on ne peut détourner le coup, on avoue le crime, & on a recours aux larmes, aux prieres, pour écarter l'orage. Cours des Belles-Lettres, tome IV. (D.J.)


REFUTERv. act. (Gram.) c'est répondre à des objections. Voyez l'article REFUTATION.


RÉGALA, (Géog. mod.) riviere d'Allemagne dans la Poméranie ducale ; elle a sa source dans la moyenne marche de Brandebourg ; & après avoir arrosé quelques places de la Poméranie, elle se jette dans la mer Baltique. (D.J.)


REGAGNERv. act. (Gramm.) c'est gagner derechef. Voyez les articles GAGNER, GAIN & REGAIN. On gagne au jeu, au change, au commerce. On regagne. Il se dit aussi au figuré ; j'ai regagné sa confiance. Il est quelquefois synonyme à atteindre, arriver avec peine. Il a regagné la côte.


REGAINS. m. (Architect.) Les ouvriers disent qu'il y a du regain à une pierre, à une piece de bois, &c. lorsqu'elle est plus longue qu'il ne faut pour la place à laquelle elle est destinée, & qu'on en peut couper. Daviler. (D.J.)

REGAIN, (Agricult.) On appelle regain la deuxieme herbe qui vient dans la plûpart des prés quelques mois après qu'on les a fauchés. Il y en a même dont le fonds est si bon & la situation si favorable pour les arrosemens, qu'on y fauche l'herbe jusqu'à trois fois par an. Les regains sont abondans quand l'été est pluvieux ; & ce n'est que par le secours des pluies ou des canaux qu'on peut espérer une deuxieme récolte dans les prairies seches. Quant aux prairies humides, sur-tout celles qui sont dans le voisinage de quelque riviere, on y donne tous les arrosemens qu'on veut, en faisant écouler de l'eau dans les prés sitôt que le premier foin en est enlevé. Mais l'abondance du regain, ainsi que celle du premier foin, dépend beaucoup des soins qu'on se donne pour fertiliser les prairies. On fauche ordinairement les regains à la mi-Septembre ; & ce second fauchage est d'autant plus utile, qu'outre la nouvelle herbe, on enleve aussi celle qui peut être échappée à la faux lors de la premiere fauchaison.

Aussi-tôt que le regain est recueilli, on a coutume d'y mener paître les bestiaux pendant l'automne & l'hiver, jusqu'au tems que l'herbe doit recommencer à pointer ; mais il y a des gens entendus en agriculture qui ne permettent pas qu'on laisse des bestiaux dans leurs prés à foin plus de huit ou quinze jours après qu'ils sont dépouillés, afin que ces animaux n'aient que le tems de pâturer ce qui est échappé au faucheur. Ils prétendent que par ce ménagement ils retirent de leurs prés le double du foin qu'ils retireroient en pâturage s'ils y laissoient les bestiaux pendant l'automne & l'hiver.

Le mot regain vient manifestement de la particule redondante re, & de gain, qui en vieux françois signifioit récolte. Le regain est donc une seconde récolte avantageuse au propriétaire. Les Normands disent revoin, & Ménage croit que c'est le véritable mot employé pour refoin, qui veut dire un second foin. Les coutumes de Berry & de Nivernois se servent du terme revivre, parce que les prés semblent revivre une seconde fois. (D.J.)


REGAIRESS. m. (Jurisprud.) en Bretagne sont les jurisdictions temporelles des évêques, & celles de leurs chapitres. L'appel de ces justices ressortit au parlement. (A)


RÉGALS. m. est une fête ou un festin qu'on donne à des ambassadeurs ou autres personnes de distinction, pour les divertir ou leur faire honneur.

En Italie, lorsqu'il passe ou qu'il arrive quelque personne de considération, il est d'usage de lui envoyer un régal, lequel consiste en fruits, confitures, & autres rafraîchissemens.


RÉGALADEBOIRE A LA, (Physiol.) Entre les différentes façons de boire, il y a trois manieres de faire tomber la boisson dans la bouche. Dans la premiere, qui est la plus commune, on verse doucement, à mesure que la langue conduit la boisson dans le gosier. Dans la seconde, on verse brusquement tout-à-la-fois, & la langue conduit le tout dans le gosier avec la même vîtesse, ce qui s'appelle sabler. La troisieme maniere consiste à verser la boisson dans la bouche, la tête étant renversée, & c'est là ce que l'on nomme communément boire à la régalade, ou au galet. Voyez les observations de M. Petit sur ces trois manieres de boire, dans les mém. de l'acad, des Scienc. ann. 1718. (D.J.)


RÉGALES. f. (Jurisp.) en général signifie un droit qui appartient au roi.

On distingue deux sortes de régales ; la spirituelle & la temporelle.

La régale spirituelle, qu'on appelle aussi simplement régale par excellence, est le droit qui appartient au roi, de conférer tous les bénéfices non cures dépendans de l'évêché ou archevêché vacant, lorsque ces bénéfices se trouvent vacans, ou qu'ils viennent à vaquer, de fait ou de droit, pendant la vacance du siege épiscopal ou archiépiscopal.

La régale temporelle, est le droit que le roi a de jouir de tous les fruits & revenus de l'évêché ou archevêché qui est vacant en regale.

Les auteurs sont partagés sur l'origine de ce droit. Quelques-uns le font remonter jusqu'à la loi divine, & tiennent qu'il dérive de cette noble prérogative qu'avoient les rois de Juda, d'être oints & sacrés, & en conséquence de faire les fonctions du grand-prêtre ; & lorsqu'il étoit absent, d'établir des officiers & de donner les places & les dignités du temple, ainsi qu'il se voit dans le ch. j. des Paralipomenes, & dans le xxiv. des Rois. Qu'à l'exemple des rois de Juda, nos rois sont oints & sacrés comme eux : qu'aussi ne les regarde-t-on pas comme des personnes profanes & purement laïques, mais comme personnes mixtes, c'est-à-dire qui sont tout à la fois ecclésiastiques & laïques. Que c'est de-là qu'ils ont la faculté de tenir des prébendes, & qu'ils sont même premiers chanoines dans plusieurs églises de leur royaume ; ce qui a fait dire à un célebre avocat-général, que c'est-là la véritable source de la régale spirituelle. Ainsi son véritable fondement est sacra unctio concurrens cum fundatione & protectione.

La régale est en quelque chose semblable au droit de patronage, en ce qu'elle attribue au roi le droit de nommer aux bénéfices vacans pendant l'ouverture de la régale ; mais elle donne un droit bien plus étendu que le simple patronage. Car le roi conférant un bénéfice vacant en régale, n'a pas seulement la nomination & présentation, mais la pleine & entiere collation. On verra même dans la suite de cet article qu'à certains égards le pouvoir du roi dans la régale, est plus étendu que celui de l'ordinaire.

M. Bignon avocat-général, réunit quatre sources d'où procede la régale, lesquelles jointes ensemble en forment les fondemens ; savoir, la souveraineté du roi, sa qualité de fondateur des églises, sa qualité de seigneur féodal des biens qui en composent les revenus, enfin sa qualité de gardien, avocat & défenseur des droits & prérogatives des églises de ses états.

Probus, Buzée & quelques autres, tiennent que la régale vient du concile d'Orléans, tenu sous le regne du roi Clovis I. à qui la nomination des évêchés fut donnée, comme une récompense de la victoire mémorable que ce roi avoit remportée contre Alaric roi des Visigoths ; & que cette faculté fut donnée à l'empereur Charlemagne par le pape Adrien, pour avoir exterminé les Ariens.

D'autres prétendent que la régale n'a été établie que par le concordat, fait entre Léon X. & François I.

Mais d'autres encore, que le concordat n'a fait que renouveller un droit que les rois de France avoient possédé dès le commencement de la monarchie.

En effet, Grégoire de Tours, Aimoin & nos anciens historiens, sont pleins d'exemples qui prouvent que nos rois de la premiere race disposoient des évêchés. Ils en parlent en ces termes. Talis episcopus ordinatus est jussu regis, ou assensu regis, ou decreto regis.

Le même ordre s'observoit sous la seconde race, puisque Loup, abbé de Ferrieres, rapporte que le roi Pepin obtint le consentement du pape Zacharie, pour nommer aux grandes dignités ecclésiastiques ceux qu'il en jugeroit les plus capables pour le bien de son état.

Hincmar, archevêque de Rheims, parle aussi de ces nominations.

On en trouve aussi la preuve dans le second concile d'Aix-la-Chapelle, sous Louis le Débonnaire.

Les successeurs de Hugues-Capet en usoient aussi de même.

Fulbert, évêque de Chartres, qui vivoit dans le xj. siecle, sous le roi Robert, témoigne la même chose en plusieurs endroits de ses épîtres.

Dans le xij. siecle, plusieurs papes disposerent seuls des grands bénéfices.

Mais sous Philippe-Auguste, vers le commencement du xiij. siecle, les élections furent en usage ; de maniere néanmoins que le roi les autorisoit.

Enfin le concordat accorde au roi le droit de nomination aux bénéfices consistoriaux, quoique l'on tienne que ce droit appartienne au roi, en vertu de sa souveraineté ; parce que le choix des prélats est une chose importante pour le bien de l'état, & que le roi, comme on l'a déjà dit ci-devant, est le premier patron & le protecteur des églises de son royaume : & c'est de ce droit de nomination aux grands bénéfices, que dérive le droit de régale.

Mais il n'est pas facile de rapporter des preuves que la régale, telle qu'elle se pratique présentement, étoit déjà établie dès le commencement de la premiere race.

Ce que l'on trouve de plus certain sur ce point, c'est qu'il est fait mention de ce droit de régale dans le testament de Philippe-Auguste, en forme d'ordonnance, de l'an 1190 ; dans une bulle du pape Innocent III. de l'an 1210 ; en l'ordonnance du roi Philippe-le-Bel, de l'an 1302, articles 3. & 4 ; dans celle de Philippe de Valois, de l'an 1334 ; de Charles VII. de l'an 1453, articles 5. & 76 ; de Louis XII. en 1499, articles 11. & 12.

Il y a ouverture à la régale par la vacance de l'évêché ou archevêché ; savoir, 1°. par mort.

2°. Par la promotion de l'évêque ou archevêque au cardinalat, ce qui vient de ce que le prélat promu à cette dignité étant attaché d'une maniere plus particuliere à l'église de Rome, attachement que l'on regardoit comme incompatible avec le service & la résidence que le prélat doit dans son diocèse, on regardoit l'évêché comme vacant. La promotion au cardinalat, sub expectatione tituli, opere le même effet ; mais la régale n'a lieu, par la promotion au cardinalat en général, que du jour que l'évêque a accepté.

3°. La régale est ouverte par la démission simple entre les mains du roi, & par la résignation en faveur, ou permutation, du jour que la résignation ou permutation est admise par le pape.

4°. Par la translation de l'évêque à un autre évêché ou archevêché, du jour du serment de fidélité prêté pour l'église à laquelle l'évêque a été transféré.

5°. Il y auroit aussi ouverture à la régale par la rébellion publique & notoire de l'évêque. Ce seroit une espece de commise, semblable à celle qui a lieu contre le vassal, pour cause de félonie.

Un bénéfice est dit vaquer en régale, lorsqu'il se trouve vacant au moment que la régale s'ouvre dans un évêché, ou qu'il vient à vaquer depuis l'ouverture de la régale.

On distingue trois sortes de vacances par rapport à la régale ; savoir, 1°. la vacance de droit, qui arrive quand le pourvu a pris possession en personne sur un titre nul & vicieux : 2°. la vacance de fait, quand celui qui est pourvu par un titre canonique, n'a pris possession que par procureur ; car en matiere de régale, la prise de possession faite par procureur, quoique fondé de procuration spéciale, n'empêche pas que le bénéfice ne soit réputé vacant, si ce n'est un bénéfice à charge d'ames. 3°. La vacance de fait & de droit, quand un clerc possede un bénéfice sans titre canonique, & sans avoir pris possession en personne. Dans tous ces différens genres de vacance, le roi dispose des bénéfices qui vaquent en régale.

Le litige fait aussi vaquer en régale les bénéfices qui se trouvent contestés pendant qu'elle est ouverte ; mais il faut que l'affaire soit au moins problématique, & que l'un des contendans ne soit pas évidemment mal fondé.

Néanmoins si l'un des contendans avoit seulement pour lui le bon droit, & que l'autre fût en possession actuelle, le bénéfice contesté entr'eux vaqueroit en régale ; parce que pour empêcher la vacance en régale, il faut que le bénéfice soit rempli de fait & de droit, par la même personne : & dans ce cas on reservoit à celui qui avoit droit son action en dommages & intérêts contre l'injuste possesseur.

Le seul litige injuste ne fait pas vaquer le bénéfice en régale, à-moins que la possession de fait & de droit ne soit divisée entre les collitigeans.

Pour faire vaquer un bénéfice en régale, à cause du litige, une simple assignation ne suffit pas ; il faut, suivant la déclaration du 10 Février 1673, qu'il y ait contestation en cause six mois avant le décès des évêques & archevêques. Cependant s'il étoit certain que le litige fût sérieux & de bonne foi, il feroit vaquer le bénéfice en régale, quoiqu'il n'y eût pas encore six mois depuis la contestation en cause.

La grand'chambre du parlement de Paris est le seul tribunal qui ait droit de connoître de la régale dans toute l'étendue du royaume.

Quand le pourvu en régale trouve un autre en possession du bénéfice, il doit former verbalement sa demande en la grand'chambre, par le ministere de son avocat, & réquerir permission de faire assigner tous les contendans.

On adjuge toujours l'état, c'est-à-dire la provision, au régaliste, en attendant le jugement du fond.

En matiere de régale, la cour connoît du pétitoire des bénéfices ; c'est pourquoi elle ne se sert pas du terme de maintenue : elle adjuge le bénéfice à celui qui y a droit.

Le régaliste ne peut pas au préjudice du roi, se désister de son droit au profit d'un pourvu par le pape, ou par l'ordinaire ; mais un régaliste peut céder son droit à un autre régaliste.

Entre plusieurs pourvus en régale, celui dont le brevet est le premier est préféré, à-moins que le second ne fût pourvu sur le véritable genre de vacance. Si les brevets se trouvent de même date, il faut s'adresser au roi, pour savoir quel est le pourvu qu'il veut préférer.

La régale a lieu en Bretagne dans le mois du pape, jusqu'à-ce que l'évêque ait satisfait aux formalités nécessaires pour la clôture de la régale.

La régale est ouverte jusqu'à-ce que le nouveau prélat ait fait au roi le serment de fidélité, qu'il en ait fait enregistrer l'acte en la chambre des comptes de Paris, & les lettres patentes de main-levée de la régale ; enfin qu'il ait levé l'arrêt de la chambre des comptes, & qu'il l'ait fait signifier avec l'attache & le mandement des auditeurs, au commissaire nommé pour la perception des fruits, aux substituts de M. le procureur-général, & aux officiers à la requête desquels la saisie des fruits a dû être faite, quand même il n'y auroit pas eu de saisie du temporel, ni d'économe constitué.

Lorsque le roi veut bien recevoir le serment de fidélité d'un nouvel évêque par procureur, & lui accorder la délivrance des fruits, la régale n'est pas close pour la collation des bénéfices, à-moins que la dispense accordée par le roi n'en contienne une clause formelle.

Le nouvel évêque qui a fait ses diligences pour prêter le serment de fidélité, & qui ne peut le prêter à cause de la guerre, ne doit plus être privé de ses droits pour la régale ; il doit avoir main-levée de son temporel, & pourvoir aux bénéfices dépendans de son évêché, à l'exclusion des régalistes.

Dans les collations en régale, le roi exerce le droit des évêques de la même maniere dont ils ont coutume d'en user avec leur chapitre.

Son pouvoir est même plus étendu que celui de l'ordinaire ; car le roi use du droit épiscopal tel qu'il étoit anciennement, lorsque les évêques avoient le pouvoir de conférer pleinement & librement toutes sortes de bénéfices ; il peut d'ailleurs admettre les résignations en faveur, & n'est point sujet à la prévention du pape.

La dévolution n'a pas lieu non plus au préjudice du roi, quoique l'évêque dont l'évêché est ouvert en régale, eût perdu son droit, & qu'il fût dévolu au métropolitain.

Quelques églises ont prétendu être exemptes de la régale, & Henri IV. déclara lui-même par un édit de 1606, qu'il n'entendoit pas qu'elle fût étendue aux églises exemptes.

Mais nonobstant cette déclaration, il intervint arrêt le 24 Avril 1608, sur les conclusions de M. l'avocat-général Servin, qui déclara que la régale avoit lieu dans l'église de Bellay, comme dans tous les autres archevêchés & évêchés du royaume.

En conséquence le roi usa de la régale dans les églises du Dauphiné, de la Provence & du Languedoc, qui jusqu'alors avoient passé pour exemptes.

La Sainte-Chapelle de Paris à laquelle la régale temporelle avoit été cédée, fit saisir les revenus des évêchés vacans dans ces provinces. Elle jouissoit ainsi de la régale, en vertu d'une concession de 1542, qui fut d'abord à tems, puis continuée par les rois successeurs pendant leur vie. Enfin par un édit de 1641, elle lui fut ôtée, & le roi lui donna comme une espece d'indemnité, la mense abbatiale de S. Nicaise de Rheims.

Le clergé s'étant plaint de ce que l'on avoit étendu la régale dans des églises où le roi n'en avoit point usé par le passé, Henri IV. par des lettres patentes du 26 Novembre 1609, évoqua au conseil tous les procès pendans au parlement, sous prétexte de provisions accordées en régale, au préjudice de l'édit de 1606.

Il y eut en 1615, 1624 & 1636, divers contrats entre Louis XIII. & le clergé, par lesquels le roi promit de ne rien innover aux droits de l'Eglise.

Cependant comme il y eut encore des provisions en régale, & des saisies de la part de la Sainte-Chapelle, le clergé renouvella ses plaintes, ce qui donna lieu à un arrêt interlocutoire, portant que les évêques du Dauphiné, de la Provence & du Languedoc, envoyeroient au greffe du conseil les titres, en vertu desquels ils se prétendoient exempts de la régale.

Enfin le 10 Février 1673 intervint une déclaration, par laquelle le roi déclara que la régale lui appartenoit dans tous les évêchés & archevêchés de son royaume, à l'exception seulement de ceux qui en seroient exemts à titre onéreux.

Il y a eu depuis divers arrêts conformes à cette déclaration ; & encore en dernier lieu un du 20 Mars 1727 pour l'église d'Arras.

Les églises de Lyon & d'Autun sont exemtes de la régale ; parce que pendant la vacance de l'une de ces deux églises, c'est l'évêque de l'autre qui a l'administration de l'église vacante, mais l'archevêque de Lyon ne jouit pas du temporel d'Autun.

Le roi confere en régale tous les bénéfices qui auroient été à la disposition de l'évêque, si le siege eût été rempli, à l'exception des cures dont la disposition appartient au chapitre.

Si la cure est unie à un canonicat, ou autre bénéfice simple, le roi la confere aussi en régale ; il en seroit autrement, si c'étoit le bénéfice simple qui fût uni à la cure, l'accessoire devant suivre le sort du principal.

Mais les prieurés-cures ne vaquent point en régale, excepté les prieurés-cures réguliers où les religieux ont cessé de faire les fonctions curiales, dont ils se sont déchargés sur des vicaires perpétuels.

Le roi confere pendant la régale les bénéfices qui sont en patronage, soit ecclésiastique ou laïc, mais seulement sur la présentation du patron ; & si celui-ci négligeoit de présenter dans le tems qui lui est accordé pour cet effet, le roi conféreroit librement : il y a encore cela de particulier pendant la régale, que le pape ne peut prévenir le patron ecclésiastique qui doit présenter au roi.

Dans les églises ou cathédrales, le chapitre confere les dignités & les prébendes ; le roi ne les confere pas en régale, mais il y a collation alternative ; le roi confere dans le tour de l'évêque ; & si la collation se fait conjointement par l'évêque & par le chapitre, le roi, pendant la régale, nomme un commissaire pour conférer avec le chapitre ; enfin si le chapitre présente & que l'évêque confere, la présentation du chapitre doit être faite au roi, lequel donne les provisions.

Lorsqu'une abbaye se trouve vacante tandis que la régale est ouverte, le roi confere en régale les bénéfices dépendans de cette abbaye, quand même ils vaqueroient en commende, ensorte qu'il jouit indirectement de la régale sur les abbayes.

Les bénéfices nouvellement érigés sont sujets comme les autres à la régale.

Le roi peut aussi conférer en régale ceux qui ont été unis depuis cent ans, à-moins que l'union n'ait été faite en vertu de lettres-patentes dûement homologuées.

Il peut aussi conférer en régale à des séculiers les bénéfices réguliers, dépendans des abbayes vacantes, lorsque les bénéfices sont situés dans les diocèses où la régale est ouverte, & que les trois derniers titulaires ont été pourvus en commende.

Tant que la régale est ouverte, le pape ne peut admettre aucune résignation en faveur, démission pure & simple, ni permutation ; il ne peut pas même conférer les bénéfices vacans in curiâ.

La résignation d'un bénéfice ne peut être admise par le pape durant l'ouverture de la régale ; c'est un droit qui n'appartient qu'au roi seul.

La regle de chancellerie de verisimili notitiâ obitûs n'a pas lieu pour les provisions en régale.

Les provisions en régale doivent être signées d'un secrétaire d'état, & sont sujettes à insinuation, ainsi que les prises de possession. Voyez les preuves des libertés de l'église gallicane ; le tome XI. des mémoires du clergé ; le président Guymier, sur la pragmatique ; le président le Maître, dans son traité des régales ; Chopin, lib. II. de domanis, cap. ix. Buzée & Probus ; Pasquier, liv. III. de ses recherches, ch. xxvij. xxviij. & xxix. Pinson, traité de la régale ; du Perray, sur le concordat ; les lois ecclésiastiques, de Héricourt ; Drapier, recueil de décision, & la déclaration du 18 Avril 1673.

REGALE signifie aussi dans quelques coutumes, la perte des fruits de l'héritage, ou le droit que le seigneur féodal a de prendre, & appliquer à son profit les fruits des héritages de fief ou côtiers à faute de les relever & droiturer, comme en la coutume d'Artois, articles 23 & 24. Voyez le glossaire de M. de Lauriere au mot régale, & l'auteur des notes sur Artois, article 24.

REGALES au pluriel, ou droits régaliens, sont tous les droits qui appartiennent au roi à cause de sa souveraineté.

On distingue deux sortes de régales, les grandes & les petites.

Les grandes régales, majora regalia, sont celles qui appartiennent au roi, jure singulari & proprio, & qui sont incommunicables à autrui, attendu qu'elles ne peuvent être séparées du sceptre étant des attributs de la souveraineté, comme de se qualifier par la puissance de Dieu, de faire des lois, de les interpreter ou changer, de connoître en dernier ressort des jugemens de tous magistrats, de créer des offices, faire la guerre ou la paix, traiter par ambassadeurs, faire battre monnoie, en hausser ou baisser le titre & la valeur, mettre des impositions sur les sujets, les ôter ou en exempter certaines personnes, donner des graces & abolitions pour crimes, accorder d'autres dispenses de la rigueur des lois, naturaliser les étrangers, faire des nobles, ériger des ordres de chevalier & autres titres d'honneur, légitimer les bâtards, donner des lettres d'état, amortir les héritages tombés en main-morte, fonder des universités, ériger des foires & marchés publics, instituer des postes & couriers publics, assembler les états généraux ou provinciaux, &c.

Les petites régales, minora regalia, sont celles qui n'étant point nécessairement inhérentes à la couronne, peuvent en être séparées, au moyen de quoi elles sont communicables & cessibles ; telles sont les grands chemins, les grandes rivieres, les péages & autres droits semblables. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race ; le Bret, traité de la souveraineté ; Dargentré, sur l'article 56. de la coutume de Bretagne. (A)

REGALE, eau, (Chymie) l'eau régale est un acide composé de deux autres, le nitreux & le marin. La plus grande & la plus remarquable de ses propriétés est de pouvoir dissoudre le roi des métaux, sans toucher à l'argent dont il fait le départ, si ces deux substances sont unies ; on observera ici que pour peu qu'un des deux acides domine, une partie de l'argent sera entraînée dans la dissolution, sur-tout si c'est le nitreux.

On a plusieurs manieres de préparer l'eau régale : 1° on fait fondre dans l'esprit-de-nitre du sel ammoniac, l'acide marin s'unit avec le nitreux, pendant que l'alkali volatil dégagé par ce dernier acide, comme ayant avec lui plus d'affinité, forme le nitre brûlant : 2° on mêle de l'esprit-de-sel à l'eau-forte : 3° on verse dans une cornue l'acide nitreux sur du sel marin décrépité, & on les fait distiller : 4° on fait distiller ensemble du nitre & du sel marin mêlés avec une terre bolaire. La méthode la plus suivie, parce qu'elle est plus simple & moins dispendieuse, est la premiere, mais la meilleure est la seconde.

De toutes les substances solubles dans les acides, l'argent est presque la seule qui ne soit point dissoute dans l'eau régale. C'est ici que les merveilles inexplicables se présentent bien. Les deux acides qui composent l'eau régale, dissolvent séparément l'argent, & ne l'entament pas seulement quand ils sont unis.

On a peu travaillé sur cet acide, on n'a examiné avec soin aucun des sels qu'il peut produire, à peine sait-on qu'il en donne avec l'or. On n'a point tenté de le dulcifier, & encore moins d'en retirer un éther qui auroit pû conduire peu-à-peu à l'éther marin, en diminuant successivement la quantité de l'acide nitreux, & observant ce qui arriveroit dans ces différentes combinaisons. Cet acide peut, comme les autres, former des savons étant uni avec les huiles ; les procédés qu'il faudroit suivre ne sont point connus. Enfin nous ne soupçonnons pas qu'il ait jamais été d'aucun usage médicinal ; il peut donc devenir le sujet d'une multitude de recherches & de découvertes.

REGALE, s. f. (Musiq.) sorte d'ancien instrument composé de plusieurs bâtons de bois résonnant, attachés près-à-près, & qui vont en augmentant ; on les touche avec une boule d'ivoire, qui est au bout d'un petit bâton. Il est dit dans la satyre Ménippée : " Le charlatan espagnol étoit monté sur un petit échafaud, jouant des régals ". Surquoi M. Dupuy fait cette note : Régal est une épinette organisée, autrement un petit jeu d'orgue & de flute, fort commun en éspagne & en Italie. En France, cet instrument s'appelle un positif. (D.J.)


RÉGALEMENTS. m. (Jurisprud.) signifie ce que l'on fait pour égaler des personnes qui se trouvoient partagées inégalement. Ce régalement a lieu sur-tout dans les successions lorsque des enfans ont reçu des dots inégales, ou que les uns ont été dotés, & que les autres ne l'ont pas été. Voyez DOT, PARTAGE, SUCCESSION. (A)

REGALEMENT, s. m. (Architect.) c'est la réduction d'une aire, ou de toute autre superficie, à un même niveau ou à sa pente. Daviler. (D.J.)


RÉGALERv. act. (Gram.) c'est faire un régal. Voyez l'article REGAL.

REGALER, v. act. (Architect.) ou applanir, c'est, après qu'on a enlevé les terres massives, mettre à niveau, ou selon une pente réglée, le terrein qu'on veut dresser. On appelle régaleurs ceux qui étendent la terre avec la pelle à mesure qu'on la décharge, ou qui la foulent avec des battes. Daviler. (D.J.)

REGALER, c'est, en terme de Blanchisserie, étendre avec une fourchette de bois la cire plus également, qu'on ne l'avoit fait avec les mains.

REGALER, (Jardinage) se dit d'un terrein qui n'est pas encore dressé, où la terre n'est pas encore répandue par-tout, ainsi régaler un terrein veut dire le dresser, l'unir.


RÉGALEURS. m. terme de riviere, ouvrier qui a soin lorsqu'on apporte des gravois sur les remparts ou autres décharges publiques, de les étendre avec la pelle ; il a des gages de la ville, & une bandouliere en ceinture.


RÉGALIENSadj. (Jurisprud.) droits régaliens. Voyez le mot REGALES au plurier.


REGARDS. m. (Gram.) action de l'oeil. Jetter un regard au loin. Le regard est tranquille ou passionné, doux ou colere, inquiet ou paisible, distrait ou attentif, indifférent ou curieux.

REGARD, s. m. (Hydraul.) est un quarré de maçonnerie en forme de cheminée, très-différent du soupirail, en ce qu'il est toujours renfermé dans les terres & couvert d'une dale de pierre, jusqu'au moment que le fontainier est obligé de visiter si l'eau roule par toute une conduite, & ne s'arrête nulle part. On construit des regards ordinairement de 20 toises en 20 toises, de 3 piés en quarré sur 4 ou 5 piés de profondeur. On les revêt de maçonnerie d'un pié d'épaisseur jusqu'en-haut en forme de puits, & on les couvre d'une pierre plate percée dans le milieu, pour la pouvoir lever dans le besoin.

On appelle encore un regard l'endroit où est enfermé le robinet d'une fontaine, ou celui où l'on a soudé une branche sur une grosse conduite.

Le regard de fosse est ainsi nommé, parce qu'il reçoit toute l'eau des différentes pierrées qui amenent les sources, & que c'est de ce regard que les eaux se rendent dans le réservoir. (K)

REGARD, (Peint. Grav.) on appelle un regard, soit en peinture, soit en gravure, deux portraits, deux estampes voisines de même grandeur, dont l'une est tournée à droite, l'autre à gauche, ensorte qu'elles se regardent. On connoît le distique suivant pour l'estampe d'un regard du R. P. Gourdan & de Santeul, tous deux chanoines réguliers de S. Victor. C'est Santeul lui-même qui en est l'auteur.

Proh ! quam dissimiles & vultu & moribus ambo !

Versibus hic sanctos, moribus ille refert.

Ah qu'ils sont différens & d'air & de mérite !

Santeul chante les saints, & Gourdan les imite.

(D.J.)


REGARDANTen terme de Blason, se dit d'un lion ou autre bête de proie, qui regarde derriere elle, ayant la face tournée du côté de la queue.

D'autres entendent par regardant un animal qui ne meut que la tête & quelque partie du cou, mouvant de quelque division de l'écu dans une autre. Ainsi l'on dit tel (Servien) porte d'azur à trois bandes d'or au chef d'argent chargé d'un lion regardant de gueules.


REGARDERv. act. (Gram.) c'est faire usage de ses yeux. On ne voit pas toujours ce qu'on regarde, mais on regarde toujours ce que l'on voit. Ce verbe a un grand nombre d'acceptions simples & figurées, dont nous allons donner des exemples. Je le regarde comme mon pere ; il ne regarde pas toujours à ce qu'il dit ; ils se regardent sans cesse ; il faut en tout regarder la fin : cette question regarde la physique ; cette maison regarde sur la campagne ; ces portraits se regardent ; ces deux astres se regardoient alors ; un chien regarde bien un évêque.


REGARNIRv. act. (Gram.) c'est garnir de nouveau. Voyez les articles GARNIR & GARNITURE.


REGATERS. f. terme de Marine ; on appelle ainsi des courses de barques qui se font en forme de carrousel, sur le grand canal de Venise, où il y a un prix destiné pour le vainqueur.


REGATTA(Hist. mod.) c'est ainsi qu'on nomme à Venise des courses que font les gondoliers avec leurs barques ou gondoles sur le grand canal ; ils disputent les uns contre les autres à qui aura plus tôt parcouru un certain espace.


REGAYERv. act. c'est parmi les Filassiers, peigner la filasse sur un regayoir, & la fendre de façon qu'elle n'ait plus besoin que d'être affinée.


REGAYOIRS. m. terme de Chanvrier, sorte de séran entre les dents duquel passe le chanvre lorsqu'on l'accommode pour le purger de ses ordures ; c'est ce que les chanvriers appellent regayer le chanvre ; & ils nomment regayure ce qui demeure dans le regayoir lorsqu'on regaye le chanvre.


REGELERv. n. (Gramm.) geler de nouveau. Voyez GELER & GELEE.


REGENLE (Géog. mod.) riviere d'Allemagne, dans le palatinat de Baviere ; elle a sa source aux confins de la Bohème, & se perd dans le Danube, vis-à-vis de Ratisbonne.


RÉGENCES. f. (Gramm.) gouvernement de l'état pendant la minorité ou l'absence du souverain. La régence de Philippe duc d'Orléans, sera mémorable à jamais dans l'histoire de la France.

REGENCE DU PALAIS, (Jurisprud.) c'est le titre que prend la jurisdiction des clercs de procureurs au parlement de Rouen ; c'est la même chose que ce que l'on appelle ailleurs bazoche. Voyez le recueil des édits, déclarations & arrêts concernant le parlement de Normandie, par Me Froland. (A)


RÉGÉNÉRATIONS. f. (Théol.) c'est l'acte par lequel on renaît pour une nouvelle vie.

Ce terme consacré à la religion se prend en deux manieres dans le nouveau Testament ; 1°. pour la naissance spirituelle que nous recevons au baptême ; 2°. pour la nouvelle vie qui suivra la résurrection générale.

Par le péché d'Adam nous naissons tous enfans de colere, selon S. Paul. Pour effacer cette tache originelle qui nous rend enfans du démon, il faut, dans l'ordre de la grace, une nouvelle naissance qui nous rende enfans de Dieu. Or c'est ce qui arrive dans le baptême par l'onction du Saint-Esprit, dont ce sacrement est le signe & le gage : salvos nos fecit per lavacrum regenerationis & renovationis Spiritus-Sancti. Epist. ad Tit. iij. 5. c'est en ce sens qu'on dit d'un enfant ou d'un infidele qui a reçu le baptême, qu'il a été régénéré en Jesus-Christ. Voyez BAPTEME.

La seconde acception du terme de régénération regarde une sorte de renaissance pour une autre vie, pour l'éternité ou l'immortalité. La premiere régénération nous rend enfans de Dieu, nous accorde l'innocence, & nous donne droit à la vie éternelle, qui est l'héritage des régénérés. Mais la seconde régénération, la resurrection nous fait entrer en possession de cet héritage. C'est en ce sens que Jesus-Christ dit à ses apôtres : lorsque le Fils de l'Homme, au jour de la régénération, sera assis sur le trône de sa majesté, vous serez aussi assis sur douze trônes, pour juger les douze tribus d'Israël. Matt. xix. 28. Voyez RESURRECTION.

REGENERATION, terme de Chirurgie, fort usité dans les traités des plaies & des ulceres, pour exprimer la réparation de la substance perdue. Nous avons exposé, au mot INCARNATION, qu'il ne se faisoit dans les parties molles aucune régénération, & que les plaies avec perte de substance ne se fermoient que par l'affaissement des vaisseaux ouverts, dont les orifices se dépriment & se collent les uns sur les autres de la circonférence vers le centre. Cette occlusion forme la cicatrice. Voyez INCARNATION, CICATRICE. La fausse doctrine de la génération a été funeste aux progrès de l'art.

Il n'en est pas ainsi des parties dures : il y a des exemples que des portions assez considérables de tout le diametre d'un os ont été enlevées, & que la nature les a régénérées ; c'est-à-dire qu'il s'est fait à leur place une concrétion de sucs osseux qui a rempli les fonctions de l'os perdu. M. Johnston, chirurgien à Dunfries, a donné dans les Essais de la société d'Edimbourg, l'observation de deux tibia qui se sont séparés de la jambe presque dans toute leur étendue à un jeune garçon de 10 à 11 ans, & qu'il a été au bout de quelques mois en état de marcher. L'académie royale de Chirurgie a reçu beaucoup de faits de cette nature, qu'elle pourra publier dans la suite de ses mémoires. Une chose digne de remarque, c'est que ces cures, dont on est plus redevable à la nature qu'à l'art, ne se sont faites que sur de jeunes personnes, en qui la vertu végétative étoit dans toute sa force, & qui n'avoient pas pris leur accroissement ; la génération n'étoit pas à son dernier degré, suivant cet axiome, que la nutrition dans l'accroissement n'est que le progrès de la génération : nutriri idem est ac generari. (Y)


REGENSBERG(Géog. mod.) ville de Suisse, dans le canton de Zurich, capitale d'un bailliage de même nom, sur le Leberberg, qui fait partie du mont-Jura. Son château fut rebâti l'an 1540, & on y creusa dans le roc un puits de 36 toises de profondeur. Long. 23. 54. lat. 51. 39. (D.J.)


RÉGENTRÉGENT

Il étoit tems, dit M. Henault, de mettre ordre à l'abus des régences, qui absorboit l'autorité royale. Dans la premiere & la seconde race, le roi n'étoit majeur qu'à vingt-deux ans, & pendant sa minorité, les actes étoient scellés du sceau du régent. Cet usage étoit fondé sur l'opinion que le roi n'étoit point roi qu'il n'eût été sacré, & ce sacre étoit différé par le régent le plus long tems qu'il pouvoit : aussi voyons-nous que même encore sous la troisieme race, où la puissance des régens étoit fort diminuée, les rois faisoient sacrer leurs fils de leur vivant, pour assurer leur état, que l'autorité du régent pouvoit rendre incertain.

Cette matiere est trop vaste pour la traiter dans toute son étendue ; il suffira de quelques remarques.

1°. La régence étoit distinguée de la tutele, & ne se confondoit pas dans la même personne, en sorte que, par exemple, Charles V. avoit donné la tutele de son fils à la reine son épouse, & la régence au duc d'Anjou, ce qui n'eut pas lieu, parce que la reine mourut avant Charles V. La reine Blanche, mere de S. Louis, fut la premiere qui réunit ces deux titres, que l'on distingua toujours, mais que l'on ne sépara jamais depuis Charles V. 2°. Les rois ont disposé de la régence par leurs testamens, & leurs dispositions ont été suivies. 3°. Charles IX. est le premier qui ait déclaré solemnellement sa majorité. 4°. Le premier de nos rois qui ait voulu apporter quelque réglement sur les régences, est Philippe le Hardi : il rendit deux ordonnances, l'une étant encore en Afrique, & l'autre à son retour, par lesquelles il vouloit que son fils fût déclaré majeur à quatorze ans, mais ces ordonnances n'eurent pas d'exécution. Après lui, celles même de Charles V. furent contredites pendant la minorité de Charles VI. lequel rendit à son tour deux déclarations conformes à celles du roi son pere. Abregé chron. de l'histoire de France, pag. 321.

C'est une maxime sage dans tout royaume héréditaire, que celle qui veut que le plus proche parent soit régent du royaume, avec l'autorité du roi, en attendant la majorité du roi mineur. Cette coutume étant bien connue de tout le monde dans un gouvernement, il arrive que chaque officier de l'état prend ses mesures de loin, pour obéir au régent futur durant sa régence, comme il obéira au roi même après sa minorité. C'est pourquoi la mere de Louis XIV. fut déclarée régente en 1643, avec toutes les prérogatives de régente, malgré le testament du roi son mari, qui lui ôtoit sa principale prérogative, qui consiste à pouvoir soi-même se choisir un conseil. Mais ce ne sont-là que des exemples. Il faudroit peut-être une loi qui assurât cette régence à la mere seule du roi, ou au plus proche heritier de la couronne, nonobstant les testamens & autres actes du roi dernier mort contraires à la loi. Nous avons la coutume, mais une loi écrite a une toute autre force, parce que ce sont des articles fondamentaux de grande importance dans un état. (D.J.)

REGENT, terme de chancellerie romaine, est le second officier de cette chancellerie, entre les mains duquel se remettent toutes les expéditions de la daterie, & qui distribue les suppliques à des abréviateurs pour dresser les minutes des bulles. Voyez DATERIE.

REGENT, se dit aussi d'un professeur public des arts ou sciences, qui tient une classe dans un college. Voyez UNIVERSITE, COLLEGE, &c.

L'université est composée des docteurs, professeurs & régens. Régent & écolier sont des termes relatifs.

Régent ne se dit guere que des basses classes ; comme régent de rhétorique, régent de seconde, &c. Ceux de philosophie s'appellent plutôt professeurs. Voyez PROFESSEUR.


REGENWALDou REGEWOLDE, (Géogr. mod.) petite ville d'Allemagne, dans la Poméranie ultérieure, sur la riviere de Réga. Elle fut presque réduite en cendres par un incendie en 1630.


REGERENDARIUSS. m. (Littér.) on nommoit ainsi chez les Romains l'officier qui tenoit le registre de toutes les requêtes qui avoient été présentées au préfet du prétoire, & qu'il avoit signées.


REGERMERv. act. (Gramm.) germer derechef, voyez les articles GERME & GERMER.


REGETAIRES. f. terme de relation ; nom que nos voyageurs donnent aux courtisannes dont le roi de Benin, pays des noirs, tire une sorte de tribut ; mais quand l'une d'elles devient grosse, & qu'elle accouche d'un fils, elle est affranchie de ce tribut : si c'est d'une fille, le roi la prend sous sa protection. Quand un homme est mort dans ce royaume, toutes les femmes qui lui appartenoient & qu'il a connues sont à la disposition du roi, qui en fait souvent ses plus cheres régétaires. Ces courtisannes forment une espece de république à part, & ont leurs officieres collecteuses, qui ressortissent immédiatement aux grands fiadors, ou conseillers d'état. Descr. du royaume de Benin. (D.J.)


REGGIO(Géog. mod.) ou Reggio de Calabre, pour la distinguer de Reggio de Lombardie, est une ville très-ancienne d'Italie, au royaume de Naples, dans la Calabre ultérieure, sur le phare de Messine, à 6 lieues au sud-est de Messine.

Strabon & Eschile dérivent le nom de cette ville du mot grec , séparer, arracher, parce qu'on croit qu'en cet endroit la Sicile a été détachée & arrachée de l'Italie par des tremblemens de terre. La ville de Reggio, qui se nommoit alors Phoebia, fut elle-même presque ruinée par de nouveaux tremblemens de terre. Jules-César la fit rebâtir, & la repeupla ; c'est pour cela qu'elle fut nommée Rhegium Julium. Voyez ce mot.

Cette ville a été saccagée en 1543, par Caradin, amiral de Soliman. Elle est aujourd'hui dans un triste état, médiocre pour la grandeur, vilaine, pauvre & dépeuplée. Quoique située au bord de la mer, elle n'a point de port. Je sais bien qu'elle est archiépiscopale ; mais c'est un vain titre qu'elle ne doit qu'à son antiquité, & qui d'ailleurs est commun dans le royaume de Naples, puisqu'on y compte vingt & un archevêchés, & cent vingt-trois évêchés. Il y a cependant à Reggio deux colleges, l'un de jésuites, & l'autre de dominicains. Sa garnison est de quatre ou cinq cent hommes, & ses fortifications se réduisent à des barrieres qui sont aux portes. Longit. 33. 36. latit. 38. 7.

Le cardinal Tusco (Dominique), étoit de Reggio en Calabre. Il avoit commencé par être capitaine d'infanterie, & il auroit obtenu le souverain pontificat sans les vives oppositions de Baronius. Le cardinal Tusco a publié huit vol. in-fol. dans lesquels il a rédigé alphabétiquement toutes les matieres du droit civil & du droit canon. Il mourut l'an 1620, âgé de 90 ans. (D.J.)

Cette Table est indiquée, & a rapport à l'article PREMIER, nombre, (Géométrie.)

TABLE pour trouver les Diviseurs des Nombres jusqu'à 100000.

TABLE des Nombres premiers, depuis 1 jusqu'à 313, multipliés par 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.


REGGIO (Géog. mod.) ou Regio, ou Regge, en latin Rhegium Lepidi, & quelquefois simplement Regium ; ville d'Italie, dans le Modénois, capitale d'un duché auquel elle donne le nom ; elle est au midi de l'Apennin, dans une campagne fertile, à 6 lieues au nord-ouest de Modéne.

Cette ville située sur la voie émilienne, a été colonie romaine. On prétend qu'elle doit son origine à un Lepidus ; mais l'histoire n'en dit rien, & personne n'a pu indiquer jusqu'à présent quel étoit ce Lepidus. Ce qu'il y a de certain, c'est que les Goths ruinerent cette ville de fond-en-comble, & contraignirent ses habitans de l'abandonner. Elle s'est remise en splendeur depuis ce tems-là, & est aujourd'hui bien peuplée, ayant de belles rues & des maisons bien bâties.

Son évêché établi dès l'an 450, est suffragant de Bologne. La cathédrale est décorée de tableaux des grands maîtres. On y voit entr'autres un S. George & une Ste. Catherine du Carrache, une Vierge du Guide, un S. Jean & un S. Paul du Guerchin. L'église de S. Prosper est aussi embellie d'un Christ mort & des trois Maries, de Louis Carrache.

On dit que Charlemagne a été le second fondateur de la Reggio de Lombardie ; ses murailles sont épaisses ; il ne regne tout-autour aucune éminence qui commande la ville, & elle est défendue par une bonne citadelle. Les côteaux voisins sont couverts de maisons de plaisance, de vignobles & de jardins qui produisent des fruits délicieux. Long. suivant Harris, 31. 16. 15''latit. 42. 15.

L'Arioste (Ludovico Ariosto) naquit à Reggio dans le Modénois, l'an 1474, & immortalisa sa patrie. Sa famille tenoit un rang si distingué dans la ville, que le marquis Obiso de la maison d'Est, honora cette famille de son alliance, en épousant Lippa Ariosta, femme d'une grande beauté & de beaucoup d'esprit. Le pere de l'Arioste étoit gouverneur de Reggio dans le tems que son fils y prit naissance. Sa mere sorroit de la noble famille de Malaguzza. Louis Ariosto étoit son fils ainé ; mais comme il avoit quatre freres & cinq soeurs, sa fortune se trouvoit modique. Il dit lui-même que Mercure n'avoit pas été trop des amis de sa famille, & qu'aucun d'eux ne lui avoit fait sa cour. Il ne se conduisit pas différemment, & dès sa plus tendre jeunesse il ne montra d'autre inclination que celle du beau génie qui le portoit à la Poësie. Ce fut en vain que son pere le pressa de s'appliquer uniquement à l'étude de la Jurisprudence ; il se plaignit de son malheur à cet égard dans les vers suivans au Bembe :

Ah lasso ! quando hebbi al pegaseo melo
L'eta disposta, & che le fresche guancie
Non si videano ancor fiorrir d'un pelo.
Mio padre mi cacciò con spiedi e lancie
Non che con sproni a volger testi & chiose,
Et mi occupò cinque anni in quelle ciancie.
Ma poiche vide pero fruttuose
L'opre, & il tempo in van gettersi, dopo
Molto contrasto in libertà mi pose.

Milton s'est trouvé dans le même cas que l'Arioste, & fit à son pere une très-belle piece en vers latins, pour l'engager à lui laisser suivre son goût pour la Poësie. Il lui expose combien cet art étoit estimé parmi les anciens, & les avantages qu'il procure ; il lui représente qu'il ne doit pas naturellement être si ennemi des muses, possédant la Musique aussi bien qu'il faisoit, & que par cela même il n'est pas surprenant que son fils ait de l'inclination pour la Poësie, puisqu'il y a tant de relation entr'elle & la Musique.

Nec tu perge, precor, sacras contemnere musas,
Nec vanas inopesque puta, quarum ipse peritus
Munere, mille sonos numeris componis adaptos,
Millibus & vocum modulis variare coronam
Doctus, Arionii meritò sis nominis haeres.
Nunc tibi quid mirum, si me genuisse poetam
Contigerit, charo si tam propè sanguine juncti,
Cognatas artes, studiumque affine sequamur ?
Ipse volens Phoebus se dispartire duobus,
Altera dona mihi, dedit altera dona parenti,
Dividuumque Deum genitorque, puerque tenemus.

Il témoigne ensuite combien il méprise tous les trésors du Pérou, en comparaison de la science ; il déclare qu'il a plus d'obligation à son pere de lui avoir fait connoître les belles-lettres, que Phaëton n'en eût eu à Apollon, quand même il auroit conduit sûrement son char ; & il se promet à lui-même, de s'élever au-dessus du reste des hommes, de se rendre supérieur à tous les traits de l'envie, & de s'acquérir une gloire immortelle.

I nunc, confer opes, quisquis malesanus avitas
Austriaci gazas, pervanaque regna peroptas.
Quae potuit majora pater tribuisse, velipse
Jupiter, excepto, donasset ut omnia coelo ?
Jamque nec obscurus populo miscebor inerti,
Vitabuntque oculos vestigia nostra profanos.
Este procùl vigiles curae procùl este querelae,
Invidiaeque acies transverso tortilis hirquo,
Saeva nec anguiferos extende calumnia rictus :
In me triste nihil, foedissima turba, potestis,
Nec vestri sum juris ego ; securaque tutus
Pectora, vipereo gradiar sublimis ab ictu.

Les charmes enchanteurs qu'offre l'espoir de la gloire, & l'enthousiasme qui les anime, rend les grands génies, tels que l'Arioste & Milton, insensibles à toutes les vues d'intérêt, & leur fait goûter une satisfaction si délicieuse, qu'elle les dédommage de tout le reste.

L'Arioste, en suivant ses études, composoit toujours quelques pieces de poësie. A la tragédie de Pyrame & de Thisbé, il fit succéder des satyres & des comédies. Un jour son pere étoit dans une grande colere contre lui, & le gronda fortement ; l'Arioste l'écouta avec beaucoup d'attention sans rien répondre. Quand son pere s'en fut allé, le frere d'Arioste lui demanda pourquoi il n'avoit rien allégué pour sa justification, il lui répondit qu'il travailloit actuellement à une comédie, & qu'il en étoit à une scene, où un vieillard réprimandoit son fils ; & que quand son pere avoit commencé à parler, il lui étoit venu dans l'esprit de l'observer avec soin pour peindre d'après nature, & qu'ainsi il n'avoit été attentif qu'à remarquer son ton de voix, ses gestes & ses expressions, s'en s'embarrasser de se défendre.

Ayant perdu ce pere à l'âge de 24 ans, il se livra sans obstacle à son penchant. Il possédoit parfaitement la langue latine ; mais il préféra d'écrire en italien, soit qu'il crût qu'il ne pourroit s'élever jusqu'au premier rang des poëtes latins qui étoit déja occupé par Sannazar, Bembo, Nauger, Sadolet, & autres ; soit qu'il jugeât l'italien plus du goût de son siecle, soit enfin qu'il voulût enrichir sa langue d'ouvrages qui la fissent estimer des autres nations. Il accepta cependant différentes commissions d'affaires d'état en divers endroits d'Italie, sans vouloir s'écarter de son pays. Il refusa d'accompagner le cardinal d'Est en Hongrie, préférant, dit-il, une vie tranquille à toute autre.

E più mi piace di poser le polize
Membra, che di vantarle, ch'agli scithi
Sien state, agli indi, agli ethiopi, ed altre.

Le duc de Ferrare le fit en son absence, gouverneur de Graffignana. Après qu'il fut de retour, Arioste choisit de passer le reste de sa vie dans la retraite, & continua ses études dans une maison qu'il avoit fait bâtir à Ferrare. Cette maison étoit simple ; & comme quelqu'un lui demanda, pourquoi il ne l'avoit pas rendue plus magnifique, ayant si noblement décrit dans son Roland tant de palais somptueux, de beaux portiques, & d'agréables fontaines ; il répondit qu'on assembloit bien plutôt & plus aisément des mots que des pierres. Il avoit fait graver au-dessus de la porte de sa maison, un distique, que peu de ceux qui bâtissent aujourd'hui, seroient en droit de mettre sur leurs édifices :

Parva, sed apta mihi, sed nulli obnoxia, sed non
Sordida, parta meo sed tamen aere domus.
L'Arioste se trouvoit alors dans une situation aisée, ayant été comblé de présens considérables du duc de Ferrare, du pape Léon X. qui sans des raisons politiques, l'auroit élevé à la pourpre ; du cardinal Farnese, du cardinal Bibiena, du marquis de Vasto, & de plusieurs autres personnes du premier rang. Son goût aidé de la fortune, lui permettoit de faire tous les changemens qui lui venoient dans l'esprit pour orner son domicile ; mais il avouoit lui-même qu'il en usoit avec sa maison comme avec ses vers, qu'il corrigeoit si souvent, qu'il leur ôtoit ces graces & cette beauté que produit le premier feu de la composition.

Cependant, quelques défauts qu'il ait pu trouver dans ses vers, il est certain que toute l'Italie les admire. Il avoit encore le talent de lire parfaitement bien, & il animoit d'une façon particuliere tout ce qu'il prononçoit. Aussi souffroit-il infiniment d'entendre lire ses ouvrages de mauvaise grace. On raconte à ce sujet, que passant un jour devant la boutique d'un potier, il entendit que cet homme récitoit une stance du Roland (la trente-deuxieme du premier livre), où Renaud crie à son cheval de s'arrêter :

Ferma, bajardo mio, deh ferma il piede,
Che l'esser senza te troppo mi noce, &c.
mais le potier déclamoit ces vers si mal, qu'Arioste indigné brisa avec une canne qu'il avoit à la main, quelques pots qui étoient sur le devant de la boutique. Le potier lui fit des reproches fort vifs de ce qu'il en agissoit ainsi avec un pauvre homme qui ne l'avoit jamais offensé. Vous ignorez, lui répondit l'Arioste, l'injure que vous venez de me faire en face ; j'ai brisé deux ou trois pots qui ne valoient pas cinq sols, & vous avez estropié une de mes plus belles stances, qui vaut une somme considérable. Il s'appaisa pourtant, & lui paya ses pots.

Il étoit simple & frugal pour sa table : ce qui lui a fait dire dans quelque endroit de ses ouvrages, qu'il auroit pu vivre du tems que les hommes se nourrissoient de gland. Malgré sa sobriété & la foiblesse de son tempérament, il ne put se garantir des pieges de l'amour. Il eut deux fils de sa premiere maîtresse. Il lia dans la suite une intrigue avec une belle femme nommée Genevra. Il devint encore épris d'une autre dame parente de son ami Nicolo Vespucci. C'est pour cette derniere qu'il fit en 1513, le sonnet qui commence :

Non so s'io potrò ben chiuder in versi.

Ayant un jour trouvé cette maîtresse occupée à une espece de cote-d'armes pour un de ses fils, qui devoit se trouver à une revue, il fit la comparaison qu'on trouve dans la 54. stance du 24. livre de Roland, touchant la blessure que Zerbin, prince d'Ecosse, avoit reçue de Mandricard. Quoique je n'ose entreprendre d'excuser les amours de l'Arioste, dit Harrington, cependant je me persuade que vû le célibat où ce poëte a vêcu, & la puissance des attraits des charmantes diablesses qui l'ont séduit, il n'aura pas de peine à obtenir sa grace de la plûpart de ceux qui liront sa vie.

C'est dommage qu'il n'ait connu les pays étrangers que par récit ; car il en eût tiré beaucoup d'utilité pour l'embellissement de ses portraits ; mais il ne voulut point sortir de sa patrie, & même il témoigne dans une de ses satyres, son peu de goût pour toute espece de voyage, & son amour pour les seules beautés de son pays.

Che vuol andare a torno, a torno vada,
Vegga Inghilterra, Ungheria ; Francia e Spagna :
A me piace habitar la mia contrada.
Vista ho Toscana, Lombardia, Romagna,
Quel monte che divide, e quel che serra
Italia, e un mare el'altro che la bagna ;
Questo mi basta ; il resto della terra,
Senza mai pagar l'hoste, andro cercando
Con Tolomeo, sia il mondo in pace o in guerra.

Il mourut à Ferrare en 1534, âgé de 59 ans. Il eut toujours de grands égards pour sa mere, qu'il traitoit avec beaucoup de respect dans sa vieillesse, & il en parle souvent dans ses satyres & dans ses autres ouvrages. Il dit dans un endroit :

L'eta di cara madre, mi percuote di pieta il cuore.

Sa bienfaisance, sa conduite, son honnêteté le firent aimer de tous les gens de bien pendant sa vie, & regretter de tous les honnêtes gens après sa mort.

Il prit pour modele Homere & Virgile dans son Orlando. Virgile commence ainsi :

Arma virumque cano.
l'Arioste :
Le donne, i cavalieri, l'arme, gli amori,
Le cortesie, laudaci impresi io canto.
Virgile finit par la mort de Turnus, l'Arioste par celle de Rodomont :
Bestemmiando fuggi l'alma sdegnosa,
Che fu si altera al mondo, e si orgogliosa.
Virgile loue extrêmement Enée pour plaire à Auguste, qui disoit en être descendu : Arioste releve Roger, pour faire honneur à la maison d'Est. Enée avoit sa Didon qui le retenoit ; Roger étoit captivé par Alcine.

Arioste s'étoit d'abord fait connoître par des satyres, ensuite par des comédies dans lesquelles on remarque beaucoup d'art & de comique ; celle intitulée gli suppositi, les supposés, mêlée de prose & de vers, fut la plus estimée. Il y regne un juste milieu entre le ton élevé & le bas, ton qu'aimoit l'antiquité. Il est le premier qui ait employé pour le theâtre comique, le verso sdrucciolo ; ce sont des vers de dix syllabes ; il est évident qu'il avoit dessein par ce moyen d'approcher le langage comique, le plus qu'il étoit possible, du discours ordinaire. Il a fait aussi quelques poésies latines qui ont été insérées dans le premier tome des délices des poëtes d'Italie, & qui y sont confondues avec celles de divers autres poëtes de médiocre réputation.

Enfin l'Arioste songea sérieusement à son grand poëme de Roland le furieux, & le commença à peu près à l'âge de 30 ans. C'est le plus fameux de ses ouvrages, quoiqu'on en ait porté des jugemens très-différens. Le premier de tous, celui du cardinal Hippolite d'Est, ne lui fut pas favorable ; car, quoiqu'il lui fût dédié, il dit à l'auteur, après l'avoir lu, où diable avez-vous pris tant de fadaises, seigneur Arioste ? Cependant Muret & Paul Jove ont cru que l'ouvrage passeroit à l'immortalité ; & l'on peut dire qu'il en a assez bien pris le chemin, puisqu'il y a peu de pays où il n'ait été imprimé, ni de langues répandues en Europe, dans lesquelles il n'ait été traduit. Jamais piece ne fut remplie de tant de choses différentes, de combats, d'enchantemens, d'aventures bizarres, que ce poëme de l'Arioste ; & il paroît qu'il n'a rien oublié de ce que son génie & son industrie ont pu lui suggérer pour les ornemens de son ouvrage.

Il n'a pourtant pas donné à son style ce caractere de sublime & de grandeur qui convient à la poësie épique ; & même plusieurs critiques osent douter que ce soit un véritable poëme épique, à en juger suivant les regles de l'art. Ils disent que l'unité de l'action n'est point dans le Roland, & que ce poëme n'est régulier ni dans l'ordonnance, ni dans la proportion des parties. L'auteur mêle presque par-tout le faux avec le vrai, & fait jurer le vrai Dieu par l'eau du Styx. Ici le poëte a trop de feu : ailleurs il est trop rempli d'événemens prodigieux & surnaturels, qui ressemblent aux imaginations creuses d'un malade. Ses héros ne nous offrent que des paladins ; & son poëme respire un air de chevalerie romanesque, plutôt qu'un esprit héroïque.

De plus, on lui reproche des épisodes trop affectées, peu vraisemblables, & souvent hors d'oeuvre. Non-seulement il ôte à ses héros la noblesse de leur condition pour les faire badiner, mais il ôte quelquefois aux femmes leur caractere qui est la pudeur & la timidité. On trouve encore que le poëte parle trop lui-même en propre personne par voie de digression, & qu'il finit ses narrations si brusquement, qu'à moins d'une grande attention, on perd le fil de l'histoire. On juge bien que la critique judicieuse n'a jamais pu approuver une pensée extravagante de l'Arioste, qui dit d'un de ses héros, que dans la chaleur du combat, ne s'étant pas apperçu qu'on l'avoit tué, il combattit toujours vaillamment, tout mort qu'il étoit :

Il pover'huomo che non s'en'era accorto,
Andava combattendo, & era morto.

Enfin, pour abréger, l'on répete assez communément cet ancien bon mot, que le tombeau de l'Arioste est dans le Tasse.

Malgré toutes ces critiques, l'auteur de Roland a eu, & a encore un grand nombre de partisans en Italie, tels que MM. de la Crusca, le Mazzoni, Simon Fornari, Paul Beni, & Louis Dolce qui a entrepris sa défense. M. Scipion Maffei a beaucoup contribué à soutenir les admirateurs du poëte de Reggio, lorsqu'il a dit dans son discours : " le divin Arioste est au-dessus de tous nos éloges par son admirable poëme. Sa rime est si riche qu'elle ne paroît jamais être venue après coup ; on diroit qu'elle est née avec la pensée, & qu'elle n'en est que l'agrément ; ses négligences sont heureuses ; ses fautes même ont des graces ; il n'est pas donné à tout le monde d'en commettre de pareilles. "

Mais il ne faut pas se prévaloir de ce jugement de M. Maffei, pour prétendre que Roland le furieux n'a de concurrent que le Godefroi du Tasse, & que ce dernier même ne doit pas aspirer à la supériorité ; le marquis Maffei ne le pensoit pas sans doute ; car il ajoute après ses éloges de l'Arioste, qu'il n'est pas exempt de taches. En effet, le burlesque y naît quelquefois du sérieux, contre le goût & l'attente du lecteur. Il franchit en divers endroits les bornes que prescrit la bienséance. L'hyperbole fréquente détruit souvent le vraisemblable, si nécessaire même dans la fiction ; & des digressions inutiles interrompent encore plus souvent le fil du discours. Enfin le génie de l'Arioste paroît semblable à ces terres fertiles qui produisent des fleurs & des chardons tout ensemble ; & quoique presque tous les morceaux de son poëme soient très-beaux, que sa versification soit aisée, sa diction pure & élégante, & ses descriptions pleines d'agrémens, cependant l'ouvrage entier n'est point le premier poëme de l'Italie. Il s'en est fait nombre d'éditions, soit sans commentaires, soit avec des commentaires. On estime surtout celles de Venise en 1562, en 1568 & 1584 in-4°.

Le chevalier Jean Harrington traduisit Roland en vers héroïques anglois, & le dédia à la reine Elisabeth. La troisieme édition de cet ouvrage curieux, & heureusement versifié, parut à Londres en 1634, in-fol. avec une défense ingénieuse de l'Arioste, & un abrégé de la vie de ce poëte, recueilli de divers auteurs italiens, & en particulier de Sansovino. Gabriel Chappuys Tourangeau mit au jour à Lyon, en 1582 & 1583 in-8 °. une traduction françoise en prose de l'Orlando ; mais cette version est tombée dans un profond oubli, surtout depuis que M. Mirabaud de l'académie françoise a donné lui-même une nouvelle traduction du poëme de l'Arioste. Je n'ai pu me dispenser de m'étendre sur ce grand poëte, parce que son mérite comparé au Tasse, partage encore aujourd'hui une partie des beaux esprits d'Italie.

Pancirole (Gui) célebre jurisconsulte & littérateur, naquit en 1523, à Reggio en Lombardie, professa avec beaucoup d'honneur, d'abord à Padoue, & ensuite à Turin ; mais ayant éprouvé que l'air du Piémont étoit fort contraire à ses yeux, il revint à Padoue en 1582, & y passa le reste de sa vie dans sa premiere chaire avec mille ducats d'appointement. Il mourut en 1599, après avoir mis au jour plusieurs ouvrages, dont j'indiquerai les principaux.

Le premier est ses consilia, qui parurent à Venise en 1578, in-fol.

2. Notitia dignitatum tùm Orientis, tùm Occidentis ultrà Arcadii Honoriique tempora. Venise 1593 & 1602 in-fol. Lyon 1608, & Geneve 1623 in-fol. Le même ouvrage est inséré dans le tome VII. des antiquités rom. de Graevius. Les savans ont donné de grands éloges au commentaire de Pancirole sur la notice des dignités de l'empire. On y lit avec plaisir ce qui concerne les légions de Rome & la magistrature romaine ; mais il s'y trouve plusieurs erreurs en Géographie.

3. De claris legum interpretibus, libri IV. Venise, 1635 & 1655, in-4 °. Francfort, 1721, in-4°. Cette derniere édition, supérieure aux précédentes, a été donnée par M. Hoffman qui a joint d'autres ouvrages sur le même sujet.

4. Rerum memorabilium, libri duo : quorum prior deperditarum, posterior noviter inventarum, est. Norimbergae, 1599, en 2 vol. in-8°. Lipsiae, 1707, in-4 °. L'ouvrage avoit d'abord été fait en italien. Il a été traduit en françois par Pierre de la Noue, sous ce titre : les antiquités perdues, & des choses nouvellement inventées. Lyon, 1608, in-8 °. (Le chevalier DE JAUCOURT. )


  REGGIO, le duché de, (Géogr. mod.) duché en Italie, au couchant du Modénois. Il se partage en cinq petits états, qui appartiennent au duc de Modène. Reggio est la capitale. (D.J.)


REGIANA(Géogr. anc.) ville d'Espagne. L'itinéraire d'Antonin la met sur la route de Séville à Mérida, entre Celti & Mérida, à 44 milles de la premiere, & à 27 milles de la seconde. (D.J.)


RÉGIATES(Géog. anc.) peuple d'Italie, que Pline, l. III. ch. xv. place dans la huitieme région. (D.J.)


RÉGICIDES. m. (Hist. & Politique) c'est ainsi qu'on nomme l'attentat qui prive un roi de la vie. L'histoire ancienne & moderne ne nous fournit que trop d'exemples de souverains tués par des sujets furieux. La France frémira toujours du crime qui la priva d'Henri IV. l'un des plus grands & des meilleurs de ses rois. Les larmes que les françois ont versé sur un attentat plus récent, seront encore longtems à se sécher ; ils trembleront toujours au souvenir de leurs allarmes, pour les jours précieux d'un monarque, que la bonté de son coeur & l'amour de ses sujets sembloient assurer contre toute entreprise funeste.

La religion chrétienne, cet appui inébranlable du trône, défend aux sujets d'attenter à la vie de leurs maîtres. La raison & l'expérience font voir, que les désordres qui accompagnent & suivent la mort violente d'un roi, sont souvent plus terribles, que les effets de ses déréglemens & de ses crimes. Les révolutions fréquentes & cruelles auxquelles les despotes de l'Asie sont exposés, prouvent que la mort violente des tyrans ébranle toujours l'état, & n'éteint presque jamais la tyrannie. Comment se trouve-t-il donc des hommes audacieux & pervers, qui enseignent que l'on peut ôter la vie à des monarques, lorsqu'un faux zele ou l'intérêt les fait traiter de tyrans ? Ces maximes odieuses, cent fois proscrites par les tribunaux du royaume, & détestées par les bons citoyens, n'ont été adoptées que par des fanatiques ambitieux, qui s'efforcent de sapper les fondemens du trône, lorsqu'il ne leur est point permis de s'y asseoir à côté du souverain.

L'Angleterre donna dans le siecle passé à l'univers étonné, le spectacle affreux d'un roi jugé & mis à mort par des sujets rebelles. N'imputons point à une nation généreuse, un crime odieux qu'elle désavoue, & qu'elle expie encore par ses larmes. Tremblons à la vue des excès auxquels se porte l'ambition, lorsqu'elle est secondée par le fanatisme & la superstition.


RÉGIES. f. (Jurisprud.) signifie en général, administration. On dit que les fermes sont en régie, lorsque le roi ou quelqu'autre seigneur fait lui-même exploiter ses biens par des préposés & receveurs, & non par des fermiers. (A)

REGIE, s. f. (Gram. Comm. & Fin.) administration ou direction d'une affaire de finance, ou de commerce. Dans quelques édits & déclarations du roi, concernant la police de la compagnie des Indes, ou les divers commerces que sa majesté lui a permis, on se sert du terme de régie ; & alors ceux qui en ont la direction, au lieu d'être appellés directeurs, sont nommés régisseurs. Il y a aussi des commerces particuliers de cette compagnie qui sont en régie, entr'autres les fermes du tabac & du caffé. Dictionn. de Comm. & de Trév.


RÉGIFUGES. f. (Antiq. rom.) fête que l'on faisoit à Rome le six avant les calendes de Mars. Les anciens ne conviennent pas de l'origine de la fête : les uns rapportent que c'est en mémoire de l'évasion de Tarquin le superbe, lorsque la ville recouvra sa liberté. Les autres prétendent qu'elle fut instituée, parce que le roi des choses sacrées s'enfuyoit après qu'il avoit sacrifié. Le premier sentiment fondé sur l'autorité d'Ovide, de Festus, & d'Ausone, paroît bien plus vraisemblable que le second qui est de Plutarque ; à moins qu'on ne dise pour les concilier, que le roi des choses sacrées fuyoit ce jour-là, pour rappeller la mémoire de cette fuite du dernier des rois de Rome. (D.J.)


REGILLAS. f. (Hist. anc.) espece de tunique blanche, bordée de pourpre, à l'usage des fiancées, qui s'en revêtoient la veille de leurs nôces, avant que d'être mises au lit.


REGILLUou REGILLUS, (Géog. anc.) ville d'Italie dans la Sabine, à cent soixante stades de Rome, selon Denys d'Halicarnasse, liv. V. p. 308. Tite-Live, Suétone, & Etienne le géographe, font aussi beaucoup mention de cette ville, dont on ne connoît pas trop bien aujourd'hui la juste position.

Appius Claudius, surnommé Sabinus, naquit à Regillum, & étoit un des principaux de cette capitale, également illustre par son courage & ses richesses, mais plus encore par sa vertu & par son éloquence. Son grand mérite l'ayant exposé à l'envie de ses concitoyens, qui l'accusoient de vouloir se faire tyran de sa patrie, il prit le parti de se retirer à Rome avec toute sa famille, l'an 250, sous les consuls P. Valerius Publicola IV, & Lucretius Tricipitinus II. 502 ans avant J. C. Plutarque raconte, qu'en se retirant, il amena avec lui cinq mille familles à Rome, ce qui dépeupla prodigieusement la ville de Régille.

Quoi qu'il en soit, les Romains reçurent très-bien tous les transfuges de Régille ; on leur accorda le droit de bourgeoisie, avec des terres situées sur la riviere de Téveron, & l'on en donna deux arpens à chacun. On en donna vingt-cinq à Appius, qui fut fait patricien, & aggrégé parmi les sénateurs. Il se distingua bientôt dans le sénat par la sagesse de ses conseils, & sur-tout par sa fermeté. Il fut nommé consul avec Publius Servilius Priscus, l'an 259 de la fondation de Rome, & 493 ans avant J. C. Cette année il y eut de grands troubles à Rome, à l'occasion des dettes que le peuple avoit contractées, & dont il demandoit l'abolition. Le désordre alla si loin, que les consuls mêmes, qui tâchoient de calmer le tumulte, furent en danger de la vie.

Appius qui étoit d'un caractere severe, fut d'avis qu'on ne pouvoit appaiser la sédition que par la mort de deux ou trois des principaux mutins ; mais Servilius, plus doux & plus populaire, croyoit qu'on devoit avoir quelqu'égard au misérable état du peuple, & que les Romains étant menacés d'une guerre dangereuse, il étoit à propos d'accorder quelque satisfaction à ceux qui avoient été opprimés, qui, sans cela, ne donneroient pas leurs noms pour s'enrôler au service de la république.

L'avis de Servilius prévalut : il procura un decret du sénat en faveur des pauvres débiteurs, & les levées se firent. Mais on n'exécuta pas fidelement le décret ; ensorte qu'après la campagne, le peuple recommença à se soulever avec plus de fureur que jamais, sur-tout vers le tems de l'élection de nouveaux consuls. Il refusa de marcher contre l'ennemi ; & les consuls ayant voulu lui inspirer de la crainte par un coup d'autorité, en faisant saisir quelques-uns des plus rebelles, le peuple les arracha des mains des licteurs. Le sénat voyant l'autorité souveraine méprisée, délibéra sur le parti qu'il y avoit à prendre dans cette urgente nécessité. Les sentimens furent partagés, mais Appius les réunit, en proposant de créer un dictateur.

Ce dictateur ne put pourtant mettre fin aux brouilleries, dont le résultat fut, qu'on créeroit deux tribuns du peuple. Le fils d'Appius Claudius hérita de son pere, cette hauteur & cette fermeté qui l'avoient rendu odieux à la multitude. Les tribuns le citerent devant le peuple, comme l'ennemi déclaré de la liberté publique. Il parut au milieu de ses accusateurs, comme s'il avoit été leur juge. Il répondit aux chefs d'accusation avec tant de force & d'éloquence, que le peuple étonné n'osa le condamner. Enfin il finit volontairement sa vie qu'il désespéroit de pouvoir sauver. Il avoit un fils qui fit apporter son corps dans la place, & se présenta, suivant l'usage, pour faire son oraison funebre. Les tribuns voulurent s'y opposer ; mais le peuple, plus généreux que les vindicatifs tribuns, leva l'opposition, & entendit sans peine, les louanges d'un ennemi qu'il ne craignoit plus, & qu'il n'avoit pu s'empêcher d'admirer pendant sa vie. (D.J.)


REGILLUS LACUS(Géog. anc.) Lac d'Italie, dans le Latium, selon Pline, liv. XXXVIII. ch. ij. Florus, liv. I. ch. xj. parle aussi de ce lac, fameux par la victoire que remporta sur ses bords A. Posthumius contre les Tarquins. Le nom moderne est lago di S. Prassede.


RÉGIMES. m. terme de Grammaire ; ce mot vient du latin regimen, gouvernement : il est employé en Grammaire dans un sens figuré, dont on peut voir le fondement à l'article GOUVERNER. Il s'agit ici d'en déterminer le sens propre par rapport au langage grammatical. Quoiqu'on ait insinué, à l'article que l'on vient de citer, qu'il falloit donner le nom de complément à ce que l'on appelle régime, il ne faut pourtant pas confondre ces deux termes comme synonymes : je vais déterminer la notion précise de l'un & de l'autre en deux articles séparés ; & par-là je suppléerai l'article COMPLEMENT, que M. du Marsais a omis en son lieu, quoiqu'il fasse fréquemment usage de ce terme.

Art. I. Du complément. On doit regarder comme complément d'un mot, ce qu'on ajoute à ce mot pour en déterminer la signification, de quelque maniere que ce puisse être. Or il y a deux sortes de mots dont la signification peut être déterminée par des complémens : 1°. tous ceux qui ont une signification générale susceptible de différens degrés ; 2°. ceux qui ont une signification relative à un terme quelconque.

Les mots dont la signification générale est susceptible de différens degrés, exigent nécessairement un complément, dès qu'il faut assigner quelque degré déterminé : & tels sont les noms appellatifs ; les adjectifs & les adverbes qui, renfermant dans leur signification une idée de quantité, sont susceptibles en latin & en grec de ce que l'on appelle des degrés de comparaison ou de signification ; & enfin tous les verbes dont l'idée individuelle peut aussi recevoir ces différens degrés. Voici des exemples. Livre est un nom appellatif ; la signification générale en est restrainte quand on dit, un livre nouveau, le livre de Pierre (liber Petri), un livre de grammaire, un livre qui peut être utile ; & dans ces phrases, nouveau, de Pierre (Petri), de grammaire, qui peut être utile, sont autant de complémens du nom livre. Savant est un adjectif ; la signification générale en est restrainte quand on dit, par exemple, qu'un homme est peu savant, qu'il est fort savant, qu'il est plus savant que sage, qu'il est moins savant qu'un autre, qu'il est aussi savant aujourd'hui qu'il l'étoit il y a vingt ans, qu'il est savant en droit, &c. dans toutes ces phrases, les différens complémens de l'adjectif savant sont peu, fort, plus que sage, moins qu'un autre, aussi aujourd'hui qu'il l'étoit il y a vingt ans, en droit. C'est la même chose, par exemple, du verbe aimer ; on aime simplement & sans détermination de degré, on aime peu, on aime beaucoup, on aime ardemment, on aime plus sincérement, on aime en apparence, on aime avec une constance que rien ne peut altérer ; voilà autant de manieres de déterminer le degré de la signification du verbe aimer, & conséquemment autant de complémens de ce verbe. L'adverbe sagement peut recevoir aussi divers complémens ; on peut dire, peu sagement, fort sagement, plus sagement que jamais, aussi sagement qu'heureusement, sagement sans affectation, &c.

Les mots qui ont une signification relative, exigent de même un complément, dès qu'il faut déterminer l'idée générale de la relation par celle d'un terme conséquent : & tels sont plusieurs noms appellatifs, plusieurs adjectifs, quelques adverbes, tous les verbes actifs relatifs & quelques autres, & toutes les prépositions. Exemples de noms relatifs : le fondateur de Rome, l'auteur des tropes, le pere de Ciceron, la mere des Graques, le frere de Romulus, le mari de Lucrece, &c. dans tous ces exemples, le complément commence par de. Exemples d'adjectifs relatifs : nécessaire à la vie, digne de louange, facile à concevoir, &c. Exemples de verbes relatifs : aimer Dieu, craindre sa justice, aller à la ville, revenir de l'armée, passer par le jardin ; ressembler à quelqu'un, se repentir de sa faute, commencer à boire, desirer d'être riche, &c. quand on dit, donner quelque chose à quelqu'un, recevoir un présent de son ami, les verbes donner & recevoir ont chacun deux complémens qui tombent sur l'idée de la relation qu'ils expriment. Exemples d'adverbes relatifs : relativement à vos intérêts, indépendamment des circonstances, quant à moi, pourvu que vous le vouliez, conformément à la nature. Quant aux prépositions, il est de leur essence d'exiger un complément, qui est un nom, un pronom ou un infinitif ; & il seroit inutile d'en accumuler ici des exemples. Voy. PREPOSITION & RELATIF, art. I.

" Un nom substantif, dit M. du Marsais (voyez CONSTRUCTION), ne peut déterminer que trois sortes de mots : 1° un autre nom (& dans le systême de l'auteur il faut entendre les adjectifs), 2°. un verbe, 3°. ou enfin une préposition ". Cette remarque paroît avoir été adoptée par M. l'abbé Fromant (Suppl. page 256) ; & j'avoue qu'elle peut être vraie dans notre langue : car quoique nos adverbes admettent des complémens, il est pourtant nécessaire d'observer que le complément immédiat de l'adverbe est chez nous une préposition, conformément à ; ce qui suit est le complément de la préposition même ; conformément à la nature. Il n'en est pas de même en latin, parce que la terminaison du complément y désigne le rapport qui le lie au terme antécédent, & rend inutile la préposition, qui n'auroit pas d'autre effet : le nom peut donc y être, selon l'occurrence, le complément immédiat de l'adverbe, ainsi que je l'ai prouvé ailleurs sur les phrases ubi terrarum, tunc temporis, convenienter naturae. Voyez Mot, article II. n. 2.

Un mot qui sert de complément à un autre, peut lui-même en exiger un second, qui, par la même raison, peut encore être suivi d'un troisieme, auquel un quatrieme sera pareillement subordonné, & ainsi de suite ; desorte que chaque complément étant nécessaire à la plénitude du sens du mot qu'il modifie, les deux derniers constituent le complément total de l'antépénultieme ; les trois derniers font la totalité du complément de celui qui précede l'antépénultieme ; & ainsi de suite jusqu'au premier complément, qui ne remplit toute sa destination, qu'autant qu'il est accompagné de tous ceux qui lui sont subordonnés.

Par exemple, dans cette phrase, nous avons à vivre avec des hommes semblables à nous : ce dernier nous est le complément de la préposition à ; à nous est celui de l'adjectif semblables ; semblables à nous est le complément total du nom appellatif les hommes ; les hommes semblables à nous, c'est la totalité du complément de la préposition de ; de les ou des hommes semblables à nous, est le complément total d'un nom appellatif sous-entendu, par exemple, la multitude (voyez PREPOSITION, rem. 5) ; la multitude des hommes semblables à nous, c'est le complément de la préposition avec ; avec la multitude des hommes semblables à nous, c'est celui de l'infinitif vivre ; vivre avec la multitude des hommes semblables à nous, est la totalité du complément de la préposition à ; à vivre avec la multitude des hommes semblables à nous, c'est le complément total d'un nom appellatif sous-entendu, qui doit exprimer l'objet du verbe avons, par exemple, obligation ; ainsi obligation à vivre avec la multitude des hommes semblables à nous, est le complément total du verbe avons : ce verbe avec la totalité de son complément est l'attribut total dont le sujet est nous.

Il suit de cette observation, qu'il peut y avoir complément incomplexe, & complément complexe. Le complément est incomplexe, quand il est exprimé par un seul mot, qui est ou un nom, ou un pronom, ou un adjectif, ou un infinitif, ou un adverbe ; comme avec soin, pour nous, raison favorable, sans répondre, vivre honnêtement. Le complément est complexe, quand il est exprimé par plusieurs mots, dont le premier, selon l'ordre analytique, modifie immédiatement le mot antécédent, & est lui-même modifié par le suivant ; comme avec le soin requis ; pour nous tous ; raison favorable à ma cause ; sans répondre un mot ; vivre fort honnêtement.

Dans le complément complexe, il faut distinguer le mot qui y est le premier selon l'ordre analytique, & la totalité des mots qui font la complexité. Si le premier mot est un adjectif, ou un nom, ou l'équivalent d'un nom, on peut le regarder comme le complément grammatical ; parce que c'est le seul qui soit assujetti par les lois de la syntaxe des langues qui admettent la déclinaison, à prendre telle ou telle forme, en qualité de complément : si le premier mot est au contraire un adverbe ou une préposition, comme ces mots sont indéclinables & ne changent pas de forme, on regardera seulement le premier mot comme complément initial, selon que le premier mot est un complément grammatical ou initial ; le tout prend le nom de complément logique, ou de complément total.

Par exemple, dans cette phrase, avec les soins requis dans les circonstances de cette nature ; le mot nature est le complément grammatical de la préposition de : cette nature en est le complément logique : la préposition de est le complément initial du nom appellatif les circonstances ; & de cette nature en est le complément total : les circonstances, voilà le complément grammatical de la préposition dans ; & les circonstances de cette nature en est le complément logique : dans est le complément initial du participe requis ; & dans les circonstances de cette nature en est le complément total : le participe requis est le complément grammatical du nom appellatif les soins ; requis dans les circonstances de cette nature, en est le complément logique : les soins, c'est le complément grammatical de la préposition avec ; & les soins requis dans les circonstances de cette nature, en est le complément logique.

Ceux qui se contentent d'envisager les choses superficiellement, seront choqués de ce détail qui leur paroîtra minutieux : mais mon expérience me met en état d'assurer qu'il est d'une nécessité indispensable pour tous les maîtres qui veulent conduire leurs éleves par des voies lumineuses, & principalement pour ceux qui adopteroient la méthode d'introduction aux langues, que j'ai proposée au mot METHODE. Si l'on veut examiner l'analyse que j'y ai faite d'une phrase de Ciceron, on y verra qu'il est nécessaire non-seulement d'établir les distinctions que l'on a vues jusqu'ici, mais encore de caractériser, par des dénominations différentes, les différentes especes de complément qui peuvent tomber sur un même mot.

Un même mot, & spécialement le verbe, peut admettre autant de complémens différens, qu'il peut y avoir de manieres possibles de déterminer la signification du mot. Rien de plus propre à mettre en abrégé, sous les yeux, toutes ces diverses manieres, que le vers technique dont se servent les rhéteurs pour caractériser les différentes circonstances d'un fait.

Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando.

Le premier mot quis, est le seul qui ne marquera aucun complément, parce qu'il indique au contraire le sujet ; mais tous les autres désignent autant de complémens différens.

Quid, désigne le complément qui exprime l'objet sur lequel tombe directement le rapport énoncé par le mot completté : tel est le complément de toute préposition, à moi, chez nous, envers Dieu, contre la loi, pour dire, &c. Tel est encore le complément immédiat de tout verbe actif relatif, aimer la vertu, desirer les richesses, bâtir une maison, teindre une étoffe, &c.

Le rapport énoncé par plusieurs verbes relatifs exige souvent deux termes, comme donner un livre au public ; ces deux complémens sont également directs & nécessaires, & il faut les distinguer : celui qui est immédiat & sans préposition, peut s'appeller complément objectif, comme un livre : celui qui est amené par une préposition, c'est le complément relatif, comme au public.

Ubi désigne le complément qui exprime une circonstance de lieu : mais ce seul mot ubi, représente ici les quatre mots dont on se sert communément pour indiquer ce qu'on nomme les questions de lieu, ubi, unde, quà, quò ; ce qui désigne quatre sortes de complémens circonstanciels de lieu. Le premier est le complément circonstanciel du lieu de la scene, c'est-à-dire, où l'événement se passe ; comme vivre à Paris, être au lit, &c. Le second est le complément circonstanciel du lieu de départ, comme venir de Rome, partir de sa province, &c. Le troisieme est le complément circonstanciel du lieu de passage, comme passer par la Champagne, aller en Italie par mer, &c. Le quatrieme est le complément circonstanciel du lieu de tendance, comme aller en Afrique, passer de Flandre en Alsace, &c.

Quibus auxiliis ; ces mots désignent le complément qui exprime l'instrument & les moyens de l'action énoncée par le mot completté ; comme se conduire avec assez de précaution pour ne pas échouer ; frapper du bâton, de l'épée, obtenir un emploi par la protection d'un grand, &c. On peut appeller ceci le complément auxiliaire. On peut encore comprendre sous cet aspect le complément qui exprime la matiere dont une chose est faite, & que l'on peut appeller le complément matériel ; comme une statue d'or, une fortune cimentée du sang des malheureux.

Cur, désigne en général tout complément qui énonce une cause soit efficiente, soit finale : on le nomme complément circonstanciel de cause, s'il s'agit de la cause efficiente, ou même d'une cause occasionnelle ; ainsi quand on dit, un tableau peint par Rubens, il y a un complément circonstanciel de cause ; c'est la même chose quand on dit, il a manqué le succès pour avoir négligé les moyens. S'il s'agit d'une cause finale, on dit un complément circonstanciel de fin, comme Dieu nous a créés pour sa gloire ; s'occuper afin d'éviter l'ennui.

Quomodo, désigne le complément qui exprime une maniere particuliere d'être qu'il faut ajouter à l'idée principale du mot completté : communément cette expression est un adverbe de maniere, simple ou modifié, ou bien une phrase adverbiale commençant par une préposition ; comme vivre honnêtement, vivre conformément aux lois, parler avec facilité. On peut donner à ce complément le nom de modificatif.

Quando, désigne le complément qui exprime une circonstance de tems. Or une circonstance de tems peut être déterminée, ou par une époque, qui est un point fixe dans la suite continue du tems ; ou par une durée dont on peut assigner le commencement & la fin. La premiere détermination répond à la question quando, (quand), & l'on peut appeller la phrase qui l'exprime, complément circonstanciel de date ; comme il mourut hier ; nous finirons l'année prochaine ; Jésus naquit sous le regne d'Auguste. La seconde détermination répond à la question quandiu, (pendant combien de tems) ; & l'on peut donner à la phrase qui l'exprime le nom de complément circonstanciel de durée, comme il a vécu trente-trois ans ; cet habit durera long-tems.

Il ne faut pas douter qu'une métaphysique pointilleuse ne trouvât encore d'autres complémens, qu'elle désigneroit par d'autres dénominations : mais on peut les réduire à-peu-près tous aux chefs généraux que je viens d'indiquer ; & peut-être n'en ai-je que trop assigné pour bien des gens, ennemis naturels des détails raisonnés. C'est pourtant une nécessité indispensable de distinguer ces différentes sortes de complémens, afin d'entendre plus nettement les lois que la syntaxe peut imposer à chaque espece, & l'ordre que la construction peut leur assigner.

Par rapport à ce dernier point, je veux dire l'ordre que doivent garder entr'eux les différens complémens d'un même mot, la Grammaire générale établit une regle, dont l'usage ne s'écarte que peu ou point dans les langues particulieres, pour peu qu'elles fassent cas de la clarté de l'énonciation. La voici.

De plusieurs complémens qui tombent sur le même mot, il faut mettre le plus court le premier après le mot completté ; ensuite le plus court de ceux qui restent, & ainsi de suite jusqu'au plus long de tous qui doit être le dernier. Exemple : Carthage, qui faisoit la guerre avec son opulence contre la pauvreté romaine, avoit par cela même du désavantage. (Consid. sur la grand. & la décad. des Rom. chap. iv.) Dans cette proposition complexe, le verbe principal avoit, est suivi de deux complémens ; le premier est un complément circonstanciel de cause, par cela même, lequel a plus de briéveté que le complément objectif du désavantage, qui en conséquence est placé le dernier : dans la proposition incidente, qui fait partie du sujet principal, le verbe faisoit a 1°. un complément objectif, la guerre ; 2°. un complément auxiliaire qui est plus long, avec son opulence ; 3°. enfin, un complément relatif qui est le plus long de tous, contre la pauvreté romaine.

La raison de cette regle, est que dans l'ordre analytique, qui est le seul qu'envisage la Grammaire générale, & qui est à-peu-près la boussole des usages particuliers des langues analogues, la relation d'un complément au mot qu'il complete est d'autant plus sensible, que les deux termes sont plus rapprochés, & sur-tout dans les langues où la diversité des terminaisons ne peut caractériser celle des fonctions des mots. Or il est constant que la phrase a d'autant plus de netteté, que le rapport mutuel de ses parties est plus marqué ; ainsi il importe à la netteté de l'expression, cujus summa laus perspicuitas, de n'éloigner d'un mot, que le moins qu'il est possible, ce qui lui sert de complément. Cependant quand plusieurs complémens concourent à la détermination d'un même terme, ils ne peuvent pas tous le suivre immédiatement ; & il ne reste plus qu'à en rapprocher le plus qu'il est possible celui qu'on est forcé d'en tenir éloigné : c'est ce que l'on fait en mettant d'abord le premier celui qui a le plus de briéveté, & réservant pour la fin celui qui a le plus d'étendue.

Si chacun des complémens qui concourent à la détermination d'un même terme a une certaine étendue, il peut encore arriver que le dernier se trouve assez éloigné du centre commun pour n'y avoir plus une relation aussi marquée qu'il importe à la clarté de la phrase. Dans ce cas l'analyse même autorise une sorte d'hyperbate, qui, loin de nuire à la clarté de l'énonciation, sert au contraire à l'augmenter, en fortifiant les traits des rapports mutuels des parties de la phrase : il consiste à placer avant le mot completté l'un de ses complémens ; ce n'est ni l'objet, ni le relatif ; c'est communément un complément auxiliaire, ou modificatif, ou de cause, ou de fin, ou de tems, ou de lieu. Ainsi, dans l'exemple déja cité M. de Montesquieu auroit pu dire, en transposant le complément auxiliaire de la proposition incidente, Carthage, qui, AVEC SON OPULENCE, faisoit la guerre contre la pauvreté romaine ; & la phrase n'auroit été ni moins claire, ni beaucoup moins harmonieuse : peut-être auroit-elle perdu quelque chose de son énergie, par la séparation des termes opposés son opulence & la pauvreté romaine ; & c'est probablement ce qui assure la préférence au tour adopté par l'auteur, car les grands écrivains, sans rechercher les antitheses, ne négligent pas celles qui sortent de leur sujet, & encore moins celles qui font à leur sujet.

Il arrive quelquefois que l'on voile la lettre de cette loi pour en conserver l'esprit ; & dans ce cas, l'exception devient une nouvelle preuve de la nécessité de la regle. Ainsi, au lieu de dire, l'Evangile inspire une piété qui n'a rien de suspect, aux personnes qui veulent être sincerement à Dieu ; il faut dire, l'Evangile inspire aux personnes qui veulent être sincerement à Dieu, une piété qui n'a rien de suspect : " & cela, dit le P. Buffier, n. 774. afin d'éviter l'équivoque qui pourroit se trouver dans le mot aux personnes ; car on ne verroit point si ce mot est régi par le verbe inspire, ou par l'adjectif suspect. L'arrangement des mots ne consiste pas seulement, dit Th. Corneille (Not. sur la rem. 454. de Vaugelas), à les placer d'une maniere qui flatte l'oreille, mais à ne laisser aucune équivoque dans le discours. Dans ces exemples, je ferai avec une ponctualité dont vous aurez lieu d'être satisfait, toutes les choses qui sont de mon ministere, il n'y a point d'équivoque, mais l'oreille n'est pas contente de l'arrangement des mots : il faut écrire, je ferai toutes les choses qui sont de mon ministere, avec une ponctualité dont vous aurez lieu d'être satisfait. "

M. Corneille ne semble faire de cet arrangement qu'une affaire d'oreille ; mais il faut remonter plus haut pour trouver le vice du premier arrangement de l'exemple proposé : il n'y a point d'équivoque, j'en conviens, parce qu'il ne s'y présente pas deux sens dont le choix soit incertain ; mais il y a obscurité, parce que le véritable sens ne s'y montre pas avec assez de netteté, à cause du trop grand éloignement où se trouve le complément objectif.

Tel est le principe géneral par lequel il faut juger de la construction de tant de phrases citées par nos Grammairiens : les complémens doivent être d'autant plus près du mot completté, qu'ils ont moins d'étendue ; & comme cette loi est dictée par l'intérêt de la clarté, dès que l'observation rigoureuse de la loi y est contraire, c'est une autre loi d'y déroger.

En vertu de la premiere loi, il faut dire, employons aux affaires de notre salut toute cette vaine curiosité qui se répand au-dehors, selon la correction indiquée par le P. Bouhours (rem. nouv. tom. I. p. 219.) ; & il faut dire pareillement, qu'ils placent dans leurs cartes, tout ce qu'ils entendent dire, & non pas qu'ils placent tout ce qu'ils entendent dire, dans leurs cartes.

En vertu de la seconde loi, il faut dire avec le P. Bouhours, ibid. & avec Th. Corneille (loc. cit.) : il se persuada qu'en attaquant la ville par divers endroits, il répareroit la perte qu'il venoit de faire ; & non pas, il se persuada qu'il repareroit la perte qu'il venoit de faire, en attaquant la ville par divers endroits ; quoi que ce second arrangement ne soit pas contraire à la lettre de la premiere regle.

Cette regle au reste ne s'est entendue jusqu'ici que de l'ordre des complémens différens d'un même mot ; mais elle doit s'entendre aussi des parties intégrantes d'un même complément, réunies par quelque conjonction : les parties les plus courtes doivent être les premieres, & les plus longues, être les dernieres, précisément pour la même raison de netteté. Ainsi, pour employer les exemples du P. Buffier (n. 771.) on diroit, Dieu agit avec justice & par des voies ineffables, en mettant à la tête la plus courte partie du complément modificatif : mais si cette même partie devenoit plus longue par quelque addition, elle se placeroit la derniere, & l'on diroit, Dieu agit par des voies ineffables, & avec une justice que nous devons adorer en tremblant.

C'est cette regle ainsi entendue, & non aucune des raisons alleguées par Vaugelas (34. rem. nouv. à la fin du tom. II.) qui démontre le vice de cette phrase : je fermerai la bouche à ceux qui le blâment, quand je leur aurai montré que sa façon d'écrire est excellente, quoiqu'elle s'éloigne un peu de celle de nos anciens poëtes qu'ils louent, plutôt par un dégoût des choses présentes que par les sentimens d'une véritable estime, & QU'IL MERITE LE NOM DE POETE. Cette derniere partie intégrante de la totalité du complément objectif est déplacée, parce qu'elle est la plus courte, & pourtant la derniere ; la relation du verbe montrer à ce complément n'est plus assez sensible : il falloit dire, quand je leur aurai montré QU'IL MERITE LE NOM DE POETE, & que sa façon d'écrire est excellente, quoiqu'elle s'éloigne, &c.

Il n'y a peut-être pas une regle de syntaxe plus importante, sur-tout pour la langue françoise, que celle qui vient d'être exposée & développée dans un détail que je ne me serois pas permis sans cette considération ; elle est, à mon gré, le principe fondamental, & peut-être le principe unique, qui constitue véritablement le nombre & l'harmonie dans notre langue. Cependant, de tous nos Grammairiens, je ne vois que le P. Buffier qui l'ait apperçue, & il ne l'a pas même vue dans toute son étendue. Mais je suis fort surpris que M. Restaut, qui cite la grammaire de ce savant jésuite, comme l'une des bonnes sources où il a puisé ses principes généraux & raisonnés, n'y ait pas apperçu un principe, qui y est d'ailleurs très-bien raisonné & démontré, & qui est en soi très-lumineux, très-fecond, & d'un usage très-étendu. Je suis encore bien plus étonné qu'il ait échappé aux regards philosophiques de M. l'abbé Fromant, qui n'en dit pas un mot dans le chapitre de son supplément où il parle de la syntaxe, de la construction, & de l'inversion. Je m'estimerois trop heureux, si ma remarque déterminoit nos Grammairiens à en faire usage : ce seroit poser l'un des principaux fondemens du style grammatical, & le principe le plus opposé au phébus & au galimathias. Mais il faut y ajouter quelques autres regles qui concernent encore l'arrangement des complémens.

Si les divers complémens d'un même mot, ou les différentes parties d'un même complément, ont à-peu-près la même étendue ; ce n'est plus l'affaire du compas d'en décider l'arrangement, c'est un point qui ressortit au tribunal de la Logique : elle prononce qu'on doit alors placer le plus près du mot completté, celui des complémens auquel il a un rapport plus nécessaire. Or le rapport au complément modificatif est le plus nécessaire de tous, puis celui au complément objectif, ensuite la relation au complément relatif ; & les autres sont à-peu-près à un degré égal d'importance : ainsi, il faut dire, l'Evangile inspire insensiblement 2. la piété 3. aux fidéles, en mettant d'abord le complément modificatif, puis le complément objectif, & enfin le complément relatif.

Ajoutons encore une autre remarque non moins importante à celles qui précedent : c'est qu'il ne faut jamais rompre l'unité d'un complément total, pour jetter entre ses parties un autre complément du même mot. La raison de cette regle est évidente : la parole doit être une image fidele de la pensée ; & il faudroit, s'il étoit possible, exprimer chaque pensée, ou du moins chaque idée, par un seul mot, afin d'en peindre mieux l'indivisibilité ; mais comme il n'est pas toujours possible de réduire l'expression à cette simplicité, il est du-moins nécessaire de rendre inséparables les parties d'une image dont l'objet original est indivisible, afin que l'image ne soit point en contradiction avec l'original, & qu'il y ait harmonie entre les mots & les idées.

C'est dans la violation de cette regle, que consiste le défaut de quelques phrases censurées justement par Th. Corneille (not. sur la rem. 454. de Vaugelas) : par exemple, on leur peut conter quelque histoire remarquable, sur les principales villes, qui y attache la mémoire ; il est évident que l'antécédent de qui c'est quelque histoire remarquable, & que cet antécédent, avec la proposition incidente qui y attache la mémoire, exprime une idée totale qui est le complément objectif du verbe conter : l'unité est donc rompue par l'arrangement de cette phrase, & il falloit dire, on peut leur conter, sur les principales villes, quelque histoire remarquable qui y attache la mémoire.

C'est le même défaut dans cette autre phrase ; il y a un air de vanité & d'affectation, dans Pline le jeune, qui gâte ses lettres : l'unité est encore rompue, & il falloit dire ; il y a dans Pline le jeune, un air de vanité & d'affectation qui gâte ses lettres : l'esprit a tant de droit de s'attendre à trouver cette unité d'image dans la parole, qu'en conséquence du premier arrangement il se porte à croire que l'on veut faire entendre que c'est Pline lui-même qui gâte ses lettres ; il n'en est empêché que par l'absurdité de l'idée, & il lui en coûte un effort désagréable pour démêler le vrai sens de la phrase.

Je trouve une faute de cette espece dans la Bruyere (caract. de ce siecle, ch. j.) : Il y a, dit-il, des endroits dans l'opéra qui laissent en desirer d'autres ; il devoit dire, il y a dans l'opéra des endroits qui en laissent desirer d'autres. J'en fais la remarque, parce que la Bruyere est un écrivain qui peut faire autorité, & qu'il est utile de montrer que les grands hommes sont pourtant des hommes. Ce n'est pas un petit nombre de fautes échappées à la fragilité humaine, qui peuvent faire tort à leur réputation ; au lieu que ce petit nombre de mauvais exemples pourroit induire en erreur la foule des hommes subalternes, qui ne savent écrire que par imitation, & qui ne remontent pas aux principes. Voici l'avis que leur donne Vaugelas, l'un de nos plus grands maîtres. (rem. 454.) " L'arrangement des mots est un des plus grands secrets du style. Qui n'a point cela, ne peut pas dire qu'il sache écrire. Il a beau employer de belles phrases & de beaux mots ; étant mal placés, ils ne sauroient avoir ni beauté, ni grace ; outre qu'ils embarrassent l'expression, & lui ôtent la clarté qui est le principal : Tantum series juncturaque pollet. "

Avant que d'entamer ce que j'ai à dire sur le régime, je crois qu'il est bon de remarquer, que les regles que je viens d'assigner sur l'arrangement de divers complémens, ne peuvent concerner que l'ordre analytique qu'il faut suivre quand on fait la construction d'une phrase, ou l'ordre usuel des langues analogues comme la nôtre. Car pour les langues transpositives, où la terminaison des mots sert à caractériser l'espece le rapport auquel ils sont employés, la nécessité de marquer ce rapport par la place des mots n'existe plus au même degré.

Art. II. Du REGIME. Les grammaires des langues modernes se sont formées d'après celle du latin, dont la religion a perpétué l'étude dans toute l'Europe ; & c'est dans cette source qu'il faut aller puiser la notion des termes techniques que nous avons pris à notre service, assez souvent sans les bien entendre, & sans en avoir besoin. Or il paroît, par l'examen exact des différentes phrases où les Grammairiens latins parlent de régime, qu'ils entendent, par ce terme, la forme particuliere que doit prendre un complément grammatical d'un mot, en conséquence du rapport particulier sous lequel il est alors envisagé. Ainsi le régime du verbe actif relatif est, dit-on, l'accusatif, parce qu'en latin le nom ou le pronom qui en est le complément objectif grammatical doit être à l'accusatif ; l'accusatif est le cas destiné par l'usage de la langue latine, à marquer que le nom ou le pronom qui en est revêtu, est le terme objectif de l'action énoncée par le verbe actif relatif. Pareillement quand on dit liber Petri, le nom Petri est au génitif, parce qu'il exprime le terme conséquent du rapport dont liber est le terme antécédent, & que le régime d'un nom appellatif que l'on détermine par un rapport quelconque à un autre nom, est en latin le génitif. Voyez GENITIF.

Considérés en eux-mêmes, & indépendamment de toute phrase, les mots sont des signes d'idées totales ; & sous cet aspect ils sont tous intrinséquement & essentiellement semblables les uns aux autres ; ils different ensuite à raison de la différence des idées spécifiques qui constituent les diverses sortes de mots, &c. Mais un mot considéré seul peut montrer l'idée dont il est le signe, tantôt sous un aspect & tantôt sous un autre ; cet aspect particulier une fois fixé, il ne faut plus délibérer sur la forme du mot ; en vertu de la syntaxe usuelle de la langue il doit prendre telle terminaison : que l'aspect vienne à changer, la même idée principale sera conservée, mais la forme extérieure du mot doit changer aussi, & la syntaxe lui assigne telle autre terminaison. C'est un domestique, toujours le même homme, qui, en changeant de service, change de livrée.

Il y a, par exemple, un nom latin qui exprime l'idée de l'Etre suprême ; quel est-il, si on le dépouille de toutes les fonctions dont il peut être chargé dans la phrase ? Il n'existe en cette langue aucun mot consideré dans cet état d'abstraction, parce que ses mots ayant été faits pour la phrase, ne sont connus que sous quelqu'une des terminaisons qui les y attachent. Ainsi, le nom qui exprime l'idée de l'Etre suprème, s'il se présente comme sujet de la proposition, c'est Deus ; comme quand on dit, mundum creavit DEUS : s'il est le terme objectif de l'action énoncée par un verbe actif relatif, ou le terme conséquent du rapport abstrait énoncé par certaines prépositions, c'est Deum ; comme dans cette phrase, DEUM time & fac quod vis, ou dans celle-ci, elevabis ad DEUM faciem tuam (Job. 22. 26.) : si ce nom est le terme conséquent d'un rapport sous lequel on envisage un nom appellatif pour en déterminer la signification, sans pourtant exprimer ce rapport par aucune préposition, c'est Dei ; comme dans nomen DEI, &c. Voilà l'effet du régime ; c'est de déterminer les différentes terminaisons d'un mot qui exprime une certaine idée principale, selon la diversité des fonctions dont ce mot est chargé dans la phrase, à raison de la diversité des points de vue sous lesquels on peut envisager l'idée principale dont l'usage l'a rendu le signe.

Il faut remarquer que les Grammairiens n'ont pas coutume de regarder comme un effet du régime la détermination du genre, du nombre & du cas d'un adjectif rapporté à un nom : c'est un effet de la concordance, qui est fondée sur le principe de l'identité du sujet énoncé par le nom & par l'adjectif. Voyez CONCORDANCE & IDENTITE. Au contraire la détermination des terminaisons par les lois du régime suppose diversité entre les mots régissant & le mot régi, ou plutôt entre les idées énoncées par ces mots ; comme on peut le voir dans ces exemples, amo Deum, ex Deo, sapientia Dei, &c. c'est qu'il ne peut y avoir de rapport qu'entre des choses différentes, & que tout régime caractérise essentiellement le terme conséquent d'un rapport ; ainsi le régime est fondé sur le principe de la diversité des idées mises en rapport, & des termes rapprochés dont l'un détermine l'autre en vertu de ce rapport. Voyez DETERMINATION.

Il suit de-là qu'à prendre le mot régime dans le sens généralement adopté, il n'auroit jamais dû être employé, par rapport aux noms & aux pronoms, dans les grammaires particulieres des langues analogues qui ne déclinent point, comme le françois, l'italien, l'espagnol, &c. car le régime est dans ce sens la forme particuliere que doit prendre un complement grammatical d'un mot en conséquence du rapport particulier sous lequel il est alors envisagé : or dans les langues qui ne déclinent point, les mots paroissent constamment sous la même forme, & conséquemment il n'y a point proprement de régime.

Ce n'est pas que les noms & les pronoms ne varient leurs formes relativement aux nombres, mais les formes numériques ne sont point celles qui sont soumises aux lois du régime ; elles sont toûjours déterminées par le besoin intrinseque d'exprimer telle ou telle quotité d'individus : le régime ne dispose que des cas.

Les Grammairiens attachés par l'habitude, souvent plus puissante que la raison, au langage qu'ils ont reçu de main en main, ne manqueront pas d'insister en faveur du régime qu'ils voudront maintenir dans notre grammaire, sous prétexte que l'usage de notre langue fixe du-moins la place de chaque complément ; & voilà, disent-ils, en quoi consiste chez nous l'influence du régime. Mais qu'ils prennent garde que la disposition des complémens est une affaire de construction, que la détermination du régime est une affaire de syntaxe, & que, comme l'a très-sagement observé M. du Marsais au mot CONSTRUCTION, on ne doit pas confondre la construction avec la syntaxe. " Cicéron, dit-il, a dit selon trois combinaisons différentes, accepi litteras tuas, tuas accepi litteras, & litteras accepi tuas : il y a là trois constructions, puisqu'il y a trois différens arrangemens de mots ; cependant il n'y a qu'une syntaxe, car dans chacune de ces constructions il y a les mêmes signes des rapports que les mots ont entr'eux ". C'est-à-dire que le régime est toujours le même dans chacune de ces trois phrases, quoique la construction y soit différente.

Si par rapport à notre langue on persistoit à vouloir regarder comme régime, la place qui est assignée à chacun des complémens d'un même mot, à raison de leur étendue respective ; il faudroit donc convenir que le même complément est sujet à différens régimes, selon les différens degrés d'étendue qu'il peut avoir relativement aux autres complémens du même mot ; mais sous prétexte de conserver le langage des Grammairiens, ce seroit en effet l'anéantir, puisque ce seroit l'entendre dans un sens absolument inconnu jusqu'ici, & opposé d'ailleurs à la signification naturelle des mots.

Ces observations sappent par le fondement la doctrine de M. l'abbé Girard concernant le régime tom. I. disc. iij. pag. 87. Il consiste, selon lui, dans des rapports de dépendance soumis aux regles pour la construction de la phrase. " Ce n'est autre chose, dit-il, que le concours des mots pour les expressions d'un sens ou d'une pensée. Dans ce concours de mots il y en a qui tiennent le haut bout ; ils en régissent d'autres, c'est-à-dire qu'ils les assujettissent à certaines lois : il y en a qui se présentent d'un air soumis ; ils sont régis ou tenus de se conformer à l'état & aux lois des autres ; & il y en a qui sans être assujettis ni assujettir d'autres, n'ont de lois à observer que celle de la place dans l'arrangement général. Ce qui fait que quoique tous les mots de la phrase soient en régime, concourant tous à l'expression du sens, ils ne le sont pas néanmoins de la même maniere, les uns étant en régime dominant, les autres en régime assujetti, & des troisiemes en régime libre, selon la fonction qu'ils y font ".

Une premiere erreur de ce grammairien, consiste en ce qu'il rapporte le régime à la construction de la phrase ; au-lieu qu'il est évident, par ce qui précede, qu'il est du district de la syntaxe, & qu'il demeure constamment le même malgré tous les changemens de construction. D'ailleurs le régime consiste dans la détermination des formes des complémens grammaticaux considérés comme termes de certains rapports, & il ne consiste pas dans les rapports mêmes, comme le prétend M. l'abbé Girard.

Une seconde erreur, c'est que cet académicien, d'ailleurs habile & profond, ébloui par l'afféterie même de son style, est tombé dans une contradiction évidente ; car comment peut-il se faire que le régime consiste, comme il le dit, dans des rapports de dépendance, & qu'il y ait cependant des mots qui soient en régime libre ? Dépendance & liberté sont des attributs incompatibles, & cette contradiction, ne fût-elle que dans les termes & non entre les idées, c'est assurément un vice impardonnable dans le style didactique, où la netteté & la clarté doivent être portées jusqu'au scrupule.

J'ajoute que l'idée d'un régime libre, à prendre la chose dans le sens même de l'auteur, est une idée absolument fausse, parce que rien n'est indépendant dans une phrase, à moins qu'il n'y ait périssologie, voyez PLEONASME. Vérifions ceci sur la période même dont M. Girard se sert pour faire reconnoître toutes les parties de la phrase : Monsieur, quoique le mérite ait ordinairement un avantage solide sur la fortune ; cependant, chose étrange ! nous donnons toujours la préférence à celle-ci.

Cette période est composée de deux phrases, dit l'auteur, dans chacune desquelles se trouvent les sept membres qu'il distingue. Je ne m'attacherai ici qu'à celui qu'il appelle adjonctif ; & qu'il prétend être en régime libre ; c'est monsieur dans la premiere partie de la période, & chose étrange dans le second. Toute proposition a deux parties, le sujet & l'attribut (voyez PROPOSITION) & j'avoue que monsieur n'appartient ni au sujet ni à l'attribut de la premiere proposition, quoique le mérite ait ordinairement un avantage solide sur la fortune ; par conséquent ce mot est libre de toute dépendance à cet égard ; mais de-là même il n'est ni ne peut être en régime dans cette proposition. Cependant si l'on avoit à exprimer la même pensée en une langue transpositive ; par exemple, en latin, il ne seroit pas libre de traduire monsieur par tel cas que l'on voudroit de dominus ; il faudroit indispensablement employer le vocatif domine, qui est proprement le nominatif de la seconde personne, (voyez VOCATIF) ; ce qui prouve, ce me semble, que domine seroit envisagé comme sujet d'un verbe à la seconde personne, par exemple audi ou esto attentus, parce que dans les langues, comme par-tout ailleurs, rien ne se fait sans cause : il doit donc en être de même en françois, où il faut entendre monsieur écoutez ou soyez attentif ; parce que l'analyse, qui est le lien unique de la communication de toutes les langues, est la même dans tous les idiomes, & y opere les mêmes effets : ainsi monsieur est en françois dans une dépendance réelle, mais c'est à l'égard d'un verbe sous-entendu dont il est le sujet.

Chose étrange, dans la seconde proposition, est aussi en dépendance, non par rapport à la proposition énoncée nous donnons toujours la préférence à celle-ci, mais par rapport à une autre dont le reste est supprimé ; en voici la preuve. En traduisant cette période en latin, il ne nous sera pas libre de rendre à notre gré les deux mots chose étrange ; nous ne pourrons opter qu'entre le nominatif & l'accusatif ; & ce reste de liberté ne vient pas de ce que ces mots sont en régime libre ou dans l'indépendance, car les six cas alors devroient être également indifférens ; cela vient de ce qu'on peut envisager la dépendance nécessaire de ces deux mots sous l'un ou sous l'autre des deux aspects désignés par les deux cas. Si l'on dit res miranda au nominatif, c'est que l'on suppose dans la plénitude analytique, haec res est miranda : si l'on préfere l'accusatif rem mirandam, c'est que l'on envisage la proposition pleine dico rem mirandam, ou même en rappellant le second adjonctif au premier, domine audi rem mirandam. L'application est aisée à faire à la phrase françoise, le détail en seroit ici superflu ; je viens à la conclusion. L'abbé Girard n'avoit pas assez approfondi l'analyse grammaticale ou logique du langage, & sans autre examen il avoit jugé indépendant ce dont il ne retrouvoit pas le correlatif dans les parties exprimées de la phrase. D'autre part, ces mots mêmes indépendans, il vouloit qu'ils fussent en régime, parce qu'il avoit faussement attaché à ce mot une idée de relation à la construction, quoiqu'il n'ignorât pas sans-doute qu'en latin & en grec le régime est relatif à la syntaxe ; mais il avoit proscrit de notre grammaire la doctrine ridicule des cas : il ne pouvoit donc plus admettre le régime dans le même sens que le faisoient avant lui la foule des grammatistes ; & malgré ses déclarations réitérées de ne consulter que l'usage de notre langue, & de parler le langage propre de notre grammaire, sans égard pour la grammaire latine, trop servilement copiée jusqu'à lui, il n'avoit pu abandonner entierement le mot de régime : inde mali labes.

Je n'entrerai pas ici dans le détail énorme des méprises où sont tombés les rudimentaires & les méthodistes sur les prétendus régimes de quelques noms, de plusieurs adjectifs, de quantité de verbes, &c. Ce détail ne sauroit convenir à l'Encyclopédie ; mais on trouvera pourtant sur cela même quantité de bonnes observations dans plusieurs articles de cet ouvrage. Voyez ACCUSATIF, DATIF, GENITIF, ABLATIF, CONSTRUCTION, INVERSION, METHODE, PROPOSITION, PREPOSITION, &c.

Chaque cas a une destination marquée & unique, si ce n'est peut-être l'accusatif, qui est destiné à être le régime objectif d'un verbe ou d'une préposition : toute la doctrine du régime latin se réduit là ; si les mots énoncés ne suffisent pas pour rendre raison des cas d'après ces vues générales, l'ellipse doit fournir ceux qui manquent. Poenitet me peccati, il faut suppléer memoria qui est le sujet de poenitet, & le mot completté par peccati, qui en est régi. Doceo pueros grammaticam, il faut suppléer circà avant grammaticam, parce que cet accusatif ne peut être que le régime d'une préposition, puisque le régime objectif de doceo est l'accusatif pueros. Ferire ense, l'ablatif ense n'est point le régime du verbe ferire, il l'est de la préposition sousentendue cum. Dans labrorum tenùs, le génitif labrorum n'est point régime de tenùs qui gouverne l'ablatif ; il l'est du nom sous-entendu regione. Il en est de même dans mille autres cas, qui ne sont & ne peuvent être entendus que par des grammairiens véritablement logiciens & philosophes. (E. R. M. B.)

REGIME, s. m. (Médec. Hygiene & Thérap.) , diaeta, regimen, victûs ordinatio. C'est la pratique qu'on doit suivre pour user avec ordre & d'une maniere réglée, des choses dites dans les écoles non-naturelles ; c'est-à-dire de tout ce qui est nécessaire à la vie animale, & de ce qui en est inséparable, tant en santé qu'en maladie. Voyez NON-NATURELLES, choses.

Cette pratique a donc pour objet de rendre convenable, de faire servir à la conservation de la santé l'usage de ces choses ; de substituer cet usage réglé à l'abus de ces choses qui pourroit causer ou qui a causé le dérangement de la santé, l'état de maladie ; par conséquent de diriger l'influence de ces choses dans l'économie animale, de maniere qu'elles contribuent essentiellement à préserver la santé des altérations qu'elle peut éprouver, ou à la rétablir lorsqu'elle est altérée. Voyez SANTE & MALADIE.

Ainsi le régime peut être considéré comme conservatif, ou comme préservatif, ou comme curatif, selon les différentes circonstances qui en exigent l'observation. La doctrine qui prescrit les regles en quoi il consiste, fait une partie essentielle de la science de la Médecine en général. Il est traité des deux premiers objets du régime dans la partie de cette science appellée hygiene, & du dernier, dans celle que l'on nomme thérapeutique. Voyez MEDECINE, HYGIENE, THERAPEUTIQUE.

L'assemblage général des préceptes qui enseignent ce qui constitue le régime, forme aussi une partie distinguée dans la théorie de la Médecine, que l'on appelle diététique ; & l'usage même de ces préceptes est ce qu'on appelle diete, qui dans ce sens est comme synonyme à régime (Voyez DIETE) ; ensorte que le régime & la diete paroissent avoir la même signification, puisque ces deux mots doivent présenter la même idée, & qu'il n'y a pas de différence entre vivre de régime & pratiquer la diete, qui n'est autre chose qu'une maniere de vivre, d'user de la vie réglée, & conforme à ce qui convient à l'économie animale. Mais communément on n'étend pas cette signification de la diete à l'usage de toutes les choses non-naturelles ; on la borne à ce qui a rapport à la nourriture seulement, & même souvent à sa privation ; au lieu que le régime présente l'idée de tout ce qui est nécessaire dans l'usage de ces choses, pour le maintien de la santé, & pour la préservation ou la curation des maladies, selon l'application que l'on fait de ce terme.

Il s'agit ici par conséquent en traitant du régime, de rapporter les regles en quoi il consiste, pour déterminer le bon & le mauvais usage de toutes les choses non-naturelles. Il a été fait une exposition générale de ce qu'il importe à savoir pour fixer ces regles, dans les articles HYGIENE & NON-NATURELLES, choses ; il reste à en faire l'application aux différentes circonstances qui déterminent les différences que comporte le régime, tant par rapport à la santé, que par rapport à la maladie, selon la différente disposition qui se trouve dans ces états opposés.

I. Du régime conservatif. D'abord pour ce qui regarde la santé, le régime varie selon la différence du tempérament, de l'âge, du sexe, des saisons, des climats.

1°. Pour bien régler ce qui convient à chaque tempérament, il faut en bien connoître la nature. Voyez TEMPERAMENT.

Le tempérament bilieux qui rend le système des solides fort tendu, & susceptible de beaucoup d'irritabilité & d'action, ce qui fait que les humeurs sont ordinairement en mouvement & dans une grande agitation, & produisent beaucoup de chaleur animale, exige que l'on vive dans un air qui tende plus à être frais & humide, qu'à être chaud & sec ; que l'on use d'alimens humectans, rafraîchissans, d'une boisson abondante, tempérante ; que l'on favorise l'excrétion des matieres fécales & la transpiration ; que l'on évite l'usage des alimens échauffans, des viandes grasses, des mets fortement assaisonnés, épicés, aromatiques, des liqueurs fortes, l'excès des liqueurs fermentées, le trop grand mouvement du corps & de l'esprit, les passions de l'ame, qui causent beaucoup d'agitation, d'éretisme, comme l'ambition, la colere.

Le tempérament mélancolique donnant de la roideur aux fibres, & rendant compacte la substance des solides, ce qui fait que les organes sont moins actifs, que le cours des humeurs est lent, paresseux, que le sang & tous les fluides sont disposés à l'épaississement ; qu'il s'établit une disposition dominante à ce qu'il se forme une sorte d'embarras dans l'exercice des fonctions tant du corps que de l'esprit, il convient en conséquence que ceux qui sont de ce tempérament évitent tout ce qui peut contribuer à épaissir, à engourdir les humeurs, comme l'excès de la chaleur & du froid, les alimens grossiers, de difficile digestion, tels que les viandes dures, coriaces, les légumes farineux ; que l'on ne fasse point usage de liqueurs spiritueuses, coagulantes ; que l'on cherche à vivre dans un air tempéré qui tienne plus du chaud & de l'humide que du froid & du sec, pour opposer les contraires aux contraires ; que l'on vive sobrement d'alimens legers, & que l'on use d'une boisson abondante d'eau pure ou mêlée à une petite quantité de liqueur fermentée ou légerement aromatisée ; que l'on se livre avec modération à l'exercice du corps, sur-tout par l'équitation, les voyages ; que l'on cherche aussi beaucoup à se procurer de la dissipation, par la variété des objets agréables, & en évitant toute contention, tout travail d'esprit, qui ne récréent pas, & qui fatiguent.

Le tempérament sanguin établissant la disposition à former une plus grande quantité de sang, tout étant égal, que dans les autres tempéramens ; ceux qui sont ainsi constitués doivent éviter soigneusement tout ce qui peut contribuer à faire surabonder cette partie des humeurs ; ils doivent s'abstenir de manger beaucoup de viande, & de tout aliment bien nourrissant ; de faire un grand usage du vin, des liqueurs spiritueuses ; de se livrer trop au repos, au sommeil. Il leur est très-utile & avantageux de vivre dans un air tempéré, parce que la chaleur & le froid leur sont également contraires ; de vivre sobrement ; de s'accoutumer de bonne heure à la tempérance, à un genre de vie dur, à des alimens grossiers ; d'user d'une boisson legere, délayante & apéritive ; de favoriser les hémorrhagies naturelles, & de se préserver de tout ce qui peut en causer la diminution, la suppression, & de fuir le chagrin, ainsi que toute affection de l'ame, qui peut ralentir le cours des humeurs.

Comme dans le tempérament phlegmatique ou pituiteux, c'est la sérosité visqueuse, glaireuse qui domine dans la masse des humeurs, dont le mouvement est très-languissant, & que toutes les actions du corps & de l'esprit sont très-paresseuses, il convient donc d'exciter le cours des fluides, en réveillant l'irritabilité, trop peu dominante dans les solides ; d'employer tout ce qui est propre à fortifier les organes, & qui peut corriger l'intempérie froide & humide, par le chaud & le sec. Ainsi on doit dans cette disposition éviter de vivre dans un air humide & froid, de se nourrir d'alimens végétaux, qui n'ont point de saveur forte, tels que la plûpart des fruits & le jardinage crud ou sans assaisonnement ; les viandes rôties, sur-tout les viandes noires, sont préférables, ainsi que les mets épicés, aromatisés, la boisson du bon vin, ou d'autres liqueurs fermentées bien spiritueuses : l'exercice est très-nécessaire, pour dissiper les humidités surabondantes, & favoriser à cet effet la transpiration, & les autres excrétions séreuses. On doit éviter soigneusement toute affection de l'ame, qui jette dans l'abattement, & rechercher au contraire ce qui peut exciter, fortifier le corps & l'esprit, & procurer de l'agilité à l'un & à l'autre, même en se livrant quelquefois à des passions vives, propres à causer de l'émotion, de l'agitation, & des impressions fortes.

2°. La différence de l'âge rendant les corps différemment constitués, & faisant passer le même individu comme par différens tempéramens, à-proportion qu'il eprouve les changemens que les progrès de la vie occasionnent, exige par conséquent aussi une maniere de vivre conforme à ces dispositions, si différentes dans le cours de la vie.

L'âge d'impuberté, qui renferme l'enfance, laquelle se termine à sept ans environ, & l'âge puéril, qui s'étend jusqu'à quatorze ans, peut être comparé au tempérament sanguin, attendu que le chaud & l'humide dominent dans cet âge. Comme dans ce tempérament ils demandent par conséquent le même régime, à-proportion des forces, qui doit être le même aussi dans tous les tems de la vie, pour la saison du printems, qui est distinguée des autres par les mêmes qualités qui sont dominantes dans l'enfance & le tempérament sanguin ; ce qu'on peut dire encore des climats tempérés tirant vers les climats chauds.

L'âge de puberté, qui renferme l'adolescence, laquelle s'étend jusqu'à vingt-cinq ans, & la jeunesse qui finit à trente-cinq, est distingué par le chaud & le sec, qui, tout étant égal, sont dominans dans l'économie animale ; il a par conséquent beaucoup de rapport au tempérament bilieux, & à la saison de l'été, ainsi qu'aux climats chauds, dans lesquels les mêmes qualités dominent. Ainsi le régime que l'on a dit convenir à ce tempérament, convient aussi aux personnes de cet âge, avec les modifications proportionnées à la constitution propre de chaque individu.

L'âge de virilité renferme l'âge de force, qui comprend le sixieme septenaire, & celui de consistance, qui est terminé avec le septieme septenaire, a pour qualités dominantes le froid & l'humide, comme le tempérament phlegmatique, la saison de l'automne, & les climats tempérés tirant vers les climats froids. Ainsi ce qui convient à ce tempérament convient aussi à cet âge, à cette saison, & à ces climats, avec les exceptions ou les changemens qui peuvent indiquer la nature particuliere de chaque sujet.

L'âge de vieillesse, qui comprend l'âge de déclin, lequel s'étend jusqu'à la fin du dixieme septenaire & l'âge de décrépitude, qui se termine avec la vie, poussée aussi loin qu'il est possible, a pour qualités dominantes le froid & le sec, comme le tempérament mélancholique, la saison de l'hiver, & les climats froids. Ainsi le régime qui a été proposé pour ce tempérament, est aussi convenable à cet âge, à cette saison, & à ces climats, toujours sous la réserve des indications particulieres à la nature des sujets.

Mais le régime qui convient à chaque âge, peut être plus particulierement connu d'après ce qui suit.

En général, il faut donner beaucoup à manger aux enfans, selon le conseil d'Hippocrate, aphor. 13. 14, parce qu'ils sont naturellement voraces, qu'ils supportent difficilement la privation des alimens, le jeûne ; qu'ils ont beaucoup de chaleur innée, & qu'ils consomment beaucoup de nourriture par l'accroissement & la dissipation. Moins les enfans sont éloignés de la naissance, plus il faut leur permettre de se livrer au sommeil ; & à-proportion qu'ils avancent en âge, il faut en retrancher. Il est essentiel pour la santé des enfans que l'on leur tienne le ventre libre, s'ils ne l'ont pas tel naturellement, parce que quand il reste resserré pendant un certain tems, c'est une marque qu'ils ont de la disposition à être malades. Mais pour un plus grand détail sur ce qui regarde le régime qui convient aux enfans, voyez ENFANCE, & ENFANS, maladies des.

Pour ce qui est des jeunes gens, de ceux qui sont dans la vigueur de l'âge ; selon le conseil de Celse, ils sont moins dans le cas d'avoir besoin de vivre de régime, que dans tout autre tems de la vie, parce que les fautes qu'ils peuvent commettre en fait de régime sont de moindre conséquence par leurs effets, & que leurs forces naturelles les mettent en état de supporter, sans des altérations considérables pour la santé, les excès qui peuvent leur être contraires ; il suffit presque pour se conserver qu'ils évitent de s'exposer à l'air froid, d'user de boissons froides quand le corps est bien échauffé par les différens exercices, par les travaux auxquels on se livre à cet âge. Ils doivent encore éviter tout ce qui peut échauffer, trop agiter le sang & épuiser les forces, comme l'usage des boissons fortes, les passions violentes, & l'excès des plaisirs de l'amour.

Dans l'âge plus avancé, & dans la vieillesse, on doit avoir d'autant plus de soin de sa santé, que l'on devient dans ces derniers tems de la vie susceptible de plus en plus d'être affecté désavantageusement par l'abus des choses non-naturelles ; il faut alors chercher à vivre dans un air assez chaud & un peu humide ; favoriser la transpiration, éviter soigneusement pour cet effet les impressions de l'air froid ; être très tempérant dans l'usage des alimens, manger peu de viande, beaucoup de fruits cuits, d'herbages bouillis ; boire de bon vin, mais bien trempé (car quoi qu'on en dise, le prétendu lait des vieillards employé sans correctif est trop stimulant, & ne peut qu'être nuisible, ainsi que toutes les liqueurs spiritueuses, coagulantes, & tout ce qui peut exciter de fortes contractions dans les solides, & hâter les effets de la disposition du corps au dessechement) ; & enfin chercher le repos & la tranquillité de l'ame le plus qu'il est possible.

3°. Le régime qui convient aux différens sexes peut être déterminé en général par la maniere de vivre convenable aux différentes constitutions.

Les personnes robustes & saines qui se trouvent principalement parmi les hommes, doivent, selon le conseil de Celse, ne pas mettre trop d'uniformité dans leur nourriture & dans leur conduite, relativement aux soins de leur santé ; ceux qui sont naturellement vigoureux, ne doivent pas affecter une résidence choisie ; ils font bien de varier à cet égard, d'être tantôt en ville, tantôt en campagne, de manger & de boire tantôt plus, tantôt moins, pourvu que ce soit toujours sans excès ; de manger indifféremment de tout ce qui n'est pas malsain de sa nature ; de se donner quelquefois beaucoup d'exercice, d'autres fois de n'en prendre que peu : en un mot, ils doivent s'accoutumer à tout, afin d'être moins susceptibles des altérations dans l'économie animale, auxquelles on peut être exposé dans les différens changemens de vie, que souvent on ne peut éviter, & dans les différentes situations où l'on est forcé de se trouver, comme les gens de guerre. Mais quoique les personnes robustes ne doivent pas beaucoup s'écouter pour ce qui intéresse la santé, ils ne doivent jamais abuser de leurs forces ; jamais dans les plaisirs & la joie ils ne doivent se permettre les emportemens de la débauche : leur vigueur est un trésor qu'ils doivent ne pas épuiser, pour être en état de résister aux infirmités inséparables de la vie humaine.

Les gens foibles & délicats ; & dans cette classe on peut ranger les femmes en général, ainsi que la plûpart des habitans des grandes villes, selon Celse, surtout les hommes de lettres, & tous ceux qui menent une vie studieuse & sédentaire ; toutes ces différentes personnes doivent continuellement s'occuper à compenser par la tempérance, la régularité dans leur maniere de vivre, & les attentions sur ce qui regarde la conservation de leur santé, ce qu'ils perdent journellement de la disposition à jouir d'une vie saine & longue, par une suite naturelle de leur foiblesse naturelle ou de leur genre de vie. Avec ces précautions, bien de ces personnes se soutiennent, à tout prendre, beaucoup mieux que les gens les plus robustes, parce que ces derniers comptant trop sur leurs forces, négligent ou méprisent absolument les soins, les attentions sur leur santé, & s'attirent mille maux par l'abus qu'ils en font & les excès de toute espece.

Les femmes ont particulierement à observer de ne rien faire qui puisse déranger les évacuations menstruelles, & de favoriser cette excrétion de la maniere la plus convenable. Voyez MENSTRUES. Elles doivent être encore plus attentives sur elles-mêmes dans le tems de grossesse. Voyez GROSSESSE. Elles ont à ménager dans tous les tems de la vie, sur-tout dans celui de la suppression naturelle des regles, la délicatesse, la sensibilité de leur genre nerveux. Voyez NERVEUX genre, HYSTERICITE, VAPEURS. Elles doivent chercher à se fortifier le corps & l'esprit, par l'habitude de l'exercice & de la dissipation, en s'y livrant avec modération.

4°. A l'égard des saisons, l'été demande que l'on se nourrisse d'alimens legers, doux, humectans, laxatifs ; que l'on mange peu de viande, beaucoup de fruits que la nature donne alors à nos desirs & à nos véritables besoins ; d'herbages, de laitage, avec une boisson abondante d'eau pure ou de vin leger bien trempé, ou de quelque tisane acescente ; que l'on ne fasse que peu d'exercice, en évitant soigneusement tout excès à cet égard. L'hiver, au contraire exige que l'on prenne une nourriture qui ait de la consistance, tirée des alimens solides, fermes, secs & assaisonnés de sel & d'épiceries : on doit préférer la viande rôtie, le pain bien cuit ; la boisson doit être peu abondante, souvent de bon vin sans eau ; & il faut dans cette saison se livrer beaucoup à l'exercice. Pour ce qui est du printems & de l'automne, la nourriture & l'exercice doivent être reglés de maniere qu'ils tiennent le milieu entre ce qu'exige le tems bien froid ou bien chaud, en proportionnant le régime selon que l'un ou l'autre est plus dominant ; & pour se précautionner contre les injures de l'air & sa variabilité dans ces saisons moyennes, rien ne convient mieux, n'est plus nécessaire que d'avoir attention au printems à ne pas quitter trop tôt les habits d'hiver, & en automne, à ne pas différer trop long-tems de quitter les habits legers, & de se vêtir chaudement. Voyez NON-NATURELLES, choses.

5°. Par rapport aux climats, on n'a autre chose à dire du différent régime qu'ils exigent ; si ce n'est, qu'il doit être déterminé par le rapport qu'ils ont, comme il a été dit ci-devant, avec les différentes saisons de l'année ; & selon que le chaud, le froid ou le tempéré y sont dominans ; la maniere de vivre doit être proportionnée, d'après ce qui vient d'être prescrit pour chaque saison : en général on mange beaucoup, & des alimens grossiers, sur-tout beaucoup de viande dans les pays froids, & on vit plus sobrement, plus frugalement, on ne mange presque que des végétaux dans les pays chauds ; la boisson y est cordiale par l'usage du vin que la nature y donne pour servir à relever les forces : l'abus des liqueurs fortes, coagulantes est très-nuisible aux habitans du nord auquel la nature les refuse ; ils sont plus disposés aux travaux du corps, & les peuples du midi plus portés à se livrer au repos, à l'oisiveté, sont plus propres aux travaux de l'esprit. Voyez CLIMAT.

II. Du régime préservatif. Après avoir parcouru les différentes combinaisons qui constituent le régime propre à conserver la santé relativement aux différentes circonstances qui exigent ces différences dans la maniere de vivre, il se présente à dire quelque chose du régime, qui convient pour préserver des maladies dont on peut être menacé.

Un homme, dit Galien, de med. art. constit. c. xix. est dans un état mitoyen, entre la santé & la maladie, lorsqu'il est affecté de quelqu'in disposition, qui ne l'oblige pas cependant à quitter ses occupations ordinaires & à garder le lit : comme, par exemple, lorsqu'il éprouve un embarras considérable dans la tête, avec un sentiment de pesanteur, quelquefois de douleur, du dégoût pour les alimens, de la lassitude, de l'engourdissement dans les membres, de l'assoupissement ou autres symptomes semblables qui annoncent une altération dans la santé, sans lésion assez décidée pour constituer une maladie ; il ne faut pas attendre que le mal empire, on doit tâcher de détruire les principes de ces indispositions avant qu'elles deviennent des maladies réelles.

Ainsi en supposant que la cause du mal est une plénitude produite par des excès de bouche, ou par une suppression de la transpiration, ou de quelqu'autre évacuation naturelle, ou par une vie trop sédentaire ; après avoir été exercé habituellement, on doit d'abord retrancher les alimens, & se tenir à la tisane pendant un jour ou deux, ce qui suffit souvent pour dissiper les causes d'une maladie naissante : mais si les symptomes sont assez pressans pour exiger un remede plus promt, plus efficace, on aura recours à la saignée, ou aux purgatifs ou aux sudorifiques : si la menace d'une maladie vient d'indigestion ou d'un amas de crudités, il faut se tenir chaudement dans une grande tranquillité, vivre quelques jours dans l'abstinence avec beaucoup de lavage, & de tems en tems quelque peu de bon vin pour fortifier l'estomac.

En général, dit encore Galien, on opposera aux principes des maux dont on se plaint & dont on veut prévenir les suites, des moyens propres à produire des effets contraires à ceux qu'on doit attendre naturellement des causes qui ont produit ces dérangemens dans la santé ; si les humeurs pêchent par l'épaississement, on travaillera à les atténuer ; à les adoucir, si elles sont trop actives, âcres ; à les évacuer, si elles sont trop abondantes ; à faciliter la coction, si elles sont trop crues ; tantôt à détendre les parties en contraction, tantôt à déboucher les vaisseaux obstrués, ainsi du reste.

Souvent quand un commencement de frisson ou de toux annonçoit un prochain accès de fievre, le grand médecin Sydenham arrêtoit les progrès du mal, en ordonnant de prendre l'air, de se livrer à l'exercice, de boire quelque tisane rafraîchissante, de ne point manger de viande, & de s'abstenir de toute boisson fermentée. Voyez ses oeuvres de tussi epidemicâ.

Boerhaave qui avoit si bien lu tous les ouvrages des Médecins anciens & modernes de quelque réputation, & qui possédoit si parfaitement l'art d'extraire de leurs écrits ce qui s'y trouve de plus intéressant, a compris toute la prophylactique par rapport aux maladies naissantes dans les préceptes qui suivent, qui ne different point de ceux de Galien & de Sydenham.

On prévient les maux, dit le professeur de Leyde, institut. med. §. 1050. en attaquant leurs causes dès qu'on en apperçoit les premiers effets ; & les préservatifs qu'il faut y opposer sont principalement l'abstinence, le repos, la boisson abondante d'eau chaude, ensuite un exercice modéré, mais continué, jusqu'à ce que l'on commence à s'appercevoir de quelque légere sueur, & enfin une bonne dose de sommeil dans un lit où l'on prenne soin d'être bien couvert, c'est le moyen de relâcher les vaisseaux engorgés, de délayer les humeurs épaisses, & de disposer à être évacuées celles qui pourroient nuire.

III. Du régime curatif. La maniere de vivre des malades doit être presqu'aussi différente de celles qu'ils suivoient étant en santé, que cet état differe de celui dans lequel ils sont tombés ; ainsi on peut la régler en général par la maxime que les contraires se guérissent ou sont guéris par les contraires.

Mais il s'agit ici de faire l'exposition abrégée des préceptes que les Médecins, tant anciens que modernes, ont établis pour servir à diriger les malades dans la conduite qu'ils doivent ou que l'on doit tenir à leur égard, tant par rapport aux alimens & à la boisson qu'ils doivent prendre, que par rapport aux qualités de l'air qui leur conviennent, & aux différentes situations dans lesquelles ils doivent se tenir relativement au repos ou au mouvement du corps.

Comme il n'est rien à l'égard de quoi l'on peche plus aisément dans les maladies qu'en fait de nourriture, les regles, à ce sujet, sont les plus importantes à prescrire, & doivent être traitées les premieres : on va les présenter en abrégé, d'après le grand Boerhaave, dans ses aphorismes, & leur illustre commentateur le baron van Swieten.

L'indication principale pour le régime que l'on doit prescrire aux malades, doit être sans doute de soutenir les forces, parce que ce n'est que par leur moyen que la nature peut détruire la cause de la maladie : ainsi, contre l'avis d'Asclépiade, on ne doit pas d'abord interdire tout aliment à ceux qui paroissent être dans un commencement de maladie inévitable ; mais s'il est dangereux alors d'affoiblir trop par une diete sévere, il l'est bien davantage de ne pas diminuer assez la quantité de la nourriture, parce que, comme le dit Celse, lib. III. cap. iv. il ne faut pas trop occuper la nature à faire la digestion des alimens, tandis qu'elle a besoin d'employer ses efforts à corriger la matiere morbifique, ou si elle n'en est pas susceptible, à en faire la coction & à la dissiper par les évacuations auxquelles elle peut être disposée.

Cependant, comme Hippocrate avertit, aphor. 5. sect. 1. qu'il y a plus à craindre de mauvais effets d'une trop grande abstinence que d'une nourriture trop forte, & que celle-là est toujours très-nuisible dans les maladies aiguës ; il vaut mieux s'exposer à pécher par excès que par défaut, parce que la nature, avec des forces entieres que lui fournissent les alimens, peut se suffire pour les travailler & attaquer en même tems avec succès la cause de la maladie ; au lieu que manquant de forces faute de nourriture, elle reste, pour ainsi dire, dans l'inaction.

Pour déterminer donc la quantité de nourriture que l'on peut permettre dans les maladies, on doit se regler sur les symptomes qui annoncent ce que sera la maladie, par rapport à sa violence & à sa durée : plus la maladie paroît devoir être aiguë & courte, moins il faut nourrir le malade ; & au contraire si elle doit être longue & peu considérable, on doit permettre une plus grande quantité d'alimens à proportion & plus nourrissans : mais on doit avoir attention, sur-tout, à observer l'effet que produit la nourriture qu'on donne au malade, parce que si elle est trop forte, il ne tardera pas à ressentir une pesanteur dans l'estomac & un abattement dans les forces, qui fera connoître qu'il faut diminuer la quantité des alimens ; si au contraire il n'en reste aucune incommodité, on peut augmenter la quantité & la force de la nourriture, selon que l'état des forces du malade & celui de la maladie peuvent le permettre.

On doit aussi se regler par l'âge du malade, parce qu'en général tous les animaux supportent d'autant moins la privation des alimens, tout étant égal, qu'ils sont plus jeunes ou plus avancés dans la vieillesse. Voyez ENFANS (maladies des), VIEILLESSE. Ainsi l'on ne doit pas exiger dans les maladies une aussi grande abstinence des jeunes gens & des vieillards, que des adultes dans l'âge moyen.

Il faut encore avoir égard aux différens tems de la maladie ; ensorte que lorsqu'elle est parvenue à sa plus grande intensité, on doit, à proportion, donner toujours moins de nourriture, & toujours plus légere : au lieu que pendant son accroissement & pendant son déclin on doit en permettre une quantité d'autant plus grande & plus forte à proportion, que l'on est plus éloigné, avant ou après, du tems où le malade est dans l'état le plus violent, c'est-à-dire que la diete doit être moins sévere dans le tems de la maladie où il y a moins de fonctions lésées, ou lorsque les lésions des fonctions qui la constituent sont moins considérables.

On doit encore faire attention au climat dans lequel on se trouve, pour determiner la maniere de se nourrir des malades ; parce qu'à proportion qu'on habite des pays plus chauds, plus près de l'équateur, on soutient plus facilement l'abstinence des alimens, & que c'est le contraire à l'égard des pays plus froids, plus voisins des poles ; la différence des saisons exige la même proportion dans l'administration des alimens dans les maladies, que la différence des climats. On doit par conséquent, tout étant égal, prescrire une diete moins severe en hiver qu'en été.

On doit aussi avoir beaucoup d'égard au tempérament des malades & à leur habitude en santé relativement à leur nourriture, pour regler celle qui leur convient dans l'état opposé ; ensorte qu'il faut en permettre davantage à proportion aux personnes d'un tempérament chaud & vif, & à ceux qui mangent beaucoup lorsqu'ils se portent bien, & donner des alimens plus nourrissans à ceux qui sont accoutumés à la bonne chere.

Il convient encore, selon que le recommande Hippocrate, de affect. cap. xj. que les alimens qu'on accorde aux malades soient d'une nature approchante de ceux dont ils usent en santé. Les choses dont on a l'habitude, dit encore le pere de la Médecine, aphor. 50. sect. 2. quoique de moins bonne qualité, sont moins nuisibles que celles auxquelles on n'est pas accoutumé, quelque bonnes qu'elles puissent être.

Pour ce qui est du tems de donner des alimens aux malades, on doit avoir égard à la nature de la maladie, & les faire administrer dans la partie du jour, où les symptomes sont le moins considérables, où il reste le moins de lésion de fonctions, parce que la digestion s'exécute mieux à proportion qu'il y a un plus grand nombre de fonctions qui restent ou qui redeviennent integres, & que celles qui sont lésées se rapprochent davantage de l'état naturel ; & au contraire, &c. Ainsi c'est dans le tems de l'intermission de la fievre où l'on doit permettre le plus de nourriture à un malade, parce que les fonctions lésées sont alors rétablies, & que l'exercice s'en fait presqu'aussi parfaitement que dans l'état de santé : on doit dans cette circonstance donner des alimens en d'autant plus grande quantité & d'autant plus solides, plus nourrissans, que l'intervalle des accès est plus considérable, & que l'on est plus éloigné du retour de la fievre ; & au contraire, &c.

Dans les fievres continues avec remission, c'est dans le tems où la fievre est moins considérable, que l'on doit le plus donner de la nourriture aux malades ; mais comme il y a toujours lésion de fonctions, cette nourriture doit être d'autant moins abondante & d'autant moins forte qu'il subsiste encore plus de lésion de fonctions, & que l'on est moins éloigné du redoublement de la fievre qui doit survenir.

Dans celle qui est continue, toujours avec la même intensité, sans diminution, ni augmentation, la nourriture doit être donnée après le sommeil, & par conséquent le matin de préférence, parce que les forces sont alors réparées, ou qu'elles sont moins affaissées dans ce tems-là, tout étant égal.

Mais en général, selon le conseil de Celse qui propose les préceptes les plus sages à cet égard, de re medicâ, lib. III. cap. v. il n'est point de tems dans les maladies où l'on ne doive donner de la nourriture, lorsqu'il s'agit de soutenir les forces & d'en prévenir l'épuisement ; cependant on doit observer dans tous les tems de ne faire prendre des alimens qu'à proportion de ce qu'il reste de forces dans les visceres, pour que la digestion s'en fasse le moins imparfaitement qu'il est possible, & que le travail de la digestion n'augmente pas le défaut de forces, au lieu de le réparer.

Ainsi non-seulement on ne doit donner aux malades que des alimens d'autant plus légers, plus faciles à digérer, qu'il y a plus de lésion de fonction, & à proportion des forces qui restent, mais encore en plus petite quantité à-la-fois, & d'autant plus répétée, que la digestion en est faite : car il faut toujours laisser le tems à une digestion de se finir avant de donner matiere à une nouvelle, ensorte que dans les maladies les plus aiguës, où il se fait une grande dissipation des forces, il vaut mieux donner toutes les heures de la nourriture la plus légere, que d'en donner moins souvent d'une nature plus forte.

Pour ce qui est de l'espece d'alimens que l'on doit donner aux malades, elle est déterminée par la nature de la maladie & par l'usage : dans les maladies aiguës, les anciens médecins ne permettoient pas les bouillons de viande qui sont dans ces tems-ci d'un usage presque général, contre le gré de tous les Médecins éclairés, qui sentent combien cette pratique est vicieuse, & souvent contraire à la guerison des maladies, parce que c'est une sorte d'aliment qui tend beaucoup à la corruption : on doit au-moins éviter de le donner bien chargé de jus, & l'on doit corriger sa disposition septique, en y faisant cuire des plantes acides, comme l'oseille, ou en y délayant du jus de citron, d'orange ou de grenade ; ou lorsque la maladie permet de rendre la nourriture un peu plus forte, on peut y faire bouillir du pain qui est acescent de sa nature ; ce qui peut se répéter dans ce cas deux ou trois fois par jour, en donnant, dans les intervalles, des crêmes de grains farineux, comme le ris, l'orge ou l'avoine, faite à l'eau ou au bouillon bien léger, ensorte que les malades n'usent de ces différentes nourritures tout-au-plus que de quatre en quatre heures, dans les tems éloignés de la force de la maladie qui ne comporte point une nourriture de si grande consistance, & qui ne permet, dans les maladies aiguës, que les bouillons les plus légers, comme ceux de poulet ou viande de mouton, avec du veau, en petite quantité & en grand lavage ; & mieux encore, de simples décoctions en tisanes ou en crêmes des grains mentionnés sans viande.

Les Médecins doivent toujours préférer ce dernier parti, lorsqu'ils ont le bonheur de trouver dans leurs malades assez de docilité pour se soumettre au régime le plus convenable, & qu'ils n'ont pas affaire avec gens qui soient dans l'idée commune & très-pernicieuse, que plus la maladie est considérable, plus on doit rendre les bouillons nourrissans ; ce qui est précisément le contraire de ce qui doit se pratiquer. Voyez ALIMENS.

En général, la quantité & la force de la nourriture doivent être réglées par le plus ou le moins d'éloignement de l'état naturel que présente la maladie : toujours, eû égard au tempérament, à l'âge, au climat, à la saison & à l'habitude, comme il a déja été établi ci-devant, & avec attention de consulter aussi l'appétit du malade, qui doit contribuer ou concourir à régler l'indication en ce genre, excepté lorsqu'il peut être regardé comme un symptome de la maladie.

Ainsi, après que les évacuations critiques se sont faites, & que l'on a purgé les malades, s'il en restoit l'indication, la maladie tendant à sa fin d'une maniere marquée, les malades commençant alors ordinairement à desirer une nourriture plus solide, on leur accorde des bouillons plus forts, des soupes de pain, de grains ; & lorsque la convalescence est bien décidée, des oeufs frais, des viandes legeres en petite quantité, que l'on augmente à proportion que les forces se rétablissent davantage. Voy. CONVALESCENCE.

A l'égard de la boisson qui convient aux malades, & qui peut aussi leur servir de nourriture ou de remede, selon la matiere dont elle est composée, il est d'usage dans les maladies aiguës, d'employer la tisane d'orge ou d'avoine, la tisane émulsionnée, les plantes, feuilles, bois ou racines ; on y ajoute souvent la crême de tartre ou le nitre, le cristal minéral, le sucre ou le miel, selon les différentes indications à remplir. Voyez PTISANE. On rend ces préparations plus ou moins chargées & nourrissantes, ou médicamenteuses, selon que l'état de la maladie & celui des forces le comportent ou l'exigent.

Pour ce qui est de la quantité, on doit engager les malades à boire plus abondamment, à proportion que la maladie est plus violente, que la chaleur animale ou celle de la saison est plus considérable ; on ne sauroit trop recommander aux malades une boisson copieuse, sur-tout dans le commencement des maladies, pour détremper les mauvais levains des premieres voyes & en préparer l'évacuation, pour délayer la masse des humeurs, en adoucir l'acrimonie, favoriser les sécrétions, les coctions, les crises, & disposer aux purgations, en détendant & relâchant les organes par lesquels elles doivent s'opérer : Corpora quae purgare volueris, meabilia facias opportet, dit le divin Hippocrate, (aphor. jx. sect. 2.) ainsi la boisson abondante est un des plus grands moyens que l'on puisse employer pour aider la nature dans le traitement des maladies en général, & sur-tout des maladies aiguës.

Il n'est pas moins important de déterminer les attentions que l'on doit avoir à l'égard de l'air dans lequel vivent les malades ; d'abord il est très-nécessaire que celui qui les environne, dans lequel ils respirent, soit souvent renouvellé, pour ne pas lui laisser contracter la corruption, inévitable par toutes les matieres qui y sont disposées, dont il se fait une exhalaison continuelle dans le logement des malades, d'où il résulte d'autant plus de mauvais effets, qu'il est moins spacieux, moins exposé à un bon air, qu'il a moins d'ouvertures pour lui donner un libre accès ; que l'on laisse davantage cette habitation se remplir de la fumée des chandelles, des lampes à l'huile de noix, des charbons, &c. de l'exhalaison des matieres fécales du malade même, sur-tout lorsqu'il sue ou qu'il transpire beaucoup, & des personnes qui le servent, qui sont auprès de lui ; ce qui rend l'air extrêmement mal-sain pour tous ceux qui sont obligés d'y rester, & sur-tout pour les malades dont la respiration devient par là de plus en plus gênée, laborieuse, sur-tout si la chaleur de l'air est trop considérable & qu'elle excede le quinzieme degré, environ, du thermometre de Reaumur ; si les malades sont retenus dans leur lit bien fermés, excessivement chargés de couvertures jusqu'à la sueur forcée qui ne peut être que très-nuisible dans ce cas : ainsi on ne peut prendre trop de soin pour empêcher que les malades ne soient placés dans une habitation trop petite, dans un air trop peu renouvellé, corrompu & trop chaud ; ce qui est d'autant plus nuisible, s'il y a un grand nombre de malades renfermés dans le même lieu. Voyez HOPITAL, PRISON.

On ne peut aussi trop faire attention à la maniere dont les malades sont couverts dans leurs lits : ils ne doivent l'être précisément qu'autant qu'il le faut pour leur procurer une chaleur tempérée ; on ne doit pas non plus les retenir continuellement au lit dans les tems de la maladie, où les forces leur permettent de rester levés plus ou moins dans le cours de la journée, ce qui leur est extrêmement salutaire, (excepté dans les cas de disposition actuelle à une sueur critique. Voyez SUEUR.) Le contraire leur est extrêmement désavantageux, puisque l'on pourroit rendre malade l'homme qui se porte le mieux, si on le forçoit à se tenir au lit bien chaudement pendant plusieurs jours de suite ; ensorte qu'il n'est pas d'abus dans le régime plus pernicieux que de les tenir trop au lit, de les y tenir trop couverts & dans un air trop chaud, dans un air étouffé ; ce que les médecins ont bien de la peine à empêcher, parmi les femmelettes sur-tout, à qui on confie ordinairement le soin des malades, & même parmi les gens au-dessus du commun : car, en général, au grand désagrément des médecins, dans tous les états, presque tout le monde est aussi peu instruit & pense comme le peuple pour ce qui regarde l'exercice de la médecine ; si peu on cherche, hors de la profession qui y est destinée, à acquérir des connoissances sur ce qui a rapport à l'oeconomie animale, à la physique du corps humain, à la conservation de la santé, au régime propre pour la maintenir & se préserver des maladies ; connoissances les plus intéressantes & les plus utiles que l'on puisse avoir relativement à cette vie. Voyez MEDECINE.


RÉGIMENTS. m. terme de guerre ; est un corps de troupes composé de plusieurs compagnies de cavalerie ou de gens de pié, commandé par un mestre de camp si c'est un régiment de cavalerie, ou par un colonel si c'est un régiment d'infanterie. Voyez COLONEL & MESTRE DE CAMP.

Il n'y a rien de fixe sur le nombre de compagnies dont un régiment est formé, ni sur le nombre d'hommes dont chaque compagnie est composée. Voyez COMPAGNIE.

Il y a des régimens de cavalerie qui ne passent pas 300 hommes, & il y en a en Allemagne qui vont jusqu'à 2000. Le régiment de Picardie a monté quelquefois jusqu'à 120 compagnies ou 6000.

Quelques-uns prétendent que la cavalerie n'a point été enrégimentée avant l'an 1636 ou 1637, que les compagnies étoient alors détachées & ne faisoient point ensemble les corps de troupes qu'on appelle régimens. Voyez CAVALERIE. Chambers.

Bien des gens pensent que l'institution des régimens fut faite en France sous Charles IX, mais le P. Daniel prétend qu'elle se fit sous le regne de Henri II. Il convient que le nom de régiment devint plus commun sous Charles IX, que sous ses prédécesseurs ; mais que ce qui caractérise le régiment, subsistoit avant l'établissement de ce mot. Voyez LEGIONS.

La plûpart des régimens françois portent le nom des provinces du royaume, mais ils ne sont pas pour cela composés des habitans de la province dont ils ont le nom ; les soldats en sont pris indifféremment de toutes les provinces du royaume.

Le régiment des gardes françoises est le premier de tous les régimens ; outre le service de guerre, il est destiné à garder les dehors du logis du roi. Il fournit pendant toute l'année une garde nombreuse chez sa majesté, qui se releve tous les quatre jours ; le reste du régiment ne s'éloigne ordinairement du lieu où est le roi, que pendant la guerre. Il est composé de 30 compagnies de fusiliers, & de 3 compagnies de grenadiers. Les capitaines aux gardes ont rang de colonels d'infanterie, comme s'ils commandoient des régimens.

L'on appelle vieux corps dans l'infanterie, les six régimens qui ont rang immédiatement après celui des gardes, parce qu'ils sont réputés les plus anciens ; ils étoient toujours entretenus sur pié dans les tems où les autres troupes étoient réformées.

Les régimens de Champagne, Navarre & Piémont, n'étant point convenu de leur ancienneté, il a été reglé depuis long-tems, qu'ils jouiroient alternativement chaque année des prérogatives de l'ancienneté ; c'est ce qu'on appelle rouler dans l'infanterie.

Dans l'infanterie, les régimens ne changent point de rang, quoique les princes en deviennent colonels.

On appelle régimens royaux dans la cavalerie, ceux dont le roi, la reine & les enfans de france sont colonels ; on les appelle aussi régimens bleus, parce qu'ils sont habillés de bleu, à l'exception de celui de la reine qui est vêtu de rouge ; ils sont commandés par un mestre de camp lieutenant, qui a même rang que les mestres de camp. Ces régimens, depuis leur création, ont été conservés dans le même rang, nonobstant la mort des princes de france qui en étoient colonels.

On appelle régimens de princes ceux qui ont pour colonels des princes du sang, ou légitimes de France ; ils ont à leur tête, outre le prince qui en est colonel, un mestre de camp lieutenant. Ils sont vêtus de gris, & ils changent de nom & de rang à la mort des princes qui en sont colonels.

Régimens de gentilhommes, sont les régimens de cavalerie qui ont pour colonel un gentilhomme dont ils portent le nom. Leur rang ne change point. Voyez COLONEL, MESTRE DE CAMP & OFFICIERS. (Q)


REGINA(Géog. anc.) 1°. ville d'Espagne dans la Bétique : Ptolémée, liv. II. c. iv. qui la donne aux Turdétains, la marque entre Contrebuta & Cursus. Pline, l. III. c. j. connoit aussi cette ville dont les habitans sont appellés réginentes dans une ancienne inscription. On croit que c'est la même ville que l'itinéraire d'Antonin nomme Regiana. Le nom moderne est Reyna, suivant Ambr. Moralès. 2°. ville de la premiere Mésie, selon la notice des dignités de l'empire. sect. 3. (D.J.)


RÉGIONen Physique, se dit de trois différentes hauteurs dans l'athmosphère, qu'on appelle la haute région, la moyenne région, ou du milieu, & la basse région. Voyez ATHMOSPHERE.

La basse région est celle où nous respirons ; elle se termine à la plus petite hauteur où se forment les nuages & autres météores.

La moyenne région est celle où résident les nuages & où se forment les météores ; elle s'étend depuis l'extrêmité de la basse, jusqu'aux sommets des plus hautes montagnes. V. METEORE, NUAGE, MONTAGNE, &c.

La région supérieure commence depuis les sommets des plus hautes montagnes, & a pour limites celles de l'athmosphere même. Dans cette derniere regnent un calme, une pureté & une sérénité perpétuelle. Voyez AIR. Chambers.

REGION, en Anatomie, marque les divisions du corps humain. Voyez CORPS.

Les anatomistes partagent le corps en trois régions ou ventres. Voyez VENTRE.

La région supérieure est la tête, qui s'étend jusqu'à la premiere vertebre, où sont contenues les organes animaux, le cerveau, &c. Voyez TETE.

La seconde région, ou région du milieu, est la poitrine & le thorax, qu'Hippocrate appelle le ventre supérieur, qui s'étend depuis les clavicules jusqu'au diaphragme, & où sont contenues les parties vitales telles que le coeur, les poumons, &c. Voyez COEUR, POUMONS, &c.

La troisieme ou basse région est le bas ventre où sont les parties naturelles destinées à la digestion & à la génération, &c. Voyez DIGESTION, GENERATION.

REGION, (Géograph.) voici l'article entier de la Martiniere qui n'est pas susceptible d'extrait.

Région est un mot françois, formé du latin regio, qui répond au grec , & à ce que les Italiens entendent par regione, contrada, banda ou paëse ; les Espagnols par region, les Allemands par land & landschafft, & les Anglois par a region, a country. Ce mot pris à l'égard du ciel, signifie les quatre parties cardinales du monde, qu'on appelle aussi plages.

A l'égard de la terre, le mot région veut dire une grande étendue de terre habitée par plusieurs peuples contigus sous une même nation, qui a ses bornes & ses limites, & qui est ordinairement assujettie à un roi ou à un despote. Une grande région se divise en d'autres régions plus petites à l'égard de ses peuples ; ainsi ce qui se passe sous le nom de Bourguignons, de Champenois, ou de Picards, fait les régions de Bourgogne, de Champagne, & de Picardie. Une petite région se partage en d'autres régions encore plus petites, qui composent un peuple, & qu'on appelle pays. Ainsi la Normandie se divise en plusieurs pays, comme le pays de Caux, le Vexin, & autres.

Une région se divise en haute & basse ; par rapport au cours des rivieres, par rapport à la mer, ou par rapport aux montagnes. La région haute à l'égard des rivieres, est la partie de la région située vers la source ou vers l'entrée d'une riviere, comme la haute Lombardie, le long de la riviere du Pô ; la haute Alsace, le long d'une partie de la riviere du Rhin. A l'égard de la mer, c'est la partie la plus engagée dans les terres ; comme la haute Picardie, la haute Bretagne, la haute Normandie, la haute Ethiopie, & autres. A l'égard des montagnes, c'est la partie qui est engagée dans les montagnes, comme la haute Hongrie, la haute Auvergne, le haut Languedoc & autres. La basse région, à l'égard des rivieres, est la partie de la région située vers l'embouchure de la riviere, comme la basse Lombardie, la basse Alsace.

A l'égard de la mer, c'est la partie la plus proche de la mer, comme la basse Ethiopie, la basse Normandie, la basse Bretagne. Quant à ce qui regarde les montagnes, c'est la partie la plus dégagée des montagnes, comme la basse Hongrie, la basse Auvergne, le bas Languedoc.

Une région se divise aussi en ultérieure & en citérieure, ce qui a rapport aux rivieres & aux montagnes à l'égard de quelqu'autre région. La région citérieure, par comparaison à une autre, est la partie de la même région qui est entre cette autre, & la riviere ou la montagne qui sépare la région en deux autres régions. Ainsi l'Afrique, à l'égard de l'Europe, est divisée par le mont Atlas, en citérieure & en ultérieure, c'est-à-dire en deux autres régions, dont l'une est au-deçà & l'autre au-delà de l'Europe ; de même la Lombardie, à l'égard de l'Italie, est divisée par la riviere du Pô en citérieure & ultérieure, c'est-à-dire en deux autres régions, dont l'une est au-deçà & l'autre au-delà de l'Italie. Quelques régions, à l'égard de leurs distances à quelque ville considérable, sont aussi divisées en citérieures & en ultérieures, selon deux parties plus proches ou plus éloignées de cette ville, sans que ces deux parties soient distinguées par quelque montagne ou par quelque riviere ; ainsi la Calabre est divisée en citérieure & en ultérieure, par rapport à deux parties dont l'une est plus proche & l'autre plus éloignée de la ville de Naples.

On divise encore une région en intérieure & en extérieure à l'égard d'elle-même & par rapport à ses parties qui sont en dedans ou aux extrêmités. La région intérieure est la partie d'une région la plus engagée dans les terres de cette même région ; la région extérieure est la partie d'une région la plus dégagée, & comme au dehors des terres de cette même région ; ainsi la partie de l'Afrique qui se trouve la plus engagée dans les terres, se nomme Afrique intérieure, & celle qui est la plus dégagée, & comme séparée des terres, s'appelle Afrique extérieure.

La grandeur respective d'une région à l'autre, la fait encore diviser en grande & en petite, comme quand on divise l'Asie en Asie majeure & en Asie mineure, & la Tartarie en grande & petite Tartarie.

L'antiquité & la nouveauté de la possession, & encore la nouvelle découverte de quelque région, l'ont fait diviser en vieille & en nouvelle. C'est ainsi que les Espagnols ont appellé vieille, la partie de la Castille qu'ils ont reconquise sur les Maures, & nouvelle, l'autre partie de la Castille qu'ils n'ont eue que depuis : de même le Méxique se divise en vieux & en nouveau. C'est encore ainsi que Quivira fut nommé la nouvelle Albion par François Drack, &c.

Enfin les régions, selon les parties du ciel vers lesquelles elles sont situées l'une à l'égard de l'autre, sont dites septentrionales, méridionales, orientales & occidentales : ainsi la Jutlande en Danemarck se trouve divisée en nord-Jutland, & en sud-Jutland, c'est-à-dire en septentrionale & en méridionale. La Gothlande en Suede, est divisée en ostro-Gothlande, en westro-Gothlande & en sud-Gothlande, c'est-à-dire en orientale, en occidentale, & en méridionale.

Il y a des régions, comme dit Sanson, qui sont appellées orientales & occidentales, non pour être ainsi situées l'une à l'égard de l'autre, mais par le rapport qu'elles ont avec quelqu'autre région qui se trouve entre deux. Telles sont les Indes orientales & les Indes occidentales à l'égard de l'Europe.

Dans la topographie, le mot de région est en usage pour signifier les différens quartiers d'une ville, comme dans Rome qui étoit divisée en quatorze régions. Voyez REGIONS de Rome. (D.J.)


RÉGIONNAIRES. m. (Hist. ecclés.) titre que l'on a donné dans l'histoire ecclésiastique depuis le v. siecle à ceux à qui on confioit le soin de quelque quartier, région, ou l'administration de quelque affaire dans l'étendue d'un certain district. Il y avoit autrefois à Rome des diacres régionnaires qui gouvernoient des bureaux pour la distribution des aumônes. Il y avoit aussi des sous-diacres régionnaires, des notaires régionnaires & des évêques régionnaires. L'évêque régionnaire étoit un missionnaire évangélique, décoré du caractere épiscopal, mais sans siege particulier auquel il fût attaché, afin qu'il pût aller prêcher & faire en divers lieux les autres fonctions de son ministere. (D.J.)


RÉGIONS de Rome(Antiq. rom.) regiones ; on nommoit régions de Rome, les parties les plus grandes & les plus spacieuses de cette capitale. Nous apprenons de Tacite, de Pline & de Dion, qu'Auguste, sous le consulat de Tibere & de Pison, divisa cette grande cité en quatorze parties, auxquelles il donna le nom de régions, regiones ; nom qui dans sa signification propre désigne les territoires des colonies & municipes, dans les confins desquels la jurisdiction de la magistrature se terminoit.

Les régions de Rome se divisoient en diverses parties, dont les unes étoient vuides, & les autres remplies de bâtimens ; les vuides étoient les rues grandes & petites, les carrefours, les places publiques. Les grandes rues, au nombre de 31, s'appelloient viae regiae ou militares, qui commençoient au pilier doré. De l'une de ces grandes rues à l'autre, Néron fit tirer en ligne droite des rangs de maisons également profondes, & appella cette suite de maisons vicos, que nous pouvons rendre par le mot de quartier ; car Festus nous apprend que ce terme vici, signifie un assemblage d'édifices environnés de rues, pour y tourner tout-autour.

Ces vici ainsi tirés au cordeau, étoient entrecoupés par de petites rues en plusieurs parties, qu'ils appelloient insulas, îles. Ces îles ne recevoient de division que par des maisons particulieres, aedes privatas ; car les belles maisons ou hôtels des grands se nommoient domus.

On entend à-présent tous ces termes, qui se rencontrent si souvent dans les auteurs. Rome se divisoit en régions, les régions en quartiers, les quartiers en îles, & les îles en maisons bourgeoises ou en palais des grands seigneurs ; cependant, comme nos françois ont traduit le mot regio des latins par celui de quartier, nous avons été obligés de donner sous ce terme la description des 14 régions de Rome, que le lecteur peut parcourir. Mais on n'est point d'accord sur l'étendue du terrein que contenoient ces quatorze quartiers, puisqu'on les porte depuis douze mille jusqu'à trente-trois mille piés en circonférence. (D.J.)


REGIPPEAUS. m. terme de riviere, c'est dans un train la perche attachée aux branches de rive, qui unit deux coupons ensemble.


RÉGIRv. act. (Gramm.) conduire, gouverner. Le pape régit l'Eglise ; le prince régit l'état. Le contrôleur-général régit les finances. Il a une acception particuliere en Grammaire. Voyez l'article REGIME.


REGIS MONS(Géog. anc.) lieu aux confins de la Pannonie & de l'Italie, où, selon Paul diacre, l'on nourrissoit des boeufs sauvages. Lazius dit qu'on le nomme présentement Vogel.


REGIS VILLA(Géog. anc.) lieu d'Italie, dans la Toscane. Strabon, l. V. pag. 225. le marque entre Cossa & Ostie sur la côte de la mer ; il dit que la tradition du pays vouloit, que c'eût été autrefois le palais royal de Maléotus, pélasgien, qui ayant demeuré dans ce lieu avec les Pélasgiens qui s'y étoient établis, étoit passé de-là à Athènes. (D.J.)


REGISSEURS. m. (Comm. & Financ.) celui qui a la régie ou la direction d'une affaire de commerce ou de finance. Voyez DIRECTEUR & REGIE. Dict. du Comm. & de Trévoux.


REGISTRATAS. m. (Jurisprud.) est l'extrait de l'arrêt d'enregistrement que l'on met sur le repli des édits & autres lettres de chancellerie, quand elles ont été vérifiées & registrées. Cet extrait s'appelle registrata, parce qu'anciennement quand les actes se rédigeoient en latin, on mettoit registrata, audito & requirente procuratore generali regis, &c. Présentement on met, registré en parlement, oui & ce requérant le procureur général du roi, &c. (A)


REGISTRATEURS. m. (Jurisprud.) signifie celui qui tient un registre, c'est-à-dire qui y inscrit les actes. On donnoit anciennement ce titre à ceux qu'on appelle aujourd'hui greffiers. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race, tome II.

Il y a encore des registrateurs en la chancellerie romaine, lesquels sont au nombre de vingt ; leur fonction consiste à transcrire dans les cahiers qui leur sont donnés, les suppliques distribuées, au dos desquelles ils mettent, libro... tali, folio... tali.

Le registrateur secret de cette chancellerie est celui qui enregistre toutes les graces expédiées par voies secrettes. Voyez l'usage & pratique de la cour de Rome, de Castel. (A)


REGISTRES. m. (Jurisprud.) est un livre public qui sert à garder des mémoires des actes & minutes, pour y avoir recours dans l'occasion, pour servir de preuves dans des matieres de fait.

Ménage fait venir ce mot de regestum, dont les Latins se sont servis dans la même signification ; regestum, dit-il, quasi iterum gestum. D'autres le font venir du vieux mot françois gîter, être au lit.

Une méthode qu'on observe en Ecosse, a servi à y rendre la discussion des procès tout-à-fait facile ; c'est d'y tenir un registre exact de toutes les ventes & acquisitions de terres que font les particuliers.

Il y a en Ecosse deux sortes de registres pour cet usage ; l'un est le général qui est gardé à Edimbourg, sous la direction d'un officier qu'on y appelle lord register, qui avant l'union étoit le cinquieme officier de l'état, & avoit rang au parlement en qualité de greffier, au trésor, à l'échiquier & aux sessions.

L'autre est celui qui se tient dans les comtés, sénéchaussées & sieges royaux particuliers. Les teneurs d'iceux sont obligés de les communiquer au register ou greffier général pour les porter sur le grand registre, où ils sont enregistrés avec un tel ordre, qu'on peut du premier coup d'oeil y trouver tous les actes dont la loi ordonne l'enregistrement, & ceux mêmes que les contractans ont été bien-aises d'y faire inscrire pour leur plus grande sûreté.

Ce fut sous le regne de Jacques VI. que le parlement établit la tenue de ces registres, au grand avantage de tous les sujets.

On ne put plus posséder aucun bien nouvellement acquis, que l'acte d'acquisition d'icelui n'eût été enregistré dans les quarante jours de la passation du contrat ; au moyen de quoi on obvia à toutes les conventions secrettes & clandestines.

REGISTRE des baptêmes, (Police) les registres des baptêmes font foi qu'il naît plus de garçons que de filles, & que c'est à la proportion de 20 à 21, ou à-peu-près ; mais les guerres & d'autres accidens les ramenent à l'égalité ; ce qui formeroit un argument politique contre la polygamie.

REGISTRE mortuaire, (Police) les registres mortuaires font voir manifestement quelle est la diminution ou l'augmentation des habitans d'un pays, ou d'une ville ; & l'on peut aussi conclure de ces mêmes registres, quel est le nombre de ceux qui y existent encore : car dans les villes très-grandes & très-peuplées, on remarque que de 25 ou 26 personnes en vie, il en meurt une ; dans celles qui le sont moins, comme Berlin, Breslaw, Copenhague, &c. la proportion est de 29 ou 30 ; mais à la campagne elle est d'environ 40 : aussi y a-t-il des gens qui prétendent que dans les villages & les bourgs des pays où les habitans jouissent d'un nécessaire aisé, comme en Angleterre & en Suisse, il n'en meurt qu'un par an sur 35 à 40 personnes, tandis qu'à Londres & à Paris, c'est environ un sur 20. (D.J.)

REGISTRE, droit de, (Jurisprud.) c'est un droit qui est dû au seigneur pour être ensaisiné de l'héritage cottier. Il est ainsi appellé dans la coutume de Vimeu. Dans le style de Liege il est appellé droit de registration. Voyez le glossaire de M. de Lauriere, au mot Registre. (A)

REGISTRE SEXTE, (terme de Finances) c'est un registre des fermiers, contenant les noms, qualités & emplois des habitans des paroisses, les sommes auxquelles ils sont imposés à la taille, & la quantité de sel qu'ils ont levé au grenier. L'ordonnance des gabelles fait souvent mention de ce registre sexté ; mais il vaudroit bien mieux qu'elle n'en eût point parlé.

REGISTRE, (Comm.) grand livre de papier blanc, ordinairement couvert de parchemin, & à dos ou quarré ou long, qui sert à enregistrer des actes, délibérations, arrêts, sentences, déclarations ; & parmi les marchands, négocians, banquiers, manufacturiers, &c. à écrire les affaires de leur négoce. Les six corps des marchands & toutes les communautés des arts & métiers de la ville & fauxbourgs de Paris, ont des registres paraphés par les officiers de police, ou par le procureur du roi du châtelet, pour y écrire & enregistrer non-seulement leurs délibérations, mais encore les élections de leurs maîtres, gardes, syndics, jurés, ou autres officiers & administrateurs de leurs confrairies, les obligés des apprentis, les receptions à la maîtrise, enfin tout ce qui concerne la police de ces corps & communautés.

Les inspecteurs des manufactures, les gardes des halles & magasins, les receveurs, contrôleurs, visiteurs & autres commis des douannes, bureaux des fermes & recettes des deniers royaux aux entrées & sorties du royaume, se servent aussi de registres pour y écrire journellement, les uns le payement des droits, les autres la réception des marchandises dans leurs dépôts ; ceux-ci le nombre & la qualité des étoffes auxquelles ils apposent les plombs ; ceux-là la visite des balles, ballots, caisses, &c. qui passent par leurs bureaux, les acquits à caution & autres tels actes qu'on leur présente, ou qu'ils délivrent aux marchands & voituriers.

Tous ces registres doivent être aussi paraphés, mais diversement ; ceux des inspecteurs des manufactures par les intendans des provinces, à la reserve des registres de l'inspecteur de la douanne de Paris, qui doivent l'être par le lieutenant général de police. Ceux des commis des fermes générales, des aides & gabelles, par les fermiers généraux de ces droits, chacun suivant le département qui leur est donné par le contrôleur général des finances. Diction. du Comm. & de Trévoux.

REGISTRE, (Commerce) on appelle dans les Indes occidentales de la domination espagnole, navire de registre, ceux à qui le roi d'Espagne ou le conseil des Indes accorde la permission d'aller trafiquer dans les ports de l'Amérique. Voyez COMMERCE.

Ils sont ainsi nommés à cause que cette permission doit être enregistrée avant qu'ils mettent à la voile du port de Cadix, où se font le plus ordinairement les chargemens pour Buenos-Ayres & autres ports.

Ces navires ne doivent être que du port de trois cent tonneaux, & les permissions le portent ainsi ; mais l'intelligence des maîtres à qui ils appartiennent avec les officiers du conseil des Indes résidens en Europe, & les présens considérables qu'ils font à ceux de l'Amérique, & aux gouverneurs des ports où ils arrivent, sont cause que ces réglemens ne sont point observés, & qu'il passe souvent en Amérique des navires de cinq cent cinquante, & même de six cent cinquante tonneaux.

Les permissions coûtent jusqu'à 30000 piastres chacune ; mais elles en coûteroient 100000 que les marchands qui frettent ces vaisseaux ne trouveroient encore que trop leur compte, & que le roi d'Espagne n'auroit jamais le sien : car quoiqu'on spécifie toujours dans les permissions la qualité & la quantité des marchandises dont la cargaison des vaisseaux est composée, cependant les présens que les propriétaires & les armateurs font aux gouverneurs & aux officiers qui résident en Espagne & en Amérique, font qu'ils débarquent bien au-delà de ce qui leur est permis. On a des mémoires certains & de bonne main, qu'il y a eu souvent des navires de registre dont le certificat ne portoit que 12000 cuirs & seulement 100000 piastres, qui avoient à bord trois ou quatre millions en or & en argent, vingt-six mille cuirs & plus, & ainsi du reste ; ensorte que le quint du roi d'Espagne & ses autres droits n'alloient presqu'à rien, en comparaison de ce à quoi ils eussent dû monter.

Outre ces gains indirects du marchand, les profits qu'il fait sur les marchandises d'Europe sont immenses, & l'on a vu en 1703 & en 1705 tel de ces navires de registre vendre celles qu'il avoit apportées l'une portant l'autre, à plus de trois cent pour cent de profit ; ensorte qu'un chapeau se vendoit 18 piastres, l'aune de drap commun 12 piastres, &c.

L'on peut mettre au nombre des navires de registre à qui il est permis de faire le commerce des Indes espagnoles, un navire de cinq cent tonneaux que le roi d'Espagne permet à la compagnie du sud d'Angleterre, d'envoyer tous les ans aux foires qui se tiennent à Porto-belo, à Carthagene, & aux autres villes maritimes de l'Amérique. Voyez ASSIENTO. Dict. du Comm. & de Trévoux.

REGISTRES, (Chymie) on nomme registres, des ouvertures pratiquées dans les fourneaux des Chymistes, à l'aide desquelles ils augmentent leur feu lorsque ces registres sont ouverts ; il diminue au contraire en fermant les registres. (D.J.)

REGISTRE, piece de moule servant à fondre les caracteres d'Imprimerie ; les registres sont pour recevoir la matrice au bout du moule, & la retenir dans la position juste qu'il y faut. Ces registres sont mobiles, on les pousse & retire, jusqu'à ce que la matrice soit dans la place où on la veut pour former la lettre dans une bonne approche. Voyez MOULE, MATRICE, APPROCHE.

REGISTRE, (Imprimerie) une impression en registre est celle dont les pages viennent précisément les unes sous les autres : ce qui se fait par le moyen des pointes que l'on remue à volonté, & des coins qui arrêtent la forme sur le marbre de la presse. Voyez POINTES, COINS, FORMES & RETIRATION.

REGISTRE DE CLAVESSIN, les registres de Clavessin sont des regles de bois, percées d'autant de trous, qu'il y a de touches au clavier, ces trous sont plus longs que larges pour s'accommoder à la grosseur des sautereaux ; ils sont évasés par-dessous. Voyez les figures du clavessin, Pl. de Lutherie.

Le registre est quelquefois couvert par-dessus de peau de mouton, ce qui est toujours ainsi aux épinettes, auxquelles la table sert de registre, c'est-à-dire qu'elle est percée comme un registre. Pour percer les trous dans la peau, on se sert des emporte-pieces décrits à l'article EMPORTE-PIECE, sur lesquels on frappe comme sur les poinçons à découper. Voyez DECOUPEUR.

Les registres sont autant en nombre que de cordes sur une seule touche ; ainsi il y a des clavessins à deux, trois, quatre registres qui sont tous placés à côté les uns des autres, entre le sommier & la table de l'instrument. Voyez CLAVESSIN.

REGISTRES MOBILES dans l'orgue ou simplement registres, ainsi nommés de regere, gouverner, parce qu'en effet, ils gouvernent le vent qui anime l'orgue, sont des regles M N, fig. 10. & 11. Pl. d'orgue, de bois de feuillet très-sec ; ces regles doivent occuper toute la largeur que laissent entr'eux les registres dormans, entre deux desquels elles doivent couler facilement ; on colle sous le registre de la peau de mouton par le côté glabre ; le duvet doit être tourné du côté de la table du sommier sur laquelle le registre doit poser. Les Facteurs de Flandre ordinairement ne mettent point de peau sous les registres, mais ils dressent si bien la table du sommier & le registre, que l'air ne sauroit trouver entre deux aucun passage, cependant la méthode de les garnir de peau est préférable ; car pour peu que le bois travaille & se gauchisse, le vent s'introduit d'une gravure dans une autre, ce qui produit des cornemens insupportables.

Après que les registres sont placés entre les registres dormans, on les égalise de hauteur ; on met les épaulemens NO, MO, qui sont des morceaux de bois aussi larges que le registre que l'on colle à ses extrémités, qui doivent excéder d'un demi-pié la largeur du sommier de chaque côté.

Ces épaulemens qui servent à limiter la marche du registre doivent laisser entr'eux une longueur O O, égale à toute la longueur du sommier A B & à la moitié de la distance qui se trouve entre les milieux de deux gravures contiguës ; les registres doivent être percés d'autant de trous a b c d e f, fig. 11. qu'il y a de gravures au sommier ; ces trous que l'on perce en même tems que ceux de la table & de la chape, doivent répondre vis-à-vis de ceux-ci, lorsqu'un des épaulemens touche contre la table du sommier, comme en M, fig. 10, & lorsque l'autre épaulement O touche la table par l'autre bout, & que l'épaulement m en est éloigné ; les intervalles de ces mêmes trous doivent répondre vis-à-vis les trous de la table & de la chape du sommier, ce qui empêche la communication entre les tuyaux posés sur la chape audessus du registre ; & le vent dont la gravure est remplie, ce qui empêche ces tuyaux de parler. Voyez l'article SOMMIER du grand orgue.

REGISTRES DORMANS, ce sont des regles H H, fig. 7. Pl. d'orgue, collées & clouées sur la table du sommier, entre lesquelles les registres mobiles se meuvent ; ces regles doivent croiser à angle droit les gravures qui sont au-dessous de la table du sommier, sur le dessus de laquelle elles sont collées & clouées. Voyez l'article SOMMIER du grand orgue.


REGISTRERv. act. (Gram.) écrire quelque chose dans un registre. Voyez REGISTRE. On se sert plus ordinairement & mieux du mot enregistrer. Voyez ENREGISTRER.


REGIUM(Géog. anc.) ville de la Rhétie, selon l'itinéraire d'Antonin, qui la marque entre Augusta & Abusina, à 24 milles de la premiere, & à 20 milles de la seconde ; au lieu de Regium quelques manuscrits portent Reginum. (D.J.)


REGLERÉGLEMENT, (Gram. synon.) la regle regarde proprement les choses qu'on doit faire ; & le réglement, la maniere dont on les doit faire. Il entre dans l'idée de l'une quelque chose qui tient plus du droit naturel ; & dans l'idée de l'autre, quelque chose qui tient plus du droit positif.

L'équité & la charité doivent être le principe & la regle de la conduite des hommes ; elles sont même en droit de déroger à tous les réglemens particuliers.

On se soumet à la regle, on se conforme au réglement. Quoique celle-là soit plus indispensable, elle est néanmoins plus transgressée ; parce qu'on est plus frappé du détail du réglement, que de l'avantage de la regle. Synonymes de l'abbé Girard. (D.J.)

REGLE, MODELE, (Synon.) il y a des endroits où l'on peut employer également ces deux mots ; par exemple, on peut dire, la vie de Notre-Seigneur est la regle ou le modele des Chrétiens : mais il y a aussi d'autres endroits où un de ces deux mots ne viendroit pas bien ; par exemple, les conseils des sages nous servent de regle pour notre conduite : on ne diroit pas, nous servent de modele ; car il n'y a proprement que les actions, ou la personne, qui servent de modele. Ainsi on ne peut pas dire après un bon écrivain ; il se proposoit pour modele cette excellente parole de S. Bernard ; il falloit dire, il se proposoit pour regle. (D.J.)

REGLE, s. f. (Géom.) un instrument fort simple, ordinairement fait de bois fort dur, & qui est mince, étroit, & droit ; on s'en sert pour tirer des lignes droites. Voyez LIGNE.

La regle est l'instrument le plus en usage dans tous les Arts méchaniques ; pour s'assurer si elle est juste ou non, on tire d'abord, par le moyen de la regle, une ligne droite sur le papier ; ensuite, on renverse la regle de maniere que le bout qui étoit à droite, tombe à gauche, & réciproquement, & on tire de nouveau une ligne droite le long de la regle ; si cette nouvelle ligne droite se confond exactement avec la premiere, la regle est bonne.

La régle des Tailleurs de pierre est ordinairement longue de 4 piés, & divisée en piés & en pouces.

La regle des mâçons est longue de 12 ou 15 piés ; on l'applique au-dessous du niveau, pour dresser ou pour bien aligner les rangs de pierres, dont on se sert dans la construction des bâtimens, pour rendre les piés droits égaux, &c.

Maniere de vérifier les regles ; pour vérifier une régle il faut construire la machine représentée dans nos Pl. qui est composée d'une croix A B, E F, de fer ou de cuivre : à l'extrêmité A de cette croix, on ajustera deux oreilles de même matiere, percées chacune d'un trou rond pour recevoir les tourillons t u de la boîte du télescope, lesquels doivent entrer juste dans ces trous ; à l'autre extrêmité B sont deux pareilles oreilles, mais qui ne sont point percées ; ces deux oreilles sont jointes ensemble par le haut par une traverse dans laquelle entre une vis C ; aux deux extrêmités de la traverse E F, sont des charnieres ou des anneaux auxquels sont accrochés les targettes E D, F D. Au point où ces deux barres se réunissent est attachée une lentille ou sphere pesante, qui sert à tenir toute la machine en équilibre, sur les couteaux parfaitement polis a e qui sont attachés avec des vis audessous de la longue barre A B ; il y a encore un ressort m fixé en m, par une vis dont la pointe entre dans le chassis C B, & répond directement au-dessous de la vis. Cette partie de la machine ainsi construite, on ajuste dessus le télescope K L, en faisant entrer les tourillons dans les trous des oreilles qui leur sont destinés ; l'autre boîte H du même télescope & qui contient un réticule, comme la fig. 10. représente, doit entrer dans le chassis C D dont on ôte pour cette raison la traverse que l'on remet ensuite ; ensorte que la boîte H appuie par sa face inférieure sur le ressort m, & du côté supérieur contre la vis C avec laquelle on la peut baisser ou élever à son gré.

Pour se servir de cette machine, il faut établir solidement la régle que l'on veut vérifier sur deux tréteaux de bois ou de fer, ou encore mieux sur deux blocs de pierre de taille, & le tout sur une terrasse solide ; comme, par exemple, le terre-plein d'un rampart ou une terrasse de jardin, & diriger la regle posée de champ vers un objet apparent & éloigné de plusieurs lieues, comme par le sommet d'un clocher ; quand la régle sera en place, on montera dessus la machine garnie de son télescope, & regardant dedans, on fera tomber la croisée des files du reticule, au moyen de la vis C, qui sert à hausser ou baisser cette extrêmité de la lunette sur un point notable de l'objet ; comme, par exemple, la tête du coq qui est au sommet d'un clocher & qui paroît renversée dans la figure X ; ensorte que le fil horisontal rase exactement le haut de la tête ou tel autre point de l'objet qu'on voudra choisir, auquel il est bon que le ciel serve de fond ; la machine en cet état, on attachera une ficelle dans un trou qui est à l'extrêmité A de la longue barre du bastis A B, E F ; cette ficelle passera sur la poulie r du chevalet Q, scellé dans la même direction ; la ficelle après avoir passé sur la poulie s'enroulera sur l'arbre d'une roue dentée, qui est menée par un pignon, dont l'axe est armé d'une manivelle qu'une personne doit tourner.

Présentement, si la machine est tellement placée sur la regle, que le couteau non-tranchant, mais très-poli e soit près de l'extrêmité B de la régle, au point reconnoissable d'un objet éloigné sous le fil horisontal de la lunette ; si alors quelqu'un tourne la manivelle p, il tirera par le moyen de la ficelle tout le train de la machine le long de la regle ; pendant ce tems, l'observateur qui s'approche à mesure que la lunette s'éloigne de lui, doit observer si le fil horisontal couvre toujours le même point de l'objet ; si cela arrive, on est assuré d'avoir une regle parfaite.

Si au contraire, l'objet paroît monter dans la lunette, on est sûr que le couteau a est tombé dans quelque creux y, au lieu de suivre la direction z u parallele à la ligne d x, qui va du centre du réticule à l'objet. Si l'objet paroît baisser, on est sûr que le couteau a est monté sur une bosse ; connoissant ainsi les points hauts & bas de la regle, il est facile d'y apporter remede, en réduisant tous les points de la regle au niveau des plus bas observés.

Par cette méthode ingénieuse, & qui demande une certaine sagacité pour être appliquée comme il faut, la plus petite différence devient sensible ; car sans parler de l'amplification que les verres du télescope peuvent apporter, les variations observées seront toujours multiples de celles du couteau a, comme la ligne d x, l'est de e a, à cause des triangles semblables. (D)

REGLE, signifie aussi une méthode ou un précepte, qu'on doit observer dans un art ou dans une science. Voyez METHODE, &c. ainsi on dit les regles de la Grammaire, de la Logique, &c. Voyez GRAMMAIRE, LOGIQUE, &c.

Les philosophes de l'école distinguent deux sortes de regles, savoir 1°. des regles de théorie qui se rapportent à l'entendement, & dont on fait usage dans la recherche de la vérité. Voyez ENTENDEMENT. 2°. Des regles de pratique, ou regles pour agir, qui se rapportent à la volonté, & servent à la diriger vers ce qui est bon & juste. Voyez BIEN.

Il y a deux sortes d'arts dans lesquels on enseigne ces deux sortes de regles, & la maniere de les appliquer ; savoir la Logique & la Morale. Voyez LOGIQUE, MORALE.

Les auteurs sont fort divisés sur les égards que l'on doit avoir pour les regles de Poésie que nous ont laissées les anciens, comme Aristote, Horace, Longin, & qui ont été admises par quelques critiques modernes, entr'autres par le P. Bossu. Les uns soutiennent que ces regles doivent être inviolablement observées ; d'autres prétendent qu'il est permis quelquefois de s'en écarter ; les regles, disent ces derniers, sont des entraves qui ne servent souvent qu'à embarrasser les génies, & qui ne doivent être religieusement observées que par ceux qui n'ont rien de mieux à faire que de les suivre. Voyez POESIE.

Les pieces de théâtre ont leurs regles particulieres, comme la regle de 24 heures, la regle des trois unités, de tems, d'action & de lieu. Voyez TRAGEDIE, COMEDIE, DRAMATIQUE, &c.

Si c'étoit vrai, dit Moliere, que les ouvrages de théâtre composés suivant les regles, ne plussent point, & qu'au contraire, ceux qui seroient contraires aux regles plussent, il faudroit entierement abandonner les regles. Pour moi, ajoute-t-il, quand un ouvrage me plait & me divertit, je ne m'avise point d'examiner si j'ai eu tort d'avoir du plaisir, ni si les regles d'Aristote me défendent de rire. Voyez LOI.

REGLE, signifie dans l'Arithmétique, une opération que l'on fait sur des nombres donnés pour trouver des sommes ou des nombres inconnus ; & par le moyen de laquelle on a abregé les calculs dans le Commerce, dans l'Astronomie, &c.

Chaque regle d'Aritméthique a son nom particulier, qui répond à l'usage auquel la regle est destinée. Les quatre premieres regles qui servent de fondement à toutes les autres, sont nommées addition, soustraction, multiplication & division. Voyez chacune de ces regles à son article, ADDITION, SOUSTRACTION, &c.

De ces quatre regles naissent plusieurs autres ; savoir la regle de trois ou de proportion, qu'on appelle aussi regle d'or, & qu'on distingue en directe & inverse, en simple & en composée ; la regle de cinq ; la regle de compagnie, simple & composée ; la regle d'alliage de quelque espece que ce soit ; la regle de change ; la regle de fausse position, simple & double. Il faut ajouter à ces regles, l'approximation, les combinaisons, l'extraction des racines, la regle d'escompte, la réduction, &c. Voyez ces mots, &c.

La regle de trois, ou de proportion, communément appellée regle d'or, est une regle par laquelle on cherche un nombre qui soit en proportion avec trois nombres donnés. Voyez PROPORTION.

On demande, par exemple, si trois degrés de l'équateur font 70 lieues, combien de lieues feront 360 degrés ? c'est-à-dire combien la circonférence de la terra aura-t-elle de lieues ?

Voici la regle : multipliez le second terme 70 par le troisieme 360, & divisez le produit 25200 par le premier terme 3, le quotient 8400 est le quatrieme terme qu'on cherche.

Cette regle est d'un usage fort étendu tant dans la vie civile que dans les sciences ; mais elle n'a lieu que quand on reconnoît la proportion des nombres donnés. Supposons par exemple, qu'un grand vaisseau plein d'eau se vuide par une petite ouverture, de maniere qu'il s'en écoule trois piés cubes d'eau en deux minutes, & qu'on demande en combien de tems il s'en écouleroit cent piés cubes ; il y a à la vérité dans cette question, trois termes donnés, & un quatrieme qu'on cherche ; mais l'expérience fait voir évidemment que l'eau s'écoule plus vîte au commencement qu'elle ne fait par la suite ; d'où il résulte que la quantité d'eau qui s'écoule, n'est pas proportionnelle au tems, & que par conséquent la question présente ne sauroit être résolue par une simple regle de trois.

Toutes les choses qui sont l'objet du commerce sont proportionnelles à leur prix ; le double de marchandises contre le double d'argent : ainsi le prix d'une certaine quantité de marchandises étant donné, on trouvera par une regle de trois, le prix d'une autre quantité donnée de marchandises de la même espece. Par exemple, si 3 livres pesant coutent 17 s. combien couteront 30 livres ? Dites : 3 liv. est à 30 liv. comme 17 s. prix du premier terme, est au prix cherché du second : écrivez donc ainsi les trois termes,

On peut faire aussi la question suivante : si 3 liv. pesant sont achetées 17 s. combien aura-t-on de livres pesant pour 170 s. Dites, 17 s. est à 170 s. comme 3 liv. pesant est au nombre qu'on cherche :

Si les termes donnés sont hétérogenes, c'est-à-dire s'il s'y rencontre des fractions, il faut réduire alors ces nombres à l'homogénéite, ou à la même dénomination ; savoir les livres en sols, les sols en deniers, &c. les heures en minutes, &c. Voyez REDUCTION.

Exemple : si 3 livres 4 onces coutent 2 s. 4 d. que doivent couter 4 livres ? Voici l'opération :

d'où l'on tire 52one.. 32one. : : 28. x ainsi l'on a

C'est-à-dire qu'il faut réduire les livres en onces, & les sols en deniers, & résoudre ensuite la question proposée par la regle de trois commune.

Dans plusieurs des questions de commerce qui peuvent se résoudre par la regle de trois, il y a souvent des méthodes abregées par lesquelles on en vient à bout plus facilement que par la regle même. Ces méthodes ou regles particulieres sont appellées pratiques, parce qu'au moyen de ces regles, on expédie plus promtement l'opération qu'on se propose.

La regle de trois inverse est celle où l'ordre naturel des termes est renversé. Par exemple, si 100 hommes bâtissent une maison en deux ans ; on demande en combien de tems 200 hommes bâtiront la même maison ; la regle consiste à multiplier le premier terme 100 par le second 2, & diviser le produit par le troisieme terme 200, le quotient 1 est le nombre d'années qu'on cherche.

La regle de cinq, ou regle de trois composée, est celle où il faut faire deux regles de trois pour parvenir à la solution. Par exemple, si 300 en deux ans produisent 3 d'intérêt, combien 1000 en produiront-ils en douze ans.

Il faut d'abord trouver par une regle de trois quel intérêt 1000 produiront en deux ans, ensuite trouver par une seconde regle quel intérêt la même somme produira en douze ans.

Cette regle est regardée par les auteurs d'Arithmétique, comme une regle particuliere, mais sans nécessité ; car la meilleure maniere de la résoudre, est d'employer une double regle de trois, comme nous venons de dire, & comme on le voit dans l'exemple suivant. Exemple, 300 x 2. 30 : : 1000 x 12. x, faisant donc = 600 ; il est clair que 600 est l'intérêt cherché ; où vous voyez que pour résoudre ces sortes de questions, on peut ne faire qu'une seule regle de trois ; car 300 produisent le même intérêt en deux ans, que deux fois 300 en un an ; & douze fois 1000 l. produisent le même intérêt en un an, que 1000 en douze ans. Par conséquent mettant à part la circonstance du tems, dites si deux fois 300, c'est-à-dire 600, donnent 36 d'intérêt en un an, combien produiront d'intérêt en un an, douze fois 1000, c'est-à-dire 12000.

REGLE CENTRALE, voyez CENTRALE.

REGLE, pris dans le sens que les moines lui donnent, signifie un recueil de lois & de constitutions, suivant lesquelles les religieux d'une maison sont obligés de se conduire, & qu'ils font voeu d'observer en entrant dans l'ordre. Voyez RELIGIEUX, MONASTERE, VOEU, &c.

Toutes les regles monastiques ont besoin d'être approuvées par le pape pour être valides. La regle de S. Benoît est appellée par quelques auteurs, la sainte regle. Voyez BENEDICTIN.

Les regles de S. Bruno & de S. François sont les plus austeres de toutes. Voyez CHARTREUX. Quand un religieux ne peut soutenir l'austérité de la regle, il demande à ses supérieurs de l'en dispenser. Chambers.

REGLE de l'octave, en Musique ; est une formule harmonique publiée la premiere fois par M. de Laire, en l'année 1700, laquelle détermine l'accord convenable à chaque degré du ton sur la succession de la basse, tant en mode majeur qu'en mode mineur, & tant en montant qu'en descendant, sur-tout par marche diatonique.

On trouvera dans nos Pl. de Musique cette formule chiffrée sur l'octave du mode majeur, & sur celle du mode mineur.

Pourvû que le ton soit bien déterminé, on ne se trompera pas en accompagnant selon cette regle, tant que l'auteur sera resté dans l'harmonie simple & naturelle que comporte le mode. S'il sort de cette simplicité par des accords, par supposition ou d'autres licences, c'est à lui d'en avertir par des chiffres convenables ; ce qu'il doit faire aussi à chaque changement de ton ; mais tout ce qui n'est point chiffré doit s'accompagner selon la regle de l'octave, cette regle doit s'étudier sur la basse fondamentale, pour en bien comprendre le sens.

J'ai cependant peine à pardonner qu'une formule destinée à la pratique des regles élémentaires de l'harmonie contienne une faute contre ces mêmes regles ; c'est apprendre de bonne heure aux commençans à enfreindre les lois qu'on leur prescrit. Cette faute est dans l'accompagnement de la sixieme note en montant, dont l'accord, ainsi qu'il est chiffré, peche contre les regles ; car il ne s'y trouve aucune liaison, & la basse fondamentale descend d'un accord parfait diatoniquement sur un autre accord parfait ; licence trop grande pour faire regle.

On pourroit faire qu'il y eût liaison en ajoutant une septieme à l'accord parfait de la dominante qui précede ; mais alors cette septieme ne seroit point sauvée ; & la basse fondamentale descendant diatoniquement sur un accord parfait après cet accord de septieme, feroit une marche entierement intolérable.

On pourroit encore donner à cette sixieme note, l'accord de petite sixte, dont la quarte feroit liaison ; mais ce seroit fondamentalement un accord de septieme avec tierce mineure, où la dissonance ne seroit pas préparée ; ce qui est encore contre toutes les regles.

Enfin on pourroit chiffrer sixte quarte sur cette sixieme note ; ce seroit alors l'accord parfait de la seconde ; mais je doute que les musiciens approuvassent un renversement aussi mal entendu que celui-là, si peu autorisé par l'oreille, & sur un accord qui éloigne trop l'idée de la modulation principale.

Je tiens donc pour une chose certaine, que l'accord de sixte, dont on accompagne la sixieme note du ton en montant, est une faute qu'on doit corriger, & que pour accompagner régulierement cette note, comme il convient dans une formule, il n'y a qu'un seul accord à lui donner, qui est celui de septieme ; non une septieme fondamentale, qui ne pouvant se sauver que d'une autre septieme, seroit une faute dans cet endroit ; mais une septieme renversée d'un accord de sixte ajouté sur la tonique. Je souhaite que les gens de l'art trouvent cette correction juste ; je suis sûr du-moins qu'ils n'y trouveront pas de faute ; mais que fait cela aux importans du siecle, qui se disent au-dessus des regles ? (S)

REGLE, (Jurisprudence) signifie en général ce que l'on doit observer, soit dans ses moeurs & dans sa conduite, soit dans ses dispositions & dans la forme des actes que l'on passe.

Il y a plusieurs sortes de regles, ainsi qu'on va l'expliquer dans les articles suivans. (A)

REGLES de chancellerie, ou de la chancellerie romaine, sont les réglemens, style & ordre que les papes ont établis pour être observés en la disposition des bénéfices ecclésiastiques, & l'expédition des provisions, & au jugement des procès en matiere bénéficiale.

Jean XXII. est à ce que l'on prétend, le premier qui ait fait de ces réglemens.

Ses successeurs en ont ajouté de nouveaux.

Chaque pape après son couronnement, renouvelle celles de ces regles qu'il juge à propos de conserver, ou les étend & restraint suivant les circonstances & les inconvéniens que l'on a reconnus dans celles de ses prédécesseurs.

En général elles ne durent que pendant le pontificat du pape qui en est l'auteur, à l'exception de celles qui sont reçues dans le royaume, lesquelles subsistent toujours, étant devenues par leur vérification, une loi perpétuelle du royaume.

Comme ces regles sont établies pour l'ordre d'une chancellerie, dont la France ne reconnoît point l'autorité, si ce n'est pour y obtenir certaines provisions bénéficiales, dispenses, & dans quelques autres matieres semblables, lesquelles sont ensuite traitées devant les juges du royaume ; elles n'y ont point lieu, à moins qu'elles n'aient été vérifiées au parlement, lequel ne les reçoit qu'autant qu'elles se trouvent conformes aux libertés de l'église gallicane, & comme dit Dumolin, elles ne sont reçues en France que comme un remede politique contre les fraudes, de sorte qu'il n'y en a qu'un très-petit nombre qui y soient reçues.

Il n'y en a que trois qui soient expressément reçues : savoir, la regle de infirmis resignantibus, ou de viginti diebus ; celle de publicandis resignationibus, & celle de verosimili notitiâ.

Il y a encore plusieurs autres de ces regles qui sont suivies dans le royaume, non pas comme regles de chancellerie, mais comme des regles d'équité établies par nos ordonnances, ou par la jurisprudence des arrêts, telles sont les regles, de non tollendo alteri jus quaesitum, de annali possessore, de non impetrando beneficia viventium, de idiomate.

Il y a encore les regles de mensibus & alternativâ, celle de triennali possessore, ou de pacificis possessoribus, & celle de vero valore exprimendo, qui sont observées à certains égards en France.

On expliquera ci-après ce qui concerne chacune de ces regles en leur rang.

Voyez la pratique bénéficiaire de Rebuffe, qui a fait un traité de toutes ces regles ; Dumolin, Louet & Vaillant, qui ont fait de savantes notes sur ces regles ; le traité de l'usage & pratique de cour de Rome de Castel. (A)

REGLE CATONIERE, est une regle de droit ainsi appellée du nom de Marc Caton, fils aîné de Caton le censeur, que l'on tient être l'auteur de cette regle. Elle porte que ce qui est nul dans son principe, ne peut pas devenir valable par le laps du tems. Cette décision a été adoptée dans la regle 29, au digeste de regulis juris. Les jurisconsultes se sont beaucoup exercés sur cette regle ; Celsus en fait la critique au digeste de regulâ catonianâ ; on tient communément qu'elle ne reçoit d'application que dans les dispositions pures & simples, & non dans les dispositions conditionnelles. Voyez Forster, hist. jur. les regles de droit de d'Antoine, & la jurisprud. rom. de M. Terrasson.

REGLE de commissionibus, est une regle de chancellerie romaine, qui veut que les commissions pour le jugement des procès soient données sous certaines formes. Elle n'est point suivie en France. Voyez l'usage & pratique de cour de Rome, de Castel.

REGLE DE DROIT, est une maxime qui explique en peu de mots la jurisprudence qu'il faut suivre dans quelqu'affaire, ce n'est pas de la regle que vient le droit, mais au contraire du droit que vient la regle.

Il y a un très-grand nombre de regles de droit, dont les principales, au nombre de 221, ont été recueillies dans le L. liv. du digeste, tit. 17. de regulis juris.

Il y a aussi un titre des regles du droit canon dans les décrétales & dans le sexte.

Un grand nombre de jurisconsultes & de canonistes ont fait des commentaires sur les regles de droit. (A)

REGLE ECCLESIASTIQUE ou MONASTIQUE, est une maniere de vivre prescrite par un supérieur ecclésiastique à ceux qui l'ont embrassée, telles que la regle de saint Benoît, celle de saint François, & autres. Voyez CHANOINES REGULIERS, NOVICIAT, CHANOINESSES, MOINES, PROFESSION, RELIGIEUX, RELIGIEUSES.

REGLE de idiomate, est une regle de chancellerie romaine, qui déclare nulle toutes provisions données pour une église paroissiale, à moins que le pourvu n'entende la langue du lieu où est située l'église.

REGLE de infirmis resignantibus, ou de viginti diebus, en françois la regle des 20 jours, est une des regles observées en la chancellerie romaine, qui porte si un ecclésiastique résigne son bénéfice étant malade, il faut pour que la résignation soit valable, que le résignant survive 20 jours après qu'elle aura été admise en la cour de Rome ; autrement, & s'il meurt dans les 20 jours, la résignation est nulle, & le bénéfice dont il s'est démis, est censé vaquer par mort, & non par résignation.

Anciennement l'on n'observoit d'autre regle que celle des 20 jours, laquelle ne distinguoit point si le résignant étoit malade ou non, il falloit indistinctement que le résignant survéquît 20 jours : ce fut Boniface VIII. lequel en 1298 fit la regle de infirmis resignantibus, &c.

Cette regle a succédé à celle des vingt jours ; on l'appelle aussi indifféremment regle des vingt jours, quoique ces deux regles ne fussent pas entierement semblables.

Ces deux regles ont été établies successivement pour empêcher l'abus qui se pratiquoit dans les résignations. Ceux qui vouloient assurer leur bénéfice à un parent ou à un ami, sans néanmoins s'en dépouiller dès-lors, résignoient secrettement en sa faveur, & gardoient les provisions, afin que, si le résignataire mouroit avant le résignant, celui-ci n'étant pas encore dépouillé de son bénéfice, le pût donner à un autre parent ; & que si le résignant mouroit le premier, le résignataire fût assuré du bénéfice, & en pût prendre possession aussitôt après le décès du résignant.

Trois conditions sont requises pour que la regle de infirmis resignantibus ait lieu, 1°. que le résignant soit malade, 2°. qu'il décede de cette maladie, 3°. qu'il décede dans les vingt jours.

Elle n'a pas lieu lorsque les médecins & chirurgiens attestent que la maladie dont le résignant étoit atteint lors de la résignation, n'étoit pas mortelle, & qu'il est mort de quelque accident provenu d'ailleurs que de cette maladie : au reste, quand le titulaire résigne étant malade, & qu'il décede dans les vingt jours, on présume qu'il est mort de cette maladie ; c'est au résignataire à prouver le contraire s'il y a lieu.

Les 20 jours se comptent du jour du consens, qui est une petite note que l'on fait à la chancellerie romaine, portant qu'un tel procureur constitué par la procuration à l'effet de résigner, a consenti à la résignation & à l'expédition de la signature de cour de Rome, & que l'original de la procuration est demeuré à la chancellerie ou à la chambre apostolique. Ce consens est daté du jour même de la provision ; mais comme à Rome on donne aux François la date du jour de l'arrivée du courier, on compte aussi les 20 jours depuis cette arrivée.

Il faut que ces 20 jours soient francs, c'est-à-dire, que l'on ne compte ni le jour de l'admission de la résignation, ni celui du décès du résignant.

La regle de infirmis resignantibus n'a pas lieu à l'égard des provisions des collateurs ordinaires, elle a seulement lieu pour celles du pape ; mais il y déroge si facilement, que cela est devenu comme de style dans les résignations en faveur & permutations, & que pour obtenir cette dérogation, on ne va plus à la componende.

Le pape ne peut cependant y déroger au préjudice des cardinaux, mais il y peut déroger au préjudice des indults extraordinaires accordés à des particuliers, quand il y auroit la clause liberè & licitè. Voyez sur cette regle Gomez, Dumoulin, les mém. du clergé, tom. X. (A)

REGLE de mensibus & alternativis, est une regle de chancellerie romaine, suivant laquelle les papes se sont réservé la collation des bénéfices qui vaquent pendant 8 mois de l'année ; savoir, en Janvier, Février, Avril, Mai, Juillet, Août, Octobre & Novembre, ne laissant aux collateurs ordinaires que les mois de Mars, Juin, Septembre & Décembre. La regle de l'alternative est une exception à celle des mois en faveur des évêques résidans en leur diocèse, auxquels les papes ont permis en faveur de la résidance de conférer alternativement & également avec le saint siége, à commencer par le mois de Janvier pour le pape, Février pour les évêques résidans, & ainsi consécutivement : on tient que cette regle fut projettée par quelques cardinaux après le concile de Constance, pour conserver la liberté des collateurs ordinaires, au-moins pendant quelques mois de l'année. Martin V. en fit une loi de chancellerie, & ses successeurs l'adopterent ; ce fut Innocent VIII. qui, en 1484, établit l'alternative pour les évêques en faveur de la résidance.

Cette regle n'a point été reçue en France, si ce n'est dans les provinces de Bretagne, Provence & Roussillon, qui, dans ce tems, n'étoient pas réunies à la couronne. Voyez les lois ecclésiastiques de M. de Hericourt, part. I. ch. xiij. & le mot RESERVE.

REGLE de non impetrando beneficia viventium, est une des regles observées dans la chancellerie romaine, suivant laquelle celui qui obtient du pape des provisions d'un bénéfice du vivant du titulaire, encourt l'indignité & l'inhabilité pour le bénéfice dont il a obtenu les provisions, de quelque maniere que le bénéfice vienne à vaquer dans la suite.

On excepte néanmoins le cas où l'ordinaire confere le bénéfice d'un titulaire décédé malade, & que ses parens ou domestiques ont celé pendant sa derniere maladie : car, si l'ordinaire a fait une sommation de le représenter, & qu'il y ait un procès-verbal de refus, le bénéfice est censé vacant de ce jour-là. Voyez la déclaration du 9 Février 1657, dans Pinson, p. 210.

Cette regle differe de celle de verisimili notitiâ, en ce que celle-ci ne rend pas l'impétrant incapable de jamais posséder le bénéfice ; il n'en est exclu que pour cette fois, au lieu que l'inhabilité prononcée par la regle de non impetrando, est aussi pour les autres vacances qui pourroient arriver dans la suite au même bénéfice.

Pour encourir cette indignité, il suffit d'avoir couru le bénéfice du vivant du titulaire, quand même on ne l'auroit pas obtenu de son vivant.

Pour juger s'il y a eu une course ambitieuse, ce n'est pas l'arrivée du courier à Rome que l'on considere, mais son départ. Voyez le ch. qui in vivorum, extra de concessione praeb. & la glose ; Dumolin. (A)

REGLE de non tollendo alteri jus quaesitum, est une regle de chancellerie romaine, suivant laquelle on ne peut point enlever à quelqu'un le droit qui lui est déja acquis sur un bénéfice ; mais cette regle n'est point particuliere à la chancellerie romaine, c'est une regle générale, & une maxime tirée du droit naturel & commun, reçue également partout ; c'est pourquoi elle est suivie en France. Voyez Papon & les remarques de Noyer sur l'usage & pratique de cour de Rome de Castel.

REGLE de pacificis possessoribus, seu de triennali possessore, est une des regles que l'on suit dans la chancellerie romaine, attribuée par quelques-uns à Innocent VIII. mais qui est en effet de Calixte III. elle est tirée presque mot pour mot du decret de pacificis possessoribus du concile de Basle, & a été reçue parmi nous par la pragmatique sanction, & même par le concordat, & autorisée & suivie dans toutes les cours souveraines du royaume.

L'effet de cette regle est que celui qui a joui paisiblement d'un bénéfice pendant trois ans avec un titre juste ou coloré, ne peut plus être valablement troublé, soit au possessoire ou au pétitoire. Voyez Rebuffe, qui en a fait un ample traité, la glose de la pragmatique, tit. de pacif. possessionibus, les définitions du droit canon de Castel, au mot possession. (A)

REGLE paterna paternis, materna maternis, est une regle que l'on suit en pays coutumier pour l'ordre des successions collatérales qui défere les biens paternels aux parens du côté paternel, & les biens maternels aux parens du côté maternel.

Cette regle a été de tout tems observée dans le royaume ; quelques-uns prétendent même qu'elle est plus ancienne que la monarchie.

Dumoulin sur l'art. 24. de la coutume de Sées, & en son conseil 7. n. 48. dit que c'est une coutume qui est venue des Francs & des Bourguignons, & que par une constitution de l'empereur Charlemagne, elle fut étendue aux Saxons.

Comme elle n'est point conforme aux lois romaines, qui déferent tous les biens du défunt à son plus proche parent, sans distinction de côté & ligne, elle n'a pas été reçue dans les pays de droit écrit.

Mais quoiqu'elle ait été admise dans la plûpart de nos coutumes, elle y a été reçue différemment, & l'on distingue à cet égard trois sortes de coutumes.

La premiere est de celles qu'on appelle coutumes de simple côté, & dans lesquelles l'on suit simplement la regle paterna paternis, materna maternis, c'est-à-dire, que l'on se contente de distinguer le côté paternel du côté maternel, telles que les coutumes de Chartres & de Normandie.

La seconde est celles qu'on appelle soucheres, dans lesquelles le propre appartient au parent le plus proche descendu de l'acquéreur, comme dans la coutume de Mantes.

La troisieme est de celles qu'on appelle coutumes du côté & ligne, dans lesquelles il suffit d'être le plus proche parent du défunt du côté & ligne par lequel le propre lui est échu sans qu'il soit nécessaire d'être descendu de l'acquéreur, telles sont la coutume de Paris, & la plûpart des autres coutumes. Voyez Bacquet, Brodeau, Renusson, le Prestre, &c. & les mots COUTUMES, PROPRE, SUCCESSION. (A)

REGLE de publicandis, on sous-entend resignantibus, est une des regles de la chancellerie romaine, laquelle veut que le résignataire pourvu en cour de Rome publie sa résignation dans six mois, & prenne possession du bénéfice dans le même tems, & que si ce tems passé, le résignant meurt en possession du bénéfice, les provisions du résignataire soient nulles.

Cette même regle veut aussi, que si la résignation est admise par l'ordinaire ou par le légat, la publication se fasse dans un mois, & que dans ce même mois le résignataire prenne possession, à peine de nullité de provisions, en cas que le résignant meure en possession après le mois ; ce qui a été ainsi établi à l'égard des résignations pures & simples, afin que l'on connoisse quel est le véritable possesseur du bénéfice, & pour empêcher le légat & les ordinaires de suivre l'intention du résignant, qui est souvent de perpétuer le bénéfice dans sa famille.

La regle de publicandis fut enregistrée au parlement en 1493 ; il y a eu depuis cinq additions à cette regle, mais elles n'ont pas été reçues en France ; cependant, celle de Pie V. qui explique que le mot obitus doit s'entendre de la mort civile, aussi-bien que de la mort naturelle, est suivie en France en certains cas, comme dans le cas du mariage, de la profession religieuse & autres, où il y a vacance de droit & de fait.

On ne publie plus les résignations dans les marchés & places publiques, comme le prescrivoit l'édit de 1550 ; il suffit pour les cures, prieurés, chapelles, &c. de prendre possession publiquement un jour de fête ou de dimanche, à l'issue de la messe paroissiale, ou de vêpres, en présence du peuple ; & que le notaire fasse signer l'acte par quelques-uns des principaux habitans.

Le tems accordé pour faire cette publication court du jour de l'admission de la résignation, à moins qu'il n'y ait quelque empêchement légitime.

Les bénéfices consistoriaux ne sont pas sujets à cette regle, attendu qu'elle n'en fait pas mention. Voyez Rebuffe, ad reg. de public. (A)

REGLE de subrogandis collitigantibus, est une regle de chancellerie romaine, qui défend de conférer un bénéfice litigieux, & de subroger pendant le procès. Cette regle n'est point reçue en France, notre usage étant de recevoir la subrogation au lieu & place du défunt, & aux collitigans, durant le procès. Voyez les remarques de Noyer, sur l'usage & pratique de cour de Rome, de Castel. (A)

REGLE de triennali possessore, voyez ci-devant REGLE de pacificis possessoribus.

REGLE de verisimili notitiâ obitûs, est encore une regle de chancellerie romaine, qui veut qu'entre le décès du défunt bénéficier & les provisions qui ont été obtenues de son bénéfice, il y ait un tems suffisant pour que cette mort soit venue à la connoissance de l'impétrant, & qu'on ait eu le tems d'aller ou d'envoyer vers les collateurs ; autrement l'impétrant est présumé avoir couru le bénéfice du vivant du dernier titulaire, & cette présomption est si forte qu'elle rend les provisions nulles.

Quoique le decret de Jean XXIII. duquel est tirée cette regle, ne fasse mention que des provisions du saint-siege, cette regle a paru si favorable qu'on l'a étendue aux provisions des ordinaires.

Le tems se compte du jour de la mort, & non pas seulement du jour du bruit public de la mort.

Il n'est pas absolument nécessaire que le genre de vacance, en vertu duquel on a obtenu la provision, soit venu à la connoissance du collateur, il suffit que cela ait pu y venir.

Le pape peut déroger à la regle de verisimili notitiâ, en mettant la clause disjonctive, aut alias quovis modo, etiam per obitum, que l'on insere dans les provisions de cour de Rome sur les résignations. Cette clause est même toujours sous-entendue dans les provisions qui sont pour des François.

La dérogation à cette regle, par le moyen de la clause, sive per obitum, ne se met point dans les provisions expédiées sur résignation en faveur, pour la Bretagne, à cause du partage des mois entre le pape & les ordinaires de cette province ; & aussi parce que cette clause pourroit opérer une prévention contre l'ordinaire, laquelle n'a pas lieu en Bretagne.

Cette regle n'a pas lieu pour les provisions données par le roi, soit en régale, ou autrement. Voyez Gomez, Rebuffe, Dumolin, Selva, Probus, & les mots BENEFICE, PROVISION, SIGNATURE. (A)

REGLE de vero valore exprimendo, est une regle de chancellerie romaine, qui ordonne d'exprimer dans les provisions la véritable valeur des bénéfices, à peine de nullité. On n'exprime en France la véritable valeur que des bénéfices taxés dans les livres de la chambre apostolique ; pour ce qui est des autres, leurs fruits sont également exprimés de la valeur de 24 ducats. (A)

REGLE de viginti diebus, ou des 20 jours. Voyez ci-devant REGLE de infirmis resignantibus.

REGLE, la, (Sculp. antiq.) c'est ainsi qu'on nomme une fameuse statue antique de Policlète, l'un des plus grands sculpteurs de la Grèce. Les regles de l'art étoient si bien observées dans cette statue, qu'on l'appella par excellence la Regle.

Policlète se servit pour cela de plusieurs modeles naturels, & après avoir fini son ouvrage dans la derniere perfection, il fut examiné par les habiles gens avec tant d'exactitude, & admiré avec tant d'éloges, que cette statue fut d'un commun consentement appellée la Regle. Elle servit en effet de regle à tous les Sculpteurs qui suivirent Policlète. (D.J.)

REGLE, outil d'Arquebusier, c'est une regle de bois, plate, épaisse de deux lignes, large de deux pouces, & longue de deux piés. Les Arquebusiers s'en servent à différens usages.

REGLE, terme & outil des Ceinturiers, dont ils se servent pour régler, marquer & conduire leurs ouvrages quand ils les taillent.

Cette regle n'est qu'un morceau de bois plat, uni, long de deux piés, épais d'environ deux ou trois lignes.

REGLES de Charpentier, (Charpent.) elles sont de bois. Ils en ont deux ; l'une qu'ils appellent la grande regle, pour tracer les pieces en longueur ; l'autre qu'ils nomment la petite regle plate, pour les tracer en largeur. Les mortaises, les tenons, &c. se tracent avec les diverses équerres, dont l'une des jambes sert de regle. (D.J.)

REGLE, à tirer des paralleles, (Graveur en Taille douce) cet instrument est composé de deux regles de bois, A B, C D, voyez les Pl. de la Gravure, & les fig. unies ensemble par des traverses de cuivre, A C, B D, attachées avec des chevilles par leurs extrêmités, aux extrêmités des regles. L'usage de cet instrument est de tracer facilement plusieurs lignes paralleles : ce qu'on a occasion de faire souvent dans l'Architecture, & plusieurs parties des paysages. Pour s'en servir, on affermit la regle C D, ensorte qu'elle soit mobile, & l'on pousse l'autre regle A B, vers une de ses extrêmités ; ce qui ne sauroit se faire sans que les traverses A C, B D, deviennent plus inclinées, & par conséquent sans que la regle A B, ne soit approchée de la regle C D.

Mais comme les traverses A C, B D, sont égales, & que les parties A B, C D, interceptées sont aussi égales, il suit que la regle A B, a toujours conservé le parallélisme.

REGLE à mouchette, terme de Maçon, c'est une longue regle de bois, le long de l'un des côtés de laquelle est poussée avec le rabot, une espece de moulure. Elle sert aux maçons à faire des mouchettes, c'est-à-dire, cette espece de quart de rond enfoncé, qui est au-dessous d'une plinthe. Outre cette regle, ces ouvriers en ont plusieurs autres de diverses longueurs & épaisseurs. Celles qui servent à faire les feuillures des portes, des croisées, ont un pouce & demi d'équarrissage ; celles qu'ils employent à prendre leur niveau, sont les plus longues de toutes. Ils ont aussi ce qu'ils appellent un plomb à regle, qui est une ficelle chargée d'un petit plomb par un des bouts, & attachée par l'autre au haut d'une regle, sur laquelle est tracée une ligne perpendiculaire. Savary. (D.J.)

REGLE de Menuisier, (Menuiserie) cette regle s'appelle plus communément un réglet qu'une regle, par ceux qui savent les termes du métier.

REGLE de Serrurier, (Serrurerie) ces sortes de regles sont de fer. Les Serruriers s'en servent pour dresser leurs pieces, soit à chaud, soit à froid.

REGLE de Vitrier, (Vitrerie) outre la regle commune de bois dont les Vitriers se servent pour tracer leurs panneaux, ils en ont encore une petite aussi de bois, qu'ils nomment regle à main, le long de laquelle ils coupent le verre au diamant. Cette regle a deux petits mantonnets, ou seulement une petite piece de bois, de 5 ou 6 pouces de longueur, attachée par-dessus, avec laquelle ils l'appuient d'une main sur la piece de verre, tandis que de l'autre ils conduisent le diamant le long d'un de ses côtés. (D.J.)

REGLES, s. f. (Anat.) dans l'économie animale, la purgation ordinaire & naturelle des femmes. Voy. MENSTRUES.

Les Groenlandoises n'ont point de regles. Dans le nord on est rarement réglé, parce que le froid resserre les solides. Les femmes du Brésil, dont j'ai parlé, que leurs meres sacrifient, cessent d'être localement pléthoriques aux premiers efforts que le sang menstruel fait pour couler ; desorte qu'avant qu'une nouvelle pléthore soit régénérée, les vaisseaux de l'utérus consolidés, peuvent lutter contre l'action du sang. Simson dit fort bien que les regles ne sont pas nécessaires, quand leurs filtres sont plus petits qu'il ne faut.

Les regles en Grèce sont de 20 onces, de 14 à 16 en Espagne, de 8 à 10 en Occitanie, d'environ 6 en Hollande, d'une once en Allemagne, chez les paysannes ; il y a aussi quelque variété pour le tems, comme pour la quantité. Le période du flux menstruel finit en Grèce dans deux ou trois jours, ou quatre tout au plus ; en Occitanie, les mois coulent cinq ou six jours ; en Angleterre, trois jours ; en Hollande, trois ou quatre jours ; la même chose en France ; une semaine entiere, en Allemagne ; mais ce tems varie beaucoup ; & dans la santé le terme des regles est souvent plus court.

Rien de plus précoce pour la fécondité & les regles, que les femmes des pays chauds ; car rarement connoît-on avant que d'être réglé. Il y a des pays où l'on fait des enfans à 10 ans, & même à 8. Mandelshof a vu une fille aux Indes, qui avoit des tétons à deux ans, fut réglée à trois, & accoucha à cinq. En Occitanie le flux menstruel se montre un an plus tôt qu'à Paris : en Hollande, il paroît entre 14 & 16 ans ; sur les hautes montagnes les femmes ont leurs regles plus tard, & elles se suppriment très-facilement ; il y a pourtant de très-précoces fécondités en Europe, comme à 9 ans. L'histoire de l'académie des Sciences de 1708, parle d'une grande fille qui avoit des tétons, & n'avoit que 9 ans. Les filles qui sont réglées à 10 ans, sont très-fortes.

Les femmes pléthoriques sont réglées deux fois par mois, elles perdent une quantité de sang, qui est triple de la mesure d'Allemagne. En Perse, les femmes luxurieuses & sédentaires, ont ce flux deux ou trois fois par mois. Les femmes oisives sont réglées sept & huit jours ; c'est pour la même raison que les hommes qui ne font aucun exercice, sont fort sujets aux hémorrhoïdes. Les visceres chylopoïétiques robustes font beaucoup de sang, dans le repos, ils ne se dissipent point assez, & les vaisseaux foibles & lâches s'ouvrent à la moindre pléthore.

REGLES Maladies des, (Médec.) les principales maladies que souffrent les femmes dans leurs regles, sont d'un côté, le cours immodéré, & de l'autre, la suppression de cette purgation périodique.

Une femme qui n'est pas encore bien formée, évacue moins de sang menstruel, que quand son corps a pris tout son accroissement. La quantité de sang qu'elle perd, augmente ensuite à proportion qu'elle vit d'une maniere plus splendide & plus oisive ; car toute femme qui mene une vie sobre & laborieuse, n'a pas de regles abondantes. En effet, tandis qu'on voit des femmes du monde qui perdent quelquefois dix, douze, quinze onces de sang, & qui n'en sont que plus alertes après cette évacuation proportionnée à leur pléthore, il y a des paysannes qui ne rendent pas deux onces de sang menstruel, & qui connoissent à peine le besoin de cette évacuation.

Les signes de pléthore menstruelle, sont la langueur, la lassitude, les palpitations, la pesanteur, le sentiment alternatif de froid & de chaud, la difficulté de respirer à la suite du moindre mouvement ; 2 °. la douleur causée par l'amas du sang qui se fait sentir autour de la matrice, la grande ardeur dans le voisinage de la région lombaire & vers les hanches, l'enflure du ventre ; 3°. des mouvemens excités dans l'uterus, une fréquente envie de pisser, le ténesme, une agitation dans le bas-ventre ; 4°. un gonflement plus considérable des mamelles par la sympathie de ces parties avec la matrice, & par la même correspondance avec l'estomac, la nausée, le dégoût, l'affection hystérique, les suffocations, les syncopes, les vertiges, le mal de tête, le tintement d'oreille surviennent, un grand nombre de ces symptomes dans une femme d'un âge mûr qui n'est point enceinte, sont les avant coureurs de l'éruption menstruelle, ou même l'accompagnent ; mais assez souvent dans les femmes grosses ils annoncent l'avortement.

Maintenant quiconque examinera 1°. que les corps des femmes sont plus délicats, plus flexibles, plus lâches, plus remplis de suc, que ceux des hommes ; que leurs regles commencent, lorsqu'elles cessent de prendre de l'accroissement, que cet écoulement périodique s'arrête en avançant en âge ; qu'il diminue après des évacuations trop abondantes ; qu'il augmente dans les femmes qui se nourrissent luxurieusement ; qu'il cesse dans celles qui sont enceintes, & dans les nourrices ; 2°. que le bassin osseux qui contient la matrice, est fort ample ; que ce viscere est adhérent à la partie inférieure du corps ; que sa structure est caverneuse ; que les veines n'ont point de valvules ; que ses vaisseaux sont tortueux, découverts ; qu'ils forment grand nombre d'anastomoses ; qu'ils vont se terminer à des voutes susceptibles d'une grande dilatation : quiconque, dis-je, considérera mûrement toutes ces choses, conclura que les corps des femmes sont plus disposés à la pléthore que ceux des hommes, & qu'ils ont besoin de s'en délivrer par un écoulement périodique. Cette abondance de sang qui s'est amassé dans les vaisseaux de la matrice, excite donc l'action particuliere de cette partie à s'en décharger. Mais si le cours de ces regles est immodéré, ou qu'il s'en fasse une suppression, il en résulte deux genres de maladies qui méritent un examen particulier. Parlons d'abord du flux immodéré des regles.

I. Une trop grande quantité de sang menstruel, qu'une femme d'un âge mûr, & qui n'est point enceinte, vient à répandre, soit par la longue durée, soit par la fréquence de la menstruation, s'appelle flux morbifique des regles : mais dans les femmes enceintes, ou dans celles qui ont reçu quelques blessures à l'uterus, cette perte de sang se rapporte à l'hémorrhagie de matrice.

II. La menstruation qui procede de pléthore, & qui arrive au commencement des fievres aiguës, & autres maladies inflammatoires, est salutaire, à moins qu'elle ne dure trop long-tems ; mais dans plusieurs maladies épidémiques, érésipélateuses, putrides, colliquatives, vers la fin de la petite vérole, dans les pétéchies, les aphthes, les maladies bilieuses, le scorbut & autres semblables, le flux immodéré des regles, augmente le mal ; alors il faut recourir aux rafraîchissans légerement astringens, pour l'appaiser.

III. Quand ce flux est excité par des diurétiques âcres, des emménagogues, des remedes abortifs, des aromatiques, des stimulans, des spiritueux, par l'excès des plaisirs de l'amour, ou l'intromission des pessaires dans le vagin, il faut retrancher ces causes, & faire usage des rafraîchissans combinés avec les astringens. Lorsque cet accident vient à la suite de quelque violente passion de l'ame, ou de vapeurs hystériques, il se dissipe par le repos ou par le secours des anodins.

IV. La femme qui a souvent éprouvé un accouchement, ou un avortement laborieux, est sujette à des regles immodérées, parce que les orifices des vaisseaux de l'utérus sont extrêmement dilatés. Il convient dans ce cas d'employer, tant intérieurement qu'extérieurement, les corroborans, en soutenant par artifice le bas-ventre, depuis le pubis jusqu'à l'ombilic, & en desserrant les hypocondres.

V. Tout ce qui reste dans la cavité de la matrice, comme une portion du placenta, une mole, un grumeau, & autres corps semblables qui empêchent la contraction de ce viscere, font couler sans-cesse le sang goutte à goutte, jusqu'à ce qu'on ait retiré ces matieres étrangeres ; mais le déchirement, la contusion, l'ulcere, la rupture, & toute autre lésion de cet organe, d'où résulte une effusion de sang, se rapportent à l'hémorrhagie de la matrice.

VI. Dans le flux immodéré des regles, comme dans toute hémorrhagie, naissent la foiblesse, le frissonnement, la pâleur, la cachexie, la maigreur, la suffocation, la syncope, l'hydropisie, l'oedème, l'enflure des extrêmités, la corruption spontanée, l'irritabilité, le vertige, la fievre hectique, & quelquefois le délire. Il en résulte encore des effets particuliers, qui appartiennent à la matrice & au vagin, comme les fleurs blanches & la stérilité ; enfin par sympathie, les mamelles & l'estomac se trouvent attaqués.

VII. Quelle que soit la cause productrice du flux immodéré des regles, il ne convient pas toujours de l'arrêter subitement ; mais il convient plutôt de le diminuer peu-à-peu ; après y avoir réussi, il faut l'abandonner à ses périodes dans les femmes formées qui ne sont point enceintes ni nourrices ; à l'égard de celles qui sont d'un âge avancé, ou qui sont grosses, la trop grande abondance de sang qu'elles perdent, demande l'usage prudent de la saignée.

Comme la suppression des regles est une maladie beaucoup plus compliquée que leur perte immodérée, nous nous y arrêterons davantage. Remarquons d'abord que les regles ne paroissent point ordinairement avant la douzieme année, & après la cinquantieme, non plus que dans les femmes grosses & les nourrices. Si ces dernieres ont cet écoulement périodique, quoiqu'il soit naturel dans un autre tems, il est alors morbifique. On peut connoître aisément par l'âge, & dans les nourrices, que cette évacuation est arrêtée ; mais la chose est bien plus difficile à découvrir dans les femmes grosses. Elles ne sont point sujettes aux symptomes dont on parlera plus bas, ou s'ils paroissent, ils s'évanouissent insensiblement ; quoique la suppression des regles subsiste, les mamelles & le ventre s'enflent ; & enfin les femmes grosses sentent le mouvement du foetus dans la matrice.

La suppression des regles, ainsi que toutes les évacuations naturelles, doit sa naissance à différentes causes qu'il faut chercher avec soin, pour former le prognostic, & établir le traitement.

I. Dans les femmes d'un âge mûr, après leurs couches, à la suite de grandes hémorrhagies, de maladies considérables, les évacuations menstruelles sont retardées d'un ou de deux périodes sans inconvénient : si dans ce tems, on recouroit imprudemment aux emménagogues, la malade payeroit bien cher cette méthode curative déplacée, puisqu'on évacueroit alors un sang qui devroit être conservé.

II. Quand il arrive une évacuation excessive des autres humeurs, par les selles, par les urines, par la peau, par un abcès, un ulcere, une fistule, &c. le défaut de ces mêmes humeurs qui en résulte, diminue, supprime, ou retarde les menstrues. La suppression de cette évacuation a lieu pareillement dans les femmes convalescentes, & dans celles qui ont été long-tems malades, sans qu'il en arrive aucun danger considérable.

III. La cause la plus fréquente de suppression & de retardement des regles est l'épaississement & la viscosité des humeurs, qui est produite par une nourriture humide, glutineuse, incrassante, ou par le ralentissement du mouvement animal. Cet état se connoît par la langueur du pouls, sa foiblesse, la somnolence, la pâleur, la froideur du corps, & d'autres signes semblables. On traitera cette suppression par les résolutifs, les stimulans, les frictions & l'exercice du corps. Ensuite il faut venir aux emménagogues, pour provoquer les menstrues ; les purgatifs résolutifs font aussi des merveilles. Quant à la saignée, elle n'est d'aucune utilité, à moins qu'on ne la regarde comme un remede préparatoire.

IV. Les alimens qu'on a pris, faute d'avoir été suffisamment préparés dans les premieres voies, & dans les organes de la circulation, venant à dégénérer en humeurs crues, comme il arrive dans les cacochymes, les scorbutiques, retardent cet écoulement périodique, qui revient de lui-même, après qu'on a guéri ces maladies. Alors il faut maintenir le ventre libre, & si les regles ne coulent pas, il en faut provoquer l'évacuation par les emménagogues.

V. Les parties solides relâchées poussant le sang vers les vaisseaux de la matrice avec un mouvement vital, trop foible pour les dilater, & en même-tems produisant la viscosité des humeurs, il en arrive une suppression qui demande les corroborans, les stimulans & les utérins.

VI. Les femmes robustes, d'un tempérament sec, exercées par de grands travaux, & accoutumées à une vie dure, sont non-seulement peu réglées, mais même supportent facilement la suppression des regles. Si cependant cet état devient morbifique, il faut leur donner les nitreux laxatifs, & les mettre à l'usage externe & interne des humectans. Les jeunes femmes d'un tempérament délicat, & qui n'ont point eu d'enfans, supportent aussi long-tems, sans beaucoup d'incommodité, la suppression des regles, à moins qu'elles ne soient valétudinaires & attaquées des pâles couleurs. Dans ces cas, il est bon d'attendre que le corps ait pris plus de croissance ; car la provocation prématurée de cette évacuation n'est pas nécessaire.

VII. Celles qui sont hystériques, sujettes à des spasmes dont on ne connoît pas la cause, aux borborygmes, à la douleur des lombes, & celles qui dans le tems de leurs regles sont tourmentées par des symptomes vagues, tombent aisément dans une suppression du flux périodique. Dans quelques-unes, l'écoulement s'arrête, tantôt au commencement, tantôt au milieu de son période ; on tâchera de rappeller l'évacuation susdite supprimée par de légers emménagogues combinés avec les anodins.

VIII. De toutes les causes externes qui produisent la suppression des regles, la plus ordinaire est la coagulation du sang dans les vaisseaux de la matrice, occasionnée par un froid subit, ou quelque violente passion de l'ame, qui empêche le sang de couler dans les vaisseaux utérins ; c'est ici le cas de la saignée, des fomentations, des fumigations, des demi-bains, des humectans & des émolliens ; les femmes qui se trouvent dans ces circonstances, éprouvent des douleurs dans les lombes, des pesanteurs, le gonflement du ventre, une succession de froid & de chaud, des pulsations dans la région lombaire, & des hémorrhagies. Ces symptomes se remarquent aussi dans celles dont la matrice est tuméfiée ou obstruée par une cicatrice, & dans les imperforées.

IX. On seroit trop long, si l'on vouloit rapporter tous les accidens qui accompagnent la suppression des regles. Disons d'abord qu'ils doivent leur naissance à différentes causes : 1°. à l'abondance du sang par tout le corps, ou dans les parties génitales ; 2°. au changement qui arrive dans la nature des humeurs ; 3°. à l'affection même de la matrice. Mais comme de ces causes séparées ou réunies il en résulte plusieurs symptomes, nous suivrons dans leur énumération générale la division du corps humain.

La tête est douloureuse, surtout par-devant & parderriere ; la douleur augmente le soir avec un sentiment de pesanteur & de distension. Si la partie antérieure de la tête est entreprise, les yeux s'enflent : lorsque la partie postérieure de la tête est attaquée, le mal a coutume de s'étendre jusqu'au cou, au dos, aux épaules & aux lombes, & d'être suivi de l'enflure des piés. Dans les parties intérieures de la tête, il résulte quelquefois de la suppression des regles, l'assoupissement, le vertige, le délire, des syncopes, l'obscurité de la vue, &c.

Le cou se trouve d'autres fois attaqué de douleur, la poitrine d'asthme, d'anxiété, de palpitations, de difficulté de respirer, & de toux.

Le bas-ventre éprouve des gonflemens, des coliques, des borborygmes. L'appétit se perd, & la digestion se dérange. Les femmes grosses ont par la même raison des nausées, des vomissemens, la fausse faim, la pesanteur des lombes, & autres accidens qui cessent au troisieme ou au quatrieme mois.

Dans la suppression menstruelle, le ventre est ordinairement resserré, l'urine est épaisse, crue, & coule avec peine ; quelquefois elle est noirâtre & sanguinolente ; mais dans les femmes enceintes attaquées de suppression de regles, elle conserve sa qualité naturelle. Souvent la douleur, la pesanteur, la tension gagne le pubis & les aînes ; quelquefois la matrice devient skirrheuse, dure & cancéreuse. Les jambes & les piés s'enflent souvent ; quelquefois ils sont attaqués de varices ou d'ulceres, avec des douleurs dans les articulations.

Cette rétention de menstrues fait quelquefois tomber le corps dans une enflure oedémateuse ; les malades sont enflées au moindre mouvement qu'elles font, & ressentent alternativement du froid & de la chaleur. Elles éprouvent une fievre lente, leurs humeurs se corrompent, acquierent une acrimonie acide ; & leurs excrémens sont plus visqueux qu'à l'ordinaire ; il leur arrive des palpitations autour du coeur & du cou. Quelquefois les malades deviennent comme barbues, & leur voix devient rauque ; enfin que ne produit point cette suppression menstruelle ? Le sang qui doit sortir, étant retenu par sa trop grande abondance, s'ouvre quelquefois un chemin périodique par des lieux extraordinaires ; alors les ulceres mêmes répandent du sang. Toutes ces évacuations forcées & contraires à la naturelle, laissent toujours une santé imparfaite.

X. Avant que d'entreprendre la guérison du mal, il faut examiner, 1°. si on doit provoquer les regles ; 2°. quelle est la cause de leur suppression pour se conduire en conséquence dans le traitement ; 3°. quelle est l'efficacité des remedes généraux qu'on a coutume d'employer en pareil cas. La saignée dans le commencement d'une suppression de regles qui vient de pléthore ou de cause externe, est bien dirigée quand on la fait au pié, ou lorsque les regles ont été supprimées pendant quelque tems ; mais il faut la faire au bras dans les femmes d'un âge plus avancé, afin que la suppression des regles subsiste sans danger.

Les cathartiques sont utiles, parce qu'ils évacuent en même-tems les mauvaises humeurs des premieres voies, & qu'ils déterminent davantage le mouvement vers la matrice ; mais on doit s'en abstenir dans les femmes enceintes, & dans celles en qui la suppression vient du défaut d'humeurs.

Les anodins font merveille dans la suppression des regles, qui est produite par des convulsions, par l'irritabilité des esprits, & par la passion hystérique.

Les relâchans, les émolliens, les humectans, appliqués sous la forme d'amalgame, de fomentation, de vapeurs, provoquent heureusement les regles qui sont supprimées par une cause externe, ou par un trop grand resserrement.

On voit par ce détail, que les remedes capables de provoquer les regles supprimées, sont de différentes especes. 1°. Ceux qui en ôtant les causes, agissent en tout tems, conviennent nécessairement, excepté aux vieilles femmes & à celles qui sont enceintes. 2°. Les remedes qui généralement peuvent émouvoir & évacuer, quand ils sont sagement administrés. 3°. Tous ceux qui augmentent spécifiquement l'action de la matrice pour la décharger du sang qui l'embarrasse, comme font les purgatifs dans les intestins, ne doivent jamais être mis en usage dans les femmes enceintes, ou lorsque la suppression des regles doit sa naissance au défaut de sang. Dans les autres occasions il les faut employer intérieurement, dans le tems où les regles avoient coutume de couler, ou bien lorsqu'on observe les signes de la menstruation, après avoir fait précéder les résolutifs, les stomachiques, les utérins. Il est nécessaire de commencer par les plus doux de la classe des emménagogues.

Pendant que l'usage des médicamens internes détermine une plus grande quantité d'humeurs vers la matrice, dans les femmes dont il s'agit de rappeller les regles, il est à-propos d'avoir recours aux fumigations, aux fomentations, aux pessaires, pour irriter doucement les parties ; mais il faut se donner de garde de faire usage de remedes trop âcres, de crainte qu'ils ne produisent une inflammation. Enfin les Médecins mettent le mariage au nombre des meilleurs remedes. (D.J.)


RÉGLÉRÉGULIER, (Gramm. Synon.) Réglé & régulier n'ont pas toujours les mêmes usages : l'un & l'autre se dit des personnes & des choses, mais avec des significations bien différentes. On dit un homme réglé dans sa conduite, pour dire un homme qui n'agit point par caprice. On dit dans le même sens un esprit réglé ; on dit aussi des moeurs réglées, pour de bonnes moeurs ; une vie réglée, pour une vie pure & innocente.

Le mot de réglé s'étend à mille choses qui se font dans les formes ; une dispute réglée, c'est une dispute qui se fait à dessein, & non pas par hasard ; un repas réglé, un festin réglé, c'est un repas & un festin de cérémonie ; un commerce réglé, c'est un commerce établi. On dit des heures réglées, c'est-à-dire de certaines heures qui sont toujours les mêmes. On dit encore un geste réglé, &c.

Régulier, outre qu'il se dit au propre, les clercs réguliers, la discipline réguliere, il se dit au figuré d'un ami qui s'acquite exactement de tous les devoirs de l'amitié ; c'est un ami régulier.

Nous disons une femme réguliere, pour dire une honnête femme qui garde toutes les bienséances ; mais il faut remarquer qu'une femme réguliere n'est pas une femme dévote : réguliere dit moins que dévote ; & la plûpart des femmes qu'on appelle régulieres, ne sont que de vertueuses payennes : elles ont beaucoup de modestie, & très-peu de dévotion.

On dit régulier des choses qui sont faites dans les formes, ou selon les regles de l'art ; une procédure réguliere, un bâtiment régulier, un discours régulier, une construction réguliere. Nous disons des traits réguliers, une beauté réguliere, un mouvement régulier, pour un mouvement égal & uniforme. Tous ces exemples font voir que réglé & régulier ne se disent point indifféremment. On dit néanmoins dans le même sens écrire réglèment, ou écrire régulierement toutes les semaines. (D.J.)

REGLE, adj. (Architect.) On dit qu'une piece de trait est réglée quand elle est droite par son profil, comme sont quelquefois les larmiers, arriere-voussures, trompes, &c. (D.J.)


RÉGLEMENTS. m. (Jurisprud.) On comprend sous ce terme tout ce qui est ordonné pour maintenir l'ordre & la regle ; tels sont les ordonnances, édits & déclarations, & les arrêts rendus en forme de réglement ; tels sont aussi les statuts particuliers des corps & communautés laïques ou ecclésiastiques. Voyez les mots ARRET, DECLARATION, EDIT, ENREGISTREMENT, LETTRES PATENTES, LOI, ORDONNANCE.

On entend aussi quelquefois par le terme de réglement, un appointement ou jugement préparatoire qui regle les parties pour la maniere dont elles doivent procéder, notamment les appointemens en droit au conseil, ou de conclusion. (A)


RÉGLERv. act. c'est conformer à la régle. Voyez l'article REGLE. On régle du papier, on régle sa conduite, on régle les fonctions d'un préposé, le prix des denrées, une affaire.

REGLER, faire des réglemens. Voyez REGLEMENT. Ce terme se prend aussi pour servir de regle, comme quand on dit que les statuts d'une communauté réglent les visites des maîtres, jurés & gardes à quatre par an.

On dit que des marchands se font régler, quand ils prennent des amis communs pour décider de leurs différends, & qu'ils seront réglés en justice quand ils portent leurs affaires devant les juges ; enfin qu'ils seront réglés par arbitrage, quand ils conviennent d'arbitres. Voyez ARBITRES.

Régler, en fait de société, signifie liquider les affaires d'une société, compter ensemble, faire le partage des dettes actives & passives, voir ce que chacun doit porter de la perte, ou avoir du gain à-proportion de ce que chaque associé doit fournir à la caisse, & de l'intérêt qu'il a pris au fonds de la société. Voyez SOCIETE.

Régler un compte, c'est l'examiner, l'arrêter, en faire le bilan ou balance. Voyez BILAN & COMPTE. Dictionn. de Comm.

REGLER LE COUP, (Imprimerie) c'est marquer avec de la craie sur le tympan l'endroit où doit poser la platine, afin de donner à-propos le coup de barreau. (D.J.)

REGLER est en Horlogerie ce que mesurer est en Géométrie. Le mouvement se régle, l'étendue se mesure ; mais dans l'un & l'autre cas il faut un objet de comparaison qui serve de point fixe, auquel on rapporte l'objet qu'on veut régler ou mesurer. Ainsi le mouvement du soleil ou d'un astre quelconque dont le mouvement est connu, sera la mesure naturelle pour régler les montres & les pendules. Comme le soleil est l'astre le plus commode à observer, l'on le préférera, son mouvement étant très-sensible sur les cadrans solaires, ainsi que le point lumineux sur les méridiens ; il sera très-facile d'y rapporter le mouvement des montres & des pendules. Il y a eu un tems où il n'auroit pas fallu soupçonner la plus petite erreur dans le mouvement du soleil ; mais depuis qu'on s'est familiarisé avec l'Astronomie, on ne doute plus de ces irrégularités : l'on sait que dans ses révolutions il avance ou retarde de quelques secondes par jour, dont il faut tenir compte ; mais quand ces erreurs sont connues, appréciées, & qu'on en a formé des tables exactement calculées, alors c'est comme si elles n'existoient plus. On peut consulter là-dessus l'ouvrage que l'académie royale des Sciences publie toutes les années sous le titre de connoissance des mouvemens célestes. L'habile académicien qui les calcule, n'épargne aucun soin pour rendre cette matiere nonseulement utile aux Astronomes, mais encore très-intéressante à ceux qui cultivent les Mathématiques & la Physique générale. L'on trouve dans cet ouvrage des tables exactes de tous les mouvemens célestes, tant réguliers qu'irréguliers, & toutes les années on y fait entrer des objets toujours plus intéressans : ce qui rendra un jour la collection de cet ouvrage un bon fonds de sciences physiques & mathématiques.

Puisqu'on a des tables exactes des variations du soleil, l'on s'en servira donc pour régler les montres & les pendules, pourvu qu'on ait le soin d'ajouter ou retrancher les erreurs du soleil exprimées dans la table appellée d'équations, voyez EQUATIONS.

L'on dit quelquefois régler sa montre ou sa pendule, ce qui signifie tout simplement les mettre à l'heure du soleil ; mais régler une montre ou pendule en terme d'horloger proprement dit, c'est faire suivre le moyen mouvement du soleil, ensorte qu'elle n'avance ni retarde en plus grande quantité que les erreurs ou différences exprimées dans la table d'équation ; mais cela est-il bien possible ? & jusqu'où cela peut-il être ? Nous ne compterons pas ce que quelques particuliers nous rapportent de la justesse de leurs montres ou pendules ; la plûpart ignorent ce que c'est que d'être juste, & ne savent pas même ce que l'on doit entendre par bien aller. Ce n'est donc qu'à un horloger qu'on peut faire cette question, savoir jusqu'où l'on peut approcher de régler une bonne montre ou pendule ; question même très-embarrassante : car pour dire qu'une montre va bien, il faut déterminer que le mot bien aller ce n'est pas d'être juste, il n'y en a que par hasard, & conséquemment pendant un tems assez court, mais ce sera celle dont on aura su prendre le terme moyen de ces variations, & pour le prendre il faut le connoître, ce qui ne peut être qu'après une suite de préparations & d'observations.

1°. Il faut démontrer, visiter, examiner scrupuleusement toutes les parties du mouvement ; voir si elles sont dans le cas de bien faire toutes leurs opérations aussi constamment qu'on a droit de l'exiger dans une montre bien faite. En général une montre n'est bien disposée que lorsque la force motrice se transmet d'un mobile sur un autre avec toute son énergie, sans rencontrer sur son passage aucun obstacle qui l'interrompe, l'altere ou la suspende ; de telle sorte qu'on puisse considérer cette force motrice, ou le grand ressort développé, comme un bras de levier qui agit immédiatement sur le régulateur, comme s'il n'y avoit point d'intermédiaire, & que ce régulateur ou le balancier & son spiral soit pris pour l'autre bras de levier qui lui fait faire équilibre : ensorte que les vibrations de celui-ci soient telles, qu'elles ne soient point troublées ni altérées par la force qui les anime (Voy. ARC DE LEVEE), qui reçoit la force motrice, & REGULATEUR, qui la mesure. Si l'on se fait une idée nette de ces deux puissances en équilibre, savoir, d'un côté, la force motrice ou active, & de l'autre, la force réglante ou passive, l'on aura la meilleure idée de la bonté des montres & des pendules ; & ce n'est que dans ce cas & sous ce seul point de vue qu'on peut & qu'on doit s'attendre de les voir marcher constamment & sans aucune variation ; mais si l'équilibre vient à être rompu par la perte ou l'augmentation d'une de ces puissances, il faut alors que la montre ou pendule varie, & cette variation sera en raison composée de la directe de l'une, & de l'inverse de l'autre, & réciproquement où elle pourroit être d'autant moindre, qu'elle tendroit à se compenser l'une par l'autre.

Sans faire ici l'énumération de toutes les causes qui peuvent altérer cet équilibre, ce qui meneroit trop loin, je vais exposer les principales, & montrer de quel côté l'on peut rompre cet équilibre.

1°. La force motrice étant un ressort, perd beaucoup de son énergie, & d'autant plus qu'il est plus long-tems tendu, & que la lame est plus épaisse. Voy. RESSORT.

2°. La force motrice ne peut être transmise sur le régulateur sans passer sur tous les mobiles intermédiaires ; elle éprouve donc de l'altération par le frottement des pivots de tous les mobiles, & de leurs engrenages ; mais comme l'on ne peut apprécier exactement l'altération du ressort moteur, & encore moins celle que le frottement retarde sur tous les mobiles (Voyez PIVOTS), il suit qu'il excite réellement une perte variable de force motrice sur le régulateur. Il faut donc que cette force soit excédante, pour ne se pas trouver en défaut. Voyez ARC DE LEVEE.

3°. Le régulateur ou le balancier & son spiral, tire son énergie du moment du balancier multiplié par l'arc des levées, & divisé par le ressort spiral, c'est à dire par la force élastique ; plus elle est grande, plus elle détruit les momens du balancier, & plus les vibrations sont promtes, & réciproquement, c'est-à-dire le produit de la masse par le rayon de gravité : le rayon part du centre, & se termine non à la circonférence, mais au centre de gravité du rayon total. Voyez FROTTEMENT, Horlogerie, & la figure qui s'y trouve. Voyez aussi VIBRATIONS & REGULATEUR.

Si la chaleur vient à dilater le balancier, les momens seront augmentés ; cette même chaleur agissant sur le spiral, l'allongera, & par conséquent le rendra plus foible, deux objets qui feront retarder la montre ; mais comme les frottemens font un si grand rôle dans toutes les machines, & sur-tout dans les montres, par la chaleur & par le froid, voyez ce que j'ai dit au mot MONTRE, & vous verrez que le froid retarde tous les mouvemens. De tout cela, il suit qu'il y a réellement trois causes essentielles pour faire varier les montres, indépendantes de la meilleure exécution.

1°. La force motrice.

2°. Les frottemens des mobiles qui la reçoivent.

3°. L'altération du régulateur.

Convaincu de ces trois objets, il faut donc, pour régler la montre la mieux faite, la mettre en expérience pendant dix, vingt, trente jours, l'observer sur une bonne pendule à secondes, écrire tous les jours ce qu'elle aura fait dans les diverses positions, pendue à plat, & portée toujours dans la température du dix ou vingtieme degré du thermometre de M. de Réaumur ; ensuite prendre pour point fixe le terme moyen de ses erreurs, affectant de choisir l'excès en avance plutôt que le retard, parce qu'en général elle tend plus à retarder qu'à avancer. C'est avec de telles précautions que j'ai réglé des montres au point de ne pas faire un quart de minute d'erreur par jour ; j'en ai même réglé qui en faisoient moins encore ; mais j'en ai aussi trouvé qui faisoient deux à trois minutes d'erreur, sans pouvoir y découvrir aucune cause dans l'exécution de leurs parties, malgré les recherches les plus appliquées ; alors j'ai eu recours, pour parvenir à corriger ces variations, de changer le grand ressort & le spiral, sans néanmoins y avoir trouvé en les examinant scrupuleusement aucun défaut assignable ; ce qui prouve qu'il y a dans le métal des défauts qui se refusent à nos lumieres, mais qui se manifestent par leurs effets.

Si une montre étant réglée avec toutes les attentions possibles vient à se dérégler par le changement de température, il ne faudra pas toucher au spiral sans s'assurer auparavant, par une suite d'épreuves réïtérées, que la montre retarde ou avance véritablement dans la température moyenne du dixieme ou vingtieme degré, comme je l'ai dit ci-dessus.

A l'égard des pendules, le terme moyen sera d'autant plus aisé à prendre, que les pendules seront plus longs, & conséquemment les variations seront d'autant plus grandes, que les pendules seront plus courts ; comme le pendule est par sa nature un puissant régulateur qui absorbe en quelque sorte toutes les inégalités de la force motrice & des frottemens qui la dirigent, je ne m'arrêterai pas sur les autres objets, mais seulement sur le régulateur.

Avant de procéder à régler une pendule, il faut faire le même examen de toutes les parties de son mouvement, comme je l'ai déja indiqué pour les montres : cela posé, il faut ensuite faire une suite d'expériences par une température moyenne du dixieme ou vingtieme degré pendant vingt ou trente jours, écrire ce qu'elle aura fait tous les jours, & prendre pour point fixe le terme moyen des variations qu'elle aura donné.

L'addition que l'on fait d'un thermometre au verge de pendules à secondes, pour rendre constantes leurs longueurs par des différentes températures, seroit une très-bonne chose s'il étoit vrai que ces thermometres de métal fussent eux-mêmes infaillibles ; mais par les expériences que j'en ai faites, je n'ai point vu qu'elles suivissent exactement le rapport des dilatations ; ce que je vais essayer de justifier par des raisons.

1°. Supposons qu'on ait un rapport exact de leurs différens métaux, ce qui est déja assez problèmatique, il faudra faire des leviers de compensation dans le rapport des dilatations données ; la plus petite erreur ou imperfection dans cette méchanique sera plus que suffisante pour produire des erreurs sur les allongemens plus contraires que favorables.

2°. Le frottement de toutes ces parties, qui doivent glisser les unes sur les autres, est une cause variable, & pourra donc aussi faire varier les dilatations dans des rapports plus grands ou plus petits des dilatations naturelles.

3°. Les dilatations suivent-elles exactement les effets du chaud & du froid ? Une barre de fer, d'acier ou de cuivre ayant éprouvé de l'allongement par la chaleur, revient-elle à la même longueur lorsque la température revient au terme dont elle étoit partie ? Pour moi, qui ai fait un grand nombre d'expériences pour vérifier cet effet, je n'oserois l'assurer, car j'ai toujours trouvé que le pendule restoit plus long après une grande dilatation, ensorte qu'elle ne suivoit point du tout la proportion des degrés de la température, & qu'en général toutes les erreurs tendoient à tenir les verges plus longues.

4°. Enfin une verge de pendule composée de plusieurs branches, pour remédier aux effets du chaud & du froid, est une machine composée qui par sa figure & par le poids que ces parties exigent, altere & change réellement la nature d'un bon régulateur (Voyez REGULATEUR) : donc il suit qu'en supposant qu'on parvienne à corriger les effets de la dilatation, l'on tombe nécessairement dans d'autres inconvéniens plus à craindre encore, celui d'affoiblir la puissance réglante. Comme l'on ne passe pas subitement d'une grande chaleur à un grand froid, les particuliers qui ont des pendules à secondes ne verront que de petites erreurs, & d'autant plus petites, qu'ils pourront les prévenir en y faisant toucher deux fois l'année, au commencement de l'été & de l'hiver ; mais pour l'observateur qui veut continuellement l'heure exacte, il peut sans grande peine maintenir sa pendule par une température artificielle, ou bien encore se former une table des erreurs que le changement de température lui donne, & comparer la table avec son thermometre lorsqu'il consulte sa pendule.

Il suit de ces quatre principales remarques, que pour avoir une pendule bien réglée, & que la verge soit sensiblement dans une longueur constante, il vaut mieux chercher à la tenir dans la même température.

L'on y trouvera ce double avantage qu'en prévenant l'allongement de la verge du pendule, l'on prévient encore tous les effets que le froid ou le chaud fait sur les autres parties de la machine, ce qui n'est pas à négliger, car j'ai vu dans de grands froids une pendule bien faite faire des effets tout contraires à ce qu'on devoit s'en attendre : la verge du pendule étant raccourcie, elle devoit avancer, cependant elle retardoit ; la cause étoit que l'huile étoit un peu desséchée, ensorte que les frottemens étoient tellement augmentés, qu'ils retardoient l'oscillation en plus grande raison que le raccourcissement ne l'accéléroit. Je n'ai fait que mettre de la nouvelle huile fluide, & cette pendule s'est mise à avancer à-peu-près de ce qu'elle retardoit. A l'égard des pendules de différentes longueurs, l'on peut poser en fait qu'elles varient toutes également par les mêmes températures, ce qui est aisé à démontrer par le raisonnement suivant.

L'on sait que les longueurs des pendules sont entre elles réciproquement comme le quarré du nombre de leurs vibrations faites dans un même-tems, ou bien que le nombre de vibrations de deux pendules dans un même-tems sont entr'eux en raison inverse des racines quarrées des longueurs desdits pendules : cela est démontré. Il suit donc de ce principe que si la chaleur ou le froid vient à faire varier la longueur des pendules, comme cela est indubitable, cette variation sera proportionnée aux longueurs données, car la dilatation ou la condensation agit en tout sens, cela est incontestable : donc les dimensions homologues éprouveront des changemens proportionnels. Ainsi un pendule double ou triple s'allongera de même du double ou triple.

Donc il suit que les effets ou vibrations qui résulteront dans un même-tems par les variations des longueurs du pendule, produiront nécessairement des effets proportionnés au principe ; par conséquent il n'y a point de préférence à donner sur les longueurs des pendules pour obtenir moins de variation par des températures différentes. Il suit même de ce principe que pour régler un pendule de différentes longueurs, il faut, pour faire les mêmes effets, remonter ou descendre la lentille dans ce rapport des longueurs : par exemple, deux pendules, un de 36 pouces, l'autre d'un pouce pour faire un effet d'une minute sur le grand pendule, il le faut allonger d'une ligne, & il ne faudra que la 36e. partie d'une ligne pour faire le même effet sur le pendule d'un pouce, ce qui est infiniment difficile à saisir, pour ne pas dire impossible. Il suit encore que pour régler des pendules très-courts, les causes méchaniques ou le méchanisme des suspensions étant les mêmes dans les longs que dans les courts, les erreurs des suspensions seront des effets quadruples sur les courts.

Il suit enfin que les pendules les plus courts sont les régulateurs les plus foibles ; ils absorbent donc moins les inégalités de la force motrice, & les variations qui proviennent du frottement des pivots : d'où je conclus que les pendules qui ont de courts pendules sont les plus difficiles à régler, & les plus inconstantes dans leurs usages, & réciproquement. M. ROMILLY.


RÉGLETS. m. (Archit.) petite moulure plate & étroite, qui dans les compartimens & panneaux, sert à en séparer les parties, & à former des guillochis & entrelas ; le réglet est différent du filet ou listel, en ce qu'il se profile également comme une regle. (D.J.)

REGLETS, terme d'Imprimerie, ce sont les lignes droites qui marquent sur le papier ; ils sont en usage à la tête des chapitres, & quelquefois après les titres courans des pages : les réglets sont de cuivre ou de fonte, qui est la même matiere que les lettres ; l'oeil du réglet est simple, double & triple ; on en forme aussi des quadres pour entourer les pages entieres. Voyez la Table des caracteres.

REGLET DES MENUISIERS, est une regle de bois de quinze lignes de large sur quatre d'épaisseur, environ dix-huit pouces ou deux piés au plus de long, & bien de calibre sur tous les côtés, montée sur deux coulisses qui élevent une regle environ d'un pouce, desorte qu'elle soit bien parallele au plan sur lequel on pose les coulisses ou pié ; son usage est pour voir si les bords ne sont point gauches ; il en faut de la même façon pareillement justes, desorte que lorsqu'on veut s'en servir, on pose un de ces réglets à l'extrêmité de la piece qu'on veut vérifier, les coulisses posant l'une sur une des rives, & l'autre sur l'autre rive. Ensuite à l'autre bout on pose de même un autre réglet de la même maniere, puis l'on regarde par un des bouts pour voir si ces réglets s'alignent bien, & si un bout ne leve point plus que l'autre ; que s'ils ne se bornaillent point l'un & l'autre, c'est-à-dire que les deux réglets n'en fassent qu'un, c'est une marque que la piece est gauche. Voyez les fig. & les Pl. de Menuiserie.


RÉGLETTESS. m. pl. (Impr.) les Imprimeurs nomment ainsi certaines petites tringles de bois, de la largeur de sept à huit lignes, & réduites au rabot à l'épaisseur des différens corps de caracteres de l'Imprimerie ; on appelle réglettes celles qui se comprennent depuis le feuillet jusqu'au petit-canon : on dit une réglette de petit-romain, de cicéro, c'est-à-dire que la réglette considérée par la force de son épaisseur, appartenant pour cette raison à une sorte de caractere, on la nomme réglette de tel caractere, comme il est dit dans l'exemple ci-dessus : on se sert des réglettes pour blanchir les titres dans différens ouvrages, mais il est toujours mieux d'employer des cadrats autant que l'on peut, eu égard à la solidité dont est la fonte, & le peu de justesse du bois, si bien travaillé qu'il soit, qui quand on le supposeroit de la derniere perfection, est sujet à l'user, à des incidens continuels & de toute nature.


RÉGLEURS. m. (Relieur de livres) c'est l'ouvrier qui regle avec une encre qui tire sur le rouge, les feuillets des livres qu'on veut qui soient un peu propres, & qu'on a lavés auparavant. Cette façon ne se donne plus guere qu'aux bréviaires, missels, & autres livres d'église ; on regle aussi du papier blanc. Savary. (D.J.)


RÉGLISSES. f. (Botan.) glycyrrhiza, genre de plante à fleur papilionacée. Le pistil sort du calice & devient dans la suite une silique courte, qui renferme des semences dont la forme ressemble ordinairement à celle d'un rein. Ajoutez aux caracteres de ce genre, que les feuilles naissent par paires le long d'une côte terminée par une seule feuille. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

La réglisse, glycyrrhiza vulgaris, a des racines intérieurement jaunes, roussâtres en-dehors, de la grosseur du doigt ou du pouce, douces, succulentes, traçantes de tous côtés ; de ces racines s'élevent des tiges hautes de trois ou quatre coudées, branchues, ligneuses, garnies de feuilles arrondies, d'un verd clair, & comme visqueuses, rangées par paires sur une côte, dont l'extrêmité est terminée par une seule feuille. Les fleurs sont petites, légumineuses, bleuâtres, disposées en maniere d'épi, à l'extrêmité des tiges ; le pistil qui sort du calice se change en une gousse roussâtre, de la longueur d'un demi-pouce, qui s'ouvre à deux panneaux, & n'a qu'une cavité dans laquelle sont contenues de petites graines dures, applaties, & presque de la figure d'un rein. Ces gousses ne sont point épineuses ni velues, ni ramassées en une tête, mais elles sont lisses, portées chacune sur leur pédicule, & écartées les unes des autres. Cette plante vient d'elle-même en Espagne, en Italie, en Languedoc, & en Allemagne, d'où on nous en apporte la racine.

Ainsi la réglisse appellée dans les boutiques glycyrrhiza, liquiritia, dulcis radix, est une racine longue, sarmenteuse, de la grosseur du doigt, de couleur grise, ou roussâtre en-dehors, jaune en-dedans, d'une douce saveur.

Au reste, le mot latin glycyrrhiza ne signifie pas la même plante chez les anciens & chez les modernes, mais deux especes différentes, quoiqu'elles soient renfermées sous le même genre.

En effet, la glycyrrhiza des anciens, , Diosc. , Théophr. differe de notre réglisse par son fruit épineux, par plusieurs siliques ramassées en maniere de tête, & par sa racine qui est de la longueur du bras, plongée perpendiculairement & profondément dans la terre ; elle est moins agréable que la commune, dont les racines sont fort menues & fort traçantes : elle s'appelle glycyrrhiza capite echinato, C. B. P. Dioscoride rapporte qu'elle croît dans la Cappadoce & dans le Pont. C'est celle-là ou une semblable que M. Tournefort a trouvée en Orient, qu'il appelle orientalis, siliquis hirsutissimis.

REGLISSE, (Mat. méd.) réglisse des modernes ou des boutiques, réglisse d'Allemagne. Ce n'est que la racine de cette plante qui est d'usage. Elle contient abondamment cette substance végétale particuliere, connue en Chymie sous le nom de corps doux, & elle ne possede véritablement que les propriétés génériques ou communes de ce corps. (Voyez les articles DOUX, Chymie, & DOUX, Diete & Mat. médicale,) mais quoique ce corps doux soit véritablement alimenteux dans la réglisse comme dans les autres substances végétales qui en sont pourvues, cependant il n'est usité qu'à titre de médicament. C'est un des ingrédiens les plus ordinaires des ptisanes employées dans les maladies aiguës, & sur-tout dans celles de la poitrine, dans la toux, les affections des voies urinaires, &c. Il faut remarquer que la décoction de la racine de la réglisse seche est plus agréable que celle de la réglisse fraîche. Aussi est-ce toujours la premiere qu'on employe par préférence. On a coutume de la faire bouillir jusqu'à ce que la décoction commence à jetter de l'écume. L'apparition de cette écume annonce que l'eau employée à la décoction a acquis une certaine viscosité ou ténacité, par l'extraction d'une quantité convenable de corps doux. Si on poussoit cette décoction plus loin, la liqueur se chargeroit encore d'une matiere extractive qui lui donneroit une saveur désagréable, & que d'ailleurs on ne se propose point d'obtenir : or vraisemblablement cette matiere extractive est plus soluble & plus confondue avec le corps doux dans la racine fraîche que dans la racine seche, & c'est là la raison du moindre agrément de la ptisane qui est préparée avec la premiere.

On trouve dans les boutiques sous le nom de suc de réglisse, plusieurs préparations sous forme seche, dont voici les plus connues & les plus usitées : premierement, le jus ou suc de réglisse, qu'on apporte d'Espagne sous la forme de petits pains, enveloppés de feuilles de laurier, & qui est noir, sec, fragile, brillant intérieurement, soluble dans l'eau, & se fondant par conséquent dans la bouche, d'une saveur très-sucrée, mais mêlée d'un goût de brûlé ou de caramel, & d'un peu d'âpreté : ce n'est autre chose qu'un extrait ou rob préparé par la décoction des racines de notre réglisse, qu'on évapore sur le feu jusqu'à consistance d'extrait, qu'on enveloppe dans cet état de feuilles de laurier, & qu'on fait sécher ensuite autant qu'il est possible, au grand soleil d'été, selon ce que rapporte le célebre botaniste, feu M. de Jussieu.

Le jus de réglisse doit être choisi récent, pur, très-doux, & se fondant absolument dans la bouche : on rejette celui qui est amer, brûlé, chargé de sable ou d'ordures.

Le jus de réglisse est un remede ancien. Dioscoride & Galien en font mention. Andromachus le fit entrer dans sa thériaque.

Secondement, le suc de réglisse en bâton ou suc de réglisse noir ou brun des boutiques : en voici la préparation tirée de la pharmacopée universelle de Lémeri. Prenez extrait de réglisse, deux livres ; sucre blanc, demi-livre ; gomme adragant & gomme arabique, de chacun quatre onces : faites selon l'art (c'est-à-dire après avoir dissout ces matieres en suffisante quantité d'eau ; avoir passé ou même clarifié la solution ; l'avoir convenablement rapprochée ; l'avoir jettée toute chaude sur une table de marbre frottée d'huile de ben, &c.) : faites, dis-je, selon l'art, une masse que vous diviserez, étant refroidie, en petits bâtons. La pharmacopée de Paris ajoute à cette composition la poudre d'aulnée & celle d'iris de Florence qui la rendent nécessairement désagréable par leur seule qualité de matiere pulvérulente & insoluble, & indépendamment du mauvais goût de la racine d'aulnée, elles l'aromatisent avec une huile essentielle, ce qui ne convient pas trop avec les qualités fondamentales toujours employées pour adoucir, pour calmer, &c.

L'extrait de réglisse, dont nous venons de faire mention se prépare quelquefois dans les boutiques, mais uniquement pour l'employer à la préparation du suc de réglisse noir ; car il ne peut pas être gardé seul & sous forme de bâtons ou de tablettes, parce qu'il s'humecte facilement à l'air. D'ailleurs le sucre & la gomme corrigent un goût âpre ou rude que cet extrait a toujours, aussi-bien que le jus de réglisse d'Espagne, que l'on employe aussi quelquefois à la place du précédent.

Troisiemement, le suc de réglisse blanc, appellé communément de Blois, n'est autre chose qu'une quantité considérable de gomme arabique & de sucre, fondus dans une légere infusion de réglisse, qu'on rapproche d'abord presqu'à consistance d'extrait, & qu'on acheve d'évaporer en battant continuellement la matiere avec un pilon de bois, & y mêlant de tems-en-tems des blancs d'oeufs battus & un peu d'eau de fleur d'orange. Lémeri observe avec raison que la réglisse ne doit presque être comptée pour rien dans cette préparation, & avec autant de raison au-moins qu'elle n'en a pas pour cela moins de vertus.

La composition qui est décrite dans la pharmacopée de Paris, sous le nom de massa liquiritiae albae & mollis, est de cette derniere espece.

On trouve dans les pharmacopées un autre suc de réglisse blanc, préparé avec la réglisse en poudre, l'iris de Florence aussi en poudre, l'amidon, du sucre, une gomme, &c. auquel quelques auteurs ont donné le nom de confection de Rebecha. Ce remede est absolument inutile, & on l'a abandonné avec juste raison ; car certainement un remede destiné à être roulé dans la bouche comme tous ces sucs qui sont des especes de loochs (voyez LOOCH), ne doit point être pulvérulent.

La racine de réglisse entre dans la composition d'un grand nombre de remedes officinaux, béchiques ou purgatifs.

Toutes les especes de sucs, soit simples soit composés, dont nous venons de faire mention, sont d'un usage très-commun dans la toux & les maladies du gosier, étant roulés doucement dans la bouche jusqu'à ce qu'ils aient été dissous & avalés avec la salive. Ces remedes sont regardés comme éminemment pectoraux ou béchiques, incrassans & adoucissans. Voyez INCRASSANT & PECTORAL. (b)


RÉGLOIRS. m. terme de Cordonnier ; c'est un petit instrument de bois ou d'os, dont se servent les Cordonniers & Savetiers. Trévoux.

REGLOIR, terme d'Epicier Cirier ; c'est un morceau de bouis en forme de petite regle, sur laquelle leur nom est gravé, dont ils se servent pour marquer leurs cierges. Trévoux.

REGLOIR, terme de Papetier, outil de Papetier pour régler le papier en blanc. Il est composé d'une planchette quarrée très-mince, sur laquelle des cordes à boyau forment de part & d'autre des parallélogrammes de diverses grandeurs, suivant le format du papier ; car ils en ont pour des in-folio, des in-quarto, des in-octavo, &c. Ce régloir se met au milieu du cahier qu'on veut régler, qui prend l'impression des cordes sur lesquelles on passe un petit outil à deux dents ordinairement de bouis ou d'ivoire. Dictionnaire du Commerce. (D.J.)


RÉGLURES. f. terme de Libraire, ce mot se dit des regles qu'on fait sur le papier & sur les livres en blanc. Les banquiers en cour de Rome sont obligés à la réglure de leurs registres, & ne doivent écrire que dans les intervalles de la réglure. Trévoux. (D.J.)


REGNANTadj. (Gramm.) se dit d'un roi ou d'une reine qui sont actuellement sur le trône : le Roi regnant, la Reine regnante. Voyez ROI & REINE.


REGNEEMPIRE, s. m. (Gram. Synonymes) Empire a une grace particuliere, lorsqu'on parle des peuples ou des nations. Regne convient mieux à l'égard des princes : Ainsi on dit, l'empire des Assyriens, & l'empire des Turcs, le regne des Césars, & le regne des Paléologues.

Le premier de ces mots, outre l'idée d'un pouvoir de gouvernement ou de souveraineté, qui est celle qui le rend synonyme avec le second, a deux autres significations, dont l'une marque l'espece, ou plutôt le nom particulier de certains états ; ce qui peut le rendre synonyme avec le mot de royaume ; l'autre marque une sorte d'autorité qu'on s'est acquise ; ce qui le rend encore synonyme avec les mots d'autorité & de pouvoir. Il n'est point ici question de ces deux derniers sens ; c'est seulement sous la premiere idée, & par rapport à ce qu'il a de commun avec le mot de regne, que nous le considérons à présent, & que nous en faisons le caractere.

L'époque glorieuse de l'empire des Babyloniens, est le regne de Nabucodonozor ; celle de l'empire des Perses, est le regne de Cyrus : celle de l'empire des Grecs, est le regne d'Alexandre : & celle de l'empire des Romains, est le regne d'Auguste.

Le mot d'empire s'adapte au gouvernement domestique des particuliers, aussi-bien qu'au gouvernement public des souverains, on dit d'un pere, qu'il a un empire despotique sur ses enfans ; d'un maître, qu'il exerce un empire cruel sur ses valets ; d'un tyran, que la flatterie triomphe, & que la vertu gémit sous son empire. Le mot de regne ne s'applique qu'au gouvernement public général, & non au particulier ; on ne dit pas qu'une femme est malheureuse sous le regne, mais bien sous l'empire d'un jaloux. Il entraîne même dans le figuré cette idée de pouvoir souverain & général ; c'est par cette raison qu'on dit le regne, & non l'empire de la vertu ou du vice ; car alors, on ne suppose ni dans l'un ni dans l'autre, un simple pouvoir particulier, mais un pouvoir général sur tout le monde, & en toute occasion. Telle est aussi la raison qui est cause d'une exception dans l'emploi de ce mot, à l'égard des amans qui se succedent dans un même objet, & de ce qu'on qualifie du nom de regne, le tems passager de leurs amours ; parce qu'on suppose que selon l'effet ordinaire de cette passion, chacun d'eux a dominé sur tous les sentimens de la personne qui s'est successivement laissé vaincre.

Ce n'est ni les longs regnes, ni les fréquens changemens qui causent la chûte des empires, c'est l'abus de l'autorité.

Toutes les épithetes qu'on donne à empire, pris dans le sens où il est synonyme avec regne, conviennent aussi à celui-ci ; mais celles qu'on donne à regne, ne conviennent pas toutes à empire, dans le sens même où ils sont synonymes. Par exemple, on ne joint pas avec empire, comme avec regne, les épithetes de long & de glorieux ; on se sert d'un autre tour de phrase pour exprimer la même chose.

L'empire des Romains a été d'une plus longue durée que l'empire des Grecs : mais la gloire de celui-ci a été plus brillante par la rapidité des conquêtes. Le regne de Louis XIV. a été le plus long, & l'un des plus glorieux de la monarchie françoise. Synonymes de l'abbé Girard. (D.J.)


REGNERv. n. (Gram.) régir, gouverner, commander souverainement à un peuple. L'art de régner est le plus grand de tous les arts : le mot régner a quelques acceptions métaphoriques : on dit un péristil regne tout autour de l'édifice ; l'hyperbole regne dans son discours ; le sage regne sur ses passions ; les ténebres régnoient sur la terre ; ce goût bizarre des petites choses qui regne si généralement aujourd'hui, ne régnera pas long-tems.


REGNI(Géog. anc.) peuples de la grande Bretagne : Ptolémée, liv. II. c. iij. les place au midi des Attrebatii & des Cantii : on croit qu'ils habitoient le Surrey. (D.J.)


REGNICOLES. m. (Jurisprud.) ce terme pris dans son étroite signification, ne présente d'autre idée que celle d'une personne qui demeure dans le royaume.

Néanmoins dans l'usage on a attaché une autre idée au terme de regnicole ; & l'on entend par-là celui qui est né sujet du roi.

Cette qualité de regnicole, est opposée à celle d'aubain ou étranger.

Pour être regnicole dans le sens où l'on prend ordinairement ce terme, il ne suffit pas de demeurer dans le royaume ; le séjour que l'on y feroit, quelque long qu'il fût, ne donneroit pas la qualité de regnicole à celui qui seroit aubain.

La naissance est le seul moyen par lequel on peut devenir vraiment regnicole : car on n'est regnicole que quand on est naturel du pays, & que l'on est né sujet du roi.

On distingue donc celui qui est sujet & citoyen d'un pays, de celui qui n'en est simplement qu'habitant, & l'on donne ordinairement pour principe de cette distinction la loi 7. au code de incolis, qui porte que cives origo, domicilium incolas facit.

Les Romains appelloient donc citoyens, ceux que nous appellons regnicoles ; mais ils avoient des idées différentes des nôtres sur ce qui constitue un homme citoyen ou regnicole.

La naissance faisoit bien le citoyen, mais cette qualité de citoyen ne dépendoit pas du lieu où l'enfant étoit né ; soit que sa naissance dans ce lieu fût purement accidentelle, soit que ses pere & mere y eussent constitué leur domicile ; le fils étoit citoyen du lieu d'où le pere tiroit lui-même son origine : filius civitatem ex quâ pater ejus naturalem originem ducit, non domicilium sequitur, dit la loi adsumptio, §. filius, ff. ad municip. & de incol.

Pour connoître l'origine du fils on ne remontoit pas plus haut que le lieu de la naissance du pere : autrement, dit la glose, il auroit fallu remonter jusqu'à Adam.

La naissance de l'enfant dans un lieu ne le rendoit donc pas pour cela citoyen de ce lieu ; il étoit citoyen du lieu où son pere étoit né, & ce pere tiroit lui-même son origine non du lieu où il étoit né, mais de celui de la naissance de son pere ; desorte que le fils étoit citoyen romain si son pere étoit né à Rome, & celui-ci étoit citoyen de Milan, si son pere étoit né à Milan.

Le domicile du pere dans un lieu au tems de la naissance de l'enfant, n'entroit point en considération pour rendre l'enfant citoyen de ce lieu-là ; parce que, comme dit la loi 17. ff. ad municip. in patris personâ, domicilii ratio temporaria est : le domicile actuel étoit toujours regardé comme purement accidentel & momentané.

En France la qualité de regnicole s'acquiert par la naissance, & ce n'est point le lieu de l'origine ni du domicile du pere, que l'on considére pour déterminer de quel pays l'enfant est citoyen & sujet, c'est le lieu dans lequel il est né ; ainsi toute personne née en France, est sujette du roi & regnicole, quand même elle seroit née de parens demeurans ailleurs, & sujets d'un autre souverain.

Les droits attachés à la qualité de regnicole, sont les mêmes que les droits de cité : ils consistent dans la faculté de plaider en demandant sans donner la caution judicatum solvi, à pouvoir succéder & disposer de ses biens par testament, posséder des offices & des bénéfices dans le royaume.

Au contraire les aubains ou étrangers sont privés de tous ces avantages, à-moins qu'ils n'ayent obtenu des lettres de naturalité ; auquel cas ils deviennent regnicoles, & sont réputés naturels françois. Voyez Bacquet, du droit d'aubaine, chap. j. & les mots AUBAIN, AUBAINE, ETRANGER, NATURALISATION, NATURALITE. (A)


REGNIENS(Hist. anc.) peuples de l'île de la grande Bretagne, qui occupoient du tems des Romains les provinces appellées depuis Surrey, Sussex, & les côtes de Hampshire.


REGNUMS. m. (Littérature) ce terme dans l'histoire du bas Empire & dans celle de France a été employé pour désigner une couronne. Il étoit d'usage d'envoyer des couronnes à certains princes. Chilperic en envoya une à Eudes, duc d'Aquitaine, pour le mettre dans ses intérêts, & l'engager à se déclarer contre Charles Martel. On a mis en question, si le don de ce regne ou de cette couronne devoit être regardé comme un présent gratuit, ou comme une reconnoissance tacite de la souveraineté de celui à qui on l'envoyoit. Le P. le Cointe a décidé qu'il ne s'agissoit que d'un simple présent sans attribution de souveraineté. M. de Valois a soutenu au contraire, mais avec moins de vraisemblance, que la reconnoissance de la souveraineté étoit attachée à cette couronne.

Quoi qu'il en soit, il est évident que dans quelques historiens le mot regnum conserve encore son ancienne signification, royaume, indépendance, souveraineté, & qu'en d'autres, par une acception particuliere, ce terme ne signifie plus qu'un présent d'un grand prix que se faisoient les personnes d'un certain rang, & qui consistoit ordinairement en de riches couronnes.

C'est à celui qui veut faire usage de pareilles autorités, à bien étudier le langage ordinaire de son auteur, & par rapport au tems où il a écrit, & par rapport au sujet dont il traite ; à bien examiner ce qui précede & ce qui suit, pour déterminer ensuite, eu égard aux vérités historiques connues, le sens naturel de certains mots que l'ignorance ou le mauvais usage ont extrêmement détournés de leur ancienne & véritable signification. (D.J.)

REGNUM, (Géog. anc.) ville de la grande Bretagne. L'itinéraire d'Antonin, iter. 7, la met à 96 milles de Londres ; on croit que c'est présentement Rinewood. M. Thomas Gale soupçonne que c'étoit une colonie venue de la ville Regium ou Reginum dans la Rhétie. Les habitans de cette ville & de son territoire sont appellés Regni par Ptolémée. (D.J.)


REGONFLEMENTS. m. REGONFLER, v. n. (Gramm.) ils se disent des eaux qui rencontrent un obstacle, des humeurs arrêtées, en un mot de tout fluide. Voyez GONFLER.


REGORGEMENTS. m. REGORGER, v. n. se dit en Chirurgie de la sortie involontaire & continuelle de l'urine, dans le cas de rétention de ce fluide lorsque la vessie est portée au dernier degré d'extension. Le regorgement est un symptome qui trompe tous les jours les gens qui n'ont pas d'expérience. Ils n'imaginent pas qu'il y ait rétention des urines, puisqu'elles coulent continuellement ; & ils se croyent dispensés de mettre la sonde dans la vessie, quoique ce soit le principal secours qui convienne aux malades dans ce cas. Voyez RETENTION D'URINE. (Y)


REGORGERv. n. (Hydraul.) se dit de l'eau d'un bassin qui ne pouvant se vuider par le tuyau de décharge à mesure que l'eau y vient, est contrainte de passer par-dessus les bords.

Ce terme s'applique encore à un lit de cailloux de vigne qu'on employe dans une chemise de ciment, & qui doivent être si garnis de mortier, qu'ils en regorgent de tous côtés. (K)


REGOURMERv. n. (Gram. & Maréchal.) gourmer derechef. Voyez GOURMER.


REGOUTERv. act. (Gram.) goûter une seconde fois. Voyez GOUT & GOUTER.


REGRATS. m. (Comm.) petit négoce qui se fait en détail & à petites mesures de certaines especes de marchandises, particulierement des grains & légumes, du sel, du charbon, &c.

Regrat se dit aussi de la place ou commission du regrattier, sur-tout pour ceux qui vendent du sel à la petite mesure. Voyez REGRATTIER. Dictionn. de Comm. & Trév.


REGRATTERv. n. faire le regrat, vendre en détail & à petites mesures.

REGRATTER, v. act. (Architect.) c'est emporter, avec le marteau & la ripe, la superficie d'un vieux mur de pierre de taille pour le blanchir.


REGRATTERIES. f. trafic de choses que l'on achete pour revendre. Id. ibid.


REGRATTIERS. m. (Négoce de blé) on appelle regrattiers ou blatiers de petits marchands qui achetent une médiocre quantité de blé pour le revendre d'un marché à l'autre ; voici comme ils en usent pour augmenter la mesure du grain, sur-tout lorsqu'il est bien sec : ils prennent un gros grès qu'ils font rougir au feu, puis ils le mettent dans une boîte de fer qu'ils fourrent au milieu du monceau de blé, & l'arrosent légerement ; ils ont soin ensuite de le passer à la pelle pour le rafraîchir. Le produit de cet artifice sur le blé ordinaire va à un seizieme, c'est-à-dire qu'au lieu de seize boisseaux ils en font dix-sept : cela va plus loin sur d'autres grains, & particulierement sur l'avoine qui augmente d'un huitieme. On reconnoît néanmoins cet artifice en maniant ce blé, car il est moins coulant qu'à l'ordinaire, & devient rude sur la main. La même chose arrive pareillement au blé qui a été mis sur du plâtre nouvellement employé, avec cette différence qu'il n'en vaut pas moins. On les peut distinguer l'un de l'autre en les mâchant : celui qui a été sur du plâtre, casse net sous les dents, mais il ne se moût pas moins bien ; celui des regrattiers au contraire obéit & se déchire, pour ainsi dire. (D.J.)

REGRATTIER, s. m. (Négoce de sel) marchand qui fait & qui exerce le regrat ; de tous les regrattiers, ceux qui se mêlent du regrat du sel, c'est-à-dire qui le vendent à petites mesures, sont les plus considérables. Nul en France ne peut être regrattier de la marchandise de sel, qu'il n'ait une commission enregistrée au greffe du grenier à sel, dans l'étendue duquel il exerce le négoce, & qu'il n'ait prêté le serment entre les mains des officiers du grenier. Le sel de revente doit être sel de gabelle pris au grenier. Savary. (D.J.)


REGREFFERv. act. (Jardinage) greffer un arbre de nouveau, ce qui arrive quand on a parmi les plants quelque arbre greffé d'un mauvais fruit ; alors on peut le greffer d'une meilleure espece sur la greffe même, & non sur le sauvageon. C'est le moyen d'avoir des fruits singuliers ; si même on veut greffer en écusson sept ou huit années de suite sur la greffe de l'année précédente, & toujours en changeant d'espece à chaque fois, on est sûr par l'expérience d'avoir des fruits excellens & monstrueux.


REGRELOVERen terme de Blanchisserie, c'est l'action de faire passer une seconde fois, après la seconde fonte, la cire dans la greloire, voyez GRELOIRE ; ce qui se pratique pour remettre la matiere en rubans, & l'exposer de nouveau sur les toiles, pour lui faire prendre plus de blancheur. Voyez RUBANS, TOILES, GRELOIRE, & l'article BLANCHIR.


REGRÈSS. m. (Jurisprud.) en matiere bénéficiale, c'est le retour à un bénéfice que l'on a permuté ou résigné.

Le canon quoniam, qui est du pape Nicolas, causâ 7. quaest. j. nous apprend qu'autrefois l'Eglise désapprouvoit fort ces sortes de regrès ; & c'étoit de-là que l'Eglise rejettoit aussi alors toutes les démissions ou les résignations qui se faisoient par les titulaires, dans l'espérance qu'ils avoient de rentrer dans leur bénéfice.

Dans la suite, il a été admis par l'Eglise en certains cas, & singulierement en faveur de ceux qui ont résigné étant malades.

Cependant en France, les regrès n'étoient point admis anciennement lorsque la résignation avoit eu son plein & entier effet en faveur du résignataire.

Cette jurisprudence ne changea que du tems de Henri II. à l'occasion du Sr Benoît, curé des SS. Innocens, qui avoit résigné au nommé Semelle son vicaire ladite cure, & celle de Pouilly diocèse de Sens, lequel n'avoit payé ce bienfait que d'ingratitude. Henri II. ayant pris connoissance de cette affaire, rendit un arrêt en son conseil le 29 Avril 1558, par lequel ledit Semelle fut condamné à remettre les deux bénéfices ès mains de l'ordinaire, pour les conférer & remettre audit Benoît ; & il fut dit que cet arrêt seroit publié & enregistré dans toutes les cours, pour servir de loi sur cette matiere.

Depuis ce tems, le regrès est admis parmi nous, & l'on en distingue de trois sortes.

Le premier est le regrès tacite, qui a lieu en cas de permutation & de résignation. Quand on ne peut pas jouir du bénéfice donné par le copermutant, on rentre dans le sien de plein droit, sans qu'il soit besoin de nouvelles provisions.

Le second est le regrès que l'on admet humanitatis causâ, comme dans le cas d'une résignation faite in extremis. Ces sortes de résignations sont toujours réputées conditionnelles.

On regarde aussi comme telles celles que l'on fait dans la crainte d'une mort civile de celui qui est fondé sur la clause non aliter, non alias, non alio modo.

Dans le cas d'une résignation faite in extremis, le résignant revenu en santé est admis au regrès, quoique le résignataire ait obtenu des provisions, & même qu'il ait pris possession, & soit entré en jouissance.

Au grand-conseil, la maladie du résignant n'est pas regardée comme un moyen pour être admis en regrès, à-moins que le résignant ne prouve qu'il étoit en démence, ou qu'il a résigné par force ou par crainte, ou parce qu'il a cédé aux importunités du résignataire.

La réserve d'une pension n'empêche pas le regrès, à-moins que la pension ne soit suffisante, ou qu'il n'y ait des circonstances de fraude.

La minorité seule n'est pas un moyen pour parvenir au regrès, puisque les bénéficiers mineurs sont réputés majeurs à l'égard de leur bénéfice. Mais les mineurs sont admis au regrès, quand ils ont été induits à résigner par dol & par fraude, & que la résignation a été faite en faveur de personnes suspectes & prohibées. Dumoulin tient même que dans cette matiere les mineurs n'ont pas besoin de lettres de restitution en entier, & que la résignation est nulle de plein droit.

Les majeurs même sont aussi admis au regrès, quand ils ont été dépouillés par force, crainte ou dol.

Le novice qui rentre dans le monde après avoir résigné, rentre aussi dans son bénéfice.

Le résignant revenu en santé qui use du regrès, n'a pas besoin de prendre de nouvelles provisions, nonobstant l'édit du contrôle qui ordonne d'en prendre, l'usage contraire ayant prévalu.

Le regrès dans le cas où il est admis, a lieu quand même le résignataire auroit pris possession réelle & actuelle du bénéfice résigné, & qu'il en auroit joui paisiblement pendant quelque tems, il auroit même encore lieu, quoique le bénéfice eût passé à un second ou troisieme résignataire.

Mais si le résignataire avoit joui paisiblement pendant trois ans depuis que le résignant est revenu en santé, cette possession triennale empêcheroit le regrès, il suffiroit même pour cela qu'il y eût un an de silence du résignant depuis sa convalescence, ou quelque autre approbation de la résignation.

Celui qui a su l'indignité de son résignataire ne peut ni rentrer dans son bénéfice, ni exiger la pension qu'il s'étoit réservée.

Quoique le regrès soit une voie de droit, ce sont de ces choses qu'il n'est pas convenable de prévoir ni de stipuler, desorte que la résignation seroit vicieuse, si la condition du regrès y étoit exprimée.

Pour parvenir au regrès, il faut présenter requête au juge royal, & y joindre les pieces justificatives des causes sur lesquelles on fonde le regrès.

Le résignant peut faire interroger sur faits & articles son résignataire, ou demander à faire entendre des témoins quand il y a un commencement de preuve par écrit. Voyez Ferret, Pastor, Dumoulin. (A)


RÉGRESSIONS. f. (Rhétor.) figure de Rhétorique qui fait revenir les mots sur eux-mêmes, avec un sens différent. " Nous ne vivons pas pour boire & pour manger, mais nous buvons & nous mangeons pour vivre ". M. Despréaux s'exprime ainsi :

Oui, j'ai dit dans mes vers qu'un célebre assassin

Laissant de Galien la science infertile,

D'ignorant médecin devint maçon habile.

Mais de parler de vous je n'eus jamais dessein ;

Perrault, ma muse est trop correcte :

Vous êtes, je l'avoue, ignorant médecin,

Mais non pas habile architecte.

Il semble cependant que l'arrangement des mots dans ces deux exemples, dépend beaucoup plus de la pensée que des expressions. Mais dans cette partie, comme dans bien d'autres, l'art ne doit point espérer de séparer nettement ce que la nature a réuni. Princip. de littér. (D.J.)


REGRETS. m. REGRETTER, v. act. (Gram.) le regret est un souvenir pénible d'avoir fait, dit ou perdu quelque chose. Il semble pourtant que le remords soit d'avoir commis un mal, & le regret d'avoir perdu un bien. Ainsi tout le monde est exposé à avoir des regrets ; mais il n'y a que les coupables qui soient tourmentés de remords. Les choses qu'on regrette le plus, sont celles auxquelles on attache le plus de valeur, l'innocence, la santé, la fortune, la réputation. Les remords sont quelquefois utiles, ils inclinent le méchant au repentir. Plus souvent encore les regrets sont superflus, ils ne réparent pas la perte qui les a occasionnés. Les regrets sont un hommage que les vivans rendent à la vertu des morts. A quoi sert le regret du tems perdu ? On regrette indistinctement une bonne & une mauvaise chose. Il y eut des hommes qui regretterent la perte de l'imbécille Claude. Les Israélites regrettoient dans le désert les oignons de l'Egypte. Il y a peu d'objets vraiment regrettables. Le regret marque toujours du malheur, ou de l'imprudence.


REGUINDERv. n. (terme de Fauconnerie) ce mot se dit de l'oiseau qui fait une nouvelle pointe au-dessus des nues. Trévoux. (D.J.)


RÉGULARITÉS. f. (Gramm.) qualité relative à un ordre naturel ou de convention, & à des regles établies. On dit la régularité de la conduite, d'un bâtiment, d'un poëme. La régularité des mouvemens célestes. Ces moines sont restés dans la régularité.


RÉGULATEURS. m. (Horlog.) les Horlogers entendent par ce mot, le balancier & le spiral dans les montres ; la verge & la lentille dans les pendules. Ils disent aussi force réglante, parce que c'est le moyen de regler ces machines. Mais pour définir le régulateur d'une maniere plus générale, je crois qu'il faut le considerer en horlogerie, comme le principe de la force d'inertie en Physique ; c'est par l'inertie qu'un corps persévere dans son état de repos ou de mouvement. C'est aussi par sa propriété de persévérance dans le mouvement, que le régulateur produit son effet. La force d'inertie sur le régulateur s'oppose à la force motrice qui l'anime ; c'est elle qui la modere, retarde & regle. Elle lui fait, en quelque sorte, équilibre.

Le régulateur peut être examiné sous trois points de vue : comme on peut voir, article FROTTEMENT, Horlogerie.

Puisque c'est du régulateur que dépend la mesure du tems, il faut qu'il ait en lui-même un principe, une cause constante du mouvement, tirée de sa nature même, & cependant distincte de la force motrice qui l'anime, ou qui l'entretient en action. C'est la pesanteur qui agit toujours par une loi constante, & qui imprime le mouvement à tout corps suspendu à l'extrêmité d'une verge ou d'un fil oblique à l'horison, & abandonné à lui-même. Ce corps, tiré de la verticale, par quelque cause que ce soit, tend à y revenir. La gravité l'y ramene & le chasse de l'autre côté de la ligne de repos à la même hauteur d'où il étoit descendu ; & cette cause agissant dans la seconde oscillation, comme elle a agi dans la premiere, elle perpétuera sans fin les oscillations, si rien ne s'y oppose. Mais le milieu est résistant, & le point de suspension éprouve du frottement. Les oscillations doivent donc diminuer d'étendue, & à la longue, le corps s'arrêter. Voilà la raison qui contraint à recourir à quelque méchanisme capable de restituer à chaque oscillation, les petites quantités de mouvement perdues ; & c'est par ce méchanisme, qu'on appelle échappement, que la force motrice s'exerce sans-cesse sur le régulateur, & l'entretient dans sa premiere énergie.

Les Géometres ont trouvé la loi selon laquelle la pesanteur agit, & déterminé la durée des oscillations des corps suspendus à des hauteurs quelconques, quelles que soient d'ailleurs leurs figures. Vous y apprendrez aussi tous les moyens de varier à discrétion la figure & le mouvement d'un régulateur livré à l'action de la pesanteur. Après avoir fixé la durée des oscillations d'un corps qui parcourt des espaces égaux en des tems égaux, on a donné l'équation d'une courbe où en des tems égaux, un corps mû parcourt des espaces très-inégaux ; & celle où les espaces parcourus le sont, le plus vîte qu'il est possible. Voyez les articles CYCLOÏDE & BRACHISTOCRONE.

Il suit de leurs recherches qu'un corps quelconque qui tombe par une chûte libre en vertu de la pesanteur, employe une seconde de tems à parcourir 15 piés, & que le même corps attaché à un fil de trois piés huit lignes & demie, employe pareillement une seconde à achever une de ses oscillations. C'est delà qu'il faut partir pour trouver la durée des oscillations des pendules de différentes longueurs.

Si la pesanteur fournit le meilleur régulateur pour les pendules, il n'en est pas de même pour les montres ; car la pesanteur exige que la machine soit fixe. Sans cette condition, l'agitation détruiroit une partie de l'effet, & altéreroit l'action du régulateur. Cet inconvénient ne permet donc pas d'appliquer indistinctement la pesanteur à toutes les sortes de machines à mesurer le tems. On lui substitue dans les montres des balanciers ronds & placés en équilibre sur eux-mêmes. Dans les commencemens de l'art d'Horlogerie, le régulateur des montres n'étoit qu'un petit balancier leger, & dont la masse faisoit toute la puissance réglante. C'est sur la fin du dernier siecle que M. Huyghens appliqua le ressort spiral au balancier. Voilà l'époque de la perfection des montres. Sans entrer dans le détail des différentes manieres dont l'application s'en est faite, il suffira de l'envisager d'une maniere générale & analogue au régulateur des pendules. L'élasticité n'est pas moins une loi constante de la nature que la pesanteur. C'est l'élasticité qui remplace cette derniere force dans les montres, & qui fait vibrer le balancier. Mais pour se former du balancier & de son spiral quelqu'idée distincte, on peut comparer leur mouvement à celui d'une corde élastique tendue. Tirez, par quelque moyen, cette corde de son état de repos, vous la ferez vibrer ; après s'être écartée de la ligne horisontale, elle y reviendra pour la passer encore ; & elle continueroit sans fin, si rien ne tendoit à diminuer l'étendue de chaque vibration. Mais le milieu résistant, qui finit par arrêter le pendule, animé par la gravité, à la ligne verticale ou de repos, finit aussi par arrêter la corde vibrante à la ligne horisontale ou de repos.

Les géometres qui ont déterminé les lois des corps oscillans, ont aussi déterminé celles des cordes vibrantes, & l'on sait que les vibrations des cordes tendues sont d'autant plus promtes, que ces cordes sont plus légeres & plus courtes, & que les forces ou poids qui les tendent sont plus grands ; & réciproquement que leurs vibrations sont d'autant plus lentes qu'elles ont plus de masse, de longueur, & que les forces ou poids qui les tendent sont plus petits. La maniere de les ébranler, ne change rien à la durée des vibrations.

Les espaces que la corde parcourt dans ses vibrations, tout étant égal d'ailleurs, sont d'autant plus grands, que les vibrations sont plus lentes, & réciproquement. Il en est de même du balancier & de son spiral. Les vibrations sont d'autant plus promtes que le balancier est plus petit, & qu'il a moins de masse, ou que son moment est plus petit & son spiral plus fort ; & au contraire les vibrations sont d'autant plus lentes, que le balancier est plus grand & qu'il a plus de masse, ou que le moment en est plus grand & le spiral plus foible. Les arcs ou l'étendue des oscillations du balancier sont d'autant plus grandes qu'elles sont plus lentes, & réciproquement. La maniere d'ébranler le balancier pour le déterminer à osciller, ne change rien à la durée des oscillations. On peut donc varier les échappemens dans les montres, comme on varie la touche des cordes, sans altérer la durée des vibrations ; avec cette différence que l'arc de levée dans les échappemens doit être considéré comme moment du balancier. Plus on donne de levée, plus il faut diminuer la masse du balancier, & réciproquement. Ce qui n'a pas lieu dans les cordes, le moment de les toucher n'en altérant point le poids. On connoît la loi de la durée des oscillations du pendule animé par la gravité ; & l'on connoît aussi la loi de la durée des vibrations des cordes tendues & mises en mouvement par la percussion. Les tems de leurs vibrations sont en raison inverse de la racine quarrée des poids tendans. Or l'expérience montre que le balancier & son spiral sont assujettis à cette même propriété des cordes vibrantes. Ainsi je multiplie le rayon du balancier par sa masse pour en avoir le moment, comme je multiplie la longueur de la corde par sa masse pour en avoir le moment ; l'élasticité, ou la cause de la continuité du mouvement étant la même dans l'un & l'autre cas, d'un côté le spiral, de l'autre le poids tendant ; les nombres des vibrations dans un même tems sont entr'eux en raison inverse des momens du balancier ou de la corde, & directe du quarré de l'élasticité représentée dans les cordes, par les poids qui les tendent. Ou bien les momens étant pris pour les longueurs des pendules, & l'élasticité pour la gravité, les momens sont entr'eux réciproquement comme les quarrés du nombre des vibrations ou des élasticités ; ou le nombre des vibrations dans un même tems, en raison inverse des racines quarrées des momens.

Un habile géometre tireroit peut-être quelque parti utile à l'horlogerie de cette conformité des cordes vibrantes, avec le balancier & le spiral des montres. J'en conclus seulement que l'élasticité fournit aux montres portatives un régulateur élastique, comparable à celui que la gravité fournit aux pendules sedentaires.

Après avoir connu la nature du régulateur en montre & en pendule, il ne faut pas négliger de connoître la quantité des vibrations qu'on obtient de l'un & l'autre dans un tems donné. Une corde très-lâche donne des vibrations très-lentes. Un balancier très-court & un spiral très-foible, donne des vibrations très-lentes. Une corde très-tendue donne des vibrations très-promtes. Un balancier très-léger & un spiral très-fort donnent des vibrations très-promtes. Un pendule très-long donne des oscillations très-lentes, & un pendule très-court donne des oscillations très-promtes.

Il n'y a rien de solide à objecter à cette analogie. Les vibrations promtes supposent à la vérité une plus grande complication dans la machine à mesurer le tems, mais la régularité en est la même, dans la supposition que toutes ses parties seroient parfaites. Si elles sont parfaites séparées les unes des autres, l'ensemble sera aussi parfait ; ce qu'il y aura de plus ou moins d'ouvrage ne fait rien à la question présente traitée métaphysiquement : mais c'est physiquement qu'il faut la considérer. C'est donc entre de certaines limites qu'il faut raisonner & des vibrations & des oscillations.

Les pendules qui battent les secondes ont sur celles qui ne battent, que 1/2, 1/3, 1/4 de secondes, un avantage généralement avoué. Mais, dira-t-on, puisque les longs pendules sont préférables aux autres, pourquoi n'en pas faire encore de plus longs ? On l'a, je crois, essayé sur un pendule de 24 à 30 piés, qui s'est trouvé moins juste que celui à secondes, qui n'a, comme on sait, que 3 piés 8 lignes & 1/2 ; & cela vient de ce que le régulateur ou la lentille tirant son énergie de la force accélératrice de la pesanteur, & un pendule si long s'élevant très-peu audessus de son état de repos, il faut aussi très-peu de force pour l'entretenir en mouvement ; c'est donc un corps qui oscille entre des puissances très-foibles. La plus petite cause étrangere suffit pour le déranger. Or, dira-t-on, par une raison contraire, tout pendule oscillant entre des puissances très-fortes devroit donner la plus grande régularité. Je le nie ; car tout pendule suppose de la complication dans le méchanisme, & beaucoup de force motrice pour entretenir le mouvement ; d'où il s'ensuivra une altération ou destruction par les frottemens, & un effet très-sensible soit de la part de la plus légere imperfection, ou primitive, ou accidentelle dans l'échappement, ou dans la suspension du régulateur. Le degré de perfection auquel on peut atteindre, & qu'on peut conserver, ne répond certainement ni à l'idée, ni au besoin.

D'où il s'ensuit que l'expérience en rencontrant le pendule à seconde, a peut-être trouvé le meilleur de tous les pendules, relativement au point de perfection possible à l'exécution. Mais suivons la même maniere de raisonner sur les quantités des vibrations pour les montres.

Je suis le premier qui ait songé à les réduire. Voyez le mot FROTTEMENT, Horlogerie, vous y trouverez la description de la premiere montre qui ait été exécutée pour battre les secondes, comme les pendules à secondes. Je ferai ici le même raisonnement sur cette montre que celui que j'ai fait sur les très-longs pendules. Quoi qu'il soit vrai que les montres battant les secondes aillent fort bien, elles se trouvent précisément dans le cas d'un régulateur entre des puissances trop foibles ; ces machines exigent si peu de force motrice, qu'avec un ressort ordinaire de montre de 24 heures, je les fais marcher huit jours. Ce qui prouve & qu'il y a un grand avantage à réduire les vibrations, & en même tems que la limite est un peu trop éloignée pour en faire usage dans les montres de 24 heures. D'où il suit que pour les montres à monter tous les jours, il faut les faire battre à-peu-près la racine quarrée, tout étant égal d'ailleurs, des montres qui vont huit jours & qui battent les secondes, ce qui revient à environ quatre coups par seconde. Le desavantage des courts pendules qui font un grand nombre d'oscillations, est le même aux montres auxquelles on fait faire un grand nombre de vibrations. Le ressort du spiral devient si roide, les momens du balancier sont si foibles, qu'il faut que la force motrice soit presque continuellement présente, si encore elle ne se trouve pas en défaut, pour entretenir le mouvement sur le régulateur.

L'on sait que les dents de la roue de rencontre, soit dans l'échappement à récul ou à repos, portent sur le petit levier de l'axe du régulateur, palette ou tranche du cylindre, la force motrice qu'elle a reçue pour y communiquer le mouvement. Elle trouve donc pour résistance 1° le poids du balancier multiplié par son rayon ; & la vîtesse que le balancier prend en exerçant le mouvement, sera retardé si l'on vient à augmenter ses momens ou sa masse ; cela est incontestable. 2° Un ressort tel que le spiral, si on vient à l'ajouter, dont une des extrêmités sera prise sur le balancier même, & l'autre sur un corps étranger ; dans cet état il arrivera que la roue de rencontre poussant de l'une de ses dents la palette du balancier pour le faire tourner & lui faire décrire un arc, trouvera ce ressort qui lui opposera sa roideur. Il faut donc qu'elle se tende en même tems qu'elle communique le mouvement au balancier.

La roue agissant pour communiquer sa force motrice, comment donc arrive-t-il que par cette double résistance le balancier prenne une vîtesse double, & même plus que double que lorsque le balancier étoit seul ? Si l'on vient à augmenter la roideur du ressort spiral & qu'on la rende à-peu-près double de ce qu'elle étoit, le balancier étant le même, la force motrice sera alors insuffisante pour communiquer le mouvement au balancier, & il restera en repos. Si au contraire on laisse le premier ressort spiral, & qu'on réduise les momens du balancier, par exemple, à sa moitié, le ressort spiral alors sera aussi roide à son égard que lorsqu'on avoit doublé sa roideur. Dans ce cas, comme dans le précédent, la roue de rencontre avec sa force motrice sera également insuffisante pour communiquer le mouvement au balancier, & il restera en repos. Voilà une espece de paradoxe que je laisse à expliquer.

Je finirai par une observation. Les Horlogers disent & ont écrit par-tout que l'échappement à recul avoit de l'avantage sur l'échappement à repos, parce qu'on pouvoit essayer le poids de son balancier sans le ressort spiral, ce que l'échappement à repos ne permet pas. En conséquence ils décident qu'il faut faire tirer au balancier 25 à 26 minutes pour 60 ; d'autres en demandant jusqu'à 28, & cela, ajoutent-ils, pour prévenir que la montre n'arrête au doigt : c'est une erreur ; elle peut ne point arrêter au doigt en ne faisant tirer au balancier que 20 minutes, & elle en peut tirer 30 & arrêter au doigt. Cette erreur vient de ce qu'on n'a pas une idée nette du régulateur. Voyez l'article ARC DE LEVEE, où j'indique le moyens d'empêcher l'arrêt au doigt. Article de M. ROMILLY.


REGULBIUM(Géog. anc.) ville de la Grande-Bretagne, sur la côte appellée Littus saxonicum. C'est la notice des dignités de l'empire qui en fait mention. Le nom moderne, selon Guil. Cambden, est Reculuer, dans la province de Kent à l'embouchure de la Tamise. (D.J.)


REGULEREGULE

Dans l'article ANTIMOINE, qui se trouve dans le premier volume de ce Dictionnaire, on n'a donné que des idées incomplete s de cette substance ; on a donc cru devoir suppléer ici à ce qui manque à cet article, & traiter l'antimoine de la même maniere qu'on a suivie depuis pour tous les autres demi-métaux & métaux.

L'antimoine est un demi-métal d'une couleur blanche qui approche de celle de l'argent ; à l'intérieur il est composé d'un assemblage d'aiguilles ou de stries. Il n'a ni ductilité ni malléabilité, mais il se casse sous le marteau, & se réduit facilement en poudre. L'action du feu le dissipe & le volatilise ; il a aussi la propriété de volatiliser & d'entraîner avec lui tous les métaux, à l'exception de l'or & de la platine. A un feu doux il se calcine, & se réduit en une chaux ou poudre grise, qui est difficile à fondre, mais qui à un grand feu se convertit en un verre d'un jaune rougeâtre. L'antimoine se dissout dans l'acide du sel marin & dans l'eau régale ; l'acide nitreux ne fait que le rougir sans le dissoudre, & s'amalgame avec le mercure. Il a une très-grande disposition à s'unir avec le soufre, avec qui il constitue ce qu'on appelle l'antimoine crud. Ce demi-métal se distingue sur-tout par la propriété qu'il a d'exciter le vomissement lorsqu'on le prend intérieurement.

Ce demi-métal se trouve sous plusieurs formes différentes dans le sein de la terre.

1°. Il se trouve sous la forme réguline qui lui est propre, & alors on le nomme antimoine vierge ou régule d'antimoine natif. Il est d'un beau blanc brillant, & dans sa fracture il a des facettes, ou des stries assez grandes. Il est très-rare de trouver l'antimoine dans cet état ; M. Swab, conseiller des mines, & membre de l'académie royale des Sciences de Suede, est le premier qui ait découvert de l'antimoine natif parfaitement pur dans la mine de Salberg en Suede ; il fit part de sa découverte à son académie en 1748. Malgré cela la plûpart des minéralogistes allemands ne veulent point se rendre à ce témoignage, ils doutent de l'existence de l'antimoine natif, & prétendent que ce que l'on a voulu faire passer sous ce nom, n'étoit que de l'antimoine plus pur, c'est-à-dire, combiné avec beaucoup moins de soufre qu'il ne l'est ordinairement dans la mine. Il est certain que jusqu'à présent cet antimoine natif ou pur ne s'est trouvé qu'une seule fois par hasard, & en très-petite quantité, dans la mine de Salberg, ce qui fait un préjugé défavorable à la découverte de M. Swab. D'un autre côté, M. Cronstedt dans sa nouvelle Minéralogie publiée en 1739, prend la défense de la découverte de son confrere, & il est à présumer que l'académie de Stockholm, qui possede un grand nombre d'hommes habiles dans la Chymie & la Minéralogie, ne s'en sera point laissée facilement imposer sur une semblable matiere. Quoi qu'il en soit, il seroit à souhaiter que les partisans de cette découverte pussent donner des preuves qui fermassent la bouche aux contradicteurs.

2°. La mine la plus ordinaire de l'antimoine est d'une couleur grise & brillante, à-peu-près comme le fer ; elle est plus ou moins foncée, en raison des substances étrangeres qui y sont mêlées. C'est de l'antimoine combiné avec du soufre, elle se reconnoît toujours par les aiguilles ou pyramides dont elle est composée, qui varient pour la grandeur & pour l'arrangement. En combinant du soufre avec du régule d'antimoine, on produit une substance parfaitement semblable à cette mine d'antimoine ; c'est-là ce que l'on appelle l'antimoine crud, ou abusivement l'antimoine tout court, nom qui ne devroit se donner qu'à ce demi-métal lorsqu'il est pur, comme dans le régule.

3°. On trouve de la mine d'antimoine qui est en petites houpes soyeuses, soit rouges, soit pourpres, soit gorge de pigeon. Telle est la mine que l'on trouve à Braundorf en Saxe, & que l'on nomme fleur d'antimoine. Les filets dont cette mine est composée varient pour la grandeur & pour l'arrangement qu'elles prennent ; il y en a qui ressemblent à des épis de blé, on en trouve de cette espece en Hongrie, dans les mines d'or ; c'est pour cela que quelques alchymistes l'ont nommée mine d'antimoine solaire, & ils ont cru que cette mine étoit plus propre qu'une autre à être employée dans les travaux alchymiques. Quoi qu'il en soit de ces prétentions, les mines d'antimoine dont il s'agit ici sont redevables de leur couleur & de leur figure au soufre & à l'arsenic.

Telles sont les vraies mines d'antimoine. Ce demi-métal se trouve encore outre cela dans quelques mines d'argent & particulierement dans celle que l'on nomme mine d'argent en plume. Il se trouve aussi joint à des mines de cuivre & de plomb.

La méthode dont on se sert pour tirer l'antimoine de la mine, est celle que les Chymistes nomment distillation en descendant, per descensum ; pour cet effet on commence par dégager cette mine à coups de maillets de la roche à laquelle elle est attachée ; on pulvérise grossierement la partie de la mine qui a été séparée le plus parfaitement qu'il est possible des substances étrangeres, après quoi on la met dans des pots de terre dont le fond est percé de plusieurs trous ; on adapte la partie inférieure de ces pots dans d'autres pots de forme conique, & qui sont enfoncés en terre. On allume du feu autour des pots supérieurs qui contiennent la mine d'antimoine ; par ce moyen cette substance se fond & va se rassembler dans les pots inférieurs qui sont enfouis : les pierres restent dans les pots supérieurs, & la substance qui a découlé est ce que l'on appelle l'antimoine crud, qui n'est autre chose que la matiere réguline de l'antimoine combiné avec du soufre commun, & qu'il ne faut par conséquent point confondre avec l'antimoine pur ou le régule d'antimoine.

Lorsqu'on veut avoir l'antimoine pur & dégagé du soufre & des autres substances étrangeres avec lesquelles il est demeuré uni dans l'opération précédente, pour cet effet on joint à l'antimoine crud des substances qui aient plus de disposition que lui à s'unir avec le soufre, par ce moyen il quitte l'antimoine qui tombe au fond du creuset. Il y a plusieurs manieres de produire cet effet. 1°. On prend quatre parties d'antimoine crud, on y joint trois parties de tartre & une partie & demie de nitre ; ces deux sels doivent être bien séchés ; on pulvérise ces trois substances, & on les mêle bien exactement, après quoi on en met une cueillerée dans un creuset rougi au feu ; il se fait une détonation : on attend qu'elle soit achevée pour remettre une nouvelle cueillerée, & l'on continue de même jusqu'à ce que tout le mêlange soit parfaitement fondu ; on laisse le tout au feu pendant environ une demi-heure ; alors on verse la matiere fondue dans un cône de fer bien sec & frotté de suif, où on la laisse refroidir. On trouvera que l'antimoine pur, que l'on nomme régule d'antimoine, occupera la partie inférieure, on pourra le séparer à coups de marteau des scories qui seront à sa partie supérieure. Si cette opération a été faite avec exactitude, c'est-à-dire si le mêlange est entré dans une fusion parfaite, on trouvera la forme d'une étoile à la surface du régule d'antimoine. Cette étoile a donné lieu à de grandes spéculations de la part des Alchymistes, curieux de trouver du merveilleux en tout, quelques-uns d'entr'eux ont cru y voir d'une façon sensible l'influence des astres ; mais le célebre Stahla rendu raison d'une façon naturelle de ce phénomene, & a prouvé qu'il dépendoit de la parfaite fusion des matieres, & de l'égalité du refroidissement du régule ; en effet, le régule d'antimoine refroidit plus lentement au centre qu'à sa circonférence ; on voit aboutir des rayons qui partent d'un centre commun, ce qui forme l'espece d'étoile dont on a parlé. On changera totalement cette figure, si en appliquant des linges mouillés au cône où l'on a versé la matiere fondue, on fait qu'un des côtés refroidisse plus promtement qu'un autre. M. Rouelle conclud d'après cette expérience, que les substances métalliques prennent un arrangement symmétrique, ou sont susceptibles d'une crystallisation, qui est plus sensible dans les demi-métaux que dans les métaux, parce que les parties des premiers ont moins de liaison ou de continuité que les derniers.

2°. On peut encore dégager l'antimoine crud de son soufre par le moyen du fer. On prend deux parties d'antimoine crud, & une partie de pointes de cloux. On met ces pointes de cloux dans un creuset placé dans un fourneau de forge ; lorsqu'elles sont bien embrasées, on y jette l'antimoine crud pulvérisé, & l'on remue avec une baguette de fer ; on donne un très-grand feu, jusqu'à ce que toute la matiere soit parfaitement en fusion ; alors on y joint un peu de nitre bien séché ; quand la matiere est bien fondue, on la vuide dans un cône de fer chaud & frotté de suif, & l'on obtient un régule d'antimoine que l'on nomme martial, parce qu'il a été obtenu par le moyen du fer. Comme ce régule n'est point encore parfaitement pur, on est obligé de le faire refondre de nouveau, en y joignant un peu d'antimoine crud, afin de fournir du soufre au fer qui peut être demeuré uni avec le régule d'antimoine ; on y ajoute aussi un peu de nitre, qui détonne avec le fer & le soufre, & qui par-là contribue à les réduire en scories ; de cette maniere on obtient un nouveau régule plus pur que le premier. On refond de nouveau ce régule, mais alors on n'y joint qu'un peu de nitre pour faciliter la fusion ; après quoi l'on aura un régule d'antimoine parfaitement pur : si la fusion a été parfaite, & si le refroidissement s'est fait convenablement, on y remarquera une étoile semblable à celle dont on a parlé ci-dessus. Si on refond le régule avec une grande quantité d'alkali fixe, la fusion sera plus parfaite, & les scories qui nageront à la surface du régule s'appellent scories succinées, parce que dans la fusion elles ont la couleur & la transparence du succin.

Quand le régule d'antimoine a été purifié de la maniere qui vient d'être indiquée, il devient propre à toutes les opérations chymiques & pharmaceutiques auxquelles on veut l'employer.

La teinture d'antimoine n'est autre chose que les scories produites dans la premiere opération que l'on a décrite pour obtenir le régule, dissoutes dans l'esprit-de-vin. Ces scories ne sont autre chose qu'un foie de soufre qui tient encore une portion d'antimoine en dissolution.

Le foie d'antimoine se fait en fondant ensemble deux parties d'alkali fixe avec autant d'antimoine crud, ce qui produit un foie de soufre qui tient une portion d'antimoine en dissolution. Cette substance attire l'humidité de l'air, c'est pourquoi il faut y verser de l'esprit-de-vin pendant qu'elle est encore chaude, lorsqu'on veut faire la teinture d'antimoine. Si on mêle ensemble parties égales d'antimoine crud & de nitre bien sec & bien pulvérisé, & si après avoir mis ce mêlange dans un mortier de fer, on y jette un charbon ardent, & que l'on couvre le mortier, il se fait une détonation vive, accompagnée d'une fumée épaisse ; & l'on trouve au fond du mortier une matiere que l'on appelle faux foie d'antimoine, parce qu'il differe de celui qui a été décrit ci-dessus. En effet, il n'attire point l'humidité de l'air ; il contient du foie de soufre, du tartre vitriolé, qui se dissolvent dans l'eau bouillante, & il se précipite une poudre rouge que l'on a nommée crocus metallorum, ou safran des métaux.

Si on dissout le foie d'antimoine dans de l'eau chaude, & que l'on filtre cette dissolution toute chaude, elle se troublera à mesure qu'elle se refroidira, & il s'en précipitera une poudre que l'on appelle soufre grossier d'antimoine. Si on filtre de nouveau la liqueur, & qu'on y verse un peu de vinaigre distillé, il se précipite une poudre d'un rouge foncé, que l'on nomme soufre doré d'antimoine. En filtrant de nouveau la liqueur à plusieurs reprises, & en y mettant à chaque fois une petite quantité de vinaigre distillé, on aura de nouveau un soufre d'antimoine, mais qui deviendra d'une couleur plus claire, & qui sera moins chargé de la partie réguline de l'antimoine.

Le kermès minéral, ou la poudre des Chartreux se fait en prenant trois parties d'antimoine crud concassé grossierement ; on les fait bouillir dans cinq parties d'eau, dans laquelle on aura fait dissoudre une partie de sel alkali fixe. Lorsque l'eau aura été réduite à trois cinquiemes, on la décantera, & il se précipitera au fond une poudre rougeâtre, que l'on lavera quinze ou vingt fois dans un grand volume d'eau ; c'est la méthode suivie par M. Rouelle afin de lui enlever l'alkali fixe qui la rendroit caustique & émétique.

Le régule d'antimoine médicamenteux se prépare en faisant tondre ensemble dans un creuset cinq parties d'antimoine crud, avec une partie de sel alkali fixe. Lorsque la matiere sera bien fondue on la versera dans un mortier de fer chauffé.

La neige d'antimoine est une préparation qui se fait en mettant du régule d'antimoine pulvérisé dans un pot de terre que l'on place sur un fourneau auquel on l'attachera par un lut, afin de concentrer la chaleur. On couvre le pot d'un couvercle percé d'un petit trou, qui y entrera facilement, & qui sera placé à environ deux ou trois doigts au-dessus du régule d'antimoine. On fermera le pot d'un autre couvercle ; on donnera un degré de feu qui fasse rougir le fond du pot & qui tienne l'antimoine en fusion. Lorsque les vaisseaux seront refroidis, on trouvera à la surface du régule d'antimoine une matiere blanche crystallisée en forme d'aiguilles assez longues. Cette opération, suivant la remarque de M. Rouelle, prouve que l'antimoine est volatil tout seul & par sa nature.

Si on mêle ensemble une partie d'antimoine crud & deux parties de sel ammoniac bien séché, on n'aura qu'à mettre ce mêlange dans une cucurbite de terre, à laquelle on adaptera un chapiteau de verre & son récipient. On poussera le feu peu-à-peu jusqu'à faire rougir le fond du vaisseau ; par ce moyen on aura dans le récipient de l'esprit de sel ammoniac, & les parois du chapiteau seront couverts de petites aiguilles jaunes, brunes & rouges que l'on nomme fleurs rouges d'antimoine, dans lesquelles une portion de ce demi-métal s'est sublimée avec le sel ammoniac. M. Rouelle regarde cette préparation comme peu sûre, vû que l'on n'est jamais assez certain de la quantité d'antimoine qui s'est unie & élevée avec le sel ammoniac.

En mettant de l'antimoine crud sur un plat de terre que l'on place sur un fourneau, & ayant attention de remuer de tems en tems, on réduit l'antimoine en une chaux grise ; mais il faut donner un feu doux, qui ne fasse point fondre l'antimoine. Quoique dans cette opération l'antimoine perde la plus grande partie de son soufre, on ne laisse pas de le trouver à la fin plus pesant qu'il n'étoit auparavant, phénomene qui a fort embarrassé les Chymistes. Glauber présume que cette augmentation de poids n'est qu'apparente, & que la pesanteur absolue demeure la même, & qu'il n'y a que la pesanteur spécifique qui augmente, tandis que le volume de la matiere diminue. M. Rouelle a trouvé par des expériences hydrostatiques, que la pesanteur spécifique de l'antimoine étoit réellement augmentée par la calcination. En faisant fondre la chaux d'antimoine dans un creuset avec du flux noir, on aura un vrai régule d'antimoine.

Si l'on prend de la chaux d'antimoine grise, c'est-à-dire qui n'ait pas entierement perdu son phlogistique, en la mettant dans un creuset rougi & placé au milieu des charbons dans un fourneau de forge ; cette chaux entrera en fusion, & formera un verre d'un jaune d'hyacinthe, que l'on nomme verre d'antimoine. Ce verre sera plus ou moins coloré, suivant que la chaux d'antimoine sera plus ou moins privée de phlogistique.

L'antimoine diaphorétique se fait en mêlant ensemble une partie de régule d'antimoine avec trois parties de nitre bien sec ; on jette ce mêlange par cuillerées dans un creuset rougi dans les charbons, on remue le mêlange avec une spatule de fer, & on le jette dans de l'eau. C'est une chaux d'antimoine privée de tout phlogistique ; quelques Chymistes l'appellent matiere perlée. Il est très-nécessaire de laver cette matiere dans un grand nombre d'eaux, afin de lui enlever sa causticité. Il doit être blanc lorsqu'il a été préparé convenablement, & alors il n'est nullement émétique. C'est à cette même substance que l'on a donné le nom de cerussa antimonii. Si l'on fait détoner parties égales d'antimoine & de nitre dans une cornue tubulée rougie par le fond, & à laquelle on aura adapté un ballon dans lequel on aura mis de l'eau, les fumées qui s'éléveront dans la détonation passeront dans le ballon, & formeront une liqueur acide que l'on a nommée clyssus antimonii, & qui est un mêlange d'acide nitreux & d'acide sulfureux volatil ; ce qui restera dans la cornue, est un véritable antimoine diaphorétique.

Le tartre stibié, ou tartre émétique, ou émétique, est un sel formé par l'union de l'acide du tartre avec l'antimoine. Pour le faire, on prendra parties égales de verre d'antimoine & de crême de tartre, on pulvérisera & on mêlera bien ces deux matieres ; on les mettra dans de l'eau bouillante, alors il se fera une effervescence très-vive ; lorsqu'elle sera passée on ôtera le vaisseau du feu ; on filtrera la dissolution, & en la faisant évaporer, l'on aura un sel neutre, que l'on dissoudra de nouveau pour le remettre en évaporation. Cette méthode, qui est celle de M. Rouelle, est la plus sure ; par son moyen l'on a un tartre émétique qui agit uniformément.

Le vin émétique est du vin dans lequel on a laissé infuser du verre d'antimoine. Il est plus ou moins violent, suivant que le vin est plus ou moins chargé d'acide.

Le beurre d'antimoine est l'acide du sel marin combiné avec l'antimoine. Pour faire cette préparation, on n'aura qu'à joindre ensemble quatre parties de sublimé corrosif, & une partie d'antimoine crud. Après avoir bien pulvérisé & mêlé ces deux matieres, on les mêlera dans une cornue de verre, que l'on placera au bain de sable, & à laquelle on adaptera un ballon ou grand récipient. On couvrira la cornue d'un dôme de terre ; on donnera le degré de chaleur de l'eau bouillante ; il passera dans le col de la cornue, une matiere épaisse, qui est ce qu'on appelle le beurre d'antimoine ; lorsqu'elle s'arrête ou se fige, on la fait couler en approchant un charbon allumé du col de la cornue. Si on dissout cette matiere dans une grande quantité d'eau, il se précipite une poudre blanche, qui est un sel connu sous le nom de mercure de vie, ou de poudre d'Algaroth. Après que le beurre d'antimoine est passé à la distillation, il reste dans la cornue une poudre noire. Si on continue à donner un degré de chaleur convenable, il s'éleve & s'attache à la partie supérieure de la cornue, une substance rouge, que l'on nomme cinnabre d'antimoine, qui n'est autre chose que le mercure contenu dans le sublimé corrosif, qui après s'être dégagé de l'acide du sel marin, s'est uni avec le soufre de l'antimoine crud. Quelques auteurs ont vanté l'usage de ce cinnabre, mais dans la réalité il n'a aucun avantage sur le cinnabre factice ordinaire.

Le bézoard minéral se fait en prenant une partie de beurre d'antimoine, & deux parties d'acide nitreux, que l'on met dans une cornue de verre placée au fourneau de réverbere ; il passe dans le récipient une véritable eau régale que l'on nomme esprit philosophique, ou esprit bézoardique ; & il reste dans le fond de la cornue une chaux d'antimoine que l'on a jugé à propos de nommer bézoard minéral.

Les Alchymistes toujours occupés de merveilles, ne se sont point oubliés sur le chapitre de l'antimoine ; ils ont donné à cette substance une infinité de noms mystérieux, par lesquels on a voulu indiquer les propriétés de ce demi-métal, dont on n'avoit que des idées très-imparfaites ; c'est ainsi qu'on l'a appellé lupus, proteus, ultimus judex, plumbum sacrum, marcassita saturni, plumbum philosophorum, plumbum nigrum, magnesia plumbi, radix metallorum, omnia in omnibus, le lion rouge, le lion oriental, &c. Quelques-uns ont cru qu'il étoit susceptible d'être converti en un métal plus parfait, & l'on a sur-tout vanté l'antimoine qui venoit des mines d'or de Hongrie, parce qu'on étoit dans la persuasion qu'il contenoit un soufre solaire. On ne s'arrêtera point à refuter toutes ces idées romanesques qui n'ont aucun fondement.

Les Chymistes plus raisonnables regardent l'antimoine comme composé de trois substances ; 1°. d'une terre métallique, qui a la propriété de se vitrifier, comme on le voit par le verre d'antimoine ; 2°. d'une substance arsénicale, à laquelle on attribue sa volatilité, & la propriété qu'il a d'exciter le vomissement ; 3°. du phlogistique, ou de la matiere inflammable qui donne à toutes les substances métalliques la forme qui leur est propre, & qui, lorsqu'elle leur est enlevée, les laisse dans l'état d'une terre ou d'une chaux.

L'antimoine a la propriété de dissoudre tous les métaux, à l'exception de l'or ; c'est pour cela qu'on s'en sert avec succès pour purifier ce roi des métaux, de tous ceux avec qui il peut être allié. Voyez OR. Mais dans cette opération ce n'est point la partie réguline de l'antimoine qui purifie l'or ; c'est le soufre avec lequel il est uni qui décompose l'argent, le cuivre, le fer, ou le plomb, qui étoient alliés avec l'or ; ce qui est si vrai, que jamais on ne parviendroit à purifier l'or, si on n'employoit que du régule d'antimoine ; il faut, pour produire cet effet, de l'antimoine crud, qui est chargé de soufre, comme on l'a fait observer.

Le régule d'antimoine entre dans un grand nombre d'alliages métalliques. On en met avec l'étain, dans le bronze, &c.

C'est sur-tout dans la médecine & dans la pharmacie que son usage est le plus étendu ; la propriété qu'il a à faire vomir le rend très-propre à dégager l'estomac, & les premieres voies des humeurs qui l'embarrassent ; mais les préparations de l'antimoine demandent à être faites par une main habile, vû que c'est de-là que dépendent ses bons ou ses mauvais effets. Il faut aussi que le médecin, avant que de l'administrer, consulte le tempérament & la force de son malade. Il est nécessaire d'observer que les acides tirés des végétaux, tels que le vinaigre, le jus de citron, &c. donnent beaucoup plus d'activité aux préparations de l'antimoine ; c'est donc une méthode absurde & dangereuse, que celle de quelques médecins, qui ordonnent de la limonade aux malades qui sont trop fatigués par les effets du tartre émétique, vû que par là loin d'amortir son action, ils l'augmentent considérablement. On ne courra aucun risque lorsqu'on donnera une petite quantité du tartre émétique, préparé de la maniere qui a été indiquée, dans un grand volume d'eau chaude. La méthode que M. Rouelle recommande, est de faire dissoudre quatre grains de ce tartre dans une chopine d'eau, que l'on divisera en quatre verres, & que le malade prendra de quart d'heure en quart d'heure, jusqu'à ce qu'il commence à vomir ; alors il cessera d'en prendre, & boira une grande quantité d'eau chaude ; ce qui empêchera l'incommodité & le danger du remede.

Ce sont apparemment les mauvais effets de l'antimoine, ou plutôt la mauvaise maniere de l'administrer, qui ont fait autrefois regarder cette substance comme un poison. Tout le monde sait que l'antimoine a été jadis proscrit par arrêt du parlement de Paris. Les ouvrages de plusieurs médecins du siecle passé sont remplis de déclamations étranges contre un remede, qui sera infiniment utile, lorsqu'il sera donné à propos & avec les précautions nécessaires. (-)

REGULES, nom que les Horlogers donnent à deux petits poids qui servoient autrefois à régler les horloges ; ils se mettoient sur le folio de chaque côté de son centre de mouvement ; de façon qu'en les approchant plus ou moins près de ce centre, on parvenoit à régler l'horloge. Voyez nos Planches de l'Horlogerie.


RÉGULIERadj. (Gramm.) Voyez REGULARITE.

REGULIER, ERE, adj. il y a en Grammaire des mots réguliers & des phrases régulieres. Les mots déclinables sont réguliers, lorsque la suite des terminaisons que l'usage leur a accordées est semblable à la suite des terminaisons correspondantes du paradigme commun à tous les mots de la même espece. Les phrases sont régulieres lorsque les parties en sont choisies & ordonnées conformément aux procédés autorisés par l'usage de la langue dans les cas semblables. Voyez IRREGULIER, ANOMAL, HETEROCLITE, PARADIGME, PHRASE & PROPOSITION.

REGULIER, en terme de Géométrie ; une figure réguliere est celle dont tous les côtés & tous les angles sont égaux entr'eux. Voyez FIGURE.

Le triangle équilatéral & le quarré, sont des figures régulieres. Voyez QUARRE & TRIANGLE. Toutes les autres figures régulieres qui ont plus de quatre côtés, sont appellés polygones réguliers. Voyez POLYGONE. Il n'y a point de figure réguliere qu'on ne puisse inscrire dans le cercle. Voyez CERCLE. Sur les propriétés, &c. des figures régulieres, voyez POLYGONE.

Un corps régulier que l'on appelle aussi corps platonique, est un solide terminé de tous côtés par des plans réguliers & égaux, & dont tous les angles solides sont égaux. Voyez CORPS, PLAN & SOLIDE.

Il n'y a que cinq corps réguliers, savoir l'hexahedre ou le cube, qui est composé de six quarrés égaux ; le tétrahedre, de quatre triangles égaux ; l'octahedre, de huit ; le dodecahedre, de douze pentagones, & l'icosahedre, de vingt triangles égaux. Voyez CUBE, TETRAHEDRE, OCTAHEDRE, &c. Ces cinq corps sont les seuls de cette espece qui existent dans la nature.

Maniere de mesurer la surface & la solidité des cinq corps réguliers. On a donné la méthode de trouver la solidité du cube au mot CUBE. Le tétrahedre étant une pyramide, & l'octahedre une double pyramide ; l'icosahedre étant composé de vingt pyramides triangulaires, & le dodécahedre un solide compris sous 12 pyramides à 5 angles, dont les bases sont dans la surface de l'icosahedre & du dodécahedre, & les sommets au centre ; on peut trouver la solidité de ces corps par les regles que nous avons données au mot pyramide. Voyez PYRAMIDE. On a leur surface en trouvant celle d'un des plans au moyen des lignes qui le terminent (voyez TRIANGLE) ; & en multipliant l'aire ainsi trouvée par le nombre dont le corps reçoit sa dénomination ; par exemple par 4 pour le tétrahedre, par 6 pour l'hexahedre ou cube, par 8 pour l'octahedre, par 12 pour le dodecahedre, & par 20 pour l'icosahedre. Le produit donnera la surface de ces solides. Voyez AIRE & SUPERFICIE.

Proportion de la sphere & des cinq corps réguliers qui y sont inscrits, le diametre de la sphere étant supposé égal à 2.

Supposé que l'on veuille tirer un de ces corps d'une sphere de quelque autre diametre, on fera la proportion suivante : comme le diametre de la sphere 2 est au côté du solide qui lui est inscrit (supposons le cube 1 1547), de même le diametre de telle autre sphere qu'on voudra (supposons 8) est à 9. 2376, qui est le côté du cube inscrit dans cette derniere sphere.

Soit d y (Pl. géométr. fig. 81.) le diametre de telle sphere qu'on voudra, & d a 1/3 du diametre, cette même sphere = a b = b r. Elevez les perpendiculaires a e, c f, & b g, & tirez d e, d f, e r, f r, g r, d g, r e sera le côté du tétrahedre ; d f le côté de l'hexahedre ; d e le côté de l'octahedre ; & coupant d e en moyenne & extrême raison au point n, d n sera le côté du dodécahedre. Elevez le diametre d y perpendiculairement en r du centre c, menez à son sommet la ligne c o, qui coupe le cercle au point h, abaissez la perpendiculaire h m, m r sera le côté de l'icosahedre.

Les courbes régulieres sont celles dont la courbure est uniforme, c'est-à-dire qui n'ont ni point d'inflexions, ni point de rebroussement, &c. telles sont les sections coniques. Voyez COURBE, SECTION CONIQUE, &c.

On appelle courbes irrégulieres celles qui ont un point d'inflexion ou de rebroussement ; telles sont la conchoïde & les paraboles cubiques solides, dont le parametre est un quarré. Voyez INFLEXION & REBROUSSEMENT. Chambers. (E)

REGULIER, mode, (Musique) on appelle mode régulier celui qui a une cinquieme juste au-dessus de sa finale ; & la cadence réguliere est celle qui tombe sur les cordes essentielles du mode. (D.J.)

REGULIER adjectif, (Jurisprudence) se dit de ce qui est conforme aux regles ; un acte est régulier lorsqu'il est rédigé suivant ce qui est permis & ordonné par les réglemens ; une procédure est réguliere lorsqu'elle est conforme à l'ordonnance & aux arrêts & réglemens de la cour. Voyez ACTE, FORME, FORMALITE, PROCEDURE.

REGULIER, est aussi celui qui observe une certaine regle de vie, & dans ce sens on comprend sous le terme de réguliers tous les moines, religieux & religieuses, chanoines & chanoinesses réguliers, même certains ordres militaires & hospitaliers, & autres personnes qui ont embrassé une regle.

On appelle bénéfice régulier celui qui est affecté à un régulier. Voyez BENEFICE.

Les premieres regles sont celles qui furent prescrites aux moines par leurs abbés, tels que S. Paul, S. Antoine & S. Hilarion, en Egypte & dans la Palestine.

La premiere regle dont il soit parlé en France, est celle de S. Colomban, qui fut approuvée dans le concile de Mâcon, en 627.

Les moines embrasserent ensuite celle de S. Benoît, qu'ils reconnurent pour la plus parfaite de toutes.

Les quatre principales regles connues en France sont celles de S. Basile, de S. Augustin, de S. Benoît, & de S. François.

Il y a en outre 24 autres constitutions, ou regles particulieres observées dans diverses maisons religieuses & communautés.

Les réguliers ont un supérieur de même qualité qui prend le titre d'abbé, ou autre titre, selon l'usage de chaque ordre ou communauté.

La jurisdiction des supérieurs réguliers n'étoit autrefois que correctionnelle, présentement elle s'étend à tout ce qui est du gouvernement monastique. Ils peuvent prononcer des censures contre les religieux, les en absoudre, condamner aux peines portées par la regle ou par les canons ceux qui ont commis des crimes dans le cloître.

Le supérieur des réguliers doit être régulier lui-même, desorte que les abbés commendataires n'ont point de jurisdiction sur leurs religieux, à moins que le pape ne la leur ait accordée par un indult particulier.

Les réguliers doivent être gouvernés suivant la regle de leur ordre.

Pour que la regle soit canonique, il faut qu'elle soit du nombre de celles que l'Eglise a approuvées.

Depuis le concile de Latran, on n'en peut point établir de nouvelle sans le consentement exprès du saint siege.

Les bulles d'érection donnent ordinairement aux chapitres généraux le pouvoir de faire de nouveaux statuts.

Mais aucune regle, ni aucun statut n'ont force de loi en France, qu'ils n'ayent été autorisés par lettres-patentes dûement enregistrées.

L'évêque diocésain est le supérieur immédiat de tous les réguliers qui ne sont pas soumis à une congrégation & sujets à des visiteurs, quand même ces réguliers prétendroient être soumis immédiatement au saint siege. Il peut conséquemment les visiter, leur donner des statuts pour la discipline réguliere, & juger les appels que l'on interjette des jugemens des supérieurs réguliers.

Les réguliers mêmes qui sont en congrégation, sont soumis à la jurisdiction de l'évêque, à moins qu'ils n'ayent titre & possession d'exemption ; l'évêque peut par conséquent visiter leurs maisons, y faire des réglemens pour le service divin, la discipline réguliere & le temporel, & enjoindre aux supérieurs de faire le procès à ceux qui ont commis quelque délit dans le cloître ; mais il ne connoît ni par lui-même, ni par son official des jugemens rendus par les supérieurs de chaque monastere ; ces appels sont portés devant les supérieurs majeurs réguliers. L'évêque pourroit néanmoins connoître de ces délits, si le supérieur régulier, en étant averti par l'évêque, négligeoit de le faire.

Pour ce qui est des monasteres, chefs & généraux d'ordre, de ceux où résident les supérieurs réguliers, qui ont jurisdiction sur d'autres monasteres du même ordre, & ceux qui étant exempts de la jurisdiction épiscopale se trouvent en congrégation, l'évêque ne peut les visiter. S'il y arrive quelque desordre, il doit avertir les supérieurs réguliers d'y pourvoir dans six mois, ou même plus tôt, si le cas est pressant ; & faute par les supérieurs réguliers de justifier à l'évêque qu'ils se sont conformés à ce qu'il leur a prescrit, il peut ordonner ce qui convient pour remédier aux abus, en se conformant à la regle du monastere.

Quoique l'évêque fasse la visite dans les monasteres non-exempts, soumis à une congrégation, le supérieur régulier peut aussi faire la sienne pour l'observation de la discipline.

Les congrégations de réguliers doivent tenir au-moins de trois en trois ans des chapitres généraux ou provinciaux, dans lesquels on examine entr'autres choses, tout ce qui concerne la discipline réguliere. Voyez CHAPITRE.

Les ordonnances des supérieurs réguliers ou du chapitre en matiere de discipline sont exécutoires par provision, comme celles de l'évêque.

Les appels des jugemens des premiers supérieurs des monasteres en congrégation, se portent de degré en degré jusqu'au général de l'ordre, & de-là au pape, qui délegue des juges sur les lieux pour juger l'appel.

La voie d'appel que les réguliers ont devant leurs supérieurs, n'empêche pas qu'ils ne puissent aussi se pourvoir devant leur évêque, dans les cas où il a jurisdiction sur eux, ou aux juges royaux dans les cas royaux, ou au parlement par appel comme d'abus.

Un régulier qui commet quelque délit hors du monastere est justiciable de l'official.

Quand les délits des réguliers ne méritent qu'une légere correction, les supérieurs ne sont pas astraints à instruire les procès dans toutes les formes ; mais s'il s'agit d'une peine grave, il faut se conformer à l'ordonnance criminelle.

La reforme des réguliers appartient à leurs supérieurs & à l'évêque ; & si ceux-ci négligeoient de le faire, ou ne croyoient pas avoir assez d'autorité ; le roi, comme protecteur des canons, & les parlemens y pourvoyent. Voyez les lois ecclésiastiques de M. d'Héricourt, ch. x. du gouvernement des réguliers, & les mots CHAPITRE, MONASTERE, REFORME, RELIGIEUX. (A)


RÉGULOS. m. (Hist. mod.) titre qu'on donne aux fils des empereurs de la Chine.

Le fils de l'empereur qui avoit alors la qualité de premier régulo, étoit seulement celui de ses enfans qui étoit le plus en faveur ; mais tout-à-coup les choses changerent de face : l'empereur fut instruit par quelques intelligences secrettes qu'il s'étoit ménagées, de l'innocence du prince héréditaire, qu'il avoit déposé, & des artifices qu'on avoit employés pour le perdre auprès de lui ; & singulierement que le régulo, pour lui succéder avoit eu recours à la magie, & à l'instigation de certains lama, ou prêtres tartares, avoit fait enterrer une statue dans la Tartarie, cérémonie qui avoit été accompagnée de plusieurs opérations magiques. L'empereur donna promtement des ordres pour se saisir du lama & déterrer la statue ; & le régulo eut son palais pour prison. Lettres édif. & cur.


REGULUSS. m. en Astronomie ; c'est le nom d'une étoile de la premiere grandeur, qui est dans la constellation du lion ; on l'appelle aussi, à cause de sa situation, cor leonis, ou le coeur de lion ; les Arabes la nomment alhabor. Voyez ÉTOILE. (O)


RÉHABILITATIONS. f. RÉHABILITER, v. act. (Gramm. & Jurisprud.) c'est l'acte par lequel le roi remet en sa bonne forme & renommée quelqu'un qui auroit été condamné à quelque peine infamante. Cette réhabilitation s'opere par des lettres du grand-sceau, par lesquelles le roi veut que pour raison des condamnations qui étoient intervenues contre l'impétrant, il ne lui soit imputé aucune incapacité ou note d'infamie, & qu'il puisse tenir, posséder & exercer toutes sortes d'offices. Voyez le tit. 16 de l'ordon. de 1670.

On trouve, dit M. le P. Hénault, un fait bien singulier dans des lettres du 20 Juin 1383, qui sont au registre 123 du trésor des chartres, piece 2. Le roi (Charles VI.) voulant réhabiliter un coupable, nommé Jean Mauclerc, habitant de Senlis, à qui le poing avoit été coupé pour avoir frappé un flamand nommé Jean le Brun, lui permit de remplacer ce poing par un autre, fait de la matiere qu'il voudra.

On peut aussi faire réhabiliter ou purger la mémoire d'un défunt en appellant de la sentence rendue par contumace, ou si c'est un jugement en dernier ressort, il faut se pourvoir devant les mêmes juges ; mais si le défunt est décédé après les cinq ans de la contumace, on n'est point reçu à purger sa mémoire sans lettres du grand-sceau. Voyez le tit. 17 de l'ordon. de 1670.

Réhabilitation de noblesse, est l'acte qui fait revivre la noblesse que quelqu'un avoit perdue, par quelque jugement qui l'en avoit déclaré déchu, lui ou ses ancêtres, ou bien lorsqu'elle avoit été perdue par quelqu'acte dérogeant.

Cette réhabilitation s'opere aussi par des lettres qui doivent être registrées au parlement, en la chambre des comptes, & en la cour des aides. Voyez Bacquet, des francs-fiefs.

Réhabilitation de mariage, est une nouvelle célebration de mariage que l'on fait pour réparer le vice d'un premier mariage.

Cet acte est qualifié improprement de réhabilitation ; la nouvelle célébration de mariage est le seul acte que l'on considere, & elle n'a point l'effet de valider le premier mariage qui étoit nul.

Le parlement ordonne quelquefois qu'un mariage sera réhabilité lorsqu'il ne peche que par quelque défaut de forme, & que les parties consentent de demeurer unies ; mais le juge d'église ne peut ordonner une telle réhabilitation. Voyez au mot MARIAGE. (A)


RÉHABITUERv. act. & neut. (Gram.) reprendre une habitude. REHACHER, v. act. (Gram.) hacher derechef. RÉHANTER, v. act. (Gramm.) fréquenter de nouveau. REHAZARDER, v. act. (Gram.) abandonner une seconde fois au hazard. Voyez HABITUER & HABITUDE, HACHER & HACHURE, HANTER & FREQUENTATION, HAZARDER & HAZARD.


REHAUSSERv. act. (Comm.) augmenter ou faire augmenter le prix. Les blés & les vins rehaussent quand il n'y a pas apparence d'une belle moisson ou d'une vendange abondante. Les acaparemens sont prohibés, parce qu'ils font rehausser le prix des marchandises. Voyez ACAPAREMENT & ACAPARER. Diction. de Commer. & de Trév.


REHAUTSS. m. on appelle rehauts en Peinture, les lumieres d'un dessein faites avec du blanc, ou d'autres couleurs lumineuses, lorsque ce dessein est sur du papier coloré ; & si ce papier est blanc, sa couleur conservée fait les rehauts.

On appelle encore rehauts en Peinture, les lumieres qu'on place par hachure, lorsqu'on veut imiter quelque morceau de sculpture, bas-relief, ou ronde-bosse.

Le plus communément tous ces rehauts sont faits avec de l'or-couleur si l'ouvrage est en huile, & de mordant, s'il est en détrempe. L'on y applique de l'or, de l'argent ou du cuivre en feuilles, qui ne s'attachant qu'à ces hachures, fait les rehauts ou lumieres, & c'est ce qu'on appelle rehausser d'or. Rehauts, réhausser ne convient qu'à ces sortes d'ouvrages ; on ne dit point les rehauts d'un tableau, ni rehausser un tableau.


RÉHEURTERv. act. heurter derechef, voyez HEURTER.


REI(Géog. mod.) ville d'Asie, dans l'Irak persienne, voyez-en l'article au mot REY. (D.J.)


REICHENAW(Géog. anc.) en latin Augia dives ; petite île du lac de Constance, au sud de la presqu'île qu'elle forme. Elle a environ une lieue de longueur du sud-est au nord-ouest, & moitié moins de largeur. S. Firmin y fonda en 724 un célebre monastere sous la regle de S. Benoît, & en fut le premier abbé. Ses successeurs eurent séance aux dietes de l'empire parmi ceux du cercle de Souabe, & devinrent très-puissans. Les évêques de Constance firent unir cette île à leur manse épiscopale en 1540, & en jouissent encore. L'empereur Charles le Gros est inhumé dans l'église de l'abbaye. (D.J.)


REICHENBACH(Géog. mod.) nom de deux petites villes d'Allemagne, l'une dans le Voigtland, entre Altembourg & Olmitz. Elle est commerçante, & appartient à l'électeur de Saxe. L'autre Reichenbach est une petite ville de Silésie, dans la principauté de Schweidnitz, sur une riviere de même nom. Les impériaux la prirent en 1613, & y exercerent toutes sortes de barbaries. (D.J.)


REICHENSTEIN(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans la Silésie, à 2 milles de Glatz, & à 4 de Neiss. Elle a des mines dans ses environs. Long. 24. 32. latit. 50. 27. (D.J.)


REICHENVEYLER(Géog. mod.) petite ville de France, en Alsace, au-dessous de Keysersberg. Elle fut environnée de murailles l'an 1271 par les seigneurs de Horburg. (D.J.)


REICHSHOFEN(Géog. mod.) petite ville de la basse Alsace, dans le voisinage d'Haguenaw. Elle a appartenu successivement à plusieurs princes, & enfin en 1633, au comte palatin de la ligne de Birckenfeld. (D.J.)


REIFFERSCHEID(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne dans le cercle du bas-Rhin, au pays appellé Eiffel, près de Manderscheid. (D.J.)


REIGELSBERG(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne dans la Franconie, entre les bourgs de Rieds & d'Aab. (D.J.)


REILANE(Géog. mod.) petite ville de France dans la Provence, avec titre de vicomté, dans la viguerie de Folcarquier. Elle a entrée aux états de la province. (D.J.)


REILBONS. m. (Teint. d'Amériq.) espece de garance qu'on trouve au Chili dans l'Amérique méridionale ; c'est de la racine de cette plante cuite dans de l'eau, qu'on tire une couleur rouge assez semblable à celle qu'on appelle en France rouge de garance.


REIMPOSERv. act. (Gramm.) imposer derechef. REIMPRESSION, (Grammaire) REIMPRIMER, imprimer pour la seconde fois. Voyez IMPOSER & IMPOT, IMPRESSION, IMPRIMERIE & IMPRIMER.


REINES. f. (Gram. Hist. mod.) femme souveraine qui possede une couronne de son chef, & par droit de succession. En ce sens nous n'avons point de reine en France, où la couronne ne tombe point en quenouille, c'est-à-dire où les filles & parentes de roi ne sont point admises à leur succéder.

Reine signifie aussi la femme d'un roi, & c'est dans ce sens qu'on dit une reine de France. Dans les autres royaumes, comme en Angleterre, en Hongrie, &c. pour distinguer une princesse qui est reine de son chef d'avec celle qui n'est que l'épouse d'un roi, on l'appelle reine regnante. Celle-ci est souveraine même du roi son époux dans ses états, au lieu que la reine dans le second sens, c'est-à-dire l'épouse du roi, est seulement sa premiere sujette.

On appelle la veuve du roi reine douairiere, & reine-mere, si son fils est sur le trône.

Il se leve en France un impôt affecté à l'entretien de la maison de la reine. Voyez au mot CEINTURE de la reine.

REINE DU CIEL, (Hist. des Héb.) c'est le nom que les Hébreux prévaricateurs & idolâtres donnoient à la lune, à laquelle ils rendoient un culte superstitieux.

Il en est parlé dans plusieurs endroits de l'Ecriture, & entr'autres dans Jérémie, c. vij. vers. 18. " les enfans amassent le bois, dit ce prophete, les peres allument le feu, & les femmes mêlent de la graisse avec la farine, pour faire des gâteaux à la reine du ciel ". Le P. Calmet croit que c'est la même divinité qui est nommée Meni dans le texte hébreu d'Isaïe, c. lxv. vers. 11. & que ce n'étoit autre chose que la Lune, Astarté, Trivia, Hécaté, Diane, Vénus la céleste, Isis, selon les différentes superstitions des peuples. On lui dressoit des autels sur les plateformes qui servoient de toîts aux maisons, au coin des rues, auprès des portes & dans les bois de haute-futaye. On lui offroit des gâteaux paîtris avec de l'huile ou avec du miel, & on lui faisoit des libations avec du vin ou avec d'autres liqueurs. Les rabbins croyent qu'on imprimoit sur ces gâteaux la forme d'une étoile ou d'un croissant. Calmet, dict. de la Bible.

REINE PEDAUQUE, (Sculpt. gothiq.) nom barbare d'une figure que l'on voit au portail de quelques églises.

On compte en France quatre églises anciennes au portail desquelles on voit avec d'autres figures celle d'une reine, dont l'un des piés finit en forme de pié d'oie. Ces églises sont celles du prieuré de S. Pourçain en Auvergne, de l'abbaye de S. Bénigne de Dijon, de l'abbaye de Nesle transférée à Villenauxe en Champagne, & de S. Pierre de Nevers. Il peut y en avoir quelques autres semblables, soit dans le royaume, soit ailleurs ; mais M. l'abbé Lebeuf, auteur d'un mémoire lu à l'académie des Inscriptions en 1751, & dont nous allons donner un précis, ne connoît & n'a vu que les quatre que nous venons de nommer.

Dans ce mémoire l'auteur observe d'abord que jusques vers le milieu du dernier siecle aucun écrivain n'avoit ou remarqué, ou daigné relever cette singularité. Le P. Mabillon est un des premiers qui paroisse y avoir fait attention, & ce savant religieux a pensé que la reine au pié d'oie, qui des deux mots latins pes ancae (car anca dans la basse latinité signifie une oie) a été nommée reine pédauque, pourroit être Ste Clotilde ; mais ne trouvant rien dans les monumens historiques qui donne lieu de juger que Clotilde ait eû le défaut corporel qu'indique la statue, il conjectura que ce devoit être un emblème employé par les Sculpteurs pour marquer la prudence de cette princesse. Les oies du capitole ont en effet acquis à leur espece le privilege d'être regardées comme le symbole de la vigilance.

Quelques remarques sur les quatre églises qu'on vient de nommer ont fait sentir l'insuffisance de la conjecture du P. Mabillon. Le P. Montfaucon son confrere qui l'a très-bien connue, n'a cependant pas levé la difficulté. Puis-je me flatter, dit M. l'abbé Lebeuf, d'être plus heureux que ces deux savans hommes, en prenant une autre route que celle qu'ils ont suivie, c'est-à-dire en cherchant la reine pédauque ailleurs que parmi les princesses de notre monarchie.

Deux passages, l'un de Rabelais, l'autre des contes d'Eutrapel imprimés en 1587, semblent nous dire que c'est à Toulouse qu'il faut la chercher. Le premier, en parlant de certaines personnes qui avoient le pié large : elles étoient, dit-il, largement pattées comme sont les oies, & comme jadis à Toulouse les portoit la reine pédauque. Le second nous apprend que de son tems on juroit à Toulouse par la quenouille de la reine pédauque.

Ces deux écrivains parloient ainsi d'après les traditions toulousaines, qui devoient avoir déja quelque ancienneté du tems de Nicolas Bertrand, auteur d'une histoire latine de Toulouse, imprimée en 1515. Bertrand raconte que le roi à qui Toulouse obéissoit, lorsque S. Martial y vint prêcher l'Evangile, avoit une fille dangereusement malade qui fut guérie & baptisée par le saint évêque ; que ce roi, qu'il nomme Marcel, prévoyant que sa fille succéderoit à sa couronne, lui fit bâtir dans le quartier dit à présent le Peyralade, un magnifique palais, où il y avoit une salle dans laquelle un aqueduc construit sur la Garonne portoit les eaux d'une fontaine, & qui pour cette raison s'appelloit les bains de la reine. L'historien ajoute que, suivant quelques-uns, cette reine étoit la reine pédauque, quam reginam aliqui fuisse la regina pedauca volunt, expression qui suppose que ce nom devoit être connu depuis long-tems dans le Languedoc.

Antoine Noguier, qui publia en 1559 une histoire françoise de la même ville, adopta le récit de Nicolas Bertrand, & y joignit une description détaillée tant des bains de la princesse, que du pont de brique qui y conduisoit les eaux. Il remarqua de plus que la reine pédauque se trouve représentée au portail occidental de l'église de S. Sernin, où l'on voit dans les sculptures dont ce portail est orné, la fille du roi de Toulouse plongée dans l'eau jusqu'au milieu du corps, en mémoire, dit-il, du baptême par immersion que lui avoient conféré S. Saturnin & S. Martial.

Il est assez probable que le goût de la princesse pour le bain donna lieu de dire qu'elle tenoit du naturel des oies, & que ce fut-là le fondement du surnom ou sobriquet de reine au pié d'oie, de reine pédauque.

Chabanel, de qui nous avons une histoire de l'église de la Daurade imprimée en 1621, est allé plus loin que Bertrand & Noguier ; il a prétendu que la reine qu'on a surnommée pédauque n'étoit autre que Ragnachilde, femme d'Euric, roi des Visigoths, qui avoit été, selon lui, appellée Ragnachilde, à cause de sa passion pour le bain ; ce mot signifiant, dit-il, inclination de grenouille. Chabanel dérivoit le terme barbare ragna du latin rana. En admettant cette étymologie Ragnachilde & Pédauque sans être absolument le même nom, expriment précisément la même chose.

Tout ce qui résulte de fables que racontent les trois auteurs toulousains, c'est que le nom de la reine pédauque est connu depuis long-tems en Languedoc, ainsi que nous l'avons déja dit. Ce que M. l'abbé Lebeuf a rapporté, ne peut servir à nous indiquer, ni quelle étoit originairement cette reine, ni pourquoi elle se trouve représentée au portail de plusieurs de nos églises. Mais Nicolas Bertrand, le plus ancien des trois, nous apprend ailleurs que le vrai nom de la princesse étoit Austris. Arrêtons-nous à ce mot, dit l'académicien de Paris, dans l'idée qu'il doit être la clé de tout le mystere de la reine pédauque.

Il pense donc que la reine Austris des Toulousains est la reine de Saba des livres sacrés. On sait, dit-il, que Jesus-Christ lui-même la nomme dans l'Evangile regina Austri. On sait encore qu'elle a été regardée par les peres de l'Eglise & par les anciens commentateurs de l'Ecriture comme une figure de l'Eglise dont Jesus-Christ est le Salomon. De-là vint dans le moyen âge la coutume de la représenter aux portiques des églises avec le pere & la mere de celui qu'elle étoit venue consulter & admirer, c'est-à-dire avec David & Bethsabée autre figure de l'église, & avec Salomon même. Les sculpteurs y joignirent quelquefois Moïse, Aaron, Melchisedec & Samuël ; & pour retracer à l'esprit les rapports de la nouvelle loi avec l'ancienne, ils ajouterent souvent Jesus-Christ, S. Pierre & S. Paul : ce sont-là les rois, les reines, les évêques que quelques critiques modernes ont cru voir au portail de plusieurs églises du royaume, ainsi que dans celles où est représentée la reine pédauque. Ces figures n'étoient souvent dans l'idée des sculpteurs que des symboles, & n'étoient pas toujours, comme plusieurs l'ont cru, des princes fondateurs ou bienfaiteurs de ces églises.

D'ailleurs, comme c'étoit aux portes des églises que se prononçoient les jugemens ecclésiastiques, & que l'Evangile a dit de la reine de Saba qu'elle étoit assise pour juger, regina Austri sedet in judicio ; cette raison jointe à la représentation des personnages qui sont joints à la reine pédauque ou à la reine de Saba, savoir Moïse, Aaron, Melchisédec, Salomon, Jesus-Christ, S. Pierre & S. Paul, qui tous ont porté ou ont été de rang à porter des jugemens ; cette raison, dis-je, a été la cause de l'honneur qu'elle a d'être placée à certains portails de nos églises ; c'est ainsi que l'imagine M. l'abbé Lebeuf.

Il reste à savoir pourquoi la reine de Saba ou la reine pédauque se trouve représentée avec un pié d'oie. M. l'abbé Lebeuf croit encore avoir trouvé le fondement de cette bisarrerie dans les traditions judaïques, qui nous ont été conservées par le second paraphraste chaldéen. Cet écrivain dit dans un endroit que, selon l'opinion des juifs, la reine de Saba aimoit tellement le bain, qu'elle se plongeoit tous les jours dans la mer. La chaleur du climat sous lequel étoient situés ses états, rendoit cette idée fort vraisemblable. Ailleurs il décrit ainsi l'entrée de la princesse à Jérusalem : " Benajam, fils de Jéhoïada, la conduisit auprès du roi Salomon. Lorsque le roi fut informé de son arrivée, il alla aussi-tôt l'attendre dans un appartement tout de crystal. La reine de Saba, en y entrant, s'imagina que le prince étoit dans l'eau ; & pour se mettre en état de passer, elle leva sa robe. Alors, continue le paraphraste, le roi voyant ses piés qui étoient hideux, votre visage, lui dit-il, a la beauté des plus belles femmes, mais vos jambes & vos piés n'y répondent guere ".

On pourroit concevoir que la premiere de ces traditions auroit pu donner naissance à la seconde ; la passion de la princesse pour le bain fit naturellement imaginer de la comparer aux animaux terrestres qui passent leur vie dans l'eau, aux oies ; bientôt on ajouta qu'elle en avoit les piés ; en effet, la membrane cartilagineuse qui forme leur patte est leur caractere le plus marqué. Les Sculpteurs qui sont venus depuis le conserverent religieusement à la reine de Saba, comme un signe qui devoit la distinguer des autres personnages qu'ils lui associoient, & cette attention leur parut d'autant plus nécessaire, qu'autrement on eut pu la confondre avec Bethsabée qui se trouve auprès de David comme la reine de Saba auprès de Salomon.

Telles sont les conjectures de M. l'abbé Lebeuf, dont nous n'entreprenons pas de garantir la solidité ; mais elles engageront peut-être quelqu'un à abandonner la reine de Saba pour recourir à des recherches plus simples & plus vraisemblables. (D.J.)

REINE, (Mythologie) Junon, la reine des dieux, étoit quelquefois appellée tout court la reine : elle eut à Rome sous ce nom une statue qui lui avoit été érigée à Véïes, d'où elle fut transportée au mont Aventin en grande cérémonie. Les dames romaines avoient beaucoup de considération pour cette statue ; personne n'osoit la toucher que le prêtre qui étoit à son service. (D.J.)

REINE, (Critique sacrée) ce mot dans le V. Testament signifie quelquefois la souveraine d'un état où les femmes peuvent régner. Telle étoit la reine de Saba, que l'Ecriture appelle reine du midi, parce que son royaume, que l'on croit avoir été dans l'Arabie, étoit au midi de Jérusalem. 2° Ce mot se prend pour la femme, la concubine d'un roi, comme cette multitude de princesses que Salomon avoit prises pour femmes au nombre de sept cent, III. Rois xj. 5. quasi reginae septinginta, dit la vulgate. 3°. La mere ou la grand'mere d'un roi est nommée reine par Daniel, v. 10. la reine Nitoris, mere ou grand'mere de Balthasar, entra dans la salle du festin. 4° Enfin ce mot se prend pour celle qui est relevée par quelque dignité. Il y a soixante reines & plus encore de concubines qui ont vu & qui ont vanté ma colombe, Cant. vij. vers. 7 & 8.

La reine du ciel est le nom que les Juifs prévaricateurs donnerent à la lune, à l'exemple des Egyptiens. Ils dresserent des autels à cette déesse sur les plateformes des maisons, & lui offrirent des gâteaux paîtris avec de l'huile & du miel, Jérémie. vij. 18. (D.J.)

REINE DES PRES, ulmaria, (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleur en rose composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le pistil sort du calice de cette fleur, & devient dans la suite un fruit composé de plusieurs gaînes membraneuses, torses & réunies en une sorte de tête. Ce fruit renferme ordinairement une semence assez menue. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

REINE DES PRES, (Mat. méd.) toute cette plante est d'usage, mais d'un usage peu commun ; elle est regardée comme cordiale, céphalique, vulnéraire, sudorifique & aléxipharmaque. La décoction de sa racine est recommandée dans les maladies éruptives ou réputées vénéneuses, telles que la petite-vérole, la fievre maligne pourprée & pestilentielle ; elle est célébrée encore comme utile contre le cours de ventre & le flux de sang, sur-tout lorsqu'elle est faite avec le vin, &c.

Le remede le plus usité qu'on retire de cette plante, c'est l'eau distillée de ses feuilles & de ses fleurs qui sont pourvues d'une partie aromatique, douce & agréable, mais foible, & vraisemblablement de peu de vertu. Cette eau s'emploie dans les juleps & dans les potions céphaliques, diaphorétiques, vulnéraires, &c.

Il est écrit que les jeunes pousses & les fleurs de cette plante mises dans le vin, leur donnent un goût de malvoisie.

La racine de reine des prés entre dans l'eau générale de la Pharmacopée de Paris, & ses feuilles dans l'eau de lait aléxitere. (b)

REINE DES VENTS, (Ornith.) regina aurarum, nom donné par Nieremberg à l'oiseau que les Mexiquains appellent cozeacoanhtli. On nomme cet oiseau reine des vents, parce qu'il vole contre les vents les plus forts ; il est de la grosseur d'une aigle, d'un pourpre noirâtre, marqué de taches jaunes-brunes, & d'autres taches d'un noir foncé ; ses aîles sont tachetées de noir, de jaune, & de gris ; ses jambes sont rouges, ses serres fortes & pointues ; son bec est semblable à celui du perroquet, entouré d'une peau rude & chagrinée ; sa queue est noire par-dessus, & grise en-dessous. Cet oiseau n'habite que le Mexique, couve au printems, vole très-haut, & se nourrit de serpens, de rats, & autres vermines qui ravagent les terres. Ray, ornithol. p. 302. (D.J.)

REINE ceinture à la, (Impôts) on appelle ceinture à la reine, un ancien droit qui se leve à Paris sur différentes sortes de marchandises, particulierement sur le charbon qui y arrive par eau. Richelet. (D.J.)

REINE D'OR, (Monnoie de France) on ne doit pas douter que Philippe le bel n'ait fait battre une monnoie d'or qui portoit ce nom. Cela se justifie par une de ses ordonnances du 4 Août 1310, dans laquelle il décrie cette monnoie en ces termes : " les deniers d'or que l'on appelle deniers à la reine, ont été tant de fois & en tant de lieux contrefaits, que la plûpart sont faux, & de plus petit prix que ceux qui furent frappés en nos monnoies & à nos coins ". Ces derniers mots prouvent que les reines d'or ne peuvent pas être des monnoies de la reine Blanche, mere de St. Louis, ni de Jeanne premiere, reine de Naples, comme plusieurs l'ont imaginé. Il est donc vraisemblable que les reines d'or, dont parle Philippe le bel, étoient de la monnoie sur laquelle étoient représentés le roi & la reine Jeanne sa femme, qui étoit reine de Navarre de son chef ; & sans-doute que la monnoie qu'on faisoit dans ce royaume, se marquoit à leurs coins ; car lorsqu'ils furent couronnés à Pampelune, ils promirent de ne jamais affoiblir leurs monnoies du royaume de Navarre.

Il est aussi parlé des reines d'or dans une autre ordonnance de Philippe le bel du 16 Août 1308 ; mais dans l'une & dans l'autre, il n'est pas fait mention ni de leur titre, ni de leur poids.

Dans une troisieme ordonnance de Charles le bel de l'an 1322, il dit qu'elles étoient de 52 1/2 au marc. Pour le titre sans-doute qu'il n'étoit pas fin ; car dans cette ordonnance, Charles le bel leur donne le même prix qu'aux moutons qui étoient d'or fin, & qui pesoient bien moins que les reines, puisqu'ils étoient de 59 1/6 au marc. Dans cette même ordonnance de Charles le bel, il est aussi parlé de reines d'or, dont les 54 pesoient un marc. Le Blanc, traité des monnoies. (D.J.)

REINE au jeu d'échecs est une piece moins grande que le roi, qui va après lui comme la seconde du jeu, & qui est la meilleure dont on puisse se servir pour défendre son roi, & attaquer son ennemi. La reine est toujours placée à la gauche du roi. Elle marche comme lui en ligne droite & de biais de case en case, & si loin que l'on veut, pourvû qu'elle ne trouve point d'obstacle en chemin. Elle prend aussi, si elle veut, les pieces qui sont sur son passage, & se met en leur place : c'est par-là que l'on connoit que la reine est la meilleure & la plus forte piece qui puisse défendre le roi & attaquer l'ennemi.


REINECou RINECK, (Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans la Franconie, sur la riviere de Sal, à 9 milles de Hanaw, avec un château qui appartient à l'électeur de Mayence. La ville dépend du comte de Hanaw. (D.J.)


REINFALLS. m. (Hist. nat.) c'est le nom d'un vin qui croît en Istrie, dans un canton appellé Proseck, qui est rempli de roches. Ce vin est fort estimé, & par la bonté de son goût, & parce qu'on le regarde comme très-sain. On lui attribue la longue vie des habitans du pays qui parviennent communément à une grande vieillesse.


REINFECTERv. act. (Gram.) c'est infecter derechef. Voyez INFECTER & INFECTION.


REINFELDE(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, au duché de Holstein, près d'Oldeslo, dans la Wagrie. Il y avoit autrefois dans cette ville un monastere de l'ordre de Cîteaux, où plusieurs princes de la maison de Holstein ont été inhumés. (D.J.)


REINFREW(Géog. mod.) ville d'Ecosse, chef-lieu d'une baronie de même nom, sur la Clyde, dans la province de Cunningham, à 70 milles au couchant d'Edimbourg. Long. 13. 26. latit. 55. 50'. (D.J.)


REINSS. m. en Anatomie, c'est la partie de l'animal dans laquelle l'urine se sépare du sang, voyez URINE. Ce mot, selon Varron, vient du grec , quasi rivi obscoenis humoris ab iis oriantur. Les Grecs appellent les reins, , du verbe , pleuvoir, neiger. Voyez NEPHRETIQUE.

Ils sont deux, situés un de chaque côté ; l'un entre le foie & le muscle lombaire, au côté droit ; l'autre entre la rate & le même muscle, au côté gauche. Dans l'homme le droit est plus bas que le gauche ; mais le contraire arrive le plus souvent dans les quadrupedes. Ils sont attachés aux lombes & au diaphragme par leur membrane extérieure, & à la vessie par leurs ureteres ; le droit est aussi attaché à l'intestin coecum, & le gauche au colon & à la rate. Leur figure ressemble à une feve, ou à un croissant ; car ils sont courbés du côté de la veine cave, & convexes par dehors.

Il n'y a d'ordinaire que deux reins, rognons ; cependant on en a trouvé quelquefois trois & même quatre, quelquefois aussi on n'en a trouvé qu'un seul. Ils ont ordinairement dans l'homme environ cinq pouces de long & trois de large, sur un & demi d'épaisseur. En fendant un rein par sa convexité, on voit que la substance extérieure qu'on appelle corticale, en recouvre une autre, composée d'une infinité de tuyaux qui viennent se rendre à des mamelons, par où l'urine sort de la substance du rein pour se rendre dans l'uretere.

Ces mamelons qu'on appelle les papilles du rein, sont séparés par des cloisons que la substance corticale forme entre les différens paquets de la substance tubuleuse ; de plus la substance corticale est encore parsemée de plusieurs entrelacemens de vaisseaux que l'injection fait découvrir ; mais qui laissent pourtant des espaces assez considérables dans lesquels il ne passe rien de la liqueur injectée.

M. Bertin a vu distinctement les vaisseaux sanguins qui forment la substance tubuleuse, s'aboucher avec les tuyaux urinaires qui se rendent aux papilles ; mais il a vu depuis d'autres fibres qui lui paroissoient être les tuyaux urinaires, se rendant de même aux papilles, & qui partoient des prolongemens de la substance corticale. Il découvrit que celle-ci étoit glanduleuse, & que ces tuyaux étoient les canaux excrétoires de ces glandes. Il se fait donc réellement dans le rein deux sortes de filtrations ; l'urine la plus grossiere est séparée du sang par la substance tubuleuse, & l'urine la plus subtile est filtrée par les glandes qui composent la substance corticale. Voyez URINE, voyez aussi Mém. de l'acad. des Scien. ann. 1744.

Les rognons sont couverts de deux membranes ; ils ont chacun une veine & une artere qu'on appelle émulgentes : les arteres viennent de l'aorte, & les veines vont se rendre à la veine cave. Ils ont aussi des nerfs, qui prennent leur origine du plexus rénal, formé des rameaux du nerf intercostal & des nerfs lombaires.

Les reins séparent l'urine du sang, qui est poussé par le mouvement du coeur dans les arteres émulgentes. Celles-ci le portent dans les petites glandes qui en séparent la sérosité, & la versent dans les conduits urinaires qui vont des glandes au bassin, d'où elle se rend par les ureteres dans la vessie. Le sang qui ne peut point entrer dans les glandes, retourne par les veines émulgentes. Voyez nos Pl. d'Anat. & leur explication. Voyez aussi SECRETION.

REINS, jeux de la nature sur les, (Anat.) ces deux visceres nous présentent des jeux singuliers de la nature sur leur nombre, sur leur situation, leur grandeur, leur connexion, leurs vaisseaux & leurs canaux excrétoires.

1°. Nombre. Nous avons dans l'état naturel un rein de chaque côté ; cependant Charles Etienne rapporte avoir trouvé deux reins de chaque côté, accompagnés chacun de leur veine émulgente. D'autres anatomistes assurent en avoir vu trois, & même quatre ; mais ils ajoutent que ce nombre suppléoit au volume qui étoit moins considérable qu'à l'ordinaire. Vésale témoigne n'avoir trouvé qu'un seul rein dans certains sujets. Bartholin en cite aussi des exemples dans sa deuxieme centurie, hist. 77. Enfin M. Morand a vu ce jeu à l'ouverture du corps d'un suisse ; mais M. Litre a vu quelque chose de plus étrange. Il a ouvert un enfant de 4 ans, dans lequel il n'a trouvé aucun vestige de rein gauche, ni d'uretere du même côté, & cependant le rein droit n'en étoit pas plus gros que de coutume. Hist. de l'académ. des Sciences, année 1707.

2°. Situation. Les reins sont ordinairement situés dans la région lombaire, sur les deux dernieres fausses côtes, couchés l'un à droite sous le foie, & l'autre à gauche sous la rate, à environ trois travers de doigts des troncs de la veine cave, & de l'aorte descendante, le droit un peu plus bas que le gauche ; mais cette situation varie. Riolan, & autres maîtres de l'art, les ont quelquefois trouvés à une même hauteur ; pour lors leur partie supérieure appuie sur la derniere des fausses-côtes ; & quelquefois aussi le rein droit est plus haut que le rein gauche, contre la coutume.

3°. Grandeur. Le volume ordinaire de chaque rein est d'environ cinq à six travers de doigts de longueur, sur trois de largeur, & un demi d'épaisseur ; mais toutes ces dimensions varient extrêmement sur les sujets mêmes dont ce viscere se trouve d'ailleurs en très-bon état après la mort ; la différence est quelquefois extrême en grosseur & en petitesse dans les maladies. Par exemple, un médecin de Grenoble a mandé à l'académie des Sciences, qu'il avoit trouvé dans un cadavre un rein si prodigieux qu'il pesoit trente-cinq livres, & que sa structure naturelle étoit altérée à-proportion de cette augmentation de grandeur & de poids. Hist. de l'acad. ann. 1732.

4°. Leur connexion. Les attaches des reins varient pareillement ; le droit est attaché au coecum & au colon, le gauche l'est au colon ; mais des anatomistes l'ont trouvé attaché à la rate.

5°. Leurs vaisseaux & leurs canaux excrétoires. Si la nature se joue dans les vaisseaux des visceres de notre corps, c'est particulierement ici. Ceux que les anciens ont nommés arteres & veines émulgentes, & qu'il est plus naturel d'appeller arteres & veines rénales, ne varient pas seulement dans leur nombre, mais dans leur origine, & leur distribution. " J'ai trouvé, dit Ruysch, les arteres rénales doubles & triples, ramifiées de quantité de manieres différentes. J'ai trouvé encore, ajoute-t-il, le bassinet double & triple. De plus, deux ureteres en un rein, dont l'origine étoit différente, & cependant se joignant en un seul tronc avant que de s'insérer dans la vessie, & d'autres fois s'insérant séparément dans la vessie ". Il a fait de tous ces jeux des préparations, dont la liste se trouve dans le recueil de ses raretés anatomiques.

La membrane adipeuse des reins reçoit une artere & une veine qui viennent quelquefois immédiatement des troncs de l'aorte & de la veine-cave, quelquefois des vaisseaux émulgens, & quelquefois des spermatiques.

M. Poupart, trop adroit dans l'anatomie fine des insectes, pour qu'on l'accuse de n'avoir pas bien vu dans l'anatomie grossiere, faisant la dissection d'une fille âgée de 7 ans, trouva qu'elle n'avoit du côté gauche ni artere, ni veine émulgente, ni rein, ni uretere, ni vaisseaux spermatiques ; & même il ne vit nulle apparence qu'aucune de ces parties eût jamais existé, & se fût flétrie, ou détruite par quelque indisposition. Le rein & l'uretere du côté droit de son sujet, étoient plus gros qu'ils ne sont naturellement, parce que chacun d'eux étoit seul à faire une fonction qui auroit dû être partagée.

C'est dans les reins que se forme ordinairement cette concrétion si cruelle & si fatale à tant de personnes, & particulierement aux gens de lettres. Les annales anatomiques rapportent qu'à l'ouverture du corps du pape Innocent XI. décédé le 13 Août 1689, on trouva dans chacun de ses reins une pierre monstrueuse ; celle du rein gauche pesoit 9 onces, & celle du rein droit en pesoit 6.

C'est Jacques Berenger de Carpi qui découvrit le premier les caroncules des reins, qui ressemblent au bout des mamelles. Nicolaus Massa décrivit ensuite les canaux par lesquels les urines sont filtrées, tubulos urinarios ; mais bientôt après Eustachius découvrit la structure entiere des reins, leurs vaisseaux, leurs papilles, leurs canaux, enfin toutes les merveilles de ce viscere, sur lequel il a mis au jour un ouvrage & des planches admirables. Joignez-y les découvertes de Malpighi & de Ruysch, & vous n'aurez presque plus rien à desirer. (D.J.)

REINS actions des, (Physiolog.) les reins sont les égoûts du corps humain ; il ne paroît pas qu'il y ait aucune autre partie qui recoive la matiere de l'urine ; si on lie les arteres émulgentes, il ne se ramasse rien dans les ureteres ni dans la vessie.

On trouve cependant des anatomistes qui prétendent qu'il y a d'autres voies ; la ligature des arteres émulgentes ne leur paroît pas une preuve convaincante contr'eux, parce qu'alors les convulsions & les dérangemens qui surviennent, ferment les couloirs qui sont ouverts lorsque tout est tranquille : voici les raisons qui les font douter, s'il n'y a pas d'autres conduits qui se déchargent dans la vessie. 1°. Les eaux minérales passent dans la vessie presque dans le même instant qu'on les avale ; la même chose arrive dans ceux qui boivent beaucoup de vin. 2°. Les eaux des hydropiques répandues dans l'abdomen, se vuident par les urines, de même que les abscès de la poitrine. 3°. Les lavemens, selon eux, sortent quelquefois par la vessie un instant après qu'ils sont dans les corps.

Ces raisons ne demandent point un conduit différent de celui des reins, 1°. les eaux minérales de même que le vin, ne sortent pas d'abord par les urines ; au commencement il faut attendre quelque tems, & cela, parce qu'elles doivent passer par les vaisseaux lactées, le canal thorachique, la veine-souclaviere, la veine-cave, le ventricule droit du coeur, les poumons, le ventricule gauche, l'aorte, & les émulgentes ; mais quand tout cet espace contient des eaux minérales ou du vin, alors on voit qu'on ne sauroit continuer à boire sans pisser incessamment, puisqu'à proportion que les eaux ou le vin avancent, il en survient une égale quantité, & qu'il y a une véritable suite de filets d'eau depuis l'estomac jusqu'au rein. 2°. Les eaux des hydropiques peuvent entrer dans les veines par les tuyaux absorbans : dans les bains, l'eau ne s'y insinue-t-elle point ? dans notre corps, n'y a-t-il pas des abscès dans les extrêmités, qui sont repompés tout-à-coup ? Or cela ne sauroit être, s'il n'y a des tuyaux absorbans qui s'inserent dans les veines ; les artères ne sauroient les recevoir puisque le coeur qui y pousse continuellement le sang, s'opposeroit à l'entrée des liqueurs.

On a prétendu d'après quelques fausses expériences, que les parois extérieures laissoient passer l'eau dans la cavité de la vessie, & que les intérieures ne permettoient pas qu'elle en sortît ; mais il est certain que les deux surfaces permettoient également aux fluides un libre passage ; or il s'agit de savoir si l'on peut conclure de-là que l'urine passe dans la vessie sans se filtrer dans les reins.

Il est certain qu'elle n'entreroit pas plutôt dans la vessie que dans les intestins, dans la capacité de la poitrine, &c. De plus la même cause qui la feroit entrer, la feroit sortir, ou du moins lui permettroit l'issue ; & ce qui est décisif, c'est que dans l'hydropisie, où l'on ne sauroit supposer tous les pores bouchés, les urines ne sont qu'en très-petite quantité. 3°. Les lavemens, s'ils passent dans la vessie, pourront entrer dans les veines lactées qu'on a trouvées dans le colon ; ils peuvent même passer dans les intestins grêles, pourvû que le coecum ne soit pas gonflé, car l'entrée n'est bien fermée que lorsque ce cul-de-sac est bien tendu par le gonflement ; les lavemens pourront donc être portés aux reins par la route ordinaire, s'il est vrai que cela arrive, j'ajoute cette condition, parce que je suis persuadé que le plus souvent il n'y a que l'odeur qui passe dans la vessie.

Après avoir établi que les reins sont le seul endroit où se sépare l'urine, voyons comment ils la filtrent.

Le sang poussé dans les arteres émulgentes, dilate les ramifications qui se répandent dans la substance des reins ; ces ramifications dilatées pressent le sang qu'elles contiennent, & le poussent vers les tuyaux qu'elles envoyent aux organes secrétoires ; comme les canaux qui filtrent l'urine & la déposent dans ces organes, sont plus étroits que les extrêmités des artères sanguines, ils ne pourront pas recevoir la partie rouge, ni la lymphe grossiere.

Mais 1°. la partie aqueuse y entrera ; car si l'on fait une injection d'eau tiede dans les arteres émulgentes, l'eau passe dans les veines, les vaisseaux lymphatiques, & les ureteres ; si cette expérience n'a pas réussi à Malpighi, c'est parce qu'il ne l'a pas faite dans un cadavre récent ; l'air passe de même dans ces tuyaux, selon le témoignage de Nuck & selon tous ceux qui ont poussé l'air dans les reins. 2°. La partie huileuse atténuée sortira par ces tuyaux, & par conséquent l'urine sera une liqueur jaunâtre, car la chaleur qui a atténué l'huile, lui donne en même-tems une couleur jaune. 3°. Comme les tuyaux secrétoires des reins sont plus gros que ceux des autres couloirs, les matieres terrestres & salines pourront y passer, & c'est aussi ce que nous voyons par le sédiment qui se dépose au fond des vaisseaux où l'on met l'urine.

On voit par-là si, pour expliquer la secrétion de l'urine, on doit avoir recours aux fermens, aux précipitations ou imaginations d'une infinité d'auteurs qui ont abandonné une méchanique aisée pour des idées chimériques.

Le sang est poussé continuellement dans les reins en grande quantité, avant qu'il se soit dépouillé de ses parties aqueuses & huileuses en d'autres couloirs ; il faut donc que l'urine se sépare dans les reins en abondance : le sang qui va dans les parties inférieures s'y dépouille de sa partie aqueuse & d'une huile subtile ; celui qui se porte dans les arteres cutanées, laisse dans les couloirs de la peau la matiere de la sueur & de la transpiration ; il faut donc qu'après les circulations réiterées, il se porte moins d'eau vers les reins ; ainsi la partie huileuse qui s'y déposera sera moins délayée & plus jaune que la précédente, puisque ses parties ne seront pas mêlées des parties aqueuses qui éclaircissent sa couleur, & lui donnent de la fluidité ; d'ailleurs la chaleur que cette huile aura soufferte, par diverses circulations, lui donnera encore un jaune plus foncé, & rendra les huiles plus âcres ; c'est pour cela que lorsqu'on a jeûné long-tems, l'urine est fort jaune & fort âcre.

Si le sang est poussé impétueusement dans les couloirs des reins par la force du coeur & des artères, il forcera les tuyaux qui ne recevoient auparavant que la matiere aqueuse & l'huile atténuée, ainsi on pissera du sang ; c'est ce qui arrive dans la petite vérole, dans ceux qui ont quelques pierres aux reins, dans ceux qui ont les couloirs des reins fort ouverts ou fort lâches ; mais s'il arrivoit que les arteres fussent fort gonflées par le sang, alors il arriveroit une suppression d'urine, car les arteres enflées comprimeroient les tuyaux secrétoires, & fermeroient ainsi le passage à la liqueur qui s'y filtre ; cette suppression est assez fréquente & mérite de l'attention.

Pour que l'urine coule, il faut donc que les arteres ne soient pas extrêmement dilatées, car par ce moyen, les tuyaux secrétoires ne peuvent se remplir. Delà vient que l'opium arrête l'urine ; mais si le sang en gonflant les arteres empêche la secrétion de l'urine, les tuyaux peuvent encore y porter un obstacle en se retrécissant ; de-là vient que dans l'affection hystérique les urines sont comme de l'eau, car les nerfs qui causent les convulsions, retrécissent les couloirs de l'urine ; la même chose arrive dans des maladies inflammatoires : c'est pour cela que dans les suppressions qui viennent du resserrement des reins, on n'a qu'à relâcher par des délayans, ou par des bains qui augmentent toujours la secrétion de l'urine, & ce symptome cessera.

S'il coule dans les reins un sang trop épais, ou que plusieurs parties terrestres soient pressées les unes contre les autres dans des mamelons, on voit qu'il pourra se former des concrétions dans les tuyaux qui filtrent l'urine ; il suffit qu'il s'y arrête quelque matiere pour que la substance huileuse s'y attache par couches ; car supposons qu'un grumeau de sang ou des parties terrestres unies s'arrêtent dans un mamelon, la matiere visqueuse s'arrêtera ; avec ces concrétions la chaleur qui surviendra, fera évaporer la partie fluide, ou bien le battement des arteres & la pression des muscles de l'abdomen l'exprimeront, ainsi la matiere desséchée ne formera qu'une masse avec ces corps qu'elle a rencontrés.

Voila ce qui se passe dans la filtration de l'urine ; ce fluide, en sortant des organes secrétoires, entre dans les tuyaux longs, blanchâtres, qui se rendent aux mamelons, c'est-à-dire à l'extrêmité des cônes formés par leur assemblage ; quand il est entré dans ces tuyaux, il est poussé par celui qui le suit, par la pression du coeur, des artères, du ressort des fibres, par l'action de la respiration ; enfin ce fluide, c'est-à-dire l'urine, sortant en gouttes par les mamelons, est reçu par des calices qui sont des branches de l'extrêmité des arteres, & soit par son poids, soit par l'urine qui suit, soit enfin par la pression dont nous venons de parler, il se rend dans la vessie.

Ces principes qui établissent l'action des reins, nous en marquent la nécessité. Les fluides tendent à s'alkaliser, à se pourrir, à devenir âcres ; ainsi il est nécessaire qu'il y ait dans le corps un égoût qui reçoive ces matieres & les pousse hors du corps. Une autre matiere qui se sépare continuellement des autres, & qui doit être filtrée, est une matiere séreuse, sort subtile, qui est très-abondante dans les urines.

Or pour la séparation de ces matieres, on n'a besoin que de couloirs nombreux qui soient assez ouverts pour recevoir les excrémens du sang ; ainsi l'attraction qu'on a voulu introduire dans l'action des filtres, peut bien être ailleurs un excellent systême, mais qu'aucune nécessité ne peut nous faire adopter ici.

Les fermens urinaires ne doivent pas être mieux reçus, ce sont des agens que l'imagination a formés pour amuser notre ignorance ; les faits seuls doivent nous conduire ; si nous prenons pour fondement des hypothèses, nous verrons toujours nos opinions démenties par la nature. Senac. (D.J.)

REINS maladies des, (Médec.) 1°. Les anatomistes appellent reins, deux corps de la figure d'une fève, placés intérieurement sur les lombes, munis d'une artere & d'une veine considérable, & parsemés d'une grande quantité de nerfs ; la nature les a destinés à séparer de l'humeur qui y abonde, le liquide qu'on nomme urine qui s'amasse dans leur bassin, & qu'ils déposent dans les ureteres. Ces deux corps, tels que nous venons de les décrire, sont sujets à des maladies générales & particulieres.

2°. La plus fréquente de ces maladies est la pierre que certains auteurs appellent urine néphrétique ; elle a son siege dans le bassin des reins, & remplissant par sa masse l'entrée de l'uretere, elle produit l'obstruction, la pesanteur & la suppression d'urine ; de sa dureté procède une douleur de reins, l'anxiété, le pissement de sang, l'ulcere de la partie, l'enlevement de la mucosité, une urine remplie de matiere mucilagineuse & sablonneuse ; par la simpathie qui se trouve entre les reins & les autres parties du corps, il en résulte la stupeur des cuisses, le retirement en arriere du testicule, la colique, la constipation du ventre, la cardialgie, la nausée, le vomissement, le dégoût, l'ictère, la dyspnée, l'avortement & les convulsions ; de la suppression d'urine & du dérangement des fonctions, proviennent le comavigil, la foiblesse, la cachexie, l'atrophie, la fievre, le tremblement, la syncope, le délire, la somnolence ; tous ces symptomes sont les signes d'un calcul caché ; leur guérison particuliere ne s'écarte point de la méthode curative générale ; mais les maux qui en sont la suite par la simpathie, exigent l'usage des anodins & la nécessité de tenir le ventre libre.

3°. Les autres corps étrangers qui se trouvent dans les reins, comme le grumeau, les vers, les matieres visqueuses, le pus, qui tous produisent l'obstruction, donnent lieu à la suppression d'urine accompagnée de divers accidens par tout le corps ; pour dissiper ces accidens, il faut absolument détruire la cause dont ils émanent.

4°. La douleur des reins, est une espece de néphrétique produite seulement dans le bassin de ce viscere, par l'acrimonie, l'inflammation, l'érésipele, le catharre, le rhumatisme, l'humeur goutteuse, la métastase, le calcul ; d'où résulte nécessairement quelque difficulté d'urine ; cette douleur a ses signes particuliers qui l'accompagnent & qui la font distinguer de toute autre maladie : sa curation doit être relative à la connoissance de la cause.

5°. Lorsque les vaisseaux sanguins relâchés dans les reins, introduisent du sang dans l'urine, elle sort sanguinolente, avec un dépôt de même nature, sans douleur ou pulsation dans les lombes, mais accompagnée d'une sensation de froideur qu'il faut traiter par les corroborans ; quand les vaisseaux ont été rompus par une trop grande impétuosité, après l'ardeur des lombes, il succede un pissement de sang qui demande les saignées & les rafraîchissans ; si les vaisseaux corrodés ou détruits par le calcul, causent le pissement de sang, il faut employer les huileux, les mucilagineux, & les émolliens.

6°. Comme la convulsion empêche les fonctions dans les autres parties, de même dans l'irritabilité, l'hystérisme, la sympathie & les passions de l'ame, il arrive que la contraction des reins cause assez souvent la suppression de l'urine, qu'il faut dissiper par le moyen des antispasmodiques.

7°. L'affoiblissement de la fonction des reins empêche la secrétion de l'urine, ou laisse passer avec l'urine d'autres humeurs utiles à la santé ; le traitement de cet accident exige l'usage interne des corroborans, & de leur application extérieure sur la région des lombes.

8°. La suppuration & l'ulcération des reins, qui procede d'une urine purulente, se connoit par des marques autour des lombes, & requiert les balsamiques pour adoucir un mal qui est incurable. (D.J.)

REINS succenturiaux, (Anatom.) les capsules atrabilaires des anciens, appellées par quelques modernes reins succenturiaux, ou glandes surrénales (on choisira le nom qu'on aimera le mieux), sont deux corps irrégulierement applatis, qui ont été décrits pour la premiere fois par Eustachius. Ils offrent aux anatomistes des jeux variés sur leur position, leur figure, leur couleur, leur grandeur, leurs vaisseaux, cependant je ne sache aucune observation qui dise que ces glandes ayent jamais manqué dans un sujet.

Elles sont d'ordinaire posées sur le sommet des reins, une de chaque côté ; mais quelquefois elles sont placées au-dessus des reins, d'autrefois tout proche, & quelquefois une de ces capsules est plus grosse que l'autre ; leur figure est aussi inconstante, tantôt ronde, tantôt ovale, tantôt quarrée, tantôt triangulaire ; leur couleur est tantôt rouge, tantôt semblable à celle de la graisse dont elles sont environnées ; leur grandeur ne varie guere moins dans les adultes ; leurs vaisseaux sanguins viennent quelquefois de l'aorte & de la veine-cave & d'autres fois des vaisseaux émulgens.

Ce n'est pas tout, il faut encore mettre les capsules atrabilaires au nombre des parties dont on laisse à la postérité l'honneur de découvrir l'usage. Il semble cependant qu'il convient de le chercher par préférence dans le foetus, où elles sont fort grosses, de même que les organes qui ne servent pas dans l'adulte.

Au reste, les anatomistes conviennent qu'il y a dans les capsules rénales, contre la membrane qui vient du péritoine, & une certaine quantité de graisse qui les entoure, & une autre tunique propre très-fine, une surface externe faite de petits grains jaunes, lâches, comme friables, joints entr'eux par un tissu cellulaire. L'interne ressemble à la structure veloutée des intestins, elle est toute polie, d'un jaune tirant sur le rouge, & Malpighi la nomme muqueuse. Ensuite vient cette cavité découverte par Bartholin, affaissée, réunie par de fines cellulosités, dans laquelle il se trouve une liqueur tantôt rougeâtre, tantôt d'un jaune foncé, mais qui n'ayant point d'amertume, ne mérite pas le nom d'atrabile. (D.J.)

REINS du cheval, (Maréchal.) ils commencent vers le milieu du dos jusqu'à la croupe. Les reins si bien faits sont ceux qui s'élevent un peu en dos d'âne ; lorsqu'ils s'élevent trop, on dit que le cheval est bossu. Une autre bonne qualité du cheval, c'est d'avoir les reins larges, ce qu'on appelle le rein double ; les reins courts sont un signe de force. Les mauvaises qualités des reins sont d'être longs & bas, ce qui fait donner au cheval le nom d'ensellé. On entend en disant qu'un cheval a du rein, que la force de ses reins se fait sentir au trot & au galop aux reins du cavalier.

REINS, (Critique sacrée) le Lévitique, ch. viij. 25. ordonne au sacrificateur de brûler cette partie de la victime sur l'autel. Ce mot se prend au figuré dans l'Ecriture, 1° pour la source de la génération ; 2° pour la force, la vigueur du corps, Nah. ij. 10. 3° pour les passions & les affections de l'ame, Ps. xv. 7. 4° pour l'ame même. Dieu sonde les coeurs & les reins, Jérém. vij. 17. (D.J.)

REINS, pierre des, (Hist. nat.) lapis renalis, nom donné par quelques auteurs à la géode ou pierre d'aigle, à cause qu'elle renferme un noyau semblable à un rein.

REINS de voûte, (Coupe des pierres) c'est la partie vuide ou pleine, qui est entre la moitié de l'extrados d'un arc, & le prolongement du pié droit jusqu'au niveau du sommet de la voûte. Les reins des voûtes gothiques sont vuides.


REINSTALLERv. act. (Gram.) installer de nouveau. Voyez INSTALLER & INSTALLATION.


REINTÉadj. (Vénerie) il se dit d'un chien qui a les reins élevés en arcs & larges, c'est signe de force ; les chiens reintés sont préférables à ceux dont les reins sont étroits.


REINTÉGRANDES. f. (Jurisprud.) est une action possessoire par laquelle celui qui a été dejetté & spolié par violence de la possession d'un immeuble, se peut pourvoir dans l'an & jour de cette spoliation, afin d'être remis & réintégré en sa possession.

Elle a été ainsi appellée quasi-réintégration seu restitutio in integrum, parce qu'elle tend à remettre les choses dans leur entier, c'est-à-dire, dans l'état où elles étoient avant le trouble.

Cette action tire son origine de l'interdit ou action possessoire, qui étoit usité chez les Romains, appellé interdictum unde vi.

La réintégrande a pour fondement cette maxime tirée tant du droit civil que du droit canonique, spoliatus ante omnia restituendus est : ce qui s'observe indistinctement, quand même celui qui a été spolié, n'auroit aucun droit à la chose, parce qu'il n'est permis à qui que ce soit de se faire à soi-même justice, ni de dépouiller de son autorité privée quelqu'un d'un bien dont il est en possession.

On comprend quelquefois la réintégrande sous le terme général de complainte ; elle ne differe en effet de la complainte proprement dite qu'en ce que la complainte est pour le cas d'un simple trouble sans dépossession ; au lieu que la réintégrande est pour le cas où il y a eu expulsion violente.

On peut poursuivre la réintégrande civilement ou criminellement.

Elle se poursuit par action civile, quand celui qui a été expulsé, fait simplement ajourner le détempteur, ou celui qui l'a expulsé, pour voir dire qu'il sera réintégré dans sa possession.

La réintégrande se pour suit criminellement, lorsque celui qui a été expulsé, rend plainte de cette violence, & qu'il demande permission de faire informer.

Celui qui a intenté cette action au civil, ne peut plus prendre la voie extraordinaire ; mais quand il a pris d'abord la voie criminelle, les juges peuvent en connoissance de cause renvoyer les parties à fins civiles.

L'action de réintégrande doit, comme la complainte, être intentée dans l'an & jour du trouble.

On peut intenter la réintégrande devant tous juges, même non royaux, pourvu qu'il n'y ait point de port d'armes ; mais MM. des requêtes n'en peuvent connoitre au criminel, à moins qu'elle ne soit incidente à un procès qui étoit déjà pendant par-devant eux pour le même héritage.

Si le défendeur à la réintégrande dénie le trouble qu'on lui impute, on appointe les parties à faire preuve de leurs faits.

On ne peut former aucune demande au pétitoire jusqu'à ce que la réintégrande ait été jugée, & le jugement exécuté, tant en principal que restitution de fruits, dépens, dommages & intérêts, si aucuns ont été adjugés.

Cependant si le demandeur étoit en demeure de faire liquider tous ces accessoires, le défendeur à la réintégrande, pourroit poursuivre le pétitoire, en donnant caution de payer le tout après la taxe & liquidation qui en sera faite.

Les sentences qui interviennent dans cette matiere, sont exécutoires par provision, nonobstant l'appel. Voyez le tit. 8 de l'ordonnance de 1667 des complaintes & réintégrandes, & les notes de Bornier sur cet article, & les mots COMPLAINTE, NOUVELLETE, POSSESSION, PETITOIRE, POSSESSOIRE, SPOLIATION. (A)


RÉINTÉGRERv. act. (Jurisprud.) signifie rétablir quelqu'un dans la possession d'un bien dont il avoit été évincé. Voyez REINTEGRANDE.

Quand un locataire enleve ses meubles en fraude sans payer les loyers, le propriétaire ou principal locataire demande pour sa sûreté permission de faire réintégrer les meubles, c'est-à-dire, de les faire remettre dans les lieux dont on les a enlevés.

C'est dans le même sens qu'on dit réintégrer un prisonnier : ce qui se fait lorsqu'un prisonnier qui s'étoit évadé, est pris & constitué de nouveau dans les prisons.

Enfin on réintegre un officier qui avoit été interdit, lorsqu'on le rétablit dans ses fonctions. (A)


REINTERROGERv. act. (Gram.) interroger derechef. Voyez les articles INTERROGER, INTERROGATION, INTERROGATOIRE.


REINVITERv. act. (Gram.) inviter pour la seconde fois. Voyez INVITER & INVITATION.


REIPERSWEILER(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans l'Alsace ; elle appartient à la maison de Lichtenberg. (D.J.)


REIou RAIS, (terme de relation) nom que les Turcs donnent aux capitaines des galeres. C'est un mot arabe qui signifie, chef, commandant. La plûpart de ces commandans sont des renégats ou des enfans de renégats. Ils se servent d'un italien corrompu, ou de la langue franque, pour se faire entendre des forçats, qui du reste sont mieux traités que ceux des galeres de Venise. Ricault. (D.J.)

REIS EFFENDI, s. m. (Hist. mod.) officier de justice de la cour du grand-seigneur ; c'est le chancelier de l'empire Ottoman, il a séance au divan, & est pour l'ordinaire secrétaire d'état.

REIS KITAB, s. m. (Hist. mod.) officier du grand-seigneur, dont il est premier secrétaire & quelquefois secrétaire d'état.

REIS, s. m. (Monnoie) petite monnoie de cuivre de Portugal, qui revient environ à deux deniers tournois de France, & qui est tout ensemble & monnoie courante, & monnoie de compte ; les Portugais comptant & tenant leurs livres par reis, comme les Espagnols par maravedis. La piastre vaut 750 reis, & la pistole à proportion. Les 200 reis du Brésil font environ 1 liv. 14 sols de France. Savary. (D.J.)


RÉITÉRATIONS. f. (Gramm.) est la répétition d'une action déja faite une premiere fois.

Dans l'Eglise catholique, il y a trois sacremens qu'on ne réitere point, pourvû qu'ils aient été conférés avec la matiere & la forme prescrite ; savoir, le baptême, la confirmation & l'ordre. La raison à priori est que ces sacremens impriment un caractere ineffaçable qui ne se perd jamais, par quelque crime que ce soit, même par l'apostasie.

S. Gregoire observe que ce n'est point réitérer le baptême, que de le donner sous condition, quand on n'a pas des preuves certaines qu'il ait été administré, ou qu'il l'ait été validement une premiere fois. Voyez SACREMENT, MATIERE, FORME, CARACTERE.


RÉITERERvoyez l'article REITERATION qui précede.


REITRES. m. (Art milit.) cavalier allemand ; on ne les connut dans ce royaume, que sous la régence de Catherine de Médicis. Le roi de Navarre en soudoya un grand nombre, qu'il fit venir auprès de lui pour le soutien de son parti ; le mot allemand est reitter, qui signifie cavalier. (D.J.)


REJAILLIRv. n. (Gramm.) il se dit de tous les corps qui sont poussés contre d'autres qui les renvoyent. La balle a rejailli jusqu'ici. La honte en rejaillira sur vous.

Il se dit du mouvement direct d'un fluide mû avec violence hors de son canal. Le sang a rejailli jusqu'au pié de son lit.


RÉJALLAGERÉJALLAGE


REJETS. m. (Gram. & Com.) il se dit du renvoi d'une partie d'un compte sur un autre. Il faut renvoyer, rejetter, ou faire le rejet des paiemens de cette année sur la suivante, on manque de fonds. De la répartition des impôts d'une paroisse insolvable sur les autres ; ou de l'impôt d'un particulier insolvable sur les autres ; cet homme n'a rien, il faut faire le rejet de sa capitation sur d'autres.

Du rebut d'une piece inutile, ou falsifiée, ou supposée, hors de la discussion d'une affaire ; les juges ont ordonné le rejet de cet acte défectueux hors du procès. Voyez ci-dessous quelques autres acceptions du même mot.

REJET, terme de Plombier, reste de plomb qui tombe dans un petit creux au bas du moule, lorsqu'on jette le plomb en moule. Trévoux. (D.J.)

REJET, (Teint.) voyez l'article PASSE.

REJETS, s. m. ce sont de petites verges qui pliées, se redressent d'elles-mêmes.


REJETTEAUS. m. (Menuiserie) c'est une moulure que l'on pratique au bas du bois des fenêtres, & qui avance sur le chassis de 2 ou 3 pouces, pour empêcher, lorsqu'il pleut, que l'eau n'entre dans les appartemens ; l'eau coule le long des fenêtres, & tombe sur le rejetteau qui la rejette loin, d'où lui vient son nom. (D.J.)


REJETTERv. a. (Gram.) c'est jetter une seconde fois, comme dans ces exemples ; rejetter les dés sur la table ; rejetter de l'eau sur la chaux ; rejetter la même pierre.

Pousser un nouveau jet, comme lorsqu'on dit cette plante a rejetté là & là ; il y a des arbres qui rejettent mieux que d'autres.

Supprimer, ôter, diminuer ; il faut rejetter l'eau de cet endroit dans celui-ci ; la terre de ce fossé sur cette couche ; la moitié des meubles hors de cet appartement ; ces détails du commencement de votre discours, à la fin.

Rendre, vomir ; cet enfant rejette le lait ; il a rejetté sa médecine.

Desapprouver, se refuser à ; cette proposition fut rejettée d'une voix unanime.

Chasser, éloigner ; il a été rejetté indignement de la maison de son ami.

Attribuer à d'autres ; ils font des sottises qu'ils rejettent adroitement sur d'autres.

Rejetter a encore les différentes acceptions du mot rejet. Voyez les articles REJET.


REJETTONSJETTONS, TALLES, (Jardinage) Voyez BOUTURES.

REJETTON, Tabac de, (Fabrique de tabac) c'est celui que l'on fait avec les feuilles que la plante pousse après qu'elle a été coupée une premiere fois. Ce tabac n'est jamais bien bon, les feuilles dont on le fait n'étant ni aussi grandes, ni aussi charnues, ni aussi fortes que celles qu'elle a poussées d'abord, & qui l'ont comme entierement épuisée. Il y a même des habitans aux îles, qui ne cherchant que la grande quantité, & non pas la bonne qualité de la marchandise, font du tabac des troisiemes feuilles ; mais si celui de rejetton est si mauvais, que doit-on penser de ce dernier ? Il est vrai qu'ils ne les employent pas toutes seules, & qu'ils les mêlent avec les premieres & les secondes ; mais ce mêlange & cet artifice n'a fait que décrier le tabac de la fabrique des Indes, qui autrefois alloit presque de pair avec le tabac de Brésil. Diction. de Com. (D.J.)


REJOINDREv. act. (Gram.) joindre de nouveau. Voyez JOINDRE.


REJOINTOYERv. act. (Archit.) c'est remplir les joints des pierres d'un vieux bâtiment, lorsqu'ils sont cavés par succession de tems ou par l'eau, & les ragréer avec le meilleur mortier, comme de chaux & de ciment. Cela se fait aussi aux joints des voûtes, lorsqu'ils se sont ouverts, parce que le bâtiment étant neuf, a tassé inégalement, ou qu'étant vieux, il a été mal étayé, en y faisant quelque reprise par sous-oeuvre. (D.J.)


REJOUERv. n. (Gram.) jouer une seconde fois. Voyez les articles JEU & JOUER.


RÉJOUIRv. act. (Gram.) c'est donner de la joie ; se réjouir, c'est en recevoir. Voyez l'article JOIE.


RÉJOUISSANCES. f. (Gram.) actions par lesquelles on marque sa joie. Le carnaval est un tems de réjouissance : il y a des réjouissances publiques à la naissance des princes, à leurs mariages.

REJOUISSANCES, (Usages, Coutumes) je comparerois volontiers les réjouissances publiques à l'occasion des batailles gagnées, aux lectisternes imaginés chez les Romains, pour obtenir des dieux la cessation des calamités. Il ne résultoit guere des lectisternes, l'effet qu'on en faisoit espérer au peuple ; mais on le distrayoit ainsi pendant ce tems-là, des idées fâcheuses que lui offroient les maux qu'il éprouvoit. (D.J.)

REJOUISSANCE, (terme de Lansquenet) la réjouissance est une carte que le coupeur qui a la main, tire immédiatement après la sienne, & sur laquelle les joueurs ou carabineurs mettent ce qu'ils veulent. Si la carte du joueur vient la premiere, tous ceux qui ont mis à la réjouissance, tirent leur rétribution ; mais s'il amene la réjouissance la premiere, il gagne tout ce qu'on avoit mis sur la carte ; on dit aussi que les réjouissances ruinent ou enrichissent les coupeurs. (D.J.)


REJOUTERv. neut. (Gram.) joûter de nouveau. Voyez les articles JOUTE & JOUTER.


REKIETS. m. terme de relation ; ce mot signifie l'inclination ou baissement du corps que font les Turcs dans leurs oraisons publiques, en se tournant du côté de l'orient. (D.J.)


RELACHANTadj. (Thérapeutique) remede quelconque qui, soit pris intérieurement, soit appliqué extérieurement, est capable de relâcher, étendre ou ramollir les parties solides du corps animal, à l'exception des parties très-dures ; savoir, les os & les cartilages.

Les relâchans considérés dans l'usage intérieur, ne sont absolument pour les solidistes, que ce que sont pour les humoristes, les délayans & les émolliens. Voyez DELAYANS & EMOLLIENS. Ce dernier mot a pourtant un sens un peu moins étendu que celui de relâchant, qui comprend, outre toutes les especes de remedes exposées au mot émollient, une autre espece de substance ; savoir, les graisses des animaux & les huiles grasses végétales.

Les relâchans considérés dans l'usage extérieur, comprennent outre l'application de toutes ces substances sous les formes d'onguent, liniment, cataplasme, fomentation, &c. l'application de l'eau pure & tiéde en grande masse, c'est-à-dire le bain tempéré, voyez BAIN en Médecine, & la pareille application ou le bain d'une huile douce végétale, d'huile d'olive, par exemple ; supposé que ce ne soit pas en supprimant toute transpiration, qu'il agisse dans le seul cas où il est employé. Voyez RETENTION D'URINE.

Relâchant n'est pas la même chose que laxatif ; car laxatif est synonyme de purgatif. (b)


RELACHES. m. (Gram.) repos, interruption, cessation momentanée ; donnez quelque relâche à ces enfans ; ce mal le tourmente sans relâche ; il y a relâche au théâtre.

RELACHE, s. m. (Marine) on appelle ainsi l'endroit où est arrivé un vaisseau qui a relâché.


RELACHEMENTS. m. (Médec.) le relâchement qui accompagne l'impuissance qu'on ressent peu-à-peu à remuer les muscles qui mettent tout le corps en action, est l'espece de maladie dont il s'agit dans cet article. Elle prend le nom général de parésis chez les Grecs, & celui de scelotyrbe ou de foiblesse des jambes, quand elle attaque d'abord ces parties.

Les corps affoiblis par l'excès du vin, des veilles, ou des plaisirs de l'amour ; ceux qui sont scorbutiques, cacochymes, catharreux, arthritiques, podagres, dans lesquels le suc nerveux qui occupe les ganglions des nerfs ou la moëlle de l'épine, a perdu sa qualité naturelle ; & devenu croupissant par le séjour, empêche les nerfs de distribuer librement les esprits dans les muscles ; de telles gens, dis-je, tombent dans la maladie dont nous parlons.

Elle dure long-tems ; souvent ses paroxysmes diminuent en quelque maniere, reprennent avec plus de violence, & elle dégénere enfin en vraie paralysie & contraction des membres.

Il faut éviter les causes de ce mal rapportées ci-dessus ; exercer doucement le corps ; frotter l'épine du dos & les ganglions des nerfs, avec les aromatiques, les échauffans, les balsamiques, combinés avec quelque alkali volatil. Il faut encore pour achever la guérison, faire usage des corroborans, des antiscorbutiques, des balsamiques, & des résineux. (D.J.)


RELACHERv. act. (Gram.) ce mot a plusieurs acceptions différentes. On lâche ce qu'on posséde. On relâche ce qu'on a pris. Lâchez cet homme que vous détenez injustement. Relâchez ce prisonnier. Il est synonyme à détendre, lorsqu'on dit cet arc, cette corde s'est relâchée. Il a un sens particulier en marine. Voyez RELACHER, (Marine). Il se dit au figuré ; vous vous relâchez dans la poursuite de cet objet. Dans l'achat des choses, on dit souvent, nous ne ferons pas affaire, si vous ne vous relâchez pas un peu sur le prix de ce tableau. On appelloit les jésuites, les docteurs de la morale relâchée, &c.

RELACHER, (Marine) c'est discontinuer de faire route en droiture, pour mouiller ou dans le port d'où l'on est parti, ou dans quelque parage qui se rencontre sur la route, soit parce que le vent est contraire, ou qu'il est arrivé quelque accident au vaisseau.

RELACHER ; c'est permettre à un vaisseau qui avoit été arrêté, de s'en aller.


RELAIou BERME, s. m. (Génie) est une largeur de terrein au pié du rempart, du côté de la campagne, destinée à recevoir les débris que le canon des assiégeans fait dans le parapet, & à empêcher que ces démolitions ne comblent le fossé. Pour plus de précaution on palissade les bermes. Diction. Militaire. (D.J.)

RELAIS, (Marine) voyez LAISSES.

RELAIS, aller en, terme de Terrassiers ; il se dit des brouetteurs, lorsqu'ils se succedent les uns aux autres, & se communiquent les brouettes pleines pour en reprendre de vuides.

RELAIS, équipage ou chevaux frais qu'on a envoyés d'avance, ou qu'on a ordonné de tenir prêts, pour un étranger, quand on veut faire diligence, comme lorsqu'on court la poste.

Le général des postes en France prend la qualité de surintendant des postes & relais de France.

A la chasse, on appelle relais les chiens & chevaux de reserve, placés en différens lieux ou refuites pour servir au besoin, si la chasse se porte de ce côté-là, & pour relayer ceux qui sont déja recours.

On appelle aussi relais le lieu même où ces chiens & chevaux sont en réserve.

RELAIS, en terme de Manufacture de tapisseries, est un vuide qu'on laisse dans celles-ci aux endroits où il faut changer de couleur ou de figure, parce qu'en ces endroits on change aussi ordinairement les ouvriers, ou bien on laisse ces morceaux à faire après que tout le reste est achevé. Voyez TAPISSERIE.

Les Tapissiers donnent aussi le nom de relais aux décousures des tapisseries.


RELANCERv. act. (Gramm.) c'est lancer de nouveau. Voyez l'article LANCER. On relance au jeu, à la chasse, dans les affaires.


RELAPSS. m. (Théol.) hérétique qui retourne à une hérésie qu'il a déja abjurée.

L'Eglise est plus difficile à accorder l'absolution aux hérétiques relaps qu'à ceux qui ne sont tombés qu'une fois dans l'hérésie, dans la crainte de profaner les sacremens. Dans les pays d'inquisition les relaps sont condamnés au feu. Ce mot vient du latin relapsus, dérivé de relabi, retomber.


RÉLARGIRv. act. (Gramm.) c'est donner plus de largeur. Il faut rélargir cet habit qui m'est trop étroit. Il faut rélargir cette route.


RELATERv. act. (Gramm.) c'est later de nouveau.


RELATIFVE, adj. (Gramm.) qui a relation ou rapport à quelque chose, ou qui sert à l'expression de quelque rapport. Relatif vient du supin relatum (rapporter), & la terminaison if, ive (en latin ivus) vient de juvare (aider) : ainsi relatif signifie littéralement qui aide à rapporter, ou qui sert aux rapports. L'opposé de relatif est absolu, formé d'absolutus, qui veut dire solutus ab, comme si l'on vouloit dire, solutus ab omni vinculo relationis. Les Grammairiens font du terme de relatif tant d'usages si différens, qu'ils feroient peut-être sagement de réformer là-dessus leur langage.

I. On appelle relatif, tout mot qui exprime avec relation à un terme conséquent dont il fait abstraction ; ensorte que si l'on emploie un mot de cette espece, sans y joindre l'expression d'un terme conséquent déterminé, c'est pour présenter à l'esprit l'idée générale de la relation, indépendamment de toute application à quelque terme conséquent que ce puisse être ; si le mot relatif ne peut ou ne doit être envisagé qu'avec application à un terme conséquent déterminé, alors ce mot seul ne présente qu'un sens suspendu & incomplet, lequel ne satisfait l'esprit que quand on y a ajouté le complément. Voyez REGIME, article 1.

Il y a des mots de plusieurs especes qui sont relatifs en ce sens, savoir des noms, des adjectifs, des verbes, des adverbes, & des prépositions.

1°. Il y a des noms relatifs qui présentent à l'esprit des êtres déterminés par la nature de certaines relations, & il y en a de deux sortes ; les uns sont simplement relatifs, & les autres le sont réciproquement.

Qu'il me soit permis, pour me faire entendre, d'emprunter le langage des Mathématiciens. A & B sont deux grandeurs comparées sous un point de vue ; B & A sont les mêmes grandeurs comparées sous un autre aspect. Si A & B sont des grandeurs inégales, le rapport de A à B n'est pas le même que celui de B à A ; cependant un de ces deux rapports étant une fois fixé, l'autre par-là même est déterminé : si A, par exemple, contient B quatre fois, l'exposant du rapport de A à B est 4 ; mais 4 n'est pas l'exposant du rapport de B à A, parce que B ne contient pas réciproquement A quatre fois ; au-contraire B est contenu dans A quatre fois, il en est le quart, & c'est pourquoi l'exposant de ce second rapport, au-lieu d'être 4, est 1/4, ce qui est analogue sans être identique. Si A & B sont des grandeurs égales, le rapport de A à B est le même que celui de B à A : A contient une fois B, & réciproquement B contient une fois A ; & 1 est toujours l'exposant du rapport de ces deux grandeurs sous chacune des deux combinaisons.

C'est la même chose de tous les rapports imaginables, tous supposent deux termes, & ces deux termes peuvent être vus sous deux combinaisons. Il peut arriver que le rapport du premier terme au second ne soit pas le même que celui du second au premier, quoiqu'il le détermine ; & il peut arriver que le rapport des deux termes soit le même sous les deux combinaisons. Cela posé,

J'appelle noms réciproquement relatifs, ceux qui déterminent les êtres par l'idée d'un rapport qui est toujours le même sous chacune des deux combinaisons des termes, comme frere, collegue, cousin, &c. car si Pierre est frere, ou cousin, ou collegue de Paul, il est vrai aussi que Paul est réciproquement frere, ou cousin, ou collegue de Pierre.

J'appelle noms simplement relatifs, ceux qui déterminent les êtres par l'idée d'un rapport, qui n'est tel que sous une seule des deux combinaisons ; de sorte que le rapport qui se trouve sous l'autre combinaison est différent, & s'exprime par un autre nom : ces deux noms, en ce cas, sont correlatif l'un de l'autre. Par exemple, si Pierre est le pere, ou l'oncle, ou le roi, ou le maître, ou le précepteur, ou le tuteur, &c. de Paul, cela n'est pas réciproque, mais Paul est par correlation le fils, ou le neveu, ou le sujet, ou l'esclave, ou le disciple, ou le pupille, &c. de Pierre ; ainsi pere & fils, oncle & neveu, roi & sujet, maître & esclave, précepteur & disciple, tuteur & pupille, &c. sont correlatifs entr'eux, & chacun d'eux est simplement relatif. Voyez CORRELATIF.

2°. Quelques adjectifs sont relatifs, & ce sont ceux qui désignent par l'idée précise de quelque relation générale, comme utile, nécessaire, onéreux, égal, inégal, semblable, dissemblable, avantageux, nuisible, &c.

Il est évident qu'en grec & en latin, les adjectifs comparatifs sont par-là même relatifs, quand même l'adjectif positif ne le seroit pas, comme loquacior, sapientior, facundior, &c. ainsi que leurs correspondans grecs, . Si le positif est lui-même relatif, le comparatif l'est doublement, parce que toute comparaison envisage essentiellement un rapport entre les deux termes comparés ; ainsi on peut dire d'une premiere maison qu'elle est semblable à une seconde (similis) ; voilà un positif relatif ; mais une troisieme peut être plus semblable à la seconde, que ne l'est la premiere (similior) ; voilà un adjectif doublement relatif, 1°. il désigne par la ressemblance à la seconde maison ; 2°. par la supériorité de cette ressemblance sur la ressemblance de la premiere maison. Nous n'avons en françois que quelques adjectifs comparatifs exprimés en un seul mot, pire, moindre, meilleur, supérieur, inférieur, antérieur, postérieur : nous suppléons à cette formation par plus, &c. Voyez COMPARATIF, & sur-tout SUPERLATIF.

Il en est des adjectifs relatifs comme des noms : les uns le sont simplement, les autres réciproquement. Utile, inutile, avantageux, nuisible, sont simplement relatifs, parce qu'ils désignent par l'idée d'un rapport qui n'est tel que sous l'une des deux combinaisons ; la diete est utile à la santé, la santé n'est pas utile à la diete. Egal, inégal, semblable, dissemblable, sont réciproquement relatifs, parce qu'ils désignent par l'idée d'une relation qui est toujours la même sous les deux combinaisons ; si Rome est semblable à Mantoue, Mantoue est semblable à Rome.

3°. Il y a des verbes relatifs qui expriment l'existence d'un sujet sous un attribut dont l'idée est celle d'une relation à quelque objet extérieur.

Les verbes concrets sont actifs, passifs, ou neutres, selon que l'attribut individuel de leur signification est une action du sujet même, ou une impression produite dans le sujet sans concours de sa part, ou un simple état qui n'est dans le sujet ni action ni passion. De ces trois especes, les verbes neutres ne peuvent jamais être relatifs, parce qu'exprimant un état du sujet, il n'y a rien à chercher pour cela hors du sujet. Mais les verbes actifs & passifs peuvent être ou n'être pas relatifs, selon que l'action ou la passion qui en détermine l'attribut est ou n'est pas relative à un objet différent du sujet. Ainsi amo & curro sont des verbes actifs ; amo est relatif, curro ne l'est pas, il est absolu : de même amor & pereo sont des verbes passifs ; pereo est absolu, & amor est relatif. Voyez NEUTRE.

Sanctius (Min. III. 3.) & plusieurs grammairiens après lui, ont prétendu qu'il n'y a point de verbe en latin qui ne soit relatif, & qui n'exige un complément objectif, s'il est actif. Sanctius entreprend de le prouver en détail de tous les verbes qui, selon lui, ont été réputés faussement neutres, c'est-à-dire absolus, & il le fait en suivant l'ordre alphabétique. Il fait consister ses preuves dans des textes qu'il cite, & il annonce qu'il croira avoir suffisamment prouvé qu'un verbe est actif, transitif, ou relatif, quand il l'aura montré employé à la voix passive, comme caletur, egetur, curritur, peccatur, ou bien quand il en trouvera le participe en dus, da, dum, ou seulement le gérondif en dum, usité dans quelques auteurs.

Pour ce qui est de la premiere espece de preuve, il faut voir si le verbe est employé à la voix passive, avec un sujet au nominatif, ou sans sujet.

Si le verbe est employé sans sujet, la forme est passive si l'on veut, mais le sens est actif & non passif ; on n'indique aucun sujet passif, & il n'y a aucune passion sans sujet ; on ne veut alors exprimer que l'existence de l'action ou de l'état sans désignation de cause ni d'objet : caletur ne veut point dire calor caletur, mais calere est ; & de même egetur, c'est egere est ; curritur, c'est currere est ; & peccatur, peccare est : expressions en effet tellement synonymes, dumoins de la maniere que tous les synonymes le sont, qu'on les trouve employées assez indistinctement, & que nous les rendons en françois de la même maniere par notre on. Voyez PASSIF & IMPERSONNEL.

Si le verbe est employé à la voix passive avec un sujet au nominatif, je conviens qu'il suppose alors une voix active qui a le sens relatif, & qui auroit pour complément objectif ce qui sert de sujet à la voix passive ; cependant Périzonius ne veut pas même en convenir dans ce cas ; il prétend (ibid. not. 10.) que de pareilles locutions ne sont dûes qu'à la catachrese, ou plutôt à l'erreur où peuvent être tombés des écrivains qui n'ont pas bien compris le sens de l'usage primitif. L'observation de ce savant critique est en soi excellente ; mais quelque défaut qu'il y ait à l'origine des mots ou des phrases, dès que l'usage les autorise, il les légitime, & il faut oublier la honte de leur naissance, ou du-moins le souvenir qu'on en conserve ne doit ni ne peut tirer à conséquence. Cependant il peut y avoir tel auteur, dont l'autorité ne constateroit pas le bon usage, & les meilleurs même ne sont pas irrépréhensibles ; on trouve des défauts contre l'usage dans Boileau, dans Racine, dans Labruyere, &c.

Ce que je viens de dire de la voix passive, doit s'entendre aussi du participe en dus, da, dum, & même de celui en us, a, um, lorsqu'ils sont en concordance avec un sujet. Mais si on ne cite que le gérondif en dum, ou le supin en um, Sanctius ne peut rien prouver ; car ces mots sont en effet à la voix active, qui peut être indifféremment absolue ou relative (voyez GERONDIF, SUPIN, PARTICIPE, IMPERSONNEL.) Aeternas poenas in morte timendum est, Lucr. castra sine vulnere introïtum est, Sall. & tous ces exemples sont analogues à multos videre est, où il n'y a certainement point de tour passif.

Ces deux observations suffisent déjà pour faire rentrer dans la classe des verbes neutres ou absolus, un grand nombre de ceux dont Sanctius fait l'énumération. Il ne sera pas difficile d'en faire disparoître encore plusieurs, si l'on fait attention que dans beaucoup des exemples cités, où le verbe est accompagné d'un accusatif, cet accusatif n'est point le régime du verbe même, mais celui d'une préposition sousentendue : par exemple, senem adulterum latrent suburanae canes, c'est-à-dire in senem adulterum, après un vieux paillard. Histrio casum meum toties collacrymavit, Cic. Et Sanctius remarque sur cet exemple, sed hic potest deesse praepositio, & cognatus casus lacrymas. Sur quoi voici la note de Périzonius (28) : si l'accusatif casum meum peut être régi par une préposition sous-entendue, pourquoi ne diroit-on pas la même chose dans mille autres occurrences ? Pour ce qui est de l'accusatif lacrymas, il est entierement étranger à cette construction : si collacrymavit gouverne un accusatif, c'est casum meum ; s'il ne gouverne pas casum meum, il n'en exige aucun, c'est un verbe neutre. Ce cas, appellé cognatus, ou cognatae significationis, ne feroit, comme je l'ai dit au mot IMPERSONNEL, qu'introduire dans l'analyse une périssologie inutile, inexplicable, & insupportable. Pour justifier ce pléonasme, on cite l'usage des Hébreux, mais on ne prend pas garde que cette addition étoit chez eux un tour autorisé pour énoncer le sens ampliatif : s'ils ont dit venire veniet, ou selon l'ancienne version, veniens veniet, c'étoit pour marquer la célérité de l'exécution, comme s'ils avoient dit, brevis veniet, ou celeriter veniet, & ils ajoutent, comme pour rendre plus sensible cette idée de célérité, & non tardabit. Habac. 2.

Ajoutons à tout cela les changemens que les variantes peuvent autoriser dans plusieurs des textes cités par le grammairien espagnol ; & peut-être que des trois cent dix-huit verbes qu'il prétend avoir été pris mal-à-propos pour neutres, on aura bien de la peine d'en conserver cinquante ou soixante qui puissent justifier l'observation de Sanctius.

4°. Il y a aussi des adverbes relatifs, puisqu'on en trouve quelques-uns qui étant seuls n'ont qu'un sens suspendu, & qui exigent nécessairement l'addition d'un complément pour la plénitude du sens. Convenienter naturae (conformément à la nature) ; relativement à mes vues ; indépendamment des circonstances, &c.

5°. Enfin toutes les prépositions sont essentiellement relatives, ainsi qu'on peut le voir au mot PREPOSITION.

Je ne prétends poser ici que les notions fondamentales concernant les mots relatifs ; mais je dois avertir que l'on peut trouver de bonnes observations sur cette matiere dans la Logique de Le Clerc, part. I. ch. iv. & dans son traité de la Critique, part. II. ch. iv. sect. 2. mais ces ouvrages doivent être lus avec attention & avec quelques précautions.

II. Les Grammairiens distinguent encore dans les mots le sens absolu & le sens relatif. Cette distinction ne peut tomber que sur quelques-uns des mots dont on vient de parler, parce qu'ils sont quelquefois employés sans complément, & par conséquent le sens en est envisagé indépendamment de toute application à quelque terme conséquent que ce puisse être : il n'est pas réellement absolu, puisqu'un mot essentiellement relatif ne peut cesser de l'être ; mais il paroit absolu parce qu'il y a une abstraction actuelle du terme conséquent. Que je dise, par exemple, AIMEZ Dieu par-dessus toutes choses, & votre prochain comme vous-mêmes, voilà les deux grands commandemens de la loi ; le verbe aimez essentiellement relatif, parce que l'on ne peut aimer sans aimer un objet déterminé, est employé ici dans le sens relatif, puisque le sens en est completté par l'expression de l'objet qui est le terme conséquent du rapport renfermé dans le sens de ce verbe ; mais si je dis, AIMEZ, & faites après cela tout ce qu'il vous plaît, le verbe aimez est ici dans un sens absolu, parce que l'on fait abstraction de tout terme conséquent, de tout objet déterminé auquel l'amour puisse se rapporter.

C'est la même chose de toutes les autres sortes de mots relatifs, noms, adjectifs, adverbes, prépositions. Je suis PERE, & je connois à ce titre toute l'étendue de l'amour que je dois à mon PERE ; le premier pere est dans un sens absolu ; le second a un sens relatif ; car mon pere, c'est le pere de moi. Une seule chose est NECESSAIRE ; sens absolu : la patience est NECESSAIRE au sage : sens relatif. Un mot employé RELATIVEMENT ; sens absolu : un mot choisi RELATIVEMENT à quelques vues secrettes ; sens relatif. Vous marcherez DEVANT moi ; sens relatif : vous marcherez DEVANT, & moi DERRIERE ; sens absolu.

Le mot relatif étant employé ici avec la même signification que dans l'article précédent, & par rapport aux mêmes vues, l'usage en est légitime dans le langage grammatical.

III. On distingue encore des propositions absolues & des propositions relatives : " lorsqu'une proposition est telle, que l'esprit n'a besoin que des mots qui y sont énoncés pour en entendre le sens, nous disons que c'est-là une proposition absolue ou complete . Quand le sens d'une proposition met l'esprit dans la situation d'exiger ou de supposer le sens d'une autre proposition, nous disons que ces propositions sont relatives ". C'est ainsi que parle M. du Marsais (article CONSTRUCTION) ; sur quoi l'on me permettra quelques observations.

1°. Si quand on n'a besoin que des mots qui sont énoncés dans une proposition pour en entendre le sens, il faut dire qu'elle est absolue ; il faut dire au contraire qu'elle est relative, lorsque, pour en entendre le sens, on a besoin d'autres mots que de ceux qui y sont énoncés : d'où il suit que quand Ovide a dit, quae tibi est facundia, confer in illud ut doceas ; il a fait une proposition incidente qui est absolue, puisque l'on entend le sens de quae tibi est facundia, sans qu'il soit nécessaire d'y rien ajoûter ; & le paucis te volo de Térence, est une proposition relative, puisqu'on ne peut en entendre le sens, si l'on n'y ajoûte le verbe alloqui, & la préposition in ou cùm, avec le nom verbis ; volo alloqui te in paucis verbis, ou cum paucis verbis. Cependant l'intention de M. du Marsais étoit au contraire de faire entendre que quae tibi est facundia, est une proposition relative, puisque le sens en est tel, qu'il met l'esprit dans la situation d'exiger le sens d'une autre proposition ; & que paucis te volo, est une proposition absolue, puisque le sens en est entendu indépendamment de toute autre proposition, & que l'esprit n'exige rien audelà pour la plénitude du sens de celle-ci.

La définition que donne ce grammairien de la proposition absolue, n'est donc pas exacte, puisqu'elle ne s'accorde pas avec celle qu'il donne ensuite de la proposition relative, & qu'elle peut faire prendre les choses à contre-sens. Comme une proposition relative est celle dont le sens exige ou suppose le sens d'une autre proposition ; il falloit dire qu'une proposition absolue est celle dont le sens n'exige ni ne suppose le sens d'aucune autre proposition.

2°. Comme une proposition ne peut être relative, de la maniere qu'on l'entend ici, qu'autant qu'elle est partielle dans une autre proposition plus étendue ; & qu'il a été prouvé (PROPOSITION, article 1. n. 2.) que toute proposition partielle est incidente dans la principale : il suffit de désigner par le nom d'incidentes, les propositions qu'on appelle ici relatives, d'autant plus que la grammaire n'a rien à régler sur ce qui les concerne, que parce qu'elles sont partielles ou incidentes. (Voyez INCIDENTE.) Ce seroit d'ailleurs établir la tautologie dans le langage grammatical, puisque le mot relatif ne seroit pas employé ici dans le même sens qu'on l'a vu ci-devant.

3°. Chez les Logiciens, qui envisagent les propositions sous un autre point de vue que les Grammairiens, mais qui se méprennent en cela, si moi-même je ne me trompe, appellent propositions relatives, celles qui renferment quelque comparaison & quelque rapport : comme, où est le trésor, là est le coeur ; telle est la vie, telle est la mort ; tanti es, quantum habeas. Ce sont la définition & les exemples de l'art de penser. Part. II. ch. ix.

Il y a encore ici un abus du mot : ces propositions devroient plutôt être appellées comparatives, s'il étoit nécessaire de les caractériser si précisément : mais comme on peut généraliser assez les principes de la Grammaire, pour épargner dans le didactique de cette science des détails trop minutieux ou superflus ; la Logique peut également se contenter de quelques points de vue généraux qui suffiront pour embrasser tous les objets soumis à sa jurisdiction.

IV. Le principal usage que font les Grammairiens du terme relatif, est pour désigner individuellement l'adjectif conjonctif qui, que, lequel, en latin qui, quae, quod : c'est, dit-on unanimement, un pronom relatif.

" Ce pronom relatif, dit la Grammaire générale, (Part. II. ch. ix.) a quelque chose de commun avec les autres pronoms, & quelque chose de propre.

Ce qu'il a de commun, est qu'il se met au lieu du nom, & plus généralement même que tous les autres pronoms, se mettant pour toutes les personnes. Moi QUI suis chrétien ; vous QUI êtes chrétien ; lui QUI est roi.

Ce qu'il a de propre peut être considéré en deux manieres.

La premiere, en ce qu'il a toujours rapport à un autre nom ou pronom qu'on appelle antécédent, comme : Dieu qui est saint. Dieu est l'antécédent du relatif QUI. Mais cet antécédent est quelquefois sous-entendu & non exprimé, sur-tout dans la langue latine, comme on l'a fait voir dans la nouvelle méthode pour cette langue.

La seconde chose que le relatif a de propre, & que je ne sache point avoir encore été remarquée par personne, est que la proposition dans laquelle il entre (qu'on peut appeller incidente), peut faire partie du sujet ou de l'attribut d'une autre proposition, qu'on peut appeller principale ".

1°. J'avance hardiment, contre ce que l'on vient de lire, que qui, quae, quod (pour m'en tenir au latin seul par économie), n'est pas un pronom, & n'a avec les pronoms rien de commun avec ce qui constitue la nature de cette partie d'oraison.

Je crois avoir bien établi (article PRONOM), que les pronoms sont des mots qui présentent à l'esprit des êtres déterminés par l'idée précise d'une relation personnelle à l'acte de la parole : or qui, quae, quod, renferme si peu dans sa signification l'idée précise d'une relation personnelle, que de l'aveu même de M. Lancelot, & apparemment de l'aveu de tous les Grammairiens, il se met pour toutes les personnes : d'ailleurs ce mot ne présente à l'esprit aucun être déterminé par la nature, puisqu'il reçoit différentes terminaisons génériques, pour prendre dans l'occasion celle qui convient au genre & à la nature de l'objet au nom duquel on l'applique. Je le demande donc : à quels caracteres pourra-t-on montrer que c'est un pronom ?

C'est, dit-on, qu'il se met au lieu du nom : mais au lieu de quel nom est-il mis dans l'exemple d'Ovide, que j'ai déja cité : quae tibi est facundia, confer in illud ut doceas ? Il accompagne ici le nom même facundia, avec lequel il s'accorde en genre, en nombre & en cas : il n'est donc pas mis au lieu de facundia, mais avec facundia. Cicéron le regardoit-il, ou du-moins le traitoit-il en pronom, lorsqu'il disoit (pro leg. man.) bellum tantum, quo bello omnes premebantur, Pompeius confecit ? On voit encore ici quo avec bello, & non pas au lieu de bello.

Je sais qu'on me citera mille autres exemples, où ce mot est employé seul & sans être accompagné d'un nom ; parce que ce nom, dit le même auteur (Méth. lat. Synt. regl. 2.), est assez exprimé par le relatif même qui tient toujours sa place, & le représente, comme : cognosces ex iis litteris QUAS liberto tuo dedi. Mais cet écrivain convient sur le champ que cela est dit pour ex litteris, quas litteras. Si donc ou peut dire que quas tient ici la place de litteras, & qu'il le représente ; c'est comme avarus tient la place d'homo, & le représente dans cette phrase : semper avarus eget, (l'avare est toujours dans la disette). Avarus représente homo, parce qu'il est au même genre, au même nombre, au même cas, & qu'il renferme dans sa signification l'idée d'une qualité qui convient non omni sed soli naturae humanae, comme parlent les Logiciens ; mais avarus n'est pas pour cela un pronom : pareillement quas représente litteras, parce qu'il est au même genre, au même nombre, & au même cas, & que l'idée démonstrative qui en constitue la signification, est déterminée ici à tomber sur litteras, par le voisinage de l'antécédent litteris qui leve l'équivoque ; mais quas n'est pas non plus un pronom, 1°. parce qu'il n'empêche pas que l'on ne soit obligé d'exprimer litteras dans la construction analytique de la phrase ; 2°. parce que la nature du pronom ne consiste pas dans la fonction de représenter les noms & d'en tenir la place, mais dans celle d'exprimer des êtres déterminés par l'idée d'une relation personnelle.

2°. Je dis que qui, quae, quod, ne doit point être appellé relatif, quoique ses terminaisons mises en concordance avec le nom auquel il est appliqué, semblent prouver & prouvent en effet qu'il se rapporte à ce nom. C'est que si l'on fondoit sur cette propriété la dénomination de relatif, il faudroit par une conséquence nécessaire, l'accorder à tous les adjectifs, aux participes, aux articles, puisque toutes ces especes s'accordent en genre, en nombre, & en cas, avec le nom auquel ils se rapportent effectivement : que dis-je ? tous les verbes seroient relatifs par leur matériel, puisque tous s'accordent avec le sujet auquel ils se rapportent. Mais si cela est, quelle confusion ! Il y aura apparemment des verbes doublement relatifs, & par le matériel & par le sens : par exemple, dans bellum Pompeïus confecit, le verbe confecit sera relatif à Pompeïus par la matiere, à cause de la concordance ; & il sera relatif à bellum par le sens, à cause du régime du complément. Je n'insisterai pas davantage là-dessus, de peur de tomber moi-même dans la confusion, pour vouloir rendre trop sensible celle qu'une juste conséquence introduiroit dans le langage grammatical : je me contenterai de dire que quas n'est pas plus relatif dans quas litteras, que iis n'est relatif dans iis litteris.

3°. Aucun des deux termes par lesquels on désigne qui, quae, quod, ni l'union des deux, ne font entendre la vraie nature de ce mot. C'est un adjectif conjonctif, & c'est ainsi qu'il falloit le nommer & que je le nomme.

C'est un adjectif ; voilà ce qu'il a véritablement de commun avec tous les autres mots de cette classe : comme eux, il présente à l'esprit un être indéterminé, désigné seulement par une idée précise qui peut s'adapter à plusieurs natures ; & comme eux aussi, il s'accorde en genre, en nombre, & en cas, avec le nom ou le pronom auquel on l'applique, en vertu du principe d'identité, qui suppose cette indétermination de l'adjectif : qui vir, quae mulier, quod bellum, qui consules, quae litterae, quae negotia, &c. L'idée précise qui caractérise la signification individuelle de qui, quae, quod, est une idée métaphysique d'indication, ou de démonstration, comme is, ea, id.

Il est conjonctif, c'est-à-dire, qu'outre l'idée démonstrative qui en constitue la signification, & en vertu de laquelle il seroit synonyme d'is, ea, id ; il comprend encore dans sa valeur totale celle d'une conjonction ; ce qui en le différenciant d'is, ea, id, le rend propre à unir la proposition dont il fait partie à une autre proposition. Cette propriété conjonctive est telle que l'on peut toujours décomposer l'adjectif par is, ea, id, & par une conjonction telle que peuvent l'exiger les circonstances du discours. Ceci mérite d'autant plus d'être approfondi, que la Grammaire générale, (édit. de 1746, suite du chap. ix. de la part. II.) prétend qu'il y a des cas où le mot dont il s'agit, est visiblement pour une conjonction & un pronom démonstratif : ce sont les propres termes de l'auteur : que dans d'autres occurrences, il ne tient lieu que de conjonction : & que dans d'autres enfin, il tient lieu de démonstratif, & n'a plus rien de conjonction.

Il est constant en premier lieu, & avoué par dom Lancelot, & par tous les sectateurs de P. R. que le qui, quae, quod des Latins, & son correspondant dans toutes les langues, est démonstratif & conjonctif dans toutes les occurences où la proposition dans laquelle il entre fait partie du sujet ou de l'attribut d'une autre proposition. Aesopus auctor QUAM materiam repperit, hac ego polivi versibus senariis ; c'est comme si Phedre avoit dit, hanc ego materiam polivi versibus senariis, & Aesopus auctor EAM repperit. (Liv. I. prol.) Ce n'est pas toujours par la conjonction copulative que cet adjectif se décompose : par exemple, les savans QUI sont plus instruits que le commun des hommes, devroient aussi les surpasser en sagesse, c'est-à-dire, les savans devroient surpasser en sagesse le commun des hommes, CAR CES hommes sont plus instruits qu'eux ; autre exemple, la gloire QUI vient de la vertu a un éclat immortel, c'est-à-dire, la gloire a un éclat immortel, SI CETTE gloire vient de la vertu. On peut y joindre l'exemple cité par la grammaire générale, tiré de Tite-Live, qui parle de Junius Brutus : Is quem primores civitatis, in QUIBUS fratrem suum ab avunculo interfectum audisset ; l'auteur le réduit ainsi, Is quem primores civitatis, ET in HIS fratrem suum interfectum audisset, ce qui est très-clair & très-raisonnable.

" Mais, ajoute-t-on, (Part. II. suite du ch. jx.) le relatif perd quelquefois sa force de démonstratif, & ne fait plus que l'office de conjonction : ce que nous pouvons considérer en deux rencontres particulieres.

La premiere est une façon de parler fort ordinaire dans la langue hébraïque, qui est que lorsque le relatif n'est pas le sujet de la proposition dans laquelle il entre, mais seulement partie de l'attribut, comme lorsque l'on dit, pulvis QUEM projicit ventus ; les Hébreux alors ne laissent au relatif que le dernier usage, de marquer l'union de la proposition avec une autre ; & pour l'autre usage, qui est de tenir la place du nom, ils l'expriment par le pronom démonstratif, comme s'il n'y avoit point de relatif : desorte qu'ils disent QUEM projicit EUM ventus.... Les Grammairiens n'ayant pas bien distingué ces deux usages du relatif, n'ont pu rendre aucune raison de cette façon de parler, & ont été réduits à dire que c'étoit un pléonasme, c'est-à-dire une superfluité inutile ".

Quiconque lit ce passage de P. R. s'imagineroit qu'il y a en hébreu un adjectif démonstratif & conjonctif, correspondant au qui, quae, quod latin, & pouvant s'accorder en genre & en nombre avec son antécédent ; & dans ce cas, il semble en effet qu'il n'y ait rien autre chose à dire que d'expliquer l'hébraïsme par le pléonasme, qui est réellement très-sensible dans le passage de St. Pierre, , cujus livore ejus sanati estis. Surpris d'un usage si peu raisonnable, & si difficile à expliquer, j'ouvre les grammaires hébraïques, & je trouve dans celle de M. l'Abbé Ladvocat (pag. 67.) que " le pronom relatif en hébreu est , & qu'il sert pour tous les genres, pour tous les nombres, pour tous les cas, & pour toutes les personnes ". Je passe à celle de Masclef (tom. I. cap. iij. n°. 4. pag. 69.), & j'y trouve : pronomen relativum est , quod omnibus generibus, casibus, ac numeris inservit, significans, pro variâ locorum exigentiâ, qui, quae, quod, cujus, cui, quem, quorum, quos, &c.

Cette indéclinabilité du prétendu pronom relatif, combinée avec l'usage constant des Hébreux d'y joindre l'adjectif démonstratif lorsqu'il n'est pas le sujet de la proposition, m'a fait conjecturer que le mot hébreu n'est en effet qu'une conjonction, que c'est pour cela qu'il est essentiellement indéclinable, & que ce que les Grecs, les Latins, & tant d'autres peuples expriment en un seul mot conjonctif & démonstratif tout-à-la-fois, les Hébreux l'expriment en deux mots, la conjonction dans l'un, & l'idée démonstrative dans l'autre : je trouve en effet que Masclef compte parmi les conjonctions causales , qu'il traduit par quod ; cette découverte me donne de la hardiesse, & je crois que cette conjonction est indéfinie, & peut se rendre tantôt d'une maniere, & tantôt de l'autre, précisément comme celle du qui, quae, quod des Latins. Ainsi je ne traduirois point le texte hébreu par pulvis quem projicit eum ventus, mais par pulvis, & projicit ou quoniam projicit eum ventus ; & le pulvis quem projicit ventus de la vulgate en est, sous la forme autorisée en latin, une autre traduction littérale & fidele. De même le passage de saint Pierre, pour répondre fidelement à l'hébraïsme, auroit du être , cujus livore ejus sanati estis ; ou bien en réduisant à un même mot la conjonction & l'adjectif démonstratif , cujus livore sanati estis : le texte grec ne présente le pléonasme, que parce que le traducteur n'avoit pas saisi le vrai sens de l'hébreu, ni connu la nature intrinseque du prétendu pronom relatif hébraïque. Si les Hébreux ne font pas usage de l'adjectif démonstratif dans le cas où il est sujet, c'est que la terminaison du verbe le désigne assez.

Pour ce qui est des exemples tirés immédiatement du latin, comme la même explication ne peut pas y avoir lieu, il faut prononcer hardiment qu'il y a périssologie. On cite cet exemple de Tite-Live : ut in tusculanos animadverteretur, quorum eorum ope ac consilio Veliterni populo romano bellum fecissent ; qu'y a-t-il de mieux que d'adopter la correction proposée de quòd ou de quoniam au lieu de quorum, ou la suppression d'eorum ? On ne peut pas plus rejetter en Grammaire qu'ailleurs, le principe nécessaire de l'immutabilité des natures. L'adjectif que l'on nomme communément pronom relatif, est, dans toutes les langues qui le déclinent, adjectif démonstratif & conjonctif ; & l'usage, dans aucune, ne peut le dépouiller en quelques cas de l'idée démonstrative, pour ne lui laisser que l'effet conjonctif, parce qu'une conjonction déclinable est un phénomene impossible.

Le grammairien de P. R. se trompe donc encore dans la maniere dont il interprête le quòd de cette phrase de Ciceron, Non tibi objicio QUOD hominem spoliasti. " Pour moi, dit-il, je crois que c'est le relatif, qui a toujours rapport à un antécédent, mais qui est dépouillé de son usage de pronom ; n'enfermant rien dans sa signification qui fasse partie ou du sujet ou de l'attribut de la proposition incidente, & retenant seulement son second usage d'unir la proposition où il se trouve, à une autre.... car dans ce passage de Ciceron, Non tibi objicio QUOD hominem spoliasti ; ces derniers mots, hominem spoliasti, font une proposition parfaite, où le quòd qui la précede n'ajoute rien, & ne suppose aucun nom : mais tout ce qu'il fait est que cette même proposition où il est joint, ne fait plus partie que de la proposition entiere, Non tibi objicio QUOD hominem spoliasti ; au lieu que sans le quòd elle subsisteroit par elle-même, & feroit toute seule une proposition ". Le quòd dont il s'agit est dans cet exemple & dans tous les autres pareils, un vrai adjectif démonstratif & conjonctif, comme en toute occurrence ; & pour s'en assurer, il ne faut que faire la construction analytique du texte de Ciceron ; la voici : Non tibi objicio hoc crimen, QUOD crimen est tale, spoliasti hominem ; ce qui peut se décomposer ainsi : Non tibi objicio hoc crimen, ET HOC crimen est tale, spoliasti hominem. La proposition spoliasti hominem est un développement déterminatif de l'adjectif indéfini tale, & peut être envisagée comme ne faisant qu'un avec tale : mais quod fait partie du sujet dont l'attribut est tale spoliasti hominem, & constitue par conséquent une partie de l'incidente. Voyez INCIDENTE.

Le même auteur prétend au contraire qu'il y a des rencontres où cet adjectif ne conserve que sa signification démonstrative, & perd sa vertu conjonctive. " Par exemple, dit-il, Pline commence ainsi son panégyrique : Benè ac sapienter, P. C. majores instituerunt, ut rerum agendarum, ita discendi initium à precationibus capere, quòd nihil ritè, nihilque providenter homines, sine deorum immortalium ope, consilio, honore, auspicarentur. QUI mos, qui potiùs quàm consuli, aut quando magis usurpandus colendusque est ? Il est certain que ce qui commence plutôt une nouvelle période, qu'il ne joint celle-ci à la précédente ; d'où vient même qu'il est précédé d'un point : & c'est pourquoi en traduisant cela en françois, on ne mettroit jamais, laquelle coutume, mais cette coutume, commençant ainsi la seconde période : ET par qui CETTE coutume doit-elle être plutôt observée, que par un consul ? &c. "

Remarquez cependant que l'auteur de la Grammaire générale conserve lui-même la conjonction dans sa traduction : ET par qui CETTE coutume, ensorte qu'en disputant contre, il avoue assez clairement que le qui latin est la même chose que & is ; c'est une vérité qu'il sentoit sans la voir. Je crois pourtant que la conjonction est mal rendue par & dans cet exemple : il ne s'agit pas d'associer les deux propositions consécutives pour une même fin, & par conséquent la conjonction copulative y est déplacée : la premiere proposition est un principe de fait qui est général, & la seconde semble être une conclusion que l'on en déduit par cette sorte de raisonnement que les rhéteurs appellent à minori ad majus ; ainsi je croirois que la conjonction qui convient ici doit être la conclusive igitur (donc) ; qui mos, c'est-à-dire, igitur hic mos ; & en françois, pour ne pas trop m'écarter de la version de P. R. par qui DONC CETTE coutume doit-elle être plutôt observée, que par un consul ? &c.

On ajoute que Ciceron est plein de semblables exemples ; on auroit pu dire la même chose de tous les bons auteurs latins. On cite celui-ci (Orat. V. in Verrem.) : Itaque alii cives romani, ne cognoscerentur, capitibus obvolutis à carcere ad palum atque ad necem rapiebantur : alii, cùm à multis civibus romanis recognoscerentur, ab omnibus defenderentur, securi feriebantur. QUORUM ego de acerbissima morte, crudelissimoque cruciatu dicam, cùm eum locum tractare caepero. Ce quorum, dit-on, se traduiroit en françois comme s'il y avoit de illorum morte. Je n'en crois rien, & je suis d'avis que qui le traduiroit de la sorte n'en rendroit pas toute l'énergie, & ôteroit l'ame du discours, puisqu'elle consiste sur-tout dans la liaison. Quelle est cette liaison ? Ciceron remettant à parler ailleurs de cet objet, semble par-là désapprouver le peu qu'il en a dit, ou du-moins s'opposer à l'attente qu'il a pu faire naître dans l'esprit des auditeurs : il faut donc, pour entrer dans ses vûes, décomposer le quorum par la conjonction adversative sed, & construire ainsi : SED ego dicam de morte acerbissimâ atque de cruciatu crudelissimo ILLORUM ; ce qui me paroît être d'une nécessité indispensable, & prouver que dans l'exemple en question quorum n'est pas dépouillé de sa vertu conjonctive, qu'en effet il ne perd nulle part.

IS (Neocles) uxorem Halicarnassiam civem duxit, ex quâ natus est Themistocles. QUI cùm minùs esset probatus parentibus, quòd liberiùs vivebat & rem familiarem negligebat, à patre exheredatus est. QUAE contumelia non fregit eum, sed erexit (Corn. Nep. in Themist. cap. j.). Voilà un qui & un quae qui commencent chacun une phrase. Il me semble qu'il faut interprêter le premier comme s'il y avoit, ATQUI IS cùm minùs esset probatus, &c. (OR CELUI-CI n'étant pas dans les bonnes graces de ses parens) : c'est une remarque que l'historien veut joindre à ce qui précede, par une transition. QUAE contumelia non fregit eum, sed erexit, c'est-à-dire, VERUM HAEC contumelia non fregit eum, sed erexit ; l'effet naturel de l'exhérédation devoit être d'affliger Thémistocle & de l'abattre, ce fut le contraire. Il faut donc joindre cette remarque au récit du fait par une conjonction adversative, de même que les deux parties de la remarque pareillement opposées entr'elles : ainsi je traduirois ; MAIS CET affront, au lieu de l'abattre, lui éleva l'ame : la conjonction mais indique l'opposition qu'il y a entre l'effet & la cause ; & au lieu de désigne l'opposition respective de l'effet attendu & de l'effet réel.

Il n'y a pas une seule occasion où le qui, quae, quod ainsi employé, ou de quelque autre maniere que ce soit, ne conserve & sa signification démonstrative & sa vertu conjonctive. Outre qu'on vient de le voir dans l'explication analysée des exemples mêmes allégués par D. Lancelot en faveur de l'opinion contraire ; c'est une conséquence naturelle de l'aveu que fait cet auteur que qui, quae, quod est souvent revêtu de ces deux propriétés, & c'est lui-même qui établit le principe incontestable qui attache cette conséquence au fait, je veux dire l'invariabilité de la signification des mots : " car c'est par accident, dit-il, (ch. jx.) si elle varie quelquefois, par équivoque, ou par métaphore ". Mais si la signification demonstrative & la vertu conjonctive sont les deux propriétés qui caractérisent cette sorte de mot, à quoi bon le désigner par la dénomination du relatif, qui est vague, qui convient également à tous les adjectifs, qui convient même à tous les mots d'une phrase, puisqu'ils sont tous liés par les rapports respectifs qui les font concourir à l'expression de la pensée ? Ne vaut-il pas mieux dire tout simplement que c'est un adjectif démonstratif & conjonctif ? Ce seroit, en le nommant, en déterminer clairement la destination, & poser, dans la dénomination même, le principe justificatif de tous les usages que les langues en ont faits. Cependant comme il y a d'autres adjectifs démonstratifs, comme is, ea, id ; hic, haec, hoc ; ille, illa, illud ; iste, ista, istud, &c. & que cette idée individuelle ne donne lieu à aucune loi particuliere de syntaxe : je crois que l'on peut se contenter de la dénomination d'adjectif conjonctif, telle que je l'ai établie d'abord, parce que c'est de cette vertu conjonctive & de la nature générale des adjectifs, que découlent les regles de syntaxe qui sont propres à cette sorte de mot.

Premiere regle. L'adjectif conjonctif s'accorde en genre, en nombre, & en cas, avec un cas répété de l'antécédent, soit exprimé, soit sous-entendu. Je m'exprime autrement que ne font les rudimentaires, parce que la Philosophie ne doit pas prononcer simplement sur des apparences trop souvent trompeuses, & presque toujours insuffisantes pour justifier ses décisions. On dit communément que le relatif s'accorde avec l'antécédent en genre, en nombre, & en personne ; & l'on cite ces exemples : Deus QUEM adoramus est omnipotens, timete Deum QUI mundum condidit. On remarque sur le premier exemple, que quem est au singulier & au masculin, comme Deus ; mais qu'il n'est pas au même cas, & qu'il est à l'accusatif, qui est le régime du verbe adoramus ; sur le second exemple, que qui est de même qu'au singulier & au masculin comme Deum, mais non pas au même cas, puisque qui est au nominatif, comme sujet de condidit : on conclud de-là que le relatif ne s'accorde pas en cas avec l'antécédent. On remarque encore que qui, dans le second exemple, est de la troisieme personne, comme Deum, puisque le verbe condidit est à la troisieme personne, & qu'il doit s'accorder en personne avec son sujet, qui est qui.

Ce qui fait que l'on décide de la sorte, c'est le préjugé universel que qui, quae, quod est un pronom : il est vrai que le cas d'un pronom ne se décide que par le rapport propre dont il est chargé dans l'ensemble de la phrase, quoiqu'il se mette au même genre & au même nombre que le nom son correctif, dont il tient la place, ou qui auroit pu tenir la sienne ; mais ce n'est pas tout-à-fait la même chose de l'adjectif conjonctif, & la méthode latine de P. R. elle-même m'en fournira la preuve. " Le relatif QUI, QUAE, QUOD, doit ordinairement être considéré comme entre deux cas d'un même substantif exprimés ou sous-entendus ; & alors il s'accorde avec l'antécédent en genre & en nombre ; & avec le suivant, même en cas, comme avec son substantif ". C'est ce qu'on lit dans l'explication de la seconde regle de la syntaxe ; & n'est-il pas surprenant que l'on partage ainsi les relations du relatif, si je puis parler de la sorte, & que l'on en décide le genre & le nombre par ceux du nom qui précede, tandis qu'on en détermine le cas par celui du nom qui suit ? N'étoit-il pas plus simple de rapporter tout au nom suivant, & de déclarer la concordance entiere comme à l'égard de tous les autres adjectifs ?

La vérité de ce principe se manifeste par-tout. 1°. Quand le nom est avant & après l'adjectif conjonctif, comme, LITTERAS abs te M. Calenus ad me attulit, in QUIBUS LITTERIS scribis, Cic. Ultra EUM LOCUM QUO in LOCO Germani consederant, Caes. EODEM ut JURE uti senem liceat, QUO JURE sum usus adolescentior, Ter. 2°. Quand le nom est supprimé après l'adjectif conjonctif, puisqu'alors on ne peut analyser la phrase qu'en suppléant l'ellipse du nom, comme cognosces ex IIS LITTERIS QUAS liberto tuo dedi, Cic. pour ex litteris quas litteras, dit la méthode latine (loc. cit.). 3°. Quand le nom est supprimé avant l'adjectif conjonctif, pour la même raison ; comme, populo ut placerent QUAS fecisset FABULAS, Phaed. c'est-à-dire, populo ut placerent FABULAE QUAS FABULAS fecisset. 4°. Quand le nom est supprimé avant & après ; comme, sunt QUIBUS in satyrâ videor nimis acer, Hor. c'est-à-dire, sunt HOMINES QUIBUS HOMINIBUS in satyrâ videor nimis acer. 5°. Quand l'adjectif conjonctif étant entre deux noms de genres ou de nombres différens, semble s'accorder avec le premier ; comme, Herculi sacrificium fecit in LOCO QUEM PYRAM appellant, T. Liv. c'est-à-dire, in LOCO QUEM LOCUM appellant Pyram ; & encore Darius ad EUM LOCUM QUEM amanicas PYLAS vocant pervenit, Curt. c'est-à-dire ad EUM LOCUM QUEM LOCUM vocant Pylas amanicas. 6°. Et encore plus évidemment quand l'adjectif conjonctif s'accorde tout simplement avec le mot suivant ; comme, ANIMAL providum & sagax QUEM vocamus HOMINEM ; quoiqu'il soit vrai que cette concordance ne soit alors qu'une syllepse (voyez SYLLEPSE) ; mais ce qui a amené cette syllepse, c'est l'authenticité même de la regle que l'on établit ici, & que l'on croyoit suivre apparemment.

Elle est fondée, comme on voit, sur ce que le prétendu pronom relatif est un véritable adjectif, & que, comme tous les autres, il doit s'accorder à tous égards avec le nom ou le pronom auquel on l'applique, & cela en vertu du principe d'identité. Voyez IDENTITE.

Seconde regle. L'adjectif conjonctif appartient toujours à une proposition incidente, qui est modificative de l'antécédent ; & cet antécédent appartient par conséquent à la proposition principale.

C'est une suite nécessaire de la vertu conjonctive renfermée dans cette sorte de mot : partout où il y a conjonction, il y a nécessairement plusieurs propositions, puisque les conjonctions sont des mots qui désignent entre les propositions, une liaison fondée sur les rapports qu'elles ont entr'elles : d'ailleurs la concordance de l'adjectif conjonctif avec l'antécédent ne paroît avoir été instituée, que pour mieux faire concevoir que c'est principalement à cet antécédent que doit se rapporter la proposition incidente. Je n'insiste pas davantage sur ce principe, qui, apparemment, ne me sera pas contesté : mais je dois faire faire attention à quelques corollaires importans qui en découlent.

Coroll. 1. Dans la construction analytique, & dans toutes les occasions où l'on doit en conserver la clarté, ce qui est presque toujours nécessaire ; l'adjectif conjonctif doit suivre immédiatement l'antécédent, & être à la tête de la proposition incidente. La conjonction, qui est l'un des caracteres de cet adjectif, est le signe naturel du rapport de la proposition incidente à l'antécédent ; elle doit donc être placée entre l'antécédent & l'incidente, comme le lien commun des deux, ainsi que le sont toujours toutes les autres conjonctions. Les petites exceptions qu'il peut y avoir à ce corollaire dans la pratique, peuvent quelquefois venir de la facilité que le génie particulier d'une langue peut fournir pour y conserver la clarté de l'énonciation, par exemple, au moyen de la concordance des terminaisons ou de la répétition de l'antécédent, comme dans les langues transpositives : ainsi, la concordance du genre & du nombre sauve la clarté de l'énonciation dans cette phrase de Térence, QUAS credis esse has, non sunt verae nuptiae, parce que cette concordance montre assez nettement que nuptiae est l'antécédent de quas, qui ne peut s'accorder qu'avec nuptias ; & c'est à-peu-près la même chose dans ce mot de Ciceron, QUAM quisque norit artem, in hâc se exerceat. D'autres fois l'exception peut venir de la préférence qui est dûe à d'autres principes, en cas de concurrence avec celui-ci ; & cette préférence, connue par raison ou sentie par usage, sauve la phrase des incertitudes de l'équivoque : tels sont les exemples où nous plaçons entre l'antécédent & l'adjectif conjonctif, ou une simple proposition, ou même une phrase adverbiale dans le complément de laquelle doit être l'adjectif conjonctif ; la maniere même dont je viens de m'expliquer en est un exemple ; & l'on en trouve d'autres au mot INCIDENTE.

Coroll. 2. Puisque l'adjectif conjonctif est essentiellement démonstratif, & que l'analyse suppose dans la proposition incidente la répétition du nom ou du pronom antécédent avec lequel s'accorde l'adjectif conjonctif ; cet antécédent est donc envisagé sous ce point de vue démonstratif dans la proposition incidente : mais cette proposition incidente est modificative du même antécédent envisagé comme partie de la proposition principale : donc il doit être considéré dans la principale sous le même point de vue démonstratif ; puis qu'autrement l'incidente, qui se rapporte à l'antécédent pris démonstrativement, ne pourroit pas se rapporter à celui de la proposition principale. C'est précisément en conséquence de ce principe que dans la phrase latine on trouve souvent le premier antécédent accompagné de l'adjectif démonstratif is, ou hic, ou ille, &c. ultra EUM locum quo in loco Germani consederant ; cognosces ex IIS litteris quas, &c. & Virgile l'a même exprimé avec le pronom ego ; ILLE ego qui quondam, &c. C'est aussi le fondement de la regle proposée par Vaugelas (rem. 369.) comme propre à notre langue, que le pronom relatif (c'est-à-dire l'adjectif conjonctif) ne se peut rapporter à un nom qui n'a point d'article. Vaugelas n'avoit pas apperçu toute la généralité de cette regle ; la Grammaire générale (part. II. ch. x.) l'a discutée avec beaucoup de soin ; M. du Marsais, qui en a présenté la cause sous un autre aspect que je ne fais ici, quoiqu'au fond ce soit la même, a réduit la regle à sa juste valeur (ARTICLE, p. 736. col. ij.) ; M. Duclos semble avoir ajouté quelque chose à la précision (rem. sur le ch. x. de la gram. génér.) ; & M. l'abbé Fromant a enrichi son supplément (sur le même chap.) de tout ce qu'il a trouvé épars dans différens auteurs sur cette regle de syntaxe. Voilà donc les sources où il faut recourir pour se fixer sur le détail d'un principe, que je ne dois montrer ici que sous des termes généraux ; & afin de savoir quels autres mots peuvent tenir lieu de l'article ou être réputés articles, on peut voir ce qui en est dit au mot INDEFINI, (n. 2.)

Coroll. 3. Comme la signification propre de chaque mot est essentiellement une ; c'est une erreur que de croire, comme il semble que tous les Grammairiens le croyent, que l'adjectif conjonctif puisse être employé sans relation à un antécédent, & sans supposer une proposition principale autre que celle où entre cet adjectif. Qui, que, quoi, lequel sont, au dire des Grammairiens françois, ou relatifs ou absolus : relatifs, quand ils ont relation à des noms ou à des personnes qui les précedent ; absolus, quand ils n'ont pas d'antécédent auquel ils aient rapport. Voyez la gram. fr. de M. Restaut, ch. v. art. 5. & 6. Ab uno disce omnes. Dieu QUI aime les hommes, l'argent QUE j'ai dépensé, ce à QUOI vous pensez, le genre de vie AUQUEL on se destine ; dans tous ces exemples, qui, que, quoi & auquel sont relatifs : ils sont absolus dans ceux-ci, je sais QUI vous a accusé, je ne sais QUE vous donner, marquez-moi à QUOI je dois m'en tenir, & après avoir parlé des livres, je vois AUQUEL vous donnez la préférence ; ils le sont encore dans ces phrases qui sont interrogatives, QUI vous a accusé ? QUE vous donnerai-je ? A QUOI pensez-vous ? & après avoir parlé de livres, AUQUEL donnez-vous la préférence ? C'est la même chose en latin : qui, quae, quod y sont relatifs ; quis, quid y sont absolus.

Mais approfondissons une fois les choses avant que de prononcer. Je l'ai déjà dit dans cet article, & je le répete encore : la signification propre des mots est essentiellement une : la multiplicité des sens propres seroit directement contraire au but de la parole, qui est l'énonciation claire de la pensée ; & si l'usage introduit quelques termes équivoques, par quelque cause que ce soit, cela est très-rare, & l'on ne trouvera pas qu'il ait jamais exposé à ce défaut trop considérable, aucun des mots qui sont de nature à se montrer fréquemment dans le discours. Or il est constant que qui, quae, quod en latin, qui, que, quoi, lequel en françois, sont ordinairement des adjectifs conjonctifs : il faut donc en conclure qu'ils le sont toujours, & que dans les phrases où ils paroissent employés sans antécédent, il y a une ellipse dont l'analyse sait bien remplir le vuide.

Reprenons les exemples positifs que l'on vient de voir. Je sais QUI vous a accusé, c'est-à-dire, je sais la personne QUI vous a accusé : je ne sais QUE vous donner, c'est-à-dire je ne sais pas la chose QUE je puis vous donner, ou QUE je dois vous donner : marquez moi à QUOI je dois m'en tenir, c'est-à-dire, marquez-moi le sentiment, ou l'opinion, ou le parti, &c. à QUOI je dois m'en tenir : en parlant de livres, je vois AUQUEL vous donnez la préférence, c'est-à-dire, je vois le livre AUQUEL vous donnez la préférence ; le genre masculin & le nombre singulier du mot auquel, prouvent assez qu'on le rapporte à un nom masculin & singulier. Mais en général ces adjectifs étant essentiellement conjonctifs, & supposant, par une conséquence nécessaire, un antécédent auquel ils servent à joindre une proposition incidente ; il a été très-facile à l'usage d'autoriser l'ellipse de cet antécédent, lorsque les circonstances sont de nature à le désigner d'une maniere précise ; parce que le but de la parole en est mieux rempli, la pensée étant peinte sans équivoque & sans superfluité : or il est évident que c'est ce qui arrive dans tous les exemples précédens ; il n'y a qu'une personne qui puisse accuser quelqu'un, & d'ailleurs l'usage de notre langue est, en cas d'ellipse, de n'employer qui qu'avec relation aux personnes ; que est toujours relatif aux choses en pareille occurrence, & c'est la même chose de quoi ; pour lequel, on ne peut s'en servir qu'immédiatement après avoir nommé l'antécédent, dont ce mot rappelle nettement l'idée au moyen de l'article dont il est composé.

Cette possibilité de suppléer l'antécédent sert encore de fondement à une autre ellipse, qui dans l'occasion en devient comme une suite ; c'est celle du mot qui marque l'interrogation, dans les phrases où l'on a coutume de dire que les prétendus pronoms absolus sont interrogatifs. QUI vous a accusé ? c'est-à-dire, (dites-moi la personne) QUI vous a accusé ; QUE vous donnerai-je ? c'est-à-dire, (indiquez-moi ce) QUE je vous donnerai ; à QUOI pensez-vous ? c'est-à-dire, faites-moi connoître la chose) à QUOI vous pensez ; AUQUEL donnez-vous la préférence ? c'est-à-dire, (déclarez le livre) AUQUEL vous donnez la préférence. Dans toutes ces phrases, l'adjectif conjonctif se trouve à la tête, quoique dans l'ordre analytique il doive être précédé d'un antécédent ; c'est donc une nécessité de le suppléer : d'ailleurs puisqu'il appartient toujours à une proposition incidente, & l'antécédent à la principale, & que cependant il n'y a qu'un seul verbe dans toutes ces phrases, qui est celui de l'incidente ; il faut bien suppléer le verbe de la principale : mais comme le ton, quand on parle, indique suffisamment l'interrogation, & qu'elle est marquée dans l'écriture par la ponctuation, ce verbe doit être interrogatif ; & par conséquent ce doit être l'impératif singulier ou pluriel, selon l'occurrence, des verbes qui énoncent un moyen de terminer l'incertitude ou l'ignorance de celui qui parle, comme dire, déclarer, apprendre, enseigner, remontrer, faire connoître, indiquer, désigner, nommer, &c. (voyez INTERROGATIF.) Dans ce cas, l'antécédent sousentendu que l'on supplée, doit être le complément de ce verbe impératif, comme on le voit dans le développement analytique des exemples que je viens d'expliquer.

Ce que je viens de dire par rapport à notre langue est essentiellement vrai dans toutes les autres, & spécialement en latin. Le quis & le quid, quoiqu'ils aient une terminaison différente de qui & de quod, ne sont pourtant guere autre chose que ces mots mêmes, à moins qu'on ne veuille croire que quis c'est qui avec la terminaison du démonstratif is qui en doit modifier l'antécédent, & que quid c'est quod avec la terminaison du démonstratif id. Cette opinion pourroit expliquer pourquoi quis ne s'employe qu'en parlant des personnes, & quid en parlant des choses ; c'est que le démonstratif is suppose l'antécédent homo, & le démonstratif id, l'antécédent negotium ; d'où il vient que quis étoit anciennement du genre commun, ainsi que les mots qui en sont composés, quisquis, aliquis, ecquis, &c. (voyez Prisc. xiij. de secundâ pron. decl. Voss. de anal. iv. 8.) Mais admettre ce principe, c'est établir en même tems la nécessité de suppléer ces antécédens, soit que les phrases soient positives, soit qu'elles aient le sens interrogatif ; & si elles sont interrogatives, il y a également nécessité de suppléer le verbe interrogatif, afin de complete r la proposition principale, & de donner de l'emploi à l'antécédent suppléé. Au reste, que quis & quid viennent de qui, quae, quod, & n'en different que comme je l'ai dit ; on en trouve une nouvelle preuve, en ce qu'ils n'ont point d'autres cas obliques que qui, quae, quod, & qu'alors la terminaison ne pouvant plus montrer les distinctions que j'ai marquées plus haut, on est obligé d'exprimer le nom qui doit être antécédent.

Puisque c'est la vertu conjonctive qui est le principal fondement des lois de la syntaxe par rapport à l'espece d'adjectif dont je viens de parler ; il est important de reconnoître les autres mots conjonctifs, sujets par conséquent aux regles qui portent sur cette propriété.

Or il y a en latin plusieurs adjectifs également conjonctifs. Tels sont, par exemple, qualis, quantus, quot, qui renferment en outre dans leur signification la valeur des adjectifs démonstratifs talis, tantus, tot, de la même maniere que qui, quae, quod renferme celle de l'adjectif démonstratif is, ea, id. Mais dans la construction analytique, l'antécédent de qui, quae, quod doit être modifié par l'adjectif démonstratif is, ea, id, afin qu'il soit pris dans la proposition principale sous la même acception que dans l'incidente : les adjectifs qualis, quantus, quot, supposent donc de même un antécédent modifié par les adjectifs démonstratifs, talis, tantus, tot, dont ils renferment la valeur. Cette conséquence est justifiée par les exemples suivans : QUALES summus, TALES esse videamur ; Cic. videre mihi videor TANTAM dimicationem, QUANTA nunquam fuit ; Id. de nullo opere publico TOT senatûs extant consulta, QUOT de meâ domo. Id.

Les adjectifs cujus, cujas, quotus, sont aussi conjonctifs, & ils sont équivalens à des périphrases qu'il faut rappeller quand on veut en analyser les usages.

Cujus signifie ad quem hominem pertinens ; ainsi l'antécédent analytique de cujus, c'est is homo, parce que le vrai conjonctif qui reste après la décomposition, c'est qui, quae, quod. La troisieme églogue de Virgile commence ainsi : Dic mihi, Damaeta, CUJUM pecus ? c'est-à-dire, dic mihi, Damaeta, (eum hominem) CUJUM pecus (est hoc pecus) ou bien ad quem hominem pertinens (est hoc pecus) : sur quoi j'observerai en passant, que l'interrogation est exprimée ici positivement par dic mihi, conformément à ce que j'ai dit plus haut, dont cet exemple devient une nouvelle preuve. Cette maniere de remplir la construction analytique par rapport à l'adjectif cujus, est autorisée non-seulement par la raison du besoin, telle que je l'ai exposée, mais par l'usage même des meilleurs écrivains : je me contenterai de citer Ciceron, (3. Verrin.) : ut optimâ conditione sit IS, CUJA res sit, CUJUM periculum ; que manque-t-il avec is, que le nom homo, suffisamment désigné par le genre de is & par le sens ?

Cujas veut dire ex quâ regione ou gente oriundus : donc l'antécédent analytique de cujas, c'est ea regio, ou ea gens. Voici un trait remarquable de Socrate, rapporté par Ciceron (V. Tusc.) : Socrates quidem cùm rogaretur CUJATEM se esse diceret, mundanum, inquit ; c'est-à-dire, cùm rogaretur (de eâ regione) CUJATEM se esse diceret, ou bien ex quâ regione oriundum se esse diceret.

QUOTUS, c'est la même chose que si l'on disoit in quo ordinis numero locatus, & par conséquent l'analyse assigne pour antécédent à cet adjectif, is ordinis numerus, dont l'idée est reprise dans quotus. Hora QUOTA est, Hor. c'est la même chose que si l'on disoit analytiquement, (dic mihi eum ordinis numerum) in quo ordinis numero locata est (praesens) hora.

Je pourrois parcourir encore d'autres adjectifs conjonctifs & les analyser ; mais ceux-ci suffisent aux vues de l'Encyclopédie, où il s'agit plutôt d'exposer des principes généraux, que de s'appesantir sur des détails particuliers. Ceux qui sont capables d'entrer dans le philosophique de la Grammaire, m'ont entendu ; & ils trouveront, quand il leur plaira, les détails que je supprime. Au contraire, je n'en ai que trop dit pour ceux à qui les profondeurs de la Métaphysique font tourner la tête, & qui veulent qu'on apprenne les langues comme ils ont appris le latin : semblables à arlequin, qui devine que collegium veut dire college, ils ne veulent pas que dans quota hora est on voie autre chose que quelle heure est-il. A la bonne heure ; mais qu'ils s'assûrent, s'ils peuvent, qu'ils y voyent ce qu'ils y croyent voir, ou qu'ils sont en état même de rendre raison de leur propre phrase, quelle heure est-il.

Je n'irai pourtant pas jusqu'à supprimer en leur faveur quelques observations que je dois à une autre sorte de mots conjonctifs, & que l'on trouve dans toutes les langues ; ce sont des adverbes.

Les uns sont équivalens à une conjonction & à un adverbe, qui ne vient à la suite de la conjonction que parce qu'il en est l'antécédent naturel : tels sont qualiter, quàm, quandiù, quoties, quum, qui renferment dans leur signification, & qui supposent avant eux les adverbes correspondans taliter, tam, tandiù, toties, tum. J'ai déjà cité ailleurs cet exemple : ut QUOTIESCUMQUE gradum facies, TOTIES tibi tuarum virtutum veniat in mentem. Cic. Je n'y en ajouterai aucun autre, pour ne pas être trop long.

D'autres adverbes sont conjonctifs, parce qu'ils sont équivalens à une préposition complete , dont le complément est un nom modifié par un adjectif conjonctif ; ainsi ils supposent pour antécédent ce même nom modifié par l'adjectif démonstratif correspondant : tels sont les adverbes cur ou quare, quamobrem, quando, quapropter, quomodo, quoniam, & les adverbes de lieu ubi, undè, quà, quò.

Cur, quare, quamobrem, quapropter & quoniam, sont à-peu près également équivalens à ob quam rem, qui sont les élémens dont quamobrem est composé, ou bien à propter quam causam, quâ de re, quâ de causâ ; d'où il faut conclure que l'antécédent que l'analyse leur assigne, doit être ea res ou ea causa.

Quando veut dire in quo tempore, & suppose conséquemment l'antécédent in tempus exprimé ou sousentendu. Quomodo est évidemment la même chose que in ou ex quomodo, & par conséquent il doit être précédé de l'antécédent is modus.

Ubi veut dire in quo loco ; unde signifie ex quo loco ; quà c'est per quem locum ; quò est équivalent à in ou ad quem locum ; du moins dans les circonstances où ces adverbes dénotent le lieu : ils supposent donc alors pour antécédent is locus. Quelquefois ubi veut dire in quo tempore ; unde signifie souvent ex quâ causâ ou ex quâ origine ou ex quo principio ; quò a par fois le sens de ad quem finem : alors il est également aisé de suppléer les antécédens.

Quidni, quin & quominùs ont encore à-peu-près le même sens que quare, mais avec une négation de plus ; ainsi ils signifient propter quam rem non, & ce non doit tomber sur le verbe de la phrase incidente.

Tous ces mots conjonctifs, & d'autres que je m'abstiens de détailler, sont assujettis aux regles qui ont été établies sur qui, quae, quod en conséquence de sa vertu conjonctive. Ils ne peuvent qu'appartenir à une proposition incidente ; leur antécédent doit faire partie de la principale ; s'ils sont employés dans des phrases interrogatives, il faut les analyser comme celles où entre qui, quae, quod, je veux dire, en rappellant l'antécédent propre & l'impératif qui doit marquer l'interrogation.

Il y a de pures conjonctions qui supposent même un terme antécédent ; tel est, par exemple, ut, que je remarquerai entre toutes les autres, comme la plus importante ; mais c'est aux circonstances du discours à déterminer l'antécédent. Par exemple, l'adverbe statim est antécédent de ut dans ce vers de Virgile : UT regem aequaevum crudeli vulnere vidi expirantem animam. C'est l'adverbe sic dans cette phrase de Plaute : UT vales ? comme s'il avoit dit dic mihi sic UT vales. C'est ita dans celle-ci de Ciceron : invitus feci UT L. Flaminium de senatu ejicerem, c'est-à-dire feci ita UT ejicerem. C'est adeò dans cette autre de Plaute : salsa sunt, tangere UT non velis, c'est-à-dire sunt salsa adeò UT non velis tangere. C'est in hunc finem dans ce mot de Ciceron : UT verè dicam, c'est-à-dire (in hunc finem) UT dicam verè, à cette fin QUE je dise avec vérité, pour dire la vérité. C'est ainsi qu'il faut ramener par l'analyse un même mot à présenter toujours la même signification, autant qu'il est possible ; au lieu de supposer, comme on a coutume de faire, qu'il a tantôt un sens & tantôt un autre, parce qu'on ne fait attention qu'aux tours particuliers qu'autorisent les différens génies des langues, sans penser à les comparer à la regle commune, qui est le lien de la communication universelle, je veux dire à la construction analytique.

Quoique l'on soit assez généralement persuadé que notre langue n'est que peu ou point elliptique, on doit pourtant y appliquer les principes que je viens d'établir par rapport au latin : nous avons, comme les Latins, nos adverbes conjonctifs, tels que comme, comment, combien, pourquoi, où ; notre conjonction que ressemble assez par l'universalité de ses usages, à l'ut de la langue latine, & suppose, comme elle, tantôt un antécédent & tantôt un autre, selon les circonstances. QUE ne puis-je vous obliger ! c'est-à-dire (je suis fâché de ce) QUE je ne puis vous obliger. QUE vous êtes léger ! c'est-à-dire (je suis surpris de ce que vous êtes léger autant) QUE vous êtes léger, &c.

Je m'arrête, & je finis par une observation. Il me semble qu'on n'a pas encore assez examiné & reconnu tous les usages de l'ellipse dans les langues : elle mérite pourtant l'attention des Grammairiens ; c'est l'une des clés les plus importantes de l'étude des langues, & la plus nécessaire à la construction analytique, qui est le seul moyen de réussir dans cette étude. Voyez INVERSION, LANGUE, METHODE. (E. R. M. B.)


RELATIONS. f. (Gram. & Philosoph.) est le rapport d'une chose à une autre, ou ce qu'elle est par rapport à l'autre. Ce mot est formé de refero, rapporter ; la relation consistant en effet, en ce qu'une chose est rapportée à une autre ; ce qui fait qu'on l'appelle aussi regard, habitude, comparaison. Voyez COMPARAISON & HABITUDE.

Nous nous formons l'idée d'une relation quand l'esprit considere une chose de maniere qu'il semble l'approcher d'une autre, & l'y comparer, & qu'il promene pour ainsi dire sa vue de l'une à l'autre ; conséquemment les dénominations des choses ainsi considérées l'une par rapport à l'autre, sont appellées relatives, aussi-bien que les choses même comparées ensemble. Voyez IDEE.

Ainsi quand j'appelle Caius marc. ou une muraille plus blanche, j'ai alors en vue deux personnes ou deux choses avec lesquelles je compare Caius ou la muraille. C'est pourquoi les philosophes scholastiques appellent la muraille le sujet ; la chose qu'elle surpasse en blancheur, le terme ; & la blancheur, le fondement de la relation.

La relation peut être considérée de deux manieres, ou du côté de l'esprit, qui rapporte une chose à une autre, auquel sens la relation n'est qu'une envie ou une affection de l'esprit par lequel se fait cette comparaison, ou du côté des choses relatives ; auquel cas ce n'est qu'une troisieme idée qui résulte dans l'esprit de celle des deux premieres comparées ensemble ; ensorte que la relation, dans quelque sens qu'on la prenne, ne réside toujours que dans l'esprit, & non pas dans les choses mêmes.

M. Locke observe que quelques-unes de nos idées peuvent être des fondemens de relations, quoique quand les langues manquent d'expressions, cette sorte de relations soit difficile à faire sentir ; telle que celle de concubine, qui est un nom relatif aussi-bien que femme.

En effet, il n'y a pas d'idée qui ne soit susceptible d'une infinité de relations ; ainsi on peut cumuler sur le même homme les relations de pere, de frere, de fils, de mari, d'ami, de sujet, de général, d'insulaire, de maître, de domestique, de plus gros, de plus petit, & d'autres encore à l'infini ; car il est susceptible d'autant de relations qu'il y aura d'occasions de le comparer à d'autres choses, & en autant de manieres qu'il s'y rapportera ou en différera.

Les idées des relations sont beaucoup plus claires & plus distinctes que celles des choses mêmes qui sont en relation, parce que souvent une simple idée suffit pour donner la notion d'une relation, au lieu que pour connoître un être substantiel, il en faut nécessairement rassembler plusieurs. Voyez SUBSTANCE.

La perception que nous avons des relations entre plusieurs idées que l'esprit considere, est ce que nous appellons jugement. Ainsi quand je juge que deux fois deux font quatre & ne font pas cinq, je perçois feulement l'égalité entre deux fois deux & quatre, & l'inégalité entre deux fois deux & cinq. Voyez JUGEMENT.

La perception que nous avons de relations entre les relations de différentes choses, constitue ce que nous appellons raisonnement. Ainsi quand de ce que quatre est un plus petit nombre que six, & que deux fois deux égalent quatre, je conclus que deux fois deux sont moins que six ; je perçois seulement la relation des nombres deux fois deux & quatre, & celle de quatre & six. Voyez RAISONNEMENT.

Les idées de cause & d'effet nous viennent des observations que nous faisons sur la vicissitude des choses, en remarquant que quelques substances ou qualités qui commencent à exister tirent leur existence de l'application & opération de certaines autres choses. La chose qui produit est la cause ; celle qui est produite est l'effet. Voyez CAUSE & EFFET. Ainsi la fluidité dans la cire est l'effet d'un certain degré de chaleur que nous voyons être constamment produit par l'application du même degré de chaleur.

Les dénominations des choses tirées du tems ne sont pour la plûpart que des relations. Ainsi quand on dit que Louis XIV. a vécu 77 ans & en a régné 72, on n'entend autre chose, si ce n'est que la durée de son existence a été égale à celle de 77, & la durée de son regne à celle de 72 révolutions solaires ; telles sont toutes les autres expressions qui désignent la durée.

Les termes jeunes & vieux, & les autres expressions qui désignent le tems, qu'on croit être des idées positives, sont dans la vérité relatives, emportent avec elles l'idée d'un espace ou d'une durée dont nous avons la perception dans l'esprit. Ainsi nous appellons jeune ou vieux quelqu'un qui n'a pas atteint, ou qui a passé le terme jusqu'où les hommes ont coutume de vivre ; nous nommons jeune homme un homme de vingt ans ; mais à cet âge un cheval est déja vieux.

Il y a encore d'autres idées véritablement relatives, mais que nous exprimons par des termes positifs & absolus ; tels que ceux de grand, de petit, de fort, de foible. Les choses ainsi dénommées sont rapportées à certains modeles avec lesquels nous les comparons. Ainsi nous disons qu'une pomme est grosse, lorsqu'elle est plus grosse que celles de sa sorte n'ont coutume d'être ; qu'un homme est foible lorsqu'il n'a pas tant de force qu'en ont les autres hommes, ou du-moins les hommes de sa taille.

Les auteurs divisent les relations différemment. Les philosophes scholastiques les divisent ordinairement en relations d'origine, par où ils entendent toutes les relations de cause & d'effet ; relations de négation, entre des choses opposées l'une à l'autre ; & relation d'affirmation, telles que les relations de convenance entre le tout & la partie, le signe & la chose signifiée, l'attribut & le sujet. Cette division est fondée sur ce que l'esprit ne peut comparer que de trois manieres, ou en inférant, ou en niant, ou en affirmant.

D'autres les divisent en relations d'origine, relations de convenance, c'est-à-dire de ressemblance, de parité ; relation de diversité, c'est-à-dire de dissemblance & de disparité ; & celles d'ordre, comme la priorité, la postériorité, &c.

D'autres les divisent en prédicamentales & transcendantales. Sous la premiere classe sont rangées toutes les relations de choses qui ont un même prédicament ; telles que celles du pere au fils. A la seconde appartiennent celles qui sont plus générales que les prédicamens, ou qui en ont de différens ; comme les relations de substance & d'accident, de cause & d'effet, de créateur & de créature. Voyez TRANSCENDANTE, &c.

M. Locke tire sa division des relations d'un autre principe. Il observe que toutes les idées simples dans lesquelles il y a des parties ou degrés, donnent occasion de comparer les sujets dans lesquels se trouvent ces parties à quelque autre, pour y appliquer ces idées simples ; telles sont celles de plus blanc, plus doux, plus gros, plus petit, &c. Ces relations dépendant de l'égalité & de l'excès de la même idée simple dans différens sujets, peuvent être appellées relations proportionnelles.

Une autre occasion de comparer les choses étant prise des circonstances de leur origine, comme pere, fils, frere, &c. on peut appeller celles-ci relations naturelles.

Quelquefois la raison de considérer les choses, se tire d'un acte que fait quelqu'un, en conséquence d'un droit, d'un pouvoir, ou d'une obligation morale ; telles sont celles de général, de capitaine, de bourgeois ; celles-ci sont des relations instituées & volontaires, & peuvent être distinguées des naturelles, en ce qu'elles peuvent être altérées & séparées des sujets à qui elles appartiennent, sans que les substances soient détruites, au lieu que les relations naturelles sont inaltérables, & durent autant que leurs sujets.

Une autre sorte de relations consiste dans la convenance ou disconvenance des actions libres des hommes avec la regle à laquelle on les rapporte & sur laquelle on en juge ; on les peut appeller relations morales.

C'est la conformité ou la disconvenance de nos actions à quelque loi (à quoi le législateur a attaché par son pouvoir & sa volonté, des biens ou des maux, qui est ce qu'on appelle récompense ou punition), qui rend ces actions moralement bonnes ou mauvaises. Voyez BIEN & MAL.

Or ces lois morales peuvent se partager en trois classes qui nous obligent différemment. La premiere consiste dans les lois divines ; la seconde dans les lois civiles ; la troisieme dans les lois de l'opinion & de la raison. Par rapport aux premieres, nos actions sont ou des péchés ou des bonnes oeuvres ; par rapport aux secondes, elles sont ou criminelles ou innocentes ; par rapport aux troisiemes, ce sont ou des vertus ou des vices. Voyez PECHE, VERTU, VICE, &c.

RELATION, en Logique, est un accident de substance que l'on compte pour une des dix catégories ou prédicamens.

Chaque substance est susceptible d'une infinité de relations. Ainsi le même Pierre, considéré par rapport à Henri, est en relation de maître ; par rapport à Jean, en celle de vassal ; par rapport à Marie, en celle d'époux, &c. De plus, comparé avec une personne, il est riche ; comparé avec une autre, il est pauvre ; enfin, comparé avec différentes personnes, il est éloigné ou proche, grand ou petit, voisin ou étranger, savant ou ignorant, bon ou méchant, égal ou inégal, &c. Les philosophes scholastiques disputent beaucoup sur la question de savoir si la relation est quelque chose qui soit formellement & réellement distinct de la substance même. Voyez SUBSTANCE.

RELATION s'employe aussi en Théologie, pour désigner certaines perfections divines, qu'on appelle personnelles, par lesquelles les personnes divines sont rapportées l'une à l'autre, & distinguées l'une de l'autre. Voyez PERSONNES.

Ainsi les Théologiens enseignent qu'il y a en Dieu une nature unique, deux processions, trois personnes & quatre relations. Voyez TRINITE.

Ces relations sont la paternité, la filiation, la spiration active & la spiration passive. Voyez PATERNITE, &c. Voyez aussi PERE, FILS, ESPRIT, &c.

RELATION, en Géométrie, en Arithmétique, &c. est l'habitude ou le rapport de deux quantités l'une à l'autre à raison de leur grandeur. Cette relation s'appelle plus ordinairement raison. Voyez RAISON.

La parité ou l'égalité de deux semblables relations s'appelle proportion. Voyez PROPORTION.

RELATION, en termes de Grammaire, est la correspondance que les mots ont les uns avec les autres dans l'ordre de la syntaxe. Voyez SYNTAXE, CONSTRUCTION, & l'article RELATIF.

Les relations irrégulieres & mal appliquées, sont des fautes que des écrivains corrects doivent éviter avec soin, parce qu'elles rendent le sens obscur, & souvent même équivoque, comme dans cet exemple : on le reçut avec froideur, qui étoit d'autant plus étonnante, qu'on l'avoit prié instamment de venir, & qu'on l'attendoit avec impatience ; car ici le mot froideur étant employé d'une maniere indéfinie, le relatif qui ne peut pas avoir avec ce mot une relation juste & réguliere. Voyez RELATIF.

RELATION se prend aussi très-souvent pour analogie, ou pour désigner ce qui est commun à plusieurs choses. Voyez ANALOGIE.

En Peinture, en Architecture, &c. c'est une certaine relation des différentes parties & des différens morceaux d'un bâtiment ou d'un tableau qui constitue ce qu'on appelle symmétrie. Voyez SYMMETRIE.

RELATION, (Jurisprud.) signifie quelquefois témoignage ou rapport d'un officier public ; comme quand on dit que le notaire en second ne signe les actes qu'à la relation de celui qui reçoit la minute.

Relation signifie aussi quelquefois le rapport & la liaison qu'il y a entre deux termes ou deux clauses, ou deux parties différentes d'un acte. (A)

RELATION historique, (Histoire) les relations historiques instruisent des événemens remarquables, tels que les conjurations, les traités de paix, les révolutions, & semblables intérêts particuliers à tout un peuple. C'est-là sur-tout qu'un historien ne peut, sans se manquer à lui-même, trahir la vérité, parce que le sujet est de son choix ; au lieu que dans une histoire générale, où il faut que les faits suivent l'ordre & le sort des tems, où la chaîne se trouve souvent interrompue par de vastes lacunes (car il y a des vuides dans l'histoire, comme des déserts sur la mappe-monde) ; on ne peut souvent présenter que des conjectures à la place des certitudes ; mais comme la plûpart des révolutions ont constamment été traitées par des contemporains, que l'esprit de parti met toujours en contradiction, après que la chaleur des factions est tombée, il est possible de rencontrer la vérité au milieu des mensonges opposés qui l'enveloppent, & de faire des relations exactes avec des mémoires infideles. C'est une observation du chancelier Bacon ; on ne sauroit trop orner cet ouvrage des pensées de ce beau génie. (D.J.)

RELATION, s. f. en Musique, c'est le rapport qu'ont entr'eux les deux sons qui forment un intervalle, considéré par l'espece de cet intervalle. La relation est juste, quand l'intervalle est juste, majeur ou mineur, fausse, quand il est superflu ou diminué. Voyez INTERVALLE.

Parmi les fausses relations, on ne considere généralement comme telles, dans l'harmonie, que celles dont les deux sons ne peuvent entrer dans le même mode. Ainsi le triton, qui en mélodie est une fausse relation, n'en est point une dans l'harmonie, à moins que l'un de ces deux sons ne soit une corde étrangere au mode. Mais la quarte diminuée & les octaves diminuées & superflues qui sont des intervalles bannis de l'harmonie, sont toujours de fausses relations.

Autrefois les fausses relations étoient toutes défendues avec beaucoup de rigueur. Aujourd'hui elles sont presque toutes permises dans la mélodie, mais non dans l'harmonie. On peut pourtant les y faire entrer ; mais il faut qu'un des deux sons qui forment la fausse relation, ne soit admis que comme note de goût, & jamais ils ne doivent entrer tous les deux à la fois dans un même accord.

On appelle encore relation enharmonique, entre deux cordes qui sont à un ton de distance, le rapport qui se trouve entre le dièse de l'inférieure & le bémol de la supérieure. C'est la même touche sur l'orgue & sur le clavecin ; mais en rigueur ce n'est pas le même son ; & il y a entr'eux un intervalle enharmonique. Voyez ENHARMONIQUE. (S)


RELAVERv. act. (Gram.) laver derechef. Voyez l'article LAVER.


RELAXATIONS. f. (Jurisprud.) est la délivrance & la sortie d'un prisonnier qui se fait du consentement de celui qui l'a fait écrouer.

Dans quelques provinces on dit relaxation de la demande, pour décharge de la demande. (A)

RELAXATION, en Médecine, c'est l'acte par lequel les fibres, les nerfs, les muscles, se relâchent. Voyez TENSION, FIBRE, &c.

La relaxation d'un muscle est supposée occasionnée ou par la perspiration des esprits nerveux, ou par l'entrée trop précipitée du sang, des esprits, &c. qui enfle les fibres, ou par la contraction de l'air dans les globules du sang, avant qu'il soit dilaté par le flux, & le soudain mêlange des esprits, &c. Voyez MUSCLE & MOTION MUSCULAIRE.

RELAXATION, en Chirurgie, c'est une extension extraordinaire d'un nerf, d'un tendon, d'un muscle, ou de quelque partie semblable, qui est occasionnée par la violence qu'on lui fait, ou par sa propre foiblesse.

Les hernies sont les descentes, ou les relaxations des intestins. Voyez HERNIE. De la même cause vient la descente, ou la chûte de l'anus. Voyez PROCIDENCE.


RELAYERv. act. & neut. (Gram.) c'est se servir de relais, changer de chevaux, lâcher de nouveaux chiens. Il se dit aussi du travail successif de plusieurs ouvriers dont l'un reprend quand l'autre cesse. Ils se relayent.


RÉLÉGATIONS. f. (Jurisprud.) est lorsque le prince envoie quelqu'un, ou lui ordonne d'aller dans un lieu qu'il lui désigne pour y rester jusqu'à nouvel ordre.

On appelloit la rélégation chez les Romains ce que nous appellons communément exil.

La rélégation différoit de la déportation, en ce que la premiere n'ôtoit pas les droits de cité, & n'emportoit pas confiscation ; il y a aussi parmi nous la même différence entre la rélégation & le bannissement à perpétuité hors du royaume.

C'est ordinairement par une lettre de cachet que le roi rélégue ceux qu'il veut éloigner de quelque lieu ; quelquefois c'est par un simple ordre intitulé de par le roi. Il est enjoint au sieur un tel de se retirer à tel endroit pour y demeurer jusqu'à nouvel ordre.

Plusieurs édits & déclarations ont fait défenses à ceux qui sont rélégués de sortir sans permission du lieu de leur exil, notamment l'édit du mois d'Août 1669, la déclaration du mois de Juillet 1682, celle du 24 Juillet 1705, a prononcé dans ce cas la peine de confiscation de corps & de bien. Voyez BANNISSEMENT, DEPORTATION, EXIL, LETTRES DE CACHET. (A)


RELEVÉparticipe du verbe relever. Voyez RELEVER.

RELEVE, s. m. (Gram.) il se dit d'un état de plusieurs articles épars dans un grand livre, & ramassé sur un feuillet séparé : voilà le relevé de votre dépense, de vos frais.

RELEVE, (Vénerie) il se dit de l'action d'une bête qui se leve, & sort du lieu où elle a demeuré le jour, pour aller se repaître.


RELEVÉES. f. (Jurisprud.) signifie le tems d'après-midi.

Ce terme vient de ce qu'autrefois en France on faisoit la méridienne à l'imitation des Romains qui en avoient introduit l'usage dans les Gaules.

L'étimologie de ce terme peut aussi venir de ce que les juges s'étant levés après la séance du matin, se relevent une seconde fois après la séance du soir.

En effet on dit lever l'audience pour dire clorre & finir l'audience, la faire retirer ; & l'audience d'après-midi s'appelle audience de relevée.

Quand la cour leve l'audience avant l'heure ordinaire pour aller à quelque cérémonie, il n'y a point ce jour-là d'audience de relevée, d'où est venu ce dictum de palais, que, quand la cour se leve matin, elle dort l'après-midi.

On ne doit point juger les procès criminels de relevée, quand les conclusions des gens du roi vont à la mort, ou aux galeres, ou au bannissement. Voyez l'ordonnance de 1670, tit. 25, art. 19.

On donne des assignations pour se trouver en un greffe, ou chez un notaire, commissaire ou autre officier public, à deux ou trois heures de relevée. (A)


RELEVEMENTS. m. (Grammaire) action de relever.

RELEVEMENT, (Marine) c'est la différence qu'il y a en ligne droite ou en hauteur, de l'avant du pont à son arriere.


RELEVERv. act. (Gram.) c'est lever une seconde fois. On dit relever des murailles abattues, relever un arrêt, relever les carreaux d'un appartement, relever un monument, se relever pour sortir de son lit, se relever de terre, se relever d'une maladie, relever de couche, se relever d'une chûte, relever sa robe, relever sa tête, relever une sentinelle, relever des cartes, relever un cheval, un vaisseau, un défaut, une bille, relever du roi, relever d'un acte, d'une sentence, d'un jugement, relever en bosse, se relever d'une faute, relever une injure, relever les grandes actions d'un homme, &c. où l'on voit que ce verbe a rapport tant au simple qu'au figuré, au mouvement du bas en haut.

RELEVER, (Jurisprud.) se dit de plusieurs choses.

Relever un fief, c'est faire la foi & hommage au seigneur pour la mutation & ouverture qui est arrivée au fief. On entend aussi quelquefois par-là le payement que l'on fait du droit de relief.

On dit aussi d'un fief qu'il releve de tel autre fief qui est à son égard le fief dominant. Voyez FIEF, MOUVANCE, OUVERTURE, MUTATION, VASSAL, FOI & HOMMAGE, RELIEF.

Relever son appel, c'est obtenir des lettres de chancellerie, ou un arrêt, pour être autorisé à faire intimer quelqu'un sur l'appel que l'on interjette de la sentence rendue avec lui ; l'origine des reliefs d'appel vient de ce qu'anciennement il falloit appeller illico, sur le champ ; suivant l'ancien style du parlement, ch. xx. §. 2, il falloit appeller avant que le juge sortit de l'auditoire ; en pays de droit écrit, il suffisoit de dire j'appelle, sans en donner d'acte par écrit ; mais dans les dix jours suivans il falloit faire signifier son acte d'appel contenant les motifs. Ordonnance de la troisieme race, tom. II. p. 212.

Faute d'avoir appellé illico, l'on n'étoit plus recevable à le faire ; & ce fut pour être relevé de l'illico, c'est-à-dire, de ce que l'appel n'avoit pas été interjetté sur le champ, que l'on inventa la forme des reliefs d'appel.

Au parlement l'appel doit être relevé dans trois mois, à la cour des aydes, dans 40 jours, & dans pareil tems, aux bailliages & sénéchaussées ; pour les sieges inférieurs qui y ressortissent, faute par l'appellant d'avoir fait relever son appel dans le tems, l'intimé peut faire déclarer l'appel désert. Voyez APPEL, ANTICIPATION, DESERTION D'APPEL, INTIMATION, RELIEF D'APPEL.

Relever se dit aussi en parlant d'une jurisdiction qui ressortit par appel à une autre jurisdiction supérieure ; par exemple, les appellations des duchés-pairies se relevent au parlement.

Se faire relever d'un acte, c'est obtenir des lettres du prince pour être restitué contre cet acte, & les faire entériner. Voyez LESION, MINORITE, RESCISION, LETTRES DE RESCISION, RESTITUTION EN ENTIER. (A)

RELEVER, dans le sens militaire, c'est prendre la place, ou occuper le poste d'un autre corps. De-là est venu cette maniere de parler, relever une garde : relever la tranchée, pour dire faire monter la garde ou la tranchée par des hommes frais, & relever ceux qui l'ont montée auparavant. Voyez GARDES, TRANCHEE. On dit aussi relever une sentinelle. Voyez SENTINELLE. Chambers.

RELEVER, (Marine) c'est remettre un vaisseau à flots, lorsqu'il a échoué, ou qu'il a touché le fond. C'est aussi le redresser, lorsqu'il est à la bande.

RELEVER L'ANCRE, (Marine) c'est changer l'ancre de place, ou la mettre dans une autre situation.

RELEVER LE QUART, (Marine) c'est changer le quart. Voyez QUART.

RELEVER LES BRANLES, (Marine) c'est attacher les branles vers le milieu près du pont, afin qu'ils ne nuisent, ni n'empêchent de passer entre les ponts.

RELEVER UNE BRODERIE, terme de Brodeur ; c'est l'emboutir, c'est-à-dire la remplir par-dessous de laine ou d'autre matiere, pour la faire paroître davantage au-dessus de l'étoffe qui lui sert de fond.

RELEVER, en terme de Chauderonnier ; c'est augmenter la hauteur ou la grandeur d'un vase, en étendant la matiere à coups de marteaux. Voyez PLANER & RETRAINDRE.

RELEVER, se dit parmi les Cuisiniers, de l'action par laquelle avec des fines herbes, des épices, du sel, & d'autres choses semblables, ils donnent à un mets une pointe agréable au goût, & propre à réveiller l'appétit.

RELEVER UN CHEVAL, en terme de Manege ; c'est l'obliger à porter en beau lieu & lui faire bien placer sa tête, lorsqu'il porte bas ou qu'il s'arme, pour avoir l'encolure trop molle. Voyez S'ARMER.

Il y a de certains mors propres à relever un cheval, comme ceux qui sont faits en branche à genou. On se servoit autrefois pour le même effet d'une branche flasque ; mais elle n'est plus d'usage, parce qu'elle releve infiniment moins que l'autre. Un coude de la branche serré contribue aussi à relever un cheval, & à le faire porter en beau lieu. On peut aussi se servir pour le même effet, d'une branche françoise ou à la gigote.

Les Eperonniers se servent mal-à-propos du mot soutenir, dans le sens de relever, & disent : cette branche soutient, pour dire qu'elle releve ; mais soutenir a une autre signification dans le manege.

On appelle aussi airs relevés, les mouvemens d'un cheval qui s'éleve plus haut que le terre à terre, quand il manie à courbettes, à ballotades, à croupades & à capriole ; on dit aussi un pas relevé, des passades relevées. Voyez PAS, PASSADE.

RELEVER SUR LA TRAITE, est un terme de Mégissier, Tanneur, Chamoiseur & Maroquinier, qui veut dire, ôter les peaux ou cuirs de dedans la chaux, pour les mettre égoutter sur le bord du plain, qu'on nomme en terme du métier la traite. Voyez PLAIN.

RELEVER, en terme d'Orfévre en grosserie ; c'est faire sortir certaines parties d'une piece, comme le fond d'une burette, &c. en les mettant sur le bout d'une ressingue pendant qu'on frappe sur l'autre à coups de marteau.

RELEVE-MOUSTACHE, en terme de Vergettier ; ce sont de petites brosses, dont on se servoit autrefois fort communément pour relever les moustaches. Comme les moustaches ne sont plus de mode, on ne connoît plus guere que le nom de ces sortes de brosses.


RELEVEURS. m. en terme d'Anatomie, est le nom qu'on a donné à différens muscles, dont l'usage & l'action est de relever la partie à laquelle ils tiennent. Voyez MUSCLE.

Ce mot se dit en latin attollens, qui est composé de ad, à, & tollo, je leve.

Il y a le releveur de la paupiere supérieure de l'anus, de l'omoplate.

Le releveur propre de la paupiere supérieure vient du fond de l'orbite & s'insere à la paupiere supérieure à son cartilage qu'on nomme tarse.

Le releveur propre de l'omoplate appellé aussi l'angulaire, s'insere aux trois ou quatre apophyses transverses des vertebres supérieures du col, & se termine à l'angle postérieur supérieur de l'omoplate.

Les deux releveurs de l'anus sont fort amples, ils viennent de l'os pubis, de l'ischion, de l'os sacrum & du coccyx, & s'inserent au sphincter de l'anus ; leurs fibres les plus postérieures ne se terminent pas au sphincter de l'anus, mais celles du côté droit se réunissent avec celles du côté gauche, en formant une aponévrose sous la partie postérieure & inférieure du rectum.

Le releveur de l'oreille s'attache à la convexité de la fossette naviculaire de l'anthélix, & à celle de la portion supérieure de la conque, il se termine en s'épanouissant sur la portion écailleuse de l'os des tempes, & s'unit avec le frontal & l'occipital du même côté.

Les releveurs de l'anus sont deux muscles larges, minces, qui viennent de la circonférence du petit bassin, depuis la symphise des os pubis jusqu'au-delà de l'épine de l'os ischion, & ils s'inserent à la partie postérieure de l'anus, en fournissant quelques fibres qui s'unissent avec celles du sphincter de l'anus.

Le releveur de la paupiere supérieure est un muscle mince, situé dans l'orbite au-dessus & tout le long du muscle releveur de l'oeil ; il est attaché près du trou optique au fond de l'orbite, & vient se perdre par une aponévrose très-large au tarse de la paupiere supérieure.

Le releveur de l'oeil, voyez DROIT.

Les releveurs du sternum, voyez SURCOSTAUX.


RELEVOISONSS. m. (Jurisprud.) signifioit anciennement une espece de rachat ou relief, qui se payoit de droit commun pour les rotures, auxquelles il y avoit mutation de propriétaire.

Il est parlé des relevoisons, comme d'un usage qui étoit alors général dans le II. liv. des établissemens de S. Louis, ch. xviij. où il est dit, que le seigneur peut prendre les jouissances du fief de son nouveau vassal, s'il ne traite avec lui du rachat & aussi des relevoisons, mais que nul ne fait relevoisons de bail, c'est-à-dire de garde, ni de douaire, ni de frerage ou partage.

Dans la suite, le droit de reveloisons ne s'est conservé que dans la coutume d'Orléans, les cahiers de cette coutume plus ancienne que celle réformée en 1509, disposoient simplement que des censives étant au droit de relevoisons, il étoit dû profit pour toutes mutations, ce qui avoit induit quelques-uns de croire, que le changement des seigneurs censuels faisoit ouverture aux relevoisons, & ce fut par cette raison qu'en l'article 116 de la coutume réformée en 1509, on déclara que les profits n'étoient acquis que pour les mutations précédentes du côté des personnes au nom duquel le cens étoit payé.

Lorsqu'on procéda à la réformation de la derniere coutume, beaucoup de gens demanderent qu'il fût statué que des censives étant au droit de relevoisons, il ne fût dû profit pour mutation arrivée en ligne directe, par succession, don & legs ; mais tout ce qu'ils purent obtenir, fut que l'on arrêta que les femmes n'en payeroient plus pour leur premier mariage.

Suivant la nouvelle coutume d'Orléans, réformée en 1583, le droit de relevoisons n'a lieu que pour les maisons situées dans la ville, en-dedans des anciennes barrieres ; il est dû pour toute mutation de propriétaire, soit par mort, vente, ou autrement.

Il y a relevoisons à plaisir, & relevoisons au denier six, & relevoisons telles que le cens.

Les premieres ont été ainsi appellées, parce qu'elles se payoient ad beneplacitum domini, au plaisir & volonté du seigneur ; présentement elles consistent dans le revenu d'une année.

Les relevoisons au denier six sont celles où l'on paye six deniers pour chaque denier de cens.

Celles qu'on appelle de tel, cens telles relevoisons, sont le double du cens à la censive ordinaire.

Il n'est jamais dû qu'une sorte de relevoisons pour chaque mutation ; mais on peut stipuler un droit pour une telle sorte de mutation, & un autre droit pour une autre sorte de mutation. Voyez la Coutume d'Orléans, titre des relevoisons à plaisir. Lalande, sur le titre. Voyez LODS & VENTES, RACHAT, RELIEF, TREIZIEME. (A)


RELIAGES. m. (Tonnelier) réparation faite aux tonneaux auxquels on donne de nouveaux cerceaux.


RELICTES. f. (Jurisp.) terme usité dans quelques provinces pour dire délaissée, veuve ; une telle relicte d'un tel, c'est-à-dire veuve d'un tel. Voyez l'ancienne cout. de Chauny, article 25. (A)


RELIEFS. m. ou RACHAT, (Jurisp.) est un droit qui est dû au seigneur pour certaines mutations de vassal, & qui consiste ordinairement au revenu d'une année du fief.

Ce terme relief, vient de relever, parce qu'au moyen de la mutation du vassal le fief tomboit en la main du seigneur, & que le vassal pour le reprendre doit le relever & payer au seigneur le droit qu'on appelle relief.

On l'appelle aussi rachat, parce qu'autrefois les fiefs n'étant qu'à vie, il falloit les racheter après la mort du vassal. En Lorraine, on l'appelle reprise de fief ; en Dauphiné, plait seigneurial, placitum seu placitamentum ; en Poitou, rachat ou plect ; en Languedoc, acapte, arriere-acapte.

Relief se prend aussi quelquefois pour l'acte de foi & hommage par lequel on releve le fief.

Le droit de relief est dû en général pour les mutations, autres que celles qui arrivent en directe & par vente, ou par contrat équipollent à vente.

Mais pour spécifier les cas les plus ordinaires dans lesquels il est dû, on peut dire qu'il a lieu en plusieurs cas ; savoir,

1°. Pour mutation de vassal, par succession collatérale.

2°. Pour la mutation de l'homme vivant & mourant.

3°. Pour le second, troisieme, ou autre mariage d'une femme qui possede un fief, la plûpart des coutumes exceptent le premier mariage.

4°. Quelques coutumes obligent le gardien à payer un droit de relief pour la jouissance qu'il a du fief de ses enfans.

5°. Il est dû en cas de mutation du bénéficier possesseur d'un fief, soit par mort, résignation ou permutation.

Quand il arrive plusieurs mutations forcées dans une même année, il n'est dû qu'un relief, pourvû que la derniere ouverture soit avant la récolte des fruits. Si ce sont des mutations volontaires, il est dû autant de reliefs qu'il y a eu de mutations.

Le relief est communément le revenu d'une année, au dire de prud'hommes, ou une somme une fois offerte, au choix du seigneur, lequel doit faire son option dans les 40 jours ; & quand une fois il a choisi, il ne peut plus varier.

Si le fief est affermé, le seigneur doit se contenter du prix du bail, à-moins qu'il n'y eût fraude.

L'année du relief commence du jour de l'ouverture du fief.

Le seigneur qui opte le revenu d'une année, doit jouir en bon pere de famille, & comme auroit fait le vassal ; il doit même lui rendre les labours & semences.

S'il y a des bois-taillis & des étangs, dont le profit ne se perçoit pas tous les ans, le seigneur ne doit avoir qu'une portion du profit, eu égard au nombre d'années qu'on laisse couler entre les deux récoltes.

Il n'a aucun droit dans les bois qui servent pour la décoration de la maison, ni dans les bois de haute-futaie, à-moins que ces derniers ne soient en coupe reglée.

Le vassal est obligé de communiquer ses papiers de recette au seigneur, pour l'instruire de tout ce qui fait partie du revenu du fief.

Les droits casuels, tels que les reliefs, quints, les cens, lods & ventes, amendes, confiscations, & autres qui échéent pendant l'année du relief, appartiennent au seigneur ; même les droits dûs pour l'arriere-fief qui est ouvert pendant ce tems.

Il peut aussi user du retrait féodal ; mais sa jouissance finie il doit remettre à son vassal le fief qu'il a retiré.

Si l'on fait deux récoltes de blé dans une même année, le seigneur n'en a qu'une ; il en est autrement du regain, ou quand la seconde récolte est de fruits d'une autre espece que la premiere.

Le vassal ne doit point être délogé, ni sa femme & ses enfans ; le seigneur ne doit prendre qu'un logement, si cela se peut, & une portion des lieux nécessaires pour placer la récolte.

Toutes les charges du fief qui sont inféodées, & qui échéent pendant l'année du relief, doivent être acquittées par le seigneur.

La jouissance du droit de relief peut être cédée par le seigneur à un tiers, ou bien il peut en composer avec le vassal ; & s'ils ne s'accordent pas, il peut faire estimer par experts le revenu d'une année, en formant sur les trois années précédentes une année commune.

Quand le fief ne consiste que dans une maison occupée par le vassal, celui-ci doit en payer le loyer au seigneur, à dire d'experts.

Pour connoître plus particulierement quelles sont les mutations auxquelles il est dû, ou non, droit de relief, voyez les commentateurs de la coutume de Paris, sur le titre des fiefs ; les auteurs qui ont traité des fiefs, entr'autres Dumolin, & les mots FIEF, LODS & VENTES, MUTATION, QUINT, RACHAT.

Par rapport aux différentes sortes de reliefs, ou aux différens noms que l'on donne à ce droit, voyez les articles qui suivent. (A)

RELIEF ABONNE, est celui qui est fixé à une certaine somme, par un accord fait avec le seigneur ; on dit plus communément rachat abonné. Voyez RACHAT.

RELIEF D'ADRESSE, ce sont des lettres de chancellerie, par lesquelles le roi mande à quelque cour de procéder à l'enregistrement d'autres lettres dont l'adresse n'étoit pas faite à cette cour. Voyez ADRESSE, & le style des chancelleries, par du Sault.

RELIEF D'APPEL, ce sont des lettres qu'un appellant obtient en la petite chancellerie, à l'effet de relever son appel, & de faire intimer sur icelui les parties qui doivent défendre à son appel. Voyez APPEL, ILLICO, INTIMATION, RELEVER. (A)

RELIEF D'ARMES, voyez ci-après RELIEF DE CHEVAL & ARMES.

RELIEF DE BAIL, est en quelques coutumes, un rachat dû au seigneur par le mari, pour le fief de la femme qu'il épouse, encore qu'elle eût déjà relevé & droituré ce fief avant le mariage.

On l'appelle relief de bail, parce que le mari le doit comme mari & bail de sa femme ; c'est-à-dire comme baillistre & administrateur du fief de sa femme, dont il jouit en ladite qualité.

Ainsi ce relief n'est pas dû par le mari lorsqu'il n'y a point de communauté, & que la femme s'est réservé l'administration de ses biens. Voyez les coutumes de Clermont, Théroane, S. Paul, Chauny, Ponthieu, Boulenois, Artois, Péronne, Amiens, Montreuil, S. Omer, Senlis, & ci-après RELIEF DE MARIAGE.

RELIEF DE BAIL DE MINEURS ou de GARDE, est celui qui est dû par le gardien, pour la jouissance qu'il a du fief de son mineur. (A)

RELIEF DES BENEFICIERS, est celui qu'un bénéficier succédant, soit per obitum, soit par résignation ou permutation, doit au seigneur pour le fief dépendant du bénéfice dont il prend possession. Voyez les institutes féodales de Guyot, ch. v.

RELIEF DE BOUCHE, c'est lorsque le vassal, ou tenant cottier, reconnoît tenir son héritage de quelque seigneur. Voyez la coutume d 'Herly, art. 1. & 2.

RELIEF DE CHAMBELLAGE, est celui que le mari doit lorsque durant le mariage il échet un fief à sa femme. Voyez l'ancienne coutume de Beauquesne article 19.

RELIEF DE CHEVAL ET ARMES, est celui pour lequel il est dû au seigneur un cheval de service, des armes. Voyez la coutume de Cambrai, titr. 1, article 50. & 51. (A)

RELIEF DOUBLE, c'est lorsqu'il est dû deux différens droits de relief, l'un par le nouveau propriétaire, l'autre par celui qui a la jouissance du fief. Voyez ci-après RELIEF SIMPLE.

RELIEF DE FIEF, c'est lorsque le vassal releve en droiture son fief, c'est-à-dire qu'il reconnoît son seigneur, & lui fait la foi & hommage pour la mutation de seigneur ou de vassal qui faisoit ouverture au fief.

Il est parlé de ce relief de fief dans Froissart & dans les coutumes de Peronne, Auxerre, Cambrai, Lille, Hesdin, style de Liege. Voyez le glossaire de Lauriere au mot relief.

RELIEF DE GARDE est celui qui est dû par le gardien pour la jouissance qu'il a du fief de son mineur.

RELIEF D'HERITIER, est celui qui est dû au seigneur par le nouveau vassal pour la propriété à lui échue par succession collatérale ; c'est la même chose que le relief propriétaire ou de propriété. Voyez la coutume de Saint-Pol, & ci-après RELIEF PROPRIETAIRE.

RELIEF D'HOMME étoit une amende de cent sous un denier, que le plege ou caution étoit obligé de payer, faute de faire représenter l'accusé qui avoit été élargi moyennant son cautionnement, & moyennant cette amende le plege en étoit quitte ; c'est ainsi que ce relief est expliqué dans le chap. cjv. des établissemens de S. Louis en 1270 : il en est encore parlé dans le chap. cxxj.

RELIEF d'illico, c'étoient des lettres qu'un appellant obtenoit en la petite chancellerie pour être relevé de l'illico, c'est-à-dire de ce qu'il n'avoit pas interjetté son appel au moment que la sentence avoit été rendue.

Présentement il n'est plus nécessaire d'appeller illico, ni d'obtenir des lettres de relief d'illico, mais on obtient des lettres de relief d'appel, ou un arrêt pour relever l'appel ; ce qui tire toujours son origine de l'usage où l'on étoit d'obtenir des lettres d'illico ou de relief d'illico. Voyez ci-devant APPEL, APPELLATION, RELIEF D'APPEL.

RELIEF DE LAPS DE TEMS, ce sont des lettres de chancellerie par lesquelles le roi releve quelqu'un de ce qu'il a manqué à faire ses diligences dans le tems qui lui étoit prescrit, & lui permet d'user de la faculté qu'il avoit, comme s'il étoit encore dans le tems. Ces lettres sont de plusieurs sortes, selon les objets auxquels elles s'appliquent. Il y a des lettres de relief de tems de prendre possession de bénéfice ; d'autres appellées relief de tems sur rémission, lorsqu'un impétrant de lettres de rémission ne s'est pas présenté dans le tems pour faire entériner ses lettres ; & ainsi de plusieurs autres.

RELIEF DE MARIAGE est celui que le mari doit pour la jouissance qu'il a du fief de sa femme, c'est la même chose que le relief de bail.

Quelques coutumes affranchissent le premier mariage de ce droit, comme la coutume de Paris, art. 36. d'autres l'accordent au seigneur pour tous les mariages indistinctement, comme la coutume d'Anjou. Voyez ci-devant RELIEF DE BAIL, & Guyot en son traité des Fiefs, tome II. du relief, ch. v. (A)

RELIEF A MERCI, est le nom que l'on donne en quelques lieux au revenu d'un an que le nouveau vassal est tenu de payer au seigneur ; il a été ainsi appellé parce qu'il étoit à la volonté du seigneur, & non pas qu'il sût ad mercedem. Voyez la coutume locale de S. Piat, de Seclin sous Lille.

RELIEF DE MONNOYER ou Monnoyeur, ce sont des lettres de chancellerie par lesquelles le roi mande à une cour des monnoies de recevoir quelqu'un en qualité de monnoyeur, encore que son pere ne se soit pas fait recevoir en ladite qualité ; étant nécessaire, pour être reçu dans ces sortes de places d'être issu de parens monnoyeurs. Voyez MONNOIES & MONNOYEUR.

RELIEF DE NOBLESSE, ce sont des lettres du grand sceau, par lesquelles le roi rétablit dans le titre & les privileges de noblesse quelqu'un qui en étoit déchu, soit par son fait, ou par celui de son pere ou de son aïeul. Voyez REHABILITATION.

RELIEF DE PLUME, c'est un droit de rachat ou rente seigneuriale, qui ne consiste qu'en une prestation de poule, geline ou chapon. Voyez la coutume de Théroanne, art. 9. & le Glossaire de M. de Lauriere au mot Plume.

RELIEF PRINCIPAL, est celui qui est dû pour le fief entier. Il est ainsi appellé lorsqu'il s'agit de distinguer le relief dû par chaque portion du fief. Voyez la coutume d 'Artois, art. 102.

RELIEF PROPRIETAIRE ou DE PROPRIETAIRE, ou RELIEF DE PROPRIETE, est celui qui est dû au seigneur par le nouveau propriétaire du fief, à la différence du relief de bail & du relief de mariage, qui sont dûs pour la jouissance qu'une personne a du fief sans en avoir la propriété. Voyez l'ancienne coutume d'Amiens, celles de S. Omer, Montreuil, & le style des cours du pays de Liege, & les articles RELIEF DE BAIL, RELIEF DE MARIAGE.

RELIEF RENCONTRé, voyez RACHAT RENCONTRé.

RELIEF DE RENTE, la coutume de Thérouanne, art. 11. appelle ainsi celui qui est dû au seigneur à la mort du tenant cottier. Voyez le Glossaire de M. de Lauriere.

RELIEF SIMPLE, est lorsqu'il n'est dû que le relief de propriété par la femme, & non le relief de bail, ou bien quand il n'est dû aucun chambellage, à la différence du relief double qui est dû, l'un pour la mutation de proprietaire, l'autre pour la jouissance du baillistre. Voyez la coutume d'Artois, art. 158. & Maillart sur cet article, & la coutume de Ponthieu, art. 28. 29. 31.

RELIEF DE SUCCESSION, est celui qui est dû pour mutation d'un fief par succession collatérale, ou même par succession directe dans ces coutumes auxquelles il est dû relief à toutes mutations, comme dans le Vexin françois.

RELIEF DE SURANNATION, sont des lettres de chancellerie par lesquelles sa majesté valide & permet de faire mettre à exécution d'autres lettres surannées ; c'est-à-dire dont l'impétrant a négligé de se servir dans l'année de leur obtention. Voyez CHANCELLERIE, LETTRES DE CHANCELLERIE, SURANNATION. (A)

RELIEF, (Architecture) c'est la saillie de tout ornement, ou bas relief, qui doit être proportionné à la grandeur de l'édifice qu'il décore, & à la distance d'où il doit être vu. On appelle figure de relief, ou de ronde bosse, une figure qui est isolée, & terminée en toutes ses vues. (D.J.)

RELIEF, (Sculpture) ce mot se dit des figures en saillie & en bosse, ou élevées, soit qu'elles soient taillées au ciseau, fondues ou moulées. Il y a trois sortes de reliefs. Le haut relief, ou plein relief, est la figure taillée d'après nature. Le bas relief est un ouvrage de sculpture qui a peu de saillie, & qui est attaché sur un fond. On y représente des histoires, des ornemens, des rinceaux, des feuillages, comme on voit dans les frises. Lorsque dans les bas-reliefs il y a des parties saillantes & détachées, on les appelle demi-bosses. Le demi-relief est quand une représentation sort à demi-corps du plan sur lequel elle est posée. Voyez RELIEF-bas, (Sculpt.) (D.J.)

RELIEF, (Peint.) le relief des figures est un prestige de l'art, que l'auteur de l'Histoire naturelle ne pouvoit pas laisser passer sans l'accompagner de quelqu'un de ces beaux traits qui lui sont familiers. Apelle avoit peint Alexandre la foudre à la main, & Pline s'écrie à la vue du héros, " Sa main paroît saillante, & la foudre sort du tableau ". Il n'appartient qu'à cet écrivain de rendre ainsi les beautés qui le saisissent. Il emprunte ailleurs un style plus simple, pour dire que Nicias observa la distribution des jours & des ombres, & eut grand soin de bien détacher ses figures. Un lecteur qui n'appercevra dans cette phrase que le clair obscur & le relief sans leur rapport mutuel, n'y verra que le récit d'un historien ; les autres y découvriront l'attention d'un connoisseur à marquer la cause & l'effet, & à donner, sous l'apparence d'un exposé historique, une leçon importante en matiere de peinture. (D.J.)

RELIEF D'UNE MEDAILLE, (Art numismat.) saillie des figures & des types qui sont empreints sur la tête ou sur le revers d'une médaille.

Le relief dans les médailles, comme l'a remarqué le pere Jobert, est une beauté, mais cette beauté n'est pas une marque indubitable de l'antique. Elle est essentielle aux médailles du haut-empire ; mais dans le bas-empire il se trouve des médailles qui n'ont guere plus de relief que nos monnoies. Le tems nécessaire pour graver les coins plus profondément, & pour battre chaque piece dans ces coins, nous a fait négliger cette beauté dans nos monnoies & dans nos jettons ; par-là nous avons perdu l'avantage de les pouvoir conserver aussi long-tems que les monnoies romaines. Leurs médailles que l'on tire de terre après 1800 ans, sont encore aussi fraîches & aussi distinctes que si elles sortoient des mains de l'ouvrier. Nos monnoies au-contraire, après 40 ou 50 ans de cours, sont tellement usées, qu'à peine peut-on reconnoître ni la figure ni la légende. Ainsi les anciens nous surpassent par cet endroit ; mais dans nos grosses médailles, non-seulement nous égalons les Grecs & les Romains, souvent même nous les surpassons. Depuis qu'on a inventé la maniere de battre sous le balancier, nous avons porté le relief aussi haut qu'il puisse aller, en fait de médailles. (D.J.)

RELIEF-BAS, (Sculpture) on appelle bas-relief un ouvrage de sculpture qui a peu de saillie, & qui est attaché sur un fond. Lorsque dans le bas-relief il y a des parties saillantes & détachées, on les nomme demi-bosses.

Les sujets de bas-relief ne sont point bornés, on y peut représenter toutes sortes de choses & d'ornemens, des animaux, des fleurs, des rinceaux, des feuillages, & même des morceaux d'histoire.

On distingue trois sortes de bas-reliefs, autrement dits basses tailles ; dans la premiere, les figures qui sont sur le devant paroissent se détacher tout-à-fait du fond ; dans la seconde espece, les figures ne sont qu'en demi-bosse, ou d'un relief beaucoup moindre ; dans la derniere, elles n'ont que très-peu de saillie.

Il n'est pas vrai, comme le prétendoit M. Perrault, que les anciens sculpteurs aient tous violé les regles de la perspective dans leurs ouvrages ; nous connoissons plusieurs bas-reliefs antiques contraires à cette injurieuse décision. Le recueil de Rosci qui a pour titre : admiranda veteris sculpturae vestigia, nous en présente quelques-uns, & principalement trois, qui sont une preuve évidente de la connoissance des anciens dans la perspective. Le premier est à la pag. 43. il est connu sous le nom du repas de Trimalcion ; sans-doute un grec l'a exécuté à Rome ; la perspective des bâtimens s'y découvre avec la plus grande clarté, on ne feroit pas mieux aujourd'hui. A la p. 11. de ce même recueil, est encore un bas-relief, où sont représentés deux victimaires conduisant un taureau, dont le marbre est à Rome dans la vigne de Médicis. Enfin celui qui se trouve à la pag. 78. luctus funebris, & que l'on conserve à Rome dans le palais Barberin, est peut-être la preuve la plus complete qu'on pourroit opposer à l'auteur du parallele des anciens ; nonseulement on y voit un édifice dégradé, & fuyant dans la plus exacte perspective, mais aussi des intérieurs de voûte.

Je ne prétends pas néanmoins que l'art des bas-reliefs ait été aussi parfaitement connu des anciens, qu'il l'est des modernes, & je conviens que souvent les dégradations de lumiere manquent à la beauté de leurs ouvrages. Quelquefois, par exemple, une tour qui paroît éloignée de cinq cent pas du devant du bas-relief, à en juger par la proportion d'un soldat monté sur la tour, avec les personnages placés le plus près du bord du plan ; cette tour, dis-je, est taillée comme si on la voyoit à cinquante pas de distance. On apperçoit la jointure des pierres, & l'on compte les tuiles de la couverture. Ce n'est pas ainsi que les objets se présentent à nous dans la nature ; non-seulement ils paroissent plus petits à mesure qu'ils s'éloignent de nous, mais ils se confondent encore quand ils sont à une certaine distance, à cause de l'interposition de la masse de l'air.

Les sculpteurs modernes, en cela généralement mieux instruits que les anciens, confondent les traits des objets qui s'enfoncent dans le bas-relief, & ils observent ainsi la perspective aërienne. Avec deux ou trois pouces de relief, ils font des figures qui paroissent de ronde-bosse, & d'autres qui semblent s'enfoncer dans le lointain. Ils y font voir encore des paysages artistement mis en perspective, par une diminution de traits, lesquels étant non-seulement plus petits, mais encore moins marqués, & se confondant même dans l'éloignement, produisent à-peu-près le même effet en Sculpture, que la dégradation des couleurs fait dans un tableau.

On peut donc dire qu'en général les anciens n'avoient point l'art des bas-reliefs aussi parfaits que nous les avons aujourd'hui ; cependant il y a des bas-reliefs antiques qui ne laissent rien à desirer pour la perfection. Telles sont les danseuses, que tant d'habiles sculpteurs ont pris pour modele ; c'est un ouvrage grec si précieux, & que l'on conserve avec tant de soin dans la vigne Borghese à Rome qu'il n'en est jamais sorti.

Entre les ouvrages modernes dignes de notre admiration, je ne dois point taire le grand bas-relief de l'Algarde représentant saint Pierre & saint Paul en l'air, menaçant Attila qui venoit à Rome pour la saccager. Ce bas-relief sert de tableau à un des petits autels de la basilique de saint Pierre ; peut-être falloit-il plus de génie pour tirer du marbre une composition pareille à celle de l'artiste, que pour la peindre sur une toile. En effet, la poësie & les expressions en sont aussi touchantes que celles du tableau où Raphaël a traité le même sujet, & l'exécution du sculpteur qui semble avoir trouvé le clair obscur avec son ciseau, paroît d'un plus grand mérite que celle du peintre. Les figures qui sont sur le devant de ce superbe morceau, sont presque de ronde-bosse ; elles sont de véritables statues ; celles qui sont derriere ont moins de relief, & leurs traits sont plus ou moins marqués, selon qu'elles s'enfoncent dans le lointain ; enfin la composition finit par plusieurs figures dessinées sur la superficie du marbre par de simples traits.

On peut dire cependant que l'Algarde n'a point tiré de son génie la premiere idée de cette exécution, qu'il n'est point l'inventeur du grand art des bas-reliefs ; mais il a la gloire d'avoir beaucoup perfectionné cet art. Le pape Innocent X. donna trente mille écus à ce grand artiste pour son bas-relief. Il étoit digne de cette récompense ; mais on peut douter, avec M. l'abbé du Bos, si le cavalier Bernin & Girardon, n'ont pas mis autant de poësie que l'Algarde dans leurs ouvrages. Je ne rapporterai, dit-il, de toutes les inventions du Bernin, qu'un trait qu'il a placé dans la fontaine de la place Navonne, pour marquer une circonstance particuliere au cours du Nil, c'est-à-dire pour exprimer que sa source est inconnue ; & que, comme le dit Lucain, la nature n'a pas voulu qu'on pût voir ce fleuve sous la forme d'un ruisseau.

Arcanum natura caput non praetulit ulli,

Nec licuit populis parvum, te Nile, videre.

La statue qui représente le Nil, & que le Bernin a rendue reconnoissable par les attributs que les anciens ont assignés à ce fleuve, se couvre la tête d'un voile. Ce trait qui ne se trouve pas dans l'antique, & qui appartient au sculpteur, exprime ingénieusement l'inutilité d'un grand nombre de tentatives, que les anciens & les modernes avoient faites pour parvenir jusqu'aux sources du Nil, en remontant son canal.

Mais comme le bas-relief est une partie très-intéressante de la Sculpture, je crois devoir transcrire ici les réflexions de M. Etienne Falconet sur cette sorte d'ouvrage ; il les avoit destinées lui-même au Dictionnaire encyclopédique.

Il faut, dit-il, distinguer principalement deux sortes de bas-reliefs, c'est-à-dire le bas-relief doux, & le bas-relief saillant, déterminer leurs usages, & prouver que l'un & l'autre doivent également être admis selon les circonstances.

Dans une table d'Architecture, un panneau, un fronton, parties qui sont censées ne devoir être point percées, un bas-relief saillant, à plusieurs plans, & dont les figures du premier seroient entierement détachées du fond, feroit le plus mauvais effet, parce qu'il détruiroit l'accord de l'architecture, parce que les plans reculés de ce bas-relief feroient sentir un renfoncement où il n'y en doit point avoir ; ils perceroient le bâtiment, au-moins à l'oeil. Il n'y faut donc qu'un bas-relief doux & de fort peu de plans ; ouvrage difficile par l'intelligence & la douceur des nuances qui en font l'accord ; ce bas-relief n'a d'autre effet que celui qui résulte de l'architecture à laquelle il doit être entierement subordonné.

Mais il y a des places où le bas-relief saillant peut être très-avantageusement employé, & où les plans & les saillies, loin de produire quelque désordre, ne font qu'ajouter à l'air de vérité que doit avoir toute imitation de la nature. Ces places sont principalement sur un autel, ou telle autre partie d'architecture que l'on supposera percée, & dont l'étendue sera suffisamment grande, puisque dans un grand espace, un bas-relief doux ne feroit aucun effet à quelque distance.

Ces places & cette étendue sont alors l'ouverture d'un théâtre, où le sculpteur suppose tel enfoncement qu'il lui plaît, pour donner à la scene qu'il représente, toute l'action, le jeu, & l'intérêt que le sujet exige de son art, en le soumettant toujours aux lois de la raison, du bon goût, & de la précision. C'est aussi l'ouvrage par où l'on peut reconnoître plus aisément les rapports de la Sculpture avec la Peinture, & faire voir que les principes que l'une & l'autre puisent dans la nature, sont absolument les mêmes. Loin donc toute pratique subalterne, qui n'osant franchir les bornes de la coutume, mettroit ici une barriere entre l'artiste & le génie.

Parce que d'autres hommes, venus plusieurs siecles avant nous, n'auront tenté de faire que quatre pas dans cette carriere, nous n'oserions en faire dix ! Les sculpteurs anciens sont nos maîtres, sans-doute, dans les parties de leur art où ils ont atteint la perfection ; mais il faut convenir que dans la partie pittoresque des bas-reliefs, les modernes ne doivent pas autant d'égards à leur autorité.

Seroit-ce parce qu'ils ont laissé quelques parties à ajouter dans ce genre d'ouvrage, que nous nous refuserions à l'émulation de le perfectionner ? Nous qui avons peut-être porté notre peinture au-delà de celle des anciens, pour l'intelligence du clair-obscur ; n'oserions-nous prendre le même essor dans la sculpture ? Le Bernin, le Gros, Algarde, nous ont montré qu'il appartient au génie d'étendre le cercle trop étroit que les anciens ont tracé dans leurs bas-reliefs. Ces grands artistes modernes se sont affranchis avec succès d'une autorité qui n'est recevable qu'autant qu'elle est raisonnable.

Il ne faut cependant laisser aucun équivoque sur le jugement que je porte des bas-reliefs antiques. J'y trouve, ainsi que dans les belles statues, la grande maniere dans chaque objet particulier, & la plus noble simplicité dans la composition ; mais quelque noble que soit cette composition, elle ne tend en aucune sorte à l'illusion d'un tableau, & le bas-relief y doit toujours prétendre.

Si le bas-relief est fort saillant, il ne faut pas craindre que les figures du premier plan ne puissent s'accorder avec celle du fond. Le sculpteur saura mettre de l'harmonie entre les moindres saillies & les plus considérables : il ne lui faut qu'une place, du goût & du génie. Mais il faut l'admettre, cette harmonie : il faut l'exiger même, & ne point nous élever contr'elle, parce que nous ne la trouvons pas dans des bas-reliefs antiques.

Une douceur d'ombres & de lumieres monotones qui se répetent dans la plûpart de ces ouvrages, n'est point de l'harmonie. L'oeil y voit des figures découpées, & une planche sur laquelle elles sont collées, & l'oeil est révolté.

Ce seroit mal défendre la cause des bas-reliefs antiques, si on disoit que ce fond qui arrête si désagréablement la vue, est le corps d'air serein & dégagé de tout ce qui pourroit embarrasser les figures. Puisqu'en peignant, ou dessinant d'après un bas-relief, on a grand soin de tracer l'ombre qui borde les figures, & qui indique si bien qu'elles sont collées sur cette planche, qu'on appelle fond : on ne pense donc pas que ce fond soit le corps d'air. Il est vrai que cette imitation ridicule est observée pour faire connoître que le dessein est fait d'après de la sculpture. Le sculpteur est donc seul blâmable d'avoir donné à son ouvrage un ridicule qui doit être représenté dans les copies, ou les imitations qui en sont faites.

Dans quelque place, & de quelque saillie que soit le bas-relief, il faut l'accorder avec l'architecture ; il faut que le sujet, la composition & les draperies soient analogues à son caractere. Ainsi la mâle austérité de l'ordre toscan n'admettra que des sujets & des compositions simples : les vêtemens en seront larges, & de fort peu de plis. Mais le corinthien & le composite demandent de l'étendue dans les compositions, du jeu & de la légéreté dans les étoffes.

De ces idées générales, M. Falconet passe à quelques observations particulieres qui sont d'un homme de génie.

La regle de composition & d'effet étant la même pour le bas-relief que pour le tableau, les principaux acteurs, dit-il, occuperont le lieu le plus intéressant de la scene, & seront disposés de maniere à recevoir une masse suffisante de lumiere, qui attire, fixe, & repose sur eux la vue, comme dans un tableau, préférablement à tout autre endroit de la composition. Cette lumiere centrale ne sera interrompue par aucun petit détail d'ombres maigres & dures, qui n'y produiroient que des taches, & détruiroient l'accord. De petits filets de lumiere qui se trouveroient dans de grandes masses d'ombre, détruiroient également cet accord.

Point de raccourci sur les plans de devant, principalement si les extrêmités de ces raccourcis sortoient en avant : ils n'occasionneroient que des maigreurs insupportables. Perdant de leur longueur naturelle ; ces parties seroient hors de vraisemblance, & paroîtroient des chevilles enfoncées dans les figures. Ainsi pour ne point choquer la vue, les membres détachés doivent, autant qu'il sera possible, gagner les fonds. Placés de cette maniere, il en résultera un autre avantage : ces parties se soutiendront dans leur propre masse ; en observant cependant que, lorsqu'elles sont détachées, elles ne soient pas trop adhérentes au fond : ce qui occasionneroit une disproportion dans les figures, & une fausseté dans les plans.

Que les figures du second plan, ni aucune de leurs parties ne soient aussi saillantes, ni d'une touche aussi ferme que celles du premier ; ainsi des autres plans, suivant leur éloignement. S'il y avoit des exemples de cette égalité de touche, fussent-ils dans des bas-reliefs antiques, il faudroit les regarder comme des fautes d'intelligence contraires à la dégradation, que la distance, l'air & notre oeil mettent naturellement entre nous & les objets.

Dans la nature, à mesure que les objets s'éloignent, leurs formes deviennent à notre égard plus indécises : observation d'autant plus essentielle, que dans un bas-relief les distances des figures ne sont rien moins que réelles. Celles qu'on suppose d'une toise ou deux plus reculées que les autres, ne le sont quelquefois pas d'un pouce. Ce n'est donc que par le vague & l'indécis de la touche, joints à la proportion diminuée selon les regles de la perspective, que le sculpteur approchera davantage de la vérité, & de l'effet que présente la nature. C'est aussi le seul moyen de produire cet accord que la sculpture ne peut trouver, & ne doit chercher que dans la couleur unique de sa matiere.

Il faut surtout éviter qu'autour de chaque figure, il regne un petit bord d'ombre également découpée, qui en ôtant l'illusion de leurs saillies & de leur éloignement respectif, leur donneroit encore l'air de figures applaties les unes sur les autres, & enfin collées sur une planche. On évite ce défaut en donnant une sorte de tournant aux bords des figures, & suffisamment de saillie dans leurs milieux. Que l'ombre d'une figure sur une autre y paroisse portée naturellement, c'est-à-dire, que ces figures soient sur des plans assez proches pour être ombrées l'une par l'autre, si elles étoient naturelles.

Cependant il faut observer que les plans des figures principales, surtout de celles qui doivent agir, ne soient point confus, mais que ces plans soient assez distincts & suffisamment espacés, pour que les figures puissent aisément se mouvoir.

Lorsque, par son plan avancé, une figure doit paroître isolée & détachée des autres, sans l'être réellement, on oppose une ombre derriere le côté de sa lumiere, & s'il se peut, un clair derriere son ombre : moyen heureux que présente la nature au sculpteur comme au peintre.

Si le bas-relief est de marbre, les rapports avec un tableau y seront d'autant plus sensibles, que le sculpteur aura su mettre de variété de travail dans les différens objets. Le mat, le grené, le poli, employés avec intelligence, ont une sorte de prétention à la couleur. Les reflets que renvoie le poli d'une draperie sur l'autre, donnent de la légéreté aux étoffes, & répandent l'harmonie sur la composition.

Si l'on doutoit que les lois du bas-relief fussent les mêmes que celles de la Peinture, qu'on choisisse un tableau du Poussin ou de le Sueur ; qu'un habile sculpteur en fasse un modele : on verra si l'on n'aura pas un bas-relief. Ces maîtres ont d'autant plus rapproché la Sculpture de la Peinture, qu'ils ont fait leurs sites toujours vrais, toujours raisonnés. Leurs figures sont, en général, à peu de distance les unes des autres, & sur des plans très-justes : loi rigoureuse qui doit s'observer avec la plus scrupuleuse attention dans un bas-relief.

Enfin, conclud M. Falconet, cette partie de la sculpture est la preuve la moins équivoque de l'analogie qui est entr'elle & la peinture. Si l'on vouloit rompre ce lien, ce seroit dégrader la sculpture, & la restraindre uniquement aux statues, tandis que la nature lui offre, comme à la peinture, des tableaux.

A la couleur près, un bas-relief saillant est un tableau difficile. (D.J.)


RELIENS. m. (Artificier) les Artificiers appellent ainsi de la poudre grossierement écrasée, sans être tamisée, telle qu'on l'employe dans les chasses des pots-à-feu, pour qu'elle n'ait pas autant de vivacité que la grenée.


RELIERv. act. (Gram.) c'est lier derechef ce qui s'est délié. On relie un fagot, une gerbe, un noeud, un ruban. Il se prend au simple & au figuré. Nous avons rompu pour une bagatelle : nous avons perdu l'un & l'autre notre petit ressentiment, & nous nous sommes reliés.

RELIER, v. act. (Imprimerie) ce mot se dit chez les Imprimeurs, pour signifier mettre en réserve une partie des caracteres, ou même quelques corps en entier de lettres dont on n'a pas besoin. (D.J.)

RELIER, v. act. (terme de Relieur) c'est coudre ensemble les cahiers d'un livre, & leur mettre une couverture. On dit brocher, quand on les coud seulement avec quelques points d'aiguille par-dessus, sans y employer des cordes pour y faire des nervures ; relier à la corde, c'est quand on se sert de ficelle, que l'on met au dos de distance en distance pour tenir les cahiers unis, sans pourtant y ajouter de couverture. L'on dit simplement relier, pour signifier une relieure parfaite avec des nervûres, des tranche-fils, cartons, & une couverture convenable. Enfin l'on dit relier en parchemin, en vélin, en veau, en maroquin, en basanne, en cuir de truie ; pour dire, couvrir un livre de quelqu'une de ces peaux. Savary. (D.J.)

RELIER, (terme de Tonnelier) c'est mettre des cerceaux à une cuve, une futaille, ou autres ouvrages semblables des Tonneliers, pour les monter & en joindre les douves, après qu'elles ont été dressées. On dit aussi relier une piece de vin, quand on y remet des cerceaux nouveaux où il en manque, & même quand on y en met des neufs partout.


RELIEURS. m. (Librairie) celui qui relie des livres. Les principaux outils & instrumens dont se servent les maîtres relieurs & doreurs de livres, sont le plioir, le marteau à battre & sa pierre, le cousoir pour relier, avec les clavettes, l'aiguille à relier, le poinçon, diverses sortes de ciseaux, un compas ordinaire & un compas à dorer, la presse pour rogner, garnie de son fust, de son couteau, de sa clé, & soutenue par cette espece de coffre de bois qu'ils nomment l'asne ; la grande presse, la pointe à couper le carton, le couteau à parer les cuirs, les ais à rogner, à fouetter & à presser ; la pince pour dresser les nervûres, le gantelet pour fouetter, le grattoir pour endosser, divers pinceaux pour marbrer & pour coller, le racloir à dorer sur tranche, le fer à polir ; enfin divers autres fers différemment faits & gravés pour appliquer l'or sur les couvertures, ou pour y faire des ornemens sans or, avec tout le petit équipage pour dorer sur tranche. (D.J.)


RELIEURES. f. ou art de relier les livres, (Art méchan.) lorsque les feuilles sont sorties de dessous la presse, & qu'elles sont seches, elles passent de l'imprimerie chez le relieur. La premiere façon que celui-ci donne aux livres qu'il veut relier, c'est d'en plier les feuilles suivant leurs formats, en deux pour l'infolio, en quatre pour l'in-quarto, en huit pour l'in-octavo, & ainsi à proportion jusqu'aux plus petits qui, plus par curiosité que par utilité, peuvent aller jusqu'à l'in-six-vingt. On prend donc les feuilles une-à-une pour les plier, & on observe que les extrêmités soient bien égales, desorte que les chiffres qui sont en tête soient les uns sur les autres & se répondent exactement. L'instrument dont on se sert pour plier, s'appelle plioir ; son effet est de déterminer à demeure le pli que doit avoir la feuille en le passant sur toutes ses parties, mais plus particulierement sur celles qui doivent servir de séparation. Ce plioir est une espece de regle de buis ou d'ivoire très-mince, large d'environ deux doigts, longue de huit à dix pouces, arrondie par les deux bouts, & moins épaisse sur les bords que dans le milieu. Outre que chaque page est numérotée en tête, & que le chiffre court en augmentant jusqu'à la fin du volume, il y a aussi au bas de chaque page des réclames, c'est-à-dire qu'on lit au bas de chaque page, immédiatement audessous du bout de la derniere ligne, le mot par où commence la page suivante, & ainsi successivement jusqu'à la fin du livre ; il s'en trouve cependant assez communément où il n'y a point de réclames. C'est aussi au bas des pages où se mettent les signatures ; ces signatures sont les lettres de l'alphabet mises par ordre ; on change de lettre à chaque cahier, & on repete la même lettre, non à la fin de chaque page, mais seulement de chaque feuillet au folio recto, & on y joint en chiffre, ordinairement romain, le nombre de feuillets, ce qui se continue ainsi jusqu'à la fin du cahier, ou seulement jusqu'à la moitié ; desorte que dans ce dernier cas, l'endroit où finissent les signatures, forme juste la moitié du cahier, & indique le format des feuilles ; après quoi le cahier suivant se trouve signé de la lettre suivante. Quoique les chiffres qui sont en tête, les réclames & les signatures qui sont au bas soient plutôt du ressort de l'impression que de la relieure, nous n'avons cependant pu nous dispenser d'en parler dans cet article, vû qu'ils servent à diriger le pliage, & empêchent qu'on ne mette les cahiers hors de leur véritable rang. Lorsque toutes les feuilles sont pliées de la maniere que nous venons de le dire, celui ou celle qui les a pliées les rassemble en corps, & les collationne, en consultant les lettres qui sont au bas de chaque feuillet, afin d'éviter les transpositions. Les feuilles étant mises les unes sur les autres par ordre de signatures, se battent au marteau sur la pierre pour les presser & applatir, ensorte qu'elles tiennent moins de place à la relieure ; ce qui se fait en les divisant par battées, qui sont ordinairement de neuf à dix feuilles chaque pour l'in-octavo, & des autres formats plus ou moins à proportion. On a soin de tenir ses feuilles bien égales, ensorte que l'une n'excede l'autre ; on les pose ensuite sur la pierre à battre, qui est une pierre de liais bien polie & de niveau, en observant de mettre dessous les feuilles un papier qui garantisse de souillure la feuille qui toucheroit à la pierre : alors l'ouvrier tient ces feuilles d'une main, & de l'autre un marteau de fer pesant neuf, dix, même jusqu'à onze livres, selon la force du bras qui doit s'en servir, & frappe dessus ces feuilles en les tournant de tous côtés & en tous sens, afin que toutes les parties se ressentent de l'impression du marteau ; c'est à l'aide de ce marteau que l'ouvrier attentif unit le papier au point qu'on ne sente sous les doigts aucune partie plus épaisse l'une que l'autre, & qu'il ne s'y trouve aucunes inégalités ni cavités. Cette opération faite, on met ces battées séparées comme elles sont entre des ais à presser, & on assujettit le tout ou dans la grande presse, si les feuilles sont in-fol. ou in-4 °. ou simplement dans la presse à endosser, si ce sont des petits formats. Ces ais sont pour l'ordinaire de bois de noyer, fort polis, épais environ dans toute leur étendue de trois à quatre lignes ; on doit faire attention de les choisir assez grands pour qu'ils puissent déborder tant-soit-peu les feuilles de tous côtés. Ces feuilles ainsi assujetties & serrées dans la presse, ne se gonflent point, & conservent l'affaissement que le marteau leur avoit imprimé. Comme nous serons obligés, dans la suite de cet article, de parler souvent des différentes presses dont se servent les relieurs, avant d'entrer plus avant en matiere, & tandis que nos feuilles sont en presse, nous allons en donner la description. Quant aux autres outils ou instrumens dont on se sert, nous en décrirons la forme & en indiquerons l'usage, en suivant par ordre les différentes opérations de l'ouvrier. On distingue quatre sortes de presse, savoir : la grande presse, la presse à endosser, la presse à rogner, la presse à tranche-filer. La grande presse est composée de dix pieces principales, qui sont les deux jumelles, le sommier, la platine, le mouton, la vis, les deux clés, l'écrou & le barreau. Les deux jumelles sont deux pieces de bois d'orme ou d'autre espece, pourvu qu'il soit dur, hautes de six à sept piés, larges de six à sept pouces, épaisses de quatre à cinq ; le bas en est plus épais & plus large afin de leur donner de l'assiette ; elles sont placées debout & scellées contre le mur, & sont à environ deux piés & demi de distance l'une de l'autre : c'est cet intervalle qui forme le dedans de la presse, & où sont les autres pieces dont nous allons parler ; desorte que les deux jumelles font les deux côtés de la presse. Le sommier est une piece de bois large d'environ un pié & demi, épaisse de quatre à cinq pouces, aussi longue que la presse est large, y compris l'épaisseur des jumelles : ce sommier est échancré en quarré par les deux bouts, & chaque bout embrasse chaque jumelle, aux côtés desquelles on a pratiqué des rebords qui lui servent de soutien : il est élevé d'environ un pié & demi de terre, & sert de table, puisque c'est sur ce sommier que se mettent ou les feuilles, ou les volumes que l'on veut mettre en presse. La platine est une piece de bois à-peu-près de la même largeur & épaisseur que le sommier ; elle a aussi une échancrure en quarré à chaque bout, ce qui fait qu'elle embrasse les jumelles, mais elle ne porte sur aucuns rebords comme le sommier, & hausse ou baisse selon la détermination que lui donne la vis à qui elle est attachée par le moyen du mouton & des deux clés. L'action de cette platine est de s'approcher du sommier lorsque l'ouvrier veut serrer, & de s'en éloigner lorsqu'il veut desserrer. Le mouton est une autre piece de bois beaucoup moins large & moins épaisse que la platine, sur laquelle elle porte à plat, & avec laquelle elle fait corps, par le moyen de clous ou de chevilles. La vis doit être d'un bois très dur, son filet porte environ trois piés de hauteur, & vingt pouces de circonférence ; le fort de sa tête est haut de douze à quatorze pouces, & a environ deux piés & demi de tour : c'est dans cette partie qu'il y a quatre trous qui servent à loger le barreau pour serrer ou desserrer. Le foible est une portion de cette même tête, diminuée au moins de moitié, & qui n'a guere qu'un pié de circonférence, & quatre à cinq pouces de longueur, & ressemble assez à un court rouleau dont le bout auroit une forme sphérique, & d'égale grosseur dans toute son étendue, si vous en exceptez néanmoins une rainure large d'environ un pouce, & profonde au-moins d'un doigt, qui l'environne, & qui est si exactement arrondie, qu'elle n'a pu être faite que sur le tour : cette rainure est pratiquée à environ deux pouces de distance du fort de la tête, c'est-à-dire dans le milieu du foible ; c'est cette partie qui s'emboîte dans le mouton, & pénetre ensuite jusqu'à demi-épaisseur de la platine, par un trou également sphérique, pratiqué dans le milieu du mouton, & continué dans la platine, à laquelle elle est attachée par le moyen des deux clés qui sont deux petits morceaux de bois, larges d'un pouce & demi, & épais d'un doigt ; ces deux clés traversent le mouton dans toute sa longueur, & se logent en passant dans la rainure de chaque côté de la vis, qui attire à elle par ce moyen le mouton & la platine lorsque son action va en montant, ce qui s'appelle desserrer, & qui les pousse au contraire en bas lorsqu'elle descend, ce qui s'appelle serrer. On sent assez, par cette position, que la vis est droite dans le milieu de la presse, la tête en bas & le filet en haut, qui passe dans l'écrou, sans lequel la vis n'auroit aucune action, ni n'en pourroit imprimer. L'écrou est une piece de bois de douze à quinze pouces en quarré, échancré aux deux bouts comme le sommier & la platine, desorte qu'il embrasse comme eux les deux jumelles auxquelles il est arrêté par le moyen de deux fortes chevilles de fer qui traversent le tout ; il couronne la presse, & en fait comme le chapiteau ; c'est dans le milieu de cette piece de bois que s'engrene le filet de la vis : comme cette piece est celle qui fatigue le plus après la vis, on pourroit y mettre de chaque côté un lien de fer, afin de la soutenir contre les efforts de la vis. Enfin, le barreau est une espece de pince de fer de quatre à cinq pouces de circonférence, & de quatre à cinq piés de longueur ; on le passe par le bout dans un des trous pratiqués à la tête de la vis, & on l'introduit de même successivement dans les autres à mesure qu'elle tourne : c'est donc par l'effort des bras sur ce barreau qu'on met la vis en jeu, qui à son tour y met les autres parties de la presse sur lesquelles elle agit.

La presse à endosser est composée de neuf pieces principales ; savoir, deux jumelles, deux bandes, deux vis, deux clés & une cheville de fer : les deux jumelles sont deux pieces d'un bois dur, tel que le chêne, l'orme, l'érable ou le poirier : elles ont trois piés & demi de longueur, & portent cinq à six pouces en quarré ; c'est entre ces jumelles que se mettent les feuilles ou les livres que l'on veut contenir ; elles sont percées de deux trous à chaque bout : le premier, c'est-à-dire, le plus près de l'extrêmité des jumelles, est un trou de la largeur d'environ deux pouces en quarré, par où passent les bandes ; ces bandes sont deux morceaux de bois longs d'environ deux piés & demi, & d'une grosseur proportionnée aux trous par où elles doivent passer ; elles sont contenues avec de petites chevilles à une des jumelles, que nous nommerons à cause de cela immobile, & entrent librement dans l'autre jumelle qui s'approche ou s'éloigne de la premiere, selon la détermination que lui donnent les vis ; ces vis sont deux pieces d'un bois extrêmement dur, & d'une des especes que nous avons indiquées ci-dessus ; elles portent trois piés de long, savoir deux piés & demi de filet & un demi-pié de tête, & ont neuf à dix pouces de circonférence ; elles sont à côté des bandes, & leur sont paralleles ; elles passent librement dans la jumelle immobile jusqu'à leur tête qui est plus grosse que le filet, & s'engrenent ensuite dans l'autre jumelle soutenue par les deux bandes sur lesquelles elle peut courir : les trous de cette jumelle qui servent à loger les vis sont en forme d'écrous ; les deux clés sont deux morceaux de bois d'un pouce & demi en quarré, aussi longs que la jumelle est épaisse ; on les passe dans la jumelle immobile, & ils entrent en traversant cette jumelle dans une espece de rainure pratiquée à chaque vis, afin que par ce moyen elles soient contenues & qu'elles ne soient susceptibles que du mouvement circulaire que l'ouvrier leur imprime par le moyen d'une cheville de fer longue d'environ deux piés & de trois pouces & demi de circonférence, dont il passe le bout dans des trous pratiqués à cet effet dans la tête des vis ; c'est l'action de ces vis engrenées dans la jumelle courante qui approche celle-ci de l'immobile lorsque l'ouvrier veut serrer, ou qui l'en éloigne par une détermination contraire lorsqu'il veut desserrer. La distance d'une vis à l'autre est d'environ deux piés quatre pouces, & c'est proprement cet espace qui fait la longueur de la presse : quant à la largeur, on la détermine selon la grosseur soit des feuilles, soit des livres qu'on veut y assujettir. Lorsqu'il n'y a rien dans la presse, & qu'elle est tout-à-fait serrée, les deux jumelles se touchent dans toute leur étendue, & semblent collées ensemble ; & lorsqu'on veut s'en servir, on l'ouvre en la desserrant plus ou moins, selon le besoin, & alors la jumelle courante s'éloigne de l'immobile. Quoique nous nommions immobile la jumelle du côté de la tête des vis, nous n'entendons cependant pas l'exclure absolument du mouvement progressif ou rétrograde, mais nous lui donnons ce nom, tant parce qu'elle en est moins susceptible que l'autre, que pour la mieux désigner. Cette presse sert à presser les feuilles audessous de l'in-4 °. quand elles sont battues, mais surtout à grecquer, à endosser, à brunir, & peut servir aussi à presser le volume quand il est collé, pourvu qu'il ne soit point d'un format qui excede la largeur des jumelles, autrement il faudroit avoir recours à la grande presse. Cette presse se pose à plat, comme une table, sur une caisse longue de trois piés, & large de deux ; les quatre montans qui sont aux quatre coins de cette caisse sont de bois de chêne, ainsi que les traverses ; les panneaux peuvent être de planches de sapin ; les montans portent environ deux piés & demi de hauteur ; les traverses doivent être aux deux bouts à l'égalité des montans, & ce sont ces traverses qui supportent la presse : on peut également prolonger les panneaux jusqu'à cette hauteur ; mais aux deux côtés les panneaux & les traverses sont beaucoup plus bas que les montans, & laissent un vuide d'environ huit à dix pouces dans toute la longueur de la caisse, pour pouvoir laisser à l'ouvrier la liberté d'agir & de passer ses mains dessous la presse lorsque son ouvrage l'exige. Son fond est ordinairement de planches de sapin ; cette caisse s'appelle l'âne ou porte-presse, parce qu'elle sert effectivement à porter, soit la presse à endosser, soit la presse à rogner.

La presse à rogner est semblable dans ses principales parties à la presse à endosser, c'est-à-dire qu'elle est composée comme elle de deux jumelles, deux bandes, deux vis, deux clés, & d'une cheville de fer. Toutes ces pieces ont les mêmes proportions, la même action & le même jeu que dans la presse à endosser ; ainsi il seroit superflu d'entrer dans un plus grand détail à cet égard ; elle differe seulement de celle-là en ce qu'au-dedans de la jumelle, que nous appellons immobile, il y a une tringle qui se prolonge d'une vis à l'autre, large de trois pouces, épaisse d'environ deux lignes dans sa partie supérieure qui regne le long de la jumelle, & qui va en diminuant insensiblement jusqu'à la fin de sa largeur, desorte que cette tringle forme une espece de glacis ; c'est cette pente qui fait que le livre saisi entre les deux jumelles est plus serré dans la partie supérieure que dans l'inférieure, & s'y trouve si fortement assujetti qu'il fait un corps solide sur lequel le couteau passe vivement, ce qui rend la section nette & polie ; du côté où se place l'ouvrier qui rogne, il y a une petite rainure pratiquée en ligne droite de haut en-bas dans toute la largeur de la tringle, cette rainure sert à loger le mords du livre, afin de n'en point endommager le dos, & lui conserver la forme arrondie qu'il doit avoir : outre cette tringle qui est plutôt, à proprement parler, une petite planche, il y en a deux autres à la distance d'environ un doigt l'une de l'autre, épaisses de trois à quatre lignes & larges de huit à dix ; ces deux tringles sont attachées avec de petites pointes de fer sur la jumelle courante, & forment deux lignes exactement droites & paralleles qui se prolongent d'une vis à l'autre : elles servent à diriger & à assûrer la marche du couteau, comme nous l'expliquerons dans son tems.

La presse à tranche-filer est une petite presse composée simplement de cinq pieces, savoir deux jumelles, deux vis & une petite cheville de fer. Les deux jumelles sont deux morceaux de bois d'un pié & demi de longueur, de trois pouces & demi de largeur, & d'un pouce & demi d'épaisseur ; les vis ont neuf pouces de longueur, savoir six pouces de filet & trois pouces de tête ; le filet à trois pouces & demi de tour, & la tête en porte environ sept ; ces vis s'engrenent dans les deux jumelles dans des trous pratiqués à environ quatre pouces de leurs extrêmités, & passent librement dans la premiere jumelle, c'est-à-dire dans celle qui doit être contre la tête des vis, mais les trous de la seconde sont en forme d'écrous, ce qui donne à cette jumelle la même action qu'à la jumelle courante des presses à endosser & à rogner ; la cheville de fer a sept à huit pouces de longueur & un demi de circonférence, elle sert comme dans les autres presses à serrer ou desserrer, en l'introduisant par le bout dans des trous pratiqués à cet effet dans la tête des vis. Telle est la construction des différentes presses en usage chez les Relieurs. Mais reprenons nos feuilles, & conduisons-les d'opération en opération jusqu'à ce qu'enfin elles soient reliées, & qu'elles forment un volume parfait qui puisse tenir sa place dans une bibliotheque. Les feuilles pliées, collationnées, battues & pressées se collationnent une seconde fois au sortir de la presse, de peur qu'en ayant divisé la totalité par battées, il ne s'y trouve quelque dérangement, dont le moindre seroit toujours de grande conséquence : cette seconde collation se fait de la même façon que la premiere, c'est-à-dire en consultant les signatures. Lorsque l'ouvrier est certain que ses feuilles sont dans l'ordre, & qu'il n'y a aucune transposition, il les rassemble en corps pour les grecquer lorsqu'il veut faire une relieure à la grecque : il met pour cet effet toutes les feuilles destinées pour le même volume entre deux petits ais de bois, ils doivent être bien polis, & un peu plus épais en-haut qu'en-bas, desorte qu'ils forment une pente douce : il faut observer que le dos des feuilles excede d'un doigt le bord de ces ais, afin de laisser à la grecque la liberté d'agir, il pose ensuite le tout dans la presse à endosser ; l'ouverture des feuilles doit être en-bas & le dos en-haut, & lorsqu'elles sont bien contenues & bien serrées dans la presse, l'ouvrier prend alors la grecque qui est un outil en forme de sciot ou scie à seule branche, & qui n'est autre chose qu'une lame de fer trempé, longue d'environ quinze pouces, enchâssée dans un manche de bois de huit pouces qui lui sert de poignée ; sa largeur sortant du manche est d'environ deux pouces & demi, & va en diminuant jusqu'à son extrêmité qui se trouve alors réduite à un pouce ; l'épaisseur de cette lame est de deux lignes, & dans toute sa longueur elle est armée de dents comme une véritable scie, à l'exception que les pointes de ces dents sont toutes sur la même ligne, & qu'elles ne donnent ni à droite ni à gauche comme celles des scies ordinaires. C'est avec cet outil que l'ouvrier fait sur le dos de ses feuilles autant d'entailles qu'il veut mettre de nervures ; lorsqu'on veut relier proprement, on fait cinq entailles ou hoches avec la grecque sur les petits formats, & six sur les grands. Ces entailles ou hoches servent à loger les ficelles, autour desquelles sont retenus les fils qui attachent les feuilles ensemble, on donne à ces ficelles le nom de nerfs ; ces ficelles ainsi passées dans les hoches faites par la grecque, ne causent aucune élévation sur le dos du livre dont il ne se trouve aucune partie plus apparente que l'autre, ce qui fait la différence des livres reliés à la grecque d'avec ceux qu'on appelle reliés en nerfs, dont les nervures paroissent & font sur le dos du livre comme de petites côtes. Outre les cinq entailles que l'on fait avec la grecque aux petits formats, ou les six aux grands, on en fait aux uns & aux autres une également sur le dos à chaque bout du livre qui sert à arrêter le fil, & qui fait ce qu'on appelle la chaînette, ce qui s'observe toujours aux petits formats, soit qu'on les relie à la grecque, soit en nerfs ; mais on ne grecque aux extrêmités ni les in-quarto, ni les in-folio, lorsqu'ils sont reliés en nerfs, desorte que la chaînette paroît sur le dos du volume jusqu'à ce que l'on passe à une autre opération qui la fasse disparoître, & dont nous parlerons ci après. Alors soit que les feuilles soient destinées à faire un volume relié à la grecque, soit qu'on veuille les relier en nerfs, on les coud sur le cousoir avec une longue aiguille d'acier un peu recourbée. Le cousoir est composé de quatre pieces de bois, savoir de la table qui a dans toute sa longueur une espece de rainure percée à jour & large de cinq à six lignes, de deux vis dressées perpendiculairement aux deux extrêmités de la table dans la même ligne que la rainure, & d'une traverse avec ses deux cavités en forme d'écrous, qui s'engrene sur le haut des vis. Pour se servir du cousoir, on attache sur la traverse d'en-haut autant de ficelles qu'on veut faire de nervures, & après les avoir espacées suivant le format du livre, on les fait passer par la rainure, & on les arrête par-dessous avec de petits instrumens de cuivre, qu'on appelle clavettes, qui ont un trou quarré par un bout, & sont couvertes en forme de fourches par l'autre. On passe le bout des ficelles dans le trou des clavettes, & on le saisit en tournant, afin qu'il ne s'échappe point ; on passe ensuite les clavettes par la rainure, & on les met de travers lorsqu'elles sont passées, afin que portant des deux côtés de la rainure elles ne puissent s'échapper ni repasser d'elles-mêmes. Que si les ficelles étoient trop lâches, on peut les tendre autant qu'il est besoin, en tournant avec les mains les deux vis du sens qui fait monter la bande, c'est-à-dire qui l'éloigne de la table, ou par un sens contraire la faire descendre, si les ficelles étoient trop tendues. Lorsque le cousoir est ainsi disposé, on prend une feuille de papier marbré qui, pliée en deux, soit de même format que le livre que l'on veut relier, on plie cette feuille de façon que la marbrure soit en-dedans & le blanc en-dehors, & on la coud ainsi d'un bout à l'autre le long des nerfs attachés au cousoir, ensuite on prend une feuille de papier blanc pliée comme l'autre & de même grandeur ; on coud celle-ci comme la premiere, après quoi on prend par ordre les cahiers, & on les coud en conduisant, comme aux deux premieres feuilles, un fil de chanvre dans le milieu de chacun d'eux à commencer du premier de ces nerfs jusqu'au dernier, & en faisant faire à ce fil un tour sur chaque nerf. Lorsque tous les cahiers qui doivent former le livre sont ainsi cousus, on finit par une feuille de papier blanc & une feuille de papier marbré, toutes deux pliées, disposées & cousues comme au commencement. Il est bon d'observer ici que les ficelles de la nervure doivent être de différente grosseur, suivant la grandeur du format. Cette opération faite, on coupe les ficelles à deux pouces loin du livre ; on les effile de chaque côté, c'est-à-dire qu'on les détord, & qu'on les diminue sur le bout en les grattant avec un coûteau, après quoi on les imbibe de colle de farine, & on les retord en les roulant sur le genouil, desorte que les extrêmités étant séches, roides & pointues, on peut les passer facilement dans le carton, ce qui se fait ainsi : on prend une feuille de carton que l'on compasse, afin d'en tirer parti le plus que l'on peut, & qu'il n'y ait point de perte, s'il est possible ; par exemple, si c'est pour couvrir des in-12. on prend une feuille de carton d'une espece qu'on appelle catholicon, on la compasse en dix morceaux que l'on coupe également, & qui servent par conséquent à couvrir cinq volumes in-12 ; le carton se coupe avec la pointe qui est un outil de fer avec un manche de bois de dix-huit à vingt pouces de long, y compris le manche, le bout de l'outil est coupé en chanfrain & très-tranchant ; le reste de l'outil jusqu'au manche est couvert de cuir, & ressemble assez à une lame d'épée plate qui seroit dans son fourreau, mais dont le bout seroit nud ; cette enveloppe conserve la main de l'ouvrier qui empoigne cet outil dans le milieu, & appuie le bout du manche sur le devant de l'épaule ; c'est dans cette attitude qu'il fait passer la pointe sur le carton le long d'une regle de fer, afin que l'outil coupe en ligne droite ; il faut observer de couper un peu de biais le côté du carton où doivent être attachés les nerfs, ce qui se fait en inclinant l'outil, desorte que le bord avance d'un côté & rentre de l'autre ; le côté rentrant se couche contre le livre, & le côté saillant est en-dehors qui se trouvant recouvert par le bord des premieres feuilles, commence à former ce qu'on appelle le mords, & donne à la couverture le jeu d'une charniere. Lorsque le carton est ainsi coupé, on le bat fortement avec un marteau sur la pierre à battre du côté qui doit être contre les feuilles, c'est-à-dire qui doit être en-dedans ; après quoi, si l'on veut faire une relieure propre, on colle dessus du papier, & même quelquefois du parchemin, en observant de mettre soit le papier, soit le parchemin du même côté sur lequel a agi le marteau. Lorsque le carton sur lequel on a collé du papier ou du parchemin est sec, on le bat une seconde fois, ensuite on passe le livre en carton, ce qui se fait ainsi : on pose le carton sur le volume, & vis-à-vis de chaque nerf à deux lignes loin du bord, on fait un trou au carton avec un poinçon que l'on passe de-dehors en-dedans ; à deux lignes au-dessus de ce premier trou, on en fait de même un second ; & passant ensuite le poinçon de dedans en-dehors, on fait un troisieme trou qui est disposé de façon qu'il fait avec les deux autres un triangle équilatere ; alors l'ouvrier prend le bout du nerf qui se trouve vis-à-vis de ces trous, le passe d'abord dans le premier trou de dehors en-dedans, le repasse ensuite de dedans en-dehors, & enfin le reconduit en-dedans en l'introduisant dans le troisieme trou ; semblable opération se fait à-la-fois à chaque nerf ; & lorsqu'on a ainsi apprêté un côté, on traite l'autre de la même maniere & avec la même précision. On arrête ensuite les nerfs qui sont aux deux bouts du livre, en les croisant par-dessous la partie que l'on a fait passer dans les deux premiers trous, ce qui suffit pour les empêcher de courir ; quant aux nerfs qui sont dans le milieu, on ne les arrête point ainsi, mais on en coupe le bout à environ deux ou trois lignes loin du carton, après quoi on bat ces attaches avec un petit marteau ordinaire, afin de les applatir & les faire, pour ainsi dire, entrer dans le carton, desorte que le bout de ces nerfs ne fasse dessus aucune élévation ; lorsqu'on a frappé ainsi les ficelles, on releve les cartons, c'est-à-dire qu'on ferme le livre, afin de voir s'il ne se seroit point glissé quelques défauts dans toutes ces différentes opérations, & s'il a effectivement ce jeu libre, quoique ferme qu'il doit avoir. On le passe ensuite en parchemin ; on prend alors deux bandes de parchemin qui soient deux fois aussi larges que le dos du livre, dont la moitié est destinée à être collée sur le dos, & l'autre sur le carton en-dedans du livre. Lorsque le livre est relié à la grecque, la partie de parchemin qui doit couvrir le dos du livre est entiere, sans aucune séparation ni échancrure, mais on fait une incision vis-à-vis de chaque nerf à la partie qui doit être attachée au carton ; cette bande de parchemin ainsi disposée se passe de dehors en-dedans, & s'introduit par partie entre chaque nerf, qui tous se logent dans des petits trous que l'on a fait avec des ciseaux au bas de chaque incision ; on met semblable bande de chaque côté du livre, desorte que le parchemin doit se trouver double sur le dos.

Lorsque le livre n'est point relié à la grecque, & que par conséquent les nervures sont élevées, la partie des bandes qui doit être appliquée sur les cartons est entiere sans aucune séparation ; mais à celle qui doit couvrir le dos du livre, on fait autant d'échancrures qu'il y a de nervures, & on proportionne la largeur de celles-là à la grosseur de celles-ci. On passe ce parchemin de dedans en-dehors par bandes entre chaque nerf, ce qui se pratique également de l'autre côté. Lorsque le livre est ainsi passé en parchemin, on releve le carton ; on prend alors deux ais à endosser qui sont en glacis, c'est-à-dire un peu plus épais à la partie supérieure qu'à l'inférieure ; ces ais doivent être un peu plus longs que le volume qu'on met entre deux, observant de les placer à l'égalité du mords, sans enchâsser le dos : alors dans cette position on saisit le livre & les ais dans la presse à endosser, qu'il ne faut point trop serrer, & on tient le tout élevé au-dessus des jumelles environ d'un pouce & demi ; on prend ensuite un poinçon qui ne soit ni trop gros ni trop pointu, & on l'introduit en long entre les premiers cahiers de chaque côté du livre, afin de les écarter un peu du milieu, & les faire recourber insensiblement sur les mords, en frappant légérement avec un petit marteau, se servant à cet effet du côté qui est long & qui n'a au plus que deux lignes d'épaisseur par ce bout, qui doit être arrondi. Cette opération se fait aux deux bouts du livre, ou, comme disent les Relieurs, en tête & en queue ; & c'est ce qu'ils appellent endosser un livre. Après quoi on fait descendre dans la presse le livre entre ses ais, le dos en-haut & l'ouverture en-bas, comme il étoit pour l'endosser, & pour lors il n'excede le bord des jumelles que de trois quarts de pouce ou environ ; on le serre ensuite dans la presse le plus qu'il est possible, & on lie le volume entre ses ais avec une ficelle cablée à qui on fait faire plusieurs tours sur la partie des ais qui excede les jumelles ; lorsque cette partie est suffisamment contenue, on arrête la ficelle, on retire presque tout-à-fait le livre de la presse, & on acheve de le lier entre ses ais, en faisant faire également plusieurs tours à la ficelle audessous de la premiere ligature : alors on le fait rentrer dans la presse, & avec un gros pinceau on charge le dos du livre de colle de farine ; & afin qu'il s'imbibe davantage de cette colle, on fait passer dessus le grattoir, qui est un outil de fer d'environ 9 pouces de longueur, rond par le milieu, qui sert de poignée à l'ouvrier ; il porte environ dans cette partie deux pouces & demi de circonférence, il est plat à ses extrêmités, qui sont de différente largeur, pour servir aux différens formats ; un des bouts est large d'environ deux pouces, & c'est celui dont on se sert pour les in-folio & les in quarto ; l'autre n'a guere plus d'un pouce de largeur, & est destiné pour les petits formats, tels que les in-8°. les in-12, & autres encore plus petits. Ses deux bouts sont armés de dents toutes rangées sur une ligne droite. L'action de cet outil est de gratter le dos du livre, afin d'y faire davantage pénétrer la colle de farine ; on le charge ensuite de colle forte, après quoi on le pique avec le grattoir, en lui donnant des coups comme si on le lardoit, en observant néanmoins d'épargner les nervures. On sent parfaitement qu'il faut que les bandes de parchemin soient alors renversées de chaque côté en-dehors, afin que l'outil ne les puisse endommager. On l'enduit ensuite de nouveau avec la colle de farine, de même que les bandes de parchemin. Lorsque le dos du livre, ainsi que les bandes de parchemin sont bien imbibés de colle, on couche les bandes de parchemin sur le dos, sans cependant les y coller exactement, & on laisse ainsi le tout environ deux heures, après quoi on passe dessus le frottoir, qui est un outil de fer long de huit à neuf pouces, semblable dans sa forme & dans ses dimensions au grattoir, à l'exception cependant qu'au lieu de dents c'est un tranchant très-émoussé & concave, desorte qu'il embrasse exactement le dos du livre sur lequel il passe. On leve les bandes de parchemin qui sont couchées sur le dos du livre, pour se servir de cet outil, dont l'action est d'enlever le superflu de la colle qui n'a pu pénétrer, & de remplir de colle en passant les petites cavités faites par le grattoir. Il sert encore à redresser les nervures dans le cas où elles auroient été déplacées ; enfin, par la forme concave de son extrêmité qui agit, il donne ou dumoins conserve au dos du livre cette forme tant-soit-peu arrondie qu'il veut avoir. Aussi-tôt que le dos du livre est ainsi frotté, on y met encore de la colle de farine, en passant dessus le pinceau, mais très légérement ; on en donne aussi une légere couche aux bandes de parchemin, dont on couvre ensuite le dos du livre en les tirant fortement avec les doigts, & les étendant bien l'une sur l'autre, afin qu'elles ne fassent aucun pli. On doit observer de coller le parchemin du côté de sa fleur, autrement il se décolleroit en séchant. Cet apprêt donné, on retire le livre de la presse, & on le met sécher au feu lié entre ses ais comme il étoit dans la presse, prenant garde cependant de ne point l'approcher trop près, de peur que par la trop grande chaleur le parchemin ne se retirât. Lorsqu'il est suffisamment sec, on le remet dans la presse sans le délier ; on fait passer le frottoir légérement dessus, afin de redresser les nerfs, d'arrondir le dos, & de réparer les petites inégalités qui peuvent s'y rencontrer ; on enduit ensuite de colle-forte le parchemin qui couvre le dos, & on le met sécher comme auparavant : quand il est sec on le délie, & on colle de chaque côté la seconde feuille de papier marbré avec la premiere de papier blanc ; on met après cela le livre entre deux ais à presser, observant toujours de ne point engager entre ces ais le dos du livre, afin que le mords en soit bien marqué. Lorsqu'il a passé environ une demi-heure dans la presse entre les ais à presser, on l'en retire & on le fait ensuite passer dans la presse à rogner, pour faire la tranche : ce qu'on appelle faire la tranche d'un livre, c'est en rogner les feuilles de trois côtés à l'aide du couteau monté sur son fût ; mais avant d'expliquer comment se fait cette opération, il est à-propos de décrire la construction de cet instrument. Le tout est composé de neuf principales pieces, qui sont les deux piés du fût, deux bandes, une vis de bois, un couteau, une vis de fer, un écrou & une clé. Les deux piés du fût sont deux morceaux de bois qui portent pour l'ordinaire quatre à cinq pouces de hauteur, sur deux d'épaisseur, percés de trois trous, savoir un à chaque bout, & l'autre dans le milieu. Les deux bandes sont deux pieces de bois longues d'environ un pié & demi, larges d'un pouce & demi, & un peu moins épaisses ; ces bandes sont enchâssées & chevillées dans les trous pratiqués au pié du fût, qui se trouve à la droite de l'ouvrier lorsqu'il rogne, & passent librement dans ceux pratiqués à l'autre pié, sur lesquelles il court comme la jumelle mobile des presses, soit à endosser, soit à rogner. La vis est un morceau de bois long de deux piés dans sa totalité ; savoir un pié & demi de filet, & six pouces de tête : elle a entre quatre & cinq pouces de circonférence ; la tête en est un peu plus grosse, & sert du côté droit de poignée à l'ouvrier, de même que le bout du filet lui en sert du côté gauche : cette vis passe librement dans le trou du milieu, pratiqué au pié qui se trouve à la droite, & s'engrene dans celui pratiqué au pié qui est à la gauche, & qui est en forme d'écrou, ce qui fait approcher ou reculer ces piés selon le besoin, comme les jumelles des presses à endosser, rogner, ou tranchefiler. Le couteau est une piece d'acier de six à sept pouces de long, plat & fort mince, très-tranchant, finissant en pointe de lame d'épée, plate & large, & de forme quarrée par l'autre bout qui sert à l'attacher, & que l'on nomme le talon ; c'est au milieu & par-dessous le pié du fût qui est à droite, que s'attache le coûteau en appliquant le talon qui s'enchâsse dans une échancrure dont la largeur & la profondeur sont proportionnées à la largeur & à l'épaisseur de ce talon ; on passe ensuite la vis de fer, dont la tête applatie s'emboîte dans le trou pratiqué au talon : cette vis traverse le pié du fût, & sort par le haut. L'écrou est un morceau de fer qui coëffe la vis ; il a deux branches montantes, longues d'environ un pouce & demi, & dont les bouts sont tournés en haut. La clé est aussi un morceau de fer long de sept à huit pouces, & de deux de circonférence ; le bout que tient l'ouvrier pour s'en servir est rond, mais il est un peu applati à l'autre extrêmité, & percé en long comme seroit la case d'une aiguille à tapisserie ; c'est dans cette rainure qu'on fait passer les deux branches de l'écrou pour serrer ou desserrer la vis, dont la tête assujettit le couteau. Cet instrument ainsi monté, on rogne le livre de la maniere suivante. On fait descendre les deux cartons du livre de tête en queue d'environ deux lignes, car quoique ces cartons soient retenus par les nerfs, ils conservent cependant assez de liberté pour descendre ou monter au besoin ; après quoi l'ouvrier met son livre debout dans la presse, le dos tourné de son côté, & le mords du livre logé dans la rainure pratiquée à la tringle attachée contre & en dedans la jumelle immobile, ayant soin d'appliquer un carton de l'autre côté entre le livre & la jumelle courante ; il faut que cette bande de carton excede le livre au moins d'un doigt. On se sert de ce carton, afin de soutenir le livre contre l'effort du couteau, & garantir en même tems le mords de ce côté, ensuite l'ouvrier pose son coûteau monté comme nous venons de le dire, sur la presse, faisant entrer la tringle la plus proche du dedans de la presse dans une rainure ou coulisse pratiquée le long du pié du fût qui est à sa gauche ; desorte que l'autre tringle borde le dehors de ce pié. Ces deux tringles, dont nous avons donné la position dans la description de la presse à rogner, servent de directoires au fût tout entier ; le coûteau ainsi posé, se pousse en avant, desorte que la section commence par le dos du livre. On doit observer de ne point trop tourner la vis dont nous avons dit que les deux extrêmités servoient de poignée, parce que le couteau venant à prendre trop de matieres, ou ne passeroit point librement, ou ne pourroit faire une section nette & polie : on doit donc tourner peu-à-peu, & continuer ainsi jusqu'à ce que le coûteau soit parvenu à la bande de carton qui sert d'appui au livre. L'ouvrier doit sentir par le plus ou moins de résistance du coûteau, à quel degré il doit faire tourner la vis dans ses mains, qui y doit être librement. Aussi-tôt que la tête de son livre est rognée, il le retire de la presse, & prend la mesure avec un compas au-dedans du livre, à commencer du bord de la tête qu'il vient de rogner, jusqu'à la fin de la marge qu'il veut conserver à la queue, & qui doit être toujours plus large qu'à la tête ; cette mesure prise, il ferme son livre pour la marquer sur le carton, qu'il fait descendre également de deux lignes, comme à la premiere opération, ensuite le reste se dispose & s'exécute de la même maniere. Le livre étant ainsi rogné en tête & en queue, on le retire de la presse, on descend le carton de la moitié de l'excédent qu'on lui a conservé, desorte qu'il n'y en ait pas plus à un bout qu'à l'autre : cet excédent se nomme les chasses. Alors l'ouvrier prend le compas, en pose un bout à la tête du livre dans le milieu, du côté & à l'extrêmité du dos, & trace une ligne courbe du côté & à l'extrêmité de la tranche, mais cependant toujours sur la tête ; il trace semblable ligne en queue, prenant garde de conserver même ouverture de compas pour les deux bouts. Cette ligne dirige l'ouvrier dans la section de sa tranche, dont la gouttiere par ce moyen est égale. On appelle la gouttiere d'un livre cette concavité qu'on voit sur la tranche ; alors il ouvre les cartons & les renverse tout-à-fait, & en berçant le livre il fait perdre au dos pour un instant cette forme arrondie qu'il avoit, desorte qu'il devient plat & uni, & que les feuilles avancent davantage en devant. Il les saisit aussi-tôt entre ses doigts, & observe des deux côtés si elles suivent toutes exactement les lignes tracées tant en tête qu'en queue. Quand elles sont ainsi disposées, il les met entre deux ais un peu plus longs que le livre, mais moins larges, & prend garde d'en déranger les feuilles : de ces deux ais, qui de leur usage se nomment ais à rogner, celui de derriere, c'est-à-dire qui occupe la place que tenoit la bande de carton, est plus élevé que l'autre, & sert comme lui à soutenir les bords du livre. Celui de devant, qui se trouve à la droite de l'ouvrier, est de niveau & parallele à la jumelle. Ces ais ressemblent aux ais à endosser, & sont en glacis ; la partie la plus épaisse se met en haut, afin que le livre soit plus étroitement serré. Lorsqu'il est ainsi assujetti dans la presse, on fait la tranche en conduisant & serrant peu-à-peu le couteau sur l'extrêmité des feuilles, par le moyen de la vis du fût où il est attaché. La tranche achevée, on retire le livre de presse, & on applique dessus avec un pinceau une teinture rouge composée de colle de farine, & de bois de brésil pulvérisé : on en donne deux & quelquefois même trois couches. On doit prendre garde en rougissant ainsi la tranche, que la teinture ne pénetre entre les feuillets : on évitera ce défaut en appuyant sur le livre, afin de ne laisser entre les feuilles aucun vuide. Quand le livre est en cet état, on en fait les mords, c'est-à-dire qu'on échancre en-dedans le carton d'un bout à l'autre avec un petit couteau très-tranchant, ce qui se fait des deux côtés ; on abat ensuite les quatre angles pour en faciliter l'ouverture ; alors on rabaisse le carton. On appelle rabaisser le carton, le couper à une ligne ou deux près de la tranche, plus ou moins, suivant la grandeur du livre, ce qui se fait avec la pointe dont nous avons parlé plus haut, que l'on conduit le long d'une regle de fer posée entre la tranche & le carton. Lorsque le carton est ainsi coupé, on pose le livre sur une table le dos en haut & la tranche enbas, afin de voir si le carton est rabattu également.

On attache ensuite un bout de ruban que l'on a soin de tenir d'un pouce au moins plus long que le livre, & qu'on appelle le sinet, ce sinet s'attache au haut & dans le milieu du dos, lorsqu'il est attaché on le met dans le livre qu'on tranchefile aussi-tôt après. Le tranchefil est un ornement de fil ou de soie de diverses couleurs, ou même quelquefois d'or ou d'argent, que l'on met aux deux bouts du bois du livre sur le bord de la tranche ; c'est un espece de tissu travaillé sur un seul morceau de papier roulé s'il est simple, ou sur deux l'un sur l'autre, s'il est double ; outre l'ornement, il sert aussi à arrêter le haut & le bas des cahiers du livre ; aussitôt qu'il est tranchefilé, on le couvre. Quoique divers ouvriers en cuir donnent aux peaux dont l'on se sert à la couverture des livres, plusieurs façons, les relieurs leur en donnent aussi d'autres qui sont propres à leur art ; c'est ce qu'on va expliquer, mais seulement des peaux de veaux qui sont celles auxquelles les relieurs en donnent davantage, les autres s'employant à proportion de même. Les peaux de veaux après avoir été mouillées & largement imbibées d'eau, se ratissent sur le chevalet avec l'instrument à ratisser, qui est une espece de couteau de fer peu tranchant à deux manches de bois & long d'environ un pié & demi ; pour le chevalet il est très-simple, ne consistant ordinairement qu'en une longue douve de tonneau sur le haut de laquelle le relieur s'appuie, tandis qu'il enleve de dessus la peau avec le couteau ce qui pouvoit y être resté de moins uni ; la peau ainsi ratissée & encore humide, se taille avec de gros ciseaux ou especes de forces, en morceaux convenables aux livres qu'on a à couvrir, & en cet état se pare sur le marbre avec le couteau à parer, outil assez semblable au tranchoir des cordonniers, mais à lame plus plate & plus courte ; parer une couverture, c'est en diminuer l'épaisseur dans toute son étendue, mais principalement sur les bords du côté que la peau doit se coller sur le carton ; on juge assez que toutes ces façons, à la reserve de la derniere, ne peuvent convenir au maroquin, à la basanne & au vélin dont on couvre assez souvent les livres, & que l'on gâteroit si on les mouilloit. Pour appliquer la couverture on la trempe de colle de farine, c'est le terme, ce qui se fait avec le pinceau à colle ; on l'applique ensuite sur le carton en dehors & on la replie sur le même carton en dedans & tout-autour, observant de l'échancrer aux quatre angles & de la passer entre le carton & le dos du livre à l'endroit des tranche-fils, on fait ensuite passer le plioir tant en dehors qu'en dedans & sur les bords, afin que la couverture s'attache exactement sur toutes les parties du carton & qu'elle ne fasse aucun pli ; alors on coeffe le livre, c'est-à-dire qu'avec le bout d'un poinçon, dont la pointe est émoussée, on fait tant-soit-peu revenir le bord de la couverture sur le tranchefil qu'on arrondit & qu'on dispose également tant en tête qu'en queue ; cette opération faite, on le fouette ; on appelle fouetter un livre, le serrer entre deux ais plus épais par un bord que par l'autre, & que l'on nomme ais à fouetter, avec une sorte de ficelle que les cordiers appellent du fouet ; on met pour lors le côté le plus épais de ces ais du côté du dos du livre ; on lui donne cette façon pour plus fortement appliquer la couverture sur le carton & sur le dos, aussi bien que pour en mieux former les nervures lorsqu'il est relié en nerfs ; un gantelet ou morceau de cuir ainsi nommé, sert au relieur qui le met autour de la main droite, à pouvoir tirer davantage sans se blesser, la ficelle qu'il fait passer sur le dos du livre, en la croisant de façon que chaque nervure se trouve comme enchâssée entre deux ficelles ; alors le relieur prend la pince, qui est un outil de fer en forme de petites tenailles ; le mords de cette petite tenaille, c'est-à-dire l'endroit par où elle pince, est plat ; on s'en sert pour pincer les nervures, ce qui se fait en approchant avec cette pince de chaque côté des nerfs, les ficelles dont le livre est fouetté ; l'ouvrage qu'on fait avec cette pince, s'appelle pincer un livre ; on le met ensuite sécher, après quoi on le défouette pour faire sécher l'endroit du livre que les ais couvroient, lorsqu'il est suffisamment sec, on bat légerement les plats du livre par dehors, avec le marteau sur la pierre à battre, après quoi on marbre la couverture, ce qui se fait avec un pinceau destiné à cet usage, trempé dans du noir qu'on fait tomber en pluie dessus & qui forme de petites taches, frappant legérement le pinceau sur un petit bâton, ou seulement sur le second doigt de la main gauche, à une distance raisonnable du livre ; on laisse ensuite sécher la marbrure, & on enduit la couverture de blanc d'oeuf, ce qu'on appelle glairer ; lorsque cette couche est seche, on jette de l'eau-forte presque éteinte, afin de diminuer les taches noires qui pourroient se trouver trop grandes ; alors on colle au dos du livre entre la premiere & seconde nervure d'enhaut, une piece de maroquin rouge ou de telle autre couleur que l'on veut, qui couvre exactement l'espace d'une nervure à l'autre & qui soit aussi large que le dos du livre, pour y mettre le titre en lettres d'or, quelquefois on en ajoute encore une autre dans la nervure au-dessous, pour y inscrire aussi en or le numero des tomes ; on colle après cela en-dedans des deux côtés du livre, à la feuille de papier marbré, la partie de la bande de parchemin qui s'y trouve, & on applique le tout sur le carton avec de la colle de farine ; les parties de cette bande qui sont ainsi en dedans du livre en tête & en queue, s'appellent les gardes, on le fait sécher alors dans la grande presse, dont il passe quand il est sec, dans la presse à endosser, afin de le brunir. Brunir un livre, c'est passer sur les trois côtés du livre qui ont été rougis, une dent de chien ou de loup, enchâssée dans une virole de cuivre & emmanchée à une poignée de bois longue au moins d'un pié, & de trois pouces environ de circonférence, afin de donner le brillant à la tranche & de la polir ; les ais dont on se sert pour cette opération, sont comme presque tous les autres en glacis & la partie la plus épaisse se met toujours en haut, afin que le livre soit plus serré en-haut qu'en bas ; lorsque la tranche est ainsi brunie, on retire le livre de la presse à endosser & on le met dans la grande presse entre des ais à presser qui sont égaux dans toutes leurs parties, & on le laisse ainsi plusieurs heures, après quoi on le retire & on enduit la couverture de blanc d'oeuf battu, ce qu'on appelle glairer ; on lui donne deux fois cet apprêt observant de le laisser sécher avant de lui donner cette seconde couche, laquelle étant seche, on prend un morceau d'étoffe de laine engraissé de suif, & on frotte avec par dehors toutes les parties de la couverture ; on y fait passer ensuite le fer à polir qui est un instrument de fer qui depuis sa sortie du manche jusqu'à son extrêmité a huit pouces de longueur, il ressemble assez au P ; il a un côté applati & l'autre convexe ; c'est ce dernier côté que l'ouvrier fait passer sur la couverture après l'avoir fait raisonnablement chauffer, il est enchâssé dans un manche de bois long de quinze pouces & d'environ cinq de circonférence ; lorsque la couverture est ainsi polie & lustrée, l'ouvrier donne quelques coups de marteau sur les quatre bouts du livre, afin de les rendre égaux & pointus, ensuite prenant un côté de la couverture dans toute sa longueur, il fait rentrer le carton en-dedans en le cambrant tant-soit-peu, il en fait de même de l'autre côté, & pour lors il a rempli tout ce qui étoit de son ressort, desorte qu'un livre ainsi traité peut passer entre les mains du lecteur le plus curieux. Quoique nous venions d'indiquer la maniere de relier un livre proprement & solidement, on peut cependant lui donner d'autres façons qui sont également du ressort du relieur, mais dont celui-ci ne fait usage que selon la volonté des personnes qui le mettent en oeuvre ; ces façons sont de marbrer la tranche des livres, au-lieu de la rougir, de les dorer même sur tranche, & d'y faire aussi sur la couverture des ornemens en or ; nous allons donner à cet égard tous les éclaircissemens que nous avons pû nous procurer sur ces articles. Lorsqu'on veut marbrer la tranche, on lui donne cette façon au lieu de la rougir ; cette marbrure se fait ordinairement avec le rouge & le bleu, ces couleurs sont arrangées de façon qu'elles se touchent, sans cependant se mêler exactement ; on fait passer la tranche legérement dessus, & on la laisse sécher, après quoi on continue les mêmes opérations comme si la tranche avoit été rougie, dans le cas où on ne la voudroit que marbrée ; que si le livre est destiné à être doré sur tranche, il faut également le marbrer, & quand il est sec on le met en presse entre deux ais plus épais en haut qu'en bas, afin qu'étant fortement serré, ni l'assiette ni le blanc d'oeuf ne fassent aucune bavure & ne pénetrent point entre les feuillets ; lorsque le livre est ainsi assujetti, on en ratisse la tranche avec le racloir, qui est un petit outil de fer recourbé & large par le bout avec un manche de bois, & qui étant un peu tranchant enleve aisément ce qui peut être resté de défauts & de moins uni après la rognure, & les petites inégalités que peut occasionner la marbrure ; sur la tranche ainsi ratissée, se couche l'assiette, composition faite avec le bol d'Arménie, la sanguine, la mine de plomb, un peu de suif, ou encore mieux de savon & de sucre candi ; on broye ces drogues séparément, on les mêle ensuite pour broyer une seconde fois le tout ensemble, on les détrempe dans de la colle de parchemin toute chaude & raisonnablement forte, & on en applique sur le marbré ; on la laisse sécher, & quand elle est suffisamment seche, on la glaire légérement avec une partie de blanc d'oeuf pourri & deux parties d'eau, le tout mêlé & battu ensemble, après quoi on applique l'or avec le compas brisé dont l'ouvrier ouvre les deux branches plus ou moins selon les portions des feuilles d'or qu'il veut appliquer sur la tranche, frottant ces branches contre sa joue afin de leur communiquer une chaleur suffisante pour haper l'or ; ce compas est de fer, & ressemble plus à une paire de ciseaux sans anneaux, qu'à l'outil dont il porte le nom, le clou qui en joint les deux branches n'étant pas au bout comme aux compas, mais au milieu comme aux ciseaux ; quand la tranche est dorée on la fait sécher, & lorsqu'elle est suffisamment seche, on la brunit ; pour lors le reste se pratique comme aux livres rougis ou marbrés ; par une suite, pour ainsi dire indispensable, lorsqu'un livre est doré sur tranche, on en dore aussi la couverture, mais cette dorure ne se fait que lorsque le livre est entiérement relié ; pour appliquer l'or on glaire le cuir legérement avec un petit pinceau aux endroits sur lesquels on doit faire passer les fers, & lorsqu'il est à demi sec, on place dessus les feuilles d'or taillées avec un couteau de la largeur convenable, sur lesquelles ensuite on presse les poinçons où l'on roule les cylindres, les uns & les autres à un degré de chaleur raisonnable ; les poinçons sont des especes de cachets où sont gravés en relief sur les uns des lettres ou des points, sur les autres des roses ou des étoiles ; tous ces différens outils ont des noms différens, suivant les choses qui y sont gravées ; on les appelle en général petits fers ; on se sert des poinçons en les appliquant chauds & à plat sur les endroits où l'on veut que paroisse leur empreinte. Enfin les cylindres sont des petites roues de fer enchâssées entre deux branches aussi de fer à qui elles tiennent par le moyen d'une broche pareillement de fer qui traverse le milieu de leur diametre comme un essieu traverse effectivement une roue de chariot ; ces petites roues sont plus ou moins larges ; sur le bord des unes on y voit gravée une espece de dentelle ou broderie, d'autres ne tracent que quelques lignes ensemble, d'autres enfin n'en tracent qu'une ; pour se servir de ces cylindres on les fait rouler lorsqu'ils sont suffisamment chauds le long d'une regle de fer, & ils impriment ainsi sur la partie du dos du livre par où ils passent, les différens ornemens qui sont gravés sur leur contour ; quand la dorure est achevée, on recueille avec une brosse médiocrement rude le superflu de l'or, ne restant de doré que les endroits où les fers chauds ont fait leur impression : alors le relieur ayant épuisé toutes les ressources de son art, & ayant joint l'agréable à l'utile, peut jouir du plaisir de voir admirer son ouvrage. Voyez les Pl.


RELIGIEUSES. f. (Hist. ecclés.) celle qui s'est enfermée dans un cloître pour mener une vie plus austere, à laquelle elle s'engage par un voeu solemnel, & sous quelque regle ou institution.

Zilia étoit étrangement aveuglée par ses préjugés, quand elle a dit que le culte que nos vierges rendoient à la divinité, exige qu'elles renoncent à tous ses bienfaits, aux connoissances de l'esprit, aux sentimens du coeur, & même à la droite raison ; mais il est vrai que trop souvent les religieuses sont les victimes du luxe & de la vanité de leurs propres parens.

On se plaint sans-cesse, & toujours sans succès, que la vie monastique dérobe trop de sujets à la société civile : les religieuses sur-tout, dit M. de Voltaire, sont mortes pour la patrie ; les tombeaux où elles vivent sont très-pauvres. Une fille qui travaille de ses mains aux ouvrages de son sexe, gagne beaucoup plus que ne coute l'entretien d'une religieuse. Leur sort peut faire pitié, si celui de tant de couvens d'hommes trop riches, peut faire envie.

Il est bien évident que leur grand nombre dépeuple un état. Les Juifs pour cette raison, n'eurent ni filles esseniennes, ni thérapeutes ; il n'y eut jamais d'asyle consacré à la virginité dans toute l'Asie. Il n'y eut jamais dans l'ancienne Rome que six vestales. Elles n'étoient point recluses, & elles vivoient magnifiquement par les fonds considérables que la république donnoit pour leur entretien. Elles avoient le droit de se faire porter en litiere par la ville, & jusque dans le capitole. Les consuls étoient obligés de baisser leurs faisceaux devant elles. On leur avoit accordé les premieres places aux jeux & aux spectacles. Enfin leur consécration qui se faisoit dès le bas âge, ne duroit que 30 ans, après lequel tems il leur étoit libre de sortir de la maison, & de se marier. (D.J.)


RELIGIEUXS. m. (Langue franç.) ce mot a divers usages en notre langue. Il se prend dans son origine pour ce qui appartient à la religion ; un culte religieux, c'est le culte qu'on rend à Dieu ; un prince religieux, veut dire un prince qui a de la religion & de la piété. On appelle aussi ceux qui quittent le monde pour vivre dans la retraite, des religieux ; on dit même les maisons religieuses, en parlant de la vie & des maisons de ces personnes-là.

Mais religieux s'emploie quelquefois au figuré en des occasions profanes, où il ne s'agit point de religion. Nous disons qu'un homme garde religieusement sa parole, qu'il est religieux observateur des lois, c'est-à-dire qu'il garde fidèlement sa promesse, qu'il est fidèle observateur des lois. Sophocle n'est pas moins religieux qu'Euripide, c'est-à-dire n'est pas moins scrupuleux à ne rien mettre sur le théâtre qui puisse blesser les moeurs. (D.J.)

RELIGIEUX, (Jurisp.) est celui qui a fait profession de vivre sous une certaine regle monastique, approuvée par l'Eglise, telle que la regle de S. Benoît, celle de S. Augustin, ou autre de cette nature.

Sous le terme de religieux au pluriel, on comprend aussi les religieuses.

On n'acquiert l'état de religieux que par la profession religieuse, c'est-à-dire en faisant des voeux solemnels, tels que la regle de l'ordre les demande. Voyez PROFESSION & VOEU.

La profession d'un religieux pour être valable, doit être précédée d'une année de noviciat ou probation. Voyez NOVICIAT, PROBATION, HABIT, PRISE D'HABIT.

L'âge fixé par les canons & par les ordonnances pour entrer en religion, est celui de 16 ans accomplis.

Il faut même pour la profession des filles que la supérieure avertisse un mois auparavant l'évêque, ou en son absence, le grand-vicaire ou le supérieur régulier pour les monasteres qui sont en congrégation, afin que l'on puisse examiner si celle qui veut faire profession est réellement dans les dispositions convenables.

Les enfans ne peuvent entrer en religion sans le consentement de leur pere & mere ; cependant si étant parvenus à un âge mûr, comme de 20 ans ou 22 ans, ils persistoient dans leur résolution de se consacrer à Dieu, les parens ne pourroient les en empêcher.

Il est défendu en général de rien recevoir des religieux & religieuses pour leur entrée en religion ; cela reçoit néanmoins quelques exceptions par rapport aux religieuses. Voyez DOT DES RELIGIEUSES.

Les religieux sont morts civilement du moment de leur profession, & conséquemment sont incapables de tous effets civils ; ils ne succedent point à leurs parens, & personne ne leur succede ; ils peuvent seulement recevoir de modiques pensions viageres.

Le pécule qu'un religieux acquiert par son industrie, ou par les libéralités de ses parens, ou des épargnes d'un bénéfice régulier, appartient après lui au monastere, en payant les dettes ; mais si le religieux avoit un bénéfice-cure, son pécule appartient aux pauvres de la paroisse.

Un religieux qui quitte l'habit encourt par le seul fait, une excommunication majeure.

Le pape peut seul accorder à un religieux sa translation d'un ordre dans un autre, soit pour passer dans un ordre plus austere, soit dans un ordre plus mitigé, quand la délicatesse de son tempérament ne lui permet pas d'observer la regle dans laquelle il s'est engagé. Il faut que le bref de translation soit émané de la daterie, & non de la pénitencerie.

Celui dont la profession est nulle, peut reclamer contre ses voeux dans les 5 ans du jour de sa profession ; il faut du-moins qu'il ait fait ses protestations dans ce tems.

Quelquefois le pape releve du laps de 5 ans ; mais pour que cette dispense ne soit pas abusive, il faut que le religieux n'ait pas eu la liberté d'agir dans les cinq ans. Voyez RECLAMATION & VOEUX. Voyez le concile de Trente, l'ordonnance de Blois, la déclaration du 28 Avril 1693, les lois ecclésiastiques, part. III. tit. 12. (A)

Les religieux, dit M. de Voltaire, dont les chefs résident à Rome, sont autant de sujets immédiats du pape, répandus dans tous les états. La coutume qui fait tout, & qui est cause que le monde est gouverné par des abus, comme par des lois, n'a pas toujours permis aux princes de remédier entiérement à un danger, qui tient d'ailleurs à des choses utiles & sacrées. Prêter serment à un autre qu'à son souverain, est un crime de lese-majesté dans un laïque ; c'est dans le cloître un acte de religion. La difficulté de savoir à quel point on doit obéir à ce souverain étranger ; la facilité de se laisser séduire ; le plaisir de sécouer un joug naturel, pour en prendre un qu'on se donne à soi-même ; l'esprit de trouble ; le malheur des tems, n'ont que trop souvent porté des ordres entiers de religieux à servir Rome contre leur patrie.

M. de Ségrais disoit, qu'outre les causes générales qui multiplient le nombre des couvens, il avoit remarqué un penchant dans les jeunes filles & garçons dans les pays chauds, de se faire religieux ou religieuses à l'âge de l'adolescence, & que c'étoit-là une attaque de mélancolie d'amour ; il appelloit cette maladie la petite vérole de l'esprit, parce qu'à cet âge d'efflorescence des passions, peu de gens en échappent. Ce n'est pas, continue-t-il, que ces attaques de mélancolie ne viennent aussi quelquefois plus tard, comme la petite vérole vient quelquefois dans un âge avancé. (D.J.)


RELIGIONS. f. (Théolog.) religio, est la connoissance de la divinité, & celle du culte qui lui est dû. Voyez DIEU & CULTE.

Le fondement de toute religion est qu'il y a un Dieu, qui a des rapports à ses créatures, & qui exige d'elles quelque culte. Les différentes manieres par lesquelles nous arrivons, soit à la connoissance de Dieu, soit à celle de son culte, ont fait diviser la religion en naturelle & en revélée.

La religion naturelle est le culte que la raison, laissée à elle-même, & à ses propres lumieres, apprend qu'il faut rendre à l'Etre suprême, auteur & conservateur de tous les êtres qui composent le monde sensible, comme de l'aimer, de l'adorer, de ne point abuser de ses créatures, &c. On l'appelle aussi morale ou éthique, parce qu'elle concerne immédiatement les moeurs & les devoirs des hommes les uns envers les autres, & envers eux-mêmes considérés comme créatures de l'Etre suprême. Voyez RAISON, DEÏSTE, MORALE, ÉTHIQUE. Voyez l'article qui suit RELIGION NATURELLE.

La religion revélée est celle qui nous instruit de nos devoirs envers Dieu, envers les autres hommes, & envers nous-mêmes, par quelques moyens surnaturels, comme par une déclaration expresse de Dieu même, qui s'explique par la bouche de ses envoyés & de ses prophetes, pour découvrir aux hommes des choses qu'ils n'auroient jamais connues, ni pu connoître par les lumieres naturelles. Voyez REVELATION. C'est cette derniere qu'on nomme par distinction religion. Voyez l'article CHRISTIANISME.

L'une & l'autre supposent un Dieu, une providence, une vie future, des récompenses & des punitions ; mais la derniere suppose de plus une mission immédiate de Dieu lui-même, attestée par des miracles ou des prophéties. Voyez MIRACLE & PROPHETIE.

Les Déistes prétendent que la religion naturelle est suffisante pour nous éclairer sur la nature de Dieu, & pour régler nos moeurs d'une maniere agréable à ses yeux. Les auteurs qui ont écrit sur cette matiere, & qui jugent la religion naturelle insuffisante, appuient la nécessité de la révélation sur ces quatre points. 1°. Sur la foiblesse de l'esprit humain, sensible par la chûte du premier homme, & par les égaremens des philosophes. 2°. Sur la difficulté où sont la plûpart des hommes de se former une juste idée de la divinité, & des devoirs qui lui sont dûs. 3°. Sur l'aveu des instituteurs des religions, qui ont tous donné pour marque de la vérité de leur doctrine des colloques prétendus ou réels avec la divinité, quoique d'ailleurs ils ayent appuyé leur religion sur la force du raisonnement. 4°. Sur la sagesse de l'Etre suprême qui ayant établi une religion pour le salut des hommes, n'a pu la réparer après sa décadence par un moyen plus sûr que celui de la révélation. Mais quelque plausibles que soient ces raisons, la voie la plus courte à cet égard, est de démontrer aux déistes l'existence & la vérité de cette révélation. Il faut alors qu'ils conviennent que Dieu l'a jugée nécessaire pour éclairer les hommes ; puisque d'une part ils reconnoissent l'existence de Dieu, & que de l'autre ils conviennent que Dieu ne fait rien d'inutile.

La religion revélée, considérée dans son véritable point de vûe, est la connoissance du vrai Dieu comme créateur, conservateur & redempteur du monde, du culte que nous lui devons en ces qualités, & des devoirs que sa loi nous prescrit, tant par rapport aux autres hommes, que par rapport à nous-mêmes.

Les principales religions qui ont régné, ou regnent encore dans le monde, sont le Judaïsme, le Christianisme, le Paganisme & le Mahométisme. Voyez tous ces mots sous leurs titres particuliers.

Le terme religion, se prend en l'Ecriture de trois manieres. 1°. Pour le culte extérieur & cérémoniel de la religion judaïque, comme dans ces passages : haec est religio phase, voici quelle est la cérémonie de la pâque. Quae est ista religio ? que signifie cette cérémonie ? Exod. xij. 43.

2°. Pour la vraie religion, la meilleure maniere de servir & d'honorer Dieu. C'est en ce sens que S. Paul dit qu'il a vécu dans la secte des Pharisiens, qui passe pour la plus parfaite religion des Juifs. Actes xxvij. 5.

3°. Enfin, religion dans l'Ecriture, de même que dans les auteurs profanes, se prend quelquefois pour marquer la superstition. Ainsi le même apôtre dit : N'imitez pas ceux qui affectent de s'humilier devant les anges, & qui leur rendent un culte superstitieux : Nemo vos seducat volens in humilitate & religione angelorum, &c. Epist. ad Colos. ij. 18.

RELIGION NATURELLE, (Morale) la religion naturelle consiste dans l'accomplissement des devoirs qui nous lient à la divinité. Je les réduis à trois, à l'amour, à la reconnoissance & aux hommages. Pour sa bonté je lui dois de l'amour, pour ses bienfaits de la reconnoissance, & pour sa majesté des hommages.

Il n'est point d'amour désintéressé. Quiconque a supposé qu'on puisse aimer quelqu'un pour lui-même, ne se connoissoit guere en affection. L'amour ne naît que du rapport entre deux objets, dont l'un contribue au bonheur de l'autre. Laissons le quiétiste aimer son dieu, à l'instant même que sa justice inexorable le livre pour toujours à la fureur des flammes, c'est pousser trop loin le raffinement de l'amour divin. Toutes les perfections de Dieu, dont il ne résulte rien pour notre avantage peuvent bien nous causer de l'admiration, & nous imprimer du respect, mais elles ne peuvent pas nous inspirer de l'amour. Ce n'est pas précisément parce qu'il est tout-puissant, parce qu'il est grand, parce qu'il est sage que je l'aime, c'est parce qu'il est bon, parce qu'il m'aime lui-même, & m'en donne des témoignages à chaque instant. S'il ne m'aimoit pas, que me serviroit sa toute-puissance, sa grandeur, sa sagesse ? Tout lui seroit possible, mais il ne seroit rien pour moi. Sa souveraine majesté ne serviroit qu'à me rendre vil à ses yeux, il se plairoit à écraser ma petitesse du poids de sa grandeur ; il sauroit les moyens de me rendre heureux, mais il les négligeroit. Qu'il m'aime au-contraire, tous ses attributs me deviennent précieux, sa sagesse prend des mesures pour mon bonheur, sa toute-puissance les exécute sans obstacles, sa majesté suprême me rend son amour d'un prix infini.

Mais est-il bien constant que Dieu aime les hommes ? Les faveurs sans nombre qu'il leur prodigue ne permettent pas d'en douter, mais cette preuve trouvera sa place plus bas. Employons ici d'autres argumens. Demander si Dieu aime les hommes, c'est demander s'il est bon, c'est mettre en question s'il existe, car comment concevoir un Dieu qui ne soit pas bon ? Un bon prince aime ses sujets, un bon pere aime ses enfans, & Dieu pourroit ne pas aimer les hommes ? Dans quel esprit un pareil soupçon peut-il naître, si ce n'est dans ceux qui font de Dieu un être capricieux & barbare, qui se joue impitoyablement du sort des humains ? Un tel Dieu mériteroit notre haine & non notre amour.

Dieu, dites-vous, ne doit rien aux hommes. Soit. Mais il se doit à lui-même ; il faut indispensablement qu'il soit juste & bienfaisant. Ses perfections ne sont point de son choix, il est nécessairement tout ce qu'il est, il est le plus parfait de tous les êtres, ou il n'est rien. Mais je connois qu'il m'aime, par l'amour que je sens pour lui, c'est parce qu'il m'aime qu'il a gravé dans mon coeur ce sentiment, le plus précieux de ses dons. Son amour est le principe d'union, comme il en doit être le motif.

Dans le commerce des hommes l'amour & la reconnoissance sont deux sentimens distincts. On peut aimer quelqu'un sans en avoir reçu des bienfaits, on peut en recevoir des bienfaits sans l'aimer, sans être ingrat ; il n'en est pas de même par rapport à Dieu. Notre reconnoissance ne sauroit aller sans amour, ni notre amour sans reconnoissance, parce que Dieu est tout-à-la fois un être aimable & bienfaisant. Vous savez gré à votre mere de vous avoir donné le jour, à votre pere de pourvoir à vos besoins, à vos bienfaiteurs de leurs secours généreux, à vos amis de leur attachement ; or dieu seul est véritablement votre mere, votre pere, votre maître, votre bienfaiteur & votre ami ; & ceux que vous honorez de ces noms ne sont, à proprement parler, que les instrumens de ses bontés sur vous. Pour vous en convaincre, considerez-le sous ces différens rapports.

Que fait une mere pour l'enfant qui naît d'elle ? C'est Dieu qui fait tout. Lorsqu'il posoit la terre & les cieux sur leurs fondemens, il avoit dès-lors cet enfant en vue, & le disposoit déjà à la longue chaîne d'événemens qui devoit se terminer à sa naissance. Il faisoit plus, il le créoit en paîtrissant le limon dont il forma son premier pere. L'instant est venu de faire éclorre ce germe. C'est dans le sein d'une telle mere qu'il lui a plu de le placer, lui-même a pris soin de le fomenter & de le développer.

Dieu est le pere de tous les hommes, bien plus que chaque homme en particulier ne l'est de ses enfans. Choisissons le plus tendre & le plus parfait de tous les peres. Mais qu'est-il auprès de Dieu ? Lorsqu'un pere veille à la conservation de son fils, c'est Dieu qui le conserve ; lorsqu'il s'applique à l'instruire, c'est Dieu qui lui ouvre l'intelligence ; lorsqu'il l'entretient des charmes de la vertu, c'est Dieu qui la lui fait aimer.

Si nous mettons en comparaison avec la vérité éternelle d'où procédent toutes nos connoissances, les maîtres qui nous guident & qui nous instruisent, soutiendront-ils mieux le parallele ? Ce n'est ni au travail de ceux qui nous enseignent, ni à nos propres travaux que nous devons la découverte des vérités ; Dieu les a rendues communes à tous les hommes : chacun les possede & peut se les rendre présentes, il n'est besoin pour cet effet que d'y réfléchir. S'il en est quelques-unes de plus abstraites, ce sont des trésors que Dieu a cachés plus avant que les autres, mais qui ne viennent pas moins de lui, puisqu'en creusant nous les trouverons au fond de notre ame, & que notre ame est son ouvrage. L'ouvrier fouille la mine, le physicien dirige ses opérations, mais ni l'un ni l'autre n'ont fourni l'or qu'elle enferme.

S'il est quelqu'un qui ait disputé à Dieu le titre de bienfaiteur, il ne faut pas se mettre en devoir de le combattre. La lumiere dont il jouit, l'air qu'il respire, tout ce qui contribue à sa conservation & à ses plaisirs, les cieux, la terre, la nature entiere destinés à son usage, déposent contre lui & le confondent assez. Il ne pense lui-même, ne parle, & n'agit que parce que Dieu lui en a donné la faculté ; & sans cette providence contre laquelle il s'élève, il seroit encore dans le néant, & la terre ne seroit pas chargée du poids importun d'un ingrat.

Tout ce que fait un ami pour la personne sur qui s'est fixée son affection, c'est de l'aimer, de lui vouloir du bien & de lui en faire. Or, c'est ce que nous venons de prouver de Dieu par rapport à nous. Mais que cette qualité d'ami si tendre & si flatteuse pour nous, ne diminue rien du respect infini que nous doit inspirer l'idée de sa grandeur suprême. Moins dédaigneux que les Monarques de la terre, ami de ses sujets, il veut que ses sujets soient les siens, mais il ne leur permet pas d'oublier qu'il est leur souverain-maître, & c'est à ce titre qu'il exige leurs hommages.

Ce n'est pas précisément parce que Dieu est grand que nous lui devons des hommages, c'est parce que nous sommes ses vassaux, & qu'il est notre souverain-maître. Dieu seul possede sur le monde entier un domaine universel, dont celui des rois de la terre, n'est tout-au-plus que l'ombre. Ceux-ci tiennent leur pouvoir au-moins dans l'origine de la volonté des peuples. Dieu ne tient sa puissance que de lui-même. Il a dit, que le monde soit fait, & le monde a été fait. Voilà le titre primordial de sa royauté. Nos rois sont maîtres des corps, mais Dieu commande aux coeurs. Ils font agir, mais il fait vouloir : autant son empire sur nous est supérieur à celui de nos souverains, autant lui devons-nous rendre de plus profonds hommages. Ces hommages dûs à Dieu, sont ce qu'on appelle autrement culte ou religion. On en distingue de deux sortes, l'un interieur, & l'autre extérieur. L'un & l'autre est d'obligation. L'intérieur est invariable ; l'extérieur dépend des moeurs, des tems & de la religion.

Le culte intérieur réside dans l'ame, & c'est le seul qui honore Dieu. Il est fondé sur l'admiration qu'excite en nous l'idée de sa grandeur infinie, sur le ressentiment de ses bienfaits & l'aveu de sa souveraineté. Le coeur pénétré de ses sentimens les lui exprime par des extases d'admiration, des saillies d'amour, & des protestations de reconnoissance & de soumission. Voilà le langage du coeur, voilà ses hymnes, ses prieres, ses sacrifices. Voilà ce culte dont il est capable, & le seul digne de la divine majesté. C'est aussi celui que J. C. est venu substituer aux cérémonies judaïques, comme il paroît par cette belle réponse qu'il fit à une femme samaritaine, lorsqu'elle lui demanda, si c'étoit sur la montagne de Sion ou sur celle de Sémeron qu'il falloit adorer : " le tems vient, lui dit-il, que les vrais adorateurs adoreront en esprit & en vérité ".

On objecte que Dieu est infiniment au-dessus de l'homme, qu'il n'y a aucune proportion entr'eux, que Dieu n'a pas besoin de notre culte, qu'enfin ce culte d'une volonté bornée est indigne de l'Etre infini & parfait. Qui sommes-nous, disent ces téméraires raisonneurs, qui fondent leur respect pour la divinité sur l'anéantissement de son culte ? Qui sommes-nous pour oser croire que Dieu descende jusqu'à nous faire part de ses secrets, & penser qu'il s'intéresse à nos vaines opinions ? Vils atomes que nous sommes en sa présence, que lui font nos hommages ? Quel besoin a-t-il de notre culte ? Que lui importe de notre ignorance, & même de nos moeurs ? Peuvent-elles troubler son repos inaltérable, ou rien diminuer de sa grandeur & de sa gloire ? S'il nous a faits, ce n'a été que pour exercer l'énergie de ses attributs, l'immensité de son pouvoir, & non pour être l'objet de nos connoissances. Quiconque juge autrement est séduit par ses préjugés, & connoît aussi peu la nature de son être propre, que celle de l'Etre suprême. Ainsi, la religion qui se flatte d'être le lien du commerce entre deux êtres si infiniment disproportionnés, n'est à le bien prendre qu'une production de l'orgueil & de l'amour effréné de soi-même. Voici la réponse.

Il y a un Dieu, c'est-à-dire, un être infiniment parfait ; cet Etre connoît l'étendue sans bornes de ses perfections. A part qu'il est juste, car la justice entre dans la perfection infinie, il doit un amour infini à l'infinité de ses perfections infinies, son amour ne peut même avoir d'autre objet qu'elles. J'en conclus d'abord que s'il a fait quelque ouvrage hors de lui, il ne l'a fait que pour l'amour de lui, car telle est sa grandeur qu'il ne sauroit agir que pour lui seul, & comme tout vient de lui, il faut que tout se termine & retombe à lui, autrement l'ordre seroit violé. J'en conclus en second lieu, que l'Etre infiniment parfait, puisqu'il a tiré les hommes du néant, ne les a créés que pour lui, car s'il agissoit sans se proposer de fin, comme il agiroit d'une façon aveugle, sa sagesse en seroit blessée ; & s'il agissoit pour une fin moins noble, moins haute que lui, il s'aviliroit par son action même & se dégraderoit. Je vais plus loin. Cet Etre suprême, à qui nous devons l'existence, nous a faits intelligens & capables d'aimer. Il est donc vrai encore qu'il veut, & qu'il ne peut ne pas vouloir, d'une part, que nous employions notre intelligence à le connoître & à l'admirer ; de l'autre, que nous employions notre volonté & à l'aimer, & à lui obéir. L'ordre demande que notre intelligence soit reglée, & que notre amour soit juste. Par conséquent il est nécessaire que Dieu, ordre essentiel & justice suprême, veuille que nous aimions sa perfection infinie plus que notre perfection finie. Nous ne devons nous aimer qu'en nous rapportant à lui, & ne réserver pour nous qu'un amour, foible ruisseau de celui dont la source doit principalement & inépuisablement ne couler que pour lui. Telle est la justice éternelle que rien ne peut obscurcir, la proportion inviolable que rien ne peut altérer ni déranger. Dieu se doit tout à lui-même, je me dois tout à lui, & tout n'est pas trop pour lui. Ces conséquences ne sont ni arbitraires, ni forcées, ni tirées de loin. Mais aussi prenez garde, ces fondemens une fois posés, l'édifice de la religion s'éleve tout seul, & demeure inébranlable. Car dès que l'Etre infini doit seul épuiser notre adoration & nos hommages, dès qu'il doit d'abord avoir tout notre amour, & qu'ensuite cet amour ne doit se répandre sur les créatures qu'à proportion & selon les degrés de perfection qu'il a mis en eux, dès que nous devons une soumission sans réserve à celui qui nous a faits, tout d'un coup la religion s'enfante dans nos coeurs ; car elle n'est essentiellement & dans son fond qu'adoration, amour & obéissance.

Présentons le même raisonnement sous une autre forme. Quels sont les devoirs les plus généraux de la religion ? C'est la louange, c'est l'amour, c'est l'action de graces, c'est la confiance & la priere. Or, je dis que l'existence de Dieu supposée, il seroit contradictoire de lui refuser le culte renfermé dans ces devoirs. Si Dieu existe, il est le souverain maître de la nature, & la perfection suprême. Il nous a faits ce que nous sommes, il nous a donné ce que nous possédons, donc nous devons & nos hommages à sa grandeur, & notre amour à ses perfections, & notre confiance à sa bonté, & nos prieres à sa puissance, & notre action de graces à ses bienfaits. Voilà le culte intérieur évidemment prouvé.

Dieu n'a besoin, ajoutez-vous, ni de nos adorations, ni de notre amour. De quel prix notre hommage peut-il être à ses yeux ? Et que lui importe le culte imparfait & toujours borné des créatures ? En est-il plus heureux ? en est-il plus grand ? Non sans doute, il n'en a pas besoin, & nous ne le disons pas non plus. Ce mot besoin ne doit jamais être employé à l'égard de Dieu. Mais pour m'en servir à votre exemple, Dieu avoit-il besoin de nous créer ? A-t-il besoin de nous conserver ? notre existence le rend-elle plus heureux, le rend-elle plus parfait ? Si donc il nous a fait exister, s'il nous conserve, quoiqu'il n'ait besoin ni de notre existence, ni de notre conservation, ne mesurez plus ce qu'il exige de nous sur ce qui lui sera utile. Il se suffit à lui-même, il se connoît & il s'aime. Voilà sa gloire & son bonheur. Mais réglez ce qu'il veut de vous sur ce qu'il doit à sa sagesse & à l'ordre immuable. Notre culte est imparfait en lui-même, je n'en disconviens point, & cependant je dis qu'il n'est pas indigne de Dieu ; j'ajoute même qu'il est impossible qu'il nous ait donné l'être pour une autre fin que pour ce culte tout borné qu'il est. Afin de le mieux comprendre, distinguons ce que la créature peut faire, d'avec la complaisance que Dieu en tire. Ne vous effarouchez pas d'une telle expression. Je n'entends par ce mot, en l'expliquant à Dieu, que cet acte intérieur de son intelligence par lequel il approuve ce qu'elle voit de conforme à l'ordre. Cela passé, je viens à ma preuve.

D'une part l'action de la créature qui connoît Dieu, qui lui obéit & qui l'aime, est toujours nécessairement imparfaite ; mais d'une autre part cette opération de la créature est la plus noble, la plus élevée qu'il soit possible de produire, & que Dieu puisse tirer d'elle. Donc les limites naturelles ne comportent rien de plus haut. Cette opération n'est donc plus indigne de Dieu. Etablissez en effet qu'il lui soit impossible de produire une substance intelligente, si ce n'est à condition d'en obtenir quelque opération aussi parfaite que lui, vous le réduisez à l'impuissance de rien créer. Or nous existons, & nous sommes l'ouvrage de ses mains. En nous donnant l'être, il s'est donc proposé de tirer de nous l'opération la plus haute que notre nature imparfaite puisse produire. Mais cette opération la plus parfaite de l'homme, qu'est-elle sinon la connoissance & l'amour de cet auteur ? Que cette connoissance, que cet amour, ne soient pas portés au plus haut degré concevable, n'importe. Dieu a tiré de l'homme ce que l'homme peut produire de plus grand, de plus achevé, dans les bornes où sa nature le renferme. C'en est assez pour l'accomplissement de l'ordre. Dieu est content de son ouvrage, sa sagesse est d'accord avec sa puissance, & il se complaît dans sa créature. Cette complaisance est son unique terme, & comme elle n'est pas distinguée de son être, elle le rend lui-même sa propre fin. Allons jusqu'où nous mene une suite de conséquences si lumineuses quoique simples.

Quand je demande pourquoi Dieu nous a donné des yeux, tout aussi-tôt on me répond, c'est qu'il a voulu que nous puissions voir la lumiere du jour, & par elle tous les autres objets. Mais si je demande d'où vient qu'il nous a donné le pouvoir de le connoître & de l'aimer, ne faudra-t-il pas me répondre aussi que ce don le plus précieux de tous, il nous l'accorde afin que nous puissions connoître son éternelle vérité, & que nous puissions aimer ses perfections infinies ? S'il avoit voulu qu'une profonde nuit regnât sur nous, l'organe de la vue seroit une superfluité dans son ouvrage. Tout de même s'il avoit voulu que nous l'ignorassions à jamais, & que nos coeurs fussent incapables de s'élever jusqu'à lui, cette notion vive & distincte qu'il nous a donnée de l'infini, cet amour insatiable du bien, dont il a fait l'essence de notre volonté, seroient des présens inutiles, contraires même à sa sagesse ; & cette idée ineffaçable de l'Etre divin, & cet amour du parfait & du beau que rien ici ne peut satisfaire ni éteindre en nous, tout donne les traits par lesquels Dieu a gravé son image au milieu de nous. Mais cette ressemblance imparfaite que nous avons avec l'Etre suprême, & qui nous avertit de notre destination, est au même tems l'invincible preuve de la nécessité d'un culte du moins intérieur.

Si après tant de preuves, on persiste à dire que la Divinité est trop au-dessus de nous pour descendre jusqu'à nous, nous répondrons qu'en exagérant ainsi sa grandeur & notre néant, on ne veut que secouer son joug, se mettre à sa place & renverser toute subordination ; nous répondrons que par cette humilité trompeuse & hypocrite, on n'imagine un Dieu si éloigné de nous, si fier, si indifférent dans sa hauteur, si indolent sur le bien & sur le mal, si insensible à l'ordre & au desordre, que pour s'autoriser dans la licence de ses desirs, pour se flatter d'une impunité générale, & pour se mettre, s'il est possible, autant au-dessus des plaintes de sa conscience, que des lumieres de la raison.

Mais le culte extérieur, pourquoi supposer que Dieu le demande ? Hé ! vous-mêmes, comment ne voyez-vous pas que celui-ci coule inévitablement de l'autre ? Si-tôt que chacun de nous est dans l'étroite obligation de remplir les devoirs que je viens d'exposer, ne deviennent-ils pas des lois pour la société entiere ? Les hommes, convaincus séparément de ce qu'ils doivent à l'Etre infini, se réuniront dès-là pour lui donner des marques publiques de leurs sentimens. Tous ensemble, ainsi qu'une grande famille, ils aimeront le pere commun ; ils chanteront ses merveilles ; ils béniront ses bienfaits ; ils publieront ses louanges, ils l'annonceront à tous les peuples, & brûleront de le faire connoître aux nations égarées qui ne connoissent pas encore, ou qui ont oublié ses miséricordes & sa grandeur. Le concert d'amour, de voeux & d'hommages dans l'union des coeurs, n'est-il pas évidemment ce culte extérieur, dont vous êtes si en peine ? Dieu seroit alors toutes choses en tous. Il seroit le roi, le pere, l'ami des humains ; il seroit la loi vivante des coeurs, on ne parleroit que de lui & pour lui. Il seroit consulté, cru, obéi. Hélas ! un roi mortel, ou un vil pere de famille s'attire par sa sagesse, l'estime & la confiance de tous ses enfans, on ne voit à toute heure que les honneurs qui lui sont rendus ; & l'on demande qu'est-ce que le culte divin, & si l'on en doit un ? Tout ce qu'on fait pour honorer un pere, pour lui obéir, & pour reconnoître ses graces, est un culte continuel qui saute aux yeux. Que seroit-ce-donc, si les hommes étoient possedés de l'amour de Dieu ? Leur societé seroit un culte solemnel, tel que celui qu'on nous dépeint des bienheureux dans le ciel.

A ces raisonnemens, pour démontrer la nécessité d'un culte extérieur, j'en ajouterai deux autres. Le premier est fondé sur l'obligation indispensable où nous sommes de nous édifier mutuellement les uns les autres ; le second est fondé sur la nature de l'homme.

1°. Si la piété est une vertu, il est utile qu'elle regne dans tous les coeurs : or il n'est rien qui contribue plus efficacement au regne de la vertu, que l'exemple. Les leçons y feroient beaucoup moins ; c'est donc un bien pour chacun de nous, d'avoir sous les yeux des modeles attrayans de piété. Or, ces modeles ne peuvent être tracés, que par des actes extérieurs de religion. Inutilement par rapport à moi, un de mes concitoyens est-il pénétré d'amour, de respect & de soumission pour Dieu, s'il ne le fait pas connoître par quelque démonstration sensible qui m'en avertisse. Qu'il me donne des marques non suspectes de son goût pour la vérité, de sa résignation aux ordres de la Providence, d'un amour affectueux pour son Dieu, qu'il l'adore, le loue, le glorifie en public ; son exemple opere sur moi, je me sens piqué d'une sainte émulation, que les plus beaux morceaux de morale n'auroient pas été capables de produire. Il est donc essentiel à l'exercice de la religion, que la profession s'en fasse d'une maniere publique & visible ; car les mêmes raisons qui nous apprennent qu'il est de notre devoir de reconnoître les relations où nous sommes à l'égard de Dieu, nous apprennent également, qu'il est de notre devoir d'en rendre l'aveu public. D'ailleurs parmi les faveurs dont la Providence nous comble, il y en a de personnelles, il y en a de générales. Or, par rapport à ces dernieres, la raison nous dit que ceux qui les ont reçues en commun doivent se joindre pour en rendre graces à l'Etre suprême en commun, autant que la nature des assemblées religieuses peut le permettre.

2°. Une religion purement mentale pourroit convenir à des esprits purs & immatériels, dont il y a sans-doute un nombre infini de différentes especes dans les vastes limites de la création ; mais l'homme étant composé de deux natures réunies, c'est-à-dire de corps & d'ame, sa religion ici bas doit naturellement être relative & proportionnée à son état & à son caractere, & par conséquent consiste également en méditations intérieures, & en actes de pratique extérieure. Ce qui n'est d'abord qu'une présomption devient une preuve, lorsqu'on examine plus particulierement la nature de l'homme, & celle des circonstances où elle est placée. Pour rendre l'homme propre au poste & aux fonctions qui lui ont été assignées, l'expérience prouve qu'il est nécessaire que le tempérament du corps influe sur les passions de l'esprit, & que les facultés spirituelles soient tellement enveloppées dans la matiere que nos plus grands efforts ne puissent les émanciper de cet assujettissement, tant que nous devons vivre & agir dans ce monde matériel. Or, il est évident que des êtres de cette nature sont peu propres à une religion purement mentale, & l'expérience le confirme ; car toutes les fois que par le faux desir d'une perfection chimérique, des hommes ont tâché dans les exercices de religion de se dépouiller de la grossiereté des sens, & de s'élever dans la région des idées imaginaires, le caractere de leur tempérament a toujours décidé de l'issue de leur entreprise. La religion des caracteres froids & flegmatiques a dégéneré dans l'indifférence & le dégoût, & celle des hommes bilieux & sanguins a dégénéré dans le fanatisme & l'enthousiasme. Les circonstances de l'homme & des choses qui l'environnent, contribuent de plus en plus à rendre invincible cette incapacité naturelle pour une religion mentale. La nécessité & le desir de satisfaire aux besoins & aux aisances de la vie, nous assujettissent à un commerce perpétuel & constant, avec les objets les plus sensibles & les plus matériels. Le commerce fait naître en nous des habitudes, dont la force s'obstine d'autant plus, que nous nous efforçons de nous en délivrer. Ces habitudes portent continuellement l'esprit vers la matiere, & elles sont si incompatibles avec les contemplations mentales, elles nous en rendent si incapables, que nous sommes même obligés pour remplir ce que l'essence de la religion nous prescrit à cet égard, de nous servir contre les sens & contre la matiere de leur propre secours, afin de nous aider & de nous soutenir dans les actes spirituels du culte religieux. Si à ces raisons l'on ajoute que le commun du peuple qui compose la plus grande partie du genre humain, & dont tous les membres en particulier sont personnellement intéressés dans la religion, est par état, par emploi, par nature, plongé dans la matiere ; on n'a pas besoin d'autre argument, pour prouver qu'une religion mentale consistant en une philosophie divine qui résideroit dans l'esprit, n'est nullement propre à une créature telle que l'homme dans le poste qu'il occupe sur la terre.

Dieu en unissant la matiere à l'esprit, l'a associé à la religion & d'une maniere si admirable, que lorsque l'ame n'a pas la liberté de satisfaire son zele, en se servant de la parole, des mains, des prosternemens, elle se sent comme privée d'une partie du culte qu'elle vouloit rendre, & de celle même qui lui donneroit le plus de consolation ; mais si elle est libre, & que ce qu'elle éprouve au-dedans la touche vivement & la pénetre, alors ses regards vers le ciel, ses mains étendues, ses cantiques, ses prosternemens, ses adorations diversifiées en cent manieres, ses larmes que l'amour & la pénitence font également couler, soulagent son coeur en suppléant à son impuissance, & il semble que c'est moins l'ame qui associe le corps à sa piété & à sa religion, que ce n'est le corps même qui se hâte de venir à son secours & de suppléer à ce que l'esprit ne sauroit faire ; ensorte que dans la fonction non-seulement la plus spirituelle, mais aussi la plus divine, c'est le corps qui tient lieu de ministre public & de prêtre ; comme dans le martyre, c'est le corps qui est le témoin visible & le défenseur de la vérité contre tout ce qui l'attaque.

Aussi voyons-nous que tous les peuples qui ont adoré quelque divinité, ont fixé leur culte à quelques démonstrations extérieures qu'on nomme des cérémonies. Dès que l'intérieur y est, il faut que l'extérieur l'exprime & le communique dans toute la société. Le genre humain jusqu'à Moïse, faisoit des offrandes & des sacrifices. Moïse en a institué dans l'église judaïque : la chrétienne en a reçu de J. C. Jusqu'au tems de Moïse, c'est-à-dire pendant tout le tems de la loi de nature, les hommes n'avoient pour se gouverner que la raison naturelle & les traditions de leurs ancêtres. On n'avoit point encore érigé de temple au vrai Dieu, le culte alors n'avoit point de forme fixe & déterminée ; chacun choisissoit les cérémonies qu'il croyoit les plus significatives pour exprimer au-dehors sa religion. Enfin le culte fut fixé par Moïse, & tous ceux qui voulurent avoir part aux faveurs plus marquées que Dieu répandoit sur le peuple juif, étoient obligés de le révérer & de s'y soumettre. Sur les débris de cette religion, qui n'étoit que l'ombre & l'ébauche d'une religion plus parfaite, s'est élevée la religion Chrétienne, au culte de laquelle tout homme est obligé de se soumettre, parce que c'est la seule véritable, qu'elle a été marquée au sceau de la Divinité, & que la réunion de tous les peuples dans ce culte uniforme, est fondée sur l'oeconomie des decrets de Dieu. Voyez l'article de la RELIGION CHRETIENNE.

RELIGION, se dit plus particulierement du système particulier de créance & de culte qui a lieu dans tel ou tel pays, dans telle ou telle secte, dans tel ou tel tems, &c.

Dans ce sens, on dit la religion romaine, la religion réformée, la religion des Grecs, celle des Turcs, des sauvages d'Amérique, des Siamois, &c.

Ceux-ci, dit le ministre Claude, soutiennent que la diversité des religions, c'est-à-dire les différentes manieres d'honorer Dieu lui sont agréables, parce que toutes ont le même objet, toutes tendent à la même fin, quoique par des moyens différens.

Principe faux, si Dieu a déclaré qu'il rejettoit tel ou tel culte, comme insuffisant ou imparfait, & qu'il en adoptoit tel ou tel autre, comme plus pur & plus raisonnable ; si d'ailleurs il a établi dans le monde quelqu'autorité visible qui dût avec pleine puissance, régler la maniere & les cérémonies du culte qu'il a approuvé ; or c'est ce qu'il a fait par la révélation & par l'établissement de son Eglise.

C'est donc à tort, que le même ministre prétend que le sentiment de ces idolâtres est beaucoup plus équitable, que celui de ces zélateurs qui croyent qu'il n'y a que leur culte qui soit agréable à Dieu ; & l'on sent que par ces zélateurs, il a voulu désigner les Catholiques. Car ceux-ci ne condamnent pas les autres cultes précisément par leurs propres lumieres, mais parce que Dieu les a rejettés, parce qu'ils ne sont pas conformes à celui qu'il a établi, & parce qu'enfin ils ne sont point autorisés par la puissance à qui il a confié l'interprétation de ses lois.

La religion d'une assez grande partie du monde, est celle dont on peut trouver une description exacte dans un des choeurs de la troade de Séneque, à la fin du second acte qui commence ainsi :

Verum est, an timidos fabula decipit ?

Umbras corporibus vivere conditis, &c.

C'est suivant Guy Patin, la religion des princes, des grands, des magistrats, & même de quelques médecins & philosophes, & il ajoute que le duc de Mayenne, chef de la ligue en France, avoit coutume de dire que les princes ne commençoient à avoir de la religion, qu'après avoir passé quarante ans, cum numina nobis mors instans majora facit. Patin, lettres choisies, Lettre 106. pensée fausse & démentie par l'expérience de tous les siecles.

RELIGION des Grecs & des Romains, (Théologie payenne) c'est la même religion ; la grecque est la mere, & la romaine est la fille. On se tromperoit si l'on regardoit Romulus comme le pere de la religion des Romains. Il l'avoit apportée d'Albe, & Albe l'avoit reçue des Grecs. Les critiques qui contestent la venue d'Enée en Italie, ne nient pas qu'avant même la guerre de Troie, les Arcadiens sous Oénotrus, les Palantiens sous Evandre, les Pélasges, ne soient venus avec leurs dieux en Italie. Ainsi sans recourir à Enée, la religion grecque se trouve à la naissance de Rome. Rémus & Romulus un peu avant que de poser la premiere pierre, célebrent les Lupercales selon la coutume d'Arcadie, & l'institution d'Evandre ; & lorsque la ville reçoit ses citoyens, Romulus commençant par le culte des dieux, consacre des temples, éleve des autels, établit des fêtes & des sacrifices, en prenant dans la religion grecque tout ce qu'il y a de mieux.

Il y a plus, les monumens l'attesterent long-tems à Rome & dans les autres villes d'Italie, témoin un autel érigé à Evandre sur le mont Aventin ; un autre à Carmenta sa mere près du capitole ; des sacrifices à Saturne selon le rit grec ; le temple de Junon à Fatères, modelé sur celui d'Argos, & le culte qui se ressembloit. Ces monumens & tant d'autres, que Dénis d'Halicarnasse avoit vûs en partie, lui font dire que Rome étoit une ville grecque.

On prétend communément, que Numa donna la religion à Rome ; c'est confondre les ornemens d'un édifice avec la construction. A peine la foule de particuliers qui se jetta dans cette capitale fut réduite en corps politique, que Romulus y ouvrit, si je puis parler ainsi, un asyle aux dieux comme aux hommes.

Il est vrai cependant que Numa donna de l'ordre & de l'étendue aux cérémonies, aux fêtes, aux sacrifices, & au mystere sacré. Sous le regne de ce prince, la religion prit une forme stable ; soit qu'appellé à la couronne par sa piété, il n'eût d'autre objet que l'honneur des dieux ; ou que prévenu des principes de Pythagore, il voulut donner à sa politique tous les dehors de la religion ; soit qu'élevé dans la doctrine des anciens Sabins, comme plus pure & plus austere, & non point dans celle de ce philosophe, que Tite-Live nous assure n'avoir paru que sous le regne de Servius Tullius, & encore aux extrêmités de l'Italie, il crut pouvoir ne rien faire de plus avantageux pour l'établissement de l'empire romain, que d'y introduire les rits de son pays, & d'adoucir par les principes & les impressions de la religion, un peuple sauvage & belliqueux, qui ne connoissoit presque d'autres lois que celles de la supériorité, ni d'autres vertus que la valeur. Numa forma donc beaucoup d'établissemens utiles en ce genre ; mais ni lui, ni ses successeurs, ne toucherent point aux institutions de la religion grecque fondée par Romulus.

La religion romaine étoit donc fille de la religion grecque. On n'est pas surpris qu'une fille ressemble à sa mere, comme on ne l'est pas qu'elle en differe en quelque chose. Mais quelle fut la différence de l'une à l'autre ? qu'est-ce que les Romains ajouterent à la religion grecque ? & qu'est-ce qu'ils en retrancherent ? C'est une recherche fort curieuse que je n'ai trouvé discutée que par M. l'abbé Coyer, dans une charmante dissertation dont nous allons donner le précis avec un peu d'étendue.

Ces additions & les retranchemens que les Romains firent à la religion grecque, peuvent, dit-il, se présenter sous quatre faces : 1°. Rome en adoptant la religion grecque, voulut des dieux plus respectables : 2°. des dogmes plus sensés : 3°. un merveilleux moins fanatique : 4°. un culte plus sage. Etablissons ces quatre points que M. l'abbé Coyer a si bien développés, & nous aurons le système & la différence des deux religions.

Nous écartons d'abord de notre point de vue la religion des philosophes grecs ou romains ; quelques-uns nioient l'existence des dieux, les autres doutoient ; les plus sages n'en adoroient qu'un. Tous les autres dieux n'étoient pour Platon, Séneque, & leurs semblables, que les attributs de la divinité. Toutes les fables qu'on en débitoit, tout le merveilleux dont on les chargeoit, tout le culte qu'on leur rendoit, les philosophes savoient ce qu'il falloit en penser. Mais le peuple, mais la religion publique prenoit les choses à la lettre ; & c'est la religion publique qui fait ici notre objet. Or je dis 1°. que les Romains en adoptant la religion grecque, voulurent des dieux plus respectables.

Quels furent les dieux de la Grece ? c'est dans Homere ; c'est dans Hésiode qu'il faut les chercher. Les Grecs n'avoient alors que des poëtes pour historiens & pour théologiens. Homere n'imagina pas les dieux, il les prit tels qu'il les trouva pour les mettre en action. L'Iliade en fut le théatre aussi-bien que l'Odyssée. Hésiode, si la théogonie est de lui, sans donner aux dieux autant d'action, en trace la généalogie d'un style simple & historique. Voilà les anciennes archives de la théogonie grecque, & voici les dieux qu'elles nous montrent. Des dieux corporels, des dieux foibles, des dieux vicieux, & des dieux inutiles.

Romulus en adopta une partie pour Rome, mais en rejettant les fables qui les deshonoroient, la corporalité en étoit une. Les dieux d'Homere & d'Hésiode, sans excepter les douze grands dieux que la Grece portoit en pompe dans ses fêtes solemnelles, naquirent comme les hommes naissent : Apollon de Jupiter, Jupiter de Saturne, & Saturne avoit Caelus pour pere. Rome les adoroit sans demander comment ils avoient pris naissance. Elle ne connoissoit ni la fÊCondité des déesses, ni l'enfance, ni l'adolescence, ni la maturité des dieux ; elle n'imaginoit pas ces piés argentés de Thétis, ces cheveux dorés d'Apollon, ces bras de Junon blancs comme la neige, ces beaux yeux de Vénus, ces festins, ce soleil dans l'Olympe. Les Grecs vouloient tout peindre ; les Romains se contentoient d'entrevoir dans un nuage respectable. Cotta prouve fort bien contre l'épicurien Velleius, que les dieux ne peuvent avoir de figure sensible ; & quand il disoit cela, il exposoit les sentimens de Rome dès sa naissance.

Romulus vantoit la puissance & la bonté des dieux, non leur figure ou leurs sensations ; il ne souffroit pas qu'on leur attribuât rien qui ne fût conforme à l'excellence de leur être ; Numa eut le même soin d'écarter de la nature divine toute idée de corps : Gardez-vous, dit-il, d'imaginer que les dieux puissent avoir la forme d'un homme ou d'une bête ; ils sont invisibles, incorruptibles, & ne peuvent s'appercevoir que par l'esprit. Aussi pendant les 160 premieres années de Rome, on ne vit ni statues, ni images dans les temples ; le palladium même n'étoit pas exposé aux regards publics.

La religion grecque, après avoir mis les dieux dans des corps, poussa l'erreur encore plus loin ; & de purs hommes elle en fit des dieux. Les Romains penserent-ils de même ? est-il permis de hasarder des conjectures ? S'ils l'avoient pensé n'auroient-ils pas divinisé Numa, Brutus, Camille & Scipion, ces hommes qui avoient tant ressemblé aux dieux ? S'ils mirent au rang de leurs dieux Castor, Pollux, Esculape, Hercule, ces héros que la Grece avoit divinisés ; ils se desabuserent, & ne regarderent plus ces héros que comme les amis des dieux.

Le Bacchus fils de Sémélé, que la Grece adoroit, n'étoit pas celui que les Romains avoient consacré, & qui n'avoit point de mere. Virgile nous montre dans l'élysée tous les héros de Rome ; il n'en fait pas des dieux. Homere voit les choses autrement ; l'ame d'Hercule ne s'y trouve pas, mais seulement son simulacre ; car pour lui, il est assis à la table des dieux, il est devenu dieu. Les publicains de Rome lui auroient disputé sa divinité, comme ils la disputerent à Trophonius & à Amphiaraüs ; ils ne sont pas dieux, dirent-ils, puisqu'ils ont été hommes ; & nous leverons le tribut sur les terres qu'il vous a plû de leur consacrer comme à des dieux. Objectera-t-on l'apothéose des empereurs romains ? Ce ne fut jamais qu'une basse flatterie que l'esclavage avoit introduite. Domitien dieu ! & Caton seroit resté homme ! Les Romains n'étoient pas si dupes. Ils vouloient des dieux de nature vraiment divine, des dieux dégagés de la matiere.

Ils les vouloient aussi sans foiblesse. Les Grecs disoient que Mars avoit gémi treize mois dans les fers d'Otus & d'Ephialte ; que Vénus avoit été blessée par Diomede, Junon par Hercule ; que Jupiter lui-même avoit tremblé sous la fureur des géans. La religion romaine ne citoit ni guerres ni blessures, ni chaînes ni esclavage pour les dieux. Aristophane à Rome n'auroit pas osé mettre sur la scene Mercure cherchant condition parmi les hommes, portier, cabaretier, homme d'affaires, intendant des jeux, pour se soustraire à la misere ; il n'y auroit pas mis cette ambassade ridicule, où les dieux députent Hercule vers les oiseaux, pour un traité d'accommodement ; la salle d'audience est une cuisine bien fournie, où l'ambassadeur demande à établir sa demeure.

Les Romains ne vouloient pas rire aux dépens de leurs dieux : si Plaute les fit rire dans son Amphitrion, c'étoit une fable étrangere qu'il leur présentoit, fable qu'on ne croyoit point à Rome, mais qu'Athenes adoptoit, lorsqu'Euripide & Archippus l'avoient traitée. Le Jupiter grec & le Jupiter romain, quoiqu'ils portassent le même nom, ne se ressembloient guere. Les dieux grecs étoient devenus pour Rome des dieux de théatre, parce que la crainte, l'espérance, les succès, les revers, les rendoient tout propres aux intrigues. Rome croyoit ses dieux au-dessus de la crainte, de la misere & de la foiblesse, suivant la doctrine de Numa. Elle ne connoissoit que des dieux forts.

Mais si elle rejettoit les dieux foibles, à plus forte raison les dieux vicieux. On n'entendoit pas dire à Rome comme dans la Grece, que Caelus eût été mutilé par ses enfans, que Saturne dévoroit les siens dans la crainte d'être détrôné, que Jupiter tenoit son pere enfermé dans le tartare. Ce Jupiter grec, comme le plus grand des dieux, étoit aussi le plus vicieux ; il s'étoit transformé en cygne, en taureau, en pluie d'or, pour séduire des femmes mortelles. Parmi les autres divinités, pas une qui ne se fût signalée par la licence, la jalousie, le parjure, la cruauté, la violence.

Si Homere, si Hésiode, eussent chanté à Rome les forfaits des dieux, en admirant leur génie, on les auroit peut-être lapidés. Pythagore, sous le regne de Servius Tullius, crioit à toute l'Italie, qu'il les avoit vû tourmentés dans les enfers, pour toutes les faussetés qu'ils avoient mises sur le compte des dieux. On prenoit alors la religion bien sérieusement à Rome. Les esprits étoient simples, les moeurs étoient pures ; on se souvenoit des institutions de Romulus, qui avoit accoutumé les citoyens à bien penser, à bien parler des immortels, à ne leur prêter aucune inclination indigne d'eux. On n'avoit pas oublié les maximes de Numa, dont la premiere étoit le respect pour les dieux. On refuse le respect à ce qu'on méprise.

On seroit tenté de croire qu'on cessa de bien penser des dieux, lorsque les lettres ayant passé en Italie, les poëtes mirent en oeuvre la théologie grecque. Elle n'étoit pour eux & pour les Romains, qu'un tissu de fables pour orner la Poësie. Ovide n'en imposa à personne par ses métamorphoses. Horace & Virgile en habillant les dieux à la grecque, ne détruisirent pas les anciennes traditions. La théologie romaine subsistoit dans son entier. Denys d'Halicarnasse, qui étoit témoin du fait, dit qu'il la préféroit à la théologie grecque, parce que celle-ci répandoit parmi le peuple le mépris des dieux, & l'imitation des crimes dont ils étoient coupables. Rome vouloit des dieux sages.

Elle se fit des dieux aussi-bien que la Grece, mais des dieux utiles. Palès fut invoquée pour les troupeaux, Vertumne & Pomone pour les fruits, les dieux Lares pour les maisons, le dieu Terme pour les bornes des possessions. L'Hébé grecque devint la déesse tutélaire de la jeunesse. Si les dieux nuptiaux dans les mariages, les Nixii dans les accouchemens, la déesse Horta dans les actions honnêtes, Strenna dans les actions de force ; si ces divinités, & tant d'autres inconnues aux Grecs, partagerent l'encens des Romains, ce fut à titre d'utilité. Il semble que dès les premiers tems, les Romains se conduisirent par cette maxime de Ciceron, qu'il est de la nature des dieux de faire du bien aux hommes.

C'est sur ce principe, qu'ils diviniserent la concorde, la paix, le salut, la liberté. Les vertus ne furent pas oubliées, la prudence, la piété, le courage, la foi, autant d'êtres moraux qui furent personnifiés, autant de temples ; & Cicéron trouve cela fort bien, parce qu'il faut, dit-il, que les hommes regardent les vertus comme des divinités qui habitent dans leurs ames. Les Grecs furent plus sobres dans cet ordre de divinités. Pausanias ne fait mention que d'un temple qu'ils éleverent à la miséricorde.

Mais on est peut-être surpris de voir les Romains sacrifier à la Peur, à la Fievre, à la Tempête, & aux dieux des enfers ; ils ne s'écartoient pourtant pas de leur systême. Ils invoquoient ces divinités nuisibles pour les empêcher de nuire. On ne finiroit pas si on vouloit faire le dénombrement de tous les dieux que Rome associa aux dieux de la Grece ; jamais aucune ville grecque ou barbare n'en eut tant. La Quartille de Pétrone s'en plaignoit en disant, qu'on y trouvoit plus facilement un dieu qu'un homme. La capitale du monde se regardoit comme le sanctuaire de tous les dieux. Mais malgré ce polythéisme si excessif, on lui doit cette justice, qu'elle écarta de la nature divine l'inutilité, le vice, la foiblesse, la corporalité. Des dieux utiles, des dieux sages, des dieux forts, des dieux dégagés de la matiere, furent des dieux plus respectables. Rome ne s'en tint pas là : les dogmes qu'elle adopta furent plus sensés. C'est ce que nous allons prouver.

Dans toute religion, les dogmes vraiment intéressans sont ceux qui tiennent aux moeurs, au bonheur ou au malheur. L'homme est libre sous l'action des dieux ? Sera-t-il heureux en quittant cette terre, & s'il est malheureux, le sera-t-il éternellement ? Voilà les questions qu'ont agité les hommes dans tous les tems, & qui les inquiéteront toujours, s'ils n'ont recours à la vraie religion.

Les Grecs étoient fatalistes, fatalistes de la plus mauvaise espece ; car selon eux, les dieux enchaînoient les événemens : ce n'est pas tout, ils poussoient les hommes au crime : écoutons Homere ; il a beau nous dire au commencement de l'Odyssée que les amis d'Ulysse doivent leur perte à leur propre folie, on lit cent autres endroits où le fatalisme se déclare ouvertement. C'est Vénus qui allume dans le coeur de Pâris & d'Hercule ce feu criminel qui fait tant de ravages ; le bon Priam console Hélene en imputant tout aux dieux. Ce sont des dieux ennemis qui sement la haine & la discorde entre Achille & Agamemnon, le sage Nestor n'en doute pas. C'est Minerve, qui de concert avec Junon, dirige la fleche perfide de Pandarus, pour rompre une treve solemnellement jurée. C'est Jupiter, qui après la prise de Troye, conduit la hache de Clytemnestre sur la tête d'Agamemnon. On ne sauroit tout dire.

Qu'on ouvre le poëme des Romains, Virgile ne met pas sur le compte des dieux, le crime de Pâris. Hélene aux yeux d'Enée n'est qu'une femme coupable qui mérite la mort. Les femmes criminelles que le héros troyen contemple dans le tartare, l'impie Salmonée, l'audacieux Tytie, l'insolent Ixion, le cruel Tantale, n'ont rien à reprocher aux dieux. Rhadamante les obligea eux-mêmes à confesser leurs forfaits. Ce n'étoit pas là le langage de Phédre, d'Astrée, d'Oreste, d'Oedipe, sur le théatre d'Athènes. On n'y entendoit qu'emportement contre les dieux auteurs des crimes. Si la scene romaine a copié ces blasphèmes, il ne faut pas les prendre pour les sentimens de Rome. Séneque & les autres tragiques faisoient précisément ce que nous faisons aujourd'hui. Phédre, Oedipe se plaignent aussi des dieux sur notre théatre ; & nous ne sommes pas fatalistes, mais ceux qui nous ont donné le ton, & aux Romains avant nous ; les Grecs parloient le langage de leur religion.

La religion romaine proposoit en tout l'intervention des dieux, mais en tout ce qui étoit bon & honnête. Les dieux ne forçoient pas le lâche à être brave, & encore moins le brave à être lâche ; c'est le précis de la harangue de Posthumius, sur le point de livrer bataille aux Tarquins : les dieux, dit-il, nous doivent leurs secours, parce que nous combattons pour la justice ; mais sachez qu'ils ne tendent la main qu'à ceux qui combattent vaillamment, & jamais aux lâches.

Le dogme de la fatalité ne passa d'Athènes à Rome qu'au tems de Scipion l'africain, Panaetius l'apporta de l'école stoïcienne ; mais ce ne fut qu'une opinion philosophique adoptée par les uns, combattue par les autres, sur-tout par Ciceron dans son livre de fato. La religion ne l'enseigna point ; & ceux qui l'embrasserent ne s'en servirent jamais pour enchaîner la volonté de l'homme. Epictete assurément ne croyoit pas que des dieux eussent forcé Néron à faire éventrer sa mere.

Il est étonnant que la religion grecque ayant attribué aux dieux la méchanceté des hommes, ait creusé le tartare pour y punir des vicieux sans crime. Il l'est peut-être encore plus, qu'elle les ait condamnés à des tourmens éternels. Tantale mourra toujours de soif au milieu des eaux : Sisyphe roulera éternellement son rocher ; jamais les vautours n'abandonneront les entrailles de Tytie. Ces profonds & ténébreux abîmes, ces cavernes affreuses de fer & d'airain, dont Jupiter menace les dieux mêmes, ne rendent pas leurs victimes. L'enfer des Romains laisse échapper les siennes : il ne retient que les scélérats du premier ordre, un Salmonée, un Ixion, qui se sont abandonnés à des crimes énormes ; lorsqu'Enée y descend, il en apprend les secrets. Toutes les ames, lui dit Anchise, ont contracté des souillures par leur commerce avec la matiere, il faut les purifier ; les unes suspendues au grand air sont le jouet des vents ; les autres plongées dans un lac, expient leurs fautes par l'eau ; celles-là par le feu ; ensuite on nous envoye dans l'élisée. Il en est qui retournent sur la terre en prenant d'autres corps : Enée qui ne connoît que les dogmes grecs, s'écrie : ô, mon pere, est-il possible que des ames sortent d'ici pour recevoir le jour ? Voyez, reprend Anchise, ce guerrier dont le casque est orné d'une double aigrette, c'est Romulus. Voilà Numa, contemplez Brutus, Camille, Scipion, tous ces héros paroîtront effectivement à la lumiere, pour porter la gloire de notre nom & celle de Rome aux extrêmités de la terre.

L'élisée des Grecs étoit encore plus mal imaginé que le tartare : toutes les ames qui viennent aux yeux d'Ulysse, la sage Anticlée, la belle Tyro, la vertueuse Antiope, l'incomparable Alcmene, toutes ont une contenance triste, toutes pleurent. Le brave Antiloque, le divin Ajax, le grand Agamemnon, poussent autant de soupirs qu'ils prononcent de paroles ; Achille lui-même répand des larmes ; Ulysse en est surpris : Quoi, vous le plus excellent des Grecs ! vous que nous regardions comme égal aux dieux ! n'avez-vous pas un grand empire ? n'êtes-vous pas heureux ? Que répond-il ? J'aimerois mieux labourer la terre, & servir le plus pauvre des vivans, que de commander aux morts. Quel séjour pour la félicité ! quel élisée ! qu'il est différent de ce lieu délicieux, où le héros troyen trouve son pere Anchise, & tous ceux qui ont aimé la vertu, ces jardins agréables, ces vallons verdoyans, ces bosquets enchantés, cet air toujours pur, ce ciel toujours serein, où l'on voit luire un autre soleil, & d'autres astres ! C'est ainsi que les Romains en corrigeant les dogmes grecs, les rendirent plus sensés.

C'est ainsi encore que le merveilleux qu'ils réformerent, fut moins fanatique : ce goût de réforme n'a rien de singulier dans une religion qui s'établit sur une autre. Toute religion a son merveilleux : celui de la Grece se montroit dans les songes, les oracles, les augures, & les prodiges. Rome connut peu ces songes mystérieux qui descendoient du trône de Jupiter pour éclairer les mortels ; Romulus n'eût pas comme Agamemnon livré un combat sur la foi d'un songe ; on n'auroit pas compté à Rome sur la mort du tyran de Phérès, parce qu'Eudème l'avoit RÊVé ; & le sénat n'auroit pas fait ce que fit l'Aréopage, lorsque Sophocle vint dire qu'il avoit vu en songe le voleur qui avoit enlevé la coupe d'or dans le temple d'Hercule ; l'accusé fut arrêté sur-le-champ, & appliqué à la question. Dans la Grece on se préparoit aux songes par des prieres & des sacrifices ; après quoi on s'endormoit sur les peaux des victimes pour les recevoir. C'est de-là que le temple de Podalirius tira sa célébrité, aussi-bien que celui d'Amphiaraüs, ce grand interprête des songes, à qui on déféra les honneurs divins.

Ces temples, ces victimes, ces ministres pour les songes, marquoient un point de religion bien décidé. Rome n'avoit pour eux aucun appareil de religion : ce bois sacré dont parle Virgile, où le roi Latinus alla RÊVer mystérieusement, en se couchant à côté du prêtre, n'avoit plus de réputation lorsque Rome fut bâtie. Si quelques songes y firent du bruit, & produisirent des événemens, on n'avoit pas été les chercher dans les temples ; ils étoient venus d'eux-mêmes, accompagnés de quelque circonstance frappante, sans quoi on n'en auroit pas tenu compte. Ce cultivateur qui se fit apporter mourant au sénat, en annonçant de la part de Jupiter qu'il falloit recommencer les jeux, n'auroit remporté que du mépris, s'il n'eût recouvré subitement la santé, en racontant sa vision. En un mot, les Romains ne donnoient dans les songes que comme toute autre nation qui s'en affecteroit peu, qui ne les nieroit pas absolument, mais qui ne croiroit que rarement, & toujours avec crainte de tomber dans le faux ; au lieu que les Grecs en faisoient un merveilleux essentiel à leur religion, un ressort à leur gouvernement. Ceux qui gouvernoient Sparte, couchoient dans le temple de Pasiphaé, pour être éclairés par les songes.

Le fanatisme des oracles fut encore plus grand dans la Grece ; les payens ont reconnu dans les oracles la voix des dieux ; plusieurs chrétiens l'oeuvre du démon ; les Philosophes & les politiques n'y ont vu que des fourberies des prêtres, ou tout au plus des vapeurs de la terre, qui agitoient une prêtresse sur son trépié, sans qu'elle en fût plus savante sur l'avenir. Quoi qu'il en soit, Claros, Delphes, Dodone, & tant d'autres temples à oracles, tournoient toutes les têtes de la Grece. Peuples, magistrats, généraux d'armée, rois, tous y cherchoient leur sort, & celui de l'état. Ce fanatisme fut très-petit à Rome ; la religion avoit presque sa consistance dès le tems de Numa : on ne lit rien dans ses institutions qui regarde les oracles. Le premier romain qui les consulta, fut Tarquin le superbe, en envoyant ses deux fils à Delphes, pour apprendre la cause & le remede d'une maladie terrible qui enlevoit la jeunesse. Voilà bien du tems écoulé depuis Romulus sans la religion des oracles : il s'en établit enfin quelques-uns en Italie ; mais leur fortune ne fut pas grande. On n'avoit pas ces colombes fatidiques, ces chênes parlans, ces bassins d'airain qui avoient aussi leur langage ; ni cette Pythie qu'un Dieu possédoit, ni ces antres mystérieux où l'on éprouvoit des entraînemens subits, des ravissemens, des communications avec le ciel. Disons mieux, on n'avoit pas les têtes grecques ; tant de fanatisme & d'enthousiasme n'étoit pas fait pour les imaginations romaines, qui étoient plus froides. Ce n'est pas qu'on ne se tournât quelquefois du côté des oracles. Auguste alla interroger celui de Delphes, & Germanicus celui de Claros : mais des oracles éloignés, & si rarement consultés, ne pouvoient guere établir leur crédit à Rome, & s'incorporer à la religion.

Je dis plus : le peu de succès des oracles du pays, avoit apparemment décrédité les autres : l'histoire les nomme, & se tait sur leur mérite ; ce silence ne marque pas une grande vogue. Ils étoient d'ailleurs en petit nombre ; celui de Pise, celui du Vatican, celui de Padoue ; c'est presque les avoir tous cités. On ne s'en seroit pas tenu à si peu, si on y avoit eu beaucoup de foi. La Grece en comptoit plus de cent, & tous en grande réputation ; ils gouvernoient : s'ils gagnerent quelques particuliers à Rome, ils ne gouvernerent jamais Rome : ce n'étoit pas-là sa folie ; elle la mettoit dans les divinations étrusques, & dans les livres sybillins.

Les divinations étrusques comprenoient les augures & les aruspices. Le collége des augures institué par Romulus, confirmé par Numa, fut révéré par les consuls qui succéderent aux rois ; l'augurat étoit donc un établissement en regle, une dignité, un pouvoir, qu'on ne pouvoit pas exercer sans être avoué de l'état ; au lieu que dans la Grece, un fanatique, un charlatan, s'érigeoit de lui-même en augure. A Rome on se formoit à la divination : ce fameux augure qui prouva sa science à Tarquin l'ancien, en coupant une pierre avec un rasoir ; Attius Navius s'étoit endoctriné sous un maître étrusque, le plus habile qui fût alors ; & dans la suite le sénat envoya des éleves en Etrurie comme à la source, éleves tirés des premieres familles. La Grece n'avoit point d'école de divination ; elle n'en avoit pas besoin, parce que l'esprit d'Apollon souffloit où il vouloit. Hélénus qui avoit toute autre chose à faire (il étoit fils d'un grand roi), s'en trouve tout-à-coup possédé ; le voilà augure.

A Rome, l'augurat n'étoit destiné qu'aux hommes, parce qu'il demandoit du travail, & une étude suivie : dans la Grece où l'inspiration faisoit tout, les femmes y étoient aussi propres que les hommes, & peut-être encore plus. Le nom de Cassandre est célebre ; & Ciceron demande, pourquoi cette princesse en fureur découvre l'avenir, tandis que Priam son pere, dans la tranquillité de sa raison, n'y voit rien. La divination des Grecs étoit donc une fureur divine, & celle des Romains une science froide, qui avoit ses regles & ses principes. La fausseté étoit sans doute égale de part & d'autre : mais je demande de quel côté le fanatisme se montre le plus. Il y a bien de l'apparence que l'enthousiasme augural des Grecs, n'auroit pas mieux réussi à Rome, que les oracles ; il falloit aux Romains, nation solide & sérieuse, un air de sagesse jusques dans leur folie.

Le fanatisme éclatoit encore plus dans les prodiges imaginaires que la Grece citoit, que dans ceux de Rome. Toute religion a ses prodiges : les peres ont toujours vu ; les enfans ne voyent rien ; mais ils sont persuadés comme s'ils avoient vu. Les premiers Grecs avoient vu les dieux voyager, habiter parmi eux. Tantale les avoit conviés à sa table : quantité de beautés grecques les avoient reçus dans leur lit. Laomédon s'étoit servi une année entiere de Neptune & d'Apollon pour bâtir les murs de Troie. Toute la Grece sous le regne d'Erecthée, avoit pu voir Cérès cherchant sa fille Proserpine, & enseignant aux hommes l'agriculture. Jamais les Romains n'avoient eu les yeux si perçans ; ils disoient que les dieux résidoient toujours dans l'olympe, & que delà, ils gouvernoient le monde sans se faire voir : espérons-nous, dit Ciceron, de rencontrer les dieux dans les rues, dans les places publiques, dans nos maisons ? S'ils ne se montrent pas, ils répandent partout leur puissance. Les pontifes n'avoient écrit qu'un petit nombre d'apparitions momentanées, comme celle qui étonna Posthumius dans le combat où il défit les Tarquins ; cette autre qui frappa Vatinius dans la voie salarienne, & celle de Sagra dans le combat des Locriens. Ceux qui les croyoient, les jugeoient très-rares ; au lieu que la Grece étoit semée de monumens qui attestoient le commerce fréquent, long, & visible des immortels avec les hommes.

Les yeux d'une nation voyent beaucoup moins quand les imaginations ne s'échauffent pas : celles des Grecs s'enflammerent encore sur les merveilles que les dieux opererent par les héros. Deucalion après un déluge jetta des pierres derriere lui ; & ces pierres se rechangerent en hommes pour repeupler la Grece. Hercule sépara deux montagnes, pour ouvrir un passage à l'Océan. Cadmus tua un dragon dont les dents semées dans la terre, produisirent une moisson de soldats. Atlas avoit soutenu le ciel ; un peuple impie fut changé en grenouilles, un autre en rocher.

Les fastes de la religion romaine, au lieu de ces sublimes extravagances, nous présentent des voix formées dans les airs, des colomnes de feu qui s'arrêtent sur des légions, des fleuves qui remontent à leur source, des simulacres qui suent, d'autres qui parlent, des spectres ambulans, des pluies de lait, de pierres, & de sang ; c'est ainsi que les dieux annonçoient aux Romains leur protection ou leur colere. Ces prodiges quoiqu'attestés par les histoires, confirmés par les traditions, consacrés par les monumens, enseignés par les pontifes, sont sans-doute aussi faux que les monstrueuses RÊVeries des Grecs ; mais il ne falloit pas tant de fanatisme pour les croire. Concluons qu'en tout, le merveilleux de la religion romaine fut moins fanatique. Il reste une derniere chose à prouver.

Son culte fut plus sage : il consistoit comme dans la Grece en fêtes, en jeux, & en sacrifices. Les fêtes grecques portoient une empreinte d'extravagance qui ne convenoit pas à la sagesse romaine : ce n'étoit pas seulement dans les sombres retraites des oracles ; c'étoit au grand jour, au milieu des processions publiques, qu'on voit des enthousiastes dont le regard farouche, les yeux étincelans, le visage enflammé, les cheveux hérissés, la bouche écumante, passoient pour des preuves certaines de l'esprit divin qui les agitoit ; & ce dieu ne manquoit pas de parler par leur bouche. On y voyoit de fameux corybantes, qui au bruit des tambours & des tymbales, dansant, tournant rapidement sur eux-mêmes, se faisoient de cruelles plaies pour honorer la mere des dieux. On y entendoit des gémissemens, des lamentations, des cris lugubres ; c'étoient des femmes désolées qui pleuroient l'enlevement de Proserpine, ou la mort d'Adonis.

La licence l'emportoit encore sur l'extravagance : qu'on se représente des hommes couverts de peaux de bêtes, un thyrse à la main, couronnés de pampres, échauffés par le vin, courant jour & nuit les villes, les montagnes & les forêts, avec des femmes deguisées de même, & encore plus forcenées : mille voix qui appelloient Bacchus, qu'on vouloit rendre propice par la débauche & la corruption. Croira-t-on qu'au milieu de cette pompe impure, on exposoit à la vénération publique des objets qu'on ne sauroit trop voiler ; ces phalles monstrueux, qu'ailleurs le libertinage n'auroit pas regardé sans rougir ? Et Vénus, comment l'honoroit-on ? Amathonte, Cythere, Paphos, Gnide, Idalie, noms célebres par l'obscénité : c'est-là que les filles & les femmes mariées se prostituoient publiquement à la face des autels : celle qui eût conservé un reste de pudeur, auroit mal honoré la déesse.

On célébroit à Rome les mêmes fêtes ; mais Denys d'Halicarnasse qui avoit vu les unes & les autres, nous assure que dans les fêtes romaines, quoique les moeurs fussent déja corrompues, il n'y avoit ni lamentations de femmes, ni enthousiasmes, ni fureurs corybantiques, ni prostitutions, ni bacchanales. Ces bacchanales s'étoient pourtant glissées à Rome sous le voile du secret & de la nuit : mais le sénat les bannit de la ville, & de toute l'Italie. Le discours du conseil dans l'assemblée du peuple est remarquable : " Vos peres vous ont appris, dit-il, à prier, à honorer des dieux sages, non des dieux qui ensorcellent les esprits par des superstitions étrangeres & abominables ; non des dieux qui avec le fouet des furies poussent leurs adorateurs à toutes sortes d'excès ". On vouloit que le culte portât un caractere de décence & d'honnêteté, contre la coutume des Grecs & des Barbares.

S'il falloit se relâcher en faveur des étrangers, on le faisoit avec précaution ; on leur permettoit d'honorer Cybèle avec les cérémonies phrygiennes ; mais il étoit défendu aux Romains de s'y mêler : & lorsque Rome célébroit cette fête, elle en écartoit toutes les indécences & les vaines superstitions.

Elle reprouvoit également ces assemblées clandestines, ces veilles nocturnes des deux sexes si usitées dans les temples de la Grece. Si elle autorisa les mysteres secrets de la bonne déesse, les matrones qui les célébroient n'y souffroient les regards d'aucun homme. L'attentat de Clodius fit horreur. Ces mysteres si anciens, dit Ciceron, qui se célebrent par des mains pures pour la prospérité du peuple romain, ces mysteres consacrés à une déesse dont les hommes ne doivent pas même savoir le nom, ces mysteres enfin dont l'impudence la plus outrée n'osa jamais approcher, Clodius les a violés par sa présence. S'ils devinrent suspects dans la suite, ils ne l'étoient pas alors & encore moins dans leur institution. De tout cela il résulte que les fêtes romaines étoient plus sages que les fêtes grecques.

Les jeux entroient dans les fêtes, ils tenoient à la religion ; tels furent dans la Grece les jeux olympiques, les pithiques, les isthmiques, les néméens ; & à Rome les capitolins, les megalenses, les apollinaires, & nombre d'autres tous dédiés à quelque divinité : ce n'étoit donc pas des jeux de pur amusement. La lutte, le pugilat, le pancrace, la course à pié, tout cela se faisoit pour honorer les dieux, & pour le salut du peuple. Ce fut une partie du culte ; mais il paroît que les Grecs les profanerent beaucoup plus que les Romains. Leurs athletes combattirent & coururent nuds jusqu'à la quinzieme olympiade. Pausanias nous dit que la prêtresse de Cerès avoit une place honorable aux grands jeux, & que l'entrée n'en étoit pas même interdite aux vierges. Quelle apparence en effet qu'on eût voulu exclure la moitié d'une nation de jeux publics approuvés par les dieux ? Ce que la religion consacre est ordinairement commun à tous, & paroît toujours bien.

La pudeur réforma chez les Romains les lupercales, qu'on célébroit en l'honneur du dieu Pan. Evandre les avoit apportées de la Grece avec toute leur indécence : des bergers nuds couroient lascivement çà & là, en frappant les spectateurs de leurs fouets. Romulus habilla ses luperques ; les peaux des victimes immolées leur formoient des ceintures. Enfin le peuple romain paroît n'avoir franchi les bornes de la pudeur que dans les jeux floraux : encore en montra-t-il un reste lorsque, sous les yeux de Caton, il n'osa pas demander la nudité des mimes, & Caton se retira pour ne pas troubler la fête.

Les sacrifices faisoient la partie la plus essentielle du culte religieux des Grecs & des Romains. Ce ne fut pas une chose indifférente lorsque les hommes s'aviserent d'égorger des animaux pour honorer la divinité, au-lieu d'offrir simplement les fruits de la terre. Le sang des taureaux fit penser à plus d'un peuple que le sang des hommes seroit encore plus agréable aux dieux. Si cette idée n'avoit saisi que des barbares, nous en serions moins surpris ; les Grecs, dont les moeurs étoient si douces, s'y laisserent entraîner. Calchas, si nous en croyons Eschyle, Sophocle & Lucrece, sacrifia Iphigénie en Aulide. Homere n'en convient pas, puisque qu'Agamemnon l'offre en mariage à Achille dix ans après. Mais la coutume impie perça à-travers cette différence de sentimens ; & l'histoire nous fournit d'ailleurs des faits qui ne sont pas douteux. Lycaon, roi d'Arcadie, immola un enfant à Jupiter Lycien, & lui en offrit le sang. Le nom de Callirhoë est connu : le bras étoit levé, elle expiroit, si l'amoureux sacrificateur, en s'appliquant l'oracle, ne se fût immolé pour elle. Aristodeme enfonça lui-même le couteau sacré dans le coeur de sa fille, pour sauver Messene. Et ce n'est point là de ces fureurs passageres que les siecles ne montrent que rarement. L'Achaïe voyoit couler tous les ans le sang d'un jeune garçon & d'une vierge, pour expier le crime de Menalippus & de Cometho, qui avoient violé le temple de Diane par leurs amours.

Je sais que Lycurgue & d'autres législateurs abolirent ces sacrifices barbares. Rome n'eut pas la peine de les proscrire, elle n'en offrit jamais. Dire que les Grecs étoient encore bien nouveaux & peu policés lorsqu'ils donnerent dans ces excès de religion, ce n'est pas les justifier : quoi de plus dur & de plus féroce que les Romains sous Romulus ? cependant aucune victime humaine ne souilla leurs autels, & la suite de leur histoire n'en fournit point d'exemple : au contraire ils en marquerent une horreur bien décidée, lorsque dans un traité de paix ils exigerent des Carthaginois qu'ils ne sacrifieroient plus leurs enfans à Saturne, selon la coutume qu'ils en avoient reçue des Phéniciens leurs ancêtres.

Néanmoins Lactance & Prudence au iv. siecle, viennent nous dire qu'ils ont vu de ces détestables sacrifices dans l'empire romain. Si c'eût été là une continuation des anciens, Tite-Live, Denys d'Halicarnasse, cet auteur fidele & curieux, qui nous a fait connoître à fond les Romains, enfin tous les autres historiens nous en auroient montré quelque vestige. Mais quand il y auroit eu de ces horribles sacrifices au iv. siecle, il ne seroit pas étonnant que dans une religion qui périssoit avec Rome, on eût introduit des pratiques monstrueuses.

Assurément les dévouemens religieux qui se faisoient pour la patrie, ne sont pas du nombre des sacrifices qu'on peut reprocher aux Romains. Un guerrier animé d'un pareil motif, un consul même, après certaines cérémonies, des prieres & des imprécations contre l'ennemi, se jettoit, tête baissée, dans le fort de la mêlée ; & s'il n'y succomboit pas, c'étoit un malheur qu'il falloit expier. Ainsi périrent trois Décius, tous trois consuls ; ce furent-là des sacrifices volontaires que Rome admiroit, & néanmoins qu'elle n'ordonnoit pas. Si elle enterra quatre ou cinq vestales vivantes dans le cours de sept ou huit siecles, c'étoient des coupables qu'on punissoit, suivant les lois rigoureuses, pour avoir violé leurs engagemens religieux. Rome pensa toujours que le sang des brebis, des boucs & des taureaux suffisoit aux dieux, & que celui des Romains ne devoit se verser que sur un champ de bataille, ou pour venger les lois.

C'est ainsi que Rome, en adoptant la religion grecque, en réforma le culte, le merveilleux, les dogmes & les dieux-mêmes. (D.J.)

RELIGION CHRETIENNE, voyez CHRISTIANISME.

J'ajoute seulement que la religion est le lien qui attache l'homme à Dieu, & à l'observation de ses lois, par les sentimens de respect, de soumission & de crainte qu'excitent dans notre esprit les perfections de l'Etre suprême, & la dépendance où nous sommes de lui, comme de notre créateur tout sage & tout bon. La religion chrétienne a en particulier pour objet la félicité d'une autre vie, & fait notre bonheur dans celle-ci. Elle donne à la vertu les plus douces espérances, au vice impénitent de justes allarmes, & au vrai repentir les plus puissantes consolations ; mais elle tâche sur-tout d'inspirer aux hommes de l'amour, de la douceur, & de la pitié pour les hommes. (D.J.)

RELIGION, (Théolog.) s'applique aussi à un ordre militaire composé de chevaliers qui vivent sous quelque regle certaine. Voy. CHEVALIER, MILITAIRE & ORDRE.

On dit en ce sens la religion de Malthe ; les galeres & les vaisseaux, l'étendard de la religion, pour l'ordre de Malthe ; les galeres, les vaisseaux, l'étendard de l'ordre de Malthe. Voyez MALTHE.

RELIGION se prend aussi quelquefois pour couvent ou pour ordre monastique. Ainsi l'on dit, il y a des religions d'hommes, c'est-à-dire des moines : des religions de femmes, c'est-à-dire des couvens de religieuses. Il s'établit tous les jours de nouvelles religions, c'est-à-dire qu'on institue de nouveaux ordres, ou qu'on bâtit de nouveaux monasteres. Entrer en religion, c'est faire profession dans un couvent. On dit d'un religieux qu'il est mort à l'âge de 70 ans, après 50 ans de religion, c'est-à-dire 50 ans après son entrée dans le cloître. Voyez MOINE, MONASTERE, RELIGIEUX, CLOITRE.

Le mot de religion pris d'une maniere absolue, dénote en France la religion prétendue réformée. C'est en ce sens qu'on dit : Tanneguy le Fevre & d'Ablancourt étoient de la religion ; M. Pelisson & M. Dacier avoient été de la religion. Voyez CALVINISTE, HUGUENOT.


RELIGIONNAIRES. m. (Gram.) qui professe la religion réformée. Voyez l'article PROTESTANT.


RELIMERv. act. (Gram.) limer pour la seconde fois. Voyez les articles LIME & LIMER. Il se dit au simple & au figuré. Il faut relimer cette piece de fer ; il faut relimer le stile de ce discours.


RELIQUA(Jurisprud.) terme latin qui a été adopté dans le langage du palais, pour exprimer ce qui reste dû par la cloture & arrêté d'un compte, toute déduction faite de la dépense & des reprises.

Suivant l'article 1. du titre 29. de l'ordonnance de 1667 de la reddition des comptes, tous tuteurs, protuteurs, curateurs, fermiers judiciaires, sequestres, gardiens, & autres qui ont administré le bien d'autrui, sont réputés comptables, encore que leur compte soit clos & arrêté, jusqu'à ce qu'ils aient payé le reliquat, s'il en est dû, & remis toutes les piéces justificatives. Voyez ADMINISTRATEUR, COMPTE, COMMUNAUTE, CURATELLE, TUTELE. (A)


RELIQUAIRES. m. (Hist. ecclés.) vase d'or, d'argent ou d'autre matiere propre & ornée, dans lequel on garde les reliques des saints. Voyez CHASSE & RELIQUES.


RELIQUATRELIQUAT


RELIQUATAIRES. m. (Jurisprud.) est celui qui se trouve redevable d'un reliquat de compte. Voyez ci-devant RELIQUAT.


RELIQUES. f. (Hist. ecclés. & prof.) ce mot tiré du latin reliquiae, indique que c'est ce qui nous reste d'un saint ; os, cendres, vêtemens, & qu'on garde respectueusement pour honorer sa mémoire ; cependant si l'on faisoit la revision des reliques avec une exactitude un peu rigoureuse, dit un savant bénédictin, il se trouveroit qu'on a proposé à la piété des fideles un grand nombre de fausses reliques à révérer, & qu'on a consacré des ossemens, qui loin d'être d'un bienheureux, n'étoient peut-être pas même d'un chrétien.

On pensa, dans le iv. siecle, d'avoir des reliques des martyrs, sous les autels dans toutes les églises. On imagina bien-tôt cette pratique comme si essentielle, que S. Ambroise, malgré les instances du peuple, ne voulut pas consacrer une église, parce, disoit-il, qu'il n'y avoit point de reliques. Une opinion si ridicule prit néanmoins tant de faveur, que le concile de Constantinople in Trullo, ordonna de démolir tous les autels sous lesquels il ne se trouveroit point de reliques.

L'origine de cette coutume, c'est que les fideles s'assembloient souvent dans les cimetieres où reposoient les corps des martyrs ; le jour anniversaire de leur mort, on y faisoit le service divin, on y célébroit l'Eucharistie. L'opinion de l'intercession des saints, les miracles attribués à leurs reliques, favoriserent les translations de leurs corps dans les temples ; enfin le passage figuré de l'Apocalypse, ch. vj. v. 9. " Je vis sous les autels les ames de ceux qui avoient été tués pour la parole de Dieu ", autorisa l'usage d'avoir toujours des reliques sous l'autel. Scaliger a prouvé tous ces faits dans son ouvrage sur la chronique d'Eusebe.

Avant que d'aller plus loin, considérons un moment l'importance qu'il y a d'arrêter de bonne heure des pratiques humaines qui se rapportent à la religion, quelqu'innocentes qu'elles paroissent dans leur source. Les reliques sont venues d'une coutume qui pouvoit avoir son bon usage réduit à ses justes bornes. On voulut honorer la mémoire des martyrs, & pour cet effet l'on conserva autant qu'il étoit possible, ce qui restoit de leurs corps ; on célébra le jour de leur mort, qu'on appelloit leur jour natal, & l'on s'assembla dans les lieux où ces pieux restes étoient enterrés. C'est tout l'honneur qu'on leur rendit pendant les trois premiers siecles : on ne pensoit point alors qu'avec le tems les Chrétiens dussent faire des cendres des os des martyrs l'objet d'un culte religieux ; leur élever des temples ; mettre ces reliques sur l'autel ; séparer les restes d'un seul corps ; les transporter d'un lieu dans un autre ; en prendre l'un un morceau, l'autre un autre morceau ; les montrer dans des châsses ; & finalement en faire un trafic qui excita l'avarice à remplir le monde de reliques supposées. Cependant dès le iv. siecle, l'abus se glissa si ouvertement, & avec tant d'étendue, qu'il produisit toutes sortes de mauvais effets.

Vigilance fut scandalisé avec raison du culte superstitieux que le vulgaire rendoit aux reliques des martyrs. " Quelle nécessité, dit-il, d'honorer si fort ce je ne sais quoi, ce je ne sais quelles cendres qu'on porte de tous côtés dans un petit vase ? Pourquoi adorer, en la baisant, une poudre mise dans un linge ? " Nous voyons par-là la coutume du paganisme presque introduite, sous prétexte de religion. Vigilance appelle les reliques qu'on adoroit, un je ne sais quoi, un je ne sais quelles cendres, pour donner à entendre que l'on faisoit déja passer de fausses reliques pour les cendres des martyrs ; & qu'ainsi ceux qui adoroient les reliques, couroient risque d'adorer toute autre chose que ce qu'ils s'imaginoient. Ces fraudes, dirai-je, pieuses ou impies, si multipliées dans les siecles suivans, étoient déja communes.

S. Jérôme nous en fournit lui-même un exemple remarquable, qui suffiroit pour justifier Vigilance, qu'il a si maltraité à ce sujet. Peut-on croire, sans un aveuglement étrange, que plus de quatorze cent ans après la mort de Samuel, & après tant de révolutions arrivées dans la Palestine, on sût encore où étoit le tombeau de ce prophete, enseveli à Rama ? Samuel, xxvj. Cependant on nous dit que l'empereur Arcadius fit transporter de Judée à Constantinople, les os de Samuel, que des évêques portoient environnés d'une étoffe de soie, dans un vase d'or, suivis d'un cortege de peuple de toutes les églises, qui ravis de joie, comme s'ils voyoient le prophete plein de vie, allerent au-devant de ses reliques, & les accompagnerent depuis la Palestine jusqu'à Chalcédoine, en chantant les louanges de Jesus-Christ. Il n'en faut pas davantage pour montrer jusqu'où la fourberie & la crédulité avoient déja été portées, & combien Vigilance avoit raison de dire, qu'en adorant les reliques, on adoroit je ne sais quoi. Cette raison seule devoit bien réprimer l'empressement de ceux qui couroient après les reliques, dans la crainte d'être les dupes de l'avarice des ecclésiastiques, qui userent de ce moyen pour s'attirer des offrandes. Vigilance vouloit donc qu'on fît un juste discernement des vraies reliques d'avec les fausses ; & qu'à l'égard même des vraies, on modérât les honneurs qu'on leur rendoit.

On eût très-bien fait sans-doute de suivre le conseil de Vigilance, au sujet des reliques ; car il arriva que la superstition fut soutenue & encouragée par l'intérêt. Le peuple est superstitieux, & c'est par la superstition qu'on l'enchaîne. Les miracles forgés au sujet des reliques, devinrent un aimant qui attiroit de toutes parts des richesses dans les églises où se faisoient ces miracles. Si S. Jérome se fût bien conduit, il se seroit opposé vigoureusement à une superstition qui n'étoit déja que trop difficile à déraciner ; il auroit au moins su bon gré à Vigilance de sa résolution courageuse ; & loin de le rendre l'objet de la haine publique, il auroit dû seconder ses efforts.

En effet, dès l'année 386, l'empereur Théodose le grand fut obligé de faire une loi, par laquelle il défendoit de transporter d'un lieu dans un autre, les corps ensevelis, de séparer les reliques de chaque martyr, & d'en trafiquer. Quinze ans après, le 5e. concile de Carthage ordonna aux évêques de faire abattre les autels qu'on voyoit élever par-tout dans les champs & sur les grands chemins, en l'honneur des martyrs, dont on enterroit ça & là de fausses reliques, sur des songes & de vaines révélations de toutes sortes de gens.

S. Augustin reconnoit lui-même les impostures que faisoient en ce genre quantité de moines, & les faux miracles qu'ils débitoient. Le concile de Carthage dont nous venons de parler, craignoit les tumultes, parce que cette superstition s'étoit emparée de l'esprit du peuple. Les évêques usoient de connivence ; & l'auteur de la cité de Dieu déclare naïvement qu'il n'ose parler librement sur plusieurs semblables abus, pour ne pas donner occasion de scandale à des personnes pieuses, ou à des brouillons. L'amour des reliques étoit venu au point qu'on ne vouloit point d'églises ni d'autels sans reliques : il falloit donc bien en trouver à quelque prix que ce fût, desorte qu'au défaut des véritables, on en forgea de fausses.

Voilà quelle fut l'occasion de tant de sortes d'impostures, dit M. l'abbé Fleuri, 3. discours ; car pour s'assurer des vraies reliques, il eût fallu les suivre exactement depuis leur origine, & connoître toutes les mains par lesquelles elles avoient passé ; or après plusieurs siecles il fut bien aisé d'en imposer non-seulement au peuple, mais aux évêques devenus moins éclairés & moins attentifs ; & depuis qu'on eut établi la regle de ne point consacrer d'églises ni d'autels sans reliques, la nécessité d'en avoir fut une grande tentation de ne les pas examiner de si près. L'intérêt d'attirer des offrandes fut encore une nouvelle tentation plus difficile à vaincre.

Après cela, il ne faut pas s'étonner du mérite qu'acquirent les reliques dans l'esprit des peuples & des rois. Nous lisons que les sermens les plus ordinaires des anciens françois se faisoient sur les reliques des saints. C'est ainsi que les rois Gontran, Sigebert & Chilpéric partagerent les états de Clotaire, & convinrent de jouir de Paris en commun. Ils en firent le serment sur les reliques de S. Polieucte, de S. Hilaire & de S. Martin. Cependant Chilpéric se jetta dans la place, & prit seulement la précaution d'avoir la châsse de quantité de reliques, qu'il fit porter comme une sauve-garde à la tête de ses troupes, dans l'espérance que la protection de ces nouveaux patrons le mettroit à l'abri des peines dûes à son parjure ; sur quoi il est bon d'observer que nos rois de la premiere & de la seconde race gardoient dans leur palais un grand nombre de reliques, surtout la chape & le manteau de S. Martin, & qu'ils les faisoient porter à leur suite, & jusque dans les armées. On envoyoit les reliques du palais dans les provinces, lorsqu'il étoit question de prêter serment de fidélité au roi, ou de conclure quelque traité.

Je ne me propose pas de donner au lecteur un recueil des excès où la superstition & l'imposture ont été portées dans les siecles suivans en matiere de reliques ; mais je ne crois pas devoir lui laisser ignorer ce que raconte Grégoire de Tours, hist. l. IX. c. vj. que dans la châsse d'un saint, on trouva des racines, des dents de taupe, des os de rats, & des ongles de renard.

A propos de Tours, Hospinien remarque que dans cette ville on adoroit avec beaucoup de superstition une croix d'argent ornée de quantité de pierres précieuses, entre lesquelles il y avoit une agate gravée qui étant portée à Orléans, & examinée par les curieux, se trouva réprésenter Vénus pleurant Adonis mourant.

Cette anecdote me fait souvenir d'une agate dont parle le P. Montfaucon (antiq. expliquée, supplément. tom. I. liv. 2, c. iij.), & qui est présentement dans le cabinet du roi. On y voit aux deux côtés d'un arbre, Jupiter & Minerve ; ce qui passoit pour l'image du paradis terrestre & du péché d'Adam, dans une des plus anciennes églises de France, d'où elle a été ôtée depuis près de cent ans, après y avoir été gardée pendant plusieurs siecles. Dans ces tems de simplicité, ajoute le docte bénédictin, on n'y regardoit pas de si près. La grande agate de la Ste. Chapelle, qui représente l'apothéose d'Auguste, a passé pendant plusieurs siecles, pour l'histoire de Joseph, fils de Jacob. Une onyce qui représente les têtes de Germanicus & d'Agrippine.... a été honorée pendant 600 ans, comme la bague que S. Joseph donna à la Ste. Vierge, quand ils se marierent. On la baisoit en cette qualité tous les ans, dans certains jours de l'année ; cela dura jusqu'à ce qu'on s'apperçut sur la fin du dernier siecle, qu'une inscription grecque, en caracteres fort menus, appelloit Germanicus Alphée, & Agrippine Aréthuse.

Ceux qui voudront des exemples en plus grand nombre sur les erreurs en matiere de reliques, peuvent consulter Chemnitius, examen concil. trident. Hospinien, de origine templorum, & en particulier un mémoire inséré dans la Biblioth. Histor. philolog. théolog. de M. de Hare, class. vij. fascic. vj. art. 4, sous ce titre : Jo. Jacob. Rambachii observatio, de ignorantiâ exegeticâ multarum reliquiarum sacrarum, matre & obstetrice.

Strabon observe qu'il étoit hors de vraisemblance qu'il y eût plusieurs vrais simulacres apportés de Troye ; on se vante, dit-il, à Rome, à Lavinium, à Lucérie, à Séris, d'avoir la Minerve des Troyens. Strabon pense solidement ; car dès qu'on voit plusieurs villes se glorifier de la possession d'une même relique, ou de la même image miraculeuse, c'est une très-forte présomption que toutes s'en vantent à faux, & que le même artifice, le même intérêt, les porte toutes à débiter leurs traditions.

M. de Maroles, abbé de Villeloin, a renouvellé cette remarque dans ses mémoires, pag. 132. ann. 1641.

" Comme, dit-il, on montroit à Amiens, à la princesse Marie de Gonzague, la tête de S. Jean-Baptiste, que le peuple y révere pour l'une des plus considérables reliques du monde, son altesse, après l'avoir baisée, me dit que j'approchasse, & que j'en fisse autant ; je considérai le reliquaire & ce qu'il renfermoit ; ensuite me comportant comme tous les autres, je me contentai de dire avec toute la douceur dont j'étois capable, que c'étoit la cinq ou sixieme tête de S. Jean-Baptiste que j'avois eu l'honneur de baiser ; ce discours surprit un peu son altesse, & fit naître un petit souris sur son visage ; mais il n'y parut pas. Le sacristain ou le trésorier, ayant aussi entendu mon propos, répliqua qu'il ne pouvoit nier qu'on ne fît mention de beaucoup d'autres têtes de S. Jean-Baptiste (car il avoit peut-être oüi dire qu'il y en avoit à S. Jean de Lyon, à S. Jean de Maurienne, à S. Jean d'Angely en Saintonge, à Rome, en Espagne, en Allemagne, & en plusieurs autres lieux) ; mais il ajouta que celle-là étoit la bonne ; & pour preuve de ce qu'il assuroit, il demanda qu'on prît garde au trou qui paroissoit au crâne de la relique audessus de l'oeil droit ; & que c'étoit celui-là même que fit Hérodias avec son couteau, quand la tête lui fut présentée dans un plat. Il me semble, lui répondis-je, que l'évangile n'a rien observé d'une particularité de cette nature ; mais comme je le vis ému pour soutenir le contraire, je lui cédai avec toute sorte de respect. Et sans examiner la chose plus avant, ni lui rapporter une autorité de S. Grégoire de Nazianze, qui dit que tous les ossemens de S. Jean-Baptiste furent brûlés de son tems par les Donatistes dans la ville de Sébaste, & qu'il n'en resta qu'une partie du chef qui fut portée à Alexandrie ; je me contentai de lui dire que la tradition d'une église aussi vénérable que celle d'Amiens, suffisoit pour autoriser une créance de cette espece, bien qu'elle n'eût que quatre cent ans, & que ce ne fût pas un article de foi. Cependant nous nous munîmes de force représentations de ce saint reliquaire ; & le bon ecclésiastique resta très-satisfait. "

L'auteur des nouvelles de la république des lettres parlant d'un livre qui traitoit du S. Suaire, rapporte ces paroles de Charles Patin : " je suis fâché de voir trop souvent le portrait de la Vierge peint par S. Luc ; car il n'est pas vraisemblable que S. Luc ait tant de fois peint la mere de notre Sauveur ".

C'en est assez sur la folle crédulité des hommes, & sur les erreurs qui n'ont fait que se multiplier dans la vénération des reliques. Je ne suis point curieux d'examiner la question, si leur origine est payenne, ce dont S. Cyrille, lib. X. p. 336, est convenu dans sa réponse à l'empereur Julien, qui le premier a reproché aux Chrétiens le culte des morts & de leurs reliques. Je reconnois avec plus de plaisir que les lumieres du dernier siecle ont mis un grand frein à la superstition qui s'étoit si fort étendue sur les fraudes pieuses à cet égard ; mais en même tems il faut avouer qu'il n'en reste encore que trop de traces dans plusieurs lieux de la chrétienté ; c'est sans-doute ce qui a engagé d'habiles gens de la communion romaine à s'élever courageusement contre les fausses reliques. M. Thiers, que je ne dois pas oublier de nommer, a discuté dans ses écrits, l'état des lieux où peuvent être les corps des martyrs ; il a publié en particulier des dissertations contre la Ste. Larme de Vendôme, & les reliques de S. Firmin. le P. Mabillon a cru devoir aussi donner des conseils sur le discernement des reliques ; il me semble qu'on auroit dû les écouter ; mais le chancelier de France ne fut pas de cet avis ; il fit supprimer par arrêt du conseil, l'ouvrage de M. Thiers sur S. Firmin ; & l'ordre de S. Benoît condamna le P. Mabillon. On sait le bon mot qu'un sous-prieur de S. Antoine dit alors sur ces deux condamnations. Moribus antiquis, &c.

Cependant je ne crois point aujourd'hui d'être blâmé, pour avoir considéré avec M. l'abbé Fleury, sans satyre & sans irreligion, " les abus que l'ignorance & les passions humaines ont produit dans la vénération des reliques, non-seulement en se trompant dans le fait, & honorant comme reliques ce qui ne l'étoit pas, mais en s'appuyant trop sur les vraies reliques, & les regardant comme des moyens infaillibles d'attirer sur les particuliers & sur les villes, toutes sortes de bénédictions temporelles & spirituelles. Quand nous aurions, continue cet illustre historien, les saints même vivans & conversans avec nous, leur présence ne nous seroit pas plus avantageuse que celle de Jesus-Christ, comme il le déclare expressément dans l'évangile, Luc xiij. 26. Vous direz au pere de famille, nous avons bu & mangé avec vous, & vous avez enseigné dans nos places ; & il vous répondra, je ne sais qui vous êtes ". Tom. I. disc. ecclésiast. (D.J.)


RELIQUIAE(Antiq. rom.) ce mot qu'on trouve dans Suétone, dans Pline le jeune, & autres anciens auteurs latins, désigne les os, les cendres des morts, leurs reliques, ce qui nous reste d'eux après avoir été brûlés ; les anciens conservoient religieusement ces restes dans des urnes, qu'ils enfermoient ensuite dans des tombeaux. (D.J.)


RELIREv. act. (Gram.) lire pour une seconde fois. Relisez souvent vos ouvrages. Il faut relire souvent les anciens.


RELOCATIONS. f. (Jurisprud.) signifie en général l'acte par lequel on reloue une chose à quelqu'un.

Ce terme de relocation peut s'appliquer en plusieurs cas ; savoir,

1°. Lorsque le propriétaire d'une chose la loue de nouveau à celui auquel il l'avoit déja louée.

2°. Lorsqu'un principal locataire reloue à d'autres, c'est-à-dire sous-loue ce qu'il tient lui-même à loyer.

3°. Le sens le plus ordinaire dans lequel on prend le terme de relocation, c'est en matiere de contrats pignoratifs mêlés de vente, dont la relocation ou reconduction est le principal caractere. Le débiteur vend à son créancier un héritage pour l'argent qu'il lui doit, avec faculté perpétuelle de rachat ; & cependant, pour ne point déposseder le vendeur, l'acheteur lui fait une relocation de ce même héritage moyennant tant de loyer par an, lequel loyer tient lieu au créancier des intérêts de son principal, c'est ce que l'on appelle relocation ou reconduction.

Lorsque la faculté de rachat, stipulée par un tel contrat, est fixée à un certain tems, à l'expiration du terme on ne manque pas de la proroger, ainsi que la relocation. Voyez Brodeau sur M. Louet, let. P. n. 10. & 11. & les mots ANTICHRESE, CONTRAT PIGNORATIF, ENGAGEMENT, LOCATION, LOUAGE, RECONDUCTION. (A)


RELOGERv. n. (Gramm.) c'est retourner au même logis. Voyez les articles LOGER, LOGIS.


RELOUAGES. m. (Pêche de hareng) c'est le tems que ce poisson fraye, ce qui arrive vers Noël. Le hareng dans cette saison est de très-mauvaise qualité ; & c'est pour cela que les Anglois en défendent la pêche ; outre qu'elle dépeuple la mer de ces poissons, qui ne peuvent multiplier étant pris dans le tems que la nature a marqué pour leur génération. Les François n'ont pas cette précaution, & font presque toute cette pêche, qui est si abondante à la hauteur du Havre-de-Grace, qu'il y a des années que dans les ports de cette côte, on en donne jusqu'à trente-deux pour dix-huit deniers. Il n'y a guere pourtant que les pauvres qui en mangent dans ce tems-là. Diction. de com. (D.J.)


RELOUERv. act. (Gramm.) c'est louer une seconde fois. On reloue sa maison. On reloue un livre. Voyez les articles LOUER & LOUAGE, & les articles LOUER & LOUANGE.


RELUIREv. n. (Gram.) c'est avoir de l'éclat, briller, réfléchir la lumiere. Tous les corps polis reluisent plus ou moins. Il se dit au simple & au figuré. Tout ce qui reluit n'est pas or. Sa modestie ne peut dérober aux yeux l'éclat de ses vertus, elles reluisent malgré lui.


RELUSTRERv. act. (Gramm.) c'est rendre le lustre. Voyez les articles LUSTRE & LUSTRER.


REM-HORMOUS(Géog. mod.) ville de Perse, que Tavernier met à 74d. 45'. de longitude, & à 31d. 45'. de latitude. (D.J.)


REMACHERv. act. (Gramm.) c'est mâcher derechef. Voyez les articles MACHER & MACHOIRE.


REMAÇONNERv. act. (Gramm.) c'est réparer par le moyen d'un maçon.


REMANCIPATIO(Jurisprud. rom.) c'est ainsi qu'on nommoit chez les Romains la formule de divorce observée dans les mariages qui avoient été contractés par coemption, coemptione. Cette formule de divorce se faisoit en remettant la femme entre les mains du mari qui devoit l'épouser, ou entre les mains de toute autre personne, ainsi qu'ils en étoient convenus entr'eux. (D.J.)


REMANDERv. act. (Gramm.) c'est mander de nouveau. Voyez MANDEMENT & MANDER.


REMANDURESS. f. (Sal.) fontaines salantes. Maniere de compter le travail des poëles. Il se fait par remandures. La remandure est composée de seize cuites, & la cuite dure douze heures. Voyez l'article SALINE.


REMANGERv. act. (Gramm.) c'est reprendre des alimens. Voyez l'article MANGER.


REMANIEMENTS. m. (Gramm.) c'est l'action de manier une seconde fois. Voyez REMANIER.

REMANIEMENT A BOUT, terme de Couvreur, ce mot s'entend de l'ouvrage qu'on fait sur une couverture, lorsqu'on la découvre entierement, qu'on la latte de neuf, & qu'on la recouvre de la même tuile, & au défaut de l'ancienne, de nouvelle. Le remaniement se paye ordinairement à la toise quarrée de 36 piés de superficie par toise. Savary. (D.J.)

REMANIEMENT, (Imprim.) Voyez REMANIER.


REMANIERterme d'Imprimeur, il s'entend ou du remaniement de la composition, ou du remaniement du papier ; remanier sa composition, c'est lorsqu'on est contraint, par l'oubli de la part du compositeur, ou par des corrections extraordinaires du fait de l'auteur, de retrancher d'une page ou ajouter des mots ou des lignes entieres : on entend aussi par remanier ou remaniement, lorsque l'on transforme un format, in-12. par exemple, en in-4 °. à deux colonnes ; ce qui fait qu'un même ouvrage peut paroître imprimé en même tems de deux formats différens.

Remanier le papier, fonction des ouvriers de la presse, c'est, dix ou douze heures après qu'il a été trempé le remuer, de huit en huit feuilles, en le renversant en tout sens, & passer la main par-dessus, pour l'étendre & ôter les plis qui se font quelquefois en trempant, afin que les feuilles n'étant plus dans la même position les unes à l'égard des autres, il ne s'en trouve aucune ni plus ni moins trempée, & qu'elles soient toutes également pénétrées de l'humidité convenable pour l'impression ; cette opération faite, on charge le papier comme on a fait en premier lieu. Voyez TREMPER LE PAPIER.


REMARCHANDERv. act. (Comm.) marchander plusieurs fois.


REMARIERSE, (Jurisprud.) signifie contracter un nouveau mariage, ce qui s'entend quelquefois de la rehabilitation que l'on fait d'un mariage auquel il manquoit quelque formalité, mais plus souvent d'un second, troisieme, ou autre mariage. Voyez MARIAGE, NOCES, SECONDES NOCES. (A)


REMARQUABLEadj. (Gramm.) qui mérite d'être remarqué. Il y a dans cet ouvrage un morceau remarquable ; il a paru cette année dans le ciel un phénomene remarquable. Alexandre faisant alternativement des actions généreuses & atroces, méprisant, punissant même dans un autre la vertu qu'il estimoit le plus en lui-même, est une espece de monstre remarquable. La mémoire de certains enfans est un prodige remarquable.


REMARQUES. f. (Gramm.) observation singuliere sur quelque chose ou quelque personne. On fait des remarques sur un ouvrage obscur ; sur la conduite d'un enfant ; sur les discours d'un homme ; sur le cours des affaires publiques. Les remarques ou approuvent, ou blâment, ou instruisent.

REMARQUE, (Chasse) est un mot que crie celui qui mene les chiens quand les perdrix partent, & remarqueurs se dit de ceux qu'on mene à la chasse pour remarquer la perdrix.


REMARQUEROBSERVER, (Synonymes) on remarque les choses par attention pour s'en ressouvenir. On les observe par examen, pour en juger.

Le voyageur remarque ce qui le frappe le plus.

L'espion observe les démarches qu'il croit de conséquence.

Le général doit remarquer ceux qui se distinguent dans ses troupes, & observer les mouvemens de l'ennemi.

On peut observer pour remarquer, mais l'usage ne permet pas de retourner la phrase.

Ceux qui observent la conduite des autres pour en remarquer les fautes, le font ordinairement pour avoir le plaisir de censurer plutôt que pour apprendre à rectifier leur propre conduite.

Lorsqu'on parle de soi, on s'observe & on se fait remarquer.

Les femmes ne s'observent plus tant qu'autrefois, leur indiscrétion va de pair avec celle des hommes. Elles aiment mieux se faire remarquer par leur foiblesse, que de n'être point fêtées par la renommée. Girard. (D.J.)


REMASQUERv. act. (Gram.) remettre le masque. Voyez MASQUE & MASQUER.


REMBALLERv. act. (Gram.) remettre en balle ou ballot. Voyez BALLE & BALLOT.


REMBARQUERREMBARQUEMENT, rentrer dans un vaisseau & s'embarquer pour la seconde fois. Voyez BARQUE, EMBARQUER & EMBARQUEMENT.


REMBERVILLE(Géog. mod.) petite ville de France au diocèse de Toul, chef-lieu d'une châtellenie dépendante de l'évêché de Metz. Il y a une petite forteresse, un couvent de bénédictines & des capucins. (D.J.)


REMBLAIS. m. (Architect.) c'est un travail de terres rapportées & battues, soit pour faire une levée, soit pour applanir ou régaler un terrein, ou pour garnir le derriere d'un revêtement de terrasse, qu'on aura déblayée pour la construction de la muraille. Daviler. (D.J.)


REMBLAVERv. act. (Gram. & Econ. rustiq.) c'est resemer une terre en blé. On peut remblaver une bonne terre deux années de suite.


REMBOITERv. act. (Gram.) remettre à sa place. Il ne se dit guere que des os disloqués.


REMBOURRAGES. m. (Gram.) c'est l'action de rembourrer, ou la chose dont on rembourre. Voyez REMBOURRER.

REMBOURRAGE, s. m. (Draperie) c'est un des apprêts que l'on donne aux laines de diverses couleurs qu'on a mêlées ensemble pour la fabrique des draps mélangés.


REMBOURRERv. act. (Gram.) c'est remplir de bourre. On dit rembourrer un fauteuil, une selle, un bât : on ne rembourre pas seulement avec la bourre, mais toutes les autres choses molles, comme la laine, la soie, le crin, le coton ; alors on dit rembourré de laine, de soie, de crin, de coton.

REMBOURRER, (Maréchal.) une selle, un bât, c'est mettre de la bourre ou du crin dans les panneaux. Voyez SELLE, PANNEAU.


REMBOURRUREles Selliers appellent ainsi la bourre ou le crin qu'ils mettent dans les panneaux des selles.


REMBOURSEMENTS. m. (Commerce) action par laquelle on paye, on rend ce qui étoit dû ou ce qui avoit été reçu. Celui qui a donné une lettre-de-change en payement doit en faire le remboursement lorsqu'elle revient à protêt faute d'acceptation ou de payement. Voyez LETTRE-DE-CHANGE & PROTEST. Dict. de comm. & Trév.


REMBOURSERv. act. (Commerce) rendre à quelqu'un l'argent qu'il a déboursé ou avancé. Rembourser signifie aussi rendre le prix qu'une chose avoit coûté à son acquéreur. Id. ibid.


REMBRASERv. act. (Gram.) c'est embraser derechef ; l'incendie commençoit à s'éteindre, un vent violent a tout rembrasé.


REMBRASSERv. act. (Gram.) embrasser de nouveau : ils ont été si satisfaits de se retrouver, qu'ils se sont embrassés & rembrassés plusieurs fois.


REMBREv. act. (Jurisprud.) vieux terme de droit synonyme à rédimer, par lequel on entendoit retirer un héritage par faculté de rachat.


REMBRUNIRv. act. (Gram.) c'est rendre ou devenir brun ; les fonds de ce tableau sont trop rembrunis.


REMBUCHEMENTS. m. terme de Chasse, ce mot se dit en Vénerie, lorsqu'une bête, comme le cerf ou sanglier, est entré dans le fort, & que vous brisez sur les voies, haut & bas, de plusieurs brisées ; voilà pour le vrai rembuchement ; mais le faux rembuchement, c'est lorsqu'une bête entre peu avant dans un fort, & revient tout court sur elle pour se rembucher dans un autre lieu. Salnove. (D.J.)


REMEDES. m. (Thérapeutique) ce mot s'employe quelquefois comme synonyme de médicament, voyez MEDICAMENT, quelquefois comme synonyme à secours médicinal, & par conséquent dans un sens beaucoup plus étendu, & qui fait différer le remede du médicament comme le genre de l'espece. Sous cette derniere acception, la saignée, l'exercice, l'abstinence sont des remedes aussi-bien que les médicamens. (b)

REMEDE, (Pharmacie thérapeutique) nom honnête du clystere & lavement. Voyez CLYSTERE & LAVEMENT.

REMEDE, voyez MEDICAMENT.

REMEDES DE DROIT, (Jurisprud.) terme de palais ; on entend par ce terme toutes les voies de se pourvoir contre des jugemens dont on prétend avoir reçu quelque grief ; tels sont l'appel, l'opposition, la requête civile.

On peut aussi appeller remedes de droit les manieres de se pourvoir contre des actes par lesquels on a été lésé. Voyez RESCISION & RESTITUTION.

REMEDE DE LOI, à la Monnoie, est une permission que le roi accorde aux directeurs de ses monnoies sur la bonté intérieure des especes d'or & d'argent, en les tenant de très-peu de chose moins que les ordonnances le prescrivent : comme les louis doivent être de 22 carats, par remede de loi le directeur les peut fabriquer à 21 carats, 24/32 ; l'écu, au lieu de 11 deniers, on les passe à 10 deniers 22 grains.

REMEDE DE POIDS, à la Monnoie, est une permission que le roi accorde aux directeurs de ses monnoies sur le poids réel des especes lors des comptes à la cour. Comme il est très-difficile, quelque précaution que l'on prenne, que les especes d'or & d'argent qui doivent être chacune d'un poids égal, & d'une certaine partie de marc, soient taillées si justes chacune dans leur poids qu'il ne s'y rencontre quelques parties de grains plus ou moins dans un marc, on a introduit un remede de poids à l'instar de celui de loi.


REMÉDIERv. n. (Gram.) c'est apporter le remede : il se dit au simple & au figuré ; on remédie à une maladie ; on remédie à un défaut.

REMEDIER à des voies d'eau, (Marine) c'est boucher des voies d'eau.


REMEILS. m. (Chasse) courant d'eau qui ne glace pas en hiver, & où les bécasses se retirent ; allons au remeil.


REMÊLERv. act. (Gram.) c'est mêler derechef. Voyez MELER & MELEE.


REMENÉES. f. (Archit.) c'est un terme peu usité qui vient de l'italien remenato : ce n'est, selon Daviler, qu'une sorte d'arriere-voussure ; mais sa propre signification est notre bombé d'un grand arc de cercle moindre que la moitié, comme il est clairement expliqué au premier livre de Palladio, c. xxjv. a ramenato che cosi chiamano i volti che sono di porzione di cerchio & non arrivano à semi-circolo ; & preuve qu'il ne l'entend pas seulement d'une arriere-voussure, c'est qu'il l'applique à la partie d'une voûte sphérique sur un quarré, laquelle est au-dessus des pendentifs. (D.J.)


REMENERv. act. (Gramm.) c'est reconduire au lieu d'où l'on est venu. Remenez cette femme chez elle.


REMERCIERv. act. (Gram.) c'est rendre grace d'un bienfait. Allez remercier le roi de la pension qu'il vous a accordée.

C'est congédier quelqu'un dont on est mécontent, ou dont on n'a plus besoin. Il faisoit la fonction de secrétaire, & on l'a remercié.

C'est refuser honnêtement. Il sollicitoit cette fille en mariage, mais on l'a remercié.


REMÉRÉS. m. (Jurisp.) est l'action par laquelle un vendeur rentre dans l'héritage par lui vendu, en vertu de la faculté qu'il s'en étoit réservée par le contrat. C'est la même chose que la faculté de rachat. Voyez ci-devant RACHAT. (A)


REMEou REMITZ, (Hist. nat.) acanthis, parus, zisela ; oiseau de Sibérie & de Lithuanie qui ressemble à un moineau : le mâle a la tête blanche, & la femelle l'a grisâtre, traversée par une raie noire. Le dos est brun, & entre le col & le dos le mâle est d'un brun maron : cette partie est plus claire dans la femelle. Le ventre est d'un blanc sale, & l'estomac est un peu rougeâtre : la queue est longue & brune. Les aîles sont aussi brunes pour l'ordinaire ; les pattes sont grises & couleur de plomb. Les oeufs qu'ils pondent sont blancs comme la neige. Ces oiseaux forment leurs nids avec l'espece de coton qui se trouve sur les saules ; ces nids sont arrondis comme une poche, ou comme une cornemuse, avec une ouverture, & ils sont consolidés avec du chanvre & du charbon ; ils les suspendent entre les branches des saules ou des bouleaux qui forment une fourche ; ils ont une ouverture de chaque côté pour pouvoir entrer & sortir, à-peu-près comme à un manchon. Ces nids sont très-mollets, & on en vante l'usage dans la Médecine ; on en fait des fumigations que l'on croit très-bonnes pour guérir les catarres & les fluxions. Voyez Gmelin, voyage de Sibérie, & Rzaczinski, hist. nat. Poloniae.


REMESURERv. act. (Comm.) mesurer une seconde fois. Quand on remesure souvent le grain, on y trouve du déchet. Dictionnaire de Commerce & de Trévoux.


REMETTAGES. m. (Soierie) c'est l'action de passer les fils d'une chaîne dans les lisses.


REMETTEURS. m. (Comm.) terme qui dans le commerce de lettres & de billets de change se dit quelquefois de celui qui en fait les remises dans les lieux où l'on en a besoin. Voyez REMISE. Dictionn. de Comm. & de Trévoux.


REMETTREv. act. (Gram.) c'est restituer dans l'état qui a précédé, ou mettre derechef. On remet ses affaires en ordre ; on remet un criminel entre les mains de la justice ; on remet son bien à ses enfans ; on remet les chiens sur la voie ; on se remet en garde ; on remet la partie ; on remet le jugement d'une affaire à un autre jour ; on remet une dette, une injure ; on se remet d'une longue maladie ; la perdrix se remet d'un lieu dans un autre quand elle est chassée ; on se remet dans l'esprit une chose qu'on avoit oubliée ; on se remet d'une surprise ; on se remet à l'étude ; on se remet à la décision du sort ; on remet son bénéfice entre les mains du collateur ; on remet un bras disloqué.

REMETTRE un bataillon, (Art milit.) On dit aussi remettre les rangs, remettre les files, ou simplement se remettre. C'est revenir sur son terrein après avoir fait des doublemens, des contre-marches, ou des conversions. Ainsi, c'est reprendre ses premieres distances, & faire face sur le même front où l'on étoit avant le mouvement. Quand les doublemens se font par files, il faut toujours se remettre par le contraire du doublement : par exemple, si on a doublé les files à droite, il faut se remettre en faisant à gauche ; & si on double les files à gauche, on se remet en faisant à droite. Mais aux doublemens qui se font par rangs, on se remet de la même maniere qu'on a doublé, c'est-à-dire que si l'on a doublé à droite, on fait encore à droite pour se remettre ; & si l'on a doublé les rangs à gauche, on se remet en faisant encore à gauche. Dictionn. milit. (D.J.)

REMETTRE, en terme de négoce, c'est faire tenir de l'argent en quelque endroit. Voyez REMISE.

Remettre signifie aussi donner au banquier le droit qui lui appartient, pour avoir de lui telle ou telle lettre-de-change, voyez CHANGE.

Remettre signifie aussi abandonner à un débiteur une partie de sa dette, comme si vous remettez à quelqu'un le quart de ce qu'il vous doit, à condition qu'il vous payera sur l'heure.

Remettre une lettre, un paquet, une somme à quelqu'un, c'est les lui envoyer ou les lui donner en main propre.

Remettre veut dire aussi différer. Rien n'est plus préjudiciable à la réputation d'un marchand, que de remettre le payement de ses billets & lettres-de-change.

Remettre, se remettre signifie confier. J'ai remis mes intérêts entre les mains d'un arbitre ; je m'en remets à vous de cette affaire. Dictionnaire de Commerce & de Trévoux.

REMETTRE, en fait d'escrime. On entend par se remettre se placer en garde après avoir allongé une estocade.

Pour se remettre on fait un effort du jarret gauche, qui ramene tout le corps en-arriere, & en même tems on arrondit le bras gauche pour le remettre dans sa premiere situation, aussi-bien que toutes les autres parties du corps. Ce mouvement du bras gauche donne beaucoup de facilité pour se remettre.

REMETTRE, terme de Chandelier ; remettre la chandelle, c'est lui donner la troisieme couche de suif. Pour la premiere trempe, on dit plinger ; pour la seconde, c'est retourner. Les autres suivantes, qui sont en plus grand ou plus petit nombre, selon le poids de la chandelle qu'on façonne, n'ont point de nom, à la réserve des deux dernieres, dont l'une s'appelle mettre, prêter, l'autre rachever. Savary. (D.J.)

REMETTRE, (Soierie) c'est passer les fils de chaîne dans les maillons du corps & dans les têtes. Voyez l'article VELOURS CISELE.


REMEUBLERv. act. (Gramm.) c'est meubler de nouveau ; c'est une maison à remeubler.


REMI(Géog. anc.) peuples de la Gaule belgique qui étoient regardés du tems de César comme les plus considérables après les Aedui. Ces peuples, qui comprenoient alors tout ce qui est présentement sous les diocèses de Rheims, de Châlons & de Laon, avoient encore compris auparavant le pays qui forme le diocèse de Soissons ; c'est pour cela que dans César ceux de Rheims appellent ceux de Soissons, fratres consanguineosque suos, qui eodem jure, iisdemque legibus utantur, unum imperium, unumque magistratum cum ipsis habeant. D'où il est aisé de juger que ceux de Soissons avoient fait partie autrefois de la cité des Rémois. La capitale de ces derniers étoit Durocortorum, aujourd'hui Rheims. Voyez ce mot. (D.J.)


REMINISCENCES. f. (Métaphysiq.) La réminiscence est une perception qui se fait connoître comme ayant déja affecté l'ame. Afin de mieux analyser la réminiscence, il faudroit lui donner deux noms : l'un, en tant qu'elle nous fait connoître notre être ; l'autre, en tant qu'elle nous fait reconnoître les perceptions qui s'y répetent : car ce sont-là des idées bien distinctes.


REMINISCEREterme de breviaire, c'est un terme de bréviaire qu'on connoissoit déja au commencement du xjv. siecle ; il désigne le second dimanche du carême, qui est même ainsi marqué dans l'almanach. Ce nom lui est donné du premier mot de l'introït de la messe qu'on dit ce jour-là. Reminiscere miserationum tuarum. (D.J.)


REMIREMONT(Géog. mod.) en latin du moyen âge Romarici mons ; petite ville de Lorraine au diocèse de Toul, sur la gauche de la Moselle, à 4 lieues au-dessus d'Epinal, dans une vallée, au pié du mont de Vosge, à 18 lieues au sud-est de Nanci, à 20 au nord-est de Besançon, & à 80 de Paris. Long. 24. 20. lat. 48. 7.

Remiremont est le lieu le plus célebre de toute la Vosge, à cause de l'illustre chapitre des dames chanoinesses très-nobles qui occupent l'église & collége de Saint-Pierre. Autrefois Remiremont étoit à l'orient de la Moselle, sur une montagne, où le comte Romaric avoit un château ; mais ce lieu fut ruiné jusqu'aux fondemens dans le commencement du jx. siecle, par les Hongrois ou les nouveaux Huns, qui ayant passé le Rhin sous le regne de Louis fils d'Arnou, ravagerent tous ces pays-là. On bâtit ensuite une nouvelle église dans la plaine, de l'autre côté de la Moselle, & la situation en étoit plus commode que celle de la montagne.

C'étoit cependant sur cette montagne que dans le vij. siecle, l'an 620, le comte Romaric, seigneur également riche & puissant, désabusé des grandeurs du monde, fonda la célebre abbaye de Remiremont, & la dota de tous ses biens. De-là vient que les Allemands appellent cet endroit Rumelsberg ou Romberg, c'est-à-dire, le mont de Romaric, d'où est venu le nom de Romarimont, corrompu en celui de Remiremont.

Les moines bénédictins prétendent que les filles que l'on établit dans la nouvelle maison de Remiremont après le ravage des Hongrois, aient été des religieuses de leur ordre ; mais les chanoinesses soutiennent sur des fondemens plus solides qu'elles n'ont jamais été de l'ordre des Bénédictins depuis la fondation de la nouvelle maison de Saint-Pierre, & que c'est à elles & en leur propre considération que les papes leur ont accordé de grands priviléges, avec une exemption entiere de la jurisdiction de l'ordinaire. On sait que l'abbesse est princesse de l'empire, & fait seule les voeux solemnels, à-moins qu'elle n'en obtienne dispense ; mais les chanoinesses n'ont ni voeux ni clôture, & sont seulement obligées de faire preuve de la plus grande noblesse. Mais cette fameuse abbaye mérite un plus grand détail.

Elle est gouvernée par une abbesse, une doyenne, & une secrette ou sacristine, dont les fonctions & les menses sont séparées. Tout le revenu de cette abbaye est partagé en 144 prébendes, dont l'abbesse en possede trente-six : vingt-neuf autres sont partagées entre douze chapelains, le grand-sénéchal, le grand-sonrier ou maître des bois, & quelques autres officiers qui sont tous gens de qualité, & qui en retirent très-peu de profit. Les soixante-dix-neuf prébendes qui restent, se partagent entre les chanoinesses, qui sont rangées sous vingt-neuf compagnies ; de ces compagnies il y en a cinq de cinq chanoinesses chacune, huit de quatre, six de trois, & deux de deux.

Chaque chanoinesse est prébendée sur l'une de ces compagnies, & regarde les autres comme ses compagnes de prébende ; si elles viennent à mourir sans avoir aprébendé une demoiselle, la survivante succede à leurs meubles & à leur prébende : ensorte cependant qu'une dame qui se trouve seule dans une compagnie de cinq, est obligée de faire trois nieces, c'est-à-dire d'apprébender trois demoiselles, l'une sur les deux premieres prébendes, l'autre sur les deux suivantes, & la troisieme sur celle qui reste. La sur vivante d'une compagnie de quatre ou de trois, doit faire deux nieces, & celle d'une compagnie de deux n'en doit faire qu'une ; si elles y manquent, l'abbesse y pourvoit après un certain délai. Par ce moyen le choeur est toujours rempli d'environ quarante dames, & le service s'y fait avec beaucoup de régularité. Les chanoinesses touchent leur distribution au choeur comme les chanoines.

L'abbesse de Remiremont use de cette formule " Je N. par la grace de Dieu, humble abbesse de l'église de Saint-Pierre de Remiremont, de l'ordre de saint Benoît, diocèse de Toul, immédiatement soumise au saint siége apostolique ". C'est pourquoi la ville de Remiremont porte pour armes les clés de S. Pierre. L'abbesse, en qualité de princesse du saint empire, se fait servir avec toutes les cérémonies princieres ; privilege accordé en l'an 1090 à l'abbesse Félicie de Lore, & confirmé par l'empereur Albert I. de la maison d'Autriche, en la personne de Clémence d'Oyselet, au mois d'Avril de l'année 1307.

Quand cette abbesse va à l'offrande ou à la procession, sa dame d'honneur lui porte la queue de son manteau, & son sénéchal porte la crosse devant elle ; le diacre & le soudiacre la vont prendre à sa chaise abbatiale pour la mener à l'offrande, puis la reconduisent à sa place, & lui apportent l'évangile, le corporal, & la paix à baiser.

Elle fait faire les montres & les revues des bourgeois en armes par son sénéchal, qui n'obéit qu'à elle ; aussi ne fait-il point ses preuves en chapitre, mais seulement à l'abbesse. En tems de guerre, ce sénéchal garde les clés de la ville, donne le mot qu'il reçoit de l'abbesse, si elle est en ville, ou de la dame chanoinesse sa lieutenante. Dans les processions il porte une épée, pour marque de l'autorité qu'il tient d'elle.

Enfin l'abbesse de Remiremont a beaucoup de privileges & d'honneurs ; mais elle jouit d'un revenu très-modique, car il n'est guere que d'environ quinze mille livres par an. Quand elle vient à mourir, sa succession échoit par moitié au chapitre & à la future abbesse.

Dès qu'elle est morte, le chapitre met sa crosse au trésor ; son cabinet, ses chambres, & ses cassettes sont scellées du sceau de la doyenne. Elle est exposée en public revêtue de ses habits de cérémonie, avec une crosse de cire à son côté.

Le jour de son enterrement on lui dit trois messes hautes, après quoi elle est portée au cimetiere des dames, ou dans la chapelle de saint André, où plusieurs abbesses sont enterrées, selon qu'elle en a ordonné par son testament. L'anneau avec lequel elle a été bénite, appartient après ses funérailles au chanoine de semaine du grand autel.

L'abbesse, la doyenne & la secrette, sont les trois dignités de l'abbaye ; la sonriere, la trésoriere, l'aumôniere & les boursieres, n'ont que titre d'offices. Sonrier est un mot lorrain qui signifie receveur ou administrateur des droits seigneuriaux.

L'abbaye de Remiremont a aussi quatre grands officiers qui font preuve de noblesse comme les dames ; savoir le grand-prevôt, le grand-chancelier, le petit chancelier, & grand-sonrier ; mais ces trois derniers officiers ne sont établis qu'ad honores. (D.J.)


REMISparticipe du verbe remettre. Voyez REMETTRE.

REMIS, un cheval bien remis, terme de Manege, qui signifie que l'écuyer a rappris l'exercice du manege à un cheval à qui on l'avoit laissé oublier ou par négligence ou par ignorance.


REMISES. f. (Gram.) signifie quelquefois simplement l'action de rendre, & remettre une chose dont on s'étoit chargé, à celui envers qui on s'en étoit chargé ; comme la remise des titres & pieces par un procureur ès mains de la partie pour laquelle il a occupé ; à laquelle remise il est contraignable par corps ; comme à la remise de celles qui lui ont été données en communication par le greffe.

REMISE, s. f. (Jurisprud.) d'une dette, est lorsque le créancier voulant bien faire grace à son débiteur, le tient quitte en tout ou en partie, soit du principal, soit des intérêts & frais.

Remise en fait d'adjudication par decret & de baux judiciaires, est lorsqu'au lieu d'adjuger définitivement on remet à le faire à un autre jour. Voyez ADJUDICATION, BAIL JUDICIAIRE, CRIEES, DECRET.

Remise de la cause à un tel jour, c'est lorsque la cause est continuée ou renvoyée à un autre jour. (A)

REMISE, en terme de Négoce, est le commerce d'argent de ville en ville ou de place en place, par le moyen de lettres-de-change, ordres ou autrement. Voyez COMMERCE, CHANGE.

Remise est proprement une lettre-de-change ou billet à ordre qu'on envoye à un correspondant, pour en être par lui ou autre le montant perçu de celui sur qui la lettre est tirée.

Par exemple, il a été remis à un marchand, demeurant à Lyon, le montant de trois mille livres en billets de commerce par un marchand de Paris. Le marchand à qui la remise est faite ira chez un banquier de Lyon recevoir pareille somme en lettres-de-change ou en argent.

Au moyen de ces remises, on peut faire passer de grandes sommes d'une ville à l'autre sans courir les risques du transport des especes.

Il est aisé à Paris, & même à Londres, de faire des remises d'argent dans toutes les villes de l'Europe. Celles sur Copenhague ne sont pas aisées. Voyez LETTRES-DE-CHANGE.

REMISE se dit aussi du payement d'une lettre-de-change. Ainsi l'on dit, j'ai reçu cent pistoles sur votre remise. M. N. banquier de cette ville vous payera deux cent écus sur ma remise.

REMISE se dit aussi de la somme que l'on donne au banquier tant pour son salaire que pour la tare de l'argent, & la différente valeur dont il est dans l'endroit où vous payez, & dans celui où il remet.

La remise de l'argent est forte à Londres & en Italie. Cette remise s'appelle aussi change & rechange.

REMISE se prend aussi pour l'escompte ou pour les intérêts illégitimes qu'exigent les usuriers. Je veux la moitié de remise sur ce billet, c'est-à-dire, je ne le prendrai qu'à moitié de perte.

Remise se dit encore de la perte volontaire qu'un créancier consent de faire d'une partie de ce qui lui est dû, pour être payé avant l'échéance des billets ou obligations qu'il a de son débiteur. Souvent cette remise est stipulée dans les actes, & alors n'est plus volontaire, la remise étant de droit en faisant les payemens aux termes convenus.

Remise est pareillement ce qu'on veut bien relacher de la dette par accommodement avec un marchand ou autre débiteur insolvable, ou qui a fait banqueroute. Les créanciers de ce négociant lui ont fait remise des trois quarts par le contrat qu'ils ont fait avec lui. Diction. de Comm. & de Trév.

REMISE, s. f. (Archit.) c'est un renfoncement sous un corps de logis, ou un angar, dans une cour, pour y placer un ou deux carrosses. Pour un carrosse, une remise doit avoir huit piés de large ; mais pour plusieurs carrosses, sept piés suffisent à chacun. Sa profondeur, lorsqu'on veut mettre le timon des carrosses à couvert, est de 20 piés ; & lorsqu'on releve le timon, on ne lui donne que 14 piés sur 9 de hauteur. Afin de ranger aisément les carrosses, on pratique dans les remises des barrieres ou coursieres. Au-dessus on fait des chambres pour les domestiques, qu'on dégage par des corridors.

Remise de galere. C'est dans un arsenal de marine un grand angar séparé par des rangs de piliers qui en supportent la couverture, où l'on tient à flot séparément les galeres désarmées. Tel est, par exemple, l'arsenal de Venise. Dictionnaire d'Architecture. (D.J.)

REMISES, s. m. pl. (Rubanerie) ce sont des lisses de devant, qui, par les bouclettes, saisissent certains fils de la chaîne, & laissent tous les autres, selon l'arrangement que l'ouvrier a conformé aux points de son dessein. Savary. (D.J.)

REMISE se dit, au jeu de quadrille, quand un joueur ne fait que cinq mains, soit qu'il joue le sans prendre, soit qu'il ait appellé : alors le jetton que fait chaque joueur, n'est gagné qu'au coup suivant.

REMISES, on appelle ainsi des bouquets de taillis plantés dans les champs de distance en distance pour la conservation du gibier ; on dit aborder la remise, quand la perdrix poussée par l'oiseau gagne ces remises.


REMISIANA(Géog. anc.) ville de la haute Moesie. L'itineraire d'Antonin la marque sur la route du Mont d'or, à Byzance, entre Naissum & Turris, à 25 milles du premier de ces lieux, & à 28 milles du second. (D.J.)


REMISSES. m. instrument du métier d'étoffe de soie.

Le remisse est un composé de plusieurs lisses, le nombre est fixé suivant le genre de marchandise que l'on veut fabriquer. Voyez LISSE.


REMISSIONS. f. (Critique sacrée) c'est-à-dire, en général remise, relâchement, cession de dettes, de droits, d'impôts, élargissement, pardon. Voici des exemples de ces divers sens du mot rémission dans l'Ecriture.

1°. Il signifie remise dans le v. Testament. Vous publierez, dit le Lévit. xxv. 10. la rémission générale à tous les habitans du pays. On sait que les Israëlites à l'année du jubilé, étoient par la loi affranchis de la servitude de leurs dettes ; & rentroient tous dans la possession de leurs biens. De même dans l'année sabbatique, on remettoit généralement parmi les Hébreux toutes les dettes aux débiteurs insolvables ; & l'on donnoit la liberté aux esclaves hébreux d'origine.

2°. Rémission se prend pour vacation des affaires, tems où l'on ne plaide point ; tels étoient les premiers du mois, les jours de fêtes & de sabbat.

3°. Ce terme est employé pour exemption de charges, d'impôts & de contributions. Macch. xiij. 34.

4°. Pour élargissement, liberté de servitude. L'esprit du seigneur m'a envoyé pour annoncer aux captifs leur élargissement (rémission), & pour publier l'année favorable du Seigneur, Luc, iv. 19. L'année favorable du Seigneur est l'année du jubilé, Shenah. Hajoubal-Fuller a fort bien traduit l'année de relâche. Josephe dit que le mot jubilé, , signifie la liberté. L'année de la mort de J. C. fut une année de jubilé, & ce fut le dernier de tous ; car Jérusalem fut détruite avant le retour de la cinquantieme année.

5°. Rémission désigne encore, dans l'ancienne loi, l'abolition de la faute, ou de l'impureté cérémonielle, qui s'obtenoit par des purifications, des offrandes, des sacrifices.

6°. Enfin rémission dans l'Evangile se prend pour celle du péché qui s'acquiert par un changement de vie. Approchons-nous de Dieu, dit S. Paul aux Hébreux, x. 20. avec un coeur sincere, & nos ames nettoyées d'une mauvaise conscience. (D.J.)

REMISSION, s. f. en Physique, signifie la diminution de la puissance ou de l'efficacité de quelque qualité, par opposition à son augmentation, qu'on nomme intension.

Il est à remarquer au reste que les mots de rémission & d'intension sont assez peu usités en françois pour désigner l'affoiblissement ou l'augmentation d'une force. Ils le sont davantage en latin, intensio, remissio.

Dans toutes les qualités susceptibles d'intension & de rémission, l'intension décroît en même proportion que les quarrés de la distance du centre augmentent. Voyez QUALITE. Chambers. (O)

REMISSION, (Jurisprud.) est l'acte par lequel le prince remet à un accusé la peine dûe à son crime, & singulierement pour ceux qui méritent la mort.

On obtient pour cet effet des lettres de rémission ou de grace.

Ces lettres sont différentes des lettres d'abolition & de pardon. Voyez le tit. 16. de l'ordonnance de 1670, & ci-devant les mots ABOLITION, GRACE, LETTRES DE GRACE & DE REMISSION, LETTRES DE PARDON, & le mot PARDON. (A)

REMISSION, (Médecine) terme d'usage en médecine pour désigner dans les fievres avec redoublement ou intermittentes le tems de la diminution ou de la cessation entiere des accidens ; la rémission est complete dans les fievres intermittentes, imparfaite dans celles qui sont avec redoublement ; la différente durée de ce tems a donné lieu à la division de ces fievres en quotidiennes, tierces, quartes, quintes, annuelles, &c. le médecin doit avoir égard à la rémission pour l'administration des remedes ; les purgatifs, par exemple, les apozemes amers, fébrifuges, le quinquina, &c. doivent être prescrits pour le tems de la rémission, & les saignées, les calmans, &c. conviennent uniquement pendant l'accès ou le redoublement. Voyez PAROXISME, ACCES, FIEVRE INTERMITTENTE, EXACERBANTE, &c.


RÉMISSIONNAIRES. m. (Jurisprud.) est celui qui a obtenu des lettres de rémission ou de grace. Voyez ci-devant REMISSION, & les mots ABOLITION, GRACE, LETTRES DE GRACE, PARDON. (A)


REMMON(Critique sacrée) mot hébreu qui veut dire hauteur ; on appelloit remmon l'idole des peuples de Damas. Quelques interpretes la prennent pour celle de Saturne, qui étoit en grande vénération parmi les orientaux. D'autres prétendent plus vraisemblablement que c'est le soleil, ainsi nommé à cause de son élévation sur la terre. Naaman le syrien, confessa à Elisée, qu'il avoit souvent accompagné son maître dans le temple de ce dieu, IV. Rois v. 18. (D.J.)


REMOSAN, (Géog. mod.) petite ville d'Italie, dans l'état de Gènes, sur la rive du Ponent, à 9 milles au levant de Vintimiglia. Rien ne surpasse la fertilité de son terroir en olives, citrons, oranges, & autres fruits. Long. 25. 10. latit. 43. 42. (D.J.)


RÉMOISLE, ou LE RHÉMOIS, (Géog. mod.) petit pays de la Champagne, formé par le territoire de Rheims, qui en est la capitale. Ses bornes sont le Laonnois & le Soissonnois au nord, le Châlonnois au midi, & la Brie au couchant. Outre la capitale, il comprend, Cormici, Fismes, Epernay, Avernay, & Ay, connu par ses bons vins. (D.J.)


REMOLADES. f. terme de Maréchal, remede pour les chevaux qui ont des foulures ; il se fait avec de la lie, du miel, de la graisse, de la térébenthine, & autres drogues reduites en une espece d'onguent. Soleysel. (D.J.)


REMOLARterme de galere. Voyez REMOULAT.


REMOLES. f. (Marine) contournement d'eau, qui est quelquefois si dangereux, que le vaisseau en est englouti.


REMONDEREPLUCHER, terme de fabrique d'étoffes de soie. Le remondage consiste à couper les bouts de soie qui sont aux chaînes lorsqu'elles sont sur les métiers, à mesure & avant la fabrication ; on change aussi les bouts de soie qui se trouvent cotonneux, & si on ne faisoit cette opération avec attention, il ne seroit pas possible de fabriquer l'étoffe dans sa perfection.


REMONTANTS. m. terme de Ceinturier, c'est l'extrêmité de la bande du baudrier qui est fendue en deux, & qui tombe sur les pendans. (D.J.)


REMONTEREMONTE


REMONTERv. act. (Gram.) c'est monter derechef ; Jesus-Christ est remonté au ciel : c'est s'élever ; la lune remonte sur l'horison : c'est relever un corps à la hauteur d'où il est descendu ; remontez ce poids : aller contre le fil de l'eau, c'est remonter la riviere ; il y a des machines à remonter les bateaux. On remonte à cheval ; on remonte une compagnie ; on remonte de cordes un instrument ; on remonte une machine dont les parties étoient desassemblées ; on remonte une garniture ; on remonte à l'origine d'un faux bruit, d'un préjugé populaire ; on remonte dans l'avenir. Voyez dans les articles suivans quelques autres acceptions du même mot.

REMONTER, en terme de guerre, c'est fournir à des troupes de nouveaux chevaux à la place de ceux qui ont été tués ou blessés dans une action, ou qui par vieillesse ou autre défaut ne peuvent plus servir. Chambers.

REMONTER, terme de riviere, c'est naviger contre le courant d'une riviere.

REMONTER, v. act. terme d'Horloger, remonter une montre, une horloge, c'est remettre la corde sur la fusée, ou relever le contrepoids, pour mettre la montre ou l'horloger en état de marquer & de sonner les heures. (D.J.)

REMONTER, (Soierie) c'est faire succéder de nouvelles soies pour continuer une piece, lorsque celle sur laquelle on travaille est entierement employée & vient à manquer.

Comme c'est une opération fort longue que de monter un métier, il a fallu imaginer quelque moyen fort court pour faire succéder des soies nouvelles à celles qui viennent à manquer ; & voici celui dont on use.

On a sur un instrument, appellé le billot, de la soie toute préparée : cette préparation consiste à être encroisée de vingt fils en vingt fils par un bout, & de fil en fil par l'autre. La soie prend ces deux en croix sur le moulin, & c'est le bout encroisé de fil en fil qui s'enveloppe le premier sur le billot ; celui par conséquent qui se présente & se développe le premier, est celui qui est encroisé de vingt en vingt. Toute cette soie portée au sortir du moulin sur le billot est continue ; elle forme comme un grand écheveau de 150 aunes de long, & de 800 doubles ou de 1600 fils. Il y a de ces écheveaux qui ont 1800 fils ; ceux qui sont à l'usage des faiseurs de bluteaux fins ont même 2000 brins ; & comme on passe deux fils ou brins dans chaque dent du peigne, il y a des peignes à 8 & 900 dents ; & pour les faiseurs de bluteaux qui ne passent qu'un fil à chaque dent, il y a des peignes à 2000 dents. Puisque le fil de soie est continu, qu'il forme un écheveau, il est évident qu'il forme une boucle à chaque bout, & que la boucle du bout qui pend du billot est divisée en quatre-vingt parties ou boucles partielles égales ; on appelle ces boucles partielles égales, des portées.

On a un instrument appellé rateau, on jette chaque portée sur une dent du rateau. L'avantage de cette manoeuvre est d'étendre la soie, & de la disposer convenablement sur l'ensuple. Pour cet effet, on a une petite baguette appellée composteur, qu'on passe dans toutes les boucles partielles qui forment la grosse boucle qui pend du billot ; cette baguette a une ficelle, appellée cristelle, attachée à une de ses extrêmités ; on passe cette ficelle à la place du petit cordon qui tenoit les fils encroisés de vingt en vingt, & qui continue de faire cette fonction. On passe ensuite le composteur avec sa ficelle dans la rainure de l'ensuple, on adapte une main ou manivelle au tourillon de l'ensuple ; on tourne l'ensuple, & la soie distribuée en quatre-vingt parties par chaque dent du rateau, ou plutôt en soixante-dix-huit, s'étend sur l'ensuple. Ils disent soixante-dix-huit, parce qu'on fait les deux premieres portées doubles, afin que la soie étant plus élevée sur l'ensuple par ses bords que par son milieu, elle ne s'éboule point.

Après un assez grand nombre de tours de l'ensuple pour que le billot soit dégarni, on arrive au bout de l'écheveau où les fils sont encroisés de fil en fil, & tenus en cet état par un cordon.

Voilà une opération préliminaire à tout travail, & qu'il faut faire & recommencer toutes les fois qu'on veut commencer à travailler une piece, ou qu'une piece finissant, on veut la continuer & substituer de la soie à celle qui manque. Mais ce n'est pas tout dans ce dernier cas, il y a une seconde opération, qui s'appelle tordre.

Et voici comment elle se fait : on prend l'ensuple sur laquelle on a jetté la soie qui étoit sur le billot, on la met dans les tourillons des allonges, voyez l'article ALLONGE, on attache à chacun de ses bouts une corde qui passe sur elle, & qui se rend sur l'ensuple de devant.

On a fait des berlins ou portions de tous les bouts de soie, restes de la piece employée, qui pendent hors de la lisse. Ces berlins sont encroisés d'un fil en un fil, on dispose les envergeures dans leurs encroix, & l'on fixe ces envergeures fortement à l'aide des cordes qui sont tendues des extrêmités d'une ensuple aux extrêmités de l'autre, en faisant faire un tour à chaque corde à l'extrêmité de chaque envergeure.

Puis on prend le bout de la nouvelle piece, on place des envergeures à son encroix, & on l'amene jusqu'à ce qu'elle soit contiguë à l'extrêmité des berlins de la piece qui finit ; on fixe ces envergeures pareillement sur les cordes qui vont d'une ensuple à l'autre ; on pend un poids à l'ensuple de derriere capable de l'empêcher de tourner, ensorte que la soie soit bien tendue ; on divise la soie de la nouvelle piece en deux berlins ; on passe le noeud d'un berlin de la piece nouvelle dans l'encroix du berlin de la piece qui finit, & on l'y fixe avec une corde.

Puis, avec la main gauche, on cherche à l'aide de l'encroix le premier fil du berlin de la piece expirante, & avec la droite & à l'aide de l'encroix le premier fil de la piece nouvelle ; cela fait, on prend celui-ci sur le pouce & l'autre sur l'index, on serre les deux doigts, la soie prete de la quantité du diametre de l'index & du pouce ; alors en faisant glisser ces deux doigts l'un contre l'autre, ces portions des deux fils se tordent ensemble & restent tors ; cet endroit de jonction est même ordinairement si fort, que ce n'est presque jamais-là que les brins de soie cassent. Après qu'on a tors les brins, on jette ou tord les deux brins avec le fil de soie du côté de l'ensuple de derriere.

Cela fait, on tord ensemble les deux seconds fils, & ainsi de suite fil à fil jusqu'à la fin d'une piece. Cette opération est si promte, qu'un bon ouvrier tord dix-huit cent fils en deux heures ; afin que les fils tors ne se séparent point, on se mouille les doigts avec de la salive, du plâtre, de l'eau gommée, &c. mais cela est presque superflu. Cette maniere d'unir les soies est si ferme, que si un ouvrier ne tord pas également, je veux dire que s'il prend avec ses doigts un peu plus de soie en continuant de tordre qu'il n'en a pris au commencement, alors le poids qui tire l'ensuple montera, & les premiers fils tors seront lâches ; ce poids est pourtant énorme. Cela fait, on a, comme on voit, une piece nouvelle, jointe & continue avec les restes d'une autre, sans qu'on ait été obligé de monter le métier.

Mais il y a toujours une portion de soie qui ne peut être travaillée, celle qui est comprise entre l'ouvrage disposé sur l'ensuple de devant, & l'endroit où l'on a tors. On tourne donc l'ensuple de devant, la soie de la piece nouvelle suit les restes de l'ancienne, on amene les portions torses jusque sur l'ensuple de devant au-delà du peigne, & l'on continue de travailler.

Ce qui occasionne cette perte de soie, c'est la grosseur ou inégalité des deux fils tors, contre laquelle les dents du peigne agissant sépareroient les fils & gateroient tout.

REMONTER, terme de Fauconnerie, se dit de l'oiseau de proie qui vole de bas en-haut, & du fauconnier lorsqu'il jette l'oiseau du plus haut d'une colline, & aussi lorsqu'il travaille à engraisser un oiseau qui est trop maigre, alors on dit, il faut remonter l'oiseau.


REMONTOIRS. m. terme d'Horlogerie, signifie en général tout assemblage de roues ou de pieces, au moyen desquelles on remonte une montre ou une pendule ; ainsi on appelle montre à remontoir une montre qui se remonte par le centre du cadran au moyen de deux roues qui sont dans la cadrature, & qui composent le remontoir. Voyez MONTRE A REMONTOIR. Remontoir se dit aussi de l'assemblage des pieces par lesquelles la sonnerie dans certaines pendules remonte le mouvement ; comme l'action d'un poids est infiniment plus uniforme que celle d'un ressort, plusieurs horlogers ont fait des pendules où un poids qui descend d'une petite hauteur, & qui remonté par la sonnerie à chaque fois que la pendule sonne, fait aller le mouvement : par ce moyen la pendule, sans avoir besoin du volume ordinaire de celles qui sont à poids, en a en quelque façon les avantages, le mouvement étant mu par un poids ; celle que feu M. Gaudron, horloger de M. le régent, a imaginé, est une des meilleures & des plus ingénieuses qui soit en ce genre. Voyez la regle artificielle du tems.

Enfin remontoir est encore un ajustement que l'on fait à plusieurs barillets, sur-tout à ceux des pendules ; 1° pour empêcher qu'on ne casse le ressort en le remontant trop haut ; 2° pour empêcher qu'il ne tire lorsqu'il est trop bandé ou lorsqu'il ne l'est pas assez, c'est-à-dire supposant que le ressort fasse huit ou neuf tours, on fait par le moyen du remontoir qu'il n'y en a que six qui servent, c'est-à-dire que quand la pendule est au bas, le ressort est encore bandé d'un tour ; & que lorsqu'elle est au haut, il s'en faut autant qu'il ne le soit au plus haut degré, d'où il résulte une plus grande égalité dans l'action du ressort. Voyez RESSORT, PENDULE, &c.

Les fig. Planches de l'Horlogerie représentent ce remontoir : A est la piece fixée sur l'arbre de barillet, & R la roue fixée & mobile excentriquement sur le barillet ; la dent K touchant ou en K ou en H, empêche ou l'arbre ou le barillet de tourner davantage : dans le premier cas, elle empêche qu'on ne remonte le ressort trop haut ; dans le second, elle l'empêche de se détendre au-delà d'un certain nombre de tours.


REMONTRANCES. f. (Jurisprud.) est l'action de remonter ou représenter quelque chose à quelqu'un.

Les cours souveraines ont la liberté de faire des remontrances au roi, lorsqu'elles trouvent quelque difficulté sur les ordonnances, édits & déclarations, qui leur sont envoyés pour enregistrer. Les autres tribunaux n'ont point la même prérogative de faire directement leurs remontrances au roi ; s'ils ont quelques observations à faire, ils doivent donner leur mémoire à M. le chancelier.

Quelquefois après de premieres & d'iteratives remontrances, les cours font de très-humbles représentations lorsqu'elles croyent devoir encore insister sur les objets de leurs remontrances.

Remontrance est aussi une représentation que l'avocat ou le procureur d'une partie fait à l'audience, soit pour demander la remise de la cause qui n'est point en état, soit pour faire ordonner quelque préparatoire.

Remontrances sont aussi le titre que l'on donne en certaines provinces aux écritures que l'on intitule ailleurs avertissement. (A)


REMONTRANSS. m. pl. (Hist. ecclésiast.) dénomination qu'on donne en Hollande aux Arminiens, à cause de la remontrance qu'ils présenterent en 1610 aux états généraux contre les décisions du synode de Dordrecht où ils furent condamnés. Voyez ARMINIEN.

Episcopius & Grotius étoient à la tête des remontrans. Voyez ANTI-REMONTRANS.


REMONTRERv. act. (Gram.) c'est présenter des remontrances. Voyez l'article REMONTRANCE.

REMONTRER, (Vénerie) c'est donner connoissance des voies de la bête qui est passée, il est essentiel à un bon piqueur de savoir remontrer les voies des bêtes qu'on chasse.


REMORDREv. act. (Gram.) c'est mordre derechef, voyez l'article MORDRE.


REMORDSS. m. (Gram.) reproche secret de la conscience ; il est impossible de l'éteindre lorsqu'on l'a mérité, parce que nous ne pouvons nous en imposer au point de prendre le faux pour le vrai, le laid pour le beau, le mauvais pour le bon. On n'étouffe point à discrétion la lumiere de la raison, ni par conséquent la voix de la conscience. Si l'homme étoit naturellement mauvais, il semble qu'il auroit le remords de la vertu, & non le remords du crime. Celui qui est tourmenté de remords, ne peut vivre avec lui-même ; il faut qu'il se fuie. C'est-là peut-être la raison pour laquelle les méchans sont rarement sédentaires ; ils ne restent en place que quand ils méditent le mal, ils errent après l'avoir commis. Que les brigands sont à plaindre ! poursuivis par les lois, ils sont obligés de s'enfoncer dans le fond des forêts, où ils habitent avec le crime, la terreur & le remords.


REMORES. m. PIEXE, SUCET, ARRETE-NEF, (Hist. nat. Ichthyolog.) remora ; poisson de mer auquel les anciens ont donné le nom de remora, parce qu'ils prétendoient qu'il arrêtoit les vaisseaux en pleine mer lorsqu'il s'y attachoit. Ce poisson a un pié & demi de longueur, & quatre pouces d'épaisseur ; il est plus mince vers la queue ; il a la bouche triangulaire ; la mâchoire supérieure est plus courte que l'inférieure ; la tête a deux pouces de longueur depuis la pointe jusqu'au commencement du dos ; la face supérieure est applatie, & figurée comme le palais d'un animal traversé de plusieurs sillons. C'est par cette partie que le remore s'attache aux vaisseaux & au ventre du tiburon : on prétend même qu'il ne quitte pas le tiburon, quoiqu'on tire celui-ci hors de l'eau. Le remore a les yeux petits, l'iris en est jaune. Il a dans la bouche de petites éminences qui lui servent de dents. Il est de couleur cendrée, & il a une nageoire sur le dos, & une autre sous le ventre, qui s'étendent depuis le milieu de la longueur du corps jusqu'à la queue. Rai, synop. meth. piscium. Voyez POISSON.


REMORQUER(Marine) c'est faire voguer un vaisseau à voiles, par le moyen d'un vaisseau à rames.


REMOUDREv. act. (Gram.) c'est émoudre une seconde fois. Voyez ÉMOUDRE.


REMOUILLERv. act. (Gram.) c'est mouiller derechef. Voyez l'article MOUILLER.


REMOULATS. m. terme de Galere, c'est le nom de celui qui a soin des rames, & qui les tient en état.


REMOULEURS. m. (Coutellerie) celui qui repasse & refait la pointe ou le tranchant à quelque instrument, sur une meule tournante. Quoique tous les Couteliers soient des remouleurs, il ne se dit guere que de ce qu'on appelle plus communément des gagne-petits. Trévoux. (D.J.)


REMOUSS. m. (Phys.) mouvement particulier qu'on observe dans l'eau des fleuves.

Il y en a de deux especes ; le premier est produit par une force vive, telle qu'est celle de l'eau de la mer dans les marées, qui non-seulement s'oppose comme obstacle au mouvement de l'eau du fleuve, mais comme corps en mouvement, & en mouvement contraire & opposé à celui du courant du fleuve : ce remous fait un contre-courant d'autant plus sensible que la marée est plus forte. L'autre espece de remous n'a pour cause qu'une force morte, comme est celle d'un obstacle, d'une avance de terre, d'une île dans la riviere, &c. Quoique ce remous n'occasionne pas ordinairement un contre-courant sensible, il l'est cependant assez pour être reconnu, & même pour fatiguer les conducteurs de bateaux sur les rivieres. Si cette espece de remous ne fait pas toujours un contre-courant, il produit nécessairement ce que les gens de riviere appellent une morte, c'est-à-dire des eaux mortes, qui ne coulent pas comme le reste de la riviere, mais qui tournoient de façon que quand les bateaux y sont entraînés, il faut beaucoup de force pour les en faire sortir. Ces eaux mortes sont fort sensibles dans toutes les rivieres rapides au passage des ponts. La vîtesse d'une riviere augmente au passage d'un pont, dans la raison inverse de la somme de la largeur des arches à la largeur totale de la riviere.

L'augmentation de la vîtesse de l'eau étant donc très-considérable en sortant de l'arche d'un pont, celle qui est à côté du courant est poussée latéralement & de côté contre les bords de la riviere, & par cette réaction il se forme un mouvement de tournoiement, quelquefois très-fort. Lorsque ce tournoiement causé par le mouvement du courant, & par le mouvement opposé du remous, est fort considérable, cela forme une espece de petit gouffre ; & l'on voit souvent dans les rivieres rapides, à la chûte de l'eau au-delà des arrieres becs des piles d'un pont, qu'il se forme de ces petits gouffres ou tournoiemens d'eau. Hist. nat. gen. & part. t. I.


REMPAQUEMENT(Comm. de poisson) ce mot se dit de l'obligation où sont les Pêcheurs étrangers qui apportent en France leur hareng en vrac, de le tirer des barrils pour le saler une seconde fois, & ensuite le paquer, c'est-à-dire l'arranger par lits dans les mêmes barrils. Savary. (D.J.)


REMPAQUETERv. act. (Comm.) remettre une marchandise en paquet, en ballot, dans son enveloppe. Voyez PAQUET, BALLOT, ENVELOPPE. Dict. de Com. & de Trév.


REMPARTLE (terme de Fortification) est une levée de terre qui enferme la place de tous côtés. Sa largeur est ordinairement de 9 toises par le haut, & de 13 ou 14 toises par le bas. A l'égard de sa hauteur, elle est différente suivant la situation & le terrein de la place : en terrein uni & régulier, elle est d'environ 3 toises.

L'objet du rempart est de mettre les maisons de la ville à couvert de l'attaque de l'ennemi ; de lui fermer l'entrée de la place, & d'élever ceux qui la défendent de maniere qu'ils découvrent la campagne des environs, dans toute l'étendue de la portée du canon.

Le rempart a des parties plus avancées vers la campagne les unes que les autres. Ces parties se nomment bastions. Voyez BASTION.

Les soldats montent la garde sur le rempart, & l'on y place aussi toute l'artillerie nécessaire pour la défense de la ville. On forme sur le bord extérieur une élévation de terre, d'environ 18 ou 20 piés d'épaisseur, & de 7 de hauteur ; cette élévation se nomme le parapet. Le parapet sert à couvrir des coups de l'ennemi les soldats qui sont sur le rempart. Voyez PARAPET.

Pour que le soldat puisse découvrir la campagne par-dessus le parapet, on pratique au pié du côté intérieur, une espece de petit degré, de 3 ou 4 piés de large, & de 2 piés de hauteur ; c'est ce qui s'appelle la banquette.

Le rempart a une pente ou un talus vers le côté extérieur & l'intérieur. Cette pente est faite pour que les terres du rempart se soutiennent plus aisément. Celle du côté de la ville, qu'on nomme talus intérieur, a ordinairement environ une fois & demie la hauteur du rempart ; ensorte que si cette hauteur est de 18 piés, le talus extérieur est de 27 : ce qui s'observe principalement lorsque les terres sont sablonneuses. Le talus extérieur est toujours plus petit que l'intérieur, parce qu'autrement il donneroit à l'ennemi le moyen d'escalader facilement la place. Mais comme les terres ne peuvent se soutenir elles-mêmes sans un grand talus, on soutient le côté extérieur du rempart par un mur de 5 ou 6 piés d'épaisseur ; ce mur se nomme la chemise ou le revêtement du rempart. Voyez REVETEMENT, voyez aussi TALUS.

Les dehors ont un rempart comme le corps de la place ; mais il a ordinairement moins de largeur.

Le revêtement du rempart n'est pas toujours de maçonnerie ; on se contente quelquefois de le revêtir de gazon, voyez GAZON. Ce sont des morceaux de terre de prés coupés en coin. Lorsque le rempart est ainsi revêtu, on pratique une berme, ou une espece de petit chemin de 12 piés de large, entre le fossé & la partie extérieure du rempart. Cette berme sert à empêcher que les terres du rempart ne s'éboulent dans le fossé. Elle partage aussi à-peu-près en deux parties égales la hauteur des terres du rempart, depuis le fonds du fossé, jusqu'à la partie supérieure du parapet, ce qui fait qu'on peut donner un peu plus d'escarpement, ou moins de talus à chacune de ces parties, que si l'escarpe formoit une seule pente depuis le parapet jusqu'au fond du fossé.

Lorsque le rempart est revêtu de gazon, il est ordinairement fraisé. Voyez FRAISE.

Il y a une troisieme espece de revêtement, composée des deux dont on vient de parler. Voyez DEMI-REVETEMENT.

Lorsque le rempart est fort élevé, il a l'avantage de mieux couvrir la ville ; mais son entretien est bien plus considérable que quand il a moins de hauteur. Il est aussi plus exposé aux batteries de l'ennemi ; ses débris comblent aisément le fossé, & d'ailleurs les soldats sont obligés de se découvrir, & de tirer en plongeant pour défendre les parties voisines. Un rempart peu élevé n'a pas ces inconvéniens ; mais aussi il donne plus de facilité pour l'escalade & la désertion. Les remparts les plus avantageux sont ceux qui se trouvent entierement couverts par le glacis, ensorte que l'ennemi ne puisse le battre de la campagne. Pour la largeur du rempart, elle doit toujours être assez grande pour résister au canon, & pour donner tout l'espace nécessaire pour contenir les hommes & les machines nécessaires à la défense de la place. Au reste la hauteur & la largeur du rempart se proportionnent à la quantité des terres que le fossé peut fournir. (Q)


REMPHANS. m. (Critique sacrée) ; nom d'idole. Vous avez porté le tabernacle de Moloch, & l'astre de votre dieu Remphan, Act. vij. 43. Ce discours que S. Etienne, dans les Actes, tient aux Juifs, est tiré du prophete Amos, qui reprochoit aux Hébreux de son tems, d'avoir porté durant leur voyage dans le desert, la tente de Moloch, l'image de cette idole, & l'étoile de ce dieu. Le mot Remphan, est égyptien ; quelques-uns croyent qu'il désigne Saturne, Mercure ou Mars, mais c'est bien plutôt le Soleil. Voyez MOLOCH. (D.J.)


REMPLACEMENTS. m. (Gram.) action de remplacer. Voyez REMPLACER.

REMPLACEMENT, (Jurisp.) est l'action de mettre une chose à la place d'une autre, comme quand on fait un nouvel emploi de deniers dont on a reçu le remboursement, ou que l'on acquiert un immeuble pour tenir lieu d'un autre que l'on a aliéné. Voyez ci-après REMPLOI. (A)


REMPLACERv. act. (Gram.) remettre une chose à la place d'une autre. J'ai employé mes fonds, je vais travailler à les remplacer. On remplace les qualités externes qui nous manquent, par celles de l'esprit & de l'ame.


REMPLAGES. m. (Juris.) suivant la charte de Louis XII. de Décembre 1511, mém. 9. fol. 1. ce qui manque de fonds des épices des comptes doit être employé dans les autres comptes qui peuvent le mieux supporter, c'est ce que l'on appelle remplage ; mais le roi ayant défendu de prendre des épices plus que le fond de ses états, à commencer de l'année 1666, il n'y a plus eu de fond destiné aux remplages. On ne laisse pas de commettre toujours au commencement de chaque semestre, un de messieurs pour le remplage. (A)

REMPLAGE, s. m. (Archit.) c'est la maçonnerie des reins d'une voûte. On appelle en Charpenterie, chevroces, poteaux de remplage, fermes de remplage, & autres choses semblables, les poteaux ou fermes qui se mettent pour remplir les vuides ou intervalles qui sont entre les poteaux corniers, ou les maîtresses-fermes. Daviler. (D.J.)

REMPLAGE, s. m. (Comm. de bois) c'est ce qu'on donne quelquefois aux marchands pour les dédommager des vuides qui se sont trouvés dans leurs coupes. Richelet. (D.J.)


REMPLIparticipe du verbe remplir, voyez REMPLIR.

REMPLI, (Jurisprud.) se dit de celui qui est satisfait de ce qui lui est dû. Un héritier ou une veuve sont remplis de leurs droits lorsqu'ils ont des fonds ou des meubles, & deniers suffisans pour acquiter ce qui leur revenoit.

On dit aussi qu'un gradué est rempli, lorsqu'il a obtenu, en vertu de ses degrés, des bénéfices de la valeur de 400 livres de revenu, ou qu'il a 600 livres de revenu en bénéfice obtenus autrement qu'en vertu de ses degrés. Voyez ci-devant GRADUE, & ci-après REPLETION. (A)

REMPLI, en termes de Blason, se dit d'une piece honorable de l'écu, dont le milieu dans toute sa longueur est d'un autre émail que la bande. Ainsi l'on dit que telle maison porte d'azur au chevron potencé & contre-potencé d'or rempli d'argent.

Montfort-Thaillant en Bourgogne, d'argent à trois rustres de sable remplis d'or.


REMPLIRv. act. (Gram.) c'est emplir de nouveau.

Quand un vaisseau est vuide, on peut le remplir de nouveau.

On remplit un tonneau, un coffre, ses greniers, un puits, un fossé.

On remplit un blanc seing du nom qu'on veut.

On remplit un corps où il y a une place vacante.

Un gradué est rempli quand il a 600 liv. de revenu.

On remplit sa place quand on a les qualités qu'elle exige. Il y a bien des places occupées & non remplies.

Il est quelquefois difficile de remplir l'opinion que les autres ont fait concevoir de nous.

On remplit un dessein, un canevas, une toile de différens points qu'on exécute à l'aiguille.

REMPLIR, (terme d'Ouvrieres en points) remplir, c'est travailler à faire du fond. Entre les velineuses, il y en a qui font de la trace, d'autres du fond, d'autres des dentelons & du réseau, d'autres de la broderie qu'elles nomment de la brode ; & celles qui travaillent en fond, s'appellent remplisseuses, parce qu'elles remplissent les feuilles & les fleurs qui ne sont que tracées. Leur remplissage est de points à l'oiseau, de points à l'oeillet, de points de Siam, &c. Le graveur a soin de marquer sur sa planche les différens points dont il entend que chaque feuille ou fleur soit remplie. (D.J.)

REMPLIR, au jeu de trictrac, se dit d'un joueur qui tâche d'avoir un certain nombre de dames couvertes dans une case du trictrac quelconque. Remplir son grand jan, par exemple, c'est couvrir douze dames dans la seconde table du trictrac.


REMPLISSAGES. m. (Gramm.) il se dit de l'action de remplir, & de la chose dont on remplit. Il a lieu dans plusieurs circonstances où l'on distingue le fond des détails. Ainsi un grand musicien jette sur le papier son idée, le motif de son chant, il le conduit ; il acheve une partie ; il donne le reste, qu'on appelle le remplissage à expédier à une espece de manoeuvre. Un poëte dramatique dira, c'est la machine qui est difficile à trouver, le remplissage n'est rien en comparaison. Un orateur se servira aussi de la même expression. Les grandes masses de mon discours sont posées, il n'y a plus que quelques endroits de remplissage à faire.

REMPLISSAGE, (Maçonnerie) c'est la maçonnerie qui est entre les carreaux & les boutisses d'un gros mur. Il y en a de moilon, de brique, &c. Il y en a aussi de cailloux, ou de blocage employé à sec, qui sert derriere les murs de terrasse pour le conserver contre l'humidité, comme il a été pratiqué à l'orangerie de Versailles. (D.J.)

REMPLISSAGE, ou REMPLAGE, (Commerce de liqueurs) ce qu'il faut de liqueurs pour remplir un tonneau où il y a quelque déchet, soit par la fermentation & la coulure, soit par quelqu'autre accident.


REMPLISSEUSEREMPLISSEUSE


REMPLOIS. m. (Jurispr.) est le remplacement d'une chose qui a été aliénée ou dénaturée, comme le remploi d'une somme mobiliaire que l'on a reçu, le remploi d'un immeuble que l'on a aliéné, d'un bois de futaie que l'on a abattu & consumé.

Le remploi se fait de deux manieres, savoir réellement en subrogeant un bien au-lieu d'un autre, avec déclaration que ce bien est pour tenir lieu de remploi de celui qui a été aliéné ou dénaturé ; ou bien il se fait fictivement, en payant la valeur du bien aliéné à celui auquel le remploi en étoit dû.

Dans les contrats de mariage qui se passent en pays de droit écrit, on stipule le remploi de la dot de la femme, en cas d'aliénation.

En pays coutumier on stipule ordinairement dans le contrat de mariage, le remploi des propres qui pourront être aliénés, soit du mari ou de la femme.

Anciennement ce remploi des propres n'étoit dû qu'autant qu'il étoit stipulé ; c'est pourquoi quand il ne l'étoit pas, on disoit communément que le mari ne pouvoit se lever trop matin pour vendre les propres de sa femme.

Mais suivant l'art 232. de la coutume de Paris, qui a été ajouté lors de la derniere réformation, ce remploi est de droit, quand même il ne seroit pas stipulé ; & cela a paru si juste, que la même disposition a été adoptée dans les coutumes qui ont été réformées depuis celle de Paris, & que la jurisprudence a étendu cet usage aux autres coutumes qui n'en parlent pas.

Le remploi des propres aliénés se prend sur la communauté ; & si les biens de la communauté ne suffisent pas pour le remploi des propres de la femme, le surplus se prend sur les propres du mari ; mais le remploi des propres du mari ne se prend jamais sur celui de la femme.

Lorsqu'il a été aliéné un propre de l'un des conjoints, qu'il a été acquis un autre bien, avec déclaration que c'est pour tenir lieu de remploi du propre aliéné, le conjoint, dont le propre a été ainsi remplacé, ne peut pas demander d'autre remploi.

Quoique le remploi ait souvent pour objet le remplacement d'un immeuble qui a été aliéné, & que l'action de remploi soit elle-même ordinairement stipulée propre, comme l'étoit le bien même dont elle tend à répéter la valeur, cette qualité de propre imprimée à l'action de remploi, n'est relative qu'à la communauté, & cela n'empêche pas que dans la succession du conjoint auquel le remploi est dû, l'action ne soit réputée mobiliaire, & n'appartienne à son héritier mobilier. Voyez les commentateurs sur l'art. 232. de la coutume de Paris ; le Brun, de la communauté ; Renusson, sur la communauté & les propres du remploi, & les mots EMPLOI, PROPRE. (A)


REMPLOYERv. act. c'est employer derechef. On avoit révoqué ce commis, ensuite on l'a remployé.


REMPLUMERv. act. c'est regarnir de plume. Remplumer un lit, un oreiller ; un oiseau se remplume. Un joueur qui a perdu dans les premiers tours d'un breland, se remplume quelquefois dans les derniers.

REMPLUMER, v. act. reprendre ses plumes. Il se dit des oiseaux. On dit aussi remplumer un clavecin. voyez CLAVECIN.


REMPOISSONNERv. act. (terme de Pêcheur) c'est repeupler de poisson un étang & une riviere. Ceux qui achetent la pêche des eaux dormantes, sont ordinairement obligés de les rempoissonner, c'est-à-dire d'y remettre du peuple. Trévoux. (D.J.)


REMPORTERv. act. (Gramm.) emporter derechef. Remportez votre marchandise, elle est trop chere pour moi.

Il signifie aussi gagner, obtenir. Nous avons remporté sur l'ennemi des avantages qui ont montré que nos premieres défaites étoient arrivées par le défaut des généraux, & non par le manque du courage des soldats.

Il a remporté le prix de poésie proposé par l'académie Françoise ; cependant son poëme est médiocre.

Il n'a remporté aucun fruit de son travail, de ses voyages, de ses études, de ses connoissances, de son assiduité dans les antichambres.


REMPRISONNERv. act. (Gramm.) remettre en prison. Voyez PRISON & EMPRISONNEMENT.


REMPRUNTERemprunter de nouveau. Voyez EMPRUNTER.


REMSLE, (Géog. mod.) riviere d'Allemagne, dans la Souabe, au duché de Wirtemberg. Son cours est du levant au couchant, & va se joindre au Necker, au nord de Stutgard. (D.J.)


REMUAGES. m. (Gramm.) c'est l'action de remuer.

Les matelots ne peuvent se faire payer du remuage & de l'évent des grains qui sont dans le vaisseau.

Le billet de remuage est celui que les marchands de vin & autres particuliers sont obligés de prendre au bureau des aides, pour faire transporter du vin d'une cave dans une autre.


REMUEMENTREMUER, (Jardinage) se dit des terres qu'il faut fouiller & transporter pour faire des terrasses, & dresser des jardins.


REMUERv. act. (Gramm.) c'est ou mouvoir un corps sans le changer de place, ou le transporter d'un lieu dans un autre. Tu es mort, si tu remues. Il faut remuer souvent les grains. Il faut que l'argent se remue. On dit remuer une mauvaise affaire. Il remuera ciel & terre pour réussir. Il ne fera rien pour vous obliger, il remuera tout pour vous perdre. Il n'y a presque point de questions qu'Aristote n'ait remuées. Ce peuple est remuant. Pourquoi remuer les cendres des morts.

REMUER un compte, (terme de Teneur de livres) c'est le porter ou renvoyer d'un folio à un autre folio d'un livre nouveau, lorsqu'il ne reste plus de place dans l'ancien pour le continuer, & cela après qu'on en a fait la balance au pié des pages qui sont remplies. Ricard. (D.J.)


REMUEURS. m. (Comm. de blés) c'est le nom qu'on donne dans les provinces de France à des gens qui n'ont d'autre métier que de remuer dans les greniers publics ou particuliers le blé des marchands & des bourgeois, pour empêcher qu'il ne se gâte. (D.J.)


REMUEUSES. f. (Econ. domestiq.) aide qu'on donne à une nourrice. C'est elle qui rechange l'enfant, qui le berce, qui l'endort, en un mot qui lui rend tous les soins, excepté celui de l'alaiter. On dit remuer un enfant pour le changer de langes.


REMUGLES. m. (Gramm.) odeur désagréable qu'exhale un corps qui a été enfermé dans un endroit humide.


RÉMUNÉRATEURadj. & subst. (Gramm. & Théolog.) qui récompense & punit avec justice. Parmi les déistes il y en a qui nient un Dieu rémunérateur.


REMUNÉRATOIRE(Jurisprud.) se dit de ce qui est donné pour récompense de services, comme une donation ou un legs rémunératoire. Ces sortes de dispositions ne sont pas considérées comme de vraies libéralités lorsque les services étoient tels que celui qui les avoit rendus, pouvoit en exiger le salaire. Voyez au code liv. V. tit. 3. la loi 20. & DONATION. (A)


RÉMURIESS. f. (Antiquit. rom.) remuria ; fête instituée en l'honneur de Rémus par Romulus son frere, à dessein d'appaiser ses manes. Servius dit que ce fut par ordre de l'oracle qu'on avoit consulté sur les moyens de faire cesser la peste qui survint après la mort de Rémus, que Romulus pour y satisfaire, lui fit bâtir un tombeau magnifique sur le mont Aventin, & qu'il établit en son honneur des sacrifices annuels qu'on appella de son nom remuria. Il ajoute que lorsqu'il rendoit la justice au peuple, il faisoit mettre à côté de son tribunal un siege semblable au sien, sur lequel étoient posés les ornemens de la dignité royale, comme si Rémus eût été vivant, & qu'il eût régné avec lui, & que c'est sur cela que Virgile a dit Remo cum fratre Quirinus jura dabat.

Ovide explique la chose d'une maniere plus poétique. Il fait paroître à Faustulus & à Acca Laurentia sa femme, fort affligés l'un & l'autre de la perte de Rémus, son ombre sanglante, qui les conjure d'engager son frere à honorer sa mémoire par une fête solemnelle. Il ne manque pas pour sauver l'honneur du fondateur de Rome, accusé d'un fratricide, d'en rejetter le crime sur le tribun Céler ; cependant les prieres & les conjurations qui se faisoient pendant cette cérémonie nocturne, & qui avoient beaucoup de rapport avec celles que l'antiquité superstitieuse employoit pour fléchir les manes irrités contre leurs meurtriers, pourroient faire douter de la pureté & du calme de la conscience de Romulus. Quoi qu'il en soit, il paroît que cette fête devint ensuite générale pour tous les morts ; ce qui lui fit donner le nom de lemuriae, lémuries. Voyez LEMURIES.

On nommoit aussi remuria chez les Romains, le pourpris où Rémus prit l'augure du vol des oiseaux, & où il fut enterré. (D.J.)


REMURINUS-AGER(Géogr. anc.) Festus met une différence entre Remurinus ager, & Remuria ou Remoria, lieu sur le haut du mont Aventin ; & Denys d'Halicarnasse donne le nom de Remoria à un lieu qu'il place sur le bord du Tibre, à 20 stades de la ville de Rome. Il y a néanmoins apparence que Remurinus-ager étoit au voisinage du mont Aventin, & que Remuria ou Remoria étoit au sommet de ce mont. Quant à ce que Festus ajoute, que ce lieu fut autrement appellé Remorum, ce fut peut-être parce que les augures avoient arrêté Rémus dans ce lieu. (D.J.)


REMYSAINT- (Géograph. mod.) petite ville de France en Provence, au diocese d'Avignon, entre des étangs, à quatre lieues d'Arles. Il y a dans cette petite ville une collégiale fondée l'an 1530, par le pape Jean XXII. Long. 22. 15. latit. 43. 40.

Le lieu de Saint-Remy paroît avoir été anciennement nommé Glanum, ville située dans la contrée des Saliens en Provence, & peu éloignée de la ville d'Arles. Il en est fait mention dans l'itinéraire d'Antonin, dans la table de Peutinger, dans Pomponius Méla, Pline & Ptolémée, qui entre les villes principales des Saliens, comptent celle de Glanum.

Ce fut l'an 501 qu'elle changea son nom en celui de Remy, à l'occasion d'un voyage que S. Remy, archevêque de Rheims, fit en Provence, où il accompagna le roi Clovis, lorsque ce prince alla pour assiéger dans Avignon, Gondebaud, roi des Bourguignons. Le motif de ce voyage, & le changement du nom de Glanum en celui de Saint-Remy, est rapporté fort au long par Honoré Boucher, dans son histoire de Provence, que l'on peut consulter.

A un quart de lieue de Saint-Remy, on voit dans ce siecle même, au milieu de la plaine, un grand mausolée de pierre très-solide & très-élevé, avec toutes les proportions de l'architecture la plus réguliere. Ce monument avoit dans sa hauteur, suivant la mesure de Provence, huit cannes trois pans & demi ; chaque canne composée de huit pans ; & chaque pan de neuf pouces & une ligne ; ensorte que suivant la réduction à notre maniere ordinaire, ce mausolée avoit huit toises trois piés un pouce dix lignes de hauteur ; & si l'on juge du diametre par la hauteur, on comprend de quelle solidité doit être ce monument que le tems n'a encore pû détruire.

Honoré Boucher, dans son histoire ; M. Spon dans une estampe qui est à la tête de ses recherches d'antiquités ; le P. Montfaucon, dans son antiquité expliquée, liv. V. en ont donné chacun le dessein. Mais M. de Mautour a donné ce même dessein beaucoup plus grand & plus exact, avec une explication de l'inscription qu'on trouvera dans l'histoire de l'académie des Belles-Lettres, tom. VII. in-4°.

On voit encore près de Saint-Remy, les restes d'un bel arc de triomphe, composé d'une seule arcade, mais sans aucune inscription. Il est gravé dans les antiquités du P. Montfaucon, tom. IV. du supplément, c. iv. p. 78. & M. de Mautour l'a fait aussi graver sur un dessein, dans le même tome des mémoires de Littérature, que nous venons de citer.

Les Nostradamus (Michel & Jean) tous deux freres, étoient de Saint-Remy. Michel, après avoir pris le bonnet de docteur en Médecine, & donné quelques traités sous des titres amusans, comme des fards, des confitures, de la cosmétique, imagina le métier de devin, & publia ses prophéties en quatrains. Il vivoit dans un siecle où l'on avoit l'imbécillité de croire à l'Astrologie judiciaire. Les prédictions de Nostradamus firent du bruit. Henri II. & la reine Catherine de Médicis, voulurent voir le prophete, le reçurent très-bien, & lui donnerent un présent de deux cent écus d'or. Sa réputation augmenta. Charles IX. en passant par Salon, se déclara son protecteur, & lui accorda un brevet de médecin ordinaire de sa personne. Nostradamus mourut dans cette ville, comblé d'honneurs, de visites & de folies, seize mois après en 1565, à 62 ans passés, ce qu'il n'avoit pas prédit. Son frere Jean est connu par les vies des anciens poëtes provençaux, dits troubadours, imprimé à Lyon en 1575, in-8°. (D.J.)


RENAIRE(Géog. mod.) bourg, qui au commencement du dernier siecle, étoit une petite ville enclavée dans la Flandre gallicane, à cinq lieues de Tournay, & à deux d'Oudenarde ; il y a encore dans ce bourg trois dignités & quinze canonicats. (D.J.)


RENAISON(Géogr. mod.) petite ville de France dans le Forez, diocèse de Lyon, élection de Roanne. (D.J.)


RENAISSANCERÉGÉNÉRATION, (Synon.) on se sert du mot renaissance au propre & au figuré ; la renaissance des hommes ; la renaissance des beaux arts ; on apperçoit dans ses discours la renaissance des lettres humaines. Régénération ne se dit qu'en termes de piété pour désigner la conversion au christianisme, en recevant le baptême qui en est le signe. Une nouvelle cérémonie, dit M. Bossuet, fut instituée pour la régénération. (D.J.)


RENAISSANTadj. (Gramm.) qui renaît à mesure qu'il est détruit. Prométhée avoit un foie renaissant. Rome renaissante ; l'académie renaissante. Dans ces derniers exemples, la renaissance suppose une grandeur éclipsée, des fonctions interrompues.


RENAITREv. neut. (Gramm.) c'est naître une seconde fois. On fait renaître le phénix de sa cendre. Les peres renaissent dans leurs enfans. Les fleurs renaissent. On renaît au monde, à la religion, à la vertu, &c.


RENALadj. (Anatomie) on entend par ce mot tout ce qui concerne les reins. Voyez REINS.

RENALES, (glandes) glandulae renales, en Anatomie ; ce sont des glandes ainsi appellées, parce qu'elles sont situées proche des reins. Elles furent découvertes par Bar. Eustachi, natif de San-Severino, en Italie. Voyez GLANDE. On les nomme aussi capsules atrabilaires, parce que leur cavité est toujours remplie d'une liqueur noirâtre ; d'autres les nomment renes succenturiati, parce qu'elles ressemblent par leur forme aux reins mêmes. Renes succenturiati, sont appellés une sorte de seconds reins, succenturiatus signifiant quelque chose qui est à la place d'une autre. On les appelle aussi reins succenturiaux.


RENALMES. f. (Hist. nat. Botan.) renalmia, genre de plante à fleur en rose composée de trois pétales disposés en rond ; le calice est aussi composé de trois feuilles ; le pistil sort de ce calice, & devient dans la suite un fruit membraneux, cylindrique, divisé en trois capsules remplies de semences oblongues, & garnies d'aigrettes. Plumier, nova plant. amer. genera. Voyez PLANTE.


RENARDS. m. (Hist. nat. Zoolog. quadrupede) vulpes ; animal quadrupede qui a beaucoup de rapport au loup & au chien pour la conformation du corps. Il est de la grandeur des chiens de moyenne taille ; il a le museau effilé comme le lévrier, la tête grosse, les oreilles droites, les yeux obliques comme le loup, la queue touffue, & si longue qu'elle touche la terre. Le poil est de diverses couleurs, qui sont le noir, le fauve & le blanc, diversement distribués sur différentes parties du corps ; le roux domine dans la plûpart des renards : il y en a qui ont le poil gris argenté ; tous ont le bout de la queue blanche ; les piés des derniers sont plus noirs que ceux des autres. On les appelle en Bourgogne renards charbonniers. Le renard creuse en terre avec les ongles des trous, où il se retire dans les dangers pressans, où il s'établit, où il éleve ses petits. Il se loge au bord des bois, à portée des hameaux ; il est attentif au chant des coqs & au cri de la volaille, & il tâche par toutes sortes de ruses d'en approcher. S'il peut franchir les clôtures d'une basse-cour, ou passer par-dessous, il met tout à mort ; ensuite il emporte sa proie ; il la cache sous la mousse ou dans un terrier ; il revient plusieurs fois de suite en chercher d'autres, jusqu'à ce que le jour ou le mouvement dans la maison l'empêche de revenir. Il s'empare des oiseaux qu'il trouve pris dans les pipées & au lacet ; il les emporte successivement ; il les dépose tous en différens endroits, sur-tout au bord des chemins, dans les ornieres, sous un arbuste, &c. Ses appétits le portent à vivre de rapine comme le loup ; mais la nature ne lui a pas donné la même force. En échange elle lui a prodigué toutes les ressources de la foiblesse, l'industrie, la ruse, & même la patience ; ces qualités le servent ordinairement mieux pour assurer sa subsistance, que la force ne sert au loup. D'ailleurs il est infatigable, & doué d'une souplesse & d'une légéreté supérieures. J'en ai vû plusieurs sauter par-dessus des murs de neuf piés de haut, pour éviter des embuscades de tireurs qu'ils éventoient. Le renard mérite donc sa réputation. Son caractere est composé d'industrie & de sagacité, quant à la recherche de ses besoins, de défiance & de précautions à l'égard de tout ce qu'il peut avoir à craindre. Il n'est point aussi vagabond que le loup. C'est un animal domicilié qui s'attache au sol, lorsque les environs peuvent lui fournir de quoi vivre. Il se creuse un terrier, s'y habitue, & en fait sa demeure ordinaire, à moins qu'il ne soit inquiété par la recherche des hommes, & qu'une juste crainte ne l'oblige à changer de retraite. Ceux que l'inquiétude ou le besoin forcent à chercher un nouveau pays, commencent par visiter les terriers qui ont été autrefois habités par des renards ; ils en écurent plusieurs, & ce n'est qu'après les avoir tous parcourus, qu'ils prennent enfin le parti d'en choisir un. Lorsqu'ils n'en trouvent point, ils s'emparent d'un terrier habité par des lapins, en élargissant les gueules, & l'accommodent à leur usage. Le renard n'habite cependant pas toujours son terrier. C'est un abri & une retraite dont il use dans le besoin ; mais la plus grande partie du tems il ne terre point, & il se tient couché dans les lieux les plus fourrés des bois.

Les renards dorment une partie du jour : ce n'est proprement qu'à la nuit qu'ils commencent à vivre. Leurs desseins ont besoin de l'obscurité, de l'absence des hommes, & du silence de la nature. En général ils ont les sens très-fins ; mais c'est le nez qui est le principal organe de leurs connoissances. C'est lui qui les dirige dans la recherche de leur proie, qui les avertit des dangers qui peuvent les menacer. Il assure & rectifie les appercevances que donnent les autres sens ; & c'est lui qui a la plus grande influence dans les derniers jugemens qu'ils portent relativement à leur conservation. Les renards vont donc toujours le nez au vent. Dans les pays fort peuplés de gibier, ils ne s'approchent guere de la demeure des hommes, parce qu'ils trouvent dans les bois ou aux environs, une nourriture qu'ils se procurent facilement, & avec moins de péril. Ils surprennent les lapins, les levreaux, les perdrix lorsqu'elles couvent. Souvent même ils attaquent les jeunes faons à la reposée, & sur-tout ceux des chevreuils. Pendant l'été ils vivent donc ordinairement avec beaucoup de facilité ; ils mangent même les hannetons, saisissent les mulots, les rats de campagne, les grenouilles, &c. Pendant l'hiver, & sur-tout lorsqu'il gèle, la vie leur devient plus difficile. Le renard alors est souvent forcé de s'approcher des maisons. Toujours partagé entre le besoin & la crainte, sa marche est précautionnée, souvent suspendue ; la défiance & l'inquiétude l'accompagnent. Cependant la faim devenant plus pressante, le courage augmente, sur-tout lorsque la nuit est avancée. Le renard cherche alors à pénétrer dans une basse-cour, jusque dans le poulailler, où il fait beaucoup de ravages. Il prodigue les meurtres, & emporte à mesure les volailles qu'il a égorgées ; il les réserve pour le besoin, & les couvre avec de la terre & de la mousse. Souvent aussi il tue sans emporter, & seulement pour assouvir sa rage. On doit chercher à détruire un animal aussi dangereux pour les basse-cours & pour le gibier ; & tout le monde est intéressé à lui faire la guerre. On chasse le renard avec des bassets, des briquets ou des chiens courans de petite taille. Ces chiens le chassent chaudement, parce qu'il exhale une odeur très-forte. Mais la chasse ne seroit pas longue, si l'on n'avoit pas eu auparavant la précaution de boucher les terriers. On place des tireurs à portée de ces terriers, ou des autres refuites connues du renard. S'ils viennent à le manquer, l'animal effrayé cherche alors assez au loin une retraite qui le dérobe à la poursuite des chiens, & aux embûches des hommes. Il parvient enfin à trouver un terrier ; mais on le poursuit encore dans sa demeure souterraine ; on y fait entrer de petits bassets qui l'amusent, l'empêchent de creuser, & que souvent il mord cruellement. On fouille la terre pendant ce tems ; on arrive au fond ; on le saisit avec une fourche, & après l'avoir baillonné, on le livre aux jeunes chiens qui ont besoin d'être mis en curée.

On détruit de cette maniere une assez grande quantité de renards ; mais on ne doit pas se flatter de réussir par ce moyen seul, à en anéantir la race dans un pays. Pour y parvenir, ou à-peu-près, il faut multiplier les pieges & les appâts, & par mille formes séduisantes & nouvelles, surprendre à tout moment leur défiance vigilante & réfléchie. Lorsque les renards ne connoissent point encore les pieges, il suffit d'en tendre dans les sentiers où ils ont l'habitude de passer, de les bien couvrir avec de la terre, de l'herbe hachée, de la mousse ; de maniere que la place sous laquelle est le piege, ne differe en rien à l'extérieur du terrein des environs. On y met pour appât un animal mort, auquel on donne la forme d'un abattis, & on l'y laisse pourrir jusqu'à un certain degré ; car l'odeur de la chair pourrie attire souvent plus le renard qu'un appât tout frais. On en prend beaucoup de cette maniere, lorsqu'ils ne sont pas encore instruits. Mais s'ils ont vû d'autres renards pris à ces pieges ; si eux-mêmes y ont été manqués, il devient nécessaire de changer les appâts, & de chercher à les rendre plus friands. Des hannetons fricassés dans de la graisse de porc, attirent beaucoup les renards, sur-tout si l'on y mêle un peu de musc. Le grand art est d'assurer bien l'animal sur l'appât avant d'y mettre le piege, de préparer le terrein peu-à-peu, & de vaincre par la patience sa défiance inquiete. Ce qui attire le plus puissamment les renards, c'est l'odeur de la matrice d'une renarde tuée en pleine chaleur. On la fait sécher au four, & elle sert pendant toute l'année. On place des pierres dans les carrefours des bois ; on répand du sable autour ; on frotte la pierre avec la matrice ; les renards y viennent, mâles & femelles, s'y arrêtent, y grattent, &c. Lorsqu'ils y sont bien accoutumés, on frotte le piege de la même maniere, on l'enterre à deux pouces dans le sable, & ordinairement l'attrait est assez fort pour vaincre l'inquiétude naturelle à cet animal. A ces soins il faut joindre celui d'observer avec la plus grande attention, les terriers que les femelles préparent pour déposer leurs petits. Ces animaux s'accouplent à la fin de Janvier & en Février ; on trouve des renardeaux dès le mois d'Avril. La portée est ordinairement de trois jusqu'à six. Le pere & la mere les nourrissent en commun. Ils vont souvent en quête, sur-tout lorsque les petits commencent à devenir voraces. Ils leur apportent des volailles, des lapins, des perdrix, &c. & les bords du terrier qu'habite une portée de renards sont bientôt couverts de carcasses de toute espece. Tout cela est aisé à reconnoître ; mais il faut prendre garde d'inquiéter inutilement le pere ou la mere. Dans la même nuit, ils transporteroient leurs petits, & souvent à une demi-lieue de là. Il faut donc assaillir tout d'un coup le terrier, tendre des pieges aux différentes gueules ; & comme on n'est pas toujours sûr que les vieux renards soient enfermés dans le terrier, il faut assiéger aussi les chemins battus, appellés, coulées, par lesquels ils vont & viennent pour chercher à vivre. Alors la nécessité de nourrir leurs petits, les excite à braver le danger, & leur défiance est anéantie par ce besoin vif. Sans cela un renard assiégé de pieges dans un terrier n'en sort qu'à la derniere extrêmité. J'en ai vû un qui y resta quinze jours, & qui n'avoit plus que le souffle lorsqu'il se détermina à sortir. Ces animaux, lorsqu'ils sont pris, sont assez sujets à se couper le pié ; & cela arrive presque certainement lorsque le jour paroît avant qu'on y arrive.

Ils sont, comme les chiens, à-peu-près dix-huit mois à croître, & vivent de douze à quinze ans. On n'a jamais pû faire accoupler ensemble ces deux especes ; mais on y parviendroit sans-doute en apprivoisant par degrés la race sauvage du renard, qui à la premiere génération conserve toujours son naturel farouche, & son penchant à la rapine.

Il mange des oeufs, du lait, du fromage, des fruits, sur-tout des raisins, du poisson, des écrevisses. Il est très-avide de miel, & tire de terre les guépiers ; il attaque les abeilles sauvages : lorsqu'il sent les aiguillons des guepes, des frelons, des abeilles, qui tachent de le mettre en fuite, il se roule pour les écraser. Les femelles deviennent en chaleur en hiver, & on voit déja de petits renards au mois d'Avril ; les portées sont au moins de trois, au plus de six : il n'y en a qu'une chaque année. Les renards naissent les yeux fermés ; ils sont comme les chiens, dix-huit mois ou deux ans à croître, & vivent de même treize à quatorze ans. Le renard glapit, aboie, & pousse un son triste semblable à celui du paon. Il a différens tons, selon les sentimens dont il est affecté. Il se laisse tuer à coups de bâton comme le loup, sans crier. Il ne fait entendre le cri de la douleur que lorsqu'il reçoit un coup de feu qui lui casse quelque membre ; il est presque muet en été. C'est dans cette saison que son poil tombe & se renouvelle. Cet animal a une odeur très-forte & très-desagréable, & qui se fait sentir de loin, sur tout lorsqu'il fait chaud. Il mord dangereusement, & on ne peut lui faire quitter prise qu'en écartant ses mâchoires avec un levier. La chair du renard est moins mauvaise que celle du loup ; les chiens & même les hommes, en mangent en automne, sur-tout lorsqu'il s'est nourri & engraissé de raisins. Les renards se trouvent dans toute l'Europe, dans l'Asie septentrionale & tempérée, & même en Amérique ; mais ils sont rares en Afrique & dans les pays voisins de l'équateur. Dans les pays du nord il y a des renards noirs, des bleus, des gris, des gris de fer, des gris argentés, des blancs, des blancs à piés fauves, des blancs à tête noire, des blancs avec le bout de la queue noire, des roux avec la gorge & le ventre entierement blancs, & enfin des croisés ; ceux-ci ont une bande longitudinale qui s'étend depuis le bout du museau jusqu'au bout de la queue, en passant sur la tête & sur le dos, & une bande transversale qui passe sur le dos & s'étend sur les deux jambes de devant. La fourrure des renards noirs est la plus précieuse ; c'est même après celle de la zibeline, la plus rare & la plus chere ; on en trouve au Spitzberg, en Groenland, en Laponie, en Canada. Hist. nat. gen. & part. tom. VII.

RENARD, (Mat. méd.) les pharmacologistes ont vanté, selon leur usage, je ne sais combien de parties du renard, sa graisse, ses testicules, l'os de sa verge, sa fiente, son sang, &c. mais tous ces remedes sont absolument oubliés. Le foie & le poumon sont les seules parties qui soient encore des remedes, & principalement le dernier viscere qu'on garde dans les boutiques, après l'avoir lavé dans du vin & séché. Non-seulement le poumon de renard est recommandé contre les maladies de la rate & le flux de ventre opiniâtre, mais encore il est regardé comme un spécifique contre la phthisie, soit étant pris en aliment, soit en donnant à titre de remede, le poumon de renard préparé & réduit en poudre, à la dose d'une dragme ou de deux, dans un bouillon, dans un looch ou un syrop approprié. On fait infuser encore un nouet de cette poudre dans la boisson ordinaire des asthmatiques : sur quoi il faut remarquer qu'il s'agit ici d'un poumon regardé comme spécifique des maladies du poumon, & dont la vertu a été très-probablement déduite d'après le principe des signatures. Voyez SIGNATURE, (Pharmacologie). On garde ordinairement dans les boutiques une huile appellée de renard, oleum vulpinum, & qui est préparée par infusion & par décoction avec l'huile d'olive, & la chair de renard cuite dans l'eau & le vin avec un peu de sel commun & quelques plantes aromatiques, jusqu'à ce qu'elle se sépare des os ; faisant cuire ensuite ce bouillon avec de l'huile d'olive jusqu'à consommation de l'humidité, & faisant infuser de nouveau quelques substances végétales aromatiques dans la colature. Cette huile est une de ces préparations puériles & monstrueuses, dont l'absurdité est démontrée à l'article HUILE PAR DECOCTION. Voyez sous l'article général HUILE. (b)

RENARD, (Comm. de Fourreur) ce qu'on tire du renard pour le commerce, ne consiste qu'en sa peau, laquelle étant bien passée & apprêtée par le pelletier, s'emploie à diverses sortes de fourrures. La Natolie, l'Arménie & la petite Tartarie fournissent quantité de peaux de renards, dont celles qui se tirent d'Asoph, de Caffa, & de Krin, sont réputées les plus belles. Il s'en envoie beaucoup à Constantinople, & en quelques autres endroits de l'Europe. Celles de ces pays-là destinées pour la France, qui sont en petit nombre, viennent pour l'ordinaire par la voie de Marseille.

C'étoit autrefois la mode en France de porter des manchons de peaux de renards toutes entieres, c'est-à-dire, avec les jambes, la queue, & la tête, à laquelle l'on conservoit toutes les dents, & où l'on ajoutoit une langue de drap écarlate, & des yeux d'émail, pour imiter, autant qu'il étoit possible, la vérité de la nature. Cette mode s'est tout-à-fait perdue. Savary. (D.J.)

RENARD MARIN, PORC MARIN, RAMART, s. m. (Hist. nat. Ichthyolog.) vulpes marina. Rai. Poisson de mer cartilagineux du genre des chiens de mer. M. Perrault en a disséqué un qui avoit huit piés & demi de longueur, & un pié deux pouces de largeur prise à l'endroit le plus gros, c'est-à-dire, au ventre. La queue étoit presque aussi longue que tout le corps, & faite en maniere de faux, un peu recourbée vers le ventre : il y avoit une nageoire à l'endroit où commençoit cette courbure. Le dos avoit deux sortes de crêtes élevées, une grande au milieu de sa longueur, & une plus petite vers la queue. Les nageoires étoient au nombre de trois de chaque côté : une auprès de la tête qui avoit un pié trois pouces de longueur, & cinq de largeur à la base, une sur le ventre qui étoit moins longue que celle de la tête, & elle avoit une pointe pendante qui est le caractere des mâles. La derniere nageoire étoit placée près de la queue & fort petite. La peau n'avoit point d'écailles, elle étoit lisse. Les crêtes & les nageoires avoient une couleur brune bleuâtre ; l'ouverture de la bouche étoit longue de cinq pouces ; les dents différoient entr'elles par la forme & par la dureté ; le côté droit de la mâchoire supérieure jusqu'à l'endroit où sont les canines des animaux quadrupedes, avoit un rang de dents pointues, dures & fermes, étant toutes d'un seul os en forme de scie. Les autres dents qui se trouvoient de l'autre côté de cette mâchoire, & toutes celles de la mâchoire inférieure étoient mobiles, triangulaires, un peu pointues, & d'une substance beaucoup moins dure que celle des autres dents ; desorte qu'il y en avoit qui ne paroissoient être qu'une membrane durcie. La langue étoit entierement adhérente à la mâchoire inférieure, & composée de plusieurs os fermement unis les uns aux autres, & recouverts d'une chair fibreuse. La peau de la langue étoit garnie de petites pointes brillantes qui la rendoient fort âpre & fort rude. Mem. de l'acad. royale des Sciences par M. Perrault, tom. III. part. I. Voyez POISSON.

RENARD du Pérou, (Hist. nat. d'Amérique) cet animal que les naturels appellent chinche, est de la grosseur d'un de nos chats, & a les deux mâchoires formant une gueule fendue jusqu'aux petits angles des yeux ; ses pattes sont divisées en cinq doigts munis à leur extrêmité de cinq ongles noirs, longs & pointus, qui lui servent à creuser son terrier. Son dos est voûté, semblable à celui d'un cochon, & le dessous du ventre est tout plat ; sa queue est aussi longue que son corps ; il fait sa demeure dans la terre, comme nos lapins, mais son terrier n'est pas si profond. (D.J.)

RENARD, s. m. (Archit.) ce terme a plusieurs significations. Les Maçons appellent ainsi les petits moilons qui pendent au bout de deux lignes attachées à deux lattes, & bandées, pour relever un mur de pareille épaisseur, dans toute sa longueur. Ils donnent aussi ce nom à un mur orbe, décoré pour la symmétrie, d'une architecture pareille à celle d'un bâtiment qui lui est opposé.

Les Fontainiers appellent encore renard un petit pertuis ou fente, par où l'eau d'un bassin, ou d'un réservoir, se perd, parce qu'ils ont de la peine à la découvrir pour la réparer.

Enfin renard est un mot de signal entre des hommes qui battent ensemble des pieux, ou des pilots à la sonnette, desorte qu'un d'entr'eux criant au renard, ils s'arrêtent tous en même tems ; ou pour se reposer après un certain nombre de coups, ou pour cesser tout-à-fait au refus du mouton. Il crie aussi au lard, pour les faire recommencer. Dict. d'Archit. (D.J.)

RENARD, (Marine) espece de croc de fer avec lequel on prend les pieces de bois qui servent à la construction des vaisseaux, pour les transporter d'un lieu à un autre.

RENARD, (Marine) petite palette sur laquelle on a figuré les 32 airs ou rumbs de vent. A l'extrêmité de chaque rumb il y a six petits trous qui sont en ligne droite. Les six trous représentent les six horloges, ou les six demi-heures du quart du timonnier, qui pendant son quart, marque avec une cheville sur chaque air de vent, combien il a été couru de demi-heures ou d'horloges. De maniere que si le sillage du vaisseau a été sur le nord pendant quatre horloges, le timonnier met la cheville au quatrieme trou du nord ; & cela sert à assurer l'estime & le pointage. On attache le renard à l'artimon proche l'habitacle.

On voit bien que ceci est une espece de journal méchanique, par lequel on tient compte du sillage du vaisseau & de sa direction, bien inférieur à un journal véritable. Voyez JOURNAL. Aussi je ne connois que M. Aubin qui ait parlé de cette espece d'instrument ; & on n'en trouve la description dans aucun traité du pilotage.


RENCAISSERv. act. (Jardinage) est consacré aux arbres de fleurs, tels que les orangers, les mirthes, les grenadiers & autres, qu'on est indispensablement obligé de renfermer dans des caisses de bois, afin qu'étant pénétrés de tous côtés de l'ardeur du soleil, ils acquierent un degré de chaleur approchant de celui dont ces arbres jouissoient naturellement dans les pays chauds d'où ils viennent.

Quand la caisse ne vaut plus rien, ou qu'elle est trop petite pour contenir les racines d'un oranger, il faut la changer. Si les terres ne sont usées qu'à demi, on ne fait que donner à l'arbre un demi-rencaissement, c'est-à-dire, qu'on tire avec la houlette, sans toucher aux racines, les terres usées, & qu'on en remet sur le champ de nouvelles, que l'on a bien soin de plomber.

Quand les terres sont entierement usées, on rencaisse un arbre de cette maniere : on l'arrose avant de le sortir de sa caisse, pour affermir la motte ; on met un lit de platras au fond de la caisse, afin de donner passage à l'eau superflue des arrosemens ; ensuite on remplit la caisse à-demi de terre préparée qu'on fait plomber, on jette un peu de terre meuble par-dessus, pour y placer la motte de l'oranger qu'on tire de la vieille caisse ; la moitié de cette motte sera retranchée tout-autour & en-dessous, & on coupera les racines & les chicots qui s'y rencontrent ; c'est ce qu'on appelle égravillonner. Vous plantez cette motte au milieu de la caisse, & vous élevez l'arbre de trois pouces au-dessus des bords de la caisse, parce que les arrosemens & les terres qui se plomberont dans la suite, ne le feront que trop descendre à niveau de la caisse.

On doit mettre un arbre nouvellement encaissé 25 jours à l'ombre, & ensuite l'exposer au grand soleil avec les autres.

Le rencaissement se fait ordinairement au sortir de la serre, avant la grande pousse, & jamais à la fin de l'automne, à cause de la proximité de l'hiver, à moins qu'il n'y ait une nécessité indispensable.


RENCHAINERv. act. (Gram.) enchaîner de nouveau. On renchaîne les chiens de basse-cour le matin. Voyez CHAINE & ENCHAINER.


RENCHEN(Géog. mod.) riviere d'Allemagne. Elle a sa source dans l'Ortnaw, & vient se jetter dans le Rhin, à quelques lieues au-dessus de Strasbourg. (D.J.)


RENCHÉRIRv. n. (Comm.) devenir plus cher, augmenter de prix. La guerre a fait renchérir le caffé & les autres épiceries que nous tirons du levant & des Indes.

Ce mot se dit encore activement des marchands qui demandent de leurs marchandises plus qu'ils n'ont coutume de les vendre. Vous avez renchéri votre drap, vos toiles, &c. Dictionn. de Comm. & de Trévoux.


RENCHIERS. m. (terme de Blason) ce mot se dit d'une espece de grand cerf qui est de plus haute taille & d'un bois plus long que les bois de cerf ordinaire, plus plat & plus large que celui d'un daim ; alors on dit en blasonnant, N. porte d'azur à trois renchiers d'or. (D.J.)


RENCLOUERv. act. (Gram.) enclouer derechef. Voyez ENCLOUER.


RENCONTRES. f. (Gram.) approche fortuite de deux choses qui se réunissent. Les Epicuriens expliquerent la génération des choses par la rencontre des atomes. On appelle rencontre, dans l'art militaire, l'action de deux petits corps, voyez l'article suivant, & dans la société, l'arrivée de deux personnes dans un même lieu ; il y rencontra son ami, & cette rencontre lui fut très-douce. Aller à la rencontre ou au-devant, c'est la même chose ; s'il y a quelque différence, c'est qu'on va au-devant d'un grand, à la rencontre de son égal. Il y a des rencontres fâcheuses.

RENCONTRE, c'est à la guerre le choc de deux corps de troupes, qui se trouvent en face l'un de l'autre, sans se chercher. En ce sens, rencontre est opposée à bataille rangée. Ainsi l'on dit, ce ne fut pas une bataille, ce ne fut qu'une simple rencontre. La bataille de Parme en 1734, fut proprement une rencontre. L'armée de l'empereur marchant pour investir & faire le siege de cette ville, & l'armée françoise pour s'y opposer ; ces deux armées se rencontrerent sur la chaussée de Parme, où elles combattirent pendant dix heures sur un front seulement de deux brigades. (Q)

RENCONTRE se dit aussi des combats singuliers par opposition à duel.

Quand deux personnes prennent querelle, & se battent sur le champ ; cela s'appelle rencontre. Ainsi l'on dit : ce n'est pas un duel, c'est une rencontre. Voyez DUEL. Chambers.

RENCONTRE, (Chymie) vaisseaux de rencontre. Les Chymistes nomment ainsi un appareil de deux vaisseaux à ouverture unique, & qui se rencontrent ou sont ajustés ensemble par leur bouche ou ouverture, ensorte qu'ils ayent une capacité commune. Ce sont deux matras ou deux cucurbites qu'on appareille ainsi. Voyez CUCURBITE, MATRAS, & les Planches de Chymie. On employe cet appareil aux circulations, & aux digestions. Voyez CIRCULATION & DIGESTION, Chymie. On charge l'un des vaisseaux, celui qu'on destine à être dans la situation droite, de la matiere à traiter ; on abouche l'autre, en le renversant de maniere que sa bouche soit reçue dans le premier (car s'il recevoit au contraire, les gouttes condensées qui doivent découler le long de ses parois, ne sauroient retomber immédiatement dans le vaisseau inférieur, ce qu'on se propose cependant) ; enfin on lutte la jointure. (B)

RENCONTRE, cas fortuit, il se dit également dans le commerce, en bonne & mauvaise part.

Les marchands pour faire entendre qu'ils ont eu bon marché d'une chose, disent, c'est une rencontre, ou j'ai eu cela de rencontre, c'est-à-dire, de hazard ; je ne l'ai point achetée chez les marchands.

L'on dit encore en termes de commerce de lettres de change, j'ai trouvé rencontre pour Amsterdam, pour Lyon, pour Anvers, pour signifier qu'on a trouvé des lettres de change pour ces places. Voyez PLACE. Dictionn. de Commerce & de Trévoux.

RENCONTRE, (Marine) commandement au timonnier de pousser la barre du gouvernail, du côté opposé à celui où il l'avoit poussée.

RENCONTRE, (Charpent. Menuis.) c'est l'endroit à deux ou trois pouces près, où les deux traits de scie se rencontrent, & où la piece de bois se sépare. (D.J.)

RENCONTRE piece de, (terme de Tourneur) c'est ainsi qu'on nomme un morceau de fer attaché au haut de la lunette d'une poupée, qui par sa rencontre avec la piece ovale, fait hausser ou baisser l'arbre sur lequel on tourne des ouvrages de figures irrégulieres. La piece ovale ou les autres pieces irrégulieres de cet arbre, sont faites pour l'ordinaire, de cuivre, afin que la rencontre en soit plus douce. Voyez TOUR.

RENCONTRE, s. m. terme de Blason, ce mot se dit en blasonnant, des quadrupedes qui présentent une tête de front, & dont on voit les deux yeux ; mais à l'égard du léopard & du cerf, cette position s'appelle massacre. N. porte de sable au rencontre de bélier d'or. Menestrier. (D.J.)


RENCONTRÉE(Commerce) valeur de moi-même ou rencontrée en moi-même, style de lettres de change. Les lettres de change où ces termes se mettent sont la troisieme espece de lettres de change ; on les libelle de la sorte afin que lorsqu'un banquier ou négociant tire une lettre de change sur son débiteur, elle paroisse toujours être de ses propres deniers, à cause de la créance qu'il a de pareille somme sur celui sur qui il l'a tirée, ce qui ne seroit pas si le tireur mettoit valeur reçue en deniers comptans, parce qu'alors le commissionnaire ou l'ami à qui elle auroit été remise pour la recevoir, pourroient prétendre que la lettre leur appartiendroit, puisqu'il paroitroit par la lettre qu'ils en auroient fourni la valeur. Dictionn. de commerce.


RENCONTRERv. act. (Gramm.) Voyez l'article RENCONTRE.

RENCONTRER, c'est trouver la voie d'une bête ; le limier rencontre.


RENDABLEadj. (Jurisprud.) se dit en plusieurs sens différens.

Fief rendable, étoit celui que le vassal devoit rendre à son seigneur en cas de guerre.

Rente rendable, dans quelques coutumes, comme Auvergne & la Marche, est la rente constituée à prix d'argent.

On dit aussi quelquefois en parlant d'un cens ou d'une rente qu'ils sont rendables à tel endroit, c'est-à dire portables dans ce lieu & non quérables. Voyez le glossaire de M. de Lauriere au mot rendable. (A)


RENDAGES. m. (Jurisprud.) signifie ce que l'on rend de quelque chose au seigneur ou maître, le profit qu'il en retire.

Par exemple, en fait de monnoie, le droit de rendage de chaque ouvrage comprend le droit de seigneuriage dû au roi, & le brassage du maître de la monnoie, qui lui est accordé par les ordonnances sur chaque marc. Voyez l'article suivant.

Rendage se prend aussi pour la ferme, profit & revenu que l'on retire d'un héritage ; ainsi dans la coutume de Liege les rentes créées par rendage sont les rentes foncieres réservées lors de l'aliénation du fonds. Voyez le gloss. de M. de Lauriere au mot rendage. (A)

RENDAGE, s. m. (Monnoyage) ce mot signifie ce que les especes, quand elles sont fabriquées, rendent à cause de l'alliage qu'on y mêle, au-dessus du véritable prix de l'or & de l'argent avant ce mêlange ; le rendage comprend également le droit de seigneuriage dû au souverain sur les monnoies, & le droit de brassage accordé aux maîtres des monnoies pour les frais de la fabrication.

Rendage se dit aussi de ce qu'il faut que les officiers des monnoies rendent au roi pour le défaut des monnoies mal fabriquées. Le rendage du marc d'or est 10 liv. 10 sols, savoir 7 liv. 10 sols pour le seigneuriage, & 3 liv. pour le brassage. Le rendage d'un marc d'argent est de 28 sols 12/23, savoir 10 12/23 pour le seigneuriage, & 18 sols pour le brassage. (D.J.)


RENDETTER(Commerce) s'endetter une seconde fois. Voyez ENDETTER, S'ENDETTER.


RENDEZ-VOUSS. m. (Gram.) c'est le lieu où l'on doit se trouver à une certaine heure. Ce fut le rendez-vous général de l'armée, de la chasse, &c.

RENDEZ-VOUS, (Marine) c'est le lieu convenu entre les vaisseaux d'une flotte, où ils doivent se réunir au cas qu'ils viennent à être dispersés.


RENDONNÉES. f. terme de Vénerie, c'est lorsqu'après que le cerf est donné aux chiens il se fait chasser deux ou trois fois dans son enceinte, & tourne deux ou trois tours autour du même lieu, & se retire ensuite fort loin. Fouilloux. (D.J.)


RENDOUBLERv. act. (Tailleur & Couturiere) c'est coudre les bords d'une étoffe en double, pour raccourcir ou retrécir. Il vaut mieux faire un rendouble que rogner.


RENDREREMETTRE, RESTITUER, (Syn.) Nous rendons ce qu'on nous avoit prêté ou donné. Nous remettons ce que nous avions en gage ou en dépôt. Nous restituons ce que nous avons pris ou volé.

On doit rendre exactement, remettre fidelement, & restituer entierement.

On emprunte pour rendre, on se charge d'une chose pour la remettre, mais on ne prend guere à dessein de restituer.

L'usage employe & distingue encore ces mots dans les occasions suivantes. Il se sert du premier à l'égard des devoirs civils, des faveurs interrompues, & des présens ou monumens de tendresse. On rend son amitié à qui en avoit été privé, les lettres à une maîtresse abandonnée. Le second se dit à l'égard de ce qui a été confié, & des honneurs, emplois ou charges dont on est revêtu. On remet un enfant à ses parens, le cordon de l'ordre, le bâton de commandant, les sceaux & les dignités au prince. Le troisieme se place, pour les choses qui ayant été ôtées ou retenues se trouvent dûes. On restitue à un innocent accusé son état & son honneur ; on restitue un mineur dans la possession de ses biens aliénés. Girard. (D.J.)

RENDRE, en Médecine, est la même chose qu'évacuer. Voyez EVACUER.

Dans les Transactions philosophiques, il est parlé d'un nommé Matthieu Milford, qui rendit un ver par les urines, lequel on croyoit venir des reins. Voyez VERS.

Lister fait mention d'une véritable chenille que rendit un enfant de neuf ans. M. Jessop a vû des insectes à six piés qu'avoit vomi une fille. Catherine Geilaria, qui mourut en 1662, dans l'hôpital d'Altenbourg, rendit vingt ans durant par la bouche & par les selles des crapauds & des lésards. Ephémer. d'Allemagne, tom. I. obs. 103.

Dans les mêmes Ephémerides, il y a un exemple d'un petit chat, nourri dans l'estomac d'un homme, & ensuite vomi. Il y est parlé aussi de petits chiens, de grenouilles, de lésards aquatiques, & d'autres animaux, nourris & rendus de la même façon. Bartholin parle d'un ver qui fut nourri dans le cerveau, & rendu par le nez. Voyez VERS.

RENDRE LE BORD, (Marine) c'est venir mouiller ou donner fond dans un port ou dans une rade.

Les vaisseaux de guerre ne doivent rendre le bord, s'ils n'ont point d'ordre, qu'après avoir consumé tous leurs vivres.

RENDRE LA MAIN, terme de Manege, c'est le mouvement que l'on fait en baissant la main de la bride, pour engager le cheval d'aller en-avant. Elém. de caval. (D.J.)


RENDSBOURG(Géog. mod.) ville d'Allemagne, dans le duché de Holstein, aux confins du duché de Sleswick ; elle est presque environnée de la riviere d'Eyder qui y forme deux lacs poissonneux, à six lieues au sud-est de Sleswick ; elle appartient au roi de Danemarck. Les Impériaux la prirent en 1627, & les Suédois en 1643. Long. 27. 30. lat. 54. 32.

Gudius (Marquard), savant littérateur, naquit à Rendsbourg en 1635, voyagea dans toute l'Europe, & mourut en 1689, laissant une curieuse bibliotheque, que Morhof appelle la reine des bibliotheques des particuliers. Ses manuscrits & autres raretés littéraires ont passé dans la bibliotheque du duc de Wolffenbuttel, & ce fut le célebre Léibnitz qui procura cette acquisition, étant allé pour cet effet dans le Holstein en 1710. Gudius avoit promis pendant sa vie divers ouvrages sans tenir parole ; mais on a trouvé dans sa bibliotheque un beau recueil d'inscriptions anciennes de sa main. Cet ouvrage, après divers contre-tems, a paru sous ce titre : Antiquae inscriptiones, tùm graecae, tùm latinae, olim à Marquardo Gudio collectae, nunc à Francisco Hesselio editae, cum adnotationibus. Leowardiae 1731, in-folio. Vous trouverez les détails qui regardent cet ouvrage dans la Bibliotheque raisonnée, tom. X. part. II. pag. 274. 290. (D.J.)


RENDU(Gramm.) participe du verbe rendre. Voyez l'article RENDRE.

RENDU, (Fortification) un rendu à la guerre est un soldat ou un deserteur d'une armée ennemie. (Q)

RENDU, (Maréchal.) un cheval rendu, est celui qui ne sauroit plus marcher.


RENDUIREv. act. (Gramm.) enduire de nouveau. Voyez ENDUIRE & ENDUIT.


RENDURCIRv. act. (Gramm.) endurcir derechef. Voyez les articles DUR, DURETE, ENDURCIR, ENDURCISSEMENT.


RÊNES. f. terme de Bourrelier, les rênes sont deux longes de cuir attachées à la branche de la bride ; elles sont dans la main du cavalier, font agir l'embouchure, tiennent la tête du cheval sujette, & servent à le conduire, soit à droite, soit à gauche.

Ce qu'on appelle fausse rêne, est une longe de cuir qu'on passe quelquefois dans l'arc du banquet, pour faire donner un cheval dans la main, ou pour lui faire plier l'encolure. (D.J.)


RENÉGATS. m. (Théol.) chrétien qui apostasie & abandonne la foi de Jesus-Christ pour embrasser quelqu'autre religion, mais singulierement le mahométisme. Voyez APOSTAT.

On prétend que les renégats sont ceux d'entre les turcs qui maltraitent le plus cruellement les esclaves chrétiens qui tombent entre leurs mains.

Ce mot est formé du latin renegare, qui signifie renier, abjurer un sentiment.


RENEN(Géog. mod.) petite ville & seigneurie d'Allemagne, au duché de Mecklenbourg, entre Padebusch & Dassow, sur les frontieres du duché de Holstein. (D.J.)


RENETTERAINE, CROISETTE, s. f. (Hist. nat. Icthyolog.) rana arborea ; c'est la plus petite espece de grenouille, on l'a nommée en latin rana arborea, parce qu'elle grimpe sur les arbres ; elle a toute la face supérieure du corps d'une belle couleur verte, & toute la face inférieure est blanchâtre, à l'exception des piés qui ont une couleur brune ; il y a de chaque côté du corps une ligne d'un jaune clair qui sépare la couleur verte de la couleur blanchâtre ; ces lignes commencent aux deux narines, elles passent chacune sur l'un des côtés de la tête & du corps, & descendent le long des jambes de derriere. Les doigts ont à leur extrêmité une sorte de petit bouton rond & charnu. Le mâle ne differe de la femelle, qu'en ce qu'il a la gorge brune.

Selon M. Raisel, les renettes passent presque tout l'été sur des arbres où elles se nourrissent d'insectes ; elles se retirent l'hiver dans la fange des mares ; elles croassent au commencement du printems avant toutes les autres especes de grenouilles, & leur croassement se fait entendre aussi beaucoup plus loin ; elles s'accouplent dans l'eau sur la fin du mois d'Avril : les vers ou plutôt les tétards qui proviennent du frai de renettes, ne prennent la forme de grenouille que deux mois & plus après qu'ils sont éclos. Journal étranger, Juillet 1754. p. 168. Voyez GRENOUILLE.

RENETTE, s. f. instrument de fer dont les Bourreliers se servent pour marquer des raies sur le cuir qu'ils employent ; cet instrument est une grande bande de fer de la largeur d'un pouce ployée en deux, ce qui donne à l'instrument deux branches d'environ 12 ou 14 pouces de long ; l'une des deux branches est de quelques lignes plus longue que l'autre, & la plus courte est un peu recourbée en-dehors par le bout. Vers le milieu de la longueur des deux branches est une vis de fer, qui sert à éloigner ou approcher les deux branches ; l'usage de la renette est de servir à tracer des raies sur les bandes de cuir au moyen de l'extrêmité de la branche recourbée, tandis que l'extrêmité droite ne fait que glisser le long de la coupe du cuir, & sert en quelque façon de regle pour tracer la raie bien droite. Voyez la fig. 23. Pl. du Bourrelier.

RENETTE, s. f. terme de Manége ; c'est un instrument d'acier, qui sert à trouver une enclouüre dans le pié du cheval.


RENFAITERv. act. (Gram. & Couvr.) c'est refaire le faîte d'une maison, & réparer les faîtieres. Voyez FAITE.


RENFERMERv. act. (Gram.) c'est enfermer de nouveau, & plus souvent enfermer ; on a renfermé ces fanatiques qui troublent la société par leurs extravagances. La terre renferme des trésors infinis qui nous sont encore inconnus, mais que les siecles à venir produiront au jour. Je me renferme dans ma petite sphere, & je mets mon bonheur à n'en point sortir ; cet objet est trop étendu, trop plein d'exceptions pour être renfermé dans quelques regles générales.

RENFERMER un cheval entre les cuisses. Voyez ASSUJETTIR.


RENFILERv. act. (Gramm.) c'est enfiler sur un nouveau fil ou une seconde fois sur le même fil, un collier, un chapelet, un bracelet, une aiguille.


RENFLAMMERv. act. (Gram.) c'est enflammer de nouveau. Voyez ENFLAMMER & FLAMME.


RENFLEMENTRENFLEMENT

Le renflement dans les colonnes est appellé en grec, & par Vitruve adjectio in mediis columnis ; il se fait au tiers vers le bout du bas du fût de la colonne ; & le milieu dont Vitruve parle, ne doit pas être entendu à la lettre, mais en général, de ce qui est seulement entre les extrêmités ; tous les gens de goût n'approuvent point le renflement des colonnes, & en donnent de bonnes raisons ; le lecteur les trouvera dans les commentaires de M. Perrault, sur le c. ij. du l. III. de Vitruve, & dans les principes d'Architecture de Félibien. (D.J.)


RENFONCEMENTS. m. (Archit.) c'est un parement au-dedans du nud d'un mur, comme d'une table fouillée, d'une arcade ou d'une niche feinte.

Renfoncement de sofite. C'est la profondeur qui reste entre les poutres d'un grand plancher ; lesquelles étant plus près que ses travées, causent des compartimens quarrés, ornés de corniches, architraves, comme aux sofites des basiliques de S. Jean de Latran, de Sainte-Marie majeure à Rome, &c. ou avec de petites calottes dans ses espaces, comme à une des salles du château de Maisons. C'est ce que Daniel Barbaro entend par ce mot lacus, qui peut signifier, & les renfoncemens quarrés d'une voûte, & ceux de la coupe du Panthéon à Rome.

Renfoncement de théâtre. C'est la profondeur d'un théâtre, augmentée par l'éloignement que fait paroître la perspective de la décoration. (D.J.)


RENFORCERv. act. (Gram.) rendre plus fort. On renforce un mur, une armée, une troupe, sa voix, une étoffe, &c.


RENFORMERv. act. en terme de Gantier-Parfumeur ; c'est élargir les gants sur le renformoir pour leur donner une meilleure forme. Voyez RENFORMOIR.


RENFORMIRv. act. (Archit.) c'est réparer un vieux mur, en mettant des pierres ou des moilons aux endroits où il en manque, & en boucher les trous de boulins ; c'est aussi lorsqu'un mur est trop épais en un endroit, & foible en un autre ; le hacher, le charger, & l'enduire sur le tout. Daviler. (D.J.)


RENFORMISS. m. (Archit.) c'est la réparation d'un vieux mur, à proportion de ce qu'il est dégradé. Les plus forts renformis sont estimés pour un tiers de mur ; mais on taxe quelquefois le renformis à 3 toises pour une, ou 7 pour 2, ce que les experts appellent médionner. Daviler. (D.J.)


RENFORMOIRS. m. instrument de Gantier, qu'on appelle aussi demoiselle ou servante ; c'est un outil de bois dur & tourné, fait en forme de pyramide, garni de plusieurs coches, il a environ un pié de hauteur ; la base en est plate, & le sommet rond. C'est sur cet instrument que les Gantiers renforment leurs gants, c'est-à-dire les élargissent au moyen de deux bâtons qu'ils appellent ordinairement tournegants. Voyez GANT.


RENFORTS. m. (Gram.) secours, addition qui fortifie ; on renforce, ou l'on envoie un renfort à une garnison.

RENFORT, c'est, dans l'Artillerie, une partie de la piece du canon dont le corps est ordinairement composé de trois grosseurs ou circonférences.

Le premier renfort, qui forme la premiere circonférence de la piece, se compte depuis l'astragale de la lumiere jusqu'à la plate-bande & moulure qui est sous les angles.

Le second renfort, qui est la seule circonférence, depuis cette plate-bande & moulure jusqu'à la plate-bande & moulure que l'on trouve immédiatement après les tourillons.

Ces deux premiers renforts vont toujours en diminuant. Ensuite est la volée, troisieme circonférence, qui est aussi moindre en grosseur. Voyez CANON.

Les mortiers & pierriers ont aussi différens renforts. Voyez MORTIERS & PIERRIERS. (Q)

RENFORT DE GUERRE, est un secours ou nouvelle augmentation d'hommes, d'armes, de munitions, Chambers.

Un général qui attend un renfort de troupes doit se tenir sur la défensive, & ne point se commettre avec l'ennemi avant qu'il soit arrivé. Il doit pour cet effet occuper un camp sûr, où l'ennemi ne puisse pas le forcer de combattre malgré lui. Il est des circonstances où l'on doit cacher à l'ennemi, lorsqu'il est possible de le faire, le renfort que l'on a reçu ; & cela, afin de le surprendre en l'attaquant dans le tems qu'il croit que la foiblesse de l'armée qu'il a en tête ne lui permettra point d'engager le combat. Cette espece de ruse a été pratiquée plusieurs fois & avec succès par les anciens. (Q)

RENFORT de caution, (Jurisprud.) est un supplément de caution que l'on donne lorsque la caution principale n'est pas suffisante.

Le renfort de caution est différent du certificateur de la caution. Celui-ci ne répond que de la solvabilité de la caution, & ne peut être poursuivi qu'après discussion faite de la caution, au lieu que le renfort de caution répond de la solvabilité du principal débiteur, & peut être attaqué en même tems que la caution principale. Voyez CAUTION, CAUTIONNEMENT, CERTIFICATEUR, DISCUSSION, FIDEJUSSEUR, FIDEJUSSION. (A)

RENFORT, terme de Fondeur, c'est la partie de la piece d'artillerie qui est un peu au-dessus des tourillons, & qui est d'ordinaire éloignée de la bouche du canon, d'environ quatre piés & demi, plus ou moins, selon la longueur de la piece. Cette partie sert par sa grosseur à renforcer le canon ; mais il faut remarquer qu'il y a deux renforts dans un canon. Le premier, qui forme la premiere circonférence de la piece, est depuis l'astragale de la lumiere, jusqu'à la plate-bande & moulure, qui est sous les ances. Le second renfort est la seconde circonférence, & s'étend depuis cette plate-bande & moulure, jusqu'à la plate-bande & moulure que l'on trouve immédiatement après les tourillons. (D.J.)


RENGAGERv. act. (Gram.) engager derechef. Rengager une action. Se rengager dans les mêmes liens. Voyez ENGAGER.


RENGORGEURoblique. Voyez DROIT.

Rengorgeur droit, voyez TRANSVERSAIRE de la tête, appellé premier transversaire.


RENGRAISSERv. act. (Gramm.) engraisser de nouveau. Voyez ENGRAISSER & GRAISSE.


RENGRENEMENTS. m. (Monnoyage) ce terme signifioit dans les hôtels des monnoies, dans le tems qu'on y faisoit encore le monnoyage au marteau, l'opération du monnoyeur, qui remettoit le flaon entre la pile & le trousseau, c'est-à-dire, entre les quarrés d'effigie & d'écusson, afin que s'il n'avoit pas été bien marqué du premier coup de marteau, on pût en achever plus parfaitement l'empreinte par un second coup. A l'égard des médailles, comme elles sont d'un grand relief, il faut souvent en faire le rengrenement, & les recuire à chaque fois qu'on l'a recommencé ; si le relief est excessif, il faut souvent en recommencer le rengrenement jusqu'à quinze ou seize fois, & à chaque fois limer la matiere qui déborde au-delà de la circonférence. Savary. (D.J.)


RENGRENERterme de Monnoye ; on dit rengrener une médaille lorsqu'elle n'a pas bien reçu l'empreinte, & qu'on la presse entre les deux carrés, ce qui se réitere plusieurs fois.


RENIERv. act. (Gram.) c'est méconnoître, abjurer, renoncer. On renie Dieu. On renie la religion. On renie son pere. On renie sa dette.


RENIFFLER(Maréchal.) se dit du bruit que le cheval fait avec ses naseaux, lorsque quelque chose lui fait peur.


RENITENCES. f. en Philosophie, signifie la force des corps solides par laquelle ils résistent à l'impulsion des autres corps, ou réagissent avec une force égale à celle qui agit sur eux. Ce mot vient du latin reniti, faire effort contre quelque chose. Voyez REACTION, voyez aussi RESISTANCE.

Dans tout choc de deux corps il y a une renitence ; car un corps qui en choque un autre perd une partie de son mouvement par le choc, s'il n'est pas à ressort ; & le corps qui étoit en repos est forcé de se mettre en mouvement : au reste le mot de renitence est peu usité, ceux de réaction ou de résistance sont presque les seuls en usage. (O)

RENITENCE, terme de Chirurgie, qui signifie proprement une dureté, ou une résistance au tact. La rénitence est un des principaux caracteres des tumeurs skirrheuses. Voyez SKIRRHE.

Il est à-propos de savoir juger par expérience des différens degrés de rénitence, pour estimer à quel point les humeurs épaissies qui forment la tumeur, sont privées de la sérosité qui leur servoit de véhicule dans l'état naturel, & regler les médicamens dont on peut user pour obtenir la résolution de la tumeur. On connoît aussi par le degré de rénitence bien apprécié de l'effet des médicamens qu'on a employés. Le froid contribue beaucoup à l'induration des tumeurs, & les glandes sont plus sujettes aux tumeurs dures que les autres parties, parce que la lymphe, fort susceptible d'épaississement, circule avec lenteur dans ces organes. Les glandes du cou sont plus sujettes à devenir skirrheuses que celles des aisselles & des aines, parce qu'elles sont plus exposées au froid. Les amygdales s'enflamment assez facilement, & leur gonflement inflammatoire devient souvent une tumeur dure & rénitente par l'action du froid. Voyez ESQUINANCIE. (Y)


RENK(Hist. nat.) nom d'un poisson d'eau douce, que l'on pêche en Baviere, dans un lac près du château de Starenberg. On dit que sa chair est blanche comme la neige, & que le goût en est admirable, & qu'il meurt aussi-tôt qu'il est sorti de l'eau.


RENNErangifer, s. f. (Hist. nat. Zoolog.) animal quadrupede qui ressemble beaucoup au cerf, mais qui est plus grand. Le bois de la renne a une figure très-différente de celle du bois du cerf. " Les cerfs dit M. Regnard dans son voyage de Laponie, n'ont que deux bois, d'où sortent quantité de dagues ; mais les rennes en ont un autre sur le milieu du front, qui fait le même effet que celle qu'on peint sur la tête des licornes, & deux autres qui s'étendant sur ses yeux tombent sur sa bouche. Toutes ces branches néanmoins sortent de la même racine ; mais elles prennent des routes & des figures différentes ; ce qui leur embarrasse tellement la tête, qu'elles ont de la peine à paître, & qu'elles aiment mieux arracher les boutons des arbres, qu'elles peuvent prendre avec plus de facilité ". Toutes les extrêmités du bois des rennes sont larges, plattes & terminées par des pointes. Les femelles portent un bois comme le mâle, mais plus petit. Il y a plus de noir dans la couleur du poil des rennes, principalement lorsqu'elles sont jeunes, que dans celles du poil du cerf.

Les rennes sauvages sont plus fortes, plus grandes & plus noires que les rennes domestiques : ces animaux sont encore plus légers que les cerfs, quoiqu'ils n'aient point les jambes si menues.

Les rennes se trouvent dans tous les pays du nord. Les Lapons en ont des troupeaux qui leur sont de la plus grande utilité. Ils se vêtissent de la peau des rennes. Ils la portent l'hiver avec le poil, & ils la dépouillent pour l'été. Ils se nourrissent de la chair de ces animaux, qui est grasse & très-succulente ; celle des rennes sauvages est la plus délicate. Ils employent les os pour faire des arbalêtes & des arcs, pour armer leurs fleches, pour faire des cuilliers, &c. Ils font aussi avec les nerfs de ces animaux des fils pour coudre leurs habits : ils les doublent pour attacher les planches de leurs barques. Ils boivent le sang des rennes ; mais ils aiment encore mieux le faire dessécher au froid dans la vessie de l'animal, & s'en servir pour faire des potages, en faisant bouillir avec du poisson un morceau de ce sang desséché. Le lait des rennes est la boisson ordinaire des Lapons ; ils y mêlent presque moitié d'eau, parce qu'il est gras & épais ; les meilleures rennes n'en donnent que lorsqu'elles ont mis bas, & on n'en tire qu'un demi-septier par jour. Les Lapons en font aussi des fromages, qui sont gras, & d'une odeur assez forte, mais fade, parce qu'il n'y a point de sel.

Les rennes tirent des traineaux, & portent des fardeaux. On les attelle au traineau par le moyen d'un trait qui passe sous le ventre de l'animal entre ses jambes, & qui s'attache sur le poitrail à un morceau de peau servant de collier ; il n'y a pour guide qu'une seule corde attachée à la racine du bois de l'animal. Ces traineaux vont très-vîte, sur-tout quand ils sont tirés par une renne bâtarde, c'est-à-dire une renne produite par un mâle sauvage & par une femelle domestique, que l'on a laissé aller dans le bois pour y recevoir le mâle. Lorsque la neige est unie & gelée, un traineau tiré par une renne des plus vîtes & des plus vigoureuses & bien conduite, peut faire jusqu'à six lieues de France par heure ; mais elle ne peut résister à cette fatigue que pendant sept à huit heures. La plûpart des rennes sont très-dociles ; mais il s'en trouve des rétives, qui sont presqu'indomptables. Lorsqu'on les mene trop vîte, elles se mettent en fureur, se retournent, se dressent sur leurs piés de derriere, & se jettent sur l'homme qui est dans le traineau : on n'en peut pas sortir, parce qu'on y est attaché ; ainsi on n'a d'autre ressource que de se tourner contre terre, & de se couvrir du traineau, comme d'un bouclier, pour se mettre à l'abri des coups de la renne. On ne peut aller en traineau que l'hiver, lorsque la neige rend les chemins unis. Les rennes ne sont pas assez fortes pour porter plus de 40 livres de chaque côté : on n'est pas en usage de leur faire trainer des chariots, parce que les chemins sont trop inégaux.

La nourriture la plus ordinaire des rennes est une petite mousse blanche extrêmement fine, & très-abondante en Lapponie. Lorsque la terre est couverte de neige, les rennes connoissent les lieux où il y a de cette mousse, & pour la découvrir elles font un grand trou dans la neige avec une vîtesse extrême. Mais lorsque la neige est aussi dure que la glace, elles mangent une certaine mousse qui ressemble à une toile d'araignée, & qui pend aux pins. Voyage de Lapponie par Regnard. Voyez QUADRUPEDE.

RENNES, caillou de, (Hist. nat. Litholog.) c'est ainsi qu'on nomme une pierre de la nature du jaspe, dont il se trouve une grande quantité en Bretagne, au point que l'on en a ci-devant employé pour paver la ville de Rennes, capitale de cette province, d'où lui vient le nom qu'elle porte. On l'appelle quelquefois simplement pavé de Rennes. Cette pierre est opaque ; on y voit deux couleurs ; savoir, un rouge plus ou moins vif, entremêlé de taches jaunes plus ou moins claires. En considérant attentivement cette pierre lorsqu'elle est brute, on s'apperçoit qu'elle est formée par un assemblage de petits cailloux rouges & arrondis, qui ont été liés & comme soudés les uns aux autres par un suc lapidifique jaune ou blanchâtre, qui a lui-même acquis la dureté du caillou ; c'est pour cela que cette pierre prend un très-beau poli, & à ne la regarder que superficiellement, on croiroit que c'est une seule masse. Elle a cela de commun avec le porphyre, & avec les pierres que l'on appelle poudingues. On en fait des tabatieres, ainsi que des jaspes & des agates ordinaires.


RENNES(Géog. mod.) en latin condate Rhedonum ; ville de France, capitale de la Bretagne, au confluent de Lille & de la Vilaine, dans les terres, à 22 lieues au nord de Nantes, à 18 au sud-est de S. Malo, & à 80 de Paris. Long. suivant Cassini, 15. 46. 30. latit. 48. 3. 10.

Le nom de Rennes a été tiré des peuples Rhedones, célébres parmi les Armoriques, & dont le territoire devoit s'étendre jusqu'à la mer ; d'où l'on voit que le diocèse de Rennes est aujourd'hui bien moins considérable.

Cette ville vint au pouvoir des Francs, lorsqu'ils s'emparerent de celles des pays voisins de l'embouchure de la Loire, après qu'ils eurent vaincu les Saxons qui s'y étoient établis. Dans le jx siecle, Numenojus se rendit maître de Rennes, qui passa à ses successeurs, & qui depuis a subi le même sort que les autres villes de la Bretagne. Marmodus qui vivoit dans le xj siecle, & qui fut depuis évêque de Rennes, a fait de cette capitale une peinture des plus satyriques, & dont voici quelques traits.

Urbs Rhedonis, spoliata bonis, viduata colonis,

Plena dolis, odiosa polis, sine lumine solis ;

In tenebris vacat illecebris, gaudetque latebris :

Desidiam putat egregiam, spernitque sophiam.

Rennes moderne ne ressemble point à cette description, excepté que ses rues sont étroites, mal-propres, que la plûpart de ses maisons sont de bois & si hautes que cette ville est toujours comme du tems de Marmode, sine lumine solis ; mais elle est aujourd'hui le siege d'un parlement, d'une cour des aides, d'une cour des monnoies, d'un présidial, d'une intendance, d'une table de marbre & d'une jurisdiction consulaire. La faculté de droit qui étoit à Nantes, y a été transférée, & elle y sied mieux que dans une ville de pur commerce. On y compte neuf paroisses, en y comprenant les fauxbourgs qui sont très-étendus ; les jésuites y avoient un college ; la riviere de Vilaine divise la ville en deux parties, & on passe cette riviere sur trois ponts.

De notre tems, en 1720, Rennes a été désolée par un terrible incendie qui dura six à sept jours, & qui consuma, dit-on, huit cent cinquante maisons ; la perte des meubles, de l'argent comptant, & des titres d'une bonne partie des familles de la province, augmenta la consternation de tous les habitans.

Son évêché est un des plus anciens de la Bretagne ; on prétend qu'il fut établi dans le troisieme siecle, & ses prélats ont eu quelquefois l'honneur de couronner leur souverain ; ils sont conseillers nés du parlement de cette province, & seigneurs d'une partie de la ville ; le revenu de l'évêque n'est cependant que d'une quinzaine de mille livres ; son diocèse renferme quatre abbayes & deux cent soixante-trois paroisses. On y recueille des grains, & on y nourrit dans les pâturages quantité de vaches qui donnent d'excellent beurre, dont on fait un assez grand trafic.

Tournemine, (René-Joseph) jésuite célébre par sa belle érudition, naquit à Rennes en 1661, d'une illustre & ancienne maison de Bretagne. Il avoit une foiblesse singuliere pour un savant & pour un religieux, c'est qu'il étoit très-flatté que personne n'ignorât sa naissance ; on ne pouvoit pas mieux lui faire sa cour que de lui en parler ; il se plaisoit à relever les avantages de la noblesse, & l'on s'appercevoit aisément que son amour-propre s'approprioit une partie des éloges qu'il donnoit là-dessus à ceux qui jouissoient de ce don du hasard ; une mémoire heureuse, une imagination féconde, un goût délicat, un esprit étendu, lui acquirent un nom dans la littérature ; il possedoit les belles lettres, l'histoire, la fable, la chronologie, & sur-tout la science des médailles.

Il travailla longtems au journal de Trévoux, & ce travail le mit en correspondance avec un grand nombre de savans des plus distingués ; son style est aisé, noble, brillant, varié ; il a su mettre beaucoup de netteté & d'agrément même dans la sécheresse des discussions. Il fut fait bibliothécaire des jésuites de la maison professe à Paris, & il forma pour lui-même une bibliotheque choisie d'environ sept mille volumes ; il supportoit avec peine les opinions différentes des siennes, & a fait voir un zèle amer contre tous les ouvrages du P. Hardouin son confrere. Il mourut à Paris en 1739, à 78 ans.

Presque tous ses écrits se trouvent semés dans les différens volumes du journal de Trévoux, auquel il a travaillé pendant dix-neuf ans ; on lui doit encore une nouvelle édition des commentaires de Ménochius, à laquelle il ajouta douze dissertations curieuses ; cette édition nouvelle, Joannis-Stephani Menochii, S. J. commentarii totius S. Scripturae, parut à Paris en 1719, en 2 vol. in-fol. On pourroit rassembler en un corps plusieurs écrits du P. Tournemine, ou du-moins tous ceux qui concernent l'art numismatique.

Dom Lobineau, (Gui-Alexis) bénédictin, étoit aussi natif de Rennes ; il se livra tout entier à la seule étude de l'histoire, & mourut en 1727 dans une abbaye près de S. Malo, à 61 ans ; il a fini l'histoire de la ville de Paris, que Dom Félibien avoit déja très-avancée ; elle a paru en 1725, en cinq volumes in fol. il a pareillement achevé l'histoire de Bretagne, à laquelle le P. le Gallois avoit longtems travaillé ; cette histoire de Bretagne est en 2 vol. in-fol. on lui a attribué les avantures de Pomponius, chevalier romain ; mais cette brochure satyrique est de M. de Themiseuil. (D.J.)


RENOIRCIRv. act. (Gram.) noircir de nouveau. Voyez les articles NOIR & NOIRCIR.


RENOMS. m. (Gram.) reputation bonne ou mauvaise qu'on a acquise dans l'esprit des hommes ; il est dit des choses & des personnes ; Rome, Athenes & Lacédémone ont été trois villes de grand renom ; Achilles dut à ses actions le renom qu'il eut de son tems, c'est à Homere qu'il doit celui dont il jouira dans tous les siecles à venir. On se fait un mauvais renom par des actions injustes ; le mauvais renom nous ôte tout crédit dans l'esprit des autres.


RENOMMÉES. f. (Morale) estime éclatante qu'on a acquise dans l'opinion des hommes ; je parle ici de la bonne, & non de la mauvaise renommée, car cette derniere est toujours odieuse ; mais l'amour pour la bonne renommée, ne doit jamais être découragé, puisqu'elle produit d'excellens effets, non-seulement en ce qu'elle détourne de tout ce qui est bas & indigne, mais encore en ce qu'elle porte à des actions nobles & généreuses. Le principe en peut être fautif ou défectueux ; l'excès en sera vicieux tant qu'on voudra, mais les conséquences qui en résultent, sont tellement utiles au genre humain, qu'il est absurde de s'en mocquer, & de regarder cet amour d'une bonne renommée, comme une chose vaine ; c'est un des plus forts motifs qui puisse exciter les hommes à se surpasser les uns les autres dans les arts & dans les sciences qu'ils cultivent.

Quelques écrivains de morale sont également trop rigides & peu judicieux, quand ils décréditent ce principe, que la nature semble avoir gravé dans le coeur, comme un ressort capable de mettre en mouvement ses facultés cachées, & qui se déploie toujours avec force dans les ames vraiment généreuses. Les plus grands hommes, chez les Romains, n'étoient animés que de ce beau principe. Ciceron dont le savoir & les services qu'il rendit à sa patrie, sont si connus, en étoit enflammé.

Je sais qu'il y a des hommes qui courent après la renommée, au-lieu de la faire naître ; mais le moyen d'y parvenir solidement, est de tenter une route nouvelle & glorieuse, ou bien de suivre cette même route déja pratiquée sans succès ; ainsi, quand la poésie nous peint la renommée couverte d'aîles legéres, ce sont là des symboles de la vaine renommée, & non pas de celle qui s'acquiert en faisant de grandes ou de belles choses. Voyez GLOIRE, REPUTATION, &c. (D.J.)

RENOMMEE, (Mytholog. poétiq.) les poëtes ont personnifié la Renommée, & en ont fait une divinité qu'ils ont peinte à l'envi par les plus brillantes images. Donnons en les preuves, & commençons par la peinture de Virgile.

Fama, malum quo non aliud velocius ullum,

Mobilitate viget, viresque acquirit eundo :

Parva metu primò, mox sese attollit in auras,

Ingreditúrque solo, & caput inter nubila condit.

Illam terra parens, irâ irritata deorum,

Extremam, ut perhibent, Coeo, Enceladoque sororem

Progenuit, pedibus celerem, & pernicibus alis :

Monstrum horrendum, ingens ; cui, quot sunt corpore plumae,

Tot vigiles oculi subter, mirabile dictu,

Tot linguae, totidem ora sonant, tot subrigit aures.

Nocte volat coeli medio, terraeque per umbram

Stridens ; nec dulci declinat lumina somno.

Luce sedet custos, aut summi culmine tecti,

Turribus aut altis, & magnas territat urbes,

Tam ficti pravique tenax, quam nuntia veri.

Aeneid. l. IV. v. 173.

La renommée est le plus promt de tous les maux ; elle subsiste par son agilité, & sa course augmente sa vigueur ; d'abord petite & timide, bientôt elle devient d'une grandeur énorme ; ses piés touchent la terre, & sa tête est dans les nues ; c'est la soeur des géans Cée & Encelade, & le dernier monstre qu'enfanta la terre irritée contre les dieux ; le pié de cet étrange oiseau est aussi leger que son vol est rapide ; sous chacune de ses plumes, ô prodige ! il a des yeux ouverts, des oreilles attentives, une bouche & une langue qui ne se tait jamais ; il déploie ses aîles bruyantes au milieu des ombres ; il traverse les airs durant la nuit, & le doux sommeil ne lui ferme jamais les paupieres ; le jour, il est en sentinelle sur le toît des hautes maisons, ou sur les tours élevées : de-là il jette l'épouvante dans les grandes villes, seme la calomnie avec la même assurance qu'il annonce la vérité.

Rien n'est plus poétique que cette description de la renommée ; voici celle d'Ovide, qui paroît s'être surpassé lui-même.

Orbe locus medio est, inter terrasque fretumque

Coelestesque plagas, triplicis confinia mundi,

Unde quod est usquam, quamvis regionibus absit,

Inspicitur, penetratque cavas vox omnis ad aures.

Fama tenet, summâque domum sibi legit in arce ;

Innumerosque aditus, ac mille foramina tectis

Addidit, & nullis inclusit limina portis.

Nocte dieque patet : tota est ex aere sonanti ;

Tota fremit, vocesque refert, iteratque quod audit.

Nulla quies intus, nullâque silentia parte ;

Nec tamen est clamor, sed parvae murmura vocis,

Qualia de pelagi, si quis procul audiat, undis

Esse solent ; qualemve sonum, cum Jupiter atras

Increpuit nubes, extrema tonitrua reddunt.

Atria turba tenet ; veniunt leve vulgus, euntque ;

Mistaque cum veris passim commenta vagantur

Millia rumorum, confusaque verba volutant.

E quibus, hi vacuas implent sermonibus auras,

Hi narrata ferunt aliò, mensuraque ficti

Crescit, & auditis aliquid novus adjicit auctor.

Illic credulitas, illic temerarius error,

Vanaque laetitia est, consternatique timores,

Seditioque repens, dubioque auctore susurri.

Ipsa quid in coelo rerum pelagoque geratur,

Et tellure videt, totumque inquirit in orbem.

Métam. l. XII.

Au centre de l'univers est un lieu également éloigné du ciel, de la terre & de la mer, & qui sert de limites à ces trois empires ; on découvre de cet endroit tout ce qui se passe dans le monde, & l'on entend tout ce qui s'y dit, malgré le plus grand éloignement ; c'est-là qu'habite la Renommée, sur une tour élevée, où aboutissent mille avenues ; le toît de cette tour est percé de tous côtés ; on n'y trouve aucune porte, & elle demeure ouverte jour & nuit ; Les murailles en sont faites d'un airain retentissant, qui renvoie le son des paroles, & repéte tout ce qui se dit dans le monde ; quoique le repos & le silence soient inconnus dans ce lieu, on n'y entend cependant jamais de grands cris, mais seulement un bruit sourd & confus, qui ressemble à celui de la mer qui mugit de loin, ou à ce roulement que font les nues après un grand éclat de tonnerre ; les portiques de ce palais sont toujours remplis d'une grande foule de monde ; une populace légére & changeante va & revient sans-cesse ; on y fait courir mille bruits, tantôt vrais, tantôt faux, & on entend un bourdonnement continuel de paroles mal arrangées, que les uns écoutent & que les autres répetent au premier venu, en y ajoutant toujours quelque chose de leur invention. Là regnent la sotte crédulité, l'erreur, une fausse joie, la crainte, des allarmes sans fondement, la sédition & les murmures mystérieux dont on ignore les auteurs. La renommée qui en est la souveraine, voit delà tout ce qui se passe dans le ciel, sur la mer & sur la terre, & examine tout avec une inquiete curiosité.

Ceux à qui la langue angloise est familiere, ne seront pas fachés de trouver ici la traduction que Dryden a fait de ce beau morceau ; elle est en vers, & c'est de cette maniere que les vers doivent être traduits.

Full in the midst of this crevant space,

Betwixt heav'n, earth and seas, there stands a place

Confining on all three, with triple bound ;

Whence all things, tho'remote, are view'd around

And thither bring their un dulating sound

The palace of loud fame, her seat of pow'r,

Plac'd on the summit of a lofty tow'r :

A thousand winding entuies, long and wide,

Receive of fresh reports a flowing tide,

A thousand crannies in the walls are made,

Nor gates, nor bars, exclude the busy trade.

'Tis built of brass, the better to diffuse

The spreading sounds, and multiply the news :

Where echoes, in repeated echoes, play :

A mart for ever full, and open nigth and day.

Nor silence is within, nor voice express ;

But a deaf noise of sounds that never cease,

Confus'd and chiding, like the hollow-roar

Of tides receding from the insulted shoar :

Or like the broken thunder heard from far,

When Jove to distance drives the rolling war.

The courts are fill'd with a tumultuous din

Of crouds, or issuing forth, or entring in :

A thorow-fare of news, where some devise

Things never heard, some mingle truth with lyes :

The troubled air with empty sounds they beat,

Intent to hear, and eager to repeat.

Error sits brooding there, with added train

Of vain credulity, and joys as vain :

Suspicion with sedition join'd, are near ;

And rumours rais'd, and murmurs mix'd, and panick fear ;

Fame sits aloft, and sees the subject ground,

And seas about, and skies above, enquiring all around.

Nos plus grands poëtes, Despreaux, Voltaire, Rousseau, ont à leur tour imité Virgile, dans sa description de la Renommée, les uns avec plus, les autres avec moins de succès. Voici l'imitation de Despreaux.

Cependant cet oiseau qui prône les merveilles,

Ce monstre composé de bouches & d'oreilles,

Qui sans cesse volant de climats en climats,

Dit par-tout ce qu'il sçait, & ce qu'il ne sçait pas,

La Renommée enfin, cette promte couriere,

Va d'un mortel effroi glacer la perruquiere.

Lutrin, chant 2.

L'imitation de M. de Voltaire est bien supérieure.

Du vrai comme du faux la promte messagere,

Qui s'accroit dans sa course, & d'une aîle legére

Plus promte que le tems, vôle au-delà des mers,

Passe d'un pôle à l'autre & remplit l'univers,

Ce monstre composé d'yeux, de bouches, d'oreilles,

Qui célébre des rois la honte ou les merveilles,

Qui rassemble sous lui la curiosité,

L'espoir, l'effroi, le doute & la crédulité ;

De sa brillante voix, trompette de la gloire,

Du héros de la France annonçoit la victoire.

Henriad. chant 8.

Je finis par l'imitation de Rousseau.

Quelle est cette déesse énorme,

Ou plutôt ce monstre difforme,

Tout couvert d'oreilles & d'yeux,

Dont la voix ressemble au tonnerre,

Et qui des piés touchant la terre,

Cache sa tête dans les cieux ?

C'est l'inconstante Renommée,

Qui sans cesse les yeux ouverts,

Fait sa revue accoutumée

Dans tous les coins de l'univers.

Toujours vaine, toujours errante,

Et messagere indifférente

Des vérités & de l'erreur

Sa voix en merveilles féconde,

Va chez tous les peuples du monde,

Semer le bruit & la terreur.

Ode au Prince Eugene.

C'en est assez sur la Renommée comme déesse, nous ajouterons seulement que les Athéniens avoient élevé un temple en son honneur, & lui rendoient un culte réglé. Plutarque dit que Furius Camillus fit aussi bâtir un temple à la renommée. (D.J.)

RENOMMEE commune, (Jurisprud.) est l'opinion que le public a d'une chose, le bruit public. Voyez PREUVE par commune renommée. (A)


RENONCES. f. (Jeu) c'est le manque de cartes d'une certaine couleur. Pour que le jeu soit beau, ce n'est pas assez qu'il y ait des renonces, il faut encore avoir beaucoup de triomphes pour faire les mains de la couleur dont on a renonce ; car on ne peut s'approprier les mains de cette couleur qu'en coupant par le moyen d'un triomphe.


RENONCEMENTS. f. (Gramm.) action de renoncer. Voyez l'article suivant.


RENONCERRENIER, ABJURER, (Synon.) On renonce à des maximes & à des usages qu'on ne veut plus suivre, ou à des prétentions dont on se désiste. On renie le maître qu'on sert, ou la religion qu'on avoit embrassée. On abjure l'opinion qu'on avoit embrassée, & l'erreur dans laquelle on étoit tombé.

Philippe V. a renoncé à la couronne de France. S. Pierre a renié Jesus-Christ. Marguerite de Valois fut persécutée dans son enfance par son frere le duc d'Anjou, depuis Henri III. pour abjurer le catholicisme, qu'il nommoit une bigoterie.

Abjurer se dit en bonne part ; ce doit être l'amour de la vérité, & l'aversion du faux, ou du-moins de ce que nous regardons comme tel, qui nous engage à faire abjuration. Renier s'employe toujours en mauvaise part ; un libertinage outré, ou un intérêt criminel fait les renégats. Renoncer est d'usage de l'une & l'autre façon, tantôt en bien, tantôt en mal ; le choix du bon nous fait quelquefois renoncer à nos mauvaises habitudes, pour en prendre de meilleures ; mais il arrive encore plus souvent que le caprice & le goût dépravé nous font renoncer à ce qui est bon, pour nous livrer à ce qui est mauvais.

L'hérétique abjure quand il rentre dans le sein de l'Eglise. Le chrétien renie quand il se fait mahométan. Le schismatique renonce à la communion des fideles pour s'attacher à une société particuliere.

Ce n'est que par formalité que les princes renoncent à leurs prétentions ; ils sont toujours prêts à les faire valoir, quand la force & l'occasion leur en fournissent les moyens. Tel résiste aux persécutions, qui n'est pas à l'épreuve des caresses ; ce qu'il défendoit avec fermeté dans l'oppression, il le renie ensuite avec lâcheté dans la faveur. Quoique l'intérêt soit très-souvent le véritable motif des abjurations, je ne me défie pourtant pas toujours de leur sincérité, parce que je sai que l'intérêt agit sur l'esprit comme sur le coeur. Girard, synonymes. (D.J.)


RENONCIATION(Jurisprud.) se dit de tout acte par lequel on renonce à quelque droit.

Il y a renonciation au bénéfice d'ordre, de division & de discussion. Voyez BENEFICE D'ORDRE, DIVISION & DISCUSSION.

Renonciation à la communauté, voyez COMMUNAUTE.

Renonciation à une succession, voyez SUCCESSION.

Renonciation à une succession future, voyez SUCCESSION.

Renonciation des filles en faveur des mâles, voyez SUCCESSION.

Renonciation au senatus consulte velleïen, ou velleïen simplement, voyez SENATUS CONSULTE VELLEÏEN. (A)

RENONCIATION, (Droit politique) les renonciations forment un objet très-important dans le droit public de l'Europe. Il seroit curieux d'examiner les principes de chaque nation sur cette matiere, & de rapporter les sentimens des plus fameux jurisconsultes, en faisant voir sur quels motifs ils sont appuyés ; mais comme cette discussion pénible me meneroit trop loin, c'est assez d'indiquer ici la besogne à entreprendre en ce genre. D'ailleurs, je n'oserois me flatter que ce que je pourrois dire sur la validité ou l'invalidité des renonciations fût adopté par les politiques ; ils ont trop d'intérêt que cette question demeure indécise. (D.J.)


RENONCULES. f. (Hist. nat. Botan.) ranunculus ; genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le calice est formé ordinairement de plusieurs feuilles ; le pistil sort du milieu de cette fleur, & devient dans la suite un fruit presque rond ou cylindrique, ou en épi. Les semences sont attachées à l'axe de ce fruit, c'est-à-dire au placenta, & pour l'ordinaire elles sont nues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

Le calice de ce genre de plante est ordinairement de plusieurs pieces. Il est quelquefois à six feuilles, & communément passager ; sa fleur est en rose, composée d'ordinaire de cinq ou six pétales, & garnie d'un grand nombre d'étamines ; son fruit est rond ou oblong, & contenu dans des capsules, dont chacune est munie d'un tube recourbé qui varie selon l'espece.

Les familles des renoncules sont si nombreuses, que Tournefort, pour y mettre de l'ordre, a été obligé de les diviser en sept sections ; savoir, 1°. celle des renoncules à port d'anémones ; 2°. celles qui ont les feuilles arrondies : 3°. celle des renoncules asiatiques ; 4°. celle des renoncules à feuilles luisantes & lustrées ; 5°. celle des renoncules d'aconit ; 6°. celle des renoncules à feuilles capillacées, ou finement découpées ; 7°. celle des renoncules à longues feuilles.

La premiere section renferme sous elle 13 especes ; la seconde 35 ; la troisieme 33 ; la quatrieme 10 ; la cinquieme 41 ; la sixieme 8, & la septieme 22.

Toutes les différentes especes de renoncules sont domestiques ou sauvages. Les premieres se cultivent dans les jardins à cause de la beauté de leur fleur ; les autres naissent sans culture dans les bois, dans les champs, dans les prés, dans les marais, sur les montagnes, sur les rochers. La plûpart ont leur racine ou fibrée, ou glanduleuse, ou en navet, puisque toutes sont âcres, caustiques & venéneuses prises intérieurement.

Mais entre le grand nombre d'especes de renoncules rangées par Tournefort sous différentes sections, il suffira d'en décrire ici quatre des plus communes ; savoir, 1°. la renoncule bulbeuse ; 2°. la renoncule des bois ; 3°. la renoncule des prés ; 4°. la renoncule des marais ; ajoutons 5°. la renoncule orientale à feuilles d'aconit.

La renoncule bulbeuse à racine ronde ou à tubercule charnu, & qu'on nomme vulgairement le pié de corbin, en anglois the bulbous crowfoot, est le ranunculus radice verticilli modo rotundâ, C. B. P. 179. I. R. H. 289. Linnaeus l'appelle ranunculus calicibus retroflexis, pedunculis sulcatis, caule erecto, foliis compositis, flor. suec. 170.

Sa racine est ronde, bulbeuse, plus ou moins grosse ; elle pousse une ou plusieurs tiges droites quelquefois à la hauteur de plus d'un pié, velues, garnies par intervalles de feuilles découpées en plusieurs lanieres, minces & longuettes. Au sommet des tiges naissent des fleurs ouvertes d'une belle couleur jaune, luisante, ordinairement simples, à cinq pétales ou feuilles arrondies & nectariferes, disposées en rose ; les feuilles du calice sont réfléchies vers le pédicule.

Lorsque les fleurs sont passées, il leur succede des fruits arrondis dans chacun desquels sont ramassées plusieurs semences en maniere de tête. Cette plante fleurit en Mai, & se trouve presque par-tout, comme dans les pâturages, dans les prés un peu secs, le long des sentiers, aux lieux sablonneux & pierreux, où elle croît quelquefois si petite, qu'à peine a-t-elle trois pouces de haut.

Tragus remarque que cette plante enfonce tous les ans plus profondément en terre sa vieille racine, audessus de laquelle il s'en produit une nouvelle. Elle ne donne que des fleurs simples à la campagne ; mais transplantée & cultivée dans les jardins, elle fournit une agréable variété de fleurs doubles ; quelquefois même la premiere fleur en pousse une seconde, & cette seconde une troisieme.

La racine de cette plante entre assez mal-à-propos dans l'emplâtre diabotanum de la pharmacopée de Paris, cette racine étant verte est extrêmement âcre & caustique. Quelques auteurs la recommandent pour faire des cautères & des vésicatoires ; mais il ne faut point avoir recours à des remedes suspects & dangereux quand on en connoît de meilleurs.

La renoncule des bois, autrement dite la fausse anémone printaniere des forêts, est appellée anemon nemorosa, flore majore ex purpuro rubente, vel candido, C. B. P. 176. Ranunculus phragurites albus & purpureus, vernus, par Tournefort I. R. H. 285. Anemone seminibus acutis, foliolis incisis, caule unifloro, par Linn. Hort. cliff. 224.

Sa racine est longue, rampante, purpurine ou brune en-dehors, jaunâtre dans sa primeur, blanche en-dedans, garnie de fibres capillaires, d'un goût âcre, & qui enflamme le gosier quand on la mâche. Elle pousse une petite tige déliée, rougeâtre, haute d'une palme & demie & plus. Vers le sommet de la tige naissent trois feuilles sur des pédicules, velues, tantôt verdâtres & tantôt purpurines, divisées chacune en trois découpures. La sommité de la tige porte une fleur unique, nue ou sans calice, tantôt blanche, tantôt purpurine, composée de six pétales oblongs, & contenant au milieu plusieurs étamines jaunâtres. Après que la fleur est passée, il lui succede des semences nues, ramassées en tête, oblongues, velues, à pointe recourbée.

Cette plante fleurit au commencement d'Avril ; on la trouve dans les bois & les broussailles un peu humides, quelquefois même à fleur double, soit blanche, soit purpurine.

La renoncule des prés est le ranunculus pratensis, repens, hirsutus, C. B. P. 179. I. R. H. 289. Ranunculus calicibus patulis, pedunculis sulcatis, stolonibus repentibus, foliis compositis, Linn. flor. suec. 170.

Sa racine est petite, rampante, toute fibreuse. Elle pousse plusieurs tiges, déliées, velues, creuses, rampantes sur terre, & jettant par intervalle de nouvelles racines de leurs noeuds. Ses feuilles sont découpées profondément en trois segmens, à-peu-près comme l'ache, dentelées sur les bords, velues des deux côtés, & portées sur des longues queues. Au sommet des tiges naissent des fleurs à cinq pétales, disposées en rose, de couleur jaune luisante, & lustrée. Ses fleurs sont soutenues par un calice à cinq feuilles, qui contient dans le centre un grand nombre d'étamines jaunes. Le calice tombe avec la fleur ; il lui succede plusieurs semences noirâtres, ramassées en tête, hérissée de petites pointes.

Cette plante fleurit au printems & en été. Elle croît presque par-tout, dans les prés, aux lieux ombrageux & aux bords des ruisseaux. On la trouve quelquefois à fleur double, & c'est pour sa beauté qu'on la cultive dans les jardins. Sa racine est douce, ou du-moins a très-peu d'âcreté, ce qui la rend innocente dans quelque pays du nord.

La renoncule des marais est le ranunculus palustris, apii folio, laevis, C. B. P. 180. I. R. H. 291. Ranunculus fructu oblongo, foliis inferioribus palmatis, summis digitatis, Linn. Hort. cliff. 230.

Sa racine est grosse, creuse, fibreuse, d'un goût fort chaud & brûlant. Elle pousse plusieurs tiges creuses, cannelées, rameuses. Ses feuilles sont verdâtres, luisantes & lustrées comme celles de l'ache de marais. Ses fleurs naissent au sommet des tiges & des branches ; elles sont des plus petites entre les renoncules, composées chacune de cinq pétales jaunes ou dorés. Lorsque les fleurs sont passées, il leur succede des semences lisses, menues, ramassées en tête oblongue. Elle fleurit au mois de Juin. On la trouve fréquemment aux lieux humides & marécageux. Dale croit que cette renoncule est la quatrieme espece de Dioscoride. C'est un dangereux poison ; car elle ulcere l'estomac, cause des convulsions & d'autres accidens mortels à ceux qui en ont mangé, s'ils ne sont secourus par un vomitif & des boissons onctueuses.

L'espece de renoncule de marais, nommée ranunculus longifolius, palustris major, C. B. P. 180. I. R. H. & par le vulgaire la douve, est encore plus brûlante & plus caustique. Quelques-uns s'en servent pour résoudre les tumeurs serophuleuses ; mais c'est un mauvais résolutif. Tout prouve que les renoncules sont suspectes, & qu'il est prudent d'en bannir entierement l'usage même extérieurement.

Il me reste à parler de la belle espece de renoncule orientale à gros bouquets de fleurs blanches, que Tournefort a observé dans son voyage d'Arménie, entre Trébisonde & Baybous, ranunculus orientalis aconiti licoetoni folio, flore magno, albo, Cor. Inst. rei herb. 20.

Ses feuilles sont larges de trois ou quatre pouces, semblables par leur découpure à celles de l'aconit-tue-loup. La tige est d'environ un pié de haut, creuse, velue, soutenant au sommet un bouquet de sept à huit fleurs, qui ont deux pouces de diamêtre, composé de cinq ou six pétales blancs. Leur milieu est occupé par un pistil, ou bouton à plusieurs graines terminées par un filet crochu, & couvertes d'une touffe d'étamines blanches, à sommets jaunes verdâtres. Ses fleurs sont sans calice, sans odeur, sans âcreté, de même que le reste de la plante. Il y a des piés dont les fleurs tirent sur le purpurin. (D.J.)

RENONCULE, (Jardin. fleuriste) tandis que le médecin bannit, en qualité de remede, tout usage des renoncules, l'odeur délicieuse & la beauté de celles qu'on cultive dans les jardins, en font un des principaux ornemens. Plusieurs fleuristes aiment cette fleur par prédilection, parce qu'elle dégenere moins que l'anémone, qu'il s'en faut peu que la magnificence de ses couleurs n'égale celle de la tulipe, & qu'elle lui est supérieure par le nombre de ses especes.

Le visir Cara Mustapha, celui-là même qui échoua devant Vienne en 1683 avec une formidable armée, est celui qui mit les renoncules à la mode, & qui donna lieu à toutes les recherches qu'on a faites. Ce visir, pour amuser son maître Mahomet IV. qui aimoit extrêmement la chasse, la retraite & la solitude, lui donna insensiblement du goût pour les fleurs ; & comme il reconnut que les renoncules étoient celles qui lui faisoient le plus de plaisir, il écrivit à tous les pachas de l'empire de lui envoyer les racines & les graines des plus belles especes que l'on pouvoit trouver dans leurs départemens. Ceux de Candie, de Chypre, de Rhodes, d'Alep, de Damas firent mieux leur cour que les autres. Les graines que l'on envoya au visir, & celles que les particuliers éleverent, produisirent un grand nombre de variétés. Les ambassadeurs de nos cours envoyerent en Europe de la graine ou des griffes de semi-double, c'est le nom qu'on donne à la racine de renoncule.

On connoissoit déja depuis long-tems les renoncules de Tripoli, & on ne cultivoit que les doubles ; mais celles du Levant prirent la vogue en France, au commencement de ce siecle, & bien-tôt il ne fallut plus aller à Constantinople pour les admirer ; on rectifia leur culture, & la graine des semi-doubles a mis les fleuristes en état de choisir.

La moindre espece de renoncule est aujourd'hui la rouge à fleur double, celle-là même qu'on admiroit tant autrefois. Les semi-doubles ont fait tomber ces grosses doubles qui ont une multitude de feuilles fort serrées, tandis que les simples n'en ont presque point.

Cette préférence n'est pas un goût passager, & de pur caprice. Elle est fondée sur une variété de couleurs qui tient du prodige. Une demi-planche de semi-doubles réunira tout-à-la-fois les blanches, les jaunes dorées, les rouges pâles, les jaunes-citrons, les rouges-brunes, les couleurs de fleur de pêcher ; celles qui sont à fond blanc avec des panaches rouges bien distinguées ; celles qui sont à fond jaune marqueté de rouge, ou de raies noires ; celles qui par-dehors sont de couleur de rose, & blanches en-dedans. Vous en verrez d'autres de couleur de chamois bordées de rouge ; d'autres de fond rouge cramoisi bordé... mais la liste des semi-doubles n'a point de fin. Il en éclôt tous les ans de nouvelles. S'il est permis d'aimer le changement, c'est dans les fleurs ; & si l'on veut se satisfaire en changeant ce qu'on aime, il faut aimer la renoncule ; elle a de quoi contenter tous les goûts. La racine d'une belle renoncule perpétue & fait revivre tous les ans la même espece de beauté : voilà de quoi plaire à ceux dont l'amitié est constante. La graine de la même fleur produit du nouveau d'une année à l'autre : voilà de quoi plaire à ceux qui aiment le changement, & assurément ils ont à choisir.

Avec l'avantage d'une variété inépuisable qui change tous les ans les décorations de votre parterre, les renoncules semi-doubles ont encore une qualité que les doubles n'ont point : elles sont fécondes & se reproduisent de graines ; au lieu que les doubles sont stériles. Cette stérilité n'est point particuliere aux renoncules doubles ; c'est presque dans toutes les fleurs que les doubles ne produisent point de graines. On y voit, à la vérité, les ébauches d'un pistil & de quelques étamines ; mais la multitude de feuilles qui les couvrent pour l'ordinaire, les empêche de mûrir & de fructifier. Et lorsque les doubles, faute de culture ou autrement, viennent à s'affoiblir & à donner moins de feuilles, le coeur de la fleur se dégage, & jouissant en liberté de l'impression de la chaleur & de l'air, il donne de la graine, comme font les autres piés.

Cette charmante fleur, pour procurer le plus bel émail, ne demande que d'être plantée dans une terre convenable, & d'être préservée de l'humidité & des grands froids. La terre convenable est une terre légere, sablonneuse ; on peut la tirer de la surface du sol dans les bois & dans les bosquets plantés depuis long-tems. Nos fleuristes se servent de vieux terreau & de sablon qu'ils mêlent ensemble.

Les especes simples de renoncule fleurissent plus haut que les autres, & sont ordinairement tachetées des plus belles couleurs. On les perpétue de graine choisie qu'on tire seulement des belles fleurs qui ont au-moins trois ou quatre rangées de pétales. Quand on a recueilli cette graine, il ne faut pas l'exposer au soleil, mais la mettre répandue dans un lieu couvert. La saison favorable pour la semer est au commencement de Septembre. Elle leve au printems, & fleurit la seconde année. Quant aux racines de renoncules, il faut les conserver dans du sable sec pour les replanter à la fin de Septembre.

Lorsqu'on veut planter des renoncules en caisses ou en pots, on prend de la terre toujours nouvelle & bien préparée ; on met les oignons trois doigts avant en terre, & on leur donne un peu d'eau. Si on craint la gelée, on les couvre de l'épaisseur de deux doigts de terreau bien leger ; & si la gelée étoit forte, on met des cerceaux en dos d'âne sur les planches, avec des paillassons pendant la nuit. Pour les renoncules qui sont en pots, on les retire dans la serre pendant le froid ou les mauvais tems, & on y fait les mêmes façons qu'à celles qui sont en planches. Voyez de plus grands détails dans Miller sur cette matiere, car il a indiqué tout ensemble la culture des renoncules de Turquie & celle des renoncules semi-doubles de Perse. (D.J.)

RENONCULE, (Mat. méd.) presque toutes les especes de renoncules sont des vrais poisons étant prises intérieurement, & sont des caustiques assez vifs, peu sûrs & souvent nuisibles dans l'usage extérieur : ainsi quelques vertus que les auteurs ayent attribué à plusieurs renoncules appliquées extérieurement, le mieux est d'avoir recours dans les cas où ils les prescrivent à des remedes plus éprouvés qui ne manquent pas.

La renoncule des prés, appellée aussi bassinet rampant, que les Botanistes regardent comme la même plante que celle que l'on cultive dans nos jardins, est la moins âcre, la plus tempérée. Plusieurs auteurs graves assurent même qu'on peut la prendre intérieurement sans le moindre danger. Mais cette plante ne possede aucune propriété singuliere qui puisse engager à en tenter l'épreuve : on peut au-moins la négliger comme inutile ; elle passe pour bonne contre les hémorrhoïdes très douloureuses, étant employée sous forme de fomentation ou sous celle de cataplasme.

L'odeur des renoncules, même de celles qui sont cultivées, porte quelquefois à la tête ; on a vu des bouquets de renoncules causer des vertiges, des défaillances, des vapeurs à certains sujets : ces accidens sont pourtant très-rares.

Parmi les spécifiques indiqués dans les mémoires de l'académie royale de Suede pour l'année 1750, contre les maladies vénériennes, d'après les recherches que M. Pierre Kalm, membre de cette académie, a fait à ce sujet dans l'Amérique septentrionale, on trouve les racines d'une renoncule, de celle que les Botanistes appellent ranunculus foliis radicalibus reniformibus crenatis, caulinis digitatis petiolatis, Gronovii flor. Virgin. 166, ranunculus Virginianus, flore parvo, molliori folio, Herman Hort. Lugd. Batav. 514, en françois renoncule de Virginie. Les sauvages de l'Amérique septentrionale ajoutent à la décoction de l'espece de raiponce, que les François appellent cardinale bleue, (remede dont il est fait mention à l'article RAIPONCE, voyez cet article), une petite quantité de racines de cette renoncule, lorsque la décoction simple de cardinale bleue ne produit aucun changement dans une maladie vénérienne invétérée. M. Kalm observe qu'il faut administrer ce remede avec précaution, vu qu'il est violent, & qu'une trop forte dose pourroit causer des superpurgations & des inflammations. L'auteur de ces observations ajoute même que c'est un poison très-violent, dont les femmes sauvages se servent pour se faire périr, lorsqu'elles sont maltraitées par leurs maris.

La racine de la renoncule bulbeuse & celle de la renoncule, qui est appellée aussi petite chelidoine ou petite claire, petite scrophulaire, (voyez SCROPHULAIRE, Mat. méd.) entre dans l'emplâtre diabotanum. (b)

RENONCULE aquatique de Lapponie, (Botanique) cette plante croît si promtement dans les rivieres de Lapponie, qu'en moins d'un mois & demi, c'est-à-dire depuis la mi-Juin jusqu'à la fin de Juillet, elle s'éleve à la hauteur de vingt piés ; & peut-être s'éleveroit-elle plus haut, si l'eau étoit plus profonde. Elle pousse en même-tems des feuilles & des fleurs, dont toute la surface de l'eau est couverte ; elle meurt les premiers jours d'Août, ses graines étant parvenues en maturité. Linnaeus flor. Lapp. 234. (D.J.)


RENOUÉES. f. polygonum, (Hist. nat. Botan.) genre de plante dont la fleur n'a point de pétales ; elle est composée de plusieurs étamines, soutenues par un calice en forme d'entonnoir & profondément découpé ; le pistil devient dans la suite une semence triangulaire, renfermée dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Ajoutez aux caracteres de ce genre que les fleurs naissent dans les aisselles des feuilles, & que les racines sont fibreuses. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

RENOUEE, (Mat. méd.) cette plante tient un rang distingué parmi les vulnéraires astringens. On employe très-communément son suc & sa décoction pris à l'intérieur contre les hémorrhagies. Chomel dit, dans son traité des plantes usuelles, qu'il a vu de si bons effets dans les cours de ventre & les dyssenteries, des lavemens préparés avec la décoction des feuilles de renouée, soit seules, soit mêlées avec les herbes émollientes, que ce remede pouvoit être regardé comme un spécifique dans ces maladies. On employe aussi quelquefois ce suc & cette décoction à l'extérieur, aussi-bien que la plante pilée & réduite en forme de cataplasme dans le pansement domestique des plaies, contre le flux immodéré des hémorroïdes, &c. Quelques auteurs graves ont même prétendu que le marc de la décoction de cette plante ou la plante pilée, étant appliquée sous les aisselles, arrêtoit les hémorrhagies.

L'eau distillée de renouée est une de celles que les Apoticaires tiennent communément dans leur boutique ; mais elle ne vaut pas mieux que celle de plantain. Voyez PLANTAIN. Les feuilles de renouée entrent dans le syrop de consoude, & dans la décoction astringente de la pharmacopée de Paris, &c.


RENOUERv. act. (Gram.) nouer de nouveau. Voyez les articles NOEUD & NOUER. Il se prend au simple & au figuré, renouer une corde brisée, un fil rompu ; renouer une ancienne liaison.


RENOUEURS. m. (Gram.) chirurgien qui s'occupe particulierement de la réduction des membres disloqués.


RENOUVELLEMENTS. m. (Gram.) action par laquelle on renouvelle, ou l'on continue de donner à une chose la même force & vigueur qu'elle a eue autrefois. On dit le renouvellement d'un billet, d'une promesse, d'une obligation. Voyez RENOUVELLER.


RENOUVELLERv. act. (Gram.) confirmer une chose, ou la faire de nouveau, il se dit aussi de la continuation d'un écrit, d'un engagement. Il est ordinaire dans le commerce de renouveller les billets, les promesses & les obligations à leur échéance, c'est-à-dire d'en faire de nouvelles, ou d'en stipuler la continuation au bas des anciennes. Dict. de Comm. & de Trév.


RENOVATIONS. f. (Gram.) restitution d'une chose dans l'état où elle étoit antérieurement ; on dit la renovation du monde, la renovation des lois, la renovation des voeux.


RENSEMENCERv. act. (Gram.) c'est ensemencer derechef. Voyez SEMENCE, SEMOIR & ENSEMENCER.


RENTAMERv. act. (Gram.) c'est entamer derechef. Voyez les articles ENTAMER, ENTAME.


RENTASSERv. act. (Gram.) c'est entasser de nouveau. Voyez les articles ENTASSER & TAS.


RENTES. f. (Jurisprud.) est un revenu, soit en argent, grain, volaille, ou autre chose qui est dû à quelqu'un par une autre personne.

Il y a plusieurs sortes de rentes, ainsi qu'on va l'expliquer dans les articles suivans.

RENTE sur les aydes & gabelles, est celle dont le payement est assigné par le roi sur la ferme des aydes & gabelles. Ces rentes se payent au bureau de la ville, de même que les autres rentes assignées sur les revenus du roi. (A)

RENTE ANNUELLE, est celle qui est payable chaque année, à la différence de certaines redevances ou prestations qui ne seroient dûes que tous les deux ou trois ans. Il y a des rentes payables en un seul terme, d'autres en deux ou en quatre termes ; la division du payement en plusieurs termes n'empêche pas que la rente ne soit annuelle, il suffit pour cela qu'elle soit dûe chaque année. (A)

RENTE à l'appréci, est une rente en grain, payable néanmoins en deniers, mais seulement à certain jour, de laquelle l'appréciation se fait selon les marchés qui ont précédé le jour auquel l'appréci ou appréciation a accoutumé de se faire. Voyez la coutume de Bretagne, article 267. (A)

RENTE arriere-fonciere, est une seconde rente imposée sur le fonds depuis la premiere, comme il arrive, lorsque celui qui tient un bien à rente fonciere, le donne lui-même en tout ou partie à un tiers, à la charge d'une rente fonciere plus forte qu'il stipule à son profit. Voyez la coutume d'Orléans, article 122. & le mot SURCENS. (A)

RENTE en assiette ou par assiette, c'est quand on promet donner des héritages jusqu'à la valeur de tant de rente ou revenu actuel, comme de cent livres par an ou autre somme.

Quelques-uns appellent aussi rente par assiette quand on vend un héritage à faculté de rachat, avec clause de réconduction ou contrat pignoratif ; la redevance que paye le vendeur est ce que l'on appelle rente en assiette ou par assiette. Voyez Loyseau, tr. des rentes, liv. I. chap. vij. (A)

RENTE par assignat ou par simple assignat, est lorsqu'une rente constituée à prix d'argent est constituée & assignée nommément sur un certain héritage, qui est destiné particulierement pour le payement annuel de cette rente, comme si je constitue cent livres de rente à prendre sur une terre ou maison à moi appartenante. Voyez Loyseau, tr. des rentes, l. I. c. vij. & le mot ASSIGNAT. (A)

RENTE CENSIVE ou CENSUELLE est la rente seigneuriale, imposée par le seigneur direct de l'héritage lors de l'accensement qu'il en a fait : dans les coutumes d'Auvergne, de la Marche, & quelqu'autres, on donne ce nom aux cens & rentes seigneuriales. Voyez CENS, CENSIVES, RENTE SEIGNEURIALE. (A)

RENTES sur le clergé sont celles que le clergé de France a constitué au profit de divers particuliers, pour raison des emprunts que le clergé a fait d'eux, pour payer au roi les dons gratuits & autres subventions que le clergé paye de tems en tems.

On appelle rentes sur l'ancien clergé celles qui sont de l'époque la plus ancienne. (A)

RENTE CONSTITUEE, ou constituée à prix d'argent, qu'on appelle rente volante, ou hypothécaire, ou personnelle, est celle qui est constituée pour une somme d'argent dont le principal est aliéné.

Ces sortes de rentes étoient inconnues aux Romains, parce que le prêt d'argent à intérêt étoit permis chez eux, sauf quelques tempéramens qui y furent apportés.

On trouve cependant en la loi 2. au cod. de debitorib. civit. & en la novelle 160. que les deniers prêtés à intérêt par les villes n'étoient point exigibles qu'en principal, mais que le débiteur pouvoit les racheter quand il vouloit, ce qui revient à nos rentes constituées.

On a douté autrefois si ces rentes étoient licites, jusqu'à ce que Calixte III. & Martin V. les ont approuvées par leurs extravagantes regimini 1 & 2. de empt. vend. L'ancien préjugé fait même que quelques-uns les regardent encore comme odieuses, & seulement tolérées par la nécessité du commerce.

C'est de-là qu'on y a apposé plusieurs restrictions : la premiere, qu'elles ne peuvent excéder le taux de l'ordonnance : la seconde, qu'elles ne peuvent être constituées que pour de l'argent comptant, & non pour autre marchandise ou espece quelconque ; comme aussi qu'elles ne peuvent être dûes qu'en argent, de crainte que si elles étoient payables en autres effets, elles ne fussent fixées à trop haut prix : la troisieme est qu'elles sont toujours rachetables de leur nature, sans que le débiteur puisse être contraint au rachat : la quatrieme est que, suivant l'ordonnance de Louis XII. de l'an 1510, on n'en peut demander que cinq années.

Ces sortes de rentes suivent le domicile du créancier ; elles sont communément réputées immeubles, excepté dans quelques coutumes, où elles sont meubles. Voyez Loyseau, du déguerpissement, liv. I. ch. 6.

RENTE CONSTITUEE par don ou legs, voyez ci-après RENTE de don ou legs.

RENTE CONTREPANNEE sur fief ou aleu, dans la coutume de Hainault, est une rente assignée ou hypothéquée sur un fief ou aleu.

RENTE COURANTE, on appelle quelquefois ainsi la rente constituée à prix d'argent, sans aucun assignat, soit parce qu'elle court sur tout le patrimoine du débiteur, ou plutôt parce que c'est une rente usitée & au cours ordinaire des intérêts. Voyez Loyseau, du déguerpissement, liv. I. ch. jx.

RENTE COUTUMIERE, c'est le nom que quelques coutumes donnent au cens ordinaire dont les héritages sont chargés envers le seigneur.

RENTE au denier dix, au denier vingt, ou autre denier, c'est-à-dire qui produit le dixieme, ou le vingtieme du fonds pour lequel elle a été constituée, voy. DENIER & les mots INTERET, TAUX.

RENTE sur le domaine de la ville, est celle que le corps d'une ville a constitué sur ses propres revenus, à la différence des rentes créées sur les revenus du roi, qu'on appelle rentes sur la ville, parce qu'elles se payent au bureau de la ville.

RENTE de don & legs, est celle qu'un donateur ou testateur crée sur ses biens au profit de son donataire ou légataire. Ces sortes de rentes sont irrégulieres, c'est-à-dire qu'elles ne sont ni de la nature des rentes constituées à prix d'argent, ni vraiment foncieres, n'étant pas créées en la tradition d'un fond ; elles ont néanmoins plus de rapport aux rentes foncieres qu'aux constituées, en ce qu'elles ne sont point sujettes aux quatre restrictions apposées aux rentes constituées. Voyez Loyseau du déguerpissement, liv. I. ch. vij. & ci-devant RENTE CONSTITUEE. (A)

RENTE EMPHYTEOTIQUE, est le canon ou redevance annuelle dûe par le preneur à bail emphytéotique. V. BAIL EMPHYTEOTIQUE & EMPHYTEOSE.

RENTES ENSAISINEES sont celles qui sont assignées ou imposées sur des fonds en roture, & desquelles les créanciers ou propriétaires ont été ensaisinés par les seigneurs censuels de qui les fonds chargés sont tenus. Voyez les coutumes de Senlis, Valois & Clermont. (A)

RENTE ESPECIALE est celle qui est constituée à prix d'argent, mais dont le payement est assigné spécialement sur un certain héritage. Ces sortes de rentes sont ainsi appellées en la coutume de Montargis, tit. ij. article 37. (A)

RENTES sur les états de Bourgogne, Bretagne, Languedoc ou autres, sont celles que les états de ces provinces créent pour les sommes qu'elles empruntent à constitution. Ces sortes de rentes suivent la loi du domicile du créancier. (A)

RENTE FEODALE ou feudale, ainsi qu'elle est appellée dans quelques coutumes, est celle qui est dûe au seigneur direct à cause de son fief, sur l'héritage tenu de lui à cens & rente. Voyez CENS & RENTE SEIGNEURIALE. (A)

RENTE FONCIERE est le droit de percevoir tous les ans sur un fonds une redevance fixe en fruit ou en argent, qui doit être payée par le détenteur.

De ce droit nait l'action réelle fonciere contre le détenteur, pour le payement de la redevance.

La rente fonciere ou réelle se constitue directement & principalement sur le fond, & n'est proprement dûe que par le fond, c'est-à-dire qu'elle n'est dûe par le possesseur qu'à cause du fond, à la différence de la rente constituée, qui est dûe principalement par la personne qui la constitue, ce qui n'empêche pas qu'elle ne puisse être hypothequée sur un fonds.

Il y a deux moyens en général pour créer une rente fonciere, l'un, quand le propriétaire aliene son fonds à la charge d'une rente ; l'autre, quand sans aliéner son fonds il le charge d'une rente, soit par voie de don ou de legs, ce qui forme une rente de libéralité qui est semblable en beaucoup de choses aux véritables rentes foncieres.

A l'égard de celles qui sont réservées lors de la tradition du fonds, lesquelles sont les véritables rentes foncieres, les coutumes marquent trois sortes d'actes par lesquels elles peuvent être établies ; savoir le bail à cens, le partage & la licitation : de maniere néanmoins que la rente réservée par le partage ou par la licitation, n'est fonciere qu'autant qu'elle fait directement le prix de la rente, de la licitation, ou la soute du partage ; car si l'on commençoit par convenir d'une somme d'argent pour le prix ou pour la soute, & qu'ensuite pour cette somme on constituât une rente, elle seroit réputée constituée à prix d'argent, & non pas fonciere.

Il y a deux sortes de rentes foncieres ; savoir celles qui sont seigneuriales, & les rentes simples foncieres.

Les rentes foncieres seigneuriales sont celles qui sont dûes au seigneur pour la concession de l'héritage, outre le cens ordinaire.

Toutes rentes foncieres sont de leur nature non rachetables, à-moins que le contraire ne soit stipulé par l'acte de création de la rente.

Elles sont aussi dûes solidairement par tous ceux qui possedent quelque partie du fonds sujet à la rente ; sans qu'ils puissent opposer la discussion, c'est-à-dire exiger que le créancier de la rente discute préalablement le premier preneur ou ses héritiers.

Pour se décharger de la rente fonciere, le détenteur peut déguerpir l'héritage ; le preneur même ou ses héritiers peuvent en faire autant en payant les arrérages échus de leurs terres, encore qu'ils eussent promis de payer la rente, & qu'ils y eussent obligé tous leurs biens, à moins qu'ils n'eussent promis de fournir & faire valoir la rente, ou de faire quelques améliorations dans l'héritage, qui ne fussent pas encore faites.

Il en est de même du tiers-détenteur lorsqu'il a eu connoissance de la rente ; & même dans les coutumes de Paris & d'Orléans, lorsqu'il ne déguerpit qu'après contestation en cause, il doit les arrérages échus de son tems, quand même il n'auroit pas acquis à la charge de la rente, & qu'il l'auroit ignorée ; ce qui est une disposition particuliere à ces deux coutumes.

Le créancier de la rente fonciere peut, faute de payement des arrérages, saisir les fruits de l'héritage chargé de la rente, en vertu de son titre, & sans qu'il ait besoin d'obtenir d'autre condamnation ; il peut aussi, faute de payement de la rente, évincer le détenteur, & rentrer dans son héritage, sans être obligé de le faire saisir réellement, ni de se le faire adjuger par decret. V. la coutume de Paris, tit. des actions personnelles & d'hypotheque ; Loyseau, du déguerpissement. (A)

RENTE à fonds perdu, est une rente viagere, dont le fonds s'éteint avec la rente. Voyez FONDS PERDU & RENTE VIAGERE.

RENTE GENERALE, on appelle ainsi dans la coutume de Saintonge les rentes constituées à prix d'argent sans assignat, parce qu'elles regardent généralement tout le patrimoine du débiteur. Voyez RENTES ESPECIALES.

RENTE GROSSE ou GROSSE RENTE, est la rente seigneuriale ou fonciere, qui tient lieu du revenu de l'héritage, à la différence des mêmes rentes ou cens qui ne sont reservés que pour marque de la directe seigneurie. Voyez ci-après RENTE MENUE.

RENTE HEREDITABLE ou HEREDITALE, est la même chose que rente héréditaire ; la coutume d'Amiens la nomme héréditaire ; & celle de Mons, héréditable.

RENTE HEREDITAIRE, on qualifie ainsi certaines rentes qui ne sont ni perpétuelles ni viageres. Elles sont héréditaires sans être perpétuelles, parce qu'elles ne sont pas créées pour avoir lieu à perpétuité, & que le remboursement en est indiqué par l'édit même de leur création.

RENTE HERITABLE, est la même chose que rente héréditaire. Elles sont ainsi appellées dans les coutumes de Mons, Saint-Paul, Namur. Voyez ci-devant RENTE HEREDITAIRE, & ci-après RENTE VIAGERE.

RENTE A HERITAGE, est celle qui est dûe sur le domaine du roi, au lieu des héritages censuels ou roturiers, qui ont été retirés & unis au domaine. Voyez le Glossaire de M. de Lauriere.

RENTE D'HERITAGE, en la coutume de Bar, tit. 5. art. 57. est celle qui est constituée nommément sur un certain héritage.

RENTE HERITIERE, est celle dont la propriété est transmissible non-seulement par succession, mais aussi que l'on peut céder à un étranger, & qui se perpétue à son profit, à la différence de la rente viagere, qui ne se transmet point par succession, & dont la durée est réglée sur la vie de celui sur la tête duquel elle est constituée. Ces rentes héritieres sont ainsi appellées dans les coutumes des Pays-bas, & sont la même chose que ce que l'on appelle ailleurs rente héréditaire.

RENTE HYPOTHECAIRE, est celle pour laquelle on n'a qu'une simple hypotheque sur un fonds, telles que sont toutes les rentes constituées à prix d'argent, à la différence des rentes foncieres, pour lesquelles le créancier a un droit réel sur l'héritage.

RENTES HYPOTHEQUES, en Normandie on donne quelquefois ce nom aux rentes constituées à prix d'argent, avec faculté perpétuelle de rachat. On les appelle ainsi, parce qu'elles consistent en simple hypotheque sans assignat, & que l'hypotheque en fait la plus grande sûreté. Voyez l'article 395 de la coutume de Normandie, & Loyseau, du déguerpissement, livre I. ch. jx.

RENTE INFEODEE, est celle dont le seigneur a reconnu que le fief de son vassal étoit chargé ; ce qui se fait, lorsque le vassal ayant chargé son fief d'une rente envers un tiers, la déclare dans l'aveu qu'il rend à son seigneur dominant, & que le seigneur accepte cet aveu sans protester contre la rente. Voyez INFEODATION.

RENTE de libéralité, est celle qui est donnée ou léguée à quelqu'un à prendre sur une maison ou autre héritage. Ces sortes de rentes tiennent à certains égards, de la nature des rentes foncieres, quoiqu'elles ne le soient pas véritablement, n'ayant pas été créées lors de la tradition du fonds. Voyez Loyseau, traité du déguerpissement, & ci-devant RENTE FONCIERE.

RENTE (menue), se prend ordinairement pour le cens ou censive qui se paye en reconnoissance de la directe seigneuriale. On l'appelle menue rente, parce que le cens ne consiste ordinairement qu'en une redevance modique, qui est réservée par honneur & pour marque de la seigneurie, plutôt que pour tirer le revenu de l'héritage, à la différence des rentes grosses, qui sont les rentes seigneuriales & foncieres qui sont réservées pour tenir lieu du revenu de l'héritage.

Cette distinction des rentes grosses & menues, est usitée principalement en Artois & dans les Pays-bas ; on peut voir le placard du dernier Octobre 1587, & le reglement du 29 Juillet 1661, qui nomme menues rentes, celles qui n'égalent point le quatorzieme du revenu de l'héritage qui en est chargé. Voyez Maillart, sur Artois, article 16. & ci-devant RENTE GROSSE.

RENTE nantie, est celle pour sûreté de laquelle on a pris la voie du nantissement dans les pays où cette formalité est en usage pour constituer l'hypotheque sur l'héritage. Voyez NANTISSEMENT.

RENTE perpétuelle, est celle qui doit être payée à perpétuité, c'est-à-dire jusqu'au rachat, à la différence de la rente viagere, qui ne dure que pendant la vie de celui au profit de qui elle est constituée.

Il y a des rentes héréditaires sur le roi, qui ne sont pas qualifiées de perpétuelles, parce que le remboursement doit être fait dans un certain tems qui est indiqué par l'édit même de leur création.

RENTE personnelle, est celle qui est dûe principalement par la personne & non par le fonds, encore bien qu'il soit hypothequé à la rente ; telles sont les rentes constituées à prix d'argent, que par cette raison l'on qualifie quelquefois de rentes personnelles, pour les distinguer des rentes foncieres, qu'on qualifie de rentes réelles, parce qu'elles sont dûes principalement par le fonds, & non par la personne. Voyez ci-devant RENTE CONSTITUEE, & RENTE FONCIERE, & ci-après, RENTE REELLE.

RENTE sur les postes, est celle dont le payement est assigné par le roi sur la ferme des postes & messageries de France.

RENTE premiere, après le cens est la premiere rente fonciere imposée outre le cens sur un héritage par le propriétaire qui l'a mis hors de ses mains à la charge de cette rente. Suivant l'article 121 de la coutume de Paris, les rentes de bail d'héritage sur maisons assises en la ville & fauxbourgs de Paris, sont à toujours rachetables, si elles ne sont les premieres après le cens & fonds de terre.

RENTE à prix d'argent, voyez RENTE CONSTITUEE.

RENTE à promesse d'hypotheque, dans la coutume de Valenciennes, on distingue deux sortes de rentes constituées, les rentes à promesse d'hypotheque seulement, & les rentes hypothéquées. Les premieres sont celles que l'on a promis d'assigner & hypothéquer par bons devoirs de loi sur les héritages main-fermes, mais qui ne sont pas encore hypothéquées. Les rentes de cette espece sont meubles, suivant l'article 29, & purement personnelles, & les arrérages ne se prescrivent que par 30 ans, suivant l'article 94.

RENTE propriétaire, est la redevance fonciere dûe par le propriétaire de l'héritage pour la concession qui lui en a été faite à la charge de la rente. Voyez les coutumes de Senlis & de Clermont, où les rentes foncieres sont ainsi appellées pour les distinguer des rentes constituées à prix d'argent, qu'on y appelle rente non-propriétaire.

RENTE rachetable, est celle dont le sort principal peut être remboursé au créancier ; les rentes constituées sont toujours rachetables de leur nature ; il y a des rentes foncieres qui sont stipulées rachetables, & quelques-unes dont il est dit que le rachat ne pourra être fait que dans un certain tems, ou en avertissant quelque tems d'avance. Voyez RACHAT, REMBOURSEMENT.

RENTE non-rachetable, est celle qui ne peut point être remboursée par le débiteur ; les rentes foncieres sont non-rachetables de leur nature ; on les peut cependant stipuler rachetables. On ne peut pas stipuler qu'une rente constituée sera non-rachetable, parce qu'il doit toujours être permis à un débiteur de se libérer. Voyez RENTE RACHETABLE.

RENTE réalisée ou réelle, est une rente constituée à prix d'argent, dont l'hypotheque est réalisée sur un fonds par la voie de la saisine, réalisation, ou nantissement dans les coutumes où cela est d'usage, pour constituer l'hypotheque. Voy. NANTISSEMENT.

RENTE réelle, se prend aussi souvent pour rente fonciere ; on l'appelle réelle, parce qu'elle est dûe principalement par le fonds qui en est chargé ; au lieu que les rentes constituées à prix d'argent sont dûes principalement par la personne ; c'est pourquoi on les appelle personnelles. Voyez ci-devant RENTE CONSTITUEE, & RENTE PERSONNELLE.

RENTE vendable, c'est ainsi que dans les coutumes d'Auvergne & de la Marche, & quelqu'autres, on appelle les rentes constituées à prix d'argent ; on l'appelle vendable, parce qu'elle est toujours rachetable de sa nature, & que le fonds peut en être remboursé, à la différence des rentes foncieres, qui sont non-rachetables de leur nature.

RENTE requérable, est celle dont le payement doit être demandé sur les lieux, comme le champart ; au lieu que le cens est une rente portable au seigneur.

RENTE roturiere, est celle dont un fief est chargé, mais qui n'a point été inféodée par le seigneur dominant. Voyez ci-devant RENTE INFEODEE. Voyez aussi les coutumes de Laon, Chaunes, Tours, & Lodunois.

RENTE seche, c'est ainsi que quelques coutumes appellent les rentes constituées à prix d'argent, parce qu'elles ne produisent point de droits au créancier ; à la différence des rentes censuelles & seigneuriales, qui produisent des profits aux mutations du tenancier. Voyez les coutumes de la Marche, d'Acqs, de Saint-Sever, & de Bayonne.

RENTE seigneuriale, est une rente fonciere dûe à un seigneur à cause de sa seigneurie, & qui emporte la seigneurie directe sur l'héritage pour lequel elle est dûe.

Ces sortes de rentes ont plusieurs avantages sur les rentes simplement foncieres, 1°. en ce qu'elles ne se prescrivent point de la part du rentier, si ce n'est pour la quotité & les arrérages par 30 ans ; 2°. elles emportent droit de lods aux mutations par vente ; 3°. elles ne se purgent point par le decret.

Les rentes seigneuriales sont de plusieurs sortes ; savoir le cens, le surcens, & autres rentes seigneuriales qui sont dûes outre le cens ordinaire, soit en argent ou autre prestation.

Il y a des rentes seigneuriales qui sont propres à certaines coutumes, telles que le complant en Poitou, le terreau à Chartres, le vinage à Clermont & à Montargis, le carpot, ou plutôt quarport en Bourbonnois, le champant en Beauce, le terrage ou agriere en plusieurs coutumes, l'hostize sur les maisons à Blois, le fouage en Normandie & en Bretagne, le bordelage en Nivernois, & plusieurs autres semblables. Voyez Loyseau, du déguerpissement liv. I. ch. v. & CENS, LODS & VENTES.

RENTE surfonciere, est celle qui est imposée sur le fonds outre & par-dessus la premiere rente fonciere ; on l'appelle aussi arriere-fonciere. Voyez la coutume d'Orléans, article 122. & le mot RENTE, ARRIERE-FONCIERE.

RENTE sur les tailles, est celle dont le payement est assigné sur la recette des tailles d'une telle élection.

RENTE tolérable, dans le style du pays de Normandie, & dans deux ordonnances de l'échiquier, des années 1462 & 1501, signifie une rente ancienne & non sujette à rachat, tellement que l'on est obligé de la supporter & continuer.

RENTE sur la ville, est celle qui étant assignée sur les revenus du roi, se paye au bureau de la ville.

RENTE volage ou volante, est la même chose que la rente constituée à prix d'argent. Elle est ainsi nommée dans quelques anciennes ordonnances, à cause qu'elle n'est point établie sur un fonds comme la rente fonciere ; elle est appellée de même dans les coutumes de Sens, Chaumont, Blois, Bordelois, Auxerre, Cambray, Bar. Voyez RENTE CONSTITUEE. (A)

RENTES VIAGERES, (Analyse des hazards) sont des rentes qui s'éteignent par mort.

Il y a de deux sortes de rentes viageres principales.

Quand on dit simplement rentes viageres, on doit entendre les rentes qui restent entierement éteintes à la mort.

Les rentes viageres en tontine, ou rentes en tontine, sont celles qui sont constituées sur plusieurs personnes de même âge ou approchant, à condition qu'à la mort de chaque associé, la rente qu'il avoit se repartit aux survivans de la société, en tout ou en partie, jusqu'au dernier vivant, qui jouit seul de toute la rente de la société, ou de toutes les parties de rentes qui étoient reversibles aux survivans ; ce qui fait distinguer deux sortes de tontines, l'une simple & l'autre composée.

Voici la maniere de déterminer les rentes purement viageres, ensorte que les rentiers ayent tout l'avantage qu'ils peuvent espérer de leur part.

Supposons que 560 rentiers, de l'âge de 52 ans, veuillent constituer les fonds nécessaires pour faire recevoir 100 livres par an à chacun d'entr'eux qui vivront pendant cinq années seulement.

On voit par le quatrieme ordre de mortalité de la table XIII. de l'Essai sur la probabilité de la durée de la vie humaine, que si la rente de 100 livres ne devoit être payée qu'à ceux qui vivent à la fin de chaque année, les 560 constituans de l'âge de 52 ans, n'auroient à donner que les fonds nécessaires pour faire recevoir 100 livres à 549 personnes à la fin de la premiere année ; à 538 à la fin de la seconde année ; à 526 à la fin de la troisieme année ; à 514 à la fin de la quatrieme année ; & enfin à 502 à la fin de la cinquieme année. Mais ceux qui meurent dans le courant de chaque année, doivent recevoir une partie de rente proportionnée au tems qu'ils ont vécu, dans le courant des années où ils sont morts ; or les uns meurent au commencement de l'année, d'autres au milieu, & les autres à la fin.

On peut donc supposer qu'ils meurent tous au milieu de l'année, ou bien (ce qui revient au même) supposer que la moitié meure au commencement de l'année & l'autre moitié à la fin ; ainsi les 560 rentiers de l'âge de 52 ans doivent constituer les fonds nécessaires pour faire recevoir 100 livres à 554 personnes à la fin de la premiere année ; à 543 personnes à la fin de la seconde année ; à 532 à la fin de la troisieme année ; à 520 à la fin de la quatrieme année ; & enfin à 508 à la fin de la cinquieme année.

Supposons qu'on veuille compter les intérêts sur le pié du denier 20, on voit par les tables du même ouvrage, que pour qu'il soit dû 100 livres au bout d'un an, il faut prêter 95 liv. 4 sols 9 deniers ; que pour qu'il soit dû 100 livres au bout de deux ans, il faut prêter 90 livres 14 sols 1 denier, &c. Prenez donc les cinq premiers prêts, & les multipliez avec ordre par les cinq nombres de rentiers qui doivent recevoir chacun 100 livres au bout d'un, de deux, ou de trois ans, &c. ainsi qu'il suit.

Ajoutez les cinq produits ensemble pour avoir la somme de 230554 livres 12 sols 5 deniers, qui est le fond que doivent fournir ensemble les 560 rentiers de l'âge de 52 ans, afin que tous ceux d'entr'eux qui vivront puissent recevoir 100 livres à la fin de chaque année, pendant cinq ans seulement, & divisant la somme ci-dessus 230554 liv. 12 sols 5 deniers par les 560 rentiers constituans, le quotient 411 liv. 14 sols 1 denier, est la part que chacun d'entr'eux doit fournir.

Il est maintenant aisé de voir que si au lieu de ne vouloir la rente que pour cinq ans, comme ci-devant, on la vouloit pour tout le tems qu'il y aura quelque rentier vivant, il faudroit prendre les prêts suivans de la table II.

& les multiplier avec ordre par les nombres de rentiers qui doivent recevoir la rente à la fin de la sixieme, de la septieme, de la huitieme années, &c. savoir 495, 482, 469, &c. jusqu'au dernier rentier vivant. Ayant fait toutes les multiplications, on ajoutera, comme ci-dessus, tous les produits ensemble ; & on en divisera la somme par les 560 rentiers constituans : le quotient sera ce qu'une personne de l'âge de 52 ans doit fournir pour avoir 100 livres de rente viagere. Il en est de même pour tous les autres âges.

Table de la valeur actuelle d'une rente viagere de 100 liv. pour tous les différens âges ; les intérêts étant comptés sur le pié du denier 20.

Table de ce qu'on doit donner de rente viagere aux rentiers de tous les différens âges, pour un fond de 100 livres ; les intérêts étant comptés sur le pié du denier 20.

Des rentes viageres en tontines simples. On appelle tontines simples celles où toute la rente des rentiers décédés se distribue aux survivans de la société ou de la classe, comme on fait aux tontines créées en 1689, 1696, 1709, 1733 & 1744.

Lorsque le nombre des rentiers de chaque classe doit être considérable, on le divise en plusieurs sociétés ou subdivisions, en assignant une quantité de rente à chaque société ou subdivision ; & chaque rentier de la classe peut, si bon lui semble, se mettre de toutes les sociétés de sa classe, en donnant les fonds nécessaires.

Table. Rentes viageres en tontine simple. La constitution ou le prix de la rente est de 300 liv.

Des rentes viageres en tontine composée. On nomme tontines composées celles où une partie de la rente que rapporte chaque action reste éteinte à la mort du rentier sur qui elle étoit constituée, comme celle de 1734, dont un quart de la rente de chaque action s'éteint à la mort du rentier qui la possede. La tontine de 1743 est aussi composée, parce que la moitié reste entierement éteinte à la mort de chaque rentier.

Table. Rentes viageres en tontine composée, dont la moitié s'éteint à la mort de chaque rentier. La constitution ou le prix de l'action est de 300 liv. les intérêts étant comptés sur le pié du denier 20.

On doit conclure de tout ce qu'on a dit jusqu'ici, que les rentes viageres, de quelque maniere qu'elles soient faites, sont des jeux ou loteries où l'on parie à qui vivra le plus. Voyez DUREE DE LA VIE, au mot VIE. Cet article est entierement tiré de l'Essai sur les probabilités de la vie humaine, de M. Deparcieux, Paris 1745.


RENTERv. act. (Gram.) c'est attacher une rente à quelqu'un ou à quelque chose ; on rente un moine ; on rente un monastere.


RENTERIA(Géog. mod.) petite ville d'Espagne, dans le Guipuscoa, dans la vallée d'Oyarsa, sur le bord de la riviere Bédassa, à une lieue de Saint-Sébastien. Cette petite place a été ceinte de murailles en 1320. On trouve sur la montagne de son voisinage un beau chemin pavé de grosses pierres carrées, & taillées exprès pour cet usage. (D.J.)


RENTERRERv. act. (Gramm.) c'est enterrer derechef. Voyez les articles ENTERRER & ENTERREMENT.


RENTou RENTY, (Géog. mod.) c'étoit jadis une ville, & c'est présentement un bourg de France, dans l'Artois, sur l'Aa, aux confins de la Picardie, à 6 lieues au sud-ouest d'Aire, & à 10 au nord-ouest d'Arras. C'est le premier marquisat d'Artois. Charles V. en fit l'érection en 1533. Les Espagnols y furent mis en déroute par les François en 1554. Long. 19. 46. lat. 50. 35. (D.J.)


RENTIERS. m. (Economie politique) c'est celui qui pour se débarrasser du soin de ses affaires, met son bien & sa fortune en rentes constituées ou viageres. Le nombre des rentiers ne s'augmente dans un état qu'aux dépens du travail & du commerce, par l'oisiveté, le luxe, la mollesse, le sybaritisme. Un rentier est donc un sujet inutile, dont la paresse met un impôt sur l'industrie d'autrui.

Vers la fin de la république romaine, on opposoit aux riches rentiers de ce tems-là, aux Crassus, aux chevaliers romains, un Quintus Cincinnatus, qui après avoir obtenu le plus éclatant triomphe dont aucun général eût jamais été gratifié, fut conjuré par le sénat, d'accepter une partie des dépouilles des ennemis pour lui rendre la vie plus commode. Ce grand homme remercia tous les sénateurs en général & en particulier, avec des termes pleins de reconnoissance, sans autre desir que de cultiver ses terres, plus content du champ de ses ayeux, que les plus riches ne le sont de leurs rentes immenses.

Mais il faut voir avec quels traits vifs & brillans Florus peint l'empressement de ce dictateur, qui sembloit n'avoir précipité le cours de sa victoire, que pour retourner plus tôt à ses occupations rustiques, dont il préféroit l'obscurité à l'éclat de son triomphe.

Voici la peinture de Florus : Sic expeditione finitâ, rediit ad boves rursus triumphalis agricola ; fidem numinum, quâ velocitate ! intrà quindecim dies captum, peractumque bellum prorsùs, ut festinasse dictator, ad relictum opus videretur. " C'est ainsi qu'après une expédition si heureuse, ce laboureur couvert de gloire revint à sa charrue ; mais avec quelle vîtesse, grands dieux ! Dans l'espace de quinze jours, il commence la guerre & la finit, ensorte que le dictateur romain ne parut s'être hâté si fort que pour reprendre plus tôt son travail ordinaire ". (D.J.)

RENTIER, (Jurisprud.) est celui auquel il est dû une rente ; ceux qui ont des rentes assignées sur les revenus du roi sont appellés rentiers.

En fait de rentes seigneuriales & foncieres, ou constituées sur particuliers, on entend ordinairement par rentiers ceux qui doivent les rentes.

Dans la coutume de Bretagne le rentier est le rôle des rentes du seigneur, comme le terrier est le rôle des terres qui en relevent ; on dit le rôle rentier. Voyez RENTE. (A)

RENTIERS, s. m. pl. (Com.) on appelle ainsi à Maroc, & dans toutes les villes de ce royaume, maritimes ou autres, où l'on paye des droits d'entrée & de sortie, les juifs qui en sont fermiers. Ils y font un très-grand profit, & très-peu de grace aux marchands chrétiens. Dictionn. de Commerce.


RENTOILERv. act. terme de lingere, c'est regarnir d'une toile neuve une dentelle de point, une chemise, un rabat, & autre linge d'hommes & de femmes. (D.J.)


RENTONS. m. terme de charpentier, jointure de deux pieces de bois de même espece, sur une même ligne. Le renton d'une sabliere, est l'endroit où il se joint de demi à demi. Diction. des Arts. (D.J.)


RENTONNERv. act. terme de cabaretier, ce mot signifie mettre dans un tonneau une liqueur qu'on en a tirée, ou qu'on a tirée d'un autre. Les ordonnances des aides défendent aux cabaretiers de rentonner du vin dans une piece marquée & en perce, Savary. (D.J.)


RENTRAINERv. act. (Gramm.) c'est entraîner de nouveau. Il se dit au simple & au figuré. Ce torrent a rentraîné la digue qu'on lui opposoit. Il s'est laissé rentraîner dans le vice par la mauvaise compagnie.


RENTRAIREv. act. (Manufacture) ce mot signifie raccommoder, rejoindre, coudre proprement avec de la soie, les déchirures & trous qui se sont faits dans une piece de drap, en lui donnant l'apprêt. Non-seulement ce soin est permis, mais encore il est de conséquence qu'il y ait d'habiles rentrayeurs dans les manufactures ; il est néanmoins défendu de rentraire les chefs de draperie étrangere sur une piece de drap de fabrique françoise, ou au contraire le chef d'un drap du royaume, sur une piece fabriquée en Hollande ou en Angleterre, soit pour frauder les droits du roi, soit pour tromper les marchands, comme il est quelquefois arrivé. Diction. du commerce. (D.J.)

RENTRAIRE, v. act. terme de tapissier, c'est recoudre les relais d'une tapisserie de haute ou basse lisse ; il se dit aussi lorsque quelques endroits d'une tapisserie étant considérablement gâtés, on est obligé d'y faire une nouvelle chaîne & un nouvel ouvrage sur le patron de l'ancien ; ces chaînes de la rentraiture doivent être de laine & non de fil. Diction. du com. (D.J.)


RENTRAITURES. f. (Manufacture) raccommodage ou couture des déchirures & des trous qui se trouvent dans une piece de drap. Les rentraitures passent pour tare, & doivent se diminuer sur le prix des pieces par les manufacturiers.


RENTRAYEURS. m. (Draperie) ouvrier dont l'emploi est de rentraire les draps. Dans les manufactures importantes, il y a ordinairement un ouvrier rentrayeur, dont toute l'occupation est de rentraire les draps, soit après leur retour du foulon, soit après qu'ils ont reçu l'apprêt. Diction. du comm. (D.J.)


RENTRÉES. f. (Grammaire) l'action de rentrer. Voyez RENTRER. On dit la rentrée du parlement. Une heureuse rentrée au jeu, lorsqu'on prend au talon après avoir écarté, les cartes qu'on souhaitoit ou qu'on auroit souhaitées.

RENTREE, s. f. terme de Chasse, ce mot signifie le tems que le gibier rentre dans le bois, ce qui est le matin & le soir ; mais rentrer au fort, c'est en terme de Venerie, la même chose que se rembucher. Salnove. (D.J.)


RENTRERv. n. (Grammaire) c'est entrer derechef. Il étoit sorti, mais il est rentré pour une affaire qu'il avoit oubliée. Il est rentré dans son couvent. Il est rentré dans son bénéfice. Au figuré on dit, il est rentré en lui-même, dans son devoir.

RENTRER, (Jurisprud.) dans un bien, c'est en recupérer la possession.

Rentrer dans ses droits, c'est y être remis & rétabli, soit en vertu de quelque clause conditionnelle, soit en vertu de lettres du prince & d'un jugement qui les entérine, ou enfin en vertu de quelque accord ou transaction.

La rentrée des tribunaux, est le tems où ils recommencent leurs séances, lorsque les vacations sont finies. (A)

RENTRER AU FORT, terme de Chasse, se dit d'une bête qui se rembuche.

RENTRER, v. n. terme de billard, lorsque dans le jeu de billard, à la guerre, celui qui entre périt, soit en sautant, ou en tombant dans une belouse, il recommence à jouer, & cela s'appelle rentrer ; mais quand celui auquel il appartenoit de rentrer a laissé passer son rang, il ne rentre que lorsqu'il est revenu. (D.J.)

RENTRER, au revertier, c'est revenir en jeu par le moyen d'un certain nombre de points que l'on amene, & qui donne droit de jouer les dames qui avoient été battues. Pour cela il faut trouver des passages ouverts, & chacun doit rentrer les dames qu'on lui a battues du côté où est la pile & tas de bois. On ne sauroit rentrer sur soi, mais on peut rentrer sur son joueur en le battant, lorsque l'on trouve quelques-unes de ses dames découvertes.

RENTRER, au piquet. Voyez les articles RENTREE, & PIQUET, jeu.


RENUS(Géog. anc.) riviere d'Italie : les anciens n'en parlent guere. Pline, lib. III. cap. xvj. néanmoins en fait mention. Il en est aussi parlé dans Silius Italicus : parvique Bononia Reni. Cette riviere a conservé son nom, car on l'appelle aujourd'hui Reno. Elle prend sa source dans le Florentin auprès de Pistoie, descend entre des montagnes, passe à deux milles de Boulogne, & se jette dans le Pô à quatre milles audessus de Ferrare. (D.J.)


RENVAHIRv. act. (Gramm.) c'est envahir derechef. A peine les provinces dont les Romains s'étoient emparés furent-elles affranchies de leur domination, que d'autres peuples les renvahirent.


RENVELOPPERv. act. (Comm.) envelopper une seconde fois un paquet, le remettre dans l'enveloppe d'où on l'a tiré. Voyez PAQUET, ENVELOPPE, Diction. de Comm.


RENVENIMERv. act. (Gramm.) c'est envenimer de nouveau. Cette plaie se renvenime : on a renvenimé ses discours.


RENVERDIES. f. (Littérat.) piece de vers sur le retour du printems & de la verdure. Marot l'appella depuis chant de Mai.


RENVERGERv. act. (Soierie) c'est enverger de nouveau. Voyez les articles ENVERGER & ENVERGURE.

RENVERGER, les Vanniers appellent ainsi l'action de border les ouvrages de closerie.


RENVERSANT(Algèbre) ou plutôt en renversant, invertendo ; c'est une expression dont on se sert pour marquer un certain changement que l'on fait dans la disposition des termes d'une proportion. Par exemple, si l'on a cette proportion, 2. 6 : : 3. 9 ; ou b. c : : d. f, l'on aura en renversant, invertendo, 6. 2 : : 9. 3, ou c. b : : f. d, en mettant les antécédens à la place des conséquens, & les conséquens à la place des antécédens. (E)


RENVERSÉadj. (Matth.) une raison renversée, est la même chose qu'une proportion réciproque. Voyez RECIPROQUE, RAISON, DIRECT & INVERSE. (E)

RENVERSE, terme de Chirurgie, qui se dit des plis qu'on fait faire à une bande dans un point de la circonférence d'un membre inégal, afin que la circonvolution de la bande, qui ne porteroit que par un de ses bords, ne fasse point de godet. Pour faire ce bandage, on observe dans les différens tours inégaux qui forment des doloires, des mousses, ou des rempans sur le membre ; on observe, dis-je, de renverser la bande aux endroits inégaux, à la partie postérieure, jamais sur la plaie ou l'ulcere. Pour éviter la multiplication des renversés, on garnit la partie inégale avec des compresses assez épaisses & graduées. Les renversés doivent être bien unis, & les plus courts qu'il est possible. Pour y réussir, il ne faut pas dérouler trop de bande ; il faut tenir le globe assez près de la partie, & diriger de l'autre main, qui est libre, le pli qu'on veut faire faire à la bande ; sans cette précaution le renversé est long & plissé en façon de corde. Voyez BANDE, BANDAGE, DOLOIRE, MOUSSE, RAMPANT. (Y)

RENVERSE, en terme de Blason, est une piece placée le haut en bas, ou dans une situation contraire à celle qu'elle a naturellement ; ainsi un chevron renversé, est celui dont la pointe est en en-bas.

On le dit aussi des animaux qui sont représentés dans l'écu portés sur le dos.


RENVERSEMENTS. m. (Gram.) ruine, destruction, chûte, décadence totale : on dit le renversement des autels, le renversement des lois, le renversement de la fortune, celui d'un état.

RENVERSEMENT, (Marine) on sous-entend charger par ; c'est transporter la charge d'un vaisseau dans un autre.

RENVERSEMENT, en Musique, est le changement d'ordre dans les sons qui composent les accords, & dans les parties qui composent l'harmonie ; ce qui se fait en substituant à la basse par des octaves, les sons ou les parties qui sont au-dessus ; aux extrêmités, celles qui occupent le milieu, & réciproquement.

Il est certain que, dans tout accord, il y a un ordre fondamental & naturel qui est le meilleur de tous ; mais les circonstances d'une succession, le goût, l'expression, le beau chant, la variété, obligent souvent le compositeur de changer cet ordre & de renverser les accords, & par conséquent la disposition des parties.

Comme trois choses peuvent être ordonnées en six manieres, & quatre choses en vingt-quatre manieres, il semble d'abord qu'un accord parfait devroit être susceptible de six renversemens, & un accord dissonant de vingt-quatre, puisque celui-ci est composé de quatre sons différens, & l'autre de trois ; mais il faut observer que dans l'harmonie, on ne compte point pour des renversemens toutes les dispositions différentes des sons supérieurs, tant que le même son demeure au grave. Ainsi ces deux dispositions, ut, mi, sol, & ut, sol, mi, de l'accord parfait, ne sont prises que pour un même renversement, & ne portent qu'un même nom ; ce qui réduit à trois tons les renversemens de l'accord parfait, & à quatre, tous ceux de l'accord dissonant, c'est-à-dire à autant de renversemens qu'il y a de sons différens qui composent l'accord, & qui peuvent se transporter successivement au grave, chacun à son tour.

Toutes fois donc que la basse fondamentale se fait entendre dans la partie la plus grave, ou, si la basse fondamentale ne s'y trouve pas, toutes les fois que l'ordre naturel s'observe dans les accords, l'harmonie est directe ; dès que cet ordre est changé, ou que le son fondamental n'étant pas au grave, se fait entendre dans quelque autre partie, l'harmonie est renversée. Renversement de l'accord, quand le son fondamental est transposé ; renversement des parties, quand le dessus ou quelque autre partie, marche comme devroit faire la basse fondamentale.

Par-tout où un accord sera bien placé, tous les renversemens de cet accord seront bien placés aussi ; car c'est toujours la même succession fondamentale. Ainsi à chaque note de basse fondamentale, on est maître de disposer l'accord à sa volonté, & par conséquent, de faire à tout moment des renversemens différens, pourvu qu'on ne change point la succession fondamentale & réguliere ; que les dissonances soient toujours préparées & sauvées par la même partie qui les fait entendre ; que la note sensible monte toujours, & qu'on évite les fausses relations trop dures dans une même partie. Voilà la clé de ces différences mystérieuses, que mettent les compositeurs entre les accords où le dessus syncope, & ceux où la basse doit syncoper, comme entre la neuvieme & la seconde ; c'est que, dans les premiers, l'accord est direct, & la dissonance dans le dessus ; dans les autres, l'accord est renversé, & la dissonance en est à la basse.

A l'égard des accords par supposition, il faut plus de précaution pour les renverser. Comme le son qu'on y ajoute à la basse est entierement étranger à l'harmonie, souvent il n'y est souffert qu'à cause de son éloignement des autres sons, qui rend la dissonance moins sensible ; que si ce son ajouté vient à être transporté dans les parties supérieures, il y peut faire un très-mauvais effet ; & jamais cela ne sauroit se pratiquer heureusement, sans retrancher quelqu'autre son de l'accord. Voyez au mot ACCORD, les cas & le choix de ces retranchemens.

L'intelligence parfaite du renversement ne dépend que de l'étude & du travail ; le choix est autre chose, il y faut l'oreille & le goût. Il est certain que la basse fondamentale est faite pour soutenir l'harmonie, & regner au-dessus d'elle. Toutes les fois qu'on change cet ordre, & qu'on renverse l'harmonie, on doit avoir de bonnes raisons pour cela, sans quoi l'on tombera dans le défaut de nos musiques récentes, où les dessus chantent quelquefois comme des basses, & les basses toujours comme des dessus ; où tout est confus & mal ordonné, sans autre raison, ce semble, que de pervertir l'ordre établi, & de gâter l'harmonie. (S)

RENVERSEMENT, (Horlogerie) c'est dans les montres la méchanique par laquelle l'on borne l'étendue de l'arc du supplément, pour que la roue de rencontre reste en prise sur la palette ou sur le cylindre, pour pouvoir les ramener dans l'un & l'autre cas.

Dans l'échappement à palette bien fait, le balancier porte une cheville qui va s'appuyer contre les bouts de la coulisse, & le balancier peut décrire 240 degrés.

Dans celui à cylindre, le balancier porte de même une cheville qui va aussi s'appuyer sur les bouts de la coulisse, ou sur une cheville posée à cet effet, parce qu'on peut lui donner plus de 300 degrés à parcourir ; sans quoi la coulisse deviendroit trop courte pour la sureté du rateau.

Dans les montres à vibration lente, telles que celles qui battent les secondes, il faut faire un renversement double, c'est-à-dire qu'il faut mettre deux chevilles au balancier, vis-à-vis l'une de l'autre ; l'une en-dessus, l'autre en-dessous ; & au moyen de ces deux chevilles, placées aussi vis-à-vis l'une de l'autre sous le coq, le balancier vient borner ses arcs par les deux extrêmités de son diametre ; & par-là les pivots sont plus en sureté que si le balancier n'étoit retenu que par son rayon. Cela est nécessaire dans les montres qui battent les secondes, parce que leurs balanciers sont pesans, & le ressort spiral foible. Je donne un tour à parcourir aux balanciers de ces sortes de montres. Article de M. ROMILLY.


RENVERSERv. act. (Gram.) c'est abattre avec violence. Le vent a renversé les arbres de ce jardin ; ce lutteur a renversé son antagoniste, ce cheval a renversé son cavalier ; allons renverser ces dieux que les vers rongent sur leurs autels ; renversez ou retournez ce plat ; un cône est renversé ; une pyramide est renversée ; cette ligne d'infanterie se renversa sur la seconde ; la cavalerie fut renversée sur l'infanterie ; on renverse les accords en musique, voyez l'article RENVERSEMENT. Cet accident lui a renversé la cervelle, cette banqueroute a renversé sa fortune ; on risque de se blesser les reins en se renversant trop en arriere.

RENVERSER une terre, (Jardinage) c'est la retourner. Voyez RETOURNER.


RENVIS. m. à différens jeux de cartes, c'est la mise d'un nombre de jettons qu'un joueur hazarde en sus d'un autre, pour lui disputer un avantage ou un jeu.


RENVIDERparmi les Cardeurs de laine, c'est rapprocher le bras de la broche du rouet pour y tourner le fil.


RENVIERc'est à l'ambigu, au breland, & autres jeux, mettre une quantité de jettons au-dessus d'un joueur, pour acheter les mêmes prétentions qu'il a sur quelque coup.


RENVOIS. m. (Gram.) retour d'un endroit dans un autre, d'une chose à celui qui l'a envoyée. On dit une chaise de renvoi ; le renvoi d'un présent est désobligeant ; le renvoi de la lumiere par un objet ; le renvoi d'une injure à celui qui l'a faite ; une omission à intercaler par le renvoi : on désigne par un signe qui marque ce qu'il faut restituer. Ce copiste n'entend rien aux renvois ; il brouille tout. Je hais la méthode de Wolf, elle fatigue par la multitude des renvois, & elle en devient d'une obscurité profonde & d'une sécheresse dégoûtante, par une affectation barbare & gothique de démonstration rigoureuse & de briéveté. En l'introduisant en Allemagne, cet homme fameux y a éteint le bon goût, & perdu les meilleurs esprits. Le renvoi d'un tribunal à un autre fatigue le plaideur & le ruine.

RENVOI, (Jurisp.) dans un acte est une marque apposée à la suite de quelque mot, & qui se refere à une autre marque semblable, qui est en marge ou au bas de la page, où l'on a ajouté ce qui avoit été obmis en cet endroit dans le corps de l'acte. Les renvois doivent être approuvés des parties contractantes & des notaires & témoins, ainsi que des autres officiers dont l'acte est émané, à peine de nullité. On ne signe pas ordinairement les renvois, mais on les paraphe. Voyez APOSTILLE, INTERLIGNE, PARAPHE, RATURE.

Renvoi en fait de jurisdiction, est l'acte par lequel un juge se départ de la connoissance d'une affaire pendante pardevant lui, & prescrit aux parties de se pourvoir devant un autre juge qu'il leur indique, auquel la connoissance de l'affaire appartient naturellement.

Il n'y a que le juge supérieur qui puisse user de renvoi à l'égard d'un juge qui est son inférieur ; le juge qui est inférieur à un autre, ou qui n'a point de supériorité sur lui, ne peut pas user à son égard du terme de renvoi, il ordonne seulement que les parties se pourvoiront pardevant les juges qui en doivent connoître.

La partie qui n'est point assignée devant son juge, peut demander son renvoi pardevant le juge de son domicile, ou autre auquel la connoissance de l'affaire appartient.

Celui qui a droit de committimus peut faire renvoyer devant le juge de son privilege, l'assignation qui lui est donnée devant un autre juge : l'huissier fait lui-même le renvoi en vertu des lettres.

L'ordonnance de 1667, tit. 6. article 1. enjoint aux juges de renvoyer les parties pardevant les juges qui doivent connoître de la contestation, ou ordonner qu'elles se pourvoiront, à peine de nullité des jugemens ; & en cas de contravention, il est dit que les juges pourront être intimés & pris à partie : mais cela n'a lieu que quand le juge a retenu une cause qui notoirement n'étoit pas de sa compétence. (A)

RENVOI devant un ancien avocat, c'est un jugement qui enjoint aux parties de se retirer devant un ancien avocat qui leur est indiqué, pour en passer par son avis.

La cour renvoie aussi certaines affaires au parquet des gens du roi, pour en passer par leur avis.

On renvoie encore les parties devant un notaire, ou devant un expert calculateur pour compter. (A)

RENVOI, s. m. (Com.) on appelle dans le commerce, marchandises de renvoi, celles qui ont été renvoyées par un marchand à celui de qui il les avoit reçues. Ces sortes de renvois se font ordinairement ou parce que les marchandises ne se sont pas trouvées des qualités qu'on les avoit demandées, ou parce qu'elles se sont rencontrées défectueuses ou tarées, & dans l'un ou l'autre cas, tant les frais du renvoi que les droits qui ont pu être acquités pour raison de ces marchandises, tombent en pure perte sur celui à qui elles appartiennent, & qui en a fait l'envoi. Diction. de Com.

RENVOI, s. m. en Musique, est un signe figuré à volonté, placé ordinairement au-dessus de la portée, & qui correspondant à un autre signe semblable, marque qu'il faut, d'où l'on est, retourner à l'endroit où est placé cet autre signe. (S)


RENVOYERv. act. (Gram.) c'est envoyer derechef ; on renvoie un domestique ; on renvoie un courier ; on renvoie ses équipages ; on renvoie un présent ; on renvoie la balle ; on renvoie ses gens ; on renvoie à l'école, aux élémens de la science ; on renvoie une affaire pardevant tel commissaire ; on renvoie absous. Voyez les articles RENVOI.


RÉODERS. m. (Mesure de liqueurs) c'est la plus haute mesure d'Allemagne, & qui n'est qu'idéale. Le réoder est de deux feoders & demi, & le feoder de six ames, l'ame de vingt fertels, & le fertel de quatre masses : ainsi le réoder contient 1200 masses. Savary. (D.J.)


RÉOLELA, (Géog. mod.) petite ville de France, dans le Bazadois, sur la droite de la Garonne, à neuf lieues au-dessus de Bourdeaux ; elle doit son origine à une ancienne abbaye d'hommes, ordre de S. Benoît, fondée en 970. Louis XIV. transfera pendant quelques années le parlement de Bourdeaux dans cette petite ville. L'abbaye de la Réole (ou la Réaule) est située dans la plaine de Bigorre, & son abbé a entrée aux états du pays. Long. de la ville, 17. 34. latit. 44. 36. (D.J.)


RÉORDINATIONS. f. (Théolog.) c'est l'acte de conférer les ordres à une personne qui a été déjà ordonnée. Voyez ORDRE & ORDINATION.

Le sacrement de l'ordre imprime, selon les Théologiens, un caractere ineffaçable, & par conséquent il ne peut pas être réitéré. Cependant on a disputé long-tems dans les écoles, si certaines ordinations dont il est parlé dans l'histoire ecclésiastique, n'ont pas été regardées comme nulles, & sous ce prétexte réitérées. Dans le viij. siecle, par exemple, Etienne III. déclara nulles les ordinations faites par Constantin son prédécesseur, consacra de nouveau les évêques ordonnés par Constantin, & pour les prêtres & les diacres que celui-ci avoit ordonnés, il les réduisit à l'état des laïques. Mais les Théologiens pour la plûpart prétendent que la nouvelle consécration de ceux qui avoient été ordonnés par Constantin, n'étoit pas une véritable ordination, mais une simple cérémonie de réhabilitation pour leur rendre l'exercice de leurs fonctions. Sur ce fait & sur plusieurs autres semblables, tels que les ordinations de Photius, du pape Formose, & les ordinations conférées par des évêques, soit schismatiques, soit intrus, soit excommuniés, soit simoniaques, comme il y en eut beaucoup de cette derniere espece dans le xj. siecle ; il est de principe parmi les Théologiens, que les papes ou les conciles ne les ont jamais déclarés nulles quant au fond, mais seulement quant à l'exercice de l'ordre. C'est le sentiment de l'église d'Afrique contre les Donatistes, dont elle ne réordonna jamais les évêques ou les prêtres, quand ils voulurent se réunir avec les Catholiques. C'est aussi celui de la plûpart des Théologiens après S. Thomas qui parle ainsi des ordinations simoniaques : ille qui simoniacè recipit ordinem, recipit quidem caracterem ordinis propter efficaciam sacramenti, non tamen recipit gratiam neque ordinis executionem. Secundâ secundae, quaest. C. art. 6. in resp. ad. 1. Et plus bas, nec debet aliquis recipere ordinem ab episcopo quem scit simoniacè promotum, & si ordinetur, non recipit ordinis executionem, etiamsi ignoraret eum esse simoniacum, sed indiget dispensatione. Ibid. in resp. ad 2.

L'usage présent de l'église romaine est de réordonner les Anglicans, parce qu'on y prétend que leurs évêques ne sont pas validement consacrés, & que la forme de leurs ordinations est insuffisante. Voyez la raison de cette prétention au mot ORDINATION.

Les Anglicans eux-mêmes sont dans l'usage de réordonner les ministres luthériens ou calvinistes, qui passent dans leur communion, parce que leurs évêques prétendent avoir seuls le droit de conférer les ordres sacrés, & que tout ministre qui ne le reçoit pas de leurs mains, n'a pas une vocation légitime & réguliere.

Tout raisonnable que soit cet usage par rapport à ces ministres qui n'ont reçu leur vocation que du choix du peuple, il forme le plus grand obstacle qu'il y ait à les réunir avec les Anglicans, la plûpart d'entr'eux ayant de grands scrupules de se faire réordonner, parce que la réordination emporte la nullité de leur premiere vocation, & que par conséquent ce seroit convenir qu'ils ont administré les sacremens, sans en avoir le droit, & que toutes les fonctions du ministere qu'ils ont exercées, étoient nulles & invalides. Voyez PRESBYTERIENS.

Les Anglicans en usent de même, selon le p. le Quien, à l'égard des prêtres catholiques qui apostasient ; mais ils n'ont pas le même fondement ; car de quelques erreurs qu'ils accusent l'église romaine, ils ne peuvent nier que les ordres qu'elle confere, sont validement conférés, à moins de tomber eux-mêmes dans l'erreur des Donatistes. Voyez DONATISTES.


REPAIRES. m. (Gram.) il se dit de la retraite des animaux sauvages, des lions, des tigres, des serpens. Il se dit aussi de la caverne des voleurs.

REPAIRE, (Chasse) c'est la fiente des animaux, comme lievres, lapins.

REPAIRE, (Archit.) c'est une marque qu'on fait sur un mur, pour donner un alignement, & arrêter une mesure de certaine distance, ou pour marquer les traits de niveau sur un jalon & sur un en droit fixe. Ce mot vient du latin reperire, retrouver, parce qu'il faut retrouver cette marque, pour être assuré d'une hauteur ou d'une distance.

On se sert aussi de repaires, pour connoitre les différentes hauteurs des fondations qu'on est obligé de couvrir. Celui qui est chargé de ce travail, doit en rapporter le profil, les ressauts & retraites, s'il y en a, & y laisser même des sondes, s'il le faut, lors d'une vérification.

Les Menuisiers nomment encore repaires, les traits de pierre noire ou blanche, dont ils marquent les pieces d'assemblage, pour les monter en oeuvre. Et les Paveurs donnent ce nom à certains pavés qu'ils mettent d'espace en espace pour conserver leur niveau de pente. Dict. d'Archit. (D.J.)

REPAIRE, (Hydr.) est une marque que l'on fait sur les jalons ou perches dans les nivellemens pour arrêter les coups de niveau. C'est aussi en terme de terrassier, des rigoles de terre dressées au cordeau sur deux piquets ou taquets enfoncés rez-terre : ce qui sert à unir & dresser le terrein. (K)

REPAIRE, (terme de Lunetier) marque qu'on fait sur les tubes d'une lunette à longue vue, afin de les allonger, & de les accourcir au juste point de celui qui s'en sert. (D.J.)


RÉPAISSIRv. act. (Gram.) rendre plus épais.


REPAITREv. act. (Gram.) nourrir, entretenir. On dit repaître de bons alimens, repaître de vent, repaître de fumée, repaître de visions, de belles paroles. Il se prend, comme on voit, au simple & au figuré.


REPAITRIRv. act. (Gram.) paîtrir derechef. Voyez les articles PAITRIR, PATE, PETRIN.


REPALLEMENTS. m. (Com.) confrontation, comparaison que l'on fait d'un poids de fer, de cuivre ou de plomb avec l'étalon ou poids matrice, pour voir, si par l'usage ou autrement, il n'est point altéré. Ce terme n'est guere en usage qu'en Picardie, & particulierement à Amiens. Dictionn. de commerce.


REPALLERv. act. (Com.) confronter, comparer un poids avec l'étalon. Voyez REPALLEMENT ou ÉTALON.


RÉPANDREv. act. (Gram.) Il se dit d'un fluide qu'on verse à terre, ou sur un autre corps ; vous répandez du vin : il se dit aussi de l'argent ; il répand beaucoup d'argent pour les troupes : d'une nouvelle, d'un bruit ; je ne sais comment ce bruit s'est répandu. On l'emploie souvent dans les phrases suivantes, se répandre en louanges, se répandre dans le monde, répandre des agrémens sur tout ; il a des graces répandues sur toute sa personne.

REPANDRE, VERSER, (Synonym.) il y a cette différence entre ces deux verbes, que verser se dit d'une liqueur que l'on met à dessein dans un vase, & répandre, d'une liqueur qu'on laisse tomber ; ainsi on dit, verser du vin dans un verre, & non pas répandre du vin dans un verre. On dit cependant répandre des pleurs, & verser un torrent de larmes. On dit également bien, verser son sang, & répandre son sang. Répandre est fort en usage au figuré ; répandre des erreurs ; cette nouvelle fut bientôt répandue. On dit poétiquement que le sommeil répand ses pavots ; enfin répandre signifie semer, disperser, étendre de toutes parts. Un général répand quelquefois ses troupes en divers cantons. Il faut tâcher de répandre des agrémens dans tous ses écrits. Il y a un certain air de noblesse répandu dans toute sa personne, dans ses discours, & dans ses manieres. (D.J.)


RÉPARAGES. m. (Draperie) ce mot signifie donner avec les forces une deuxieme coupe au drap ; ainsi l'on dit, tondre en réparage, pour dire, tondre le drap une seconde fois.

REPARAGE, s. m. (Lainage) ce mot se dit chez les Laineurs ou Aplaigneurs, de toutes les façons qu'ils donnent aux étoffes de laine avec le chardon sur la perche.

REPARAGE, ou réparer, en terme d'orfevre, c'est nettoyer les soudures, les mettre de niveau avec les pieces, & rectifier l'ouvrage au marteau, à la lime & au rifloire. Voyez ces mots à leur article.


RÉPARATIONS. f. (Archit.) c'est une restauration nécessaire pour l'entretien d'un bâtiment. Un propriétaire est chargé de grosses réparations, comme murs, planchers, couvertures, &c. & un locataire est obligé aux menues, telles que sont les vitres, carreaux, dégradations d'âtres, de planchers, &c. (D.J.)

REPARATION, (Jurisp.) en fait de bâtiment, on en distingue de plusieurs sortes.

Les grosses réparations qui sont à la charge du propriétaire, lesquelles consistent dans la réfection des quatre gros murs, des poutres, voûtes & couvertures en plein.

Les réparations viageres & d'entretenement sont toutes les réparations autres que les grosses réparations dont on vient de parler ; on les appelle viageres, parce qu'elles sont à la charge de l'usufruitier & non du propriétaire ; & réparations d'entretenement, parce qu'elles comprennent tout ce qui est nécessaire pour entretenir l'héritage, mais non pas la réconstruction.

Les menues réparations qu'on appelle aussi réparations locatives, sont celles dont les locataires sont tenus, comme de rendre les vitres nettes en quittant la maison, de faire rétablir celles qui sont cassées, faire raccommoder les clés & serrures & les carreaux qui ne sont pas en état, & autres choses semblables.

Lorsque le fermier judiciaire d'un bien saisi réellement veut faire faire quelques réparations, il faut auparavant qu'il en fasse constater la nécessité par un procès-verbal d'experts. On ne peut employer en réparations que le tiers du prix du bail quand il est de 1000 liv., la moitié quand il est au-dessus, & le quart quand il est au-dessous. Voyez le réglement du 23 Juin 1678, journal des aud. (A)

REPARATION CIVILE est une somme à laquelle un criminel est condamné envers quelqu'un par forme de réparation & de dédommagement du tort qu'il lui a causé par son crime.

La réparation civile adjugée pour l'homicide du mari appartient par moitié à la femme & aux enfans ; la femme n'est pas privée de sa part, quoiqu'elle se remarie, & qu'elle renonce à la communauté.

Si l'homicidé n'a point de femme ni d'enfans, la réparation civile appartient au pere, & à son défaut, aux autres héritiers plus prochains.

Pour avoir part à cette réparation, il faut avoir poursuivi la vengeance de la mort du défunt. Les enfans n'en seroient cependant pas privés, si c'étoit leur indigence qui les eût empêchés de poursuivre.

Les réparations civiles emportent la contrainte par corps, & sont payées par préférence à l'amende adjugée au roi. Voyez l'institution au droit criminel de M. de Vouglans. (A)

REPARATION D'HONNEUR, (Jurisprud.) est une déclaration que l'on fait de vive voix ou par écrit, pour rétablir l'honneur de quelqu'un que l'on avoit attaqué.

Comme il n'y a rien de plus cher que l'honneur, tout ce qui y donne la plus légere atteinte, mérite une satisfaction.

Mais on la proportionne à la qualité de l'offensé, & à la qualité de l'injure, & aussi à celle de l'accusé.

Quelquefois la réparation se fait par un simple acte que l'on met au greffe.

Lorsqu'on veut la rendre plus authentique, on ordonne qu'elle se fera en présence de certaines personnes, même en présence d'un des juges commis à cet effet, & qui en fait dresser procès-verbal.

Quoique l'on ordonne cette réparation, on prononce aussi quelquefois en outre une amende & des dommages & intérêts : ce qui dépend des circonstances. Voyez AMENDE, DOMMAGES ET INTERETS, HONNEUR, MARECHAUX DE FRANCE, POINT-D'HONNEUR.


RÉPARÉparticipe, (Gram.) Voyez le verbe REPARER.

REPARE, en terme de bâtimens, voyez REPARATION, RESTAURATION.


RÉPARERv. act. (Gram.) c'est mettre ou restituer une chose dégradée, défectueuse, endommagée, en bon état. Il se dit au simple & au figuré ; on répare un mur, on répare une injure, on répare un dommage, on répare un tort.

REPARER, (Médailles) réparer des médailles, c'est les retoucher ; ensorte qu'étant frustes & effacées, elles paroissent nettes & lisibles. Pour cela, on enleve la rouille avec le burin, on rétablit les lettres, on polit le champ, & on ressuscite des figures qui ne paroissoient presque plus. Quand les figures sont rongées, on prend une espece de mastic que l'on applique au métal, & que l'on retaille ensuite très-proprement, pour faire croire que les figures sont entieres & bien conservées ; c'est une ruse qu'on a souvent mis en usage, les connoisseurs gardent leurs médailles sans les réparer, parce que rien ne contribue tant à les gâter. Voyez Joubert, science des médailles. (D.J.)

REPARER, en terme de Doreur sur bois, est proprement l'action de découvrir la sculpture qu'on avoit remplie en blanchissant une piece, voyez BLANCHIR. Cette opération suit immédiatement le blanchissement, & se fait avec des fers plus ou moins gros que l'on reprend à plusieurs fois. Voyez les fig. Pl. du Doreur ; on y voit un ouvrier qui répare.

REPARER, terme de Ferblantier ; c'est abattre avec le marteau à réparer, les inégalités que le marteau à emboutir à tête à diamant a formées ; cela donne aussi à la piece que l'on travaille un luisant fort beau. Ce qui se fait avec un marteau propre à cet ouvrage. Voyez les Pl.

REPARER, une figure de bronze, de plâtre, &c. c'est en ôter les barbes & ce qui se trouve de trop fort dans les joints & les jets du moule. On dit une statue bien nettoyée & réparée, & dans plusieurs autres ouvrages on se sert de ce mot, pour dire qu'on y met la derniere main.

REPARER, (Graveur-Cizeleur) c'est un terme dont se servent les Sculpteurs, les Cizeleurs & les Graveurs en relief & en creux, pour exprimer l'action de finir & terminer leurs ouvrages, soit avec des limes, des burins, des échopes, des cizelets, &c. soit que ces ouvrages ayent été fondus ou non. Voyez SCULPTURE, CIZELURE, GRAVURE, en relief & en creux.

REPARER, en terme d'Orfévre en grosserie ; c'est adoucir les traits d'une lime rude, avec laquelle on a ébauché une piece, ou les coups de marteau qui y sont restés après le planage, voyez PLANAGE & PLANER. On se sert comme nous l'avons dit, des rifloirs dans cette opération. Voyez RIFLOIRS.

REPARER, terme de Potier d'étain ; il se dit des dernieres façons qu'on donne aux pieces ajoutées à la menuiserie ou poterie, & aux pieces de rapport ; pour cela, il faut épiller avec le fer à souder les jets & resouder ou remplir les retirures ou creux que la chaleur du moule occasionne quelquefois ; ensuite raper avec l'écouanne ou la rape, gratter avec les grattoirs à deux mains ou sous-bras, & brunir avec les brunissoirs pareils. Voyez ces mots.

On acheve les cuillieres d'étain, en les grattant & brunissant ensuite ; à l'égard de celles de métal, après qu'elles sont grattées on les polit. Voyez POLI.

REPARER, (Sculpt.) une statue ou toute autre figure de fonte, c'est la retoucher avec le ciseau, le burin ou tout autre instrument, pour perfectionner les endroits qui ne sont pas bien venus ; on en ôte les barbes & ce qu'il y a de trop dans les joints & dans les jets. Voyez STATUE, voyez aussi FONTE.


REPARIERv. neut. (Gram.) c'est faire un second pari. Voyez PARIER & PARI.


REPARLERv. neut. (Gram.) c'est parler derechef. Voyez PARLER & PAROLE.


REPAROITREv. neut. (Gram.) c'est se montrer de nouveau. Voyez PAROITRE, se MONTRER.


REPARONS. m. (Toilerie) c'est la seconde qualité du lin sérancé ; la premiere & la meilleure s'appelle le brin. Quand on fait des poupées du total ensemble, on l'appelle tout-au-tout. Savary.


REPARTIES. f. (Littérat.) réponse promte & vive, pleine d'esprit, de sel & de raillerie. Il ne fait pas bon attaquer un homme qui a la repartie prête ; l'orateur Philippe disoit à Catullus, en faisant allusion à son nom & à la chaleur qu'il marquoit en plaidant, qu'as-tu donc à aboyer si fort ? Ce que j'ai, repartit Catullus, c'est que je vois un voleur. Catullus, dicenti Philippo, quid latras ; furem, inquit, video. Cic. de orat. lib. II. n°. 220.

Il y a, selon Wicquefort une grande différence entre une repartie libre & spirituelle, & un sarcasme offensant. En effet, toute repartie n'est pas mordante comme le sarcasme. Voyez SARCASME.


RÉPARTIRv. act. (Gram.) diviser entre plusieurs associés, les profits ou les pertes d'une société ; il se dit particuliérement des profits qui se font par les actionnaires dans les compagnies de commerce. Faire une répartition est plus en usage que répartir. Voyez SOCIETE, ACTIONNAIRE & COMPAGNIE. Dictionn. de Commerce & de Trév.


RÉPARTITIONS. f. (Comm.) division, partage qui se fait d'une chose entre plusieurs personnes qui y ont un intérêt commun ; il s'entend principalement parmi les négocians, des profits que produisent les actions dans les fonds d'une compagnie.

Ces sortes de répartitions de compagnie se font ordinairement en argent comptant, à tant par cent du fonds ou actions qu'y ont les intéressés. Les répartitions que la compagnie des Indes orientales de Hollande fit à ses actionnaires en 1616 tout en argent comptant, monterent à quatre-vingt sept pour cent. Quelquefois néanmoins elles se font en especes, c'est-à-dire en marchandises venues par les vaisseaux ; ainsi en 1610 la même compagnie fit deux répartitions de cette maniere, l'une au mois d'Avril de soixante-quinze pour cent en macis, & l'autre au mois de Novembre de cinquante pour cent en poivre. Dictionn. de Comm. & de Trév.


REPARTONSS. m. terme usité dans les ardoisieres pour désigner certains blocs d'ardoise. Voyez l'article ARDOISE.


REPASS. m. (Théologie) réfection qu'on prend à certaines heures reglées de la journée. Voyez REFECTION.

Ce mot vient du latin repastus formé de pastus, qui signifie une personne qui a pris une refection suffisante. Aussi les Italiens & les Espagnols disent-ils pasto dans le même sens.

Les repas qui sont rapportés dans l'Ecriture du tems des premiers patriarches, font voir que ces premiers hommes ne connoissoient pas beaucoup les raffinemens en fait de cuisine, même dans leurs repas les plus magnifiques. Abraham, personnage riche & distingué dans son pays, ayant à recevoir trois anges cachés sous la figure d'hommes, leur sert un veau, du pain frais, mais cuit à la hâte & sous la cendre, du beurre & du lait ; mais ils se dédommageoient de la qualité par la quantité. Un veau tout entier & trois mesures de farines qui revenoient à plus de deux de nos boisseaux, c'est-à-dire à plus de cinquante-six livres pour trois personnes : de même Rebecca apprêta pour Isaac seul deux chevreaux. Joseph pour témoigner à son frere Benjamin la considération qu'il a pour lui, lui fait servir une portion quadruple de celle qu'il avoit fait donner à ses autres freres. Tous ces traits semblent prouver que ces premiers hommes étoient grands mangeurs, aussi faisoient-ils grand exercice, & peut-être étoient-ils de plus grande taille, aussi-bien que de plus longue vie. Les Grecs croyoient aussi que les hommes des tems héroïques étoient de plus haute stature, & Homere les fait grands mangeurs. Quand Eumée reçoit Ulysse, il apprête un grand porc de cinq ans pour cinq personnes. Odyss. 14.

Les héros d'Homere se servent eux-mêmes pour la cuisine & les repas, & l'on voit agir de même les patriarches. Quelques-uns pensent que chez les anciens les repas étoient très-souvent des sacrifices, & que c'est pour cela qu'ils étoient souvent préparés par des rois. Cette raison peut être vraie à certains égards, & insuffisante à d'autres : elle n'a pas lieu, par exemple, pour le repas qu'Achille aidé de Patrocle, donne dans sa tente aux députés des Grecs, qui venoient le prier de se réconcilier avec Agamemnon. Il ne s'agit point là de sacrifice ; disons que telle étoit la simplicité & la candeur des moeurs de ces premiers âges, où la frugalité fut long-tems en honneur ; car pour ne parler ici que des Hébreux, leur vie étoit fort simple, ils ne mangeoient que tard & après avoir travaillé. On peut juger de leurs mets les plus ordinaires, par les provisions que donnerent en divers tems à David, Abigaïl, Siba, Berzellai. Les especes qui en sont marquées dans l'Ecriture, sont du pain & du vin, du blé & de l'orge, de la farine de l'un & de l'autre, des feves & des lentilles, des pois chiches, des raisins secs, des figues seches, du beurre, du miel, de l'huile, des boeufs, des moutons & des veaux gras. Il y a dans ce dénombrement beaucoup de grains & de légumes ; c'étoit aussi la nourriture la plus ordinaire des anciens Egyptiens ; c'étoit celle des Romains dans les meilleurs tems, & lorsqu'ils s'adonnoient le plus à l'agriculture. Il est peu parlé de poisson dans leurs repas si ce n'est dans les derniers tems ; les anciens le méprisoient, comme une nourriture trop délicate & trop legere pour des hommes robustes.

On ne voit guere non plus chez les Hébreux de sauces ni de ragoûts, leurs festins étoient composés de viandes solides & grasses, ils comptoient pour les plus grands délices le lait & le miel. En effet, avant que le sucre eût été apporté des Indes, on ne connoissoit rien de plus agréable au goût que le miel. On y confisoit les fruits, & on en mêloit aux pâtisseries les plus friandes. Au lieu du lait, l'Ecriture nomme souvent le beurre, c'est-à-dire la crême qui en est le plus délicat. Les offrandes ordonnées par la loi, Levit. 11. 4. & 5 montrent que dès le tems de Moïse, il y avoit diverses sortes de pâtisseries, les unes paîtries à l'huile, les autres cuites ou frites dans l'huile. Fleury, Moeurs des Israélites I. part. n°. 4. & II. part. n°. 12.

Les Israélites mangeoient assis à table comme les Grecs du tems d'Homere, mais dans la suite, c'est-à-dire depuis le régne des Perses, ils mangeoient couchés sur des lits, comme les Perses & les autres orientaux. Il est fort probable que le long regne de Salomon, où fleurirent la paix, le commerce & l'abondance, introduisit peu-à-peu le luxe & la somptuosité à la table des rois Hébreux, de-là chez les grands & par degrés jusques parmi le peuple ; on s'éloigna insensiblement de l'ancienne simplicité, & l'on tomba dans les excès & dans les débauches, la preuve en est claire par les écrits des prophetes, & en particulier par le vj. chap. d'Amos.

REPAS de charité, (Hist. anc. ecclésiast.) ces repas des premiers chrétiens sont ceux qu'on a nommés agapes, festins d'amour mutuel. Voyez AGAPES.

J'ajoute seulement que l'usage de ces sortes de repas étoit fort connu chez les païens. Ils avoient leurs festins d'amitié, où chacun faisoit porter son plat ; ils appelloient ces repas , soupers réunis. Pindare en parle dans sa premiere ode olympique. , dit Athénée, sont des repas où tous ceux qui y assistent contribuent ; on les a nommés de la sorte du verbe , qui signifie faire porter ensemble ou contribuer. On appelloit ceux qui n'y contribuoient point asymboloi. Théodoret trouvoit deux défauts dans les repas de charité des premiers Chrétiens, l'un que le riche mangeoit à-part & bûvoit à-part, l'autre qu'il bûvoit trop largement. Saint Paul, en écrivant aux Corinthiens, leur dit, c. xj. vers. 21. " Chacun dans vos repas mange ce qu'il a fait porter, l'un a faim & l'autre est rassasié, ". Toutes nos versions traduisent est ivre ; cependant ne signifie que boire un peu largement, boire jusqu'à être rassasié. C'est le sens qu'il a, Jean ch. ij. vers. 10. & Genèse xliij. 44. où il y a schacar dans l'hébreu. (D.J.)

REPAS de confédération, (Hist. anc.) l'antiquité confirmoit ordinairement ses traités & ses alliances par des festins fédéraux, sur lesquels il faut lire Stuckius in antiquitatibus convivalibus, lib. cap. xl. c'est un livre plein de recherches curieuses & profondes. (D.J.)

REPAS par écot, (Antiq. grecq. & rom.) l'usage des repas par écot est fort ancien. Homere l'appelle dans le premier livre de l'Odyssée ; sur quoi Eustathe a remarqué que les Grecs avoient trois sortes de repas ; celui des noces, appellé ; le repas par écot, dont chaque convive payoit également sa part, ; & le repas qu'un particulier donnoit à ses dépens, . Suidas dit, est une somme ramassée pour faire un repas par écot ; & comme les Grecs appelloient l'argent que chacun donnoit pour le repas, les Romains donnoient le nom de symbola aux repas qu'ils faisoient par contribution ou par écot. Nous lisons dans l'Eunuque de Térence, acte III. scène 4.

Herì aliquot adolescentuli coimus in Piraeo

In hunc diem, ut de symbolis essemus. Cheream ei rei

Praefecimus, &c.

Et dans l'Andrienne symbolum dedit, caenavit ; comme il a payé son écot, il s'est mis à table. (D.J.)

REPAS DES FRANCS, (Hist. des usages) Ils étoient peu délicats ; du porc & de grosses viandes ; pour boisson, de la biere, du poiré, du cidre, du vin d'absynthe, &c. Leur nourriture la plus commune étoit la chair du porc. La reine Frédégonde voulant noircir un certain Nectaire dans l'esprit du roi, l'accusa d'avoir enlevé du lieu où Chilperic menoit ses provisions, tergora multa. La maison du Seigneur Eberulfe, située à Tours, regorgeoit tergoribus multis, ce qu'on ne sauroit entendre que de la chair de porc, la seule qui se puisse conserver long-tems. Une foule de passages de la plus grande force ne laisse aucun doute sur ce point.

L'usage fréquent de servir de la chair de porc à table sur certains plats fit qu'on donna à ces bassins le nom de bacconique, dérivé de l'ancien mot bacon ou baccon, qui signifioit un porc engraissé. Au reste, l'usage de la chair du porc n'excluoit point celui des autres viandes.

La boisson commune des Francs étoit la biere. Ils y étoient accoutumés dès le tems qu'ils demeuroient au-delà du Rhin ; & ils en trouverent l'usage établi parmi les peuples chez qui ils camperent en commençant la conquête des Gaules, quoique situés dans des cantons entourés de vignobles.

Deux autres sortes de liqueurs furent usitées en France sous la premiere race. Fortunat de Poitiers observe que Ste Radegonde ne but jamais que du poiré & de la tisane. Les Francs usoient aussi de cidre & du vin. Ils avoient encore imaginé une liqueur assez bizarre, c'étoit un mêlange de vin avec le miel & l'absynthe. Quelquefois ils mêloient avec le vin des feuilles seches qui en dénaturoient un peu le goût.

On peut ajouter que ces peuples étoient de parfaits imitateurs des Germains, quant à la coutume de boire abondamment, même après le repas ; en parlant de cette coutume, Gregoire de Tours s'exprime ainsi, mos Francorum est. Il paroît, par le même auteur, que les Francs avoient la délicatesse de ne point admettre de chandeliers sur leurs tables, & qu'ils faisoient tenir à la main par leurs domestiques les chandelles dont elle devoit être éclairée.

Quelques testamens du vij. siecle prouvent aussi que les Francs usoient à table des mêmes ustensiles grossiers qui sont en usage de nos jours, aux fourchettes près, dont il n'est fait aucune mention. Sidoine Apollinaire dit qu'ils venoient tout armés dans les festins, & que les meurtres y étoient fréquens. Le titre XLV. de la loi salique porte expressément, que si l'on se trouve à table au-dessous du nombre de huit & qu'il y ait un des convives de tué, tous les autres seront responsables du meurtre, à-moins qu'ils ne représentent le meurtrier. (D.J.)

REPAS funéraire, (Antiq. grecq. & rom.) cérémonie de religion instituée pour honorer la mémoire de celui dont on pleuroit la perte, & pour rappeller à ceux qui s'y trouvoient le souvenir de sa mort ; ils s'embrassoient en sortant, & se disoient adieu, comme s'ils n'eussent jamais dû se revoir ; le repas se faisoit chez quelqu'un des parens du mort. La république d'Athènes fit un de ces repas aux obseques de ceux qui avoient été tués à Chéronée, & elle choisit la maison de Démosthene pour le donner. Le repas funéraire s'appelloit silicernium ; c'est pourquoi Térence se sert de ce mot au figuré, & donne ce nom à un vieillard décrépit, peut-être parce qu'un homme de cet âge est à la veille de couter à ses parens un repas funéraire. (D.J.)

REPAS des Hébreux, (Critique sacrée) les anciens Hébreux ne mangeoient pas avec toute sorte de personnes, ils auroient cru se souiller de manger avec des gens d'une autre religion ou d'une profession décriée. Du tems du patriarche Joseph, ils ne mangeoient point avec les Egyptiens, ni les Egyptiens avec eux. Du tems de Jesus-Christ, les Juifs ne mangeoient pas avec les Samaritains, Jean iv. 9. Aussi étoient-ils fort scandalisés de voir notre Sauveur manger avec les publicains & les pécheurs, Matth. ix. 11.

Comme il y avoit plusieurs sortes de viandes interdites aux Juifs par la loi, ils ne pouvoient manger avec ceux qui en mangeoient, de peur de contracter quelque souillure en touchant de ces viandes ; l'on remarque dans les repas des anciens Hébreux que chacun avoit sa table à-part. Joseph donnant à manger à ses freres en Egypte, les fit asseoir séparément ; & lui-même s'assit séparément avec les Egyptiens qui mangeoient avec lui. Genèse xliij. 31.

On trouvoit dans leurs repas l'abondance, mais peu de délicatesse. Avant que de se mettre à table, ils avoient grand soin de se laver les mains, & regardoient cette pratique comme obligatoire, Marc vij. 3. Leurs festins solemnels étoient accompagnés de chants & d'instrumens. Les parfums & les odeurs précieuses y regnoient. D'abord les Hébreux furent assis à table, de même comme nous le sommes aujourd'hui, mais dans la suite, ils imiterent les Perses & les Chaldéens qui mangeoient couchés sur des lits. (D.J.)

REPAS de réception, (Littérature) il y avoit des repas de réception lorsqu'on étoit promu à la charge des augures & des pontifes. Tous les augures étoient obligés de se trouver au repas que leur nouveau collegue donnoit à sa réception, à-moins qu'ils ne fussent malades ; & il falloit alors que trois témoins ou plus jurassent qu'ils étoient véritablement malades. Ces repas s'appelloient aeditiales coenae ; & on en faisoit de pareils à la consécration des pontifes. Ut excuser morbi causa in dies singulos signifie, " j'atteste que ma santé ne me permet pas encore de me trouver au repas qu'Apuléius doit donner, & je demande qu'on le fasse différer d'un jour à l'autre ". (D.J.)

REPAS des Romains, (Usage des Romains) les Romains déjeûnoient, dînoient & soupoient ; ils déjeûnoient le matin fort légerement de quelque morceau de pain trempé dans du vin pur ; ils appelloient ce repas en latin jentaculum, & en grec d', qui signifie du vin pur. Le second repas étoit le prandium, le dîner, d', le matin, & ou d', qui signifie simple & fort sobre. Voyez DEJEUNER, DINER.

Leur troisieme & leur meilleur repas étoit le souper. Voyez SOUPER. Nous nous étendrons beaucoup sur cet article.

Après le souper, ils faisoient encore quelquefois un quatrieme repas qu'ils appelloient commessatio ou commissatio, une collation, un réveillon.

Suétone & Dion font mention de ces quatre repas dans la vie de Vitellius : Epulas trifariam semper, interdum quadrifariam dispertiebat : in jentacula, & prandia, & coenas, commessationesque. Ils ajoutent que ceux qui avoient entrepris de le régaler n'avoient pas peu à faire, quoiqu'il partageât ses faveurs, déjeûnant chez les uns, dînant chez les autres, & taxant de nouveaux hôtes à lui donner le souper & le réveillon ; mais l'intempérance de cet empereur ne conclut rien pour l'usage ordinaire. Le déjeûner n'étoit guere que pour les enfans. Le dîner étoit fort léger, comme il paroît par le détail qu'en fait Varron ; & la collation d'après souper n'avoit lieu que par extraordinaire & dans les festins d'apparat. (D.J.)

REPAS DU MORT, coena mortui, cérémonie funéraire en usage chez les anciens Hébreux, aussi-bien que chez plusieurs autres peuples. Elle consistoit à faire un festin ou sur le tombeau même d'une personne qu'on venoit d'inhumer, ou dans sa maison après ses funérailles.

Le prophete Baruch, chap. vj. vers. 31. parle en ces termes de ceux des païens, rugiunt autem clamantes contra deos suos, sicut in coenâ mortui, les païens hurlent en présence de leurs dieux, comme dans un repas qu'on fait pour les morts. Il parle de certaines solemnités où les idolâtres faisoient de grandes lamentations, comme dans les fêtes d'Adonis. Voyez ADONIES ou ADONIENNES.

Quant aux repas pour les morts, on en distinguoit de deux sortes, les uns se faisoient dans la maison du mort au retour du convoi, entre ses parens & ses amis qui ne manquoient pas d'y faire éclater leur douleur par des cris & des lamentations ; les autres se faisoient sur le tombeau même du mort ; l'on y servoit à manger pour les ames errantes, & on croyoit que la déesse Trivia qui présidoit aux rues & aux chemins s'y trouvoit pendant la nuit : mais en effet c'étoient les pauvres qui venoient pendant les ténebres enlever tout ce qui étoit sur le tombeau.

Est honor, & tumulis animas placare paternas,

Parvaque in extructas munera ferre pyras.

Ovid. fast.

Quelquefois néanmoins les parens faisoient un petit repas sur le tombeau du mort. Ad sepulcrum antiquo more silicernium confecimus, id est quo pransi discedentes dicimus alius alii : vale. Nonn. Marcell. ex Varron.

L'usage de mettre de la nourriture sur les sépulcres des morts étoit commun parmi les Hébreux. Tobie exhorte son fils à mettre son pain sur la sépulture du mort & de n'en point manger avec les pécheurs, c'est-à-dire avec les païens qui pratiquoient la même cérémonie.

Cette coutume étoit presque générale, elle avoit lieu chez les Grecs, chez les Romains, & presque dans tout l'Orient. Encore aujourd'hui, dans la Syrie, dans la Babylonie, dans la Chine la même chose est en usage. Saint Augustin, épitre 22, remarque que de son tems en Afrique on portoit à manger sur les tombeaux des martyrs & dans les cimetieres. La chose se fit dans les commencemens fort innocemment, mais ensuite il s'y glissa des abus que les plus saints & les plus zélés évêques, comme S. Ambroise & S. Augustin, eurent assez de peine à déraciner.

Les repas qu'on faisoit dans la maison du mort parmi les Juifs étoient encore de deux sortes ; les uns se faisoient pendant la durée du deuil, & ces repas étoient considérés comme souillés, parce que tous ceux qui y avoient part, étoient impurs à cause des obseques du mort : les autres qu'on faisoit dans le deuil sont ceux qui se donnoient après les funérailles. Josephe, lib. II. de bell. judaïc. c. j. raconte qu'Archelaüs, après avoir fait pendant sept jours le deuil du roi son pere, traita magnifiquement tout le peuple ; & il ajoute que c'est la coutume dans sa nation de donner à toute la parenté du mort des repas qui entraînent souvent une dépense excessive. Voyez FUNERAILLES, DEUIL, TOMBEAU, SEPULCRE, &c. Calmet, Dictionn. de la Bible, tome III. pag. 364.

REPAS de noces, (Antiq. grecq.) pour instruire le lecteur de la nature des repas de noces chez les Grecs, je ne puis guere mieux faire que de transcrire la description qu'en a donnée Lucien dans un dialogue intitulé les lapithes : c'est dommage que ce morceau soit si court.

Dès qu'on fut assemblé, dit Lucien, & qu'il fallut se mettre à table, les femmes, qui étoient en assez grand nombre, & l'épousée au milieu couverte d'un voile, prirent le côté de la main droite, & les hommes se mirent vis-à-vis ; le banquier Eucrite au haut bout, puis Aristene ; ensuite Zénothemis & Hermon : après eux s'assit le péripatéticien Cléodeme, puis le platonicien, & ensuite le marié ; moi après, le précepteur de Zénon après moi, puis son disciple.

On mangea assez paisiblement d'abord, car il y avoit quantité de viandes, & fort bien apprêtées. Après avoir été quelque tems à table, Alcidamas le cynique entra : le maître de la maison lui dit qu'il étoit le bien venu, & qu'il prît un siege près de Dionysidore. Vous m'estimeriez bien lâche, dit-il, de m'asseoir à table ou de me coucher comme je vous vois, à demi renversés sur ces lits avec des carreaux de pourpre, comme s'il étoit question de dormir, & non pas de manger : je me veux tenir debout, & paître deçà & delà à la façon des Scythes, &c. cependant les santés couroient à la ronde, & l'on s'entretenoit de divers discours. Comme on tardoit à apporter un nouveau service, Aristene qui ne vouloit pas qu'il se passât un moment sans quelque divertissement, fit entrer un bouffon pour réjouir la compagnie. Il commença à faire mille postures extravagantes, avec sa tête rase & son corps tout disloqué ; ensuite il chanta des vers en égyptien ; après cela il se mit à railler chaque convive, ce dont on ne faisoit que rire. On apporta le dernier service, où il y avoit pour chacun une piece de gibier, un morceau de venaison, un poisson & du dessert : en un mot, tout ce qu'on peut honnêtement ou manger, ou emporter. (D.J.)


REPASSERv. act. (Gram.) c'est passer plusieurs fois. Caron ne repasse personne. L'armée a repassé le Rhin. Repassez sur cet endroit de votre discours. Repasser votre journée le soir. Voyez les articles suivans.

REPASSER un compte, (Commerce) c'est l'examiner, le calculer de nouveau, en reprendre tous les articles pour voir si l'on n'a rien omis, ou si l'on ne s'est point trompé. Dictionn. de Comm.

REPASSER, terme de Blanchisseuse ; c'est mettre un linge mouillé sur un linge qui est séché, & détirer proprement le linge séché pour en accommoder les ourlets ; ce mot signifie encore polir avec le fer. On dit aussi repasser le point à l'ivoire, pour dire l'ajuster, & le relever avec une dent d'ivoire, après qu'on l'a repassé au fer. (D.J.)

REPASSER, terme de Boulanger ; c'est remettre au four du pain rassis afin de le rattendrir.

REPASSER des cuirs, les remettre en couleur & leur donner un nouveau lustre. Les Bourreliers le disent ordinairement des harnois de chevaux, & les Selliers des cuirs de carrosses, qu'ils noircissent avec le noir des Courroyeurs. Voyez SELLIER & BOURRELIER.

REPASSER, (Cardeur) c'est la derniere façon que les Cardeurs donnent à la laine pour être propre à filer. Pour y parvenir, ils la passent plusieurs fois sur des repassettes, & la roulent en feuillets avec le dos de ces repassettes. Voyez FEUILLETS & REPASSETTES.

REPASSER un chapeau neuf au feu ; terme de Chapelier, qui signifie en applatir le poil avec un instrument de fer, semblable à celui dont se servent les blanchisseuses pour repasser le linge, à l'exception qu'il est plus épais & plus large ; cette façon n'est en usage en France que depuis fort peu de tems, & nous vient des chapeliers anglois. Voyez CHAPEAU.

Repasser un chapeau vieux ; c'est le reteindre & lui donner un nouveau lustre & un nouvel apprêt. Il y a des maîtres chapeliers qui ne s'occupent qu'à repasser des chapeaux pour les revendre ; tels sont ceux qui étalent sous le petit châtelet, & dans d'autres endroits de Paris. Quoique ces ouvriers soient chapeliers aussi bien que les autres, ils ne peuvent point cependant travailler à la fabrique des chapeaux neufs, tant que dure l'option qu'ils ont faite de ne travailler qu'en vieux. Voyez CHAPELIER.

REPASSER, en terme de Chauderonnier, c'est polir une piece au marteau de maniere qu'aucun coup de tranche ni de panne ne paroisse.

REPASSER, en terme de Doreur sur bois ; c'est après que le champ a été vermillonné, donner une seconde couche de vermillon beaucoup plus vif sur toutes les parties de l'ouvrage, sans en excepter les ornemens les plus mats.

REPASSER ; en terme d'Epinglier ; c'est pousser la pointe d'une épingle au dernier degré de finesse qu'elle doit avoir. On y parvient en la posant sur une meule beaucoup plus douce que celle qui sert à ébaucher. Voyez MEULE & ÉBAUCHER, & les fig. Pl. de l'Epinglier.

REPASSER les crasses, (Fondeurs de caracteres) c'est refondre les scories ou l'écume qui se forme sur la fonte lorsqu'elle est en fusion, & y mêlant de nouvelle matiere, la rendre propre à servir de nouveau. (D.J.)

REPASSER, (Coutelier, Taillandier) on dit repasser un couteau, une serpe, un croissant, une faux, quand on les passe sur la meule pour les mieux faire couper.

REPASSER une allée, un jardin, (Jardinage) c'est le ratisser entierement.

REPASSER, en terme de Layetier, signifie la derniere façon qu'on donne à la planche pour la rendre lisse & polie.

REPASSER, terme de Teinture ; c'est reteindre de nouveau une étoffe dans la couleur qu'elle a déjà, comme teindre de bleu en bleu, de noir en noir.


REPASSETTESS. f. en terme de Cardeur ; ce sont des especes de cardes très-fines qui servent à donner la derniere façon à la laine pour la rendre propre à être filée.


REPAVERv. act. (Gram.) paver derechef. Voy. PAVE & PAVER.


REPAYERv. act. (Gram.) c'est payer de nouveau. Voyez PAYEMENT, PAYE & PAYER.


REPÊCHERv. act. (Gram.) c'est pêcher une seconde fois. Voyez les articles PECHE & PECHER.


REPEIGNERv. act. (Gramm.) c'est peigner de nouveau. Voyez les articles PEIGNE & PEIGNER.


REPEINDREv. act. (Gram.) c'est peindre une seconde fois. Voyez les articles PEINDRE & PEINTURE.


REPENELLES. f. (Chasse) petite baguette pliante & qui se redresse d'elle-même, & fait ainsi serrer un collet qu'on y a attaché pour prendre des petits oiseaux.


REPENSERv. n. (Gram.) c'est penser derechef. Voyez les articles PENSEE & PENSER.


REPENTAILLESS. f. pl. (Jurisprud.) vieux mot qui signifioit l'amende que l'on faisoit payer par celui qui vouloit rompre un mariage contracté, à l'autre conjoint, & aussi l'aumône que l'on faisoit payer en ce cas à l'église. (A)


REPENTANCE(Théologie) c'est l'action de se repentir.

Clément d'Alexandrie dit : " La repentance, c'est de ne point retomber, s'il est possible, dans les mêmes péchés, mais d'arracher radicalement du coeur tous ceux que nous connoissons pouvoir nous priver du salut ". Ce Dictionnaire ne souffre pas de plus grands détails. Il n'admet en ce genre que des définitions simples & vraies. (D.J.)


REPENTIRS. m. (Gram.) chagrin de l'ame qui a la conscience de quelque faute commise & qui se la reproche.

Le repentir est d'une chose passée. On achete bien cher des repentirs. Celui qui aura conservé sa santé, sa fortune & sa probité, n'aura aucun repentir bien cuisant.


REPEPIONterme de Cloutier d'épingle ; sorte de petit poinçon à l'usage des Cloutiers d'épingles.


REPERCERv. act. (Gram.) percer une seconde fois. Les Bijoutiers entendent par ce mot évuider une plaque de métal selon un dessein donné que l'on trace dessus. On se sert pour repercer, de forets, de limes & des petites scies. Ce mot est synonyme de percer.


RÉPERCUSSIFSadj. terme de Chirurgie concernant la matiere médicale externe. Ce sont des médicamens qui ont la vertu de repousser les humeurs qui font affluence sur une partie, ou qui s'y seroient déjà engagées. Ils ne peuvent être appliqués avec fruit que dans le commencement des tumeurs inflammatoires pour en empêcher le progrès, ou dans des cas où l'on prévoit une inflammation nécessaire sans l'application de ces médicamens qui la préviennent, ou du moins la moderent.

On peut regarder les répercussifs sous deux classes, qui sont les rafraîchissans & les astringens. Chaque classe contient des genres & des especes, qui different par leur nature & le degré de leur vertu.

Les répercussifs rafraîchissans se tirent des remedes aqueux, tels que la laitue, le pourpier, l'endive, la lentille d'eau, le blanc d'oeuf, le frai de grenouille, &c. Voyez RAFRAICHISSANS. Les répercussifs astringens sont les roses rouges, les balaustes, le sang de dragon, le bol d'Arménie, l'alun. Voyez ASTRINGENS. Les auteurs mettent les narcotiques, tels que le solanum, la belladonna, la mandragore, l'opium. Et dans la seconde toutes les plantes vulnéraires, aromatiques, qui ont la vertu de fortifier & de corroborer les parties.

La doctrine des anciens sur l'usage des répercussifs étoit très-raisonnée, & fait honneur au savoir & au discernement de ces premiers maîtres. Dans le traitement des tumeurs contre nature, ils avoient égard à la matiere antécédente, laquelle étoit l'humeur dont la tumeur se fait, & dans le tems qu'elle est encore en voie de former la fluxion. Dans ce premier tems on employoit, d'après le précepte de Galien, des répercussifs plus ou moins forts, excepté en six cas, très-clairement exposés par Gui-de-Chauliac. 1°. Quand l'humeur est virulente ou venéneuse : 2°. lorsque la tumeur se fait par crise, voyez CRISE : 3°. quand le siege de la tumeur est près de quelque partie respectable par l'importance de ses fonctions : 4°. quand l'humeur est épaisse, crasse & visqueuse : 5°. quand la matiere est située profondément ; & 6°. quand elle attaque les parties connues par les anciens sous le nom d'émunctoires. On sent assez, dans ces cas d'exception, quels sont ceux où les répercussifs seroient dangereux, & ceux où ils ne seroient qu'inutiles.

Dans les cas où l'humeur est venéneuse, le danger de repousser au-dedans est manifeste : cependant, en certain cas, comme dans les charbons gangreneux, les répercussifs, défendus par la premiere exception, peuvent être employés utilement, non sur la tumeur, mais au-dessus du mal, pour défendre la partie supérieure du membre, de la contagion des sucs corrompus, & donner aux vaisseaux le ressort nécessaire pour soutenir l'action vitale dans une partie où il y a des semences de mort. Pendant ce tems on administre les remedes généraux qui sont indiqués ; on établit un régime convenable ; on fait usage des remedes intérieurs appropriés pour corriger la mauvaise qualité des liqueurs, & l'on traite le vice local suivant les indications qu'il présente au chirurgien savant & expérimenté. Il y a des cas où l'on peut scarifier la partie pour procurer le dégorgement des sucs putrides ou putrescibles qui sont en stagnation. Dans d'autres cas, on peut, par l'application d'un cautere potentiel, fixer l'humeur sur la partie, & attirer une promte suppuration. D'autres circonstances peuvent exiger de détruire promtement la partie par le cautere actuel qui desseche puissamment, & fortifie les vaisseaux de la circonférence du mal.

Lorsque la tumeur se fait par crise, les répercussifs seroient dangereux, puisqu'ils agiroient directement contre l'intention de la nature, qu'il faut favoriser par des émolliens & des maturatifs : c'est le cas de la seconde exception.

Il suffit de donner pour le cas de la troisieme exception l'exemple du danger des répercussifs appliqués extérieurement dans les maux de gorge, dont on a vu l'usage suivi de suffocation par la métastase de l'humeur sur la poitrine. Voyez METASTASE.

Les répercussifs détermineroient l'induration des tumeurs par congestion faite de sucs lymphatiques, disposés à l'épaississement. C'est le cas de la quatrieme exception.

Quand le siege de la tumeur est profond, on appliqueroit en vain des répercussifs, à l'action desquels l'humeur ne seroit point soumise ; c'est le cas de l'inutilité de ces remedes qui fait l'objet de la cinquieme exception.

Le sixieme cas d'exception présente précisément le même inconvénient que le second ; parce que la matiere morbifique déposée sur certaines parties doit faire regarder les tumeurs qui en sont formées comme critiques, quoiqu'elles ne soient pas la terminaison d'une fievre aiguë.

On applique avec succès les répercussifs dans les premiers momens d'une contusion ; on trempe le pié dans de l'eau très-fraîche, & même dans de l'eau à la glace, dans le cas d'entorse ; ayant toutefois égard aux circonstances où se peuvent trouver d'ailleurs les personnes auxquelles ce remede pourroit convenir ; telle est une femme qui auroit ses regles, un homme fort échauffé par exercice violent. On risqueroit une suppression des menstrues dans le premier cas, & une fluxion de poitrine dans le second.

Les plaies contuses récentes admettent les répercussifs ; jusqu'au quatrieme jour ils appaisent la douleur, & préviennent l'inflammation en procurant la résolution la plus promte des sucs épanchés dans l'interstice des fibres, déchirées & meurtries par la contusion, tels que les cataplasmes des quatre farines avec le vinaigre & un peu d'huile rosat, ou des embrocations avec l'oxyrrodinon. Les saignées faites à-propos, & réitérées suivant l'exigence, aident & favorisent beaucoup le bon effet des topiques répercussifs.

Bien des praticiens appliquent pour premiere piece d'appareil, dans le premier pansement d'une fracture, un défensif avec le bol d'Arménie, l'alun de roche & le blanc d'oeuf. Voyez DEFENSIF.

Après les amputations des membres on se servoit anciennement de répercussifs pour fortifier la partie supérieure. Par exemple, après l'amputation de la jambe, le défensif s'appliquoit quatre travers de doigts au-dessus du genou. Il étoit composé de sang de dragon, de bol d'Arménie, de terre sigillée, d'aloës, de mastic, mêlée en consistance de miel dans des blancs d'oeufs & de l'huile rosat ; on appliquoit cette composition sur des étoupes trempées dans de l'oxicrat. Cette pratique négligée par les modernes, pourroit être remise en usage avec succès ; on ne manqueroit pas de raisons pour en faire connoître l'utilité.

Quand on applique des répercussifs au commencement des tumeurs inflammatoires, il faut les prendre dans la classe des rafraîchissans, & avoir égard au degré de chaleur. On peut consulter à ce sujet Fabrice d'Aquapendente, au livre I du pentateuque chirurgical, article du phlegmon : & le premier tome du recueil des pieces qui ont concouru pour le prix de l'académie royale de Chirurgie, dans lequel on trouvera deux mémoires sur cette question.... Déterminer les différentes especes de répercussifs, leur maniere d'agir, & l'usage qu'on en doit faire dans les différentes maladies chirurgicales. (Y)


REPERCUSSIONterme de Méchanique, qui signifie la même chose que réflexion. Voyez REFLEXION.

REPERCUSSION, s. f. terme de Chirurgie, action des remedes répercussifs. La connoissance de la distribution vasculeuse dans toutes les parties du corps, rend raison de la maniere d'agir des remedes qui font rentrer dans les vaisseaux les humeurs extravasées. Ce sont des substances froides & astringentes qui font contracter les fibres, & poussent comme par compression les fluides dans les veines. Dans les engorgemens inflammatoires, l'astriction que les répercussifs donnent aux vaisseaux, fait retrograder l'humeur, & la renvoie vers les anastomoses supérieures & collatérales ; la répercussion est une espece de refoulement subit, à la différence de la résolution qui se fait peu-à-peu, & par l'atténuation des particules du fluide engagé. Aussi les résolutifs n'ont-ils presque jamais d'inconvénient ; & les remedes capables de causer la répercussion sont dangereux dans tous les cas où leur usage peut être efficace, & où ils sont contre-indiqués. Voyez REPERCUSSIFS. Lors même qu'ils ne peuvent opérer la répercussion, ils ont des inconvéniens, comme de causer la gangrene dans les phlegmons, en fixant l'humeur qui n'a pas assez de fluidité pour céder à l'action répulsive, & en suffoquant le principe vital par un engorgement absolu ; ou de procurer l'induration dans le cas où l'humeur est épaisse & visqueuse, en dissipant l'humeur aqueuse qui sert de véhicule aux sucs albumineux & gélatineux, &c. (Y)

REPERCUSSION, en terme de Musique ; est une répétition fréquente des mêmes sons. V. REPETITION.

C'est ce qui arrive souvent dans la modulation où les cordes essentielles de chaque mode, celles qui composent la triade harmonique, doivent être rebattues plus souvent que pas une des autres, sur-tout dans le plein-chant. Entre les trois cordes de cette triade, les deux extrêmes, c'est-à-dire la finale & la dominante, qui font proprement la répercussion du ton, doivent être plus souvent rebattues que celle du milieu ou la médiante, qui n'est que la répercussion du mode. (S)


REPERCUTERv. act. (Gramm.) Voyez les articles REPERCUSSIF & REPERCUSSION.


REPERDREv. act. (Gramm.) c'est perdre ce que l'on a ou gagné, ou acquis, ou trouvé, ou déja perdu une premiere fois. Voyez PERDRE & PERTE.


RÉPERTOIRES. m. (Litterature) terme francisé du latin reperire, trouver. On entend par ce mot un lieu où les choses sont disposées par ordre, de maniere qu'on peut les y trouver aisément lorsqu'on en a besoin. On ne l'emploie guere que pour exprimer un recueil de matieres qu'on fait pour sa propre commodité. Voyez RECUEIL.

Les tables des livres, quand elles sont exactes & bien faites, sont aussi des répertoires qui indiquent les matieres traitées dans les ouvrages. Les lieux communs sont des répertoires, mais dont l'utilité n'est pas généralement reconnue. Voyez LIEU COMMUN, TOPIQUE.

REPERTOIRE, (Teneurs de livres) nom que le teneur de livres donne à une sorte de livre formé de vingt-quatre feuillets, qui se tient par ordre alphabétique. Il sert à trouver avec facilité sur le grand livre, ou livre de raison, les divers comptes qui y sont portés, les autres noms du répertoire sont alphabet, table ou index. Ricard. (D.J.)

REPERTOIRE anatomique, (Architecture) c'est une grande salle près de l'amphithéatre des dissections, où l'on conserve avec ordre des squeletes d'hommes & d'animaux. Tel est le répertoire du jardin du roi, à Paris. (D.J.)


REPESER(Commerce) peser une seconde fois. Voyez PESER & POIDS.


RÉPETERv. act. (Gramm.) c'est dire plusieurs fois. On ne sauroit trop répéter aux hommes ce qu'il leur importe de savoir. Les auteurs se répetent souvent. On a répété les signaux. On a répété cette piece. On répete cet effet. Les échos répetent ce qu'on leur confie. Voyez les articles REPETITION.


RÉPETITEURS. m. (Gram.) maître qui fait répéter à des écoliers les leçons de leurs professeurs. On a un répétiteur de Grammaire, de Philosophie, de Mathématiques.


RÉPETITIONS. f. (Gramm.) il y a trois sortes de répétitions ; des répétitions nécessaires, des répétitions élégantes, & des répétitions vicieuses.

Il y a des répétitions si nécessaires, qu'on ne sauroit les obmettre, sans faire une mauvaise construction ; exemples : le fruit qu'on tire de la retraite, est de se connoître, & de connoître tous ses défauts. Si l'on disoit simplement, le fruit qu'on tire de la retraite est de se connoître & tous ses défauts, on parleroit mal, car se connoître ne seroit pas bien construit avec tous ses défauts. Il n'avoit point en cela d'autres vues que de lui apprendre, & d'apprendre à chacun par son exemple, à obéir avec soumission, & à mortifier son jugement propre ; apprendre est répété ici, par la même raison que connoître est répété dans le premier exemple.

Il y a d'autres répétitions nécessaires pour la régularité du style, ou pour la netteté ; exemple, d'où viennent tous vos troubles & vos peines d'esprit ? tous ne se construit pas bien avec peines, qui est féminin ; ainsi il faut dire, & toutes vos peines ; mais quand deux substantifs seroient du même genre, il ne faudroit pas laisser de répéter quelquefois tout ; comme l'ancien serpent s'armera contre vous de toute sa malice & de toute sa violence, & non pas de toute sa malice & sa violence. Voici deux exemples qui regardent la netteté : faites état d'acquérir ici une grande patience, plutôt qu'une grande paix ; vous la trouverez cette paix, non pas sur la terre, mais dans le ciel. Le mot de paix répété, rend le discours plus net ; car sans cette répétition, le pronom la pourroit se rapporter à patience aussi-bien qu'à paix. La vue de l'esprit a plus d'étendue que la vue du corps. Si l'on disoit que celle du corps, celle seroit équivoque avec étendue.

Les répétitions élégantes sont celles qui contribuent à la politesse & à l'ornement ; en voici des exemples ; les grands se plaisent dans les défauts, dont il n'y a que les grands qui soient capables ; j'oublie que je sois malheureux, quand je songe que vous ne m'avez pas oublié ; il s'est efforcé de connoître Dieu, qui par sa grandeur est inconnu aux hommes ; & de connoître l'homme, qui par sa vanité, est inconnu à lui-même. Tout ce qui n'a que le monde pour fondement se dissipe & s'évanouit avec le monde ; le mérite l'avoit fait naître, le mérite le fit mourir.

Les maîtres de l'art ont donné quelques regles sur l'emploi des répétitions dans notre langue : 1°. on répete quelquefois agréablement le substantif tout seul ; par exemple, ces hommes qui ne savent que tuer des gens, sont d'étranges gens : 2°. l'adjectif se répete avec beaucoup de grace ; ceux qui sont nés grands seigneurs n'ont qu'un petit avantage au-dessus des autres, s'ils ne travaillent à devenir de grands hommes : 3°. souvent l'adjectif se répete avec le substantif ; la chaleur de ses mouvemens les plus passionnés n'est qu'une fausse chaleur : 4°. la répétition du verbe a de la grace ; le Maître a dit dans ses plaidoyers, il s'est efforcé de connoître Dieu, qui par sa grandeur est inconnu aux hommes ; & de connoître l'homme, qui par sa vanité est inconnu à lui-même : 5°. notre langue a certains mots dont la répétition est presque toujours agréable ; telle est le verbe faire, je n'ai fait aujourd'hui que ce que j'ai fait depuis vingt ans : 6°. les prépositions doivent être nécessairement répétées, quand le second substantif est réellement distingué du premier, sans qu'il faille considérer s'ils sont synonymes ou approchans, différens ou contraires ; ainsi il faut dire, les Poëtes different les uns des autres par la variété des sujets qu'ils imitent, & par la maniere de l'imitation, & non pas, & la maniere de l'imitation.

C'en est assez sur la répétition en grammairien, il faut présentement la considérer dans l'art oratoire. Voyez donc l'article suivant. (D.J.)

REPETITION, (Art orat.) le mot en porte la définition :

On égorge à la fois les enfans, les vieillards,

Et le frere & la soeur, & la fille & la mere.

La répétition de la conjonction & semble multiplier les meurtres, & peindre la fureur du soldat. Quelquefois le mot répété est au commencement de différentes phrases qui arrivent toutes à la file sous le même chef.

Ici je trouve le bonheur,

Ici je vis sans spectateur,

Dans le silence littéraire ;

Loin de tout importun jaseur,

Loin des froids discours du vulgaire,

Et des hauts tons de la grandeur.

Loin de ces troupes doucereuses,

Où d'insipides précieuses,

Et de petits fats ignorans,

Viennent conduits par la folie,

S'ennuyer en cérémonie,

Et s'endormir en compliment.

Loin de ces plates coteries,

Où l'on voit souvent réunies

L'ignorance en petit manteau,

La bigoterie en lunettes,

La minauderie en cornettes,

Et la réforme en grand chapeau.

Loin, &c.

Quelquefois c'est une exclamation répétée,

O rage, ô désespoir, ô fureur ennemie !

Quelquefois c'est la répétition des mêmes mots. J'ai tué, j'ai tué, non un Spurius Métellus, non, &c.

Me me adsum qui feci, in me convertite ferrum.

Virgile.

" C'est moi, c'est moi, vous dis-je, qui ai lancé le trait, portez sur moi vos armes vengeresses. "

La Fontaine se sert avec une grace naïve de la répétition dans une de ses fables :

Et puis la papauté vaut-elle ce qu'on quitte ;

Le repos, le repos, trésor si précieux,

Qu'on en faisoit jadis le partage des dieux !

La répétition du mot est encore dans certaines occasions plus forte & plus pressante, quand elle est séparée par d'autres mots : " Catilina vous vivez néanmoins, & vous vivez, non pour changer de conduite, mais pour devenir plus audacieux ; & ailleurs, j'ai vû, quelle indignité ! j'ai vû de mes yeux les biens du grand Pompée, &c. "

Quintilien cite plusieurs traits de la répétition des mêmes choses en différens termes : " C'est le trouble & l'égarement qui s'est emparé de son esprit ; c'est l'usage de ses crimes qui l'a aveuglé : ce sont les furies ; oui les furies elles-mêmes qui l'ont poussé dans le précipice. "

D'autres fois la répétition d'un même nom imprime de la force au discours : " Ah, Coridon ! Coridon " ! Mais la harangue de Cicéron contre Rullus, qui vouloit faire passer une loi préjudiciable à l'intérêt de la république. va nous donner un exemple de la répétition du nom de Rullus, également heureux & bien placé : " Quel est l'auteur de cette loi nouvelle (dit Cicéron) ? Rullus. Qui est celui qui prétend priver du droit de suffrage la plus grande partie du peuple ? Rullus. Qui est-ce qui a un secret tout prêt pour ne faire sortir de l'urne que les noms des tributs où il croit avoir le plus de crédit ? Rullus. Qui nommera les décemvirs selon ses vues & ses intérêts ? Rullus. Qui sera le premier de ces décemvirs ? faut-il le demander ? Rullus. Enfin qui sera le maître absolu des biens de l'état ? le seul Rullus. Voilà, Messieurs, comment on vous traite, vous qui êtes les maîtres & les rois des nations ! A peine une si honteuse prévarication seroit-elle soufferte sous l'empire d'un tyran, & dans une société d'esclaves.

S'il y a des répétitions de mots pour donner de la force au discours, il y a des répétitions d'une même pensée sous des ornemens différens, qui tendent au même but. Une pensée importante qui passe comme un éclair, n'est guere qu'apperçue ; si on la répete sans art, elle n'a plus le mérite de la nouveauté. Que faire, il faut la présenter plusieurs fois, & chaque fois avec des décorations différentes ; de maniere que l'ame, occupée par cette sorte de prestige, s'arrête avec plaisir sur le même objet, & en prenne toute l'impression que l'orateur se propose de lui donner. Qu'on observe la nature quand elle parle en nous, & que la passion seule la gouverne ; la même pensée revient presque sans-cesse, souvent avec les mêmes termes ; l'art suit la même marche, mais en variant peu le dehors.

Hé quoi ! vous ne ferez nulle distinction

Entre l'hypocrisie & la dévotion ?

Vous les voulez traiter d'un semblable langage,

Et rendre même honneur au masque qu'au visage ?

Egaler l'artifice à la sincérité,

Confondre l'apparence avec la vérité,

Estimer le phantôme autant que la personne,

Et la fausse monnoie à l'égal de la bonne.

Il n'est point d'inattention qui tienne contre une pensée si obstinée à reparoître, il faut qu'elle entre dans l'esprit & qu'elle s'y établisse, malgré toute résistance. Il y a grande apparence, dit M. le Batteux, dont j'ai emprunté tant de choses ici, il y a grande apparence, que c'est là le copia rerum & sententiarum des Latins ; cette abondance vigoureuse qui fait le discours, plein de verve, roule à grands flots, & emporte tout avec elle.

Enfin les maîtres de l'art conviennent que les répétitions faites à propos, contribuent beaucoup à l'élégance du discours, & sur-tout à la dignité des vers ; Malherbe en particulier en connoissoit bien le mérite, & s'en est servi souvent avec succès. Il dit au roi :

Quand la rébellion, plus qu'une hydre féconde,

Auroit pour te combattre, assemblé tout le monde,

Tout le monde assemblé s'enfuiroit devant toi.

Mais la répétition latine qui a servi de modele à Malherbe est encore meilleure.

Pan etiam Arcadiâ mecum si judice certet,

Pan etiam Arcadià dicet se judice victum. (D.J.)

REPETITION, (Jurisprud.) est l'action de demander en justice quelque chose qui nous appartient, ou qui nous est dû.

Quelquefois le terme de répétition signifie la réitération d'un acte ou d'un fait.

Répétition de retrait qui a lieu dans quelques coutumes, est lorsque le lignager le plus éloigné qui a été evincé dans son acquisition par le lignager plus prochain, retire à son tour l'héritage sur l'étranger, auquel le lignager plus prochain l'a vendu.

Répétition de témoins, est une nouvelle audition de témoins qui ont déjà été entendus dans la même affaire ; ce qui arrive lorsqu'ayant déposé dans une enquête, le procès civil est converti en procès criminel ; car comme on ne convertit point les enquêtes en informations, quoique les informations puissent être converties en enquêtes, on fait entendre dans l'information les témoins qui ont été entendus dans l'enquête ; ce qui s'appelle répéter les témoins. (A)

REPETITION, terme de Musique, & de Théâtre, c'est l'essai que l'on fait en particulier d'une piece que l'on veut exécuter en public, pour que les acteurs puissent prévoir leurs parties, pour qu'ils se concertent & s'accordent bien ensemble, & pour qu'ils puissent rendre exactement ce qu'ils ont à exprimer, soit pour le chant, soit pour la déclamation ou les gestes ; ainsi on dit répéter une comédie, un opéra, un motet, &c.

Répétition en Musique, est encore la réitération d'un même air, d'un morceau de chant, même d'une note, &c. Voyez REPRISE. (S)

REPETITION, (Horlogerie) montre ou pendule à répétition ; c'est une montre ou pendule qui ne sonne l'heure & les quarts, &c. que lorsqu'on pousse le poussoir, ou que l'on tire le cordon.

On doit cette invention aux Anglois ; ce fut en 1676, vers la fin du regne de Charles II. qu'un nommé Barlou inventa les pendules à répétition : cette nouveauté excita l'émulation de la plûpart des horlogers de Londres, qui s'attacherent à l'envi à faire des pendules de cette espece : ce qui en produisit en peu de tems un très-grand nombre construites de toutes sortes de façons. On continuoit toujours à faire de ces pendules, lorsque sur la fin du regne de Jacques II. le même Barlou ayant imaginé de faire des montres de la même espece, & en ayant en conséquence fait faire une par M. Tompion, le bruit courut parmi les Horlogers, qu'il vouloit la présenter à la cour, pour obtenir un privilége exclusif pour ces sortes de montres. Là-dessus quelques-uns d'entr'eux ayant appris que Quare, un des plus habiles horlogers que les Anglois ayent jamais eu, avoit inventé quelque chose de semblable, ils le solliciterent de s'opposer au privilége de Barlou. Ils s'adresserent donc tous les deux à la cour, & une montre de l'une & l'autre construction ayant été présentée au roi dans son conseil ; le roi après avoir fait l'épreuve de l'une & de l'autre, donna la préférence à celle de M. Quare ; ce qui fut rendu public dans la gazette de Londres.

Voici la différence de ces deux répétitions : dans celle de Barlou on faisoit répéter la montre en poussant en-dedans deux petites pieces situées l'une d'un côté de la boîte, l'autre de l'autre. La premiere faisoit sonner les heures, & l'autre les quarts : dans celle de Quare une seule cheville située près du pendant servoit à ces deux effets ; car en la poussant comme cela se fait encore aujourd'hui, la montre sonnoit l'heure & les quarts.

On a fait des pendules & des montres à répétition de tant de constructions différentes, que ce seroit un grand travail que d'entreprendre de donner une description de chacune en particulier, nous nous contenterons de parler de celles qui sont les meilleures & le plus en usage.

Comme les pendules à répétition sont d'un plus grand volume que les montres, & que les machines en sont plus sensibles, nous commencerons par en expliquer la méchanique.

Description d'une pendule à répétition. Voyez dans nos figures, Planches de l'Horlogerie, une pendule à répétition, dont le cadran est ôté ; au moyen de quoi on voit toutes les pieces de la cadrature. La fig. 31 représente le calibre de cette répétition. A B C D E, sont les roues du mouvement, comme dans les pendules ordinaires, & F G H I, celles du rouage de la répétition, les roues G H & le volant ne servent, comme dans toutes les sonneries, qu'à ralentir la vîtesse du rouage. Voyez SONNERIE.

Le cercle 79, qui représente la grande roue du rouage d'un côté, porte 12 chevilles, 1, 2, 3, &c. & de l'autre que l'on ne voit pas, trois seulement.

Ces 12 chevilles servent pour faire sonner les heures ; les trois autres pour faire sonner les quarts ; le rochet F est adapté à un arbre de barillet, dont l'extrêmité formée en quarré, passe au-travers la platine des piliers p p, figure 32, & porte la poulie b : il faut supposer cet arbre perpendiculaire au plan de la platine de dessus D D, & entrant dans un barillet attaché fixément à celle des piliers P P, ce barillet contient un ressort, qui, comme il a été expliqué à l'article BARILLET, est accroché à l'arbre & au barillet, de façon qu'en tournant l'arbre ou le rochet dans le sens 3, 2, 1, figure 31, on bande le ressort. Le rochet F est adapté avec la grande roue 79, comme la fusée d'une montre avec sa grande roue, & au moyen de l'encliquetage, il peut lorsque l'on bande le ressort, tourner de 3 en 2 sous la roue ; mais lorsque le ressort se débande, tournant alors en sens contraire de 2 en 3, il entraîne la roue avec lui, & par ce moyen, ses chevilles 1, 2, 3, &c. leve la bascule K, qui sert à faire frapper le marteau : K n'est que le plan de cette bascule ; on la voit mieux en B B, figure 32, où celle-là & celles des quarts sont adaptées sur leurs tiges. Venons à la cadrature.

On la voit représentée en détail dans les figures 33 & 34. T, figure 33, est la chaussée ou roue de chaussée ; cette roue, comme on l'a dit à l'article CHAUSSEE, fait un tour par heure, & porte l'aiguille des minutes. Sur cette roue T t, est placé fixément le limaçon des quarts Q & q ; sur ce limaçon est joint la surprise R & r, qui y est retenue par une virole 4, 4, figure 34. on en verra l'usage plus bas. X x, est la roue des minutes, A est l'étoile qui fait son tour en 11 heures ; on en voit le profil en a, figure 34, Z & z est le sautoir ou valet qui fait échapper promtement une dent de l'étoile à chaque heure. Voyez VALET. Sur l'étoile A, est adapté fixément le limaçon des heures B ; D est le rateau ou la crémaillere qui est mue au moyen du pignon E, fixé sur la poulie G, & dont g e i, est le profil ; M L est la main, & m l son profil.

La figure 34 représente la platine dont on a ôté toutes les pieces, & où on voit seulement leurs places, la figure 34, n °. 2. cette même platine vue de profil avec les chevilles sur lesquelles portent les pieces ; la place de chaque piece est exprimée par une ligne ponctuée qui indique la cheville sur laquelle elle doit être posée ; 3 & 4, figure 34, sont deux ressorts. Supposant toutes ces pieces remises sur leur platine, comme dans la figure 32, nous allons expliquer leurs effets.

Avant cependant d'entrer dans aucun détail là-dessus, il est bon de se rappeller quels sont les effets que la pendule à répétition doit produire : ils sont au nombre de quatre : il faut lorsque l'on tire le cordon, 1°. que la pendule sonne ; 2°. qu'elle sonne l'heure ; 3°. qu'elle sonne aussi les quarts, si elle en doit sonner, selon l'heure marquée par les aiguilles ; enfin, il faut qu'ayant une fois répété l'heure juste, elle continue de le faire tant que la pendule ira. On va voir comment les pieces que nous venons de décrire, par leurs constructions & leurs dispositions respectives, exécutent tous ces effets.

En tirant le cordon V V, attaché à la poulie G, on la fait tourner de G vers D ; cette poulie entrant quarrément, comme nous l'avons dit, sur l'arbre de barillet, elle ne peut tourner sans qu'il tourne aussi dans le même sens, c'est-à-dire de 3 en 2, &c. figure 31 ; mais c'est le sens dans lequel il bande le ressort, & dans lequel il peut tourner indépendamment de la roue 79, même figure : par conséquent cette roue restera fixe, & le ressort sera bandé d'une quantité proportionnelle à l'arc parcouru par la poulie ; ainsi plus cet arc sera grand, plus il sera bandé ; maintenant si on lâche le cordon, le ressort en se débandant fera tourner l'arbre de barillet en sens contraire, & conséquemment la roue en même tems qui parcourra par ce moyen un arc égal à celui que la poulie avoit parcouru en sens contraire par le mouvement du cordon. Les chevilles rencontrant alors la bascule du marteau des heures, le fera frapper sur le timbre. D'où l'on voit 1°. comment en tirant le cordon on fait sonner la pendule ; pour concevoir ensuite comment elle sonne un nombre de coups déterminés, on remarquera que le rateau D engrene dans le pignon E adapté à la poulie ; qu'ainsi on ne peut la faire tourner sans faire mouvoir aussi le rateau, & que l'arc qu'il décrit est toujours proportionnel à l'espace parcouru par la poulie. Par conséquent que s'il parcourt un grand arc, la poulie parcourra un grand espace ; le ressort sera beaucoup bandé, & en se débandant, il fera parcourir à la roue 79, figure 31, un grand arc ; ce qui fera passer un plus grand nombre de chevilles devant la bascule, & la fera par conséquent frapper un nombre de coups toujours proportionnel à l'arc parcouru par le rateau. Pour faire donc que ce nombre de coups soit différent & toujours semblable à l'heure marquée ; la queue H H du rateau, lorsqu'on tire le cordon, va s'appuyer sur le degré B du limaçon des heures, de façon, par exemple, que lorsqu'elle porte sur le degré D D du plus grand rayon, la poulie a décrit un petit arc ; le ressort a été peu bandé, & en se débandant il fera parcourir un arc à la roue, tel qu'il ne passera qu'une cheville sur la bascule du marteau, qui en conséquence ne frappera qu'un coup. Si l'on suppose au contraire que le limaçon soit dans une autre situation, telle, par exemple, que la queue du rateau s'enfonce jusque dans le degré o o du plus petit cercle ; alors le ressort sera bandé tout ce qu'il peut l'être, & en se débandant il fera parcourir à la roue un espace tel que les 12 chevilles passeront toutes sous la levée de la bascule du marteau, & feront en conséquence sonner 12 coups : d'où il est clair, 1°. qu'en tirant le cordon, la pendule sonnera ; 2°. qu'elle sonnera un certain nombre de coups déterminé par le limaçon des heures. Pour que ce nombre de coups soit toujours égal à l'heure marquée par l'aiguille, l'étoile saute d'une dent toutes les heures au moyen de la cheville K fixée sur la surprise. Ainsi supposant qu'il soit midi & demi à la pendule, & qu'elle aille dans une demi-heure, la surprise fera sauter l'étoile d'une dent ou de la douzieme partie de son tour, & changera le degré répondant à la queue H du rateau ; de façon que ce sera alors le degré D D, portion du plus grand cercle, pour qu'alors la pendule ne sonne qu'une heure ; ainsi le limaçon étant une fois situé de façon que la pendule répete l'heure précise marquée par les aiguilles, tant qu'elle continuera d'aller, elle répétera constamment l'heure juste.

Ainsi, lorsqu'on tire le cordon, on voit 1°. comment la pendule sonne ; 2°. comment elle sonne un nombre de coups déterminé ; & 3°. comment ce nombre s'accorde toujours avec l'heure marquée par les aiguilles ; on va voir maintenant comment elle sonne les quarts.

La main, ou piece des quarts M est mobile autour du pivot N, & au moyen du ressort 4, dès qu'elle est libre, sa queue, fig. 34. va s'appuyer sur le limaçon des quarts Q, fig. 30. qu'on doit supposer ici être immédiatement au-dessus de la surprise : à mesure que cette queue 4 s'approche du centre, les dents I s'éloignent du point E ; entre ces dents I s'engage une cheville qui tient à la poulie. Lors donc qu'on tire le cordon, cette poulie tournant, la cheville se dégage d'entre les dents, & la main étant alors en liberté, sa queue L vient s'appuyer sur les degrés du limaçon des quarts dans la situation P C, alors la pendule sonne comme nous l'avons expliqué ; mais lorsqu'elle a une fois sonné les heures, la cheville de la poulie rencontrant l'une des dents de la main, l'entraîne avec elle, si elle entre dans la premiere en d, elle la ramene, & s'appuyant sur le fonds de la fente, elle est arrêtée de façon que la poulie ne pouvant plus tourner, la pendule ne sonne point de quarts ; si au contraire la queue de la main s'appuie sur le plus petit des degrés du limaçon, les dents I étant alors fort éloignées de la cheville après que l'heure est sonnée, la poulie peut encore tourner, & par conséquent la roue aussi, ce qui fait sonner les trois quarts ; ainsi selon la dent de la main dans laquelle la cheville de la poulie entre, la pendule ne sonne point de quarts, ou en sonne un, ou deux, ou trois, & comme le limaçon des quarts fait un tour par heure, il s'ensuit que de quart-d'heure en quart-d'heure sa position changeant, la pendule sonnera dans ces différens tems les quarts marqués par les aiguilles. Tout ceci bien entendu, on a dû comprendre comment la répétition fait tous les effets réquis ; 1°. comment lorsque l'on tire le cordon, elle sonne ; 2°. comment elle sonne un nombre de coups déterminés ; 3°. comment ce nombre s'accorde toujours avec les aiguilles ; & enfin de quelle maniere elle sonne les quarts.

Cette répétition telle que nous venons de la décrire, est l'ancienne répétition à la françoise ; elle a un grand défaut, c'est que soit qu'on tire le cordon peu ou beaucoup, elle sonne toujours, de maniere que si on ne le tire pas assez pour que la queue du rateau vienne s'appuyer sur les degrés du limaçon des heures, elle ne répétera pas l'heure juste ; à la vérité la pendule sonnera toujours, mais ce sera plusieurs heures de moins que celle qui est marquée par les aiguilles. Les horlogers appellent ces sortes de pendules, pendules à répétition sans tout ou rien, & celle qui, si elles sonnent, le font toujours d'une maniere juste, pendules à répétition à tout ou rien.

Description d'une pendule à répétition à tout ou rien. La fig. 52. Pl. II. de l'horlogerie, represente la cadrature d'une pendule de cette espece ; cette répétition differe des autres en ce que la cadrature est placée sur la platine de derriere, ce que l'on reconnoît par la lentille, au lieu de l'être sur la platine du cadran comme dans celle que nous venons de décrire ; cette disposition a été imaginée par M. le Roi, horloger, en 1728 : pour que les pieces de la cadrature pussent avoir plus de grandeur & que l'on en vît mieux les effets dans cette cadrature ; la cremaillere A A représente le rateau de la répétition que nous venons de décrire, elle engraine de même dans un pignon caché par le rochet F, fixé sur l'arbre de la grande roue de sonnerie ; cette roue est ajustée avec le barillet, de la même façon que dans la répétition que nous venons de décrire, desorte qu'en tirant la cremaillere de A en q on bande le ressort &c. Le rochet F est fixé sur le même arbre, ainsi en faisant tourner le pignon, on le fait tourner aussi, & les dents de ce rochet rencontrent la levée ou l'échappement du marteau des heures ; cette levée est disposée de façon que la piece CGT étant dans le repos, comme dans la fig. le rochet tourne sans la rencontrer, tellement que tant que cette piece CGT reste dans cette situation, la pendule ne sonne point ; lorsqu'on tire le cordon la queue q de la cremaillere vient s'appuyer, de même que dans la répétition précédente, sur le limaçon des heures B ; mais voici en quoi cette répétition differe de l'autre & ce qui fait qu'elle sonne l'heure juste ou qu'elle ne sonne point du tout. L'étoile tourne sur un pivot qui au lieu d'être fixé à la platine, comme dans la répétition précédente, est formé par la vis V après qu'elle a traversé le tout ou rien IV ; cette derniere piece mobile autour du point P, est poussée continuellement vers la cheville L par le ressort R, qui s'appuie contre la cheville du valet E, cependant elle peut en s'abaissant décrire un petit arc dont la grandeur est déterminée par le diametre du trou de la cheville L qui ne lui permet pas de descendre au-delà d'un certain point. La piece CGT, appellée la piece des quarts mobile autour du point W, fait la fonction de la main, elle est retenue en repos ou dans la situation où on la voit dans la fig. par deux pieces ; 1°. par le doigt d adapté à quarré sur l'arbre du rochet, lequel vient s'appuyer pour cet effet sur la cheville o fixée sur cette piece ; & 2°. par le bec M du tout ou rien qui retient la queue X de cette piece ; lorsqu'elle est dégagée du doigt d & du bec M, elle tourne de G en T au moyen du ressort r r & vient reposer par sa partie T sur la piece H qui est ici le limaçon des quarts, & qui fait comme lui un tour par heure.

Voici l'effet de ces pieces, lorsqu'au moyen du cordon on tire la crémaillere, on fait tourner le rochet F, & le doigt d tournant en même tems de o vers C, la piece des quarts n'est plus retenue que par le bec M du tout ou rien, si la crémaillere ne descend pas assez pour que la queue q s'appuie sur les degrés du limaçon, l'échappement du marteau n'étant pas libre, la piece des quarts le tenant toujours hors de prise, le rochet retourne sans le rencontrer & la pendule ne sonne pas ; si au contraire elle vient s'y appuyer, & fait baisser un peu le tout ou rien, ensorte que son bec M ne retienne plus la queue X de la piece des quarts, cette piece tombe alors, dégage l'échappement du marteau & vient porter sur le limaçon des quarts, l'échappement du marteau étant alors en prise, le rochet en retournant le rencontre & fait frapper le marteau des heures autant de coups qu'il y avoit de dents du rochet de passées ; l'heure étant sonnée, la piece des quarts est ramenée par le doigt d qui en tournant rencontre la cheville o de cette piece, & ses dents rencontrant l'échappement des marteaux, font sonner les quarts ; on entend facilement qu'ici la cremaillere & la piece des quarts sont disposées de même que dans la répétition précédente, c'est-à-dire que selon que la queue q de la cremaillere repose sur des degrés plus ou moins profonds du limaçon, la pendule sonne plus ou moins de coups, & de même que selon que la partie T de la piece des quarts appuie sur les degrés 0, 1, 2 &c. du limaçon des quarts, la pendule sonne l'heure simplement, ou sonne un ou deux quarts &c.


REPETUNDARUMREPETUNDARUM


REPEUPLEMENTS. m. (Gram.) l'action de repeupler. Voyez POPULATION, PEUPLE & REPEUPLER.

REPEUPLEMENT, s. m. (Eaux & Forêts) ce mot signifie le soin que l'on a de replanter les bois, soit en y semant du gland, soit en mettant du plant élevé dans des pepinieres.


REPEUPLERv. act. (Gram.) c'est peupler de nouveau. On repeuple une province dévastée ; on repeuple une terre de gibier ; on repeuple un jardin de plantes ; on repeuple un monastere.


REPICS. m. au jeu de piquet, se dit lorsque dans son jeu, sans que l'adversaire puisse rien compter, ou du moins ne pare pas, l'on compte jusqu'à trente points ; en ce cas, au lieu de dire trente, on dit quatre-vingt-dix & au-dessus, s'il y a des points au-dessus de trente.


REPILERv. act. (Gram.) c'est piler derechef. Voyez les articles PILER & PILON.


REPIQUERv. act. (Gram.) c'est piquer de nouveau. Voyez l'article PIQUER.

REPIQUER LA DREGE, c'est un terme de brasserie, remuer la superficie de la drege, & l'égaliser, lorsqu'on a retiré les vagues, les premiers métiers étant écoulés, & y mettre de l'eau une seconde fois. Voyez l'article BRASSERIE.


REPISSERterme de riviere, c'est joindre deux cordes ensemble. La corde du bac a cassé, il faut la repisser.


RÉPIou RÉPY, s. m. terme, délai, surséance que l'on accorde par grace. Le prince donne du répit aux débiteurs de bonne foi, pour les mettre à couvert des poursuites de leurs créanciers, afin qu'ils ayent le tems de se reconnoître, de mettre ordre à leurs affaires, & payer leurs dettes.

Les répits s'accordent de deux manieres, ou par des lettres de grande chancellerie que l'on nomme lettres de répit (voyez LETTRES DE REPIT) ou par des arrêts du conseil qu'on appelle ordinairement répits par arrêts. Ces derniers ne s'accordent que pour des considérations très-importantes. Il suffit de les faire signifier aux créanciers pour arrêter leurs poursuites pendant le tems de la surséance & des défenses accordées, à moins que ces arrêts mêmes ne portent quelque clause & condition qu'il faille remplir dans cet intervalle, comme de payer les arrérages, &c.

Quoique ces arrêts soient des graces du prince, ils ne sont pourtant rien moins qu'honorables aux négocians qui les obtiennent, & qui par-là deviennent incapables d'exercer aucune charge & fonction publique, jusqu'à ce qu'ils ayent entierement payé leurs dettes, & obtenu du souverain des lettres de réhabilitation. Voyez REHABILITATION. Dictionn. de Commerce.

REPIT, s. m. (Jurisprud.) est une surséance accordée au débiteur pendant laquelle on ne peut le poursuivre.

Ces sortes de surséances étoient usitées chez les Romains ; elles étoient accordées par un rescrit de l'empereur ; leur durée étoit ordinairement de cinq ans ; c'est pourquoi elles sont appellées en droit induciae quinquennales.

Il est parlé des lettres de répit dans plusieurs de nos coutumes, ainsi qu'on le peut voir dans le glossaire de M. de Lauriere.

En quelques endroits de ces coutumes le terme de répit signifie souffrance ; mais dans l'usage ordinaire, répit signifie surséance aux poursuites ou délai de payer.

Anciennement en France les juges accordoient des lettres de répit, mais nos rois se sont réservé ce privilege ; il fut pourtant défendu en 1560, aux officiers de chancellerie d'expédier aucunes lettres de répit ; mais on est depuis revenu à l'ordonnance de François I. en 1535, qui veut que ces lettres émanent du prince.

L'ordonnance de 1667 a défendu de nouveau à tous juges d'accorder aucun répit ni surséance, sans lettres du roi ; elle permet seulement aux juges, en condamnant au payement de quelque somme, de donner trois mois de surséance, sans que ce délai puisse être prorogé ; néanmoins dans l'usage on accorde quelquefois différens termes pour le payement.

Les lettres de répit ne s'expédient qu'au grand sceau, & ne doivent être accordées que pour causes importantes, dont il faut qu'il y ait quelque commencement de preuve authentique.

L'adresse de ces lettres se fait au juge royal du domicile de l'impétrant, à moins qu'il n'y ait instance pendante devant un autre juge, avec la plus grande partie des créanciers hypothécaires, auquel cas l'adresse des lettres se fait à ce juge.

Les lettres de répit donnent six mois à l'impétrant pour en poursuivre l'entérinement avec faculté aux juges de lui accorder un délai raisonnable pour payer, lequel ne peut être de plus de cinq ans, si ce n'est du consentement des deux tiers des créanciers hypothécaires.

La surséance octroyée par les lettres de répit court du jour de la signification d'icelles, pourvu qu'elle soit faite avec assignation, pour procéder à l'entérinement.

L'appel des jugemens rendus en cette matiere ressort nuement au parlement.

Les co-obligés cautions & certificateurs ne jouissent pas du bénéfice des lettres de répit accordées au principal débiteur.

On n'accorde point de répit pour pensions, alimens, médicamens, loyers de maison, moisson de grain, gages de domestiques, journées d'artisans & mercénaires, maniemens de deniers publics, lettres de change, marchandises prises sur l'étape, foire, marché, halles, ports publics, poisson de mer frais, sec & salé, cautions judiciaires, frais funéraires, arrérages de rentes foncieres, & redevances de baux emphytéotiques.

Un débiteur n'est pas exclus de pouvoir obtenir des lettres de répit, sous prétexte qu'il y auroit renoncé.

Pour en accorder de secondes, il faut qu'il y ait des causes nouvelles, & l'on ne doit pas en accorder de troisiemes.

Les lettres de répit sont présentement peu usitées ; les débiteurs qui se trouvent insolvables, prennent le parti d'atermoyer avec leurs créanciers, ou de faire cession. Voyez l'ordonnance de 1669, tit. des répits, la déclaration du 23 Décembre 1699, & les mots ABANDONNEMENT, ATERMOYER, CESSION, FAILLITE, LETTRES D'ETAT. (A)

REPIT, (Marine) Voyez RECHANGE.


REPLACERv. act. (Gram.) c'est remettre à sa place. Voyez les articles PLACE & PLACER.


REPLAIDERv. act. (Gram.) c'est plaider une seconde fois. Voyez les articles PLAIDER, PLAIDOYER, PLAIDEUR.


REPLANCHEYERv. act. (Gram.) c'est refaire un plancher. Voyez les articles PLANCHE, PLANCHER & PLANCHEYER.


REPLANTERv. act. (Gram.) c'est planter de nouveau. Voyez les articles PLAN, PLANTATION, PLANTER, PLANTOIR.


REPLATRERv. act. (Gram.) c'est renduire de plâtre. Voyez PLATRE & PLATRER.


RÉPLÉTIONen Médecine, signifie plénitude ou pléthore, excès d'embonpoint. Voyez PLENITUDE & PLETHORE.

Les maladies qui viennent de replétion, sont plus dangereuses que celles qui viennent d'inanition. La saignée & la diete sont les meilleurs remedes quand on est incommodé de réplétion.

Réplétion se dit aussi de l'accablement de l'estomac surchargé de nourriture & de boisson. Les Médecins tiennent que toute réplétion est mauvaise, mais que celle du pain est la pire. Voyez INDIGESTION.

REPLETION, (Jurisprud.) en matiere bénéficiale est, lorsqu'un gradué est rempli de ce qu'il peut prétendre en vertu de ses grades, ce qui a lieu lorsqu'il a 400 liv. de revenu en bénéfice en vertu de ses grades, ou 600 liv. autrement qu'en vertu de ses grades. Voyez ci-devant GRADUE, & le mot REMPLI. (A)


REPLIS. m. (Gram.) il se dit de tout ce qui est mis en double sur moi-même : le repli d'une étoffe, le repli d'un papier. On l'applique à la marche tortueuse des serpens & à la figure fléchie en plusieurs sens de leur corps. Sa croupe se recourbe en replis tortueux. On le prend aussi au figuré : je me perds dans les replis de cette affaire ; qui est-ce qui connoît tous les replis du coeur humain ?


REPLIERv. act. (Gram.) plier une seconde fois. On déplie les pieces de drap ou d'étoffes pour les faire voir, & ensuite on les replie pour les resserrer.

REPLIER, se replier sur soi-même, se dit du cheval qui tourne subitement de la tête à la queue, dans le moment qu'il a peur ou par fantaisie.


REPLIQUES. f. (Gram.) seconde réponse à une seconde objection.

REPLIQUE, (Jurisprud.) est ce que le demandeur répond aux défenses du défendeur.

L'ordonnance de 1667 abroge les dupliques, tripliques, &c.

A l'audience on appelle replique ce que le défenseur du demandeur ou de l'appellant répond au plaidoyer du défendeur ou de l'intimé. Cette replique est de grace, c'est-à-dire, qu'il dépend du juge de l'accorder ou de la refuser, selon que la cause lui paroît être entendue. C'est pourquoi à la grand'chambre du parlement, l'avocat de l'appellant qui plaide en replique, n'est plus au barreau d'en-haut, mais dans le parquet où il descend pour conclure. (A)

REPLIQUE, s. f. en Musique, signifie la même chose qu'octave. Voyez OCTAVE. Quelquefois aussi en composition on appelle replique l'unisson de la même note, donné à deux parties différentes. Voyez UNISSON. (S)


REPLISSERv. act. (Gram.) c'est plisser une seconde fois. Voyez les articles PLIS & PLISSER.


REPLONGERv. act. (Gram.) c'est plonger de nouveau. Voyez les articles PLONGER & PLONGEON.


REPOLIRv. act. (Gram.) c'est rendre le poli. Voyez POLI & POLIR.


REPOLONS. m. air de manege, qui consiste dans une demi-volte fermée en cinq tems. Quelques-uns, entr'autres M. de Newcastle, appellent repolons le galop d'un cheval l'espace d'un demi-mille, & méprisent autant ce manege que les autres l'estiment.


RÉPONDANTS. m. en termes de droit, est celui qui répond ou s'engage pour un autre. Voyez CAUTION & GARANT.

Le répondant est tenu du dommage causé par celui pour lequel il a répondu. Il y a quatre ordonnances de nos rois qui défendent expressément aux bourgeois de prendre des domestiques qui n'ayent des répondans par écrit. Répondant, dans cette derniere phrase, se prend pour l'acte même, par lequel quelqu'un s'est engagé à répondre de la fidélité d'un domestique. Mais cet usage d'exiger des valets des répondans, est tout-à-fait négligé.


RÉPONDREv. act. (Gram.) c'est satisfaire à une question ou à une demande. Il n'y a point d'ignorans qui ne puissent faire plus de questions qu'un habile homme n'en peut répondre.

REPONDRE, (Critiq. sacrée) ce mot signifie dans l'Ecriture 1°. répliquer à un discours, à une question ; 2°. justifier, rendre témoignage : mon innocence me rendra témoignage, respondebit, Gen. xxx. 33. Enfin contredire, contester ; qui êtes-vous pour contester avec Dieu ? Qui respondeas Deo. Job. ix. 14. (D.J.)

REPONDRE, dans le Commerce, signifie cautionner quelqu'un, se rendre garant pour lui. Les cautions & leurs certificateurs répondent solidairement des dettes, faits & promesses de ceux pour qui ils s'engagent, & doivent à leur défaut les acquiter, delà le proverbe, qui répond, paie : ce qui n'arrive que trop fréquemment dans le négoce. Dictionn. de Commerce.

REPONDRE aux éperons, (Maréchal.) se dit d'un cheval qui y est sensible & y obéit. Répondre à l'éperon est tout le contraire ; car ce terme signifie un cheval mol, qui au lieu d'obéir au coup d'éperon, ne fait qu'une espece de plainte, & n'en est pas plus ému. Répondre à la main. Voyez MAIN.


RÉPONSS. m. terme de breviaire, c'est une espece de motet composé de paroles de l'Ecriture, & relatives à la solemnité qu'on célebre, qui est chanté par deux choristes, à la fin de chaque leçon de matines ; on en chante aussi un à la procession & aux vêpres. Il est appellé répons, parce que tout le choeur y répond en répétant une partie, que l'on nomme reclame ou réclamation. Voyez RECLAME.

Il y en a aussi à la fin des petites heures qu'on appelle répons-brefs, parce qu'ils sont plus courts que les répons de matines. Ils sont chantés par les enfans de choeur, & tout le peuple y répond en en reprenant une partie ; les répons-brefs sont toujours suivis d'un verset & d'une oraison.


RÉPONSEREPARTIE, (Synon.) la réponse en général s'applique à une interrogation faite. La repartie se dit indifféremment de toute replique. Quoiqu'une repartie vive & promte fasse honneur à l'esprit, il est encore plus convenable de se retrancher à une repartie judicieuse ; & dans les questions qu'on a droit de nous faire, il faut s'attacher à y répondre nettement.

Il y a des occasions où il vaut mieux garder le silence que de faire une repartie offensante, & l'on n'est pas obligé de répondre à toutes sortes de questions.

Une repartie se fait toujours de vive voix, une réponse se fait quelquefois par écrit.

Les réponses & les reparties doivent être justes, promtes, judicieuses, convenables aux personnes, aux tems, aux lieux & aux conjectures. Il y a des réponses & des reparties de toutes especes qui laissent plus ou moins à penser à l'esprit. Il y en a de sentencieuses, de jolies, de satyriques, de galantes, de flatteuses, de nobles, de belles, de bonnes, d'heureuses, d'héroïques, &c. Donnons quelques exemples des unes & des autres.

On demandoit à Aristarque pourquoi il n'écrivoit point. " Je ne puis pas écrire ce que je voudrois, répondit-il, & je ne veux pas écrire ce que je pourrois ". Tacite a encore mieux dit : Rara temporum felicitas, ubi sentire quae velis, & quae sentias scribere licet.

La repartie de la reine Christine à ceux qui se plaignoient de ce qu'elle avoit nommé Salvius sénateur de Suede, quoiqu'il ne fût pas d'une maison assez noble, devroit être connue de tous les rois. " Quand il est question d'avis & de sages conseils, répondit-elle, on ne demande point seize quartiers, mais ce qu'il faut faire. Les nobles avec de la capacité ne seront jamais exclus du sénat, & n'excluront jamais les autres ". Mélang. de litt. par M. Dalembert, t. ij.

On peut mettre dans l'ordre des jolies reparties toutes les saillies quand elles ont du sel. Telle est, par exemple, la réponse d'un mauvais peintre devenu médecin, qui dit vivement à ceux qui lui demandoient la raison de son changement d'état, " qu'il avoit voulu choisir un art dont la terre couvrît les fautes qu'il y feroit ".

Telle est encore la réponse plaisante d'Henri IV. à Catherine de Médicis, lors de la conférence de Ste Bris près de Coignac en 1586. Cette princesse qui employoit ses filles d'honneur à amuser les grands & à découvrir leurs secrets, se tournant vers Henri IV. lui demanda qu'est-ce qu'il vouloit : " Madame, lui répondit-il en regardant les filles qu'elle avoit amenées, il n'y a rien-là que je veuille ". Il ne lui avoit pas toujours fait une aussi bonne réponse.

Un satyrique spirituel interrogé de ce qu'il pensoit d'un tableau du cardinal de Richelieu, dans lequel ce ministre s'étoit fait peindre tenant un globe à la main, avec ces mots latins hic stante cuncta moventur, en subsistant il donne le mouvement au monde, répondit vivement, ergo cadente, omnia quiescent, lorsqu'il ne subsistera plus, le monde sera donc en repos.

Entre les reparties où regne l'esprit d'une noble galanterie, on peut citer celle de M. de Bussy : " Vous me regardez aussi ", lui dit une belle femme : " Madame, lui repartit-il, on sait si bien qu'il faut vous regarder, que qui ne le fait pas dans une compagnie, y entend sûrement finesse ".

J'ai parlé des reparties flatteuses. Une femme vint le matin se plaindre à Soliman II. que la nuit pendant qu'elle dormoit, ses janissaires avoient tout emporté de chez elle. Soliman sourit & répondit qu'elle avoit donc dormi d'un sommeil bien profond, si elle n'avoit rien entendu du bruit qu'on avoit dû faire en pillant sa maison. " Il est vrai, seigneur, repliqua cette femme, que je dormois profondément, parce que je croyois que ta hautesse veilloit pour moi ". Le sultan admira la repartie & la récompensa.

On a fait souvent de nobles réponses, celle-ci mérite d'être citée. Dans le procès de François de Montmorency, comte de Luze & de Boutteville, M. du Châtelet fit pour sa défense un mémoire également éloquent & hardi. Le cardinal de Richelieu lui reprocha fortement d'avoir mis au jour ce mémoire pour condamner la justice du prince. " Pardonnez-moi, lui répondit-il, c'est pour justifier sa clémence, s'il a la bonté d'en user envers un des plus honnêtes & des plus vaillans hommes de son royaume ".

Je place au rang des belles réponses de l'antiquité celle de Marius à l'officier de Sextilius qui, après lui avoir défendu de la part de son maître de mettre le pié en Afrique, lui demanda sa réponse : " Mon ami, repliqua-t-il, dis à ton maître que tu as vu Marius fugitif, assis sur les ruines de Carthage ". Quelle noblesse, quelle grandeur, & quelle force de sens dans ce peu de paroles ! Il n'y avoit point d'image plus capable de faire impression sur l'esprit de Sextilius que celle-ci, qui lui remettoit devant les yeux la vicissitude des choses humaines, en lui présentant Marius six fois consul, Marius qui avoit été appellé le troisieme fondateur de Rome, Marius à qui les Romains dans leurs maisons avoient fait des libations comme à un dieu sauveur, en le lui préséntant, disje, fugitif, sans pouvoir trouver d'asyle, & assis sur les ruines de Carthage, de cette ville si puissante, si célebre, & qui avoit été si long-tems la rivale de Rome. Plutarque.

Je mets au rang des belles réponses modernes celle de Louis XII. au sujet de ceux qui en avoient mal agi à son égard avant qu'il montât sur le trône, & celle de madame de Barneveld à Maurice de Nassau sur les démarches qu'elle faisoit auprès de lui pour sauver la vie à son fils aîné, qui avoit eu connoissance de la conspiration de son pere sans la découvrir.

Louis XII. replique à ses courtisans qui cherchoient à le flatter du côté de la vengeance, " qu'il ne convenoit pas au roi de France de venger les injures faites au duc d'Orléans ". Cette réponse de Louis XII. est d'autant plus héroïque qu'on l'avoit indignement outragé, qu'il étoit alors tout-puissant, & qu'il n'y avoit personne dans son royaume qui l'égalât en courage.

Madame de Barneveld interrogée avec une espece de reproche par le prince d'Orange pourquoi elle demandoit la grace de son fils, & n'avoit pas demandé celle de son mari, lui répond " que c'est parce que son fils étoit coupable, & que son mari étoit innocent ".

Une autre belle réponse est celle de la maréchale d'Ancre qui fut brûlée en place de Greve comme sorciere, événement dont on se souviendra avec étonnement jusqu'à la derniere postérité. Le conseiller Courtin interrogeant cette femme infortunée, lui demanda de quel sortilege elle s'étoit servi pour gouverner l'esprit de Marie de Médicis : " Je me suis servie, répondit la maréchale, du pouvoir qu'ont les ames fortes sur les esprits foibles ". Voltaire.

On peut mettre encore au nombre des belles reparties celle de milord Bedford à Jacques II. roi d'Angleterre. Ce roi pressé par le prince d'Orange assembla son conseil, & s'adressant au comte de Bedford en particulier : " Milord, dit-il, vous êtes un très-bon homme & qui avez un grand crédit, vous pouvez présentement m'être très-utile. Sire, repartit le comte, je suis vieux & peu en état de servir votre majesté, mais j'avois autrefois un fils qui pourroit en effet vous rendre de grands services s'il étoit encore en vie ". Il parloit du lord Russel son fils qui avoit été décapité sous le dernier regne, & sacrifié à la vengeance du même roi qui lui demandoit ce bon office. Cette admirable repartie frappa Jacques II. comme d'un coup de foudre, il resta muet sans repliquer un seul mot. Burnet.

Je ne veux pas omettre la bonne repartie que fit en 1274 S. Thomas d'Aquin à Innocent IV. Il entroit dans la chambre du pape pendant que l'on comptoit de l'argent ; le pape lui dit : " Vous voyez que l'Eglise n'est plus dans le siecle où elle disoit, je n'ai ni or ni argent " ; à quoi le docteur évangélique répondit : " Il est vrai, saint pere, mais elle ne peut plus dire au boiteux, leve-toi & marche ".

On sait aussi la repartie heureuse de P. Danès, évêque de Lavaur : comme il déclamoit fortement au concile de Trente contre les moeurs des ecclésiastiques, il fut interrompu par l'évêque d'Orviette, qui dit avec mépris, gallus cantat, à quoi Danès repartit, utinam ad galli cantum Petrus resipisceret.

Les Spartiates sont les peuples les plus célebres en réponses héroïques, je n'en citerai qu'une seule. Philippe étant entré à main armée dans le Péloponnèse, dit aux Lacédémoniens que s'ils ne se rendoient pas à lui, ils n'auroient que des souffrances à attendre de leur résistance téméraire : " Eh, que peuvent souffrir ceux qui ne craignent pas la mort, lui repartit Damindas " ! Plutarque. (D.J.)

REPONSE, s. f. (Jurisprud.) en terme de palais se dit de ce qui est repliqué verbalement à quelque interrogation, ou par écrit à quelque demande, dire ou autre procédure.

REPONSE CATHEGORIQUE, est celle qui se rapporte précisément à l'interrogation.

REPONSES à causes d'appel sont les écritures que l'intimé fait en repliques à celles de l'appellant dans une instance appointée au conseil.

REPONSE PAR CREDIT vel non, c'étoit une ancienne maniere de répondre de la part des témoins qui se contentoient de dire qu'ils croyoient ou ne croyoient pas telle chose ; l'article 36 de l'ordonnance de 1539 abroge ces sortes de réponses.

REPONSES DE DROIT, responsa prudentum, sont les décisions des anciens jurisconsultes, auxquels il étoit permis de répondre sur les questions qui leur étoient proposées.

REPONSE A GRIEFS, est une piece d'écriture que l'intimé fait contre les griefs fournis par l'appellant.

REPONSE DE VERITE, est celle qui est précise & affirmative, & non faite par crédit vel non. Voyez l'ordonnance de Roussillon, article 6. (A)

REPONSE, s. f. (Commerce) engagement qu'on prend pour un autre de payer en la place une dette, ou l'acquiter d'une chose qu'il promet en cas qu'il ne l'exécute pas lui-même. On se sert plus ordinairement du mot de cautionnement. Voyez CAUTIONNEMENT.

REPONSE, lettre écrite d'après une autre qu'on a reçue, & qui a celle-ci pour objet : voilà ma lettre ; voilà sa réponse.


REPOSS. m. (Physique) c'est l'état d'un corps qui demeure toujours dans la même place, ou son application continuelle, ou sa contiguité avec les mêmes parties de l'espace qui l'environnent. Voyez ESPACE. Le repos est ou absolu ou relatif, de même que le lieu. Voyez LIEU. On définit encore le repos, l'état d'une chose sans mouvement ; ainsi le repos est ou absolu ou relatif, de même que le mouvement. Voyez MOUVEMENT.

Newton définit le repos absolu, l'état continué d'un corps dans la même partie de l'espace absolu & immuable, & le repos relatif, l'état continué d'un corps dans une même partie de l'espace relatif ; ainsi dans un vaisseau qui fait voile, le repos relatif est l'état continué d'un corps dans le même endroit du vaisseau, & le repos vrai ou absolu est son état continué dans la même partie de l'espace absolu, dans lequel le vaisseau & tout ce qui renferme est contenu. Si la terre est réellement & absolument en repos, le corps relativement en repos dans le vaisseau sera mû réellement & absolument, & avec la même vîtesse que le vaisseau ; mais si la terre se meut, le corps dont il s'agit aura un mouvement absolu & réel, qui sera occasionné en partie par le mouvement réel de la terre dans l'espace absolu, & en partie par le mouvement relatif du vaisseau sur la mer. Enfin si le corps est aussi mû relativement dans le vaisseau, son mouvement réel sera composé en partie du mouvement réel de la terre dans l'espace immuable, en partie du mouvement relatif d'un vaisseau sur la mer, & en partie du mouvement propre du corps dans le vaisseau : ainsi si la partie de la terre où est le vaisseau se meut vers l'orient avec une vîtesse de 10010 degrés, & que le vaisseau soit porté par les vents vers l'occident avec 10 degrés, & qu'en même tems un homme marche dans le vaisseau vers l'orient avec un degré de vîtesse, cet homme sera mû réellement & absolument dans l'espace immuable vers l'orient avec 10000 degrés de vîtesse, & relativement à la terre avec neuf degrés de vîtesse vers l'occident.

On voit par conséquent qu'un corps peut être dans un repos relatif, quoiqu'il soit mu d'un mouvement commun relatif ; car les marchandises qui sont dans un vaisseau à voile ou dans une barque y reposent d'un repos relatif, & sont mues d'un mouvement relatif commun, c'est-à-dire avec le vaisseau même dont ils font comme partie.

Il se peut aussi qu'un corps paroisse mu d'un mouvement relatif propre, quoiqu'il soit cependant dans un repos absolu. Supposons qu'un vaisseau fasse voile d'orient en occident, & que le pilote jette d'occident en orient une pierre qui aille avec autant de vîtesse que le vaisseau même, mais qui prenne un chemin tout opposé ; cette pierre paroîtra à celui qui est dans le vaisseau avoir autant de vîtesse que le vaisseau, mais celui qui est sur le rivage & qui la considere verra cette même pierre, & elle est effectivement dans un repos absolu, puisqu'elle se trouve toujours dans la même portion de l'espace. Comme cette pierre est poussée d'orient en occident à l'aide du mouvement du vaisseau, & qu'elle est poussée avec la même vîtesse d'occident en orient par la force de celui qui la jette, il faut que ces deux mouvemens qui sont égaux & qui se détruisent l'un l'autre laissent de cette maniere la pierre dans un repos absolu. Mussch. Ess. de Phys. p. 77.

Les Philosophes ont agité la question, si le repos est quelque chose de positif ou une simple privation. Voyez sur cela l'article MOUVEMENT.

C'est un axiome de philosophie, que la matiere est indifférente au repos ou au mouvement ; c'est pourquoi Newton regarde comme une loi de la nature que chaque corps persevere dans son état de repos ou de mouvement uniforme, à-moins qu'il n'en soit empêché par des causes étrangeres. Voyez LOIS DE LA NATURE au mot NATURE. Les Cartésiens croyent que la dureté des corps consiste en ce que leurs parties sont en repos les unes auprès des autres, & ils établissent ce repos comme le grand principe de cohésion par lequel toutes les parties sont liées ensemble. Voyez DURETE. Ils ajoutent que la fluidité n'est autre chose que le mouvement intestin & perpétuel des parties. Voyez FLUIDITE & COHESION. Pour éviter l'embarras que la distinction de repos absolu & repos relatif mettroient dans le discours, on suppose ordinairement lorsqu'on parle du mouvement & du repos, que c'est d'un mouvement & d'un repos absolu ; car il n'y a de mouvement réel que celui qui s'opere par une force résidente dans le corps qui se meut, & il n'y a de repos réel que la privation de cette force.

Il n'y a point dans ce sens de repos dans la nature, car toutes les parties de la matiere sont toujours en mouvement, quoique les corps qu'elles composent puissent être en repos ; ainsi, on peut dire qu'il n'y a point de repos interne.

Il n'y a point de degrés dans le repos, comme dans le mouvement ; car un corps peut se mouvoir plus ou moins vîte : mais quand il est une fois en repos, il n'y est ni plus, ni moins. Cependant le repos & le mouvement ne sont souvent que relatifs pour nous ; car les corps que nous croyons en repos, & que nous voyons comme en repos, n'y sont pas toujours.

Un corps qui est en repos ne commence jamais de lui-même à se mouvoir. Car puisque toute matiere est douée de la force passive, par laquelle elle résiste au mouvement, elle ne peut se mouvoir d'elle-même. Pour que le mouvement ait lieu, il faut donc une cause qui mette ce corps en mouvement. Ainsi, tout corps en repos resteroit éternellement en repos, si quelque cause ne le mettoit en mouvement, comme il arrive, par exemple, lorsque je retire une planche, sur laquelle une pierre est posée, ou que quelque corps en mouvement communique son mouvement à un autre corps, comme lorsqu'une bille de billard pousse une autre bille. C'est par le même principe qu'un corps en mouvement ne cesseroit jamais de se mouvoir, si quelque cause n'arrêtoit son mouvement en consumant sa force ; car la matiere résiste également au mouvement & au repos par son inertie ; d'où résulte cette loi générale. Un corps persévere dans l'état où il se trouve, soit de repos, soit de mouvement, à moins que quelque cause ne le tire de son mouvement ou de son repos. Voyez FORCE D'INERTIE. Institut. de Physique de madame du Châtelet, §. §. 220. 229. Cet article est de M. FORMEY.

REPOS, (Critique sacrée) ce mot que la vulgate rend par requies, signifie cessation, relâche, soulagement, affranchissement des maux. Au jour du sabbat étoit la cessation de toute sorte de travail, requies, Exod. xxxj. 15. Lorsque le Seigneur aura terminé vos maux, Is. xiv. 3. Cum requiem dederit tibi Deus. 2°. repos se prend encore pour habitation, demeure fixe. La tribu d'Issachar, vit que le lieu de sa demeure, (requiem) étoit avantageux. 3°. Le ciel est appellé par métaphore un repos. Il reste un repos, un état de repos, , pour le peuple de Dieu ; entrons donc dans ce repos, , dit S. Paul aux Héb. iv. 9. & 11. (D.J.)

REPOS, (Mytholog.) les Romains avoient personnifié le repos, & en avoient fait une déesse, parce que quies en latin est féminin. Elle avoit deux temples à Rome, l'un hors de la porte Collatine, & l'autre sur la voie Lavicane. (D.J.)

REPOS, (Poésie) c'est la césure qui se fait dans les grands vers, à la sixieme syllabe, & dans les vers de dix à onze à la quatrieme syllabe ; on appelle cette césure repos, parce que l'oreille & la prononciation semblent s'y reposer ; c'est pourquoi le repos ne doit point tomber sur des monosyllabes où l'oreille ne sauroit s'arrêter. Le mot repos se dit encore en poésie, de la pause qui se fait dans les stances de six ou de dix vers ; savoir, dans celles de six, après le troisieme vers ; dans celles de dix après le quatrieme, & après le septieme vers. A la fin de chaque stance ou couplet, il faut qu'il y ait un plein repos, c'est-à-dire, un sens parfait. Mourgues. (D.J.)

REPOS, s. m. en Musique ; c'est le lieu où la phrase se termine, & où le chant se repose plus ou moins parfaitement. Le repos ne peut s'établir que par une cadence pleine ; si la cadence est évitée, il ne peut y avoir de repos, car il est impossible à l'oreille de se reposer sur une dissonnance. On voit par-là qu'il y a précisement autant d'especes de repos que de sorte de cadences (voyez CADENCE) ; & ces différens repos produisent dans la musique l'effet de la ponctuation dans le discours.

Quelques-uns confondent mal-à-propos le repos avec les silences, quoique ces choses soient fort différentes. Voyez SILENCE. (S)

REPOS, (Méd. Diete) se dit de la cessation du mouvement du corps que l'on fait en se livrant à l'exercice, au travail : c'est l'état opposé à celui de l'action qu'opere ce mouvement.

C'est, par conséquent, en ce sens, une des choses de la vie des plus nécessaires à l'économie animale ; une des six choses qu'on appelle dans les écoles non-naturelles, qui est très-utile à la santé, lorsque l'usage en est reglé, mais dont l'excès, comme le défaut, lui est très-nuisible, & influe beaucoup à y faire naître des desordres considérables. Voyez MOUVEMENT, EXERCICE, OISIVETE, HYGIENE, NON-NATURELLES (choses), REGIME.

REPOS, (Peint.) c'est le contraste des clairs opposés aux bruns, & alternativement des bruns opposés aux clairs. Ces masses de grands clairs & de grandes ombres s'appellent repos, parce qu'en effet elles empêchent que la vue ne se fatigue par une continuité d'objets trop pétillans ou trop obscurs.

Il y a deux manieres de produire ces repos, l'une qu'on appelle naturelle, & l'autre artificielle. La naturelle consiste à faire une étendue de clairs ou d'ombres qui suivent naturellement & comme nécessairement plusieurs figures grouppées ensemble, ou des masses de corps solides ; l'artifice dépend de la distribution des couleurs que le peintre donne telles qu'il lui plaît à certaines choses, & les compose de sorte qu'elles ne fassent point de tort aux objets qui sont auprès d'elles. Une draperie, par exemple, qu'on aura faite jaune ou rouge en certains endroits, pourra être dans un autre endroit de couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l'effet que l'on demande. Les figures jettées en trop grand nombre, représentées sous des attitudes trop vives & trop bruyantes étourdissent la vue & troublent ce repos, ce silence qui doit regner dans une belle composition.

Sit procul iste fragor, placido sed in aequore telae

Serpat amaena quies, & docta silentia regnent.

(D.J.)

REPOS d'escalier, (Charpent.) on appelle ainsi les marches plus grandes que les autres, qui servent comme de repos dans les grands perrons où il y a quelquefois des palliers de repos dans une même rampe ; ces palliers doivent avoir du-moins la largeur de deux marches. Ceux qui sont dans les retours des rampes des escaliers, doivent être aussi longs que larges. (D.J.)

REPOS, REPOSER, (Jardinage) il est si nécessaire aux végétaux de se reposer, que les arbres d'eux-mêmes prennent du relâche, en ne rapportant jamais abondamment deux années de suite.

Les terres sont de même, mais on leur donne des années de jachere tous les trois ans. Voyez JACHERE.

REPOS, (Horlogerie) c'est dans l'échappement dit à repos l'excès de la force motrice sur le régulateur, qui, par son mouvement acquis suspend celui de la roue de rencontre.

Sans faire l'énumération des différens échappemens à repos, je ne parlerai que de ceux appellés à cylindre pour les montres, & à ancre pour les pendules.

Dans les premieres, l'on sait que l'axe de la roue de rencontre est parallele à l'axe du régulateur, & opere les vibrations sur le cylindre, qui n'est autre chose qu'un tube creux entaillé jusqu'au centre, & sur les tranches duquel agissent alternativement les dents de la roue qui porte une espece de plan incliné rentrant au-dedans de la circonférence de la roue, & agissant sur les tranches du cylindre du dehors au-dedans, & du dedans au-dehors, en faisant décrire des arcs de levée proportionnés à l'inclinaison des plans.

Je suppose que la roue poussant de l'une de ses dents la premiere tranche du cylindre du dehors au-dedans, elle lui fait décrire l'arc de levée ; après quoi cette dent abandonne la tranche du cylindre, & tombe sur la circonférence concave. Dans cet état le balancier qui a acquis du mouvement, continue l'arc commencé, qui devient cinq à six fois plus grand, & par-là suspend entierement le mouvement propre de la roue de rencontre : mais comme il reste cependant dans un mouvement relatif, eu égard à la position circulaire que la dent parcourt dans la concavité du cylindre ; c'est ce qui fait l'un des repos de cet échappement. La vibration étant achevée, la réaction du ressort spiral ramene le balancier, & la dent parcourt à contresens le même espace circulaire, toujours par un mouvement relatif, & dans un repos absolu, jusqu'à ce que cette dent atteigne la seconde tranche du cylindre : alors reprenant son mouvement propre, elle fait décrire un arc de levée du dedans au-dehors : après quoi elle abandonne cette tranche, & la dent suivante tombe & appuie sur la circonférence convexe ; ce qui fait l'autre repos de cet échappement.

Dans cet état, le balancier continue son arc de vibration, qui devient aussi cinq à six fois plus grand ; & la dent parcourt sur la convexité un espace circulaire, comme elle l'a fait ci-devant dans la concavité.

La propriété de suspendre le mouvement de la roue de rencontre a fait croire à la plûpart des horlogers que le régulateur achevoit sa vibration avec une entiere liberté, & que par-là elle compensoit parfaitement l'inégalité de la force motrice. En l'examinant, l'on voit bien que cela n'est pas vrai : car la liberté de la vibration est gênée par le frottement de la dent sur les diametres extérieurs & intérieurs du cylindre ; c'est pourquoi dans cet échappement le régulateur est moins puissant que dans celui à recul.

Il est un autre échappement à repos appellé échappement à virgule, qui a un avantage sur celui à cylindre, surtout depuis que j'ai réduit les rayons des repos aussi courts qu'il étoit possible, & rendu par ce moyen la vibration plus libre, & par-là augmenté la puissance du régulateur. L'académie des Sciences a jugé favorablement & de l'échappement & de l'usage qu'on en a fait. Voyez ÉCHAPPEMENT.

Dans l'échappement à ancre & à repos dans les pendules, l'alternative des vibrations se fait comme dans celui à recul, avec cette différence, que pour être à repos, il faut que les dents de la roue, au lieu de tomber sur le dedans ou dehors des bras de l'ancre, qu'elle tombe sur les faces faites en portions circulaires & concentriques au centre du mouvement, pour rester en repos dessus, tandis que l'ancre décrit sa portion de cercle en achevant son oscillation.

Comme dans tous les échappemens à repos il se fait un frottement à double sens sur le repos ; il suit qu'il faut de l'huile pour en faciliter le mouvement : ainsi, le repos, bien loin de permettre l'entiere liberté de la vibration, est précisément ce qui la gêne. Article de M. ROMILLY.


REPOSÉES. f. terme de Chasse ; c'est le lieu où les bêtes fauves se mettent sur le ventre pour y demeurer, & y dormir.


REPOSERv. act. & neut. c'est discontinuer le travail, l'action, le mouvement, se remettre de la fatigue ; s'arrêter. Donnez-lui le tems de se reposer de ses peines ; ici repose celui qui jamais ne se reposa. Laissez reposer cette terre, cette liqueur, l'esprit de cet homme. Le fils de l'Homme n'a pas où reposer sa tête. Les rois se reposent de la plus grande partie de l'administration sur leurs ministres.


REPOSOIRS. m. (Décorat. d'architect.) c'est une décoration d'architecture feinte, qui renferme un autel avec des gradins chargés de vases, chandeliers & autres ouvrages d'orfévrerie, le tout accompagné de tapisseries, tableaux & meubles précieux pour les processions de la fête-Dieu. On fait des reposoirs magnifiques à l'hôtel des Gobelins à Paris, avec des meubles de la couronne. Daviler. (D.J.)

REPOSOIR, s. m. (Teinture) nom qu'on donne dans l'Amérique à la troisieme cuve qui sert à la préparation de l'indigo. On l'appelle reposoir, parce que c'est dans cette cuve que l'indigo préparé dans les autres cuves, se sépare de l'eau pour se reposer au fond, d'où on le tire pour le mettre dans les sachets. Cette même cuve s'appelle diablotin à S. Domingue. Labat, voyages. (D.J.)

REPOSOIR du bain, (Archit. rom.) c'étoit chez les Romains une partie du bain, construit en maniere de portique, où, avant que de se baigner, on se reposoit, en attendant que la place du bain fût libre. Vitruve appelle cette partie schola, parce qu'on s'y instruisoit respectivement de diverses choses dans la conversation. (D.J.)


REPOTIAS. pl. n. (Littérat.) on appelloit repotia chez les Romains le festin du lendemain de nôces, quia iterùm potaretur. Le premier jour étoit appellé chez les Grecs , nuptiae, les noces ; & le lendemain que l'on soupoit chez le mari, se nommoit . (D.J.)


REPOUSS. m. (Maçonn.) sorte de mortier fait de petits platras qui proviennent de la vieille maçonnerie, & qu'on bat & mêle avec du tuileau ou de la brique concassée. On s'en sert pour affermir les aires des chemins, & sécher le sol des lieux humides. Richelet. (D.J.)


REPOUSSERv. act. (Gram.) écarter, éloigner. Les ennemis ont été repoussés. Cette arme repousse. Il faut quelquefois repousser l'injure.

REPOUSSER, v. n. (Gram.) c'est pousser derechef. La plûpart des plantes repoussent au printems. Voyez l'article POUSSER.


REPOUSSOIRS. m. instrument de Chirurgie, dont on se sert pour arracher les chicots des dents ; c'est une tige d'acier, longue d'environ deux pouces, cimentée dans un manche d'ivoire ou d'ébêne, fait en poire, pour appuyer dans la paume de la main. L'extrêmité antérieure de la tige est terminée de deux façons, ce qui fait deux especes de repoussoirs. A l'un c'est une gouttiere oblique, longue d'environ huit lignes, qui finit par deux petites dents. A l'autre ce sont deux especes de crochets, tournés à contre-sens, terminés aussi par deux petites dents garnies d'inégalités. Avec le premier repoussoir, dont on porte les dents sur le chicot, le plus bas qu'il est possible, on le fait sauter : avec le second on peut aussi repousser le chicot ; mais avec le crochet tourné en-dedans, on peut l'attirer à soi & l'enlever. Voyez la fig. 1. Pl. XVI. & fig. 13. Pl. XXV. Avec un bon pélican, manié avec adresse, on peut se dispenser de l'usage du repoussoir. Voyez PELICAN.

Repoussoir d'arrête, est un instrument imaginé par feu M. Petit, de l'académie royale de Chirurgie, pour pousser les corps étrangers qui se trouvent engagés dans l'oesophage. Nous en avons donné la description au mot CANNULE. En ôtant l'éponge qui est à l'extrêmité de cet instrument, il peut servir à faire entrer dans l'estomac des bouillons ou autres alimens liquides. (Y)

REPOUSSOIR, s. m. terme d'ouvriers & artisans, instrument rond, ordinairement de fer, de douze ou quinze pouces de long, & de diametre à proportion, qui sert à repousser des chevilles & à les faire sortir des trous de tarieres où elles ont été placées. Les Charpentiers & les Menuisiers ont de ces sortes de repoussoirs, pour repousser ce qu'ils appellent les chevilles de fer qu'ils ne mettent pas à demeure, mais pour assembler leur bois. Les repoussoirs des Serruriers, dont les Menuisiers se servent aussi, sont courts & moins gros ; ce ne sont que de petites verges de fer, qui servent aux Menuisiers à démonter la menuiserie d'assemblage, & aux Serruriers à détacher les fiches, les couplets, & autres semblables ouvrages qui sont placés en bois.

Les Tailleurs de pierre & les Sculpteurs ont aussi des repoussoirs, mais qu'ils employent à un usage bien différent que les autres ouvriers ; ce sont des ciseaux de fer, de seize à dix-huit pouces de longueur, avec lesquels ils poussent des moulures. Savary. (D.J.)

REPOUSSOIR, (Bij.) c'est un morceau d'acier, d'un pouce & demi ou deux pouces, dont la partie a b est juste & aisée, & de la grosseur du trou du calibre, & l'extrêmité b e juste de la grosseur du trou du charnon ; il faut que toutes ces parties soient bien au centre les unes des autres & sur un même axe, & que la face x y soit bien plane & bien perpendiculaire à l'axe ; on fait entrer ce bout dans le trou du charnon ; la face appuye sur l'épaisseur du charnon, & la fait sortir quand on frappe avec un marteau sur l'extrêmité du repoussoir.

REPOUSSOIR, en terme de Bijoutier, ce sont encore des especes de cizelets, qui servent à repousser pardessous les reliefs qu'on avoit enfoncés en les cizelant par-dessus.

REPOUSSOIR, est une espece de cheville de fer, qui est égale de grosseur dans toute sa longueur, qui n'a point de pointe & a une tête plate à un bout, comme un épaulement qui sert lorsqu'on a enfoncé les chevilles dans quelque trou, à les en faire sortir en frappant sur la tête avec le marteau. Voyez les fig. Pl. du Charpentier.

REPOUSSOIR, outil de gaînier, c'est un petit poinçon de la longueur de deux pouces, menu, emmanché d'un petit morceau de bois de la grosseur d'un pouce, & long à-peu-près de même ; la pointe du poinçon est creusée un peu en-dedans de la grosseur de la tête des petits cloux d'ornement ; ce repoussoir sert aux Gaîniers pour poser les derniers cloux en faisant entrer la tête dans le creux du poinçon, & posant la queue dans les trous qu'ils ont fait sur leurs ouvrages. Voyez les Pl. du Gaînier.

REPOUSSOIR, s. m. (Maréchal.) espece de gros clou, pour chasser & faire sortir les cloux du pié, lorsqu'on veut deferrer un cheval. Soleysel. (D.J.)

REPOUSSOIR, en Peinture, est une grande masse d'objets privés de lumiere, placée sur le devant d'un tableau, qui sert à repousser les autres objets, & les faire paroître fuyans.

Le repoussoir est un lieu commun de composition, dont les habiles gens ne font plus d'usage, à-moins qu'ils ne sachent si bien en prétexter la nécessité dans leur tableau, qu'on ne s'apperçoive pas que c'est un secours.


REPRENDREREPRIMANDER, (Synonymes) celui qui reprend ne fait qu'indiquer ou relever la faute ; celui qui reprimande prétend mortifier ou punir le coupable. Reprendre ne se dit guere que pour les fautes d'esprit & de langage. Reprimander ne convient qu'à l'égard des moeurs & de la conduite.

On peut reprendre plus habiles que soi. Il n'y a que les supérieurs qui soient en droit de reprimander. Beaucoup de gens par vanité se mêlent de reprendre ; quelques-uns s'avisent de reprimander sans nécessité & hors de propos. Il faut reprendre un auteur avec décence, avec honnêteté ; reprimander avec bonté, avec douceur, car une reprimande aigre sent le langage de la haine. (D.J.)

REPRENDRE, (Marine) on ajoute une manoeuvre ; c'est replier une manoeuvre ou y faire un amarrage.

REPRENDRE UN MUR, v. act. (Archit.) c'est réparer les fractions d'un mur dans sa hauteur, ou le refaire par sous oeuvre, petit-à-petit, avec peu d'étais & de chevalemens. (D.J.)

REPRENDRE, (Stéréotom.) c'est refaire une partie de voussoir qui excede l'étendue qu'elle doit avoir. Frezier. (D.J.)

REPRENDRE, en terme de Manege, c'est faire repartir le cheval après avoir fait un demi-arrêt. Voyez ARRET.

A-REPRENDRE, terme usité parmi les Tireurs-d'or, pour instruire ceux qui poussent le moulinet de largue que la corde est trop courte pour bien saisir le lingot, & qu'il faut la lâcher.


REPRÉSAILLESS. f. (Droit politiq.) on entend par représailles, cette espece de guerre imparfaite, ces actes d'hostilité que les souverains exercent les uns contre les autres.

On commet ces actes d'hostilité en arrêtant ou les personnes, ou les effets des sujets d'un état qui a commis envers nous quelque grande injustice qu'il refuse de réparer ; on regarde ce moyen comme propre à se procurer des suretés à cet égard, à engager l'ennemi à nous rendre justice ; & au cas qu'il persiste à nous la refuser, de nous la faire à nous-mêmes, l'état de paix subsistant quant au surplus.

Grotius prétend que les représailles ne sont point fondées sur un droit naturel & de nécessité, mais seulement sur une espece de droit des gens arbitraire, par lequel plusieurs nations sont convenues entr'elles, que les biens des sujets d'un état seroient comme hypothéqués, pour ce que l'état, ou le chef de l'état pourroit devoir, soit directement, & par eux-mêmes, soit en tant que faute de rendre bonne justice, ils seroient rendus responsables du fait d'autrui. Grotius paroît avoir bien jugé ; cependant on prétend généralement que le droit de représailles est une suite de la constitution des sociétés civiles, & une application des maximes du droit naturel à cette constitution : voici donc les raisons qu'on en apporte.

Dans l'indépendance de l'état de nature, & avant qu'il y eût aucun gouvernement, personne ne pouvoit s'en prendre qu'à ceux-là même de qui il avoit reçu du tort, ou à leurs complices, parce que personne n'avoit alors avec d'autres une liaison, en vertu de laquelle il pût être censé participer en quelque maniere à ce qu'ils faisoient, même sans sa participation.

Mais depuis qu'on eut formé des sociétés civiles, c'est-à-dire des corps dont tous les membres s'unissent ensemble pour leur défense commune, il a nécessairement résulté de-là une communauté d'intérêts & de volontés, qui fait que comme la société & les puissances qui la gouvernent, s'engagent à se défendre chacune contre les insultes de tout autre, soit citoyen, soit étranger, chacun aussi peut être censé s'être engagé à répondre de ce que fait ou doit faire la société dont il est membre, ou les puissances qui la gouvernent.

Aucun établissement humain, aucune liaison où l'on entre, ne sauroit dispenser de l'obligation de cette loi générale & inviolable de la nature, qui veut que le dommage qu'on a causé à autrui soit réparé, à-moins que ceux qui sont par-là exposés à souffrir, n'aient manifestement renoncé au droit d'exiger cette réparation ; & lorsque ces sortes d'établissemens empêchent à certains égards, que ceux qui ont été lésés ne puissent obtenir aussi aisément la satisfaction qui leur est dûe, qu'ils l'auroient fait sans cela ; il faut réparer cette difficulté en fournissant aux intéressés toutes les autres voies possibles, de se faire eux-mêmes raison.

Or il est certain que les sociétés, ou les puissances qui les gouvernent, étant armés des forces de tout le corps, sont quelquefois encouragés à se moquer impunément des étrangers qui viennent leur demander quelque chose qu'elles leur doivent, & que chaque sujet contribue, d'une maniere ou d'autre, à les mettre en état d'en user ainsi ; de-sorte que par-là il peut être censé y consentir en quelque sorte ; que s'il n'y consent pas en effet, il n'y a pas d'autre maniere de faciliter aux étrangers lésés la poursuite de leurs droits devenue difficile par la réunion des forces de tout le corps, que de les autoriser à s'en prendre à tous ceux qui en font partie.

On conclud de-là, que par une suite même de la constitution des sociétés civiles, chaque sujet demeurant tel, est responsable par rapport aux étrangers, de ce que fait ou doit faire la société, ou le souverain qui la gouverne, sauf à lui de demander un dédommagement, lorsqu'il y a de la faute ou de l'injustice de la part des supérieurs ; que si quelquefois on est frustré de ce dédommagement, il faut regarder cela comme un des inconvéniens que la constitution des affaires humaines rend inévitables dans tout établissement civil ; voici présentement les clauses qu'on met aux représailles.

Les représailles, dit-on, étant des actes d'hostilité, & qui dégénerent même souvent dans une guerre parfaite, il est évident qu'il n'y a que le souverain qui puisse les exercer légitimement, & que les sujets ne peuvent la faire que de son ordre & par son autorité.

D'ailleurs, il est absolument nécessaire que le tort ou l'injustice que l'on nous fait, & qui occasionne les représailles, soit manifeste & évident, & qu'il s'agisse de quelque intérêt des plus considérables. Si l'injustice est douteuse ou de peu de conséquence, il seroit injuste & périlleux d'en venir à cette extrêmité, & de s'exposer ainsi à tous les maux d'une guerre ouverte.

On ne doit pas non plus recourir aux réprésailles, avant que d'avoir tâché d'obtenir raison, par toutes les voies amicales possibles, du tort qui nous a été fait ; il faut s'adresser pour cela au magistrat de celui qui nous a fait injustice ; après cela si le magistrat ne nous écoute point, ou nous refuse satisfaction, on tâche de se la procurer par des représailles, bien entendu que l'intérêt de l'état le requiert. Il n'est permis d'en venir aux représailles, que lorsque tous les moyens ordinaires d'obtenir ce qui nous est dû, viennent à nous manquer ; en telle sorte, par exemple, que si un magistrat subalterne nous avoit refusé la justice que nous demandons, il ne nous seroit pas permis d'user de représailles avant que de nous être adressé au souverain de ce magistrat même, qui peut-être nous rendra justice.

Dans ces circonstances, on peut ou arrêter les sujets d'un état, si l'on arrête nos gens chez eux, ou saisir leurs biens & leurs effets ; mais quelque juste sujet qu'on ait d'user de représailles on ne peut jamais directement, pour cette seule raison, faire mourir ceux dont on s'est saisi, on doit seulement les garder sans les maltraiter, jusqu'à ce que l'on ait obtenu satisfaction ; de-sorte que pendant tout ce tems-là ils sont comme en otage.

Pour les biens saisis par droit de représailles, il faut en avoir soin jusqu'à ce que le tems auquel on doit nous faire satisfaction soit expiré, après quoi on peut les adjuger au créancier, ou les rendre pour l'acquit de la dette, en rendant à celui sur qui on les a pris ce qui reste, tous frais déduits.

On remarque enfin qu'il n'est permis d'user de représailles, qu'à l'égard des sujets proprement ainsi nommés, & de leurs biens ; car pour ce qui est des étrangers qui ne font que passer, ou qui viennent seulement demeurer quelque tems dans le pays, ils n'ont pas d'assez grandes liaisons avec l'état, dont ils ne sont membres qu'à tems, & d'une maniere imparfaite, pour que l'on puisse se dédommager sur eux du tort qu'on a reçu de quelque citoyen originaire & perpétuel, & du refus que le souverain a fait de nous rendre justice.

Il faut encore excepter les ambassadeurs, qui sont des personnes sacrées, même pendant une guerre pleine & entiere.

Malgré toutes ces belles restrictions, les principes sur lesquels on fonde les représailles révoltent mon ame ; ainsi je reste fermement convaincu que ce droit fictif de société, qui autorise un ennemi à sacrifier aux horreurs de l'exécution militaire des villes innocentes du délit prétendu qu'on impute à leur souverain, est un droit de politique barbare, & qui n'émana jamais du droit de la nature, qui abhorre de pareilles voies, & qui ne connoît que l'humanité & les secours mutuels. (D.J.)

REPRESAILLES, lettres de, (Droit polit.) ou lettres de marque ; ce sont des lettres qu'un souverain accorde à ses sujets, pour reprendre sur les biens de quelqu'un du parti ennemi, l'équivalent de ce qu'on leur a pris, & dont le prince ennemi n'aura pas voulu leur faire justice. Voyez REPRESAILLES. (D.J.)


REPRÉSENTANTS. m. (Jurisp.) est celui qui représente une personne du chef de laquelle il est héritier. Voyez REPRESENTATION. (A)

REPRESENTANS, (Droit politiq. hist. mod.) Les représentans d'une nation sont des citoyens choisis, qui dans un gouvernement tempéré sont chargés par la société de parler en son nom, de stipuler ses intérêts, d'empêcher qu'on ne l'opprime, de concourir à l'administration.

Dans un état despotique, le chef de la nation est tout, la nation n'est rien ; la volonté d'un seul fait la loi, la société n'est point représentée. Telle est la forme du gouvernement en Asie, dont les habitans soumis depuis un grand nombre de siecles à un esclavage héréditaire, n'ont point imaginé de moyens pour balancer un pouvoir énorme qui sans cesse les écrase. Il n'en fut pas de même en Europe, dont les habitans plus robustes, plus laborieux, plus belliqueux que les Asiatiques, sentirent de tout tems l'utilité & la nécessité qu'une nation fût représentée par quelques citoyens qui parlassent au nom de tous les autres, & qui s'opposassent aux entreprises d'un pouvoir qui devient souvent abusif lorsqu'il ne connoît aucun frein. Les citoyens choisis pour être les organes, ou les représentans de la nation, suivant les différens tems, les différentes conventions & les circonstances diverses, jouirent de prérogatives & de droits plus ou moins étendus. Telle est l'origine de ces assemblées connues sous le nom de dietes, d'états-généraux, de parlemens, de senats, qui presque dans tous les pays de l'Europe participerent à l'administration publique, approuverent ou rejetterent les propositions des souverains, & furent admis à concerter avec eux les mesures nécessaires au maintien de l'état.

Dans un état purement démocratique la nation, à proprement parler, n'est point représentée ; le peuple entier se réserve le droit de faire connoître ses volontés dans les assemblées générales, composées de tous les citoyens ; mais dès que le peuple a choisi des magistrats qu'il a rendus dépositaires de son autorité, ces magistrats deviennent ses représentans ; & suivant le plus ou le moins de pouvoir que le peuple s'est réservé, le gouvernement devient ou une aristocratie, ou demeure une démocratie.

Dans une monarchie absolue le souverain ou jouit, du consentement de son peuple, du droit d'être l'unique représentant de sa nation, ou bien, contre son gré, il s'arroge ce droit. Le souverain parle alors au nom de tous ; les lois qu'il fait sont, ou du moins sont censées l'expression des volontés de toute la nation qu'il représente.

Dans les monarchies tempérées, le souverain n'est dépositaire que de la puissance exécutrice, il ne représente sa nation qu'en cette partie, elle choisit d'autres représentans pour les autres branches de l'administration. C'est ainsi qu'en Angleterre la puissance exécutrice réside dans la personne du monarque, tandis que la puissance législative est partagée entre lui & le parlement, c'est-à-dire l'assemblée générale des différens ordres de la nation britannique, composée du clergé, de la noblesse & des communes ; ces dernieres sont représentées par un certain nombre de députés choisis par les villes, les bourgs & les provinces de la Grande-Bretagne. Par la constitution de ce pays, le parlement concourt avec le monarque à l'administration publique ; dès que ces deux puissances sont d'accord, la nation entiere est reputée avoir parlé, & leurs décisions deviennent des lois.

En Suede, le monarque gouverne conjointement avec un sénat, qui n'est lui-même que le représentant de la diete générale du royaume ; celle-ci est l'assemblée de tous les représentans de la nation suédoise.

La nation germanique, dont l'empereur est le chef, est représentée par la diete de l'Empire, c'est-à-dire par un corps composé de vassaux souverains, ou de princes tant ecclésiastiques que laïques, & de députés des villes libres, qui représentent toute la nation allemande. Voyez DIETE DE L'EMPIRE.

La nation françoise fut autrefois représentée par l'assemblée des états-généraux du royaume, composée du clergé & de la noblesse, auxquels par la suite des tems on associa le tiers-état, destiné à représenter le peuple. Ces assemblées nationales ont été discontinuées depuis l'année 1628.

Tacite nous montre les anciennes nations de la Germanie, quoique féroces, belliqueuses & barbares, comme jouissant toutes d'un gouvernement libre ou tempéré. Le roi, ou le chef, proposoit & persuadoit, sans avoir le pouvoir de contraindre la nation à plier sous ses volontés : Ubi rex, vel princeps, audiuntur autoritate suadendi magis quam jubendi potestate. Les grands délibéroient entr'eux des affaires peu importantes ; mais toute la nation étoit consultée sur les grandes affaires : de minoribus rebus principes consultant, de majoribus omnes. Ce sont ces peuples guerriers ainsi gouvernés, qui, sortis des forêts de la Germanie, conquirent les Gaules, l'Espagne, l'Angleterre, &c. & fonderent de nouveaux royaumes sur les débris de l'empire romain. Ils porterent avec eux la forme de leur gouvernement ; il fut par-tout militaire, la nation subjuguée disparut ; réduite en esclavage, elle n'eut point le droit de parler pour elle-même ; elle n'eut pour représentans que les soldats conquérans, qui après l'avoir soumise par les armes, se subrogerent en sa place.

Si l'on remonte à l'origine de tous nos gouvernemens modernes, on les trouvera fondés par des nations belliqueuses & sauvages, qui sorties d'un climat rigoureux, chercherent à s'emparer de contrées plus fertiles, formerent des établissemens sous un ciel plus favorable, & pillerent des nations riches & policées. Les anciens habitans de ces pays subjugués ne furent regardés par ces vainqueurs farouches, que comme un vil bétail que la victoire faisoit tomber dans leurs mains. Ainsi les premieres institutions de ces brigands heureux, ne furent pour l'ordinaire que des effets de la force accablant la foiblesse ; nous trouvons toujours leurs lois partiales pour les vainqueurs, & funestes aux vaincus. Voilà pourquoi dans toutes les monarchies modernes nous voyons partout les nobles, les grands, c'est-à-dire des guerriers, posséder les terres des anciens habitans, & se mettre en possession du droit exclusif de représenter les nations ; celles-ci avilies, écrasées, opprimées, n'eurent point la liberté de joindre leurs voix à celles de leurs superbes vainqueurs. Telle est sans doute la source de cette prétention de la noblesse, qui s'arrogea long-tems le droit de parler exclusivement à tous les autres au nom des nations ; elle continua toujours à regarder ses concitoyens comme des esclaves vaincus, même un grand nombre de siecles après une conquête à laquelle les successeurs de cette noblesse conquérante n'avoit point eu de part. Mais l'intérêt secondé par la force, se fait bientôt des droits ; l'habitude rend les nations complices de leur propre avilissement, & les peuples malgré les changemens survenus dans leurs circonstances, continuerent en beaucoup de pays à être uniquement représentés par une noblesse, qui se prévalut toujours contre eux de la violence primitive, exercée par des conquérans aux droits desquels elle prétendit succéder.

Les Barbares qui démembrerent l'empire romain en Europe étoient payens ; peu-à-peu ils furent éclairés des lumieres de l'Evangile, ils adopterent la religion des vaincus. Plongés eux-mêmes dans une ignorance qu'une vie guerriere & agitée contribuoit à entretenir, ils eurent besoin d'être guidés & retenus par des citoyens plus raisonnables qu'eux ; ils ne purent refuser leur vénération aux ministres de la religion, qui à des moeurs plus douces joignoient plus de lumieres & de science. Les monarques & les nobles jusqu'alors représentans uniques des nations, consentirent donc qu'on appellât aux assemblées nationales les ministres de l'Eglise. Les rois, fatigués sans doute eux-mêmes des entreprises continuelles d'une noblesse trop puissante pour être soumise, sentirent qu'il étoit de leur intérêt propre de contrebalancer le pouvoir de leurs vassaux indomptés, par celui des interpretes d'une religion respectée par les peuples. D'ailleurs le clergé devenu possesseur de grands biens, fut intéressé à l'administration publique, & dut à ce titre, avoir part aux délibérations.

Sous le gouvernement féodal, la noblesse & le clergé eurent longtems le droit exclusif de parler au nom de toute la nation, ou d'en être les uniques représentans. Le peuple composé des cultivateurs, des habitans des villes & des campagnes, des manufacturiers, en un mot, de la partie la plus nombreuse, la plus laborieuse, la plus utile de la société, ne fut point en droit de parler pour lui-même ; il fut forcé de recevoir sans murmurer les lois que quelques grands concerterent avec le souverain. Ainsi le peuple ne fut point écouté, il ne fut regardé que comme un vil amas de citoyens méprisables, indignes de joindre leurs voix à celles d'un petit nombre de seigneurs orgueilleux & ingrats, qui jouirent de leurs travaux sans s'imaginer leur rien devoir. Opprimer, piller, vexer impunément le peuple, sans que le chef de la nation pût y porter remede, telles furent les prérogatives de la noblesse, dans lesquelles elle fit consister la liberté. En effet, le gouvernement féodal ne nous montre que des souverains sans forces, & des peuples écrasés & avilis par une aristocratie, armée également contre le monarque & la nation. Ce ne fut que lorsque les rois eurent long-tems souffert des excès d'une noblesse altiere, & des entreprises d'un clergé trop riche & trop indépendant, qu'ils donnerent quelque influence à la nation dans les assemblées qui décidoient de son sort. Ainsi la voix du peuple fut enfin entendue, les lois prirent de la vigueur, les excès des grands furent reprimés, ils furent forcés d'être justes envers des citoyens jusque-là méprisés ; le corps de la nation fut ainsi opposé à une noblesse mutine & intraitable.

La nécessité des circonstances oblige les idées & les institutions politiques de changer ; les moeurs s'adoucissent, l'iniquité se nuit à elle-même ; les tyrans des peuples s'apperçoivent à la longue que leurs folies contrarient leurs propres intérêts ; le commerce & les manufactures deviennent des besoins pour les états, & demandent de la tranquillité ; les guerriers sont moins nécessaires ; les disettes & les famines fréquentes ont fait sentir à la fin le besoin d'une bonne culture, que troubloient les démélés sanglans de quelques brigands armés. L'on eut besoin de lois ; l'on respecta ceux qui en furent les interpretes, on les regarda comme les conservateurs de la sureté publique ; ainsi le magistrat dans un état bien constitué devint un homme considéré, & plus capable de prononcer sur les droits des peuples, que des nobles ignorans & dépourvus d'équité eux-mêmes, qui ne connoissoient d'autres droits que l'épée, ou qui vendoient la justice à leurs vassaux.

Ce n'est que par des degrés lents & imperceptibles que les gouvernemens prennent de l'assiette ; fondés d'abord par la force, ils ne peuvent pourtant se maintenir que par des lois équitables qui assurent les propriétés & les droits de chaque citoyen, & qui le mettent à couvert de l'oppression ; les hommes sont forcés à la fin de chercher dans l'équité, des remedes contre leurs propres fureurs. Si la formation des gouvernemens n'eût pas été pour l'ordinaire l'ouvrage de la violence & de la déraison, on eût senti qu'il ne peut y avoir de societé durable si les droits d'un chacun ne sont mis à l'abri de la puissance qui toujours veut abuser ; dans quelques mains que le pouvoir soit placé, il devient funeste s'il n'est contenu dans des bornes ; ni le souverain, ni aucun ordre de l'état ne peuvent exercer une autorité nuisible à la nation, s'il est vrai que tout gouvernement n'ait pour objet que le bien du peuple gouverné. La moindre réflexion eût donc suffi pour montrer qu'un monarque ne peut jouir d'une puissance véritable, s'il ne commande à des sujets heureux & réunis de volontés ; pour les rendre tels, il faut qu'il assure leurs possessions, qu'il les défende contre l'oppression, qu'il ne sacrifie jamais les intérêts de tous à ceux d'un petit nombre, & qu'il porte ses vues sur les besoins de tous les ordres dont son état est composé. Nul homme, quelles que soient ses lumieres, n'est capable sans conseils, sans secours, de gouverner une nation entiere ; nul ordre dans l'état ne peut avoir la capacité ou la volonté de connoître les besoins des autres ; ainsi le souverain impartial doit écouter les voix de tous ses sujets, il est également intéressé à les entendre & à remédier à leurs maux ; mais pour que les sujets s'expliquent sans tumulte, il convient qu'ils ayent des représentans, c'est-à-dire des citoyens plus éclairés que les autres, plus intéressés à la chose, que leurs possessions attachent à la patrie, que leur position mette à portée de sentir les besoins de l'état, les abus qui s'introduisent, & les remedes qu'il convient d'y porter.

Dans les états despotiques tels que la Turquie, la nation ne peut avoir de représentans ; on n'y voit point de noblesse, le despote n'a que des esclaves également vils à ses yeux ; il n'est point de justice, parce que la volonté du maître est l'unique loi ; le magistrat ne fait qu'exécuter ses ordres ; le commerce est opprimé, l'agriculture abandonnée, l'industrie anéantie, & personne ne songe à travailler, parce que personne n'est sûr de jouir du fruit de ses travaux ; la nation entiere réduite au silence, tombe dans l'inertie, ou ne s'explique que par des revoltes. Un sultan n'est soutenu que par une soldatesque effrenée, qui ne lui est elle-même soumise qu'autant qu'il lui permet de piller & d'opprimer le reste des sujets ; enfin souvent ses janissaires l'égorgent & disposent de son trône, sans que la nation s'intéresse à sa chûte ou désapprouve le changement.

Il est donc de l'intérêt du souverain que sa nation soit représentée ; sa sûreté propre en dépend ; l'affection des peuples est le plus ferme rempart contre les attentats des méchans ; mais comment le souverain peut-il se concilier l'affection de son peuple, s'il n'entre dans ses besoins, s'il ne lui procure les avantages qu'il desire, s'il ne le protege contre les entreprises des puissants, s'il ne cherche à soulager ses maux ? Si la nation n'est point représentée, comment son chef peut-il être instruit de ces miseres de détail que du haut de son trône il ne voit jamais que dans l'éloignement, & que la flatterie cherche toujours à lui cacher ? Comment, sans connoître les ressources & les forces de son pays, le monarque pourroit-il se garantir d'en abuser ? Une nation privée du droit de se faire représenter, est à la merci des imprudens qui l'oppriment ; elle se détache de ses maîtres, elle espere que tout changement rendra son sort plus doux ; elle est souvent exposée à devenir l'instrument des passions de tout factieux qui lui promettra de la secourir. Un peuple qui souffre s'attache par instinct à quiconque a le courage de parler pour elle ; il se choisit tacitement des protecteurs & des représentans, il approuve les réclamations que l'on fait en son nom ; est-il poussé à bout ? il choisit souvent pour interpretes des ambitieux & des fourbes qui le séduisent, en lui persuadant qu'ils prennent en main sa cause, & qui renversent l'état sous prétexte de le défendre. Les Guises en France, les Cromwels en Angleterre, & tant d'autres séditieux, qui sous pretexte du bien public jetterent leurs nations dans les plus affreuses convulsions, furent des représentans & des protecteurs de ce genre, également dangereux pour les souverains & les nations.

Pour maintenir le concert qui doit toujours subsister entre les souverains & leurs peuples, pour mettre les uns & les autres à couvert des attentats des mauvais citoyens, rien ne seroit plus avantageux qu'une constitution qui permettroit à chaque ordre de citoyens de se faire représenter, de parler dans les assemblées qui ont le bien général pour objet. Ces assemblées, pour être utiles & justes, devroient être composées de ceux que leurs possessions rendent citoyens, & que leur état & leurs lumieres mettent à portée de connoître les intérêts de la nation & les besoins des peuples ; en un mot c'est la propriété qui fait le citoyen ; tout homme qui possede dans l'état, est intéressé au bien de l'état, & quel que soit le rang que des conventions particulieres lui assignent, c'est toujours comme propriétaire, c'est en raison de ses possessions qu'il doit parler, ou qu'il acquiert le droit de se faire représenter.

Dans les nations européennes, le clergé, que les donations des souverains & des peuples ont rendu propriétaire de grands biens, & qui par-là forme un corps de citoyens opulens & puissans, semble dès-lors avoir un droit acquis de parler ou de se faire représenter dans les assemblées nationales ; d'ailleurs la confiance des peuples le met à portée de voir de près ses besoins & de connoître ses voeux.

Le noble, par les possessions qui lient son sort à celui de la patrie, a sans doute le droit de parler ; s'il n'avoit que des titres, il ne seroit qu'un homme distingué par les conventions ; s'il n'étoit que guerrier, sa voix seroit suspecte, son ambition & son intérêt plongeroient fréquemment la nation dans des guerres inutiles & nuisibles.

Le magistrat est citoyen en vertu de ses possessions ; mais ses fonctions en font un citoyen plus éclairé, à qui l'expérience fait connoître les avantages & les désavantages de la législation, les abus de la jurisprudence, les moyens d'y remédier. C'est la loi qui décide du bonheur des états.

Le commerce est aujourd'hui pour les états une source de force & de richesse ; le négociant s'enrichit en même tems que l'état qui favorise ses entreprises, il partage sans-cesse ses prospérités & ses revers ; il ne peut donc sans injustice être réduit au silence ; il est un citoyen utile & capable de donner ses avis dans les conseils d'une nation dont il augmente l'aisance & le pouvoir.

Enfin le cultivateur, c'est-à-dire tout citoyen qui possede des terres, dont les travaux contribuent aux besoins de la société, qui fournit à sa subsistance, sur qui tombent les impôts, doit être représenté ; personne n'est plus que lui intéressé au bien public ; la terre est la base physique & politique d'un état, c'est sur le possesseur de la terre que retombent directement ou indirectement tous les avantages & les maux des nations ; c'est en proportion de ses possessions, que la voix du citoyen doit avoir du poids dans les assemblées nationales.

Tels sont les différens ordres dans lesquels les nations modernes se trouvent partagées ; comme tous concourent à leur maniere au maintien de la république, tous doivent être écoutés ; la religion, la guerre, la justice, le commerce, l'agriculture, sont faits dans un état bien constitué pour se donner des secours mutuels ; le pouvoir souverain est destiné à tenir la balance entr'eux ; il empêchera qu'aucun ordre ne soit opprimé par un autre, ce qui arriveroit infailliblement si un ordre unique avoit le droit exclusif de stipuler pour tous.

Il n'est point, dit Edouard I, roi d'Angleterre, de regle plus équitable, que les choses qui intéressent tous, soient approuvées par tous, & que les dangers communs soient repoussés par des efforts communs. Si la constitution d'un état permettoit à un ordre de citoyens de parler pour tous les autres, il s'introduiroit bientôt une aristocratie sous laquelle les intérêts de la nation & du souverain seroient immolés à ceux de quelques hommes puissans, qui deviendroient immanquablement les tyrans du monarque & du peuple. Telle fut, comme on a vu, l'état de presque toutes les nations européennes sous le gouvernement féodal, c'est-à-dire, durant cette anarchie systématique des nobles, qui lierent les mains des rois pour exercer impunément la licence sous le nom de liberté ; tel est encore aujourd'hui le gouvernement de la Pologne, où sous des rois trop foibles pour protéger les peuples, ceux-ci sont à la merci d'une noblesse fougueuse, qui ne met des entraves à la puissance souveraine que pour pouvoir impunément tyranniser la nation. Enfin tel sera toujours le sort d'un état dans lequel un ordre d'hommes devenu trop puissant, voudra représenter tous les autres.

Le noble ou le guerrier, le prêtre ou le magistrat, le commerçant, le manufacturier & le cultivateur, sont des hommes également nécessaires ; chacun d'eux sert à sa maniere la grande famille dont il est membre ; tous sont enfans de l'état, le souverain doit entrer dans leurs besoins divers ; mais pour les connoître il faut qu'ils puissent se faire entendre, & pour se faire entendre sans tumulte, il faut que chaque classe ait le droit de choisir ses organes ou ses représentans ; pour que ceux-ci expriment le voeu de la nation, il faut que leurs intérêts soient indivisiblement unis aux siens par le lien des possessions. Comment un noble nourri dans les combats, connoîtroit-il les intérêts d'une religion dont souvent il n'est que foiblement instruit, d'un commerce qu'il méprise, d'une agriculture qu'il dédaigne, d'une jurisprudence dont il n'a point d'idées ? Comment un magistrat, occupé du soin pénible de rendre la justice au peuple, de sonder les profondeurs de la jurisprudence, de se garantir des embuches de la ruse, & de démêler les pieges de la chicane, pourroit-il décider des affaires relatives à la guerre, utiles au commerce, aux manufactures, à l'agriculture ? Comment un clergé, dont l'attention est absorbée par des études & par des soins qui ont le ciel pour objet, pourroit-il juger de ce qui est le plus convenable à la navigation, à la guerre, à la jurisprudence ?

Un état n'est heureux, & son souverain n'est puissant, que lorsque tous les ordres de l'état se prêtent réciproquement la main : pour opérer un effet si salutaire, les chefs de la societé politique sont intéressés à maintenir entre les différentes classes de citoyens, un juste équilibre, qui empêche chacune d'entr'elles d'empiéter sur les autres. Toute autorité trop grande, mise entre les mains de quelques membres de la societé, s'établit aux dépens de la sûreté & du bien-être de tous ; les passions des hommes les mettent sans-cesse aux prises ; ce conflict ne sert qu'à leur donner de l'activité ; il ne nuit à l'état que lorsque la puissance souveraine oublie de tenir la balance, pour empêcher qu'une force n'entraîne toutes les autres. La voix d'une noblesse remuante, ambitieuse, qui ne respire que la guerre, doit être contrebalancée par celle d'autres citoyens, aux vues desquels la paix est bien plus nécessaire ; si les guerriers décidoient seuls du sort des empires, ils seroient perpétuellement en feu, & la nation succomberoit même sous le poids de ses propres succès ; les lois seroient forcées de se taire, les terres demeureroient incultes, les campagnes seroient dépeuplées, en un mot on verroit renaître ces miseres qui pendant tant de siecles ont accompagné la licence des nobles sous le gouvernement féodal. Un commerce prépondérant feroit peut-être trop négliger la guerre ; l'état, pour s'enrichir, ne s'occuperoit point assez du soin de sa sûreté, ou peut-être l'avidité le plongeroit-il souvent dans des guerres qui frustreroient ses propres vues. Il n'est point dans un état d'objet indifférent & qui ne demande des hommes qui s'en occupent exclusivement ; nul ordre de citoyens n'est capable de stipuler pour tous ; s'il en avoit le droit, bientôt il ne stipuleroit que pour lui-même ; chaque classe doit être représentée par des hommes qui connoissent son état & ses besoins ; ces besoins ne sont bien connus que de ceux qui les sentent.

Les représentans supposent des constituans de qui leur pouvoir est émané, auxquels ils sont par conséquent subordonnés & dont ils ne sont que les organes. Quels que soient les usages ou les abus que le tems a pu introduire dans les gouvernemens libres & tempérés, un représentant ne peut s'arroger le droit de faire parler à ses constituans un langage opposé à leurs intérêts ; les droits des constituans sont les droits de la nation, ils sont imprescriptibles & inaliénables ; pour peu que l'on consulte la raison, elle prouvera que les constituans peuvent en tout tems démentir, désavouer & révoquer les représentans qui les trahissent, qui abusent de leurs pleins pouvoirs contre eux-mêmes, ou qui renoncent pour eux à des droits inhérens à leur essence ; en un mot, les représentans d'un peuple libre ne peuvent point lui imposer un joug qui détruiroit sa félicité ; nul homme n'acquiert le droit d'en représenter un autre malgré lui.

L'expérience nous montre que dans les pays qui se flattent de jouir de la plus grande liberté, ceux qui sont chargés de représenter les peuples, ne trahissent que trop souvent leurs intérêts, & livrent leurs constituans à l'avidité de ceux qui veulent les dépouiller. Une nation a raison de se défier de semblables représentans & de limiter leurs pouvoirs ; un ambitieux, un homme avide de richesses, un prodigue, un débauché, ne sont point faits pour représenter leurs concitoyens ; ils les vendront pour des titres, des honneurs, des emplois, & de l'argent, ils se croiront intéressés à leurs maux. Que sera-ce si ce commerce infâme semble s'autoriser par la conduite des constituans qui seront eux-mêmes vénaux ? Que sera-ce si ces constituans choisissent leurs représentans dans le tumulte & dans l'ivresse, ou, si négligeant la vertu, les lumieres, les talens, ils ne donnent qu'au plus offrant le droit de stipuler leurs intérêts ? De pareils constituans invitent à les trahir ; ils perdent le droit de s'en plaindre, & leurs représentans leur fermeront la bouche en leur disant : je vous ai acheté bien chérement, & je vous vendrai le plus chérement que je pourrai.

Nul ordre de citoyens ne doit jouir pour toujours du droit de représenter la nation, il faut que de nouvelles élections rappellent aux représentans que c'est d'elle qu'ils tiennent leur pouvoir. Un corps dont les membres jouiroient sans interruption du droit de représenter l'état, en deviendroit bientôt le maître ou le tyran.


REPRÉSENTATIONS. f. image, peinture de quelque chose qui sert à en rappeller l'idée. Représentation en ce sens signifie la même chose que tableau, statue, estampe, &c.

REPRESENTATION d'une piece de théâtre, c'est le récit d'un poëme dramatique sur un théâtre public, avec tous les accompagnemens qui y sont nécessaires, tels que le geste, le chant, les instrumens, les machines. Voyez SCENE, MACHINE, RECITATION, &c.

On dit d'une comédie ou d'une tragédie nouvelle, qu'elle a eu vingt ou trente représentations. Souvent une piece tombe dès la premiere représentation.

M. Richard Steele, & d'autres avec lui, tiennent pour maxime qu'une comédie ou tragédie n'est pas faite pour être lûe, mais pour être représentée ; qu'ainsi c'est au théâtre qu'il en faut juger, & non quand elle sort de dessous la presse, & que le véritable juge d'une piece c'est le parterre, & non pas tout le public. Voyez THEATRE, TRAGEDIE, &c.

REPRESENTATION, (Jurisprud.) en matiere de succession, est lorsque quelqu'un succede au lieu & place de son pere, qui est décédé avant que la succession fût ouverte.

Elle differe de la transmission en ce que pour transmettre une succession il faut y avoir eu un droit acquis, & avoir été héritier ; au lieu que le représentant succede au lieu du représenté, quoique celui-ci n'ait point été héritier.

La représentation a lieu principalement dans les successions ab intestat ; néanmoins en matiere de fideicommis conditionnels, au défaut de la transmission on a coutume d'appeller au secours la représentation, pourvu qu'il n'y ait aucun terme dans le testament qui marque une intention contraire.

Elle a pareillement lieu pour le douaire & pour la legitime, & pour la présentation à un bénéfice. Quelques coutumes l'admettent aussi pour le retrait qui est accordé au lignager plus prochain.

On ne représente point un homme vivant : ainsi les enfans de celui qui a renoncé à la succession ne peuvent venir par représentation, quand ils seroient en même degré que ceux qui sont héritiers.

On peut représenter une personne décédée, sans se porter son héritier.

La représentation a son effet, quoique le représenté fût incapable de succéder, parce que c'est moins la personne même que l'on représente que le degré.

L'effet de la représentation est, 1°. d'empêcher que le plus proche en degré n'exclue le plus éloigné ; 2°. qu'au lieu de partager par têtes, on partage par souches.

En ligne directe, la représentation a lieu à l'infini.

Il faut seulement observer qu'à l'égard des ascendans la représentation n'a d'autre effet que d'opérer le partage par souches.

La représentation en collatérale n'avoit pas lieu suivant l'ancien droit romain ; elle ne fut admise que par la novelle 118.

La plûpart de nos coutumes l'admettent au premier degré seulement pour la collatérale, comme Paris & autres semblables ; d'autres l'étendent plus loin : quelques-unes même l'admettent à l'infini ; d'autres enfin excluent toute représentation en collatérale, & quelques-unes la rejettent aussi en directe.

Pour la succession des fiefs en directe, la femelle représente le mâle, même pour les prérogatives d'aînesse. Quelques coutumes refusent néanmoins le droit d'aînesse à la fille qui représente son pere.

En collatérale, le mâle exclud absolument la femelle de la succession des fiefs, ainsi il n'y a point de représentation. Voyez le traité des successions de Lebrun, celui de la représentation par Guiné, & les mots HERITIER, SUCCESSION, TRANSMISSION, REPRESENTANT. (A)


REPRÉSENTERv. act. (Gramm.) c'est rendre présent par une action, par une image, &c. Cette glace représente fidelement les objets ; il est bien représenté sur cette toile ; ce phénomene est représenté fortement dans cette description ; la représentation de cette piece a été faite à étonner ; il représente avec beaucoup de dignité ; la pompe de son entrée représentoit toute la puissance de son souverain. C'est une fonction aussi périlleuse qu'inutile, que de représenter leurs devoirs aux grands. Pour enlever l'admiration des hommes, il faut se représenter à soi-même & aux autres les choses grandes en grand. Allez, mais soyez prêt à vous représenter au premier signe. Les rois représentent Dieu sur la terre.


REPRÊTERv. act. (Gramm.) c'est prêter derechef. Voyez PRET & PRETER.


REPRIERv. act. (Gramm.) c'est prier une seconde fois. Voyez PRIER & PRIERES.


RÉPRIMANDERv. act. (Gramm.) c'est châtier par des paroles celui qui a commis une action repréhensible. On réprimande ses enfans de leurs étourderies. La réprimande de la justice est flétrissante.


RÉPRIMERv. act. (Gramm.) c'est arrêter l'effet ou le progrès. Les calmans répriment la chaleur du sang ; réprimez l'impétuosité de votre caractere. Il y a des hommes dont aucune disgrace n'a pu réprimer l'orgueil ; réprimer ou négliger le murmure du soldat.


REPRISES. f. (Jurisp.) a différentes significations. Reprise d'instance est lorsqu'un héritier ou autre successeur à titre universel, reprend une contestation qui étoit pendante avec le défunt.

Cette reprise se fait par un acte que l'on passe au greffe, dans lequel on déclare que l'on reprend l'instance, offrant de procéder suivant les derniers erremens.

Un cessionnaire ou autre successeur à titre singulier, ne peut pas régulierement reprendre l'instance au lieu de celui dont il a les droits ; il ne peut qu'intervenir, & son cédant doit toujours rester partie, quand ce ne seroit que pour faire prononcer avec lui sur les frais.

On reprend quelquefois une cause, instance ou procès dans lequel on étoit déja partie, lorsque dans le cours du procès on acquiert quelque nouvelle qualité en laquelle on doit procéder : par exemple, une fille majeure qui procédoit en cette qualité, si elle se marie, doit reprendre avec son mari, comme femme mariée ; & si ensuite elle devient veuve, elle doit encore reprendre en cette qualité. Voyez CAUSE, INSTANCE, PROCES, PROCEDURE, HERITIER, VEUVE, CESSIONNAIRE.

REPRISE, en fait de compte, est ce que le comptable a droit de reprendre sur la dépense. Les comptes ont ordinairement trois sortes de chapitres ; ceux de recette, ceux de dépense, & ceux de reprise. Pour l'ordre du comptant, le rendant se charge en recette de certaines sommes, quoiqu'il ne les ait pas reçues, ou qu'il n'en ait reçu qu'une partie ; & dans le chapitre de reprise il fait déduction de ce qu'il n'a pas reçu, c'est ce qu'on appelle reprise. Voyez COMPTE.

REPRISE de fief, est la prise de possession d'un fief que fait l'héritier du vassal qui est décédé, laquelle possession il reçoit du seigneur en faisant la foi & hommage, & lui payant ses droits, s'il en est dû. Cette prise de possession s'appelle reprise de fief, parce qu'anciennement les fiefs n'étant concédés par les seigneurs que pour la vie du vassal, l'héritier qui vouloit reprendre le fief que tenoit le défunt, ne le pouvoit faire sans en être investi par le seigneur.

On a aussi appellé fief de reprise ceux qui ne procédoient pas originairement de la concession des seigneurs, mais qui étoient des aleux, & qui ayant été cédés par les propriétaires à des seigneurs, ont été aussi-tôt repris d'eux pour être tenus à foi & hommage. Voyez le mot FIEF.

REPRISES, au pluriel, signifie ce que la femme a droit de reprendre sur les biens de son mari. On joint ordinairement les termes de reprises & conventions matrimoniales ; les reprises & les conventions ne sont pourtant pas absolument la même chose, & il semble que le terme de reprises a une application plus particuliere aux biens que la femme a apportés, & qu'elle a droit de reprendre, soit en nature ou en argent, comme la dot en général, & singulierement les deniers stipulés les propres réels, & les remplois des propres aliénés, & que sous le terme de conventions matrimoniales, on entend plus volontiers ce que la femme a droit de prendre en vertu du contrat, comme son préciput, sa part de la communauté, son douaire & autres avantages qui peuvent lui avoir été faits par le contrat : néanmoins dans l'usage on comprend souvent le tout sous le terme de reprises, ou sous celui de conventions matrimoniales.

La femme a hypotheque pour ses reprises, du jour du contrat de mariage. On peut aussi comprendre sous le terme de reprises, la faculté qui est stipulée par le contrat de mariage en faveur de la femme & de ses enfans, ou autres héritiers, de renoncer à la communauté, & en ce faisant, de reprendre franchement & quittement tout ce qu'elle a apporté en communauté. Voyez COMMUNAUTE, DOT, DOUAIRE, FEMME, PRECIPUT, RENONCIATION A LA COMMUNAUTE, PROPRES.

REPRISE, (Comm.) dans un état de compte, se dit d'articles à déduire sur ceux employés en recette.

Il se dit proprement des deniers comptés & non reçus. La reprise est la troisieme partie d'un compte ; la recette & la dépense sont les deux premieres. Voyez COMPTE.

REPRISE, en termes de commerce de mer, signifie un vaisseau ou navire marchand qu'un corsaire ou armateur ennemi avoit d'abord pris, & qui ensuite a été repris par un bâtiment du parti contraire. Voyez RECOUSSE, Dict. de Comm.

REPRISE, s. f. est en Musique le nom qu'on donne à chacune des parties d'un air qui se répetent deux fois. C'est en ce sens que l'on dit que la premiere reprise d'une ouverture est grave, & la seconde gaie. Quelquefois on n'entend par reprise que la seconde partie d'un air. On dit ainsi que la reprise d'un tel menuet ne vaut rien du tout. Enfin, reprise est encore chacune des parties d'un rondeau, qui souvent en a trois, dont on ne répete que la premiere.

Dans les notes, on appelle reprise un caractere qui marque qu'on doit répéter la partie de l'air qui le précede, ce qui évite la peine de la noter deux fois. En ce sens il y a deux reprises ; la grande & la petite. La grande reprise se figure à l'italienne par une double barre renfermée entre trois lignes, avec deux points au-dehors de chaque côté, voyez les Pl. de Musiq. ou à la françoise, par deux lignes perpendiculaires un peu plus écartées, tirées à-travers toute la portée, entre lesquelles on insere un point dans chaque espace, voy. aussi les Pl. mais cette seconde maniere s'abolit peu-à-peu ; car ne pouvant imiter tout-à-fait la musique italienne, nous en imitons dumoins les mots & les figures.

Cette reprise ainsi figurée avec des points à droite & à gauche, marque ordinairement qu'il faut recommencer deux fois tant la partie qui la précede que celle qui la suit ; c'est pourquoi on la trouve ordinairement vers le milieu des menuets, passe-piés, gavottes, &c. Il y en a qui veulent que lorsque la reprise a seulement des points du côté gauche, voy. les fig. c'est pour la répétition de ce qui précede, & que lorsqu'elle a des points du côté droit, voy. les fig. c'est la répétition de ce qui suit. Il seroit du-moins à souhaiter que cette convention fût tout-à-fait établie, car elle me paroît fort commode.

La petite reprise est lorsqu'après une grande reprise, on recommence encore quelques-unes des dernieres mesures pour finir. Il n'y a point de signe particulier pour la petite reprise, mais on se sert ordinairement de quelque signe de renvoi, figuré au-dessus de la portée. Voyez RENVOI.

Il faut remarquer que ceux qui notent correctement ont toujours soin que la derniere note d'une reprise se rapporte exactement pour la mesure, & à celle qui commence cette reprise, & à celle qui commence la reprise qui suit, quand il y en a une. Que si le rapport de ces notes n'est pas assez clair pour la liaison de la mesure, après la note qui termine une reprise, on ajoute deux ou trois notes de ce qui doit être commencé jusqu'à ce qu'on ait une mesure ou une demi-mesure complete . Et comme à la fin d'une premiere partie on a premierement la même partie à reprendre, puis la seconde partie à commencer, & que cela ne se fait pas toujours dans des tems ou parties de tems semblables, on est quelquefois obligé de noter deux fois la finale de la premiere reprise ; l'une avant le signe de reprise avec les premieres notes de la premiere partie ; l'autre après le même signe pour commencer la seconde partie ; alors on tire un demi-cercle depuis cette premiere finale jusqu'à sa répétition, pour marquer qu'à la seconde fois il faut passer comme nul tout ce qui est enfermé par ce demi-cercle. Voyez les fig. (S)

REPRISE, estocade de, (Escrime) est une ou plusieurs bottes qu'on détache à l'ennemi, en feignant de se remettre en garde.

REPRISE, s. f. (Archit.) c'est toute sorte de refection de mur, pilier, &c. faite par sous-oeuvre, qui doit se rapporter en son milieu d'épaisseur, l'empatement étant égal de part & d'autre, ou dans son pourtour. Daviler. (D.J.)

REPRISE, s. f. (Hidraul.) on dit que l'eau va par reprise, lorsque élevée dans une machine hydraulique, elle se rend dans un puisart ou dans une bâche d'où une autre pompe l'éleve encore plus haut. C'est aussi dans le cours d'une conduite, l'eau qui sort d'un regard pour reprendre sa route dans une autre pierrée.

REPRISE, REPRENDRE, (Jardinage) se dit quand au printems on voit des jeunes plants pousser vigoureusement, & on attend à la seconde seve pour être sûr de leur reprise.

REPRISE, au Manege, est l'espace de tems pendant lequel l'académiste fait travailler son cheval devant l'écuyer. Chaque écolier monte ordinairement trois chevaux, & fait trois reprises sur chaque cheval.

REPRISE D'ESSAI, à la monnoie, est un nouvel essai de l'espece que l'essayeur général & l'essayeur particulier ont trouvé hors du remede.

Pour y parvenir, le conseiller qui est dépositaire du reste de cette espece, en fait couper un morceau qu'il remet entre les mains de l'essayeur général, qui en fait l'essai en présence de l'essayeur particulier. Le conseiller fait ensuite son procès-verbal de cette reprise. Voyez ESSAI.

REPRISE, on dit en Fauconnerie, voler à la reprise.

REPRISE, (terme de Lansquenet) c'est une carte que l'on donne à celui qui a perdu la premiere, afin qu'il ait lieu de réparer sa perte. (D.J.)


REPRISERv. act. (Gramm.) priser une seconde fois. Voyez les articles PRISEE & PRISER.


REPROBATIONS. f. en Théologie, signifie l'exclusion de la vie éternelle, & la destination aux supplices de l'enfer pour un certain nombre d'hommes que Dieu ne tire pas de la masse de perdition. Elle est opposée à la prédestination. V. PREDESTINATION.

On distingue deux sortes de reprobation, l'une qu'on nomme négative, & l'autre qu'on appelle positive. La reprobation négative est la non-élection à l'immortalité glorieuse, ou l'exclusion du royaume des cieux. La reprobation positive est la destination & la condamnation aux peines de l'enfer.

Il est important sur cette matiere, comme sur l'article de la prédestination, de discerner précisément ce qui est de foi d'avec ce qui est abandonné à la dispute des écoles. Il est donc décidé, comme de foi parmi les Catholiques, 1°. qu'il y a une reprobation, c'est-à-dire qu'il se trouve en Dieu un decret absolu, non-seulement d'exclure de la gloire quelques unes de ses créatures, mais encore de les condamner au feu éternel. Ce qu'on prouve par S. Matth. c. xxv. v. 23. & 41. & par l'épître aux Rom. chap. jx. v. 22.

2°. Que le nombre des reprouvés est beaucoup plus grand que celui des élus. Matth. c. vij. v. 14. xx. v. 16.

3°. Que le nombre des reprouvés est fixe & immuable, qu'il ne peut ni augmenter, ni diminuer. Cette vérité est une suite nécessaire de la fixation du nombre des prédestinés qu'on reconnoît être invariable. S. Aug. lib. de corrept. & grat. c. xiij.

4°. Que le decret de la reprobation n'impose pas aux reprouvés la nécessité de pécher, qu'il ne les porte point au crime, & qu'ils ne deviennent prévaricateurs que par un choix très-libre de leur volonté. II. conc. d'Orang. can. 25.

5°. Qu'il est faux que la reprobation exclue les reprouvés de toute communication de grace, ou, ce qui est la même chose, qu'aucun des reprouvés ne reçoive dans le tems, ni le don de la foi, ni le secours de la grace actuelle pour pratiquer la vertu, ni la grace de la justification. Conc. de Trent. session vj. can. 17.

6°. Que la reprobation positive qui n'est autre chose que la préparation des peines éternelles, & la destination au feu de l'enfer, suppose nécessairement & indispensablement la prévision de quelque péché mortel, accompagné de l'impénitence finale. S. Aug. oper. imperf. liv. III. c. xviij. & liv. IV. c. xxv.

7°. Que la reprobation positive des mauvais anges a eu pour fondement la prévision des péchés mortels qu'ils devoient commettre, & dont ils ne devoient jamais se repentir. Que celle des enfans qui meurent sans baptême, a pour source & pour principe la prévision du péché originel qu'ils devoient contracter en Adam, & qui ne devoit jamais leur être remis. Que celles des payens est fondée non-seulement sur la prévision du péché originel qui ne devoit point être effacé en eux, mais encore sur la prévision des péchés actuels qu'ils devoient commettre sans en faire pénitence. Enfin que celle des fideles ne prend sa source que dans la prévision des péchés actuels qu'ils devoient commettre, & dans lesquels ils devoient mourir.

Mais on dispute vivement dans les écoles savoir si la reprobation négative est un acte réel, positif & absolu en Dieu, par lequel il ait arrêté de ne point admettre toutes ses créatures dans le royaume des cieux, ou si c'est une simple suspension ou négation d'acte. La plûpart des théologiens, & en particulier les Thomistes, tiennent pour le premier sentiment.

On demande encore quelle est la cause ou le fondement de la reprobation négative tant des anges que des hommes.

Les Thomistes répondent que la reprobation négative des anges n'a eu pour fondement que le bon plaisir de Dieu, & qu'elle est antérieure à la prévision de leur chute. 2°. Que Dieu n'a point eu égard aux péchés actuels des hommes lorsqu'il a resolu de ne point donner la gloire à quelques-uns d'entr'eux, & qu'il n'a trouvé qu'en lui-même les motifs de ce refus.

Les défenseurs de la science moyenne soutiennent que tant à l'égard des anges qu'à l'égard des hommes, Dieu ayant prévu ce que les uns & les autres feroient de bien & de mal dans tous les ordres possibles des choses, & ayant choisi par préférence & de sa seule volonté l'ordre dans lequel il les a constitués, leur reprobation négative est antérieure à leurs démérites, & dépend uniquement de la volonté de Dieu.

Ceux qu'on appelle Augustiniens, disent que dans l'état d'innocence Dieu n'a exclu personne de la gloire, que conséquemment à la prévision de leurs péchés actuels, & que depuis la chûte d'Adam, la reprobation négative suppose la prévision non-seulement des péchés actuels, mais encore celle du péché originel, comme cause éloignée de cette reprobation. Sentiment qui peut être vrai, tant à l'égard des enfans qui meurent sans baptême, qu'à l'égard des infideles, mais qui n'est point applicable aux adultes, en qui le péché originel a été entierement effacé par le baptême. D'ailleurs il semble approcher du sentiment de Jansénius sur cette matiere, & paroît directement contraire à la doctrine du concile de Trente sur le péché originel. sess. v.

Calvin a avancé que la reprobation tant positive que négative dépendoit uniquement du bon plaisir de Dieu, & qu'antécédemment à toute prévision de péché, il avoit destiné un certain nombre de ses créatures raisonnables aux supplices éternels. Doctrine impie & cruelle, qui n'a presque plus aujourd'hui de partisans même parmi les Calvinistes. On trouve aussi quelque chose de semblable dans les trente-neuf articles de l'église anglicane ; mais depuis elle a généralement abandonné cette opinion, comme injurieuse à Dieu. Voyez CALVINISTE.


REPROCHABLEadj. (Jurisprud.) se dit d'un témoin contre lequel on a des sujets de reproches à proposer. Voyez REPROCHE.


REPROCHES. m. REPROCHER, verb. act. (Gramm.) il se dit du blâme amer que nous encourons par une mauvaise action qu'on ne devoit pas attendre de nous. Le reproche est fait pour les ingrats. Si l'on échappe aux reproches des autres, on n'échappe point à celui de sa conscience. Chaque état a son reproche.

REPROCHES, (Jurisprud.) sont les moyens ou raisons que l'on propose contre des témoins entendus dans une enquête ou dans une information, pour empêcher que le juge n'ajoute foi à leur déposition, soit en matiere civile ou criminelle ; comme quand on oppose que les témoins sont proches parens de la partie adverse, ou qu'ils sont ses amis, ou ses domestiques ; qu'ils sont ennemis capitaux de celui contre lequel ils ont déposé ; que ce sont gens de mauvaises moeurs, déja repris de justice & corrompus par argent.

En matiere civile, les reproches se proposent par un dire.

Ils doivent être pertinens & circonstanciés, autrement on n'en doit pas admettre la preuve ; & si la preuve en ayant été admise, ils ne sont pas prouvés, on n'y a point d'égard. Les faits sont même réputés calomnieux, s'ils ne sont justifiés avant le jugement du procès.

Celui qui a fait faire l'enquête, peut fournir de réponse par écrit aux reproches ; cette réponse doit être signée de lui ou de son procureur, en vertu d'une procuration ad hoc ; & la réponse doit être signifiée à l'autre partie.

Les juges ne doivent point appointer les parties à informer sur les faits contenus dans les reproches & dans les réponses, à-moins que les reproches ne paroissent pertinens & admissibles.

Les reproches doivent être jugés avant le fonds ; & s'ils se trouvent fondés, la déposition des témoins qui ont été valablement reprochés, ne doit pas être lue.

Dans les procès criminels, si l'accusé a des reproches à fournir contre les témoins, il le doit faire lors de la confrontation, & le juge doit l'avertir qu'il n'y sera plus reçu, après avoir oui la lecture de la déposition. Néanmoins les reproches sont entendus en tout état de cause, quand ils sont prouvés par écrit.

Quand l'accusé propose quelque reproche, le greffier le rédige par écrit, & la réponse du témoin.

Les reproches fournis par un des accusés servent aux autres, quoiqu'ils n'en aient pas proposé, à-moins qu'ils ne soient en contumace, parce que le refus qu'ils font d'obéir à justice, les fait déchoir du bénéfice de toutes exceptions.

Il en est de même de l'accusé, qui après avoir subi la confrontation, s'évade des prisons ; car sa fuite fait une présomption contre lui, qui est telle que l'on ne lit pas les reproches par lui proposés.

Celui qui a fait entendre des témoins à sa requête, ne peut pas les reprocher dans une autre affaire où ils déposent contre lui, à-moins qu'il ne prouve que depuis son enquête, ils sont devenus ses ennemis, ou qu'ils ont été convaincus de crime, ou corrompus par argent. Voyez le tit. 23. de l'ordonnance de 1667, & les notes de Bronier, Despeisses, Papon, Louet & Brodeau ; les mots ENQUETE, INFORMATION, & le mot TEMOIN. (A)


REPRODUCTIONS. f. REPRODUIRE, v. act. (Gramm. & Hist. nat.) est l'action par laquelle une chose est produite de nouveau, ou pousse une seconde fois. Voyez REGENERATION.

Quand on coupe tout près du tronc les branches d'un chêne, d'un arbre à fruit, ou autres semblables, le tronc reproduit une infinité de jeunes pousses. Voyez TIGE ou POUSSE.

Par reproduction on entend ordinairement la restauration d'une chose qui existoit précédemment, & qui a été détruite depuis. Voyez RESTAURATION.

La reproduction des membres des écrevisses de mer & d'eau douce est un des phénomenes des plus curieux dans l'histoire naturelle. Cette formation d'une nouvelle partie toute semblable à celle qui a été coupée, ne quadre point du tout avec le systême moderne sur la génération, par lequel on suppose que l'animal est entierement formé dans l'oeuf. Voyez GENERATION & OEUF.

C'est cependant une vérité de fait attestée par les pêcheurs, & même par plusieurs savans qui s'en sont assurés par leurs propres yeux ; entr'autres par MM. de Réaumur & Perrault, dont on connoît assez la capacité & l'exactitude dans ces matieres, pour s'en rapporter à eux.

Les jambes des écrevisses de mer ou d'eau douce ont chacune cinq articulations. Or, s'il arrive que quelqu'une de leurs jambes se rompent par quelque accident, comme en marchant, ou autrement, ce qui est fréquent, la fracture se trouve toujours à la suture prochaine de la quatrieme articulation ; & la partie qu'elles ont perdue se trouve reproduite quelque tems après ; c'est-à-dire qu'il repousse un bout de jambe composé de quatre articulations, dont la premiere est fendue en deux par le bout, comme étoit la jambe qui est perdue ; ensorte que la perte se trouve entierement réparée.

Si on rompt à dessein la jambe d'une écrevisse à la cinquieme ou à la quatrieme articulation, la portion qui a été retranchée se trouve toujours au bout d'un tems remplacée par une autre. Mais il n'en arrive pas de même, si la fracture a été faite à la premiere, la seconde ou la troisieme articulation ; car alors il n'arrive guere que la reproduction se fasse, si les choses restent dans l'état où elles sont. Mais ce qui est fort étonnant, c'est qu'elles ne restent pas dans le même état ; car au bout de deux ou trois jours, si on visite les écrevisses à qui cette mutilation est arrivée, on leur trouvera de plus les autres articulations retranchées jusqu'à la quatrieme : & il y a apparence qu'elles se sont fait elles-mêmes cette opération, pour rendre la reproduction de leur jambe plus certaine.

La partie reproduite, non-seulement est configurée comme celle qui a été retranchée, mais elle est même au bout de quelque tems tout aussi grosse. C'est ce qui fait qu'on voit souvent des écrevisses qui ont deux jambes de différente grosseur, mais proportionnées dans toutes leurs parties. On peut juger à coup sûr que la plus petite est une jambe reproduite.

Si la partie reproduite est encore rompue, il se fait une seconde reproduction.

L'été qui est la seule saison de l'année où les écrevisses mangent, est le tems le plus favorable pour la reproduction de leurs membres. Elle se fait alors en quatre ou cinq semaines ; au-lieu que dans d'autres saisons, elle ne se fait qu'en huit ou neuf mois. Leurs petites jambes se reproduisent aussi, mais plus rarement & plus lentement que les grosses. Les cornes se reproduisent de même. V. mem. de l'acad. royal. des Sc. an. 1712, p. 295. & hist. de la même année, p. 45. & année 1718, p. 31. Voyez aussi YEUX D'ECREVISSES.


REPROMETTREv. act. (Gram.) promettre une seconde fois. Voyez PROMETTRE & PROMESSE.


REPROUVERv. act. (Gram.) prouver derechef. Voyez PREUVE & PROUVER.


RÉPROUVER(Critiq. sacrée) c'est rejetter une chose ou une personne dont on s'étoit d'abord servi ; la pierre que les architectes ont réprouvée (reprobaverant), est devenue la principale pierre de l'angle. Matt. xxj. 42. Cette pierre angulaire est J. C. Réprouver veut dire encore juger mal de quelqu'un, le condamner ; ainsi les réprouvés, dans l'Ecriture, sont les méchans, les impénitens que Dieu condamne. (D.J.)


REPTILESdans l'Histoire naturelle, est le nom de certains animaux ainsi dénommés, parce qu'ils rampent & marchent sur le ventre ; ou bien les reptiles sont une sorte d'animaux & d'insectes, qui au lieu de marcher avec des piés, portent sur une partie de leur corps, tandis que le reste s'avance ou s'élance en-devant. Voyez ANIMAL, INSECTE, &c.

Ce mot est formé du mot latin repo, ramper. Tels sont les vers de terre, les chenilles, les serpens, &c. Il est pourtant vrai que la plûpart des reptiles ont des piés. Seulement ils les ont petits, & les jambes courtes, à proportion de la grosseur de leur corps. Voyez PIE & JAMBE.

Les observateurs naturalistes ont fait une infinité de découvertes admirables sur la motion des reptiles. Ainsi le ver de terre en particulier, à ce que nous apprend M. Willis, a tout le corps entouré d'un bout à l'autre, de muscles annulaires ; ou, comme s'exprime M. Derham, le corps du ver de terre n'est d'un bout à l'autre, à sa surface extérieure, qu'un muscle spiral continu, dont les fibres orbiculaires, en se contractant, rendent chaque anneau plus étroit & plus long qu'auparavant ; au moyen de quoi, semblable à une tariere, il perce la terre pour s'y faire un passage. La motion de ce reptile peut encore être comparée à un fil de fer roulé en spirale sur un cylindre, dont un des bouts, si on le lâche, va se rapprocher de l'autre qui est arrêté & tenu ferme. Car de même le ver-à-soie, après qu'il a allongé ou étendu son corps, se replie sur lui-même, en s'appuyant sur les petits piés qu'il a : ces piés sont au ver ce qu'est au fil de fer roulé en spirale, le bout par où il est arrêté ; c'est son point d'appui. Ils sont rangés de quatre en quatre tout le long de son corps ; & il s'en sert comme de crochets, pour attacher sur un plan, tantôt une partie de son corps, tantôt une autre ; c'est en même tems pour pousser en avant sa partie antérieure, en l'allongeant, & amener sa partie postérieure en la contractant.

Le serpent rampe un peu différemment ; aussi la structure de son corps est-elle différente ; car il a le long du corps une enfilade d'os qui sont tous articulés les uns avec les autres. Son corps ne rentre pas en lui-même, mais il forme des circonvolutions. Tandis qu'une partie de son corps porte à terre, il en élance une autre en avant, laquelle à son tour se posant sur la terre, oblige le reste du corps de suivre. L'épine de son dos, différemment torse, fait le même effet, lorsqu'il saute, que les jointures des piés dans les autres animaux ; car ce qui les fait sauter, sont les muscles de leur dos qui s'étendent & se développent.

Il y a un préjugé assez général sur la plûpart de ces animaux : c'est que coupés par pieces, ils reprennent ; il est sûr que les parties séparées conservent du mouvement & de la vie long-tems après la séparation ; que leur organisation est beaucoup plus simple que celle de la plûpart des autres animaux ; qu'ils n'en satisfont pas moins bien aux deux grandes fonctions de l'animalité, la conservation & la reproduction, & qu'à les examiner de près, on est porté à croire que la sensibilité est une propriété générale de la matiere.

Reptile se dit aussi abusivement des plantes & des fruits qui rampent à terre, ou qui se marient à d'autres plantes, n'ayant pas des tiges assez fortes pour les soutenir : telles sont les concombres, les melons : telles sont aussi la vigne, le lierre, &c.


RÉPUBLICAINS. m. (Gram.) citoyen d'une république. Il se dit aussi d'un homme passionné pour cette sorte de gouvernement. Voyez l'article suivant.


RÉPUBLIQUES. f. (Gouvern. polit.) forme de gouvernement, dans lequel le peuple en corps ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance. Reipublicae forma laudari faciliùs quàm evenire, & si evenit, haud diuturna esse potest, dit Tacite, annal. 4.

Lorsque dans la république le peuple en corps a la souveraine puissance, c'est une démocratie. Lorsque la souveraine puissance est entre les mains d'une partie du peuple, c'est une aristocratie. Voyez DEMOCRATIE, ARISTOCRATIE.

Lorsque plusieurs corps politiques se réunissent ensemble pour devenir citoyens d'un état plus grand qu'ils veulent former, c'est une république fédérative. Voyez REPUBLIQUE FEDERATIVE.

Les républiques anciennes les plus célebres sont la république d'Athènes, celle de Lacédémone, & la république romaine. Voyez LACEDEMONE, REPUBLIQUE d'Athènes, PUBLIQUE romaineaine.

Je dois remarquer ici que les anciens ne connoissoient point le gouvernement fondé sur un corps de noblesse, & encore moins le gouvernement fondé sur un corps législatif formé par les représentans d'une nation. Les républiques de Grece & d'Italie étoient des villes qui avoient chacune leur gouvernement, & qui assembloient leurs citoyens dans leurs murailles. Avant que les Romains eussent englouti toutes les républiques, il n'y avoit presque point de roi nulle part, en Italie, Gaule, Espagne, Allemagne ; tout cela étoit de petits peuples ou de petites républiques. L'Afrique même étoit soumise à une grande : l'Asie mineure étoit occupée par les colonies grecques. Il n'y avoit donc point d'exemple de députés de villes, ni d'assemblées d'états ; il falloit aller jusqu'en Perse pour trouver le gouvernement d'un seul.

Dans les meilleures républiques grecques, les richesses y étoient aussi à charge que la pauvreté ; car les riches étoient obligés d'employer leur argent en fêtes, en sacrifices, en choeurs de musique, en chars, en chevaux pour la course, en magistratures, qui seules formoient le respect & la considération.

Les républiques modernes sont connues de tout le monde ; on sait quelle est leur force, leur puissance & leur liberté. Dans les républiques d'Italie, par exemple, les peuples y sont moins libres que dans les monarchies. Aussi le gouvernement a-t-il besoin, pour se maintenir, de moyens aussi violens que le gouvernement des Turcs ; témoins les inquisiteurs d'état à Venise, & le tronc où tout délateur peut à tous momens jetter avec un billet son accusation. Voyez quelle peut être la situation d'un citoyen dans ces républiques. Le même corps de magistrature a, comme exécuteur des lois, toute la puissance qu'il s'est donnée comme législateur. Il peut ravager l'état par ses volontés générales ; & comme il a encore la puissance de juger, il peut détruire chaque citoyen par ses volontés particulieres. Toute la puissance y est une, & quoiqu'il n'y ait point de pompe extérieure qui découvre un prince despotique, on le sent à chaque instant. A Genève on ne sent que le bonheur & la liberté.

Il est de la nature d'une république qu'elle n'ait qu'un petit territoire ; sans cela elle ne peut guere subsister. Dans une grande république il y a de grandes fortunes, & par conséquent peu de modération dans les esprits : il y a de trop grands dépôts à mettre entre les mains d'un citoyen ; les intérêts se particularisent : un homme sent d'abord qu'il peut être heureux, grand, glorieux, sans sa patrie ; & bientôt, qu'il peut être seul grand sur les ruines de sa patrie.

Dans une grande république le bien commun est sacrifié à mille considérations : il est subordonné à des exceptions : il dépend des accidens. Dans une petite, le bien public est mieux senti, mieux connu, plus près de chaque citoyen : les abus y sont moins étendus, & par conséquent moins protégés.

Ce qui fit subsister si long-tems Lacédémone, c'est qu'après toutes ses guerres, elle resta toujours avec son territoire ; le seul but de Lacédémone étoit la liberté : le seul avantage de sa liberté, c'étoit la gloire.

Ce fut l'esprit des républiques grecques de se contenter de leurs terres, comme de leurs lois. Athènes prit de l'ambition, & en donna à Lacédémone ; mais ce fut plutôt pour commander à des peuples libres, que pour gouverner des esclaves : plutôt pour être à la tête de l'union que pour la rompre. Tout fut perdu, lorsqu'une monarchie s'éleva ! gouvernement dont l'esprit est tourné vers l'aggrandissement.

Il est certain que la tyrannie d'un prince ne met pas un état plus près de sa ruine, que l'indifférence pour le bien commun y met une république. L'avantage d'un état libre est qu'il n'y a point de favoris. Mais quand cela n'est pas, & qu'au lieu des amis & des parens du prince, il faut faire la fortune des amis & des parens de tous ceux qui ont part au gouvernement, tout est perdu. Les lois sont éludées plus dangereusement qu'elles ne sont violées par un prince, qui étant toujours le plus grand citoyen de l'état, a le plus d'intérêt à sa conservation. Esprit des lois. (D.J.)

REPUBLIQUE D'ATHENES, (Gouvern. athénien) le lecteur doit permettre qu'on s'étende dans cet ouvrage sur les républiques d'Athènes, de Rome & de Lacédémone, parce que par leur constitution elles se sont élevées au-dessus de tous les empires du monde.

Il n'est pas surprenant que les Athéniens, ainsi que beaucoup d'autres peuples, ayent porté la gloire de leur origine jusqu'à la chimere, & qu'ils se soient dits enfans de la terre ; cependant il est assez vraisemblable, au jugement de quelques historiens, qu'ils descendoient d'une colonie de Saïtes, peuples d'Egypte. Ils furent d'abord sous la puissance des rois, & ensuite ils élurent pour les gouverner, des magistrats perpétuels qu'ils nommerent archontes. La magistrature perpétuelle ayant encore paru à ce peuple amoureux de l'indépendance, une image trop vive de la royauté, il rendit les archontes décennaux, & finalement annuels. Ensuite, comme on ne s'accordoit point, ni sur la religion, ni sur le gouvernement, & que les factions renaissoient sans-cesse, ils reçurent de Dracon ces lois célebres qu'on disoit avoir été écrites avec du sang, à cause de leur excessive rigueur. Aussi furent-elles supprimées vingt-quatre ans après par Solon qui en donna de plus douces & de plus convenables aux moeurs athéniennes.

Les sages lois de ce grand législateur établirent une pure démocratie, que Pisistrate rompit en usurpant la souveraineté d'Athènes, qu'il laissa à ses fils Hipparque & Hippias. Le premier fut tué ; & le second ayant pris la fuite, se joignit aux Perses, que les Athéniens commandés par Miltiade défirent à Marathon.

On sait combien ils contribuerent aux victoires de Mycale, de Platée & de Salamine. Ces victoires éleverent Athènes au plus haut point de splendeur où elle ait jamais été sous un corps de république. Elle tint aussi dans la Grece, le premier rang pendant l'espace de 70 ans. Ce fut dans cet intervalle que parurent ses plus grands capitaines, ses plus célebres philosophes, ses premiers orateurs, & ses plus habiles artistes.

Elle étoit en possession de combattre pour la prééminence & pour la gloire. Elle seule sacrifia plus d'hommes & plus d'argent à l'avantage commun des Grecs, que nul autre peuple de la terre n'en sacrifia jamais à ses avantages particuliers. Tant qu'elle fut florissante, elle aima mieux affronter de glorieux hazards, que de jouir d'une honteuse sûreté. On la vit peuplée d'ambassadeurs qui venoient de toutes parts réclamer sa protection, & qui la nommoient le commun asyle des nations. L'art de bien dire devint son partage, & elle n'eut point de maître pour la finesse & la délicatesse du goût.

Mais comme les richesses & les beaux arts menent à la corruption, Athènes se corrompit fort promtement, & marcha à grands pas à sa ruine. On ne sauroit croire combien elle étoit déchue de ses anciennes moeurs du tems d'Eschines & de Démosthènes. Il n'y avoit déja plus chez les Athéniens d'amour pour la patrie, & l'on ne voyoit que désordres dans leurs assemblées & dans les actions juridiques. Ayant perdu contre Philippe la bataille de Chéronée, elle fut obligée de plier sous la puissance de ce roi de Macédoine, & sous celle de son fils Alexandre.

Elle se releva néanmoins de la tyrannie de Démétrius par la valeur d'Olympiodore. La vaillance de ses habitans reprit alors ses premieres forces, & fit sentir aux Gaulois la puissance de leurs armes. L'athénien Calippus empêcha le passage des Thermopyles à la nombreuse armée de Brennus, & la contraignit d'aller se répandre ailleurs. Il est vrai que ce fut là le dernier triomphe d'Athènes. Aristion, l'un de ses capitaines, qui s'en étoit fait le tyran, ne put défendre cette ville contre les Romains. Sylla prit Athènes, & l'abandonna au pillage. Le pirée fut détruit, & n'a point été rétabli depuis.

Après le sac de Sylla, Athènes eût été pour toujours un affreux désert, si le savoir de ses philosophes n'y eût encore attiré une multitude de gens avides de profiter de leurs lumieres. Pompée lui-même discontinua la poursuite des pyrates pour s'y rendre, & le peuple par reconnoissance combattit en sa faveur à la bataille de Pharsale. Cependant César fit gloire de lui pardonner après sa victoire, & dit ce beau mot " je devrois punir les Athéniens d'aujourd'hui, mais c'est au mérite des morts que j'accorde la grace aux vivans ".

Auguste laissa aux Athéniens leurs anciennes lois, & ne leur ôta que quelques îles qui leur avoient été données par Antoine. L'empereur Adrien se fit gloire d'être le restaurateur de ses plus beaux édifices, & d'y remettre en usage les lois de Solon. Son inclination pour Athènes passa à Antoninus Pius son successeur, qui la transmit à Verus. L'empereur Valérien en fit aussi rétablir les murailles ; mais cet avantage ne put empêcher que sous l'empire de Claude, successeur de Galien, elle ne fût ravagée par les Scythes. Enfin 140 ans après sous l'empire d'Honorius, elle fut prise par Alaric, à la sollicitation de Stilicon.

Tout le monde sait les nouvelles vicissitudes qu'elle éprouva depuis. Du tems de la fureur des croisades, elle devint la proie du premier occupant, François, Aragonois, Florentins, &c. mais les Francs se virent forcés de l'abandonner en 1455, aux armes victorieuses de Mahomet II. le plus redoutable des empereurs ottomans.

Depuis cette fatale époque, les Turcs en sont restés les maîtres, & ont bâti des mosquées sur les ruines des temples des dieux. Les janissaires foulent aux piés les cendres des orateurs Ephialtès, Isocrate & Lycurgue, les tombeaux d'Hippolite fils de Thésée, de Miltiade, de Thémistocle, de Cimon, de Thucydide, &c. Le palais d'Adrien leur sert de cimetiere ; la place céramique où étoit un autel dédié à la Miséricorde, est leur bazar. Le quartier du cady étoit celui d'Eschines, rival de Démosthene : les enfans de ce quartier y commençoient à parler plus tôt qu'ailleurs. Le palais de Thémistocle étoit dans ce quartier. Epicure & Phocion y demeuroient. Il y avoit aussi trois superbes temples élevés en l'honneur des grands hommes. L'église archiépiscopale des Grecs étoit le temple de Vulcain décrit par Pausanias. Je renvoye le lecteur au même historien pour la description de toutes les autres merveilles de cette ville célebre ; mais je dois dire quelque chose de son gouvernement.

Athènes ayant été composée par Solon de dix tribus, on nomma par chaque tribu six vingt citoyens des plus riches pour fournir à la dépense des armemens : ce qui formoit le nombre de douze cent hommes divisés en vingt classes. Chacune de ces vingt classes étoit composée de soixante hommes, & subdivisée en cinq parties dont chacune étoit de douze hommes.

Solon établit que l'on nommeroit par choix à tous les emplois militaires, & que les sénateurs & les juges seroient élus par le sort. Il voulut aussi que l'on donnât par choix les magistratures civiles, qui exigeoient une grande dépense, & que les autres fussent données par le sort. Mais pour corriger le sort, il régla qu'on ne pourroit élire que dans le nombre de ceux qui se présenteroient ; que celui qui auroit été élu, seroit examiné par des juges ; & que chacun pourroit l'accuser d'en être indigne ; cela tenoit en même tems du sort & du choix.

Cependant si l'on pouvoit douter de la capacité naturelle qu'a le peuple pour discerner le mérite, il n'y auroit qu'à jetter les yeux sur cette suite continuelle de choix étonnans que firent les Athéniens & les Romains, ce qu'on n'attribuera pas sans-doute au hazard. On sait qu'à Rome, quoique le peuple se fût donné le droit d'élever aux charges les plébéïens, il ne pouvoit se résoudre à les élire ; & quoiqu'à Athènes on pût par la loi d'Aristide tirer les magistrats de toutes les classes, il n'arriva jamais, dit Xénophon, que le bas-peuple demandât celles qui pouvoient intéresser son salut ou sa gloire.

Les divers genres de magistrats de la république d'Athènes se peuvent réduire à trois classes ; 1°. de ceux qui choisis dans certaines occasions par une tribu d'Athènes, ou par une bourgade de l'Attique, étoient chargés de quelque emploi particulier, sans droit de jurisdiction ; 2°. de ceux qui étoient tirés au sort par les Thesmotetes, dans le temple de Thésée, tels étoient les Archontes ; le peuple désignoit les candidats entre lesquels le sort devoit décider ; 3°. de ceux que sur la proposition des Thesmotetes, le peuple assemblé élisoit à la pluralité des voix dans le pnyce ; ces deux dernieres especes de magistrats étoient obligés à rendre des comptes ; mais ceux qui étoient choisis par une tribu ou par une bourgade, & qui composoient le bas étage de la magistrature, n'étoient pas comptables.

Les trois symboles de la grande magistrature étoient une baguette, une petite tablette, & une certaine marque qu'on donnoit aux juges, lorsqu'ils alloient au tribunal, & qu'ils rendoient en sortant.

La splendeur d'Athènes l'avoit mise en possession de voir des souverains qui faisoient gloire d'obtenir chez elle le droit de bourgeoisie. Les fils d'Ajax l'acheterent au prix de la principauté qu'ils avoient dans l'île d'Egine. Vers le commencement de la guerre du Péloponnèse, le fils de Sitalce, puissant roi de Thrace, n'acquit ce droit de bourgeoisie que par un article d'un traité de son pere avec les Athéniens. Enfin Cotys, autre roi de Thrace, & son fils Chersoblopte l'obtinrent à leur tour. On ne peut donc s'empêcher d'avoir grande idée d'une ville dont les rois même briguoient le rang de citoyen, pour pouvoir voter dans les assemblées publiques.

Quelques jours avant qu'on les tînt, on affichoit un placard qui instruisoit chaque citoyen de la matiere qu'on devoit agiter. Comme on refusoit d'admettre dans l'assemblée les citoyens qui n'avoient pas atteint l'âge nécessaire pour y entrer, aussi forçoit-on les autres d'y venir sous peine d'amende. On écrivoit sur un registre le nom de tous les citoyens, à qui la loi accordoit voix délibérative. Ils l'avoient tous après l'âge de puberté, à-moins que quelque vice capital ne les en privât. Tels étoient les mauvais fils, les poltrons déclarés, les brutaux qui s'emportoient dans la débauche jusqu'à oublier leur sexe, les prodigues & les débiteurs du fisc.

Le peuple, par l'avis duquel tout se décidoit, s'assembloit de grand matin pour déliberer tantôt dans la place publique, tantôt dans le pnyce, c'est-à-dire le lieu plein, ainsi nommé à cause du grand nombre de sieges qu'il contenoit ou des hommes qui s'empressoient de les remplir ; mais le plus souvent l'assemblée se tenoit au théâtre de Bacchus, dont on reconnoît encore la vaste étendue par les démolitions qui en restent.

Les dix tribus élisoient par an chacune au sort cinquante sénateurs, qui composoient le sénat de cinq cent. Chaque tribu tour-à-tour avoit la préséance, & la cédoit successivement aux autres. Les cinquante sénateurs en fonction se nommoient prytanes, le lieu où ils s'assembloient prytanée, & le tems de leurs exercices ou la prytanie duroit trente-cinq jours. Pendant les trente-cinq jours, dix des cinquante prytanes présidoient par semaine sous le nom de proëdres ; & celui des proëdres qui dans le cours de la semaine étoit en jour de présider s'appelloit épistate. On ne pouvoit l'être qu'une fois en sa vie, de peur qu'on ne prît trop de goût à commander. Les sénateurs des autres tribus ne laissoient pas toujours d'opiner, selon le rang que le sort leur avoit donné ; mais les prytanes convoquoient l'assemblée, les proëdres en exposoient le sujet, l'épistate demandoit les avis.

On distinguoit deux sortes d'assemblées, les unes ordinaires & les autres extraordinaires. Des premieres que les prytanes seuls avoient droit de convoquer, il y en avoit quatre durant chaque prytanie en des jours & sur des sujets marqués. Les dernieres se convoquoient tantôt par les prytanes, tantôt par les généraux, & n'avoient de sujet ni de jour, qu'autant que les occasions leur en donnoient. On négligeoit quelquefois les formalités à l'approche d'un péril manifeste. Diodore, liv. XVI. rapporte que le peuple d'Athènes, à la nouvelle irruption de Philippe, s'attroupa au théâtre sans attendre, selon la coutume, l'ordre du magistrat.

On ouvroit l'assemblée par un sacrifice & par une imprécation. L'on sacrifioit à Cérès un jeune porc, pour purifier le lieu que l'on arrosoit du sang de la victime. L'imprécation mêlée aux voeux se faisoit en ces termes : " Périsse maudit des dieux avec sa race, quiconque agira, parlera ou pensera contre la république ". La cérémonie achevée, les proëdres exposoient au peuple pourquoi ou l'assembloit ; ils lui rapportoient l'avis du sénat des cinq cent, c'est-à-dire des cinquante sénateurs tirés de chaque tribu, & demandoient la ratification, la réforme ou l'improbation de cet avis. Si le peuple ne se sentoit pas en disposition de l'approuver sur l'heure, un héraut commis par l'épistate s'écrioit à haute voix : " Quel citoyen au-dessus de cinquante ans veut parler " ? Le plus ancien orateur montoit alors dans la tribune, lieu élevé d'où l'on pouvoit mieux se faire entendre.

Après qu'il avoit parlé, s'il se trouvoit six mille citoyens dans l'assemblée, ils formoient le decret en opinant de la main. On le dressoit après avoir recueilli les suffrages, & on l'intituloit du nom de l'orateur ou du sénateur dont l'opinion avoit prévalu. On mettoit avant tout la date, dans laquelle on faisoit entrer premierement le nom de l'archonte, ensuite le jour du mois, enfin le nom de la tribu qui étoit en tour de présider ; voici la formule d'une de ces dates, qui suffira pour faire juger de toutes les autres : " Sous l'archonte Mnésiphile, le trentieme jour du mois Hécatombeon, la tribu de Pandion étant en tour de présider.... ".

Dans les causes criminelles, les juges prononçoient deux fois ; d'abord ils jugeoient le fond de la cause, & ensuite ils établissoient la peine. Sur le premier jugement, ils ne faisoient que déclarer s'ils condamnoient l'accusé, ou s'ils le renvoyoient absous ; que si la pluralité des voix étoit pour la condamnation, alors, au cas que le crime ne fût pas capital, on obligeoit le coupable à déclarer lui-même la peine qu'il avoit méritée. Après cela suivoit un second jugement des magistrats, qui proportionnoient eux-mêmes la peine au crime. Les Athéniens avoient une loi qui leur prescrivoit en termes formels de garder cet ordre dans les condamnations : " Que les juges, disoit cette loi, proposent au coupable différentes peines, que le coupable s'en impose une, & qu'enfin les juges prononcent sur la peine qu'il s'est imposée ". Si le coupable usoit d'indulgence envers lui-même, les juges se chargeoient du soin d'établir par la séverité une plus exacte compensation. Cicéron fait mention de cet usage ; dans le premier livre de l'orateur il parle de Socrate en ces termes : " Ce grand homme fut aussi condamné, non-seulement quant au fond de la cause, mais aussi quant au genre de la peine, car c'étoit une coutume à Athènes que dans les causes qui n'étoient pas capitales, on demandoit au coupable quelle peine il croyoit avoir méritée ; comme donc on eut fait cette demande à Socrate, il répondit qu'il croyoit avoir mérité qu'on lui décernât les plus grandes récompenses, & qu'on le nourrît dans le prytanée aux dépens de la république, ce qui dans la Grece passoit pour le comble de l'honneur ". Cette réponse de Socrate irrita tellement les juges, qu'en sa personne ils condamnerent à mort le plus vertueux de tous les Grecs.

Dans les affaires politiques, les Athéniens ne voyoient, n'entendoient, ne se décidoient que par les passions de leurs orateurs. Le plus habile disposoit de tout emploi militaire ou politique. Arbitre de la guerre ou de la paix, il armoit ou désarmoit le peuple à son gré. Il ne faut donc pas s'étonner que dans un état où la science de la persuasion jouissoit d'un privilege si flatteur, on la cultivât avec tant de soin, & que chacun à l'envi consacrât ses veilles à perfectionner en soi le souverain art de la parole.

Athènes fut la premiere des villes grecques qui récompensa par des couronnes ceux de ses sujets qui avoient rendu quelque service important à l'état. Ces couronnes n'étoient d'abord que de deux petites branches d'olivier entrelacées, & c'étoient les plus honorables ; dans la suite, on les fit d'or, & on les avilit. La premiere couronne d'olivier que les Athéniens décernerent fut à Périclès. Une pareille coutume étoit très-louable, soit qu'on la considere en elle-même, soit qu'on la regarde par rapport au grand homme pour qui elle fut établie ; car d'une part les récompenses glorieuses sont les plus efficaces de toutes pour exciter les hommes à la vertu ; & d'un autre côté, Périclès méritoit bien qu'un si bel usage prît commencement en sa personne.

Il faut encore distinguer les couronnes que la république donnoit à ses citoyens, des couronnes étrangeres qu'ils recevoient. La loi d'Athènes ordonnoit à l'égard des premieres qu'on les distribuât dans l'assemblée du sénat, lorsque c'étoit le sénat qui les avoit décernées, & dans l'assemblée du peuple lorsqu'elles avoient été accordées par le peuple. La loi permettoit pourtant quelquefois de les distribuer sur le théatre, ou qu'on les proclamât en plein théatre. Celui qui recevoit une de ces couronnes l'emportoit dans sa maison ; & c'étoit un monument domestique qui perpétuoit à jamais le souvenir de ses services. Au commencement on ne donnoit que rarement de ces couronnes honorables ; on les prodiguoit du tems de Démosthene par habitude, par coutume, par brigue, sans choix & sans discernement.

On appelloit couronnes étrangeres les couronnes que les peuples étrangers envoyoient par reconnoissance à quelque citoyen d'Athènes ; ces peuples néanmoins n'en pouvoient envoyer qu'après en avoir obtenu la permission par une ambassade. On ne distribuoit ces sortes de couronnes que sur le théatre, & jamais dans l'assemblée du sénat ou du peuple. Ceux à qui elles étoient envoyées ne pouvoient pas les emporter dans leurs maisons ; ils étoient obligés de les déposer dans le temple de Minerve où elles restoient consacrées ; c'étoit, dit Eschine, afin que personne dans l'ardeur de plaire aux étrangers préférablement à sa patrie, ne se corrompe & ne se pervertisse.

Les revenus d'Athènes montoient du tems de Démosthene à 400 talens, c'est-à-dire 82 mille 500 livres sterlings, en estimant le talent, comme le D. Bernard, à 206 livres sterlings 5 schellings. Elle entretenoit une trentaine de mille hommes à pié, & quelques mille de cavalerie ; c'est avec ce petit nombre de troupes que remplie de projets de gloire, elle augmentoit la jalousie, au lieu d'augmenter l'influence.

D'ailleurs elle ne fit point ce grand commerce que lui promettoit le travail de ses mines, la multitude de ses esclaves, le nombre de ses gens de mer, son autorité sur les villes grecques ; & plus que tout cela, les belles institutions de Solon, son négoce maritime fut presque borné à la Grece & au Pont-Euxin, d'où elle tiroit sa subsistance. " Athènes, dit Xénophon, a l'empire de la mer ; mais comme l'Attique tient à la terre, les ennemis la ravagent tandis qu'elle fait ses expéditions au loin. Les principaux laissent détruire leurs terres, & mettent leur bien en sûreté dans quelque île. La populace qui n'a point de terres, vit sans aucune inquiétude. Mais si les Athéniens habitoient une île & avoient outre cela l'empire de la mer, ils auroient le pouvoir de nuire aux autres sans qu'on pût leur nuire, tandis qu'ils seroient les maîtres de la mer ". Vous diriez que Xénophon a voulu parler de l'Angleterre.

Athènes tomba dès qu'elle abandonna ses principes. Cette ville qui avoit résisté à tant de défaites, qu'on avoit vu renaître après ses destructions, fut vaincue à Chéronée, & le fut pour toujours. Qu'importoit que Philippe leur renvoyât tous les prisonniers, il ne renvoyoit que des hommes perdus par la corruption. Enfin l'amour des Athéniens pour les jeux, les plaisirs & les amusemens du théatre succédant à l'amour de la patrie, hâta les progrès rapides de Philippe & la chûte d'Athènes, suivant l'opinion d'un élégant historien romain. Voici comme Justin, liv. VI. s'exprime à ce sujet, & ses paroles sont dignes de terminer cet article.

" Le même jour mourut avec Epaminondas, capitaine thébain, toute la valeur des Athéniens. La mort d'un ennemi qui tenoit à toute heure leur émulation éveillée, assoupit leur courage & les plongea dans la mollesse. On prodigue aussi-tôt en jeux & en fêtes le fond des armemens de terre & de mer. Tout exercice militaire cesse, le peuple s'adonne aux spectacles ; le théatre dégoûte du camp ; on ne considere, on n'estime plus les grands capitaines ; on n'applaudit, on ne défere qu'aux poëtes & aux agréables déclamateurs. Le citoyen oisif partage les finances destinées à nourrir le matelot & le soldat. Ainsi s'éleva la monarchie de Macédoine sur un tas de républiques grecques, & le débris de leur gloire fit un grand nom à des barbares ". (D.J.)

REPUBLIQUE ROMAINE, (Gouvern. de Rome) tout le monde sait par coeur l'histoire de cette république. Portons nos regards avec M. de Montesquieu sur les causes de sa grandeur & de sa décadence, & traçons ici le précis de ses admirables réflexions sur un si beau sujet.

A peine Rome commençoit à exister, qu'on commençoit déja à bâtir la ville éternelle ; sa grandeur parut bientôt dans ses édifices publics ; les ouvrages qui ont donné & qui donnent encore aujourd'hui la plus haute idée de sa puissance ont été faits sous ses rois. Denys d'Halicarnasse n'a pu s'empêcher de marquer son étonnement sur les égouts faits par Tarquin, & ces égouts subsistent encore.

Romulus & ses successeurs furent presque toujours en guerre avec leurs voisins, pour avoir des citoyens, des femmes ou des terres : ils revenoient dans la ville avec les dépouilles des peuples vaincus ; c'étoient des gerbes de blé & des troupeaux ; ce pillage y causoit une grande joie. Voilà l'origine des triomphes, qui furent dans la suite la principale cause de la grandeur où cette ville parvint.

Rome accrut beaucoup ses forces par son union avec les Sabins, peuples durs & belliqueux, comme les Lacédemoniens dont ils étoient descendus. Romulus prit leur bouclier qui étoit large, au lieu du petit bouclier argien dont il s'étoit servi jusqu'alors : & on doit remarquer que ce qui a le plus contribué à rendre les Romains les maîtres du monde ; c'est qu'ayant combattu successivement contre tous les peuples, ils ont toujours renoncé à leurs usages sitôt qu'ils en ont trouvé de meilleurs.

Une troisieme cause de l'élévation de Rome, c'est que ses rois furent tous de grands personnages. On ne trouve point ailleurs dans les histoires une suite non-interrompue de tels hommes d'état & de tels capitaines.

Tarquin s'avisa de prendre la couronne sans être élu par le sénat ni par le peuple. Le pouvoir devenoit héréditaire ; il le rendit absolu. Ces deux révolutions furent suivies d'une troisieme. Son fils Sextus, en violant Lucrece, fit une chose qui a presque toujours fait chasser les tyrans d'une ville où ils ont commandé ; car le peuple, à qui une action pareille fait si bien sentir sa servitude, prend volontiers une résolution extrême.

Il est pourtant vrai que la mort de Lucrece ne fut que l'occasion de la révolution ; car un peuple fier, entreprenant, hardi & renfermé dans ses murailles, doit nécessairement secouer le joug ou adoucir ses moeurs. Il devoit donc arriver de deux choses l'une, ou que Rome changeroit son gouvernement, ou qu'elle resteroit une petite & pauvre monarchie ; elle changea son gouvernement. Servius Tullius avoit étendu les privileges du peuple pour abaisser le sénat ; mais le peuple enhardi par son courage renversa l'autorité du sénat, & ne voulut plus de monarchie.

Rome ayant chassé les rois, établit des consuls annuels, & ce fut une nouvelle source de la grandeur à laquelle elle s'éleva. Les princes ont dans leur vie des périodes d'ambition, après quoi d'autres passions & l'oisiveté même succedent ; mais la république ayant des chefs qui changeoient tous les ans & qui cherchoient à signaler leur magistrature pour en obtenir de nouvelles, il n'y avoit pas un moment de perdu pour l'ambition : ils engageoient le sénat à proposer au peuple la guerre, & lui montroient tous les jours de nouveaux ennemis.

Ce corps y étoit déja assez porté de lui-même. Fatigué sans-cesse par les plaintes & les demandes du peuple, il cherchoit à le distraire de ses inquiétudes, & à l'occuper au-dehors. Or la guerre étoit presque toujours agréable au peuple ; parce que, par la sage distribution du butin, on avoit trouvé le moyen de la lui rendre utile. Rome étant une ville sans commerce, & presque sans arts, le pillage étoit le seul moyen que les particuliers eussent pour s'enrichir.

On avoit donc établi de la discipline dans la maniere de piller ; & on y observoit, à-peu-près, le même ordre qui se pratique aujourd'hui chez les petits Tartares. Le butin étoit mis en commun, & on le distribuoit aux soldats : rien n'étoit perdu, parce qu'avant que de partir, chacun avoit juré qu'il ne détourneroit rien à son profit. Or les Romains étoient le peuple du monde le plus religieux sur le serment, qui fut toujours le nerf de leur discipline militaire. Enfin, les citoyens qui restoient dans la ville jouissoient aussi des fruits de la victoire. On confisquoit une partie des terres du peuple vaincu, dont on faisoit deux parts : l'une se vendoit au profit du public ; l'autre étoit distribuée aux pauvres citoyens sous la charge d'une rente en faveur de l'état.

Les consuls ne pouvant obtenir l'honneur du triomphe que par une conquête ou une victoire, faisoient la guerre avec un courage & une impétuosité extrême ; ainsi la république étoit dans une guerre continuelle, & toujours violente. Or, une nation toujours en guerre, & par principe de gouvernement, devoit nécessairement périr, ou venir à-bout de toutes les autres, qui, tantôt en guerre, tantôt en paix, n'étoient jamais si propres à attaquer, ni si préparées à se défendre.

Par-là, les Romains acquirent une profonde connoissance de l'art militaire. Dans les guerres passageres, la plûpart des exemples sont perdus ; la paix donne d'autres idées, & on oublie ses fautes, & ses vertus même. Une autre suite du principe de la guerre continuelle, fut que les Romains ne firent jamais la paix que vainqueurs : en effet, à quoi bon faire une paix honteuse avec un peuple, pour en aller attaquer un autre ? Dans cette idée, ils augmentoient toujours leurs prétentions à mesure de leurs défaites : par-là, ils consternoient les vainqueurs, & s'imposoient à eux-mêmes une plus grande nécessité de vaincre. Toujours exposés aux plus affreuses vengeances, la constance & la valeur leur devinrent nécessaires ; & ces vertus ne purent être distinguées chez eux de l'amour de soi-même, de sa famille, de sa patrie, & de tout ce qu'il y a de plus cher parmi les hommes.

La résistance des peuples d'Italie, & en même tems l'opiniâtreté des Romains à les subjuguer, leur donna des victoires qui ne les corrompirent point, & qui leur laisserent toute leur pauvreté. S'ils avoient rapidement conquis toutes les villes voisines, ils se seroient trouvés dans la décadence à l'arrivée de Pyrrhus, des Gaulois & d'Annibal ; & par la destinée de presque tous les états du monde, ils auroient passé trop vîte de la pauvreté aux richesses, & des richesses à la corruption. Mais Rome, faisant toujours des efforts, & trouvant toujours des obstacles, faisoit sentir sa puissance, sans pouvoir l'étendre ; & dans une circonférence très-petite, elle s'exerçoit à des vertus qui devoient être si fatales à l'univers.

On sait à quel point les Romains perfectionnerent l'art de la guerre, qu'ils regardoient comme le seul art qu'ils eussent à cultiver. C'est sans-doute un dieu, dit Végece, qui leur inspira la légion. Leurs troupes étant toujours les mieux disciplinées, il étoit difficile que dans le combat le plus malheureux, ils ne se ralliassent quelque part, ou que le desordre ne se mît quelque part chez les ennemis. Aussi les voit-on continuellement dans les histoires, quoique surmontés dans le commencement par le nombre ou par l'ardeur des ennemis, arracher enfin la victoire de leurs mains. Leur principale attention étoit d'examiner en quoi leur ennemi pouvoit avoir de la supériorité sur eux ; & d'abord ils y mettoient ordre. Ils s'accoutumerent à voir le sang & les blessures dans les spectacles des gladiateurs, qu'ils prirent des Etrusques.

Les épées tranchantes des Gaulois, les éléphans de Pyrrhus ne les surprirent qu'une fois. Ils suppléerent à la foiblesse de leur cavalerie, d'abord en ôtant les brides des chevaux, pour que l'impétuosité n'en pût être arrêtée ; ensuite, en y mêlant des vélites. Quand ils eurent connu l'épée espagnole, ils quitterent la leur. Ils éluderent la science des pilotes, par l'invention d'une machine que Polybe nous a décrite. Enfin, comme dit Josephe, la guerre étoit pour eux une méditation, la paix un exercice. Si quelque nation tint de la nature ou de son institution quelqu'avantage particulier, ils en firent d'abord usage : ils n'oublierent rien pour avoir des chevaux numides, des archers crétois, des frondeurs baléares, des vaisseaux rhodiens. En un mot, jamais nation ne prépara la guerre avec tant de prudence, & ne la fit avec tant d'audace.

Rome fut un prodige de constance ; & cette constance fut une nouvelle source de son élévation. Après les journées du Tésin, de Trébies & de Thrasimene ; après celle de Cannes, plus funeste encore, abandonnée de presque tous les peuples de l'Italie, elle ne demanda point la paix. C'est que le sénat ne se départoit jamais des maximes anciennes : il agissoit avec Annibal, comme il avoit agi autrefois avec Pyrrhus, à qui il avoit refusé de faire aucun accommodement, tandis qu'il seroit en Italie : on trouve, dit Denys d'Halicarnasse, que lors de la négociation de Coriolan, le sénat déclara qu'il ne violeroit point ses coutumes anciennes ; que le peuple romain ne pouvoit faire de paix, tandis que les ennemis étoient sur ses terres ; mais que si les Volsques se retiroient, on accorderoit tout ce qui seroit juste.

Rome fut sauvée par la force de son institution. Après la bataille de Cannes, il ne fut pas permis aux femmes même de verser des larmes ; le sénat refusa de racheter les prisonniers, & envoya les misérables restes de l'armée faire la guerre en Sicile, sans récompense ni aucun honneur militaire, jusqu'à ce qu'Annibal fût chassé d'Italie. D'un autre côté, le consul Terentius Varron avoit fui honteusement jusqu'à Venouse : cet homme, de la plus petite naissance, n'avoit été élevé au consulat que pour mortifier la noblesse. Mais le sénat ne voulut pas jouir de ce malheureux triomphe : il vit combien il étoit nécessaire qu'il s'attirât, dans cette occasion, la confiance du peuple ; il alla au-devant de Varron, & le remercia de ce qu'il n'avoit pas désesperé de la république.

A peine les Carthaginois eurent été domptés, que les Romains attaquerent de nouveaux peuples, & parurent dans toute la terre pour tout envahir ; ils subjuguerent la Grece, les royaumes de Macédoine, de Syrie & d'Egypte. Dans le cours de tant de prospérités, où l'on se néglige, pour l'ordinaire, le sénat agissoit toujours avec la même profondeur, &, pendant que les armées consternoient tout, il tenoit à terre ceux qu'il trouvoit abattus. Il s'érigea en tribunal qui jugea tous les peuples. A la fin de chaque guerre, il décidoit des peines & des récompenses que chacun avoit méritées. Il ôtoit une partie du domaine du peuple vaincu, pour la donner aux alliés : en quoi il faisoit deux choses : il attachoit à Rome des rois dont elle avoit peu à craindre, & beaucoup à espérer ; & il en affoiblissoit d'autres, dont elle n'avoit rien à espérer, & tout à craindre. On se servoit des alliés pour faire la guerre à un ennemi ; mais d'abord on détruisoit les destructeurs. Philippe fut vaincu par le moyen des Etoliens, qui furent anéantis d'abord après, pour s'être joints à Antiochus. Antiochus fut vaincu par le secours des Rhodiens ; mais après qu'on leur eut donné des récompenses éclatantes, on les humilia pour jamais, sous prétexte qu'ils avoient demandé qu'on fit la paix avec Persée.

Les Romains sachant combien les peuples d'Europe étoient propres à la guerre, ils établirent comme une loi, qu'il ne seroit permis à aucun roi d'Asie d'entrer en Europe, & d'y assister quelque peuple que ce fût. Le principal motif de la guerre qu'ils firent à Mithridate, fut que, contre cette défense, il avoit soumis quelques barbares.

Quand quelque prince avoit fait une conquête, qui souvent l'avoit épuisé, un ambassadeur romain survenoit d'abord, qui la lui arrachoit des mains. Entre mille exemples, on peut se rappeller comment, avec une seule parole, ils chasserent d'Egypte Antiochus.

Lorsqu'ils voyoient que deux peuples étoient en guerre, quoiqu'ils n'eussent aucune alliance, ni rien à démêler avec l'un, ni avec l'autre, ils ne laissoient pas de paroître sur la scene, &, comme nos chevaliers errans, ils prenoient le parti du plus foible. C'étoit, dit Denys d'Halicarnasse, une ancienne coutume des Romains d'accorder toujours leur secours à quiconque venoit l'implorer.

Ils ne faisoient jamais de guerres éloignées sans s'être procuré quelques alliés auprès de l'ennemi qu'ils attaquoient, qui pût joindre ses troupes à l'armée qu'ils envoyoient : & comme elle n'étoit jamais considérable par le nombre, ils observoient toujours d'en tenir une autre dans la province la plus voisine de l'ennemi, & une troisieme dans Rome, toujours prête à marcher. Ainsi, ils n'exposoient qu'une très-petite partie de leurs forces, pendant que leur ennemi mettoit toutes les siennes aux hazards de la guerre.

Ces coutumes des Romains, qui contribuoient tant à leur grandeur, n'étoient point quelques faits particuliers arrivés par hazard ; c'étoient des principes toujours constans ; & cela se peut voir aisément ; car les maximes dont ils firent usage contre les plus grandes puissances, furent précisément celles qu'ils avoient employées dans les commencemens contre les petites villes qui étoient autour d'eux.

Maîtres de l'univers, ils s'en attribuerent tous les trésors ; ravisseurs moins injustes en qualité de conquérans, qu'en qualité de législateurs. Ayant su que Ptolomée, roi de Chypre, avoit des richesses immenses, ils firent une loi, sur la proposition d'un tribun, par laquelle ils se donnerent l'hérédité d'un homme vivant, & la confiscation d'un prince allié. Bientôt la cupidité des particuliers acheva d'enlever ce qui avoit échappé à l'avarice publique. Les magistrats & les gouverneurs vendoient aux rois leurs injustices. Deux compétiteurs se ruinoient à l'envi, pour acheter une protection toujours douteuse contre un rival qui n'étoit pas entierement épuisé : car on n'avoit pas même cette justice des brigands, qui portent une certaine probité dans l'exercice du crime. Enfin, les droits légitimes ou usurpés ne se soutenant que par de l'argent ; les princes pour en avoir dépouilloient les temples, & confisquoient les biens des plus riches citoyens : on faisoit mille crimes, pour donner aux Romains tout l'argent du monde. C'est ainsi que la république romaine imprima du respect à la terre. Elle mit les rois dans le silence, & les rendit comme stupides.

Mithridate seul se défendit avec courage ; mais enfin il fut accablé par Sylla, Lucullus & Pompée ; ce fut alors que ce dernier, dans la rapidité de ses victoires, acheva le pompeux ouvrage de la grandeur de Rome. Il unit au corps de son empire des pays infinis ; & cependant cet accroissement d'états, servit plus au spectacle de la splendeur romaine, qu'à sa véritable puissance, & au soutien de la liberté publique. Dévoilons les causes qui concoururent à sa décadence, à sa chûte, à sa ruine, & reprenons-les dès leur origine.

Pendant que Rome conquéroit l'univers, il y avoit dans ses murailles une guerre cachée ; c'étoient des feux comme ceux de ces volcans qui sortent sitôt que quelque matiere vient à en augmenter la fermentation.

Après l'expulsion des rois, le gouvernement étoit devenu aristocratique ; les familles patriciennes obtenoient seules toutes les dignités, & par conséquent tous les honneurs militaires & civils. Les patriciens voulant empêcher le retour des rois, chercherent à augmenter le mouvement qui étoit dans l'esprit du peuple ; mais ils firent plus qu'ils ne voulurent : à force de lui donner de la haine pour les rois, ils lui donnerent un desir immodéré de la liberté. Comme l'autorité royale avoit passé toute entiere entre les mains des consuls, le peuple sentit que cette liberté dont on vouloit lui donner tant d'amour, il ne l'avoit pas : il chercha donc à abaisser le consulat, à avoir des magistrats des plébéiens, & à partager avec les nobles les magistratures curules. Les patriciens furent forcés de lui accorder tout ce qu'il demanda : car dans une ville, où la pauvreté étoit la vertu publique ; où les richesses, cette voie sourde pour acquérir la puissance, étoient méprisées, la naissance & les dignités ne pouvoient pas donner de grands avantages. La puissance devoit donc revenir au plus grand nombre, & l'aristocratie se changer peu-à-peu en un état populaire.

Lorsque le peuple de Rome eut obtenu qu'il auroit part aux magistratures patriciennes, on pensera peut-être que ses flatteurs alloient être les arbitres du gouvernement. Non : l'on vit ce peuple qui rendoit les magistratures communes aux plébéiens, élire presque toujours des patriciens ; parce qu'il étoit vertueux, il étoit magnanime ; & parce qu'il étoit libre, il dédaignoit le pouvoir. Mais lorsqu'il eut perdu ses principes, plus il eut de pouvoir, moins il eut de ménagement, jusqu'à ce qu'enfin devenu son propre tyran & son propre esclave, il perdit la force de la liberté pour tomber dans la foiblesse & la licence.

Un état peut changer de deux manieres, ou parce que la constitution se corrige, ou parce qu'elle se corrompt. S'il a conservé ses principes, & que la constitution change, c'est qu'elle se corrige. S'il a perdu ses principes, quand la constitution vient à changer, c'est qu'elle se corrompt. Quand une république est corrompue, on ne peut remédier à aucun des maux qui naissent, qu'en ôtant la corruption, & en rappellant les principes : toute autre correction est, ou inutile, ou un nouveau mal. Pendant que Rome conserva ses principes, les jugemens purent être sans abus entre les mains des sénateurs ; mais quand elle fut corrompue, à quelque corps que ce fût qu'on transportât les jugemens, aux sénateurs, aux chevaliers, aux trésoriers de l'épargne, à deux de ces corps, à tous les trois ensemble, à quelqu'autre corps que ce fût, on étoit toujours mal. Les chevaliers n'avoient pas plus de vertu que les sénateurs, les trésoriers de l'épargne pas plus que les chevaliers, & ceux-ci aussi peu que les centurions.

Tant que la domination de Rome fut bornée dans l'Italie, la république pouvoit facilement subsister, tout soldat étoit également citoyen : chaque consul levoit une armée ; & d'autres citoyens alloient à la guerre sous celui qui succédoit. Le nombre de troupes n'étoit pas excessif ; on avoit attention à ne recevoir dans la milice, que des gens qui eussent assez de bien, pour avoir intérêt à la conservation de la ville. Enfin, le sénat voyoit de près la conduite des généraux, & leur ôtoit la pensée de rien faire contre leur devoir.

Mais lorsque les légions passerent les Alpes & la mer, les gens de guerre, qu'on étoit obligé de laisser pendant plusieurs campagnes dans les pays que l'on soumettoit, perdirent peu-à-peu l'esprit de citoyens ; & les généraux qui disposerent des armées & des royaumes, sentirent leur force, & ne purent plus obéir. Les soldats commencerent donc à ne reconnoître que leur général, à fonder sur lui toutes leurs espérances, & à voir de plus loin la ville. Ce ne furent plus les soldats de la république, mais de Sylla, de Marius, de Pompée, de César. Rome ne put plus savoir si celui qui étoit à la tête d'une armée dans une province, étoit son général ou son ennemi.

Si la grandeur de l'empire perdit la république, la grandeur de la ville ne la perdit pas moins. Rome avoit soumis tout l'univers avec le secours des peuples d'Italie, auxquels elle avoit donné, en différens tems, divers privileges ; jus latii, jus italicum. La plûpart de ces peuples ne s'étoient pas d'abord fort souciés du droit de bourgeoisie chez les Romains ; & quelques-uns aimerent mieux garder leurs usages. Mais lorsque ce droit fut celui de la souveraineté universelle, qu'on ne fut rien dans le monde si l'on n'étoit citoyen romain, & qu'avec ce titre on étoit tout, les peuples d'Italie résolurent de périr, ou d'être romains. Ne pouvant en venir à-bout par leurs brigues & par leurs prieres, ils prirent la voie des armes ; ils se révolterent dans tout ce côté qui regarde la mer Ionienne ; les autres alliés alloient les suivre. Rome obligée de combattre contre ceux qui étoient, pour ainsi dire, les mains avec lesquelles elle enchaînoit l'univers, étoit perdue ; elle alloit être réduite à ses murailles, elle accorda ce droit tant desiré aux alliés, qui n'avoient pas encore cessé d'être fideles, & peu-à-peu elle l'accorda à tous.

Pour lors, Rome ne fut plus cette ville dont le peuple n'avoit eu qu'un même esprit, un même amour pour la liberté, une même haine pour la tyrannie ; où cette jalousie du pouvoir du sénat, & des prérogatives des grands, toujours mêlée de respect, n'étoit qu'un amour de l'égalité. Les peuples d'Italie étant devenus ses citoyens, chaque ville y apporta son génie, ses intérêts particuliers, & sa dépendance de quelque grand protecteur. Qu'on s'imagine cette tête monstrueuse des peuples d'Italie, qui, par le suffrage de chaque homme, conduisoit le reste du monde ! La ville déchirée ne forma plus un tout ensemble : & comme on n'en étoit citoyen que par une espece de fiction, qu'on n'avoit plus les mêmes magistrats, les mêmes murailles, les mêmes dieux, les mêmes temples, les mêmes sépultures, on ne vit plus Rome des mêmes yeux ; on n'eut plus le même amour pour la patrie, & les sentimens romains ne furent plus.

Les ambitieux firent venir à Rome des villes & des nations entieres, pour troubler les suffrages ou se les faire donner ; les assemblées furent de véritables conjurations ; on appella comices une troupe de quelques séditieux : l'autorité du peuple, ses lois, lui-même, devinrent des choses chimériques ; & l'anarchie fut telle, qu'on ne put plus savoir, si le peuple avoit fait une ordonnance, ou s'il ne l'avoit point faite.

Cicéron dit, que c'est une loi fondamentale de la démocratie, d'y fixer la qualité des citoyens qui doivent se trouver aux assemblées, & d'établir que leurs suffrages soient publics ; ces deux lois ne sont violées que dans une république corrompue. A Rome, née dans la petitesse pour aller à la grandeur ; à Rome, faite pour éprouver toutes les vicissitudes de la fortune ; à Rome qui avoit tantôt presque tous ses citoyens hors de ses murailles, tantôt toute l'Italie & une partie de la terre dans ses murailles, on n'avoit point fixé le nombre des citoyens qui devoient former les assemblées. On ignoroit si le peuple avoit parlé, ou seulement une partie du peuple, & ce fut-là une des premieres causes de sa ruine.

Les lois de Rome devinrent impuissantes pour gouverner la république, parvenue au comble de sa grandeur ; mais c'est une chose qu'on a toujours vû, que de bonnes lois qui ont fait qu'une petite république devient grande, lui deviennent à charge lorsqu'elle s'est aggrandie ; parce qu'elles étoient telles, que leur effet naturel étoit de faire un grand peuple, & non pas de le gouverner. Il y a bien de la différence entre les lois bonnes, & les lois convenables ; celles qui font qu'un peuple se rend maître des autres, & celles qui maintiennent sa puissance, lorsqu'il l'a acquise.

La grandeur de l'état fit la grandeur des fortunes particulieres ; mais comme l'opulence est dans les moeurs, & non pas dans les richesses, celles des Romains qui ne laissoient pas d'avoir des bornes, produisirent un luxe & des profusions qui n'en avoient point ; on en peut juger par le prix qu'ils mirent aux choses. Une cruche de vin de Falerne se vendoit cent deniers romains, un barril de chair salée du Pont en coûtoit quatre cent. Un bon cuisinier valoit quatre talens, c'est-à-dire plus de quatorze mille livres de notre monnoie. Avec des biens au-dessus d'une condition privée, il fut difficile d'être un bon citoyen : avec les desirs & les regrets d'une grande fortune ruinée, on fut prêt à tous les attentats ; & comme dit Salluste, on vit une génération de gens qui ne pouvoient avoir de patrimoine, ni souffrir que d'autres en eussent.

Il est vraisemblable que la secte d'Epicure qui s'introduisit à Rome sur la fin de la république, contribua beaucoup à gâter le coeur des Romains. Les Grecs en avoient été infatués avant eux ; aussi avoient-ils été plus tôt corrompus. Polybe nous dit que de son tems, les sermens ne pouvoient donner de la confiance pour un grec, au lieu qu'un romain en étoit pour ainsi dire enchaîné.

Cependant la force de l'institution de Rome, étoit encore telle dans le tems dont nous parlons, qu'elle conservoit une valeur héroïque, & toute son application à la guerre au milieu des richesses, de la mollesse, & de la volupté ; ce qui n'est, je crois, arrivé à aucune nation du monde.

Sylla lui-même fit des réglemens qui, tyranniquement exécutés, tendoient toujours à une certaine forme de république. Ses lois augmentoient l'autorité du sénat, tempéroient le pouvoir du peuple, régloient celui des tribuns ; mais dans la fureur de ses succès & dans l'atrocité de sa conduite, il fit des choses qui mirent Rome dans l'impossibilité de conserver sa liberté. Il ruina dans son expédition d'Asie toute la discipline militaire ; il accoutuma son armée aux rapines, & lui donna des besoins qu'elle n'avoit jamais eus : il corrompit des soldats, qui devoient dans la suite corrompre les capitaines.

Il entra dans Rome à main armée, & enseigna aux généraux romains à violer l'asyle de la liberté ; il donna les terres des citoyens aux soldats, & il les rendit avides pour jamais ; car dès ce moment, il n'y eut plus un homme de guerre qui n'attendît une occasion qui pût mettre les biens de ses concitoyens entre ses mains. Il inventa les proscriptions, & mit à prix la tête de ceux qui n'étoient pas de son parti. Dès-lors, il fut impossible de s'attacher davantage à la république ; car parmi deux hommes ambitieux, & qui se disputoient la victoire, ceux qui étoient neutres & pour le parti de la liberté, étoient sûrs d'être proscrits par celui des deux qui seroit le vainqueur. Il étoit donc de la prudence de s'attacher à l'un des deux.

La république devant nécessairement périr, il n'étoit plus question que de savoir, comment & par qui elle devoit être abattue. Deux hommes également ambitieux, excepté que l'un ne savoit pas aller à son but si directement que l'autre, effacerent par leur crédit, par leurs richesses, & par leurs exploits, tous les autres citoyens ; Pompée parut le premier, César le suivit de près. Il employa contre son rival les forces qu'il lui avoit données, & ses artifices même. Il troubla la ville par ses émissaires, & se rendit maître des élections ; consuls, prêteurs, tribuns, furent achetés aux prix qu'il voulut.

Une autre chose avoit mis César en état de tout entreprendre, c'est que par une malheureuse conformité de nom, on avoit joint à son gouvernement de la Gaule cisalpine, celui de la Gaule d'au-de-là les Alpes. Si César n'avoit point eu le gouvernement de la Gaule transalpine, il n'auroit point corrompu ses soldats, ni fait respecter son nom par tant de victoires : s'il n'avoit pas eu celui de la Gaule cisalpine, Pompée auroit pû l'arrêter au passage des Alpes, au lieu que dès le commencement de la guerre, il fut obligé d'abandonner l'Italie ; ce qui fit perdre à son parti la réputation, qui dans les guerres civiles est la puissance même.

On parle beaucoup de la fortune de César : mais cet homme extraordinaire avoit tant de grandes qualités sans pas un défaut, quoiqu'il eût bien des vices, qu'il eût été bien difficile que, quelque armée qu'il eût commandée, il n'eut été vainqueur, & qu'en quelque république qu'il fût né, il ne l'eût gouvernée. César après avoir défait les lieutenans de Pompée en Espagne, alla en Grece le chercher lui-même, le combattit, le vainquit, & ensevelit la république dans les plaines de Pharsale. Scipion qui commandoit en Afrique, eût encore rétabli l'état, s'il avoit voulu traîner la guerre en longueur, suivant l'avis de Caton ; de Caton, dis-je, qui partageoit avec les dieux les respects de la terre étonnée ; de Caton enfin, dont l'image auguste animoit encore les Romains d'un saint zele, & faisoit frémir les tyrans.

Enfin la république fut opprimée ; & il n'en faut pas accuser l'ambition de quelques particuliers, il en faut accuser l'homme, toujours plus avide du pouvoir à mesure qu'il en a davantage, & qui ne desire tout, que parce qu'il possede beaucoup. Si César & Pompée avoient pensé comme Caton, d'autres auroient pensé comme firent César & Pompée ; & la république destinée à périr auroit été entraînée au précipice par une autre main.

César après ses victoires, pardonna à tout le monde, mais la modération que l'on montre après qu'on a tout usurpé, ne mérite pas de grandes louanges. Il gouverna d'abord sous des titres de magistrature ; car les hommes ne sont guere touchés que des noms, & comme les peuples d'Asie abhorroient ceux de consul & de proconsul, les peuples d'Europe détestoient celui de roi ; desorte que dans ces tems-là, ces noms faisoient le bonheur ou le désespoir de toute la terre. César ne laissa pas que de tenter de se faire mettre le diadème sur la tête ; mais voyant que le peuple cessoit ses acclamations, il le rejetta. Il fit encore d'autres tentatives ; & l'on ne peut comprendre qu'il pût croire que les Romains, pour le souffrir tyran, aimassent pour cela la tyrannie, ou crussent avoir fait ce qu'ils avoient fait. Mais ce que César fit de plus mal, c'est de montrer du mépris pour le sénat depuis qu'il n'avoit plus de puissance ; il porta ce mépris jusqu'à faire lui-même les sénatus-consultes, & les souscrire du nom des premiers sénateurs qui lui venoient dans l'esprit.

On peut voir dans les lettres de quelques grands hommes de ce tems-là, qu'on a mises sous le nom de Cicéron, parce que la plûpart sont de lui, l'abattement & le désespoir des premiers hommes de la république à cette révolution étrange qui les priva de leurs honneurs, & de leurs occupations même. Lorsque le sénat étant sans fonctions, ce crédit qu'ils avoient eu par toute la terre, ils ne purent plus l'espérer que dans le cabinet d'un seul, & cela se voit bien mieux dans ces lettres, que dans les discours des historiens. Elles sont le chef-d'oeuvre de la naïveté de gens unis par une douleur commune, & d'un siecle où la fausse politesse n'avoit pas mis le mensonge partout : enfin, on n'y voit point comme dans la plûpart de nos lettres modernes, des gens qui veulent se tromper ; mais on y voit des amis malheureux qui cherchent à se tout dire.

Cependant il étoit bien difficile qu'après tant d'attentats, César pût défendre sa vie contre des conjurés. Son crime dans un gouvernement libre ne pouvoit être puni autrement que par un assassinat ; & demander pourquoi on ne l'avoit pas poursuivi par la force ou par les lois, n'est-ce pas demander raison de ses crimes ?

De plus, il y avoit un certain droit des gens, une opinion établie dans toutes les républiques de Grece & d'Italie, qui faisoit regarder comme un homme vertueux, l'assassin de celui qui avoit usurpé la souveraine puissance. A Rome, sur-tout depuis l'expulsion des rois, la loi étoit précise, les exemples reçus ; la république armoit le bras de chaque citoyen, le faisoit magistrat pour le moment, & l'avouoit pour sa défense. Brutus ose bien dire à ses amis, que quand son pere reviendroit sur la terre, il le tueroit tout de même ; & quoique par la continuation de la tyrannie, cet esprit de liberté se perdît peu-à-peu, toutefois les conjurations au commencement du regne d'Auguste, renaissoient toujours.

C'étoit un amour dominant pour la patrie, qui, sortant des regles ordinaires des crimes & des vertus, n'écoutoit que lui seul, & ne voyoit ni citoyen, ni ami, ni bienfaiteur, ni pere ; la vertu sembloit s'oublier pour se surpasser elle-même ; & l'action qu'on ne pouvoit d'abord approuver, parce qu'elle étoit atroce, elle la faisoit admirer comme divine.

Voilà l'histoire de la république romaine. Nous verrons les changemens de sa constitution sous l'article ROMAIN, empire ; car on ne peut quitter Rome, ni les Romains : c'est ainsi qu'encore aujourd'hui dans leur capitale, on laisse les nouveaux palais pour aller chercher des ruines. C'est ainsi que l'oeil qui s'est reposé sur l'émail des prairies, aime à voir les rochers & les montagnes. (D.J.)

REPUBLIQUE FEDERATIVE, (Gouvernem. polit.) forme de gouvernement par laquelle plusieurs corps politiques consentent à devenir citoyens d'un état plus grand qu'ils veulent former. C'est une société de sociétés qui en font une nouvelle, qui peut s'aggrandir par de nouveaux associés qui s'y joindront.

Si une république est petite, elle peut être bientôt détruite par une force étrangere : si elle est grande, elle se détruit par un vice intérieur. Ce double inconvénient infecte également les démocraties & les aristocraties, soit qu'elles soient bonnes, soit qu'elles soient mauvaises. Le mal est dans la chose même ; il n'est point de forme qui puisse y remédier. Aussi y a-t-il grande apparence que les hommes auroient été à la fin obligés de vivre toujours sous le gouvernement d'un seul, s'ils n'avoient imaginé une maniere de constitution & d'association, qui a tous les avantages intérieurs du gouvernement républicain, & la force extérieure du monarchique.

Ce furent ces associations qui firent fleurir si longtems le corps de la Grece. Par elles, les Romains attaquerent l'univers ; & par elles seules l'univers se défendit contre eux : & quand Rome fut parvenue au comble de sa grandeur, ce fut par des associations derriere le Danube & le Rhin, associations que la frayeur avoit fait faire, que les barbares purent lui résister. C'est par-là que la Hollande, l'Allemagne, les ligues Suisses, sont regardées en Europe, comme des républiques éternelles.

Les associations des villes étoient autrefois plus nécessaires qu'elles ne le sont aujourd'hui ; une cité sans puissance couroit de plus grands périls. La conquête lui faisoit perdre non-seulement la puissance exécutrice & la législative, comme aujourd'hui ; mais encore tout ce qu'il y a de propriété parmi les hommes, liberté civile, biens, femmes, enfans, temples, & sépultures même.

Cette sorte de république, capable de résister à la force extérieure, peut se maintenir dans sa grandeur, sans que l'intérieur se corrompe : la forme de cette société prévient tous les inconvéniens. Celui qui voudroit usurper ne pourroit guere être également accrédité dans tous les états confédérés : s'il se rendoit trop puissant dans l'un, il allarmeroit tous les autres. S'il subjuguoit une partie, celle qui seroit libre encore pourroit lui résister avec des forces indépendantes de celles qu'il auroit usurpées, & l'accabler avant qu'il eût achevé de s'établir.

S'il arrive quelque sédition chez un des membres confédérés, les autres peuvent l'appaiser. Si quelques abus s'introduisent quelques parts, ils sont corrigés par les parties saines. Cet état peut périr d'un côté, sans périr de l'autre ; la confédération peut être dissoute, & les confédérés rester souverains. Composé de petites républiques, il jouit de la bonté du gouvernement intérieur de chacune ; & à l'égard du dehors, il a par la force de l'association, tous les avantages des grandes monarchies.

La république fédérative d'Allemagne est composée de villes libres, & de petits états soumis à des princes. L'expérience fait voir, qu'elle est plus imparfaite que celle de Hollande & de Suisse ; elle subsiste cependant, parce qu'elle a un chef ; le magistrat de l'union, est en quelque façon le monarque.

Toutes les républiques fédératives n'ont pas les mêmes lois dans leur forme de constitution. Par exemple, dans la république de Hollande, une province ne peut faire une alliance sans le consentement des autres. Cette loi est très-bonne, & même nécessaire dans la république fédérative ; elle manque dans la constitution Germanique, où elle préviendroit les malheurs qui y peuvent arriver à tous les membres, par l'imprudence, l'ambition, ou l'avarice d'un seul. Une république qui s'est unie par une confédération politique s'est donnée entiere, & n'a plus rien à donner.

On sent bien qu'il est impossible que les états qui s'associent, soient de même grandeur, & aient une puissance égale. La république des Lyciens étoit une association de vingt-trois villes : les grandes avoient trois voix dans le conseil commun ; les médiocres deux, les petites une. La république de Hollande est composée de sept provinces, grandes ou petites, qui ont chacune une voix. Les villes de Lycie payoient les charges, selon la proportion des suffrages : les provinces de Hollande ne peuvent suivre cette proportion ; il faut qu'elles suivent celle de leur puissance.

En Lycie, les juges & les magistrats des villes étoient élus par le conseil commun, & selon la proportion que nous avons dite ; dans la république de Hollande, ils ne sont point élus par le conseil commun, & chaque ville nomme ses magistrats. S'il falloit donner un modele d'une belle république fédérative, ce seroit la république de Lycie, qui mériteroit cet honneur.

Après tout, la concorde est le grand soutien des républiques fédératives ; c'est aussi la devise des Provinces-unies confédérées : concordiâ res parvae crescunt, discordiâ dilabuntur.

L'histoire rapporte qu'un envoyé de Bysance vint au nom de sa république, exhorter les Athéniens à une alliance fédérative contre Philippe, roi de Macédoine. Cet envoyé dont la taille approchoit fort de celle d'un nain, monta dans la tribune pour exposer sa commission. Le peuple d'Athènes au premier coup d'oeil sur sa figure, éclata de rire. Le bysantin sans se déconcerter, lui dit : " Voilà bien dequoi rire, Messieurs, vraiment j'ai une femme bien plus petite que moi ". Les éclats redoublerent ; & lorsqu'ils eurent cessé, le pygmée plein d'esprit qui ne perdoit point de vûe son sujet, y ajusta l'aventure, & substitua à sa harangue préparée, le simple propos que voici. " Quand une femme telle que je vous la dépeins, & moi, tel que vous me voyez, ne faisons pas bon ménage, nous ne pouvons tenir dans Bysance toute grande qu'elle est, mais aussitôt que nous nous accordons, nous sommes heureux, le moindre gîte nous suffit : O, Athéniens, continua-t-il, tournez cet exemple à votre avantage ! Prenez garde que Philippe, qui vous menace de près, profitant bientôt de vos discordes & de votre gayeté hors de saison, ne vous subjugue par sa puissance, par ses artifices, & ne vous transporte dans un pays, où vous n'aurez pas envie de rire ". Cette apostrophe produisit un effet merveilleux ; les Athéniens rentrerent en eux-mêmes ; les propositions du ministre de Bysance furent écoutées, & l'alliance fédérative fut conclue. Esprit des Lois. (D.J.)

REPUBLIQUE DE PLATON, (Gouvern. politiq.) Je sais bien que c'est une république fictive, mais il n'est pas impossible de la réaliser à plusieurs égards. " Ceux qui voudront faire des institutions pareilles, dit l'auteur de l'esprit des Lois, établiront, comme Platon, la communauté de biens, ce respect qu'il demandoit pour les dieux, cette séparation d'avec les étrangers pour la conservation des moeurs, & la cité faisant le commerce, & non pas les citoyens, donneront nos arts sans notre luxe, & nos besoins sans nos desirs ; ils proscriront l'argent, dont l'effet est de grossir la fortune des hommes au-delà des bornes que la nature y avoit mises, d'apprendre à conserver inutilement ce qu'on avoit amassé de même, de multiplier à l'infini les desirs, & de suppléer à la nature, qui nous avoit donné des moyens très-bornés d'irriter nos passions, & de nous corrompre les uns les autres. " (D.J.)


RÉPUDIATIONS. f. (Jurispr.) Ce terme s'applique à deux objets différens.

On dit répudier une femme, c'est-à-dire l'abandonner & rompre l'engagement de mariage que l'on avoit contracté avec elle, en un mot, faire divorce avec elle, quoad foedus vinculum ; ce qui n'est point admis dans l'Eglise romaine, laquelle tient le lien du mariage pour indissoluble.

La séparation de corps & de biens n'est point un véritable divorce, ni une répudiation, n'opérant pas la dissolution du mariage. Voyez DIVORCE, MARIAGE, SEPARATION.

Répudier une succession, c'est y renoncer. Ce terme est sur-tout usité en pays de droit écrit ; dans les pays coutumiers on dit plus volontiers renoncer à une succession. Voyez SUCCESSION, RENONCIATION. (A)

REPUDIATION, (Droit canon.) Ce mot est aujourd'hui synonyme avec divorce, qui chez les Catholique n'aboutit qu'à une séparation de biens & d'habitation. Voyez DIVORCE.

Je me contenterai d'observer en passant qu'il falloit que dans le xiij. siecle la répudiation fût une chose bien commune ; nous en pourrions citer plusieurs exemples, entr'autres celui de Philippe II. dit Auguste, qui répudia, 1°. Inberge, fille dè Valdemar, &, 2°. Agnès de Méranie, laquelle en mourut de douleur en 1211. Mais de plus, nous voyons dans le contrat de mariage de Pierre roi d'Aragon, de l'an 1204, une clause qui étonneroit bien aujourd'hui : ce prince y promet solemnellement de ne jamais répudier Marie de Montpellier, & qui plus est, de n'en épouser jamais aucune autre pendant sa vie. Abrégé de l'hist. de France. (D.J.)

REPUDIATION, (Critiq. sacrée) mot synonyme à divorce ; séparation du mari & de la femme, avec la liberté de se remarier. La loi de Moïse permettoit au mari de répudier sa femme quand il lui plaisoit, en lui envoyant seulement l'acte ou la lettre. Voyez REPUDIATION, lettres de.

Jésus-Christ voulant réprimer une licence qui ne dépendoit que du caprice, la condamne dans S. Marc, ch. x. vers. 2. 12. Dans saint Matthieu il s'explique davantage, & défend de répudier sa femme, si ce n'est pour cause d'adultere. Matth. ch. v. 32. & ch. xjx. vers. 9. Dans saint Luc, xvij. 18, il défend encore d'épouser la femme répudiée, & ajoute que celui qui l'épouse commet adultere. Il paroît que la plûpart des anciens peres ont mal entendu le précepte de notre Sauveur, en appliquant à la femme répudiée pour cause d'adultere, ce que Jesus-Christ dit seulement de toute femme répudiée pour de legeres causes, comme les Juifs le pratiquoient. Là-dessus les Peres ont à la vérité reconnu qu'il étoit permis à un mari de répudier une femme adultere, mais ils se sont en même tems persuadés qu'il étoit défendu au mari d'épouser une autre femme, & à la femme répudiée d'épouser un autre mari pendant que les deux personnes séparées sont vivantes. On doute que ce soit-là l'ordonnance de notre Sauveur ; n'est-il pas plus naturel en critique de limiter aux divorces des Juifs la défense que Jesus-Christ fait de se remarier, sans l'appliquer au divorce que Jesus-Christ a permis ? autrement notre Seigneur seroit en contradiction avec lui-même, en permettant la dissolution du mariage dans le cas d'adultere, & en voulant que le mariage subsiste toujours, car il subsiste réellement si la femme répudiée devient adultere en épousant un autre mari, & si son mari le devient lui-même en épousant une autre femme. (D.J.)

REPUDIATION, lettre de, (Critiq. sacrée) libellus repudii ; voici la loi du législateur des Juifs. Si un homme épouse une femme, & qu'ensuite elle ne trouve pas grace à ses yeux à cause de quelque chose de honteux, il lui écrira une lettre de répudiation, la lui mettra en main, & la renverra hors de son logis, Deutér. xxjv. 1. Comme on lit dans l'évangile ces mots : " Moïse vous a permis de répudier vos femmes à cause de la dureté de votre coeur, Matth. xjx. 8 " ; on demande ce que c'est proprement que la dureté du coeur, , que notre Seigneur reproche aux Israélites, & qui donna lieu à la loi qui leur permit la lettre de répudiation. Les savans jugent que c'est, d'un côté, le penchant de ce peuple à la luxure, & de l'autre, la crainte d'une révolte, qui seroit infailliblement arrivée, si la loi leur eût imposé un joug particulier que les autres nations n'avoient point ; car le divorce étoit reçu non-seulement chez les Egyptiens, mais encore chez les autres nations voisines des Juifs, comme il paroît par l'exemple du philistin qui sépara la fille de Samson, & la maria à un autre. Jug. xv. Jesus-Christ condamne ce désordre, mais Clément d'Alexandrie, Stromat. l. III. p. 447. prétend que l'homme qui a répudié sa femme à cause d'adultere, peut en épouser une autre, & que c'est à cette occasion que notre Seigneur a dit que tout le monde n'est pas capable de vivre dans la continence.

La loi judaïque n'accordoit le privilege de donner la lettre de répudiation qu'au mari à l'égard de sa femme ; mais Salomé, soeur du roi Hérode, soutenue de la puissance de ce prince, s'étant brouillée avec Costabare iduméen son second mari, lui envoya contre l'usage & la loi la lettre de divorce, & fit passer par un exemple nouveau sa volonté pour loi, ensorte que Costabare fut obligé de s'y soumettre. (D.J.)

REPUDIATION, (Hist. rom.) Les fiançailles chez les Romains pouvoient être rompues par la répudiation. Le billet qu'envoyoit celui qui répudioit, étoit conçu en ces termes : je rejette la promesse que vous m'aviez faite ; ou, je renonce à la promesse que je vous avois faite : & alors l'homme étoit condamné à payer le gage qu'il avoit reçu de la femme, & celle-ci étoit condamnée au double ; mais lorsque ni l'un ni l'autre n'avoient donné sujet à la répudiation, il n'y avoit point d'amende. Le divorce étoit différent de la répudiation ; il pouvoit se faire au cas que la femme eût empoisonné ses enfans, qu'elle en eût supposé à la place des fiens, qu'elle eût commis un adultere, ou même qu'elle eût bû du vin à l'insçu de son mari : c'est du-moins ce que rapporte Aulu-Gelle, liv. X. c. xxiij, Pline, hist. nat. l. XIV. c. xiij. Enfin le sujet du divorce étoit examiné dans une assemblée des amis du mari ; quoiqu'il fût autorisé par les lois, cependant le premier exemple n'arriva que vers l'an 520, par S. P. Carvilius Ruga, à cause de la stérilité de sa femme ; mais dans la suite il devint fort fréquent par la corruption des moeurs. Voyez tout ce qui regarde cette matiere à l'article DIVORCE.

Je n'ajoute qu'un mot d'après Plutarque. Il me semble, dit-il dans sa vie de Paul Emile, qu'il n'y a rien de plus vrai que ce qu'un romain qui venoit de répudier sa femme dit à ses amis, qui lui en faisoient des reproches, & qui lui demandoient : votre femme n'est-elle pas sage ? n'est-elle pas belle ? ne vous a-t-elle pas donné de beaux enfans ? Pour toute réponse, il leur montra son soulier, les questionnant à son tour ; ce soulier, leur répartit-il, n'est-il pas beau ? n'est il pas tout neuf ? n'est-il pas bien fait ? cependant aucun de vous ne sait où il me blesse. Effectivement, s'il y a des femmes qui se font répudier pour des fautes qui éclatent dans le public, il y en a d'autres qui par l'incompatibilité de leur humeur, par de secrets dégoûts qu'elles causent, & par plusieurs fautes legeres, mais qui reviennent tous les jours, & qui ne sont connues que du mari, produisent à la longue un si grand éloignement, & une aversion tellement insupportable, qu'il ne peut plus vivre avec elles, & qu'il cherche enfin à s'en séparer.

J'ai indiqué la formule du libelle de répudiation anciennement en usage chez les Romains ; celle du libelle de divorce portoit ces mots : Res tuas tibi habeto.

Nous ne sommes pas faits, je le vois, l'un pour l'autre,

Mon bien se monte à tant, tenez, voilà le vôtre.

(D.J.)


RÉPUGNANCES. f. (Gramm.) opposition qu'on éprouve au-dedans de soi-même à faire quelque chose. Il y a deux sortes de situation de l'ame, lorsqu'on est sur le point d'agir ; l'une, où l'on se porte librement, facilement, avec joie à l'action ; l'autre, où l'on éprouve de l'éloignement, de la difficulté, du dégoût, de l'aversion, & d'autres sentimens opposés qu'on tâche à surmonter : ce dernier cas est celui de la répugnance. Si vous allez le solliciter de quelque chose d'humiliant, vous lui trouverez la plus forte répugnance. Je ne dissimule pas ma pensée sans quelque répugnance.


RÉPULLULERv. act. (Gramm.) c'est pulluler derechef. Voyez l'article PULLULER.


RÉPULSIFadj. (Phys. & Méch.) force répulsive, est une certaine puissance ou faculté qui réside dans les particules des corps naturels, & qui fait que dans certaines circonstances ils se séparent mutuellement l'un de l'autre.

M. Newton, après avoir établi la force attractive de la matiere sur les observations & l'expérience, en conclud que comme en Algebre les grandeurs négatives commencent où les positives cessent, de même dans la Physique la force répulsive doit commencer où la force attractive cesse. Quoi qu'il en soit de ce principe, les observations ne permettent point de douter qu'une telle force considérée quant à ses effets, n'existe dans la nature. Voyez REPULSION.

Comme la répulsion paroît avoir les mêmes principes que l'attraction, avec cette différence qu'elle n'a lieu que dans certaines circonstances, il s'ensuit qu'elle doit être assujettie aux mêmes lois ; & comme l'attraction est plus forte dans les petits corps que dans les grands, à proportion de leurs masses, il en doit donc être de même de la répulsion. Mais les rayons de lumiere sont les plus petits corps dont nous ayons connoissance, il s'ensuit donc qu'ils doivent avoir une force répulsive supérieure à celle de tous les autres corps. Voyez RAYON & LUMIERE.

M. Newton a calculé que la force attractive des rayons de lumiere est 1000000000000000 fois aussi grande que celle de la gravité sur la surface de la terre ; d'où résulte, selon lui, cette vîtesse inconcevable de la lumiere qui vient du soleil à nous en sept minutes de tems : car les rayons qui sortent du corps du soleil par le mouvement de vibration de ses parties, ne sont pas plutôt hors de sa sphere d'attraction, qu'ils sont soumis, selon M. Newton, à l'action de la force répulsive. Voyez LUMIERE.

L'élasticité ou ressort des corps, ou cette propriété par laquelle ils reprennent la figure qu'ils avoient perdue à l'occasion d'une force externe, est encore une suite de la répulsion, selon le même philosophe. Voyez ELASTICITE. Chambers.

Nous nous contentons d'exposer ici ces opinions, qui à dire le vrai ne nous paroissent pas encore suffisamment constatées par les phénomenes. Prétendre que l'attraction devient répulsive, comme les quantités positives deviennent négatives en Algebre, c'est un raisonnement plus mathématique que physique. (O)


RÉPULSIONS. f. est l'action d'une faculté répulsive, par laquelle les corps naturels dans de certaines circonstances, se repoussent les uns les autres. Voyez REPULSIF.

La répulsion est le contraire de l'attraction. L'attraction n'agit qu'à une petite distance du corps, & où elle cesse, la répulsion commence.

On trouve, selon plusieurs physiciens, beaucoup d'exemples de répulsion dans les corps ; comme entre l'huile & l'eau, & en général entre l'eau & tous les corps onctueux, entre le mercure & le fer, & entre quantité d'autres corps.

Si, par exemple, on met sur la surface de l'eau un corps gras, plus léger que l'eau, ou un morceau de fer sur du mercure, la surface du fluide baissera à l'endroit où le corps est posé. Ce phénomene, selon quelques auteurs, est une preuve de répulsion : comme l'élévation du fluide au-dessus de la surface des tuyaux capillaires qu'on y a enfoncés, est une marque d'attraction. Voyez CAPILLAIRE.

Dans le second cas, selon ces auteurs, le fluide est suspendu au-dessus de son niveau par une faculté attractive, supérieure à la force de sa gravité qui l'y réduiroit. Dans le premier, l'enfoncement se fait par la faculté répulsive, qui empêche que la liqueur nonobstant sa gravité, ne s'écoule par-dessous, & ne remplisse l'espace occupé par le corps.

C'est-là ce qui fait, selon les mêmes auteurs, que de petites bulles de verre flottant sur l'eau quand elles sont claires & nettes, l'eau s'éleve par-dessus ; au lieu que quand elles sont graissées, l'eau forme un creux tout autour. C'est aussi pourquoi dans un vaisseau de verre, l'eau est plus haute vers les bords du vaisseau que dans le milieu ; & qu'au contraire si on l'emplit comble, l'eau est plus haute au milieu que vers les bords.

Nous n'examinerons point ici la solidité de ces différentes explications ; nous nous contenterons d'observer que la répulsion, comme fait, ne peut être contestée de personne ; à l'égard de la cause qui peut la produire, c'est un mystere encore caché pour nous. Peut-être dans les différens phénomenes que nous observons, la répulsion pourroit-elle s'expliquer par une attraction plus forte vers le côté où le corps paroît repoussé ; & il est certain que, par exemple, la descension du mercure dans les tuyaux capillaires, n'est point une suite de la répulsion, mais de ce que le mercure attire plus fortement que le verre. Si l'on pouvoit expliquer aussi facilement les autres effets, il seroit inutile de faire un principe de la répulsion, comme on en fait un de l'attraction, qui peut-être a elle-même une cause : car il ne faut pas multiplier les principes sans nécessité. (O)


REPURGERv. a. (Gram.) c'est purger une seconde fois. Voy. les articles PURGATION & PURGER.


RÉPUTATIONCONSIDÉRATION, (Synonymes.) Voici, selon madame de Lambert, la différence d'idées que donnent ces deux mots.

La considération vient de l'effet que nos qualités personnelles font sur les autres. Si ce sont des qualités grandes & élevées, elles excitent l'admiration : si ce sont des qualités aimables & liantes, elles font naître le sentiment de l'amitié. L'on jouit mieux de la considération que de la réputation ; l'une est plus près de nous, & l'autre s'en éloigne : quoique plus grande, celle-ci se fait moins sentir, & se convertit rarement dans une possession réelle. Nous obtenons la considération de ceux qui nous approchent ; & la réputation, de ceux qui ne nous connoissent pas. Le mérite nous assure l'estime des honnêtes-gens ; & notre étoile celle du public. La considération est le revenu du mérite de toute la vie ; & la réputation est souvent donnée à une action faite au hazard : elle est plus dépendante de la fortune. Savoir profiter de l'occasion qu'elle nous présente, une action brillante, une victoire, tout cela est à la merci de la renommée : elle se charge des actions éclatantes, mais en les étendant & les célébrant, elle les éloigne de nous. La considération qui tient aux qualités personnelles est moins étendue ; mais comme elle porte sur ce qui nous entoure, la jouissance en est plus sentie & plus répétée : elle tient plus aux moeurs que la réputation, qui quelquefois n'est dûe qu'à des vices d'usage bien placés & bien préparés ; ou d'autres fois, même à des crimes heureux & illustres. La considération rend moins, parce qu'elle tient à des qualités moins brillantes ; mais aussi la réputation s'use, & a besoin d'être renouvellée. (D.J.)

REPUTATION, (Morale) C'est une sorte de problême dans la nature, dans la Philosophie, & dans la religion, que le soin de sa propre réputation & de son honneur.

La nature répand de l'agrément sur les marques d'estime qu'on nous donne ; & cependant elle attache une sorte de flétrissure à paroître les rechercher. Ne croiroit-on pas qu'elle est ici en contradiction avec elle-même ? Pourquoi proscrit-elle par le ridicule, une recherche qu'elle semble autoriser par le plaisir ? La Philosophie qui tend à nous rendre tranquilles, tend aussi à nous rendre indépendans des jugemens que les hommes peuvent porter de nous ; & l'estime qu'ils en font n'est qu'un de ces jugemens, entant qu'il nous est avantageux. Cependant la Philosophie la plus épurée, loin de réprouver en nous le soin d'être gens d'honneur ; non-seulement elle l'autorise, mais elle l'excite & l'entretient. D'un autre côté, la religion ne nous recommande rien davantage, que le mépris de l'opinion des hommes, & de l'estime qu'ils peuvent, selon leur fantaisie, nous accorder ou nous refuser. L'Evangile même porte les Saints à desirer & à rechercher le mépris ; mais en même-tems le S. Esprit nous prescrit d'avoir soin de notre réputation.

La contrariété de ces maximes n'est qu'apparente : elles s'accordent dans le fonds ; & le point qui en concilie le sens, est celui qui doit servir de regle au bien de la société, & au nôtre en particulier. Nous ne devons point naturellement être insensibles à l'estime des hommes, à notre honneur & à notre réputation. Ce seroit aller contre la raison qui nous oblige d'avoir égard à ce qu'approuvent les hommes, ou à ce qu'ils improuvent le plus universellement & le plus constamment. Car ce qu'ils approuvent de la sorte, par un consentement presque unanime, est la vertu ; & ce qu'ils improuvent ainsi, est le vice. Les hommes, malgré leur perversité, font justice à l'un & à l'autre. Ils méconnoissent quelquefois la vertu ; mais ils sont obligés souvent de la reconnoître ; & alors ils ne manquent point de l'honorer : être donc insensible, par cet endroit, à l'honneur, je veux dire, à l'estime, à l'approbation & au témoignage que la conscience des hommes rend à la vertu, ce seroit l'être en quelque façon à la vertu même, qui y seroit intéressée. Cette sensibilité naturelle est comme une impression mise dans nos ames par l'auteur de notre être ; mais elle regarde seulement le tribut que les hommes rendent en général à la vertu, pour nous attacher plus fortement à elle. Nous n'en devons pas être moins indifférens à l'honneur que chaque particulier, conduit souvent par la passion ou la bisarrerie, accorde ou refuse à la vertu de quelques-uns, ou à la nôtre en particulier.

L'estime des hommes en général ne sauroit être légitimement méprisée, puisqu'elle s'accorde avec celle de Dieu même, qui nous en a donné le goût, & qu'elle suppose un mérite de vertu que nous devons rechercher.

L'estime des hommes en particulier étant plus subordonnée à leur imagination qu'à la Providence, nous la devons compter pour peu de chose, ou pour rien ; c'est-à-dire que nous devons toujours la mériter, sans nous soucier de l'obtenir : la mériter par notre vertu, qui contribue à notre bonheur & à celui des autres : nous soucier peu de l'obtenir, par une noble égalité d'ame qui nous mette au-dessus de l'inconstance & de la vanité des opinions particulieres des hommes. Recherchons l'approbation d'une conscience éclairée, que la haine & la calomnie ne peuvent nous enlever, par préférence à l'estime des autres hommes qui suit tôt ou tard la vertu. C'est se dégrader soi-même que d'être trop avide de l'estime d'autrui ; elle est une sorte de récompense de la vertu, mais elle n'en doit pas être le motif.


REPUTER(Critiq. sacrée) dans la vulgate reputare ; ce mot a une signification assez étendue dans l'Ecriture. Il veut dire 1°. Réfléchir. Isaac réfléchit en lui-même (reputavit), que les habitans de Guerar pourroient bien le tuer à cause de la beauté de Rébecca. 2°. Décider, juger. J'ai jugé que le ris n'étoit qu'une folie, Ecclésiastiq. ij. 2. cela n'est pas toujours vrai. 3°. Mettre au rang. Il a été mis au rang des méchans, Isaïe liij. 12. cum impiis reputatus est. 4°. Attribuer, imputer. Abraham crut ce que Dieu lui avoit dit, & sa foi lui fut imputée à justice ; reputatum est illi ad justitiam, Galat. iij. 6. c'est-à-dire selon S. Paul, que la foi d'Abraham naissoit d'une ame qui étoit déjà juste, & qui le devint encore davantage par le mérite de son action. (D.J.)


REQUARTS. m. (Jurisp.) terme employé dans la coutume de Boulenois pour exprimer le quart denier du quatrieme denier du prix, ou de l'estimation de la vente, donation ou autre aliénation d'un héritage cottier. (A)


REQUENA(Géog. mod.) ville d'Espagne dans la nouvelle-Castille, sur l'Oliana qui se rend dans le Xuçar, à 18 lieues au couchant de Valence, & à 50 de Madrid. Le P. Briet croit que c'est la Salaria des Bastitains. Long. 16. 18. lat. 39. 32. (D.J.)


REQUERABLE(Jurisp.) se dit de ce qui se doit demander, & qui n'est pas portable ; comme quand on dit que le champart est requérable ou querable, c'est-à-dire qu'il faut aller le chercher sur le lieu. (A)


REQUERIR(Jurisp.) dans le style des jugemens & des lettres de chancellerie signifie former une demande, ou conclure à quelque chose. (A)


REQUETES. f. (Jurisp.) signifie demande ou réquisition ; un exploit fait à la requête d'un tel, c'est-à-dire à sa réquisition.

Requête pris pour demande, est une procédure par laquelle une partie demande quelque chose au juge.

La requête commence par l'adresse, c'est-à-dire par le nom du juge auquel elle est adressée, comme à nosseigneurs de parlement, après quoi il est dit, supplie humblement un tel ; on expose ensuite le fait & les moyens, & l'on finit par les conclusions qui commencent en ces termes, ce considéré, nosseigneurs, il vous plaise, ou bien, messieurs, selon le tribunal où l'on plaide, & les conclusions sont ordinairement terminées par ces mots, & vous ferez bien.

La plupart des procès commencent par une requête ; cependant on peut commencer par un exploit, la requête n'est nécessaire que quand on demande permission d'assigner, ou de saisir.

La requête introductive étant répondue d'une ordonnance, on donne assignation en vertu de la requête & de l'ordonnance.

On peut dans le cours d'une cause, instance ou procès, donner de part & d'autre plusieurs requêtes.

Lorsque la partie adverse a procureur en cause, les requêtes se signifient à son procureur ; on peut cependant aussi les signifier au domicile de la partie.

Il n'est pas nécessaire que les requêtes soient signées par la partie, il suffit qu'elles le soient par le procureur ; cependant quand elles sont importantes, & qu'elles contiennent des faits graves, le procureur doit pour son pouvoir & sa sureté, les faire signer par sa partie, pour ne pas s'exposer à un désaveu.

L'original d'une requête s'appelle la grosse, & la copie s'appelle la minute, parce qu'elle est ordinairement copiée d'une écriture beaucoup plus minutée, c'est-à-dire plus menue que la grosse.

REQUETE D'AMPLIATION, est celle que présente une partie, à l'effet de pouvoir se servir de nouveaux moyens qu'elle a découverts depuis l'obtention de ses lettres de requête civile. Voyez REQUETE CIVILE.

REQUETE EN CASSATION, est celle qui est présentée au conseil, pour demander la cassation d'un arrêt. Voyez ARRET & CASSATION.

REQUETE CIVILE, est une voie ouverte pour se pourvoir contre les arrêts & jugemens en dernier ressort, lorsqu'on ne peut pas revenir contre par opposition.

Quelquefois par requête civile on entend les lettres que l'on obtient en chancellerie pour être admis à se pourvoir contre l'arrêt ou jugement en dernier ressort ; quelquefois aussi l'on entend par là la requête que l'on donne pour l'entérinement des lettres de requête civile, & aux fins de faire rétracter l'arrêt ou jugement que l'on attaque par la voie de la requête civile.

Cette requête est appellée civile, parce que comme on se pourvoit devant les mêmes juges qui ont rendu l'arrêt ou jugement en dernier ressort ; on ne doit parler des juges & de leur jugement qu'avec le respect qui convient, & que cela se fait sans inculper les juges.

Quelques-uns tiennent que les requêtes civiles tirent leur origine de ce qui se pratiquoit chez les Romains à l'égard des jugemens rendus par le préfet du prétoire ; comme il n'y en avoit pas d'appel, parce que vice sacrâ principis judicabat, on pouvoit seulement se pourvoir à lui-même par voie de supplication pour obtenir une révision du procès.

Parmi nous les révisions d'arrêts n'ont plus lieu en matiere civile depuis que les propositions d'erreur ont été abrogées ; il n'y a plus que deux voies pour se pourvoir contre un arrêt ou jugement en dernier ressort lorsqu'il n'est pas susceptible d'opposition ou de tierce opposition, savoir la cassation & la requête civile. Voyez CASSATION.

Pour pouvoir obtenir des lettres de requête civile contre un arrêt ou jugement en dernier ressort, il faut y avoir été partie.

Les ordonnances défendent d'avoir égard aux requêtes qui seroient présentées contre les arrêts, si l'on n'a à cet effet obtenu en chancellerie des lettres en forme de requête civile dont il faut ensuite demander l'entérinement par requête.

Pour obtenir les lettres de requête civile, il faut joindre au projet des lettres une consultation signée de deux anciens avocats, dans laquelle soient exposées les ouvertures & moyens de requête civile ; on les énonce aussi dans les lettres.

L'on ne reçoit point d'autres ouvertures de requête civile à l'égard des majeurs que celles qui suivent, savoir :

1°. Le dol personnel de la partie adverse.

2°. Si la procédure prescrite par les ordonnances n'a pas été observée.

3°. S'il a été prononcé sur des choses non demandées ou non contestées.

4°. S'il a été plus adjugé qu'il n'a été demandé.

5°. S'il a été obmis de prononcer sur l'un des chefs de demande.

6°. S'il y a contrariété d'arrêt ou jugement en dernier ressort entre les mêmes parties, sur les mêmes moyens, & en mêmes cours & jurisdictions.

7°. Si dans un même arrêt il y a des dispositions contraires.

8°. Si dans les affaires qui concernent S. M. ou l'Eglise, le public ou la police, l'on n'a point communiqué à messieurs les avocats ou procureurs-généraux.

9°. Si l'on a jugé sur pieces fausses ou sur des offres ou consentemens qui ayent été désavoués, & le désaveu jugé valable.

10°. S'il y a des pieces décisives nouvellement recouvrées qui ayent été retenues par le fait de la partie adverse.

Les ecclésiastiques, communautés, & mineurs, sont encore reçus à se pourvoir par requête civile, s'ils n'ont pas été défendus, ou s'ils ne l'ont pas été valablement.

A l'égard du roi, il y a encore ouverture de requête civile si dans les instances & procès touchant les droits de la couronne ou domaine, où les procureurs-généraux & les procureurs de S. M. sont partie, ils ne sont pas mandés en la chambre du conseil avant que l'instance ou procès soit mis sur le bureau, pour savoir s'ils n'ont point d'autres pieces ou moyens, & s'il n'est pas fait mention dans l'arrêt ou jugement en dernier ressort qu'ils ayent été mandés.

Les arrêts & jugemens en dernier ressort doivent être signifiés à personne ou domicile, pour en induire les fins de non-recevoir contre la requête civile, si elle n'est pas obtenue & la demande formée dans le délai prescrit par l'ordonnance.

Ce délai pour les majeurs est de six mois, à compter de la signification de l'arrêt à personne ou domicile ; à l'égard des mineurs, le délai ne se compte que de la signification qui leur a été faite de l'arrêt à personne ou domicile depuis leur majorité.

Les ecclésiastiques, les hôpitaux & communautés, & ceux qui sont absens du royaume pour cause publique, ont un an.

Le successeur à un bénéfice, non résignataire, a pareillement un an, du jour que l'arrêt lui est signifié.

Quand la requête civile est fondée sur ce que l'on a jugé d'une piece fausse, ou qu'il y a des pieces nouvellement recouvrées, le délai ne court que du jour que la fausseté a été découverte, ou que les pieces ont été recouvrées.

Les requêtes civiles se plaident dans la même chambre qui a rendu l'arrêt ; mais aux parlemens où il y a une grand'chambre ou chambre du plaidoyer, on y plaide toutes les requêtes civiles, même celles contre les arrêts rendus aux autres chambres, & si elles sont appointées, on les renvoie aux chambres où les arrêts ont été rendus.

Quoiqu'on prenne la voie de la requête civile, il faut commencer par exécuter l'arrêt ou jugement en dernier ressort, & il ne doit être accordé aucunes défenses ni surséances en aucun cas.

En présentant la requête à fin d'entérinement des lettres de requête civile, il faut consigner 100 livres pour l'amende envers le roi, & 150 livres pour la partie ; si l'arrêt n'est que par défaut, on ne consigne que moitié.

Lorsque la requête civile est plaidée, on ne peut juger que le rescindant, c'est-à-dire le moyen de nullité contre l'arrêt, & après l'entérinement de la requête civile il faut plaider le rescisoire, c'est-à-dire recommencer à plaider le fond.

Celui qui est débouté de sa requête civile, ou qui après en avoir obtenu l'entérinement, a ensuite succombé au rescisoire, n'est plus recevable à se pourvoir par requête civile.

Pour revenir contre les sentences présidiales rendues au premier chef de l'édit, on n'a pas besoin de lettres de requête civile, il suffit de se pourvoir par simple requête même présidiale.

Les délais pour présenter cette requête ne sont que de moitié de ceux que l'ordonnance fixe pour les requêtes civiles ; du-reste, la procédure est la même.

La voie de la requête civile n'a point lieu en matiere criminelle, il n'y a que la voie de la révision. Voyez l'ordonnance de 1670, voyez le titre 35. de l'ordonnance de 1667, la conférence de Bornier sur ce titre, & ci-devant le mot LETTRE DE REQUETE CIVILE. (A)

REQUETES DE L'HOTEL DU ROI, (Jurisprudence) qu'on appelle aussi requêtes de l'hôtel simplement sont une jurisdiction royale, exercée par les maîtres des requêtes de l'hôtel du roi, lesquels y connoissent de certaines affaires privilégiées qui leur sont attribuées par les ordonnances.

Sous le nom de requêtes de l'hôtel du roi on entend aussi le tribunal même où s'exerce cette jurisdiction.

On ne rappellera point ici ce qui a été dit ci-devant touchant les maîtres des requêtes, tant au mot CONSEIL DU ROI, qu'au mot MAITRES DES REQUETES, & au mot PARLEMENT ; on se renfermera dans ce qui concerne singulierement la jurisdiction des requêtes de l'hôtel.

Cette jurisdiction tire son origine de celle qu'on appelloit les plaids de la porte ; comme anciennement la justice se rendoit aux portes des villes, des temples, & des palais des seigneurs, nos rois se conformant à cet usage, tenoient aussi là leurs plaids à la porte de leurs hôtels, c'est-à-dire qu'ils y rendoient la justice en personne, ou qu'ils l'y faisoient rendre par quelques personnes de leur conseil qu'ils commettoient à cet effet, & cette jurisdiction s'appelloit les plaids de la porte, on sous-entendoit de la porte de l'hôtel du roi.

Le sire de Joinville, en la vie de saint Louis, fait mention de ces plaids de la porte, en disant que ce prince avoit coutume de l'envoyer avec les sieurs de Nesle & de Soissons, pour ouir les plaids de la porte, qu'ensuite il les envoyoit querir & leur demandoit comment tout se portoit, s'il y avoit aucuns qu'on ne pût dépêcher sans lui, & que plusieurs fois, selon leur rapport, il envoyoit querir les plaidoyans & les contentoit les mettant en raison & droiture.

Philippe III. dit le Hardi, dans une ordonnance qu'il fit sur le fait & état de son hôtel & de celui de la reine au mois de Janvier 1285, établit M. maître Pierre de Sargine, Gillet des Compiegne, & Jean Mallieres pour ouir les plaids de la porte.

A ces plaids succederent les requêtes de l'hôtel, c'est-à-dire les requêtes que ceux de l'hôtel du roi présentoient pour demander justice.

Ceux qui étoient commis pour recevoir ces requêtes & pour y faire droit, étoient des gens du conseil, suivans ou poursuivans le roi, c'est-à-dire qui étoient à la suite de la cour. Pour les distinguer des autres gens du conseil ou poursuivans on les appella les clercs des requêtes, non pas qu'ils fussent ecclésiastiques, mais parce qu'ils étoient lettrés & gens de loi, Cependant par la suite les requêtes de l'hôtel furent quelquefois tenues par deux, trois, quatre des poursuivans le roi, les uns clercs, les autres laïcs, comme qui diroit les uns de robe & les autres d'épée.

Philippe-le-Bel, par une ordonnance de l'an 1289, regla que des poursuivans avec lui, c'est-à-dire des personnes de son conseil qui étoient à sa suite, il y en auroit toujours deux à la cour & non plus, qui seroient continuellement aux heures accoutumées en lieu commun pour ouir les requêtes, & qu'ils feroient serment qu'à leur pouvoir ils ne laisseroient passer chose qui fût contre les ordonnances, & que de toutes les requêtes qui leur seroient faites, qui appartiendroient à la chambre des comptes, au parlement, ou autres lieux où il y auroit gens ordonnés, ils ne les ouiroient point, mais les renverroient au lieu où elles appartiendroient, si ce n'étoit du fait de ceux qui auroient dû les délivrer, c'est-à-dire les expédier.

Cette ordonnance fait connoître que les plaids de la porte avoient pris le nom de requêtes de l'hôtel, & que ces requêtes ne se jugeoient plus devant la porte de l'hôtel du roi, mais dans quelqu'autre lieu commun, c'est-à-dire qui étoit ouvert au public.

Miraulmont fait mention d'une ordonnance donnée par Philippe le long, à Lorris en Gastinois, l'an 1317, portant que de ceux qui suivront le roi pour les requêtes, il y aura toujours à la cour un clerc & un lai.

Quelques années après, ces requêtes ou plaids furent appellées les requêtes de l'hôtel du roi, & ceux qui étoient députés pour ouir ces requêtes, les maîtres des requêtes de l'hôtel du roi ; on en trouve des exemples dès l'an 1317, & dans les années suivantes ; ils faisoient droit tant sur les requêtes de la langue françoise que sur celles de la langue d'oc, c'est pourquoi ils devoient être versés en l'une & l'autre langue.

Cette jurisdiction étoit d'abord ambulatoire à la suite du roi, & se tenoit dans les différens palais ou châteaux dans lesquels nos rois faisoient leur séjour.

Mais dès le tems de Philippe VI. dit de Valois, cette jurisdiction avoit son siege à Paris, ainsi qu'il paroît par une ordonnance du prince de l'an 1344, sur le fait des maîtres tenant les requêtes en son palais royal à Paris ; & depuis ce tems elle s'est toujours tenue dans l'enclos du palais. Le bâtiment où s'exerce cette jurisdiction, a son entrée par la grande salle du palais près de la chapelle, & s'étend jusqu'auprès de la tour de l'horloge du palais ; il a été reconstruit à neuf après l'incendie du palais arrivée en 1618.

Du tems de Philippe V, en 1318, plusieurs sujets du roi s'étant plaints qu'ils étoient souvent traduits mal-à-propos devant les maîtres des requêtes, il ordonna que les maîtres des requêtes de son hôtel ne pourroient faire ajourner personne devant eux ni en tenir cour, c'est-à-dire audience, que quand il y auroit débat pour un office donné par le roi, ou en cas de demande pure personnelle contre quelques officiers de l'hôtel ; ce qui fut ainsi établi afin de ne pas distraire les officiers de leur service, mais ils ne devoient pas connoître des causes des autres personnes de l'hôtel du roi, il leur étoit enjoint de les renvoyer devant leur juge naturel ; il leur fut aussi défendu de condamner à aucune amende, à moins que ce ne fut en présence du roi, lorsqu'il tiendroit lui-même ses requêtes générales.

Quand le parlement ne tenoit pas, ils délivroient les lettres de justice, & en tout tems ils examinoient toutes les lettres auxquelles on devoit apposer le grand sceau ; ils envoyoient les requêtes signées au chancelier lequel y faisoit mettre le sceau s'il n'y avoit rien qui en empêchât. Les maîtres des requêtes ne pouvoient cependant pas connoître des causes, & sur-tout du principal, ni des causes qui avoient été portées au parlement ou devant les baillifs & sénéchaux, mais si une partie s'opposoit à la requête, pour empêcher qu'il ne fut délivré lettre de justice au contraire, ils pouvoient bien connoître & ouir les parties sur le point de savoir s'il y avoit lieu ou non de délivrer les lettres de justice qui étoient demandées, & quand ils trouvoient trop de difficultés à décider sur cette contestation, ils devoient consulter le parlement.

Les écuyers d'écuries du roi ayant surpris de Charles VI. des lettres qui leur attribuoient la jurisdiction sur les valets de l'écurie du roi ; sur les représentations du procureur général des requêtes de l'hôtel, Charles VI. révoqua ces lettres le 19 Septembre 1406, & dans les lettres de révocation il est dit, que la cour & jurisdiction des requêtes de l'hôtel, est grande & notable jurisdiction ordinaire, fondée de très-grande ancienneté, & une des plus notables jurisdictions ordinaires du royaume après le parlement ; & que par les ordonnances du royaume il n'y a aucuns officiers de l'hôtel du roi, de quelque état qu'ils soient, qui puissent en l'hôtel du roi tenir aucune jurisdiction ordinaire, excepté ses amés & feaux conseillers les maîtres des requêtes, auxquels par les ordonnances appartient la connoissance des causes personnelles des officiers de l'hôtel du roi, en défendant & la punition & correction des cas par eux connus & perpétrés, & la connoissance des cas qui chaque jour adviennent en l'hôtel du roi, sur lesquels il convient asseoir forme de procès, & aussi la connoissance des causes touchant les débats des offices royaux, & que lesdits maîtres des requêtes sont généraux réformateurs, quelque part où soit sa majesté.

Il n'y a point d'autres juges aux requêtes de l'hôtel, que les maîtres des requêtes lesquels y servent par quartier.

Les autres officiers de ce tribunal sont un procureur général lequel a droit d'assister au sceau, un avocat général, un substitut du procureur général, un greffier en chef, un principal commis du greffe, un greffier garde-scel ordinaire des requêtes de l'hôtel, six huissiers.

Les maîtres des requêtes, dans leur tribunal des requêtes de l'hôtel, exercent deux sortes de jurisdictions, l'une à l'extraordinaire ou au souverain, l'autre à l'ordinaire.

Ils jugent souverainement & en dernier ressort au nombre de sept.

1°. Les causes renvoyées par arrêt du conseil, & toutes sortes d'instances qui s'intentent en exécution d'arrêts du conseil privé.

2°. Les causes touchant la falsification des sceaux des grandes & petites chancelleries, comme aussi l'instruction du faux incident aux instances pendantes au conseil, lorsque les moyens de faux y ont été déclarés admissibles.

3°. Les demandes des avocats au conseil pour leurs salaires, & les désaveux formés contr'eux.

4°. L'exécution des lettres du sceau, portant privilege ou permission d'imprimer.

5°. Les appellations des appointemens & ordonnances que les maîtres des requêtes ont données pour instruction des instances du conseil, & les appels de la taxe & exécution des dépens adjugés au conseil.

Ils connoissoient aussi au souverain des propositions d'erreur qui s'intentoient contre les arrêts des cours souveraines, mais cela n'a plus lieu depuis que les propositions d'erreur ont été abrogées par l'ordonnance de 1667.

On ne peut faire ajourner aux requêtes de l'hôtel pour juger en dernier ressort, qu'en vertu d'arrêt du conseil ou commission du grand sceau.

Lorsque les maîtres des requêtes jugent au souverain, ils prononcent les maîtres des requêtes, juges souverains en cette partie, &c. & leurs jugemens sont qualifiés d'arrêts.

L'on ne peut se pourvoir contre ces arrêts des requêtes de l'hôtel à l'extraordinaire, que par requête civile ou opposition, ainsi que contre les arrêts des autres cours supérieures.

Les requêtes de l'hôtel connoissent en premiere instance & à l'ordinaire dans toute l'étendue du royaume, de toutes les causes personnelles, possessoires & mixtes de ceux qui ont droit de committimus au grand & au petit sceau.

Il est au choix de ceux qui ont droit de committimus, de plaider aux requêtes de l'hôtel ou aux requêtes du palais, excepté les maîtres des requêtes & officiers des requêtes de l'hôtel & leurs veuves, qui ne peuvent plaider en vertu de leur privilege, qu'aux requêtes du palais, comme vice versâ. Les présidens, conseillers & autres officiers des requêtes du palais, & leurs veuves, ne peuvent plaider, en vertu de leur privilege, qu'aux requêtes de l'hôtel.

L'appel des sentences rendues aux requêtes de l'hôtel à l'ordinaire, ressortit au parlement. Voy. Budée, Miraulmont, Joly, Girard, Guenois, Brillon, le style des requêtes de l'hôtel par Ducrot. (A)

REQUETE D'EMPLOI, est celle qui est employée, soit pour tenir lieu d'autres écritures ou de production, comme pour servir d'avertissement de griefs, causes & moyens d'appel, réponses, contredits, salvations, &c.

REQUETE D'INTERVENTION, est celle par laquelle quelqu'un qui n'étoit pas encore partie dans une cause, instance ou procès, demande d'y être reçue partie intervenante.

REQUETE INTRODUCTIVE, est celle que l'on a d'abord présentée pour former son action, soit en demandant permission d'assigner ou d'être reçu partie intervenante. Voy. AJOURNEMENT, ASSIGNATION, EXPLOIT.

REQUETE JUDICIAIRE, est celle qui est formée verbalement & sur le barreau, soit par la partie ou par son procureur, ou par l'avocat assisté de la partie ou du procureur. V. ci-après REQUETE VERBALE.

REQUETES DU PALAIS, (Jurisprud.) Voyez ce qui en est dit au mot PARLEMENT.

REQUETE DE PRODUCTION NOUVELLE, est celle pour laquelle on produit de nouvelles pieces dans une instance ou procès. Voyez PRODUCTION NOUVELLE.

REQUETE DE QU'IL VOUS PLAISE, est une requête qui ne contient que les qualités & des conclusions, sans aucun récit de faits ni établissement de moyens qui précédent les conclusions ; on l'appelle requête de qu'il vous plaise, ou un qu'il vous plaise simplement, parce que les conclusions de ces sortes de requêtes commencent par ces mots qu'il vous plaise, supplie humblement tel,.. qu'il vous plaise, &c.

REQUETE REPONDUE, c'est celle au bas de laquelle le juge a mis son ordonnance.

REQUETE VERBALE ou JUDICIAIRE, est celle que l'on fait verbalement à l'audience.

Cependant au châtelet de Paris, & aux requêtes du palais, on donne le nom de requête verbale à des requêtes qui sont rédigées par écrit ; on les appelle verbales, parce que dans l'origine elles se faisoient à l'audience ; au châtelet elles commencent par ces mots : à venir plaider par m e tel... sur la requête de tel ; & aux requêtes du palais elles commencent par ces mots : sur ce que m e tel, procureur, a remontré ; & à la fin il est dit sur quoi la cour ordonne, & & soit signifié ; ces requêtes verbales, usitées aux requêtes du palais, ont la forme d'une sentence sur requête, & sont comme des especes d'appointemens que l'on offre sur ce qui concerne l'instruction.

REQUETE, (Hist. rom.) les requêtes présentées aux empereurs par des particuliers, se nommoient communément libelles, libelli, & la réponse de l'empereur étoit appellée rescriptum. M. Brisson, de formulis, lib. III. nous a conservé une ancienne requête présentée à un empereur romain, dont voici les termes :

Quum ante hos dies conjugem & filium amiserim, oppressus necessitate, corpora eorum facili sarcophago commendaverim, donec iis locus quem emeram aedificaretur, via flaminia inter mil. II. & III. euntibus ab urbe parte laevâ ; rogo, domine imperator, permittas mihi in eodem loco in marmoreo sarcophago, quem mihi modo comparavi, ea corpora colligere, ne quandò ego me esse desiero, pariter cum iis ponar.

Le rescrit mis au-bas de cette requête étoit conçu en ces termes :

Secretum fieri placet ; jubentina Celius promagister suscripsi III. non. Novembris, Antio Pollione, & optimo cons.

La fameuse loi , ff. de lege rhod. est une requête présentée par Eudémon marchand à Nicomédie, à l'empereur Antonin, au-bas de laquelle est le rescrit qui a donné lieu à deux jurisconsultes, de faire chacun un commentaire peu nécessaire pour l'intelligence de cette loi, dont voici les termes : " Plainte d'Eudémon de Nicomédie à l'empereur Antonin. Seigneur, en voyageant dans l'Italie, nous avons fait naufrage, & nos effets ont été pillés & enlevés par les fermiers des îles Cyclades ".

L'empereur répondit : " Je suis à la vérité maître du monde ; mais la loi des Rhodiens regne sur la mer, & sert de regle pour décider les difficultés qui concernent la navigation maritime, pourvu qu'elle s'accorde avec nos lois ". Voilà une juste idée des requêtes que l'on présentoit aux empereurs, & de la réponse ou rescrit qu'ils y faisoient. Au reste ces requêtes avoient différens noms, & la formule n'étoit point fixe ni déterminée. Quant à la réponse de l'empereur, elle commençoit presque toujours par ces mots, cum proponas, ou si ut proponis, &c. & elle finissoit par cette condition que l'empereur Zénon inventa, si preces veritate nituntur, ce qui est encore en usage parmi nous. (D.J.)

REQUETE, terme de Chasse : il se dit lorsqu'on est en défaut, & qu'il faut requêter de nouveau la bête. On appelle plus ordinairement requêter une bête, lorsqu'après l'avoir courue & brisée le soir, on la quête le lendemain avec le limier, pour la réclamer & la redonner aux chiens ; on dit requêter un cerf. (D.J.)

REQUETER un cerf ou autre bête, (Vénerie) c'est après l'avoir courue & brisée le soir, aller la chercher & quêter le lendemain avec le limier pour la relancer aux chiens.


REQUIABTARterme de relation, nom du quatrieme page de la cinquieme chambre de ceux du grand-seigneur : c'est lui qui tient l'étrier à sa hautesse quand elle monte à cheval. Du Loir. (D.J.)


REQUIEMS. m. terme de Missel, on appelle dans l'église romaine messe de requiem, une messe des morts, parce que l'introïte de cette messe commence par ces paroles : Requiem aeternam dona eis, Domine, &c. Voyez MESSE.


REQUINREQUIEM, LAMIE, TIBURON, s. m. (Hist. nat. Icthyologie.) Pl. XIII. fig. 3. poisson de mer cartilagineux, vivipare, le plus grand de tous les chiens de mer. Rondelet a vu un requin de moyenne grosseur qui pesoit mille livres ; ce poisson a la tête & le dos fort larges ; la queue est applatie sur les côtés, & terminée par deux nageoires ; les yeux sont gros & ronds ; la bouche est très-grande & garnie de six rangs de dents dures très-pointues, de figure triangulaire, & découpées de chaque côté comme une scie ; celles du premier rang ont leur direction en-avant ; celles du second s'élevent perpendiculairement ; enfin, celles des quatre autres rangs sont dirigées pour la plûpart en-arriere. Le requin a près de l'extrêmité de la queue deux petites nageoires, une en-haut & l'autre en-bas ; deux près de l'anus ; deux autres près des ouies, & une sur la partie antérieure du dos. Ce poisson a la peau fort dure ; il est trés-avide de toutes sortes de viande ; il se nourrit principalement de poissons ; il fait la chasse à toutes sortes d'animaux ; il attaque avec la plus grande impétuosité les hommes mêmes & les dévore. Rondelet, hist. natur. des poissons, premiere partie, livre XIII. chapitre xj. Voyez POISSON.


REQUINTS. m. (Jurisprud.) est la cinquieme partie du quint dû au seigneur pour une mutation par vente.

Le requint n'est pas de droit commun, & n'a pas lieu dans toutes les coutumes où le quint est dû, mais seulement dans les coutumes qui l'accordent expressément, comme celle de Meaux ; dans celles de Péronne, de Montdidier & Roye, il n'est dû que quand le contrat porte francs deniers au vendeur. Voyez QUINT. (A)


REQUINTERONEONA, s. m. & fém. terme de relation, nom que l'on donne au Pérou aux enfans nés d'un espagnol, & d'une quinterona, de façon néanmoins que ce nom ne s'applique qu'au dernier degré de génération, qui conserve encore quelques marques du mêlange du sang espagnol avec le sang indien ou africain. (D.J.)


REQUIPERv. act. (Gram.) équiper de nouveau. Voyez les articles ÉQUIPAGE & ÉQUIPER.


RÉQUISITIONS. f. (Jurisprud.) signifie demande. Ce terme est usité dans les procès-verbaux où les parties font des dires & prennent des conclusions ; par exemple, dans un procès-verbal de scellé une partie demande qu'un écrit soit paraphé, on fait mention qu'il a été paraphé à sa réquisition. (A)


RÉQUISITOIRES. m. (Gram. & Jurisprud.) demande faite ou par le procureur-général, ou par l'avocat-général, ou par un promoteur, ou par un avocat, un procureur, un plaideur, à ce que telle ou telle chose soit faite.


RERRELA, (Géog. mod.) petite riviere de France, dans l'Orléanois ; elle se perd dans la Saudre, une lieue au-dessus de Romorantin ; l'eau de cette petite riviere est d'une grande utilité pour la fabrique des draps du pays. (D.J.)


RESACRERv. act. (Gram.) sacrer derechef. Voyez SACRE & SACRER.


RESAIGNERv. act. (Gram.) saigner une seconde fois. Voyez SAIGNEE & SAIGNER.


RESAISIRv. act. (Gram.) saisir de nouveau. Voyez SAISIE & SAISIR.


RESALUERv. act. (Gram.) saluer derechef. Voyez SALUT, SALUTATION, LUERLUER.


RESARCELÉadj. (Blason) il se dit d'une croix ou bande garnie d'un orle approchant de ses bords ; il porte d'azur à la bande d'argent resarcelée d'or.


RESASSERv. act. (Gram.) sasser derechef. Voyez les articles SAS & SASSER.


RESCHAMPIRv. act. terme de Doreur, en termes de Doreurs en détrempe, c'est réparer avec du blanc de céruse les taches que le jaune ou l'assiette ont pû faire en bavochant sur les fonds que l'on veut conserver blancs. Trévoux. (D.J.)


RESCHT(Géog. mod.) ville de Perse, capitale de la province de même nom, dans la province de Ghilan, le long de la mer Caspienne, où elle forme une espece de croissant, & dont elle est éloignée de deux lieues. Elle est grande, ouverte, & toute plantée d'arbres, qui y présentent comme l'aspect d'une forêt. Long. 68. 27. latit. 37. 24. (D)


RESCINDANTadj. (Jurisprudence) est le moyen qui sert à rescinder un acte ou un jugement.

Quelquefois par le terme de rescindant, on entend la cause sur le point de forme comme le rescisoire est la cause sur le fonds.

Dans les requêtes civiles, il faut juger le rescindant avant le rescisoire. Voyez REQUETE CIVILE. (A)


RESCINDERv. act. (Jurisprudence) signifie annuler un arrêt ou un jugement. Voyez RESCISION.


RESCISIONS. f. (Jurisprudence) est lorsque l'on annuelle en justice un contrat ou autre acte. Ce terme vient du latin rescindere, qui dans cette occasion est pris pour resecare, couper en deux : ce terme a été appliqué aux actes que l'on déclare nuls, parce qu'anciennement la façon d'annuller un acte, étoit de le couper en deux ; ce qui s'appelloit rescindere.

Il y a des actes que les coutumes & les ordonnances déclarent nuls, & dont on peut faire prononcer en justice la nullité, sans qu'il soit besoin de prendre la voie de rescision, parce que ce qui est nul est censé ne pas exister, & conséquemment n'a pas besoin d'être rescindé.

Mais à-moins que la nullité d'un acte ne soit ainsi déclarée par la loi, un acte n'est pas nul de plein droit, quoiqu'on ait des moyens pour le faire annuller ; c'est pourquoi l'on dit que les voies de nullité n'ont pas lieu en France ; il faut prendre la voie de la rescision, & pour cet effet obtenir du roi des lettres de petite chancellerie, qu'on appelle lettres de rescision, c'est-à-dire, qui autorisent l'impétrant à prendre la voie de la rescision, & le juge à rescinder l'acte, si les moyens sont suffisans.

Les moyens de rescision ou restitution en entier, sont la minorité, la lésion, la crainte ou la force, le dol, l'erreur de fait. Voyez LETTRES DE RESCISION & RESTITUTION EN ENTIER.

On dit aussi quelquefois la rescision d'un arrêt, pour exprimer la restitution qui est accordée à une partie contre cet arrêt par la voie de la requête civile ; & dans cette espece de rescision, on distingue le rescindant & le rescisoire, c'est-à-dire la forme & le fond. Voyez REQUETE CIVILE, RESCINDANT & RESCISOIRE.


RESCISOIREadj. (Jurisprud.) est le moyen au fond, ou la cause même considérée au fond, par opposition au rescindant qui ne touche que la forme. Dans une requête civile, par exemple, le dol personnel de la partie adverse est le rescindant, & le mal-jugé au fond est le rescisoire. Voyez RESCISION, REQUETE CIVILE. (A)


RESCONTRERv. n. (Com.) terme dont se servent quelques négocians, pour signifier une compensation ou évaluation, qui se fait d'une chose contre une autre de même valeur. Il faut rescontrer les 500 liv. que je vous dois pour marchandises avec pareille somme contenue en lettre-de-change que j'ai sur vous, pour dire qu'il faut compenser ces 500 liv. avec pareille somme portée par la lettre-de-change. Diction. de Commerce.


RESCRIPTS. m. (Jurisprud.) rescriptum, signifie en général, une réponse qui est faite par écrit à quelque demande qui a été aussi faite par écrit.

Ce terme n'est guere usité que pour désigner certaines lettres ou réponses des empereurs romains & des papes.

Les rescripts des empereurs étoient des lettres qu'ils écrivoient en réponse aux magistrats des provinces, ou même quelquefois à des particuliers qui prioient le prince d'expliquer ses intentions sur des cas qui n'étoient pas prévûs par l'édit perpétuel, ni par l'édit provincial, qui étoient alors les lois que l'on observoit.

L'empereur Adrien fut le premier qui fit de ces sortes de rescripts.

Ils n'avoient pas force de loi, mais ils formoient un grand préjugé.

Quand les questions que l'on proposoit à l'empereur paroissoient trop importantes pour être décidées par un simple rescript, l'empereur rendoit un decret.

Quelques-uns prétendent que Trajan ne donna point de rescripts, de crainte que l'on ne tirât à conséquence, ce qui n'étoit souvent accordé que par des considérations particulieres ; il avoit même dessein d'ôter aux rescripts toute leur autorité.

Cependant Justinien en a fait insérer plusieurs dans son code, ce qui leur a donné plus d'autorité qu'ils n'en avoient auparavant. Voyez sur ces rescripts, la seconde dissertation d'Antoine Schulting, l'hist. de la jurispr. rom. par M. Terrasson, p. 261, & les mots CONSTITUTION, DECRET.

RESCRIPTS des papes, sont des lettres apostoliques, par lesquelles le pape ordonne de faire certaines choses en faveur d'une personne, qui l'a suppliée de lui accorder quelque grace.

On distingue néanmoins deux sortes de rescripts, ceux de grace & ceux de justice ; les premiers dépendent de la volonté du pape ; les autres dépendent plus de la disposition du droit, que de la volonté de celui qui les accorde.

Les rescripts concernent, ou les bénéfices, ou les procès, ou la pénitencerie en toute matiere ; ils doivent être restraints & réduits dans les termes des saints decrets & constitutions canoniques, & en France ils ne sont reçus & exécutés, que sans préjudice de nos libertés.

Les rescripts délégatoires doivent être adressés à l'ordinaire pour les fulminer.

Le pape ne peut par ces rescripts, commettre pour juges, que des naturels françois, & doit choisir les juges dans le ressort du parlement où demeurent les parties.

Aucun rescript ne peut être enregistré au parlement, sans être revêtu de lettres-patentes. Voyez les mémoires du Clergé, Fevret, Fuet, Lacombe, & les mots BREF, BULLE, FULMINATION, DELEGUE.

RESCRIPT, se dit aussi en quelques endroits, pour le rapport ou relation que l'huissier ou sergent fait dans son exploit. (A)


RESCRIPTIONS. f. (Com.) ordre, mandement que l'on donne par écrit à un correspondant, commis, facteur, fermier, &c. de payer une certaine somme à celui qui est le porteur de ce mandement. Les rescriptions ne sont ordinairement que d'un supérieur sur son inférieur, ou d'un créancier sur son débiteur. Ainsi un seigneur donne aux marchands des rescriptions sur ses fermiers. On prend à Paris à l'hôtel des fermes des rescriptions des gabelles, des aides, & des cinq grosses fermes, sur les revenus de ces fermiers du roi dans les provinces, ce qui est très-commode pour y faire passer de l'argent sans frais. Les rescriptions des banquiers se traitent comme les lettres-de-change.

Modele de rescription.

Vous payerez, ou je vous prie de payer à M. Robert, banquier de votre ville, la somme de cinq mille livres, de laquelle je vous tiendrai compte sur les deniers de la recette que vous faites pour moi, en rapportant la présente rescription, avec la quittance dudit sieur Robert, à Paris le 10 Août 1745.

GODEAU.

Pour la somme de 5000 livres.

Dictionn. de Commerce & de Trév.


RÉSEAUS. m. (Ouv. de fil ou de soierie) sorte de tissu de fil ou de soie fait au tour, dont quelques femmes se servent pour mettre à des coëffes, à des tabliers, & à autres choses. Un réseau est proprement un ouvrage de fil simple, de fil d'or, d'argent, ou de soie, tissu de maniere qu'il y a des mailles & des ouvertures ; il y a toutes sortes d'ouvrages de réseaux : la plûpart des coëffures de femmes, sont faites de tissus à jour & à claires-voies, qui ne sont autre chose que des especes de réseaux, dont les modes changent perpétuellement. (D.J.)

RESEAUX des Indes, (Soierie) ce sont des ouvrages de soie propres à faire des ceintures ou des jarretieres. Ceux qui sont destinés pour des ceintures, sont apportés des Indes, garnis aux deux bouts de houpes d'or & d'argent. Ils ont deux aunes ou environ de longueur, sur un tiers & cinq douziemes de largeur. Dictionn. de Com. (D.J.)


RESECHERv. act. (Gram.) sécher derechef. Voyez SEC & SECHER.


RESECTES. f. en Géometrie, est la portion A T (fig. 11, analyse) de l'axe d'une courbe, intercepté entre le point A, sommet de la courbe, ou origine des co-ordonnées ; & le point T, où la tangente M T rencontre l'axe A C, prolongé s'il est nécessaire, soit M P = y, A P = x, on sait, (Voyez SOUTANGENTE) que la soutangente P T, est égale à ydx./dy Donc la resecte A T est égale à ydx/dy - x. (O)


RESEDAS. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en masque, & composée de plusieurs pétales inégaux. Le pistil sort du calice, & devient dans la suite une capsule membraneuse, qui a trois ou quatre angles. Cette capsule est oblongue & comme cylindrique, & elle renferme des semences arrondies. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

Ce genre de plante est nommé vulgairement par les Anglois base-rocket. Tournefort en compte sept especes. La plus commune, reseda vulgaris, I. R. H. 423, est, selon Linnaeus, le phyteuma de Dioscoride ou des anciens.

Sa racine est longue, grêle, ligneuse, blanche, âcre au goût. Elle pousse plusieurs tiges à la hauteur d'un pié & demi, cannelées, creusées, velues, rameuses, foibles, courbées, revêtues de feuilles rangées alternativement, découpées profondément, ondées de couleur verte-obscure, d'un goût d'herbe potagere.

Ses fleurs naissent aux sommités des tiges & des rameaux, en maniere de thyrses ou d'épis lâches ; chaque fleur est composée de plusieurs pétales irréguliers d'un jaune blanchâtre, dont le milieu est occupé par plusieurs petites étamines à sommets jaunes. Après que les fleurs sont tombées, il leur succede des capsules membraneuses, à trois angles, longues d'un pouce, un peu semblables à des urnes cylindriques, & remplies de semences noires, menues, presque rondes. Cette plante fleurit en Juin & en Juillet ; elle croît fréquemment dans les champs, le long des chemins, surtout dans les terres abondantes en craie. (D.J.)


RESELLERv. act. (Gram.) remettre la selle à un cheval. Voyez SELLE & SELLER.


RESEMELERv. act. (Gram.) remonter de semelles des bas ou des souliers. Voyez SEMELLE & SEMELER.


RESEMERv. act. (Gram.) semer derechef. Voy. SEMENCE, SEMAILLE, SEMER.


RESEPAGES. m. (Jurisprud.) terme d'eaux & forêts, qui signifie la nouvelle coupe que l'on fait de quelque arbre ou d'un bois en général qui a été mal coupé, ou qui n'est pas de belle venue. L'ordonnance des eaux & forêts ordonne le resepage des bois rabougris, broutés & avortés. Voyez l'article 13 du tit. 25. (A)


RÉSEPERv. act. (Archit. hydraul.) c'est couper avec la coignée ou la scie, la tête d'un pieu ou d'un pilot, qui refuse le mouton, parce qu'il a trouvé de la roche, & qu'il faut mettre de niveau avec le reste du pilotage. Daviler. (D.J.)

RESEPER ou RECEPER, v. act. (Jardin.) c'est couper les arbres par la tête, ou pour les éteter, ou pour leur faire pousser de nouvelles branches. (D.J.)


RESEPH(Géog. anc.) ou Resapha, & dans Ptolémée, l. V. c. xv. Roesapha, ville de la Palmyrène. Il en est parlé dans le quatrieme livre des Rois xjx. 12. & dans Isaïe xxxvij. 12 ; les tables de Peutinger & la notice d'orient la connoissent aussi. (D.J.)


RÉSERVATIONS. f. (Jurisprud.) est un ancien terme qui signifie la même chose que réserve ; il n'est guere usité qu'en matiere de bénéfices & de pensions sur bénéfices. Voyez RESERVE.


RÉSERVES. f. (Jurisprud.) signifie en général exception, restriction, au moyen de laquelle une chose n'est pas comprise, soit dans la loi, ou dans un jugement ou autre acte.

RESERVE APOSTOLIQUE, ou des bénéfices. Voyez ci-après RESERVE DES BENEFICES.

RESERVE DES BENEFICES ou RESERVE APOSTOLIQUE, est une faculté que le pape prétend avoir de retenir à sa collation les bénéfices qu'il veut, au préjudice des collateurs ordinaires.

Anciennement les papes n'usoient point de réserves ; il n'en est fait aucune mention dans tout le volume du decret.

Clément IV. fut le premier qui introduisit les réserves ; son decret est rapporté dans le sexte. Il pose pour principe que la collation de tous les bénéfices appartient au pape, qu'il peut même donner un droit sur ceux qui ne sont pas encore vacans.

Les successeurs de Clément IV. ne manquerent pas d'adopter ce systême, & firent tant de réserves générales & particulieres, qu'il ne restoit presque plus aucun bénéfice à la collation des ordinaires. Les constitutions execrabilis & ad regimen faites au sujet de ces réserves par Jean XXII. & Benoit XII. souleverent tous les collateurs.

Les réserves peuvent procéder de quatre causes différentes : savoir, du lieu, de la personne, de la qualité du bénéfice & du tems.

La réserve ratione loci comprend particulierement les bénéfices vacans par mort in curiâ.

De toutes les réserves apostoliques générales ou particulieres, celle des bénéfices vacans en cour de Rome est la plus ancienne ; elle fut établie par Clément IV. Le concile de Basle & la pragmatique-sanction laisserent subsister cette réserve, & abolirent toutes les autres. On a suivi la même chose dans le concordat, ensorte que dans les pays soumis à cette loi on ne connoit point d'autre réserve que celle des bénéfices vacans en cour de Rome.

Lorsque le pape ne confere pas ces bénéfices dans le mois de la vacance, le collateur ordinaire peut en disposer, comme s'il n'y avoit pas de réserve. Les provisions que l'ordinaire auroit données dans le mois, sont même bonnes, si par l'événement le pape n'a pas conféré dans le mois.

Le collateur ordinaire peut conférer les cures qui vacquent en cour de Rome pendant la vacance du saint siege, ou qui y ont vacqué pendant la vie d'un pape qui n'en a point accordé de provision, la collation de ces sortes de bénéfices étant instante.

Les bénéfices en patronage laïc, & ceux qui doivent être conférés par le roi en vertu du droit de régale, ne sont pas sujets à la réserve des bénéfices vacans en cour de Rome.

A l'égard des bénéfices consistoriaux, cela souffre difficulté. Voyez les lois ecclésiastiques de M. d'Héricourt. Tous autres collateurs & bénéfices sont sujets à cette réserve, à moins qu'ils n'en soient exempts par un privilege spécial émané du saint siege.

La réserve ratione personae regarde les personnes dont le pape s'est voulu réserver les bénéfices, comme de ses familiers, c'est-à-dire de ses domestiques & de ceux des cardinaux & autres officiers de cour de Rome, qui se trouveroient absens de ladite cour.

La réserve ratione qualitatis beneficii est celle par laquelle les papes ont aboli les élections des églises cathédrales, monasteres & autres bénéfices vraiment électifs, & s'en sont réservé, & au S. Siege, la disposition absolue par leur regle de chancellerie, pour éviter les abus qui se commettoient dans les élections.

La réserve ratione temporis est celle par laquelle les papes ont ôté aux ordinaires la disposition des bénéfices en certain tems de l'année, prenant pour eux les deux tiers, ou en se réservant la collation alternative.

De toutes ces réserves, il n'y a que la premiere, savoir, celle des bénéfices vacans in curiâ, qui soit reçue partout en France ; celle de mensibus & alternativâ n'a lieu que dans les pays d'obédience, tels que la Bretagne, & quelques autres provinces, les autres réserves n'ont point du tout lieu parmi nous. Voyez le chap. in praesenti in 6 °. le concile de Basle, la pragmatique, le concordat, les lois ecclésiastiques de M. d'Héricourt, le traité de l'usage & pratique de cour de Rome de Castel. (A)

RESERVE DE BOIS ou BOIS DE RESERVE, sont les arbres ou parties de bois qui ne doivent point être vendus ni coupés. Les arbres du ressort, tels que ceux de lisieres, piés corniers de ventes, les baliveaux anciens & modernes, & baliveaux sur taillis sont reputés faire partie du fond. Les ecclésiastiques, communautés, & tous gens de main-morte sont obligés de mettre en réserve au moins la quatrieme partie de leurs bois pour la laisser croître en futaie. Voyez l'ordonnance des eaux & forêts. (A)

RESERVE des dépens, dommages & intérêts, c'est lorsque le juge, en rendant quelque jugement préparatoire ou interlocutoire, remet à faire droit sur les dépens, dommages & intérêts, après qu'on aura fait quelque instruction plus ample. Voyez DEPENS.

RESERVE A FAIRE DROIT, c'est lorsque le juge, en rendant un jugement, remet à faire droit sur le fond ou sur quelque branche de l'affaire, après qu'on aura fait quelque instruction qui doit précéder.

RESERVE DES MOIS, voyez REGLE DES MOIS, & le mot RESERVE DES BENEFICES.

RESERVE de pension sur un bénéfice, voyez ci-devant BENEFICE, & le mot PENSION.

RESERVE DU QUART ou quart en réserve, est le quart que les ecclésiastiques & autres gens de mainmorte sont tenus de laisser de leurs bois pour croître en futaie. Voyez l'ordonnance des eaux & forêts, tit. 24, art. 2.

RESERVE DES SERVITUDES est la clause par laquelle, en vendant une maison ou autre héritage, le vendeur se réserve les servitudes & droits qu'il a sur cet héritage, soit pour lui personnellement, soit pour l'utilité de quelqu'autre héritage à lui appartenant, & voisin de celui qu'il vend.

RESERVE D'USUFRUIT est, lorsqu'en vendant ou donnant la propriété d'un bien meuble ou immeuble, on en retient à son profit l'usufruit. Voyez USUFRUIT. (A)

RESERVES, (Hist. mod. Droit public) reservata caesarea. C'est ainsi qu'on nomme dans le droit public germanique les prérogatives réservées à l'empereur seul, & qu'il ne partage point avec les états de l'empire. Ces réserves sont presque toujours disputées, & ne valent qu'autant que celui qui les prétend, a le pouvoir de les faire valoir. On distingue ces réserves en ecclésiastiques & en politiques. Parmi les premieres, on compte le droit de présenter aux premiers bénéfices vacans après l'avenement au trône ; ce droit s'appelle jus primarium precum, le droit de protéger l'église romaine, le droit de convoquer le concile. Parmi les réserves politiques on compte le droit de légitimer les bâtards ; le droit de réhabiliter, famae restitutio ; le droit d'accorder des dispenses d'âge & des privileges ; le droit de relever du serment ; le pouvoir d'accorder le droit de citoyen, jus civitatis ; d'accorder des foires, jus nundinarum ; l'inspection générale sur les postes & sur les grands chemins ; le droit d'établir des académies ; le droit de conférer des titres & des dignités, & même de faire des rois ; cependant l'empereur ne peut élever personne au rang des états de l'empire, sans le consentement des autres états ; le droit d'établir des tribunaux dans l'empire ; le droit de faire la guerre dans une nécessité pressante ; enfin le droit d'envoyer & de recevoir des ambassadeurs au nom de l'empire. V. Vitriarii jus publicum. Voyez l'article EMPEREUR.

RESERVE, (Art militaire) est une partie de l'armée que le général reserve pour s'en servir où il en est besoin. Les reserves sont sous le commandement d'un officier général subordonné au commandant ; elles ne campent pas ordinairement avec l'armée, mais dans des lieux à portée de la rejoindre si le général le juge à propos. Le poste le plus naturel des reserves est derriere la seconde ligne.

Les reserves sont composées de bataillons & d'escadrons, c'est-à-dire de cavalerie & d'infanterie. On en a vu jusqu'à trois dans les grandes armées. Dans une bataille, la reserve forme une espece de troisieme ligne ; le général s'en sert pour fortifier les endroits qui ont besoin d'être soutenus.

Le nombre des troupes des reserves n'est pas déterminé ; il dépend de la force de l'armée & de la volonté du général. En 1747, la reserve de l'armée du roi en Flandre, étoit composée de 99 escadrons & de 30 bataillons.

L'usage de M. le maréchal de Saxe étoit de mettre ses meilleures troupes à la reserve ; usage fondé sur la pratique & la coutume des Romains, qui plaçoient leurs braves soldats à la troisieme ligne, où ils formoient une espece de reserve. Voyez LEGION & TRIAIRES.

Un général intelligent ne doit jamais faire combattre des troupes sans les faire soutenir par des reserves, parce qu'autrement le moindre désordre dans la premiere ligne suffit pour la faire battre entierement. Suivant Végece, l'invention des reserves est due aux Lacédémoniens. Les Carthaginois les imiterent en cela, & ensuite les Romains. Voyez ARMEE & ORDRE DE BATAILLE.


RÉSERVOIRS. m. (Hydr.) est un lieu où l'on amasse des eaux pour les distribuer à diverses fontaines, bien différent d'un bassin ou d'une simple cuvette de distribution.

Il y a quatre sortes de réservoirs ; ceux qui sont sur terre, appellés les découverts ; les réservoirs voûtés, ceux que l'on bute, & ceux que l'on éleve en l'air.

Les réservoirs sur terre sont ordinairement des pieces d'eau ou canaux glaisés, dans lesquelles on amasse des sources, & qui par leur profondeur contiennent plusieurs milliers de muids d'eau ; dans les jardins en terrasse un seul bassin d'en-haut fournit tous ceux d'en-bas sans autre réservoir.

Ceux qui sont voûtés, ne différent qu'en ce qu'ils sont construits sous une voûte, le niveau de l'eau n'ayant pas permis de les faire sur terre ; ils sont ordinairement cimentés, & forment des cîternes. Souvent on en trouve dans des terrasses, sur lesquelles on marche sans s'appercevoir qu'on est sur l'eau. Tels sont les réservoirs voûtés de Versailles auprès du château, celui de Villeroi, du Raincy, Vanvres, &c.

On en fait encore sur terre, que l'on appelle des réservoirs butés. On éleve les terres à une certaine hauteur en forme de pâté ; on les laisse rasseoir pendant six à sept mois ; on y construit ensuite un réservoir soutenu par des piles ou éperons de maçonnerie, bâtis sur le bon fonds, pour résister à la charge de l'eau, & maintenir le réservoir que l'on glaise ou cimente, suivant l'usage ordinaire.

Les réservoirs portés en l'air, ne sont pas à beaucoup près d'une si grande capacité que les autres ; 50, 100, 200 muids est ordinairement leur contenu. La difficulté de les soutenir sur des arcades ou piliers de pierre de taille, sur lesquelles on assied de grosses pieces de charpente & une carcasse en forme de bassin, la dépense de les revêtir de tables de plomb soudées ensemble, ne permettent pas de les faire aussi grands que ceux qui sont sur terre. On retient la poussée de l'eau dans les angles par de fortes équerres de fer, & par des barres traversantes d'un bout du réservoir à l'autre. Quand ces réservoirs sont couverts, on les appelle château d'eau, tels que celui de Versailles proche la chapelle, & celui vis-à-vis le palais royal à Paris.

Les réservoirs se construisent de même que les bassins, en glaise, en terre franche, en ciment, & en plomb. Voyez CONSTRUCTION DES BASSINS.

RESERVOIR du chyle, (terme d'Anatomie) receptaculum chyli, est une cavité située auprès du rein gauche, dans laquelle les veines lactées déchargent la matiere qu'elles contiennent. Voyez LACTEE.

Ce réservoir, qu'on appelle aussi réservoir de Pecquet qui l'a découvert, est situé sous les grandes arteres émulgentes entre les deux origines du diaphragme ; c'est-là que les veines lactées secondaires portent le chyle après qu'il a été délayé & rendu plus liquide par la lymphe dans les glandes du mésentere. Voyez CHYLE & MESENTERE.

M. Cowper a trouvé en injectant cette partie avec du mercure qu'elle est composée de trois grands trous, dont deux ont plus d'un quart de pouce de diamêtre. On n'observe cette division que dans le corps humain, dans lequel M. Drake croit que sa position droite est nécessaire pour diminuer la résistance que causeroit le chyle & la lymphe, si elles étoient contenues dans le même réservoir. Sa position horisontale dans les quadrupedes peut faire qu'un seul de ces trous suffise.

Son canal est situé dans le thorax ; ce qui l'a fait appeller canal thorachique. Voyez THORACHIQUE.

RESERVOIR, terme de la manufacture de papier, ce sont plusieurs grandes caisses de charpente revêtues de plomb intérieurement, & placées en gradation, c'est-à-dire ensorte que l'eau qui est amenée d'une source, ou par des pompes dans la supérieure, puisse couler jusque dans l'inférieure. Les canaux ou rigoles par où l'eau passe d'une caisse dans l'autre sont traversés par des chassis de fil de fer & de crin, au-travers desquels l'eau se filtre & se clarifie de plus en plus, la pureté de l'eau étant une des choses les plus essentielles pour la blancheur & la perfection du papier.


RÉSIDENCES. f. (Jurisprud.) est la demeure fixe que quelqu'un a dans un lieu.

On ne reçoit pour caution qu'une personne réséante, c'est-à-dire résidente & domiciliée dans le lieu.

Tous les officiers & employés sont naturellement obligés à résidence dans le lieu où se fait l'exercice de leur office ou emploi, du-moins lorsqu'il exige un service continuel ou assidu ; cependant cette obligation n'est pas remplie bien exactement par la plûpart des officiers.

La résidence est un devoir non moins indispensable pour les bénéficiers. Dans les premiers siecles de l'Eglise, tous les clercs demeuroient attachés à leur titre : ils ne pouvoient le quitter, & encore moins passer d'un diocèse à un autre sans la permission de leur évêque, sous peine d'excommunication contre eux & même contre l'évêque qui les recevoit.

Depuis que l'on fit des ordinations sans titre, les clercs qui étoient ainsi ordonnés se crurent dispensés de résider dans le lieu de leur ordination.

La pluralité des bénéfices s'étant ensuite introduite, les bénéficiers auxquels on a permis de posséder à-la-fois plusieurs bénéfices, se sont trouvés dans l'impossibilité de remplir par-tout l'obligation de la résidence ; on en a même vu qui ne résidoient dans aucun de leurs bénéfices, s'occupant de toute autre chose que des devoirs de leur état.

C'est de-là que le concile d'Antioche en 347 défendit aux évêques d'aller à la cour sans le consentement & les lettres des évêques de la province, & principalement du métropolitain.

Le concile de Sardique défendit aux évêques de s'absenter de leurs églises plus de trois ans sans grande nécessité, & ordonna à tous les évêques d'observer leurs confreres quand ils passeroient dans leur diocèse, & de s'informer du sujet de leur voyage, pour juger s'ils devoient communiquer avec eux & souscrire aux lettres de congé qu'ils portoient.

Alexandre III. en 1179 condamna à la résidence tous les bénéficiers à charge d'ames ; on ajouta depuis les dignités, canonicats & autres charges dans une église. La résidence n'ayant pas été ordonnée aux autres bénéficiers nommément, ils s'en crurent dispensés.

Ce fut sur-tout pendant le tems des croisades qu'il y eut le plus d'abus en ce genre, on permettoit aux clercs de recevoir sans résider les fruits de leur bénéfice pendant un tems considérable, comme de trois ans.

Les voyages de Rome qui étoient alors fréquens pour solliciter des procès ou des graces, furent encore des occasions de se soustraire à la résidence.

La translation du saint siege à Avignon y donna encore bien plus lieu, les cardinaux & les papes eux-mêmes donnant l'exemple de la non-résidence.

Les papes ne firent point difficulté d'accorder des dispenses de résider, même de donner des indults pour en dispenser à perpétuité, avec faculté néanmoins de recevoir toujours les fruits du bénéfice.

Le motif de ces dispenses fut que ceux auxquels on les accordoit servoient l'Eglise ou le public aussi utilement, quoique absens du lieu de leur bénéfice ; ce fut par le même principe que l'on accorda une semblable dispense aux ecclésiastiques de la chapelle du roi & aux officiers des parlemens ; mais l'édit de Melun ordonna que les chantres de la chapelle du roi, après qu'ils seroient hors de quartier, seroient tenus d'aller desservir en personne les prébendes & autres bénéfices sujets à résidence dont ils auront été pourvus, qu'autrement ils seront privés des fruits de leurs prébendes & bénéfices sujets à résidence.

Le concile de Trente ne permet aux évêques de s'absenter de leur diocèse que pour l'une de ces quatre causes, christiana charitas, urgens necessitas, debita obedientia, evidens ecclesiae vel reipublicae utilitas. Il veut que la cause soit approuvée par écrit & certifiée par le pape ou par le métropolitain, ou en son absence par le plus ancien évêque de la province. Le concile leur enjoint particulierement de se trouver en leurs églises au tems de l'Avent, du Carême, des fêtes de Noël, Pâque, Pentecôte & de la Fête-Dieu, à peine d'être privés des fruits de leur bénéfice à proportion du tems qu'ils auront été absens.

On agita alors si l'obligation de résider étoit de droit divin, comme quelques auteurs l'ont soutenu ; les avis furent partagés, & l'on se contenta d'ordonner la résidence, sans déclarer si elle étoit de droit divin ou seulement de droit ecclésiastique.

Ce réglement fut adopté par le concile de Bordeaux en 1583.

Il est encore dit par le concile de Trente que les évêques qui, sans cause légitime, seront absens de leur diocèse six mois de suite, perdront la quatrieme partie de leurs revenus ; que s'ils persistent à ne point résider, le métropolitain ou le plus ancien suffragant, si cela regarde le métropolitain, en avertira le pape qui peut pourvoir à l'évêché.

Le concile de Rouen, tenu en 1581, ordonne aux chapitres des cathédrales d'observer le tems que leur évêque est absent de son diocèse & d'en écrire au métropolitain, ou si le siege métropolitain est vacant, au plus ancien évêque de la province ou au concile provincial.

Pour les curés & autres bénéficiers ayant charge d'ames, le concile de Trente leur défend de s'absenter de leur église, si ce n'est avec la permission par écrit de l'évêque ; & en ce cas, ils doivent commettre à leur place un vicaire capable & approuvé par l'évêque diocésain, auquel ils assigneront un entretien honnête. Le concile défend aussi aux évêques d'accorder ces dispenses pour plus de deux mois, à-moins qu'il n'y ait des causes graves ; & il permet aux évêques de procéder par toutes sortes de voies canoniques, même par la privation des fruits contre les curés absens qui, après avoir été cités, ne résideront pas.

Quant aux chanoines, le concile de Trente leur défend de s'absenter plus de trois mois en toute l'année, sous peine de perdre la premiere année la moitié des fruits, & la seconde la totalité.

Les conciles provinciaux de Bourges & de Sens en 1528, & celui de Narbonne en 1551 avoient ordonné la même chose ; ceux de Rheims en 1564, de Rouen en 1581, de Bordeaux en 1583, Aix en 1585, Narbonne en 1609, Bordeaux en 1624, & l'assemblée de Melun en 1579, le réglement spirituel de la chambre ecclésiastique des états en 1614 ont renouvellé le même réglement. Le concile de Bordeaux en 1583 veut de plus que le collateur ne confere aucun bénéfice sujet à résidence, sans faire prêter au pourvu le serment qu'il sera exact à résider.

Les ordonnances du royaume ont aussi prescrit la résidence aux évêques, curés & autres bénéficiers, dont les bénéfices sont du nombre de ceux qui, suivant la présente discipline de l'Eglise, demandent résidence : telle est la disposition de l'ordonnance de Châteaubriant en 1551, de celle de Villerscotterets en 1557, de celle d'Orléans en 1560, de l'édit du mois de Mai de la même année, de l'ordonnance de Blois, art. 14. de celle du mois de Février 1580, de celle de 1629, art. 11. Le parlement défendit même en 1560 aux évêques de prendre le titre de conseillers du roi, comme étant une fonction incompatible avec l'obligation de résider dans leur diocèse ; le procureur général Bourdin faisoit saisir le temporel des évêques qui restoient plus de quinze jours à Paris.

L'édit de 1695, qui forme le dernier état sur cette matiere, porte, art. 23. que si aucuns bénéficiers qui possedent des bénéfices à charge d'ames manquent à y résider pendant un tems considérable, le juge royal pourra les en avertir, & en même tems leurs supérieurs ecclésiastiques ; & en cas que, dans trois mois après ledit avertissement, ils négligent de résider sans en avoir des excuses légitimes, il pourra, à l'égard de ceux qui ne résident pas & par les ordres du supérieur ecclésiastique, faire saisir jusqu'à concurrence du tiers du revenu desdits bénéfices au profit des pauvres des lieux, ou pour être employé en autres oeuvres pies, telles qu'il le jugera à-propos.

Suivant notre usage, on appelle bénéfices simples ceux qui n'ont point charge d'ames, & n'obligent point d'assister au choeur, ni conséquemment à résidence : tels sont les abbayes ou prieurés tenus en commende, & les chapelles chargées seulement de quelques messes que l'on peut faire acquiter par autrui.

Quant aux chanoines, quoiqu'en général ils soient tenus de résider, l'observation plus ou moins étroite de cette regle dépend des statuts du chapitre, pourvu qu'ils ne soient pas contraires au droit commun. A Hildesheim en Allemagne, évêché fondé par Louis le Débonnaire, un chanoine qui a fait son stage, qui est de trois mois, peut s'absenter pour six ans, savoir deux années peregrinandi causâ, deux autres devotionis causâ, & encore deux studiorum causâ.

Les chanoines qui sont de l'oratoire & chapelle du roi, de la reine & autres employés dans les états des maisons royales, les conseillers-clercs des parlemens, les régens & étudians des universités sont dispensés de la résidence tant que la cause qui les occupe ailleurs subsiste.

Deux bénéfices sujets à résider sont incompatibles, à-moins que celui qui en est pourvu n'ait quelque qualité ou titre qui le dispense de la résidence. Voyez le discours de Fra-Paolo sur le concile de Trente, l'institution au dr. ecclés. de M. Fleury, les lois ecclés. de d'Hericourt, les mémoires du clergé. (A)

RESIDENCE, (Pharm.) précipitation ou descente spontanée des parties qui troublent une liqueur. Voyez DECANTATION, pharmac.

Ce mot se prend encore pour ces parties descendues au fond de cette liqueur, & dans ce sens il est synonyme de feces. Voyez FECES, pharm.

On voit par l'idée que nous venons de donner de la résidence, que ce n'est pas la même chose que le résidu, voyez RESIDU, Chymie. (b)


RÉSIDENTS. m. (Hist. mod.) est un ministre public qui traite des intérêts d'un roi avec une république & un petit souverain ; ou d'une république & d'un petit souverain avec un roi. Ainsi le roi de France n'a que des résidens en Allemagne dans les cours des électeurs, & autres souverains qui ne sont pas têtes couronnées ; & en Italie, dans les républiques de Gènes & de Lucques, lesquels princes & républiques ont aussi des résidens en France.

Les résidens sont une sorte de ministres différens des ambassadeurs & des envoyés, en ce qu'ils sont d'une dignité & d'un caractere inférieur ; mais ils ont de commun avec eux qu'ils sont aussi sous la protection du droit des gens. Voyez AMBASSADEUR & ENVOYE.

RESIDENS, dans plusieurs anciennes coutumes, sont des tenanciers qui étoient obligés de résider sur les terres de leur seigneur, & qui ne pouvoient se transporter ailleurs. Le vassal assujetti à cette résidence, s'appelloit homme levant & couchant, & en Normandie resseant du fief.


RÉSIDUS. m. (Chymie) Les chymistes modernes se servent beaucoup de cette expression générique, & qui n'exprime qu'une qualité sensible & non interpretée pour désigner ce que les anciens chymistes désignoient par l'expression plus hardie, & le plus souvent inexacte de caput mortuum. Voyez CAPUT MORTUUM.

Le résidu est dans toutes les opérations la partie du sujet ou des sujets traités dont le chymiste ne se met point en peine ; ce qui lui reste, par exemple, des rectifications après en avoir séparé le produit rectifié, le marc des plantes dont il a retiré l'esprit aromatique, l'huile essentielle, l'extrait, le sel, &c.

Mais comme dans une recherche réguliere philosophique il n'y a aucune partie des sujets examinés dont on puisse négliger l'examen ultérieur, les opérations exécutées dans la vûe de recherche ne présentent jamais des résidus proprement dits, ou du-moins l'acception de ce mot ne peut être que relative, c'est-à-dire qu'une certaine matiere n'est résidue que d'une premiere opération, quoiqu'elle doive faire le sujet d'une opération ultérieure. J'ai appellé d'après cette vûe le résidu des distillations produit fixe, le distinguant par cette qualification des produits volatils ou mobiles de cette opération. Voyez DISTILLATION.

Résidu & résidence ne sont pas synonymes dans le langage chymique ; le dernier mot signifie la même chose que feces & que marc. Voyez FECES & MARC. (b)

RESIDU, (Com.) ce qui reste à payer d'un compte, d'une rente, d'une obligation, d'une dette. En fait de compte, on dit plus ordinairement reliquat, voyez RELIQUAT.


RESIGNABLEadj. (Jurispr.) se dit d'un bénéfice ou office qui peut être résigné. Voyez RESIGNATION.


RESIGNANTS. m. (Jurisprud.) est celui qui se démet en faveur d'un autre de quelque office ou bénéfice. Voyez BENEFICE, OFFICE, RESIGNATION, RESIGNATAIRE.


RÉSIGNATAIRES. m. (Jurisprud.) est celui au profit duquel on a résigné un bénéfice ou un office. Voyez BENEFICE, OFFICE, RESIGNANT & RESIGNATION, PROCURATION ad resignandum.


RÉSIGNATIONS. f. (Gramm.) entiere soumission, sacrifice absolu de sa volonté à celle d'un supérieur. Le chrétien se résigne à la volonté de Dieu ; le philosophe aux lois éternelles de la nature.

RESIGNATION, (Jurisprud.) est l'abdication d'un office ou d'un bénéfice par celui qui en est titulaire.

La résignation d'un bénéfice en particulier est l'abdication volontaire qui en est faite entre les mains du supérieur qui a droit de la recevoir ou de l'autoriser.

On distingue deux sortes de résignations pour les bénéfices ; l'une, qu'on appelle pure & simple ou absolue ; l'autre, qu'on appelle résignation en faveur ou conditionnelle, parce qu'elle n'est faite que sous la condition que le bénéfice sera conféré à un autre.

La résignation pure & simple, qu'on appelle aussi démission & renonciation, est un acte par lequel le titulaire déclare au collateur ordinaire qu'il se démet en ses mains du bénéfice.

Elle doit être absolue & sans condition, & ne doit même pas faire mention de celle-ci, que le résignant désireroit avoir pour successeur, car ce seroit une espece de condition.

Cette sorte de résignation se fait ordinairement devant deux notaires royaux, ou devant un notaire & deux témoins ; elle seroit aussi valable étant signée de l'évêque, de son secrétaire, du résignant, & de deux témoins.

La procuration ad resignandum est valable, quoique le nom du procureur y soit en blanc.

Tant que la résignation pure & simple n'est pas admise par le collateur, elle peut être révoquée.

La résignation une fois admise, le résignant ne peut plus retenir le bénéfice, quand même il en seroit demeuré paisible possesseur pendant trois ans.

Un bénéfice en patronage laïc peut être résigné purement & simplement entre les mains de l'ordinaire ; mais c'est au patron à y nommer, & le tems ne court que du jour que la démission lui a été signifiée.

La résignation pure & simple est valable, quoique faite dans un mois affecté aux gradués, pourvû qu'elle ait été insinuée deux jours francs avant le décès du résignant.

La résignation en faveur est un acte par lequel un bénéficier déclare au pape qu'il se démet en ses mains de son bénéfice, à condition que le pape le conférera à la personne qui est nommée dans la résignation nec alias, nec aliter, nec alio modo. Cette clause est de style ordinaire ; elle n'est pourtant pas nécessaire.

Ces sortes de résignations commencerent à être usitées sous le pontificat de Clément VII.

Elles ne peuvent être faites qu'entre les mains du pape, & l'on ne reconnoît point en France que le légat d'Avignon puisse les recevoir.

La forme de ces résignations est qu'elles se font par voie de procuration appellée communément procuration ad resignandum, laquelle doit être passée devant deux notaires apostoliques, ou devant un tel notaire & deux témoins.

Cette procuration, ensemble les mémoires nécessaires, sont mis entre les mains d'un expéditionnaire de cour de Rome, qui les envoie à son correspondant à Rome. Le fondé de procuration doit faire la résignation dans l'année de la procuration.

Les collateurs laïcs peuvent admettre les résignations, soit simples, soit en faveur, même pour cause de permutation de bénéfices qui sont à leur collation, mais on ne peut pas les y contraindre.

Dans les pays d'obédience, un bénéficier ne peut pas valablement résigner en faveur, à-moins qu'il n'ait d'ailleurs de quoi vivre honnêtement ; d'où vient cette clause usitée dans les résignations en faveur, aliundè commodè vivere valens ; mais dans le reste de la France on n'examine point si le résignant a de quoi vivre ou non.

Les résignations en faveur ne peuvent être admises sans le consentement du patron laïc, quand même le pape en homologuant la fondation se seroit réservé le droit de prévention.

On ne peut pas non plus résigner les cures de l'ordre de Malthe, sans le consentement exprès du commandeur dont la cure dépend.

Celui qui a passé procuration pour résigner en cour de Rome, ne peut pas résigner ce même bénéfice entre les mains de l'ordinaire, qu'il n'ait préalablement notifié une révocation de la procuration par lui envoyée à Rome.

Quand le résignataire après avoir accepté la résignation a laissé passer trois ans sans prendre possession, on ne peut pas lui résigner une seconde fois le même bénéfice ; tel est l'esprit de la regle de publicandis, & de l'édit du contrôle de 1637. Si l'on fait une seconde résignation à la même personne, il faut faire mention de la premiere pour obtenir dispense.

Pour rendre la résignation valable, il faut que le résignant, s'il est malade & qu'il décede de cette maladie, ait survécu de vingt jours à la résignation, autrement le bénéfice vaque per obitum.

Dans les résignations des bénéfices singuliers, tels que les cures, prieurés ou chapelles, il n'est pas besoin d'autre publication que celle qui se fait en prenant possession publiquement un jour de fête ou de dimanche, à l'issue de la messe paroissiale ou des vêpres, dont le notaire dresse un acte qu'il fait signer des principaux habitans.

L'édit de 1691 veut aussi que le résignataire qui prend possession après les six mois qui lui sont accordés, & pendant la vie du résignant, fasse insinuer sa prise de possession au-moins deux jours francs avant le décès du résignant.

Les mineurs ne peuvent résigner en faveur de leurs régens, précepteurs, & autres personnes qui peuvent avoir quelque ascendant sur eux.

On ne peut, en résignant à un particulier, se réserver tous les fruits du bénéfice : cela ne se peut faire par forme d'alimens que quand on unit le bénéfice à quelque église, monastere ou hôpital.

Le roi peut pendant la régale admettre la résignation en faveur des bénéfices simples qui seroient à la collation de l'évêque ; ils ont aussi le même droit pour ceux dont ils sont collateurs ordinaires.

Le bénéficier qui est in reatu, ne peut résigner en faveur.

Celui qui possede deux bénéfices incompatibles, peut résigner le premier, lequel devient vacant.

Tant que la résignation n'est pas admise, le résignant peut révoquer sa procuration ad resignandum, en signifiant la révocation au résignataire.

Il faut même observer que si la résignation est en faveur, & que le résignataire meure ou qu'il n'accepte pas, le résignant demeure en possession de son bénéfice, sans avoir besoin de nouvelles provisions.

La résignation pour cause de permutation, est une résignation mutuelle que deux bénéficiers se font au profit l'un de l'autre.

Sur les résignations, voyez la discipline de l'Eglise du P. Thomassin ; la pratique de cour de Rome de Castel, d'Héricourt, Fuet, Drapier, & les mots BENEFICE, COLLATION, NOMINATION, PATRONAGE, PERMUTATION, PROVISION. (A)


RESIGNERv. act. (Gramm.) signer de nouveau. Voyez SEING & SIGNER.


RÉSILIATIONS. f. (Jurisprud.) est l'action de résoudre un acte, comme un bail, un contrat de vente. Voyez RESOLUTION.


RÉSILIERv. act. (Jurisprud.) signifie résoudre, rescinder. Résilier un contrat ou autre acte, c'est le casser & l'annuller. On disoit anciennement résilir pour résilier. Voyez RESCISION, RESOLUTION, RESTITUTION EN ENTIER. (A)


RÉSINES. f. (Chym. Pharm. Mat. méd.) La résine est un composé chymique formé par l'union d'une huile simple du genre de celles que les chymistes appellent essentielles ou éthérées, & d'un acide : du-moins les deux grands moyens chymiques, savoir l'analyse & la recomposition artificielle, annoncent-ils que c'est là véritablement la nature chymique de la résine. En effet, si on distille une résine, avec un intermede capable de s'unir à son acide, ou même sans intermede, on divise ce composé en deux principes bien distincts & manifestement inaltérés ; savoir une huile essentielle & un acide ; & lorsqu'on a exécuté cette distillation sans intermede, il ne reste aucun caput mortuum ou résidu : à-peine le fond de la cornue qu'on y a employée est-il taché par un petit dépôt charbonneux, dépôt dû aux débris d'une petite quantité d'acide ou d'huile qui ont été nécessairement détruits pendant la distillation. Si l'on verse une certaine quantité d'acide vitriolique ou d'acide nitreux foible sur une huile essentielle, il s'excite bientôt une violente effervescence qui annonce l'union rapide de ces deux substances, de laquelle résulte une véritable résine.

Les caracteres extérieurs & les propriétés chymiques de la résine sont les suivantes : c'est un corps solide, cassant, souvent transparent lorsqu'il est peu coloré, ordinairement odorant, inflammable, soluble dans les huiles & dans l'esprit-de-vin.

Les baumes ne different des résines que par une surabondance d'huile essentielle qui leur procure entr'autres qualités spécifiques, la fluidité, & le parfum abondant. Aussi quelques substances de ce genre qui retiennent le nom de baume, quoique réduites sous forme solide comme le baume de tolu ; & tous les baumes durcis par vétusté, sont-ils de vraies résines. Les huiles essentielles elles-mêmes. qui paroissent toutes unies à une petite portion d'acide, surabondante ou étrangere à leur mixtion, approchent de l'état résineux, lorsqu'elles s'épaississent en vieillissant, & sur-tout lorsque l'évaporation libre de leurs parties les plus subtiles a été la principale cause de cet épaississement. Les résines nous sont présentées de deux façons ; ou bien elles coulent, soit spontè, soit par le secours de quelques legeres incisions (& d'abord sous la forme de baume) de certains arbres & de certaines plantes ; ou bien nous les retirons de certains bois, racines, écorces, tiges, sucs concrêts, &c. par le moyen de l'esprit-de-vin. La résine appellée gomme animè, celles qui sont connues sous les noms de gomme copal, de gomme élemi, de gomme de lierre, de gomme lacque, de gomme caragne, de gomme tacamahacha ; le benjoin, l'oliban ou encens, le mastic, le sandarac des arabes ou gomme de genêvrier, le sang-dragon, &c. sont de la premiere classe. La résine de gayac, celle des santaux, celle des purgatifs résineux, comme jalap, méchoachan, scammonée, &c. sont de la seconde. Voyez les articles particuliers. L'esprit-de-vin chargé de résines qu'il a extraites par digestion de ces différentes substances, prend le nom de teinture, & est une espece de teinture chymique. Voyez TEINTURE (Chymie.) L'eau ayant plus de rapport avec l'esprit-de-vin que cette derniere liqueur n'en a avec les résines ; si l'on verse de l'eau dans une des teintures dont nous venons de parler, cette teinture est précipitée sur le champ sous la forme d'une liqueur blanche & opaque connue dans l'art sous le nom de lait virginal. Voyez LAIT VIRGINAL.

Les usages des résines sont très-étendus dans plusieurs arts chymiques, & principalement dans la Pharmacie ; la classe de ces corps fournit même à la Médecine quelques remedes simples.

Les résines font la base des vernis ; elles entrent dans la composition de plusieurs cosmétiques ou fards. Voyez FARD. Elles sont des ingrédiens nécessaires de plusieurs baumes composés & de plusieurs teintures tant simples que composées, soit pour l'usage intérieur, soit pour l'usage extérieur. Elles entrent dans beaucoup d'emplâtres, beaucoup d'onguens : on en fait des pastilles odorantes pour les cassolettes, pastilli, profumi.

La résine de gayac, la résine de santal, les résines purgatives, principalement celles de jalap, & de scammonée, le sang-dragon, le benjoin & les fleurs, &c. sont au rang des remedes simples usuels. Voyez ces articles.

On s'est apperçu dans l'énumération que nous avons donnée plus haut des résines, que le plus grand nombre sont connues dans l'art sous le nom de gommes. C'est là une de ces fausses dénominations établies par l'usage, ou pour mieux dire, qui ayant été la dénomination commune des gommes & des résines, avant que l'art fût parvenu à distinguer ces divers genres de corps, est encore restée aux uns & aux autres dans le langage vulgaire, quoique le langage de l'art perfectionné sur ses progrès ait appliqué spécialement le nom de gomme, auparavant générique, à une espece de corps toute différente de celle dont nous traitons ici. Voyez GOMME, Chymie. (b)

RESINE, Caoutchouc, (Botan. exot.) espece de résine ainsi nommée par les Maïnas. Elle est commune dans le pays de la province de Quito voisin de la mer, ainsi que sur les bords du Maragnon.

Une des propriétés essentielles des résines est d'être totalement indissolubles à l'eau, & de ne céder qu'à l'action de l'esprit-de-vin plus ou moins continuée : cette propriété est presque toujours accompagnée de l'inflexibilité & de l'inextensibilité : la plûpart des résines ne se prêtent point à l'extension ; & on ne remarque en elles d'autre ressort que celui qu'ont presque tous les corps durs. M. de la Condamine en a cependant trouvé une qui ne se dissout point dans l'esprit-de-vin, qui est extensible comme du cuir, qui a une très-forte élasticité ; & pour achever la singularité, rien ne ressemble moins à une résine que cette matiere, quand on la tire de l'arbre duquel elle sort.

On trouve un grand nombre de ces arbres dans les forêts de la province des Emeraudes où on les appelle Hhevé ; il en découle par la seule incision une liqueur blanche comme du lait, qui se durcit & se noircit peu-à-peu à l'air. Les habitans en font des flambeaux d'un pouce & demi de diamêtre sur deux pieds de longueur : ces flambeaux brûlent très-bien sans mêche, & donnent une clarté assez belle ; ils répandent en brûlant une odeur qui n'est pas desagréable : un seul de ces flambeaux peut durer allumé environ vingt-quatre heures.

Dans la province de Quito, on enduit des toiles de cette résine, & on s'en sert aux mêmes ouvrages pour lesquels nous employons ici la toile cirée.

Le même arbre croît aussi le long de la riviere des Amazones. Les Indiens-Maïnas font de la résine qu'ils en tirent, des bottes d'une seule piece qui ne prennent point l'eau, & qui, lorsqu'elles sont passées à la fumée, ont tout l'air d'un véritable cuir. Ils en enduisent des moules de terre de la forme d'une bouteille ; & quand la résine est durcie, ils cassent le moule ; & en faisant sortir les morceaux par le goulot, il leur reste une bouteille non fragile, légere & capable de contenir toutes sortes de liquides non corrosifs.

L'usage que fait de cette résine la nation des Omaguas, située au milieu du continent de l'Amérique sur les bords de l'Amazone, est encore plus singulier. Ils en construisent des bouteilles en forme de poire, au goulot desquelles ils attachent une cannule de bois. En les pressant on en fait sortir par la cannule la liqueur qu'elles contiennent, & par ce moyen ces bouteilles deviennent de véritables seringues. Ce seroit chez eux une espece d'impolitesse de manquer à présenter avant le repas à chacun de ceux que l'on a priés à manger, un pareil instrument rempli d'eau chaude, duquel il ne manque pas de faire usage, avant que de se mettre à table. Cette bizarre coutume a fait nommer par les Portugais l'arbre qui produit cette résine, par dé xiringa ou bois de seringue. Voyez SERINGUE, Botan. exot. (D.J.)


RESINGUES. f. (Orfévrerie) est une branche de fer, pointue & pliée par un bout, & arrondie & courbée par l'autre. C'est sur cette derniere partie qu'on met la piece qu'on veut relever. La resingue, comme on le voit, fait le même effet qu'un levier par le moyen des vibrations.

La resingue est ordinairement fichée par sa queue recourbée ou dans un billot de bois, ou retenue dans les mâchoires d'un étau.


RÉSISTANCES. f. (Méchanique) se dit en général d'une force ou puissance qui agit contre une autre, de sorte qu'elle détruit ou diminue son effet. Voyez PUISSANCE. Il y a deux sortes de résistances qui viennent des différentes propriétés des corps résistans, & qui sont reglées par différentes lois ; savoir la résistance des solides & la résistance des fluides, ce qui va être expliqué dans les articles suivans.

La résistance des solides (nous ne parlerons point ici de celle qui a lieu dans la percussion. Voyez PERCUSSION), c'est la force avec laquelle les parties des corps solides qui sont en repos s'opposent au mouvement des autres parties qui leur sont contiguës ; cela se fait de deux manieres, 1°. quand les parties résistantes & les parties résistées, c'est-à-dire les parties contre lesquelles la résistance s'exerce (qu'on nous passe ce terme à cause de sa commodité), qui sont contiguës, & ne sont point adhérentes les unes avec les autres, c'est-à-dire quand ce sont des masses ou des corps séparés. Cette résistance est celle que M. Leibnitz appelle résistance des surfaces, & que nous appellons proprement friction ou frottement ; comme il est très-important de la connoître en Méchanique, voyez les lois de cette résistance sous l'article FROTTEMENT.

Le second cas de résistance, c'est quand les parties résistantes, & les résistées, ne sont pas seulement contiguës, mais quand elles sont adhérentes entre elles, c'est-à-dire quand ce sont les parties d'une même masse ou d'un même corps. Cette résistance est celle que nous appellons proprement rénitence, & qui a été premiérement remarquée par Galilée, théorie de la résistance des fibres des corps solides.

Pour avoir une idée de cette résistance ou de cette rénitence des parties, il faut supposer d'abord un corps cylindrique suspendu verticalement par une de ses bases, ensorte que son axe soit vertical, & que la base par laquelle il est attaché soit horisontale. Toutes ces parties étant pesantes tendent en-enbas, & tâchent de séparer les deux plans contigus où le corps est le plus foible, mais toutes les parties résistent à cette séparation, par leur force de cohérence & par leur union : il y a donc deux puissances opposées, savoir le poids du cylindre qui tend à la fracture, & la force de la cohésion des parties du cylindre qui y résistent. Voyez COHESION.

Si on augmente la base du cylindre sans augmenter sa longueur, il est évident que la résistance augmentera à raison de la base, mais le poids augmentera aussi en même raison. Si on augmente la longueur du cylindre sans augmenter la base, le poids augmentera, mais la résistance n'augmentera pas, conséquemment sa longueur le rendra plus foible. Pour trouver jusqu'à quelle longueur on peut étendre un cylindre, d'une matiere quelconque, sans qu'il se rompe, il faut prendre un cylindre de la même matiere, & y attacher le plus grand poids qu'il soit capable de porter, sans se rompre, & on verra par-là de combien il doit être allongé pour être rompu par un poids donné. Car soit A le poids donné, B celui du cylindre, L sa longueur, C le plus grand poids qu'il puisse porter, x la longueur qu'on cherche, on aura A + (B x)/L = C, dont x = (C L - A L)/B. Si une des extrêmités du cylindre est plantée horisontalement dans un mur, & que le reste soit suspendu, son poids & sa résistance agiront différemment ; & s'il se rompt par l'action de sa pesanteur, la fracture se fera dans la partie qui est la plus proche de la muraille. Un cercle ou un plan contigu à la muraille, & parallele à la base, & conséquemment vertical, se détachera des cercles contigus, & tendra à descendre. Tout le mouvement se fera autour de l'extrêmité la plus basse du diamêtre, qui demeurera immobile, pendant que l'extrêmité supérieure décrira un quart de cercle, jusqu'à-ce que le cercle qui étoit ci-devant vertical, devienne horisontal ; c'est-à-dire jusqu'à-ce que le cylindre soit entierement brisé.

Dans cette fracture du cylindre, il est visible qu'il y a deux forces qui agissent, & que l'une surmonte l'autre ; le poids du cylindre qui vient de toute sa masse, a surpassé la résistance qui vient de la largeur de sa base ; & comme les centres de gravité sont des points dans lesquels toutes les forces qui viennent des poids des différentes parties du même corps, sont unies & concentrées, on peut concevoir le poids du cylindre entier appliqué dans le centre de gravité de sa masse, c'est-à-dire dans un point du milieu de son axe ; & Galilée applique de même la résistance au centre de gravité de la base, ce qui nous fournira plus bas quelques réflexions ; mais continuons à développer la théorie, sauf à y faire ensuite les changemens convenables.

Quand le cylindre se brise par son propre poids, tout le mouvement se fait sur une extrêmité immobile du diamêtre de la base. Cette extrêmité est donc le point fixe du levier, les deux bras en sont le rayon de la base, & le demi-axe ; & conséquemment les deux forces opposées non-seulement agissent par leur force absolue, mais aussi par la force relative, qui vient de la distance où elles sont du point fixe du levier. Il s'ensuit de-là qu'un cylindre, par exemple de cuivre, qui est suspendu verticalement, ne se brisera pas par son propre poids s'il a moins de 480 perches de longueur, & qu'il se rompra étant moins long, s'il est dans une situation horisontale ; dans ce dernier cas sa longueur occasionne doublement la fracture parce qu'elle augmente le poids, & parce qu'elle est le bras du levier auquel le poids est appliqué.

Si deux cylindres de la même matiere, ayant leur base & leur longueur dans la même proportion, sont suspendus horisontalement ; il est évident que le plus grand a plus de poids que le plus petit, par rapport à la longueur & à sa base, mais il aura moins de résistance à proportion ; car son poids multiplié par le bras du levier est comme la quatrieme puissance d'une de ses dimensions, & sa résistance qui est comme sa base, c'est-à-dire comme le quarré d'une de ses dimensions, agit par un bras de levier, qui est comme cette même dimension, c'est-à-dire que le moment de la résistance n'est que comme le cube d'une des dimensions du cylindre, c'est pourquoi il surpassera le plus petit dans sa masse & dans son poids, plus que dans sa résistance, & conséquemment il se rompra plus aisément.

Ainsi nous voyons qu'en faisant des modeles & des machines en petit, on est bien sujet à se tromper en ce qui regarde la résistance & la force de certaines pieces horisontales, quand on vient à les exécuter en grand, & qu'on veut observer les mêmes proportions qu'en petit. La théorie de la résistance que nous venons de donner d'après Galilée, n'est donc point bornée à la simple spéculation, mais elle est applicable à l'Architecture & aux autres arts.

Le poids propre à briser un corps placé horisontalement, est toujours moins grand que le poids propre à en briser un placé verticalement ; & ce poids devant être plus ou moins fort, selon la raison des deux bras du levier, on peut réduire toute cette théorie à la question suivante, savoir quelle partie du poids absolu, le poids relatif doit être, supposant la figure d'un corps connue, parce que c'est la figure qui détermine les deux centres de gravité, ou les deux bras du levier. Car si le corps, par exemple, est un cône, son centre de gravité ne sera pas dans le milieu de l'axe comme dans le cylindre ; & si c'est un solide semi-parabolique, son centre de gravité ne sera pas dans le milieu de sa longueur ou de son axe, ni le centre de gravité de sa base, dans le milieu de l'axe de sa base ; mais en quelque lieu que soit le centre de gravité des différentes figures, c'est toujours lui qui regle les deux bras du levier ; on doit observer que si la base, par laquelle un corps est attaché dans le mur n'est pas circulaire, mais est, par exemple, parabolique, & que le sommet de la parabole soit en haut, le mouvement de fracture ne se fera pas sur un point immobile, mais sur une ligne entiere immobile, que l'on appelle l'axe de l'équilibre, & c'est par rapport à cette figure que l'on doit déterminer les distances des centres de gravité.

Un corps suspendu horisontalement, étant supposé tel que le plus petit poids ajouté le fasse rompre, il y a équilibre entre son poids & sa résistance, & conséquemment ces deux forces opposées sont l'une à l'autre réciproquement comme les deux bras du levier auquel elles sont appliquées.

M. Mariotte a fait une très-ingénieuse remarque sur ce systême de Galilée, ce qui lui a donné lieu de proposer un nouveau systême. Galilée suppose que quand les corps se brisent, toutes les fibres se brisent à-la-fois ; de sorte qu'un corps résiste toujours avec sa force entiere & absolue, c'est-à-dire avec la force entiere que toutes ses fibres ont dans l'endroit où il est brisé ; mais M. Mariotte trouvant que tous les corps, & le verre même, s'étendent avant que de se briser, montre que les fibres doivent être considérées comme de petits ressorts tendus qui ne déploient jamais toute leur force, à-moins qu'ils ne soient étendus jusqu'à un certain point, & qui ne se brisent jamais que quand ils sont entierement débandés ; ainsi ceux qui sont plus proches de l'axe de l'équilibre, qui est une ligne immobile, sont moins étendus que ceux qui en sont plus loin, & conséquemment ils employent moins de force.

Cette considération a seulement lieu dans la situation horisontale d'un corps : car dans la verticale, les fibres de la base se brisent tout à la fois ; ce qui arrive quand le poids absolu du corps, excede de beaucoup la résistance unie de toutes les fibres ; il est vrai qu'il faut un plus grand poids que dans la situation horisontale, c'est-à-dire, pour surmonter leur résistance unie, que pour surmonter leurs différentes résistances agissant l'une après l'autre ; la différence entre les deux situations, vient de ce que dans la situation horisontale, il y a une ligne ou un point immobile autour duquel se fait la fracture, & qui ne se trouve pas dans la verticale.

M. Varignon montre de plus, qu'au systême de Galilée, il faut ajouter la considération du centre de percussion, & que la comparaison des centres de gravité avec les centres de percussion, jette un jour considérable sur cette théorie. Voyez CENTRE.

Dans ces deux systêmes, la base par laquelle le corps se rompt, se meut sur l'axe d'équilibre qui est une ligne immuable dans le plan de cette base ; mais dans le second, les fibres de cette base sont inégalement étendues en même raison qu'elles s'éloignent davantage de l'axe d'équilibre, & conséquemment elles déployent une partie plus grande de leur force.

Ces extensions inégales ont un même centre de force où elles se réunissent toutes ; & comme elles sont précisément dans la même raison que les vîtesses des différens points d'une baguette mue circulairement, le centre d'extension de la base est le même que le centre de percussion. L'hypothese de Galilée, dans laquelle les fibres s'étendent également & se baissent tout-à-la-fois, répond au cas d'une baguette qui se meut parallelement à elle-même, où le centre d'extension ou de percussion est confondu avec le centre de gravité.

La base de fracture étant une surface dont la nature particuliere détermine son centre de percussion, il est nécessaire pour le connoître tout-d'un-coup, de trouver sur quel point de l'axe vertical de cette base, le centre dont il s'agit est placé, & combien il est éloigné de l'axe d'équilibre ; nous savons en général qu'il agit toujours avec plus d'avantage quand il en est plus éloigné, parce qu'il agit par un plus long bras de levier ; ainsi cette inégale résistance est plus ou moins forte, selon que le centre de percussion est placé plus ou moins haut sur l'axe vertical de la base, & on peut exprimer cette inégale résistance par la raison de la distance qui est entre le centre de percussion & l'axe d'équilibre, & la longueur de l'axe vertical de la base.

Nous avons jusqu'ici considéré les corps comme se brisant par leur propre poids ; ce sera la même chose si nous les supposons sans poids & brisés par un poids étranger, appliqué à leurs extrêmités ; il faudra seulement observer qu'un poids étranger agit par un bras de levier égal à la longueur entiere d'un corps ; au lieu que son propre poids agit seulement par un bras de levier égal à la distance du centre de gravité à l'axe d'équilibre.

Une des plus curieuses, & peut-être des plus utiles questions dans cette recherche, est de trouver quelle figure un corps doit avoir pour que sa résistance soit égale dans toutes ses parties, soit qu'on le conçoive comme chargé d'un poids étranger, ou comme chargé seulement de son propre poids ; nous allons considérer le dernier cas, par lequel on pourra aisément déterminer le premier ; pour qu'un corps suspendu horisontalement résiste également dans toutes ses parties, il est nécessaire de le concevoir comme coupé dans un plan parallele à la base de fracture du corps, le poids de la partie retranchée étant à sa résistance, en même raison que le poids du tout est à la résistance de quatre puissances agissant par leurs bras de leviers respectifs : or le poids d'un corps considéré sous ce point de vue, est son poids entier multiplié par la distance du centre de gravité du corps, à l'axe d'équilibre ; & la résistance est le plan de la base de fracture, multipliée par la distance du centre de percussion de la base au même axe : conséquemment ces deux quantités doivent toujours être proportionnelles dans chaque partie d'un solide de résistance égale.

M. Varignon déduit aisément de cette proposition, la figure du solide qui résistera également dans toutes ses parties ; ce solide est en forme de trompette, & doit être fixé dans le mur par sa plus grande extrêmité. Voyez les mém. de l'acad. des sciences, an. 1702. Chambers. (O)

RESISTANCE des fluides, est la force par laquelle les corps qui se meuvent dans des milieux fluides, sont retardés dans leurs mouvemens. Voyez FLUIDES & MILIEU.

Voici les lois de la résistance des milieux fluides les plus généralement reçues. Un corps qui se meut dans un fluide, trouve de la résistance par deux causes ; la premiere est la cohésion des parties du fluide ; car un corps qui dans son mouvement sépare les parties d'un liquide, doit vaincre la force avec laquelle ces parties sont cohérentes. Voyez COHESION.

La seconde est l'inertie de la matiere du fluide, qui oblige le corps d'employer une certaine force pour déranger les particules, afin qu'elles le laissent passer. Voyez FORCE D'INERTIE.

Le retardement qui résulte de la premiere cause, est toujours le même dans le même espace, tant que ce corps demeure le même, quelle que soit sa vîtesse ; ainsi la résistance est comme l'espace parcouru dans le même tems, c'est-à-dire, comme la vîtesse.

La résistance qui naît de la seconde cause, quand le même corps se meut avec la même vîtesse, à travers différens fluides, suit la proportion de la matiere qui doit être dérangée dans le même tems, c'est-à-dire, elle est comme la densité du fluide. Voyez DENSITE.

Quand le même corps se meut à travers le même fluide, avec différentes vîtesses, cette résistance croît en proportion du nombre des particules frappées dans un tems égal, & ce nombre est comme l'espace parcouru pendant ce tems, c'est-à-dire, comme la vîtesse ; mais de plus elle croît en proportion de la force avec laquelle le corps heurte contre chaque partie, & cette force est comme la vîtesse du corps ; par conséquent, si la vîtesse est triple, la résistance est triple, à cause d'un nombre triple de parties que le corps doit écarter ; elle est aussi triple à cause du choc trois fois plus fort dont elle frappe chaque particule ; c'est pourquoi la résistance totale est neuf fois aussi grande, c'est-à-dire, comme le quarré de la vîtesse ; ainsi un corps qui se meut dans un fluide, est retardé, partie en raison simple de la vîtesse, & partie en raison doublée de cette même vîtesse.

La résistance qui vient de la cohésion des parties dans les fluides, excepté ceux qui sont glutineux, n'est guere sensible en comparaison de l'autre résistance qui est en raison des quarrés des vîtesses, plus la vîtesse est grande, plus les deux résistances sont différentes : c'est pourquoi dans les mouvemens rapides, il ne faut considérer que la résistance qui est comme le quarré de la vîtesse.

Les retardations qui naissent de la résistance peuvent être comparées avec celles qui naissent de la pesanteur, en comparant la résistance avec la pesanteur. La résistance d'un cylindre qui se meut dans la direction de son axe, est égale à la pesanteur d'un cylindre de ce fluide, dans lequel le corps est mû, qui auroit sa base égale à la base du corps, & sa hauteur égale à la hauteur d'où il faudroit qu'un corps tombât dans le vuide, pour acquérir la vîtesse avec laquelle le cylindre se meut dans le fluide.

Un corps qui descend librement dans un fluide, est accéléré par la pesanteur relative du corps qui agit continuellement sur lui, quoique avec moins de force que dans le vuide. La résistance du fluide occasionne un retardement, c'est-à-dire une diminution d'accélération, & cette diminution est comme le quarré de la vîtesse du corps. De plus il y a une certaine vîtesse qui est la plus grande qu'un corps puisse acquérir en tombant ; car si la vîtesse est telle que la résistance qui en résulte devienne égale à la pesanteur relative du corps, son mouvement cessera d'être accéléré. En effet, le mouvement qui est engendré continuellement par la gravité relative, sera détruit par la résistance, & le corps sera forcé de se mouvoir uniformément. Un corps approche toujours de plus en plus de cette vîtesse qui est la plus grande qui soit possible, mais ne peut jamais y atteindre.

Quand les densités d'un corps fluide sont données, on peut connoître le poids respectif du corps ; & en connoissant le diamêtre du corps, on peut trouver de quelle hauteur un corps qui tombe dans le vuide, peut acquérir une vîtesse telle que la résistance d'un fluide sera égale à ce poids respectif ; ce sera cette vîtesse qui sera la plus grande dont nous venons de parler. Si le corps est une sphere, on sait qu'une sphere est égale à un cylindre de même diamêtre, dont la hauteur est les deux tiers de ce diamêtre ; cette hauteur doit être augmentée dans la proportion dans laquelle le poids respectif du corps excede le poids du fluide, afin d'avoir la hauteur du cylindre du fluide dont le poids est égal au poids respectif du corps. Cette hauteur sera celle de laquelle un corps tombant dans le vuide, acquiert une vîtesse telle qu'elle engendre une résistance égale à ce poids respectif ; & c'est par conséquent la plus grande vîtesse qu'un corps puisse acquérir en tombant d'une hauteur infinie dans un fluide. Le plomb est onze fois plus pesant que l'eau ; par conséquent son poids respectif est au poids de l'eau, comme dix sont à un : donc une boule de plomb, comme il paroît par ce qui a été dit, ne peut pas acquérir une vîtesse plus grande en tombant dans l'eau, qu'elle n'en acquerroit en tombant dans le vuide d'une hauteur de 6 2/3 fois son diamêtre.

Un corps qui est plus léger qu'un fluide, & qui monte dans ce fluide par l'action de ce fluide, se meut exactement par les mêmes lois qu'un corps plus pesant qui tomberoit dans ce fluide. Par-tout où vous placerez le corps, il est soutenu par ce fluide, & emporté avec une force égale à l'excès du poids d'une quantité de fluide de même volume que le coup, sur le poids du corps. Cette force agit continuellement, & d'une maniere uniforme sur le corps ; parlà, non-seulement l'action de la gravité du corps est détruite, mais le corps tend aussi à se mouvoir en enhaut, par un mouvement uniformément accéléré, de la même façon qu'un corps plus pesant qu'un fluide tend à descendre par sa gravité respective. Or l'uniformité d'accélération est détruite de la même maniere par la résistance, dans l'ascension d'un corps plus léger que le fluide, comme elle est détruite par la descente d'un corps plus pesant.

Quand un corps spécifiquement plus pesant qu'un fluide, y est jetté, il éprouve du retardement par deux raisons ; par rapport à la pesanteur du corps, & par rapport à la résistance du fluide : conséquemment un corps monte moins haut qu'il ne feroit dans le vuide, s'il avoit la même vîtesse. Mais les différences des hauteurs auxquelles un corps s'éleve dans un fluide, d'avec celle à laquelle un corps s'éleveroit dans le vuide avec la même vîtesse, sont entr'elles en plus grand rapport que les hauteurs elles-mêmes ; & si les hauteurs sont petites, les différences sont à-peu-près comme les quarrés des hauteurs dans le vuide.

Résistance de l'air, est la force avec laquelle le mouvement des corps, sur-tout des projectiles, est retardé par l'opposition de l'air ou athmosphere. Voy. AIR & PROJECTILE.

L'air étant un fluide, est soumis aux regles générales de la résistance des fluides ; à l'exception seulement qu'il faut avoir égard aux différens degrés de densité dans les différentes régions de l'athmosphere. Voyez ATHMOSPHERE.

Résistances différentes que le même milieu oppose à des corps de différentes figures. M. Newton fait voir que si un globe & un cylindre, de diamêtres égaux, sont mûs suivant la direction de l'axe du cylindre, avec une vîtesse égale dans un milieu rare, composé de particules égales, disposées à égales distances, la résistance du globe sera moindre de moitié que celle du cylindre.

Solide de la moindre résistance. Le même auteur détermine, d'après la derniere proposition, quelle doit être la figure d'un solide qui aura moins de résistance qu'un autre de même base.

Voici quelle est cette figure. Supposez que D N F G (Pl. de Méch. fig. 57.), soit une courbe telle que si d'un point quelconque N, on laisse tomber la perpendiculaire N M, sur l'axe A B, & que d'un point donné G, on tire une ligne droite G R, parallele à une tangente à la figure en N, qui étant continuée coupe l'axe en R ; M N est à G R, comme le cube de G R est à 4 B R x G B 3. Un solide décrit par la révolution de cette figure autour de son axe A B, & qui se meut dans un milieu depuis A vers E, trouve moins de résistance que tout autre solide circulaire de même base, &c.

M. Newton a donné ce théoreme sans démonstration. Plusieurs géometres ont résolu depuis ce même probleme, & ont découvert l'analyse que l'inventeur avoit tenue cachée. On en trouve une solution dans le I. volume des mém. de l'académie royale des Scienc. de l'année 1699. Elle est de M. le marquis de l'Hôpital, & elle porte le caractere de simplicité & d'élégance qui est commun à tous les ouvrages de cet habile mathématicien. MM. Bernoulli, Fatio, Herman, & plusieurs autres, en ont aussi donné des solutions ; & dans les mém. de l'académ. de 1733, M. Bouguer a résolu ce problème d'une maniere fort générale, en ne supposant point que le solide qu'on cherche soit un solide de révolution, mais un solide quelconque. Voici l'énoncé du problème tel que M. Bouguer l'a résolu. Une base exposée au choc d'un fluide étant donnée, trouver l'espece de solide dont il faut la couvrir, pour que l'impulsion soit la moindre qu'il est possible.

J'ai dit dans mon Traité des fluides, que toutes les solutions qu'on a données de ce problème depuis M. Newton inclusivement, ne répondoient pas exactement à la question ; si on excepte celles où la masse du solide est supposée donnée. Car il ne suffit pas de chercher & de trouver celui d'entre tous les solides qui ont le même axe & la même base avec le même sommet, sur lequel l'impulsion de l'eau est la moindre qu'il est possible ; il faut de plus diviser cette impulsion par la masse entiere, pour avoir l'effet qu'elle produit, & qui est proprement le minimum qu'on cherche.

Cependant les solutions que les auteurs déjà cités ont données du problème dont il s'agit, peuvent être regardées comme exactes, pourvû qu'on suppose que la résistance du fluide soit continuellement contrebalancée par une force égale & contraire, ensorte que le solide se meuve uniformément. En ce cas, il est inutile d'avoir égard à la masse du solide ; & pourvû qu'on lui donne la figure qui est déterminée par la solution, ce solide ira plus vîte que tout autre qui seroit poussé par la même force. Par exemple, un vaisseau dont la proue auroit cette figure, étant poussé par un vent d'une certaine force déterminée, ira plus vîte que tout autre vaisseau dont la proue auroit une figure différente. Ainsi la solution du problème est exacte, quant à l'application qu'on veut en faire au mouvement des vaisseaux ; mais elle ne le sera plus lorsqu'on supposera un solide entierement plongé dans un fluide, & qui s'y mouvra d'un mouvement retardé en éprouvant toujours de la résistance, sans qu'aucune force lui rende le mouvement qu'il perd a chaque instant.

La résistance d'un globe parfaitement dur, & dans un milieu dont les particules le sont aussi, est à la force avec laquelle tout le mouvement qu'il a dans le tems qu'il a décrit l'espace de quatre tiers de son diametre, peut être ou détruit ou engendré, comme la densité du milieu est à la densité du globe. M. Newton conclut aussi de-là que la résistance d'un globe est, toutes choses égales, en raison doublée de sa vîtesse ; que cette même résistance est, toutes choses égales, en raison doublée de son diametre ; ou bien, toutes choses égales, comme la densité du milieu. Enfin, que la résistance actuelle d'un globe est en raison composée de la raison doublée de sa vîtesse, de la raison doublée du diametre, & de la raison de la densité du milieu.

Dans ces propositions on suppose que le milieu n'est point continu ; si le milieu est continu comme l'eau, le mercure, &c. où le globe ne frappe pas immédiatement sur toutes les particules du fluide qui occasionne la résistance, mais seulement sur celles qui en sont proches voisines, & celles-là sur d'autres, &c. la résistance sera moindre de moitié ; & un globe placé dans un tel milieu éprouve une résistance qui est à la force avec laquelle tout le mouvement qu'il a après avoir décrit huit tiers de son diametre, doit être engendré ou détruit, comme la densité du milieu est à la densité du globe.

La résistance d'un cylindre qui se meut dans la direction de son axe, n'est point altérée par aucune augmentation ou diminution de sa longueur ; & par conséquent elle est la même que celle d'un cercle du même diametre, qui se meut avec la même vîtesse sur une ligne droite perpendiculaire à son plan.

Si un cylindre se meut dans un fluide infini & sans élasticité, la résistance résultante de la grandeur de sa section transverse, est à la force avec laquelle tout son mouvement, tandis qu'il décrit quatre fois sa longueur, peut être engendré ou anéanti, comme la densité du milieu est à celle du cylindre, du-moins à peu de chose près.

Ainsi les résistances des cylindres qui se meuvent suivant leur longueur dans des milieux continus & infinis, sont en raison composée de la raison doublée de leurs diametres, de la raison doublée de leurs vîtesses, & de la raison de la densité des milieux.

La résistance d'un globe qui est mû dans un milieu infini & sans élasticité, est à la force par laquelle tout son mouvement peut être engendré ou détruit, tandis qu'il parcourt huit tiers de son diametre, comme la densité du fluide est à la densité du globe, à très-peu près.

M. Jacques Bernoulli a démontré les théorèmes suivans.

Résistance d'un triangle. Si un triangle isocele est mû dans un fluide suivant la direction d'une ligne perpendiculaire à sa base, d'abord par sa pointe, ensuite par sa base, la résistance dans le premier cas, sera à la résistance dans le second cas, comme le quarré de la moitié de la base est au quarré d'un des côtés.

La résistance d'un quarré mû suivant la direction de son côté, est à la résistance de ce même quarré mû suivant la direction de sa diagonale, comme le côté est à la moitié de la diagonale.

La résistance d'un demi-cercle qui se meut par sa base, est à sa résistance, lorsqu'il se meut par son sommet, comme 3 est à 2.

En général, les résistances de quelque figure plane que ce soit qui se meut par sa base, ou par son sommet, sont comme l'aire de la base à la somme de tous les cubes des d y, divisés par le quarré de l'élément de la ligne courbe : d y est supposée l'élément des ordonnées paralleles à la base.

Toutes ces regles peuvent être utiles jusqu'à un certain point dans la construction des vaisseaux. Voy. VAISSEAU, &c. Chambers.

Telles sont les lois que l'on donne ordinairement dans la méchanique sur la résistance des fluides au mouvement des corps. Cependant on doit regarder ces regles comme beaucoup plus mathématiques que physiques ; & il y en a plusieurs auxquelles l'expérience n'est pas tout-à-fait conforme. En effet, rien n'est plus difficile que de donner sur ce sujet des regles précises & exactes : car non-seulement on ignore la figure des parties du fluide, & leur disposition par rapport au corps qui les frappe, on ignore encore jusqu'à quelle distance le corps agit sur le fluide, & quelle route les particules prennent lorsqu'elles ont été mises en mouvement par ce corps. Tout ce que l'expérience nous apprend, c'est que les particules du fluide, après avoir été poussées, se reglissent ensuite derriere le corps, pour venir occuper l'espace qu'il laisse vuide par-derriere.

Voici donc le meilleur plan qu'il paroisse qu'on puisse se proposer dans une recherche de la nature de celle-ci : on déterminera d'abord le mouvement qu'un corps solide doit communiquer à une infinité de petites boules, dont on le supposera couvert. On peut faire voir ensuite que le mouvement perdu par ce corps dans un instant donné, sera le même, soit qu'il choque à la fois un certain nombre de couches de ces petites boules, soit qu'il ne les choque que successivement : que de plus, la résistance seroit la même quand les particules du fluide auroient une figure toute autre que la figure sphérique, & seroient disposés de quelque maniere que ce fût, pourvu que la masse totale de ces petits corps continus dans une espace donné, fût supposée la même que lorsqu'ils étoient de petites boules. Par-là on peut arriver à des formules assez générales sur la résistance, dans lesquelles il n'entre que le rapport des densités du fluide, & du corps qui s'y meut.

La méthode générale de M. Newton, & de presque tous les autres auteurs, pour déterminer la résistance qu'un fluide fait à un corps solide, consiste à supposer, qu'au lieu que le corps vient frapper le fluide, ce soit au contraire le fluide qui frappe le corps, & à déterminer par ce moyen le rapport de l'action d'un fluide sur une surface courbe à son action sur une surface plane. La difficulté principale est d'évaluer exactement l'action d'un fluide contre un plan ; aussi les plus grands géometres ne sont-ils point d'accord là-dessus. Cette action vient en grande partie de l'accéleration du fluide, qui, obligé de se détourner à la rencontre du plan, & de couler dans un canal plus étroit, doit nécessairement y couler plus vîte, &, par ce moyen, presser le plan. Mais on ignore jusqu'à quelle distance le fluide peut s'accélérer des deux côtés du plan, &, par conséquent, la quantité exacte de la pression qu'il exerce. C'est-là, ce me semble, le noeud principal de la question, & la cause du partage qu'il y a entre les géometres sur la valeur absolue de la résistance.

Lorsqu'un corps se meut dans un fluide élastique, il est bon de remarquer que ce corps agit non-seulement sur la couche de fluide qui lui est contiguë, mais encore sur plusieurs autres couches plus éloignées, jusqu'à une certaine distance, ensorte que le fluide se condense à la partie antérieure, & se dilate à la partie postérieure du corps. Le fluide se condense à la partie antérieure suivant des lignes perpendiculaires à la surface du corps, & il se dilate de même à la partie postérieure, suivant des lignes perpendiculaires à la surface postérieure du corps ; desorte que le fluide agit par la force élastique, non-seulement sur la surface antérieure du mobile, mais encore sur la surface postérieure.

Il faut cependant remarquer, que cette derniere action n'a lieu qu'autant que le fluide a une assez grande force élastique pour pouvoir remplir tout d'un coup l'espace que le corps laisse vuide par-derriere : autrement, il ne faut avoir égard qu'à la résistance que souffre la surface antérieure.

Ceux qui voudront approfondir davantage la matiere dont il s'agit, pourront consulter le second livre des principes de M. Newton, le traité du mouvement des eaux de M. Mariotte, où on trouve plusieurs expériences sur la résistance des fluides, l'hydrodynamique de M. Daniel Bernoully, & plusieurs mémoires du même auteur, imprimés dans le recueil de l'académie de Petersbourg, &c. Voyez aussi l'article FLUIDE, où vous trouverez d'autres remarques très-importantes sur ce sujet. (O)

RESISTANCE des eaux, (Hydraul.) il est certain que l'eau dans son cours ne fait résistance que par quelques frottemens qui se font contre les parois ou côtés des tuyaux qui ne sont pas bien alaisés, ou dans les coudes, jarrets, soupapes & robinets des conduites, ou dans des ajutages trop petits. Ainsi, les jets d'eau ne font de résistance sur les corps qu'ils rencontrent que vers les extrêmités, ce qui regarde la résistance que leur fait la colonne d'air qui s'oppose à l'élévation de l'eau dans la sortie de l'ajutage. L'eau même en retombant empêche de s'élever celle qui veut monter, sans compter la résistance des milieux. (K)


RÉSISTERv. act. (Gram.) c'est s'opposer à l'effet, à l'action. Rien ne résiste au tems. Résister à la tentation.

RESISTER à l'éperon, (Maréchal.) est un défaut du cheval ramingue. Voyez RAMINGUE.


RESISTOou RESISTOS, (Géog. anc.) ville de Thrace, dans les terres, selon Pline, liv. IV. ch. xj. L'itinéraire d'Antonin la met sur la route de Plotinopolis à Héraclée, entre Apros & Héraclée, à 22 milles de la premiere de ces villes, & à 25 milles de la seconde. (D.J.)


RESIXIEMES. m. (Jurisprud.) c'est la sixieme partie du sixieme denier. Voyez l'ancienne coutume de Montreuil, art. 66. & le gloss. de M. de Lauriere, au mot resixieme. (A)


RÉSOLUTIFSRÉSOLUTIFS

Les résolutifs internes sont toutes les choses qui résolvent les humeurs autrefois fluides, maintenant épaissies, & qui les divisent en ces petites molécules dont elles étoient formées avant leur concrétion. Or ces résolvans, ou divisent les fluides épais, par l'insinuation de leurs particules entre les parties cohérentes, ou ils augmentent la force des vaisseaux, en les aiguillonnant, ce qui occasionne un plus grand frottement ; & souvent la division de ce qui est épaissi : quelquefois ils operent par ces deux occasions réunies.

Le sang doit passer lorsqu'il coule par tout le corps par des vaisseaux, dont le diametre n'excede point la dixieme partie de la grosseur d'un cheveu : mais le même sang sorti du corps, s'épaissit de façon qu'il ne seroit plus capable de passer par les gros canaux. On appelleroit résolutifs ce qui pourroit de nouveau diviser le sang épaissi en particules assez petites pour qu'il pût fluer par les plus petits vaisseaux.

Comme il y a diverses sortes d'humeurs, il est nécessaire qu'il y ait différens dissolvans : car les dissolvans aqueux résolvent tout ce qui est mucilagineux, glutineux, gommeux, savonneux, &c. Mais il se rencontre plusieurs humeurs que l'eau ne peut résoudre : car notre sang jetté dans l'eau tiede, ne laisse pas de se coaguler : la plûpart des dissolvans salins, ont l'admirable propriété de résoudre ce coagulum. Les sels neutres sont très-propres à résoudre les concrétions inflammatoires ; la plûpart des préparations de nitre, & surtout le nitre lui-même, qui est plus léger que le sel de mer, & que les forces du corps peuvent surmonter plus aisément, est d'un meilleur usage dans presque toutes les maladies aiguës ; les sels alkalis sont plus estimés pour les concrétions glutineuses.

Les substances savonneuses, surtout les plus douces, faites de sucre, de miel, & d'autres ingrédiens, résolvent quantité de concrétions, sans presque aucun effort & sans aucun dérangement ; au lieu que celles qui sont plus fortes, telles que sont les préparations chymiques les plus âcres, operent en excitant un mouvement plus violent.

Mais toutes ces choses ne sont d'un grand secours que lorsqu'on aide leur effet par des frictions ; car alors les résolvans mêlés avec le sang, par la pression & le relâchement alternatif des vaisseaux, sont, pour ainsi dire, broyés avec les fluides épaissis. Ainsi, il est constant qu'une légere friction faite avec le bain de vapeur (ayant en même tems donné les remedes intérieurs les plus résolvans), a souvent dissipé des tumeurs aux glandes qu'on croyoit presque indissolubles.

Les résolutifs sont 1°. les délayans ; 2°. les préparations de sel marin, de sel gemme, de borax, de sel ammoniac, les sels alkalis, soit fixes ou volatils ; les acides bien fermentés, & les substances dont ils sont la base, tels que le sel polychreste, le tartre tartarisé, le tartre purgatif de Sennert, la panacea duplicata du duc de Holstein, le nitre antimonié, & le sel de vipere soulé de Tachenius.

Les résolutifs savonneux sont les sels volatils spiritueux, aromatiques & huileux ; les savons chymiques, qui consistent en huiles distillées, & en alkalis fixes ; le savon commun qui est fait avec des huiles tirées sans feu & un alkali fixe ; enfin, les préparations de sucs mûrs de fruits d'été. On peut administrer toutes ces choses sous différentes formes pour les maladies chroniques ; & à la longue dans des mains habiles, comme dans celles de M. Tronchin, ce sont d'excellens remedes. (D.J.)

RESOLUTIFS, adj. terme de Chirurgie concernant la matiere médicale externe. Ce sont des médicamens qui ont la vertu de dissiper les humeurs qui embarrassent les parties, & les distendent contre l'ordre naturel. La résolution est la terminaison la plus favorable des tumeurs contre nature. Il n'y a que les tumeurs critiques, qu'il est plus à-propos de faire suppurer, de crainte que l'humeur morbifique rentrant dans le sang, ne se porte sur des parties intérieures où elle seroit moins favorablement placée.

Les humeurs arrêtées dans une partie, ne peuvent se résoudre qu'en rentrant dans la voie de la circulation par le moyen de l'action organique des vaisseaux. Il faut donc, pour obtenir la résolution, que les humeurs soient assez fluides pour reprendre cette voie ; & l'on doit exciter l'action des vaisseaux avec des remedes plus ou moins stimulans, suivant le degré de tension qu'ils ont. Ainsi, dans certains cas où les solides sont tendus & crispés, il faut avoir recours aux émolliens avant que de songer à l'administration des résolutifs ; & il faudra commencer par les plus doux, en les associant d'abord aux émolliens. Dans d'autres cas où l'action organique des solides est très-foible ; on se sert d'abord des résolutifs stimulans les plus actifs. En général on ne peut les employer avec connoissance de cause, qu'ayant égard, comme nous venons de le faire remarquer, aux dispositions relatives des solides & des fluides dans chaque espece de tumeur, dont on se propose de procurer la résolution.

Les résolutifs les plus doux qui possedent des parties actives, capables d'atténuer les humeurs, & de donner du ressort aux vaisseaux, joints à des mucilages adoucissans & émolliens, sont les fleurs de mélilot, de sureau, de camomille, de safran ; les farines de lin, de froment, de seigle, d'orobes, de lupins, de féves. Les plantes vulnéraires & légerement aromatiques viennent ensuite : & enfin les aromatiques astringens, & tous les remedes corroborans & toniques, qui donnent beaucoup de ressort aux vaisseaux, sont des résolutifs plus actifs. Le camphre est un excellent remede, atténuant, calmant & résolutif. Tous les livres enseignent la méthode de formuler ces médicamens, & d'en faire des fomentations, des cataplasmes, &c. Les emplâtres fondantes sont résolutives, telles que les emplâtres de ciguë, de savon, de diabotanum, de vigo, avec ou sans mercure. Le mercure est le plus puissant résolutif qu'on connoisse : il y a des cas où son application en pommade est seule spécifique.

Les sels alkalis fixes doivent être mis au rang des résolutifs les plus efficaces. On sait que dans l'usage intérieur le sel alkali fixe est un puissant diurétique & diaphorétique. Ce sel mis en mouvement par l'action des vaisseaux agit sur les humeurs crues & glutineuses, & même sur les sucs albumineux ou lymphatiques ; il les incise, les dissout & les rend plus fluides ; il excite l'action des vaisseaux, & donne par-là du mouvement aux liquides. On ne peut donc employer de meilleur résolutif que le sel alkali fixe, pour donner de la fluidité & du mouvement aux humeurs qui séjournent dans les vaisseaux d'une partie affoiblie, comme dans les anciens oedemes, dans les ulceres avec empâtement, dans les congestions qui restent à la suite des grandes plaies contuses, telles que celles par armes à feu. On se sert alors avec beaucoup de succès des eaux minérales sulfureuses, fournies d'alkalis fixes naturels ; ou bien on a recours aux lessives de cendres de bois ou de plantes qui fournissent beaucoup de sel alkali, comme le sarment de vigne. Le sel alkali dissout dans l'eau, à la dose de deux gros sur pinte, a la même propriété que l'infusion des cendres dont on vient de parler. On se sert de ces dissolutions ou de ces lessives en forme de bains chauds & de douches. Voyez DOUCHES.

Tous les alkalis n'ont pas la même activité. Ceux des eaux thermales, c'est-à-dire, les alkalis naturels, sont plus foibles que les artificiels ; cependant les eaux minérales sont de puissans résolutifs, parce que ces eaux augmentent beaucoup la vertu de ces sels.

La dissipation de l'engorgement est le signe que la résolution se fait ; & dans les tumeurs inflammatoires, elle s'annonce par les rides de la peau sur la partie tendue. Le recueil des pieces qui ont concouru pour le prix de l'académie royale de Chirurgie, tome premier, contient des mémoires instructifs sur les médicamens résolutifs.

Les résolutifs seroient sans effet, si l'on n'avoit l'attention de procurer des déplétions convenables qui favorisent & déterminent la résolution. Voyez RESOLUTION, Chymie, (Y)


RÉSOLUTIONDÉCISION, s. f. (Synonym.) la décision est un acte de l'esprit & suppose l'examen ; la résolution est un acte de la volonté, & suppose la délibération. La premiere attaque le doute, & fait qu'on se déclare ; la seconde attaque l'incertitude, & fait qu'on se détermine.

Nos décisions doivent être justes pour éviter le repentir ; nos résolutions doivent être fermes pour éviter les variations.

Rien de plus désagréable pour soi-même & pour les autres, que d'être toujours indécis dans les affaires, & irrésolu dans les démarches.

On a souvent plus d'embarras & de peine à décider sur le rang & sur la prééminence, que sur les interêts solides & réels. Il n'est point de résolutions plus foibles que celles que prennent au confessional & au lit, le malade & le pécheur ; l'occasion & la santé rétablissent bien-tôt la premiere maniere de vivre.

Il semble que la résolution emporte la décision, & que celle-ci puisse être abandonnée de l'autre ; puisqu'il arrive quelquefois qu'on n'est pas encore résolu à entreprendre une chose pour laquelle on a déja décidé : la crainte, la timidité, ou quelque autre motif, s'opposant à l'exécution de l'arrêt prononcé.

Il est rare que les décisions ayent chez les femmes d'autre fondement que l'imagination & le coeur : en vain les hommes prennent des résolutions ; le goût & l'habitude triomphent toujours de leur raison. Il y a bien loin d'un projet à la résolution, & de la résolution à l'exécution.

En fait de science, on dit la décision d'une question, & la résolution d'une difficulté.

C'est ordinairement où l'on décide le plus, qu'on prouve le moins ; quoiqu'on réponde dans les écoles à toutes les difficultés, on y en résout très-peu. Girard, Synonymes. (D.J.)

RESOLUTION, & plus communément SOLUTION, terme de Mathématique, c'est l'énumération des choses qu'il faut faire pour obtenir ce que l'on demande dans un problème. Voyez PROBLEME.

Wolf admet trois parties dans un problème ; la proposition, qui est proprement ce que nous appellons problème ; la résolution, & la démonstration. Voyez PROPOSITION.

Dès qu'un problème est démontré, on peut le réduire en théorème, dont la résolution est l'hypothèse, & la proposition la these. Voyez THEOREME.

Voici en général la maniere dont on s'y prend pour résoudre un problème.

La résolution algébrique est de deux especes ; l'une s'exerce sur les problèmes numériques, & l'autre sur ceux de géométrie.

Pour résoudre un problème numérique par le moyen de l'algebre, on commence par distinguer les quantités connues de celles que l'on cherche ; on marque les premieres avec les premieres lettres de l'alphabet, & les secondes avec les dernieres. Voyez ALGEBRE, ANALYSE, &c.

2°. On forme autant d'équations qu'il y a d'inconnues ; quand on ne le peut pas, le probleme est indéterminé, & l'on peut supposer à certains égards, des quantités arbitraires qui puissent satisfaire à la question. Si les équations ne sont pas contenues dans le problème même, on les trouve par des théorèmes particuliers sur les équations, les rapports, les proportions, &c.

3°. Comme dans une équation les quantités connues se trouvent mêlées avec des inconnues, il faut les séparer de telle sorte, que les premieres restent seules d'un côté, & les secondes de l'autre. Cette réduction se fait par l'addition, la soustraction, la multiplication, la division, l'extraction des racines, & en élevant les puissances à un plus haut degré, sans détruire pour cela l'égalité.

Quand le probleme se trouve réduit à une équation où l'inconnue monte au second degré ou davantage ; en ce cas, il faut résoudre l'équation en se servant des méthodes connues pour en trouver les racines. Voyez RACINE.

Pour résoudre un problème géométrique par le moyen de l'algebre, il faut d'abord observer exactement les mêmes regles que pour les problèmes numériques. Il y a plusieurs autres choses à observer : 1°. il faut supposer le problème résolu ; 2°. il faut examiner le rapport que les lignes de la figure ont entr'elles, sans aucun égard aux quantités connues & inconnues, pour trouver des équations qui naissent de ces rapports, & dont la connoissance conduit à celle de tout le reste ; 3°. il faut former des triangles ou des rectangles semblables, en tirant quelques lignes, s'il est besoin, jusqu'à ce que l'on ait des équations entre les lignes connues & les inconnues. On peut encore mener plusieurs paralleles & plusieurs perpendiculaires, joindre des points, & faire des angles égaux.

Si ces moyens ne conduisent point à une équation, il faut examiner le rapport des lignes d'une autre maniere : il ne suffit pas quelquefois de chercher la chose directement, il faut employer des moyens indirects & détournés.

Après avoir réduit l'équation, il faut en déduire sa construction géométrique ; ce que l'on fait en plusieurs manieres, suivant les différentes especes d'équation que l'on peut avoir. Voyez CONSTRUCTION. (E)

RESOLUTION, (en Physique) se dit de la réduction d'un corps en son état originaire & primordial, par la division & séparation de ses parties. Voyez DISSOLUTION.

Ainsi l'on dit que la neige se résout en eau, un composé en ses parties ou ingrédiens. Voyez NEIGE.

L'eau se résout en vapeurs par la chaleur, & les vapeurs se résolvent en eau par le froid. Voyez VAPEUR, CHALEUR, &c.

Quelques philosophes modernes, & sur-tout Messieurs Boyle, Mariotte, Boerhaave, &c. prétendent que l'état naturel de l'eau est d'être glacée ; ils en apportent pour raison qu'il faut pour la rendre fluide, un certain degré de chaleur, qui est une cause étrangere & active ; au lieu que près du pôle où elle n'est point agitée par cette cause étrangere, elle est toujours glacée & sans fluidité. Voyez EAU.

En supposant ce principe, ce seroit parler improprement que d'appeller résolution, la réduction de la glace en eau. Voyez GELEE, GLACE, GELEGEL. Chambers.

RESOLUTION, (Médecine) on désigne sous ce nom tiré du latin resolutio, une des terminaisons ordinaires de l'inflammation. Voyez ce mot. Elle a lieu lorsque les symptomes inflammatoires se dissipent insensiblement, sans qu'il reste aucun vice dans la partie : je dis insensiblement, pour distinguer la résolution de la délitescence qui se fait par la disparition subite des phénomenes qui caractérisent l'inflammation, & par le transport du sang enflammé dans une autre partie plus ou moins considérable ; dans la résolution le sang qui étoit arrêté, accumulé dans les extrêmités artérielles engorgées, ou dans les premieres ramifications lymphatiques, reprend peu-à-peu ses routes accoutumées ; les vaisseaux resserrés & tendus se dilatent & s'assouplissent ; le sang épaissi redevient fluxile, s'il s'étoit égaré dans les vaisseaux séreux, il en est exprimé & rétrogradé dans les vaisseaux sanguins qui s'y abouchent ; ou devenu plus fluide, il parcourt tous les ordres décroissans des vaisseaux lymphatiques ; les contractions des arteres & l'augmentation du mouvement intestin, sont les premieres causes de la résolution. L'impétuosité moderée des humeurs, une certaine souplesse dans les vaisseaux, la légereté de l'engorgement, aident beaucoup à cet effet ; le caractere de l'inflammation y concourt ; les érésipeles se résolvent plus ordinairement que les phlegmons. Dans ceux-ci le sang est plus épais, l'engorgement plus profond, & la cause est interne : dans ceux-là le sang est très-fluxile, détrempé par la bile ou la sérosité, l'obstruction très-superficielle, dûe pour l'ordinaire plutôt au vice des vaisseaux que du sang, & la suite d'un dérangement extérieur. Les inflammatoires intérieures, ou plutôt les maladies inflammatoires, ne se résolvent jamais parfaitement ; il y a toujours dans l'humeur qui produisoit l'inflammation, un changement, une espece de coction, & une évacuation critique. Voyez INFLAMMATION & MALADIES INFLAMMATOIRES. On trouvera aux mêmes articles tout ce qui regarde les signes d'une résolution prochaine ; les avantages de cette terminaison, & les moyens de la laisser opérer à la nature ; nous y renvoyons le lecteur autant pour éviter une répétition inutile, que pour ménager un tems précieux.

RESOLUTION, terme de Chirurgie, dissipation des humeurs qui par leur séjour engorgeoient une partie, & y formoient une tumeur contre l'ordre naturel. Voyez TUMEUR.

L'action des remedes résolutifs doit être aidée par l'usage des saignées dans les tumeurs inflammatoires, & des atténuans intérieurs, & des purgatifs dans les tumeurs blanches ou lymphatiques. Voyez RESOLUTIFS. (A)

RESOLUTION, (Jurisprud.) signifie quelquefois décision d'une question, quelquefois le parti ou la délibération que prend une compagnie ou une personne seule.

Résolution de contrat, est la même chose que dissolution ou rescision ; c'est l'anéantissement d'une convention. La loi 25 au digeste de reg. juris, porte que la résolution d'une convention se fait par les mêmes principes qui l'ont formée. Voyez CONTRAT, CONVENTION, RESCISION, RESTITUTION EN ENTIER. (A)

RESOLUTIONS & PLACARDS, (Commerce) l'on nomme ainsi en Hollande les ordonnances des états-généraux des Provinces-unies, soit pour la police, soit pour la politique, soit enfin pour le commerce. Quelques-uns mettent une différence entre résolution & placard, regardant la résolution comme l'ordonnance même, & le placard, comme l'affiche qu'on expose en public, pour faire part aux peuples des réglemens qu'ils doivent observer. Voyez PLACARD.

Les principales résolutions des états-généraux sur le fait du Commerce, sont celles du 22 Novembre 1720, 11 Février 1721, 15 Octobre, & 31 Décembre 1723 ; & enfin celle des 25 & 31 Juillet 1725, qui a pour titre résolution & placard sur la levée des convois & licenten, ensemble la liste des droits d'entrée & de sortie, comme aussi du last-gled ou droit de lestage sur les vaisseaux. Voyez CONVOI, LICENTEN, LAST-GLED, LESTAGE.

Cette résolution est composée de 254 articles divisés en 18 sections, qui ont chacune leur titre particulier, qu'on peut voir exposé fort amplement dans le dictionnaire de Commerce de Savary.

Ces résolutions sont la même chose que ce que nous appellons en France un tarif. Voyez TARIF.

RESOLUTION, (Dessein) un artiste, & sur-tout un dessinateur qui est sûr de ce qu'il fait, n'y va pas à deux fois ; du premier coup, il exprime ce qu'il a dans la pensée ; il met dans son trait une fermeté qui montre son savoir ; & c'est ce qu'on appelle dessiner avec résolution. (D.J.)


RÉSOLUTOIREadj. (Jurisprudence) se dit de ce qui a la vertu de résoudre quelque acte, comme un pacte ou une clause résolutoire. Voyez RESOLUTION. (A)


RÉSOMPTIFadj. terme de Pharmacie ; c'est une épithete que l'on donne à une sorte d'onguent qui sert à restaurer & rétablir les constitutions languissantes, & à disposer les corps desséchés à recevoir les alimens. On l'appelle en latin unguentum resumptivum. Voyez RESTAURATIF, ONGUENT.


RÉSONNANCES. f. en Musique, c'est le son qui est réfléchi par les vibrations des cordes d'un instrument à corde, ou par l'air renfermé dans un instrument à vent, ou par les parois d'un corps sonore. Voyez SON, MUSIQUE, INSTRUMENT. Les voûtes elliptiques & paraboliques résonnent, c'est-à-dire, réfléchissent le son. Voyez ÉCHO. Selon M. Dodart, la bouche & les parties qu'elle contient, comme le palais, la langue, les dents, le nez & les levres, ne contribuent en rien au ton de la voix ; mais leur effet est grand pour la résonnance. Voy. VOIX. Un exemple bien sensible de cela, se tire d'un instrument que l'on appelle trompe de Bearn ou guimbarde, lequel, si on le tient avec la main, & qu'on frappe sur la languette, ne rendra aucun son ; mais si on le met entre les dents, & qu'on frappe de même, il rendra un son que l'on entend d'assez loin, surtout dans le bas. (S)


RESORTIRv. n. ou RESSORTIR. (Gram.) être du ressort. Voyez RESSORT.

RESORTIR, v. n. (Gram.) sortir derechef. Voyez SORTIR.


RESOUDERv. act (Gram.) souder de nouveau. Voyez SOUDER & SOUDURE.


RÉSOUDREv. act. (Gram.) on dit qu'on résout une difficulté ; qu'on résout un problème ; résoudre un cas de conscience ; se résoudre à la mort ; l'eau se résout en vapeurs ; résoudre un testament, &c.


RESOUZE LA(Géog. mod.) petite riviere de France. Elle a son cours dans la Bresse, & se décharge dans la Saone, un peu au-dessous de la ville ou bourg de Pont-de-Vaux. (D.J.)


RESOVIou RESZOW, (Géog. mod.) petite ville de la Pologne, au palatinat de Russie, sur la riviere de Wisoch, avec un château pour sa défense. long. 40. 10'. latit. 40. 51'. (D.J.)


RESPECTS. m. (Société civile) le respect est l'aveu de la supériorité de quelqu'un : si la supériorité du rang suivoit toujours celle du mérite, ou qu'on n'eût pas prescrit des marques extérieures de respect, son objet seroit personnel, comme celui de l'estime, & il a dû l'être originairement de quelque nature qu'ait été le mérite de mode.

Il y a depuis long-tems deux sortes de respect, celui qu'on doit au mérite, & celui qu'on rend aux places, à la naissance ; cette derniere espece de respect, n'est plus qu'une formule de paroles ou de gestes, à laquelle les gens raisonnables se soumettent, & dont on ne cherche à s'affranchir que par sottise, ou par orgueil puéril ? Mais en même tems, rien de si triste qu'un grand seigneur sans vertus, accablé d'honneurs & de respects, à qui l'on fait sentir à tous momens, qu'on ne les rend, qu'on ne les doit qu'à sa naissance, à sa dignité, & qu'on ne doit rien à sa personne. Heureusement, dit Madame de Lambert, l'amour-propre qui est le plus grand des flatteurs, sait souvent lui cacher son insuffisance. Duclos.

Les lettres de Caton me fourniroient sur cette matiere d'autres réflexions bien plus fortes ; mais j'aime mieux les supprimer, que de blesser les préjugés reçus, & qu'il importe peut-être de laisser subsister. (D.J.)

RESPECT ou REPIT, (Commerce) terme de commerce de mer usité dans le levant. Voyez REPIT.


RESPECTIFadj. (Jurisp.) est ce qui se rapporte à chacun, comme des prétentions respectives, c'est-à-dire, que chacune des parties a des prétentions contre l'autre. (A)


RESPIRATIONS. f. (Anat. & Physiol.) l'action d'attirer & de repousser l'air. Voyez AIR.

La respiration est un mouvement de la poitrine, par lequel l'air entre dans les poumons, & en sort alternativement. Elle consiste donc en deux mouvemens opposés, dont l'un se nomme inspiration, l'autre expiration. Pendant l'inspiration, l'air entre dans les vésicules des poumons par la trachée-artere ; & il en sort de nouveau pendant l'expiration. Voyez INSPIRATION & EXPIRATION.

Les principaux organes de la respiration, sont les poumons, la trachée-artere, le larynx, &c. dont on peut voir la description aux articles POUMONS, TRACHEE, LARYNX.

Maniere dont se fait la respiration. Il faut observer que les poumons hors la poitrine, occupent beaucoup moins d'espace, que lorsqu'ils y étoient renfermés, & cela au moyen de la contraction des fibres musculaires, qui lient ensemble les parties cartilagineuses des bronches. Si lorsqu'ils sont ainsi contractés, on vient à y insérer une nouvelle quantité d'air à-travers la glotte, ils se distendent de nouveau, & occupent un espace égal, ou même plus grand que lorsqu'ils étoient dans la poitrine. Voyez MUSCLE.

Il paroît par-là, que les poumons tendent toujours d'eux-mêmes à occuper un espace moindre que celui qu'ils occupoient dans la poitrine, & que pendant la vie de l'homme, ils sont toujours dans un état de dilatation violente ; & même dans la supposition qu'ils fussent environnés d'air dans la poitrine, cet air enfermé entre leur membrane externe & la plevre, ne seroit pas aussi dense que l'air ordinaire.

En effet, l'air entre toujours librement dans les poumons ; mais celui qui les comprime rencontre un obstacle dans le diaphragme, & ne peut entrer dans la poitrine en une quantité suffisante pour faire équilibre.

Puis donc que dans l'inspiration, l'air entre dans les poumons en plus grande quantité qu'auparavant, il doit les dilater davantage, & surmonter leur force naturelle. Il s'ensuit donc que les poumons sont entierement passifs, & c'est des observations que nous devons apprendre quelle est la nature de ce qui agit.

Pour que l'air s'insinue dans les poumons, il faut que le thorax s'élargisse ; alors comme il se trouveroit un vuide dans la cavité du thorax, si les poumons ne suivoient les parois, c'est une nécessité que l'air par sa pesanteur se jette dans les vésicules de la trachée-artere & les gonfle. On peut par-là décider les questions : 1°. si les poumons tirent ou sucent l'air : 2°. si l'air n'entre dans les poumons que par l'impulsion qu'il reçoit du thorax. On ne sauroit dire que l'air soit tiré par le poumon, ce seroit une chose aussi ridicule, que si l'on disoit que l'eau qui monte par les pompes, est attirée par les parois des tuyaux. Pour la seconde question, il faut ignorer les premiers principes de la pesanteur des fluides, pour s'y arrêter comme à une difficulté ; il est vrai que le thorax pousse l'air qui l'environne, mais cet air par la seule pesanteur, entre avec force dans les poumons. Il y a un auteur, qui pour faire voir que l'air n'entre pas dans les poumons, parce qu'il est poussé, dit qu'on peut respirer, si l'on prend un tuyau fort long, qui soit fermé par un bout, de telle maniere que l'air n'y puisse pas entrer, quand on aura l'autre extrêmité à la bouche ; par-là, dit-il, il est évident que l'air n'entre pas dans les poumons, parce qu'il est poussé par le thorax.

Après avoir examiné la cause qui fait entrer l'air dans les poumons, il faut déterminer la quantité d'air qui entre dans ce viscere à chaque inspiration. J'ai pris, dit l'auteur, des essais de Physique sur l'usage des parties, &c. de qui tout ceci est tiré, à l'exemple de Borelli, un long tuyau, je l'ai plongé dans un fluide, j'ai tiré ensuite par une inspiration ordinaire l'air contenu dans ce tuyau ; alors le fluide est monté & a pris la place de l'air. Or j'ai trouvé que la masse de ce fluide égaloit une masse de douze ou treize pouces cubiques, par conséquent l'air qui étoit entré dans le poumon, étoit un volume de douze ou treize pouces : mais en faisant réitérer cette expérience par plusieurs personnes, j'en ai trouvé qui n'inspiroient que dix pouces d'air, & d'autres jusqu'à seize ou dix-sept pouces ; mais toutes ces inspirations étoient de petites inspirations ordinaires, telles qu'elles sont dans un état fort tranquille : de-là il s'ensuit qu'il peut entrer une quantité assez considérable d'air dans le poumon, sans que le mouvement du thorax soit fort sensible. On ne sera donc pas surpris du calcul de Pitcarn, qui a trouvé que si le petit diametre de la poitrine est de quinze pouces, & l'axe de vingt ; la capacité de la poitrine sera augmentée de trois pouces cubiques, si le petit axe est augmenté de la centieme partie d'un pouce.

Rien n'est plus difficile à déterminer, que la cause qui oblige les muscles intercostaux à dilater le thorax, & à le laisser resserrer. 1°. M. Pitcarn après Bellini, a regardé les muscles inspirateurs, comme n'ayant pas d'antagonistes. 2°. Il a supposé que tout muscle tendoit à se contracter ; en effet, un muscle qu'on partage transversalement, rapproche d'abord de ses attaches ses parties coupées. 3°. De-là, ces grands philosophes ont conclu que les muscles inspirateurs devoient se contracter & élever les côtes, puisqu'ils n'ont pas d'antagoniste qui leur oppose un obstacle, alors le thorax se dilate ; mais dans cette dilatation il arrive, selon eux ou leurs sectateurs, deux choses qui sont ensuite cause de l'expiration. 1°. Les fibres musculaires par leur contraction & par plusieurs impulsions, élevent les côtes au-delà du point où elles seroient en équilibre par leur résistance avec l'action des muscles. 2°. L'air qui entre avec rapidité, acquiert plus de force en descendant, & par ses diverses impulsions pousse les côtes au-delà de ce point où seroit l'équilibre dont nous venons de parler. 3°. Après que les côtes ont été poussées audelà de leur point d'équilibre, le mouvement des causes qui les poussent venant à diminuer, elles se trouvent supérieures en force, alors elles retombent & retrécissent le thorax ; mais de même qu'elles étoient montées au-delà du point où elles devoient s'arrêter pour être en équilibre, elles vont aussi en descendant plus loin qu'il ne faut ; enfin les muscles intercostaux agissent de nouveau comme auparavant ; ainsi la respiration ayant une fois commencé, ne doit jamais cesser. Pour renverser ce sentiment, on n'a qu'à demander pourquoi les côtes & les muscles intercostaux ne se mettent pas enfin en équilibre : quelque chose que l'on puisse dire, cela doit arriver.

Baglivi peu content de ce qu'on avoit écrit avant lui, nous a cherché une autre cause de la respiration ; il nous a dit qu'on s'étoit trompé, parce qu'on avoit toujours pris la cause pour l'effet : on a, dit-il, cru que l'air entroit, parce que le thorax se dilate, & au contraire, le thorax ne se dilate que par l'action de l'air ; il en est de même de la poitrine, comme des soufflets perpetuels. Si la respiration se fait de cette maniere, d'où vient que si on vient à ouvrir le thorax, le thorax & les poumons s'affaissent, & la respiration ne se fait plus : la chaleur interne est cependant assez considérable, puisque l'animal est encore en vie.

Bergerus & quelques autres physiciens ont prétendu trouver la cause des mouvemens alternatifs de la respiration dans l'air, qui reste toujours dans les poumons après chaque expiration : cet air échauffé peu-à-peu, oblige, disent-ils, les poumons à se dilater, & leur sert pour ainsi dire d'aiguillon.

Dès qu'un enfant est né, l'air qui entre dans la bouche & dans le nez, le fait d'abord éternuer ; met en jeu par cet éternuement, le diaphragme & les nerfs intercostaux.

La capacité de la poitrine venant à augmenter par l'action de ces muscles sur les côtés, &c. il resteroit un espace entre la plevre & la surface des poumons, si l'air qui entre dans la glotte ne les distendoit & les rendoit contigus à la plevre & au diaphragme : l'air dans ce cas presse les poumons avec une force égale à la résistance de la poitrine, desorte qu'ils demeurent en repos. Le sang circule moins librement, entre en moindre quantité dans le ventricule gauche du coeur, de même que dans le cerveau & dans ses nerfs, & le sang artériel agit avec moins de force sur les muscles intercostaux & sur le diaphragme.

Les causes qui dilatoient au commencement la poitrine venant à diminuer, les côtes s'affaissent, les fibres distendues reprennent leur premier état, les visceres poussent de nouveau, le diaphragme reprend sa contrainte, ce qui diminue la capacité de la poitrine, & oblige l'air à sortir des poumons ; & c'est en quoi consiste l'expiration. Le sang circulant immédiatement avec plus de vîtesse, se porte en plus grande quantité au cerveau & dans ses muscles, les causes de la contraction des muscles intercostaux & du diaphragme se renouvellent, & l'inspiration recommence. Voilà la vraie maniere dont se fait la respiration. Voyez COEUR.

Les Anatomistes disputent beaucoup sur les usages & les effets de la respiration. Boerhaave veut qu'elle serve à perfectionner le chyle, à rendre son mêlange avec le sang plus parfait, & à le convertir en suc nourricier propre à réparer les pertes que fait le corps. Voyez NUTRITION.

Borelli veut que la respiration serve principalement à faire que l'air se mêle immédiatement avec le sang dans les poumons, afin de former ces globules élastiques dont il est composé, à lui donner sa couleur, & à le préparer pour la plûpart des usages de l'oeconomie ; mais il est difficile d'expliquer comment l'air peut se mêler avec ce fluide. Il est impossible que l'air passe dans le sang par les arteres pulmonaires, & on ne sauroit prouver qu'il le fasse par les veines des poumons ; en effet, cette communication doit être empêchée par l'air qui distend les vésicules, & qui comprime les veines dans l'inspiration, aussi-bien que par l'humeur gluante qui humecte la membrane qui tapisse le dedans de la trachée-artere. A quoi l'on peut ajouter la difficulté que l'air doit avoir pour passer par des pores d'une aussi grande petitesse, & les mauvais effets qu'il produit ordinairement quand il vient à se mêler avec le sang. Voyez PORE & EAU. Quant aux argumens dont on se sert pour prouver cette communication, savoir, la couleur rouge que le sang prend dans les poumons, & la nécessité absolue dont est la respiration pour la conservation de la vie, ils ne sont point si convainquans, qu'on ne puisse en trouver d'autres pour exprimer ces deux effets. Voyez SANG.

D'autres, comme Sylvius, Ettmuler, &c. prétendent que la respiration sert à rafraîchir le sang qui passe tout bouillant du ventricule droit du coeur dans les poumons, au moyen des particules froides & nitreuses dont il s'impregne, & qu'elle sert de refrigérent. Voyez REFRIGÉRENT.

Mayow & d'autres assurent qu'un des grands usages de la respiration est de chasser avec l'air les vapeurs fuligineuses dont le sang est rempli ; & quant à l'inspiration, ils prétendent qu'elle sert à communiquer au sang un ferment nitro-aërien, auquel les esprit animaux & le mouvement musculaire doivent leur origine.

Le docteur Thruston refute tous ces sentimens, & prouve que la respiration ne sert qu'à faire passer le sang du ventricule droit du coeur dans le gauche, & à effectuer par ce moyen la circulation. Voyez CIRCULATION.

C'est au défaut de circulation que l'on doit attribuer la mort des personnes que l'on pend, qui se noyent ou qui s'étranglent ; aussi-bien que celle des animaux que l'on enferme dans la machine pneumatique. Voyez VUIDE.

Il rapporte une expérience faite par le docteur Croon devant la société royale, lequel ayant étranglé un poulet, au point de ne lui laisser aucun signe de vie, le ressuscita de nouveau en soufflant dans ses poumons par la trachée-artere, & en leur rendant leur premier jeu. Une autre expérience de la même espece, est celle du docteur Hook, qui, après avoir pendu un chien, lui coupa les côtes, le diaphragme & le péricarde, aussi-bien que le sommet de la trachée-artere pour pouvoir y introduire le bout d'un soufflet, & qui, en soufflant dans ses poumons, le fit ressusciter & mourir aussi souvent qu'il voulut.

Le docteur Drake confirme non-seulement cet usage de la respiration, il le pousse encore plus loin, le regardant comme la vraie cause de la diastole du coeur, que Borelli, ni Lower, ni Cowper n'ont point expliquée comme il faut. Voyez DIASTOLE.

Il fait voir que le poids de l'athmosphere est le vrai antagoniste de tous les muscles qui servent à l'inspiration ordinaire, & à la contraction du coeur. Comme l'élévation des côtes ouvre un passage au sang, & lui donne le moyen de pénétrer dans les poumons, de même quand elles s'abaissent, les poumons & les vaisseaux sanguins se resserrent, & le sang est poussé avec force par la veine pulmonaire dans le ventricule gauche du coeur ; cela joint à la compression générale du corps par le poids de l'athmosphere, oblige le sang à monter dans les veines, après que l'impulsion que le coeur lui a imprimée, a cessé, & force le coeur à passer de l'état de contraction qui lui étoit naturel, dans celui de dilatation. Voyez COEUR.

La dilatation & la contraction réciproque des dimensions superficielles du corps qui suivent la respiration, sont si nécessaires à la vie, qu'il n'y a aucun animal, pour imparfait qu'il soit, en qui elles n'existent.

La plûpart des poissons & des insectes sont dénués de poumons & de côtes mobiles, ce qui fait que leur poitrine ne peut point se dilater ; mais la nature a remédié à ce défaut par un méchanisme analogue : les poissons, par exemple, ont des ouies qui font l'office des poumons, & qui reçoivent & chassent alternativement l'eau, par le moyen de quoi les vaisseaux sanguins souffrent les mêmes altérations dans leurs dimensions, que dans les poumons des animaux les plus parfaits. Voyez OUIES.

Les insectes n'ayant point de poitrine, ou de cavité séparée pour loger le coeur & les poumons, ont ces derniers distribués dans toute l'étendue de leur corps, & l'air s'y insinue par plusieurs soupiraux auxquels sont attachées autant de petites trachées qui envoyent des branches à tous les muscles & à tous les visceres, & paroissent accompagner les vaisseaux sanguins dans tout le corps, de même que dans les poumons des animaux les plus parfaits. Par cette disposition le corps de ces petits animaux s'étend à chaque inspiration, & se resserre pendant chaque expiration, desorte que les vaisseaux sanguins souffrent une vicissitude d'extension & de compression. Voyez INSECTE.

Le foetus est le seul animal qui soit exempt de la nécessité de respirer ; mais pendant tout le tems qu'il est enfermé dans la matrice, il ne paroît avoir qu'une vie végétative, & il mérite à peine d'être mis au nombre des animaux. On doit plutôt le regarder comme une greffe, ou une branche de la mere. Voyez FOETUS.

Lois de la respiration. Comme ces lois sont de la derniere importance pour l'intelligence parfaite de l'oeconomie animale, il ne sera pas inutile de supputer ici la force des organes de la respiration, aussi-bien que celle de la pression de l'air sur ces mêmes organes. Il faut observer qu'en soufflant dans une vessie, on éleve un poids considérable par la seule force de l'haleine ; car si l'on prend une vessie d'une figure à-peu-près cylindrique, que l'on attache un chalumeau à une de ses extrêmités, & un poids à l'autre, ensorte qu'il rase la terre, on soulevera par une inspiration douce un poids de sept livres, & par une inspiration plus forte un poids de vingt-huit livres. Maintenant la force avec laquelle l'air entre dans ce chalumeau est égale à celle avec laquelle il sort des poumons ; de sorte qu'en déterminant une fois la premiere, il sera facile de connoître celle avec laquelle il pénetre dans la trachée-artere. La pression de l'air sur la vessie est égale à deux fois le poids qu'elle peut lever, à cause que la partie supérieure de la vessie étant fixe, résiste à la force de l'air autant que le poids qui est attaché à l'autre extrêmité. Puis donc que l'air presse également de tous côtés, la pression entiere sera à celle de ses parties qui presse sur l'orifice du tuyau, comme toute la surface de la vessie est à l'orifice du tuyau ; c'est-à-dire, comme la surface d'un cylindre dont le diametre est, par exemple, de quatre pouces, & l'axe de sept, est à l'orifice du tuyau.

Si donc le diametre du tuyau est 0. 28, & son orifice 0. 616, la surface du cylindre sera 88 ; il s'ensuit donc que 88 : 0. 616 : : 14, le double du poids à lever est à 0. 098, qui est presque deux onces ; & en levant le plus grand poids, est environ de sept onces.

Telle est donc la force avec laquelle l'air est chassé par la trachée-artere dans l'expiration. Maintenant si l'on considere les poumons comme une vessie, & le larynx comme un tuyau, la pression sur l'orifice de la trachée-artere, lorsque l'air est chassé dehors, sera à la pression sur les poumons, comme toute la surface de ces derniers à l'orifice de la trachée-artere.

Supposons, par exemple, que le diametre du larynx soit 5, son orifice sera 0. 19. Supposons encore que ces deux lobes des poumons soient deux vessies ou spheres, dont les diametres sont chacun de six pouces, leurs surfaces seront chacune de 113 pouces, & la pression sur le larynx sera à la pression sur toute la surface externe, comme 0. 19 à 226, c'est-à-dire, comme 1 à 1189. Si donc la pression sur le larynx, dans la respiration ordinaire, est de deux onces, la même pression sur toute la surface externe des poumons sera de 148 livres ; & la plus grande force, la pression sur le larynx étant de 7 onces, sera égale à 520 liv. Mais les poumons ne sont point comme une vessie vuide, où l'air ne presse que sur la surface, car ils sont remplis de vésicules, sur la surface de chacune desquelles l'air presse comme il le feroit sur une vessie vuide. Il faut donc pour connoître la pression entiere de l'air, déterminer auparavant les surfaces internes des poumons.

Supposons pour cet effet que les branches de la trachée-artere occupent la troisieme partie des poumons, que l'autre tiers soit rempli de vaisseaux, & le restant de vésicules, sur lesquelles nous supposons que se fait la principale pression. Les deux lobes des poumons contiennent 226 pouces cubiques, dont le tiers, savoir 75 pouces cubiques est rempli de vésicules. Que le diametre de chaque vésicule soit un 1/50 d'un pouce ; la surface sera de 00156, & la solidité de 00000 43. Si l'on divise 75 par cette somme, qui est l'espace qu'occupent les vésicules, le quotient donnera 17441860 pour le nombre de vésicules contenues dans les deux lobes des poumons. Ce nombre étant multiplié par 001256, qui est la surface d'une vésicule, donnera la somme des surfaces de toutes les vésicules, savoir, 21906, 976 pouces. Il suit donc que la pression sur le larynx sera à la pression sur toute la surface des poumons, comme 0. 19 à 21906, 976 ; & par conséquent, si dans une expiration ordinaire la pression sur le larynx est équivalente à deux onces, la pression sur toute la surface interne des poumons sera de 14412 livres, & la plus grande force de l'air en respirant, en supposant la pression sur le larynx de sept onces, sera de 50443 livres pesant. Quoique ce poids paroisse prodigieux, il faut faire attention que la pression sur chaque partie de la surface des poumons égale à l'orifice du larynx, n'est pas plus grande qu'elle l'est sur le larynx, & que ces poids immenses naissent de la vaste étendue des surfaces des vésicules sur lesquelles il est nécessaire que le sang se répande dans les plus petits vaisseaux capillaires, afin que chaque globule de sang puisse recevoir, pour ainsi dire, immédiatement toute la force & l'énergie de l'air, & être divisé en autant de particules qu'il est nécessaire pour la secrétion & la circulation.

Cela suffit pour nous faire comprendre la raison méchanique de la structure des poumons, car, puisqu'il faut que tout le sang du corps y passe pour sentir l'effet de l'air, & que cela ne peut se faire que le sang ne se distribue dans les plus petits vaisseaux capillaires, il faut que les surfaces sur lesquelles ils sont répandus soient proportionnées à leur nombre, & c'est à quoi la nature a admirablement bien pourvu par la structure admirable des poumons.

Si la pesanteur de l'air étoit toujours la même, & que le diametre de la trachée-artere & le tems de chaque expiration fussent égaux en tout, cette pression sur les poumons seroit toujours la même ; mais comme nous trouvons par le barometre qu'il y a trois pouces de différence entre la plus grande & la plus petite pesanteur de l'air, ce qui est la dixieme partie de sa plus grande gravité, il doit y avoir de même la différence d'un dixieme de sa pression sur les poumons en différens tems ; car les forces de tous les corps qui se meuvent avec la même vîtesse, sont comme leur pesanteur. Voyez BAROMETRE.

Les personnes asthmatiques doivent s'appercevoir visiblement de cette différence, sur-tout si l'on considere qu'elles respirent plus fréquemment, c'est-à-dire que chaque expiration se fait en moins de tems ; car respirant la même quantité d'air dans la moitié moins de tems, la pesanteur de l'air sur les poumons doit être de 57648 livres, dont le dixieme est 5764 : par conséquent les personnes sujettes à l'asthme, lors de la plus grande élévation ou descente du barometre, doivent sentir une différence dans l'air égale à plus d'un tiers de sa pression dans la respiration ordinaire. Voyez ASTHME, TEMS.

Si la trachée est petite & son orifice étroit, la pression de l'air augmente dans la même proportion que si le tems de l'expiration étoit plus court ; & de-là vient que le ton grêle de la voix passe toujours pour un signe pronostic de consomption : on sent qu'il provient du peu d'étendue du larynx ou de la trachée, qui fait que l'air presse avec plus de force sur les poumons, qu'il frappe à chaque expiration les vaisseaux avec tant de force, qu'ils rompent à la fin, d'où s'ensuit un crachement de sang. Voyez PHTHISIE.

RESPIRATION, (Médecine séméiotiq. Patholog.) ce n'est pas seulement dans les maladies qui affectent immédiatement quelque partie de la poitrine, que la respiration est altérée ; il en est peu d'autres qui n'entraînent avec elles un dérangement plus ou moins considérable dans l'exercice de cette importante fonction, surtout quand le mal parvenu à son dernier période rapproche sa victime de l'éternelle nuit ; les maladies du bas-ventre ont sur elle une influence plus promte & plus assurée ; ces effets n'ont pas de quoi surprendre celui qui sait que la respiration, une des fonctions maîtresses du corps humain, & peut-être celle qui donne le branle à toutes les autres, exige, pour être bien exercée, non-seulement l'action constante & bien proportionnée de toutes les parties de la poitrine, mais encore le concours réciproque & simultané de la plûpart des organes du bas-ventre, que son ressort principal est le diaphragme, pivot sur lequel roulent presque tous les mouvemens de la machine, centre où ils viennent se concentrer ; qu'ainsi la correspondance uniforme de toutes les parties du corps est nécessaire pour son intégrité, & qu'enfin il faut pour le mouvement de tous les organes qui y servent, une juste distribution de forces.

1°. Les parties de la poitrine sont immédiatement affectées dans les pleurésies, péripneumonies, phthisies, empyèmes, asthmes, hydropisies de poitrine & du péricarde, vomiques, tubercules, &c. dans les polypes du coeur & des gros vaisseaux, dans les anévrismes qui ont le même siege, dans les palpitations, &c. aussi toutes ces maladies ont-elles pour symptome essentiel un vice quelconque de la respiration.

2°. Parmi les maladies du bas-ventre, celles qui ont pour effet plus ordinaire, & pour symptome plus familier un dérangement dans la respiration, sont l'inflammation du foie, de l'estomac, de la rate, les obstructions considérables de ces visceres, les distensions venteuses ou autres de l'estomac & du colon, les digestions lentes & difficiles, les inquiétudes ou les resserremens, comme on dit de l'orifice de l'estomac, suite fréquente des chagrins, d'une terreur subite, d'une joie imprévue, &c. les blessures du bas-ventre, & surtout des muscles abdominaux, les collections d'humeurs dans cette cavité qui empêchent le diaphragme de s'applanir, &c.

3°. Les maladies particulieres au diaphragme, la paraphrénésie, les blessures de cet organe, & les affections qu'il partage avec les autres parties, alterent d'une maniere très-sensible la respiration ; son action est surtout empêchée par les passions de l'ame, par les contentions trop grandes & trop continuées. La respiration est dans tous ces sujets plus ou moins gênée. Il semble que les derniers occupés à d'autres choses oublient de respirer, leur respiration est de même que dans ceux qui delirent, grande & rare.

4°. Les maladies, soit aiguës, soit chroniques, qui affectent indistinctement tout le corps, dérangent la respiration, soit en troublant l'uniformité de la circulation, soit en occasionnant une distribution inégale de forces, soit enfin en privant les organes de la respiration, ainsi que toutes les parties du corps, de la quantité de forces nécessaires ; on peut dans cette classe ranger d'abord toutes les fievres, ensuite les maladies nerveuses, & enfin les maladies cachectiques, & les derniers momens des autres maladies de quelque espece qu'elles soient, tems auquel la nature épuisée laisse tous les organes dans un affaissement & un inexercice mortels.

On distingue plusieurs sortes de respirations vicieuses, ou qui s'éloignent de l'état naturel ; 1°. la respiration grande qui se manifeste par une dilatation plus considérable du thorax ; 2°. la respiration petite, ainsi appellée, lorsque la poitrine ne se dilate pas suffisamment ; 3°. la respiration difficile qui s'exerce avec beaucoup de gêne & des efforts sensibles ; la respiration sublime & droite, ou l'orthopnée en sont des variétés & des degrés ; 4°. la respiration fréquente ; 5°. celle qui est rare, lorsque l'inspiration & l'expiration se succedent à des intervalles ou trop courts ou trop longs ; 6°. la respiration chaude ; 7°. celle qui est froide : ces différences sont fondées sur la qualité de l'air expiré ; 8°. la respiration inégale où les deux tems ne sont pas entr'eux dans une juste proportion ; 9°. enfin la respiration sonore, accompagnée de bruit, de soupir ou de ralement.

Un danger plus ou moins pressant accompagne toujours ces dérangemens dans la respiration, & ils sont toujours d'un mauvais augure, quand ils surviennent dans le courant des maladies aiguës. La respiration libre, naturelle & réguliere est le signe le plus certain de guérison ; lorsqu'elle se soutient dans cet état, quoique les autres signes soient fâcheux, quoique le malade paroisse dans un danger pressant, on peut être tranquille, il en réchappera. La liberté de la respiration, dit Hippocrate, annonce une issue favorable dans toutes les maladies aiguës, dont la crise se fait dans l'espace de quarante jours. Prognost. lib. Mais aussi ce seul signe mauvais doit épouvanter le médecin ; en vain les autres signes paroîtroient bons, il auroit tort de s'y fier ; il se méprendra sûrement, s'il néglige les lumieres que lui fournit l'état contre nature de la respiration ; les présages qu'on peut en tirer varient, & suivant l'espece de maladie, & suivant la nature du dérangement de cette fonction ; ils seront beaucoup plus assurés, lorsqu'ils seront soutenus par le concours des autres signes que le médecin prudent ne doit jamais perdre de vue, afin d'établir sur leur ensemble un prognostic incontestable.

La respiration grande n'est point pour l'ordinaire mauvaise ; elle marque beaucoup de facilité & d'aisance dans les mouvemens des organes ; elle indique quelquefois, suivant l'expression de Galien, chaleur dans la poitrine, & surabondance d'excrémens fuligineux, & pour lors elle est ordinairement plus précipitée. La respiration qui est en même tems grande & rare, est un signe de délire présent ou prochain, & par conséquent d'un mauvais augure, comme le prouvent les observations rapportées par Hippocrate dans ses épidémies, de Philiscus, de Silene, de la femme de Dromeade & d'un jeune homme de Mélibée. La respiration petite est beaucoup plus fâcheuse que la grande. Elle dénote évidemment un grand embarras de la poitrine, des obstacles dans les organes du mouvement, ou bien une douleur vive dans quelqu'une des parties voisines ; c'est ainsi qu'un pleurétique pressé par un point de côté très-vif, retient, autant qu'il peut, sa respiration, & tâche de rendre ses inspirations petites, parce qu'il s'est apperçu qu'elles augmentoient la vivacité de sa douleur ; souvent alors la fréquence des inspirations supplée le défaut de grandeur, & l'on voit la respiration s'accélérer, à mesure qu'elle devient plus petite ; dans cet état elle indique, suivant Hippocrate, l'inflammation & la douleur des parties principales ; & ce présage est d'autant plus assuré, & en même tems fâcheux, que la respiration petite succede à une grande respiration ; si la fréquence n'augmente pas en même tems que la petitesse, ou ce qui est encore pis, si elle est en même tems rare & petite, c'est un signe mortel qui dénote la foiblesse extrême de la nature. Il n'est pas rare alors d'observer l'haleine de ces malades froide : ce qui ajoute encore au danger de cette respiration.

Le danger attaché à la respiration difficile varie suivant les degrés ; lorsque la difficulté de respirer est légere, & dans les maladies où elle doit toujours se rencontrer, telles que la pleurésie, l'hépatitis, &c. elle ne change rien au danger que courent ces malades ; mais si elle est jointe au délire, elle annonce la mort ; une simple difficulté de respirer, ou dyspnée, qui éveille en sursaut les malades pendant la nuit, est, suivant les observations de Baglivi & de Nenter, un signe avant-coureur ou diagnostic d'une hydropisie de poitrine ; lorsque la difficulté de respirer est au point que tous les muscles de la poitrine, des épaules, & quelques-uns des bras & du cou, sont obligés de concourir à la dilatation du thorax, & mettent toutes ces parties dans un mouvement continuel, & qu'en même tems les ailes du nez sont allongées & dans un resserrement & une dilatation alternative, le malade est très-mal ; rarement il revient de cet état ; le danger est encore plus pressant, lorsqu'il est obligé de se tenir droit ou assis pour pouvoir respirer, & que dans toute autre situation il est prêt à suffoquer. Voyez ORTHOPNEE.

La respiration chaude ou fiévreuse & fuligineuse, comme Hippocrate l'appelle, est un signe de mort, suivant cet auteur, moins certain cependant que la respiration froide ; elle indique un mouvement violent des humeurs, & une inflammation considérable des poumons. La respiration froide est la plus funeste de toutes, & on ne l'observe jamais que dans ceux qui sont sur le point de mourir. On ne voit point de malades réchapper après l'apparition de ce signe pernicieux. Hippoc. épidém. lib. VI. sect. IV. cap. xxvij. Il n'est personne qui ne sente que c'est alors une preuve évidente que le froid de la mort s'est répandu jusque dans les poumons, & que dans quelques instans il ne restera plus dans la machine de chaleur ou de vie. C'est aussi un très-mauvais signe que la respiration inégale, qui a lieu lorsque les mouvemens d'inspiration & d'expiration ne se répondent pas en force, en grandeur & en vîtesse, lorsque l'un est foible & l'autre fort, l'un petit & l'autre grand. Il en est de même de la respiration interrompue qui n'en est qu'une variété.

On peut distinguer deux especes principales de respirations sonores ; dans l'une, le bruit qui se fait entendre au gosier, imite le bouillonnement de l'eau, ou le son que rend le gosier des personnes qui se noyent ; c'est ce qu'on appelle rale, ralement ou respiration stertoreuse ; nous avons exposé à l'article RALE le danger attaché à cette sorte de respiration, nous y renvoyons le lecteur ; l'autre espece est celle qu'on appelle luctueuse, suspirieuse, chaque expiration est un soupir ; cette respiration ou indique un grand embarras dans les poumons, une cause assez considérable de malaise & d'inquiétude, ou plus souvent elle est une suite d'une extrême sensibilité, de l'attention continue qu'on fait à son état, & qui en augmente le danger. Hippocrate regarde en général la respiration luctueuse comme un très-mauvais signe dans les maladies aiguës, aphor. ljv. lib. VI. J'ai cependant vu très-souvent cette respiration chez des femmes vaporeuses, & qui réchappoient très-bien de la maladie dont elles étoient attaquées ; ainsi il me semble qu'on ne doit pas s'effrayer de ce symptome, lorsqu'il se rencontrera chez ces personnes délicates, qui s'affectent si facilement, & qui sont bien-aises de ne pas laisser ignorer aux personnes qui les soignent, jusqu'où va l'excès de leur souffrance. Il semble qu'elles ne veuillent pas se donner la peine de respirer comme il faut. (m)


RESPONSADOUZvoyez TAPEÇON.


RESPONSIVE(Jurisprud.) terme de pratique usité en certains lieux, pour désigner une piece d'écriture faite en réponse à d'autres. On dit que ces écritures sont responsives à celles du.. Voyez REPONSE. (A)


RESPUBLICA(Littérat.) la plûpart des villes de l'Italie, des Gaules, de l'Espagne, &c. dont il est fait mention dans les inscriptions antiques, se servoient de ce nom de respublica, en parlant d'elles-mêmes. Aussi les anciens n'attachoient point au mot respublica les mêmes idées que nous attachons à celui de république ; ils entendoient tout simplement par respublica civitas, la communauté : cela est si vrai qu'il y avoit même des bourgs & des villages, qui ayant obtenu le droit que nous appellons le droit de commune, formoient dès-lors des respublicae. Nous pourrions en alléguer plusieurs exemples ; mais pour abréger, nous nous contenterons de l'autorité de Festus : sed ex vicis partim habent rempublicam, partim non habent, &c. (D.J.)


RESSACS. m. (Marine) c'est le choc des vagues de la mer qui se déploient avec impétuosité contre une terre, & qui s'en retournent de même.


RESSAUTS. m. (Archit.) c'est l'effet d'un corps qui avance ou recule plus qu'un autre, & n'est plus d'alignement ou de niveau, comme un socle, un entablement, une corniche, &c. qui regne sur un avant-corps & arriere-corps. On dit qu'un escalier fait ressaut lorsque la rampe d'appui n'est pas de suite, & qu'elle ressaute aux retours, comme au grand escalier du palais royal à Paris. Daviler. (D.J.)


RESSAUTERv. act. (Gramm.) c'est sauter derechef. Voyez SAUTER & SAUT.


RESSÉANTadj. (Jurisprud.) se dit de celui qui a une demeure fixe dans un lieu. Ainsi quand on demande une caution resséante, c'est demander une caution domiciliée dans le lieu. Voyez CAUTION. (A)


RESSEL(Géog. mod.) petite ville de Pologne dans le Palatinat de Warmie, aux confins de l'Ermland, près du lac de Zain. Je ne sache pas qu'elle ait jamais produit d'autre homme de lettres que (Josse) Willich, médecin & litterateur, qui a donné dans ce dernier genre un dialogue latin des sauterelles, & un petit ouvrage de zitto, succino, &c. Il a publié un commentaire anatomique, Argentorati 1554, in-8°. & un traité de urinis, Basil. 1582, in-8°. Il mourut d'apopléxie en 1552, à 51 ans. (D.J.)


RESSEMBLANCES. f. (Logiq. Métaphys.) relation de deux choses entr'elles, formée par l'opération de l'esprit. Quand l'idée qu'on s'est faite d'un objet s'applique juste à un autre, ces deux objets sont appellés semblables. Ce nouveau nom qu'ils reçoivent indique simplement que l'idée qui représente l'un, représente aussi l'autre ; car cela ne prouve point que la ressemblance soit réellement dans les objets, mais cela veut dire que la relation de ressemblance est dans l'esprit. (D.J.)

RESSEMBLANCE, (Peinture) conformité entre l'imitation de l'objet & l'objet imité. On dit attraper la ressemblance d'une personne. C'est un talent qui semble être indépendant de l'étude ; on voit de fort mauvais peintres l'avoir jusqu'à un certain point ; & de beaucoup plus habiles à tous autres égards à celui-là leur être inférieurs.


RESSENTIadj. (Archit.) épithete du contour en renflement d'un corps plus bombé ou plus fort qu'il ne doit être, comme, par exemple, le contour d'une colonne fuselée. Moins le renflement des colonnes est sensible, & plus il est beau ; comme on peut au contraire juger de son mauvais effet lorsqu'il est trop ressenti, ainsi qu'aux colonnes corinthiennes du portail de l'église des filles de Ste Marie, rue S. Antoine à Paris. Daviler. (D.J.)


RESSENTIMENTS. m. (Gram.) c'est ce mouvement d'indignation & de colere qui s'éleve en nous, qui y dure & qui nous porte à nous venger ou sur le champ ou dans la suite d'une injustice qu'on a commise à notre égard. Le ressentiment est une passion que la nature a placée dans les êtres pour leur conservation. Notre conscience nous avertit qu'il est dans les autres comme en nous, & que l'injure ne les offense pas moins que nous. C'est un des caracteres les plus évidens de la distinction que nous faisons naturellement du juste & de l'injuste. La loi qui se charge de ma vengeance a pris la place du ressentiment, la seule loi dans l'état de nature. Plus les êtres sont foibles, plus le ressentiment est vif & moins il est durable ; il faut qu'il soit vif dans la guêpe pour inspirer la crainte de l'irriter ; il faut qu'il soit passager en elle, pour qu'il ne la conduise pas à sa perte.


RESSERREMENTS. m. (Médecine) se dit des pores de la peau, des intestins, des vaisseaux du corps. Cet état des parties solides a différens effets, selon les parties qu'il attaque ; il marque en général un tempérament sec, robuste & beaucoup d'élasticité dans les fibres : c'est ce qui fait que les personnes robustes, tels que les gens de la campagne, les ouvriers, les crocheteurs & autres en qui le travail & l'habitude d'un exercice continué ont augmenté les roideurs des fibres, sont pour l'ordinaire d'un tempérament resserré, cette constitution est une marque de santé & d'une grand vigueur dans tous les organes ; mais alors il faut que le resserrement soit restraint à ses justes bornes, & que la nature n'en souffre point. S'il est trop grand, on doit employer les émolliens, les relâchans, les adoucissans, les aqueux & autres remedes qui peuvent ôter aux fibres leur rigidité, produisant souvent dans toutes les parties la même astriction qu'au ventre & aux intestins, ce qui occasionneroit une suppression des secrétions.

Mais le resserrement doit être regardé comme un remede, & une indication à remplir dans le relâchement en général, dans le dévoiement, les hémorrhagies & toutes les parties, & les différentes sortes de flux, & les maladies qui ont pour cause la laxité ; les auteurs ne parlent point de cette indication générale, qui est cependant réelle & essentielle dans la plûpart des maladies. Voyez LAXITE, DEVOIEMENT ou DIARRHEE.


RESSIou RÉCIF, s. m. (Marine) terme de l'Amérique, chaîne de rochers qui sont sous l'eau.


RESSORTS. m. en Physique, signifie l'effort que font certains corps pour se rétablir dans leur état naturel, après qu'on les en a tirés avec violence en les comprimant ou en les étendant. Les Philosophes appellent cette faculté force élastique ou élasticité. Voyez ELASTIQUE & ÉLASTICITE.

Ressort se dit aussi quelquefois du corps même qui a du ressort ; c'est dans ce sens qu'on dit un ressort d'acier, bander un ressort, &c.

M. Bernoulli a démontré, dans son discours sur les lois de la communication du mouvement, que si un corps mû avec une certaine vîtesse peut fermer ou bander un ressort, il pourra, avec une vîtesse double, fermer ou bander quatre ressorts semblables & égaux chacun en force au premier, neuf avec une vîtesse triple, seize avec une vîtesse quadruple, & ainsi de suite, selon les quarrés des vîtesses. On trouve, dans les mémoires de l'académie de 1728, un écrit de M. Camus, où il entre dans un grand détail sur le mouvement d'un corps accéleré ou retardé par des ressorts. On peut voir aussi plusieurs propositions curieuses sur les ressorts dans la piece de M. Jean Bernoulli le fils sur la lumiere, qui a remporté le prix de l'académie des Sciences de Paris 1736. (O)

RESSORT de l'air, est la même chose que sa force élastique. Voyez AIR & ÉLASTICITE.

RESSORT, grand ressort, moule à ressort de grilles, parties du métier à bas. Voyez BAS AU METIER.

RESSORT, (grand) terme d'Arquebusier, c'est un morceau de fer de la longueur de quatre pouces, qui est employé par en-bas de la largeur d'un pouce ; cette partie finit par une petite oreille plus plate, qui est percée d'un trou où se place une vis qui attache le grand ressort au corps de platine. La partie la plus longue est encore reployée en-dessous en demi-cercle, & forme une mâchoire qui se pose dans la noix, & qui, quand elle est tendue, fait agir fortement ce grand ressort sur la noix, & la force de revenir d'où elle est partie en faisant sortir la gachette hors le cran de tente.

Ressort de batterie, c'est un ressort fait à-peu-près comme le ressort de gachette, au lieu qu'il est reployé en-dessous, & est assujetti au corps de platine en-dehors avec une vis à tête ronde, & qui excede un peu. Ce ressort est placé derriere la batterie & un peu au dessous, de façon que le talon de la batterie appuie dessus ; ce ressort sert pour assujettir la batterie, & la faire rester sur le bassinet & pour lui donner de l'élasticité.

Ressort de gachette, c'est un petit morceau de fer assez délié, reployé en-dessus. La partie de dessus, qui est la plus courte, est plate par le bout, & percée d'un trou où se pose une vis qui assujettit ce ressort à demeure. Il est placé en-dedans du corps de platine au-dessus de la gachette, & sert pour la tenir en respect & pour la contraindre à rester engrenée dans les dents de la noix. Voyez les Pl.

RESSORT, (Coutel.) c'est la partie d'acier qui est renfermée entre les deux côtés du manche du couteau, & qui fait en-haut la fonction de ressort contre le talon de la lame qu'elle tient ouverte ou fermée à discrétion.

RESSORT de cadran, (Horlogerie) nom que les Horlogers donnent à un ressort qui sert à retenir le mouvement d'une montre dans sa boîte. C'est la premiere chose qui se présente dans la plûpart des montres lorsqu'on les ouvre, il est fixé à la platine des piliers au-dessous de la roue de champ ; tantôt il est bleui, tantôt il est poli ; il retient le mouvement dans la boîte au moyen d'une partie saillante, que l'on appelle la tête, & qui s'avance dessous le filet intérieur de la bâte, sur lequel la platine des piliers vient s'appuyer lorsque le mouvement est dans sa boîte, à-peu près comme le penne d'une serrure dans la gâche : sa queue est cette petite partie qui déborde un peu le cadran vers les six heures, & que l'on pousse un peu pour ouvrir la montre, parce que par ce moyen on dégage la tête de dessous le filet de la bâte. Autrefois on faisoit tous les ressorts de cadran de cette façon, mais comme le mouvement étoit sujet dans les secousses à sortir de sa boîte, on en a imaginé d'une autre construction, que l'on appelle en verrou ou à coulisse.

T, dans les Pl. d'Horlogerie, représente la tête de ce ressort vue en-dedans de la gâche, & T, autre fig. le même ressort va du côté du cadran, r c est un ressort qui pousse continuellement le verrou c T, auquel il donne son nom de c en T. Il appuie contre la cheville c adapté à la tête T, comme on le voit fig. 46, n °. 2, par ce moyen cette tête est toujours poussée en-dehors de la platine ; & lorsque le mouvement est dans la boîte, elle va s'engager dans le filet de la bâte, comme nous l'avons dit plus haut. Les fig. 46, n °. 1, 2, 3, 4, représentent les différens développemens des parties de ce ressort ; x est ce que l'on appelle la croix, dont l'extrêmité 1 déborde le cadran & forme une espece de petit bec, que l'on pousse avec le doigt pour ouvrir la montre.

RESSORT, s'emploie plus ordinairement dans les arts pour signifier un morceau de métal fort élastique, qu'on emploie dans un grand nombre de différentes machines, comme montres, pendules, serrures, fusils, &c. pour réagir sur une piece & la faire mouvoir par l'effort qu'il fait pour se détendre ; pour cet effet, une des extrêmités du ressort s'appuie ordinairement sur la piece à faire mouvoir, tandis que l'autre est fixément attachée à quelque partie de la machine ; ces ressorts sont quelquefois de laiton très-écroui, mais communément ils sont de fer forgé ou d'acier trempé & un peu revenu ou recuit, pour qu'ils ne cassent pas.

Les horlogers en emploient de plusieurs sortes, auxquels ils donnent ordinairement le nom de la piece qu'ils font mouvoir ; ainsi ressort du marteau, de la détente, du guide-chaîne, &c. signifie le ressort qui fait mouvoir le marteau, ou la détente, ou le guide-chaîne, &c.

Pour qu'un ressort soit bien fait, il faut qu'il soit trempé & revenu bleu, de façon qu'il ne soit pas assez dur pour casser, ni assez mou pour perdre facilement son élasticité ; il faut de plus que son épaisseur, sa longueur, & l'espace que lui fait parcourir, en le bandant, la piece qu'il fait mouvoir, ayent un certain rapport entr'elles pour qu'il soit liant & que sa bande n'augmente pas dans une trop grande proportion : il faut de plus que son épaisseur aille en diminuant jusqu'au bout, afin que toutes ses parties travaillent également lorsqu'il est tendu.

De tous les ouvrages d'horlogerie, ceux où l'on emploie le plus de ressorts sont les répétitions de toutes especes, & les montres ou pendules à trois ou quatre parties.

RESSORT ou grand ressort, se dit de celui qui est contenu dans le barillet ou tambour d'une pendule à ressort ou d'une montre, & qui sert à produire le mouvement de l'horloge ; c'est une lame d'acier trempée, polie, revenue bleue, fort longue, & courbée en ligne spirale ; sa largeur est un peu moindre que la hauteur du barillet, & il a deux fentes ou deux yeux à ses extrêmités, pour qu'il puisse s'attacher aux crochets du barillet & de son arbre. On en voit le plan fig. 48. Pl. 10. de l'Horlogerie.

Ce ressort étant hors du barillet s'ouvre & se développe par sa seule élasticité, & occupe une surface beaucoup plus grande que celle du barillet, de sorte qu'il faut une certaine force pour le bander & pour l'y faire entrer, d'où il suit qu'y étant, il est déjà dans un état de compression, quoiqu'il ne soit cependant pas encore bandé. L'extrêmité C du ressort restant fixe, il est clair que si l'on tourne l'autre bout X, de X vers K, on le bandera ; ainsi lorsque le ressort est dans le barillet & l'arbre aussi, comme il est supposé dans la fig. 49 B, que ses deux yeux sont engagés dans les crochets du barillet & de son arbre, il est clair que celui-ci étant fixe, si l'on fait tourner le barillet, on bandera le ressort, & que la même chose arrivera si le barillet étant fixe, on tourne l'arbre.

Pour concevoir donc comment ce ressort met en mouvement toute la montre en faisant tourner le barillet, il faut remarquer que le barillet étant dans la cage, la roue de vis-sans-fin V, fig. 49, qui entre à quarré sur la tige de l'arbre du barillet, s'engage par les dents dans la vis-sans-fin C, fig. 42. de sorte que l'arbre devient fixe & ne peut tourner qu'autant qu'on fait mouvoir la roue au moyen de cette vis-sans-fin. L'arbre étant ainsi immobile, il est évident, par ce que nous avons dit plus haut, que si l'on tourne le barillet, on bandera le ressort, & c'est précisément ce qui arrive lorsque l'on monte la montre ; car la chaîne étant enveloppée sur le barillet & y tenant par une de ses extrêmités, & par l'autre à la fusée, on ne peut faire tourner celle-ci ou remonter la montre, qu'on ne fasse en même-tems passer la chaîne sur la fusée, tourner le barillet, & par conséquent bander le ressort. Le ressort ainsi bandé tend à faire retourner la fusée en arriere, mais celle-ci, à cause de l'encliquetage, ne pouvant tourner en ce sens sans faire tourner aussi la grande roue avec elle, cette derniere communique son mouvement au pignon dans lequel elle engrene, & ainsi de suite. Cette action du ressort sur la fusée, comme nous venons de l'expliquer, seroit bien suffisante pour faire marcher la montre ; mais comme on a vû, article FUSEE, que l'action du ressort transmise au rouage au moyen de la fusée, doit être toujours uniforme, & qu'il faut pour cet effet que son diametre, dans un point quelconque, soit en raison inverse de la force par laquelle le ressort agit dans ce même point, il s'ensuit que la force du ressort étant o, lorsqu'on commence à monter la montre, il faudroit que la base de la fusée fût infinie ; pour suppléer donc à cela, voici comme on s'y prend : la chaîne accrochée à la fusée & au barillet, étant enveloppée sur ce dernier ; au moyen de la vis-fans-fin on fait tourner l'arbre du barillet d'un tour plus ou moins ; or le barillet étant fixe, puisqu'il est retenu par la chaîne qui tient à la fusée, il s'ensuit que par-là on bandera le ressort de la même quantité dont on aura tourné l'arbre, c'est-à-dire, d'un tour plus ou moins, &c. & par conséquent que de quelque petit arc qu'on tourne la fusée, le ressort étant bandé d'un tour & du petit arc dont la chaîne aura fait tourner le barillet par ce mouvement, sa force sera assez considérable pour que la base de la fusée étant d'une certaine grandeur, son action par cette base puisse être en équilibre avec celle qu'il a dans les autres points ; cette quantité dont le ressort est ainsi bandé avant qu'on monte la montre s'appelle parmi les horlogers la bande, ainsi ils disent que la bande du ressort est de 1/2 de 3/4 de 1 tour, &c. pour dire qu'on a bandé le ressort de cette quantité, en tournant l'arbre de barillet, &c.

Pour peu qu'on fasse attention à la forme du ressort, fig. 48, on voit qu'à mesure qu'on le bande, en faisant mouvoir son extrêmité de X vers K, les hélices ou lames X, L, &c. vont toujours en s'approchant les unes des autres, & que par conséquent lorsqu'une fois elles se touchent, il est impossible de le bander davantage ; le nombre des tours que peut faire le point K, avant que les lames du ressort se touchent, s'appellent les tours du ressort, ainsi si l'arbre de barillet étant fixe l'on peut faire tourner le barillet six tours, jusqu'à ce que les lames du ressort se touchent, on dit que le ressort fait six tours, & qu'il est plus ou moins bandé selon qu'il s'en faut plus ou moins de tours qu'il ne soit dans cet état. Plus le ressort est bandé, plus toutes ses parties sont dans une grande contraction, & par conséquent plus il est sujet à casser, c'est pourquoi les habiles horlogers observent qu'il ne le soit jamais trop, l'expérience leur a appris qu'il faut pour cela que la montre étant montée jusqu'au haut, il s'en faille encore aux environs d'un tour que le ressort ne soit bandé à son dernier degré, c'est-à-dire que s'il fait par exemple six tours il ne soit bandé que de cinq, le tour qui reste s'appelle la lesse. Voici comme ils s'en assurent : monter une montre n'étant, comme nous l'avons dit à l'article FUSEE, que faire passer la chaîne de dessus le barillet sur la fusée, il s'ensuit que le ressort est toujours bandé d'un nombre de tours égal à celui des tours dont la chaîne s'enveloppe sur le barillet, & par conséquent que ces tours dépendent du rapport qui est entre le diametre de la fusée & celui du barillet ; ainsi la premiere étant fort grosse, la chaîne deviendra alors beaucoup plus longue, & en conséquence fera beaucoup de tours sur le barillet : or comme ces tours de la bande du ressort sont en même quantité, il faudra donc qu'il en fasse aussi beaucoup de plus ; comme le ressort doit avoir un tour de bande plus ou moins & que lorsque la montre est montée jusqu'au haut, il ne doit pas être bandé tout au haut, & que, comme on vient de le dire, il doit y avoir au moins un tour de lesse, il s'ensuit que le ressort doit faire au moins deux tours de plus que la chaîne n'en fait sur le barillet, ainsi celle-ci faisant ordinairement 3 1/2 tours, le ressort en fait 5 1/2. Au reste que ce soient là les proportions que l'on observe ordinairement dans les montres, ces proportions varient selon les tours de la fusée & plusieurs autres circonstances. Une autre raison qui empêche de bander le ressort trop haut, c'est que sa force devenant très-considérable, la fusée deviendroit trop petite par en haut, ce qui augmenteroit beaucoup le frottement sur ses pivots ; on conçoit bien que si la lame du ressort est plus épaisse, il en aura plus de force, mais aussi que le nombre de tours qu'il fera dans le barillet sera moins considérable, & qu'au contraire si la lame est plus mince, le ressort fera plus de tours, mais qu'il sera moins fort. Il arrive quelquefois cependant que le ressort étant trop long par rapport au barillet dans lequel il est contenu, il ne fait pas autant de tours qu'il en feroit s'il étoit plus court ; alors on le rogne.

Pour qu'un ressort soit bien fait, il faut que son épaisseur aille un peu en diminuant d'un bout à l'autre, que la lame n'en soit pas trop épaisse, & qu'il ne soit ni trop long ni trop court ; dans le premier cas, le ressort étant dans le barillet, ses lames sont sujettes à se toucher & à se frotter, dans le second il est sujet à se casser, parce qu'elles souffrent une trop grande tension ; il est sur-tout de la plus grande conséquence que les lames ne se frottent point, parce que 1°. ces frottemens diminuent de la force du ressort ; & 2°. qu'ils empêchent qu'on puisse égaler la fusée avec la même précision, & que cette égalité ne soit de durée, parce que les frottemens de ces lames variant continuellement changent les forces du ressort dans les différens points où ces lames sont en action, & par conséquent le rapport de ces forces avec les rayons de la fusée par lesquels elles agissent.

Tout ce que nous venons de dire des qualités que doit avoir un ressort, s'applique également à ceux des pendules. Dans les pendules où nous nous servons rarement de fusées, pour éviter que les différences des forces du ressort dans le haut & dans le bas ne soient trop sensibles, on lui fait faire un peu plus de tours qu'il ne seroit nécessaire ; & au moyen d'un remontoir, on ne se sert que de ceux qui sont les plus égaux. Voyez REMONTOIR.

Les Anglois sont encore aujourd'hui ceux qui font les meilleurs ressorts pour les montres.

RESSORT SPIRAL, ou simplement spiral, signifie parmi les Horlogers un petit ressort courbé en ligne spirale, & attaché par une de ses extrêmités à l'arbre du balancier, & par l'autre à la platine de dessus. Voyez la figure 52. Pl. de l'Horlogerie, où ce ressort est représenté attaché en P au piton, & en V à l'arbre du balancier.

Ce ressort sert à donner aux montres une justesse infiniment supérieure à celle qu'elles tireroient du simple balancier. Cette découverte si importante pour l'Horlogerie, s'est faite dans le siecle passé ; ce fut en 1675 que les premieres montres à ressort spiral parurent pour la premiere fois à Paris & à Londres. On seroit fort embarrassé de dire précisément qui en est l'inventeur, car le docteur Hooke, M. Huyghens, l'abbé Hautefeuille, s'en disputerent tour-à-tour la gloire : il y eut même quelque chose de singulier dans cette contestation, c'est que M. Huyghens fut également attaqué par ces deux savans, comme s'il leur avoit enlevé leur découverte. Nous tâcherons en en rapportant l'histoire, d'éclaircir cette dispute, qui jusqu'ici a été fort embrouillée, & de faire voir la part que ces trois savans ont dans cette invention.

M. Huyghens au commencement de l'année 1675, publia dans le journal des Savans la découverte de sa montre à ressort spiral, & il en présenta une de cette construction à M. de Colbert ; comme il étoit fort bien en cour, il obtint bientôt un privilege pour ces sortes de montres ; mais ayant voulu le faire entériner au parlement, l'abbé de Hautefeuille s'y opposa. En vain M. Huyghens allégua-t-il plusieurs raisons pour sa défense, entr'autres qu'ayant remarqué que les vibrations des branches d'une pincette sont isochrones, il avoit pensé, en réfléchissant sur cette experience, que l'application d'un ressort au balancier en rendroit les vibrations plus justes : cet abbé fit si bien par ses représentations & par les preuves qu'il donna du droit qu'il avoit sur cette invention, que M. Huyghens fut obligé de renoncer à l'entérinement de son privilege. Une des plus fortes raisons que l'abbé de Hautefeuille allégua contre lui, c'est que plus d'un an auparavant, savoir en 1674, il avoit lû un mémoire à l'académie dont il avoit encore le certificat, où il étoit question de l'application d'un ressort au balancier des montres, pour en régler les vibrations. Il est vrai que ce ressort étoit droit, mais c'étoit avoir fait le plus grand pas que d'avoir pensé à régler les vibrations du balancier par celles d'un ressort ; voici comment cela se faisoit. Sur le plan supérieur du balancier, proche de sa circonférence, étoit fixé un petit cylindre percé d'un trou semblable à celui de la tête d'une aiguille ; à-travers ce trou passoit le ressort, qui étoit droit & fixé sur le coq à l'opposite du cylindre, de façon que le balancier par son mouvement le plioit tantôt d'un côté, tantôt de l'autre ; par ce moyen ses vibrations étoient réglées par celle du ressort.

En même tems que la montre de M. Huyghens paroissoit à Paris, celle du docteur Hooke, aussi à ressort spiral, faisoit grand bruit à Londres ; ce docteur ayant oui parler de ce qui se passoit ici, fit tout son possible pour s'assurer la propriété de cette découverte. Il soutint que M. Huyghens en avoit été instruit par M. Oldenbourg, secrétaire de la société royale de Londres ; ce dernier ayant appris, par une lettre du chevalier Moray, en quoi à-peu-près elle consistoit. Il avançoit que ce secrétaire auroit été d'autant plus porté à le faire, qu'il étoit son ennemi déclaré ; mais malgré tout ce que M. Hooke put dire, il ne put prouver que M. Huyghens eût pris de lui cette idée : & M. Oldenbourg se justifia par deux mémoires n °. 118. & 129 des Trans. philos. de ce qu'il lui imputoit, & il y ajouta même une déclaration du conseil de la société royale, qui assuroit qu'il n'avoit jamais abusé de sa correspondance. Ce qui fait beaucoup en faveur du docteur Hooke, c'est que pendant toute cette dispute on ne lui contesta pas la découverte du ressort spiral, mais seulement que M. Huyghens eût pris cette idée de lui : aussi on peut dire qu'il y avoit des droits qui semblent incontestables, car dans sa vie faite par Richard Waller, secrétaire de la société royale de Londres, on trouve, 1°. qu'immédiatement après le rétablissement de Charles II. sur le trône d'Angleterre, il communiqua à milord Brounker, à l'illustre Boyle, & au chevalier Moray, une montre avec un ressort appliqué à l'arbre du balancier pour en regler le mouvement ; 2°. que ces MM. furent si satisfait de cette découverte, qu'ils lui conseillerent de demander un privilege, dont le projet fut aussi-tôt formé par le chevalier Moray ; projet dans lequel on trouve la description de cette montre, écrite de la propre main de ce chevalier ; 3°. que vers ce même tems il y eut une espece de contrat dressé entre ces MM. par lequel on régloit la part que M. Hooke auroit dans le gain que l'on tireroit de cette invention, si l'on parvenoit à obtenir le privilege ; enfin, qu'en Septembre 1665, plus de dix ans auparavant que la montre de M. Huyghens parût, le chevalier Moray, comme nous l'avons dit plus haut, expliquoit dans une lettre à M. Oldenbourg, la découverte de M. Hooke, lui marquant qu'il appliquoit un ressort à l'arbre du balancier des montres.

Il paroît par tout ceci, 1°. que l'abbé Hautefeuille pensa le premier en France à régler les vibrations du balancier par celle d'un ressort droit ; idée qu'il ne tenoit que de son génie, cet abbé n'ayant aucune correspondance avec les savans d'Angleterre ; 2°. que M. Huyghens profitant de la découverte de cet abbé, changea la figure de ce ressort de droite en spirale, & qu'il l'appliqua à l'arbre du balancier ; 3°. que malgré qu'on puisse soupçonner M. Huyghens d'avoir eu quelque connoissance de ce que le docteur Hooke avoit fait en Angleterre dans ce genre, on ne peut rien prouver à ce sujet. Enfin, que ce docteur a réellement inventé le ressort spiral, ce qu'il y a d'autant plus lieu de croire, qu'il avoit de grandes vûes, qu'il étoit fort inventif, sur-tout en fait de machines, & qu'il a beaucoup travaillé à perfectionner l'Horlogerie, ayant inventé des échappemens qui sont encore aujourd'hui des meilleurs que l'on emploie dans les pendules. Voyez ECHAPPEMENT & MACHINE A FENDRE.

C'étoit, comme nous l'avons dit, avoir fait un grand pas que d'avoir pensé à régler les vibrations du balancier par celles d'un ressort, de quelque figure qu'il soit ; mais le ressort droit de l'abbé Hautefeuille avoit un défaut essentiel, en ce que dans les différens arcs de vibration du balancier, il agissoit par des leviers plus ou moins avantageux, ce qui détruisoit leur isochronisme, les plus grandes vibrations étant toujours les plus lentes. Un autre défaut, mais beaucoup moins important, c'est que ce ressort frottoit dans le trou au-travers duquel il passoit. Par le ressort formé en ligne spirale, & appliqué à l'arbre du balancier, on évite ces deux défauts ; il n'est plus question du frottement du ressort dans son trou, & il agit toujours par un même levier : de plus, il devient plus long & sa force plus active ; on est en état de disposer les choses de maniere à régler la montre plus facilement (voyez ROSETTE) ; enfin on diminue extrêmement le frottement des pivots, car chaque partie des spires sollicitant le balancier à se mouvoir dans différens sens, il en nait un équilibre dans leurs forces qui fait que ses pivots sont comme flottans au milieu de leurs trous, & que lorsque par une cause quelconque ils sont portés d'un côté ou d'autre dans ces trous, le frottement est toujours moindre qu'il ne seroit s'il n'y avoit pas de ressort.

Ce qui donne aux montres à ressort spiral un si grand avantage sur celles qui n'en ont pas, c'est que sans aucune force étrangere, ce ressort joint au balancier l'entretient en vibration pendant un tems assez considérable, savoir une minute & demie au-moins, comme il est facile de l'expérimenter : par ce moyen le moteur n'étant obligé de restituer que ce qui se perd du mouvement qu'il imprime au balancier, ses inégalités & celles du rouage au moyen duquel il agit, ne se font sentir sur les vibrations du régulateur qu'en raison du peu de mouvement restitué dans chacune d'elles. Or les vibrations libres du balancier joint au ressort spiral se faisant, comme on le verra bientôt, dans des tems sensiblement égaux, soit qu'elles soient grandes, soit qu'elles soient petites, il en doit évidemment résulter une grande régularité dans la montre.

Pour rendre ceci plus sensible, supposons que dans une montre bien réglée le moteur influe comme 1 dans les vibrations du balancier, & le ressort spiral comme 4 + 1/3 (on verra par la suite que ma supposition ne s'écarte pas du vrai dans les montres bien faites). Si on diminue la force motrice de moitié, le balancier qui faisoit ses vibrations à l'aide d'une force équivalente à 5 + 1/3, les fera comme s'il étoit mû par un ressort dont la force égalât 4 + 1/2 + 1/3 ; car la force 1 du moteur a été réduite à la moitié, le ressort spiral qui influe comme 4 + 1/3 est resté le même, & les vibrations, si ce ressort agissoit tout seul, s'acheveroient toutes en des tems égaux. Ainsi l'aiguille des minutes, par exemple, dont le mouvement comme il est expliqué article MONTRE, dépend absolument de la vîtesse avec laquelle le balancier fait ses vibrations, au lieu de parcourir sur le cadran 60 minutes dans une heure, retardera dans l'exemple rapporté, seulement comme si la force motrice produisant seule les vibrations, avoit été diminuée d'un huitieme ou à peu-près.

Il n'en sera pas de même, si le ressort spiral est retranché ; alors la force motrice toujours à-peu-près uniforme, agissant seule, ne pourra diminuer de moitié sans que les vibrations du régulateur ne soient produites par une force une fois plus petite ; si l'on doute de la vérité de ce raisonnement, il sera facile de s'en assurer par les expériences suivantes qui ont été répétées plusieurs fois.

On prendra une montre ordinaire, bien faite & bien reglée, on la remontera tout en-haut, ensuite on débandera le ressort par la vis sans fin ou l'encliquetage (Voyez VIS SANS FIN & ENCLIQUETAGE) destiné à cet usage, jusqu'à ce que la même force environ qui étoit au plus grand tour de la fusée, voyez FUSEE, se trouve au plus petit ; il en résultera une diminution de force motrice égale à 2/5 environ, & la montre retardera de trois minutes par heure.

On rebandera ensuite le grand ressort au point où il l'étoit auparavant, & on fera marcher la montre sans ressort spiral ; on trouvera alors que l'aiguille des minutes, au lieu de faire le tour du cadran dans une heure, n'en fera que les 27/60, ou qu'elle ne parcourra que 27 minutes ; mais si l'on détend le grand ressort comme ci-devant, l'aiguille ne parcourra que 19 minutes dans le même tems d'une heure. On voit delà que dans ce dernier cas, le ressort étant débandé de la même quantité, le mouvement de la montre en est retardé de près d'un tiers, au lieu qu'avec le ressort spiral, la même opération n'a produit un retard que d'un vingtieme.

On s'étonnera, sans-doute, qu'une montre allant vingt-six ou vingt-sept minutes par heure sans le secours de son ressort spiral, & soixante dans le même tems avec ce ressort, Voyez ECHAPPEMENT (Description de l'échappement ordinaire), c'est-à-dire que les vibrations n'étant accélérées dans ce dernier cas que d'un peu plus de moitié, le succès soit pourtant si différent dans les deux expériences précédentes ; on ne sera peut-être pas moins surpris que j'aye dit ci-devant, que le spiral influoit plus de quatre fois davantage dans les vibrations du balancier. En effet, il semble d'abord que la promtitude des vibrations étant 26 par supposition pour la rendre égale à 60 ; la puissance totale à l'aide de laquelle le balancier se meut, devroit seulement augmenter d'une quantité égale à la différence qui regne entre 60 & 26 ; on trouve la solution de ces difficultés dans l'article FORCES VIVES ; on y trouvera démontré par la théorie & par l'expérience, qu'une masse quelconque qui se meut ou fait des vibrations à l'aide d'une puissance accélératrice, ne peut en achever un même nombre dans un tems une fois plus court, sans être mue ou aidée par une force quadruple ; qu'enfin la promtitude des vibrations d'une masse est toujours comme la racine quarrée des forces accélératrices, par lesquelles elle est entretenue en mouvement.

Quoique la courbe spirale soit la plus simple, la plus naturelle & la meilleure qu'on puisse donner au ressort réglant des montres ; plusieurs variations auxquelles elles sont encore sujettes lui ayant été faussement attribuées, quelques personnes ont fait diverses tentatives pour changer la forme de ce ressort. M. de la Hire, conseille, Mém. de l'acad. ann. 1700. de le plier en ondes ; mais sans parler des autres défauts de cette forme du ressort, il est évident qu'elle en a un très-considérable, puisque comme dans celle de l'abbé Hautefeuille, le balancier n'est pas toujours poussé par un levier constant, effet qui ne peut avoir lieu qu'au moyen d'un ressort dont la forme soit approchante de la circulaire.

Il se présente ici une question assez intéressante sur l'attache du ressort spiral. Dans la pratique ordinaire, ou selon la méthode de M. Huyghens, son extrêmité intérieure est fixée sur une virole qui tient à frottement sur l'axe du balancier, & l'extérieure est adaptée à la platine au moyen d'un petit tenon ; ne seroit-il pas mieux d'attacher l'extrêmité extérieure du ressort à l'un des rayons du balancier, & l'intérieure sur une virole étrangere au régulateur, & tournante à frottement sur un canon au centre du coq ? Le balancier n'acquerroit-il pas par ce moyen plus de liberté, & ne lui épargneroit-on pas beaucoup de frottement sur ses pivots ? Je l'ai long-tems soupçonné, mais l'expérience m'a fait voir que toutes choses d'ailleurs égales, une montre alloit toujours le même train, qu'il n'y survenoit aucun changement, soit que l'on attachât son ressort de l'une ou de l'autre façon, & qu'enfin le régulateur n'avoit pas plus de liberté dans un cas que dans l'autre. Il faut donc s'en tenir à la méthode ordinaire.

Recherches sur l'isochronisme des vibrations du ressort spiral uni au balancier. La grande utilité du ressort spiral dans les montres étant bien constatée, nous pouvons examiner une question qui a jusqu'ici embarrassé, non-seulement d'habiles artistes, mais encore les plus illustres Physiciens & Géometres ; on demande si abstraction faite des frottemens, des résistances de l'air & de la masse du ressort, les vibrations du balancier joint au ressort spiral sont isochrones & d'égale durée, ou si elles different en tems, selon qu'elles sont plus ou moins grandes.

La raison suivante qu'on allegue assez souvent pour prouver l'isochronisme en question ne peut, selon moi, former une preuve complete . " Dans les corps sonores frappés ou pincés avec plus ou moins de force, les tons restent, dit-on, toujours les mêmes ; cependant ils haussent ou baissent sensiblement par les plus petits changemens dans la durée des vibrations qui les produisent ; la différente étendue de ces vibrations n'influe donc point sur les tems dans lesquels elles s'achevent. Or, continue-t-on, un balancier joint à un ressort est analogue à une corde de clavessin quand l'un ou l'autre vibre ; c'est toujours une masse mue à l'aide d'une force élastique : donc, conclut-on, le balancier aidé du ressort fait ses réciprocations en des tems parfaitement égaux ".

Ce raisonnement ne prouve autre chose, sinon que toutes les vibrations d'un corps à ressort sont à très-peu-près isochrones, l'oreille n'étant certainement pas assez délicate pour appercevoir les petites différences qui pourroient arriver dans les tons ; d'ailleurs, M. de Mondonville a trouvé que dans un instrument le ton d'une corde pouvoit monter d'un demi ton, lorsqu'on la tenoit fort lâche, quoique la gradation observée en renflant & adoucissant le son rend ordinairement cette différence insensible à l'oreille. Voyez la dissertation de M. Ferrein sur la formation de la voix, Mém. de l'Acad. royale des Scienc. ann. 1741. il faut donc quelque chose de plus précis pour nous convaincre de l'isochronisme en question, c'est ce qu'on trouvera dans les expériences que je vais rapporter.

Avant de passer à ces expériences, nous rapporterons les deux principes suivans, & nous demontrerons une proposition qui nous aidera à tirer des conséquences sûres de ces expériences ; ces deux principes sont, 1°. que tout corps résiste autant pour acquérir une quantité de mouvement quelconque, que pour la perdre lorsqu'il l'a acquise, voyez INERTIE ; 2°. qu'un ressort ne cesse d'être comprimé par un corps en mouvement qui le surmonte, que quand la vîtesse totale de ce corps est éteinte ; pour prouver ce dernier principe, nous ferons avec M. Trabaud le raisonnement suivant.

Tant que la vîtesse avec laquelle un corps surmonte un ressort est d'une grandeur finie, quelque petite qu'elle soit, sa force est assez grande pour comprimer le ressort déja bandé, car ce ressort étant une force pressante sans mouvement, & infiniment inférieure à une force en mouvement ; il est comparable à cet égard à une force accélératrice, telle qu'est la pesanteur, laquelle ne peut donner une vîtesse finie que dans un tems fini, un ressort bandé ne peut donc pas résister à une force d'une grandeur finie qui lui est appliquée jusqu'au point de la détruire sans être comprimé.

Proposition. Deux corps égaux A & C, employeront un même tems à parcourir les différens espaces A E, C E, si les forces qui les poussent dans tous les points de la ligne sont proportionnelles aux distances du terme E où elles le font tendre.

Démonstration. Dans le premier instant du mouvement, A étant par supposition une fois plus distant de E, est selon l'hypothèse poussé par une force double, & parcourt un espace une fois plus grand ; dans le second, si la force accélératrice cessoit d'agir, ce corps possedant une vîtesse uniforme, double de celle avec laquelle C se meut, il parcouroit par ce seul mouvement un espace une fois plus grand ; or la force produit encore un effet double sur ce même corps ; car s'il est une fois plus éloigné de E, les deux mobiles ayant parcouru dans le premier instant des espaces proportionnels aux lignes AC, CE ; donc les vîtesses de A seront doubles dans le second instant. On verra par le même raisonnement, que recevant toujours des vîtesses proportionnelles aux distances à parcourir, & parcourant dans tous les instans des espaces qui sont comme leur éloignement de E, les deux corps arriveront en même tems à ce point, il en seroit de même si A avoit trois fois plus de chemin à faire, sa vîtesse seroit toujours triple, & ainsi des autres cas.

Corollaire. Si avec leur vîtesse acquise les mobiles précédens retournent sur leurs pas en surmontant les obstacles de la force qui les a fait parvenir en E, ils arriveront en même tems aux points A & C d'où ils sont premierement partis.

Car par le premier & le second principe, le tems que chacun des corps emploiera dans ce dernier cas, sera égal à celui qu'il a mis dans le premier, vû que la force restant la même & opérant avec une action égale, leur ravira dans chaque point le degré de vîtesse qu'elle leur a communiqué dans ce même point.

Puisque les différentes excursions d'un mobile sont parfaitement isochrones quand les forces qui le poussent sont en raison de la distance du terme où elles le font tendre, sachons présentement si l'action des ressorts spiraux augmente selon la proportion des espaces parcourus dans leurs différentes contractions ; si cela est, le balancier ne pouvant se mouvoir sans croître les forces du spiral, selon la distance du centre de repos, l'isochronisme de ses vibrations suit nécessairement.

Pour éclaircir ce point je pris le grand ressort d'une montre ordinaire, j'attachai son extrêmité intérieure à un arbre soutenu par des pivots très-fins, lequel portoit une grande poulie, j'affermis ensuite le bout extérieur du ressort contre un point fixe, de façon qu'il se trouvât dans son état naturel ; cela fait j'attachai un fil à la poulie, je l'en entourai, puis je fixai à l'autre extrêmité de ce fil un petit crochet où je mis successivement differens poids.

Ces poids tendant le ressort en l'ouvrant & le refermant de la quantité dont il l'auroit été s'il avoit fait vibrer un balancier, & même beaucoup plus ; j'observai les rapports dans lesquels le crochet baissoit, & je les trouvai toujours en raison exacte des poids dont je les chargeois ; si, par exemple, quatre gros descendoient d'une certaine hauteur, une once s'abaissoit du double, ainsi de suite. (T)

RESSORTS, c'est dans le sommier de l'orgue, les pieces f g e (fig. 6. & 9. Pl. d'Orgue), qui tiennent les soupapes fermées & appliquées contre les barres du sommier. Ces ressorts sont ordinairement de léton le plus élastique que l'on puisse trouver, & ont la forme d'un U d'Hollande couché sur le côté en cette maniere , les deux extrêmités f e de ces ressorts sont coudées en-dehors & font le crochet ; ces crochets entrent, l'un dans un trou qui est à l'extrêmité antérieure du trait de scie de la soupape, & l'autre dans un trou directement opposé, qui est dans le trait de scie du guide. Voyez SOMMIER.

Ressorts, sont aussi les pieces (fig. 18. Pl. d'Orgue) de cuivre semblablement courbées, qui relevent les touches du clavier de pédale, & les renvoient contre le dessus du clavier. Voyez CLAVIER DE PEDALE.

Ressort du tremblant fort, c'est aussi un ressort semblable à ceux des soupapes ; son usage est de repousser la soupape intérieure du tremblant contre l'ouverture qu'elle doit fermer. Voyez TREMBLANT FORT.

Ressort en boudin du tremblant fort, est aussi de léton, & est employé en hélicoïde ou en vis ; son usage est expliqué à l'article tremblant fort. Voyez TREMBLANT FORT.

RESSORT, s. m. (Jurisprud.) est la subordination d'une justice inférieure envers une justice supérieure à laquelle on porte les appels des jugemens de la premiere.

On entend aussi quelquefois par le terme de ressort une certaine étendue de territoire dont les justices relevent par appel à la justice supérieure de ce territoire.

Le ressort ou voie d'appel ne commença à s'établir que du tems de saint Louis.

Quelques-uns prennent le terme de ressort pour l'étendue de pays dans laquelle un juge ou autre officier public peut exercer ses fonctions ; mais ceci est le district que l'on ne doit pas confondre avec le ressort.

Un juge peut avoir son district & son ressort. Son district est le territoire qui est soumis immédiatement à sa jurisdiction ; son ressort est le territoire qui ne lui est soumis que pour les appels. Le ressort est ordinairement plus étendu que le district, il peut cependant l'être moins, y ayant des justices assez considérables qui n'en ont point ou fort peu qui y ressortissent par appel.

Le ministere public, & même les particuliers qui se trouvent y avoir intérêt, peuvent se pourvoir en distraction de son ressort lorsque par des lettres du prince ou par le fait de quelque particulier, on a donné atteinte au ressort de la jurisdiction ; & par distraction de ressort on entend souvent dans ce cas, nonseulement la diminution du ressort par appel, mais aussi celle du district ou jurisdiction immédiate.

Ressort se prend aussi quelquefois pour jurisdiction & pouvoir, comme quand on dit qu'un juge ne peut juger hors de son ressort.

Quelquefois enfin ressort est pris pour jugement, & par dernier ressort on entend un dernier jugement contre lequel il n'y a plus de voie d'appel. Les cours souveraines jugent en dernier ressort. Les présidiaux jugent aussi en dernier ressort les causes qui sont au premier chef de l'édit des présidiaux. Il y a encore d'autres juges, qui dans certains cas jugent en dernier ressort. Voyez Loyseau, tit. des seigneuries. (A)


RESSORTISSANTadj. (Jurisprud.) se dit d'un tribunal qui est dans le ressort d'un autre, c'est-à-dire dont l'appel va à cet autre tribunal, qui est son supérieur. Voyez APPEL DE TRAIT, DISTRICT, JURISDICTION, RESSORT. (A)


RESSOURCES. f. (Gram.) est un moyen de se relever d'un malheur, d'un désastre, d'une perte, d'une maniere qu'on n'attendoit pas ; car il faut entendre par ressource un moyen qui se présente de lui-même ; cependant quelquefois il se prend pour tout moyen en général.

Ce marchand a de grandes ressources, il lui reste encore du crédit & des amis. Sa derniere ressource fut de se jetter dans un couvent. Le galimatias de la distinction est la ressource ordinaire d'un théologien aux abois.

RESSOURCE, (Maréchal.) un cheval qui a de la ressource, est la même chose qu'avoir du fond. Voyez FOND.


RESSOUVENIRS. m. (Gram.) action de la mémoire, qui nous rappelle subitement des choses passées. Il y a, ce me semble, cette différence entre souvenir & ressouvenir, que quand on dit j'en ai le souvenir, on a la mémoire plus fréquente, plus forte, plus habituelle, plus voisine, plus continue ; au-lieu que quand on dit j'en ai le ressouvenir, la présence de la chose est plus promte, plus passagere, plus foible, plus éloignée. Le souvenir est d'un tems moins éloigné que le ressouvenir : hommes souvenez-vous que vous êtes poussiere & que vous retournerez en poussiere. Il signifie ici n'oubliez pas. Ressouvenez-vous des soins que vos peres & meres ont pris de la foiblesse de votre enfance, afin que vous supportiez sans dégoût l'imbécillité de leur vieillesse.


RESSUAGES. m. (Métallurgie) c'est ainsi qu'on nomme l'opération par laquelle le cuivre doit passer pour achever de se dégager du plomb qui peut être resté avec lui au sortir du fourneau de liquation. Après que le plomb chargé d'argent s'est séparé par la liquation du cuivre, les gâteaux ou pains de liquation se sont affaissés, & sont devenus entierement poreux & spongieux, & il y reste encore une portion de plomb qu'il est nécessaire d'achever d'en séparer, avant que de raffiner le cuivre. On se sert pour cela d'un fourneau construit de la maniere suivante. On commence à former des évents en croix pour dégager l'humidité ; le sol du fourneau doit aller en pente par-devant, & être garni de carreaux ou de briques ; on forme plusieurs rues ou voies par des murs paralleles placés près les uns des autres, & traversés par des barres de fer, de fonte, destinées à soutenir les pieces de liquation qui doivent ressuer. Ces murs sont recouverts par une voûte, ce qui fait un fourneau de reverbere dont le devant se ferme avec une porte de tole que l'on enduit intérieurement de terre grasse. Voyez le traité de la fonte des mines de Schlutter, tom. II. pag. 146. & 545. On place de champ sur ces murs & ces barres les pieces ou les pains de liquation ; on les chauffe jusqu'à ce que le cuivre rougisse obscurement sans se fondre ; par cette opération qui dure vingt-quatre heures, le cuivre acheve de se dégager du plomb & de l'argent avec qui il étoit encore joint.

On appelle épines de ressuage, les scories qui se forment du cuivre dans cette opération : en se servant de bois pour faire la liquation, & en la faisant dans un fourneau de reverbere, on se dispensera de faire passer le cuivre par l'opération du ressuage. Au sortir du ressuage le cuivre est porté au fourneau de raffinage. Voyez RAFFINAGE. Voyez Schlutter, ibid. & l'article de la fonderie d'Orschall.

RESSUAGE, s. m. (terme de Monnoyeur) c'est une espece de fourneau qui a deux ou trois piés de haut, environ deux piés de long sur deux de large en-dedans. Il sert à séparer & à retirer le plomb, l'argent & le cuivre dont les culots sont composés ; & l'un des côtés de ce fourneau est en pente, pour laisser couler les métaux dans une casse qui est au-dessous. Le ressuage désigne aussi l'opération par laquelle on sépare les métaux qu'on vient de nommer. Dans le premier sens, on dit porter les culots au ressuage ; & dans l'autre, faire le ressuage des culots. Boizard. (D.J.)


RESSUERv. act. terme de Monnoyeur. On dit en terme de monnoyeur, faire ressuer les creusets & faire ressuer les culots. Voici l'explication de ces deux phrases.

Quand un creuset de fer n'est plus en état de servir, on le met le fond en haut, sur les barreaux d'un fourneau à vent ; & on fait grand feu, afin de faire fondre l'argent qui est attaché au creuset ; ce que l'on appelle faire ressuer le creuset. Après quoi on le retire tout rouge du feu, & on l'exfolie à coup de marteau ; c'est-à-dire, que l'on en fait tomber la superficie, en feuilles que l'on pile ensuite, pour en faire les lavures, afin d'en retirer jusqu'aux moindres parties d'argent.

Quand on veut séparer les métaux des culots, ce que l'on appelle faire ressuer les culots, on fait un feu de charbon pour bien recuire la casse, on fait une grille au-dessous du ressuage : cette grille n'est pas de fer, parce que l'ardeur du feu seroit que le cuivre du culot s'y attacheroit. On met les culots sur cette grille : on fait un feu clair dessous, qui fait allumer le charbon qui est lardé entre les pavés dont le ressuage est composé, & on modere le feu clair autant que l'on peut ; car bien que le cuivre soit plus difficile à fondre que l'argent & le plomb, il pourroit être aussi fondu ; & ainsi ces trois métaux que l'on veut séparer, se trouveroient mêlés dans la casse. Quand les culots sont bien échauffés, le plomb & l'argent se fondent presque en même tems, & coulent dans la casse. Mais comme le cuivre est plus difficile à fondre, il reste sur la grille, & on voit les restes des culots percés comme des éponges aux endroits dont le plomb & l'argent ont été détachés par l'action du feu. On retire après cela les restes des lingots, on les fait fondre, & on les met en lingots. Boizard. (D.J.)


RESSUIS. m. (terme de Vénerie) c'est l'endroit où le cerf se sauve pour se délasser & sécher sa sueur de l'aiguail ou de la rosée du matin. Salnove. (D.J.)


RESSUIE(Jardinage.) On dit qu'une plante se ressuie, quand ayant été exposée la nuit à trop de rosée ou à un brouillard gros & épais, rempli de corpuscules pleins de soufre, on la soustrait aux premiers rayons du soleil.


RESSUSCITERv. act. (Gramm.) revenir à la vie. Jesus-Christ a ressuscité le Lazare. Lui-même est ressuscité. Il y a des résurrections dans toutes les religions du monde ; mais il n'y a que celles du christianisme qui soient vraies ; toutes les autres, sans exception, sont fausses.

Ressusciter se prend aussi au figuré. Pourquoi ressusciter cette vieille querelle de la prééminence des anciens & des modernes, dans laquelle ceux d'entre les défenseurs des modernes qui y avoient le moins d'intérêt, y ont montré le plus de chaleur ? Voyez RESURRECTION.


RESTAINS(Soierie) grosses bobines sur lesquelles on enroule les cordons & la cordeline d'une étoffe.


RESTAURS. m. (Jurisprud.) & par corruption RESTOR, ce mot venant du latin restaurare qui signifie rétablir, restituer, est un ancien terme de pratique qui étoit usité dans la province de Normandie, pour exprimer le recours que quelqu'un a contre son garant ou autre personne qui doit l'indemniser de quelque dommage qu'il a souffert. (A)

RESTAUR, (Commerce de mer) c'est le dédommagement que les assureurs peuvent avoir les uns contre les autres, suivant la date de leur police d'assurance ; ou c'est le recours que les mêmes assureurs sont en droit de prétendre sur le maître d'un navire, si les avaries proviennent de son fait, comme faute de bon guindage, de radoub, & de n'avoir pas tenu son navire bien estant. Savary. (D.J.)


RESTAURATIou RESTAURANT, terme de Médecine, c'est un remede propre pour donner de la force & de la vigueur. Voyez MEDECINE. Les restauratifs appartiennent à la classe des balsamiques que l'on appelle autrement analeptiques. Voyez BALSAMIQUES & ANALEPTIQUES. Ces sortes de remedes sont d'une nature émolliente & adoucissante, aussi-bien que nutritive ; & sont plus propres à rétablir la constitution, qu'à rectifier ses désordres, voyez NUTRITION. Les restauratifs sont les feuilles de capillaire noir & blanc, l'ellébore noir, la roquette, la scabieuse, le pas-d'âne, le thé-bohé, les pois-chiches, le houblon, le chocolat, les noix confites, le baume-de-tolu, le bdellium, le benjoin, le storax, le panicot, l'iris, le satyrion, &c. Voyez ces articles.


RESTAURATIONS. f. (Architect.) C'est la réfection de toutes les parties d'un bâtiment dégradé & dépéri par mal-façon ou par succession de tems, ensorte qu'il est remis en sa premiere forme, & même augmenté considérablement. Daviler. (D.J.)

RESTAURATION, s. f. (Hist. mod. d'Angl.) On appelle en Angleterre la restauration ou le rétablissement, le changement de 1660, par lequel le roi Charles II. fut rappellé au trône de ses peres. Je n'examine point, si l'on pouvoit s'en dispenser ou non ; mais on a remarqué qu'après cette restauration des Stwards, le caractere de la nation souffrit une altération considérable. S'il est permis de dire la vérité, elle changea l'hospitalité en luxe, le plaisir en débauche, les seigneurs des provinces & les gentilshommes de la chambre des communes en courtisans & en petits-maîtres. L'esprit anima la licence du siecle, & la galanterie y répandit le vernis qui fait son apanage. On vit succéder à l'austérité du gouvernement du protecteur, les goûts de la cour de Louis XIV. On n'aima plus que les poésies efféminées, la mollesse de Waller, les satyres du comte de Rochester, & l'esprit de Cowley. Enfin Charles II. ruina son crédit & ses affaires, en voulant porter dans son gouvernement le génie & les maximes de celui de la France. Voilà le germe qui produisit l'événement de 1688 consacré sous le nom de révolution. Voyez REVOLUTION. (D.J.)


RESTAURERv. act. (Architect.) C'est rétablir un bâtiment, ou remettre en son premier état une figure mutilée. La plûpart des statues antiques ont été restaurées, comme l'Hercule de Farnese, le Faune de Borghese à Rome, les Lutteurs de la galerie du grand duc de Florence, la Vénus d'Arles qui est dans la galerie du roi à Versailles, &c. Ces restaurations ont été faites par les plus habiles sculpteurs. (D.J.)


RESTES. m. (en Mathémat.) C'est la différence que l'on trouve entre deux grandeurs, après avoir ôté la plus petite de la plus grande. Voyez SOUSTRACTION.

Si l'on veut faire la preuve d'une soustraction, c'est-à-dire, vérifier cette opération, on n'a qu'à ajouter la plus petite des deux grandeurs proposées au reste que l'on vient de trouver ; & si cette somme est égale à la plus grande des deux quantités, l'opération est juste ; autrement il y a erreur, il faut recommencer. (E)

RESTE, (Comm.) signifie tout ce qui demeure de quelque chose, ou qui en fait le surplus. Le reste d'une somme d'argent, le reste d'une étoffe, d'une toile, &c.

RESTE, en terme de commerce de mer. On appelle le lieu du reste, celui de la derniere décharge des marchandises, lorsque le voyage est fini.

RESTES, se dit en termes de comptes, de ce qui demeure dû par le comptable. Il n'est guere en usage que dans les comptes de finances ; dans ceux des marchands on dit débet & reliquat. Voyez DEBET, RELIQUAT, COMPTE. Dictionn. de Comm.

Au RESTE, du RESTE. (Synonymes) Ces deux adverbes ne s'employent pas toujours indifféremment. On dit au reste, quand après avoir exposé un fait, ou traité une matiere, on ajoute quelque chose dans le même genre qui a du rapport avec ce qu'on a déja dit : par exemple, après avoir parlé d'Yperide qui avoit une facilité merveilleuse à manier l'ironie, & avoir remarqué qu'il est tout plein de jeux & de pointes d'esprit qui frappent toujours où il vise ; Longin ajoute : au reste, il assaisonne toutes ces choses d'un tour & d'une grace inimitable.

On employe le mot du reste, quand ce qui suit n'est pas dans le même genre que ce qui précede, & qu'il n'y a pas une relation essentielle : par exemple, cet homme est bizarre, emporté ; du reste brave & intrépide. (D.J.)


RESTERv. n. (Gramm.) être de surplus ou de reste. Voyez RESTE.

RESTER, demeurer en un lieu. Restez-vous ici bien long-tems ?

RESTER, (Marine) on dit qu'une terre ou un vaisseau reste à un air de vent, lorsqu'il se trouve dans la ligne de cet air de vent, par rapport à la chose dont on parle.

RESTER sur une syllabe, en terme de Musique ; c'est y faire une tenue, ou différens roulemens & inflexions de voix. (S)


RÉSTIPULERv. n. (Gramm.) stipuler de nouveau. Voyez les articles STIPULATION & STIPULER.


RESTITUTIONS. f. (Physiq.) s'entend du rétablissement d'un corps élastique, qui, après avoir été dans un état forcé pendant quelque tems, se remet ensuite dans son état naturel ; plusieurs physiciens appellent l'action par laquelle il se rétablit, mouvement de restitution. Voyez ÉLASTICITE. (O)

RESTITUTION d'une médaille, (Belles-lettres) se dit de la médaille même restituée. On appelle médailles restituées, les médailles soit consulaires, soit impériales, sur lesquelles, outre le type & la légende qu'elles ont eu dans leur premiere fabrication, on voit le nom de l'empereur qui les a fait frapper une seconde fois suivi du mot abrégé REST. Telles sont la médaille de moyen bronze, où autour de la tête d'Auguste rayonnée, on lit DIVVS AVGUSTVS PATER ; & au revers est un globe avec un gouvernail, & pour légende IMP. T. VESP. AVG. REST. & cette médaille d'argent de la famille Rubria, qui représente d'un côté la tête de la Concorde voilée avec le mot abrégé DOS. c'est-à-dire, DOS senus ; & au revers un quadrige, sur lequel est une Victoire qui tient une couronne, & au-dessous L. RVBRI. & autour IMP. CAES. TRAIAN. AVG. GER. DAC. PP. REST. Il y a d'autres médailles à qui on donne improprement le nom de restituées, quoiqu'elles ne portent pas le mot REST. qui semble en être le caractere distinct, telles sont les médailles frappées sous Galien pour renouveller la mémoire de la consécration de plusieurs de ses prédécesseurs. Nous en parlerons plus bas.

Le P. Jobert fait commencer les restitutions à Claude & à Néron ; mais les médailles sur lesquels il s'est fondé sont fausses & de coin moderne ; M. le baron de la Bastie, de qui nous empruntons tout cet article, dit que c'est sous Titus qu'on a commencé à voir des médailles restituées, & on en connoît de frappées sous ce prince pour Auguste, Agrippa, Livie, Drusus, Tibere, Drusus fils de Tibere, Germanicus, Agrippine, Claude, Galba, Othon. Domitien & Trajan en firent autant ; & ce dernier non-seulement pour les empereurs qui l'avoient précédé, mais encore pour un très-grand nombre de familles romaines, dont il renouvella les médailles consulaires, telles que les familles Aemilia, Coecilia, Claudia, Horatia, Julia, Junia, Martia, Rubria, & plusieurs autres dont on a les médailles.

La plûpart des antiquaires croient que le mot REST. qui se lit sur toutes ces médailles, signifie seulement que Titus, Domitien, Nerva, Trajan, ont fait refaire des coins de la monnoie de leurs prédécesseurs, qu'ils ont fait frapper des médailles avec ces mêmes coins, & qu'ils ont permis qu'elles eussent cours dans le commerce, ainsi que leurs propres monnoies.

Le P. Hardouin s'est moqué de cette explication, prétendant que ce seroit à-peu-près la même chose, que si Louis XIV. avoit voulu faire battre monnoie au coin de Charlemagne, de Philippe-Auguste, ou de Henri IV. Il ajoute que le mot RESTituit, sur-tout sur les médailles restituées par Tite & ses successeurs, ne veut dire autre chose, sinon que ces derniers princes redonnoient au monde l'exemple des vertus qui brilloient dans leurs prédécesseurs, & dans les célébres personnages dont le nom se lit sur ces sortes de médailles. Mais cette explication n'est pas, à beaucoup près, aussi solide qu'elle paroît ingénieuse.

Car, comme le remarque M. le baron de la Bastie, sous prétexte d'appuyer un paradoxe, il n'est jamais permis aux antiquaires de faire une nouvelle langue, ni d'attribuer aux mots grecs ou latins qu'ils rencontrent sur les médailles, des significations que ces termes n'ont jamais eues. Or, outre que restituere aliquem n'a jamais voulu dire représenter quelqu'un, ou le rendre à l'état par l'image de ses vertus, c'est que ce verbe, dans la construction latine, régissant l'accusatif, ne tomberoit sur rien dans les médailles en question, où tous les noms des empereurs & des héros sont au nominatif, ou il faudra supposer que les Romains ignoroient leur langue pour faire des fautes si grossieres, ou il faudra suppléer des pronoms entiers, & par cette méthode on trouvera tout ce qu'on voudra sur les médailles. Enfin, est-il vraisemblable que Tite, les délices du genre humain, & Trajan, si cher aux Romains, aient voulu faire penser qu'ils retraçoient en leur personne & la dissimulation de Tibere, & la mollesse d'Othon ? Les découvertes du P. Hardouin ne tiennent pas contre une critique si judicieuse. Il y a bien plus de probabilité dans le sentiment de M. Vaillant ; savoir, que Trajan, afin de se concilier les esprits du sénat & du peuple, voulut donner des marques de sa vénération pour ses prédécesseurs, & de sa bienveillance envers les premieres maisons de la république ; dans ce dessein, il fit restituer les monnoies des empereurs qui avoient regné avant lui, & celles sur lesquelles étoient gravés les noms des familles romaines.

Quant aux médailles restituées par Galien, ce sont celles que cet empereur fit frapper pour renouveller la mémoire de la consécration de la plûpart de ses prédécesseurs, qu'on avoit mis au rang des dieux après leur mort. Ces médailles ont toutes la même légende au revers, CONSECRATIO ; & ces revers n'ont que deux types différens, un autel sur lequel il y a du feu, & un aigle avec les aîles déployées. Les empereurs dont Galien a restitué la consécration, sont Auguste, Vespasien, Titus, Nerva, Trajan, Hadrien, Antonin Pie, Marc-Aurele, Commode Severe & Alexandre Severe, pour chacun desquels il n'y a que deux médailles, à l'exception de Marc-Aurele, dont on en trouve trois différentes. Mais il ne s'est pas encore trouvé des médailles restituées par Galien, avec les consécrations de Claude, de Lucius-Verus, de Pertinax, de Pescennius, de Caracalla, de Gordien, ni des impératrices qui avoient été mises au nombre des déesses. Remarque de M. le baron de la Bastie, sur la sixieme instruct. de la science des méd. du P. Jobert, tom. I.

RESTITUTION, (Jurisprud.) signifie quelquefois l'action de rendre une chose à celui à qui elle appartient, comme la restitution des fruits que le possesseur de mauvaise foi est obligé de faire au véritable propriétaire. Restitution de deniers est lorsqu'on rend une somme que l'on a reçue pour prix d'une vente, cession ou autre acte.

Restitution signifie aussi quelquefois rétablissement, comme quand on dit restituer la mémoire d'un défunt en sa bonne fame & renommée.

RESTITUTION en entier, ou rescision, est un bénéfice que les lois accordent à celui qui a été lésé dans quelque acte où il a été partie, pour le remettre au même état où il étoit avant cet acte, s'il y a juste cause de le faire.

L'usage de ce bénéfice nous vient des lois romaines ; mais parmi nous il est sujet à quelques regles particulieres.

La restitution s'accorde contre des arrêts & jugemens en dernier ressort soit par voie de requête civile, soit par voie de cassation. Voyez CASSATION, REQUETE CIVILE.

La restitution contre des actes a lieu quand l'acte n'est pas nul en lui-même, & néanmoins qu'il peut être annullé par quelque cause de restitution.

Quoique les lois aient reglé les cas dans lesquels la restitution doit être accordée, néanmoins en France elle ne peut être prononcée par le juge, si la partie qui se prétend lésée n'a obtenu des lettres de rescision, dont elle doit demander l'entérinement, lequel dépend toujours de la prudence du juge.

La restitution en entier a son effet non-seulement entre ceux qui ont passé l'acte, mais aussi contre les tiers-possesseurs.

Elle peut être demandée par l'héritier du chef du défunt.

Si c'est un fondé de procuration qui demande la restitution sous le nom de son commettant, il faut qu'il soit fondé de procuration spéciale.

Celui qui a ratifié un acte en majorité, n'est plus recevable à demander d'être restitué contre cet acte.

L'effet de la restitution est que les deux parties sont remises au même état qu'elles étoient avant l'acte, de maniere que celui qui est restitué, doit rendre ce qu'il a reçu.

Si la lésion ne portoit que sur une partie de l'acte, dont le surplus fût indépendant, la restitution ne devroit être accordée que contre la partie de l'acte où il y auroit lésion.

La restitution doit être demandée dans les dix ans de l'acte, & ce tems qui a couru du vivant de celui qui a passé l'acte, se compte à l'égard de son héritier ; mais si celui-ci étoit mineur, le reste de ce délai ne couroit que du jour de sa majorité.

Quoique l'on se porte plus facilement à relever les mineurs que les majeurs, cependant la minorité n'est pas seule un moyen de restitution, il faut que le mineur soit lésé ; mais aussi on le releve de toutes sortes d'actes où il souffre la moindre lésion, soit qu'il s'agisse de prêts d'argent ou autres conventions, soit qu'il soit question de l'acceptation d'un legs ou d'une succession, ou que le mineur y ait renoncé ; on lui accorde même la restitution pour les profits dont il a été privé, & des demandes qu'il a formées, ou des consentemens qu'il a donnés à son préjudice dans des procès.

Si deux mineurs traitant ensemble, l'un se trouve lésé, il peut demander la restitution.

L'autorisation du tuteur n'empêche pas que le mineur n'obtienne la restitution ; on la lui accorde même contre ce qui a été fait par son tuteur, quand il y a lésion.

Si l'on a vendu un immeuble du mineur sans nécessité ou sans utilité évidente, ou que les formalités n'aient pas été observées, telles que l'estimation préalable, les affiches & publications, le mineur en peut être relevé quand il ne souffriroit d'autre lésion que celle d'être privé de ses fonds, qui est ce qu'on appelle la lésion d'affection.

Les moyens de restitution à l'égard des majeurs, sont la force, la crainte, le dol. Il faut pourtant qu'il y ait lésion ; mais la lésion seule ne suffit pas.

Néanmoins dans les partages des successions la lésion du tiers au quart suffit pour donner lieu à la restitution, à cause de l'égalité qui doit regner entre cohéritiers.

Le vendeur peut aussi être restitué contre la vente d'un fonds, s'il y a lésion d'outre moitié du juste prix. Voyez au digeste les titres de in integr. restit. & celui de minoribus ; le titre quod metus causâ, celui de dolo, & les titres du code de temp. in integr. restitut. celui de reput. quae f. in jud. in integr. restit. celui de his quae vi metuve, &c. celui de rescind. vendit. Gregorius Tolosanus, Despeisses, l'auteur des lois civiles. Voyez aussi les mots CRAINTE, DOL, CONTRAT, CONVENTION, LETTRES DE RESCISION, MAJEUR, MINEUR, PARTAGE, RESCISION, VENTE. (A)

RESTITUTION, (Hist. mod.) c'est ainsi qu'on nomme à Rome l'usage où est le pape, de donner le chapeau de cardinal à un des plus proches parens du pape qui lui avoit conféré à lui-même le cardinalat.


RESTORNES. m. (Comm.) terme de teneur de livres ; c'est la même chose que contreposition. Ainsi quand un banquier ou un marchand dit à son teneur de livres qu'il faut éviter les restornes, c'est lui faire entendre qu'il doit être exact à ne point faire de contrepositions, c'est-à-dire à ne pas porter un article pour un autre sur aucun compte du grand livre, soit en débit, soit en crédit. Quelques-uns se servent dans le même sens du terme d'extorne ou extorni Dict. de Commerce.


RESTORNERv. act. (Commerce) contreposer un article mal-porté dans le grand livre au débit ou au crédit d'un compte ; on dit aussi extorner. Voyez LIVRE & RESTORNE. Dict. de Commerce.


RESTRAINDREv. act. (Gram. & Jurisprud.) c'est réduire quelque chose ; restraindre ses conclusions, c'est retrancher une partie de ce que l'on avoit demandé ou que l'on pouvoit demander. On se restraint aussi à une certaine somme pour des dommages & intérêts, &c. (A)


RESTRICTIF(Jurisprud.) est ce qui a pour objet de restraindre quelque chose comme une clause restrictive, c'est-à-dire qui restraint l'étendue d'une disposition. (A)


RESTRICTION(Jurisprud.) est une clause qui limite l'effet de quelque disposition. (A)


RESTRINCTIFadj. médicament astringent qui empêche l'inflammation de survenir à une partie, en augmentant le ressort des solides qui entrent dans sa composition. Ambroise Paré recommande immédiatement après l'opération de la cataracte, qu'on applique sur l'oeil un restrinctif fait avec blanc d'oeufs, eau de roses, battus avec alun de roche : le même auteur dit qu'après avoir réduit une luxation, il faut appliquer sur toutes les parties voisines un restrinctif fait de folle-farine, de bol d'Arménie, de myrtille, d'encens, de poix, de résine & d'alun en poudre très-fine, & mis en consistance de miel avec blanc d'oeufs. Voyez REPERCUSSIF & REPERCUSSION.

Les remedes restrinctifs sont, comme on voit, tirés de la classe des astringens & des styptiques. Ils pourroient servir à resserrer certaines ouvertures qui s'aggrandissent outre mesure par la distension forcée des parties qui les forment : tel est l'orifice du vagin à la suite des couches laborieuses, lorsqu'un enfant a été long-tems au passage. Les auteurs rapportent plusieurs formules de restrinctifs, pour diminuer dans les filles ce passage forcé par la cohabitation avec un homme, ou par une couche, afin de réparer en quelque sorte la virginité perdue. On peut abuser de ces remedes ; & j'ai rapporté dans une dissertation latine sur les parties extérieures de la génération des femmes le cas d'une jeune fille, morte de retention d'urine par l'effet des médicamens astringens qu'on lui avoit appliqués à la vulve, pour la faire passer pour vierge dans une maison de prostitution. Voyez l'article RETRECISSEUSE.

Un chirurgien peut être dans le cas de faire un rapport à justice sur l'état d'une personne qui auroit intérêt de soutenir qu'elle n'a point été déflorée. Il faut de l'attention pour discerner la virginité factice & artificielle de celle qui est le précieux fruit d'une conduite irréprochable. Dans ce dernier cas, les parties sont vives, d'un rouge vermeil & sans rides : au contraire dans le rétrécissement artificiel, les parties sont ridées, elles n'ont la couleur rouge-rose que par la teinture qu'on auroit donnée aux pommades dont on se seroit servi, ce qu'il est facile de connoître en essuyant avec un linge ; enfin on relâche les parties resserrées artificiellement en les humectant avec les fumigations d'eau tiede. Il convient d'être prévenu là-dessus, pour n'être point dupes de l'artifice des personnes qui voudroient imposer à la justice, & sous un faux-prétexte s'établir des droits illégitimes contre leurs parties adverses. (Y)


RÉSULTATS. m. (Gram.) ce qu'on a recueilli d'une conférence, d'une recherche, d'une méditation, d'un discours, ou ce qui a été conclu & arrêté, ou qui s'est ensuivi d'une ou de plusieurs autres choses.

Les dietes de Pologne sont ordinairement si tumultueuses, qu'il est bien difficile d'y former un résultat qui soit au goût de tout le monde.

Le résultat ordinaire des disputes, dit M. Bayle, c'est que chacun demeure plus attaché à son sentiment qu'auparavant.


RÉSUMERv. act. (Gram.) reprendre sommairement les principaux points d'un discours, soit pour le réfuter, soit pour le faire valoir.


RÉSUMPTES. f. terme de l'école, c'est un acte qui a été rétabli en 1676 par la faculté, & qui doit être soutenu par le nouveau docteur, pour avoir suffrage aux assemblées de la faculté & jouir des droits du doctorat. Cet acte se soutient dans une des six années qui suivent la licence ; jusqu'alors les nouveaux docteurs ne sont ni admis aux assemblées de la faculté, ni choisis pour présider aux theses. La résumpte dure depuis une heure jusqu'à six ; elle a pour objet tout ce qui appartient à l'Ecriture sainte.


RÉSUMPTÉadj. celui qui a soutenu sa résumpte, un docteur résumpté.


RÉSUMPTIONS. f. (Gram.) est une recapitulation des choses qui ont été dites, soit par celui qui les résume, soit par un autre. Ainsi l'on dit résumer un discours, résumer une dispute. Les avocats généraux, avant que de donner leurs conclusions, résument les moyens pour & contre.

RESUMPTION, en termes d'école, est la répétition que fait un répondant de l'argument ou de la difficulté qu'on lui propose, afin de la résoudre & d'y répondre en forme.


RÉSURES. f. (Commerce de poisson salé) on dit aussi rognes, raves ou coques ; ce sont les divers noms que l'on donne aux oeufs de morues, de cabillauds, de stockfiches & de maquereaux que l'on a ramassés & salés dans des barrils. Son usage ordinaire est pour jetter dans la mer avant que de pêcher les sardines ; l'appât qu'on en compose étant une espece d'ivraie qui enivre ce poisson, l'oblige de s'élever du fond de l'eau & le fait donner dans les filets. Diction. du Commerce. (D.J.)


RÉSURRECTIONS. f. (Théolog.) c'est l'acte de retourner après la mort à une seconde ou nouvelle vie. Voyez VIE & MORT.

La résurrection peut être ou pour un tems ou perpétuelle. La résurrection pour un tems est celle où un homme mort ressuscite pour mourir de nouveau. Telles sont les résurrections miraculeuses dont il est fait mention dans l'Ecriture, comme celle de Lazare. La résurrection perpétuelle est celle où l'on passe de la mort à l'immortalité, telle qu'a été la résurrection de Jesus-Christ, & telle que la foi nous fait espérer que sera la nôtre à la fin des siecles. C'est dans le dernier sens que nous allons prendre le mot de résurrection dans tout cet article.

Le dogme de la résurrection des morts est une créance commune aux Juifs & aux Chrétiens. On le trouve clairement marqué dans l'ancien & le nouveau Testament, comme, Psalm. xv. 10. Job xix. 25. Ezéch. xxxvij. 1, 2, 3, Macch. viij. 9, 14, 23, 29. Lorsque Jesus-Christ parut dans la Judée, la résurrection des morts étoit reçue comme un des principaux articles de foi de la religion des Juifs par tout le corps de la nation, à l'exception des seuls Saducéens qui la nioient & qui toutefois étoient tolérés, mais Jesus-Christ a enseigné expressément ce point de notre foi & est lui-même ressuscité.

L'argument qu'on tire de sa résurrection en faveur de la vérité de la religion chrétienne est un de ceux qui pressent avec plus de force & de conviction. Les circonstances en sont telles qu'elles portent ce point jusqu'à la démonstration, suivant la méthode des géomêtres, comme Ditton l'a exécuté avec succès.

Quoique les Juifs admettent la résurrection, ils varient beaucoup sur la maniere dont elle se fera. Les uns la croient générale, d'autres avancent que tous les hommes ne ressusciteront pas, mais seulement les Israélites, encore exceptent-ils du nombre de ceux-ci les plus grands scélérats. Les uns n'admettent qu'une résurrection à tems, les autres une résurrection perpétuelle, mais seulement pour les ames. Léon de Modene, cérémon. des Juifs, part. IV. c. ij. dit qu'il y en a qui croient, comme Pythagore, que les ames passent d'un corps dans un autre, ce qu'ils appellent gilgul ou roulement. D'autres expliquent ce roulement du transport qui se fera à la fin du monde par la puissance de Dieu de tous les corps des Juifs morts hors de la Judée, pour venir dans ce dernier pays se réunir à leurs ames. Voyez GILGUL.

Ceux d'entre les Juifs qui admettent la métempsycose sont fort embarrassés sur la maniere dont se fera la résurrection ; car comment l'ame pourra-t-elle animer tous les corps dans lesquels elle aura passé ? Si elle n'en anime qu'un, que deviendront tous les autres ? & seroit-il à son choix de prendre celui qu'elle jugera le plus à propos ? Les uns croient qu'elle reprendra son premier corps, d'autres qu'elle se réunira au dernier ; & que les autres corps qu'elle a autrefois animés, demeureront dans la poussiere confondus avec le reste de la matiere.

Les anciens Philosophes qui ont enseigné la métempsycose, ne paroissent pas avoir connu d'autre résurrection, & il est fort probable que par la résurrection plusieurs Juifs n'entendoient non plus que la transmigration successive des ames.

On demande quelle sera la nature des corps ressuscités, quelle sera leur taille, leur âge, leur sexe ? Jesus-Christ, dans l'Evangile de S. Matth. chap. xxij. vers. 30, nous apprend que les hommes, après la résurrection, seront comme les anges de Dieu, c'est-à-dire, selon les peres, qu'ils seront immortels, incorruptibles, transparens, légers, lumineux, & en quelque sorte spirituels, sans toutefois quitter les qualités corporelles, comme nous voyons que le corps de Jesus-Christ ressuscité étoit sensible, & avoit de la chair & des os. Luc xxiv. 9.

Quelques anciens docteurs hébreux, cités dans la Gemare, soutenoient que les hommes ressusciteroient avec la même taille, avec les mêmes qualités & les mêmes défauts corporels qu'ils avoient eu dans cette vie ; opinion embrassée par quelques Chrétiens, qui se fondoient sur ce que Jesus-Christ avoit conservé les stigmates de ses plaies après sa résurrection. Mais, comme le remarque S. Augustin, Jesus-Christ n'en usa de la sorte que pour convaincre l'incrédulité de ses disciples, & les autres hommes n'auront pas de pareilles raisons pour ressusciter avec des défauts corporels ou des difformités. Sermon. 242. n°. 3 & 4.

La résurrection des enfans renferme aussi des difficultés. S'ils ressuscitent petits, foibles & dans la forme qu'ils ont eue dans le monde, de quoi leur servira la résurrection ? Et s'ils ressuscitent grands, bien faits & comme dans un âge avancé, ils seront ce qu'ils n'ont jamais été, & ce ne sera pas proprement une résurrection. S. Augustin penche pour cette derniere opinion, & dit que la résurrection leur donnera toute la perfection qu'ils auroient eue, s'ils avoient eu le tems de grandir, & qu'elle les garantira de tous les défauts qu'ils auroient pû contracter en grandissant. Plusieurs, tant anciens que modernes, ont cru que tous les hommes ressusciteront à l'âge où Jesus-Christ est mort, c'est-à-dire vers 33 ou 35 ans. Pour accomplir cette parole de S. Paul, afin que nous arrivions tous à l'état d'un homme parfait à la mesure de l'âge complet de Jesus-Christ. Ce que les meilleurs interprêtes entendent dans un sens spirituel des progrès que doivent faire les Chrétiens dans la foi & dans la vertu. Aug. epist. 167. de civit. Dei, l. XXII. c. xiij. & xv. Hieron. epitaph. Paul. D. Thom. & Est. in epher. iv. 13.

Enfin plusieurs anciens ont douté que les femmes dussent ressusciter dans leur propre sexe, se fondant sur ces paroles de Jesus-Christ, dans la résurrection ils ne se marieront pas & n'épouseront point de femmes. A quoi l'on ajoute que, selon Moïse, la femme n'a été tirée de l'homme que comme un accident ou un accessoire, & par conséquent qu'elle ressuscitera sans distinction du sexe. Mais on répond que si la distinction des sexes n'est pas nécessaire après la résurrection, elle ne l'est pas plus pour l'homme que pour la femme : que la femme n'est pas moins parfaite en son genre que l'homme, & qu'enfin le sexe de la femme n'est rien moins qu'un défaut ou une imperfection de la nature. Non enim est vitium sexus foemineus sed natura. Aug. de civit. Dei, lib. XXII. c. xvij. Origen. in Matth. xxiij. 30. Hilar. & Hieron. in eund. loc. Athanas. Basil. & alii apud August. lib. XXII. de civit. Dei, c. xvij. Dictionn. de la Bible de Calmet, tome III. lettre R, au mot résurrection, p. 371. & suiv.

Les Chrétiens croient en général la résurrection du même corps identique, de la même chair & des mêmes os qu'on aura eu pendant la vie au jour du jugement. Voici deux objections que les Philosophes opposent à cette opinion avec les solutions qu'on y donne.

1°. On objecte que la même masse de matiere & de substance pourroit faire au tems de la résurrection partie de deux ou de plusieurs corps. Ainsi quand un poisson se nourrit du corps d'un homme, & qu'un autre homme ensuite se nourrit du poisson, partie du corps de ce premier homme devient d'abord incorporé avec le poisson, & ensuite dans le dernier homme qui se nourrit de ce poisson. D'ailleurs on a vu des exemples d'hommes qui en mangeoient d'autres, comme les Cannibales & les autres sauvages des Indes occidentales le pratiquent encore à l'égard de leurs prisonniers. Or quand la substance de l'un est ainsi convertie en celle de l'autre, chacun ne peut pas ressusciter avec son corps entier ; à qui donc, demande-t-on, échoira la partie qui est commune à ces deux hommes ?

Quelques-uns répondent à cette difficulté que comme toute matiere n'est pas propre & disposée à être égalée au corps & à s'incorporer avec lui, la chair humaine peut être probablement de cette espece, & par conséquent que la partie du corps d'un homme qui est ainsi mangée par un autre homme, peut sortir & être chassée par les secrétions, & que, quoique confondue en apparence avec le reste de la matiere, elle s'en séparera par la toute-puissance divine au jour de la résurrection générale, pour le rejoindre au corps dont elle aura fait partie pendant la vie présente.

Mais la réponse de M. Leibnitz paroît être plus solide. Tout ce qui est essentiel au corps, dit-il, est le stamen originel qui existoit dans la semence du pere, bien plus, suivant la théorie moderne de la génération, qui existoit même dans la semence du premier homme. Nous pouvons concevoir ce stamen comme la plus petite tache ou point imaginable, qui par conséquent ne peut être séparé ou déchiré pour s'unir au stamen d'aucun autre homme. Toute cette masse que nous voyons dans le corps n'est qu'un accroissement au stamen originel, une addition de matiere étrangere, de nouveaux sucs qui se sont joints au stamen solide & primitif ; il n'y a donc point de réciprocation de la matiere propre du corps humain, par conséquent point d'incorporation, & la difficulté proposée tombe d'elle-même, parce qu'elle n'est appuyée que sur une fausse hypothèse. Voyez STAMEN, SOLIDE, GENERATION.

2°. On objecte que, selon les dernieres découvertes qu'on a faites sur l'économie animale, le corps humain change perpétuellement. Le corps d'un homme, dit-on, n'est pas entierement le même aujourd'hui qu'il étoit hier. On prétend qu'en sept ans de tems le corps éprouve un changement total, de sorte qu'il n'en reste pas la moindre particule. Quel est, demande-t-on, celui de tous ces corps qu'un homme a eu pendant le cours de sa vie qui ressuscitera ? Toute la matiere qui lui a appartenu ressuscitera-t-elle ? Ou si ce n'en sera qu'un systême particulier, c'est-à-dire la portion qui aura composé son corps pendant tel ou tel espace de tems, sera-ce le corps qu'il aura eu à vingt ans, ou à trente ou à soixante ans ? S'il n'y a que tel ou tel de ces corps qui ressuscite, comment est-ce qu'il pourra être récompensé ou puni pour ce qui aura été fait par un autre corps ? Quelle justice y a-t-il de faire souffrir une personne pour une autre ?

On peut répondre à cela sur les principes de M. Locke, que l'identité personnelle d'un être raisonnable consiste dans le sentiment intérieur, dans la puissance de se considérer soi-même comme la même chose en différens tems & lieux. Par-là chacun est à soi, ce qu'il appelle soi même, sans considérer si ce même est continué dans la même substance ou dans des substances différentes. L'identité de cette personne va même jusques-là ; elle est à présent le même soi même qu'elle étoit alors, & c'est par le même soi-même qui réfléchit maintenant sur l'action que l'action a été faite.

Or c'est cette identité personnelle qui est l'objet des récompenses & des punitions, & que nous avons observé pouvoir exister dans les différentes successions de matiere ; desorte que pour rendre les récompenses ou les punitions justes & raisonnables, il ne faut rien autre chose sinon que nous ressuscitions avec un corps tel que nous puissions avec lui retenir le témoignage de nos actions. Au reste on peut voir dans Nieuwentyt une excellente dissertation sur la résurrection. Cet auteur prouve très-bien l'identité que l'on conteste & répond solidement aux objections.


RETABLES. m. (Archit.) c'est l'architecture de marbre, de pierre ou de bois, qui compose les décorations d'un autel ; & contre-retable, est le fonds en maniere de lambris, pour mettre un tableau ou un bas-relief, & contre lequel est adossé le tabernacle avec ses gradins. Daviler. (D.J.)


RÉTABLIR(Gram. & Jurisp.) c'est remettre une personne ou une chose dans l'état où elle étoit auparavant. On rétablit dans ses fonctions un officier qui étoit interdit ; on rétablit en sa bonne fame & renommée, un homme qui avoit été condamné injustement à quelque peine qui le notoit d'infamie ; on rétablit en possession d'un héritage ou autre immeuble, quelqu'un qui avoit été dépouillé, soit par force ou autrement ; on rétablit dans un compte un article qui avoit été rayé. Voyez RETABLISSEMENT. (A)


RÉTABLISSEMENTS. m. (Gram. & Jurisp.) d'une partie ou article de recette, dépense ou reprise dans un compte, est lorsque l'article qui avoit été rayé comme n'étant pas dû, est réformé, remis tel qu'il étoit couché & alloué. (A)

RETABLISSEMENT, ce terme signifie en pratique de Médecine, le recouvrement entier & total de la santé. Il ne doit point être confondu avec celui de convalescence, qui signifie un état bien different de celui du rétablissement. Les malades & le vulgaire ne distinguent guere ces deux états, ce qu'il importe bien d'éviter pour le bien des malades, attendu que dans le rétablissement les forces des malades sont entierement recouvrées, & qu'ils n'ont point besoin d'observer aucun ménagement sur l'usage des alimens, des boissons, & des autres non-naturels ; dans la convalescence au contraire, on doit éviter l'excès, & tâcher de tenir un régime exact. Cette idée du rétablissement mérite d'être examinée ; il ne faut point la confondre avec celle de la convalescence, mais bien avec le recouvrement des forces.

Le rétablissement parfait & total est la même chose que la santé même, ainsi il ne convient pas de traiter dans cet état, comme dans celui de la convalescence, attendu que dans celle-ci les organes digestifs sont considérablement diminués par les évacuations & les accidens des maladies.


RETAILLÉadj. terme de Chirurgie dont Ambroise Paré s'est servi pour dénommer celui qui a souffert une opération, dans la vue de recouvrer le prépuce qui lui manquoit. Cette opération est décrite par Celse, lib. VII. c. xxv. Il croit la chose plus aisée sur un enfant que sur un homme ; plus encore sur quelqu'un à qui le défaut de prépuce est naturel, que sur un autre qui a été circoncis ; & beaucoup plus facile sur une personne qui a le gland petit, & la peau lâche, que sur une où ces choses sont contraires. Voici la méthode d'opérer que Celse propose pour ceux qui ont le paraphimosis naturel. Il faut prendre la peau autour du gland, & la tirer jusqu'à ce qu'il en soit couvert ; & après l'avoir liée, on coupera circulairement la peau auprès du publis : en la ramenant doucement vers le lien, la verge se trouvera découverte à sa partie supérieure en forme de cercle. On appliquera de la charpie sur cette plaie, & on contiendra la peau inférieurement, jusqu'à ce que la cicatrice soit faite. A l'égard de ceux qui ont été circoncis, qu'on nomme en latin recutiti, & qui méritent seuls le nom de retaillés, voici l'opération par laquelle ils peuvent l'acquérir : c'est encore d'après Celse que j'en donnerai la description ; il en parle comme d'une chose d'usage ordinaire. On détachera la peau de la verge, en faisant une incision sous le cercle du gland. Cette opération, dit-il, n'est pas douloureuse, parce qu'après l'incision on tire avec la main, la peau de bas en-haut jusqu'au pubis, ce qui se fait sans effusion de sang ; on ramene ensuite la peau plus bas que le gland : alors on trempe la verge dans de l'eau froide, & on l'entoure d'un médicament répercussif ; on met le malade à une diete très-rigoureuse pour éviter les érections. Lorsque l'inflammation est passée, on ôte l'appareil, & l'on fait un bandage qui commence depuis l'os pubis, jusqu'au bout de la verge, ayant eu soin de mettre un emplâtre retourné entre la peau & le gland, de façon que le médicament porte sur la plaie intérieure, afin de la cicatriser sans qu'elle contracte d'adhérence. Ambroise Paré, qui ne cite point Celse, paroît néanmoins avoir emprunté de lui tout ce qu'il dit sur cette opération, en proposant les deux méthodes sans distinction, & disant que ceux qui ont été circoncis par commandement de la loi en leur enfance, se font faire cette opération afin de n'être pas reconnus pour Juifs, lorsqu'ils viennent à quitter leur religion. Celse donne la bienséance pour motif déterminant, ce que Fabrice d'Aquapendente tourne en ridicule, en désapprouvant cette opération. Et en effet, quelle bienséance, & quel ornement peut-on chercher dans une partie qu'on doit tenir cachée aux yeux de tout le monde ? D'ailleurs il remarque qu'il ne résulte aucune lésion de fonctions d'avoir le gland découvert. Les Juifs engendrent des enfans, & connoissent les femmes comme les autres hommes ; il en conclut que cette opération n'est pas nécessaire, & qu'on ne doit point la pratiquer. Paul d'Aegine rapporte les deux méthodes d'opérer d'après Anthylus ; mais il a prévenu Celse dans le jugement désavantageux porté contre une opération douloureuse, faite sans besoin pour réparer un vice qui ne porte aucune atteinte aux fonctions, & dont l'indécence prétendue n'exige pas le tourment qu'il faudroit souffrir pour en être délivré. (Y)


RETAILLERv. a. (Gram.) tailler de nouveau. Un habit retaillé ne va jamais bien.


RETAILLESS. m. pl. terme de Peaussier, ce sont les rognures des peaux d'animaux, qui sont propres à faire de la colle-forte.


RETAPERRETAPER


RETARDS. m. terme d'Horlogerie, signifie proprement la partie d'une montre qui sert à retarder ou à avancer son mouvement. Les principales pieces qui servent à cette opération sont, la roue de rosette & la rosette, la portion de roue appellée rateau, & la coulisse ; toutes ces pieces sont attachées sur la platine du nom : elles exigent, & principalement la coulisse de la part de l'ouvrier, beaucoup de précision, arrivant souvent qu'une montre, même d'ailleurs très-parfaite, mais négligée dans cette partie, va très-irrégulierement & s'arrête dans certaines circonstances. Ces inconvéniens proviennent souvent de ce qu'en avançant ou retardant la montre jusqu'à un certain période, cela fait tant soit peu lever la coulisse, & qu'alors le balancier frottant dessus, arrête son mouvement, ou la fait aller très-irrégulierement lorsque le frottement n'est point assez fort pour arrêter ses vibrations. L'on pourroit prévenir ces inconvéniens, supprimer plusieurs pieces, & rendre les montres beaucoup plus parfaites, en imitant la construction mise en pratique par Beeckaert, horloger, beaucoup plus simple & exempte des vicissitudes auxquelles sont sujettes les coulisses ordinaires. Il supprime la roue de rosette, la rosette, le rateau, la coulisse, l'aiguille & des visses ; à toutes ces pieces il supplée une aiguille tournante au moyen du bout de la clé, retenu au centre du coq par le pont d'acier, qui sert en même tems pour recevoir le bout du pivot du balancier. Cette aiguille aboutit au bord du coq, où sont des chiffres & divisions pour indiquer l'avance & le retard ; elle porte à-travers le coq une cheville fendue, à l'effet de serrer le ressort spiral. Ce ressort est entre le balancier & le coq, moyennant quoi le balancier se trouve rapproché du milieu de ses deux axes de toute la hauteur de la virole. Cet objet peut importer à la perfection des montres.


RETARDATIONS. f. en Physique, se dit du ralentissement du mouvement d'un corps, en tant que ce ralentissement est l'effet d'une cause ou force retardatrice. Ce mot retardation, n'est pas extrêmement usité. Voyez MOUVEMENT, RESISTANCE & RETARDATRICE.

La retardation des corps en mouvement provient de deux causes générales ; la résistance du milieu, & la force de la gravité.

La retardation qui provient de la résistance, se confond souvent avec la résistance même ; parce que par rapport à un même corps elles sont proportionnelles. Voyez RESISTANCE.

Cependant par rapport à différens corps, la même résistance produit différentes retardations : car si des corps de volumes égaux, mais de différentes densités, sont mus dans un même fluide avec une vîtesse égale, le fluide agira également sur tous les deux ; ensorte qu'ils souffriront des résistances égales, mais différentes retardations ; & les retardations seront pour chacun des corps, comme les vîtesses qui pourroient être engendrées par les mêmes forces dans les corps proposés ; c'est-à-dire que ces retardations sont en raison inverse des quantités de matiere de ces deux corps, ou de leurs densités.

Supposons à présent que deux corps d'une égale densité, mais de volumes différens, se meuvent avec la même vîtesse dans un même fluide, les résistances augmenteront en raison de leur surface, c'est-à-dire qu'elles seront l'une à l'autre, comme les quarrés des diamêtres des deux corps. Or les quantités de matieres sont en raison des cubes des diamêtres ; les résistances sont les quantités de mouvement perdu, les retardations sont les vîtesses perdues ; & en divisant les quantités de mouvement par les quantités de matiere, vous aurez les vîtesses. Les retardations sont donc en raison directe des quarrés des diamêtres, & en raison inverse des cubes de ces mêmes diamêtres, c'est-à-dire en raison inverse des diamêtres eux-mêmes.

Si les corps sont égaux, & qu'ils se meuvent avec une même vîtesse, & aient une densité égale, mais qu'ils se meuvent dans différens fluides, leurs retardations sont comme les densités de ces fluides.

Si des corps d'une même densité & d'un même volume, se meuvent dans le même fluide avec différentes vîtesses, les retardations sont comme les quarrés des vîtesses.

Nous avons déjà dit que plus un corps a de surface, plus il souffre de résistance de la part d'un fluide où il se meut, & plus son mouvement est retardé. C'est pour cette raison que tous les corps ne descendent pas également vîte dans l'air. Un morceau de plomb descend beaucoup plus vîte qu'un morceau de liege de même poids ; parce que le morceau de liege ayant beaucoup plus de volume, présente à l'air une plus grande surface, & rencontre par conséquent un plus grand nombre de parties d'air : d'où il s'ensuit qu'il doit perdre davantage de son mouvement que le morceau de plomb, & par conséquent qu'il doit descendre moins vîte. Voyez DENSITE, &c.

La retardation qui provient de la gravité est particuliere aux corps qu'on lance en-haut. Un corps qu'on jette en-haut, est autant retardé qu'il seroit accéléré s'il tomboit en-bas. Il n'y a qu'un seul cas où la force de la gravité conspire entierement avec le mouvement imprimé au corps ; savoir quand le corps est jetté verticalement de haut en bas : dans tout autre cas elle lui est contraire au moins en partie. Voyez ACCELERATION.

Comme la force de la gravité est uniforme, la retardation qui en provient sera égale dans des tems égaux. Voyez GRAVITE.

Ainsi, comme c'est la même force qui engendre le mouvement dans le corps tombant, & qui la diminue dans celui qui s'éleve, le corps monte jusqu'à ce qu'il ait perdu tout son mouvement ; ce qu'il fait en un même espace de tems qu'un corps tombant mettroit à acquérir la même vîtesse avec laquelle il est lancé en-haut. Voyez PROJECTION, DESCENTE.

Les retardations qui proviennent de la résistance des fluides, sont l'une à l'autre, 1°. comme les quarrés des vîtesses ; 2°. comme les densités des fluides dans lesquels les corps se meuvent ; 3°. en raison inverse des diamêtres des corps ; enfin, en raison inverse des densités de ces mêmes corps. Les nombres qui expriment la proportion de ces retardations, sont en raison composée de ces raisons ; on les trouve en multipliant le quarré de la vîtesse par la densité du fluide, & divisant le produit par le diamêtre du corps, multiplié par sa densité.

M. Newton est le premier qui nous ait donné les lois de la retardation du mouvement dans les fluides, & Galilée le premier qui ait donné celle de la retardation du mouvement des corps pesans. Ces deux auteurs ont été commentés & étendus depuis par une infinité d'autres ; comme par MM. Huyghens, Varignon, Bernoulli ; &c. On trouve dans le discours de ce dernier, sur les lois de la communication du mouvement, plusieurs beaux théorèmes sur les lois de la retardation du mouvement dans les fluides. M. Newton a démontré qu'un corps qui se meut dans un fluide d'une densité égale à la sienne, doit perdre la moitié de sa vîtesse avant que d'avoir parcouru trois de ses diamêtres. De-là il conclut que les planetes, & sur-tout les cometes, doivent se mouvoir dans une espace non résistant. Les Cartésiens ont fait jusqu'à présent, de vains efforts pour répondre à cette objection. Voyez RESISTANCE, &c. (O)

Si le mouvement d'un corps est retardé uniformément, c'est-à-dire si sa vîtesse est diminuée également en tems égaux, l'espace que le corps parcourt est la moitié de celui qu'il décriroit par un mouvement uniforme dans le même tems. 2°. Les espaces décrits en tems égaux, par un mouvement retardé uniformément, décroissent suivant les nombres impairs 9, 7, 5, 3, &c. Voyez ACCELERATION.


RETARDATRICEest la force qui retarde le mouvement d'un corps ; telle est la pesanteur d'un corps qu'on jette de bas en haut, & dont le mouvement est continuellement retardé par l'action que sa pesanteur exerce sur lui dans une direction contraire, c'est-à-dire, de haut en bas. Voyez FORCE & ACCELERATRICE. Voyez aussi RESISTANCE, PESANTEUR, GRAVITE, &c. (O)


RETARDERv. act. (Gram.) c'est arrêter ou ralentir dans sa course ; le mauvais tems retarde le voyageur ; il faut retarder cet horloge ; quand on peut faire un heureux, pourquoi retarder son bonheur ?


RETATERv. act. (Gram.) tâter de nouveau ou à plusieurs reprises. Le médecin a tâté & retâté le ventre, le pouls ; retâtez cette sauce ; ne retâtez pas trop votre ouvrage ; plus vous vous retâterez là-dessus, plus vous deviendrez perplexe.


RETAXERv. act. (Gram.) taxer derechef. Voyez TAXE & TAXER.


RETEINDREv. act. (Teinture) c'est teindre de nouveau ; il y a des étoffes qu'il faut teindre d'une couleur en une autre, pour leur donner une parfaite teinture.


RÉTEou ARRATAME, (Géog. mod.) province d'Afrique en Barbarie ; son étendue est d'environ 20 lieues, le long de la riviere le Ris ; elle confine à la province de Sulgumesse, & à celle de Métagara. (D.J.)


RÉTELSTEINgrotte de (Hist. nat.) cette grotte singuliere est en Styrie, son ouverture qui est fort grande, est dans un rocher & à une distance considérable du niveau de la plaine. On y trouve beaucoup d'ossemens d'une grandeur demesurée, que l'ignorance des habitans du pays fait prendre pour des os de géans. Voyez OSSEMENS FOSSILES.


RETENDEURS. m. (Lainage) c'est l'ouvrier qui étend & dresse les étoffes au sortir du foulon ou du teinturier.


RETENDREv. act. (Gram.) tendre derechef. Voyez TENDRE.

RETENDRE, v. act. (Manuf. de lainage.) On appelle ainsi dans les manufactures d'Amiens, la façon qu'on donne aux étoffes de laine au retour de la teinture, en les étendant après qu'elles sont seches, sur le rouleau que l'on nomme un courroy, pour empêcher qu'elles ne se frippent ou ne prennent de mauvais plis. Savary. (D.J.)


RETENEGIS. m. (Mat. méd. des Arab.) mot employé par Avicenne & autres Arabes, pour désigner la résine du pin, du sapin, & en général toutes sortes de poix noires. Les léxicographes qui expliquent retenegi par stirax, sont certainement dans l'erreur ; mais il est vrai que le plus grand nombre des auteurs ont non-seulement confondu les différentes sortes de résines, de poix & de térébenthines, mais aussi tous les différens arbres, pins, sapins, cedres, melèzes & autres qui en produisent, soit naturellement, soit par incision. (D.J.)


RETENIRv. act. (Logique) parlant de l'esprit humain, est la faculté par laquelle, pour avancer de connoissance en connoissance, il conserve les idées qu'il a reçues précédemment ou par les sens ou par la réflexion. Voyez FACULTE, IDEE, &c.

Or il retient de deux manieres : la premiere en se perpétuant quelque tems la perception d'une idée, qui est ce qu'on appelle contemplation. Voyez CONTEMPLATION. La seconde est en faisant renaître en quelque façon les idées qu'il avoit perdues de vue, & cette seconde opération est un effet de la mémoire, laquelle est, pour ainsi dire, le réservoir de nos idées. Voyez MEMOIRE, REMINISCENCE.

Nos idées n'étoient que des perceptions actuelles, qui cessent d'avoir un être réel dès que ces perceptions cessent ; cette collection de nos idées dans le réservoir de la mémoire, ne signifie autre chose que le pouvoir qu'a notre esprit de faire renaître ces perceptions en plusieurs cas, avec une perception de plus, qui est celle de leur préexistence. Voyez PERCEPTION.

C'est au moyen de cette faculté que nous pouvons nous rendre toutes ces idées présentes, & en faire les objets de nos pensées sans le secours des qualités sensibles qui les ont fait naître la premiere fois. Voyez ENTENDEMENT.

L'attention & la répétition servent beaucoup à fixer les idées de notre imagination ; mais celles qui s'y gravent le plus profondément & qui y font les impressions les plus durables, sont celles qui ont été accompagnées de plaisir & de douleur ; les idées qui ne se sont présentées qu'une fois à l'esprit, & qui n'ont jamais été repetées depuis, s'effacent bientôt, comme celles des couleurs dans les personnes qui ont perdu la vue dès l'enfance.

Il y a des personnes qui retiennent les choses d'une maniere qui tient du prodige ; cependant les idées s'effacent peu à peu quelque profondément gravées qu'elles soient, même dans les personnes qui retiennent le mieux ; desorte que si elles ne sont pas quelquefois renouvellées, l'empreinte s'en efface à la fin sans qu'on puisse davantage se les rappeller. Voyez TRACE.

Les idées qui sont souvent renouvellées par le retour des mêmes objets & des mêmes actions qui les ont excitées, sont celles qui se fixent le mieux dans l'imagination & qui y restent le plus long-tems, telles sont les qualités sensibles des corps, telles que la solidité, l'extension, la figure, le mouvement, &c. & celles qui nous affectent le plus ordinairement, comme la chaleur & le froid, & celles qui sont des affections communes à tous les êtres, comme l'existence, la durée, le nombre, qui ne se perdent gueres tant que l'esprit est capable de retenir quelques idées. Voyez QUALITE, HABITUDE, &c.

RETENIR, (Jurisprud.) en terme de palais, se dit lorsqu'un juge retient à lui la connoissance d'une cause, instance ou procès qu'il estime être de sa compétence ; au lieu que quand il ne se croit pas en droit de retenir la cause, instance ou procès, il renvoie les parties devant les juges qui en doivent connoître, ou bien ordonne qu'elles se pourvoiront, si c'est un juge qui lui soit supérieur. (A)

RETENIR, (terme de Courroyeur) c'est la seconde fonte ou second foulage que l'on donne aux cuirs après qu'ils ont été drillés, boutés & ébourés, suivant la qualité des peaux. Cette foule se fait avec les piés. Savary. (D.J.)

RETENIR, (Jardinage) il se dit lorsqu'un arbre s'échappe trop, alors on a la précaution de couper très-court ses grands jets.

RETENIR, en terme de haras, se dit d'une jument qui devient pleine, elle a retenu ; les jumens retiennent mieux lorsqu'elles sont en chaleur & dans leur liberté naturelle, que lorsqu'on les fait couvrir en main.


RETENTERv. act. (Gram.) tenter derechef. Voyez TENTER.


RETENTIF(Gram.) qui retient ; on dit des muscles retentifs ; il y en a à l'anus, à la vessie. Voyez SPHINCTERS. On dit une puissance retentive, mais la philosophie nouvelle a chassé toutes ces facultés ; il est vrai que tandis qu'elles sortoient par une porte, une autre de la même espece entroit par l'autre, c'est la qualité attractive.


RÉTENTIONS. f. (Jurisprud.) est l'action d'un juge qui retient à lui la connoissance d'une cause, instance ou procès. Voyez ci-devant RETENIR. (A)

RETENTION, s. f. (Méd.) ce terme est employé dans la théorie de la médecine, en opposition à celui d'excrétion (particulierement en traitant des choses non-naturelles), pour désigner l'espece d'action dans l'oeconomie animale, par laquelle les matieres alibiles & toutes les humeurs qui sont utiles doivent être retenues dans les vaisseaux qui leur sont propres, de la maniere la plus convenable pour servir à leur destination ; tout comme les matieres excrémentitielles, les humeurs inutiles ou nuisibles par leur quantité & par leurs qualités, doivent être expulsées par les moyens établis à cet effet, & ne peuvent être retenues que contre nature.

Ainsi dans le premier cas, la rétention est nécessaire pour fournir son aliment à la vie ; dans le second cas la rétention est vicieuse, & le contraire doit avoir lieu, pour que l'équilibre entre les solides & les fluides, & l'ordre dans l'exercice des fonctions, n'en soient pas troublés ; ensorte que si la rétention péche par excès ou par défaut dans les fonctions qui l'exigent ou qui l'excluent, quelle qu'en puisse être la cause, cet effet devient un principe de lésion plus ou moins important, de l'état de santé ; les anciens regardoient comme un vice de la force rétentrice ou de la force expultrice la rétention des matieres qui doivent être évacuées, ou l'excrétion de celles qui doivent être retenues. Voyez EQUILIBRE.

La rétention étant bien reglée, contribue donc beaucoup à entretenir la vie saine ; & les dérangemens à cet égard, qui consistent en ce que les matieres ou humeurs qui doivent être retenues, sont évacuées, comme dans les lienteries, les affections coeliaques, les diarrhées, les hémorrhagies, &c. & les matieres ou humeurs qui doivent être expulsées, sont retenues comme dans les cas de défaut de déjection, de secrétion, de coction & de crise, sont les causes les plus ordinaires de l'altération de la santé, des désordres dans l'oeconomie animale qui la détruisent & abregent la durée naturelle de la vie. Voyez SECRETION, EXCRETION, DEJECTION, NON-NATURELLE (CHOSE), SANTE, SEMENCE, LAIT, SANG & MALADIE, COCTION, CRISE, PLETHORE, HEMORRHAGIE, SAIGNEE, EVACUATION, EVACUANT, PURGATION, &c.

RETENTION D'URINE, (Chirurgie) maladie dans laquelle la vessie ne se débarrasse point de l'urine qu'elle contient.

Cette maladie cause en peu de tems beaucoup d'accidens très-fâcheux. Il paroît au-dessus des os pubis une tumeur douloureuse ; on sent aussi en portant le doigt dans le fondement une tumeur ronde. La pression que la vessie fait par la distension sur les parties qui l'environnent, y produit en peu de tems l'inflammation ; le malade sent une douleur insupportable dans toute la région hypogastrique ; il a des envies continuelles d'uriner, il s'agite, il se tourmente, & tous ses efforts deviennent inutiles : bientôt il ne peut respirer qu'avec difficulté, il a des nausées ; la fievre survient ; ses yeux & son visage s'enflamment, & s'il n'est secouru promtement, il se forme quelquefois en peu de tems au périné des dépôts urineux, purulens & gangréneux.

La rétention d'urine qui produit tout ce désordre vient de plusieurs causes plus ou moins difficiles à détruire : on peut les ranger sous quatre classes, savoir certaines maladies de la vessie, des corps étrangers retenus dans sa cavité, plusieurs choses qui lui sont extérieures, & quelques vices de l'urethre.

Les maladies de la vessie qui peuvent occasionner la rétention d'urine, sont l'inflammation de son cou & la paralysie de son corps.

L'inflammation du cou de la vessie retrécit son ouverture au point que les efforts du malade ne sont pas suffisans pour vaincre la résistance que le sphincter oppose à l'issue de l'urine. Si l'inflammation n'est pas considérable, on peut introduire la sonde dans la vessie. Voyez CATHETERISME & ALGALIE. Si l'inflammation ne permet pas l'introduction de la sonde, on a promtement recours à la saignée ; je n'ai souvent réussi à sonder des malades qu'après leur avoir fait deux saignées du bras à une heure de distance l'un de l'autre ; on employe aussi avec succès les boissons adoucissantes, les bains, les lavemens émolliens, enfin tout ce qui est capable de calmer l'inflammation. Voyez INFLAMMATION. Si tous ces moyens ne permettent pas l'introduction de la sonde, il faut en venir à une opération qui vuide la vessie ; car l'urine retenue entretient souvent l'inflammation, & dès que l'urine est évacuée, les parties qui avoisinent la vessie n'étant plus comprimées, l'inflammation cesse, & on peut ordinairement sonder le malade quelque tems après.

La ponction se peut faire au périné ou au-dessus de l'os pubis. Pour la faire au périné on place le malade comme pour lui faire l'opération de la taille. Voyez LIENS. Un aide trousse les bourses, & le chirurgien tenant à la main un trocar un peu plus long qu'à l'ordinaire, le plonge dans la vessie, entre l'os publis & l'anus, dans le lieu où l'on fait l'opération au grand appareil. Il seroit plus avantageux pour les malades qu'on fît cette ponction plus latéralement pour ne blesser ni l'urethre ni le cou de la vessie. M. de la Peyronie l'a pratiquée dans ce lieu avec succès. La méthode de donner ce coup de trocar dans la vessie se trouve déterminée à l'article de la lithotomie, à la méthode de M. Foubert. Voyez TAILLE.

La ponction au-dessus de l'os pubis a été proposée par Tolet, chirurgien de Paris, & lithotomiste du roi ; feu M. Mery, aussi chirurgien de Paris, en chef de l'hôtel-dieu, & anatomiste de l'académie royale des Sciences, l'a pratiquée le premier. Dans la rétention d'urine la vessie forme une tumeur au-dessus de l'os pubis ; on plonge le trocar de haut en bas dans la vessie en piquant un peu au-dessous de la partie la plus éminente de cette tumeur. J'ai fait deux fois cette opération avec succès à deux vieillards, l'un de 65 & l'autre de 73 ans.

M. Flurant, maître en chirurgie à Lyon, vient de proposer une autre méthode de faire la ponction à la vessie, c'est de la percer par l'intestin rectum, avec un trocar courbe ; il a fait cette opération avec succès.

La paralysie qui survient à la vessie peut avoir différentes causes, savoir la commotion de la moëlle de l'épine, après quelque coup ou chûte ; la luxation d'une ou plusieurs vertebres des lombes, ou de quelque affection du cerveau ; elle vient aussi de la débilité de fibres charnues, à la suite des extensions violentes causées par une rétention volontaire d'urine, & de la perte du ressort de ces fibres par la vieillesse.

La rétention d'urine est un symptome de la paralysie du corps de la vessie, parce que les fibres motrices qui forment le corps de la vessie ne peuvent agir sur l'urine qui distend passivement cet organe. Dans ce cas il faut sonder le malade ; l'introduction de la sonde n'est pas difficile, s'il n'y a point de complication par quelque maladie de l'urethre, & on laisse dans la vessie une algalie tournée en S pour donner issue à l'urine à mesure qu'elle distille des ureteres, afin que les fibres de la vessie puissent reprendre leur ton naturel, ce que l'on peut favoriser par des injections corroborantes.

Il y a une remarque fort importante à faire sur la rétention d'urine par la paralysie de la vessie, c'est l'écoulement involontaire de l'urine qui sort par regorgement lorsque la vessie est poussée au dernier degré d'extension possible. Il ne faut pas que cet écoulement de l'urine en impose, la rétention n'en existe pas moins, & si l'on n'a recours à la sonde, on voit survenir des abscès urino-gangréneux, comme nous l'avons dit dans la description des symptomes & de leurs progrès.

Les corps étrangers qui sont dans la vessie, & qui forment la seconde classe des causes de la rétention d'urine, sont la pierre, le pus, le sang, & les fungus ou excroissances charnues.

La pierre empêche la sortie de l'urine en s'appliquant à l'orifice interne de la vessie ; l'introduction de la sonde suffit pour la ranger. Quelquefois la pierre est petite & l'urine la pousse enfin dans l'urethre, où elle n'est pas moins un obstacle à l'issue de ce fluide ; alors il faut tâcher de procurer la sortie de ce corps étranger en injectant de l'huile dans l'urethre, en essayant de le faire couler le long du canal, & par autres moyens dont il a été parlé au mot LITHOTOMIE à l'article des PIERRES DANS L'URETHRE. Voyez LITHOTOMIE. Le pus, le sang, & les matieres glaireuses qui causent la rétention d'urine ne s'opposent point à l'intromission de la sonde, par laquelle on fait des injections capables de délayer & de dissoudre ces matieres ; l'administration des remedes intérieurs qui remplissent les mêmes vues doit concourir avec ces moyens extérieurs.

Lorsqu'il y a dans la vessie des excroissances charnues qui bouchent l'orifice interne de cet organe, ou qui empêchent son corps de se contracter pour chasser l'urine, il faut faire une incision au périné, & placer une cannule dans la vessie. Voyez BOUTONNIERE. Les injections avec l'eau d'orge, ou autre décoction convenable, détachent quelquefois ces fungus, & en débarrassent la vessie lorsqu'ils suppurent. Il y a certains fungus à base étroite, qu'on pourroit lier par la méthode dont il est parlé à l'article du polype, à l'occasion du polype de la matrice. Voyez POLYPE UTERIN.

La troisieme classe des causes de la rétention d'urine comprend les choses extérieures à la vessie, telles sont la grossesse, les corps étrangers ou les excrémens endurcis & arrêtés dans le rectum, l'inflammation de la matrice ou sa chûte, le gonflement des hémorrhoïdes, un dépôt autour de l'anus, & quelques tumeurs auprès du cou de la vessie.

Dans la rétention d'urine, dans le cas de grossesse ou de la chûte de matrice, on sonde le malade avec la précaution que nous avons fait observer à l'article CATHETERISME. Les lavemens émolliens & les laxatifs doux procureront la sortie des matieres retenues dans le rectum. L'inflammation de la matrice, du rectum, & le gonflement des hémorrhoïdes se traitent par les remedes qui conviennent à ces cas. S'il s'est formé un dépôt autour de l'anus, on l'ouvre le plus tôt qu'il est possible ; si une tumeur placée près le cou de la vessie presse & comprime cette partie, & qu'il ne soit pas possible de sonder le malade, on fait la ponction au-dessus de l'os pubis, comme nous l'avons dit au commencement de cet article. On donne en même-tems tous ses soins à la guérison de la tumeur du périné. Ce traitement n'opere souvent qu'après plusieurs jours, le rétablissement du cours des urines par la voie naturelle, ce qui met dans la nécessité de laisser la cannule dans la vessie au-dessus de l'os pubis ; cette pratique est sujette à un inconvénient ; la vessie s'affaisse par la sortie de l'urine, & si elle est susceptible de quelque contraction, ce qui est toujours, hors le cas de paralysie, elle se resserre au-dessous de la cannule ; dès que l'extrêmité de la cannule n'est plus dans la vessie, les urines ne sont plus conduites directement, elles s'épanchent dans le tissu cellulaire, & ne sortent qu'après avoir imbibé ce tissu où elles forment quelquefois des abscès. J'ai vû un exemple de cet accident. M. Foubert m'a montré un instrument avec lequel on peut faire la ponction au-dessus de l'os pubis sans craindre que la vessie abandonne la cannule. C'est une cannule courbe, dont l'intérieur est garni d'un ressort en spirale qui ne s'oppose point à la sortie de l'urine, & par lequel on pousse une pointe de trocar, au moyen de laquelle on pénetre dans la vessie. La ponction faite, la pointe du trocar se retire dans la cannule ; cette pointe a une surface cannelée pour le passage des urines. La courbure de cette cannule soutient la vessie, & empêche qu'elle ne s'affaisse au-dessous de ladite cannule : l'intérieur de la cannule & du ressort qui y est renfermé contient une languette de chamois, qui sert de philtre à l'urine.

Les vices de l'urethre font la quatrieme classe des causes de la rétention d'urine ; nous avons parlé de ces vices en parlant des carnosités. Voyez CARNOSITE.

Si le cas de la rétention d'urine est pressant, on peut faire la ponction au-dessus du pubis ou par le rectum & y laisser la cannule jusqu'à ce qu'on ait mis le canal de l'urethre en suppuration dans le cas de carnosité. Mais si le vice de l'urethre vient de brides & de cicatrices qui ne sont point des maladies parleur essence, mais au-contraire des signes de guérison parfaite, les bougies suppuratives ne procureront aucun effet. Les caustiques qu'on pourroit employer causent par l'irritation qu'ils excitent, des gonflemens & des irritations considérables ; dans ce cas il faut faire une opération au périné. La ponction ne suffit pas, il faut une incision ; on peut dans ce cas se conformer, comme dans la taille, à la méthode de M. Foubert. Voyez TAILLE.

Dans le cas du gonflement des prostates, il vaut mieux faire la boutonniere, afin de procurer plus facilement la suppuration de cette glande ; mais le vice de l'urethre empêchant qu'on ne se conduise sur la sonde comme nous l'avons dit en parlant de cette opération ; le chirurgien, au défaut de ce guide, fait une incision aux tégumens, fend l'urethre, & après s'être bien représenté la structure & la position des parties, il porte dans la vessie un trocar dont la cannule est fendue : à la faveur de cette fente il fait une incision suffisante avec un bistouri pour y placer une cannule, comme il a été dit à l'opération de la boutonniere ; on a pratiqué cette méthode avec succès : le reste du traitement est semblable à celui de la boutonniere. Voyez BOUTONNIERE. Toute cette matiere est fort bien traitée par M. de la Faye, dans ses remarques sur les opérations de Dionis. (Y)


RETENTIONNAIRERETENTIONNAIRE


RETENTIRv. n. RETENTISSEMENT, s. m. (Gram.) continuité d'un son & de ses harmoniques dans un lieu concave ; les cavernes retentissent ; les forêts retentissent ; les appartemens retentissent ; un instrument touché en fait retentir un autre. Il s'exerce dans l'air des ondulations telles que nous les voyons se faire dans l'eau par la chûte d'un corps ; elles se prolongent en tous sens sans s'interrompre ; & sans cette propriété, peut-être pour s'entendre faudroit-il attendre que l'athmosphere fût stagnant & tranquille ; mais grace à la continuité ininterrompue des ondulations en tous sens, tous les sons arrivent à nos oreilles, non arrêtés, non confondus. On peut mettre la masse de l'air d'un appartement en ondulations en chantant tout bas un air ; cet air chanté ne sera aucunement entendu de ceux qui sont dans l'appartement ; cependant ils en seront assez sensiblement affectés pour être déterminés à chanter le même air, s'ils le savent, & s'il leur prend envie de chanter ; on prétend que c'est un fait constaté par quelques expériences qui mériteroient bien d'être réitérées.


RETENTUM(Jurisprudence) terme latin que l'on a conservé dans l'usage du palais pour exprimer ce qui est retenu in mente judicis, & qui n'est pas exprimé dans le dispositif d'un jugement ou prononcé en lisant le jugement. Ces sortes de retentum ne sont guere usités qu'en matiere criminelle ; par exemple, lorsqu'un homme est condamné au supplice de la roue, la cour met quelquefois en retentum, que le criminel sera étranglé au premier, second, ou troisieme coup.

L'usage de ces retentum est fort ancien ; on en trouve un exemple dans les registres olim, en 1310, où il est dit que le parlement condamna un particulier en l'amende de 2000 liv. au profit du roi ; mais qu'il fut arrêté in mente curiae, que le condamné n'en payeroit que 1000 liv. sed intentio curiae est quod non leventur nisi mille librae & quod rex quittet residuum.

Loyseau, en son traité des offices, dit que les cours souveraines sont les seules qui peuvent mettre des retentum à leurs jugemens ; & en effet, l'ordonnance de 1670, titre 10, article 7, ne permet qu'aux cours de faire des délibérations secrettes pour faire arrêter celui qui est seulement décrété d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel. Voyez les plaid. de M. Cochin, tome I. dix-huitme. cause, p. 257. (A)


RETENU(Gram.) participe du verbe retenir. Voyez RETENIR.

RETENU, adj. terme de Manége ; ce mot se dit d'un cheval ; un cheval retenu, est celui qui ne part pas de la main franchement, & qui saute au lieu d'aller en-avant. Richelet. (D.J.)


RETENUES. f. (Gram.) circonspection dans les actions, & surtout dans le discours. La retenue convient particulierement à la jeunesse ; c'est une vertu des deux sexes ; mais qu'on exige plus encore des femmes que des hommes, & des filles que des femmes : l'honnêteté est dans les actions, la modestie dans le maintien, & la retenue dans le propos.

RETENUE, (Jurisprudence) signifie quelquefois ce que l'on déduit à quelqu'un sur un payement qu'on lui fait, comme le dixieme de retenue des gages des officiers.

On dit aussi brevet de retenue, pour exprimer la faculté que le roi donne à un officier ou à ses héritiers, de répéter du successeur à l'office une certaine somme, quoique l'office ne soit pas vénal.

Retenue, signifie quelquefois retrait ; la retenue féodale est le retrait féodal ou seigneurial. Voyez RETRAIT.

RETENUE, ou chambre retenue, au parlement de Toulouse, est la chambre qui tient pendant les vacations ; on dit messieurs de la retenue, pour dire les présidens & conseillers de la chambre des vacations. Voyez le style du parlement de Toulouse par Cayron, livre IV. titre 13. page 573. (A)

RETENUE, (Commerce) on nomme ainsi dans la bourse des négocians de Toulouse, le choix ou nomination que les prieurs & consuls sont tenus de faire chaque année de 60 marchands, pour être juges-conseillers de ladite bourse, & assister aux jugemens qui se rendent dans cette jurisdiction. Savary. (D.J.)

RETENUE, (Marine) voyez CORDE DE RETENUE, & ATTRAPE.

RETENUE, (Charpent.) on dit qu'une piece de bois a sa retenue sur une muraille ou ailleurs, quand elle est entaillée de telle sorte, qu'elle ne peut reculer ni avancer de part & d'autre. (D.J.)


RETFORD(Géog. mod.) petite ville à marché d'Angleterre, dans la province de Nottingham, à 140 milles de Londres ; elle envoie deux députés au parlement. Long. 16. 36. latit. 53. 15. (D.J.)


RETHEL(Géog. mod.) ville de France, en Champagne, capitale du Réthelois, sur une montagne, près de l'Aisne, à 10 lieues au nord-est de Rheims, à 14 au sud-ouest de Sedan, & à 45 au nord-est de Paris. Long. 22. 6. lat. 49. 37.

Rethel est fort ancienne ; c'étoit un fort du tems de Jules-César, qu'on nommoit castrum retectum. On appelloit anciennement le château de Rethel, Reteste, qui eut plusieurs seigneurs de ce nom dès le xiij. siecle. Le comté de Rethel est aussi de très-ancienne érection ; car dès le tems de Clovis, saint Arnould est qualifié comte de Rethel.

La ville de Rethel a été souvent prise & reprise dans le dernier siecle ; elle fut érigée en duché par Henri III. en 1581, en faveur de Charles de Gonzague. Ensuite le cardinal Mazarin acheta le duché de Rethel, & la confirmation lui en fut accordée en 1663. C'est un des plus beaux duchés du royaume, dont le revenu va au-delà de soixante mille livres ; l'élection de Rethel est composée de 296 paroisses, presque toutes du diocèse de Rheims. (D.J.)


RETHELOIS LE(Géog. mod.) pays de la Champagne, borné au septentrion par les Pays-bas, à l'orient par le pays d'Argonne & le Clermontois, au midi par le Rhémois, & à l'occident par le Laonnois. Une partie de ce pays est couverte de bois, où il y a beaucoup de forges de fer & de charbon : le reste est très-abondant en pâturages ; il y a plusieurs rivieres, dont la plus considérable est l'Aisne. La ville capitale est Rethel ; les autres villes sont Rocroy, Mauber-Fontaine, Château-Porcien, Mezieres, & Charleville. (D.J.)


RETHEM(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, au duché de Lunebourg ; elle est presque entierement ruinée, quoiqu'elle soit située sur les bords de la riviere d'Aller, qui étant navigable & poissonneuse, pourroit servir à la rétablir. (D.J.)


RETIAIRES. m. gladiateur ainsi nommé, parce qu'en combattant contre le myrmillon, il portoit sous son bouclier un filet (rete) dans lequel il tâchoit d'envelopper la tête de son adversaire, afin de le renverser & de le tuer. Outre ce filet d'où le retiaire avoit tiré son nom, il étoit encore armé d'un javelot à trois pointes, ou d'une espece de trident. Juste Lipse, & d'autres auteurs, disent qu'il combattoit vétu & portoit plusieurs éponges, soit pour essuyer la sueur qu'il contractoit en poursuivant le myrmillon, soit pour étancher le sang qui couloit des blessures qu'il pouvoit en recevoir ; car ces sortes de gladiateurs se faisoient rarement quartier. On attribue l'invention de ce genre de combat à Pittacus, l'un des sept sages de la Grece, qui dans un combat singulier contre Phrynon, pour terminer une contestation mûe entre les Argiens & les Mytileniens, apporta un filet caché sous sa cuirasse, dont il embrassa la tête de son ennemi. Cette supercherie fut depuis réduite en art, & figura aux jeux publics. Voyez MYRMILLON & GLADIATEUR.


RETICENCES. f. (Belles-Lettres) figure de rhétorique, par laquelle l'orateur s'interrompt lui-même au milieu de son discours, & ne poursuivant point le propos qu'il a commencé, passe à d'autres choses ; desorte néanmoins que ce qu'il a dit fasse suffisamment entendre ce qu'il vouloit dire, & que l'auditeur le supplée aisément. Dans l'Athalie de Racine, cette princesse parle ainsi à Joad, lorsqu'il l'a attirée dans le temple, sous prétexte de lui livrer Eliacin & des trésors :

En l'appui de ton Dieu tu t'étois reposé ;

De ton espoir frivole es-tu désabusé ?

Il laisse en mon pouvoir & son temple & ta vie ;

Je devrois sur l'autel où ta main sacrifie ;

Je... mais du prix qu'on m'offre il faut me contenter ;

Ce que tu m'as promis songe à l'exécuter.

Ces interruptions brusques peignent assez bien le langage entrecoupé de la colere : la reticence est quelquefois plus expressive que ne le seroit le discours même ; mais on ne doit l'employer que dans des occasions importantes : on nomme encore cette figure aposiopese. Voyez APOSIOPESE.

D'autres appellent aussi reticence, une figure par laquelle on fait mention d'une chose indirectement, en même-tems que l'on assure qu'on s'abstiendra d'en parler. Par exemple : " sans parler de la noblesse de ses ancêtres ni de la grandeur de son courage, je me bornerai à vous entretenir de la pureté de ses moeurs ". Mais cette notion n'est pas exacte, & ce tour oratoire s'appelle proprement prétérition ou prétermission. Voyez PRETERITION & PRETERMISSION.


RETICULAIREen Anatomie, nom d'un corps qui s'observe entre la peau & l'épiderme ; il a été ainsi nommé par Malpighi, parce qu'il ressemble à un réseau.

Ce corps fut d'abord découvert dans la langue des animaux & dans les piés des oiseaux où on l'observe très-distinctement. Ce fut-là la source des fausses descriptions qu'on nous en a données. Quoique Malpighi ait aussi par la suite découvert dans le bras de l'homme ce corps dont les trous sont très-visibles ; dans la langue de boeuf, quoique plusieurs prétendent qu'il n'est point percé, mais simplement couvert de petites fossettes qui reçoivent les papilles ; c'est, suivant Albinus, la partie interne la plus molle de l'épiderme ou le corps muqueux ; ce corps a différentes couleurs dans les negres. Voyez PAPILLE, MUQUEUX, GREEGRE.


RETICULES. m. en Astronomie, est une machine qui sert à mesurer exactement la quantité des éclipses. Cette machine a été inventée, il y a près de 80 ans, dans l'académie royale des Sciences. Voyez ÉCLIPSE.

Ce qui n'est dans l'Astronomie que de pratique & de détail, est d'une extrême importance ; souvent même il en coute autant d'efforts d'esprit, pour trouver les moyens de faire certaines observations, que pour remonter de ces observations aux plus sublimes théories qui en dépendent. En un mot, la maniere d'observer, qui n'est que le fondement de la science, est elle-même une grande science. Qu'une éclipse de soleil ou de lune ait été d'une certaine grandeur, on sera étonné de la quantité & de la finesse des conséquences qu'un Astronome saura en tirer ; mais on ne songera pas combien il aura eu de peine à s'assurer de la grandeur précise de cette éclipse, & que peut-être ce point-là a été le plus difficile.

Le réticule est ordinairement composé de treize fils de soie fort fins paralleles, également éloignés les uns des autres, & placés au foyer du verre objectif du télescope, c'est-à-dire, dans l'endroit où l'image de l'astre est représentée dans sa pleine extension. C'est pourquoi on voit par ce moyen le diamêtre du soleil ou de la lune divisé en douze parties égales ou doigts ; desorte que pour trouver la quantité d'une éclipse, il ne faut que compter le nombre des parties lumineuses & des parties obscures. Voyez DOIGT.

Comme un réticule quarré ne peut servir que pour le diamêtre, & non pour la circonférence de l'astre, on le fait quelquefois circulaire, en traçant six cercles concentriques également distans, qui représentent les phases de l'éclipse parfaitement.

Mais il est clair que le réticule, soit quarré ou circulaire, doit être parfaitement égal au diamêtre, ou à la circonférence de la planete, telle qu'elle paroît dans le foyer du verre, autrement la division ne sauroit être juste. Or c'est une chose qui n'est pas aisée à faire, à cause que le diamêtre apparent du soleil ou de la lune differe dans chaque éclipse, & que même celui de la lune differe de lui-même dans le cours de la même éclipse.

Une autre imperfection du réticule, est que sa grandeur est déterminée par celle de l'image qui paroît dans le foyer ; & par conséquent il ne peut servir que pour une certaine grandeur.

Mais M. de la Hire a trouvé le secret de remédier à tous ces inconvéniens, & a trouvé le moyen de faire servir le même réticule pour tous les télescopes, & toutes les grandeurs de la planete dans la même éclipse.

Le principe sur lequel il appuye son invention, est que deux verres objectifs appliqués l'un contre l'autre, ayant un foyer commun, & y formant une image d'une certaine grandeur, cette image croît à-proportion que la distance des deux verres objectifs augmente, du moins jusqu'à un certain point.

Si donc on prend un réticule de telle grandeur qu'il puisse égaler précisément le plus grand diamêtre que le soleil ou la lune peuvent jamais avoir dans le foyer commun des deux verres objectifs placés l'un contre l'autre ; il ne faudra que les éloigner l'un de l'autre, à mesure que l'astre viendra à avoir un plus petit diamêtre, pour en avoir toujours l'image exactement représentée, & comprise dans le même réticule.

M. de la Hire proposa en même-tems de substituer aux fils de soie un réticule fait de glace de miroir mince, en traçant des lignes ou des cercles dessus avec la pointe d'un diamant ; prétendant par ce moyen éviter l'inconvénient des fils de soie qui sont sujets à s'éloigner du parallélisme par les différentes températures de l'air ; mais cela ne peut absolument s'exécuter.

En effet, il est impossible, même avec le diamant le plus dur & le mieux taillé, de faire ou de tracer un trait net sur une glace ; car si le trait est assez marqué, la glace sera coupée & se cassera facilement dans l'endroit marqué ; que si au-contraire il n'est pas assez marqué pour que la glace soit coupée ; il ne sera pas visible, même au microscope ; on ne verra qu'une espece de rainure toute raboteuse. Ainsi, on doit regarder toute machine ou instrument où l'on parle de tracer des lignes bien distinctes sur une glace, comme absolument impraticable.


RETICULUM(Littérat.) ce mot signifie un petit rets ou filet, une raquette à jouer à la paume, parce qu'elle est faite en réseau, & finalement un sac à réseaux, une coëffe claire à réseaux. Reticulum étoit encore un sac à réseau, dans lequel on portoit le pain en voyage : Varron dit panarium, c'est pourquoi saint Augustin appelle la provision de pain annonam reticam, parce qu'on la portoit dans des filets ; mais le panier des provisions générales d'usage chez les pauvres, étoit fait avec des feuilles de palmier, de jonc ou d'osier, & se nommoit cumera. Revenons aux reticula ou sacs à réseaux.

Leur usage étoit fort ordinaire aussi-bien en Grece qu'à Rome. Dans les acharnenses d'Aristophane, on voit des oignons dans des sacs à réseaux, ; on se servoit aussi de petits paniers en réseaux, reticula, pour y mettre des fleurs. Cicéron peint à ravir de cette maniere Verrès dans un festin. Ipse coronam habebat unam in capite, alteram in collo, reticulum quae ad nares sibi apponebat, tenuissimo lino, minutis maculis, plenum rosae. Il avoit une couronne sur sa tête, une autre autour du cou ; & dans cette attitude, il respiroit de tems en tems l'odeur d'un assemblage de roses, qu'il avoit fait mettre dans un sac de fin lin, tissu à petites mailles.

Tel étoit le sac à réseaux de Verrès ; mais tous les reticula n'étoient pas de fin lin & à petits carreaux ; on les faisoit souvent de jonc, & sans beaucoup de façon. Cependant il y en avoit de magnifiques, soit à fils d'ivoire ou d'argent. Dans la description qu'Hippolochus fit du festin de noces de Carunus, & qu'Athénée nous a conservée, on y voit , des sacs à réseaux pour le pain, faits de lames d'ivoire ; & ensuite , des sacs pour le pain à lames d'argent. (D.J.)


RETIERCEMENou RETIERS, s. m. (Jurisprudence) est un terme qui se trouve dans l'ancienne coutume de Montreuil, pour exprimer le tiers du tiers, c'est-à-dire, la troisieme partie du troisieme denier du prix de l'héritage : il est dit que ce retiercement est dû au seigneur, quand le prix de l'héritage cottier ou roturier, vendu ou chargé de quelque vente, est vendu francs deniers au vendeur ; autrement il n'est dû au seigneur que le tiers, & non le retiercement. Voyez le gloss. de M. de Lauriere, au mot résixieme. (A)


RÉTIFadj. (Maréchal.) épithete qu'on donne à un cheval mutin, qui s'arrête ou recule au lieu d'avancer. Au manege, on appelle rétif un cheval rébelle, capricieux & indocile, qui ne va qu'où il lui plaît & quand il lui plaît. Ce mot vient du latin rectivus, qui signifie la même chose.


RÉTIFORMEadj. (Gram.) qui a forme de rets. On dit en Anatomie, lacet rétiforme. Voyez RETS ADMIRABLE.


RETIMO(Géog. mod.) dans Ptolémée, & Rithymna dans Pline, liv. IV. ch. xij. ville de l'île de Candie sur la côte septentrionale, à 18 lieues au couchant de la capitale. Elle a une citadelle bâtie sur un roc escarpé, & qui commande un fort ruiné ; son port qui a été très-bon, est aujourd'hui tout-à-fait négligé. Retimo est la troisieme place du pays ; les Turcs la prirent en 1647, & depuis ce tems-là elle est gouvernée par un pacha, soumis au viceroi de Candie. Long. 42. 18. lat. 35. 24. (D.J.)


RETINA(Géog. anc.) lieu d'Italie, dans la Campanie sur le bord de la mer, selon Pline, l. VI. epist. 16. Hermolaüs croit que ce lieu étoit au pié du promontoire de Misène, & que c'est encore aujourd'hui un petit village appellé Retina ou Resina.


RETINEterme d'Anatomie & d'Optique, qui signifie une des tuniques de l'oeil ; on l'appelle aussi amphiblestroïde tunique, rétiforme & réticulaire, comme étant tissue en forme de rets. Voyez TUNIQUE, OEIL. La retine est la derniere, ou la plus intérieure des tuniques de l'oeil, située immédiatement sous la choroïde. Voyez CHOROÏDE. Elle est formée de la dilatation de la partie médullaire du nerf optique ; c'est pourquoi elle est mince, douce, blanche, & ressemblante à la substance du cerveau ; elle est transparente comme la corne d'une lanterne. Voyez NERF OPTIQUE. Quand elle se sépare de la choroïde, elle est en forme de mucus.

On croit communément que la retine est le grand organe de la vue, qui se fait par le moyen des rayons de lumiere qui sont refléchis de chaque point des objets qui passent à-travers les humeurs aqueuses, vitrées & cristallines, & vont peindre sur la rétine l'image de l'objet, sur laquelle ils laissent une impression qui est portée de-là, par les capillaires du nerf optique, jusqu'à l'organe du sens. V. VISION. Mais plusieurs membres de l'académie royale des Sciences, particulierement MM. Mariotte, Pecquet, Perrault, Mery, de la Hire, ont été partagés sur l'opinion que ce fût la retine ou la choroïde qui fût le principal organe de la vision, & sur laquelle des deux les objets étoient représentés. M. Mariotte & M. Mery ont cru que c'étoit la choroïde, & les autres que c'étoit la rétine. On a toujours pensé que la retine avoit tous les caracteres de l'organe principal. Elle est située dans le foyer de réfraction des humeurs de l'oeil, & conséquemment elle reçoit les sommets des cones des rayons, qui viennent des différens points des objets.

Elle est très-mince, & conséquemment très-sensible. Elle tire son origine du nerf optique, & elle est même entierement nerveuse, & c'est l'opinion commune que les nerfs sont les véhicules de toutes les sensations. Enfin elle communique avec la substance du cerveau où toutes les sensations se terminent. Voyez CERVEAU, SENSATION.

On suppose que l'usage de la choroïde est d'arrêter les rayons que l'extrême ténuité de la rétine laisse passer, & agit à l'égard de la rétine, comme le vif-argent à l'égard d'une glace, surtout dans les animaux, où elle est noire. Voyez CHOROÏDE. Mais M. Mery est d'une opinion différente, par l'expérience d'un chat plongé dans l'eau. Il observe que dans cette occasion sa rétine disparoît absolument aussi-bien que toutes les autres humeurs de l'oeil, tandis que la choroïde paroît distinctement, & avec toutes les couleurs qu'elle a dans cet animal ; il conclut de-là que la rétine est transparente comme les humeurs, mais que la choroïde est opaque ; & conséquemment que la rétine ne peut pas terminer & arrêter les cônes des rayons, ni recevoir les images des objets, mais que la lumiere passe à-travers, & ne s'arrête que sur la choroïde, qui par-là devient le principal organe de la vision.

La couleur noire de la choroïde dans l'homme est très-favorable à ce sentiment : le principal organe semble demander que l'action de la lumiere se termine sur lui aussi-tôt qu'elle y arrive ; or, il est certain que la couleur noire absorbe tous les rayons, & n'en réfléchit aucun, & il semble aussi qu'il est nécessaire que l'action de la lumiere soit plus forte sur l'organe de la vue que partout ailleurs : or il est certain que la lumiere étant reçue & absorbée dans un corps noir, doit exciter une plus grande vibration que dans tout autre corps ; & de-là il s'ensuit que les corps noirs sont plutôt allumés par les verres ardens que les corps blancs. Voyez NOIRCEUR.

La situation de la choroïde derriere la rétine est une autre circonstance à considérer. M. Mery ayant observé la même position d'un organe principal derriere un organe médiat dans les autres sens, en trouva une heureuse analogie. Ainsi, l'épiderme sur la peau est l'organe moyen du toucher ; mais la peau qui est dessous est le principal organe. La même chose est observée pour le nez, les oreilles, &c.

La rétine semble néanmoins être une sorte de second organe médiat, qui sert à briser l'impression trop vive de la lumiere sur la choroïde, ou à la conserver. Il faut ajouter à cela que la rétine est insensible, comme tirant son origine de la substance médullaire du cerveau qui l'est aussi ; & la choroïde au-contraire est très-sensible, comme tirant son origine de la pie-mere, qui est certainement sensible à un degré éminent. Voyez NERF & PIE-MERE. Ce dernier argument paroissant douteux, M. Mery s'engagea de le prouver, ce qu'il fit devant l'académie royale, où il montra que le nerf optique n'est pas composé de fibres comme le sont les autres nerfs ; mais que c'est seulement une suite de moëlle renfermée dans un canal duquel il est aisé de la séparer. Cette structure du nerf optique, inconnue jusqu'ici, fait voir que la rêtine peut n'être pas une membrane, mais seulement une dilatation de moëlle enfermée entre deux membranes, & une moëlle, qui paroît n'être pas une substance propre au siege de la sensation. Peut-être la rétine ne sert-elle qu'à filtrer les esprits nécessaires pour l'action de la vue ; car la vibration par laquelle la sensation est effectuée, doit se faire sur une partie plus solide, plus ferme, & plus susceptible d'une forte & vive impression.

Ruysch assure à la page 10 de son second trésor, qu'il a quelquefois remarqué sur la rétine des ondes contre les lois de la nature ; il les représente dans la figure 19 de la 16e table, qui est la suite de sa 13e lettre problématique. Mais si ce savant homme, dit M. Petit le médecin, eût coupé quantité d'yeux en deux hémispheres, il auroit presque toujours trouvé la même disposition à la rétine dans ceux qui ont été gardés deux ou trois jours ; car cette membrane suit les mouvemens que l'on fait faire à l'humeur vitrée. Et comme il n'est presque pas possible de diviser un oeil en deux hémispheres sans déranger l'humeur vitrée, la rétine se dérange aussi, & il s'y forme des plis & des ondes que l'on peut effacer, en remettant la rétine dans son extension naturelle. Il faut prendre beaucoup de précautions en coupant l'oeil ; si l'on veut éviter ce dérangement, l'oeil doit être frais, sans quoi on doit trouver ces ondes presque toutes les fois qu'on coupe un oeil transversalement, à-moins que l'oeil n'ait trempé dans quelque liqueur. Hist. de l'académ. des Sciences, année 1726. (D.J.)

RETINE, maladies de la (Médec.) La rétine est sujette à deux maladies. La premiere est une séparation de quelques parties de cette membrane d'avec la choroïde. Il se fait dans l'endroit de cette séparation un pli qui arrête les rayons de lumiere, & qui les empêche de parvenir à la partie de la choroïde qui est couverte par ce pli : cela forme une espece d'ombre que le malade rapporte à l'air. La seconde maladie est une atrophie, ou consomption de la rétine.

On peut regarder avec assez de vraisemblance l'altération des vaisseaux sanguins de la rétine, comme la cause de la premiere de ces maladies ; car on conçoit aisément que la dilatation de ces vaisseaux séparera la rétine de la choroïde, dans l'endroit qui correspond à ces vaisseaux dilatés. Les symptomes de ce mal sont de certaines apparences dans l'air plus ou moins éloignées de l'oeil du malade, comme des ombres de figure différente, de la grandeur & de la forme de la partie de la rétine qui est séparée. Comme ces signes sont les mêmes que ceux de la cataracte, il est aisé de prendre l'une pour l'autre. Il y a cependant cette différence, que dans la cataracte, la vue se raccourcit, & s'affoiblit tous les jours ; au-lieu que dans l'accident dont il s'agit ici, la vue conserve son étendue, avec l'apparition des ombres à laquelle il n'y a point de remede.

Dans l'atrophie de la rétine, comme les rayons de lumiere ne sont plus alors modifiés par cette membrane, ils produisent sur la choroïde une impression trop vive & qui lui nuit. Alors la vision se fait confusément, & se trouble, pour peu qu'on continue de fixer les yeux sur quelqu'objet.

Les brodeurs, les tapissiers, les faiseurs de bas & les cordonniers sont sujets à cette maladie : les uns, parce que l'éclat de l'or, de l'argent & des autres couleurs fait une impression trop vive sur la rétine ; & les autres, parce qu'ils se fatiguent beaucoup par l'attention continuelle où ils sont pour passer la soie dans les trous de leur alène. (D.J.)


RETIRADES. f. ancien terme de Fortific. signifie une espece de retranchement qu'on fait sur un bastion ou en un autre endroit, pour disputer le terrein pié à pié à l'ennemi, quand les défenses qui sont plus en-dehors sont démantelées. Voyez RETRANCHEMENT, &c.

Il consiste ordinairement en deux faces qui font un angle rentrant. Quand les assiégeans ont fait breche à un bastion, les ennemis peuvent faire une retirade, une nouvelle fortification par-derriere. V. BASTION, Chambers.


RETIRATIONS. f. (Imprimerie) Les Imprimeurs disent qu'ils sont en retiration, quand ils impriment le second côté d'une feuille, c'est-à-dire, le côté opposé à celui qui vient d'être imprimé. (D.J.)


RETIRERv. act. (Gram.) c'est tirer une seconde fois, comme dans cet exemple : il a retiré un second coup de fusil. C'est écarter, éloigner ; retirez cet objet de devant moi ; retirez-vous ; la riviere se retire ; les ennemis se sont retirés. Vivre dans la retraite ; il s'est retiré de la société. Donner l'hospitalité ; la veuve qui retira le prophête Elizée en fut bien recompensée. Dégager une chose ; si vous avez de l'argent, hâtez-vous de retirer vos nippes des mains de cette sang-sue. Déplacer avec peine ; retirez ce clou de cet endroit. Percevoir un revenu ; combien retirez-vous de votre maison ? Prendre moins de volume ou d'étendue ; cette toile s'est bien retirée sur le pré ; ce drap s'est bien retiré à la foule. Priver ; craignez que cet homme impatienté de votre humeur, ne vous retire ses bontés. Sortir ; il s'est retiré de cette entreprise, &c.


RETOISERv. act. (Gram.) toiser de nouveau. Voyez TOISE & TOISER.


RETOMBÉES. f. (Architect.) On appelle ainsi chaque assise de pierre qu'on érige sur le coussinet d'une voûte ou d'une arcade, pour en former la naissance, & qui, par leur pose, peuvent subsister sans ceintre. Daviler. (D.J.)


RETOMBERv. act. (Gram.) tomber derechef. Voyez TOMBER & CHUTE. Il étoit si enyvré, qu'à-peine étoit-il à moitié relevé qu'il retomboit ; il est retombé malade ; il est retombé dans sa mauvaise habitude ; le châtiment en est retombé sur moi.


RETONDREv. act. (Architect.) c'est couper du haut d'un mur ou d'une souche de cheminée, ce qui est ruiné pour le refaire. C'est aussi retrancher les saillies ou ornemens inutiles ou de mauvais goût, lorsqu'on regratte la façade d'un bâtiment. Enfin, on entend encore par ce mot réparer l'architecture avec divers outils appellés fers à retondre, pour la mieux terminer, & en rendre les arêtes plus vives. Daviler. (D.J.)

RETONDRE, v. act. (Manufacture) c'est tondre de nouveau. On retond une piece de drap, quand le poil en est encore trop long, & qu'il n'a pas été tondu d'abord d'assez près. On retond aussi toutes sortes de draperies & étoffes de laine, tirées à poil avec le chardon. Dictionn. de Commerce. (D.J.)

RETONDRE, fers à (Sculpture). Les Sculpteurs appellent fers à retondre, certains outils qui leur servent pour finir, pour polir leurs ouvrages, & repasser dans leurs moulures. (D.J.)


RETORBIO(Géogr. mod.) ou RITORBIO, en latin, Ritovium, ou Ritobium, bourgade d'Italie dans le duché de Milan, au territoire de Pavie, environ à six lieues au midi de cette ville, & presqu'à égale distance de celle de Tortone, du côté du Levant. Ce lieu est renommé par ses bains chauds. C'est le Litubium de Tite-Live, l. XXXII. Pline, l. XIX, c. j, fait l'éloge du lin, retovina lina, qui croissoit dans son voisinage. (D.J.)


RETORDEMENTS. m. (Soierie) Les soies fines doivent avoir six points de retordement qui est vingt sur quatorze ; & les communes de point sur point, qui est de seize sur seize, & de quatorze sur quatorze.


RETORDREv. act. (Gramm.) C'est tordre derechef. Voyez TORS & TORDRE.

RETORDRE, (Sayetterie) Assembler plusieurs filets de soie, de laine, de poil ou de fil, pour les doubler & les rendre plus forts, & en faire une espece de petite ficelle. Les guipures, qui sont une sorte de dentelle, se font de fil retors ou de soie retorse. Savary. (D.J.)


RETORQUERv. act. (Logiq. dialectiq.) c'est l'action de tourner contre notre adversaire le raisonnement qu'il nous opposoit.


RETORSOIRterme de Corderie. Voyez ROUET.


RETOUCHERv. act. (Gram. embellissement en peinture, en sculpture, en gravure,) on dit retoucher un tableau gâté, son style, son ouvrage, en général ; tel maître n'a fait que retoucher un tableau exécuté sur ses desseins, par ses éleves ; on dit encore une copie retouchée par celui qui a fait l'original, ou par tel autre maître.

RETOUCHER, s. f. c'est l'opération la plus difficile de la gravure en bois, parce qu'elle exige du graveur autant de goût que d'attention & de dessein ; c'est précisément affoiblir & diminuer des traits & des tailles, les rendre plus déliés en ôtant du bois suivant ce qu'exigent les portées les plus éclairées & le côté du jour de chacune. Voyez GRAVURE EN BOIS. La différence de la retouche entre la gravure en bois & celle en cuivre, c'est que dans cette derniere retoucher une planche c'est lorsqu'elle est usée repasser le burin dans tous les traits, au lieu que dans l'autre, c'est après la premiere épreuve d'une planche, donner plus de clair par la retouche, & la perfectionner.


RETOUPERv. act. (Poterie) c'est en terme de potiers de terre, reprendre un ouvrage qui a été manqué.


RETOURS. m. (Gram.) mouvement d'un corps vers le lieu d'où il est parti ; on dit j'attens le retour du courier ; il est de retour de ses voyages ; le retour de la marée a été plus promt qu'on ne l'espéroit ; ce labyrinthe forme un grand nombre de tours & de retours ; il faut pratiquer là un retour d'équerre ; les retours d'une tranchée éloignent quelquefois beaucoup sa tête de sa queue ; cette femme est sur le retour ; la jeunesse s'ensuit sans retour ; le bon goût, l'esprit national, les moeurs simples, se sont éclipsés sans retour ; vous avez perdu son amitié sans retour ; faites sur vous quelques retours, & vous vous en trouverez bien ; tous les êtres sentent plus ou moins le retour du printems ; il y a de tems en tems à la mauvaise conduite, à la fourberie, des retours fâcheux ; que me donnerez-vous de retour ? ce bien lui a été donné à charge de retour ; il n'y a guere de femme sage qui ne croye qu'on lui en doit beaucoup de retour ; on fait au trictrac jan-de-retour ; à l'hombre & à d'autres jeux, un retour ; il a des retours de partage. Voyez les articles suivans pour quelques autres acceptions du même mot, & pour une plus grande intelligence des précédens.

RETOUR DES SUITES, terme en usage dans l'Analyse sublime ; voici en quoi le retour des suites consiste. On a l'expression d'une quantité, comme x, par une suite composée de constantes & d'une autre quantité y ; il s'agit de tirer de cette premiere suite, une autre suite qui exprime la valeur de y en x & en constantes ; par exemple, on a x = a + by + cy 2 + fy 3 +, &c. Il s'agit de trouver une valeur de y, exprimée par une suite qui ne renferme que x ; la méthode pour resoudre ce problême est expliquée dans le septieme livre de l'analyse démontrée du P. Reyneau, tom. I. dans l'exemple proposé, on supposera y = A + Bx + Cx2 + Fx3 &c. A, B, C, F, &c. étant des coefficiens inconnus, & substituant cette valeur dans l'équation x = a + by + cy2 + fy3 &c. ou x - a - by - cy 2 - fy3 &c. = 0, on déterminera en faisant évanouir chaque terme les coefficiens A, B, C, F, &c. Voyez cette méthode expliquée plus au long dans l'ouvrage cité. (O)

RETOUR, (Jurisprud.) ou droit de retour, ou reversion, est un droit en vertu duquel les immeubles donnés retournent au donateur quand le donataire meurt sans enfans.

Ce droit est conventionnel ou légal.

Le retour conventionnel est celui qui est stipulé par la donation ; il peut avoir lieu au profit de toutes sortes de donateurs, parens ou étrangers, selon ce qui a été stipulé, l'étendue de ce droit dépendant en tout des termes de la convention.

Le retour légal est celui qui est établi par la loi, il a lieu dans les pays de droit & dans les pays coutumiers ; mais il s'y pratique diversement.

Dans les pays de droit écrit, il est fondé sur les lois romaines. Il fut d'abord accordé au pere, pour la dot profectice, suivant la loi 6. ff. de jure dotium, & la loi 4. cod. soluto matrim. &c.

On l'accorda aussi ensuite au pere pour la donation faite à son fils en faveur de mariage, l. II. cod. de bonis quae liberis.

Enfin il fut accordé à la mere & à tous les ascendans paternels & maternels, par la loi derniere, cod. comm. utriusq. jud.

Il a été accordé aux ascendans donateurs, par deux motifs également justes.

L'un est afin que l'ascendant ne souffre pas en même-tems la perte de ses enfans & de ses biens.

L'autre est la crainte de refroidir les libéralités des parens envers leurs enfans.

Le parlement de Toulouse a étendu le droit de retour aux parens collatéraux jusqu'aux freres & soeurs, oncles & tantes, sur le fondement de ces termes de la loi, 2. cod. de bonis quae lib. ne hac injectâ formidine parentum circa liberos munificentia retardetur.

Le retour a lieu au profit du donateur, soit que l'enfant doté soit mort pendant le mariage, ou qu'il soit mort étant en viduité ; mais il n'a lieu que quand le donataire meurt sans enfans.

Dans le cas où les enfans du donataire décedent après lui, pendant la vie de l'ayeul, la question se juge diversement dans les différens tribunaux ; on peut voir, à ce sujet, le recueil des questions de Bretonnier.

Dans les pays coutumiers on suit pour le retour légal, la disposition de l'article 313 de la coutume de Paris, qui porte que les pere, mere, ayeul ou ayeule, succedent ès choses par eux données à leurs enfans décédans sans enfans & descendans d'eux.

Il y a néanmoins quelques coutumes qui ont sur cette matiere des dispositions différentes, mais celle de Paris forme le droit commun & le plus général.

Le droit de retour des dots, donations & institutions contractuelles, donne lieu à une infinité de questions très-épineuses, qu'il seroit trop long d'agiter ici ; on peut voir le traité du droit de retour de M. de la Bouviere, voyez aussi les mots DONATION & DOT. (A)

RETOUR, (Com.) se dit en terme de commerce des marchandises qui sont apportées d'un pays où l'on en avoit envoyé d'autres. Ce marchand d'Anvers avoit envoyé des toiles en Espagne, & pour son retour il a eu des laines.

Retour, se dit aussi des vaisseaux marchands, envoyés pour commercer dans les pays éloignés, qui reviennent chargés des marchandises de ces climats. On attend toujours avec impatience, en Espagne, le retour des galions & de la flotte.

Retour, signifie encore un supplément de prix quand on troque ou qu'on échange les unes contre les autres des marchandises qui ne sont pas d'égale valeur. Je vous donnerai ma pendule pour la vôtre, moyennant six louis de retour. Diction. de Commerce.

RETOUR de la tranchée, (Fortific.) ce sont les coudes & les obliquités qui forment les lignes de la tranchée, qui sont en quelque façon tirées paralleles aux côtés de la place qu'on attaque, pour en éviter l'enfilade. Ces différens retours mettent un grand intervalle entre la tête & la queue de la tranchée, qui en droite ligne ne sont séparées que par une petite distance ; aussi quand la tête est attaquée par quelque sortie de la garnison, les plus hardis des assiégeans, pour abréger le chemin des retours, sortent de la ligne, & vont à découvert repousser la sortie, & couper l'ennemi en le prenant à dos. Dict. milit. (D.J.)

RETOUR D'EQUERRE, (Coupe des pierres) c'est un angle droit ; on dit retourner d'équerre, pour faire une ligne ou une surface perpendiculaire à une autre ; pour y parvenir, les ouvriers se servent d'une équerre de fer, représentée fig. 23. qu'ils posent ensorte que l'une des branches BC fig. 24. soit comme appliquée à plat sur la face où il faut faire le retour d'équerre ; & l'autre branche B A soit appliquée de champ sur la face conique & parallelement autant qu'il est possible à l'arrête B M, l'ouvrier trace ensuite avec un ciseau une ligne B D le long du côté B C de l'équerre, cette ligne B D en est le retour.

Présentement pour faire le retour sur l'autre face MNOB, (fig. 24. n°. 2) il prend l'équerre & en applique le côté B de champ près de l'arrête MB de la face MD, & l'autre côté BC à plat sur la face MNO, ensorte que l'arrête extérieure de l'équerre passe par le point B, il tire ensuite la ligne BO, alors le retour d'équerre solide se trouve fait.

RETOUR DE MAREE, (Marine) c'est le retour du reflux. On se sert aussi de cette expression pour désigner un endroit de terre qui forme des courans causés par une terre voisine.

RETOURS LES, s. m. pl. (Tissutier-Rubanier) c'est ici ce qu'il y a de plus difficile à faire comprendre par écrit, puisque même en le voyant sur le métier, à peine y comprend-on ; on va cependant en donner la description la plus claire qu'il sera possible. Avant l'invention des retours, on ne pouvoit faire sur les ouvrages que de très-petits desseins, comme un pois, une petite lézarde, un petit carreau, &c. parce qu'ayant fini le cours de marches, le dessein étoit achevé ; si l'on eût pu multiplier ces marches en très-grande quantité, les desseins auroient été plus considérables ; mais l'ouvrier n'auroit pu écarter assez les jambes pour les marcher ; on imagina donc, il y a environ 60 à 80 ans, de pouvoir répeter ce cours de marches pour pouvoir faire un ouvrage dont le dessein fût plus étendu, & c'est à quoi le retour est destiné ; par la suite on en a ajouté plusieurs autres, & ainsi en allant toujours en augmentant, on en met aujourd'hui jusqu'à 22 : ce qui fait le même effet que si le métier étoit à 528 marches, en multipliant seulement 24 marches par 22 retours ; c'est ainsi qu'on est venu à bout de faire les beaux ouvrages que nous voyons aujourd'hui. Le retour ainsi entendu, il faut en donner la description ; ce sont des bâtons quarrés applatis, attachés au derriere du métier ; ils sont percés uniformément au tiers de leur longueur, pour pouvoir être enfilés dans une broche de fer qui traverse le chassis des retours ; ce bâton porte à l'extrêmité qui est à la main gauche de l'ouvrier, une quille pour le faire lever par son poids, lorsqu'il ne faut pas qu'il travaille ; l'autre extrêmité doit être assez longue pour pouvoir venir s'arrêter sous la planchette, lorsque l'ouvrier le tirera pour le faire travailler ; cette extrêmité est terminée un peu anguleusement, & tel que l'on voit, Planches de Tissutier-Rubanier : ce qui sert à lui donner plus de facilité pour se loger sous la planchette, lorsqu'il travaillera. N fait voir l'arcade qui est de gros fil d'archal, & qui sert à attacher les rames. O est le trou dont on a parlé plus haut ; P est une ficelle pour porter la quille Q, voyez QUILLE. R montre le profil de la planchette qui reçoit & arrête le retour travaillant dans la premiere figure, & qu'il a lâché dans la seconde. La 2. figure fait voir le même bâton de retour dans la situation où il est, lorsqu'il ne travaille pas, au lieu que dans la figure premiere il est censé travaillant, & arrêté sous la planchette qui le tient ferme : ce qui fait que les rames qu'il porte, sont roidies, & par conséquent en état d'être levées par les hautes lisses, à mesure que les marches les feront lever. Venons à l'usage des retours ; après que l'ouvrier a fini son cours de 24 marches, il a fait une partie de son dessein, mais il n'est pas achevé ; s'il le recommençoit encore, il feroit encore la même chose qu'il vient de faire, puisque les mêmes rames levant comme elles viennent de lever, on auroit la même partie du dessein qui vient d'être faite ; c'est pour pouvoir faire une partie de ce même dessein, que l'ouvrier tire un autre retour par le moyen du tirant S, qui va aboutir auprès de sa main droite ; ce retour ainsi tiré & venant à son tour se loger sous la planchette mobile, ainsi qu'il a été dit ailleurs, roidit à son tour les rames qu'il contient, pour les mettre en état de lever les lissettes qu'elles portent, pendant que toutes les autres rames des autres retours étant lâches, sont par conséquent hors d'état de lever les mêmes lissettes, ne pouvant y avoir que les rames de ce retour actuellement travaillant qui puissent les lever ; après que ce retour a fait sa fonction, qui se trouve achevée par le cours de marches, l'ouvrier tire à lui encore un autre retour, & ainsi des autres alternativement jusqu'au dernier ; ce dernier retour employé, il recommence par le premier, & continue toujours de même ; on comprend aisément que lorsque l'ouvrier tire à lui un nouveau retour, le bout de ce retour coupé obliquement venant à toucher la face de la planchette sous laquelle il doit se loger, & la faisant mouvoir en reculant, ce mouvement de la planchette est cause que le retour qu'elle tenoit en état de travailler, s'échappe, & fait place à celui que l'ouvrier tire, pour occuper la place qu'il quitte. Voyez PLANCHETTE.


RETOURNERv. act. & neut. (Gram.) c'est revenir au lieu d'où l'on étoit parti ; il s'en est retourné comme il étoit venu : faire plusieurs fois le même voyage ; Tavernier est retourné plusieurs fois aux Indes : interroger avec finesse ; je le retournerai de tant de façons que j'en arracherai la vérité : après avoir donné au breland & à d'autres jeux, montrer la derniere carte, & la placer sur le talon ; de quelle couleur retourne-t-il ? Se tirer d'une question, d'un pas embarrassant ; il sait se retourner : retomber dans ses anciennes habitudes ; il est retourné à son vomissement : mettre le dessus d'une étoffe dessous, & son envers dessus ; il a fait retourner son habit : si vous le chassez avec maladresse, il retournera sur vous avec plus d'acharnement : on retourne sur soi-même : on retourne une pierre : on retourne une roue : on retourne une piece d'argent, une tabatiere pour la voir en-dessous : on retourne la terre.

RETOURNER une pierre, c'est la jauger ou lui faire une surface parallele, ou à-peu-près, à un lit ou à un parement donné.

RETOURNER, (Jardinage) on se retourne d'équerre en traçant, lorsque l'on change l'alidale d'un instrument, & qu'on le met sur 90 degrés.

On dit retourner une planche, un gazon, une terre, quand on lui donne un nouveau labour un peu profond, ou que l'on la renverse sens-dessus-dessous. Voyez AMELIORER.

RETOURNER, en terme de Blanchisserie, c'est l'action de mettre la cire suffisamment blanchie pardessus en-dessous, & ce qui étoit dessous où le soleil n'a pu pénétrer, en-dessus pour les exposer à son tour. Cette opération se fait avec une main de bois. Voyez MAIN.


RETRACTATION(Gram.) action par laquelle une personne se dédit, ou désavoue ce qu'elle a écrit ou dit auparavant. Voyez PALINODIE.

Galilée fut obligé de rétracter son systême du monde, après qu'il eut été censuré & condamné par les inquisiteurs. On oblige souvent les hérétiques de rétracter publiquement les erreurs qu'ils ont avancées, soit dans leurs discours, soit dans leurs écrits. C'est ainsi qu'on en usa à l'égard de Molinos.

Il y a parmi les ouvrages de S. Augustin un livre des rétractations, liber retractationum ; mais il paroît qu'il ne faut pas entendre par ce titre que ce saint docteur désavoue dans cet ouvrage ce qu'il avoit enseigné dans les autres, mais seulement qu'il y retouche, & qu'il y approfondit des matieres qu'il avoit déja traitées ; & en effet c'est une des significations du mot latin retractare.


RÉTRACTIONS. f. en Médecine, est la contraction ou le raccourcissement d'une partie.

Ce mot vient du latin retrahere, tirer en arriere.

La rétraction des nerfs ôte l'usage des membres. Voyez NERF.


RETIRER(Jurisprud.) ou RETRAIRE, signifie exercer l'action de retrait, pour avoir un bien que l'on a droit de revendiquer par cette voie. Voyez ci-après RETRAIT.

RETIRER, se dit aussi en parlant de deniers ou de pieces, c'est-à-dire, les reprendre des mains dans lesquelles ces deniers ou pieces étoient. (A)

RETIRER, (Imprimerie) c'est achever d'imprimer une feuille, la tirer de l'autre côté. Pour bien retirer un ouvrage, il faut exactement observer le registre ; c'est-à-dire, remettre les pointes du grand tympan précisément dans les trous qu'elles ont fait au papier, en imprimant la premiere forme des deux qui sont nécessaires pour chaque feuille. On appelle aussi retirer une lettre, un caractere, les ôter de la forme avec un petit poinçon de fer, pour y en remettre d'autres, suivant les corrections des premieres épreuves. (D.J.)


RETRAITde barr ou de cour, dans la coutume de Bretagne signifie la révendication qu'un juge fait d'une cause ou procès. Voyez les articles 10 & 32.

RETRAIT de bienséance ou de convenance est le droit qu'un de plusieurs co-propriétaires qui possédoient un héritage par indivis, a de retirer la portion qui est vendue par son co-détenteur.

Ce retrait n'a lieu que dans un petit nombre de coutumes qui l'admettent expressément, telles que celle d'Acqs, tit. 10, art. 17 & 18, Lille, art. 19 ; & la Marche, art. 271 : c'est une imitation du droit usité en Allemagne, appellé jus congrui, suivant lequel il est permis de retirer l'héritage contigu au sien, lorsqu'il est vendu. Voyez Matth. de Afflictis decis. neapolit. 338 & 339, Mynsing. cent. 3 observ. 5.

RETRAIT DE BOURGEOISIE ou à titre de bourgeoisie, est le droit accordé aux bourgeois de certains lieux de se faire subroger en l'achat qu'un autre qu'un bourgeois du lieu a fait d'un fond situé sous la bourgeoisie. Ce retrait a lieu en Artois & dans les coutumes de Berg, Bruge, Bourbourg. Voyez Maillard sur Artois, tit. 3, n. 53.

RETRAIT en censive est la même chose que retrait censuel. Voyez ci-après RETRAIT CENSUEL.

RETRAIT de co-héritier ou de compersonnier est le droit qu'un des co-héritiers a de demander que l'acquisition de quelque chose concernant la succession non encore partagée, faite par un des co-héritiers, soit mise en la masse de la succession, à la charge que l'acquéreur touchera comptant ou prélevera ce qu'il a déboursé à l'occasion de cet achat. Ce retrait a lieu en Artois. Voyez Maillard sur le titre 3 de cette coutume, n. 41.

Il a pareillement lieu en Bretagne. Voyez Sauvageau sur Dufail, liv. III. ch. clix.

Le retrait de co-héritier, est aussi la faculté qu'a un héritier de se faire subroger au lieu & place d'un étranger qui a acquis la part d'un co-héritier du retrayant.

RETRAIT de communion ou à titre de communion de fraresche ou frareuseté, est la faculté que ceux qui possedent quelque chose en commun, ont de se faire subroger en la portion de cette chose commune vendue par un de leurs consorts. Ce retrait a lieu en Artois & dans plusieurs autres coutumes. Voyez Acqs, Berg, Bourbourg, Bruges.

RETRAIT par consolidation, est le droit accordé à un co-partageant de se faire subroger en l'achat fait par un non co-partageant de la portion de l'immeuble partagé, laquelle est échue au vendeur. Coutume de la ville de Lille, art. 79. Ce retrait a aussi lieu en Artois. Voyez Maillard sur le titre 3 de cette coutume, n. 51.

RETRAIT de convenance ou à droit de bienséance, ces termes sont synonymes. Voyez ci-devant RETRAIT de bienséance.

RETRAIT CONVENTIONNEL, est la même chose que la faculté de rachat ou réméré, qui a été stipulée par le contrat en faveur du vendeur, pour pouvoir rentrer dans le bien par lui vendu dans le tems & aux conditions portées par le contrat. Voyez RACHAT & REMERE.

RETRAIT COUTUMIER, dans la coutume de Lodunois, est le retrait lignager.

RETRAIT COUTUMIER ou LOCAL, est aussi une espece de retrait de bourgeoisie qui étoit usité en Alsace. Voyez ci-devant RETRAIT DE BOURGEOISIE, & ci-après RETRAIT LOCAL.

RETRAIT DEBITAL ou DE DEBITEUR, on appelle ainsi en Flandres la faculté que le débiteur a de se libérer, en remboursant au cessionnaire le véritable prix de la cession, suivant les lois per diversas & ab Anastasio. Voyez Maillard sur Artois, tit. 3, n. 45 & suiv. & les instit. au droit belgique de Ghewiet, p. 419.

RETRAIT DUCAL est la faculté que l'édit du mois de Mai 1711, portant réglement pour les duchés-pairies, donne à l'aîné des mâles descendans en ligne directe de celui en faveur duquel l'érection des duchés-pairies aura été faite, ou à son défaut ou refus, à celui qui le suivra immédiatement, & ensuite à tout autre mâle de degré en degré, de retirer les duchés-pairies des filles qui se trouveront en être propriétaires, en leur en remboursant le prix dans six mois, sur le pié du denier 25 du revenu actuel, & sans qu'ils puissent être reçus en ladite dignité ; qu'après en avoir fait le payement réel & effectif, & en avoir rapporté la quittance. Voyez l'article 7 dudit édit, & les mots DUCHE & PAIR.

RETRAIT ECCLESIASTIQUE, on appelle quelquefois ainsi le rachat que les ecclésiastiques font de leurs biens aliénés, en vertu des édits & déclarations qui leur donnent cette faculté. La derniere déclaration qui leur a permis d'user de cette faculté, est celle du mois de Juillet 1702. Voyez les mots EGLISE, RACHAT, & le dictionn. des arrêts de M. Brillon aux mots ALIENATION, GARANTIE & RETRAIT.

RETRAIT D'ECLECHE ou d'éclipsement, est la même chose que le retrait à titre de consolidation. Voyez ci-devant RETRAIT PAR CONSOLIDATION.

RETRAIT EMPHYTEOTIQUE se prend quelquefois pour le retrait conventionnel ou faculté de réméré, qui s'exerce en matiere d'emphytéose ; quelquefois il se prend pour le retrait censuel en général, surtout dans les pays de droit écrit, où l'on confond volontiers le bail à cens avec l'emphytéose. Voyez RETRAIT CENSUEL, EMPHYTEOSE, REMERE.

RETRAIT FEODAL, est le droit que la coutume donne au seigneur de retirer & retenir par puissance de fief, le fief mouvant de lui, lorsqu'il a été vendu par son vassal, en remboursant à l'acquéreur le prix de son acquisition, & les loyaux coûts.

On l'appelle aussi retenue féodale dans quelques-uns des pays de droit écrit ; il est compris sous le terme de prélation.

Ce droit a été introduit lorsque les fiefs commencerent à devenir héréditaires, & qu'il fut permis au vassal d'en disposer par aliénation sans le consentement du seigneur, & sans peine de commise. Il en est parlé dans les assises de Jérusalem, qui sont les lois que les François donnerent au peuple de Syrie & de Jérusalem l'an 1099 ; ainsi cet usage étoit déja plus ancien en France, il en est fait mention dans la charte de Thibaut, comte de Champagne, de l'an 1198, & dans les établissemens de S. Louis en 1270, & autres lois postérieures.

Il a lieu dans tout le royaume, tant en pays de droit écrit, que dans les pays coutumiers ; la coutume de la Salle, bailliage & châtellenie de Lille en Flandres, est la seule qui la rejette.

L'objet du retrait féodal est de donner au seigneur la faculté de réunir le fief errant au fief dominant, de profiter du bon marché de la vente, & empêcher que le fief ne soit vendu à vil prix en fraude du seigneur, enfin que le seigneur ne soit point exposé à voir malgré lui un vassal qui ne lui seroit pas agréable.

Le seigneur peut céder à un autre son droit de retrait féodal.

Ce droit n'a lieu qu'en cas de vente ou autre contrat équipollent à vente ; tels que le bail à rente rachetable, la dation en payement, l'adjudication par decret.

Il n'a point lieu dans les mutations par échange ou par succession, soit directe ou collatérale, par donation ou legs.

Le seigneur ne peut pas non plus user de retrait en cas de partage ou licitation, pourvu que celui qui demeure propriétaire du tout ou de partie de l'héritage fût l'un des copropriétaires à titre commun ; mais il en seroit autrement s'il n'étoit devenu copropriétaire que par un titre singulier.

Au reste, le retrait lignager est préféré au féodal, & le conventionnel est préféré à tous deux.

Le seigneur a quarante jours, à compter de l'exhibition du contrat, pour opter s'il exercera le retrait, ou s'il recevra les droits dûs pour la vente. Quand une fois il a fait son option, il ne peut plus varier.

Tout ce qui est tenu en fief est sujet au retrait féodal en cas de vente.

S'il y a plusieurs héritages relevans de différens seigneurs, chaque seigneur peut retirer ce qui est dans sa mouvance, & n'est pas obligé de retirer le surplus.

Si ce sont plusieurs fiefs, le seigneur en peut retirer un, & laisser l'autre ; mais il ne peut pas retirer seulement une partie d'un fief.

Si la mouvance est vendue, elle peut être retirée.

Le seigneur suserain peut aussi retirer les arriere-fiefs pendant la saisie qu'il a faite du fief de son vassal, pourvu que ce soit faute de foi & hommage, parce que cette saisie emporte perte de fruits.

Le retrait féodal ne peut être exercé que par le propriétaire du fief dominant, ainsi les apanagistes peuvent user de ce droit ; mais les usufruitiers ne peuvent retirer, si ce n'est au nom du propriétaire : & à l'égard des engagistes, ils n'ont ce droit que quand il leur a été cédé nommément par le contrat d'engagement.

Lorsqu'il y a plusieurs propriétaires du fief dominant, chacun peut retirer sa part, ou recevoir les droits ; mais il dépend de l'acquéreur d'obliger celui qui retire de garder le tout.

Le mari peut retirer le fief mouvant de sa femme, & même sans son consentement ; la femme peut aussi retirer malgre son mari, en se faisant autoriser par justice.

Les gens d'église & de main morte peuvent retirer les fiefs mouvans d'eux, à la charge d'en vuider leurs mains dans l'an & jour, ou de payer au roi le droit d'amortissement, & au seigneur le droit d'indemnité.

Le tuteur peut retirer pour son mineur, & s'il ne le fait pas dans le tems prescrit, le mineur n'y est plus recevable.

Le fermier du fief dominant peut aussi user du retrait féodal, si ce droit est compris nommément dans son bail.

Le tems pour exercer le retrait féodal est différent, suivant les coutumes ; celle de Paris & beaucoup d'autres ne donnent que quarante jours, à compter du jour de l'exhibition du contrat, d'autres donnent trois mois, d'autres un an & jour.

S'il y a fraude dans le contrat, le délai ne court que du jour qu'elle est découverte.

Le seigneur peut exercer le retrait sans attendre l'exhibition du contrat, ni les quarante jours.

Quand le contrat ne lui est pas notifié, il peut intenter le retrait féodal pendant trente ans.

Il n'est plus recevable à l'exercer, soit lorsqu'il a reçu les droits, ou qu'il en a composé ou donné terme pour les payer, ou lorsqu'il a reçu le vassal en foi, ou baillé souffrance volontaire.

Il en est de même lorsque le vassal a été reçu en foi par main souveraine, & qu'il a consigné les droits.

Le seigneur n'est pas exclus du retrait lorsque son receveur, ou fermier, ou usufruitier ont reçu les droits, il doit seulement les rendre à l'acquéreur.

Si c'est son fondé de procuration spéciale qui a reçu les droits, il ne peut plus retirer. Il en seroit autrement si c'étoit seulement un fondé de procuration générale, qui eût fait quelques démarches contraires au retrait.

Le tuteur qui a reçu les droits en la dite qualité, ne peut plus user du retrait pour son mineur.

La femme ne peut pas non plus retirer quand son mari a reçu les droits.

Le fait d'un des co-seigneurs ne peut pas empêcher les autres de retirer pour leur part.

L'assignation au retrait peut-être donnée après les quarante jours, pourvu que le seigneur ait fait dans les 40 jours sa déclaration qu'il entend user du retrait.

Les formalités de ce retrait étant différentes, suivant les coutumes, il faut suivre celle du lieu où est situé le fief que l'on veut retirer.

La demande en retrait doit être formée au bailliage on sénéchaussée royale du domicile du défendeur.

Il faut faire offrir réellement par un huissier ou sergent le prix du contrat, & une somme pour les loyaux coûts, sauf à parfaire. Ces offres doivent être faites à la personne ou domicile de l'acquéreur ; si elles ne sont pas acceptées, il faut les réaliser à l'audience.

Le retrait étant adjugé, il faut payer ; ou si l'acquéreur refuse de recevoir, consigner.

Le retrait féodal est cessible.

En concurrence de deux retraits, l'un lignager & l'autre féodal, le lignager est préféré.

Le fief retiré féodalement n'est pas réuni de plein droit au fief dominant, à-moins que le seigneur ne le déclare expressément.

Sur le retrait féodal, voyez les dispositions des coutumes au titre des Fiefs, Salvaing, la Rocheflavin, Bouchel, Dunot, Louet & Brodeau, & ce dernier sur la coutume de Paris. (A)

RETRAIT FEUDAL, voyez ci-dev. RETRAIT FEODAL.

RETRAIT de fraresche, ou de frareuseté est la même chose que retrait de communion, voyez ci-devant RETRAIT DE COMMUNION.

RETRAIT LEGAL ou coutumier, est celui qui est fondé sur la loi ou la coutume, à la différence de celui qui dérive de la convention. Voyez ci-devant RETRAIT COUTUMIER.

RETRAIT LIGNAGER, est un droit accordé aux parens de ceux qui ont vendu quelque héritage propre, de le retirer sur l'acquéreur, en lui remboursant le prix & les loyaux coûts.

On l'appelle en Bretagne presme ou prémesse, & dans le pays de droit écrit droit de prélation.

Les auteurs sont partagés sur son origine ; les uns, amateurs de la plus haute antiquité, la font remonter jusqu'à la loi de Moïse, suivant laquelle il y avoit deux sortes de retrait, dont l'objet étoit de conserver les biens dans la famille.

L'un étoit le droit général que chacun avoit au bout de cinquante ans de rentrer dans les biens de sa famille qui avoient été aliénés, c'est ce qu'on appelle le jubilé des Juifs.

L'autre espece de retrait étoit celui par lequel le parent le plus proche étoit préféré à l'acquéreur qui étoit parent plus éloigné, ou étranger à la famille. Avant de vendre sa terre à un étranger, il falloit l'offrir à un parent. Le vendeur lui-même pouvoit la retirer en rendant le prix.

D'autres croient trouver la source du retrait lignager dans les lois des Locriens & des Lacédémoniens, lesquelles notoient d'une infamie perpétuelle celui qui souffroit que les héritages de ses ancêtres fussent vendus & passassent en une main étrangere, & ne les retiroit point.

Quelques-uns prétendent que notre retrait lignager est imité des moeurs des Lombards.

D'autres encore prétendent qu'il dérive du droit de prélation des Romains, appellé dans les constitutions grecques jus .

Suivant ce droit qui étoit fort ancien, il étoit permis aux parens, & même aux co-propriétaires, de retirer les héritages qui étoient vendus à des étrangers, soit en offrant & payant le prix au vendeur, & en le rendant à l'acheteur dans l'an & jour.

Ce droit fut abrogé en 395 par les empereurs Gratien, Valentinien, Théodose & Arcade.

Il fut pourtant rétabli, du moins en partie par les empereurs Léon & Ansthémius ; en effet, il est parlé du droit de prélation dans une de leurs constitutions insérée au code qui défend aux habitans du principal village de chaque canton, de transférer leurs héritages à des étrangers ; mais cette constitution est particuliere pour ceux qui étoient habitans du même lieu, appellés convicani.

Mais le droit qui s'observoit anciennement par rapport au retrait lignager, fut rétabli dans son entier par des novelles des empereurs romains Michel & Nicéphore, surnommé Lecapene, & par le droit des basiliques. Ces lois portent qu'avant de vendre un immeuble, on devoit en avertir les parens dans l'ordre auquel ils auroient succédé, ensuite ceux avec lesquels l'héritage étoit commun, quoique du reste il fussent étrangers au vendeur ; enfin, les voisins dont l'héritage tenoit de quelque côté à celui que l'on vouloit vendre, afin que dans l'espace de trente jours ils pussent retenir l'héritage en donnant au vendeur le même prix que l'acheteur lui en offroit.

L'empereur Frédéric établit la même chose en occident l'an 1153.

Ce droit fut aussi adopté dans la loi des Saxons.

Ainsi l'on peut dire que c'est une loi du droit des gens commune à presque tous les peuples, & qu'elle a pour objet la conservation des héritages dans les familles, & l'affection que l'on a ordinairement pour les biens patrimoniaux.

Pithou, sur l'article 144. de la coutume de Troyes, tient que le retrait lignager usité en France, étoit une ancienne coutume des Gaulois, qui s'y est toujours conservée.

Cependant il n'est point fait mention du retrait lignager dans les anciennes lois des Francs, telles que la loi salique & la loi ripuaire ; il n'en est pas non plus parlé dans les capitulaires de Charlemagne, de Louis le Débonnaire, & de Charles le Chauve, ni dans les anciennes formules, soit de Marculphe ou autres, ni dans les assises de Jérusalem, lois faites par les François en 1099, ni dans les plus anciennes coutumes de France, telles que la loi de Vervin ou de la Bassée, faite sous Henri I. les anciennes coutumes de Lorris en 1170, les lois données en 1212 par Simon, comte de Montfort, aux peuples d'Alby, Beziers, Carcassonne & autres, ni dans la charte appellée la paix de la Fere, faite par Enguerand de Coucy.

Balde prétend néanmoins que le retrait lignager fut introduit en France du tems de Charlemagne ; il se fonde sur ce que la loi des Saxons ordonnoit qu'avant de vendre à un étranger son patrimoine ou propre héritage échu par succession, on l'offrît à son proche parent ; mais ce droit se rapporte au droit de prélation qui avoit lieu chez les Romains, plutôt qu'au retrait lignager, tel que nous le pratiquons en pays coutumier.

Le retrait lignager tire plutôt son origine de ce qu'anciennement en France il étoit défendu de vendre à d'autres qu'à ses proches parens son aleu, ou bien patrimonial, il n'étoit permis de disposer librement que de ses acquêts ; pour disposer de son aleu, il falloit le consentement de ses héritiers présomptifs.

Cette prohibition de disposer autrement de son aleu avoit lieu dès le commencement de la monarchie, ainsi qu'il paroît par la loi salique ; & c'est delà probablement que s'est formé peu à-peu le retrait lignager.

On en trouve des vestiges dès le xj. siecle, dumoins dans quelques provinces de France dès le commencement du x. siecle. C'est ainsi que Guichard de Beaujeu, qui possédoit héréditairement le quart des dixmes du territoire de l'église de Mâcon, les donnant à cette église, ordonna qu'aucun de ses parens ne pût l'inquiéter sur cette dixme, parce qu'avant de la donner, il avoit invité & fait inviter par ses amis son frere Ponce, qui jouissoit d'une autre quart, d'acheter le sien, ce qu'il n'avoit pas voulu faire. Ces sommations, ou invitations d'acquérir, ces défenses aux parens d'inquiéter le nouveau possesseur, les confirmations que l'on faisoit quelquefois faire par les parens, annoncent bien que le retrait lignager avoit déja lieu du-moins dans ce pays. On y trouve encore un exemple de pareilles défenses en 1116.

De tout cela l'on peut conclure que le retrait lignager, tel que nous le pratiquons, a été introduit non par aucune ordonnance de nos rois, mais par les moeurs & usages de quelques provinces, & qu'il a été ensuite adopté par les coutumes à mesure qu'elles ont été rédigées par écrit, ce qui commença à se faire dans le xj. siecle.

Les établissemens de S. Louis, rédigés en 1270, font mention du retrait lignager ; & depuis ce tems il est devenu un droit commun & presque général pour tous les pays coutumiers.

Henri III. ordonna en 1581, que le retrait lignager auroit lieu dans tout le royaume, mais cette ordonnance ne fut vérifiée qu'au parlement de Paris, & elle n'a été reçue pour les provinces de droit écrit de son ressort, que dans le Mâconnois & dans l'Auvergne.

Le retrait lignager n'a pas lieu dans le Lyonnois, ni dans le Forez, ni dans le parlement de Toulouse, si ce n'est dans le Quercy & le Rouergue ; dans le parlement de Dauphiné, il n'a lieu que dans les bailliages de Romans & de Briançon ; dans les parlemens de Bordeaux & de Dijon, il n'a lieu que dans les pays de coutume seulement ; il a aussi lieu dans le comté de Bourgogne, excepté dans la ville de Besançon & dans son ancien territoire.

Pour ce qui est du pays coutumier, le retrait a lieu dans toutes les coutumes ; mais il s'y pratique fort diversement.

Pour exercer le retrait lignager dans les coutumes qu'on appelle du côté & ligne, comme Paris & autres qui forment le plus grand nombre, il faut être parent du vendeur du côté & ligne d'où l'héritage lui étoit échu.

Il faut même dans quelques-unes, qu'on appelle soucheres, être descendu de celui qui a mis l'héritage dans la famille.

Mais dans quelques autres coutumes qu'on appelle de simple côté, au défaut de parens de la ligne, on admet au retrait les autres parens du vendeur.

Le retrait lignager peut être exercé par les enfans même du vendeur, quoiqu'il soit encore vivant. Et la qualité d'héritier n'empêche pas non plus l'exercice du retrait, parce que c'est un droit que l'héritier tire de la loi, & non de sa qualité d'héritier.

Le retrait lignager n'a pas lieu quand l'acquéreur est lui-même lignager, ou qu'il a des enfans qui sont en ligne ; mais si dans la suite il mettoit l'héritage hors la ligne, il y auroit lieu au retrait, & en ce cas, le premier vendeur peut venir lui-même au retrait.

Celui qui a vendu son propre peut lui-même le retirer, comme tuteur de son fils ; & l'on peut intenter le retrait au nom d'un enfant quoiqu'il ne fût ni vu ni connu au tems de la vente.

Le mari peut exercer le retrait du côté de sa femme sans être fondé de sa procuration.

En concurrence de plusieurs retrayans, la coutume de Paris & plusieurs autres préférent le plus diligent ; d'autres préferent le plus prochain.

Si deux lignagers ont formé la demande en même tems, ou bien dans les coutumes qui admettent le plus prochain, si deux retrayans sont en égal degré, en ce cas ils viennent au retrait par concurrence & par moitié ; mais si l'un des deux manque à remplir quelque formalité qui le fasse déchoir du retrait, si l'autre veut suivre le sien, il est obligé de retirer le tout.

Le retrait n'a lieu que pour la propriété des héritages, maisons, rentes foncieres & autres droits réels ; il n'a pas lieu en cas de vente de l'usufruit de ces mêmes biens, ni pour les offices & les rentes constituées, ni pour les meubles tels qu'ils soient.

Les mutations qui donnent ouverture au retrait lignager sont la vente à prix d'argent, ou autre contrat équipollent à vente, le bail à rente rachetable, le bail à longues années. La plûpart des coutumes admettent aussi le retrait en cas d'échange, quand il y a soute qui excede la moitié de la valeur de l'héritage.

Suivant le droit commun, les propres sont seuls sujets au retrait, excepté en Normandie & dans quelques autres coutumes qui étendent le retrait aux acquêts.

L'héritage donné en contre-échange d'un propre, tient lieu de propre, & est sujet à retrait.

La plûpart des coutumes admettent le retrait en cas de vente par decret ou licitation : mais il n'a pas lieu quand la vente est faite par une transaction, & qu'elle en est une des conditions.

La vente faite sur l'héritier bénéficiaire, ou sur un curateur aux biens vacans, est sujette au retrait ; il en est autrement de celle qui est faite sur un curateur aux biens vacans, parce qu'en ce cas il n'y a plus de propre.

Lorsque l'héritage vendu est partie propre & partie acquêt, il est au choix de l'acquéreur de laisser le tout au retrayant, ou seulement la portion qui est propre ; il en est de même lorsqu'on a vendu par le même contrat plusieurs héritages, les uns propres, les autres acquêts, & qu'il n'y a qu'un seul prix.

Le retrait lignager n'est point cessible, & si le retrayant qui est préféré, prêtoit son nom à un tiers, les autres lignagers qui auroient intenté leur action dans l'an & jour, pourroient revenir au retrait dans l'an & jour depuis que la collusion auroit été découverte.

Le retrait lignager est préféré au féodal, tellement que le lignager peut retirer sur le seigneur auquel l'héritage auroit été transmis à titre de retrait féodal.

Mais le retrait conventionnel ou réméré est préféré au retrait lignager, aussi-bien qu'au retrait féodal.

L'héritage retiré par un lignager est tellement affecté à la famille, que si ce retrayant meurt, laissant un héritier des propres de cette ligne, & un héritier des acquêts, l'héritage retiré appartient à l'héritier des propres, en rendant néanmoins dans l'an du décès de l'héritier des acquêts le prix de l'héritage.

Les formalités du retrait étant différentes presque dans chaque coutume, on doit suivre celles de la coutume dans laquelle les héritages sujets à retrait sont situés, & non pas celles du lieu où la demande se poursuit.

Pour en donner une idée, on se contentera de rappeller ici brievement celles que présentent la coutume de Paris.

Suivant cette coutume, l'action en retrait doit être intentée, & le terme de l'assignation doit échoir dans l'an & jour que le contrat de vente a été ensaisiné, à l'égard des rotures ; & pour les héritages tenus en fiefs, du jour de la reception en foi : si c'est un franc-aleu, ou un héritage acquis par le seigneur dans sa propre mouvance ou censive, le tems du retrait ne court que du jour que l'acquisition a été publiée en jugement au plus prochain siege royal.

L'an du retrait court contre toutes sortes de personnes, mineurs, absens & autres, sans espérance de restitution.

L'assignation doit contenir offre de bourse, deniers, loyaux-coûts & à parfaire ; il faut que l'huissier ou sergent ait une bourse à la main ; mais il n'est pas nécessaire que le prix y soit en entier, il suffit qu'il y ait quelque piece d'argent.

Ces offres doivent être réitérées à toutes les journées de la cause, c'est-à-dire dans toutes les procédures faites ou réputées faites en jugement ; savoir, en cause principale jusqu'à la contestation en cause inclusivement, & en cause d'appel jusqu'à la conclusion aussi inclusivement.

Si la cause est portée à l'audience, ne fût-ce que par défaut, l'avocat doit avoir en main une bourse avec de l'argent, en réitérer les offres dans les mêmes termes.

Quand l'acquéreur tend le giron, c'est-à-dire reçoit les offres, ou que le retrait est adjugé, le retrayant doit payer à l'acquéreur, ou à son refus, consigner dans les 24 heures, après que l'acquéreur aura mis son contrat au greffe, partie présente, ou duement appellée, & qu'il aura affirmé le prix s'il en est requis par l'acquéreur.

Pour que la consignation soit valable, il faut qu'elle soit précédée d'offres réelles, & qu'elle contienne tous les prix en bonnes especes ayant cours. Il faut aussi appeller l'acquéreur pour être présent, si bon lui semble, à la consignation, & que tout soit fait dans les 24 heures.

Toutes ces formalités sont tellement de rigueur, que celui qui manque à la moindre chose est déchu du retrait : qui cadit à syllabâ, cadit à toto ; ce qui a fait croire à quelques auteurs que le retrait lignager étoit odieux, comme gênant la liberté du commerce ; mais s'il étoit odieux, ces coutumes ne l'auroient pas admis ; elles ont seulement voulu empêcher les parens d'en abuser pour vexer l'acquéreur.

Le remboursement des loyaux-coûts doit se faire après qu'ils sont liquidés : ils consistent dans les frais du contrat, les droits seigneuriaux, les labours & semences, les réparations nécessaires.

Le retrayant doit rembourser les droits seigneuriaux en entier, quoique le seigneur ait fait remise d'une partie à l'acquéreur.

Un acquéreur qui est exempt de droit seigneuriaux dans la mouvance du roi, ne laisse pas de les répéter du retrayant, comme s'il les avoit payés, à-moins que l'acquéreur & le retrayant ne fussent tous deux privilégiés.

Sur le retrait lignager, voyez les dispositions des coutumes au tit. du Retrait, & les commentateurs, Tiraqueau, Louet, Coquille, Dunod, & ci-devant le mot PROPRE. (A)

RETRAIT LOCAL ou COUTUMIER : on appelloit ainsi en Alsace le droit que les bourgeois prétendoient avoir de se faire subroger en l'achat des effets mobiliers qui étoient vendus dans leur ville, mais ce prétendu droit y a été proscrit par divers arrêts. Voyez Maillard sur Artois, tit. III. n °. 56. & ci-devant RETRAIT DE BOURGEOISIE.

RETRAIT DE MI-DENIER est une espece particuliere de retrait lignager, établi par la coutume de Paris & par la plûpart des autres coutumes. Quand les conjoints durant leur mariage acquierent leur héritage propre d'un vendeur, dont l'un d'eux est parent de la ligne, il n'y a pas lieu au retrait tant que le mariage subsiste ; mais après sa dissolution, la moitié de cet héritage est sujet à retrait au profit du conjoint lignager, ou de ses héritiers à l'encontre de l'autre, ou de ses héritiers qui ne le sont pas.

On appelle ce retrait de mi-denier, parce qu'on n'y rembourse que la moitié du prix principal & des loyaux couts.

Ce retrait n'a lieu qu'en cas d'acquisition faite à prix d'argent ou à rente rachetable, & non en cas que les conjoints ayent eu le propre par retrait ; car en ce cas l'héritage est fait propre pour le tout au seul conjoint lignager, qui est seulement tenu de rembourser le prix, suivant l'article 139.

Un des héritiers du conjoint lignager ne voulant pas user de ce retrait, l'autre peut l'exercer pour le tout.

L'an & jour pour l'exercer ne court que du jour de l'ensaisissement ou inféodation ; les formalités sont les mêmes que pour le retrait ordinaire.

Il n'a point lieu quand les deux conjoints sont lignagers, ou que le conjoint non-lignager a des enfans en ligne.

Ce retrait n'est ouvert qu'au décès de l'un des conjoints.

Quand le conjoint lignager ou ses héritiers négligent d'exercer le retrait, en ce cas les autres lignagers non-copartageans sont admis au retrait de la moitié du propre, pourvu qu'ils intentent leur action dans l'an du décès du conjoint lignager. Voyez les articles 155, 156 & 157, de la coutume de Paris, & ce que les commentateurs ont dit sur ces articles. (A)

RETRAIT PARTIAIRE, usité en Flandres, a lieu quand un de plusieurs copropriétaires vend à un étranger sa part de l'effet commun, un autre copropriétaire peut retirer la portion vendue pour la réunir à son tout. Voyez RETRAIT de communion, de consolidation, d'écleche ou éclipsement, de fraresche ou frareuseté.

RETRAIT DE PREFERENCE, est la faculté qu'une personne appellée au retrait a de se faire subroger au lieu & place de quelqu'un qui a déja usé du retrait sur la chose vendue, comme quand le retrait lignager est préféré au féodal, ou celui-ci au lignager, selon l'usage des différens pays. Voyez Maillard sur Artois, tit. III. n °. 43.

RETRAIT DE PREMESSE, est le nom que l'on donne au retrait lignager dans les coutumes où c'est le plus prochain lignager qui est préféré, car premesse signifie plus prochain. Voyez PREMESSE.

RETRAIT PUBLIC ou pour l'utilité publique, est la faculté que le roi, l'église ou les villes ont de se faire subroger dans l'achat même d'acquérir la propriété d'un héritage limitrophe, ou qui se trouve nécessaire pour les fortifications d'une ville, la construction ou l'aggrandissement d'une église, la décoration d'une place, d'une ville, d'une maison royale ou d'un college. Voyez la coutume de Bordeaux, article 10.

RETRAIT par puissance de fief, dans les coutumes d'Anjou & Maine, c'est le retrait féodal.

RETRAIT DE RECONSOLIDATION, voyez ci-devant RETRAIT PAR CONSOLIDATION.

RETRAIT DE RECOUSSE ou à titre de recousse, est la faculté accordée au saisi de rembourser dans un certain tems celui qui a acheté les meubles du saisi vendus en justice ; ce retrait a lieu en quelques endroits de la province d'Artois. Voyez Monstreuil 1507, style du bailliage, article 51. Verdun titre XIV. article 5.

RETRAIT SEIGNEURIAL ou féodal, voyez ci-devant RETRAIT FEODAL.

RETRAIT DE SOCIETE ET DE CONVENANCE, dans la coutume de Hainault, chap. xcv. art. 25. est le droit qu'un de plusieurs associés ou propriétaires a de retirer la portion que son copropriétaire ou coassocié, a vendue.

RETRAIT VOLONTAIRE, c'est lorsque l'acquéreur tend le giron au retrayant qui n'a commencé son action qu'après l'année de la saisine, & par conséquent hors le tems accordé par la coutume, pour-lors le retrait est volontaire, c'est-à-dire que l'acquéreur s'y est soumis sans y être obligé, & c'est une véritable vente déguisée sous le nom de retrait, laquelle ne résoud pas les hypotheques des créanciers de l'acheteur, & est sujette aux droits seigneuriaux. Voyez Maillard sur Artois, article 123. n °. 35 (A)

RETRAIT, terme de Blason, qui se dit de bandes, des paux & des fasces, dont l'un des coins ne touche pas les bords de l'écu.

Desrollans de Rhellanete en Provence, d'azur à trois pals retraits en chef d'or, au cor de chasse lié de même en pointe.

RETRAITS, blés, (Agricult.) on appelle blés retraits, des blés qui étant bien conditionnés au sortir de la fleur, mûrissent sans se remplir de farine. Les grains sont alors menus, ou, pour revêtir le langage des fermiers, sont retraits. Comme ces sortes de blés germent très-bien, ils servent à ensemencer les terres, ils font de belle farine & de bon pain, mais ils ne rendent presque que du son, desorte que deux sacs de blés retraits ne fournissent pas plus de pain qu'un sac de bon blé.

Ce défaut, selon M. Duhamel, peut être produit par différentes causes ; par exemple, 1°. quand le blé est versé, comme la nourriture ne peut être portée à l'épi par le tuyau qui est rompu ou simplement ployé, le grain qui ne reçoit plus de subsistance mûrit sans se remplir de farine, & il reste vuide. 2° Quand les blés ont pris leur accroissement par l'humidité, & qu'il survient de grandes chaleurs qui dessechent la paille & le grain, le blé mûrit sans se remplir de farine. Il n'est pas possible de prévenir les effets des orages, ceux de la gelée, ni de détourner les causes qui empêchent que le blé ne soit fécondé. Il n'est pas non plus possible d'affoiblir l'action du soleil qui précipite la maturité du grain ; mais, suivant les principes de M. Tull, on peut, par sa nouvelle culture, prévenir en partie les autres causes qui rendent les blés retraits. (D.J.)


RETRAITES. f. (Morale) ce mot se dit en morale de la séparation du tumulte du monde pour mener chez soi une vie tranquille & privée ; on demande quand cette retraite doit se faire. Ce n'est pas dans la force de l'âge où l'on peut servir la société & remplir un poste qu'on occupe avec fruit, mais quand la vieillesse vient graver ses rides sur notre front, c'est là le vrai tems de la retraite ; il n'y a plus qu'à perdre à se montrer dans le monde, à rechercher des emplois & à faire voir sa décadence. Le public ne se transporte point à ce que vous avez été, c'est un travail & une justice qu'il ne rend guere ; il ne s'arrête qu'au moment présent & juge de votre incapacité. Ayons donc alors le courage de nous rendre heureux par des goûts paisibles & convenables à notre état. Il faut savoir se retirer à propos ; il conviendroit même que notre retraite fût un choix du coeur plutôt qu'une nécessité. (D.J.)

RETRAITE, s. f. c'est dans l'art militaire un mouvement retrograde ou en arriere que fait une armée pour s'éloigner de l'ennemi, après un combat désavantageux, ou pour abandonner un pays où elle ne peut plus se soutenir.

A parler exactement, une retraite n'est qu'une espece de fuite ; car se retirer, dit M. le chevalier de Folard, c'est fuir ; mais c'est fuir avec art & un très-grand art.

Comme les retraites ne sont que des marches, elles supposent les principes & les regles qu'on doit y observer ; ce qui concerne le passage des rivieres, des défilés, & une grande connoissance de la tactique. Il faut de plus avoir le jugement & le coup d'oeil excellens pour changer ou varier les dispositions des troupes, suivant les circonstances des tems & des lieux.

Lorsqu'une armée après avoir combattu long-tems ne peut plus soutenir les efforts de l'ennemi, & qu'elle est forcée de lui abandonner le champ de bataille, elle se retire. Si elle le fait en bon ordre, sans rien perdre de son artillerie ni de ses bagages, elle fait une belle retraite ; telle fut celle de l'armée françoise après la bataille de Malplaquet. Il est difficile d'en faire de cette espece devant un ennemi vif & intelligent ; car s'il poursuit à toute outrance, la retraite, dit M. le Marechal de Saxe, se convertira bientôt en déroute. Voyez ce mot.

Une armée que les forces supérieures de l'ennemi obligent de quitter un pays, fait aussi une belle retraite ; lorsqu'elle la fait sans confusion & sans perte d'artillerie & de bagage.

La retraite des dix milles de Xenophon est la plus célébre que l'on puisse citer ; elle a fait l'admiration de toute l'antiquité, & jusqu'à présent il n'en est aucune qui puisse lui être comparée, au-moins avec justice.

Qu'on fasse attention que les dix milles Grecs qui avoient suivi le jeune Cyrus en Perse, se trouvoient après la perte de la bataille & la mort de ce prince, abandonnés à eux-mêmes & entourés d'ennemis de tout côté. Que néanmoins leur retraite fut conduite & dirigée avec tant d'ordre & d'intelligence, que malgré les efforts des Perses pour les détruire, & les dangers infinis auxquels ils furent exposés dans les différens pays qu'ils eurent à traverser pour se retirer, ils surmonterent tous ces obstacles & regagnerent enfin la Grece. Cette belle retraite se fit sous les ordres de Xénophon, qui après la mort de Cléarque & des autres chefs, que les Perses firent assassiner, fut choisi pour général : elle se fit dans l'espace de huit mois, pendant lesquels les troupes firent environ 620 lieues en cent vingt-deux jours de marche.

M. le maréchal de Puysegur prétend dans son livre de l'Art de la Guerre, que tout ce qui concerne les retraites, peut s'enseigner par regles & par principes. Il y donne en effet bien des observations qui peuvent être regardées comme la base de leurs principales dispositions ; mais il auroit été fort avantageux de trouver ces principes réunis en un seul article ; on auroit pû s'en former des idées plus parfaites, & acquerir bien plus aisément les connoissances que ses lumieres & sa grande expérience le mettoient en état de donner sur cette importante matiere.

Comme le succès des batailles n'est jamais certain, les retraites doivent être toujours prévûes & arrangées dans l'esprit du général avant le combat ; il ne doit plus être question que de prendre les mesures nécessaires pour les exécuter, sans désordre & sans confusion lorsqu'il en est besoin.

L'objet qui mérite le plus d'attention dans les retraites, est la marche des troupes ensemble & toujours en ordre de bataille. Il faut éviter avec soin tout ce qui pourroit leur donner occasion de se rompre ou de fuir en désordre. Dans ces momens critiques, le général a besoin d'un grand sang-froid & d'une grande présence d'esprit pour veiller au mouvement de toute l'armée, pour la rassurer, lui donner de la confiance, & même la tromper, s'il est possible, sur le danger auquel elle se trouve exposée ; enfin, faire ensorte qu'elle ne se persuade point que tout est perdu, & que la fuite seule peut la mettre en sureté. C'est un art qui n'appartient qu'aux grands capitaines ; les médiocres ont peu de ressources dans ces occasions ; ils ne savent que dire, suivant l'expression de M. le maréchal de Puysegur, & tout est à l'abandon. Sous des chefs de cette espece, les retraites se font avec beaucoup de perte & de confusion, à moins qu'il ne se trouve des officiers généraux assez habiles & assez citoyens, pour savoir suppléer à l'incapacité du général.

L'armée est partagée dans les retraites sur autant de colonnes, que les chemins & les circonstances le permettent. Les bagages & la grosse artillerie en forment quelquefois de particulieres, auxquelles on donne des escortes assez nombreuses pour repousser les détachemens ennemis qui voudroient s'en emparer. On insere l'artillerie légere dans les colonnes d'infanterie, & à la queue, pour assurer la retraite, en cas que l'ennemi veuille les attaquer.

L'arriere-garde est composée d'infanterie ou de cavalerie, suivant les lieux qu'on doit traverser. En pays de plaine, c'est la cavalerie qui veille à la sûreté de l'armée ou qui couvre sa marche ; & dans les pays couverts, montueux, ou fourrés, c'est l'infanterie. Cette arriere-garde doit être commandée par des officiers braves & intelligens, dont la bonne contenance soit capable d'inspirer de la fermeté aux troupes, pour les mettre en état de résister courageusement aux détachemens que l'ennemi envoie à la poursuite de l'armée.

Si ces détachemens s'approchent de l'arriere-garde pour la combattre, on la fait arrêter, & on les charge avec vigueur lorsqu'ils sont à portée. Après les avoir repoussés, on continue de marcher, mais toujours en bon ordre & sans précipitation. On observe aussi de couvrir les flancs des colonnes, par des détachemens capables d'en imposer aux différens partis que l'ennemi pourroit envoyer pour essayer de les couper.

Lorsque l'armée qui se retire est obligée de passer des défilés, on prend toutes les précautions convenables pour que les troupes n'y soient point attaquées, & que l'ennemi n'y puisse point pénétrer. On détruit les ponts après les avoir passés ; on gâte les gués, & l'on rompt les chemins autant que le tems peut le permettre, pour arrêter l'ennemi dans sa poursuite.

Lorsque l'armée se retire en bon ordre, elle cherche à occuper des postes avantageux à quelques marches de l'ennemi, où elle ne puisse être forcée de combatre malgré elle ; ou bien elle se retranche, ou elle se met derriere une riviere dont elle est en état de disputer le passage à l'ennemi.

Si l'armée est fort en désordre & qu'elle ne puisse pas tenir la campagne, on la disperse dans les places les plus à portée, en attendant qu'on ait fait venir les secours dont elle a besoin pour reparoître devant l'ennemi. On lui fait aussi quelquefois occcuper des camps retranchés sous de bonnes places, où l'ennemi ne peut l'attaquer.

Lorsqu'on veille avec attention sur tout ce qui peut contribuer à la sûreté de l'armée, & qu'en la faisant, on marche toujours en bon ordre, une retraite peut se faire sans grande perte ; mais le succès dépend entierement des bonnes dispositions, & surtout de la fermeté du général. Il doit agir & commander avec la même tranquillité qu'il le feroit dans un camp de paix ; c'est ce courage d'esprit, supérieur aux événemens, qui caractérise les grands capitaines, & qui fait les grands généraux.

Ce qui peut donner de la confiance à un général dans les retraites, c'est l'opinion avantageuse qu'il sait que l'armée a de ses talens & de son courage. En le voyant manoeuvrer paisiblement & sans crainte, elle se croit sans danger. Comme la peur alors ne trouble point le soldat, il exécute tout ce qui lui est ordonné, & la retraite se fait avec ordre & pour ainsi dire sans perte ; il ne s'agit pour cela que de la tête & du sang froid du général.

En effet, quelqu'avantage que l'ennemi ait eu dans le combat, il ne peut rompre son armée pour la mettre toute entiere à la poursuite de celle qui se retire. Une démarche aussi imprudente pourroit l'exposer à voir changer l'événement de la bataille, pour peu que l'armée opposée ne soit pas entierement en désordre, & qu'on puisse en rallier une partie ; car c'est une maxime, dit un grand capitaine, que toute troupe, quelque grosse qu'elle soit, si elle a combattu, est en tel désordre, que la moindre qui survient est capable de la défaire absolument. Le général ennemi ne peut donc faire poursuivre l'armée qui se retire, que par différens détachemens plus ou moins nombreux, suivant les circonstances, pour la harceler, tâcher d'y mettre le désordre, & de faire des prisonniers ; mais à ces corps détachés une arriere-garde formée de bonnes troupes & bien commandées, suffit pour leur en imposer. L'armée victorieuse ne peut s'avancer que lentement ; elle est toujours elle-même un peu en désordre après le combat : le général doit s'appliquer à la reformer & à la mettre en état de combattre de nouveau, si l'armée adversaire se rallioit, si elle revenoit sur lui, ou si sa fuite n'étoit que simulée comme il y en a plusieurs exemples. Pendant ces momens précieux, (a) on a le tems de s'éloigner sans être fort incommodé des corps détachés, pourvû qu'on ait fait les dispositions nécessaires pour les repousser. C'est ce qui fait penser, qu'une armée bien conduite, qui a combattu & qui se retire, ne devroit perdre autre chose que le champ de bataille (b) ; c'est beaucoup à la vérité, mais l'espérance

(a) C'est une chose longue & difficile, dit M. le duc de Rohan, dans son parfait capitaine, de vouloir remettre en bon ordre une armée qui a combattu, pour combattre de nouveau ; les uns s'amusant au pillage, les autres se fâchant de retourner au péril, & tous ensemble étant tellement émus, qu'ils n'entendent ou ne veulent entendre nul commandement.

(b) Aussi voit-on dans l'histoire que les généraux habiles en perdant une bataille, n'abandonnent guere à l'ennemi, que le terrein sur lequel ils ont combattu. On en trouve un grand nombre d'exemples chez les Romains ; on pourroit en citer de plus modernes ; mais on se contentera de remarquer que le prince d'Orange, Guillaume III. roi d'Angleterre, se retira toujours en bon ordre après ses défaites, quoiqu'il eût en tête des généraux du premier ordre, tels que les Condé & les Luxembourg.

d'avoir bientôt sa revanche ne s'évanouit pas pour cela. Cette perte doit au contraire piquer & aiguillonner le soldat, particulierement lorsqu'il n'a aucune faute à imputer au général.

En effet, quoiqu'une belle retraite soit capable d'illustrer un général, M. le chevalier de Folard prétend, que ce n'est pas la seule ressource qui reste à un grand capitaine après la perte d'une bataille. " Se retirer bravement & fierement, c'est quelque chose, dit ce célebre auteur ; c'est même beaucoup, mais ce n'est pas le plus qu'on puisse faire ; la bataille n'est pas moins perdue, si l'on ne va pas plus loin ; c'est ce que fera un général du premier ordre. Il ne se contentera pas de rallier les débris de son armée, & de se retirer en bon ordre en présence du victorieux ; il méditera sa revanche, retournera sur ses pas & conclura de son reste, avec d'autant plus d'espérance de réussir, que le coup sera moins attendu, & d'un tour nouveau ; car qui peut s'imaginer qu'une armée battue & terrassée soit capable de prendre une telle résolution.

S'il n'y avoit pas d'exemples, continue le savant commentateur de Polybe, de ce que je viens de dire, je ne trouverois pas étrange de rencontrer ici des oppositions ; mais ces exemples sont en foule non-seulement dans les anciens, mais encore chez nos modernes. Quand même je ne serois pas muni de ces autorités, ma proposition ne seroit pas moins fondée sur la raison, & sur ce que peut la honte d'une défaite sur le coeur des hommes véritablement courageux. "

On peut voir dans le commentaire sur Polybe 2. 1. page 106. & suivantes, des exemples sur ce sujet. M. de Folard observe très-bien que ces sortes de desseins ne sont pas du ressort de la routine ordinaire qui ne les conduit, ni ne les apprend, ni des généraux qui la prenne pour guide dans leurs actions. Il est aisé de s'appercevoir que les grandes parties de la guerre y entrent. Le détail, les précautions & les mesures qu'il faut prendre pour réussir sont infinies ; & ces soins, dit l'auteur que nous venons de citer, ne sont pas toujours à la portée des esprits & des courages communs. " Il faut toute l'expérience d'un grand capitaine, une présence d'esprit & une activité surprenante à penser & à agir ; un profond secret & gardé avec art. Cela ne suffit pas encore, si la marche n'est tellement concertée que l'ennemi n'en puisse avoir la moindre connoissance, quand il auroit pris toutes les mesures imaginables. Avec ces précautions ces desseins manquent rarement de réussir, mais il faut qu'un habile homme s'en mêle. "

Les retraites qui se font pour abandonner un pays où l'on se trouve trop inférieur pour résister à l'ennemi, ou que la disette, les maladies, ou quelqu'autre accident obligent de quitter, demandent aussi bien des réflexions & des observations pour les exécuter séverement. On ne sauroit avoir une connoissance trop particuliere du pays, de la nature des chemins, des défilés, des rivieres & de tous les différens endroits par où l'on doit passer. On doit diriger la marche de maniere que l'ennemi n'ait pas le tems de tomber sur l'armée dans le passage des rivieres & des défilés. Quand on a tout combiné & tout examiné, on peut juger du succès de la retraite, parce qu'on est en état d'apprécier le tems dont on a besoin pour se mettre hors de danger.

La marche doit être vive & légere.

Les équipages doivent partir avant l'armée ; mais il faut faire ensorte que l'ennemi ignore pour quel sujet. Il y a plusieurs manieres de cacher le dessein qu'on a de se retirer. Voyez MARCHE & PASSAGE DE RIVIERE.

La grosse artillerie doit partir immédiatement après les équipages. On garde seulement avec les troupes plusieurs brigades légeres, du canon pour s'en servir, comme dans les retraites qu'on fait après la perte d'une bataille.

Avant que de mettre l'armée en marche, il faut avoir bien prévu les accidens & les inconveniens qui peuvent arriver, pour n'être surpris par aucun événement inattendu.

Quand les retraites se font avec art, qu'on a l'habileté d'en cacher le dessein à l'ennemi, elles se font avec sureté, même en sa présence. " C'est une opinion vulgaire, dit M. le maréchal de Puysegur, de croire que toute armée qui se retire étant campée trop proche d'une autre, soit toujours en risque d'être attaquée dans sa retraite avec désavantage pour elle. Il y a fort peu d'occasions où l'on se trouve en pareil danger, quand on a étudié cette matiere, & qu'on s'y est formé en exerçant sur le terrein. "

En effet, la retraite de M. de Turenne de Marlen à Deltveiller, en 1674, se fit par plusieurs marches toujours à portée de l'ennemi, sans néanmoins en recevoir aucun dommage. " Ce général, dit M. le marquis de Feuquiere, étoit infiniment inférieur à M. l'électeur de Brandebourg, qui vouloit le forcer d'abandonner l'Alsace, ou à combattre avec désavantage. M. le maréchal de Turenne ne vouloit ni l'un, ni l'autre de ces deux partis.

Sa grande capacité lui suggera le moyen de chicaner l'Alsace par des démonstrations hardies, qui ne le commettoient pourtant pas, parce qu'il se plaça toujours de maniere qu'ayant sa retraite assurée pour reprendre un nouveau poste, sans craindre d'être attaqué dans sa marche, il se tenoit avec tant de hardiesse à portée apparente de combattre ce jour-là, que M. de Brandebourg remettoit au lendemain à entrer en action lorsqu'il se trouvoit à portée de notre armée.

C'étoit ce tems-là que M. de Turenne vouloit lui faire perdre, & dont il se servoit pour se retirer dès qu'il étoit nuit pour aller prendre un poste plus avantageux. " Mém. de Feuquiere, II. xj. page 332. Voyez sur ce même sujet les mémoires des deux dernieres campagnes de M. de Turenne.

Outre les retraites dont on vient de parler, il y en a d'une autre espece qui ne demandent ni moins de courage, ni moins d'habileté. Ce sont celles que peuvent faire des troupes en garnison dans une ville, ou renfermées dans un camp retranché, assiegées ou investies de tous côtés.

Une garnison peut s'évader ou se retirer secrettement, dit M. de Beausobre dans son commentaire sur Enée le tacticien, par quelque galerie souterraine, par des marais, par une inondation qui a un gué secret, par la riviere même en la remontant ou descendant avec des bateaux, des radeaux, ou en la passant à gué. Elle le peut encore par une inondation enflée par des écluses qu'on ouvre pendant quelques heures pour le rendre guéable.

Pour réussir dans cette entreprise, il ne faut pas que la ville soit exactement investie, & que les troupes aient beaucoup de chemin à faire pour se mettre en sureté. Comme il est important de rendre la marche légere pour la faire plus lestement, ou plus promtement, on doit, s'il y a trop de difficultés à se charger du bagage, l'abandonner, & tout sacrifier à la conservation & au salut des troupes.

Une retraite de cette nature bien concertée, ne peut guere manquer de réussir heureusement. En tout cas, le pis qui en puisse arriver, c'est, comme le dit M. Belidor, de tomber dans un gros d'ennemis, & de supporter le sort qu'on vouloit éviter, c'est-à-dire, d'être prisonniers de guerre. Car ce n'est guere que dans ce cas qu'il faut tout risquer pour ne point subir cette facheuse condition.

Quel que soit l'événement d'une action de cette espece, elle ne peut que faire honneur au courage de celui qui ose le tenter. C'est ainsi que M. Peri sauva la garnison d'Haguenau, que les ennemis vouloient faire prisonniere de guerre. M. Folard raconte ce fait fort au long dans son premier volume de son commentaire sur Polybe. Nous allons le rapporter d'après M. le marquis de Feuquiere, qui le donne plus en abrégé dans le quatrieme volume de ses mémoires.

" En l'année 1705, les ennemis avoient assiégé Haguenau, fort mauvaise place, dans laquelle M. le maréchal de Villars avoit laissé M. Peri avec quelques bataillons. Comme les ennemis faisoient ce siege derriere leur armée, ils ne crurent pas qu'il leur fût nécessaire d'investir la place régulierement. M. Péri la défendit autant qu'il lui fut possible ; mais se sentant hors d'état d'y faire une plus longue résistance, il fit battre la chamade un peu avant la nuit, & proposer des articles si avantageux pour la garnison, qu'ils ne furent point accordés. On recommença donc à tirer.

Il avoit besoin de tout ce tems-là pour évacuer les équipages de sa garnison, avec escorte par le côté qui n'étoit point investi. Après quoi la garnison se retira, ne laissant que quelques hommes dans les angles du chemin couvert, pour en entretenir le feu, lesquels même ignoroient ce qui se passoit dans la place, afin qu'un déserteur ne pût avertir l'ennemi de la sortie de la garnison. Quand M. Peri se crut assez éloigné de la place, il envoya retirer les hommes qu'il avoit laissés dans les dehors, & ils le joignirent tranquillement. Ainsi, il retira toute la garnison de Haguenau, & il rejoignit l'armée sans avoir pardu un seul homme dans sa retraite, qui ne fut connue de l'ennemi qu'au jour, lorsqu'il étoit déja hors de portée d'être joint par la cavalerie que l'ennemi avoit pu envoyer à sa suite ".

On peut à cet exemple en ajouter un autre plus moderne, mais d'une bien plus grande importance ; c'est la retraite de Prague par M. le maréchal de Bellisle. Quoique cette place fût bloquée de tous côtés, les troupes de France, au nombre d'environ quatorze mille hommes, tant de cavalerie que d'Infanterie, en sortirent la nuit du 16 au 17 Décembre 1742. " M. le maréchal de Bellisle déroba 24 heures de marche pleines au prince de Lobkowitz, qui n'étoit qu'à cinq lieues de lui. Il perça ses quartiers, & traversa dix lieues de plaines, ayant à traîner un haras de 5 ou 6000 chevaux d'équipages, des caissons, du pain ; trente pieces de canon, tout l'attirail, toute la poudre, les balles, les outils, &c. "

Il arriva à Egra sans échec, en dix jours de marche, pendant lesquels l'armée fit trente-huit lieues au milieu des glaces & des neiges, ayant été continuellement harcelée de hussards en tête, en queue & sur les flancs. " On ne perdit que ce qui n'avoit pu supporter la fatigue & la rigueur inexprimable du froid, qui avoient été l'un & l'autre au-delà de toute expression ". Cette belle retraite couta 7 à 800 hommes morts de froid dans les neiges, ou restés sans force de pouvoir suivre. M. le maréchal de Belleisle avoit la fievre depuis six jours lorsqu'il sortit de Prague ; cependant malgré cette maladie & ses autres incommodités, il soutint avec courage les fatigues extraordinaires de cette pénible, mais célébre retraite, que les fastes militaires ne laisseront pas de faire passer à la postérité, avec les éloges dûs à la conduite & à la fermeté du général par lequel elle fut entreprise & exécutée.

L'antiquité fournit plusieurs exemples de troupes qui, par une retraite habilement conçue & exécutée, échapperent aux ennemis qui les bloquoient. Nous terminerons cet article par celui d'Annibal fils de Giscon, à Agrigente.

Les Romains avoient formé le blocus de cette ville de Sicile, qui servoit d'entrepôt aux Carthaginois. Il y avoit cinq mois qu'Annibal le soutenoit lorsque le sénat de Carthage envoya Hannon à son se cours. Ce général ayant été battu par les Romains, Annibal qui n'avoit plus d'espérance d'être secouru, & qui manquoit de tout, fit des dispositions pour sauver sa garnison. Il sortit de la place avec ses troupes, le nuit même qui suivit le jour du combat. Il arriva sans bruit & sans obstacles aux lignes de circonvallation & de contrevallation des ennemis ; il en combla le fossé, & il fit sa retraite sans que les Romains s'en apperçussent que le lendemain. Ils détacherent des troupes après lui ; mais elles ne purent atteindre que son arriere-garde, à laquelle elles firent peu de mal. Voyez sur ce sujet l'histoire de Polybe, liv. I. ch. iij. (Q)

RETRAITE, battre la retraite ; c'est battre le tambour à une certaine heure du soir, pour avertir les soldats de se retirer à leurs quartiers dans les garnisons, ou à leurs tentes dans un camp. Voyez TAMBOUR. Chambers.

RETRAITE, (Marine) lieu où les pyrates se mettent en sureté.

RETRAITE des hunes, ou cargues des hunes, (Marine) ce sont des cordes qui servent à trousser le hunier.

RETRAITE, terme de commerce de lettres-de-change ; c'est une somme tirée sur quelqu'un, & par lui retirée sur une autre. Les traites & les retraites ruinent les négocians. Voyez TRAITE. Dictionn. de comm. & de Trévoux.

RETRAITE, (Maréchal.) les Maréchaux ferrans appellent ainsi une portion de clou qui a resté dans le pié d'un cheval.

C'est aussi une espece de longe de cuir attachée à la bride du cheval de devant d'une charrette, & liée à un cordeau, dont on se sert pour manier le cheval.

RETRAITE, en fait d'escrime ; on dit faire retraite lorsqu'on se met tout-à-fait hors d'atteinte & des estocades de l'ennemi.

Ordinairement on fait retraite après une attaque vive, & après avoir détaché quelques bottes de reprises. La meilleure méthode de faire retraite, est de reculer simplement deux pas en arriere, en commençant par le pié droit, le faisant passer derriere le gauche, & ensuite le gauche devant le droit.

Il y en a qui font deux sauts en arriere, ils sont bien les maîtres, mais je ne conseille à personne de les imiter.

RETRAITE, (Architect.) est un petit espace qu'on laisse sur l'épaisseur d'un mur ou d'un rempart à mesure qu'on l'éleve. Voyez MURAILLE, REMPART.

C'est proprement la diminution d'un mur en-dehors, au-dessus de son empatement & de ses assises de pierre dure. On fait deux ou trois retraites en élévant de gros fondemens, les parapets sont toujours bâtis en retraite.

RETRAITE, s. f. terme de Bourrelier ; espece de longe de cuir attachée à la bride du cheval de devant, liée à un cordeau dont on se sert pour manier un cheval.

RETRAITE, mettre les cuirs en ; terme de Hongrieur qui signifie les arranger dans une cuve, où on les laisse tremper dans de l'eau d'alun pour leur faire prendre nourriture.

RETRAITE, (Chasse) on dit sonner la retraite pour faire retirer les chiens.


RETRAITERv. act. (Gramm.) traiter derechef. Voyez l'article TRAITER.


RETRANCHEMENTS. m. (Gramm.) c'est la diminution d'un tout par la séparation de quelqu'une de ses parties : en ce sens il est synonyme à soustraction & diminution.

En retranchant toujours peu-à-peu quelque chose sur la nourriture, on peut parvenir à supporter une abstinence très-rigoureuse. Voyez ABSTINENCE, JEUNE, ALIMENT, &c.

La réformation du calendrier qui s'est faite en 1582, a consisté dans le retranchement de dix jours qu'on avoit compté de trop jusqu'alors. Voyez CALENDRIER.

La frugalité tant vantée des anciens Romains, dit M. de Saint-Evremont, étoit moins un retranchement & une abstinence volontaire des choses superflues, qu'un usage grossier de ce qu'ils avoient.

RETRANCHEMENT, (Gramm. françoise.) Il y a des retranchemens vicieux, & des retranchemens élégans. La matiere qu'on traite demande quelquefois un style vif & concis ; mais il ne faut pas pour cela supprimer ce qui est absolument nécessaire. Exemple : ce desir ardent avec lequel les hommes cherchent un objet qu'ils puissent aimer & en être aimé, vient de la corruption du coeur ; il falloit dire qu'ils puissent aimer, & dont ils puissent être aimés. Je ne puis assurer quand je partirai d'ici, si dans un mois, dans deux, ou dans trois ; il falloit dire, si ce sera dans un mois, &c.

Mais s'il y a des retranchemens vicieux, il y en a d'autres qui sont fort élégans, & qui contribuent beaucoup à la force & à la beauté du discours. En voici quelques exemples : Citoyens, étrangers, ennemis, peuples, rois, empereurs, le plaignent & le reverent ; cet endroit deviendroit foible si l'on disoit, les citoyens, les étrangers, les ennemis, les peuples, les rois, les empereurs le plaignent & le réverent. Voici un exemple du discours de Racine à sa réception à l'académie françoise. " Vous savez, Messieurs, en quel état se trouvoit la scene françoise lorsque M. Corneille commença à travailler ; quel désordre, quelle irrégularité ! nul goût, nulle connoissance des véritables beautés du théâtre ; les auteurs aussi ignorans que les spectateurs : la plûpart des sujets extravagans, & dénués de vraisemblance : point de moeurs, point de caractere : la diction encore plus vicieuse que l'action ; en un mot toutes les regles de l'art, celles de l'honnêteté & de la bienséance par-tout violées ". L'auteur a retranché de cette période plusieurs mots qu'un autre auteur moins éloquent n'auroit pas manqué d'y mettre. " Sa latinité, dit M. de Saint-Evremont en parlant de Séneque, n'a rien de celle du tems d'Auguste, rien de facile, rien de naturel ; toutes pointes, toutes imaginations qui sentent plus la chaleur d'Afrique ou d'Espagne, que la lumiere de Grece ou d'Italie ". Ce seroit gâter cet exemple que de dire, n'a rien de facile, n'a rien de naturel ; ce ne sont que des pointes, ce ne sont que des imaginations, &c.

Il est souvent à-propos de retrancher les & ; en voici un exemple de Marascon, dans son oraison funebre de M. de Turenne. " Comme on voit la foudre conçue presque en un moment dans le sein de la nue, briller, éclater, frapper, abattre ; ces premiers feux d'une ardeur militaire sont à peine allumés dans le coeur du roi, qu'ils brillent, éclatent, frappent par-tout ". Lorsque le sujet qu'on traite demande du feu & du mouvement, les périodes coupées ont bonne grace, & il est élégant de retrancher des mots & des liaisons inutiles, pour donner de la force & du brillant au discours. (D.J.)

RETRANCHEMENT, en terme de Guerre, est un obstacle qu'on oppose à l'ennemi, pour lui disputer plus aisément & plus avantageusement le terrein qu'on veut défendre. Il y a des retranchemens de plusieurs especes ; les plus ordinaires ne consistent que dans un fossé dont la terre étant jettée du côté des troupes qu'on veut couvrir, leur sert de parapet. On en fait aussi avec des arbres abattus & jettés confusément les uns sur les autres. Voyez ABATTIS. On donne aussi le nom de retranchement aux coupures qu'on fait dans les dehors de la fortification, & dans les bastions, pour les défendre pié-à-pié. Ces sortes de retranchemens sont composés d'un petit rempart & d'un parapet ; ils forment le plus souvent un angle rentrant, pour en défendre l'approche plus avantageusement : on les fait de sacs à terre, de gabions, fascines, &c. On donne encore quelquefois le nom de retranchement aux lignes de circonvallation. Voyez CIRCONVALLATION. (Q)

RETRANCHEMENT, (Marine) c'est, outre les chambres ordinaires, une espece de chambre prise sur un emplacement du vaisseau.

RETRANCHEMENT de l'édit des secondes noces, (Jurisp.) est la réduction que l'on fait ad legitimum modum, des avantages faits par une personne remariée à son second conjoint, lorsque ces avantages excedent ce que la loi lui permettoit de donner. On les réduit à la part de l'enfant le moins prenant, & l'excédent que l'on en retranche est ce que l'on appelle le retranchement de l'édit.

Dans les pays de droit écrit, ce retranchement appartient aux seuls enfans du premier lit, nov. 22, ch. xxvij.

Dans les pays de coutume, il se partage également entre les enfans du premier & du second lit. Voyez Lebrun, Ricard. Voyez aussi les mots EDITS de secondes noces, PART D'ENFANT, SECONDES NOCES. (A)

RETRANCHEMENT, (Architecture) partie d'une grande piece qu'on a retranchée pour la proportionner, ou pour quelque commodité.

On appelle encore retranchement ce qu'on ôte des rues & voies publiques, pour les rendre plus praticables & d'alignement, comme des avances, des saillies, &c. Daviler. (D.J.)


RETRANCHERv. act. (Gramm.) diminuer, ôter. Il faut retrancher aux arbres leurs branches superflues ; on a retranché les gages ; il a retranché de son train ; retranchez le vin & les femmes à cet homme, & il se portera bien. De toute la société qu'il avoit, il s'est retranché à deux ou trois amis. Toutes les religions ont droit de retrancher de leur communion ceux qui ne pensent pas orthodoxement, & qui ont de mauvaises moeurs ; mais les excommuniés n'en sont pas de moins bons citoyens, auxquels le souverain doit toute sa protection. On dit une armée bien retranchée. Voyez RETRANCHEMENT, Art milit.

RETRANCHER, (Jardinage) est ôter aux arbres les branches inutiles, soit en les taillant, en les élaguant, soit en arrondissant leurs têtes.

C'est encore ôter une partie des racines en l'habillant pour le planter. On retranche des yeux à une branche à fruit trop longue.


RETRAYANTparticipe, (Jurispr.) est celui qui exerce quelque retrait pour revendiquer un bien auquel il a droit par cette voie. Voyez RETRAIT. (A)


RETRÉCIRv. act. (Gramm.) c'est rendre plus étroit. Voyez l'article ETROIT. On retrécit un habit, une chemise, un bas ; on retrécit la riviere par des quais, par des digues, &c.


RETRÉCISSEMENTRETRÉCISSEMENT


RETRECISSEUSES. f. On lit dans le Dictionnaire de Trévoux, derniere édition, à ce mot.... " Bruscanbille dit qu'à Paris un bon métier est celui de retrécisseuse ; mais il faut se donner de garde d'imiter la dame Caracosa, quae ut placeret marito suo, tantùm se restrinxit, quod nec ipse nec alius potuit eam ampliùs cognoscere.

Rochefort conte dans ses mémoires que se promenant un jour dans les appartemens des filles de la reine, il apperçut sur une toilette une petite boîte de pommade d'une autre couleur que celle de l'ordinaire ; & qu'en ayant mis imprudemment sur ses levres, où il avoit un peu de mal, elles lui firent un mal enragé ; que sa bouche se retrécit, que ses gencives se riderent ; & que voulant parler, il ne put presque articuler aucune parole : ce qui apprêta bien à rire à toute la cour. Voyez RESTRINCTIFS ".


RETREINDREv. act. en terme d'Orfevre en grosserie, se dit proprement de l'action d'élever une piece emboutie à telle hauteur qu'on veut, ou de la resserrer en frappant à l'extérieur au défaut du point d'appui, du côté des bords de la piece, avec un marteau ou un maillet, tandis que la piece est appuyée sur une bigorne propre à cet usage. Cette opération n'est pas une des moins difficiles de l'Orfévrerie, & les meilleurs orfevres sont quelquefois contraints d'avoir recours aux Chauderonniers, qui passent pour fort habiles dans cette partie, quand ils ont quelques grandes pieces à retreindre.


RETREMPERv. act. (Gramm.) Voyez TREMPE & TREMPER.


RETRESSERv. act. (Gramm.) Voyez TRESSE & TRESSER.


RÉTRIBUTION(Gramm. & Jurisprud.) signifie ce que l'on donne à quelqu'un pour le profit que l'on tire d'une chose que l'on a reçue de lui, comme une rente fonciere, ou une part de certains profits.

Ce terme signifie aussi le droit que l'on paye à quelqu'un pour son salaire.

RETRIBUTION, en terme de mer, est la contribution qui se fait des frais & des avaries entre les assureurs & les assurés. (A)


RETRICES(Littérat. Géog.) nom que les Latins donnoient à certains ruisseaux dont on détournoit l'eau pour arroser les jardins & les prairies aux environs de la ville de Rome. C'est Festus qui le dit. On donne différentes origines à ce mot retrices ; la plus vraisemblable est celle qui dérive du grec , qui veut dire un ruisseau. (D.J.)


RÉTROACTIFeffet, (Jurisprud.) Voyez au mot EFFET, l'article EFFET RETROACTIF.


RÉTROCESSIONS. f. (Jurispr.) est l'acte par lequel le cessionnaire transporte à son cédant ce que celui-ci lui avoit cédé & transporté. Voyez CEDANT, CESSION, CESSIONNAIRE, TRANSPORT, DROITS LITIGIEUX. (A)


RÉTROGRADATIONS. f. (Méchaniq.) action par laquelle un corps se meut en arriere. Voyez RETROGRADER.

RETROGRADATION, en terme d'Astronomie, est un mouvement apparent des planetes par lequel elles semblent reculer dans l'écliptique, & se mouvoir dans un sens opposé à l'ordre ou succession des signes.

On appelle les planetes directes, quand elles vont selon l'ordre, la suite & la succession des signes, comme d'Aries en Taurus, de Taurus en Gemini, &c. c'est-à-dire d'occident en orient. Voyez DIRECT.

Quand une planete paroît pendant quelques jours dans le même point du ciel, on dit qu'elle est stationnaire. Voyez STATIONNAIRE.

Quand elle se meut contre l'ordre des signes, savoir d'orient en occident, on dit qu'elle est retrograde.

Le Soleil & la Lune paroissent toujours directs ; Saturne, Jupiter, Mars, Vénus & Mercure, sont quelquefois directs, quelquefois stationnaires, & quelquefois retrogrades. Voyez SATURNE, JUPITER, VENUS, &c.

L'intervalle de tems entre les deux rétrogradations des différentes planetes, est différent ; il est d'un an & 13 jours dans Saturne ; d'un an & de 43 jours dans Jupiter ; de deux ans & 50 jours dans Mars ; d'un an & 220 jours dans Vénus ; de 115 jours dans Mercure : Saturne demeure rétrograde pendant environ 140 jours ; Jupiter pendant 120 ; Mars pendant 73 ; Vénus pendant 42 ; Mercure pendant 22.

Ces changemens de cours & de mouvemens des planetes, ne sont qu'apparens ; si les planetes étoient vûes du centre du systême, c'est-à-dire du soleil, leurs mouvemens paroîtroient toujours uniformes & réguliers, c'est-à-dire dirigés d'occident en orient. Les inégalités qu'on y observe en les voyant de la terre, naissent du mouvement & de la position de la terre d'où on les voit ; & voici la maniere dont on peut les expliquer.

Supposons que P N O, Pl. Astronom. fig. 58, soit une portion du zodiaque ; A B C D l'orbite de la terre, & E M G H Z celui d'une planete supérieure, par exemple, de Saturne : supposons la terre en A, & Saturne en E, dans ce cas cette planete paroîtra au point O du zodiaque. Maintenant si Saturne demeure immobile lorsque la terre sera parvenue au point B, il paroîtra au point L du zodiaque, & avoir décrit l'arc O L, & s'être mû suivant l'ordre des signes d'occident en orient. Mais comme pendant que la terre passe de A en B, Saturne se meut pareillement d'E en M, où il est en conjonction avec le soleil, il paroîtra avoir décrit l'arc O Q, qui est plus grand que O L. Dans cet état la planete est directe, & se meut d'occident en orient, ou suivant l'ordre des signes.

La terre étant arrivée en C dans le tems que Saturne a mis à décrire l'arc M G, cette planete paroîtra au point R du zodiaque ; mais la terre étant parvenue en K & saturne en H, ensorte que la ligne K H qui joint la terre & saturne, soit pendant quelque tems parallele à elle-même ou approchant de l'être, saturne paroîtra pendant tout ce tems-là au même point P du zodiaque, & proche des mêmes étoiles fixes, & sera pour lors stationnaire. V. STATION.

Mais la terre étant arrivée au point D, & saturne au point Z où il est en opposition avec le soleil, il paroîtra au point V du zodiaque, & avoir rétrogradé suivant l'arc P V. C'est ainsi que les planetes supérieures sont toujours rétrogrades quand elles sont opposées au soleil.

L'arc que la planete décrit lorsqu'elle est rétrograde, s'appelle l'arc des rétrogradations.

Les arcs de rétrogradation des différentes planetes, ne sont point égaux ; celui de saturne est plus grand que celui de jupiter ; celui de jupiter plus grand que celui de mars.

RETROGRADATION des noeuds de la lune, est un mouvement de la ligne des noeuds de l'orbite lunaire, par lequel cette ligne change sans-cesse de situation en se mouvant d'orient en occident contre l'ordre des signes ; elle acheve son cours rétrograde dans l'espace d'environ 19 ans ; après quoi chacun des noeuds revient au même point qu'il avoit quitté. M. Newton a démontré dans ses principes que la rétrogradation des noeuds de la lune venoit de l'action du soleil qui détournant continuellement cette planete de son orbite, fait que cette orbite n'est pas plane, & que son intersection avec l'écliptique varie continuellement, & ce philosophe a déterminé par la théorie la rétrogradation des noeuds, telle que les observations la donnent. Voyez NOEUD & LUNE.

RETROGRADATION du soleil, lorsque le soleil est dans la zone torride, & que sa déclinaison A M (Pl. astronom. fig. 59.) est plus grande que la latitude du lieu A Z ; soit que l'une ou l'autre soit septentrionale ou méridionale, le soleil paroît se mouvoir en arriere, ou rétrograder avant ou après midi. Voyez SOLEIL, ZONE.

Car menez le cercle vertical Z G N, tangent au cercle direct du soleil en G, & un autre Z O N par le point O où le soleil se leve ; il est évident que tous les cercles verticaux intermédiaires, coupent le cercle direct du soleil en deux endroits, sçavoir dans l'arc GO, & dans l'arc GI ; c'est pourquoi à mesure que le soleil s'éleve suivant l'arc GO, il s'approche sans-cesse du vertical Z G N le plus éloigné ; mais comme il continue de s'élever sur l'arc G I, il revient à ses premiers verticaux, & paroît retrograder pendant quelque tems avant midi ; on peut démontrer pareillement qu'il fait la même chose après midi ; donc comme l'ombre tombe toujours du côté opposé au soleil, elle doit être rétrograde deux fois par jour dans tous les lieux de la zone torride, où la déclinaison du soleil excède la latitude du lieu. Voyez OMBRE. Chambers. (O)


RÉTROGRADEadj. (Phys.) se dit de ce qui va en arriere ou en un sens contraire à sa direction naturelle ; telle est la marche des écrevisses. Ce mot est formé du latin retro en arriere, & gradior marcher.

Si l'oeil & l'objet se meuvent tous deux du même sens, mais que l'oeil parcoure plus d'espace que l'objet, il semblera que l'objet soit rétrograde, c'est-à-dire, qu'il aille en arriere, ou dans un sens contraire à la direction qu'il suit en effet ; la raison de cela est que quand l'oeil se meut sans s'appercevoir de son mouvement, comme on le suppose ici, il transporte son mouvement aux objets, mais en sens contraire ; car comme il s'éloigne des objets sans s'en appercevoir, il juge que ce sont les objets qui s'éloignent de lui ; ainsi quand un objet se meut dans le même sens que l'oeil, le mouvement apparent de cet objet est composé de son mouvement réel dans le même sens que l'oeil, & d'un mouvement en sens contraire égal à celui de l'oeil ; si donc, comme on le suppose ici, ce dernier mouvement est plus grand que l'autre, il doit l'emporter & l'objet doit paroître rétrograder. Voyez VISIBLE.

C'est pour cela que les planetes en quelques endroits de leurs orbites, paroissent rétrogrades. Voyez PLANETE & RETROGRADATION.

Ordre rétrograde dans les chiffres, c'est lorsqu'au lieu de compter 1, 2, 3, 4, on compte 4, 3, 2, 1, Voyez PROGRESSION, SUITE, NOMBRE, &c. (O)

Les vers rétrogrades, sont ceux où l'on trouve les mêmes mots & arrangés de même, soit qu'on les lise par un bout, soit qu'on les lise par l'autre. On les appelle aussi réciproques. En voici un exemple :

Signa te signa temere me tangis & angis.


RETROUSSERv. act. (Gram.) c'est trousser une seconde fois ; mais il n'est pas toujours réduplicatif ; on dit dans le même sens, troussez & retroussez cette manche.


RETROUVERv. act. (Gram.) c'est trouver de nouveau, recouvrer ce qu'on a perdu ; le nombre des secrets perdus n'est pas aussi grand que l'on pense.


RETSS. m. (Pêche) filet ou lacis de plusieurs ficelles qui forment des mailles quarrées, dont on se sert pour la chasse & pour la pêche.

Les rets que les pêcheurs nomment rets secrets tramaillés, sont quelquefois les vieux verqueux de toutes sortes, que les pêcheurs amarrent par un bout sur une perche qui saisit la terre. On tend le filet le long des îles, sur-tout dans les lieux où il y a des herbages que le poisson recherche pour frayer. Quand le filet est tendu, les pêcheurs battent l'eau avec un bâton garni de cuir, c'est-à-dire qu'ils la brouillent entre le filet & la terre ; par ce moyen ils pêchent tout le poisson qui se trouve dans l'enceinte du filet. Les mailles de ces filets quand on les fait exprès sont 9 lignes pour la banne ou nappe ; & pour les tramaux ou hamaux 5 pouces. Au reste il ne faut qu'un seul homme pour faire cette pêche.

On se sert encore d'une autre maniere de ces rets tramaillés qui sont plombés par le bas & garnis de flottes de liege par le haut. Les pêcheurs tendent le filet en-travers de la riviere pendant les molles eaux, ou lorsque l'eau est étalée par la marée, c'est-à-dire pendant qu'elle n'est pas fort agitée ; ce qui arrive ordinairement pendant la morte eau. On tend quand la marée commence à se faire sentir, & on releve au premier instant du reflux. Un bateau équipé d'un homme ou d'un petit garçon suffit pour cette pêche.

Le pêcheur jette le bout forain de son filet, où est amarrée une grosse pierre. Il tend son tramail en traversant ou coupant la marée, & frappe à l'autre bout une semblable pierre. Le filet ne reste tendu qu'environ une heure ou une heure & demie, parce qu'il faut relever aussi-tôt que l'ébe se fait sentir. Le pêcheur hale dans son bateau le filet par le bout où il a fini de le tendre. On y prend tout ce qui a monté avec la marée.

Cette pêche dans les rivieres ne differe pas des soles en pleine mer ; c'est une espece de filet sédentaire.

Rets à colins ; espece de cibaudiere que l'on établit sur des fonds pierreux. Ils ont pris leur nom des petits merlus, que les pêcheurs bas normands appellent colins. On y prend aussi des barbeaux de mer, des surmulets ou rougets, des barbets, des bars & des bremes.

Les rets de basse eau, qu'on appelle aussi rets à crocs, traversis, muletiers ; ils se tendent de trois différentes manieres. Pour faire la pêche du poisson rond, des maquereaux, des surmulets & autres poissons qui viennent en troupe ranger la côte en certaines saisons de l'année, on les tend de basse mer, flottés & pierrés entre des roches, d'où on les no mme traversis. La seconde maniere est de les tendre en haussiere ou à crocs. Pour cet effet, il faut un fond de sable ; & quand on s'en sert pour faire la pêche des mulets, qui pendant les chaleurs viennent ranger la côte, on les appelle alors muletiers ; ces filets forment entre les roches une espece de tournée ou bas parc dans lequel le poisson peut être retenu.

Les rets de cette espece ont 17 lignes en quarré.

Il y a une autre sorte de rets, qu'on appelle rets travissans, dont certains pêcheurs se servent furtivement pour la pêche du saumon, & qu'ils tendent d'une maniere particuliere. Ils choisissent les nuits noires & obscures. Les uns se mettent sur une rive, & ceux qui sont sur la rive opposée jettent à l'eau une perche sur laquelle est amarrée une petite corde ; & lorsque ceux qui sont de l'autre côté l'ont accrochée ou arrêtée, les premiers filent leurs tramaux, qui ont environ une brasse & demie de hauteur ; les autres en arrêtent le bout ; & ainsi traversant la riviere, ils y prennent tous les saumons qui remontent ; quelquefois aussi ils les tendent en poussant le filet avec des perches qu'ils allongent le plus qu'ils peuvent pour le faire passer à l'autre bord.

Il y a encore des rets travissans qui sont soutenus d'une ou plusieurs perches, suivant la longueur du trajet que les pêcheurs veulent faire.

Ces rets se tendent à-peu-près de la même maniere que les filets que l'on connoît le long des côtes du canal sous le nom d'étentes, étates & palis ; les pêcheurs viennent de basse-mer planter leurs perches, qui ont environ huit à dix piés de haut, suivant les fonds sur lesquels ils pêchent ; quelquefois ils se servent de leurs bateaux pour tendre les filets qui sont soutenus d'espace en espace sur ces perches : si la piece est trop longue, ils les tendent à fond, suivant la disposition du terrein, & alors les perches sont bien moins hautes ; le filet reste au pié des perches, tandis que la marée monte ; & lorsque les pêcheurs jugent que les poissons qui ont monté à la côte s'en retournent à la mer avec le reflux, ils relevent leurs filets de la même maniere que le font les pêcheurs gascons qui font la pêche des salins. Ces rets traversans ne different des autres qu'en ce qu'ils se tendent au milieu des baies, comme aux gorges, & à l'ouverture des estiers & achenaux des marais salans.

On y prend le poisson de deux manieres : si les mailles sont larges & fort ouvertes, les poissons s'y trouvent maillés & arrêtés par les oreilles ou les ouies ; les petits échappent au-travers des mailles, & les plus gros qui sont restés, & qui ne peuvent passer ni se mailler, se pêchent de basse eau à la main.

Les mailles de ces rets sont de deux especes ; les premieres ont dix-huit lignes en quarré, & les autres seulement quinze.

On fait encore la pêche des maquereaux & des éguillettes avec des rets sédentaires, dont les mailles ont 16, 14 ou 13 lignes en quarré. Les pêcheurs qui se livrent à cette pêche, plantent des perches entre les roches en forme de parcs, l'ouverture du côté de terre ; sur ces perches le rets est amarré ; on n'y prend que des poissons qui se maillent, & aucuns autres, parce que le filet a la tête à fleur d'eau ; & ne pouvant ainsi caler que de sa hauteur, il n'arrête rien par le pié qui ne tombe pas jusqu'au fond.

Les tramaux ont les mailles de l'amail ou de tramaux, qui sont des deux côtés, de trois sortes de grandeurs ; les plus larges ont sept pouces sept lignes en quarré ; les secondes sept pouces six lignes, & les plus serrées sept pouces quatre lignes aussi en quarré. La menue toile, ou rets du milieu, est aussi de trois sortes ; les plus grandes ont dix-neuf lignes en quarré, les suivantes dix-huit lignes, & les plus serrées dix-sept lignes.

Les rets de gros fonds ou soles sont de deux sortes de calibre ; les plus grandes mailles ont sept pouces en quarré, & les autres six pouces six lignes aussi en quarré.

Une autre sorte de rets dont les pêcheurs de la baie de Vannes en Bretagne, se servent à l'ouverture des gorges ou canaux dont toute la baie est entrecoupée, se tend de même que les filets que les pêcheurs gascons nomment salins, ils sont amarrés à une perche de bord & d'autre sur les fonds où l'on se propose de pêcher. Quand la marée est pleine, & que le poisson a monté avec elle, on releve les filets, soit à pié ou avec bateau, suivant les lieux où se fait la pêche ; l'on attend que la marée soit retirée pour prendre le poisson qui s'est avancé de flot, & qui se trouve arrêté par le filet qui barre le passage, & empêche de retourner avec le jussant ou reflux à la pleine mer. Les pêcheurs prennent de basse eau dans ces filets des mulets, des barres, des loubines, des congres, & rarement des poissons plats, qui ne sont pas estimés à cause des fonds bourbeux & vaseux où ils séjournent le long de toute la côte de Morbian.

Les rets traversans du passage de Saint-Armel sont du grand échantillon, ayant vingt lignes en quarré ; ainsi ils ne peuvent arrêter aucuns moyens poissons, encore moins le frai.

Voici une description de la pêche avec filet en mer, nommé par les pêcheurs improprement seines. Outre la pêche du maquereau dans la saison & les cordes ou lignes de toutes sortes, les pêcheurs du ressort de l'amirauté de Morlaix ont encore des rets qu'ils nomment improprement seines pierrées, qu'ils tendent en pleine mer un peu au large de la côte, & qu'ils y relevent aussi ; dans ce cas ces rets sédentaires sont de véritables picots ; on les garnit de flottes de liege pour les faire tenir de leur hauteur sur les fonds, où les pierres du pié les font caler ; on les releve, comme les pêcheurs normands font leurs picots lorsqu'ils s'en servent, conformément à ce qui leur est prescrit par l'ordonnance.

Ceux qui font la pêche à pié, tendent entre les rochers des paniers, caziers ou berres, des sechées, trésures ou rets de pié flottés, pierrés, de bonnes mailles, & font la pêche de la ligne à la perche sur les roches, comme la plûpart des riverains de cette côte, pour peu qu'ils soient desoeuvrés.

Ces côtes étant toutes bordées & hérissées de roches, la pêche à pié s'y fait avec succès, sur-tout lors des basses mers, des grandes vives eaux, principalement de celles des équinoxes ; on y trouve alors grand nombre de coquillages, de rocailles & diverses especes de poissons de roches, qu'ils y prennent à la main avec crochets, digons & mauvaises faucilles.

RETS à meuilles ; sorte de filet tramaillé, dont les pêcheurs se servent toute l'année, & pour la pêche des mulets dans la saison ; en ce cas ils ne different point des manets à maquereau.

Les mailles des hamaux ou de l'armail de ces rets sont de deux différentes grandeurs ; les plus larges ont 4 pouces 6 lignes en quarré, les autres n'ont que 4 pouces 4 lignes, & les mailles de la carte, toile, nappe ou rets du milieu, sont aussi de deux grandeurs différentes ; les plus larges ont 14 lignes en quarré, & les autres n'ont seulement que 12 lignes aussi en quarré. Ces pêcheurs font leur pêche autrement que ceux qui se servent de la même espece de filets ; ces tramaux doivent être regardés comme des filets flottans, parce qu'ils ne les tendent pas à l'aventure & sur des fonds fixés, comme les folles & les tramaux sédentaires ; ceux-ci se mettent à l'eau, quand le pêcheur espere trouver du poisson ; il fait une enceinte composée de trois à quatre piles de tramaux, qui ont 50 brasses de long chacune, & environ 5 piés de chûte, sur des bas fonds qui n'ont souvent que 5 à 6 piés d'eau au plus, autour de l'île Madame, de l'île d'Aix & autres lieux de la côte, & à l'entrée des pertuis ; & comme ces filets ne traînent point, on les tend également sur les fonds ferrés & de roche, & sur les vases & le sable. Voyez l'article PECHE, & les figures.

RETS de grand macles, (terme de Pêche) sorte de filets en usage dans le ressort de l'amirauté d'Abbeville ; les pêcheurs de Cuek, lieu dans ladite amirauté, se servent de grands rieux qu'ils nomment grands macles, demi-folles, ou rets à macreuse ; ils ont leurs pieces de vingt brasses de longueur ; ce sont des filets flottés qui se tendent différemment, comme nous l'avons ci-devant expliqué, pour prendre les raies & autres grands poissons, & pour la pêche des macreuses ; à cette derniere pêche le rets est tendu de plat sans être flotté ; il est arrêté seulement de toute sa longueur par les côtés sur les fonds couverts de coquillages, avec de petits piquets, hauts au plus de 15 à 18 pouces ; lorsqu'on se sert de ces mêmes filets pour la pêche des raies dans le tems de leur passage le long de la côte, on leur flotte la tête, & on les tend, comme les autres filets flottés, bout à terre, & l'autre à la mer, de même que les hauts parcs.

RETS noircis simples. Les rets des courtines des pêcheurs de S. Michel sont aussi connus sous le nom de filets noircis ; mais ils sont simples ; ainsi ce sont les véritables bas parcs de l'ordonnance. Les pêcheurs qui se servent de ces sortes de filets, les tendent en angle arrondi par la pointe. Pour faire cette pêche, chaque tente de courtine a quatre acons ou petits bateaux plats pour couler & glisser sur les vases ; deux des acons avec chacun un homme dedans promenent les piquets, petits pieux ou paulets, c'est-à-dire, les arrangent & les plantent, & deux autres acons promenent les rets, que l'on arrête sur les piquets par un tour mort haut & bas, comme on l'a observé des mêmes rets sédentaires de basse-eau ; les pannes, bras ou côtés de la pêcherie sont de différentes longueurs ; la plus longue peut avoir ordinairement jusqu'à soixante brasses, & est exposée au flot ; l'autre a seulement environ cinquante brasses ; les pêcheurs pêchent toutes les marées le poisson qui s'est pris dans la courtine, & on ne laisse guere les filets tendus & les paulets dans la même place que durant deux marées au plus.

Les paulets sont éloignés les uns des autres d'environ une brasse, & sortent quatre piés au plus audessus du terrein ; le fond de la pêcherie est exposé à la mer ; il y a ordinairement cinq pêcheurs avec quatre acons pour former la tente, & chaque pêcheur fournit pour sa part cinq pieces de filets de huit à neuf brasses de long & d'une brasse de chûte dans le fond pour le milieu de la pêcherie ; les premieres pieces des pannes n'ayant que vingt-cinq mailles de hauteur, qui donnent environ une grande demi-brasse, les suivantes ont vingt-huit à trente mailles, & les pieces du milieu qui ont une brasse de haut, ont trente-cinq mailles de chûte.

Les pêcheurs de S. Michel commencent la pêche des courtines dès le milieu de Février, & la continuent jusque vers la fin d'Octobre ; de ces pêcheurs les uns changent & remuent leurs paulets, comme nous venons de l'observer ; d'autres ne les changent point, & les laissent sédentaires, suivant l'établissement des côtes où l'on place ces sortes de tentes de basse-eau.

RETS de gros fonds ou filet noirci, terme de pêche, monté en courtines ou bas parcs. Ce filet est tramaillé, non flotté, mais monté sur piquets ; les pêcheurs les nomment rets de gros fonds ; ils sont connus aussi sous le nom de filets noircis, à cause de leur couleur ; on pourroit les regarder comme des ravoirs tramaillés, avec cette différence que les pêcheurs ne pêchent le poisson qui s'y trouve pris, que de basse-mer, & lorsqu'il est à sec, parce qu'ils ne retroussent point le bas du filet, comme c'est l'usage des pêcheurs flamands & picards qui font la pêche des ravoirs ; ces rets n'ont que trois à quatre piés au plus de hauteur ; quand le pêcheur a tendu son filet, il entre dans l'enceinte avec son accon, & bat l'eau, comme font les picoteurs, pour y faire donner le poisson.

Il y a d'autres rets de gros fonds, que les pêcheurs du ressort de l'amirauté de Poitou ou des Sables-d'Olone connoissent sous le nom de filets noircis, qui sont de véritables tramaux sédentaires qu'on peut comparer à des ravoirs tramaillés, étant de la même force, & opérant de la même maniere ; ils sont tendus le long de terre sur les bourbes ou vases de la côte, & élevés avec des petits piquets ou paulets de cinq à six piés de haut, enfoncés de la moitié sur les vases ; le rets peut avoir environ une brasse de hauteur ; mais il n'y a sur les paulets que la hauteur au plus de deux piés & demi ; on les tend en droite ligne, comme les ravoirs, en faisant un demi-tour au haut & au bas du filet ; ces sortes de rets ne peuvent causer aucun préjudice à la pêche.

Elle se fait depuis la S. Michel jusqu'à la fin de l'année ; toutes les semaines les pêcheurs rapportent à terre leurs filets, d'où ils vont avec leurs acons ôter toutes les marées, le poisson qui s'y trouve pris, & qui ne peut être petit à cause de la grandeur des mailles ; & après les avoir lavés & remis au sec, ils les repassent au tan chaque fois avant de les retendre ; ce qui leur donne peu-à-peu la noirceur qu'on leur remarque, & d'où les pêcheurs les ont ainsi appellés ; on prend communément dans ces sortes de tentes de toutes sortes d'especes de poissons plats.

Les mailles des hameaux des tramaux que les pêcheurs nomment la grande maille, ont sept pouces huit lignes en quarré, & la nappe, toile ou flue, qu'ils nomment menue, a les mailles de vingt-sept pouces aussi en quarré.

Description de la pêche des bas parcs, ou venets & rets de grandes mailles à pieux ou doubles piquets, amirauté de Carentan & Isigny. RETS de grandes mailles, terme de pêche, sorte de rets dont les pêcheurs riverains de Varreville dans le ressort de l'amirauté de Carentan & Isigny se servent, pour faire la pêche.

Ces pêcheurs de pié ont des rets de tentes ou venets & bas-parcs qu'ils nomment communément rets de grandes mailles par rapport à leur grandeur, des haranguieres, rets à sansonnets ou hauts parcs, de même calibre que les mêmes filets des pêcheurs des dunes de S. Germain ; ils les nomment aussi rets de petites mailles, eu égard à leur petitesse ; ils font encore à pié la pêche du poisson plat en foulant le sable.

RETS A CROCS, en usage dans le ressort de l'amirauté de Barfleur par les pêcheurs de Mont-Forville. Les pêcheurs de ce lieu ont des rets entre roches qu'ils nomment indistinctement rets à crocs, haussieres flottées & rets traversis, ou traversiers ; la différence de ces noms vient de la diverse maniere dont les pêcheurs les tendent.

Les rets à crocs se tendent également avec bateau, lors de la pleine mer, ou à pié de basse mer. C'est un filet simple, flotté & pierré que les pêcheurs amarrent par un bout à quelques roches, ou même qu'ils arrêtent à une grosse pierre ; ensuite ils les filent en demi-cercle, environ jusqu'aux deux tiers ; après quoi ils forment avec le reste du rets une espece de croc ou de spirale ; quelques pêcheurs, pour mieux réussir, tramaillent cette partie du fil, autour duquel tourne en dedans le poisson qui range la côte, & qui suit le rets jusque dans le fond du crochet d'où il retourne vers la roche, faisant toujours le même circuit jusqu'à ce que la marée venant à perdre, il reste à sec dans le filet, ou maillé, quand il a voulu le traverser.

Comme les côtes de cette contrée sont garnies de roches, les pêcheurs tendent les mêmes rets qui sont simples, d'une roche à l'autre, ou ils les amarrent, ou même les placent aussi en demi-cercle, au moyen des pierres dont le bas du rets est garni ; de cette maniere ils les nomment des traversieres ou rets traversis ; cette sorte de pêche est quelquefois avantageuse pour prendre les poissons qui viennent en troupe à la côte, tels que les harengs, maquereaux, colins, surmulets, barres & mulets.

On nomme les mêmes filets des haussieres flottées, flies, lesques & cibaudieres, quand on les tend sur les sables, en les y arrêtant par le pié avec des pierres ou de petites torques de paille, lorsque la côte est sablonneuse ; ces dernieres manieres sont usitées le long des côtes de Flandres, de Picardie & de Normandie.

Les mêmes pêcheurs ont des rets de basse eau qui sont les mêmes filets qui servent aux tentes ou pêcheries, nommés bas-parcs, mais que les pêcheurs tendent un peu différemment à cause des roches dont toute leur côte est bordée, n'y ayant que peu de sable.

Les pêcheurs qui se servent de ces rets, les placent en fausses équerres ; le côté le plus long & le plus ouvert se prolonge sur les sables, & le plus court se place sur une espece de banc, afin qu'au reflux de la marée elle s'en puisse retirer avec plus de promtitude, & entraîne avec elle dans la pointe de la pêcherie tout le poisson qui y sera entré avec le flot, & qui s'en pourroit évader aisément, si la marée s'en retiroit doucement ; les pêcheurs des autres côtes qui se servent de ces sortes de filets, que l'on nomme aussi rets à banne, les tendent avec la même précaution.

Description de la pêche des rets entre roches ou traversis, amirauté de Brest. RETS entre roches ou TRAVERSIS, terme de pêche, sorte de filets en usage dans le ressort de l'amirauté de Brest.

Les pêcheurs de pié tendent le long de l'île sur les plains de sable qui s'y trouvent, des cordes en trajets, ou cordés, des sechées, seinées ou seines seches, des rets entre roches ou traversis, de la même maniere que font les pêcheurs de basse Normandie ; ces filets se tendent à la basse-eau ; on amarre un bout du cordage à une roche dans les petites anses étroites que le rets peut fermer ; le filet est pierré flotté, & s'éleve au moyen de flottes, à mesure que la marée monte ; l'autre bout est pareillement amarré à un autre rocher ; comme l'intervalle des pierres est grand, le poisson plat se coule aisément par-dessous ; cette pêche n'est avantageuse que pour les poissons ronds, qui viennent en troupe avec la marée chercher à la côte une pâture plus aisée ; ceux qui se tiennent entre la côte & le filet de marée baissante, y restent pris & arrêtés.

Quelques-uns de ces pêcheurs les tendent encore d'une autre maniere, les plaçant bout à terre & l'autre à la mer.

RETS TRAVERSIER, CHALUT ou DREIGE, terme de pêche, usité dans le ressort de l'amirauté de S. Malo, est le nom que les pêcheurs donnent au filet connu dans d'autres lieux sous le nom de chalut, & qui est monté d'une barre de bois au lieu d'une lame de fer.

Les pêcheurs du ressort, outre la pêche des huitres qu'ils font dans toute l'étendue de la baie, à commencer du travers de la pointe du Maingard du Nez ou Gronné de Cancale jusqu'aux îles de Chausey, & même jusque par le travers de Regneuille, dans lequel espace sont répandues toutes les huitrieres, dont la baie est remplie, font encore après la saison de la pêche de ces coquillages frais, celle du chalut ou rets traversier qu'ils nomment improprement dreige pour le poisson plat, & surtout des soles qui se plaisent dans ces especes de fonds, & qui y seroient infiniment plus abondantes, si la quantité des parcs de bois ou bouchets de clayonnage, malgré la défense de pêcher durant le mois de Mai, Juin, Juillet & Août, ne détruisoient généralement tout le frai & les poissons du premier âge qui montent dans la baie toutes les marées durant le tems des chaleurs ; n'ayant jamais été possible de faire ouvrir ces pêcheries, soit par défaut des gardes jurés qui n'y étoient pas ci-devant établis, soit par le peu de soin des officiers du ressort ; cette police si nécessaire n'y est point observée, & c'est à cette négligence seule qu'il faut imputer la stérilité du poisson dans une baie que de mémoire d'homme on a reconnue comme la plus poissonneuse du royaume.

Il n'a pas été moins difficile de mettre en regle les pêcheurs qui s'y servent du chalut ; leur armure de fer fut défendue par la déclaration du roi du 26 Avril 1726 ; cependant ils continuoient la même pêche ; on leur proposa enfin de substituer une barre de bois à la place de la lame de fer ; & ils y consentirent, reconnoissant par propre expérience qu'ils n'en faisoient pas moins la pêche.

Leur chalut est armé à l'ordinaire. La barre de bois est attachée sur les échallons de la même maniere qu'y étoit ci-devant placée la lame de fer ; ainsi la manoeuvre de cette pêche n'ayant point changé, les pêcheurs voisins de Grandville & de la côte opposée à Cancale s'étoient mal-à-propos imaginé les années précédentes que ces pêcheurs continuoient toujours la pêche avec le même instrument ; il est vrai que la barre de bois s'use bien plus promtement ; mais aussi la dépense de cet entretien est peu de chose, eu égard à ce que coute une lame de fer, lorsqu'elle se trouve faussée ou cassée, comme il leur arrive quelquefois lorsqu'ils pêchent entre des rochers où les courans & la marée les peuvent rejetter facilement. Les pêcheurs ayant mis au fond de leur sac de plus petites mailles, & les filets ayant été saisis, sur la visite que l'inspecteur en fit en 1731 ; il a depuis été autorisé à les faire rendre en coupant les mailles trop serrées, & en achevant de terminer le sac avec un rets de seize à dix-huit lignes dans toute sa longueur.

Les rets qui composent les sacs des chaluts de ces pêcheurs, sont présentement en regle, ayant, suivant la déclaration du roi, dix-huit lignes en quarré.

Les mêmes pêcheurs, lorsqu'ils étoient en mer, substituoient, au lieu de leurs sacs à rets permis, un autre composé de petites mailles : ce qui s'est vérifié par la quantité des petites soles longues au plus de deux à trois pouces, qu'ils vendoient ; ils mettoient en dedans du sac des mailles permis, celui qui est abusif. Voyez CHALUT, & les figures dans nos Pl. de pêche.

RETS A MULETS, ou FILETS D'ENCEINTE, termes de Pêche, usités dans le ressort de l'amirauté de Coutance, & sortes de filets dont les pêcheurs se servent uniquement pour faire la pêche des mulets & autres especes de poissons qui vont en troupe, & qui s'assemblent souvent en grand nombre aux embouchures des rivieres.

Le filet dont les pêcheurs se servent, est formé de la même maniere que celui que l'on nomme dramet ou petit coleret ; mais il en differe en ce que le bas du filet n'est chargé ni de pierres, ni de plomb. La tête est garnie de flottes de liege ; ainsi on n'y peut prendre que des poissons ronds, tels que sont les mulets, les colins & les bars, qui se rassemblent volontiers dans les eaux dormantes & tranquilles, qui se forment toujours dans les coudes ou retours qui sont aux embouchures des rivieres qui ont une grande ouverture, & où il se trouve ordinairement des brasses ou bas-fonds. On ne peut avec ce filet prendre aucun poisson plat, parce qu'établi comme il l'est, il traîneroit inutilement ; & d'ailleurs il se trouve toujours élevé au-dessus du fond d'un pié ou dix-huit pouces au moins. Le ret a 4 à 5 piés de hauteur, & la maille est semblable à celle des manets à maquereaux, est de 17 lignes en quarré.

Lorsque les pêcheurs ont remarqué dans les eaux des naux, troupes, tourbillons, bouillons ou flottes de poissons, ce qu'ils connoissent aisément à la couleur de l'eau, ils enceignent la place de leurs filets ou muletieres, tous ces poissons nageant vers la surface de l'eau, se trouvent pris en resserrant leurs filets. De cette maniere on voit que ces pêcheurs ne traînent point à l'ouverture, comme font ceux qui se servent du coleret, & ils ne mettent leurs muletieres à l'eau, que quand ils ont observé des poissons attroupés de la maniere qu'on vient de le dire.

RETS ADMIRABLE, terme d'Anatomie, rete mirabile ; est un petit plexus ou lacis de vaisseaux qui entoure la glande pituitaire. Voyez PLEXUS & CERVEAU.

Le rets admirable est très-apparent dans les brutes ; mais il n'existe point dans l'homme, ou il est si petit, qu'on doute de son existence.

Willis dit que ce lacis est composé d'arteres, de veines & de fibres nerveuses.

Vieussens assure qu'il n'est fait que d'arteres ; & d'autres, d'arteres & de petites veines. Il avance avec plusieurs autres anatomistes, qu'il n'y a point de rets admirable dans l'homme, dans le cheval, dans le chien ; mais qu'on le trouve dans le veau, dans la brebis, dans la chevre.

Il a été décrit par Galien, qui l'ayant trouvé dans plusieurs animaux qu'il a disséqués, a cru qu'il existoit aussi dans l'homme ; mais celui-ci n'en a point. Il est vrai seulement qu'aux côtés de la glande pituitaire, où ils disent qu'il est, on observe que les arteres carotides y font une double flexion en forme de , avant que de percer la dure-mere.

Galien a cru que le rets admirable sert à cuire & à perfectionner les esprits animaux, comme les épididymes servent à perfectionner la semence. Voyez ESPRIT & SEMENCE.

Willis croit, avec plus de raison, qu'il sert à arrêter l'impétuosité du sang qui est porté du coeur au cerveau dans les animaux qui ont la tête pendante ; à séparer quelques-unes des parties séreuses & superflues du sang ; à les verser dans les glandes salivaires à mesure que le sang entre dans le cerveau, & à prévenir les obstructions qui pourroient se former dans les arteres.

RETS, s. m. pl. (Charronage) ce sont deux longs morceaux de bois d'orme, qui composent en partie la charrue des laboureurs, & qui servent à la remuer & à la diriger. Trévoux. (D.J.)


RETZS. f. (Com.) mesure de continence dont on se sert pour mesurer les grains à Philippeville & à Givet. Le retz de froment pese à Philippeville 55 livres poids de marc, celui de meteil 54, celui de seigle 52 1/2, & celui d'avoine 30 livres. A Givet, le retz de froment pese 47 livres, de meteil 46, & de seigle 45 liv. Diction. de Com. & de Trévoux.

RETZ ou RAIS, (Géog. mod.) en latin Ratiatensis pagus ; pays de France, dans la Bretagne. Il occupe la partie du diocèse de Nantes, qui est au midi de la Loire ; ce pays tiroit son nom d'une ville nommée Ratiatum, & faisoit autrefois partie du Poitou, & du diocèse de Poitiers. Charles le Chauve donna en 851 à Hérispée prince des Bretons, tout le pays de Retz (Ratiatensis) qu'il réunit à la Bretagne & au Nantois. Ce pays eut ensuite ses seigneurs, ou barons particuliers ; enfin il fut possédé en qualité de comté par la maison de Gondi, & érigé en duché-pairie en 1581, en faveur d'Albert de Gondi ; ce duché est à présent dans la maison de Villeroi. La ville de Retz qui en étoit la capitale, ne subsiste plus, c'est aujourd'hui Machecou dont on peut voir l'article. (D.J.)


REUDIGNI(Géog. anc.) peuple de la Germanie. Tacite les nomme entre ceux qui habitoient le nord de la Germanie, & qui adoroient la terre. (D.J.)


REUILLY(Géog. mod.) petite ville de France, dans le Berri, sur l'Arnon, à 6 lieues de Bourges, à 3 d'Issoudun, & à 4 de Vatan. Il y a un hôtel-Dieu nouvellement établi ; la taille y est personnelle, mais les habitans sont fort pauvres. (D.J.)


RÉUNION(Gram. & Jurisprud.) est l'action de rejoindre deux choses ensemble, comme quand on réunit au domaine du roi quelque héritage ou droit qui en avoit été démembré. Voyez DOMAINE, DEMEMBREMENT & UNION. (A)

REUNION, s. f. terme de Chirurgie ; action par laquelle on unit & maintient les levres d'une plaie rapprochées l'une de l'autre, afin que la nature puisse les consolider. Voyez CONSOLIDATION.

La réunion s'obtient par la situation de la partie, par le bandage & appareil méthodiques, & par la suture au moyen du fil & des aiguilles ; les premiers moyens sont préférables aux sutures, lorsqu'ils suffisent, & l'expérience a prouvé qu'ils suffisoient presque toujours ; comme M. Pibrac, directeur de l'académie royale de Chirurgie, l'a prouvé, dans une excellente dissertation sur l'abus des sutures, publiée dans le III. tome des mémoires de cette compagnie.

Les plaies en long se réunissent fort aisément par le bandage unissant. Voyez INCARNATIF. La situation de la partie, avec l'aide d'un bandage, suffit aux plaies transversales de la partie antérieure du col ; on a des exemples de plaies qui intéressoient la trachée artere presque entierement coupée, & qui ont été gueries par la seule attention de tenir la tête panchée en devant, le menton appuyé sur la partie superieure de la poitrine. On réunira de même les plaies transversales de la partie postérieure du col, en tenant la tête suffisamment renversée en arriere par un bandage convenable qui sera le divisif de la partie antérieure. Voyez DIVISIF.

Les plaies transversales du tendon d'Achille seront réunies par le bandage & la situation de la partie. Voyez RUPTURE & PANTOUFLE.

Les plaies transversales de la partie extérieure du poignet, avec ou sans lésion des tendons extenseurs, peuvent être réunies en ayant soin de tenir la main renversée ; il y a une machine fort utile pour ce cas. Voyez MACHINE pour tenir la main étendue.

Mais ce qui fait voir les grandes ressources de l'art, entre les mains de ceux qui sont nés avec le génie propre à l'exercer, c'est le bandage imaginé depuis peu par M. Pibrac, pour la réunion des plaies transversales de la langue ; cette partie est sujette à être coupée entre les dents, dans des chûtes, ou dans des attaques de convulsions épileptiques ou autres. Les anciens recommandoient la suture ; on sent de quelle difficulté il est de coudre la langue ; l'espece de bride que M. Pibrac a inventée, porte un petit sac dans lequel on contient facilement la langue de façon à obtenir sans inconvénient, la réunion de la plaie qui y a été faite. Voyez la Planche 36. fig. 1, 2, & 3. Le détail des cures operées par l'aide de ce bandage ingénieux, est dans le III. tome des mémoires de l'Académie royale de Chirurgie.

Les plaies obliques & transverses dont on ne peut espérer la réunion par la seule situation de la partie, admettent l'application des emplâtres agglutinatifs grillés, connus sous le nom de suture seche. Voyez Pl. 30. fig. 8. ou avec des languettes des mêmes emplâtres, fig. 5, 6, 7 ; on les avoit d'abord adoptées pour les plaies du visage, mais le bon effet dont elles y sont, a déterminé à les appliquer à la réunion de toutes sortes de plaies.

Pour se servir de la suture seche, on fait raser les environs de la plaie s'ils sont couverts de poils ; on lave la plaie pour la nettoyer des ordures, ou des simples caillots de sang qui s'opposeroient à la consolidation, comme des corps étrangers ; de l'eau tiede, ou du vin chaud suffisent pour cette lotion ; on rapproche ensuite les levres de la plaie, on les fait contenir par un aide, tandis qu'on applique les languettes enduites d'emplâtres de betoine, ou d'André de la Croix.

Dans les cas où l'on croiroit les points de suture indispensables, on en diminueroit le nombre, en interposant alternativement avec un point, une languette agglutinative ; cette suture mixte épargnera de la douleur au malade dans l'opération, & une partie des accidens qu'attirent presque toujours les points de suture.

Si un gonflement, une érésipèle, ou quelques éruptions cutanées obligeoient de lever l'emplâtre agglutinatif avant la consolidation parfaite de la plaie, ou lorsque la cicatrice est encore récente, il faudroit avoir la précaution de le lever par l'une de ses extrêmités, jusqu'auprès de la division, en appuyant un doigt sur la peau qui couvroit l'emplâtre, à mesure qu'il se détache, pour favoriser sa séparation, & empêcher les dilacérations qu'il pourroit occasionner par son adhérence ; on reprend ensuite l'autre extrêmité pour la conduire à pareille distance de l'autre levre de la division ; on détache le reste par de petits mouvemens opposés & alternatifs ; faute de prendre les mesures prescrites, on risqueroit de déchirer une cicatrice tendre, en tirant l'emplâtre d'un bout à l'autre suivant la même direction.

Le reste du pansement d'une plaie, réunie par la situation de la partie, le bandage & la suture seche, ne differe point du traitement ordinaire des plaies. Voyez PLAIE & SUTURE. (Y)


RÉUNIRv. act. (Gramm.) rejoindre, rapprocher, remettre ensemble ce qui étoit auparavant séparé. Réunissez-vous par un même repas ; les églises qui s'étoient séparées de la communion romaine, s'y sont réunies ; que de vertus réunies dans la même femme ! Voyez REUNION.


REUSLA, ou REUSS, (Géog. mod.) en latin Ursa ; riviere de la Suisse qui prend son origine dans le mont S. Gothard, d'un petit lac très-profond, nommé lago di Luzendro. La Reuss a dès sa source un cours fort impétueux. Elle se jette dans le lac de Lucerne, en sort ensuite, & finit par se perdre dans l'Aare, au-dessous de Windisch. (D.J.)


RÉUSSIRv. act. (Gram.) avoir du succès. Voyez l'article suivant.


RÉUSSITESUCCES, (Synonym.) ces deux substantifs mis seuls sans épithetes, signifient un événement heureux ; on les emploie indifféremment en fait d'ouvrages d'esprit ; mais on ne dit pas d'ordinaire la réussite des armes du roi, la réussite d'une négociation ; en ces rencontres, on se sert plus volontiers du mot succès, ainsi que pour les grandes affaires.

En fait de pieces de théâtre, on n'applique guere le mot succès, qu'aux pieces graves & sérieuses ; Tancrede a eu un grand succès. Ce ne seroit pas si bien parler, de dire, les plaideurs ont eu grand succès ; il faut dire, les plaideurs ont bien réussi, ou ont eu une bonne réussite. (D.J.)


REUTLINGEN(Géog. mod.) ville d'Allemagne, libre & impériale, au cercle de Souabe, dans le duché de Wurtemberg, à un mille au levant de Tubingen, sur l'Eschez, à 8 lieues au midi de Stutgard. Elle fut entourée de murailles en 1215 par l'empereur Fréderic. Les homicides involontaires y ont eu un sûr azyle. Long. 26. 43. lat. 48. 30.

Gryphius (Sébastien) nâquit à Reutlingen. Il se rendit célebre dans le xvj. siecle par la beauté & l'exactitude de ses impressions. Son fils Antoine Gryphius marcha sur ses traces, & se distingua par la belle bible in-folio qu'il mit au jour en 1550. (D.J.)


REVALIDERv. act. (Gram.) rendre valide derechef. Voyez les articles VALIDE & VALIDER.


REVALOIRv. n. (Gram.) rendre la pareille soit en bien soit en mal.


REVANCHES. f. (Gram.) réparation qu'on se fait à soi-même du tort qu'on a reçu ; j'aurai revanche, ou je ne pourrai. Il se prend aussi en bonne part ; il m'a donné une belle tabatiere, en revanche je lui ai fait présent d'un assez beau tableau. Donner la revanche au jeu, c'est jouer une seconde partie après avoir gagné la premiere ; c'est offrir à celui qui a perdu le moyen de réparer sa perte ; on gagne à un jeu, & l'on accorde la revanche à un autre ; on se revanche ; on en revanche un autre ; on néglige un mets, on se revanche sur un autre.


RÊVES. m. (Com.) ancien droit ou imposition qui se leve sur les marchandises qui entrent en France, ou qui en sortent. On dit ordinairement RÊVe & haut passage ; ces deux droits autrefois séparés, ont été depuis réunis ; on appelloit anciennement ce droit jus regni, droit de regne ou de souveraineté, d'où par corruption on a fait droit de resve. Voyez TRAITE FORAINE. Diction. de Com.

REVE, s. m. (Métaphysique) songe qu'on fait en dormant. Voyez SONGE.

L'histoire des RÊVes est encore assez peu connue, elle est cependant importante, non-seulement en médecine, mais en métaphysique, à cause des objections des idéalistes ; nous avons en RÊVant un sentiment interne de nous-mêmes, & en même-tems un assez grand délire pour voir plusieurs choses hors de nous ; nous agissons nous-mêmes voulant ou ne voulant pas ; & enfin tous les objets des RÊVes sont visiblement des jeux de l'imagination. Les choses qui nous ont le plus frappé durant le jour, apparoissent à notre ame lorsqu'elle est en repos ; cela est assez communément vrai, même dans les brutes, car les chiens RÊVent comme l'homme, la cause des RÊVes est donc toute impression quelconque, forte, fréquente & dominante.

REVE, (Médecine) Voici le sentiment de Lommius à ce sujet.

Les RÊVes sont des affections de l'ame qui surviennent dans le sommeil, & qui dénotent l'état du corps & de l'ame ; sur-tout s'ils n'ont rien de commun avec les occupations du jour ; alors ils peuvent servir de diagnostic & de prognostic dans les maladies. Ceux qui RÊVent du feu ont trop de bile jaune ; ceux qui RÊVent de fumée ou de brouillards épais, abondent en bile noire ; ceux qui RÊVent de pluie, de neige, de grêle, de glace, de vent, ont les parties intérieures surchargées de phlegme ; ceux qui se sentent en RÊVe dans de mauvaises odeurs, peuvent compter qu'ils logent dans leur corps quelque humeur putride ; si l'on voit en RÊVe du rouge, ou qu'on s'imagine avoir une crête comme un coq, c'est une marque qu'il y a surabondance de sang ; si l'on RÊVe de la lune, on aura les cavités du corps affectées ; du soleil, ce seront les parties moyennes ; & des étoiles, ce sera le contour, ou la surface extérieure du corps. Si la lumiere de ces objets s'affoiblit, s'obscurcit ou s'éteint, on en conjecturera que l'affection est légere, si c'est de l'air ou du brouillard qui cause de l'altération dans l'objet vu en RÊVe ; plus considérable si c'est de l'eau ; & si l'éclipse provient de l'interposition & de l'obscurcissement des élémens, ensorte qu'elle soit entiere, on sera menacé de maladie ; mais si les obstacles qui déroboient la lumiere viennent à se dissiper, & que le corps lumineux reparoisse dans tout son éclat, l'état ne sera pas dangereux ; si les objets lumineux passent avec une vîtesse surprenante, c'est signe de délire ; s'ils vont à l'occident, qu'ils se précipitent dans la mer, ou qu'ils se cachent sous terre, ils indiquent quelque indisposition. La mer agitée prognostique l'affection du ventre ; la terre couverte d'eau n'est pas un meilleur RÊVe, c'est une marque qu'il y a intempérie humide ; & si l'on s'imagine être submergé dans un étang, ou dans une riviere, la même intempérie sera plus considérable. Voir la terre séchée & brulée par le soleil, c'est pis encore ; car il faut que l'habitude du corps soit alors extrêmement seche. Si l'on a besoin de manger ou de boire, on RÊVera mets & liqueurs ; si l'on croit boire de l'eau pure, c'est bon signe ; si l'on croit en boire d'autre, c'est mauvais signe. Les monstres, les personnes armées, & tous les objets qui causent de l'effroi, sont de mauvais augure ; car ils annoncent le délire. Si l'on se sent précipité de quelque lieu élevé, on sera menacé de vertige, d'épilepsie ou d'apoplexie, sur-tout si la tête est en même tems chargée d'humeurs. Lommius, Méd. obs.

Nous avons tiré de Lommius ces observations, elles sont toutes d'Hippocrate, & méritent une attention singuliere de la part des Médecins ; car on ne peut nier que les affections de l'ame n'influent sur le corps, & n'y produisent de grands changemens. En effet, bien que ces observations paroissent de peu d'importance, & devoir être négligées d'abord, on sera détourné de penser de cette façon, pour peu que l'on refléchisse sur les lois qui concernent l'étroite union de l'ame avec le corps. (m)


REVÊCHES. f. (Lainage) étoffe de laine grossiere, non croisée & peu serrée, dont le poil est fort long, quelquefois frisé d'un côté, & d'autres fois sans frisure, suivant l'usage à quoi elle peut être destinée. Cette étoffe se fabrique sur un métier à deux marches, de même que la bayette ou la flanelle, à quoi elle a quelque rapport, sur-tout quand elle est de bonne laine, & qu'elle n'est point frisée. Les revêches se fabriquent ordinairement en blanc, & sont ensuite teintes en rouge, bleu, jaune, verd, noir, &c. On s'en sert à doubler des habits ; les femmes en doublent des jupons pour l'hiver ; les Miroitiers en mettent derriere leurs glaces pour en conserver l'étain ; les Coffretiers-malletiers en garnissent le dedans des coffres propres pour la vaisselle d'argent, & les Gaîniers s'en servent à doubler certains étuis. Savary. (D.J.)


REVEILS. m. (Physiol.) action par laquelle on cesse de dormir. L'action du reveil arrive ou naturellement & de soi-même, lorsque quelque objet fait une fois impression sur les sens externes ; ou quand l'irritation des excrémens fait une forte impression sur les sens externes ; ou quand ils produisent un sentiment incommode ; ou quand on est géné par la trop grande pression de la partie sur laquelle on est couché. En s'éveillant après avoir pris le repos nécessaire, on ouvre les paupieres, on bâille quelquefois, on devient bientôt en état de se mouvoir, parce que les forces sont rétablies, & que les esprits réparés portent le mouvement & le sentiment dans toutes les parties du corps. Voilà les phénomenes ordinaires du reveil ; mais il n'est pas aisé de les entendre & de les expliquer. (D.J.)

REVEIL, battement de tambour qui se fait dès le matin, pour faire savoir que le jour commence à paroître ; pour avertir les soldats de se lever, & les sentinelles de ne plus faire l'appel. Chambers.

C'est le tambour de la garde du camp qui fait cette batterie, à laquelle on donne le nom de diane. Ainsi battre la diane, c'est battre le tambour au point du jour, pour faire lever les soldats. (Q)

REVEIL-MATIN, s. m. Horloge avec une sonnerie qui ne bat qu'à l'heure qu'on veut. Voyez SONNERIE (Horlogerie), & le détail de cette machine dans les Pl.


REVEILLERv. act. (Gram.) c'est interrompre le sommeil. A quelqu'heure qu'il vienne, reveillez moi. Il se prend au figuré ; il s'est reveillé de son assoupissement, il s'occupe de ses devoirs : le bruit de cette aventure s'est reveillé : qui est-ce qui a reveillé cette affaire ? vous avez reveillé sa tendresse, son amour-propre, son amitié, sa haine : les prétentions qu'il reveille sont bien réelles : à quoi bon reveiller une querelle assoupie ?


RÉVEILLONS. m. (Peint.) c'est dans un tableau une partie piquée d'une lumiere vive, pour faire sortir les tons sourds, les masses d'ombres, les passages & les demi-teintes ; enfin pour reveiller la vûe du spectateur. (D.J.)


REVEL(Géog. mod.) grande ville de l'empire russien, dans la haute-Livonie, & capitale de l'Estonie, sur la côte de la mer Baltique, partie dans une plaine, & partie sur une montagne, avec une forteresse, à 56 lieues au nord de Riga, à 38 au couchant de Narva, & à 60 au couchant de S. Pétersbourg. Long. 42. 40. lat. 59. 24.

Waldemar II. roi de Danemarck, jetta les fondemens de cette ville au commencement du xij. siecle. Elle a été anséatique jusqu'en 1550. Les Suédois la posséderent ensuite, & aujourd'hui les Moscovites à qui elle appartient, y entretiennent un beau commerce de grains. On l'échange sur-tout contre le sel que les Hollandois amenent dans ce port, & dont il se consomme une grande quantité en Russie, où tout le pain est avec du sel.

La partie de Revel qui est sur la montagne, est occupée par des maisons neuves ; la partie d'en-bas est habitée par les petites gens. Le château domine la ville, & la Russie y entretient toujours une nombreuse garnison.

Revel étoit déja très-forte dans le xvj. siecle, car elle soutint alors deux sieges mémorables ; un en 1470, & l'autre en 1577, contre les Moscovites qui se retirerent avec perte. L'évêque qui est du rit grec, est suffragant de Riga.

Cette ville jouit encore des mêmes privileges dont elle jouissoit sous Charles XII. Elle ne paye presqu'aucun impôt ; elle conserve ses anciennes lois ; elle entretient une compagnie de soldats à elle, qui fait le service conjointement avec la garnison russe ; mais les paysans sont comme en Pologne & en Russie, les esclaves de leurs seigneurs, qui les vendent comme les bestiaux.

Revel est gouvernée par trois conseils ; celui du czar, qui a la puissance exécutrice ; celui des nobles, dont l'emploi est de veiller aux intérêts de la province ; & celui des magistrats de la ville, qui regle la police & les affaires civiles. (D.J.)

REVEL, (Géog. mod.) petite ville de France, dans le haut Languedoc, au diocèse de Lavaur, près de la riviere de Sor, à 2 lieues de S. Papoul : on l'appelloit anciennement la Bastide de Lavaur. Philippe-le-Bel l'érigea en ville, & la fit clorre de murailles. Les Calvinistes la fortifierent pendant les guerres de religion ; mais ses fortifications furent démolies en 1629. Cependant elle a continué de fleurir jusqu'à la révocation de l'édit de Nantes. Long. 19. 40. lat. 43. 28.

Martin (David), savant théologien, naquit à Revel en 1639 ; se réfugia à Utrecht en 1685, lors de la révocation de l'édit de Nantes, & y mourut en qualité de ministre de l'église françoise en 1721, âgé de 82 ans. Il a donné plusieurs ouvrages. On estime sur-tout son Histoire du vieux & du nouveau Testament, imprimée à Amsterdam en 1700, en 2 volumes infol. & enrichie de 424 figures fort proprement gravées. On a réimprimé à Amsterdam, le même ouvrage in-4 °. mais avec de plus petites figures. On a du même théologien la Ste Bible, avec une préface générale, des notes, des préfaces particulieres, & des lieux paralleles. Elle parut d'abord à Amsterdam en 1707, en 2 volumes in-fol. & la même année avec de plus petites notes in-4 °. On réimprima la même Bible sans notes, à Amsterdam en 1710 in-8 °. à Hambourg en 1726 in-8 °. & à la Haye en 1748 in-4 °. Tous les journaux du tems ont parlé de ces différentes éditions, ainsi que le P. le Long dans sa bibliotheca sacra, pag. 360 & 838. Enfin M. Martin étoit en commerce de lettres avec divers savans de grande réputation, tels que messieurs de Sacy, Dacier, Graevius, Ketnerus, Cuper & Mylord Wack, archevêque de Cantorbery, &c. (D.J.)


RÉVÉLATIONS. f. (Théolog.) En général, c'est l'acte de révéler, ou de rendre publique une chose qui auparavant étoit secrette & inconnue.

Ce mot vient du latin revelo, formé de re & de velum, voile, comme qui diroit tirer le voile ou le rideau qui cachoit une chose, pour la manifester & l'exposer aux yeux.

On se sert particulierement de ce mot révélation, pour exprimer les choses que Dieu a découvertes à ses envoyés & à ses prophetes, & que ceux-ci ont révélées au monde. Voyez PROPHETIE.

On l'employe encore dans un sens plus particulier pour signifier les choses que Dieu a manifestées au monde par la bouche de ses prophetes, sur certains points de spéculation & de Morale, que la raison naturelle n'enseigne pas, ou qu'elle n'auroit pu découvrir par ses propres forces ; & c'est en ce sens que la révélation est l'objet & le fondement de la foi. Voyez FOI.

La religion se divise en religion naturelle, & religion révélée. Voyez RELIGION.

La révélation considérée par rapport à la véritable religion, se divise en révélation juive, & révélation chrétienne. La révélation juive a été faite à Moïse, aux prophêtes, & aux autres écrivains sacrés dans l'ancien Testament. La révélation chrétienne a été faite par J. C. & à ses apôtres dans le nouveau. Voyez TESTAMENT.

Un auteur moderne a cru proposer une difficulté solide, en remarquant que les révélations sont toujours fondées sur des révélations antérieures. Ainsi, dit-il, la mission de Moïse suppose une premiere révélation faite à Abraham ; la mission de J. C. suppose celle de Moïse ; la prétendue mission de Mahomet suppose celle de J. C. la mission de Zoroastre aux Perses, suppose la religion des mages, &c. Mais outre que cette derniere allégation est une pure ignorance, puisque Zoroastre passe constamment pour l'instituteur de la religion des mages, & qu'on ne peut sans impiété, faire un parallele de deux imposteurs tels que Zoroastre & Mahomet, avec deux législateurs aussi divins que Moïse & J. C. on ne voit pas pourquoi la mission de J. C. ne supposeroit pas celle de Moïse, ou pourquoi celle-ci ne supposeroit pas une révélation faite à Abraham. Y a-t-il de l'absurdité à ce que Dieu manifeste par degrés aux hommes les vérités qu'il leur juge nécessaires ? Est-il indigne de sa sagesse & de sa bonté qu'il leur fasse des promesses dans un tems, & qu'il se réserve d'autres momens pour les accomplir ?

Toute révélation généralement est fondée sur ce que Dieu veut que l'homme connoisse ce qui le concerne plus particulierement, comme la nature de Dieu & ses mysteres, la dispensation de ses graces, &c. objets aux quels les facultés naturelles qu'il a plu à Dieu de donner à l'homme, ne peuvent atteindre par leurs propres forces ; elle a aussi pour but d'exiger de la part de l'homme, un culte plus particulier que celui qu'il rend à Dieu à titre de créateur & de conservateur, & de lui prescrire les lois & les cérémonies de ce culte, afin qu'il soit agréable aux yeux de la divinité.

Les révélations particulieres ont leur dessein & leur but caractéristique. Ainsi celles de Moïse & des prophêtes de l'ancienne loi, regardoient particulierement les Israëlites, considérés comme descendans d'Abraham. Le dessein de ces révélations semble avoir été de retirer ce peuple de son esclavage ; de lui donner un nouveau pays, de nouvelles lois, de nouvelles coutumes ; de fixer son culte ; de lui faire affronter hardiment toutes sortes de dangers, & braver tous ses ennemis, en lui imprimant fortement dans l'esprit qu'il étoit protégé & gouverné directement par la divinité même ; de l'empêcher de se mêler par des alliances avec les peuples voisins, sur l'opinion qu'il étoit un peuple saint, privilégié, chéri de Dieu, & que le Messie devoit naître au milieu de lui ; enfin, de lui laisser une idée de rétablissement, au cas qu'il vint à être opprimé, par l'attente d'un libérateur. C'est à quelques-unes de ces fins que toutes les prophéties de l'ancien Testament semblent tendre. Mais ajoutons qu'elles eussent été insuffisantes pour captiver un peuple aussi opiniâtre que les Hébreux, si ces révélations n'eussent été soutenues par des caracteres véritablement divins, le miracle & la prophétie.

La révélation chrétienne est fondée sur une partie de celle des Juifs. Le Messie est prédit & promis chez ces derniers ; il est manifesté & accordé chez les Chrétiens. Tout le reste des révélations qui regardent directement le peuple juif n'a plus lieu dans la loi nouvelle, à l'exception de ce qui concerne la Morale. Nous ne nous servons d'ailleurs que de la partie de cette ancienne révélation qui regarde le monde en général, & dans laquelle il est parlé de la venue du Messie.

Les Juifs s'attribuoient directement l'accomplissement de cette partie de leur révélation, pensant en être plus particulierement les objets que le reste du monde ; que c'étoit à eux exclusivement que le Messie étoit promis ; qu'il devoit être leur libérateur & le restaurateur de leur nation. Mais une nouvelle révélation est substituée à l'ancienne, tout change de face ; cette partie de l'ancienne étoit, comme il est démontré, toute allégorique & toute symbolique ; les prophéties qui y avoient rapport ne devoient point être prises à la lettre. Elles présentoient un sens charnel & grossier ; elles en cachoient un autre spirituel & sublime. Le Messie ne devoit pas être le restaurateur de la liberté & de la puissance temporelle des Juifs, qui étoient alors sous la domination des Romains ; mais il devoit rétablir & délivrer le monde qui avoit perdu toute justice, & s'étoit rendu l'esclave du péché. Il devoit prêcher la pénitence & la rémission des crimes ; & à la fin souffrir la mort, afin que tous ceux qui croiroient en lui fussent délivrés de l'esclavage de la mort & du péché, & qu'ils obtinssent la vie éternelle qu'il étoit venu leur acquérir par son sang.

Telle a été la teneur & le dessein de la révélation chrétienne, dont l'événement a été si différent & si éloigné de celui que se figuroit le peuple auquel le Messie avoit été promis en premier lieu ; ensorte qu'au lieu de rétablir & de confirmer les autres branches de leur révélation, elle les a au contraire détruites & renversées. L'avantage d'être enfant d'Abraham a cessé d'en être un particulier & propre aux Juifs ; tous les peuples de l'univers, sans distinction de juif ni de gentil, de grec ni de barbare, ayant été invités à jouir du même privilege. Et les Juifs refusant de reconnoître le Messie qui leur avoit été promis, comme incapables de voir que toutes les prophéties se trouvoient accomplies en lui, & que ces prophéties n'avoient qu'un sens allégorique & représentatif, ont été exclus des avantages de cette mission qui les regardoit particulierement ; & leur destruction totale est venue de la même cause d'où ils attendoient leur rédemption. Mais ce qu'ils ne sauroient se dissimuler, c'est que cette opiniâtreté même à rejetter le Messie, & cet aveuglement de leur part à n'interpréter les prophéties qui le concernent, que dans un sens littéral & charnel, & enfin leur ruine & leur dispersion ont été prédites. L'accomplissement de ces trois points devroit leur ouvrir les yeux sur le reste. C'est une preuve subsistante de la religion, & de la vérité de la révélation, attestée d'ailleurs suffisamment dans la loi nouvelle, comme dans l'ancienne, par les miracles & les prophéties de J. C. & de ses apôtres.

Ce double tableau suffit pour sentir l'utilité & la nécessité de la révélation, & pour voir d'un même coup-d'oeil l'enchaînement qui regne entre la révélation qui fait le fondement de la loi de Moïse, & celle qui sert de base à la religion de J. C.

Un auteur moderne qui a écrit sur la religion, définit la révélation, la connoissance de quelque doctrine que Dieu donne immédiatement, & par lui-même, à quelques-unes de ses créatures, pour la communiquer aux autres de sa part, & pour les en instruire.

Il ajoute que le terme de révélation pris à la rigueur, suppose dans celui qui la reçoit une ignorance absolue de ce qui en est l'objet. Mais que dans un sens moins restraint & plus étendu, il signifie la manifestation d'un point de doctrine, soit qu'on l'ignore, soit qu'on le connoisse parfaitement, soit qu'il soit simplement obscurci par les passions des hommes. Si la révélation a pour objet un point entierement inconnu, elle retient le nom de révélation ; si au contraire elle a pour objet un point connu ou obscurci, elle prend celui d'inspiration. Voyez INSPIRATION.

Après avoir démontré la nécessité de la révélation, par des raisons que nous avons rapportées en substance, & que le lecteur peut voir sous le mot RELIGION, il trace ainsi les caracteres que doit avoir la révélation, pour qu'on puisse en reconnoître la divinité. Nous ne donnerons ici que le précis de ce qu'il traite & prouve d'une maniere fort étendue.

Toute révélation, dit-il, peut être considérée sous trois différens rapports, ou en elle-même & dans son objet, ou dans sa promulgation, ou dans ceux qui la publient & qui en instruisent les autres.

1°. Pour qu'une révélation, considérée en elle-même & dans son objet, soit marquée au sceau de la divinité il faut, 1°. que ce qu'elle enseigne ne soit point opposé aux notions claires & évidentes de la lumiere naturelle. Dieu est la source de la raison aussi-bien que de la révélation. Il est par conséquent impossible que la révélation propose comme vrai, ce que la raison démontre être faux. 2°. Une révélation vraiment divine, ne peut être contraire à elle-même. Il est absolument impossible qu'elle enseigne comme vérité dans un endroit, ce qu'elle produit comme un mensonge dans un autre. Dieu qu'on en suppose être l'auteur & le principe, ne peut jamais se démentir. 3°. Une vraie révélation doit perfectionner les connoissances de la lumiere naturelle, sur tout ce qui regarde les vérités de la religion, & leur donner une consistance inébranlable ; parce que la révélation suppose un obscurcissement, ou des erreurs dans l'esprit humain, qu'elle doit dissiper. 4°. Elle ne doit être reçue comme émanée de Dieu, qu'autant qu'elle prescrit des pratiques capables de rendre l'homme meilleur, & de le rendre maître de ses passions. Le créateur étant par sa nature incapable d'autoriser une doctrine licencieuse. 5°. Toute révélation, pour prouver la doctrine qu'elle propose à croire, doit être claire & précise. C'est par bonté & par miséricorde que Dieu se détermine à instruire, par lui-même, ses créatures des vérités qu'elles doivent croire, ou des obligations qu'elles ont à remplir. Il est donc nécessaire qu'il leur parle clairement.

2°. La révélation, envisagée dans sa promulgation, pour être reçue comme divine doit être accompagnée de trois caracteres. 1°. Il est nécessaire que la promulgation en soit publique & solemnelle, parce que personne n'est tenu de se soumettre à des instructions qu'il ne connoît pas. 2°. Cette promulgation doit être revêtue de marques extérieures qui fassent connoître que c'est Dieu qui parle par la bouche de celui qui se dit inspiré ; sans cela on prendroit pour des oracles divins, les discours du premier fanatique. 3°. La prophétie & les miracles faits en confirmation d'une doctrine, annoncée de la part de Dieu, sont ces marques extérieures qui doivent accompagner la promulgation de la révélation, & conséquemment en démontrer la divinité ; parce que Dieu ne confiera jamais ces marques éclatantes de sa science de l'avenir, & de son pouvoir sur toute la nature, à un imposteur pour entraîner les hommes dans le faux.

3°. Les caracteres de la révélation, considérée dans ceux qui la publient & qui en instruisent les autres, peuvent être envisagés sous deux faces, comme les signes auxquels un homme peut connoître s'il est inspiré de Dieu, ou les marques auxquelles les autres peuvent reconnoître si un homme qui se dit envoyé de Dieu, est réellement revêtu de cette qualité.

Quant au premier moyen, 1°. Les merveilles opérées en confirmation de la divinité de la mission qu'on croit recevoir : 2°. des prédictions faites pour en constater la vérité, & qu'il voit s'accomplir : 3°. le pouvoir qu'il reçoit lui-même de faire des miracles, ou de prédire l'avenir, pouvoir confirmé par des effets dans l'un ou l'autre genre : 4°. l'humilité, le désintéressement, la profession de la saine doctrine ; toutes ces choses réunies sont des motifs suffisans à un homme qui les éprouve, pour se croire inspiré de Dieu.

Quant au second moyen, si le prophete a des moeurs saintes & réglées ; s'il annonce une doctrine pure ; si, pour la confirmer, il prédit l'avenir, & que ses prédictions soient vérifiées par l'événement ; s'il joint à cela le don des miracles, les autres hommes à ces traits doivent le reconnoître pour l'envoyé de Dieu, & ses paroles pour autant de révélations. Traité de la véritable religion, par M. de la Chambre, docteur de Sorbonne, tom. II. part. III. dissert. j. ch. j. ij. & iij. p. 202. & suiv.

Le mot de révélation se prend en divers sens dans l'Ecriture. 1°. Pour la manifestation des choses que Dieu découvre aux hommes d'une maniere surnaturelle, soit en songe, en vision ou en extase. C'est ainsi que S. Paul appelle les choses qui lui furent manifestées dans son ravissement au troisieme ciel. II. Cor. xij. 1. 7. 2°. Pour la manifestation de J. C. aux Gentils & aux Juifs. Luc, ij. 32. 3°. Pour la manifestation de la gloire dont Dieu comblera ses élus au jugement dernier. Rom. viij. 9. 4 °. Pour la déclaration de ses justes jugemens, dans la conduite qu'il tient tant envers les élus, qu'envers les réprouvés. Rom. xj. 5.

REVELATION, en grec, , est le nom qu'on donne quelquefois à l'Apocalypse de S. Jean l'évangeliste. Voyez APOCALYPSE.

REVELATION, (Jurisprud.) est une déclaration qui se fait par-devant un curé ou vicaire, en conséquence d'un monitoire qui a été publié, sur des faits dont on cherchoit à acquérir la preuve par la voie de ce monitoire.

Ces révélations n'étant point précédées de la prestation du serment, elles ne forment point une preuve juridique, jusqu'à ce que les témoins aient été répétés devant le juge dans la forme ordinaire de l'information ; jusqu'à ce moment elles ne sont regardées que comme de simples mémoires, auxquels les témoins peuvent augmenter ou retrancher.

Tous ceux qui ont connoissance du fait pour lequel le monitoire est obtenu, ne peuvent se dispenser de venir à révélation sans encourir la peine de l'excommunication ; les impuberes même, les ecclésiastiques, les religieux, & toutes personnes en général y sont obligées.

Il faut cependant excepter celui contre lequel le monitoire est publié, ses conseils, tels que les avocats, confesseurs, médiateurs, ses parens ou alliés jusqu'au quatrieme degré inclusivement. Voyez l'ordonnance de 1670, tit. 7. & le mot MONITOIRE. (A)


REVENANTadj. (Gramm.) qui revient ; c'est ainsi qu'on appelle les personnes qu'on dit reparoître après leur mort : on sent toute la petitesse de ce préjugé. Marcher, voir, entendre, parler, se mouvoir, quand on n'a plus ni piés, ni mains, ni yeux, ni oreilles, ni organes actifs ! Ceux qui sont morts le sont bien, & pour long-tems.


REVENDEURREVENDEUSE, (Commerce) celui ou celle qui fait métier de revendre. Voyez REVENDRE.

REVENDEUSE A LA TOILETTE, (Comm. secret) on appelle à Paris revendeuses à la toilette, certaines femmes dont le métier est d'aller dans les maisons revendre les hardes, nippes, & bijoux dont on se veut défaire ; elles se mêlent aussi de vendre & débiter en cachette, soit pour leur compte, soit pour celui d'autrui, certaines marchandises de contrebande ou entrées en fraude, comme étoffes des Indes, toiles peintes, dentelles de Flandre. Ce dernier négoce que font les revendeuses à la toilette, a été trouvé si pernicieux pour les droits du roi, & pour le bien des manufactures du royaume, qu'il y a plusieurs arrêts & réglemens qui prononcent des peines considérables contre celles qui le font. On nomme ces sortes de femmes revendeuses à la toilette, parce qu'elles se trouvent pour l'ordinaire le matin à la toilette des dames pour leur faire voir les marchandises & choses qu'elles ont à vendre, & encore parce qu'elles portent ordinairement les marchandises enveloppées dans des toilettes. Savary. (D.J.)


REVENDICATIONS. f. (Jurisprud.) est l'action par laquelle on reclame une chose à laquelle on prétend avoir droit.

Chez les Romains la revendication, appellée revindicatio, ou simplement vindicatio, étoit une action réelle que l'on pouvoit exercer pour trois causes différentes, savoir pour reclamer la propriété de la chose, ou pour reclamer une servitude sur la chose d'autrui, ou pour reclamer la chose d'autrui à titre de gage.

La revendication de propriété étoit universelle ou particuliere ; la premiere étoit celle par laquelle on reclamoit une universalité de biens comme une hérédité ; la seconde étoit celle par laquelle on reclamoit spécialement une chose.

On pouvoit revendiquer toutes les choses qui sont dans le commerce, soit meubles ou immeubles, les animaux, les esclaves, les enfans.

Toute la procédure que l'on observoit dans l'exercice de cette action est expliquée au digeste, liv. VI. titre j.

Parmi nous la revendication est aussi une action par laquelle on reclame une personne ou une chose.

La revendication des personnes a lieu lorsque le souverain reclame son sujet qui a passé sans permission en pays étranger. Le juge ou son procureur d'office peuvent revendiquer leur justiciable, qui s'est soustrait à la jurisdiction. Le juge revendique la cause, c'est-à-dire demande à un juge supérieur que celui-ci la lui renvoie. L'official peut aussi revendiquer un clerc qui plaide en cour laye, dans une matiere qui est de la compétence de l'official. Un supérieur régulier peut aussi revendiquer un de ses religieux qui s'est évadé. Voyez ASYLE, SOUVERAIN, SUJET, JURISDICTION, RESSORT, DISTRACTION, OFFICIAL, OFFICIALITE, CLERC, COUR LAYE, MOINE, RELIGIEUX, CLOITRE, APOSTAT.

La revendication d'une chose est lorsqu'on reclame une chose à laquelle on a droit de propriété, ou qui fait le gage & la sureté de celui qui la reclame.

Ainsi le propriétaire d'un effet mobilier qui a été enlevé, volé, ou autrement soustrait, le revendique entre les mains du possesseur actuel, encore qu'il eût passé par plusieurs mains.

Lorsque sous les scellés ou dans un inventaire il se trouve quelque chose qui n'appartenoit point au défunt, celui auquel la chose appartient peut la reclamer, c'est encore une espece de revendication.

Enfin le propriétaire d'une maison qui apprend que son locataire a enlevé ses meubles sans payer les loyers, peut saisir & revendiquer les meubles, afin qu'ils soient réintégrés chez lui pour la sureté des loyers échus, & même de ceux à échoir.

Toutes ces revendications ne sont que des actions qui ne donnent pas droit à celui qui les exerce de reprendre la chose de son autorité privée ; il faut toujours que la justice l'ordonne, ou que la partie intéressée y consente. Voyez LOCATAIRE, LOYERS, MEUBLES, PROPRIETAIRE, SAISIE, SCELLE, INVENTAIRE. (A)


REVENDREv. act. (Gram. & Com.) vendre ce qu'on a auparavant acheté. Les marchands détailleurs revendent en détail les marchandises qu'ils ont achetées en gros des marchands magasiniers. La profession des Fripiers n'est autre chose que de revendre, souvent fort cher, ce qu'ils ont acheté à bon marché. Diction. de Commerce.


REVENIRv. n. (Gram.) c'est venir une seconde ou plusieurs fois. Allez ; non, revenez. Il faut revenir au gîte. Le printems est revenu pour les plantes, mais l'hiver dure pour moi. Ces mets me reviennent, je n'en veux point manger. Il se porte à merveille, le voilà revenu. Je crois que cette plante voudroit revenir. Revenez à vous, vous n'êtes pas dans votre bon sens. Elle revient de sa défaillance. On dit qu'il est revenu de l'autre monde pour l'avertir de songer à lui, mais il a mal pris son tems, car son homme n'y étoit pas. Il me revient un bruit que vous parlez mal de moi. Revenons au fait, qu'en est-il ? avez vous dit cela ou non. J'en reviens à votre avis. C'est une mule, qui ne reviendra pas de son entêtement. Il est bien revenu de ces folies là. Croyez-vous qu'il revienne à Dieu ? Il faudroit qu'une offense fût bien grave, si je repoussois un ami qui me l'auroit faite & qui reviendroit à moi. C'est la bizarrerie de votre esprit, & non l'estime de son coeur qui vous fait revenir à elle. Eh bien, que vous en reviendra-t-il, pauvre poëte, après un triomphe passager ; encore quel triomphe ! une ignominie éternelle. Il me revient de cette terre quatre mille francs, bon an mal an. Il revient toujours sur la même corde. Je ne sais comment il a échappé ; je le croyois noyé, & le voilà revenu sur l'eau.

REVENIR, se dit, en terme de Commerce, du profit que l'on fait, ou que l'on espere tirer d'une société, d'une entreprise, de la cargaison d'un vaisseau, ou autre affaire de négoce. Il me reviendra mille écus, tous frais faits, de la vente de mes laines.

REVENIR, en terme de Teneurs de livres, se dit du total que plusieurs sommes additionnées ensemble produisent. Le premier chapitre de dépense revient à quinze mille livres.

REVENIR, se dit encore de ce qu'il en coûte pour l'achat ou la façon d'une chose. Ce velours me revient à dix écus, &c.

REVENIR, se dit aussi proverbialement dans le commerce. A tout bon compte revenir, c'est-à-dire qu'on peut recompter de peur d'erreur, ou que quand il y en auroit quelqu'une, il n'y a rien à perdre. Diction. de Commerce.

REVENIR, v. act. (Fromagerie) lorsque les fromages qui ont été affinés, se sont dans la suite sechés & durcis ; les fromagers les font porter dans des caves profondes & des lieux humides, pour les faire ramollir ; c'est ce qu'ils appellent faire revenir les fromages. (D.J.)

REVENIR, v. act. terme de Rotisseurs, c'est faire renfler la viande en la mettant sur des charbons allumés, ou sur un gril, sous lequel il y a de la braise, avant que de piquer ou de larder la viande ; on dit faire revenir une volaille, &c.


REVENOIRS. m. outil sur lequel les Horlogers mettent les pieces d'acier pour leur donner différens recuits, ou leur faire prendre la couleur bleue. Cet outil est ordinairement fait d'une lame d'acier ou de cuivre très-mince, dont les bords sont pliés, pour empêcher les pieces qu'on met dessus de tomber dans le feu, ou sur la chandelle ; il a une queue par laquelle on le tient.


REVENTES. f. (Comm.) vente réitérée ; on nomme ordinairement marchandises de revente celles qui ne sont pas neuves & qui ne s'achetent pas de la premiere main, comme celles qui se trouvent chez les marchands fripiers, ou qui sont entre les mains des revendeuses.


REVENU(Gram.) participe du verbe revenir. Voyez REVENIR.

REVENU, (Jurisprudence) est le profit annuel que l'on tire d'une chose, comme des fruits que l'on recueille en nature, une rente en argent, ou en grains, ou autre chose. Voyez RENTE. (A)

REVENUS DE L'ETAT, (Gouvernement politique) les revenus de l'état, dit M. de Montesquieu, sont une portion que chaque citoyen donne de son bien pour avoir la sureté de l'autre, ou pour en jouir agréablement.

Pour bien fixer ces revenus, il faut avoir égard & aux nécessités de l'état, & aux nécessités des citoyens ; il ne faut point prendre au peuple sur ses besoins réels, pour des besoins de l'état imaginaires.

Les besoins imaginaires, sont ce que demandent les passions & les foiblesses de ceux qui gouvernent, le charme d'un projet extraordinaire, l'envie malade d'une vaine gloire, & une certaine impuissance d'esprit contre les fantaisies. Souvent ceux qui, avec un esprit inquiet, étoient sous le prince à la tête des affaires, ont pensé que les besoins de l'état étoient les besoins de leurs petites ames.

Il n'y a rien que la sagesse & la prudence doivent plus regler que cette portion qu'on ôte, & cette portion qu'on laisse aux sujets. Ce n'est point à ce que le peuple peut donner, qu'il faut mesurer les revenus publics, mais à ce qu'il doit donner ; & si on les mesure à ce qu'il peut donner, il faut que ce soit dumoins à ce qu'il peut toujours donner.

La connoissance exacte des revenus d'un état, conduit naturellement à distinguer ceux dont la ressource est la plus étendue & la plus assurée ; ceux qui sont le moins utiles à l'état ; ceux qui soulagent davantage le peuple ; ceux qui payent le plus également, & dès-lors le plus facilement ; ceux en conséquence qui lui sont à charge ; ceux enfin dont la perception nuit aux autres : observations importantes, & sur lesquelles on ne sauroit trop souvent jetter les yeux.

Ce n'est pas ici le lieu de discuter quelle est la meilleure méthode de la ferme ou de la régie, pour la perception des revenus d'un état, nous nous contenterons seulement d'observer que la derniere de ces deux opérations a pour elle le suffrage des plus beaux génies & des meilleurs citoyens. On leur objecte que des régisseurs seroient avares de soins & prodigues de frais ; mais ils répondent, 1° qu'il seroit aisé d'exciter leur zele & de diminuer leurs dépenses ; ils ajoutent en second lieu, que dès qu'une fois la levée des revenus de l'état a été faite par les fermiers, il est aisé d'en établir la régie avec un succès assuré ; ils citent pour preuve l'Angleterre, où l'administration de l'accise, & du revenu des postes, telle qu'elle est aujourd'hui, a été empruntée des fermiers. Cependant si quelqu'un croyoit encore nécessaire de préférer les fermes à la régie, on devroit alors nécessairement resserrer dans les bornes de la justice le gain immense des fermiers, en convenant avec eux d'une somme fixée pour le prix du bail, & en même tems d'une somme pour la régie dont ils rendroient compte. Comme par ce moyen une partie des fermiers résideroit dans les provinces, le trésor public grossiroit de tout le montant de ce que gagnent les sous-fermiers, qui ne sont utiles que dans le cas où l'on n'admet point la concurrence à l'enchere des fermes, de peur qu'un seul corps de finance existant, ne donne la loi au gouvernement ; enfin le nombre de mains onéreuses & inutiles qui perçoivent les revenus de l'état, diminueroit considérablement, la régie seroit douce, exacte, éclairée, & les profits des fermes seroient toujours assez grands pour en soutenir le crédit. Esprit des lois. (D.J.)

REVENU, donner le, terme d'Aiguiller, donner le revenu aux aiguilles, ou les faire revenir, c'est les mettre dans une poîle sur un feu plus ou moins vif, suivant la grosseur des aiguilles, après qu'elles ont reçu la trempe, afin de leur donner du corps. Savary. (D.J.)

REVENU de cerf, de daim, & de chevreuil, c'est la nouvelle tête que ces animaux poussent après avoir mis bas la derniere.


RÊVERv. n. (Gram.) c'est avoir l'esprit occupé pendant le sommeil. Il est certain qu'on RÊVe, mais il n'est rien moins que certain qu'on RÊVe toujours, & que l'ame n'ait pas son repos comme le corps. On appelle RÊVerie toute idée vague, toute conjecture bizarre qui n'a pas un fondement suffisant, toute idée qui nous vient de jour & en veillant, comme nous imaginons que les RÊVes nous viennent pendant le sommeil, en laissant aller notre entendement comme il lui plait, sans prendre la peine de le conduire ; qu'écrivez-vous là ? je ne sais ; une RÊVerie qui m'a passé par la tête, & qui deviendra quelque chose ou rien. RÊVeur est aussi synonyme à distrait. Vous RÊVez en si bonne compagnie, cela est impoli. Il marque en d'autres occasions un examen profond ; croyez que j'y ai bien RÊVé. Voyez les articles REVE & SONGE.


RÉVERBÉRATIONterme de Physique, qui signifie en général l'action d'un corps qui en repousse ou en réfléchit un autre après en avoir été frappé. Voyez REFLEXION.

Ce mot est formé des mots latins re & verbero, c'est-à-dire frapper une seconde fois.

Dans les fournaises des faiseurs de verre, la flamme est réverbérée, ou se réfléchit sur elle-même, de façon qu'elle mine toute la matiere d'alentour. Les échos viennent de la réverbération du son produite par des obstacles qui le renvoient. Voyez ÉCHO.

Dans l'usage ordinaire, le mot réverbération s'applique principalement à la réflexion de la lumiere & de la chaleur. Ainsi on dit d'une cheminée qui renvoie beaucoup de chaleur, que la réverbération y est très-grande, d'un corps qui ne reçoit pas directement les rayons du soleil qu'il les reçoit par réverbération, &c. Voyez REFLEXION. (O)


RÉVERBEREFOURNEAU DE, (Chymie) voyez l'article FOURNEAU & nos Planches de Chymie & de Métallurgie.


RÉVERBERERv. act. c'est exposer au feu de réverbere, ou calciner par la flamme réfléchie.


REVERCHERREVERCHER

Observez que les gouttes se reverchent toujours par le dessus des pieces en poterie, & par le dessous en vaisselle, & le drapeau à sable se met en-dedans.


REVERDIES. f. (Marine) on appelle ainsi sur certaines côtes de Bretagne les grandes marées. Voyez MAREE.


REVERDIRv. neut. (Jardinage) c'est redevenir verd ; on fait reverdir des palissades vives, en jettant à leur pié du jus du fumier de pourceau. Un jeune plant par les arrosemens & les labours reverdit aussitôt.


RÉVÉRENCES. f. (Gram.) terme qui exprime le respect qu'on porte aux choses sacrées, aux prêtres, aux temples, aux images, aux sacremens. N'oubliez jamais la révérence des lieux saints. Portez aux magistrats la révérence qu'on doit à ceux qui sont chargés du dépôt des lois & du soin de rendre la justice. Il est rare de parler des devoirs que la révérence du mariage exige d'une femme sans y manquer.


RÉVÉRENDadj. (Gram.) titre que l'on donne par respect aux ecclésiastiques. Voyez TITRE & QUALITE.

On appelle les religieux révérends peres, les abbesses, prieures, &c. révérendes meres. Voyez ABBE, RELIGIEUX, &c.

Les évêques, archevêques, abbés, &c. ont tous en France le titre de révérendissime. Voyez ÉVEQUE.


RÉVERENTIELLECRAINTE, (Jurisprudence) voyez le mot CRAINTE.


RÉVÉRERv. act. (Gram.) honorer, respecter, vénérer. Voyez l'article REVERENCE.


RÊVERIES. f. (Gram.) voyez les articles REVE & REVER.


REVERNIRv. act. (Gram.) c'est revernir derechef. Voyez les articles VERNIS & VERNIR.


REVERSS. m. (Gram.) c'est le côté qu'on ne voit qu'en retournant la chose ; on dit revers d'un feuillet ; le revers d'une image ; le revers de la main ; frapper de revers, c'est frapper de gauche à droite avec un bâton, un sabre qu'on tient de la droite.

Revers se prend aussi pour vicissitude fâcheuse ; la fortune d'un commerçant est sujette à d'étranges revers ; la vie est pleine de revers. La vertu la plus essentielle a un être condamné à vivre, est donc la fermeté qui nous apprend à les soutenir. Le revers d'une manche en est le dessous. Voyez les articles suivans.

REVERS, (Art numismatiq.) c'est la face de la médaille qui est opposée à la tête ; mais comme c'est le côté de la médaille qu'il importe le plus de considérer, je me propose de le faire avec quelque étendue d'aprés les instructions du P. Jobert, embellies des notes de M. le baron de la Bastie.

Il est bon avant toutes choses de se rappeller que les médailles, ou plutôt les monnoies romaines, ont été assez long-tems non-seulement sans revers, mais encore sans aucune espece de marque. Le roi Servius Tullius fut le premier qui frappa de la monnoie de bronze, sur laquelle il fit graver la figure d'un boeuf, d'un bélier ou d'un porc ; & pour-lors on nomma cette monnoie pecunia, à pecude. Quand les Romains furent devenus maîtres de l'Italie, ils battirent de la monnoie d'argent sous le consulat de C. Fabius Pictor & de Q. Ogulnius Gallus, cinq ans devant la premiere guerre punique ; la monnoie d'or ne se battit que 62 ans après.

La république étant florissante dans ces heureux tems, on se mit à décorer les médailles & à les perfectionner.

La tête de Rome & des divinités succéda à celle de Janus, & les premiers revers furent tantôt Castor & Pollux à cheval, tantôt une Victoire poussant un char à deux ou à quatre chevaux, ce qui fit appeller les deniers romains, victoriati, bigati, quadrigati, selon leurs différens revers.

Bientôt après les maîtres de la monnoie commencerent à la marquer de leurs noms, à y mettre leurs qualités, & à y faire graver les monumens de leurs familles ; desorte qu'on vit les médailles porter les marques des magistratures, des sacerdoces, des triomphes des grands, & même de quelques-unes de leurs actions les plus glorieuses. Telle est dans la famille Aemilia, M. Lepidus Pont. Max. Tutor Regis. Lépidus en habit de consul met la couronne sur la tête au jeune Ptolomée, que le roi son pere avoit laissé sous la tutele du peuple romain ; & de l'autre côté, on voit la tête couronnée de tours de la ville d'Alexandrie, capitale du royaume, où se fit la cérémonie, Alexandrea. Telle, dans la même famille, est la médaille où le jeune Lépidus est représenté à cheval, portant un trophée avec cette inscription : M. Lepidus annorum XV. praetextatus, hostem occidit, civem servavit. Telle dans la famille Julia, celle de Jules-César, qui n'étant encore que particulier & n'osant faire graver la tête, se contenta de mettre d'un côté un éléphant avec le mot Caesar : mot équivoque, qui marquoit également & le nom de cet animal en langue punique, & le surnom que Jules portoit sur le revers ; en qualité d'augure & de pontife, il fit graver les symboles de ces dignités ; savoir le sympule, le goupillon, la hache des victimes & le bonnet pontifical : ainsi sur celle où l'on voit la tête de Cérès, il y a le bâton augural & le vase. Telle enfin dans la famille Aquilia, la médaille, où par les soins d'un III. Vir monétaire de ses descendans, M. Aquilius qui défit en Sicile les esclaves révoltés, est représenté revêtu de ses armes, le bouclier au bras, foulant aux piés un esclave, avec ce mot Sicilia.

Voilà comme les médailles devinrent non-seulement considérables pour leur valeur en qualité de monnoies, mais curieuses pour les monumens dont elles étoient les dépositaires, jusqu'à ce que Jules César s'étant rendu maître absolu de la république sous le nom de dictateur perpétuel, on lui donna toutes les marques de grandeur & de pouvoir, & entre autres le privilege de marquer la monnoie de sa tête & de son nom, & de tel revers que bon lui sembleroit. Ainsi les médailles furent dans la suite chargées de tout ce que l'ambition d'une part & la flatterie de l'autre furent capables d'inventer, pour immortaliser les princes bons & méchans. C'est ce qui les rend aujourd'hui précieuses, parce que l'on y trouve mille événemens dont l'histoire souvent n'a point conservé la mémoire, & qu'elle est obligée d'emprunter de ces témoins, auxquels elle rend témoignage à son tour sur les faits que l'on ne peut démêler que par les lumieres qu'elle fournit. Ainsi nous n'aurions jamais su que le fils qu'Antonin avoit eu de Faustine eût été nommé Marcus Annius Galerius Antoninus, si nous n'avions une médaille grecque de cette princesse , & au revers la tête d'un enfant de dix à douze ans. . Qui sauroit qu'il y a eu un tyran nommé Pacatianus, sans la belle médaille d'argent du cabinet du P. Chamillard, qui est peut-être le seul Pacatianus ? Qui sauroit que Barbia a été femme d'Alexandre Sévere, & Etruscille femme de Décius, & non pas de Volusien, & cent autres choses semblables, dont on est redevable à la curiosité des antiquaires ?

Pour faire connoître aux curieux qui commencent à goûter les medailles, la beauté & le prix de ces revers, il faut savoir qu'il y en a de plusieurs sortes. Les uns sont chargés de figures ou de personnages ; les autres de monumens publics ou de simples inscriptions ; je parle du champ de la médaille, pour ne pas confondre ces inscriptions avec celles qui sont autour, que nous distinguerons par le nom de légende. Voyez LEGENDE & INSCRIPTION.

Les noms des monétaires, dont nous avons un fort grand nombre, se trouvent sur plusieurs médailles ; on peut y joindre tous les duumvirs des colonies. Les autres magistratures se rencontrent plus souvent dans les consulaires que dans les imperiales.

Quelquefois il n'y a que le nom des villes ou des peuples, Segobriga, Caesar-Augusta, Obuleo, , &c.

Quelquefois le seul nom de l'empereur, comme Constantinus Aug. Constantinus Caesar, Constantinus Nob. Caesar, &c. ou même le seul mot Augustus.

Quant aux revers chargés de figures ou de personnages, le nombre, l'action, le sujet les rendent plus ou moins précieux ; car pour les médailles dont le revers ne porte qu'une seule figure qui représente ou quelque vertu, par laquelle la personne s'est rendue recommandable, ou quelque déïté qu'elle a plus particulierement honorée : si d'ailleurs la tête n'est pas rare, elles doivent être mises au nombre des médailles communes, parce qu'elles n'ont rien d'historique qui mérite d'être recherché.

Il faut bien distinguer ici la simple figure dont nous parlons, d'avec les têtes ou des enfans, ou des femmes, ou des collegues de l'empire, ou des rois alliés : c'est une regle générale chez tous les connoisseurs que les médailles à deux têtes sont presque toujours rares, comme Auguste au revers de Jules, Vespasien au revers de Tite, Antonin au revers de Faustine, M. Aurele au revers de Verus, &c. d'où il est aisé d'inférer que quand il y a plus de deux têtes, la médaille en est encore plus rare. Tel est Sévere au revers de ses deux fils Géta & Caracalla, Philippe au revers de son fils & de sa femme, Adrien au revers de Trajan, de Plautine. Le P. Jobert ajoute la médaille de Néron au revers d'Octavie ; mais cette médaille ne doit pas être mise au nombre des plus rares ; c'est uniquement la tête de cette princesse qui rend la médaille curieuse.

Les médailles qui ont la même tête & la même légende des deux côtés, ne sont pas aussi de la premiere rareté. M. Vaillant en rapporte une d'argent d'Otacille. Elles sont plus communes en moyen-bronze, surtout dans Trajan & dans Adrien.

Il est donc vrai généralement que plus les revers ont des figures, & plus ils sont à estimer, particulierement quand ils marquent quelque action mémorable. Par exemple, la médaille de Trajan, Regna Adsignata, où il paroît trois rois au pié d'un théatre, sur lequel on voit l'empereur qui leur donne le diadême. Le congiaire de Nerva à cinq figures, Congiar. P. R. S. C. une allocution de Trajan, où il y a sept figures ; une d'Adrien au peuple, où il y en a huit sans légende ; une autre aux soldats, où il y en a dix ; une médaille de Faustine, Puellae Faustinianae, qui se trouve en or & en argent, mais qui est également rare en ces deux métaux. Dans la médaille d'argent, il y a seulement six figures ; & dans celle d'or, il y en a douze ou treize.

Les monumens publics donnent assurément au revers des médailles une beauté particuliere, surtout quand ils marquent quelques événemens historiques. Telle est la médaille de Néron, qui présente le temple de Janus fermé, & pour légende, Pace P. R. Terrâ Marique Pactâ, Janum clusit. Telle est encore une médaille très-rare, citée par M. Vaillant, dans laquelle, avec la légende Pace P. R. &c. on trouve au lieu du temple de Janus Rome assise sur un tas de dépouilles des ennemis, tenant une couronne de la main droite, & le parazonium de la gauche. Mettons au nombre de ces beaux monumens l'amphithéatre de Tite, la colonne navale, le temple qui fut bâti, Romae & Augusto, les trophées de M. Aurele & de Commode, qui sont les premiers connus par les curieux.

Les animaux différens qui se rencontrent sur les revers en augmentent aussi le mérite, sur tout quand ce sont des animaux extraordinaires. Tels sont ceux que l'on faisoit venir à Rome des pays étrangers pour le divertissement du peuple dans les jeux publics, & particulierement aux jeux séculaires, ou ceux qui représentent les enseignes des légions qu'on distinguoit par des animaux différens. Ainsi voyons-nous les légions de Galien, les unes avec un porc-épic, les autres avec un Ibis, avec le pégase, &c. & dans les médailles de Philippe, d'Otacille, de leur fils, Saeculares Augg. les revers portent la figure des animaux qu'ils firent paroître aux jeux séculaires, dont la célébration tomba sous le regne de Philippe, & dans lesquels ce prince voulut étaler toute sa magnificence, afin de regagner l'esprit du peuple que la mort de Gordien avoit extrêmement aigri. Jamais l'on n'en vit de tant de sortes : un rhinocéros, trente-deux éléphans, dix tigres, dix élans, soixante lions apprivoisés, trente léopards, vingt hyenes, un hippopotame, quarante chevaux sauvages, vingt archoléons, & dix camélopardales. On voit la figure de quelques-uns sur les médailles du pere, de la mere & du fils, & entr'autres de l'hippopotame & du strepsikéros envoyé d'Afrique.

Il est bon de savoir que quand les spectacles devoient durer plusieurs jours, on n'exposoit chaque jour aux yeux du public, qu'un certain nombre de ces animaux, pour rendre toujours la fête nouvelle ; & qu'on avoit soin de marquer sur les médailles la date du jour où ces animaux paroissoient. Cela sert à expliquer les chiffres I. II. III. IV. V. VI. qui se trouvent sur les médailles de Philippe, de sa femme & de son fils. Ils nous apprennent que tels animaux parurent le premier, le second, le troisieme ou le quatrieme jour.

On voit des éléphans bardés dans Tite, dans Antonin Pie, dans Sévere, & dans quelques autres empereurs, qui en avoient fait venir pour embellir les spectacles qu'ils donnoient au peuple. Au reste tout ce qu'on peut dire sur les éléphans représentés au revers des médailles, se trouve réuni dans l'ouvrage posthume du célebre M. Cuper, intitulé Gisberti Cuperi.... de elephantis in nummis obviis exercitationes duae, & publié dans le troisieme volume des antiquités romaines de Sallengre. Hag. Com. 1719.

On rencontre aussi quelques autres animaux plus rares, témoin le phénix dans les médailles de Constantin & de ses enfans, à l'exemple des princes & des princesses du haut empire, pour marquer par cet oiseau immortel, ou l'éternité de l'empire, ou l'éternité du bonheur des princes mis au nombre des dieux immortels. Mademoiselle Patin a donné sur ce sujet une belle dissertation latine, qui fait honneur au pere & à la fille. Il y a dans le cabinet du roi de France une médaille grecque apportée d'Egypte, où l'on voit d'un côté la tête d'Antonin Pie, & au revers un phénix avec la légende , Aeternitas, pour apprendre que la mémoire d'un si bon prince ne mourroit jamais.

Mais parmi les médailles qui ont des oiseaux à leurs revers, il n'y en a guere de plus curieuses que celles en petit bronze du même Antonin & d'Adrien. La médaille d'Adrien représente un aigle, un paon, & un hibou sur la même ligne, avec la simple légende Cos. III. pour Adrien, & Cos. IV. pour Antonin Pie. Ces médailles s'expliquent aisément par le moyen d'un médaillon assez commun d'Antonin Pie, dont le revers représente Jupiter, Junon & Minerve. C'est à ces trois divinités que se rapporte le type des trois oiseaux, dont l'aigle étoit consacré à Jupiter, le paon à Junon, & le hibou à Minerve.

On trouve encore sur les médailles d'autres oiseaux & d'autres animaux, soit poissons, soit monstres fabuleux, & même certaines plantes extraordinaires, qui ne se rencontrent que dans des pays particuliers, comme on peut l'apprendre en détail de l'illustre Spanheim, dans sa troisieme dissertation de praestantiâ & usu numismatum.

Nous devons observer aussi que souvent l'empereur ou l'impératrice, dont la médaille porte la tête en grand volume, se voit encore placé sur le revers, ou debout ou assis, sous la figure d'une déité ou d'un génie, & sa figure est quelquefois gravée avec tant d'art & de délicatesse, que quoique le volume en soit très-petit & très-fin, on y reconnoît néanmoins parfaitement le même visage, qui est en relief de l'autre côté. Ainsi paroît Néron dans sa médaille Decursia. Ainsi l'on voit Adrien, M. Aurele, Sévere, Dece, &c. avec les attributs de certaines déités, sous la forme desquelles on aimoit à les représenter pour honorer leurs vertus civiles ou militaires.

Considérons à présent la maniere dont on peut ranger les différens revers des médailles, pour rendre les cabinets plus utiles ; cet arrangement se peut faire de deux façons ; l'une sans donner au revers d'autre liaison que d'appartenir à un même empereur ; l'autre en les liant par une suite historique, selon l'ordre des tems & des années, que nous marquent les consulats & les différentes puissances de tribun. Rien ne seroit plus instructif que cette liaison, cet ordre chronologique par les consulats & par les années différentes des puissances tribuniciennes ; rien de plus naturel & de plus commode en même tems, que de ranger les médailles suivant ce plan. C'est-là sans doute ce qui a déterminé Occo & Mezzabarba à le suivre. Mais malheureusement le plus grand nombre des médailles n'a aucune de ces marques chronologiques ; & il y en a assez peu dont les rapports à des événemens connus, puissent nous servir à fixer l'époque de l'année où elles ont été frappées. Aussi l'arrangement que les deux antiquaires, dont je viens de parler, ont donné aux médailles impériales, est-il souvent purement arbitraire. Outre cela, comme dans le bas empire on trouve très-rarement les consulats & les puissances tribunitiennes des empereurs, marqués sur leurs médailles ; qu'on n'y lit même jamais ces sortes d'époques après Constantin le jeune, il est absolument impraticable d'arranger chronologiquement une suite impériale complete .

Il y a un autre ordre plus savant qu'a suivi Oiselius : sans s'arrêter à ranger à part ce qui regarde chaque empereur, il n'a songé qu'à réunir chaque revers à certaines especes de curiosité, & par ce moyen on apprend avec méthode, tout ce qui se peut tirer de la science des médailles. Voici la maniere dont il a exécuté son plan, qu'il a peut-être emprunté de Goltzius, & qui paroît venir originairement des dialogues du savant archevêque de Tarragone, Antonio Augustino.

D'abord il s'est contenté de placer une suite de têtes impériales, la plus complete qu'il a pû ; ensuite il a rassemblé tous les revers qui portoient quelque chose de géographique, c'est-à-dire qui marquoient ou des peuples, ou des provinces, ou des villes, ou des fleuves, ou des montagnes. De ces revers il en a fait huit planches ; soit qu'il ait voulu simplement fournir un modele aux curieux, soit qu'en effet il ne connût que les médailles dont il nous donne la description, & sur lesquelles il dit tout ce qu'il sait.

Il a mis ensuite ce qui regarde les déités des deux sexes, y joignant les vertus, qui sont comme des divinités du second ordre. Telles sont la Constance, la Clémence, la Modération ; ce qui compose une suite assez nombreuse.

On trouve après cela en quatre planches tous les monumens de la paix, les jeux, les théatres, les cirques, les libéralités, les congiaires, les magistrats, les adoptions, les mariages, les arrivées dans les provinces ou dans les villes, &c.

Dans les planches suivantes on voit tout ce qui concerne la guerre, les légions, les armées, les victoires, les trophées, les allocutions, les camps, les armes, enseignes, &c.

Dans une seule planche est réuni tout ce qui appartient à la religion ; les temples, les autels, les sacerdoces, les sacrifices, les instrumens, les ornemens des augures & des pontifes. Il auroit pû fort bien y rapporter les apothéoses ou les consécrations qu'il a mises à part, & qui sont marquées par des aigles, par des paons, par des autels, par des temples, par des buchers, par des chars tirés à deux ou à quatre éléphans, ou à deux mules ou à quatre chevaux.

Enfin il rassemble tous les monumens publics & les édifices qui servent à immortaliser la mémoire des princes ; comme les arcs-de-triomphe, les colonnes, les statues équestres, les ports, les grands chemins, les ponts, les palais.

Mais le R. P. dom Anselme Banduri s'est déterminé à ne donner aux médailles de son grand recueil d'autre arrangement que l'ordre alphabétique des légendes des revers. Cependant comme dans le haut empire, les consulats, les puissances tribunitiennes, & le renouvellement du titre d'imperator se rencontrent plus fréquemment ; les personnes qui ont des cabinets nombreux pourroient d'abord commencer par ranger suivant l'ordre des années, les médailles de chaque empereur, qui portent ces caracteres chronologiques, & y joindre même les autres médailles dont on peut déterminer la date par celle des événemens auxquels elles font allusion ; & quant aux médailles qui n'ont aucune marque par où l'on puisse surement juger du tems où elles ont été frappées, on les mettroit à la suite des autres, en suivant comme a fait le P. Banduri, l'ordre alphabétique des revers.

Les curieux peuvent opter entre la méthode d'Oisélius & celle du P. Banduri ; elles n'ont l'une & l'autre qu'un seul desagrément, c'est qu'il faut mêler ensemble les têtes, les métaux & les grandeurs ; mais on ne peut pas réunir tous les avantages.

Les revers se trouvent donc souvent chargés des époques des tems ; ils le sont aussi des marques de l'autorité du sénat, du peuple & du prince, du nom des villes où les monnoies ont été frappées, des marques différentes des monétaires ; enfin de celles de la valeur de la monnoie.

Comme les époques marquées sur les médailles servent beaucoup à éclaircir l'histoire par la chronologie, nous en avons fait un article à part. Voyez MEDAILLES, (époques marquées sur les).

Les marques de l'autorité publique sur les revers des médailles quand elles ne sont point en légende ou en inscription, sont ordinairement ou S. C. ou . E. par abreviation ; d'autres fois on lit tout au long Populi jussu : Permissu D. Augusti : Indulgentiâ Augusti ; ou semblables mots.

Quant au nom des villes où les médailles ont été frappées, rien n'est plus ordinaire que de le trouver dans le haut & dans le bas empire, avec cette différence que dans le haut empire, il est souvent en légende ou en inscription ; & dans le bas empire, principalement depuis Constantin, il se trouve toujours dans l'exergue. Ainsi le P. T. Percussa Treveris ; S. M. A. Signata Moneta Antiochiae. Con. Constantinopoli, &c. au lieu que dans le haut empire, les noms s'y trouvent tout au long ; Lugduni dans celle de M. Antoine, dans les grecques & dans toutes les colonies.

Les revers sont chargés des marques différentes & particulieres des monétaires, qu'ils mettoient de leur chef pour distinguer leur fabrique, & le lieu même où ils travailloient. C'est par-là qu'on explique une infinité de caracteres, ou de petites figures qui se rencontrent, non-seulement dans le bas empire, depuis Gallus & Volusien, mais aussi dans les consulaires.

Il nous reste à dire un mot de certaines marques, qui évidemment n'ont rapport qu'à la valeur des monnoies, & qu'on ne trouve que dans les consulaires, encore ne les y voit-on pas toujours. Ces marques sont X. V. Q. S. L. L. S. l'X signifie Denarius, qui valoit Denos Aeris, dix as de cuivre ; l'V marquoit le Quinaire, cinq as ; le L. L. S. un sesterce, ou deux as & demi ; le Q est encore la marque du Quinaire.

Aucune de ces marques ne se trouve sur le bronze, si ce n'est l'S qui se trouve dans quelques consulaires. Il est plus ordinaire d'y voir un certain nombre de points, qui se mettoit des deux côtés. Voyez POINTS, (Art numismatique).

Finissons par observer qu'on a certaines médailles dont il est évident que le revers ne convient point à la tête. La plûpart de ces sortes de médailles ont été frappées vers le tems de Gallus & de Volusien, & sur-tout pendant le regne de Galien, lorsque l'empire étoit partagé entre une infinité de tyrans. Quel que soit ce défaut, on ne doit pas rebuter ces sortes de médailles ; car tout alors étoit dans une si grande confusion, que sans se donner la peine de fabriquer de nouveaux coins, aussi-tôt qu'on apprenoit qu'on avoit changé de maître, on battoit une nouvelle tête sur d'anciens revers : c'est sans doute par cette raison que l'on trouve au revers d'un Aemilien, Concordia Augg. revers qui avoit servi à Hostilien, à Gallus, ou à Volusien : si cependant ce n'est point un des Philippes transformés en Emilien.

Mais d'un autre côté nous ne devons faire aucun cas des médailles dont les revers ont été contrefaits, insérés ou appliqués. C'est une fourberie moderne imaginée pour tromper les curieux. Nous en avons parlé au mot MEDAILLE, & nous avons indiqué en même tems les moyens de découvrir cette friponnerie.

Pour ce qui regarde les divers symboles qu'on voit sur les revers des médailles antiques, on en trouvera l'énumération & l'explication au mot SYMBOLE, Art numismatique. (D.J.)

REVERS, voir un ouvrage de revers ; c'est dans la Fortification, découvrir le dos de ceux qui le défendent, & qui font face au parapet. Voyez COMMANDEMENT.

REVERS DE L'ORILLON, c'est la partie de l'orillon vers la courtine, qui lui est à-peu-près parallele. Voyez ORILLON. (Q)

REVERS DE LA TRANCHEE, c'est dans l'attaque des places, le côté opposé à son parapet. Voyez TRANCHEE. (Q)

REVERS, (Marine) on caractérise par ce terme, tous les membres qui se jettent en-dehors du vaisseau, comme certaines allonges & certains genoux. Voyez ALLONGES DE REVERS & GENOUX DE REVERS.

On appelle aussi manoeuvres de revers les écoutes, les boulines & les bras qui sont sous le vent, qu'on a larguées, & qui ne sont plus d'usage jusqu'à ce que le vaisseau revire de bord. On s'en sert alors à la place des autres, qui en cessant d'être du côté du vent, deviennent manoeuvres de revers.

Revers d'arcasse est une portion de voûte de bois faite à la poupe d'un vaisseau, soit pour soutenir un balcon, soit pour un simple ornement, ou pour gagner de l'espace. Voyez Pl. I. fig. 1. le revers d'arcasse ou voûte marquée D.

Revers de l'éperon ; c'est la partie de l'éperon comprise depuis le dos du cabestan, jusqu'au bout de la cagonille.

REVERS DE PAVE, (Pavement) c'est l'un des côtés en pente du pavé d'une rue, depuis le ruisseau jusqu'au pié du mur.


RÉVERSALES(Hist. mod. politique) reversalia. C'est ainsi que l'on nomme en Allemagne une déclaration par laquelle l'empereur, ou quelqu'autre souverain de l'empire, fait savoir que par quelque acte qu'il a fait, il n'a point entendu porter préjudice aux droits d'un tiers. Ainsi, comme par la bulle d'or le couronnement de l'empereur doit se faire à Aix-la-Chapelle, lorsque cette cérémonie se fait ailleurs, l'empereur donne des réversales à la ville d'Aix-la-Chapelle, par lesquelles il déclare que cela s'est fait sans préjudice de ses droits, & sans tirer à conséquence.


REVERSEAUS. m. (Archit.) Piece de bois attachée au bas du chassis d'une porte croisée, qui en recouvrement sur son seuil ou tablette, empêche que l'eau n'entre dans la feuillure. Quand elle est sur l'appui d'une fenêtre, on la nomme piece d'appui. Daviler. (D.J.)


REVERSERv. act. (Gram.) verser de nouveau ; reversez cette liqueur dans la bouteille. Voyez VERSER.


REVERSIBLEadj. (Jurisprud.) signifie qui doit retourner à quelqu'un. Un bien, une somme peut être réversible à quelqu'un, après le décès d'un autre, ou après l'événement de quelque condition : ce qui dépend des termes de la disposition. Voyez PROPRE, RETOUR & REVERSION, SUCCESSION, SUBSTITUTION, FIDEI-COMMIS. (A)


REVERSIONS. f. (Jurisprud.) est la même chose que retour ou droit de retour, que le donateur a aux biens par lui donnés, quand le donateur meurt sans enfans. Voyez ci-devant RETOUR. (A)


REVERSISLE JEU DU, le jeu du reversis est un jeu que nous tenons des Espagnols, & qui demande une grande attention de la part des joueurs.

On l'appelle reversis de la maniere de le jouer, qui est toute opposée à celle des autres jeux de cartes dans lesquels celui qui fait le plus de levées, gagne ; au lieu que dans celui-ci, c'est celui qui en fait le moins.

Pour jouer le reversis, on peut être quatre ou cinq personnes. Il y a quarante-huit cartes dans le jeu, les dix n'y étant pas ordinairement. Il y a cependant des endroits où l'on les laisse, pour rendre le reversis plus difficile à jouer.

Après avoir tiré à qui mêlera, comme dans les autres, celui que la carte a décidé, présente les cartes battues à sa gauche pour être coupées, & les partage toutes aux joueurs, trois à trois, excepté trois, lorsque l'on joue quatre, & deux ou sept, si l'on est cinq, qui restent au talon. On peut écarter une carte de son jeu que l'on met dessous le talon, pour remplacer celle qu'on en ôte, ou si l'on ne veut point écarter, il est libre de voir au talon celle qu'on auroit prise en cas d'écart ; mais ceci doit se faire chacun selon son rang ; le premier en cartes ayant droit de commencer, le second ensuite, & ainsi des autres. Celui qui mêle les cartes, doit toujours s'en donner une de plus qu'aux autres joueurs, & n'en prend jamais au talon. Mais il est obligé d'y mettre, après l'examen de son jeu, celle de ses cartes qu'il juge à-propos : ce qui fait que le talon qui n'étoit, avant que les joueurs essent écarté & pris, que de trois cartes, en a quatre, quand on commence à jouer. Les cartes ne changent point de valeur ; ce jeu n'a point de triomphe, & on est obligé de donner une carte de la couleur qu'on joue. Lorsque le valet de coeur ou le quinola est jetté en renonce, celui qui s'en défait, gagne le jeu. Celui qui est forcé de donner le quinola sur du coeur, ou qui le joue lui-même, n'ayant pu le jetter en renonce, fait la bête de ce qu'il y a sur le jeu. Celui qui fait partir le quinola, gagne à celui qui le lâche, quatre jettons ou plus, & un à chaque joueur, selon la convention faite avant de jouer. Celui qui prend la levée où le quinola se trouve en renonce, paye deux marques ou plus, à celui qui l'a jetté sur treffle, pique ou carreau.

Si celui qui a fait, leve moins de cartes que les autres, & si dans ces cartes il n'y a ni as, ni roi, ni dame, ni valet, ou même s'il y en a moins qu'ailleurs, il gagne le talon qui vaut selon que l'on est convenu.

Lorsque deux joueurs sont égaux, le plus près de celui qui a fait à gauche, gagne le talon ; mais celui qui n'a point de levée, l'emporte sur lui, quoiqu'il n'ait point de cartes qui marquent.

Le talon se paye sur la valeur des cartes qu'il contient, & cette valeur en ce cas, est de cinq pour les as, quatre pour les rois, trois pour les dames, & deux pour les valets.

Le talon se paye à celui qui a moins de points dans son jeu ; & s'il y a égalité de point, c'est au premier à le payer.

Celui qui renonce, fait la bête, ou paye une autre amende, si l'on en est convenu. On ne doit point jouer avant son tour, sous peine de payer un jetton à tous les joueurs. Le premier en cartes doit toujours commencer par jouer du coeur s'il en a ; mais personne n'en peut écarter. Quand on jette un as en renonce sur une autre couleur, on gagne de celui qui leve, ce que l'on est convenu. Mais le joueur qui doit commencer à jetter, ne gagne ni ne perd rien, s'il joue un as. On gagne le double pour l'as de coeur jetté en renonce. Un joueur qui est forcé de lâcher l'as de la couleur jouée, paye à celui qui l'y force, ce qu'il en auroit reçu, s'il se fût défait de son as renonce. L'as de coeur gagne encore le double dans ce cas. Si le jeu n'est pas complet, ou que les cartes soient mal mêlées, l'on doit refaire. Voilà les regles d'un usage général & ordinaire dans le jeu de reversis. Cependant elles ne laissent pas d'avoir quelques exceptions, comme dans ce cas : quoique nous ayons dit qu'il ne falloit point écarter de coeur, selon les bonnes regles, on ne laisse pas de le faire, quand un joueur n'en porte que le roi ou la dame, n'ayant plus dans son jeu de coeur, & ne pouvant faire une redouble pour forcer le quinola. Si l'on joue au quinola forcé, celui qui l'a, manquant de coeur pour le défendre, a droit de le jetter, à moins que son jeu ne soit de le garder. Quoiqu'on ne joue point au quinola forcé, il l'est toujours dans les deux premiers tours, après lesquels il est libre de le garder ou de le jetter, fût-il seul, selon qu'on le juge le plus avantageux pour son jeu. Dans les cas où le quinola est écarté ou forcé, & que personne ne gagne la poule, chacun remet deux jettons pour la rafraîchir, & on ne paye les bêtes qui sont sur le jeu, qu'après les avoir levées, & encore l'une après l'autre, faisant mettre la plus grosse la premiere. Il n'y a que les bêtes de renonce qui se payent avec une autre ou avec la poule. Quand celui qui a dans son jeu une haute & une basse carte, fait la main, il doit prendre de sa haute, pour ne lever que peu de cartes, & jouer ensuite la basse pour mettre son compagnon en jeu, & lui faire prendre les autres cartes qui restent à jouer, s'il se peut ; par cette adresse on ne perd point le talon. Le reversis est exempt de payer le talon. Celui qui a plusieurs cartes de la couleur de celle qu'on a jouée, peut la prendre ou la gagner à son gré. Voyez GAGNER une carte. Tout bon joueur doit s'appliquer à gagner le talon, ou du moins à ne le pas perdre. Il faut toujours fournir, si l'on peut, des cartes au-dessous de celle qu'on a jouée, puisque pour gagner le talon, il faut ne point faire de main, ou en faire moins que les autres.

Reversis signifie encore non-seulement la poule, & le payement de deux jettons fait par chaque joueur, mais encore une remise de tous les jettons que celui qui fait le reversis, a pu payer dans le coup. Voyez ci-après faire le reversis.

Faire le reversis, en terme du jeu de ce nom, c'est gagner, en faisant toutes les levées, la poule, deux jettons de chaque joueur & ceux qu'on a pu payer dans le coup, & priver le quinola jetté en renonce, de ses droits ordinaires.


REVERTIERREVERTIER

Il est nécessaire que le trictrac soit garni de 15 dames de chaque couleur, de deux cornets & de dés. On ne joue qu'avec deux, chacun se servant ; on ne peut jouer que deux ensemble ; l'on présente le dé à celui contre lequel on joue pour voir à qui amenera le plus gros point pour commencer.

Il faut toujours nommer le plus gros nombre, comme six & quatre, quatre & as, trois & deux. Les différentes combinaisons des dés retiennent dans le jeu du révertier le même nom qu'elles ont dans le trictrac. Les deux as, par exemple, se nomment ambezas, les deux quatre, carmes, &c.

Les dés doivent être joués de maniere qu'ils touchent la bande de l'adversaire. Le dé est bon partout dans le trictrac excepté lorsque les deux dés sont l'un sur l'autre ou sur le bord du trictrac, ou quand ils sont dressés l'un contre l'autre, ensorte que tous deux ne soient point sur leurs cubes. Le dé est bon sur le tas ou la pile des dames, sur une ou deux dames, pourvu qu'il soit sur son cube, ensorte qu'il puisse porter l'autre dé. Le dé qui est en l'air, ou qui pose un peu sur une dame, étant soutenu par la bande du trictrac contre laquelle il appuie, ou contre la pile de bois, ne vaut rien. On peut voir s'il est en l'air ou non, en tirant doucement la table ou la dame sous laquelle il est. S'il tombe, c'est une preuve qu'il étoit en l'air, par conséquent le coup n'est pas bon.

On peut rompre le dé de son homme, quand on appréhende quelque coup, à moins qu'on ne soit convenu autrement ; alors on encourt la peine marquée, & outre cette amende, celui à qui on a rompu les dés, peut jouer tel nombre qu'il veut.

Quand on commence la partie, on ne peut faire aucune case, c'est-à-dire, mettre deux ou plusieurs dames accouplées l'une sur l'autre dans les deux tables du trictrac qui sont du côté du tas des dames de celui qui joue.

Il y a deux choses à remarquer : la premiere, qu'il faut faire aller ses dames qui sont empilées & à la gauche de celui contre qui l'on joue, jusqu'au coin qui est à sa droite. Ensuite vous les passez sur les lames qui sont de votre côté à votre gauche, & les faites aller jusqu'à votre droite. La seconde chose qu'il est besoin de savoir, c'est que les doublets se jouent doublement, c'est-à-dire, que l'on joue deux fois le nombre que l'on a fait, soit avec une seule dame, soit avec plusieurs.

Il arrive souvent que l'on ne peut pas jouer tous les nombres que l'on a amenés. Par exemple, lorsque du premier coup l'on fait sonné, on n'en peut jouer qu'un, par la raison que l'on ne peut mettre sur les lames du côté de son tas de bois qu'une seule dame, & que l'on ne peut jouer tout d'une dame, à cause que le passage se trouve fermé par le tas de bois de celui contre qui l'on joue ; l'on est quelquefois aussi obligé de passer ses dames de son côté, lorsqu'après avoir joué un ou deux coups, on fait un gros doublet que l'on ne sauroit jouer du côté où est son bois & pile de dames : c'est ce qu'il faut éviter avec soin, & donner, autant qu'on pourra, tous les grands doublets, comme terne, carme, quine ou sonné, afin de pouvoir, sans gâter son jeu, les jouer, s'ils viennent. Quoiqu'on ait dit qu'on ne peut mettre qu'une seule dame sur les lames ou fleches du côté de son tas, il y a cependant une fleche sur laquelle on en peut mettre tant que l'on veut. Voyez TETE.

Quand on a mené de la gauche de son homme à sa droite une partie de ses dames, & que votre tête est bien garnie, il faut alors caser du côté de la pile de bois de celui contre qui l'on joue, ou surcaser, quand on ne peut point caser, ou bien passer toujours des dames de votre tas à votre tête. Voyez SURCASER.

Quand un joueur a plus de dames à rentrer qu'il n'en a de rentrées par les passages, il perd la partie double ; & quand on joue le double, celui qui est double, perd le double de ce qu'on a joué.


REVESTIAIRES. m. (terme d'église) c'est le lieu où les ecclésiastiques vont prendre leurs habits sacerdotaux, leurs chapes, & les autres ornemens avec lesquels ils célebrent l'office divin. Le mot revestiaire se dit aussi d'une certaine somme que chaque religieux prend dans certaines communautés pour son entretien d'habits, de linges &c. On estime généralement le revestiaire à cent, ou cent vingt livres par an. (D.J.)


REVÊTEMENT LE(Fortific.) est une espece de mur de maçonnerie ou de gazon, qui soutient les terres du rempart du côté de la campagne. Voyez REMPART. On dit que le rempart d'une place est revêtu de maçonnerie, lorsque le revêtement est de maçonnerie ; & l'on dit qu'il est gazonné, lorsque le revêtement est de gazon. Voyez GAZON. Pour que le revêtement soutienne plus aisément la poussée des terres du rempart vers le fossé, on le fait en talus. Voyez TALUS. Le talus forme une espece d'escarpement, qui fait donner au côté extérieur du revêtement, le nom d'escarpe. Voyez ESCARPE. L'épaisseur du revêtement de maçonnerie au cordon est ordinairement de cinq piés. On lui donne pour talus la cinquieme ou la sixieme partie de sa hauteur, à compter depuis le cordon jusqu'au fond du fossé. Lorsque le revêtement est de gazon, le talus est les deux tiers de sa hauteur. M. le maréchal de Vauban a donné une table qu'on trouve dans la science des Ingenieurs de M. Bélidor, dans laquelle il détermine l'épaisseur du revêtement & ses différens talus, depuis la hauteur de 10 piés jusqu'à celle de 80. Mais quoiqu'elle ait été éprouvée sur plus de 500000 toises cubes de maçonnerie, bâties à 150 places fortifiées par les ordres de Louis le grand ; comme les mesures qu'elle contient ne sont établies sur aucun principe de théorie, elles ont depuis été examinées par messieurs Couplet & Belidor. Le premier a traité cette matiere dans les mémoires de l'académie royale des Sciences, années 1726, 1727, & 1728, & il y a joint des tables dans lesquelles ces mesures se trouvent exactement déterminées, suivant les différens talus que les terres peuvent prendre ; & le second, (M. Belidor) a donné dans le livre de la science des Ingénieurs, des tables que ceux qui sont chargés de la construction effective des fortifications, doivent consulter : toutes ces tables fixent aussi les différentes dimensions des contreforts. Voyez CONTREFORT. Le rempart n'est quelquefois revêtu de maçonnerie que depuis le fond du fossé jusqu'au niveau de la campagne ; alors on dit qu'il est à demi-revêtement. Voyez DEMI-REVETEMENT.

On fait quelquefois des especes de revêtemens de saucisses & de fascines ; lorsqu'ils sont bien faits, ils peuvent durer trois ou quatre ans. On s'en sert ordinairement pour réparer les breches d'une place après un siége, en attendant qu'on ait le tems ou la commodité de rétablir les parties détruites dans leur premier état. (Q)

REVETEMENT DES TERRES, (Archit.) appui de maçonnerie qu'on donne à des terres pour les empêcher de s'ébouler.

Si l'on éleve des terres, comme pour faire une chaussée, une digue, un rempart, ces terres que je suppose qui auront la figure d'un parallélepipede, ne se soutiendront point en cet état, mais s'ébouleront ; de sorte que leur quatre côtés verticaux posés sur le plan horisontal, & qui étoient des parallélogrammes, deviendront de figure triangulaire, ou à-peu-près, parce que la pesanteur des terres, jointe à la facilité qu'avoient leurs parties à rouler les unes sur les autres, les a obligées à se faire une base plus large que celle du parallélepipede primitif ; pour empêcher cet effet, on les soutient par des revêtemens qui sont ordinairement de maçonnerie.

Comme c'est par une certaine force que les terres élevées en parallélepipede élargissent leur base, il faut que cette force qu'on appelle leur poussée, soit combattue & réprimée par celle du revêtement, qui par conséquent, doit être du-moins égale. Pour procéder par regle à la construction d'un revêtement, il faudroit avoir terminé cette égalité, ou cet équilibre ; mais jusqu'ici, on n'a point eu cette connoissance dans la pratique de l'Architecture, & l'on s'est conduit assez au hasard.

Nous avons trois auteurs françois qui ont écrit sur cette matiere ; M. Bullet, membre de l'académie d'Architecture ; M. Gautier architecte, & finalement M. Couplet. Ce dernier a démontré par la Géométrie les regles qu'il faut observer dans les épaisseurs & les talus qu'on doit donner aux revêtemens, pour qu'ils puissent résister à la poussée des terres qu'ils ont à soutenir. Voyez les savans mémoires qu'il a donnés à ce sujet dans le recueil de l'académie des Sciences, années 1726, 1727, & 1728 ; ils ne sont pas susceptibles d'être extraits dans cet ouvrage.

Aux démonstrations géométriques de ce savant académicien, M. de Réaumur a joint dans le même recueil de l'académie des Sciences, année 1730, une considération physique sur la nature des terres qui tendent à s'ébouler malgré les revêtemens les plus ingénieux.

Des terres coupées à plomb s'éboulent si peu, qu'à peine s'en détache-t-il quelques hottées en tout un an ; & même cette petite quantité seroit encore plus petite, si les premieres parcelles avoient été soutenues, & ne fussent pas tombées ; car ce n'est ordinairement que leur chûte qui a entraîné celle des secondes. Un mur n'a donc pas beaucoup de peine à soutenir ces terres, si on n'y considere que l'effort qu'elles font pour s'ébouler ; mais elles en ont un beaucoup plus grand, & très-violent ; c'est celui qu'elles font pour s'étendre, lorsqu'elles sont bien imbibées d'eau, & c'est à quoi le mur de revêtement doit s'opposer.

Il est vrai que cette tendance des terres à s'étendre, doit agir en tous sens, verticalement aussi-bien qu'horisontalement, & que le mur ne s'oppose qu'à l'action horisontale ; mais il faut observer que la tendance verticale n'ayant pas la liberté d'agir, du-moins dans toutes les couches inférieures de terre pressées par le poids des supérieures, toute la tendance verticale se tourne en horisontale, tant que la difficulté de soulever les couches supérieures est plus grande que celle de forcer le mur, & cela peut aller, & va effectivement fort loin.

On a observé qu'une terre qui a très-peu de hauteur, ne laisse pas de s'étendre beaucoup davantage dans le sens horisontal, & que la force qu'elle a pour s'étendre en ce sens-là, est beaucoup plus grande que tout son poids, & par conséquent que la force dont elle auroit besoin pour s'étendre autant dans le sens vertical.

Plus les terres auront de facilité de s'imbiber d'eau, plus elles auront de poussée contre un mur de revêtement ; des sables n'en auroient aucune à cet égard ; & par cette raison, M. de Réaumur propose pour remede à l'inconvénient dont il s'agit, de mêler exprès des gravois dans les terres qui ne seroient pas naturellement assez sablonneuses. Non-seulement les gravois ou les sables ne s'imbiberont pas d'eau, mais ils laisseront des interstices qui seront des especes de retraites ménagées à la terre qui se renflera ; moyennant quoi elle n'agira pas contre le mur. (D.J.)


REVÊTIRv. act. (Gram.) donner un vêtement ; c'est un gueux que j'ai revêtu. Il se prend au figuré ; il s'est montré revêtu de toute sa gloire ; on revêtit tous les jours les actions les plus atroces, des beaux noms de zele pour la religion & d'amour de la vérité ; je l'ai revêtu de toute mon autorité ; il la revêtu de la plus grande partie de ses biens par une donation inique qui dépouille ses vrais héritiers ; cet acte est-il revêtu de toutes ses formes ? Il faut revêtir cet endroit d'un mur ; il faut revêtir ce mur de plâtre ; il faut revêtir ce modele de cire, &c. Voyez VETIR & VETEMENT.

REVETIR, (Architect.) c'est en maçonnerie fortifier l'escarpe & la contrescarpe d'un fossé, avec un mur de pierre ou de moilon. C'est aussi faire un mur à une terrasse, pour en soutenir les terres ; ce qui s'appelle aussi faire un revêtement.

En charpenterie, revêtir signifie peupler de poteaux une cloison ou un pan de bois ; en menuiserie, couvrir un mur d'un lambris qu'on appelle lambris de revêtement. Dictionnaire d'Architecture. (D.J.)

REVETIR, (Jardin.) c'est garnir de gazon un glacis droit ou circulaire, ou palisser de charmille, de filarin, d'ifs, &c. un mur de clôture ou de terrasse pour le couvrir. (D.J.)


REVÊTISSEMENTS. m. (Jurisprudence) en matiere féodale, est lorsque le seigneur reçoit le vassal en foi & hommage ; & par ce moyen lui donne l'investiture du fief.

Revêtissement, dans quelques coutumes, est le don mutuel & égal qui se fait entre deux conjoints par mariage, par le moyen duquel ils se revêtissent mutuellement de leurs biens.

Revêtissement de lignes, dans la coutume de Lorraine, est la transmission qui se fait par succession des propres aux plus proches parens du côté & ligne d'où ils sont venus. Voyez le glossaire de M. de Lauriere, au mot revêtissement. (A)


REVIN(Géog. mod.) petite ville de France, aux frontieres du Hainaut & de la Champagne, sur la Meuse, au-dessous de Charleville ; elle appartient à la France depuis 1679. Long. 22. 19. 30. lat. 49. 57. (D.J.)


REVIQUERv. act. (Foulerie) c'est faire passer les étoffes de laine par la foulerie, ou simplement les laver à la riviere pour les nettoyer & dégorger de ce qu'elles ont trop pris de teinture, afin qu'elles ne puissent barbouiller : les ouvriers employés à reviquer s'appellent reviqueurs. Savary. (D.J.)


REVIREMENTS. m. (Marine) c'est le changement de route ou de bordée, lorsque le gouvernail est poussé à basbord ou à stribord, afin de courir sur un autre air de vent que celui sur lequel le vaisseau a déja couru quelque tems.

Revirement par la tête, revirement par la queue, est le mouvement d'une armée ou d'une escadre qui est sous voiles, lorsqu'elle veut changer de bord, en commençant par la tête ou par la queue de l'armée. Voyez EVOLUTIONS.

REVIREMENT, s'emploie aussi en finance & commerce ; on dit revirement de parties ; c'est une maniere d'acquiter une chose par une autre, de s'acquiter vers une personne par une seconde.


REVIRERv. n. (Marine) c'est tourner le vaisseau pour lui faire changer de route. Voyez MANEGE DU NAVIRE.

Revirer dans les eaux d'un vaisseau, c'est changer de bord derriere un vaisseau, en sorte qu'on court le même rumb de vent en le suivant.

Revirer de bord dans les eaux d'un vaisseau, c'est changer de bord dans l'endroit où un autre vaisseau doit passer.


REVISERv. act. (Gram.) voir, examiner de nouveau.


REVISEURS. m. (Chanc. rom.) officier de la chancellerie romaine pour les matieres bénéficiales ou matrimoniales. Il y a dans la chancellerie de la cour de Rome plusieurs officiers appellés reviseurs. Ils mettent au bas des suppliques expediantur litterae, lorsqu'il faut prendre des bulles ; & un grand C, quand la matiere est sujette à componende. Après avoir revu & corrigé la supplique, ils y mettent la premiere lettre de leur nom, tout au bas de la marge du côté gauche.

Entre ces reviseurs, l'un est appellé reviseur per obitum, il dépend du dataire ; il a la charge de toutes les vacances per obitum in patriâ obedientiae ; il est aussi chargé du soin des suppliques par démission, par privation, & autres, en pays d'obédience, & des pensions imposées sur les bénéfices vacans en faveur des ministres & autres prélats courtisans du palais apostolique. L'autre s'appelle reviseur des matrimoniales ; il dépend aussi de la daterie, & ne se mêle que des matieres matrimoniales. (D.J.)


REVISION(Jurisprud.) est un nouvel examen que l'on fait de quelque affaire pour connoître s'il n'y a point eu erreur, & pour la réformer.

Revision d'un compte, est une nouvelle vérification que l'on en fait ; la revision finale est lorsqu'après des débats fournis lors du premier examen que l'on a fait du compte, on en reforme les articles suivant les jugemens qui sont intervenus sur les débats pour procéder ensuite à un calcul juste, & à la clôture du compte. (A)

REVISION, en matiere civile, est une voie de droit usitée en certain pays, au lieu de la requête civile ; les revisions ont été en usage au parlement de Besançon, jusqu'à l'édit du mois d'Août 1692, qui les a abolies. Elles sont encore en usage en Hollande & autres pays qui est sous la domination des ducs de Bourgogne. (A)

REVISION en matiere criminelle, est un nouvel examen d'un procès qui avoit été jugé en dernier ressort ; c'est à peu près la même chose que la requête civile, ou plutôt que la voie de cassation en matiere civile ; il y a néanmoins cette différence entre la revision & la requête civile, que dans celle-ci les juges ne peuvent d'abord juger que le rescindant, c'est-à-dire la forme & non le rescisoire qui est le fond, & par la voie de cassation les arrêts ne sont point retractés, à moins qu'il n'y ait des moyens de forme, au lieu que dans la revision les juges peuvent revoir le procès au fond, & absoudre l'accusé en entérinant les lettres de rescision par le seul mérite du fond, quand il n'y auroit pas de moyen en la forme.

On ne peut procéder à la revision d'un procès sans lettres du prince expédiées en la grande chancellerie ; celui qui veut obtenir de telles lettres, doit présenter sa requête au conseil où elle est rapportée, & ensuite, si le conseil le juge à propos, elle est renvoyée aux requêtes de l'hôtel pour avoir l'avis des maîtres des requêtes, dont le rapport se fait aussi au conseil, & sur le tout on décide si les lettres doivent être expédiées ; en général on en accorde rarement. L'amiral Chabot, qui avoit été condamné par des commissaires, obtint des lettres de revision, & par un arrêt de revision rendu au parlement, en 1541, en presence de François I, il fut absous. Voyez ordonnance de 1670. tit. 16. & les mots CASSATION, REQUETE CIVILE. (A)

REVISION, est aussi un droit que les procureurs ont pour revoir & lire les écritures des avocats ; ce droit qui leur a été accordé moyennant finance, a été établi sous prétexte que le procureur devant conduire toute l'affaire, doit lire les écritures des avocats pour se mettre au fait de ce qu'elles contiennent, & voir ce qu'il peut y avoir à faire en conséquence. (A)


REVISITERv. act. (Gram.) c'est visiter de nouveau. On revisite des marchandises, on revisite des magasins ; on revisite un malade. Voyez VISITE & VISITER.


REVIVIFICATION(Chymie) le changement désigné par ce mot, est propre au mercure. On dit que cette substance métallique est revivifiée, lorsqu'on la dégage d'une combinaison dans laquelle elle avoit perdu sa fluidité naturelle ou ordinaire. Du mercure revivifié du cinnabre, est du mercure séparé du soufre commun avec lequel il étoit combiné pour constituer le cinnabre qui est un corps consistant, à l'aide d'un précipitant & d'un degré de feu convenable ; le mercure revivifié du sublimé corrosif, est le mercure séparé de l'acide marin par les mêmes moyens. Voyez MERCURE. Comme les choses très-utiles ne sont jamais déplacées, j'observerai ici, quoique cette réflexion appartienne proprement à l'article MERCURE, que celui qu'on revivifie du sublimé corrosif, ne peut qu'être, & est en effet très-pur ; cette assertion positive (si cependant un paradoxe aussi étrange peut entrer dans la tête d'un médecin peu instruit) pourra prémunir contre l'idée de poison, que j'ai vu plus d'une fois avec pitié, mais sans étonnement, attacher à ce mercure. (b)


REVIVREv. n. (Gram.) retourner à la vie ; si les hommes pouvoient revivre avec l'expérience qu'ils ont en mourant, il y en a peu qui ne se conduisissent autrement ; cette odeur me ranime & me fait revivre ; les peres se voyent revivre dans leurs enfans ; on ne fait que renouveller & faire revivre d'anciennes folies ; je sens revivre mon amitié pour lui.

REVIVRE, (Jurisprud.) est le nom que l'on donne dans quelques coutumes à ce que l'on appelle communément regain, c'est-à-dire la seconde herbe qu'un pré pousse dans la même année. (A)

REVIVRE au jeu de la tontine, c'est revenir au jeu par le moyen des jettons que les voisins du joueur lui donnent pour les as qu'on leur tourne ; ceux qui revivent de cette sorte, rentrent au jeu, mêlent, & jouent de nouveau.


RÉVOCABLEadj. (Jurisprud.) signifie qui peut être révoqué ; une donation est révocable par survenance d'enfans. Voyez DONATION & REVOCATION. (A)


RÉVOCATIONS. f. (Jurisprud.) est l'acte par lequel on en révoque un précédent ; le prince révoque une loi, lorsqu'il y reconnoît quelqu'inconvenient ; on révoque une donation, un testament, un legs, un procureur, des offres, une déclaration, un consentement. Voyez ÉDIT, LOI, ORDONNANCE, DONATION, TESTAMENT, LEGS, PROCUREUR, OFFRES, DECLARATION, CONSENTEMENT. (A)


RÉVOCATOIREadj. (Jurisprud.) signifie qui a l'effet de révoquer. Ainsi une clause révocatoire est celle qui a pour objet de révoquer quelqu'acte. Voyez REVOCABLE, REVOCATION. (A)


REVOIRv. act. (Gram.) voir de nouveau. Que j'aurois de plaisir à revoir cette femme, cet homme qui m'étoient si chers ! ne vous lassez point de revoir votre ouvrage ; c'est un procès à revoir ; il faut que l'étalon revoye cette jument. Voyez les articles VUE & VOIR.

REVOIR d'un cerf, (Vénerie.) On en revoit par le pié, par les fumées, par les abattures, par les portées, par les foulées, par le frayoir & par les rougeurs.


REVOLERv. n. (Gramm.) c'est voler de nouveau. Voyez les articles VOL & VOLER.


REVOLINS. m. (Marine) c'est un vent qui choque un vaisseau par réflexion ; ce qui cause de fâcheux tourbillons dont les vaisseaux sont tourmentés soit qu'ils fassent voile ou qu'ils soient à l'ancre.


RÉVOLTES. f. (Gouvern. polit.) Soulevement du peuple contre le souverain. L'auteur du Télémaque, liv. XIII, vous en dira les causes mieux que moi.

" Ce qui produit les révoltes, dit-il, c'est l'ambition & l'inquiétude des grands d'un état, quand on leur a donné trop de licence, & qu'on a laissé leurs passions s'étendre sans bornes. C'est la multitude des grands & des petits qui vivent dans le luxe & dans l'oisiveté. C'est la trop grande abondance d'hommes adonnés à la guerre, qui ont négligé toutes les occupations utiles dans le tems de la paix. Enfin, c'est le desespoir des peuples mal-traités ; c'est la dureté, la hauteur des rois, & leur mollesse qui les rend incapables de veiller sur tous les membres de l'état, pour prévenir les troubles. Voilà ce qui cause les révoltes, & non pas le pain qu'on laisse manger en paix au laboureur, après qu'il l'a gagné à la sueur de son visage.

Le monarque contient ses sujets dans leur devoir, en se faisant aimer d'eux, en ne relâchant rien de son autorité, en punissant les coupables, mais en soulageant les malheureux ; enfin, en procurant aux enfans une bonne éducation, & à tous une exacte discipline au milieu d'une vie simple, sobre, & laborieuse ; les peuples ainsi traités, seront toujours très-fideles à leurs princes. " (D.J.)


RÉVOLUTIONS. f. signifie en terme de politique, un changement considérable arrivé dans le gouvernement d'un état.

Ce mot vient du latin revolvere, rouler. Il n'y a point d'états qui n'aient été sujets à plus ou moins de révolutions. L'abbé de Vertot nous a donné deux ou trois histoires excellentes des révolutions de différens pays ; savoir, les révolutions de Suede, celles de la république romaine, &c.

REVOLUTION, (Hist. mod. d'Angl.) Quoique la Grande-Bretagne ait éprouvé de tous tems beaucoup de révolutions, les Anglois ont particuliérement consacré ce nom à celle de 1688, où le prince d'Orange Guillaume de Nassau, monta sur le trône à la place de son beau-pere Jacques Stward. La mauvaise administration du roi Jacques, dit milord Bolinbroke, fit paroître la révolution nécessaire, & la rendit praticable ; mais cette mauvaise administration, aussi-bien que toute sa conduite précédente, provenoit de son attachement aveugle au pape & aux principes du despotisme, dont aucun avertissement n'avoit pu le ramener. Cet attachement tiroit son origine de l'exil de la famille royale ; cet exil avoit son principe dans l'usurpation de Cromwel ; & l'usurpation de Cromwel avoit été occasionnée par une rebellion précédente, commencée non sans fondement par rapport à la liberté, mais sans aucun prétexte valable par rapport à la religion. (D.J.)

REVOLUTION, est aussi un terme de Géométrie. Le mouvement d'une figure plane qui tourne autour d'un axe immobile, est appellé révolution de cette figure. Voyez AXE.

Un triangle rectangle tournant autour d'un de ses côtés engendre un cône par sa révolution ; un demi-cercle engendre une sphere, &c. Voyez CONE, SPHERE, &c.

Révolution se dit aussi en Astronomie, de la période d'une planete, comete, &c. c'est-à-dire, du chemin qu'elle fait depuis qu'elle part d'un point, jusqu'à ce qu'elle revienne au même point. Voyez PLANETE, PERIODE, &c.

Les planetes ont deux especes de révolution ; l'une autour de leur axe qu'on appelle rotation diurne, ou simplement rotation, & qui dans la terre, par exemple, constitue ce que nous appellons les jours & les nuits. Voyez JOUR & NUIT. L'autre révolution des planetes se fait autour du soleil : on l'appelle révolution annuelle ou période ; c'est la révolution annuelle de la terre qui constitue nos années. Voyez AN.

Saturne, selon Kepler, fait sa révolution annuelle en 29 ans 174 j. 4 h. 58'25''30'''; Jupiter en 11 ans 317 j. 14 h. 49'31''56'''; Mars en un an 321 j. 23 h. 31'56''49'''; Vénus en 224 j. 17 h. 44'55''14'''; Mercure en 87 j. 23 h. 14'24''. Voyez SATURNE, JUPITER, MARS, &c. Chambers. (O)

REVOLUTIONS DE LA TERRE, (Hist. nat. Phys. & Minéralogie) c'est ainsi que les naturalistes nomment les événemens naturels, par lesquels la face de notre globe a été & est encore continuellement altérée dans ses différentes parties par le feu, l'air & l'eau. Voyez TERRE, FOSSILES, DELUGE, TREMBLEMENS DE TERRE, &c.

REVOLUTION, (Horlogerie) c'est l'action des roues les unes sur les autres, par le moyen des engrenages. On sait que leur objet est de transmettre le mouvement d'une roue sur une autre par le moyen de ses dents qui atteignent les aîles du pignon sur lesquelles elles agissent, comme le pourroient faire des leviers les uns sur les autres. Sous ce point de vue il y auroit de l'avantage à faire de petites roues & de grands pignons : la force seroit plus grande du côté de la roue, & la résistance seroit moindre du côté du pignon pour recevoir le mouvement. Mais les engrenages ne servent pas seulement à communiquer le mouvement ; ils servent encore à multiplier les révolutions, ou à les fixer sur telle roue qu'on voudra, ou à les diminuer ; enfin ils servent à changer le plan des révolutions.

1°. L'on obtient des révolutions, en faisant que la roue continue plusieurs fois le nombre des aîles du pignon, ou bien en multipliant les roues.

Question. La premiere roue étant donnée, quelle que soit la force qui la meut, trouver la derniere roue qui fasse tel nombre de révolutions qu'on voudra pour une de la premiere. Cette question seroit bientôt résolue, si le rayon de la premiere roue à l'égard de la seconde pouvoit être dans le rapport demandé ; mais si ce rapport est tel qu'il ne soit pas possible de faire l'une assez grande, ni l'autre assez petite, pour y suppléer, l'on aura recours à plusieurs roues intermédiaires dont les différens rapports multipliés les uns par les autres, donneront le rapport demandé. Or c'est ce nombre de roues intermédiaires qu'il s'agit de trouver. Mais, comme différens nombres peuvent y satisfaire, il faut faire voir qu'ils ne sont pas arbitraires ; qu'il faut au contraire prouver que le plus petit nombre de roues qui pourra satisfaire à la question, est celui qu'il faudra employer.

Ma méthode est de considérer le nombre de révolutions demandées, comme une puissance dont je tire les différentes racines. La considérant d'abord comme un quarré, j'en tire la racine, & cela me montre que deux roues satisferont à la question ; comme un cube j'en tire la racine, & cela me donne trois roues ; comme un quarré quarré, j'en tire la racine, & c'est pour quatre roues ; ainsi de suite jusqu'à ce que j'en sois venu à une racine telle qu'étant multipliée par le plus petit nombre d'aîles qu'il soit possible d'appliquer au pignon, le nombre qui en proviendra, & qui représente le nombre des deux, ne soit pas trop grand pour pouvoir être employé à la roue dont la grandeur se trouve bornée par la grandeur de la machine. J'en conclus alors que c'est-là le plus petit nombre de roues qui puisse satisfaire à la question ; car dans ce cas, j'ai le plus grand rapport, c'est-à-dire, les roues les plus nombrées de dents, relativement aux aîles du pignon, qu'il soit possible d'avoir : ce qui fournit trois avantages essentiels.

1°. Celui de ne point multiplier inutilement les révolutions intermediaires entre le premier & dernier mobile.

2°. D'avoir des engrenages qui sont d'autant plus parfaits & plus faciles à faire, que les dents étant nombreuses rapprochent plus d'être paralelles entr'elles : ce qui diminue la courbe des dents, & procure au pignon un mouvement plus uniforme. De plus, les pignons peuvent être d'autant plus gros relativement à leur roue, qu'il y a plus de différence entre le nombre des aîles & celui des dents de la roue ; toutes choses dont l'expérience démontreroit mieux les avantages que les raisonnemens que je pourrois faire, du moins quant à ce qui regarde plus immédiatement les inégalités plus ou moins grandes des dentures & des pignons qui se trouvent dans tous les engrenages.

3°. Celui enfin d'avoir moins de pivots, puisqu'on a moins de roues ; d'où je conclus que la vîtesse étant diminuée par la diminution des révolutions intermédiaires, elle l'est aussi dans les engrenages, dans les pivots : elle exige donc moins de force ; il y a donc de l'avantage à réduire les révolutions, autant qu'il est possible.

Exemple par lequel on obtient des révolutions, en employant le moins de roues, pour servir de preuve à ce qui précede. Soient 19440 révolutions, compris la roue de rencontre, qui a 30 dents propres à faire battre les secondes au balancier. Il faut donc commencer par retirer cette roue, en divisant 19440 par 60 ; il viendra au quotient 324 ; & comme ce nombre est trop grand pour être employé sur une roue, & qu'il le faudroit encore multiplier par celui des aîles de pignon dans lequel elle doit engrener, il suit qu'il faut tirer la racine quarrée de 324, qui est 18, & ce sera pour deux roues ; mais comme elles doivent engrener dans des pignons de six aîles, l'on aura des roues de 108, & l'on posera sa regle en cette sorte :

6. 6. 1/2 pignons ou diviseurs.


REVOMIRv. act. (Gram.) vomir à plusieurs reprises. Voyez VOMIR & VOMISSEMENT. Il n'est pas réduplicatif.


REVOQUERv. act. (Gram.) annuller ce qu'on a fait. Voyez REVOCATION, REVOCATOIRE.

REVOQUER, v. act. casser, rendre nul, rappeller, déplacer ; on revoque un testament, une procuration, un employé, un édit, &c. On dit aussi revoquer en doute, pour mettre en doute.


REVUES. f. (Gram.) examen de plusieurs choses, les unes après les autres. J'ai fait la revue de mes livres. On a fait la revue de toute la maison. N'oubliez pas de faire la revue de vos actions.

REVUE, (Art milit.) c'est l'examen que l'on fait d'un corps de troupes, que l'on range en ordre de bataille, & qu'on fait ensuite défiler, pour voir si les compagnies sont complete s, si elles sont en bon état ; ou pour donner la paie, ou pour quelqu'autre sujet semblable.

Un général d'armée fait toujours la revue de ses troupes avant de les mettre en quartier d'hiver. Voyez QUARTIER. Chambers.

Le colonel d'un régiment doit faire toutes les années la revue de son régiment, & les inspecteurs de cavalerie & d'infanterie doivent faire leur revue de tous les différens régimens de ces deux corps.

Les commissaires des guerres doivent faire, une fois le mois, la revue des troupes dont ils ont la police, & ils ne doivent y passer que les officiers, gendarmes, cavaliers, dragons ou soldats qui sont effectivement sous les armes, ou dans l'hôpital du lieu où se fait la revue. Ils doivent dans l'extrait qu'ils font de chaque revue marquer le nombre, la qualité des hommes & des chevaux, de même que ce qui concerne les armes & les habillemens des troupes. Ces extraits doivent être signés par les gouverneurs ou commandans des places, ou dans le lieu où il n'y a point de gouverneur, commandant ou major, par les maire, échevins, ou autres magistrats desdits lieux. Ces extraits doivent être envoyés au secrétaire d'état de la guerre, & aux intendans dans les départemens desquels se font les revues, &c. (Q)


REVUIDERen terme de Metteur-en-oeuvre ; c'est proprement aggrandir de telle forme qu'il est besoin, les trous qu'on a commencés en drille. Voyez DRILLE.


RÉVULSIONS. f. en Médecine ; c'est le cours ou le flux des humeurs d'une partie du corps à une partie proche ou opposée. Voyez HUMEUR, DERIVATION. Dans les blessures dangereuses, où le sang se perd abondamment, & où il est presque impossible de l'arrêter ; on ouvre ordinairement une veine dans quelque partie éloignée pour causer une révulsion, c'est-à-dire, pour obliger le sang de retourner de la plaie à l'endroit où la veine est ouverte. Voyez SAIGNEE.

Les révulsions sont aussi occasionnées par l'amputation, la friction, &c. Voyez ces articles.

La révulsion est aussi quelquefois un retour volontaire, ou un reflux d'humeurs dans les corps. Les maladies subites sont occasionnées par de grandes révulsions d'humeurs qui se portent tout-à-la-fois sur certaines parties.


REXPRINCEPS, (Littérat.) il est très-important de bien distinguer le seul des mots latins rex, princeps, ou regnum & principatus ; car il ne faut pas s'en laisser imposer par la synonymie de ces mots dans notre langue.

Chez les latins, les termes de principatus, regnum, principauté, royaume, sont ordinairement opposés ; c'est ainsi que Jules-César dit que le pere de Vercingetorix avoit la principauté de la Gaule, mais qu'il fut tué, parce qu'il aspiroit à la royauté : c'est ainsi que Tacite fait dire à Pison, que Germanicus étoit fils du prince des Romains, & non pas du roi des Parthes : ou quand Suétone raconte, que peut s'en fallut que Caligula ne changeât les ornemens d'un prince en ceux d'un roi ; ou quand Velleius Paterculus dit, que Maroboduus, chef d'une nation des Germains, se mit dans l'esprit de s'élever jusqu'à l'autorité royale, ne se contentant pas de la principauté dont il étoit en possession, avec le consentement de ceux qui dépendoient de lui.

Cependant ces deux mots se confondent souvent : car les chefs des Lacédémoniens, de la postérité d'Hercule, depuis même qu'ils furent mis sous la dépendance des Ephores, ne laissoient pas d'être toujours appellés rois.

Dans l'ancienne Germanie, il y avoit des rois qui, au rapport de Tacite, gouvernoient par la déférence qu'on avoit pour leurs conseils, plutôt que par un pouvoir qu'ils eussent de commander. Tite-Live dit, qu'Evandre Arcadien regnoit dans quelques endroits du pays latin, par la considération qu'on avoit pour lui, plutôt que par son autorité.

Aristote, Polybe & Diodore de Sicile, donnent le titre de rois aux suffetes ou juges des Carthaginois, & Hannon est ainsi qualifié par Solin. Il y avoit dans la Troade une ville nommée Scepse, au sujet de laquelle Strabon raconte, qu'ayant reçu dans l'état les Milésiens, elle s'érigea en démocratie, de telle sorte pourtant, que les descendans des anciens rois, conserverent & le titre de roi, & quelques marques d'honneur. Les empereurs romains au contraire, depuis qu'ils exerçoient tout ouvertement & sans aucun déguisement une puissance monarchique très-absolue, ne laissoient pas d'être appellés princes ou chefs de l'état. Il y a aussi des républiques où les principaux magistrats sont honorés des marques extérieures de la dignité royale. (D.J.)


REY(Géog. mod.) on écrit aussi Reï, Rhei & Raï ; ville de Perse, & la plus septentrionale de l'IrakAgemi, autrement Irak persienne, ce qui est proprement le pays des anciens Parthes, environ à cinq journées de Nischabourg. Les tables arabiques lui donnent 86. degrés 20. min. de longitude, & 35. 35. de latitude. Tavernier la marque à 76. 20. de longitude sous les 35. 35. de latitude.

La ville de Rey, qui ne subsiste plus aujourd'hui, & dont on ne voit que les ruines, a été autrefois la capitale des Selgiucides, à qui Tekesch, sultan des Khovarezmiens, l'enleva. La géographie persane dit qu'elle étoit la plus grande ville de l'Asie dans le ix. siecle. Les auteurs arabes assurent aussi qu'elle étoit alors la ville d'Asie la plus peuplée, & qu'aucune, après Babylone, n'avoit jamais été si considérable soit en richesses, soit en nombre d'habitans. Elle subsista en sa splendeur jusqu'aux conquêtes des Mahométans, qui la détruisirent trois siecles après. Entre les grands personnages que cette ville a produit, on compte Rhazès, médecin célebre, qui vivoit dans le x. siecle, & dont j'ai parlé au mot MEDECINE. (D.J.)


REYNA(Géog. mod.) en latin Regina ; ville d'Espagne, dans l'Estramadure de Léon, sur les frontieres de l'Andalousie. Elle est située dans une plaine, avec un château sur une hauteur. Elle fut fondée par les Romains sous le nom de Regina, qu'on a changé en celui de Reyna. On y trouve encore quelques restes d'antiquité. Elle fut prise sur les Maures, en 1185, par le roi dom Alphonse IX. & elle appartient aujourd'hui à l'ordre de S. Jacques. Long. 11. 45. latit. 38. 15. (D.J.)


REZ(Géog. mod.) nom commun à deux petites villes d'Allemagne, l'une en Autriche, sur les frontieres de la Moravie, & dont le terroir produit d'excellent vin. L'autre petite ville nommée Rez ou Reez, est dans la Marche de Brandebourg sur les confins de la Poméranie, entre Arnsheim & Falckenburg. (D.J.)

REZ, s. m. (Architect.) niveau du terrein de la campagne, qui n'est ni creuse, ni élevée. On fait les fondemens soit de moilon, soit de libage jusqu'aux rez-de-chaussée. (D.J.)

REZ-DE-CHAUSSEE, s. m. (Archict.) c'est la superficie de tout lieu considérée au niveau d'une chaussée, d'une rue, d'un jardin, &c. On dit rez-de-chaussée des caves, ou du premier étage d'une maison, mais c'est improprement. (D.J.)

REZ-MUR, s. m. (Archit.) nud d'un mur dans oeuvre. Ainsi, on dit qu'un poutre, qu'un solive de brin, &c. a tant de portée de rez-mur, pour dire depuis un mur jusqu'à l'autre. Daviler. (D.J.)

REZ-TERRE, s. m. (Archit.) c'est une superficie de terre, sans ressauts ni degrés.


REZALS. m. (Mesure seche) c'est une mesure de continence pour les grains, dont on se sert en Alsace & en quelques lieux des provinces voisines. A Strasbourg, le rezal de froment pese 160 livres poids de marc ; & dans d'autres endroits d'Alsace, plus ou moins. Savary. (D.J.)


RHA(Géog. anc.) fleuve de la Sarmatie asiatique. Ptolémée, liv. V. ch. ix. qui dit que c'étoit un grand fleuve, ajoute qu'il se jettoit dans la mer Caspienne. On l'appelle aujourd'hui le Volga. (D.J.)


RHAAS. m. (Hist. nat. Bot.) c'est le nom que les habitans de l'île de Madagascar donnent à l'arbre qui produit le sang-dragon.


RHABDOIDEadj. en Anatomie ; c'est le nom que l'on donne à la seconde suture vraie du crâne, qui est aussi appellée suture sagittale. Voyez SUTURE & SAGITTALE. Ce mot vient du grec , & de forme.


RHABDOLOGIES. f. (Géog.) est le nom qu'on donne quelquefois dans l'Arithmétique, à la méthode de faire les deux regles les plus difficiles ; savoir, la multiplication & la division, par le moyen des deux plus faciles, savoir, l'addition & la soustraction, en employant pour cela de petits bâtons ou lames, sur lesquelles certains nombres sont écrits, & dont l'on change la disposition, suivant certaines regles.

Ces petites lames sont ce qu'on appelle ordinairement ossa Neperi, bâtons de Neper, du nom de leur inventeur Neper, baron écossois, qui est aussi l'auteur des logarithmes. Voyez BATONS DE NEPER, au mot NEPER. Voyez aussi LOGARITHME. (E)


RHABDOMANTIES. f. (Divination.) Ce mot est composé de , verge, & de , divination. C'est l'art futile de prétendre deviner les événemens passés ou avenir par des baguettes. Cet art ridicule prit autrefois beaucoup de faveur chez les Hébreux, les Alains & les Scythes. Il paroît bien qu'il s'agit de rhabdomantie dans Osée, ch. jv. vers. 12, mais il est question de bélomantie, c'est-à-dire de divination par les fleches, ch. xxj. xxij. d'Ezéchiel, car les termes sont différens ; cependant saint Jérôme y a été trompé le premier. Voyez BELOMANTIE. (D.J.)


RHABDONALEPSIS(Antiq. grecq.) , fête qu'on célébroit toutes les années dans l'île de Cos, & où les prêtres portoient en procession un cyprès. Potter, archaeol. graec. cap. xx. tom. I. p. 429. (D.J.)


RHABDOPHORES(Antiq. grecq.) , officiers établis dans les jeux publics de la Grece, pour y maintenir le bon ordre, avec pouvoir de punir suivant l'exigence des cas, tous ceux qui y contrevenoient. Potter, archaeol. graec. tom. I. pag. 448. (D.J.)


RHABILLAGES. m. (Gramm. & Art méch.) c'est le raccommodage d'un ouvrage gâté ou dérangé ; il est d'usage chez les Couteliers, les Horlogers, les Taillandiers, &c. On dit le rhabillage des couteaux, ciseaux, rasoirs, &c. le rhabillage des faulx, faucilles, serpes, haches, &c. le rhabillage d'une montre, &c.


RHABILLERv. act. (Gramm.) habiller une seconde fois. Voyez HABILLER & HABIT. Se rhabiller, c'est reprendre ses vêtemens : c'est aussi se remettre en habits neufs ; il faut rhabiller mes gens.

Il se prend au figuré. Vous aurez bien de la peine à rhabiller cette affaire.


RHACHIA(Géog. anc.) Polybe, liv. III. nomme ainsi une branche des monts Pyrénées, qui formoit un promontoire sur la mer Méditerranée. (D.J.)


RHACHISAGRES. f. (Chirurgie) nom par lequel on peut désigner la douleur arthritique qui attaque l'épine du dos. C'est la maladie qu'on connoît aussi sous le nom de lumbago ou rhumatisme goutteux de l'épine. Le terme de rhachisagre a été employé par le célebre chirurgien Ambroise Paré, & d'après lui, dans le lexicon Castello-Brunonianum. Voyez ARTHRISTIE, GOUTTE. (Y)


RHACHITISS. m. terme de Chirurgie, qui signifie une maladie qui attaque les os des enfans, & les rend enflés, courbés & tortus. V. ENFANS, OS. RACHITIS.

Cette maladie leur vient souvent d'être mal emmaillotés, d'être trop serrés dans des endroits, & pas assez dans d'autres ; d'être placés de travers, ou d'être trop long-tems dans la même posture, ou de les laisser trop long-tems humides. Elle vient aussi du défaut de mouvement qui se trouve chez eux, & de l'usage de les porter sur les bras ; ce qui fait que leurs genoux & leurs jambes sont trop long-tems dans une situation courbée ; ou par le manque de digestion, ce qui occasionne les alimens à être inégalement distribués dans le corps ; ce qui fait qu'une partie des os prend de l'accroissement au défaut de l'autre.

Les enfans se nouent ordinairement entre les premiers 8 mois & l'âge de 6 ans. La partie qui se noue est lâche, flaccide & foible ; & si ce sont les jambes, elles ne peuvent plus porter le reste de leur corps. Toutes les parties qui servent au mouvement volontaire du corps sont pareillement affoiblies & débilitées, & l'enfant devient pâle, malingre, incapable de tout, & ne se peut tenir droit ; sa tête devient trop forte pour le tronc, & les muscles du cou ne peuvent plus la faire mouvoir, parce qu'ils perdent insensiblement leur force ; leurs poignets, la cheville du pié & les extrêmités de leurs côtes se gonflent, & se chargent d'excrescences noueuses, & les os de leurs jambes & de leurs cuisses viennent de travers & crochus ; le pareil désordre saisit aussi leurs bras.

Si cette maladie continue long-tems, le thorax se rétrécit, d'où s'ensuit la difficulté de respirer, la toux & la fievre hectique ; l'abdomen s'enfle, le pouls devient foible & languissant, & si les symptomes s'augmentent, la mort s'ensuit. Quand un enfant est capable de parler avant que de pouvoir faire usage de ses jambes, c'est une marque qu'il est noué ; quand cette maladie leur commence de bonne heure, on peut y remédier par des appuis & des bandages que l'on applique aux parties attaquées ; mais quand les os sont parvenus à un état de rigidité & d'inflexibilité, il faut se servir d'autres inventions méchaniques, de différentes sortes de machines faites de carton, de baleine, d'étain, &c. Pour remettre les os tortués dans leur direction naturelle, on se sert de bottines de fer blanc pour redresser les jambes ; on met aussi en usage une croix de fer pour comprimer les épaules lorsque les enfans deviennent bossus. Voy. fig. 2. Pl. VI.

Les bains froids servent aussi dans cette maladie, ce qu'il faut faire éprouver aux enfans avant que les noeuds soient absolument formés, & pendant le mois de Mai & de Juin, en les tenant deux ou trois secondes dans l'eau à chaque immersion.

Quelques-uns se servent de liniment de rum, eau-de-vie tirée du sucre, & d'huile de palme ; & d'autres d'emplâtres de minium & d'oxicroceum que l'on applique sur le dos, desorte que l'on en couvre l'épine entiere. On se sert aussi de frictions sur tout le corps, que l'on fait avec un linge chaud devant le feu, sur-tout à la partie affligée ; l'huile de limaçon est encore bonne pour cette maladie. On tire l'huile de ces animaux en les pilant & les suspendant dans un sac de flanelle, & on enduit les membres & l'épine du dos du malade avec cette huile. Tout ce qui vient d'être dit est traduit de Chambers. On a cru devoir conserver ce qu'on pense en Angleterre d'une maladie qui y est très-commune, & qui paroît y avoir pris son origine il y a une centaine d'années.

Le rhachitis est une maladie particuliere aux enfans, qui consiste dans un amaigrissement de toutes les parties du corps au-dessous de la tête, dans une courbure de l'épine & de la plûpart des os longs, dans un gonflement des épiphyses & des os spongieux, dans les noeuds qui se forment à leurs articulations, dans une dépression des côtes dont les extrêmités paroissent nouées, dans un retrécissement de la poitrine, & dans un épuisement & une espece de retrécissement des os des îles & des omoplates, pendant que la tête est fort grosse, & que le visage est plein & vermeil. Le ventre est gonflé & tendu, parce que le foie & la rate sont d'un volume considérable. On remarque que les enfans qui en sont attaqués, mangent beaucoup, & qu'ils ont l'esprit plus vif & plus pénétrant que les autres ; & enfin, quand on ouvre ceux qui en meurent, on trouve que les poumons adhérens à la plevre sont livides, skirrheux, remplis d'abscès, & presque toutes les glandes conglobées, gonflées d'une lymphe épaisse.

Glisson, fameux médecin anglois, prétend que la courbure des os arrive par la même raison qu'un épi de blé se courbe du côté du soleil, ou qu'une planche, du papier, un livre & autres choses semblables se courbent du côté du feu, parce que le soleil ou le feu enleve quelques-unes des parties humides qui se rencontrent dans les pores de la surface opposée ; ce qui fait à l'égard de ces surfaces ce que feroient plusieurs coins de bois que l'on mettroit dans les séparations des pierres qui composent une colonne ; car si tous les coins étoient du même côté, le pilier ou la colonne se courberoit du côté opposé.

Voulant faire l'application de cet exemple à la courbure des os, il dit qu'ils se courbent lorsque la nourriture se porte en plus grande abondance d'un côté que d'autre ; parce qu'un côté venant à s'enfler & à croître considérablement, oblige la surface opposée à se courber : c'est pour cette raison que le même auteur ordonne de frotter le côté courbé d'huile pénétrante & de linges chauds, pour rappeller la nourriture dans cette partie, & faire entrer dans ces pores des particules nourricieres pour allonger ces fibres ; & pour favoriser cet effet, il veut qu'on applique des bandages & des attelles aux côtés opposés à la courbure.

Ce systême de Glisson a été réfuté par plusieurs auteurs. On ne connoît aucune cause qui puisse produire une distribution inégale de la nourriture dans quelque os ; & l'on voit que, contre cette opinion, les os se courbent du côté où ils devroient recevoir le plus de nourriture.

Mayow propose un systême tout différent, où il dit que dans le rhachitis, les cordes tendineuses & les muscles sont desséchés & raccourcis faute de nourriture, à cause de la compression des nerfs de la moëlle de l'épine qui se distribuent à ces organes ; que par conséquent dans leurs différentes contractions, ils font courber les os, de même qu'une corde attachée à l'extrêmité du tronc d'un jeune arbre l'obligeroit de se courber à mesure qu'il croîtroit.

On a fait quelques objections à ce systême que M. Petit adopte dans son traité des maladies des os ; mais à la réfutation de ces objections, par laquelle il prouve que la courbure des os dépend de la contraction des muscles, il ajoute que sans leur mollesse ils ne pourroient se courber. M. Petit explique la courbure de chaque os en particulier par la contraction des muscles qui s'y attachent, la pesanteur du corps & leur courbure naturelle, trois causes qui ne peuvent agir qu'autant que les os seront mous.

La mollesse des os étant la cause occasionnelle de leur courbure, il faut rechercher la cause de cette mollesse dans l'altération des humeurs nourricieres, qui ne peut être produite que par le mauvais usage des choses non-naturelles. Voyez CHOSES NON-NATURELLES.

Les causes primitives qui paroissent pouvoir agir sur les enfans en altérant leurs humeurs, peuvent se réduire à cinq ; savoir, les régions & les climats différens, les dents qui doivent sortir ou qui sortent, les vers auxquels ils sont sujets, le vice du lait & des autres alimens, & le changement de nourriture quand on les sevre. M. Petit explique fort au long comment ces différentes causes contribuent au vice des humeurs, qui détruisant la consistance naturelle des sucs nourriciers, produit la mollesse des os. L'action des muscles & la pesanteur naturelle du corps agissent principalement sur l'épine à cause de sa courbure naturelle ; les nerfs de la moëlle de l'épine sont comprimés, & c'est à cette compression qu'on peut attribuer tous les phénomenes qu'on remarque dans cette maladie. M. Petit répond à toutes les objections qu'on peut faire contre sa théorie ; & cet auteur finit l'article de rhachitis, en disant que s'il s'est étendu beaucoup plus sur les causes, & sur l'explication des symptomes que sur les formules, c'est qu'il est persuadé que les maladies qui sont bien connues indiquent elles-mêmes le remede qui leur convient. On voit par ce qui a été dit, qu'on peut prévenir cette maladie en prenant autant qu'il est possible, des précautions contre les causes qui la produisent, & qu'on peut la pallier & la guérir même entierement, en s'attachant à bien discerner la cause pour la combattre par les moyens que le régime & les remedes fournissent contre elle. (Y)


RHACOLES. f. (Médec.) relâchement de la peau du scrotum, sans qu'il y ait des corps contenus ; indisposition qui défigure la partie.


RHADAMANTHE(Mythol.) Rhadamanthus ; un des trois juges des enfers, frere de Minos, fils de Jupiter & d'Europe. Il s'acquit la réputation d'un prince d'une grande vertu. Après s'être établi dans quelqu'une des îles de l'Archipel sur les côtes d'Asie, il y gagna tous les coeurs par la sagesse de son gouvernement. Son équité & son amour pour la justice lui valurent l'honneur d'être un des juges des enfers, où on lui donna pour son partage les Asiatiques & les Afriquains. C'est lui, dit Virgile, qui préside au tartare, où il exerce un pouvoir formidable ; c'est lui qui informe des fautes, & qui les punit ; il force les coupables de réveler eux-mêmes les horreurs de leur vie, d'avouer les crimes dont ils ont vainement joui, & dont ils ont différé l'expiation jusqu'à l'heure du trépas :

Gnossius haec Rhadamanthus habet durissima regna

Castigatque auditque dolos, subigitque fateri,

Quae quis apud superos, furto laetatus inani

Distulit in seram commissa piacula mortem.

Aeneid. lib. VI.

Cependant le poëte n'offre Rhadamanthe que comme un juge éclairé qui inflige des peines ; & au hazard de déplaire à Auguste, il ne s'est pas contenté de jetter des fleurs sur la tombe de Caton, il le peint à la place de Rhadamanthe, donnant seul des lois aux heureux habitans des champs élysées :

Secretosque pios his dantem jura Catonem.

C'est-là un trait de républicain qui fait honneur à Virgile. (D.J.)


RHAEASS. m. terme de Médecine, qui signifie la diminution ou la consomption de la caroncule lacrymale qui est située dans le grand angle de l'oeil. Voyez CARONCULE. Ce mot vient du grec , couler. Le rhaeas est opposé à l'encanthis, qui est l'augmentation excessive de la même caroncule. Voyez ENCANTHIS. Il est causé par une humeur corrosive qui tombe sur cette partie, & qui la ronge & la consomme par degrés ; & souvent par le trop grand usage de cauteres dont on se sert dans la fistule lacrymale. On le guérit par les incarnatifs.


RHAEBA(Géogr. anc.) ville de l'Hibernie. Ptolémée, liv. II. ch. ij. la place dans la partie orientale de l'île, mais dans les terres, entre Regia & Laberus. Cambden croit que c'est présentement Rhéban, bourgade du comté de Dueen's. (D.J.)


RHAECou ROECI, (Géog. anc.) anciens peuples d'Italie. Strabon, liv. 5. pag. 231. les met au nombre de ceux dont le pays fut appellé Latium, aprés qu'ils eurent été subjugués. (D.J.)


RHAGADESS. m. terme de Chirurgie, dérivé du grec, dont on se sert pour signifier les fentes, crevasses, ou gerçures qui surviennent aux levres, aux mains, à l'anus & ailleurs. L'humeur saline & âcre qui coule du nez dans le coryza cause des gerçures aux orifices des narines & à la peau de la levre supérieure. Le froid qui cause un resserrement violent à la peau délicate des levres, la ride comme un parchemin mouillé qu'on expose à l'action du feu pour le sécher. Les gerçures des levres occasionnées par le froid, se guérissent facilement, de même que toutes les autres scissures ou crevasses de la peau, avec la premiere pommade, pourvu qu'il n'y ait point de cause intérieure acrimonieuse ou virulente. Les rhagades qui sont des symptomes de lepre ou de gale, ne cedent qu'aux remedes convenables à la destruction de ces maladies. Voyez LEPRE & GALE.

Les rhagades du fondement sont souvent des symptomes de la maladie vénérienne ; ils sont ordinairement accompagnés de callosités & souvent d'ulcération. Lorsqu'on a détruit le principe de la maladie par les remedes qui y sont propres, on voit les rhagades disparoître d'eux-mêmes. Ceux qui viennent à la suite d'une diarrhée ou de la dyssenterie, sont l'effet de l'irritation causée par des matieres âcres, & se guérissent comme toutes les crevasses bénignes, avec l'onguent rosat, le cerat de Galien, ou l'onguent populeum, & autres remedes semblables. (Y)


RHAGADIOLUSS. m. (Hist. nat. Botan.) genre de plante ainsi nommé par Tournefort, & qu'on appelle en françois herbe aux rhagades, c'est le hieracium stellatum de J. B. & de Ray. Son calice est composé de feuilles étroitement crénelées, & lorsque sa fleur est tombée, il dégenere en gaînes membraneuses disposées en étoiles, velues, & qui contiennent chacune une semence. Tournefort ne connoît qu'une seule espece d'herbe aux rhagades. Elle pousse des tiges à la hauteur d'un ou deux piés, grêles, rameuses, couvertes d'un peu de duvet. Ses feuilles sont sinueuses & velues. Sa fleur est un bouquet à demi-fleurons jaunes, soutenus par un calice composé de quelques feuilles étroites & pliées en gouttiere. Sa semence est longuette, & le plus souvent pointue. Cette plante croît dans les pays chauds ; elle passe pour être apéritive & détersive. (D.J.)


RHAGOIDEadj. terme d'Anatomie, qui signifie la seconde tunique de l'oeil ; on l'appelle plus ordinairement l'uvée & choroïde. Voyez UVEE & CHOROÏDE. On l'appelle rhagoïde parce qu'elle ressemble à un grain de raisin sans queue. Dans la tunique rhagoïde est l'ouverture appellée pupille. Voyez PRUNELLE.


RHAMNOIDESS. m. (Hist. nat. Botan.) genre de plante dont la fleur n'a point de pétales ; elle est stérile, & composée de quelques étamines soutenues par un calice formé de deux feuilles. Il y a des especes de ce genre qui ne rapportent point de fleurs, & sur lesquelles naissent des embryons qui deviennent dans la suite un fruit ou une baie dans laquelle il ne se trouve qu'une semence arrondie. Tournefort, I. R. H. corol. Voyez PLANTE. Linnaeus l'appelle hyppophae.


RHAMNUS(Géog. anc.) bourg de l'Attique, sur le bord de l'Euripe, dans la tribu aeantide, selon Strabon, liv. IX. Pausanias, attic. c. xxxiij. dit que ce bourg étoit à 60 stades de Marathon du côté du septentrion. M. Spon, voy. tom. II. pag. 184. dit que le nom moderne est Tauro-Castro, ou Ebraeo Castro. Cent pas au-dessus, ajoute-t-il, sont les débris du temple de la déesse Némésis. Ce temple étoit quarré, & avoit quantité de colonnes de marbre, dont il ne reste que les pieces. Il étoit fameux dans toute la Grece, & Phidias l'avoit rendu encore plus recommandable par la statue de Némésis qu'il y fit. Strabon dit que c'étoit Agoracritus parien, mais que cet ouvrage ne cédoit point à ceux de Phidias. Pour ce qui est de la montagne & de la grotte de Pan, dont les anciens disoient tant de merveilles, on ne les distingue point aujourd'hui.

Antiphon, orateur athénien, étoit du bourg de Rhamnus, d'où on le surnomma le rhamnusien. Personne avant lui ne s'étoit avisé de composer des plaidoyers. Après avoir cultivé la poésie, il se donna tout entier à l'éloquence, la réduisit en art, en publia des préceptes, & l'enseigna à Thucydide, qui par reconnoissance fit l'éloge de ce maître dans le huitieme livre de son histoire. Plutarque dit qu'il étoit exact dans sa maniere, énergique & persuasif, fécond en moyens, heureux à prendre le bon parti dans les conjectures douteuses, adroit à s'insinuer dans l'esprit de ses auditeurs, & rigoureux observateur des bienséances. Il y a eu plusieurs autres Antiphons, avec lesquels celui-ci ne doit pas être confondu. (D.J.)


RHAMNUSIAS. f. (Mythol.) surnom de Némésis, à cause d'une statue qu'elle avoit à Rhamnus, bourg d'Attique. Cette statue de dix coudées de haut, étoit d'une seule pierre, & d'une si grande beauté, qu'elle ne cédoit point aux ouvrages de Phidias : elle avoit été faite pour une Vénus ; mais le nom de l'artiste n'a point passé à la postérité. (D.J.)


RHAPHANEDONS. f. on sous-entend fracture ; espece de fracture qui a la forme de rave. Dans cette fracture, un os long s'est cassé en travers, selon son épaisseur. Rhaphanédon vient de , rave ou raifort.


RHAPHIUou RHAPRUS, s. m. nom ancien d'un quadrupede, ayant la figure du loup & la peau mouchetée du léopard ; c'est le loup-cervier de France. Rhaphius vient de l'hébreu rhaam, affamé.


RHAPONTICS. m. (Hist. nat. Botan. exot.) en latin rhaponticum. off. & Diosc. est une racine oblongue, ample, branchue, brune en-dehors, jaune en-dedans, coupée transversalement, montrant des cannelures disposées en rayons, tirées de la circonférence au centre ; mollasse, spongieuse, d'une odeur qui n'est pas désagréable ; d'un goût amer, un peu astringent & âcre ; visqueuse & gluante lorsqu'on la tient un peu dans la bouche.

Cette racine est différente de la rhubarbe des boutiques ; & c'est ce qui est évident par la description du rhapontic tirée de Dioscoride. " Le rha, que quelques-uns appellent rheum, dit-il, vient dans les pays qui sont situés le long du Bosphore, d'où on l'apporte. C'est une racine noire semblable à la grande centaurée, mais plus petite & plus rousse, fongueuse, un peu unie, sans odeur. Le meilleur est celui qui n'est point carié, qui devient gluant dans la bouche, & un peu astringent, qui a une couleur pâle & tirant un peu sur le jaune lorsqu'on l'a mâché ". Cette description convient fort bien au rhapontic de Prosper Alpin, ou des boutiques. On le place mal-à-propos, comme a fait Morisson, parmi les especes de lapathum. M. Tournefort en fait un genre particulier, & il l'appelle rhabarbarum forte Dioscoridis & antiquorum.

Sa racine qui est ample, branchue, pousse des feuilles aussi larges que celles de la bardane, mais plus rondes, & munies de nerfs épais comme le plantain. Du milieu des feuilles, s'éleve une tige qui a plus d'une coudée de haut, & plus d'un pouce de grosseur : elle est creuse, cannelée ; & aux endroits de ses noeuds, il vient des feuilles alternatives rondelettes, de neuf pouces de long, & qui vont se terminer en pointe. Les fleurs y sont à tas, disposées en de grosses grappes rameuses ; elles sont d'une seule piece formée en cloche, blanches, & ordinairement divisées en cinq ou six parties obtuses : du centre de chaque fleur sortent plusieurs étamines courtes qui environnent un pistil triangulaire, lequel se change en une semence de pareille forme, longue de deux lignes ; chacun de ces trois angles se prolonge en s'atténuant dans une aîle feuillée d'une façon élégante.

Le rhapontic naît non-seulement sur le mont Rhodope dans la Thrace, mais encore dans plusieurs endroits de la Scythie. On le cultive communément dans les jardins d'Europe. Sa racine purge modérément en poudre, & est plus astringente que la vraie rhubarbe : c'est pourquoi on ne doit pas mépriser ce remede dans la diarrhée & la dyssenterie, quand il convient d'en arrêter le cours. (D.J.)


RHAPSODESS. m. pl. (Belles-Lettres) nom que donnoient les anciens à ceux dont l'occupation ordinaire étoit de chanter en public des morceaux des poëmes d'Homere, ou simplement de les réciter.

M. Cuper nous apprend que les rhapsodes étoient habillés de rouge quand ils chantoient l'Iliade, & de bleu quand ils chantoient l'Odyssée. Ils chantoient sur des théâtres, & disputoient quelquefois pour des prix.

Lorsque deux antagonistes avoient fini leurs parties, les deux pieces ou papiers sur lesquels elles étoient écrites, étoient joints & réunis ensemble, d'où est venu le nom de rhapsodes, formé du grec , je cous, & , ode ou chant.

Mais il y a eu d'autres rhapsodes plus anciens que ceux-ci ; c'étoient des gens qui composoient des chants héroïques ou des poëmes en l'honneur des hommes illustres, & qui alloient chanter leurs ouvrages de ville en ville pour gagner leur vie. C'étoit-là, diton, le métier qu'Homere faisoit lui-même.

C'est apparemment pour cette raison que quelques critiques ont fait venir le mot rhapsodes, non de & , mais de & , chanter avec une branche de laurier à la main, parce qu'il paroît en effet que les premiers rhapsodes portoient cette marque distinctive.

Philocorus fait aussi venir le nom de rhapsodes de , composer des chants ou poëmes, supposant que les poëmes étoient chantés par leurs auteurs mêmes. Suivant cette opinion dont Scaliger ne s'éloigne pas, les rhapsodes auroient été réduits à ceux de la seconde espece dont nous venons de parler.

Cependant il est plus vraisemblable que tous les rhapsodes étoient de la même classe, quelque différence que les auteurs ayent imaginée entr'eux, & que leur occupation étoit de chanter ou de réciter des poëmes, soit de leur composition, soit de celle des autres, selon qu'ils y trouvoient mieux leur compte & plus de gain à faire. Aussi ne pouvons-nous mieux les comparer qu'à nos anciens trouveurs & jongleurs, ou encore à nos chanteurs de chansons, parmi lesquels quelques-uns sont auteurs des pieces avec lesquelles ils amusent la populace dans les carrefours.

Depuis Homere il n'est pas surprenant que les rhapsodes de l'antiquité se soient bornés à chanter les vers de ce poete, pour qui le peuple avoit la plus grande vénération, ni qu'ils ayent élevé des théâtres dans les foires, & les places publiques, pour disputer à qui réciteroit mieux ces vers, beaucoup plus parfaits & plus intéressans pour les Grecs, que tout ce qui avoit paru jusqu'alors.

On prétend, dit madame Dacier, dans la vie d'Homere, que ces rhapsodes étoient ainsi appellés pour les raisons qu'on a vues ci-dessus, & encore parce qu'aprés avoir chanté, par exemple, la partie appellée la colere d'Achille, dont on a fait le premier livre de l'Iliade, ils chantoient celle qu'on appelloit le combat de Paris & de Ménélas, dont on a fait le troisieme livre, ou tel autre qu'on leur demandoit, . Cette derniere opinion est la plus vraisemblable, ou plutôt la seule vraie. C'est ainsi que Sophocle, dans son Oedipe, appelle le sphinx, , parce qu'il rendoit différens oracles, selon qu'on l'interrogeoit. Au reste, il y avoit deux sortes de rhapsodes ; les uns récitoient sans chanter, & les autres récitoient en chantant. Vie d'Homere, pag. 24 & 25. dans une note.


RHAPSODIES. f. (Belles-Lettres) nom qu'on donnoit dans l'antiquité aux ouvrages en vers qui étoient chantés ou récités par les rhapsodes. Voyez RHAPSODES.

Quelques auteurs pensent que rhapsodie signifioit proprement un recueil de vers, principalement de ceux d'Homere, qui ayant été long-tems dispersés en différens morceaux, furent enfin mis en ordre, & réunis en un seul corps par Pisistrate, ou par son fils Hipparque, & divisés en livres, qu'on appella rhapsodies, terme dérivé des mots grecs , coudre, & , chant, poëme, &c.

Le mot rhapsodie est devenu odieux, comme le remarque M. Despréaux dans sa troisieme réflexion critique sur Longin, & l'on ne s'en sert plus que pour signifier une collection de passages, de pensées, d'autorités rassemblées de divers auteurs, & unies en un seul corps. Ainsi le traité de Politique de Juste-Lipse est une rhapsodie, dans laquelle il n'y a rien qui appartienne à l'auteur, que les particules & les conjonctions. C'est pour avoir pris ce mot dans ce dernier sens, & à dessein de faire passer les poëmes d'Homere pour une collection ainsi faite des ouvrages de différens auteurs, que M. Perrault a fait une bevue en disant, dans ses paralleles : " Le nom de rhapsodies, qui signifie un amas de plusieurs chansons cousues ensemble, n'a pu être raisonnablement donné à l'Iliade & à l'Odyssée, que sur ce fondement que c'étoit une collection de plusieurs petits poëmes de divers auteurs, sur différens événemens de la guerre de Troie. Jamais poëte, ajoute-t-il, ne s'est avisé, malgré l'exemple & l'autorité d'Homere, de donner le nom de rhapsodie à un seul de ses ouvrages ".

A cela M. Despréaux répond, après avoir rapporté les diverses étymologies dont nous avons parlé au mot RHAPSODES, " que la plus commune opinion est que ce mot vient de , & que rhapsodie veut dire un amas de vers d'Homere qu'on chantoit, y ayant des gens qui gagnoient leur vie à les chanter, & non pas à les composer, comme M. Perrault se le veut bizarrement persuader. Il n'est donc pas surprenant qu'aucun autre poëte qu'Homere n'ait intitulé ses vers rhapsodies, parce qu'il n'y a jamais eu proprement que les vers d'Homere qu'on ait chantés de la sorte. Il paroît néanmoins que ceux qui dans la suite ont fait de ces parodies, qu'on appelloit centons d'Homere, ont aussi nommé ces centons rhapsodies ; & c'est peut-être ce qui a rendu le mot de rhapsodie odieux en françois, où il veut dire un amas de méchantes pieces recousues ".


RHAPSODOMANTIES. f. divination qui se faisoit en tirant au sort dans un poëte, & prenant l'endroit sur lequel on tomboit pour une prédiction de ce qu'on vouloit savoir. C'est ordinairement Homere ou Virgile qu'on prenoit pour cet effet, d'où l'on a donné à ces sortes de divinations le nom de sortes Virgilianae. Tantôt on écrivoit des sentences ou quelques vers détachés du poëte qu'on mettoit sur de petits morceaux de bois ; & après les avoir ballotés dans une urne, le premier qu'on en tiroit donnoit pour prédiction la sentence qu'il portoit. Tantôt on jettoit des dés sur une planche où l'on avoit écrit plusieurs vers, & ceux sur lesquels s'arrêtoient les dés passoient pour contenir la prédiction que l'on cherchoit.


RHARIUM(Géog. anc.) champ de l'Attique dans l'Eléusine, selon Etienne le géographe ; ce champ est nommé Raria terra & Rarius campus par Pausanias, l. I. c. xxxviij. & par Plutarque. Il étoit consacré à la déesse Cérès, & les Athéniens en regardoient la culture comme un point de religion. (D.J.)


RHASUTS. m. (Botan. exotiq.) c'est une espece d'aristoloche étrangere, qui croît principalement chez les Maures & aux environs d'Alep. Sa racine peut être employée dans la Médecine à la place des autres aristoloches : elle contient beaucoup d'huile & de sel ; elle est détersive, dessicative & résolutive, étant appliquée extérieurement. (D.J.)


RHATOSTATYBUS(Géog. anc.) fleuve de la grande-Bretagne. Son embouchure est placée par Ptolémée, l. II. c. iij. entre celle du fleuve Tobius & le golfe Sabriana. Cambden croit que c'est présentement le Tave ou Taf. (D.J.)


RHAVIUM(Géog. anc.) fleuve de l'Hibernie. Son embouchure est placée par Ptolémée, l. II. c. ij. entre le promontoire Boreum & la ville Nagnata. Cambden croit qu'il faut lire Banium, au lieu de Rhavium, & que le nom moderne est Banny. (D.J.)


RHAZUNDA(Géog. anc.) ville de Médie. Ptolémée, l. VI. c. ij. la place dans les terres entre Sanaïs & Vénéca. Lazius dit qu'elle se nomme présentement Rhemen. (D.J.)


RHÉAS. f. (Mythol.) femme & soeur de Saturne, divinité célebre du paganisme, sur l'origine de laquelle les poëtes ne sont point d'accord ; il y a même des contradictions à son sujet dans les hymnes d'Orphée, car dans l'une il la fait mere du ciel, & dans l'autre le ciel est son pere. On croit que Rhéa étoit dans son principe la reine d'Egypte Isis, qu'on a revêtue dans la suite de plusieurs noms en divers tems & en divers pays, ensorte qu'elle a été transformée en autant de divinités. Strabon fait mention de cette multiplication de noms donnés à la déesse : Et Berecynthes, & omnes Phryges, & qui Idam accolunt Troes, Rheam colunt, eique orgia celebrant. Vocatur ab eis mater deorum, & magna dea ; à locis autem Idaea, Dyndimene, Pessinuntia, Cybele. Mais quelque ancienne que fût Rhéa dans la Phrygie, elle l'étoit encore davantage en Egypte, où Diodore de Sicile fait descendre d'elle & de Saturne Jupiter & Junon. La théologie phénicienne de Sanchoniathon qui étoit plus ancienne, établit que Saturne ayant épousé ses deux soeurs, Astarté & Rhéa, il eut sept filles de la premiere, & sept fils de la derniere. Voilà donc la source dont les Grecs ont tirés toute la fable de Rhéa ou de Cybele. D'un autre côté Tite-Live vous racontera fort-au-long la tradition du transport de la déesse Rhêa de Pessinunte à Rome. Depuis lors les Romains lui rendirent les mêmes honneurs qu'elle avoit en Phrygie, & célebrerent tous les ans une fête à sa gloire. (D.J.)


RHÉBAS(Géogr. anc.) riviere de la Bythinie. Elle a sa source au mont Olympe, & son embouchure dans le Pont-Euxin, près de celle du fleuve Psillis. Le scholiaste d'Apollonius écrit qu'on donne à ce petit fleuve le nom de Salmy dessus, parce qu'il joint ses eaux avec celles d'un fleuve de ce nom. Gilles prétend qu'on appelle encore aujourd'hui cette riviere Ribas, mais M. de Tournefort dit Riva ; & voici comme il en parle.

Riva n'est qu'un ruisseau, large à-peu-près comme celui des Gobelins, tout bourbeux, & dont l'embouchure peut à peine servir de retraite à des bateaux ; cependant les anciens en ont fait sonner le nom bien haut sous celui de Rhébas. Denys le géographe qui a fait trois vers en sa faveur, l'appelle une aimable riviere. Apollonius le Rhodien au contraire en parle comme d'un torrent rapide : il n'est pourtant ni aimable, ni rapide aujourd'hui, &, suivant toutes les apparences, il n'a jamais été ni l'un ni l'autre.

Ses sources sont vers le bosphore du côté de Sultan Soliman Kiosc, dans un pays assez plat, d'où il coule dans des prairies marécageuses parmi des roseaux. Il n'est pas surprenant que Phinée eût donné une idée si affreuse de ce ruisseau aux Argonautes, lui qui regardoit les îles Cyanées comme les écueils les plus dangereux de la mer. Arrien compte 11 milles & 250 pas depuis le temple de Jupiter jusqu'à la riviere Rhébas, c'est-à-dire depuis le nouveau château d'Asie jusqu'à Riva : cet auteur est d'une exactitude admirable, & personne n'a connu si bien que lui la mer Noire, dont il a décrit toutes les côtes après les avoir reconnues en qualité de général de l'empereur Adrien, à qui il en dédia la description sous le nom du Périple du Pont-Euxin. (D.J.)


RHEDONES(Géog. anc.) peuples de la Gaule dans l'Armorique. César, l. VII. c. lxxv. & Ptolémée, l. II. c. viij. en font mention. Samson, dans ses remarques sur la carte de l'ancienne Gaule, observe que les Rhedones habitoient les terres que renferment aujourd'hui les diocèses de Rennes, de S. Malo & de Dol ; ces deux derniers ayant été tirés du premier. Leur capitale étoit Condate. (D.J.)


RHÉÉDIAS. f. (Hist. nat. Bot.) genre de plante ainsi nommée en l'honneur de M. Van-Rheed, curieux botaniste hollandois. En voici les caracteres. La fleur n'a point de calice, mais elle est composée de quatre pétales qui sont de forme ovoïde, creux & étendus au long & au large ; les étamines sont cinq filets courts ; le germe du pistil est rond ; le fruit est petit, ovale, succulent, formant une seule loge, contenant trois grosses semences de forme ovoïde, allongées & sillonnées de raies irrégulieres qui imitent des caracteres. Linn. gen. plant. p. 523. Plum. 18. (D.J.)


RHEGIUou RHEGIUM JULIUM, (Géog. anc.) ville d'Italie chez les Brutiens, selon Strabon, l. VI. p. 258. & Ptolémée. Le premier dit que le roi Denys la rasa, que Denys le jeune la rétablit en partie, & l'appella Phoebia, & qu'Auguste en fit une colonie romaine ; Gabriel Bari dit d'après Josephe, l. I. c. vij. qu'on la nomma anciennement Aschenaz, & ajoute, d'après Denys d'Halicarnasse, qu'Antiochus donna à cette même ville les noms de Neptunia & de Posidonia. S. Paul aborda dans cette ville en allant à Rome l'an 61 de Jesus-Christ, Act. xxviij. 12. 14. S. Luc qui étoit dans sa compagnie n'ayant point parlé des miracles qu'on prétend que S. Paul fit en ce lieu, son silence suffit pour rendre de tels miracles suspects. Au reste le nom moderne de Rhegium Julium est Reggio en Calabre.

Cette ville a produit dans l'antiquité des hommes célebres ; Agatoclès tyran de Sicile, fils d'un potier de terre ; le poëte Ibicus, Hippias & Lycus, tous deux historiens.

Agatoclès devint par sa valeur général de l'armée de Syracuse, & par son ambition tyran de cette ville, & ensuite de toute la Sicile. Il mourut de poison en la troisieme année de la cxxij. olympiade, l'an 464 de Rome, étant alors âgé de 72 ans, dont il en avoit regné 28. Plutarque rapporte qu'il se faisoit servir à table partie en vaisselle de terre, partie en vaisselle d'or, pour conserver la mémoire de sa naissance, & pour apprendre aux siens que les talens seuls peuvent élever à une haute fortune.

Le poëte Ibycus florissoit du tems de Crésus, environ 600 ans avant l'ere chrétienne. Il fut assassiné par des voleurs, & il leur prédit que des grues qui passoient par hazard vengeroient sa mort. Ce présage fut vérifié, car l'un d'eux, peu de tems après, appercevant une bande de grues, dit en plein marché à son camarade : " Vois-tu ces vengeresses d'Ibycus ? " Ce mot fut incontinent rapporté au magistrat ; on arrêta les deux brigands, on les mit en prison où ils confesserent leur crime, & en payerent la peine. Les poésies d'Ibycus étoient aussi licencieuses que ses moeurs, comme nous l'apprennent ces paroles de Ciceron : Maximè verò omnium flagrasse amore puerorum, Rhegium Ibycum apparet ex scriptis.

Hippias vivoit sous le regne de Darius & de Xerxès, 425 ans avant Jesus-Christ. C'est lui qui le premier a écrit l'histoire de Sicile : il avoit aussi fait des chroniques & les origines d'Italie.

Lycus, pere du poëte Lycophron, florissoit du tems de Ptolomée Lagus sous la cxv. olympiade, vers l'an 320 avant Jesus-Christ. Il est auteur d'une histoire de Lybie & de Sicile. (D.J.)


RHEGMA(Géog. anc.) 1°. ville de l'Arabie heureuse. Ptolémée, l. VI. c. vij. la marque sur la côte du golfe persique & dans le pays des Anarites. 2 °. Lieu de la Cilicie, que Strabon, l. XIV. p. 672. place à l'embouchure du fleuve Cydnus. (D.J.)

RHEGMA, s. m. (Lexic. medic.) ce mot grec veut dire, selon Galien, une espece de solution de continuité dans les parties molles, & cette rupture est l'effet d'une violente distension ; mais Hippocrate donne le nom de rhegma, tantôt aux spasmes qui affligent les parties musculeuses, & tantôt aux abscès qui s'ouvrent intérieurement. (D.J.)


RHÉIDE(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne en Westphalie, dans l'évêché de Munster sur la riviere d'Ems, près de Ritberg. (D.J.)


RHEIMou REIMS, (Géog. mod.) ville de France en Champagne, capitale du Rémois, sur la riviere de Vêle, (en latin Vidula), dans une plaine entourée de collines qui produisent d'excellens vins, à 12 lieues au nord-ouest de Châlons, à 38 au nord-ouest de Nancy, à 26 au nord de Troyes, & à 36 nord-est de Paris. Long. 21. 43. latit. 49. 15.

Cette ville est très-ancienne, & conserve encore plusieurs restes d'antiquités. Elle a pris son nom des peuples Rhemi ou Remois, mais elle s'appelloit Duroncourt en langue gauloise ; c'est ce mot que les Grecs & les Latins ont tourné selon l'inflexion de leur langue ; Jules César l'a nommé Durocortum, Strabon, ; Ptolémée, ; & Etienne, . L'itinéraire d'Antonin & la carte de Peutinger l'appellent Durocortorum.

Cette ville étoit la capitale des peuples rémois du tems de Jules César, lesquels peuples avoient beaucoup de pouvoir dans la Gaule belgique, étoient alliés des Chartrains ou Carnutes, & jouissoient de leur propre & naturelle liberté. De plus cette ville tenoit à Rome par un des grands chemins de l'empire, & par sept chemins qui en sortoient. Elle étoit des plus fideles alliés du peuple romain. Sous les empereurs, il y avoit à Rheims un magasin d'armes & une manufacture où l'on doroit les armes impériales. Il reste encore des vestiges près de Rheims, des chemins publics qui conduisoient de cette ville dans plusieurs autres de l'empire, & qui prouvent la grandeur des maîtres du monde qui les ont fait faire. Enfin lorsque Constantin créa une nouvelle belgique, il lui donna la ville de Rheims pour métropole.

Elle fut célebre sous les premiers rois de France, puisque Clovis y fut baptisé avec les principaux de sa cour par l'évêque S. Remi, qui l'avoit instruit dans la religion chrétienne. Les rois mérovingiens donnerent dans la suite de grands biens à l'église de Rheims, ensorte que les archevêques devinrent seigneurs temporels de la plus grande partie de leur diocèse. Sous les enfans de Louis le Débonnaire, cette ville échut à Charles le Chauve, & fit partie du royaume de Neustrie, sans que depuis elle en ait été séparée jusqu'à présent.

Les rois Louis le Jeune & Philippe-Auguste son fils donnerent le titre de duc à l'archevêque Guillaume de Champagne, cardinal & frere de la reine Adelle, & ils lui confirmerent les droits de sacrer & couronner les rois de France, qui leur avoient été fortement contestés dans ce siecle-là. Aussi tous les successeurs de Philippe-Auguste ont été sacrés à Rheims, excepté Henri IV. qui fit faire cette cérémonie à Chartres, parce que Rheims étoit attachée au parti de la ligue, & que l'archevêché étoit possédé par le cardinal Pellevé, l'un des plus envenimés ennemis de la maison royale. Le sacre de Philippe-Auguste passe pour avoir été le plus célebre de tous ceux qui l'ont précédé & qui l'ont suivi. Tous les pairs de France y assisterent en personne, ce qui est sans exemple.

Rheims est le siege d'un présidial, d'une élection, d'un hôtel des monnoies, & ce qui la distingue encore, le siege d'un archevêché qui porte le titre de premier duc & pair de France, légat né du saint siege, & primat de la Gaule belgique.

Son église métropolitaine, dédiée à la Vierge, tient un des premiers rangs dans les églises de France. Elle a été bâtie avant l'an 406, & son portail, quoique gothique, est très-estimé. La plus célebre des cinq abbayes qui sont à Rheims est celle de S. Remi, de l'ordre de S. Benoît. On y voit le tombeau du saint, & l'on y conserve la sainte ampoule qui contient l'huile de laquelle on sacre nos rois.

On vient d'y construire une place royale ; l'architecture est de M. le Gendre, ingénieur de la province ; & la statue pédestre est de M. Pigal. C'est un Louis XV. protecteur du commerce & des lois.

Les rhémois commercent en étoffes de laine & en vin. Citons-en les savans.

Lange (François), avocat, s'est acquis de la réputation par son livre intitulé le praticien françois, qui a été imprimé nombre de fois. L'auteur est mort en 1684 à 74 ans.

Lalement (Pierre), chanoine régulier de Ste Géneviève, y naquit en 1592, & devint chancelier de l'université de Paris, où il mourut en 1673, âgé de 81 ans. Quoiqu'il ne manquât pas d'érudition sacrée & profane, il n'a publié que des livres de dévotion en françois ; on estime les trois petits traités qu'il a fait sur la mort, intitulés, la mort des justes, le testament spirituel, & les saints desirs de la mort.

Bergier (Nicolas), né à Rheims en 1557, s'attacha à M. de Bellievre, & mourut dans son château en 1623. Il avoit fait l'histoire de sa patrie en seize livres, dont on n'a publié que les deux premiers ; mais il est fort connu par l'histoire des grands chemins de l'empire romain, ouvrage utile & plein d'érudition que son fils mit au jour à Paris en deux volumes in-4 °. Il a été réimprimé dans la même ville en 1681, & depuis à Bruxelles en 1728.

Coquillart, poëte françois, né à Rheims, & official de cette ville. Il a vécu sous le regne de Louis XI. ses poésies ont été mises au jour en 1532, & réimprimées à Paris chez Coutelier en 1714, in-12.

Mopinot (dom Simon), bénédictin, né à Rheims en 1685, travailla avec dom Pierre Coustant à la collection des lettres des papes, dont le premier volume parut à Paris en 1721, in-fol. Il mourut en 1724 dans la trente-neuvieme année de son âge.

Monantheuil (Henri de), né à Rheims vers l'an 1536, cultiva les Mathématiques & la Médecine. On trouvera son article & la liste de ses écrits dans le P. Nicéron, tome XV.

Ressant (Pierre), garde du cabinet des médailles de Louis XIV. étoit de Rheims, ainsi que Pierre-Antoine Oudinet son parent, qu'il appella à Paris, & qui devint de l'académie des Inscriptions en 1701. M. Oudinet a donné quelques dissertations curieuses sur les médailles. Il mourut en 1712, âgé de 69 ans. Le P. Nicéron a fait son article dans ses Mémoires des hommes illustres, tomes IX & X.

Ruinart (dom Thierry) bénédiction & savant critique, naquit à Rheims en 1657, & mourut en 1709. On lui doit la vie du P. Mabillon son maître, & avec lequel il avoit composé le vj. siecle des actes des saints de l'ordre de S. Benoît. On doit beaucoup d'autres recherches aux seuls bénédictins de ce royaume ; ce sont eux qui ont dévoilé les anciens rits de l'Eglise, & qui ont achevé de tirer de dessous terre les décombres du moyen âge. Dom Ruinart publia à Paris en 1689, in-4 °. son recueil latin des actes des premiers martyrs, ouvrage qu'on a depuis traduit en françois & publié à Paris en 1708 en deux volumes in-8 °. Cet ouvrage est accompagné d'une préface, dans laquelle dom Ruinart soutient contre Dodwel, que l'Eglise eut dans les premiers siecles une foule prodigieuse de martyrs. Je n'entrerai point dans cette dispute littéraire ; mais peut-être que le savant bénédictin n'a pas assez distingué les martyrs chrétiens de ceux qui sont morts naturellement, & les persécutions politiques de celles qui eurent lieu pour simple cause de religion. (D.J.)

RHEIMS, concile de l'an 1148. tenu à, (Hist. eccl.) ce fameux concile fut tenu par le pape Eugène III, en l'absence de Louis le Jeune ; voici ce qu'en dit l'auteur de l'abrégé chronol. de l'hist. de France.

Si le grand concours des prélats rendoit un concile écumenique, celui-là l'auroit été, car on y en comptoit onze cent, parmi lesquels étoient les primats d'Espagne & d'Angleterre, ayant le pape à leur tête ; mais Eugène III lui-même, dans sa lettre à l'évêque de Ravennes, ne le qualifie que l'assemblée de toutes les Gaules cisalpines, ce qui prouve qu'il y avoit peu de prélats italiens, & ce qui fut apparemment une des raisons qui empêcherent que le concile ne fût écumenique. Ce fut dans ce concile, qu'un certain fou nommé Eon, abusé lui-même par ces mots, per eum qui venturus est, fut condamné à être enfermé. On ne croiroit pas qu'une telle extravagance eût trouvé des sectateurs, mais la persécution en fit éclorre ; ce concile contient dix-sept canons, appellés communément les canons d'Eugène III, & dont la plûpart sont insérés dans le droit.

On peut remarquer entr'autres canons le sixieme, qui défend aux avoués des Eglises de rien prendre sur elle, ni par eux, ni par leurs inférieurs, au-delà de leurs anciens droits, sous peine d'être privés, après leur mort, de la sépulture ecclésrastique ; le septieme défend aux évêques, diacres, sous-diacres, moines & religieuses, de se marier ; le douzieme défend les joûtes, tournois, &c. (qui étoient nés en France, & qui avoient été imités dans toute l'Europe) sous peine pour ceux qui y perdront la vie, d'être privés de la sépulture ecclésiastique, &c. Ce fut aussi dans ce concile que fut jugée l'affaire de Gilbert de la Porée, évêque de Poitiers, sur certaine question métaphysique au sujet de la Trinité.

Ce qui est principalement à remarquer, c'est que ce concile étant séparé, le pape forma une congrégation sur cette affaire, dans laquelle les cardinaux prétendirent que les évêques de France n'étoient pas en droit de juger des dogmes ; & que ce droit étoit reservé au pape seul, assisté des cardinaux. En effet, la profession de foi des évêques de France ne fut pas insérée dans les actes du concile qui se conservent dans la bibliotheque du Vatican ; mais les évêques de France ne manquerent pas de l'insérer dans les copies qu'ils tirerent pour eux de ce même concile. S. Bernard y joue un grand rôle. Pontificat d'Eugène III. par Dom Delannes, pag. 161. (D.J.)


RHEINLE, ou RHIN (Géog. mod.) en latin Rhenus, grand fleuve d'Europe, qui sembleroit devoir être la borne naturelle, entre l'Allemagne & la France.

Ce fleuve tire sa source, ou plutôt ses sources, du pays des Grisons, dans la partie qu'on nomme la ligue-haute. Le mont Adula qui occupe tout le pays nommé Reinwald, & qui s'étend fort avant dans tous les pays d'alentour, sous divers noms, forme trois petites rivieres, dont l'une qui est à l'occident & qui sort du mont Crispalt, est appellée par les Allemands Vorder-Rhein, c'est-à-dire le Rhein de devant ; & par les François, le bas-Rhein. La seconde qui sort du mont Saint Barnabé, Luckmanierberg, s'appelle le Rhein du milieu ; & la troisieme qui sort du saint Bernardin, Vogelberg, est nommée par les Allemands Hinder-Rhein, c'est-à-dire le Rhein de derriere ; & par les François le haut-Rhein.

Tout près de-là, un peu à côté à l'ouest, on trouve les sources de quatre rivieres considérables ; savoir, celle du Rhône, dans le mont de la Fourche, qui court droit à l'ouest ; celle du Tésin, qui court au sud ; celle du Reuss, qui prend son cours vers le nord ; & celle de l'Aare, qui coule au nord-ouest.

Despréaux a peint poétiquement le fleuve du Rhein & son origine, dans les vers suivans :

Au pié du mont Adule entre mille roseaux,

Le Rhein, tranquille & fier du progrès de ses eaux,

Appuyé d'une main sur son urne penchante,

Dormoit au bruit flatteur de son onde naissante....

Epit. 4. vers. 39.

Ce fleuve est profond, rapide, & a son fond d'un gros gravier, mêlé de cailloux. Il est fort bizarre dans ses débordemens, & sa navigation est difficile, tant à cause de sa rapidité, que des coupures qu'il fait dans son cours, où on voit un grand nombre d'îles, couvertes de broussailles, très-pénibles à pénétrer.

Il roule quelques paillettes d'or dans son sable, que les habitans des îles du Rhein vont chercher après ses débordemens. Les seigneurs limitrophes afferment ce droit, ainsi que celui de la pêche du poisson, qui est abondant dans ce fleuve.

Il donne son nom à deux cercles de l'empire, qui sont le cercle du haut-Rhein & le cercle du bas-Rhein. On appelle aussi simplement le haut-Rhein, & le bas-Rhein, les endroits de ce fleuve qui répondent à ces deux cercles.

Le cours du Rhein est aujourd'hui beaucoup mieux connu qu'il ne l'étoit du tems de César ; mais comme il seroit trop long d'en faire ici la description, attendu les différens territoires qui le baignent, je me contenterai de dire qu'il sépare la Souabe de l'Alsace, arrose le cercle du haut-Rhein, & celui de Westphalie. Il se partage ensuite en deux branches, dont la gauche s'appelle le Vahal, & la droite conserve le nom de Rhein. A huit lieues au-dessous d'Arnhem, il se sépare encore en deux branches ; la principale prend le nom de Leck, & se joint à la Meuse ; l'autre qui conserve son nom, mais qui n'est plus qu'un ruisseau, se perd dans l'Océan, au-dessous de Leyde ; ainsi finit l'empire romain, réduit aux fauxbourgs de Constantinople !

Furius avoit décrit les sources du Rhein dans quelques-uns de ses poëmes, mais il en avoit donné une si laide peinture, qu'Horace dit que ce poëte avoit fait au dieu de ce fleuve, une tête de bouë, diffingit Rheni luteum caput, comme un potier qui s'aviseroit de former grossierement une tête d'homme avec de l'argile. Diffingere est la même chose que fingere, & convient fort-bien avec luteum caput.

Le nom de ce fleuve dans la langue celtique, signifioit pur, & lui fut donné, à cause que les Celtes superstitieux employoient ses eaux pour faire des épreuves de la chasteté, comme il paroît par une ancienne épigramme grecque, & par un distique de S. Grégoire de Nazianze.

La figure de ce fleuve se trouve souvent sur les médailles, comme dans celles de Julien, des deux Posthumes, tyrans des Gaules, avec l'inscription palus provinciarum. (D.J.)


RHEINAou RHINAW, (Géog. mod.) en latin Augia Rheni, petite ville de Suisse, dans le Thurgaw, sur la gauche du Rhin, à 2 lieues au-dessous de Schaffhouse. C'étoit du tems des Romains une place importante, dont ils se servoient pour arrêter les courses des Germains. Il y a aujourd'hui une abbaye de bénédictins, fondée environ l'an 800, dont l'abbé est seigneur de la ville, sous la souveraineté des cantons ; une partie des habitans sont réformés, & les autres sont catholiques. Long. 26. 16. latit. 47. 47. (D.J.)


RHEINBERG(Géog. mod.) ville fortifiée d'Allemagne, dans l'électorat de Cologne, à 8 milles au nord-ouest de cette ville, sur le Rhin, & près du comté de Meurs. Le roi de Prusse s'en rendit maître en 1703, mais elle est revenue à l'électeur de Cologne, par le traité de paix de Rastadt en 1714. Long. 24. 16. lat. 51. 28. (D.J.)


RHEINEGG(Géog. mod.) 1°. ou RHYNECH ; ville de Suisse, capitale du Rheinthal, sur le Rhin, à l'endroit où ce fleuve entre dans le lac de Constance. Elle est munie d'un bon château, où réside le bailli que les Cantons y envoyent. Longit. 27. 30. lat. 47. 35.

2°. Rheineck ou Rhineck, est une petite ville d'Allemagne, dans l'archevêché de Cologne, entre Bisach & Andernach, sur le bord du Rhin. Long. 25. 15. lat. 49. 6. (D.J.)


RHEINFELDEN(Géog. mod.) ville d'Allemagne, dans le cercle de Souabe, & la plus importante des quatre villes forestieres, sur la gauche du Rhin, qu'on y passe sur un pont, à 9 lieues au sud-ouest de Fribourg, & à 3 au levant de Basle. En 1638, il y eut près de cette ville deux actions, dans une desquelles le duc de Rohan fut blessé à mort. En 1744, les François prirent Rheinfelden, & ruinerent le fort qui la défendoit. Long. 25. 26. lat. 47. 43.

Eygs (Richard) jésuite, né à Rheinfelden en 1621, a donné quelques poësies latines, sacrées & profanes, dont les principales sont ses comica varii generis. Il mourut en 1659, à trente-huit ans. (D.J.)


RHEINFELS(Géog. mod.) château d'Allemagne, dans le cercle du haut-Rhin, au comté de même nom, sur la droite du Rhin, entre Bingen au midi, & Coblentz au nord ; c'est la résidence ordinaire du landgrave de ce nom. Ce château fut bâti en 1245, & sert de citadelle à S. Gower, qui est à son voisinage. Long. 25. 20. lat. 50. 5. (D.J.)


RHEINGRAVES. m. (Hist. German.) ce mot signifie comte du Rhin ; c'est le nom qu'ont pris autrefois les gouverneurs que l'empereur envoyoit avec ce titre dans les villes ou les provinces, & qui par succession de tems, s'en sont rendus seigneurs & propriétaires. Voyez BURGGRAVE, LANDGRAVE, &c. (D.J.)

RHEINGRAVE, s. f. (Hist. des modes) on nommoit rheingrave dans le dernier siecle, une culotte ou haut-de-chausse fort ample, attachée aux bas avec des rubans, & ayant à la ceinture des aiguillettes qui surpassoient dans des oeillets. (D.J.)


RHEINLAND(Géog. mod.) en latin Rhenolandia. On nomme ainsi cette partie de la sud-Hollande qui se porte assez loin des deux côtés du Rhin, sur-tout du côté du nord, & dont Leyde est la ville capitale. On y trouve encore une autre ville considérable qui est Harlem. Ce pays s'étend en longueur du nord au sud, depuis le Kennemerland & l'Ye jusqu'au Delfeland & au Schieland ; & sa largeur se prend depuis l'Océan germanique, ou la mer du nord qui le baigne à l'occident, jusqu'à l'Amsteland, & jusqu'aux terres de la seigneurie d'Utrecht, qui le bornent à l'orient. Wisher a donné la meilleure carte que l'on ait du Rheinland. (D.J.)


RHEINTHAL LE(Géog. mod.) c'est-à-dire, le val du Rhin, vallée de la Suisse longue d'environ six lieues, le long du Rhin, mais étroite, & qui s'étend depuis la baronie d'Alt-Sax jusqu'au lac de Constance, étant bornée à l'ouest par le canton d'Appenzel. On divise cette vallée en haute & basse ; elle contient plusieurs villages & les deux petites villes d'Altstetten & de Rheineck. On y recueille de bons vins, & on y commerce encore en toiles & en lins. Le Rheinthal dépend des huit anciens cantons, & de celui d'Appenzel. Les droits seigneuriaux se partagent entre ces cantons & l'abbé de S. Gal. Les neuf cantons y envoyent tour-à-tour un bailli qui réside à Rheineck, & qui n'est en office que pendant deux ans. Quoique le Rheinthal soit, pour la plus grande partie, de la religion réformée, l'abbé en a cependant le patronat, c'est-à-dire, que les églises élisent deux pasteurs qu'elles présentent à l'abbé, & il choisit celui des deux qu'il lui plait. (D.J.)


RHEINWALD(Géog. mod.) en latin rhenana vallis, grande vallée au pays des Grisons, dans la ligue haute. Cette vallée s'étend depuis celle de Schams au nord, jusqu'à la source du haut-Rhin. C'est là que le mont de l'Oiseau, Vogelberg, en italien Colme dell'Ucello, autrement dit S. Bernardin, est couverte de glaces éternelles, ou glacieres de 2 lieues de longueur, d'où sortent divers ruisseaux qui se jettent dans un lit profond.

Les montagnes qui s'élevent au-dessus du Rheinwald sont si rudes, qu'elles ne servent qu'au pâturage de quantité de troupeaux dans les Grisons, & des brebis qu'on y mene d'Italie, à la fin des grandes chaleurs de l'été, ce qui vaut aux peuples de la ligue haute environ deux cent mille écus par an.

Les bergers bergamasques qui paissent ces brebis, menent une vie dure & fort grossiere. Leur nourriture est de la farine de mil, cuite à l'eau sans sel & sans beurre. Leurs cabanes sont quelques rochers unis, couverts d'un toit transparent. Leur matelat est du vieux foin ; leur oreiller un morceau de bois, & leur couverture une mauvaise housse de cheval. Mais vous qui êtes rongés de soucis dans vos palais dorés, vous, qui faites consister le bonheur dans la mollesse, vous,

Qui confondez avec la brute

Ce berger couché dans sa hutte,

Au seul instinct presque réduit,

Parlez : quel est le moins barbare

D'une raison qui vous égare,

Ou de l'instinct qui le conduit ?

(D.J.)


RHEMI(Géog. anc.) peuple de la Gaule belgique, sous Auguste. Ce peuple renfermoit les diocèses de Rheims, de Châlons & de Laon. Leurs villes principales étoient 1°. Durocortorum ou Durocortum ou Duricortora, aujourd'hui Rheims ; 2 °. la Bibrax de César, sur lequel il y a tant de différens sentimens ; car les uns prétendent que c'est Bresne ou Braisne en Réthelois ; & d'autres, comme Samson, Fismes ; 3°. Duronum, Doren en Thiérache, village ; 4°. Laudunum, surnommé Clavatum, aujourd'hui Laon. L'évêché de Châlons avoit pour villes, Catalaunum, Châlons-sur-Marne & Victoriacum, Vitri-le-brûlé. (D.J.)


RHEMIENS(Hist. ancienne) Rhemi, peuple de la Gaule qui du tems de César habitoient la partie de la Champagne où est la ville de Rheims.


RHEMOBOTES. m. (Hist. ecclés.) espece de faux religieux qui parurent au quatrieme siecle. Ils habitoient deux ou trois ensemble, vivoient à leur fantaisie, couroient les villes & les campagnes, affectoient de porter de grandes manches, de larges souliers & un habit grossier, disputoient sur l'observance de leurs jeunes, médisoient des ecclésiastiques, & s'enivroient les jours de fêtes. S. Jérôme les appelle rhémobotes, & Cassien sarabastes. Voyez SARABASTES.


RHÉNÉ(Géog. anc.) île de la mer Egée, au voisinage de celle de Délos ; elle se trouve aussi nommée Rhenia, Rhenea, Rhenis, Rhenius & Rhenaca. C'étoit le cimetiere des habitans de l'île de Délos ; car il n'étoit pas permis d'enterrer les morts dans une île sacrée. Elle étoit déserte, & si proche de Délos, que selon Thucydide, l. III. p. 242, Polycrate, tyran de Samos, s'étant emparé de cette île, la joignit à celle de Délos par le moyen d'une chaîne, & la consacra à Apollon Délien.

Plutarque, in Niciâ, en racontant la magnificence & la dévotion de Nicias, dit : " avant lui, les choeurs de musique que les villes envoyoient à Délos pour chanter des hymnes & des cantiques à Apollon, arrivoient d'ordinaire avec beaucoup de désordre, parce que les habitans de l'île accourant sur le rivage au-devant du vaisseau, n'attendoient pas qu'ils fussent descendus à terre, mais poussés par leur impatience, ils les pressoient de chanter en débarquant. Ainsi ces pauvres musiciens étoient forcés de chanter dans le tems même qu'ils se couronnoient de leurs chapeaux de fleurs, & qu'ils prenoient leurs habits de cérémonie, ce qui ne pouvoit se faire qu'avec beaucoup d'indécence & de confusion.

Quand Nicias eut l'honneur de conduire cette pompe sacrée appellée Théorie, il se garda bien d'aller aborder à Délos ; mais pour éviter cet inconvénient, il alla descendre dans l'île de Rhéné, ayant avec son choeur de musiciens, les victimes pour le sacrifice, & tous les autres préparatifs pour la fête ; il avoit amené un pont qu'il avoit eu la précaution de faire construire à Athènes, à la mesure de la largeur du canal qui sépare l'île de Rhéné de celle de Délos. Ce pont étoit d'une magnificence extraordinaire, orné de dorures, de beaux tableaux & de riches tapisseries. Nicias le fit jetter la nuit sur le canal, & le lendemain au point du jour, il fit passer toute sa procession & ses musiciens superbement parés, qui en marchant en bel ordre & avec décence, remplissoient l'air de leurs cantiques. Dans cette belle ordonnance, il arriva au temple d'Apollon. " (D.J.)


RHENEN(Géog. mod.) ville ancienne des Pays-bas, dans la province d'Utrecht, à 4. milles de cette ville, sur le Rhin. Lon. 22. 58. lat. 52. (D.J.)


RHENONESS. m. (Antiq. german.) espece de manteau des Germains qui leur couvroit les épaules & la poitrine jusqu'au milieu du corps. Ce manteau ou cette fourrure étoit de peaux d'animaux dont on mettoit le long poil en-dehors pour se garantir davantage contre la pluie. (D.J.)


RHENUS(Géog. anc.) fleuve de la Flaminie, chez les Boïens, selon Pline, l. III. c. xvj. qui dans un autre endroit le nomme Rhenus bononiensis. Silius Italicus, l. XVI. c. xxxv. pour le distinguer du Rhin, qui a sa source chez les Grisons, lui donne l'épithete de petit.

.... parvique Bononia Rheni.

Le nom moderne de ce fleuve est Reno. (D.J.)


RHERIGONIUSRHERIGONIUS


RHESAN(Géog. mod.) ville de l'empire russien, au duché du même nom, sur la riviere d'Occa, à 60 lieues au sud-est de Moscow, & à 8 au levant de Pereslaw-Resanskoy. Les Tartares de Crimée ruinerent presque entierement cette ville en 1568, & elle ne s'est pas rétablie depuis ce tems-là. Long. 60. 10. latit. 54. 58. (D.J.)

RHESAN, (Géog. mod.) ou Rhézati, province & duché de l'empire russien, qui a 300 verstes du midi au nord, & autant du levant au couchant. La riviere d'Occa la sépare au nord, du duché de Moscow, Nisi-Novogrod est à son midi. On la divise en partie méridionale & septentrionale. Celle-ci dépend de Moscow, & l'autre du gouvernement de Woronetz. C'est un pays peuplé & très-fertile en grains, miel & cire. Peterlaw-Resanskoy est aujourd'hui la capitale. (D.J.)


RHESCYNTHIUSRHESCYNTHIUS


RHÉTEURS. m. (Belles-lettres) nom que l'on donnoit autrefois à ceux qui faisoient profession d'enseigner l'éloquence, & qui en ont laissé des préceptes. Quintilien, dans le iij. livre de ses institutions oratoires, a fait un assez long dénombrement des anciens rhéteurs tant grecs que latins. Les plus connus sont, parmi les Grecs, Empedocle, Corax, Tisias, Platon, qui dans ses dialogues, & surtout dans le Phedre & dans le Gorgias, a semé tant de réflexions solides sur l'éloquence ; Aristote, à qui l'on est redevable de cette belle rhétorique divisée en trois livres, où l'on ne sait ce qu'on doit admirer le plus de l'ordre & de la justesse des préceptes, ou de la profonde connoissance du coeur humain qui paroît dans ce que l'auteur dit des moeurs & des passions. Denys d'Halicarnasse, Hermogene, Aphtonius, Longin, & parmi les latins, Photius, Gallus, Ciceron, Seneque le pere, & Quintilien se sont le plus distingués. Parmi les peres de l'Eglise, nous en avons plusieurs qui ont enseigné la rhétorique, tels que S. Cyprien, S. Grégoire de Nazianze, S. Augustin. Les PP. Jouvenci & de Colonia, & MM. Rollin & Gibert ont brillé parmi les rhéteurs modernes.


RHETICO(Géog. anc.) Pomponius Mela, l. III. c. iij. dit que le Rhetico & le Torus ou Taurus sont les plus hautes montagnes que l'on connoisse. Ortelius prétend que Rhetico est une montagne de la Suisse, & qu'on la nomme Prettigouwerberg. (D.J.)


RHÉTIE(Géog. anc.) Rhoetia, contrée d'Europe, dans les Alpes ; elle s'étendoit en-deçà & audelà de ces montagnes, selon Strabon & Pline. Les habitans de cette contrée sont connus sous le nom de Rhaeti. Ils étoient originaires de la Toscane ; ils allerent s'établir dans les Alpes sous la conduite de Rhaetus, & ils s'appellerent Rhaeti du nom de leur chef.

La Rhétie peut être considérée comme distincte & séparée de la Vindélicie, ou comme une province composée de la Rhétie propre & de la Vindélicie. Lorsqu'on établit une nouvelle division des provinces, la Rhétie propre fut appellée premiere Rhétie, & on nomma la Vindélicie seconde Rhétie. Coire, selon Velser, fut capitale de la premiere, & Augsbourg, la capitale de la derniere.

Les bornes de la Rhétie propre prenoient depuis le Rhin jusqu'aux Alpes noriques. C'étoit la longueur de cette contrée ; sa largeur étoit depuis l'Italie jusqu'à la Vindélicie. Pline met plusieurs peuples dans la Rhétie, mais dont les noms nous sont inconnus. (D.J.)


RHÉTIENNESRHÉTIENNES


RHÉTIENou RHOETIENS, s. m. pl. (Hist. anc.) ancien peuple de Germanie qui habitoit le pays qu'occupent aujourd'hui les Grisons. Il s'étendoit du tems des Romains, jusqu'à la Souabe, la Baviere & l'Autriche, c'est-à-dire, jusqu'au pays des Noriciens.


RHÉTORICIENS. m. (Gram.) terme de l'école ; Il se dit du professeur qui montre la rhétorique, & de l'écolier qui l'apprend ; mais plus communément de ce dernier. Voyez RHETORIQUE.


RHÉTORIENSS. m. (Hist. ecclés.) secte d'hérétiques qui s'éleverent en Egypte dans le iv siecle, & prirent ce nom de Rhétorius leur chef ; leur doctrine, selon Philastre, étoit composée de toutes les hérésies qui les avoient précédés, & ils enseignoient qu'elles étoient toutes également soutenables ; mais on pense communément que Philastre leur a attribué cette tolérance universelle, & qu'ils avoient quelques dogmes particuliers & distinctifs, quoiqu'on ne les connoisse pas. (H)


RHÉTORIQUES. f. (Belles-lettres) art de parler sur quelque sujet que ce soit avec éloquence & avec force. D'autres la définissent l'art de bien parler, ars bene dicendi ; mais comme le remarque le P. Lami dans la préface de sa rhétorique, il suffit de la définir l'art de parler ; car le mot rhétorique n'a point d'autre idée dans la langue grecque d'où il est emprunté, sinon que c'est l'art de dire ou de parler. Il n'est pas nécessaire d'ajouter que c'est l'art de bien parler pour persuader ; il est vrai que nous ne parlons que pour faire entrer dans nos sentimens ceux qui nous écoutent ; mais puisqu'il ne faut point d'art pour mal faire, & que c'est toujours pour aller à ses fins qu'on l'emploie, le mot d'art dit suffisamment tout ce qu'on vouloit dire de plus.

Ce mot vient du grec , qui est formé de , dico, je parle, d'où l'on a fait , orateur.

Si l'on en croit le même auteur, la rhétorique est d'un usage fort étendu, elle renferme tout ce qu'on appelle en françois belles-lettres, en latin & en grec philologie ; savoir les belles-lettres, ajoute-t-il, c'est savoir parler, écrire, ou juger de ceux qui écrivent ; or cela est fort étendu ; car l'histoire n'est belle & agréable que lorsqu'elle est bien écrite ; il n'y a point de livre qu'on ne lise avec plaisir quand le style en est beau. Dans la philosophie même, quelque austere qu'elle soit, on veut de la politesse, & ce n'est pas sans raison ; car l'éloquence est dans les sciences ce que le soleil est au monde ; les sciences ne sont que ténebres, si ceux qui les traitent ne savent pas écrire. L'art de parler est également utile aux philosophes & aux mathématiciens ; la théologie en a besoin, puisqu'elle ne peut expliquer les vérités spirituelles, qui sont son objet, qu'en les revêtant de paroles sensibles. En un mot, ce même art peut donner de grandes ouvertures pour l'étude de toutes les langues, pour les parler purement & poliment, pour en découvrir le génie & la beauté ; car quand on a bien connu ce qu'il faut faire pour exprimer ses pensées, & les différens moyens que la nature donne pour le faire, on a une connoissance générale de toutes les langues qu'il est facile d'appliquer en particulier à celle qu'on voudra apprendre. Préface de la rhétorique du P. Lami, pag. 12, 13, & 14.

Le chancelier Bacon définit très-philosophiquement la rhétorique, l'art d'appliquer & d'adresser les préceptes de la raison à l'imagination, & de les rendre si frappans pour elle, que la volonté & les desirs en soient affectés. La fin ou le but de la rhétorique, selon la remarque du même auteur, est de remplir l'imagination d'idées & d'images vives qui puissent aider la nature sans l'accabler. Voyez IMAGE & IMAGINATION.

Aristote définit la rhétorique, un art ou une faculté qui considere en chaque sujet ce qui est capable de persuader. Arist. rhétoriq. liv. I. ch. 2. & Vossius la définit de même après ce philosophe, l'art de découvrir dans chaque sujet ce qu'il peut fournir pour la persuasion. Or chaque auteur doit chercher & trouver des argumens qui fassent valoir le plus qu'il est possible la matiere qu'il traite ; il doit ensuite disposer ces argumens entr'eux dans la place qui leur convient à chacun, les embellir de tous les ornemens du langage dont ils sont susceptibles, & enfin si le discours doit être débité en public, le prononcer avec toute la décence & la force la plus capable de frapper l'auditeur. De-là on a divisé la rhétorique en quatre parties, savoir l'invention, la disposition, l'élocution, & la prononciation. Voyez INVENTION, DISPOSITION, &c.

La rhétorique est à l'éloquence ce que la théorie est à la pratique, ou comme la poétique est à la poésie. Le rhéteur prescrit des regles d'éloquence, l'orateur ou l'homme éloquent fait usage de ces regles pour bien parler ; aussi la rhétorique est-elle appellée l'art de parler, & ses regles, regles d'éloquence.

Il est vrai, dit Quintilien, que sans le secours de la nature, ces préceptes ou regles ne sont d'aucun usage ; mais il est vrai aussi qu'ils l'aident & la fortifient beaucoup, en lui servant de guides ; ces préceptes ne sont autre chose que des observations qu'on a faites sur ce qu'il y avoit de beau & de défectueux dans les discours qu'on entendoit ; car comme le dit fort bien Ciceron, l'éloquence n'est point née de l'art, mais l'art est né de l'éloquence ; ces réflexions mises par ordre, ont formé ce qu'on appelle rhétorique. Quintil. in Proem. l. I. Cicer. 1. de orat. n°. 146.

RHETORIQUE, s. f. terme d'école, c'est la classe où l'on enseigne aux jeunes gens les préceptes de l'art oratoire. On fait la réthorique avant la philosophie, c'est-à-dire qu'on apprend à être éloquent, avant que d'avoir appris aucune chose, & à bien dire, avant que de savoir raisonner. Si jamais l'éloquence devient de quelque importance dans la société, par le changement de la forme du gouvernement, on renversera l'ordre des deux classes appellées rhétorique & philosophie.


RHETRAS. f. (Littérat.) le mot rhetra signifie dits, & c'est ainsi qu'on nommoit par excellence les oracles d'Apollon. Les Latins les appelloient aussi dicta. Lycurgue donna la même dénomination à ses propres ordonnances, pour rendre ses loix plus vénérables, & parce que d'ailleurs elles n'étoient point écrites. (D.J.)


RHEXIAS. f. (Botan.) genre de plante, dont voici les caracteres. Le calice de la fleur est monopétale, de forme oblongue, tubulaire, large dans le fond, & divisée en quatre segmens par le haut ; il subsiste après la chûte de la fleur ; elle est formée de quatre pétales arrondis qui demeurent épanouis & attachés au calice ; les étamines sont huit filets capillaires plus longs que le calice, auquel ils sont fixés, & se terminent par des bossettes longues & pendantes ; le germe du pistil est arrondi ; le stile est simple & a la longueur des étamines ; le stile du pistil est obtus, la capsule contenue dans le centre du calice, est composée de quatre valvules, & contient quatre loges pleines de semences arrondies ; dans quelques especes de ce genre de plante, le calice est lisse & uni, dans d'autres il a quelques filets chevelus rangés en maniere d'étoile. Linnaeus, gen. plant. p. 161. Plukenet. Gronovius. (D.J.)


RHEXIou RHEGMA, s. f. terme de Chirurgie, dérivé du grec, qui signifie rupture, & que les oculistes ont employé pour désigner l'oeil crevé ou rompu ; cet accident est l'effet d'une plaie ou d'un coup violent qui en déchirant le globe de l'oeil, cause l'écoulement des humeurs qui y sont contenues. La chirurgie, dans un cas si triste, ne peut que remédier aux désordres qui accompagnent ou qui suivent cette blessure ; calmer l'inflammation, appaiser la douleur, resoudre le sang extravasé, procurer la suppuration des membranes coupées, dechirées, ou contuses, mondifier ensuite & cicatriser l'ulcere ; voilà à quoi le chirurgien doit s'occuper, & tels sont les objets de ses soins.

Les saignées, le régime, & les lotions émollientes résolutives, préviendront l'inflammation, calmeront celle qui seroit survenue, & appaiseront la douleur. Les auteurs recommandent le sang de pigeon coulé dans l'oeil, comme un excellent remede ; je n'en ai jamais vu que de mauvais effets ; le lait dans lequel on a fait infuser du safran, donne un reméde très-adoucissant & calmant ; pour faire suppurer la cornée, on en touche la plaie avec la frange d'une plume trempée dans du lait de femme, dans lequel on a delayé un jaune d'oeuf frais avec un peu de safran ; lorsque l'inflammation est diminuée, on met en usage pour resoudre le sang extravasé, des compresses appliquées chaudement sur tout l'oeil & les parties voisines, & trempée dans une décoction d'absynthe, d'hyssope, de camomille & de melilot, faite dans le vin ; si la quantité du sang extravasé faisoit craindre sa corruption, on employeroit l'esprit de vin camphré ; lorsque la suppuration diminue & qu'il est question de passer des remédes dont nous avons parlé plus haut pour la favoriser, aux cicatrisans, on se sert des collyres secs dont nous avons parlé pour les ulceres de l'oeil. Voyez ARGEMON. (Y)


RHIGIA(Géog. anc.) ville de l'Hibernie ; elle est placée par Ptolémée liv. II. ch. ij. dans la partie orientale de l'île, mais dans les terres près de Rhoeba. Le même auteur place dans le même quartier, une autre ville qu'il nomme Rhygia altera, & il la marque entre Macolicum & Dunum. Mercator donne présentement à cette derniere le nom de Limburg ; & Cambden veut que ce lieu soit appellé Reglis dans la vie de S. Patrice, & que ce soit ce qu'on appelle communément le purgatoire de S. Patrice. (D.J.)


RHIGODUNUM(Géog. anc.) ville de la grande Bretagne. Ptolémée l. II. c. iij. la donne aux Brigantes, & la place entre Isurium & Olicana. On croit que c'est présentement Rippon. (D.J.)


RHINS. m. (Mythol.) Les anciens Gaulois honoroient ce fleuve comme une divinité. On dit que lorsqu'ils soupçonnoient la fidélité de leurs femmes, ils les obligeoient d'exposer sur le Rhin les enfans dont ils ne se croyoient pas les peres, & si l'enfant alloit au fond de l'eau, la mere étoit censée adultere ; si au contraire il surnageoit, le mari persuadé de la chasteté de son épouse, lui rendoit sa confiance & son amour. L'empereur Julien de qui nous apprenons ce fait, ajoute que ce fleuve vengeoit souvent par son discernement l'injure qu'on faisoit à la pureté du lit conjugal. (D.J.)

RHIN, le (Géog. mod.) le grand fleuve qui prend ses sources dans la Suisse, aux monts S. Gothard, S. Barnabé, & S. Bernardin, doit s'écrire Rhein. Voyez RHEIN.

Mais on connoit une petite riviere d'Allemagne, qui s'appelle & s'écrit le Rhin ; cette riviere a sa source aux confins du Mecklenbourg ; elle traverse le comté de Ruppin, & finit par se perdre dans le Havel.


RHINANTUSS. m. (Botan.) genre de plante ainsi nommé par Linnaeus, & dont voici les caracteres. Le calice particulier de la fleur est arrondi, un peu comprimé, & composé d'une seule feuille divisée en quatre quartiers à l'extrêmité. Ce calice subsiste & ne tombe qu'avec la fleur. La fleur est du genre des labiées, & monopétale ; son tube est de la longueur du calice, ouvert dans les bords, & comprimé à la base ; la levre supérieure est découpée & étroite ; la levre inférieure est large, applatie, obtuse, légérement découpée en trois segmens, dont celui du milieu est un peu plus large que les autres. Les étamines sont quatre filets de la longueur de la levre supérieure de la fleur sous laquelle ils sont cachés. Les bossettes des étamines sont chevelues, & fendues en deux. Le germe du pistil est ovale & comprimé ; le stile est fort délié, & a au moins la longueur des étamines ; le stygmat est obtus & pendant. Le fruit est une capsule droite, orbiculaire, un peu applatie, composée de deux battans, & partagée en deux loges. Les semences sont nombreuses, plates, & sortent à l'ouverture de la capsule dans les côtés. Linnaei, gen. plant. p. 282. (D.J.)


RHINOCEROSS. m. (Hist. nat. Ornith.) corvus indicus cornutus ; oiseau des Indes auquel on a donné le nom de rhinoceros, parce qu'il a le bec conformé de façon qu'il semble être composé de deux becs, dont l'un est relevé en haut en maniere de corne. Il y a plusieurs especes de rhinoceros à en juger par les becs. Willughbi a donné la figure de trois becs de rhinoceros, qui sont très-différens les uns des autres par leur forme. On ne connoît de cet oiseau que le bec ; c'est la seule partie que les voyageurs aient apportée.

RHINOCEROS, Pl. I. fig. 2. (Hist. nat. Zoolog.) animal quadrupede qui a environ six piés de hauteur depuis terre jusqu'au dessus du dos, douze piés de longueur depuis le bout du museau jusqu'à la queue, & douze piés de circonférence à l'endroit le plus gros du corps. Sa peau est d'un gris tirant sur le noir, comme celle des éléphans, mais plus rude & plus épaisse ; elle est très-raboteuse, & couverte de petites éminences par-tout, excepté au col & à la tête ; elle forme de grands plis au col, sur le dos, aux côtés & aux jambes ; il n'y a de poils qu'aux oreilles & à la queue. Les yeux sont très-petits ; les oreilles ressemblent à celles d'un cochon ; la levre supérieure est plus longue que l'inférieure, & pointue ; l'animal l'allonge & la raccourcit à son gré ; il s'en sert comme d'un doigt pour tirer le foin du ratelier, & pour brouter l'herbe ; le nez forme avec cette levre une sorte de groin. Aussi a-t-on dit que le rhinoceros ressembloit à l'extérieur en partie au sanglier, & en partie au taureau ; il a une corne sur le nez, & quelquefois deux, selon plusieurs auteurs ; la corne est placée entre les narines & les yeux ; l'animal s'en sert comme le sanglier de ses défenses. La queue n'a que deux piés de longueur ; les piés du rhinoceros ont chacun trois doigts ongulés ; c'est-à-dire terminés par des sabots & non par des ongles. Le rhinoceros devient furieux lorsqu'il est irrité ; il a assez de force pour se battre contre l'éléphant. Il court très-vîte, mais toujours en droite ligne comme le sanglier ; on l'évite aisément en s'écartant à droite ou à gauche. On trouve des rhinoceros dans les deserts de l'Afrique & dans les royaumes de Bengale & de Patane en Asie. On dit qu'il a deux langues, ou plutôt une langue double, dont une partie lui sert à manger, & l'autre, à la déglutition. Voyez QUADRUPEDE.

RHINOCEROS, (Hist. nat. Insectolog.) insecte du genre des scarabés, auquel on a donné ce nom, parce qu'il a une corne sur la tête. Linnaeus en distingue trois especes. Voyez INSECTE.


RHINOCOLURA(Géogr. anc.) ce terme signifie les narines coupées, parce que les anciens habitans de cette ville furent ainsi mutilés. Diodore de Sicile, l. I. c. lx. raconte la chose de cette sorte. Actisarus, roi d'Ethiopie, voulant purger son royaume des voleurs qui le désoloient, & ne voulant pas toutefois les faire mourir, en amassa tant qu'il put, leur fit couper le nez, & les relégua dans un lieu désert & stérile, où ils bâtirent une ville, qui à cause de leurs nez coupés, fut nommée Rhinocolure. Il y a près de Rhinocolure une riviere que plusieurs ont prise pour le fleuve d'Egypte. Mais nous croyons que le fleuve d'Egypte n'est autre que le Nil, & que le torrent qui coule près de Rhinocolure est attribué quelquefois à la Syrie & à la Palestine, dont en effet elle faisoit partie anciennement ; & quelquefois à l'Egypte, dont elle dépendit dans la suite. Son évêque étoit suffragant de Péruse. (D.J.)


RHINOCOLUSTÉSadj. (Littérat.) c'est-à-dire coupeur de nez, de , nez, & de , je coupe. Ce surnom fut donné à Hercule, lorsqu'il fit couper le nez aux hérauts des Orchoméniens, qui oserent en sa présence demander le tribut aux Thébains. Il avoit une statue sous ce nom en pleine campagne près de Thèbes. (D.J.)


RHINOW(Géogr. mod.) petite ville d'Allemagne dans la moyenne Marche de Brandebourg, sur la rive méridionale de la riviere du Rhin, un peu au dessus de l'embouchure de cette riviere dans le Havel.


RHIPHÉESMONTS LES (Géogr. anc.) Rhipaei, ou Rhiphaei montes, montagnes de la Sarmatie. La premiere orthographe est suivie par les Grecs, & la seconde par les Latins. Il y en a qui confondent les monts Rhiphées avec les monts Hyperboréens. Virgile les distingue, Geor. l. III. v. 381.

Talis Hyperboreo septem subjecta Trioni

Gens effraena virûm Riphaeo tunditur Euro.

Cellarius juge que l'on doit placer les monts Rhiphées dans la Russie, & les monts Hyperboréens audelà du cercle Arctique.

Il faut convenir que les anciens n'ont jamais connu les monts Rhiphées dont ils parloient tant, & derriere lesquels ils se figuroient le pays des Hyperboréens ; car les uns confondoient ces monts avec les Alpes, les autres les faisoient partie du mont Caucase, d'autres les croyoient près du Boristhène, d'autres à la source du Tanaïs, & quelques-uns comme Strabon, les traitoient de chimere.

Je ne sais pas si nous les connoissons beaucoup mieux ; d'un côté le P. Hardouin sur cet endroit de Pline, où il place les Hyperboréens, ponè Rhiphaeos montes ultraque aquilonem, dit que les monts Rhiphées sont presque au centre de la Russie vers les sources du Tanaïs, entre le Volga & le Tanaïs même, ou le Don, comme on l'appelle aujourd'hui. D'un autre côté, si j'en crois quelques géographes, il n'y a point de montagnes à la source du Tanaïs. D'autres placent les monts Rhiphées vers l'Obi & dans la Sibérie, considérant qu'on n'en trouve point de remarquables dans le reste de la Russie. Enfin d'autres croient que les monts Rhiphées & les monts Hyperboréens étoient une chaîne du mont Taurus, qui commence dans les extrêmités méridionales de l'Asie mineure qu'il traverse, s'étend jusqu'aux extrêmités de notre continent, en tirant vers le nord & le nord-est, en changeant souvent de nom, & prenant successivement ceux d'Imaüs, d'Emodus, de Paropamise, de Caucase, &c. La sauvage Russie nomme ces montagnes Wolitzi Camenypois, c'est-à-dire ceintures de pierres, parce qu'elle les regarde comme la zone pierreuse qui ceint l'univers. (D.J.)


RHISOPHAGES. m. (Gramm.) mangeur de racines. C'est le nom d'un peuple ancien de l'Ethiopie qui habitoit dans l'île de Méroé, entre les rivieres d'Abanwi & de Tacase.

RHISOPHAGES, (Géogr. anc.) Rhisophagi, peuple de l'Ethiopie, selon Diodore de Sicile, l. III. c. xxvij. & Strabon, l. XVI. p. 171, qui dit qu'on les nomme aussi Elii. Ils habitoient aux environs de l'île de Méroé, sur le bord des fleuves Astaboras & Astapas. Ces peuples, comme les autres Ethiopiens, ont été nommés indiens par quelques anciens auteurs. (D.J.)


RHISOTOMESS. m. pl. (Gramm.) marchands de simples, ou d'herbes, de graines & de racines médicinales ; c'étoient ce que nous appellons aujourd'hui un herboriste.


RHISPIA(Géogr. anc.) ville de la haute Pannonie. Ptolémée, l. II. c. xv. la place loin du Danube, entre Savaria & Vinundria. Lazius croit que c'est présentement le lieu nommé Fering. (D.J.)


RHISUS(Géogr. anc.) ville de la Magnésie, selon Pline, l. IV. c. ix. (D.J.)


RHITIou RHETI, (Géogr. anc.) Pausanias, l. I. c. xxxviij. donne ce nom à des eaux qui sortirent de la terre dans le Péloponnèse, qu'on croyoit venir de l'Euripe, qui passoient à Eleusine, & qui se rendoient dans la mer. Il ajoute que ces eaux ne ressembloient aux rivieres que par leurs courses ; car elles avoient presque la salure de la mer. Elles étoient consacrées à Cérès & à Proserpine, & par cette raison il n'étoit permis qu'aux prêtres de manger des poissons qui se trouvoient dans ces eaux. Ce privilege exclusif & religieux fait rire. (D.J.)


RHITTIUM(Géogr. anc.) ville de la basse Pannonie, selon Ptolémée, l. II. c. xvj. qui la marque sur le bord du Danube, entre Acumincum legio, & Tauturum. Marius Niger & Simler, veulent que ce soit présentement Salankemen dans l'Esclavonie ; selon Lazius, c'est Ratza, petit bourg de la même province. Rhittium pourroit bien être la ville Ritti de l'itinéraire d'Antonin, & la ville Ricti de la notice des dignités de l'empire. (D.J.)


RHIUM(Géogr. anc.) ville du Péloponnèse dans la Messénie, sur le golfe Thuriates, à l'opposite du promontoire Taenarus, selon Strabon, l. VIII. pag. 360. Etienne le géographe met aussi dans la Messénie une ville nommée Rhium ; mais il balance à la placer dans la Messénie ou dans l'Achaïe.

Rhium étoit encore le nom d'un des deux promontoires qui ferment le golfe de Corinthe du côté de l'occident, & qui étoit sur la côte de l'Achaïe propre. Antirrhium étoit l'autre promontoire situé dans le pays des Locres.

Il y avoit aussi dans l'île de Corse, un promontoire qui portoit le nom de Rhium. Ptolémée, l. III. c. ij. le marque sur la côte orientale, entre le mont Rhaesus & la ville Urcinium. (D.J.)


RHIUSIAVA(Géogr. anc.) ville de la Germanie. Elle étoit sur le Danube, entre Arae-Flaviae & Alcimaenis, selon Ptolémée, l. II. c. xj. On croit que c'est aujourd'hui Gengen. (D.J.)


RHIZAGRES. m. (Chirurgie) instrument ancien dont le nom indique la propriété ; on s'en servoit pour arracher les racines des dents.


RHIZALA(Géogr. anc.) port de l'île de Taprobane. Ptolémée, l. VII. c. iv. le marque sur le grand rivage, entre la ville Procuri & le promontoire Oxia.


RHIZANA(Géogr. anc.) nom d'une ville de la Dalmatie, d'une ville de la Gédrozie, & d'une ville de l'Arachosie, selon Ptolémée. (D.J.)


RHIZINIUM(Géog. anc.) ville de la Dalmatie, sur la côte du golfe auquel elle donnoit son nom, & que l'on appelloit Rhizonicus sinus. Strabon, l. VII. p. 314. Etienne le géographe, & d'autres auteurs, nomment cette ville Rhiron ; c'est à ce que croit Simler, la même ville qui est appellée Birziminium dans l'itinéraire d'Antonin. Le nom moderne est Rizano, Rizine, ou Rezina. (D.J.)


RHIZON(Géogr. anc.) fleuve de l'Illyrie, dont Polybe & Etienne le géographe font mention. (D.J.)


RHIZOPHORAS. f. (Histoire nat. Botan.) nom donné par Linnaeus au genre de plante qui est décrit par le pere Plumier sous le nom de mangles : en voici les caracteres. Le calice particulier de la fleur est droit, composé d'une seule feuille divisée en quatre segmens oblongs. La fleur est pareillement droite, composée d'un pétale divisé en quatre segmens, & est plus courte que le calice. Les étamines sont douze filamens droits, & graduellement plus courts les uns que les autres ; les bossettes des étamines sont fort petites. Le germe du pistil est en pointe aiguë ; le stile paroit à peine. Le stigmat est pointu ; le réceptacle est ovale, devient charnu, & contient la base de la graine ; la semence est unique, longue, faite en massue, mais pointue au bout. Il y a des variétés dans le nombre des étamines ; cependant elles sont toujours entre huit & douze. Linnaei, gen. plant. p. 207. Plum. gen. 15. hort. malab. vol. VI. pag. 31. & 32. (D.J.)


RHIZUS(Géogr. anc.) ville de Thessalie, sur la côte, selon Strabon, liv. IX. pag. 443. & Etienne le géographe. Rhizus est encore le nom d'un port de la Cappadoce, au-dessus de Trébizonde, selon Ptolémée, liv. V. ch. vj. qui le place entre la ville Pitiusa & le promontoire d'Athènes. Procope, au troisieme livre des édifices, ch. vij. dit que l'empereur Justinien fit bâtir, dans le pays de Risée, qui est au-delà des limites de Trébizonde, un fort si considérable, qu'il n'y avoit point de fortifications semblables dans les villes voisines des Perses. Le port de Rhizus s'appelle aujourd'hui Erisse, selon Leunclavius. (D.J.)


RHOBOGDIUM(Géog. anc.) promontoire de l'Hibernie, dans sa partie septentrionale, selon Ptolémée, liv. II. ch. ij. Cambden croit que c'est présentement le cap Fair-Forland. Ptolémée place dans le même quartier des peuples qu'il nomme Robogdii. (D.J.)


RHODA(Géog. anc.) ville de l'Espagne tarragonoise, chez les Idigetes, selon Etienne le géographe. Cette ville bâtie par les Rhodiens, est sur le bord d'un fleuve qui tombe des Pyrénées, & qui est appellé Ticer par Pomponius Mela, & Tichis par Pline. Caton campa dans cet endroit avec son armée, selon Tite-Live, liv. XXXIV. ch. viij. C'est aujourd'hui la ville de Roses, & le nom latin de ses habitans est Rhodenses. Gruter en cite l'inscription suivante :

Q. Egnatulo. Q. Fr. Equo. Pub. Don. Ab. Aelio, Hadriano. Caes. Nervae Trajani Fr. Rhodenses Ob. Plurim. Liberal. & Multa in Remp. S. Benefac. Equest. & Marmore Statuam, pro Aede Minervae Constituer.

Il y avoit encore une ville du nom de Rhoda dans la Gaule narbonnoise ; Pline, liv. III. ch. iv. qui en parle, fait entendre qu'elle ne subsistoit plus de son tems : elle avoit été bâtie par les Rhodiens, sur le bord du Rhône, fleuve auquel elle a donné son nom, selon S. Jérôme, in prolog. epist. ad Galat. Marcien d'Héraclée appelle cette ville Rhodanusia. (D.J.)


RHODE(Géog. anc.) fleuve de la Sarmatie européenne, que Pline, liv. IV. ch. xij. met au voisinage de l'Axiaces. Le pere Hardouin croit que c'est le fleuve Agarot de Ptolémée ; mais il est plus vraisemblable que c'est le Sagaris d'Ovide, aujourd'hui le Sagre. (D.J.)

RHODES, bois de, (Hist. nat. Botan. exot.) on trouve sous ce nom, chez les droguistes curieux, un bois jaunâtre pâle, qui devient roux avec le tems, qui est gros, dur, solide, tortueux, parsemé de noeuds, gras, résineux, & ayant une odeur de roses ; c'est par cette raison qu'on le nomme encore bois de rose, on l'appelle aussi bois de Cypre, parce qu'on pensoit qu'il venoit de l'île de Cypre ; mais on ne le reçoit aujourd'hui d'aucune de ces deux îles.

Anguillara, suivi par Mathiole, prétend que c'est le bois du cytise de Marantha, c'est-à-dire du cytise appellé cytisa imanus, siliquâ falcatâ, C. B. mais ce qui s'oppose à cette conjecture, c'est qu'il n'a pas la moindre odeur de cytise.

Enfin comme le bois de Rhodes nous vient de la Jamaïque & des îles Antilles, nous sommes à-présent au fait de son origine & de sa connoissance ; ou plutôt nous recevons d'Amérique deux bois différens sous la même dénomination de bois de Rhodes.

Le fameux chevalier Hans-Sloane a décrit très-exactement le bois de Rhodes de la Jamaïque. Il le nomme lauro affinis, terebenthi folio alato, ligno odorato, candido flore albo, catal. plant. jamaïc.

Le tronc de cet arbre est de la grosseur de la cuisse, couvert d'une écorce brune, tantôt plus claire, tantôt plus obscure, garni quelquefois de plusieurs épines courtes ; il s'éleve à la hauteur de vingt piés, & est chargé de rameaux vers la terre. Le bois de ce tronc est blanc en-dedans, solide, d'une odeur très-agréable & pénétrante, & il a beaucoup de moëlle.

Les feuilles qui naissent sur les rameaux sont aîlées, composées de trois, de quatre, ou de cinq paires de petites feuilles, écartées les unes des autres d'un demi-pouce, & rangées sur une côte terminées par une paire de mêmes petites feuilles ; chaque petite feuille est lisse, d'un verd obscur, arrondie, longue d'environ un pouce, & de trois quarts de pouce dans la partie la plus large.

Les fleurs naissent à l'extrêmité des rameaux ; elles sont blanches, par bouquets, semblables à celles du sureau, composées de trois pétales épais, & de quelques étamines placées dans le centre ; chacune de ces fleurs donne un fruit de la grosseur d'un grain de poivre, dont la peau est mince, seche, & brune ; ce fruit s'ouvre en deux parties, & renferme une graine ronde, noire, dont l'odeur approche de celle des baies de laurier : on trouve cet arbre dans les forêts remplies de cailloux, & dans celles qui sont sur les montagnes de la Jamaïque.

Le pere Dutertre & M. de Rochefort, ont décrit l'un & l'autre sur les lieux le bois de Rhodes des îles Antilles. Cet arbre s'éleve fort haut & fort droit ; ses feuilles longues comme celles du châtaignier ou du noyer, sont blanchâtres, souples, molles, & velues d'un côté. Ses fleurs qui sont aussi blanches, & d'une odeur agréable, croissent par bouquets, & sont suivies d'une petite graine noirâtre & lisse ; le bois au-dedans est de couleur de feuille morte, & différemment marbré, selon la différence des territoires où l'arbre a pris naissance. Ce bois reçoit un poli admirable, & l'odeur qu'il exhale quand on le met en oeuvre ou qu'on le manie, est douce & agréable.

On emploie ce bois de Rhodes des Antilles dans les ouvrages de marqueterie, de tour, & à faire des chapelets. Réduit en poudre, on le mêle parmi les pastilles ; les barbiers en parfumoient autrefois l'eau dont ils faisoient la barbe, & la Médecine même le faisoit entrer dans des remedes.

Les Hollandois en tirent par la distillation une huile blanche, pénétrante, & fort odorante, que l'on vend sous le nom d'oleum rhodium, & que l'on emploie souvent dans ces baumes que l'on nomme apoplectiques, céphaliques, & qui ne sont autre chose que des baumes échauffans. Les parfumeurs se servent aussi de cette huile de rhodes. Cette huile nouvelle est assez semblable à l'huile d'olive ; mais avec le tems elle s'épaissit & devient d'un rouge obscur comme de l'huile de cade : on tire aussi du bois de Rhodes par la cornue, un esprit rouge, & une huile noire & puante, qui n'est d'aucun usage. (D.J.)

RHODES, marbre de, (Hist. nat. Litholog.) c'étoit un marbre blanc, d'une grande beauté, dont les Romains se servoient dans leurs édifices, mais il étoit inférieur à celui de Paros ; son nom lui venoit de l'île de Rhodes.

RHODES, (Géogr. anc. & mod.) île d'Asie, sur la côte méridionale de l'Anatolie, & de la province d'Aïden-Elli, dont elle n'est séparée que par un canal de huit à dix lieues de large. Cette partie de la mer Méditerranée s'appelloit autrefois la mer Carpathienne, & se nomme aujourd'hui la mer de Scarpanto.

L'île de Rhodes peut avoir environ 130 milles de tour. Elle a changé plusieurs fois de nom, suivant les différentes colonies qui s'y sont établies. Pline dit qu'elle a été appellée Ophieuse, Astérie, Oethrée, Trinacrie, Corymbie, Atabaris, & Oleoessa. Ses trois principales villes étoient d'abord Lynde au sud-est de l'île, Camire à l'occident, & Jalise au septentrion ; mais la ville de Rhodes, bâtie à l'orient du tems de la guerre du Péloponnèse, devint bien-tôt la capitale de toute l'île.

On met au nombre de ses premiers rois Tleptoleme, Doricus, Damagete. Mausole, roi de Carie, s'en empara par la ruse, & les Rhodiens, d'alliés qu'ils étoient de ce prince, devinrent ses sujets. Après sa mort ils voulurent rétablir la démocratie, & choisirent le tems qu'Artémise jettoit les fondemens du mausolée ; mais cette reine, habile & courageuse, surprit la flotte des Rhodiens, & porta chez eux le fer & le feu.

Rhodes tomba dans la suite sous la domination des Grecs & des Romains. Elle a été très-célebre par les beaux arts qui y ont fleuri, par sa marine, par son commerce, par l'équité de ses lois, & par sa puissance. Il faut voir comme Pindare en parle, & comme il étale ce que la Poésie a de plus riche & de plus sublime pour relever la gloire de cette île. " C'est sur elle, dit-il, que Jupiter versa une pluie d'or. Minerve l'enrichit du don des arts, quoique ses peuples eussent offensé la déesse, en lui offrant des sacrifices sans feu. Rhodes ne se montroit point encore au milieu des flots, lorsque les dieux se partagerent le monde. Apollon la demande pour sa part & l'obtient ; trois de ses fils y regnerent ; c'étoit là qu'étoit marqué comme à un dieu, le terme des malheurs de Tleptoleme dans la pompe des jeux & des sacrifices ".

La ville de Rhodes ayant effacé, par la commodité de son port, la splendeur des autres villes de l'île, devint de plus en plus florissante par les arts & par les sciences. Ses académies, & sur-tout celles de Sculpture, y attiroient toutes sortes d'étrangers, & il en sortoit tant de beaux morceaux, qu'on disoit que Minerve y faisoit son séjour. On comptoit dans cette ville jusqu'à trois mille statues de différentes grandeurs, toutes d'excellens artistes. Je ne parle point des peintures & des tableaux dont ses temples étoient remplis, chefs-d'oeuvre de l'art, de la main des Parrhasius, des Protogène, des Zeuxis, & des Apelles : Meursius en a publié un traité. Pour ce qui regarde ce colosse surprenant, qu'on avoit consacré au soleil, la divinité tutélaire de l'île, on en trouvera l'article à part dans ce Dictionnaire.

Vers le déclin de l'empire des Grecs, l'île de Rhodes eut le sort des autres îles de l'Archipel. Elle tomba sous la domination des Génois, des Sarasins, des chevaliers de S. Jean de Jérusalem qui s'en emparerent en 1310, & qui furent alors appellés chevaliers de Rhodes. Enfin Soliman la leur enleva en 1522, & depuis lors elle est restée sous la domination des Turcs, qui y ont bâti deux tours pour défendre l'entrée du port ; mais ils laissent l'île inculte. Sa long. suivant Street, 45 d. 56'. 15''. lat. 36. 46. & selon Greaves, 37. 50.

Cette île, dans son état florissant, n'a pas seulement produit d'excellens artistes, mais elle a été la patrie de grands capitaines, de poëtes, de philosophes, d'astronomes, & d'historiens illustres.

Timocréon de Rhodes, poëte de l'ancienne comédie, vivoit 474 ans avant Jesus-Christ ; ses écrits n'ont pas passé jusqu'à nous. Il nous reste de Simmias de Rhodes, poëte lyrique, qui florissoit 320 ans avant l'ere chrétienne, quelques fragmens imprimés avec les oeuvres de Théocrite. Pitholéon, rhodien, n'étoit pas un poëte sans talens, quoiqu'il ait été tourné en ridicule par Horace, Sat. 10. liv. I. parce que dans ses épigrammes il mêloit ensemble du grec & du latin. Pitholéon est selon toute apparence, le même que M. Otacilius Pitholaüs, dont il est parlé dans Suétone & dans Macrobe. Il composa des vers satyriques contre Jules-César qui le souffrit, comme Suétone, ch. lxxv. nous l'apprend : Pitholai carminibus maledicentissimis laceratam existimationem suam, civili animo tulit. Macrobe rapporte un jeu de mots fort plaisant de ce Pitholaüs, & dont la grace ne peut se rendre en françois : le voici en latin. Cùm Caninius Rebilus uno tantùm die consul fuisset, dixit Pitholaus, anté flamines, nunc consules diales fiunt.

Je pourrois nommer Possidonius au nombre des philosophes de Rhodes, parce qu'il y passa sa vie ; mais Strabon son contemporain nous assure qu'il étoit originaire d'Apamée en Syrie. Apollonius, disciple de Panaetius, étoit aussi natif de Naucratis ; il fut surnommé le rhodien, parce qu'il séjourna longtems à Rhodes.

Pour Panaetius, on sait que Rhodes étoit la patrie de ce célebre philosophe stoïcien, & qu'il sortoit d'une famille très-distinguée par les armes & par les lettres, comme le marque Strabon. Scipion l'afriquain, second du nom, ainsi que Laelius, furent de ses disciples & de ses amis. Ce philosophe avoit écrit un traité de la patience dans les douleurs, & trois livres des devoirs de la vie civile, que Ciceron a suivi dans l'excellent ouvrage qu'il nous a laissé sur le même sujet. Horace, Od. 29. liv. I. fait un bel éloge de Panaetius. Il dit à Iccius :

Quùm tu coemptos undique nobiles

Libros Panaeti, socraticam & domum,

Mutare loricis Iberis

Pollicitus meliora tendis ?

" Quand je vous vois, Iccius, changer pour les armes les charmans écrits de Panaetius, que vous aviez amassés de tous côtés avec tant de soins & de frais, & quitter l'école de Socrate pour celle de Mars ; étoit-ce donc là que devoient aboutir vos promesses & nos espérances " ?

Castor le rhodien, qui florissoit vers l'an 150 avant l'ere chrétienne, est au rang des chronologues célebres ; il avoit publié plusieurs ouvrages très-estimés, sur l'ancienne histoire & sur l'ancienne chronologie grecque ; mais il avoit fait mention dans ses écrits d'un phénomene céleste, dont l'explication exercera long-tems nos astronomes. Il s'agit d'un changement singulier qui fut observé sous le regne d'Ogygès, dans la couleur, dans la grosseur, dans la figure, & dans le cours de la planete de Vénus. Le fragment de cette observation, tiré de Varron, le plus savant des romains de son tems, nous a été conservé par saint Augustin, de civitate Dei, liv. XXI. ch. viij. N. 2. en voici les termes. Est in Marci Varronis libris, quorum inscriptio de gente populi romani, Castor scribit in stella Veneris.... tantum portentum extitisse, ut mutaret colorem, magnitudinem, figuram, cursum : quod factum ità, neque anteà, neque posteà sit. Hoc factum Ogyge rege dicebant, Adrastus, Cyzicenus, & Dion neapolites mathematici nobiles. L'époque d'Ogygès est connue ; le déluge de son nom arriva l'an 1796 avant l'ere chrétienne.

Hevelius, astronome du siecle passé, propose, Cométographie, liv. VII. pag. 373, deux explications différentes qu'il paroît goûter davantage du phénomene rapporté par Castor. La premiere de regarder ces changemens observés dans la grosseur, la couleur, & la figure de Vénus, comme une simple apparence, produite par quelque réfraction extraordinaire de notre athmosphere, & semblable à ces halons ou couronnes que l'on apperçoit autour des astres. La seconde explication qu'Hevelius adopte, rapporte ce phénomene à un changement arrivé dans l'athmosphere même de Vénus. On peut objecter qu'aucune de ces explications ne rend raison de la plus singuliere circonstance du phénomene, c'est-à-dire, du changement observé dans le cours de la planete de Vénus. De plus, on demandera quelle raison a obligé cette planete de changer son cours, & de quitter son ancienne route pour en prendre une nouvelle.

M. Freret, dans les mém. de Littérat. tome X. in-4°. a imaginé un moyen ingénieux d'expliquer toutes les circonstances du phénomene observé par Castor ; c'est par l'apparition d'une comete, que l'on auroit confondu avec la planete de Vénus. Il ne s'agira plus que de prouver qu'il parut une comete du tems d'Ogygès ; car alors tout sera facile à comprendre. Une comete dont la tête se montra le soir & le matin auprès du soleil, quelques jours après que Vénus s'étoit plongée dans les rayons de cet astre, fut prise d'abord pour Vénus elle-même ; & cette comete ayant pris une chevelure ou une queue les jours suivans, on attribua ce changement de grosseur, de couleur, & de figure à la planete de Vénus. Le mouvement propre de la comete l'éloignant tous les jours de plus en plus du soleil, & lui faisant traverser le ciel par une route très-différente de celle de Vénus, on ne douta point que cette planete qui demeure quelquefois cachée dans les rayons du soleil pendant plusieurs jours, n'eût abandonné son ancien cours, pour en suivre un nouveau.

Un illustre philosophe péripatéticien, natif de l'île de Rhodes, est Andronicus. Il vint à Rome au tems de Pompée & de Ciceron, & y travailla puissamment à la gloire d'Aristote, dont il fit connoître les écrits dans cette capitale du monde. Il les tira de la confusion où ils étoient, & leur donna un ordre plus méthodique : c'est Plutarque qui nous l'apprend dans la vie de Sylla. On ne sauroit bien représenter le grand service que rendit alors Andronicus à la secte des Péripatéticiens : peut-être ne seroit-elle jamais devenue fort célebre, s'il n'eût pris un soin si particulier des oeuvres du fondateur ?

Le plus fameux athlete du monde, Diagoras, naquit dans l'île de Rhodes ; il descendoit d'une fille d'Aristomene, le plus grand héros qui eût été parmi les Messéniens. On connoît l'ode que Pindare fit en l'honneur de Diagoras ; c'est la VIIe. des olympiques, & elle fut mise en lettres d'or dans le temple de Minerve. On voit par cette ode, que Diagoras avoit remporté deux fois la victoire aux jeux de Rhodes, quatre fois aux jeux Isthmiques, deux fois aux jeux Néméens ; & qu'il avoit été victorieux aux jeux d'Athènes, à ceux d'Argos, à ceux d'Arcadie, à ceux de Thèbes, à ceux de la Béotie, à ceux de l'île d'Aegine, à ceux de Pellene, & à ceux de Mégare. L'ode de Pindare fut faite sur la couronne du pugilat que remporta Diagoras aux jeux olympiques de la soixante-dix-neuvieme olympiade ; les éloges de Damagete, pere de Diagoras, de Tleptoleme, le fondateur des Rhodiens & la souche de la famille, ne sont pas oubliés ; en sorte qu'il en résulte que Diagoras descendoit de Jupiter.

Pausanias observe que la gloire que remporta Diagoras par ses victoires à tous les jeux publics de la Grece, devint encore plus remarquable par celle que ses fils, & les fils de ses filles y obtinrent. Il y mena lui-même une fois deux de ses fils qui y furent couronnés ; ils chargerent leur pere sur leurs épaules, & le porterent au travers d'une multitude incroyable de spectateurs, qui leur jettoient des fleurs à pleines mains, & qui applaudissoient à sa gloire, & à sa bonne fortune.

Aulugelle ajoute, que ce pere fut transporté de tant de joie, qu'il en mourut sur la place : eosque, dit-il, en parlant de ses fils, vidit vincere, coronatique eodem olympiae die : & cùm ibi eum adolescentes amplexi, coronis suis in caput patris positis, suaviarentur ; cumque populus gratulabundus, flores undique in eum jaceret ; ibi in stadio inspectante populo, in osculis atque in manibus filiorum, animam efflavit. Noct. Atticar. l. III. c. xv. Je voudrois bien que cette mort de Diagoras fût vraie ; mais j'ai le regret de voir que Pausanias ne confirme point ce fait singulier. Ciceron même me dit, qu'un lacédémonien aborda Diagoras dans ce moment, pour l'exhorter à ne point perdre une si belle occasion de finir sa carriere : " Mourez, Diagoras, lui dit-il en le saluant, car vous ne pouvez monter plus haut ". Voilà bien le discours d'un lacédémonien ; un athénien n'eût dit qu'une gentillesse plaisante ou ingénieuse.

Memnon, général d'armée de Darius, dernier roi de Perse, étoit aussi de l'île de Rhodes ; homme consommé dans le métier de la guerre, il donna à son maître les meilleurs conseils qui lui pouvoient être donnés dans la conjoncture de l'expédition d'Alexandre. S'il avoit encore vécu quelques années, la fortune de ce grand conquérant auroit été moins rapide ; & peut-être même que les choses eussent changé de face. Son dessein étoit de porter la guerre dans la Macédoine, pendant que les Macédoniens la faisoient au roi de Perse dans l'Asie. C'est ainsi que les Romains en userent, pour contraindre le redoutable Annibal d'abandonner l'Italie. Lors donc qu'on délibéra sur le parti qu'il falloit prendre contre le roi de Macédoine, qui ayant passé l'Hellespont, s'avançoit vers les provinces de Perse ; son avis fut qu'on ruinât les frontieres, & qu'on transportât une grande partie des troupes dans la Macédoine. Par ce moyen, dit-il, on établira dans l'Europe le théâtre de la guerre : l'Asie jouïra de la paix, & l'ennemi faute de subsistance sera contraint de reculer, & de repasser en Europe pour secourir son royaume. C'étoit sans doute le plus sûr parti que les Perses pussent choisir, dit Diodore de Sicile, l. XVII. c. vij. Mais les autres généraux ne trouvant pas ce conseil digne de la grandeur de leur monarque, ils conclurent qu'il falloit livrer bataille, & la perdirent.

Cependant Memnon ayant été nommé généralissime, fit des préparatifs extraordinaires par mer & par terre ; il subjugua l'île de Chio & celle de Lesbos ; il menaça celle d'Eubée ; il noua des intelligences avec les Grecs ; il en corrompit plusieurs par ses présens ; en un mot, il se préparoit à tailler beaucoup de besogne aux ennemis de son roi dans leur propre pays, lorsqu'une maladie le vint saisir, & le tira de ce monde en peu de jours.

Il eut l'avantage de connoître par la conduite d'Alexandre à son égard, qu'il en étoit estimé ou redouté. Ce jeune prince voulant ou le rendre suspect aux Perses, ou l'attirer dans son parti, défendit sévérement à ses troupes de commettre le moindre desordre dans les terres de Memnon ; mais le général de Darius fit l'action d'un honnête homme, & d'une belle ame, en châtiant un de ses soldats qui médisoit d'Alexandre. " Je ne t'ai pas pris à ma solde, lui dit-il en le frappant de sa javeline, pour parler mal de ce prince, mais pour combattre contre lui. " Voilà une belle maxime : elle n'étoit guere pratiquée du tems de François I. & de Louis XIV. & je ne sai si on la pratique mieux au tems présent.

Freinshemius observe qu'au siége d'Halicarnasse, Memnon s'opposa vigoureusement à quelques grecs fugitifs remplis de haine pour le nom macédonien, qui ne vouloient pas qu'on permît à Alexandre d'enterrer ses morts ; quoi qu'en le lui permettant, on se pût glorifier de la victoire. Memnon n'écouta point la passion de ces fugitifs ; il accorda la suspension d'armes, & les cadavres que demandoit le roi de Macédoine.

La veuve de Memnon fut la premiere femme qu'aima ce jeune prince après ses victoires. Elle s'apelloit Barsene, & étoit petite fille d'un roi de Perse : elle fut prise en même tems que la mere, la femme, & les filles de Darius. Elle savoit & parloit à ravir le grec ; sa douceur, son caractere, ses graces, & sa beauté, triompherent d'Alexandre. Il en eut un fils, combla la mere de biens, & maria très-avantageusement ses deux soeurs, l'une à Eumenes, & l'autre à Ptolomée : Alexandre étoit fait pour conquérir tout le monde.

On peut joindre à Memnon, Timosthène le rhodien ; il florissoit vers la cent vingt-sixieme olympiade, sous le regne de Ptolomée Philadelphe, qui le fit général de ses armées de mer. C'étoit de plus un homme curieux, & qui joignoit aux lumieres de sa profession, toutes celles de la Géographie. Il avoit écrit un livre intitulé les ports de mer, & un autre sous le titre de stadiasme, qui marquoit les distances des lieux dans une très-grande étendue de pays. Ces ouvrages n'existent plus ; mais on sait qu'Eratosthène & Pline en ont beaucoup profité.

Clitophon né à Rhodes, décrivit aussi la Géographie de plusieurs pays ; entr'autres celle d'Italie & des Gaules ; ouvrages qui se sont perdus, & qui seroient pour nous fort intéressans. Il avoit aussi mis au jour la description des Indes, dont Plutarque & Stobée ont fait mention.

Diognete de Rhodes, rendit par son génie de si grands services à sa patrie, qu'il obligea Démétrius Poliorcetes d'en lever le siége la premiere année de la cent dix-neuvieme olympiade, & 304 ans avant Jesus-Christ. Les Rhodiens comblerent d'honneurs Diognete, & lui assignerent comme à leur libérateur une pension très-considérable.

Hipparque mathématicien, & grand astronome, étoit encore de Rhodes, selon Ptolémée, & florissoit sous les regnes de Philométor & d'Evergete rois d'Egypte, depuis la cent quarante-troisieme olympiade, jusqu'à la cent cinquante-troisieme, c'est-à-dire, depuis l'an 168 avant Jesus-Christ, jusques à l'an 129. Pline parle d'Hipparque avec de grands éloges. Il laissa plusieurs observations sur les astres, & un commentaire sur Aratus, que nous avons encore.

Antagoras, poëte de Rhodes, vivoit sous la cent vingt-sixieme olympiade ; Antigonus Gonatas, roi de Macédoine, le combla de faveurs, & se l'attacha par ses bienfaits. Il ne nous reste de ses ouvrages qu'une épigramme contre Crantor ; le tems nous a ravi son grand poëme, intitulé la Thébaïde.

Enfin Sosicrate, dont les écrits cités par les anciens, ont péri par l'outrage des tems, étoit aussi natif de Rhodes ; tout prouve en un mot, que cette ville a fourmillé d'hommes illustres en tout genre. (D.J.)

RHODES colosse de, (Art statuaire anc.) ouvrage admirable de l'art, que l'on a placé au rang des merveilles du monde. Je ne puis rien faire de mieux pour en parler sciemment, que de transcrire ici la description de Pline, c. vij. p. 105. & d'y joindre le commentaire de M. le comte de Caylus, inséré dans les mémoires de Littérature, tome XXV. in-4 °. Voici le texte de Pline.

" Le plus admirable de tous les colosses, est celui du soleil, que l'on voit à Rhodes, & qui fut l'ouvrage de Charès de Linde, éleve de Lysippe. Ce colosse avoit soixante-dix coudées (environ 105 piés) de hauteur. Un tremblement de terre le renversa après qu'il eut été cinquante-six ans en place ; & quoique renversé, c'est une chose prodigieuse à voir. Il y a très-peu d'hommes qui puissent embrasser son pouce ; ses doigts sont plus grands que la plûpart des statues ; ses membres épars paroissent de vastes cavernes, dans lesquelles on voit les pierres prodigieuses que l'on avoit placées dans l'intérieur du colosse, pour le rendre plus ferme dans sa position. Charès avoit été douze ans à le faire, & il coûta trois cent talens (un million quatre cent dix mille livres) que les Rhodiens avoient retirés de tous les équipages de guerre, que le roi Démétrius avoit laissés devant leur ville, ennuyé d'en continuer le siége ".

Solis colossus Rhodi. Rhodes étoit avec raison adonnée au culte du soleil : après avoir été inondée par un déluge, elle croyoit devoir le desséchement de sa terre aux rayons du soleil.

Quem fecerat Chares, Lindius. Linde étoit une des principales villes de l'île de Rhodes ; elle fut la patrie de Charès, que quelques auteurs ont nommé Lachès. Meursius concilie cette différence, en disant que Charès étant mort avant que d'avoir achevé le colosse, Lachès l'acheva. Suivant Sextus Empiricus, Charès s'étoit trompé, & n'avoit demandé que la moitié de la somme nécessaire ; & quand l'argent qu'il avoit reçu se trouva employé au milieu de l'ouvrage, il s'étoit donné la mort.

Septuaginta cubitorum altitudinis fuit. La plûpart des auteurs donnent avec Pline, soixante-dix coudées de hauteur à ce colosse ; quelques autres lui ont donné jusqu'à quatre-vingt coudées ; Hygin veut qu'il n'ait eû que quatre-vingt-dix piés. Nous avons, dit M. de Caylus, un moyen bien simple de vérifier ce calcul, par la mesure d'une partie qui nous est indiquée par le texte ; ce moyen est toujours plus certain que les chiffres, dont l'incorrection n'est que trop connue dans les manuscrits : de plus, l'exemple de Pythagore, pour retrouver les proportions d'Hercule, est si bon, qu'on ne sauroit trop le suivre.

Les proportions des figures sont variées selon les âges & les occupations de l'homme : la seule comparaison d'un Hercule à un Apollon, suffira pour convaincre de cette variété. Ainsi l'on conviendra sans peine, que les membres d'un homme de trente-cinq à quarante ans qui a fatigué, different en grosseur de ceux d'un jeune homme de vingt-quatre à vingt-cinq ans, délicat & reposé. On pourroit donc s'égarer dans les différentes proportions, ou dumoins laisser du soupçon sur la précision du calcul qu'on va présenter ; mais on marche ici avec sûreté.

Nous savons que ce colosse représentoit le soleil, & nous connoissons les Grecs pour avoir été fort exacts à conserver les proportions convenables aux âges & aux états ; nous voyons qu'ils les ont toujours tirées du plus beau choix de la nature. Ce sera donc sur l'Apollon du Vatican, une des plus belles figures de l'antiquité, qu'on va comparer toutes les mesures données par la grosseur du pouce. Pline nous en parle comme pouvant à peine être embrassé par un homme : ce qu'il ajoute immédiatement après, que ses doigts sont plus grands que la plûpart des statues, prouve qu'il entend le pouce de la main, dont les doigts plus allongés ont plus de rapport à l'idée générale des statues. C'est donc sur le pouce de la main qu'il faut établir toutes les mesures.

Le pouce a deux diametres principaux & différens entre eux : l'Apollon ayant sept têtes, trois parties, neuf minutes, & de notre pié de roi six piés cinq pouces ; il résulte que le plus petit de ces deux diametres nous donne quatre-vingt dix-sept piés cinq pouces 1/2|7, & le plus grand, cent douze piés dix pouces.

Nous voyons par-là que Pline nous a conservé la mesure du plus grand diametre, & que son calcul de cent cinq piés ou environ est juste, d'autant que s'il y avoit peu d'hommes qui pussent embrasser ce pouce, il y en a peu aussi de la grandeur de l'Apollon, qui sert ici de regle, pour donner des mesures dont on ne présente ici que le résultat, sans même vouloir entrer dans le détail du pié romain, que l'on sait être d'un peu plus d'un pouce plus court que le nôtre.

Post 56. annum terrae motu prostratum ; c'est le sentiment commun. Scaliger prétend prouver, contre Pline, par un calcul chronologique, qu'il faut compter 66 ans. Ce qu'il y a de plus certain, c'est que le tremblement de terre qui le renversa est arrivé dans la 139e. olympiade, selon la chronique d'Eusebe ; celle d'Alexandrie la place cependant dans la 138.

Sed jacens quoque miraculo est. Selon Strabon, il s'étoit rompu vers les genoux. Eustathe a fait mention de cette circonstance, & quelques auteurs modernes l'ont copié. Lucien dans son histoire fabuleuse, qu'il appelle véritable, suppose des hommes grands comme la moitié supérieure du colosse. Cette moitié étoit donc à terre ; il étoit donc aisé de la mesurer aussi bien que le pouce qu'on ne pouvoit embrasser. Delà il est naturel de conclure, que si ce colosse avoit été placé à l'entrée du port & les jambes écartées, cette moitié rompue seroit tombée dans la mer.

Spectantur intùs magnae molis saxa. Philon & Plutarque disent la même chose ; ce dernier en fait une belle application aux princes qui ressemblent au colosse, spécieux par le dehors, plein de terre, de pierre, & de plomb au-dedans.

Duodecim annis effectum 300 talentis, quae contulerant ex apparatu regis Demetrii. Tout le monde est d'accord sur ces trois articles ; on differe sur le tems où l'on commença à y travailler : la plus commune opinion est, qu'il fut fini l'an 278 avant J. C. après 12 ans de travail, & qu'il fut renversé 56 ans après, l'an 222.

M. de Caylus examine ici ce qu'il a pu rassembler sur la vérité & l'erreur de cette position. Par ce qui a été dit à l'occasion de la chûte du colosse, on voit qu'il n'étoit point placé sur la mer, & que les jambes écartées qu'on lui donne, sont une suite de l'opinion qu'il étoit placé à l'entrée du port. Plutarque, dans l'endroit cité plus haut, dit que les plus mauvais sculpteurs, pour en imposer davantage, représentoient les colosses avec les jambes les plus écartées qu'ils pouvoient ; argument indirect contre l'écartement des jambes de celui de Rhodes, dont assurément il faisoit autant d'estime que les anciens Grecs. La traduction du prétendu manuscrit grec sur le colosse de Rhodes, cité par M. du Choul, fait poser le colosse sur une base triangulaire, sans-doute par rapport à la figure de l'île, que Pline, à cause de cette prétendue figure, appelle Trinacria, dans la liste de ses autres noms.

Quoique ce prétendu manuscrit grec ne mérite guere de croyance, par ce qu'il ajoute aux narrations connues, mettant une épée & une lance dans les mains du colosse, avec un miroir pendu à son cou, (outre d'autres circonstances fabuleuses) : cependant cette base triangulaire pour les deux piés du colosse, est digne de remarque.

Colomiés, qui cite cette traduction comme un fragment de Philon, ne prend pas garde qu'elle finit par l'enlevement des débris, ce qui démontre que si l'auteur a existé, ce ne peut être qu'à la fin du vij. siecle. Philon de Byzance écrivoit à-peu-près du tems que le colosse étoit encore sur pié, puisqu'il ne parle point de sa chûte ; on le croit un peu postérieur à Archimede. On ne sait si c'est lui dont parle Vitruve, ou celui dont l'ouvrage grec a été imprimé au Louvre ; car il y a un très-grand nombre de Philons, poëtes, historiens & mathématiciens, &c. Celui qui nous a laissé un petit traité sur les sept merveilles, ne parle que d'une base, & la dit de marbre blanc ; la grande idée qu'il en donne, convient au monument qu'elle portoit ; mais ce qui nous importe, c'est qu'il ne fait mention que d'une, & dans la supposition moderne, il en auroit fallu deux pour laisser le passage aux vaisseaux.

Il est assez étonnant que dans ces derniers tems on ait imaginé le colosse placé à l'entrée du port, avec les jambes écartées ; on ne le trouve décrit dans cette position dans aucun auteur, ni représenté dans aucun monument ancien : ce ne peut être que quelque vieille peinture sur verre, ou quelque dessein d'imagination, qui ait été la premiere source de cette erreur. Vigenere est peut-être le premier qui se soit avisé de l'écrire : il a été suivi de Bergier de Chevreau, qui, tout homme de lettres qu'il est, ajoute pourtant que ce colosse tenoit un fanal à la main ; de M. Rollin, & de la plûpart de nos dictionnaires, &c. Dapper ne dit pas un mot de cette position. De quelque façon que ce colosse ait été placé, voici les réflexions de M. le comte de Caylus sur les moyens dont il a pu être exécuté.

J'avois toujours imaginé, dit-il, que des corps d'une étendue pareille à ces colosses, ne pouvoient être jettés d'un seul jet. Tout a des bornes dans la nature, & la chaleur ne peut se conserver à une aussi grande distance du fourneau dont elle part, pour porter la matiere à un degré convenable de chaleur, à des parties aussi éloignées : il ne faut pas douter que les anciens qui ont apporté une si grande sagacité dans la pratique, n'aient connu le moyen de réunir la fonte chaude à la froide, ainsi qu'on l'a vu pratiquer par Varin ; ce fut ainsi qu'il répara la statue équestre du roi, exécutée par Lemoine pour la ville de Bordeaux. Toute la moitié supérieure du cheval avoit manqué horisontalement à la premiere fonte, & elle fut réparée à la seconde.

Sans entrer dans le détail d'une opération, qui ne convient point ici, il est possible que ce moyen, qui ôtoit l'apparence de toutes les soudures & de toutes les liaisons, ait été pratiqué anciennement. A la vérité cette pratique ne peut avoir été suivie que pour les figures plus petites, & plus sous l'oeil que celle dont il s'agit ; il est d'autant plus probable que les anciens ont connu les pratiques les plus délicates & les mieux entendues de cet art, qu'on a vu plus d'un bronze antique si bien jetté, qu'il n'avoit jamais eu besoin d'être réparé ; Bouchardon confirme cette opinion.

Quoiqu'il en soit, on n'avoit certainement pas employé pour le colosse de Rhodes des recherches & des soins, que sa prodigieuse étenduë rendoit inutiles. Il est donc à présumer qu'il a été jetté en tonnes, c'est-à-dire, parties qui se raccordoient, & se plaçoient les unes sur les autres. Pline ne le dit pas, mais il en fournit une preuve convaincante, en parlant du colosse renversé ; il compare le creux des membres épars à de vastes cavernes, dans lesquelles on voyoit des pierres prodigieuses, &c. Il est constant que ces pierres n'ont pu être placées qu'après coup ; donc les morceaux de la fonte ont été rapportés, & rejoints en place ; car ces pierres nécessaires à la solidité du colosse, placées & élevées dans l'intérieur, à mesure qu'il se formoit, ont suivi les parties quand elles ont été renversées ; d'ailleurs ce plomb dont parle Plutarque dans l'endroit cité plus haut, ne peut être que la soudure nécessaire à la réunion des parties.

Pour suivre la destinée du colosse, depuis ce que Pline nous en a conservé, on convient à-peu-près du tems où les Arabes en enleverent les débris après avoir pris Rhodes. Ce fut Mabias (Moavias) leur général qui fit cette expédition, l'année du califat d'Othman, quatrieme calife, & la seconde de l'empereur Constans, l'an de J. C. 672. ce qui fait près de neuf cent ans, depuis que le tremblement de terre l'avoit renversé ; ceux qui comptent mil trois cent & tant, se trompent grossierement. Tous les auteurs conviennent qu'il fallut neuf cent chameaux pour transporter ces débris. Scaliger estime la charge d'un chameau à huit cent livres ; le poids du tout se montoit à sept cent vingt mille livres.

On vient de prouver que le colosse n'étoit point placé sur le port, les jambes écartées, & que cette erreur ne peut être imputée qu'aux modernes ; mais d'autres anciens en assez grand nombre, sont tombés dans une autre. Ils ont cru que les Rhodiens depuis l'érection du colosse, avoient été appellés colossiens ; c'est ce que disent Cédrenus, Glycas, Maléla, Eustathe, Suidas, suivis de quelques modernes, Marius Niger, Porcacci, Pinedo, Dapper même, qui nous a donné une assez bonne description de Rhodes, où, entr'autres choses, il remarque que le colosse avoit été placé dans l'ancienne ville de Rhodes, de même que les autres colosses dont Pline fait mention, & non pas dans le port de la nouvelle ville, qui a été bâtie longtems après. Au reste, Erasme est le premier qui ait réfuté les Colossiens de Rhodes ; il fait voir qu'on les a ridiculement confondus (ce qu'avoit fait Pline) avec les Colossiens à qui saint Paul écrit.

Après avoir rapporté des erreurs sur le fait, il y en auroit bien d'autres à remarquer. Festus dit : Colossus à caleto à quo formatus est, dictus. Caletus est manifestement la corruption de Charès. Sur quoi l'on pourroit observer que le P. Hardouin, pour confirmer la leçon de Charès, rapporte ailleurs le nom du même Charès, quoique ce soit celui d'un général athenien. Un autre auteur appelle l'artiste Colossus, donnant à l'ouvrage le nom de l'artiste.

Cassiodore dit, que sous le septieme consulat de Vespasien, fut élevé le colosse de cent sept piés. Brodeau a copié cette erreur, & l'a même approuvée, en ajoutant le mot de Rhodus. Vespasiani principatu, dit-il, factus est Rhodi colossus habens altitudine pedes 107.

Cassiodore & Brodeau ont confondu grossierement avec le colosse de Rhodes, le colosse de Néron, fait par Zénodore, sur lequel Vespasien substitua la tête du Soleil à celle de Néron ; ainsi que Commode substitua ensuite la sienne à celle du Soleil. (D.J.)


RHODIA(Géog. mod.) petite ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la Capitanate, sur la côte du golfe de Venise, à l'orient septentrional du lac de Varano. On croit que c'est la ville Hyrium ou Hyria des anciens. (D.J.)


RHODIENLE DROIT, (Jurisprud. rom.) jus rhodium, c'est ainsi qu'on appelle le code de lois de l'île de Rhodes par rapport aux naufrages, & aux autres événemens fortuits de la navigation. Les lois des Rhodiens en ce genre, étant fondées sur l'équité naturelle, furent généralement observées dans la Méditerranée. Rome en reconnut l'autorité ; car on voit que du tems de Jules César & d'Auguste, les jurisconsultes Servius, Offilius, Labeo & Sabinus, les adopterent dans les mêmes cas, surtout par rapport à l'article du jet des marchandises sur les côtes, de jactu mercium. On sait aussi que les empereurs Claude, Vespasien, Trajan, Hadrien & Antonin, confirmerent les mêmes lois des Rhodiens, & qu'ils ordonnerent qu'on décidât tous les cas du commerce maritime selon ces lois. Il nous reste un fragment grec, narrationes de legum Rhodiarum confirmatione, qui se trouve à la tête des leges nauticae. Simon Schardius le fit imprimer in-8°. à Bâle, en 1561, & Marquard Freher le publia dans le second tome de son jus graeco romanum, imprimé à Heidelberg, en 1599, in-fol. Voyez Jacques Godefroy, Dissert. de imperio maris ; & Grotius, in Floribus ad jus Justinianum. (D.J.)


RHODIOLAS. f. (Botan.) nom donné par Linnaeus au genre de plante que les autres botanistes appellent communément rhodia ; en voici les caracteres. Les fleurs sont les unes hermaphrodites, servant de fleurs mâles, & les autres simplement femelles. Dans la fleur mâle le calice est concave, droit, partagé en quatre segmens obtus, & subsiste après que les pétales sont tombés. Cette fleur est composée de quatre pétales oblongs, obtus, droits, ouverts, & deux fois aussi longs que les segmens du calice : ils tombent en s'épanouissant. Ils ont quatre nectaria pour couronne, lesquelles sont un peu plus courts que le calice. Les étamines sont à huit filets pointus plus longs que les pétales de la fleur ; leurs bossettes sont simples. Le pistil a quatre germes oblongs & pointus, les stiles & stigmates sont très-imparfaits ; le fruit qui leur succede est stérile.

Dans la fleur femelle, le calice est le même que dans la fleur mâle. Cette fleur est composée de quatre pétales rudes, droits, obtus, grands comme les segmens du calice, & ils subsistent. Les nectaria ou les parties de la couronne de la fleur femelle, ne different point de ceux de la fleur mâle. Le pistil a quatre germes oblongs & pointus qui forment autant de stiles couronnés par des stigmates obtus. Le fruit consiste en quatre capsules tournées, corniculaires, univalves, applaties intérieurement, & s'ouvrant dans cette partie. Ces capsules contiennent plusieurs semences de forme ronde. Linnaei, gen. plant. p. 498. (D.J.)


RHODIORUMRHODIORUM


RHODITEou ROSOITES, s. f. (Hist. naturelle Litholog.) nom donné à une pierre à cause de sa forme, qui ressemble à celle de la rose. Il y a lieu de croire qu'on a voulu désigner par-là une astroïte, ou une empreinte d'astroïte.


RHODIUM NUMISMA(Art numis.) nom donné par quelques antiquaires à deux médailles d'argent, dont l'une se conserve dans le trésor de l'église Sainte Croix, à Rome, & l'autre dans celui de Saint Jean de Latran, à Paris. Cette monnoie porte pour inscription Rhodion, avec une rose d'un côté, & de l'autre la tête du Soleil ; mais ces deux médailles ne sont pas uniques, car Goltzius en a fait graver de semblables qu'il a eues entre les mains. (D.J.)


RHODIUS(Géog. anc.) fleuve de la Troade. Il avoit sa source au mont Ida, selon Homere, Iliad. v. 20. Pline, l. V. ch. xxx. dit qu'on ne voyoit aucune trace de ce fleuve de son tems ; cependant Hesychius le connoît, & lui donne le nom de Dardanus.


RHODIXRHADIX, plante. Voyez ORPIN-ROSE.


RHODOMELONS. m. (Mat. méd. anc.) , confection de roses, de coins & de miel, dont les anciens faisoient usage en plusieurs cas, comme d'un astringent, & détergent agréable. (D.J.)


RHODONS. m. en Pharmacie ; médicamens composés, dont les roses ou quelque chose appartenant au rosier font partie, ainsi l'on appelle diarrhodon une conserve & une confection où les roses entrent. Le diarrhodon abatis est une poudre cordiale. Voyez DIARRHODON. Le rhodosaccharum est le sucre de roses. Voyez ROSES.


RHODOPE(Géogr. anc.) 1°. Montagne de la Thrace, selon Ptolémée, l. III. c. xj. Elle commence près du fleuve Nestus, & s'étend bien loin audelà de l'Hébrus. Elle est presque parallele au mont Haemus. Le mont Rhodope se nomme aujourd'hui le mont Dervent. Il commence entre la Servie & la Macédoine, d'où il s'avance dans la Romanie jusqu'à Andrinople.

2°. Rhodope est une province de Thrace, sous le bas-empire. Elle étoit bornée au nord par la province particuliere de Thrace ; à l'orient par la province de Mimodt ; au midi, partie par la mer Egée, partie par la Macédoine, & à l'occident encore par la Macédoine. Le mont Rhodope, dont on vient de parler, & qui la traversoit, lui donnoit son nom.

3°. Rhodope est encore le nom d'une ville de l'Asie mineure dans l'Ionie. (D.J.)


RHODOS(Géog. anc.) petite contrée du Péloponnèse, dans la Laconie. Pausanias, l. III. c. xvj. dit qu'elle étoit consacrée à Machaon, fils d'Esculape. (D.J.)


RHODOSTAGMAS. m. (Pharmac. anc.) ce mot vient de , rose, & , je distille. Le docteur Freind remarque qu'Actuarius est le premier médecin grec qui fasse mention de liqueurs distillées, telles que le rhodostagma, & l'intybostagma, que le traducteur appelle stillatitius liquor rosarum, & intibi, & que l'auteur employe comme un ingrédient des juleps. Gesner pense que ces liqueurs ne sont autre chose que les syrops de ces plantes, semblables au rhodoslacton que décrit P. Eginete ; mais M. le Clerc prouve évidemment que l'eau distillée d'Actuarius, est fort différente du rhodoslacton de P. Eginete, qui n'est fait que de suc de roses & de miel bouillis ensemble. (D.J.)


RHODUNTIA(Géog. anc.) contrée de la Macédoine, proche du mont Oeta, selon Etienne le géographe. Tite Live, l. XXXVI. c. xvj. donne ce nom au sommet du mont Oeta, & Strabon, l. IX. le donne à un lieu fortifié des Thermopyles. (D.J.)


RHOÉ(Géog. anc.) fleuve de la Bithynie. Il a son embouchure dans le Pont-Euxin. Arrien dans son périple, p. 13. compte vingt stades du port Calpe à l'embouchure du fleuve Rhoé, & également de l'embouchure de ce fleuve à l'île Apollonie. (D.J.)


RHOEDIAS(Géog. anc.) fleuve de la Macédoine, selon Pline, l. IV. c. x. Il dit que le fleuve Rhoedias passe par la ville Europus. (D.J.)


RHOETEUM(Géog. anc.) 1°. Ville de l'Asie mineure, dans la Troade, sur la côte de l'Hélespont. Strabon, l. XIII. p. 595. dit que cette ville étoit située sur une hauteur, près du tombeau d'Ajax. L'adjectif de ce nom est Rhoeteus. Virgile s'en est servi dans plus d'un endroit ; il dit au troisieme livre de l'Enéide, v. 108.

Teucrus Rhoeteas primum est advectus in oras.

Et au sixieme livre, v. 505.

Tunc egomet tumulum Rhoeteo in littore inanem

Constitui....

2°. Rhoeteum est aussi un promontoire de l'Asie mineure, sur la côte de l'Hélespont, selon la remarque de Leunclavius sur Xénophon l. I. Hist. graec. p. 422. Il place ce promontoire près de celui de Sigée, qui n'en est qu'à quatre milles ; il ajoute que présentement ce promontoire Rhoeteum est appellé Retkia par les Turcs, & capo Jenitzari par les Italiens. (D.J.)


RHOEXUS(Géogr. ancien.) port de la Cilicie. Etienne le géographe le met à l'embouchure du fleuve Sarus. (D.J.)


RHOGMES. m. (Chirurgie) fracture de crane, superficielle ou profonde, mais dans laquelle les pieces d'os n'étoient point séparées ; le rhogme étoit superficiel, droit, étroit & long ; ce mot vient de , fêlure.


RHOGOMANIS(Géog. anc.) fleuve de la Perside. Ptolémée, l. VI. c. iv. marque l'embouchure de ce fleuve au midi de la Perside, sur le golfe Persique, entre l'embouchure de l'Oroates, & Tarce extrema. Arrien, rer. indicar. appelle ce fleuve Rhogonis, mais il différe un peu de Ptolémée sur sa position. (D.J.)


RHOITESS. m. (Mat. méd. anc.) ; sorte de rob, fort en usage chez les anciens ; il étoit fait, selon Dioscoride, l. V. c. xxxiv. de suc de grenade évaporé sur le feu à la consistance d'un extrait ; mais selon Paul Eginete, c'étoit un rob fait de trois septiers de suc de grenade, sur un septier de miel, cuits ensemble jusqu'à la consomption d'un tiers. (D.J.)


RHOMBnom que l'on donne à Marseille au turbot. Voyez TURBOT.


RHOMBES. m. (Hist. nat.) rhombi, nom générique que l'on a donné à plusieurs différentes especes de coquilles. Voyez COQUILLES. la fig. 12. de la Pl. xxj représente le rhombe appellé l'olive.

RHOMBE, (Hist. nat. Botan.) plante de l'île de Madagascar, qui est une espece de menthe sauvage ; elle s'éleve de deux coudées, & a l'odeur de la cannelle & du girofle.

RHOMBE ou LOZANGE, s. m. terme de Géométrie ; c'est un parallélogramme dont les côtés sont égaux, mais dont les angles sont inégaux, deux des angles opposés étant obtus, & les deux autres aigus ; telle est la fig. A B C D, Pl. Géom. fig. 83.

Pour trouver l'aire d'un rhombe, ou d'un rhomboïde. (Voyez RHOMBOÏDE) sur la ligne C D, prise pour base, laissez tomber la perpendiculaire A e, qui sera la hauteur du parallélogramme ; multipliez la base par la hauteur, le produit sera l'aire cherchée ; ainsi, supposons que C D soit de 456 piés, & A e de 234, l'aire sera de 102704 piés quarrés.

En effet, il est démontré qu'une parallélogramme obliquangle est égal en surface à un parallélogramme rectangle de même base C D & de même hauteur A E. fig. 25. Voyez PARALLELOGRAMME. Or l'aire d'un parallélogramme rectangle est le produit de sa base par sa hauteur ; donc le produit d'un parallélogramme obliquangle est aussi égal au produit de sa base par sa hauteur. (E)

RHOMBE solide ; on appelle ainsi deux cones égaux & droits, joints ensemble par leurs bases. Voyez CONE. (E)


RHOMBITESS. m. (Hist. nat.) nom donné par quelques auteurs au crystal d'Islande, à cause de la propriété qu'il a de se partager en rhomboïdes. Voyez CRYSTAL D'ISLANDE.

RHOMBITES, (Géog. anc.) fleuve de la Sarmatie asiatique, selon Ptolémée, l. V. c. ix. & Ammien Marcellin, cité par Ortelius. Ptolémée distingue le grand & le petit rhombites, qu'il marque assez loin l'un de l'autre. (D.J.)


RHOMBOIDERHOMBOIDES, s. m. (Hist. nat. Litholog.) poisson de mer qui ressemble beaucoup au turbot. Voyez TURBOT. Il est petit & court, il n'a qu'un empan de longueur ; il est couvert de petites écailles ; les yeux sont fort éloignés l'un de l'autre ; il y a sur les côtés du corps une ligne qui s'étend depuis la tête jusqu'à la queue ; cette ligne est courbe près de la tête, & ensuite droite jusqu'à la queue. Rondelet, hist. nat. des poissons, prem. part. liv. XI. chap. iij. Voyez POISSON.

RHOMBOÏDE, f. m. terme de Géométrie ; c'est un parallélogramme dont les côtés & les angles sont inégaux, mais dont les côtés opposés sont égaux, ainsi que les angles opposés.

Autrement, le rhomboïde est une figure de quatre côtés, dont les côtés opposés & les angles opposés sont égaux, mais qui n'est ni équilatéral ni équiangle ; telle est la fig. N O P Q, Pl. géom. fig. 24.

Pour la maniere de trouver l'aire du rhomboïde, Voyez RHOMBE. (E)

RHOMBOÏDE, s. m. terme d'Anatomie, c'est le nom d'un muscle ainsi appellé à cause de sa figure. Voyez nos Pl. d'Anat. & leur explic. Voyez aussi MUSCLE. Ce muscle est sous la partie moyenne du trapeze, & vient des deux épines inférieures du col, & des quatre supérieures du dos ; & s'insere à toute la base de l'omoplate.


RHOMBUSS. m. (Littérat.) instrument magique des Grecs, dont parlent Properce, Ovide, & Martial. Le premier, lib. II. élég. 21 ; le second, amor. lib. I. éleg. 8. & le troisieme lib. IX. épig. 30. Théocrite & Lucien disent qu'il étoit d'airain ; & Ovide donne à entendre qu'on le faisoit pirouetter avec des lanieres tressées dont on l'entouroit ; c'étoit le même instrument qu'Horace, ode 12. liv. V. désigne par le mot turbo. Il prie qu'on le fasse tourner à contresens, comme pour corriger le mauvais effet qu'il avoit produit en tournant dans son sens naturel ; citumque retrò solve turbinem.

Il faut savoir que c'étoit une espece de toupie de métal ou de bois, dont les prétendus sorciers se servoient dans leurs sortiléges ; ils l'entouroient de bandelettes, & la faisoient tourner, disant que le mouvement de cette toupie magique avoit la vertu de donner aux hommes les passions & les mouvemens qu'ils vouloient leur inspirer.

Théocrite dit dans sa 2. idylle, " Comme je fais tourner cette toupie, , au nom de Vénus, qu'ainsi mon amant puisse venir à ma porte ". Quand on avoit fait tourner cette toupie d'un certain sens, si on vouloit corriger l'effet qu'elle avoit produit, & lui en faire produire un contraire, le magicien en avoit la puissance, il la reprenoit, l'entouroit en un autre sens de sa bandelette, & lui faisoit décrire un cercle opposé à celui qu'elle avoit déja parcouru. Les poëtes ont embelli leurs écrits, tantôt par des comparaisons, tantôt par des métaphores, de toutes les choses auxquelles le peuple crédule ajoutoit foi. (D.J.)

RHOMBUS, s. m. terme de Chirurgie, qui signifie une sorte de bandage de figure rhomboïdale.

Pour faire ce bandage on prend une bande roulée à un chef : on applique son extrêmité à l'endroit où l'on juge à propos ; cela fait, on descend par des rampans jusqu'à l'extrêmité, & on remonte de même, en évitant les premiers tours de bande, tant en devant qu'en derriere ; les espaces qui se rencontrent entre ces tours de bandes sont de figure rhomboïde, ce qui a fait donner ce nom à ce bandage.

Il n'est d'usage que pour les extrêmités, & est purement contentif ; c'est un double rampant. Voyez RAMPANT, BANDAGE, BANDE. (Y)


RHONELE ou RHOSNE, (Géog. mod.) en latin Rhodanus. Un des quatre principaux fleuves de la France, & dont le nom est purement gaulois.

Il a sa source dans la montagne de la Fourche ; qui est à l'extrêmité orientale du pays de Vallais, & le sépare du canton d'Uri. Il coule d'abord dans un pays étroit parmi des rochers, & partage le pays de Vallais en long. Il passe par Sion, capitale du pays, & par S. Maurice ; après quoi, courant au nord-ouest, entre la Suisse & le reste du Vallais, il entre dans le lac de Geneve, qu'il traverse de toute sa longueur d'orient en occident, l'espace de vingt lieues, en se mêlant avec les eaux de ce lac.

A quatre lieues au-dessous de Geneve, ce fleuve se perd, en tombant dans la fente d'une roche qui a un quart de lieue de long sur deux ou trois toises de large, dans les endroits les plus étroits, & sur vingt ou vingt-cinq toises de profondeur. Au lieu des eaux du Rhône, on voit sur cette fondriere un brouillard épais, formé par leur brisement contre le fond & les côtés de cette fente ; dans laquelle ce fleuve coule avec beaucoup de rapidité & de bruit.

Le lit du Rhône s'élargit ensuite après qu'il est sorti de ce gouffre, au pont d'Arlou, ensorte qu'à Seissel, il est presque aussi large que la Seine l'est à Paris ; c'est ici où il commence à porter des bateaux.

Il reçoit diverses rivieres considérables, entr'autres, la Saône à Lyon ; l'Isere, la Sorgue, la Durance, & se jette dans la mer de Provence ou golfe de Lyon, à 10 lieues au midi d'Arles, par deux principales embouchures, l'une à l'ouest, & l'autre à l'est, & qui ne sont séparées que par une petite île appellée Bauduf.

Ainsi le Rhône mouille plusieurs pays dans son cours, savoir, Geneve, le fort de la Cluse dit de Seissel dans le Bugey, Lyon dans le Lyonnois, Vienne dans le Viennois, Tournon en Vivarais, Montelimar dans le Valentinois, Montdragon en Provence, Avignon dans le comté Venaissin, Beaucaire dans le Languedoc, Tarascon dans la viguerie de ce nom, & Arles dans le diocèse d'Arles ; le poisson qu'il produit est très-estimé, & on recueille de l'excellent vin sur ses bords.

Les savans bénédictins du Languedoc semblent avoir voulu enlever entierement le Rhône à la Provence ; mais M. de Nicolaï a tâché de prouver par de grandes recherches, que la province du Languedoc, loin de posseder en propre la portion du fleuve qui coule entre elle & la Provence, n'en peut prétendre la propriété, qui, selon lui, doit appartenir exclusivement à la Provence. Ceux qui voudroient accorder le différend, le partageroient par moitié entre les deux provinces ; mais ce n'est pas ainsi qu'on décide des faits. (D.J.)


RHOPALIQUESS. m. (Belles-lettres) c'étoit chez les anciens, une sorte de vers qui commençoient par un monosyllabe, & qui continuoient par des mots tous plus longs les uns que les autres ; ensorte que le second étoit plus long que le premier, & le troisieme plus long que le second, & ainsi de suite jusqu'au dernier.

Ils étoient ainsi nommés du grec , massue, parce que ces vers étoient en quelque façon semblables à une massue, qui commence par un bout fort mince, & finit par une grosse tête.

Tel est ce vers d'Homere :


RHOPALOSISS. m. (Méd. anc.) ; état des cheveux, consistant en ce qu'ils se mêlent & se collent les uns aux autres. Il ne faut pas confondre ce simple entrelacement des cheveux, exprimé par le mot grec rhopalosis, avec la plique, maladie épidémique & singuliere en Pologne, où les cheveux collés forment un spectacle monstrueux, répandent du sang quand ils se rompent, ou qu'on les coupe, & où le malade est attaqué de grands maux de tête, & court quelquefois risque de la vie. (D.J.)


RHOPOGRAPHES. m. (Peint.) peintre qui ne fait que de petits sujets, des animaux, des plantes, &c. Ce mot vient de , ramentaria, raclures, petites branches, & , je peins. (D.J.)


RHOS(Géog. anc.) peuples de Scythie. Ils habitoient au septentrion du mont Taurus, selon Cédrene & Curopalate, cités par Ortélius, qui croit que ce sont les mêmes que les Russi. (D.J.)


RHOSCHAC(Géog. mod.) en latin du moyen âge Rhosagum ; bourg de Suisse, dans le domaine de l'abbaye de S. Gall, sur le bord du lac de Constance, vis-à-vis de Lindaw, dans une agréable situation & un terroir fertile en vins. Ce bourg est si grand qu'il peut aller de pair avec plusieurs bonnes villes. Dans le dixieme siecle l'empereur Othon lui donna les privileges de foire, de péage & de monnoie. Il s'y fait beaucoup de commerce en grains, bétail, toiles & vin. (D.J.)


RHOSOLOGIA(Géog. anc.) ville de la Galatie. Ptolémée, lib. V. c. iv. la donne aux Tectosages, & la marque entre Vinzela & Sarmalia. Simler croit que c'est la même ville que l'itinéraire d'Antonin appelle Orsologiacum dans un endroit, & dans un autre Rosologiacum. Cet itinéraire la marque sur la route de Constantinople à Antioche, entre Corbeneunca & Aspona, à 12 milles de la premiere, & à 31 milles de la seconde. (D.J.)


RHOSPHODUSA(Géog. anc.) île du golfe Carcinite, selon Pline, lib. IV. c. xiij. Pinet prétend que le nom moderne est Salina. (D.J.)


RHOSUS(Géog. anc.) Selon Ptolémée, lib. V. c. xv. ville de la Syrie ou de la Cilicie, sur le golfe Issique, entre le fleuve Issus & Séleucie. Derriere cette ville étoient les monts Rosii ; entre ces montagnes & le mont Taurus, étoit le col nommé portae Syrae, parce que c'étoit l'entrée de la Syrie. Le mont Rhosus est aujourd'hui Cabo-Gangir. (D.J.)


RHOTANUM(Géog. anc.) fleuve de l'île de Corse. Ptolémée, lib. III. c. ij. place l'embouchure de ce fleuve sur la côte orientale, entre Valeria colonia & le port de Diane. Léander prétend que c'est aujourd'hui le Tavignani. (D.J.)


RHUBARBES. f. (Botan. exot.) La vraie rhubarbe, ou celle de la Chine, est une racine que l'on nous apporte en morceaux assez gros, légers, inégaux, de la longueur de quatre, cinq ou six pouces, & de la grosseur de trois à quatre. Elle est jaune, ou un peu brune en-dehors, de couleur de safran en-dedans, jaspée comme la noix muscade, un peu fongueuse, d'un goût tirant sur l'âcre amer, & un peu astringent ; d'une odeur aromatique, & foiblement desagréable. Elle croît à la Chine. Il faut choisir soigneusement celle qui est nouvelle, qui n'est point cariée, pourrie, ni noire, qui donne la couleur de safran à l'eau, & qui laisse quelque chose de visqueux & de gluant sur la langue.

Muntingius, dans son Histoire des plantes d'Angleterre, a donné une description de la rhubarbe, sous le nom de rhabarbarum lanuginosum, sive lapathum chinense longifolium ; mais il n'avoit pas vu cette plante, non plus que Mathiole, dont il a emprunté sa description & la figure qui l'accompagne, sur les relations des marchands qui apportoient cette racine de la Chine.

Il est fort étrange parmi le grand nombre d'européens qui depuis un siecle vont tous les ans dans ce pays-là, que personne n'ait tâché de connoître exactement une plante dont on use tous les jours, & qui est d'un grand revenu. La description du P. Parennin, quoique fort vantée dans l'histoire de l'académie des Sciences, ann. 1726, laisse beaucoup de choses à désirer, n'est même qu'une copie de ce que le P. Michel Boym en avoit publié dans sa flora sinensis, imprimée à Vienne en Autriche, en 1656 in-fol.

Selon la relation de ces deux peres jésuites, le thai-hoam, ou la rhubarbe, croît en plusieurs endroits de la Chine ; la meilleure est celle de Tie-chouen, celle qui vient dans la province de Xansi & dans le royaume de Thibet, lui est fort inférieure. Il en croît aussi ailleurs, mais dont on ne fait ici nul usage.

La tige de la plante est semblable aux petits bambous, elle est vuide & très-cassante ; sa hauteur est de trois ou quatre piés, & sa couleur d'un violet obscur. Dans la seconde lune, c'est-à-dire au mois de Mars, elle pousse des feuilles longues, épaisses, quatre à quatre sur une même queue, & posées en se regardant ; ses fleurs sont de couleur jaune, & quelquefois violette. A la cinquieme lune, elles produisent une petite semence noire, de la grosseur d'un grain de millet. A la huitieme lune, on arrache la plante, dont la racine est grosse & longue. Celle qui est la plus pesante, & la plus marbrée en-dedans, est la meilleure.

Cette racine est d'une nature qui la rend très-difficile à sécher. Les Chinois, après l'avoir arrachée & nettoyée, la coupent en morceaux d'un ou de deux pouces, & la font sécher sur de grandes tables de pierre, sous lesquelles ils allument du feu ; ils tournent & retournent ces tronçons jusqu'à ce qu'ils soient bien secs. Comme cette opération ne suffit pas pour en chasser toute l'humidité, ils font un trou à chaque morceau de racine, puis ils enfilent tous ces morceaux en forme de chapelet, pour les suspendre à la plus forte ardeur du soleil, jusqu'à ce qu'ils soient en état d'être conservés sans danger de se corrompre.

L'hiver est le meilleur tems pour tirer la rhubarbe de la terre, avant que les feuilles vertes commencent à pousser, parce qu'alors le suc & la vertu sont concentrés dans la racine. Si on la tire de la terre pendant l'été, ou dans le tems qu'elle pousse des feuilles vertes, non-seulement elle n'est pas encore mûre, & n'a point de suc jaune, ni des veines rouges, mais elle est très-légere, & par conséquent n'approche point de la perfection de celle que l'on retire en hiver.

On apportoit autrefois la rhubarbe de la Chine par la Tartarie à Olmutz & à Alep, de-là à Alexandrie, & enfin à Venise. Les Portugais l'apportoient sur leurs vaisseaux de la Ville de Canton, qui est un port célebre où se tient un marché de la Chine. Les Egyptiens l'apportoient aussi à Alexandrie par la Tartarie ; présentement on nous l'apporte de Moscovie, car elle croît abondamment dans cette partie de la Chine qui est voisine de la Tartarie. Les petites variétés de couleur qu'on trouve dans la rhubarbe qui vient directement de Moscovie, d'avec la rhubarbe qui nous arrive par le commerce des Indes orientales, ne procedent que de ce que celle de Moscovie est plus nouvelle ; car elle prend, en la gardant, la même couleur, la même consistance & le même goût que celle qu'on reçoit par mer.

On a envoyé de Moscovie en France, une plante nommée par M. de Jussieu, rhabarbarum folio oblongo, crispo, undulato, flabellis sparsis. Cette même plante avoit déjà été envoyée du même pays en Angleterre, pour être la vraie rhubarbe de la Chine, & M. Rand la nomma, lapathum bardanae folio undulato, glabro. La maniere dont cette plante fructifie fait juger que c'est une véritable espece de rhubarbe de la Chine ; car non-seulement elle a été envoyée pour telle, mais encore les graines de cette plante, semblables à celles de la vraie rhubarbe que M. Vandermonde, docteur en Médecine, avoit envoyée de la Chine, ne permettent pas d'en douter : ajoutez que la figure des racines de ces deux plantes, la couleur, l'odeur & le goût, fortifient cette opinion. On a élevé la plante dans le Jardin du Roi à Paris, où elle réussit, fleurit, & supporte les hivers les plus froids.

C'est une grosse racine vivace, arrondie, d'environ une coudée & plus de longueur, partagée en plusieurs grosses branches, qui donnent naissance à d'autres plus petites, de couleur d'un roux-noirâtre en dehors. Lorsqu'on enleve quelques morceaux de l'écorce, on trouve la substance pulpeuse de la racine, panachée de points de couleur jaune safranée, à-peu-près comme dans la noix muscade, dont le centre est d'une couleur de safran plus vive, & d'une odeur fort approchante de celle de la rhubarbe de la Chine, que l'on apperçoit sur-tout vers son collet. Lorsqu'on mâche celle qui est nouvellement tirée de la terre, elle a un goût visqueux, mêlé de quelque amertume qui affecte la langue & le palais ; & sur la fin il est gommeux, & un peu astringent.

Du sommet de la racine naissent plusieurs feuilles couchées sur la terre, disposées en rond les unes sur les autres ; elles sont très-grandes, entieres, vertes, taillées en forme de coeur, & presque en fer de fleche, garnies de deux oreillettes à leur base, & portées sur de longues queues charnues, convexes endessous ; elles se partagent vers la base des feuilles, en cinq côtes charnues, saillantes en-dessous, & anguleuses ; la côte du milieu s'étend dans toute la longueur de la feuille ; les côtes latérales se répandent obliquement, se partagent en plusieurs nervures, & s'étendent de tous côtés, jusqu'au bord de la feuille qui est ondée & fort plissée. L'extrêmité de la feuille est obtuse, & légerement échancrée. Du milieu des feuilles s'éleve une tige anguleuse, comprimée, cannelée, haute d'environ une coudée, garnie un peu au-dessus de son milieu de quelques enveloppes particulieres, qui l'entourent par leur base, & qui sont placées à des distances inégales, jusqu'à son extrêmité.

Les fleurs, en sortant de ces enveloppes, forment des petites grappes ; chaque fleur est portée sur un petit pédicule particulier, blanc & menu ; elles sont semblables à celles de notre rhapontic, mais une fois plus petites ; elles n'ont point de calice, & sont d'une seule piece en forme de cloche, étroites par la base, découpées en six quartiers obtus, & alternativement inégaux. Des parois de cette fleur s'élevent neuf filets déliés aussi longs que la fleur, & chargés de sommets oblongs, obtus & à deux bourses. Le pistil qui en coupe le centre est un petit embryon triangulaire, couronné de trois stigmates recourbés & aigrettés : cet embryon devient une graine pointue, triangulaire, dont les angles sont bordés d'un feuillet membraneux. Elle pousse dans le printems, fleurit au mois de Juin, & les graines mûrissent au mois de Juillet & d'Août.

Il ne faut pas confondre la rhubarbe choisie avec le rhapontic des anciens Grecs, ce sont des racines bien différentes ; le rha ou rheum de Dioscoride est une racine odorante, assez agréable, & qui ne laisse rien de mucilagineux dans la bouche, comme la rhubarbe de la Chine ; mais la description de Dioscoride convient au rhapontic de Prosper Alpin, que l'on cultive dans les jardins d'Europe, & qui est originaire de la Thrace & d'autres endroits de la Scythie.

Les Chinois emploient communément la rhubarbe en décoction ; mais quand c'est en substance, ils la préparent auparavant de la maniere suivante.

Ils prennent une certaine quantité de tronçons de rhubarbe, & les font tremper un jour & une nuit dans du vin de riz jusqu'à ce qu'ils soient bien amollis, & qu'on les puisse couper en rouelles assez minces ; ensuite ils posent sur un fourneau de briques une espece de chaudiere, dont l'ouverture va en se retrécissant jusqu'au fond en forme de calotte ; ils la remplissent d'eau, couvrent la chaudiere d'un tamis renversé, qui est fait de petits filets d'écorce de bambou, & qui s'ajuste avec l'ouverture de la chaudiere. Sur le fond du tamis, ils posent les rouelles de rhubarbe & couvrent le tout avec un fond de tamis de bois, sur lequel ils jettent encore un feutre, afin que la fumée de l'eau chaude ne puisse sortir.

Ils allument ensuite leur fourneau, & font bouillir l'eau. La fumée qui s'éleve par le tamis pénetre les rouelles de rhubarbe & les décharge de leur âcreté. Enfin cette fumée se résolvant, comme dans l'alambic, retombe dans la chaudiere bouillante, & jaunit l'eau. Ces rouelles doivent demeurer sept ou huit heures dans cette circulation de fumée, après quoi on les tire pour les faire sécher au soleil, & s'en servir au besoin.

Ils pilent cette rhubarbe & en font des pilules purgatives, dont la dose est de quatre ou cinq drachmes. Ceux qui ont de la répugnance à avaler un grand nombre de pilules prennent la même quantité de rouelles seches, & les font bouillir dans un petit vase de terre avec neuf onces d'eau, jusqu'à la réduction de trois onces qu'ils avalent tiedes.

L'eau est le meilleur menstrue de la rhubarbe ; aussi la teinture de cette racine faite avec l'esprit-de-vin ne devient pas laiteuse comme les autres teintures résineuses, lorsqu'on la jette dans l'eau.

La rhubarbe a deux vertus, celle de purger & de fortifier par une douce adstriction l'estomac & les intestins ; c'est ce qui en fait un excellent remede que l'on peut prescrire en sûreté aux enfans, aux adultes, aux vieillards, aux femmes grosses & aux femmes en couche ; cependant on en doit faire usage avec précaution ; on la prescrit en substance jusqu'à drachme & demie, & en infusion jusqu'à trois, on en compose un excellent syrop pour purger les petits enfans. (D.J.)

RHUBARBE bâtarde, (Botanique) on appelle vulgairement rhubarbe bâtarde ou fausse rhubarbe le lapathum folio rotundo, alpinum, I. R. H. 504. Rai, hist. 171.

Sa racine est longue, branchue, ridée, fibreuse, fort jaune, d'une saveur amere. Sa tige est haute de deux ou trois coudées, creuse, profondément sillonnée, rougeâtre, garnie de plusieurs rameaux. Ses feuilles sont semblables à celles de la bardane, arrondies, lisses, d'un verd pâle & comme jaunâtre, portées sur une queue rougeâtre & cannelée. Ses fleurs sont nombreuses & composées de plusieurs étamines à sommet jaunâtre & d'un calice verd ; il leur succede des graines triangulaires un peu rougeâtres. Cette plante vient dans les montagnes ; on la cultive aussi dans les jardins ; sa racine est d'usage ; elle est panachée de jaune-rouge, d'une saveur amere, styptique & gluante. (D.J.)

RHUBARBE des moines, (Botan.) c'est le nom vulgaire de l'espece de lapathum, nommé lapathum hortense, latifolium, par C. B. p. 115. & par Tournefort, I. R. H. 504.

Sa racine est fibreuse, longue, épaisse, brune en-dehors, jaune en-dedans. Sa tige qui s'éleve quelquefois à la hauteur d'un homme, est cannelée, rougeâtre, partagée vers le haut en plusieurs rameaux. Ses feuilles sont longues d'un pié ou d'un pié & demi, larges, pointues, fermes sans être roides, lisses, d'un verd foncé & portées sur de longues queues rougeâtres. Ses fleurs sont sans pétales, à étamines, semblables à celles de l'oseille, placées sur les rameaux dans toute leur longueur ; quand elles sont passées, il leur succede des graines anguleuses telles que celles de l'oseille, enveloppées de follicules membraneuses.

On cultive cette plante dans les jardins ; elle a presque les mêmes vertus que la rhubarbe bâtarde ; l'une & l'autre purgent légerement & resserrent ; on les emploie quelquefois utilement dans le flux de ventre. (D.J.)


RHUMS. m. terme de riviere, se dit de plusieurs courbes des chevaux billés sur une corde qui tirent les bateaux ou les traits.

Double rhum, c'est le double de ce qui tire ordinairement, & c'est ce que l'on met sur les diligences.


RHUMATISMES. m. (Médecine) ce terme se prend dans une signification fort étendue, de même que celui de rhume & de fluxion. Mais dans un sens stricte & propre, le terme de rhumatisme signifie une affection composée de la goutte & du catarre ; & dans ce sens, en voici la vraie définition.

Le rhumatisme est une douleur vague, erratique ou fixe des muscles, de leur membrane, des ligamens, des articulations & du périoste, avec une fievre plus ou moins marquée, une pesanteur & un tiraillement dans la partie affligée, & une impuissance ou difficulté de la mouvoir ; sa premiere origine est une humeur âcre, saline & épaisse qui picote ou distend les membranes ; ses suites sont souvent la perte du mouvement, la maigreur, l'atrophie de la partie, & la consomption générale de tout le corps.

On divise le rhumatisme en trois classes. La premiere est celle qui se soudivise en erratique qui roule dans différentes parties, & en fixe qui n'attaque qu'une seule partie & y reste fixé. Le premier est ordinaire, le second se rencontre rarement dans la pratique, quoiqu'il se trouve quelquefois.

La seconde classe se soudivise en rhumatisme général ou universel qui attaque toutes les parties du corps, du-moins, à l'exception seule d'un petit nombre, cette espece n'est pas rare ; & en rhumatisme particulier qui n'affecte qu'un membre, comme une cuisse, un bras, une jambe, une épaule, une hanche.

La troisieme classe se soudivise en chaud & en froid, en inflammatoire & en oedémateux, en celui qui est avec fievre, & en celui qui est sans fievre. Le rhumatisme chaud est accompagné de chaleur, de prurit, de rougeur, de douleur lancinante & aiguë : le froid est accompagné de froid, de pesanteur, d'une douleur gravative, & la chaleur y est d'un grand soulagement, ce qui n'arrive pas dans le rhumatisme chaud.

L'inflammatoire est à proprement parler le chaud, & il a souvent tous les caracteres de l'inflammation. Voyez INFLAMMATION.

L'oedemateux est plus approchant de l'oedeme, la partie est pâle, pesante ; on y sent une certaine mollesse, quoiqu'il y ait douleur. Voyez OEDEME.

Le rhumatisme chaud & inflammatoire, de même que l'universel, n'est pas sans fievre, & cette fievre est des plus aiguës, que l'on ne guérit que comme toutes les maladies aiguës.

Le rhumatisme froid est pour l'ordinaire sans fievre bien marquée ou aiguë ; cependant le pouls est changé notablement, & on trouve le soir une fievre assez distincte & facile à reconnoître.

Le siege du rhumatisme en général est dans la membrane propre & commune des muscles, la peau n'y a point de part, il attaque aussi les ligamens, les aponévroses des articulations. Enfin son siege approche fort de la goutte, l'humeur qui produit l'un & l'autre est assez analogue ; car les membranes des muscles & des ligamens des articles sont nourries & lubrefiées par la même lymphe. Aussi les auteurs modernes mettent-ils peu de différence entre la goutte & le rhumatisme, quoiqu'on les traite assez différemment, & que l'on respecte plus la goutte que le rhumatisme.

Causes. Les causes du rhumatisme chaud & inflammatoire, & qui se trouve joint avec une fievre aiguë, ne sont pas différentes de celles qui occasionnent les différentes especes d'inflammation. Il faut seulement remarquer que les exercices violens, les fatigues trop continues, la course, l'action de porter des fardeaux trop pesans, d'autres mouvemens qui déterminent trop de sang sur le siege ci-dessus décrit, propre au rhumatisme, le produisent efficacement, surtout s'il se trouve dans les solides une disposition prochaine, soit par le relâchement, l'habitude, la délicatesse, ou même le trop de rigidité & de resserrement dans les vaisseaux, ou une disposition vicieuse de la part des fluides, telle que la pléthore vraie ou fausse, la cachexie, l'acrimonie ou l'alkalescence du sang, un levain vérolique, scorbutique ou écrouelleux. Voyez tous ces articles.

Toutes ces causes seront déterminées par une indigestion, par un froid pris subitement lorsqu'on aura trop chaud, par un excès dans la boisson, dans l'usage des plaisirs de l'amour, & autres abus des choses non-naturelles.

Les causes du rhumatisme froid seront un épaississement du sang, de la lymphe, quelque virus particulier, le froid habituel appliqué sur certaines parties, l'habitude ou l'accident de coucher dans un lieu froid & humide, sur un matelas mouillé, sur la terre, comme il arrive dans les camps, sur le bord des rivieres, comme il arrive aux pêcheurs.

Diagnostic. Les signes ou symptomes des différentes especes de rhumatisme se reconnoissent par tout ce qui a été dit.

La chaleur, la douleur aiguë & lancinante, la fievre aiguë & continue qui redouble le soir, sont les signes du rhumatisme chaud & inflammatoire.

Le froid, la pesanteur, la douleur gravative & la difficulté de mouvoir la partie, avec un tiraillement sourd, comme si l'on portoit un poids énorme, sont les signes du rhumatisme froid ; si, en pinçant la peau légerement, le membre restant dans sa place & sa figure, on y sent douleur & difficulté de le mouvoir, c'est un rhumatisme, l'affection des nerfs est différente & a ses symptomes propres qui servent à la distinguer.

Pronostic. Le rhumatisme en général n'est pas dangereux, il peut se guérir ; s'il n'est pas mortel, il est ennuyeux par sa longueur ; le chaud est plus cruel, mais moins long, & plus aisé à guérir en brusquant les remedes ; quant au froid & oedémateux, il est long, il attire souvent l'impotence & la paralysie, l'hydropisie dans les membres. Le rhumatisme est une espece de barometre ou hygrometre, & sur-tout celui qui attaque avec froid & pesanteur ; il attaque les vieillards, les gens bouffis, les filles qui ont les pâles couleurs. Les jeunes gens sont plus sujets au rhumatisme chaud, parce qu'ils ont le sang bouillant ; mais il arrive assez souvent que le rhumatisme froid se complique avec la goutte, la paralysie, le scorbut, le rachitis ; & alors c'est le diable à confesser.

Curation. Le rhumatisme inflammatoire demande pour les remedes internes les mêmes que la pleurésie & l'inflammation ; ainsi les saignées répétées, les tisanes délayantes, adoucissantes & antiphlogistiques, comme celle de chiendent, de guimauve & de nitre ; le petit-lait adouci, ensuite les purgatifs & l'émétique, seront les remedes généraux ; les narcotiques seront aussi donnés, selon l'occasion & l'exigence des cas, mais après avoir beaucoup saigné & évacué ; les lavemens adoucissans & évacuans conviennent aussi, d'autant qu'ils entraînent par bas les matieres âcres.

Quant aux topiques dans cette espece, ils doivent être émolliens, relâchans & anodins ; ainsi les cataplasmes de mie de pain, les cataplasmes des herbes émollientes, les fomentations émollientes, avec l'eau de fleur de sureau, le lait tiede, l'eau de tripe seront les premiers mis en usage, après quoi on passera aux résolutifs, comme la mie de pain cuite dans le vin, la graisse humaine, le baume tranquille mêlé avec quelques gouttes d'huile d'oeuf, l'huile d'oeuf, la bouse de vache, la fiente humaine.

Après les résolutifs, les frictions chaudes avec des linges chargés de fumigation, de succin & d'oliban, ou d'autres pareilles, feront des effets merveilleux.

Le rhumatisme froid, l'oedemateux, & celui qui est avec infiltration, se guérissent par des remedes plus actifs. Dans le froid simple, on saigne, mais peu ; dans l'oedémateux, on ne saigne point, ou rarement ; on passe tout de suite, après avoir purgé vivement avec les résines, le jalap, le méchoacan, le diagrede, le turbith gommeux ; on passe, dis-je, aux forts résolutifs, tels que l'eau-de-vie chargée de savon, l'eau de boule, l'eau ou la décoction de sarmens, les lessives alkalines, l'huile volatile de corne de cerf, l'esprit-de-vin camphré mêlé avec le baume tranquille, le baume de fioraventi.

Si ces remedes sont indiqués, on en fait des embrocations sur la partie devant un grand feu ; on la frotte long-tems auparavant avec des serviettes chaudes, ensuite on continue même après l'application, on recouvre le tout avec le papier gris & des serviettes chaudes ; après quoi on met le malade dans son lit bien bassiné.

Si cela ne suffit pas, on emploie les ventouses scarifiées sur la partie, on applique aussi les vésicatoires, le cautere actuel & potentiel, voyez les articles. Enfin on emploie tous les remedes externes capables de résoudre, discuter & fortifier. Et comme ce mal est long, ennuyeux & souvent incurable, il faut avoir les égards suivans. 1° On doit éviter d'employer des remedes violens dans le premier instant ; il faut aller par degré, & commencer par les adoucissans & anodins les plus énergiques, & passer ensuite aux plus doux résolutifs, & de-là à de plus forts. 2° Comme le mal est long, il faut éviter d'ennuyer par le même remede, & savoir changer pour augmenter l'espoir du malade & ne pas le rebuter. 3° Il faut employer les remedes internes avec les externes, les purgatifs doivent être souvent réitérés ; & enfin on doit humecter, délayer & adoucir les humeurs avec le lait coupé, le petit-lait, les tisanes sudorifiques, antiscorbutiques & céphaliques.

Nota, 1° que souvent le rhumatisme se complique avec la goutte, & que quelquefois il disparoît & se jette sur des parties internes ; ce qui est un coup de mort : il faut alors traiter la maladie secondaire. Voyez GOUTTE.

Nota, 2° que le rhumatisme demande un régime égal, exact & suivi, & que si on ne le guérit pas, c'est que les malades trop gourmands & le medecin trop complaisant laissent empirer le mal, & le rendent incurable.


RHUMBS. m. (terme de Navigation) c'est un cercle vertical quelconque d'un lieu donné, ou l'intersection de ce cercle avec l'horison. Voyez VERTICAL.

Par conséquent les différens rhumbs répondent aux différens points de l'horison. Voyez HORISON.

C'est pour cela que les marins donnent aux différens rhumbs les mêmes noms qu'aux différens vents & aux différens points de l'horison. Voyez VENT.

On compte ordinairement 32 rhumbs, que l'on représente par 32 lignes tirées sur la carte, & qui partant d'un même centre, occupent à distances égales, toute l'étendue du compas. Voyez COMPAS.

Aubin définit le rhumb, une ligne tirée sur le globe terrestre, ou sur une carte marine, pour représenter un des 32 vents qui peuvent conduire un vaisseau. Desorte que le rhumb que suit un vaisseau, est regardé comme sa route.

Les rhumbs se divisent & se subdivisent d'une maniere analogue aux points auxquels ils répondent. Ainsi le rhumb répond à un point cardinal, le demi rhumb au point collatéral, c'est-à-dire, qui est éloigné du premier de 45 degrés ; le quart de rhumb fait avec celui-ci un angle de 22°. 30', & le demi-quart de rhumb fait un angle de 11°. 15' avec le quart de rhumb. Voyez CARDINAL, COLLATERAL, &c.

Ligne du rhumb ou loxodromie, terme de navigation, qui signifie la courbe que décrit un vaisseau, en conservant toujours le même rhumb, c'est-à-dire, en faisant toujours le même angle avec le méridien.

Cet angle est appellé angle de rhumb ou angle loxodromique. Voyez LOXODROMIE & LOXODROMIQUE.

L'angle que fait la ligne du rhumb avec une parallele quelconque à l'équateur, est appellé complément du rhumb. Voyez COMPLEMENT.

Si le vaisseau fait voile nord & sud, il fait alors un angle infiniment petit avec le méridien, c'est-à-dire, il lui est parallele, ou plutôt il vogue sur le méridien même. S'il fait voile est & ouest, il coupe tous les méridiens à angles droits.

Dans le premier cas, il décrit un grand cercle ; dans le second, il décrit, ou l'équateur, ou un parallele ; si le chemin du vaisseau est entre les points cardinaux, ce n'est point un cercle qu'il parcourt, puisqu'un cercle décrit sur la surface du globe ne peut couper à angles égaux tous les méridiens. Par conséquent il décrit une autre courbe dont la propriété est de couper tous les méridiens sous le même angle. Cette courbe est celle qu'on nomme loxodromie, ou ligne du rhumb.

C'est une espece de spirale analogue à la spirale logarithmique, & qui, comme elle, fait une infinité de tours, avant d'arriver à un certain point vers lequel elle tend, & dont elle s'approche continuellement. Voyez SPIRALE & LOGARITHMIQUE.

Le point asymptotique de la loxodromique est le pole, auquel elle ne peut jamais arriver, quoiqu'elle s'en approche aussi près qu'on veut. Voyez POLE.

La ligne que décrit un vaisseau poussé par un vent qui fait toujours le même angle avec le méridien, est une loxodromie, excepté dans les deux cas dont nous avons parlé ci-dessus. Cette ligne est l'hypothenuse d'un triangle rectangle dont les deux autres côtés sont le chemin du vaisseau en latitude & en longitude. La latitude est connue par observation. Voyez LATITUDE ; & l'angle du rhumb avec l'un ou l'autre des deux côtés du triangle, est connu par le compas qui sert à cet usage. Voyez COMPAS.

Par conséquent tout ce qu'il est nécessaire de calculer, est la longueur de la ligne du rhumb, ou, ce qui est la même chose, le chemin que le vaisseau parcourt. Voyez NAVIGATION & LOCK.

Si P A, P F, P G, Planch. navig. fig. 7, sont supposés des méridiens, A I l'équateur, B E, K L, M N des paralleles, A O représentera la loxodromique dont les angles avec les méridiens sont égaux, & différens par conséquent de ceux d'un grand cercle, puisqu'un grand cercle coupe les méridiens à angles inégaux ; d'où il s'ensuit que cette courbe n'est point un grand cercle de la sphere. Par conséquent, si la premiere direction du vaisseau est vers E (ensorte que l'on fasse passer par cette premiere direction un grand cercle qui coupe en E le méridien P E), & que le vaisseau continue à courir sous le même rhumb, il n'arrivera jamais en E, mais à un point O, qui sera plus éloigné de l'équateur.

Or comme le plus court chemin d'un point à un autre de la surface d'une sphere est un arc de grand cercle qui passe par les deux points, il est évident que la loxodromie n'est pas le plus court chemin entre deux points donnés, ou la plus courte distance d'un lieu à un autre.

Usage de la loxodromie dans la navigation. 1°. Les parties de courbe A I & A G, fig. 8, sont entr'elles comme les latitudes A L & A N des lieux I & G. 2°. Si les arcs A B, I K, H F, sont égaux en grandeur, & par conséquent d'un nombre inégal de degrés, la somme de ces arcs appellée côté mécodynamique, ou milles de longitude, n'est point égale à la différence en longitude des lieux A & G. Voyez MECODYNAMIQUE.

3°. La longueur de la courbe A G est à la différence de latitude G D, comme le sinus total est au cosinus de l'angle du rhumb.

Donc 1°. le rhumb que l'on suit étant donné, avec la différence en latitude réduite en milles, on aura par une simple regle de trois, la longueur correspondante de la loxodromique, c'est-à-dire, la distance du lieu A au lieu G, sous le même rhumb.

2°. Le rhumb de vent étant donné avec le chemin parcouru par le vaisseau, c'est-à-dire, la longueur de la loxodromique, on aura par une regle de trois, la différence en latitude, exprimée en milles, qu'on réduira en degrés d'un grand cercle. 3°. La différence en latitude & la longueur de la courbe ou le chemin du vaisseau étant donné en milles, on aura par une simple regle de trois, l'angle que la courbe fait avec le méridien, & par conséquent le rhumb de vent sous lequel on court. 4°. Puisque le cosinus d'un angle est au sinus total, comme le sinus total à la secante du même angle, il s'ensuit que la différence en latitude G D est à la longueur correspondante de la loxodromique, comme le sinus total est à la secante de l'angle de rhumb.

3°. La longueur de la loxodromique, ou le chemin parcouru par le vaisseau, en suivant le même rhumb A G, est au côté mécodynamique A B + I K + H F, comme le sinus total est au sinus de l'angle loxodromique G A P.

Donc 1°. le rhumb ou angle du rhumb étant donné, avec le chemin du vaisseau sur la même loxodromie A G, on aura par une regle de trois, le côté mécodynamique qu'on réduira en milles, c'est-à-dire, à la même mesure que le chemin du vaisseau. 2°. De même le côté mécodynamique A B + I K + H F étant donné, avec le chemin parcouru par le vaisseau, on trouvera par une regle de trois, l'angle du rhumb.

4°. Le changement en latitude est au côté mécodynamique, A B + I K + H F, comme le sinus total est à la tangente de l'angle loxodromique P A G ou A I B.

Donc la loxodromique P A G & le changement en latitude étant donné, on trouvera par une regle de trois, le côté mécodynamique.

5°. Le côté mécodynamique A B + I K + H F est moyen proportionnel entre la somme de la ligne courbe A G, & du changement en latitude G D, & la différence de ces deux lignes.

Donc si le changement en latitude G D, & la loxodromie A G sont donnés en milles, le côté mécodynamique pourra aussi être déterminé en milles.

6°. Le côté mécodynamique & la différence en latitude étant donnés, on propose de trouver la longitude A D.

Multipliez la différence en latitude G D par 6, ce qui réduira le produit en parties de 10 minutes chacune : divisez par ce produit le côté mécodynamique, le quotient donnera les milles de longitude répondant à la différence de latitude de dix en dix minutes : réduisez les milles de longitude répondans à chaque parallele, en différences en longitudes par le moyen de la table loxodromique ; la somme de ces milles de longitude ainsi réduits sera la longitude cherchée. Voyez LONGITUDE. Chambers. (O)


RHUMEou CATARRE sur la poitrine, subst. m. (Médecine) c'est une altération contre nature causée par une légere phlogose ou inflammation sur la trachée artere, le larinx ou les poumons ; ou une irritation produite par une sérosité qui tombe sur ces parties, qui blesse les fonctions qui en dépendent.

Généralement parlant, les catarres de poitrine ou rhumes, sont précédés de pesanteur de tête, engourdissement des sens, d'une grande lassitude ; il survient ensuite un sentiment de froid sur toute la surface du corps, & un léger frisson au dos. Souvent une grande difficulté de respirer, des douleurs vagues autour des épaules, & enfin un petit mouvement de fievre. Mais si le catarre est causé par une inflammation, les symptomes sont plus violens ; on ressent de l'ardeur, de la douleur, & tout le corps est comme en phlogose. Dans le catarre froid les humeurs sont plus visqueuses & plus grossieres, & le malade est saisi de froid.

Enfin on peut regarder le rhume en général comme une légere péripneumonie qui est prête à commencer.

Les causes éloignées du rhume sont les mêmes que celles du catarre. Voyez CATARRE.

Le traitement doit être différent selon les causes & les symptomes.

1°. Les diurétiques & les sudorifiques avec les atténuans de tout genre, conviennent pour diviser les humeurs visqueuses, & faire couler celles qui sont trop lentes & en congestion.

2°. Les mucilagineux, les incrassans conviennent dans les rhumes produits par l'acrimonie & la chaleur de la sérosité.

3°. Les relâchans sont indiqués dans la tension, les humectans dans la sécheresse, les adoucissans dans la rigidité & l'aspérité de la gorge & la douleur. Les narcotiques & les anodins sont excellens dans tous les cas de douleurs & de spasmes qui accompagnent le rhume ; mais ces derniers demandent la saignée.

Si les premieres voies ou les secondes sont remplies de sabure, si le ventre n'est pas libre, les lavemens émolliens, les purgatifs, les émétiques doux sont indiqués.

Mais comme rien n'entretient davantage le rhume & les catarres, que l'abord de nouvelles humeurs sur la partie, la saignée qui les diminue, & la diete, sont aussi deux grands remedes dans ces cas. D'ailleurs, le rhume demande particulierement la saignée, parce que l'état naturel du poumon, qui reçoit autant de sang que le reste du corps, étant d'être dans une tension continuelle, il se trouve surchargé dans le rhume. Nous sommes d'avis que la saignée doit être souvent réitérée, mais à petite dose dans le rhume qui est accompagné de chaleur & de douleur ; au lieu que dans les rhumes séreux, nous pensons que la saignée peut aussi y être utile.

On doit donc éviter de se mettre entre les mains de ces mauvais praticiens, de ces timides médecins, qui pour épargner le sang de leur malade, ou dans la crainte d'affoiblir la poitrine, comme ils disent, se gardent bien de saigner dans les rhumes, & laissent durer des années entieres des rhumes qu'une légere saignée suivie d'un purgatif & de quelques atténuans, eût guéri tout à coup.

Il ne faut pas moins redouter la pratique douce & la médecine emmiellée de ces médecins huileux, qui ne connoissent que les huiles d'amandes douces & de lin, les syrops de guimauve & de diacorde dans tous les rhumes, qui n'ordonnent que des calmans, & qui n'ont jamais su employer les remedes atténuans dans les rhumes qui naissent cependant pour la plûpart de la viscosité de l'humeur bronchique. Ces assassins ne sont pas moins coupables que ceux qui employent des remedes violens à tout propos ; les huileux & les remedes adoucissans & incrassans étant de vrais poisons dans le rhume, qui a pour cause le relâchement des bronches, l'épaississement du sang, l'obstruction des tuyaux bronchiques.

Ainsi la pratique doit varier autant dans le rhume, que les causes qui l'ont produit. Il est bon quelquefois d'employer les béchiques expectorans ; d'autres fois les sudorifiques, les alkalis volatils, les sels volatils huileux, & souvent les vésicatoires : les ventouses appliquées entre les épaules ont guéri des rhumes séreux, invétérés & incurables par toute autre voie.

Remarquez ici sur-tout qu'il arrive des rhumes par l'épaississement des humeurs, par le desséchement des fibres. C'est ce qui se voit dans ceux qui combattent à tout instant sous les étendards de Vénus, ou qui sacrifient très-souvent à Bacchus. Dans ces cas les remedes doivent être bien ménagés ; la diete restaurante est le plus grand secours.

Comme on rencontre par-tout des personnes qui cherchent des remedes formulés pour les rhumes, nous allons en marquer ici quelques-uns.

Looch commun adoucissant. Prenez du syrop de guimauve, de l'huile d'amandes douces, de chaque une once ; du blanc de baleine dissout dans l'huile ci-dessus, un gros : mêlez le tout ensemble pour un looch à prendre dans le rhume avec toux, par cuillerée ; & le laissant fondre dans la bouche, il atténue, il fait cracher ; il convient dans la toux avec chaleur modérée, dans la difficulté de cracher.

Looch anti-asthmatique, bon dans le rhume avec sérosité. Prenez du syrop d'erysimum, de lierre terrestre, de l'oxymel scillitique, de chacun une once ; du blanc de baleine dissout dans l'huile, un gros ; de poudre d'iris de Florence, de feuilles d'hyssope séchées, de chaque un scrupule : mêlez le tout pour un looch à prendre par cuillerée dans le rhume avec trop de sérosité, dans l'épaississement de l'humeur bronchique. Voyez POTION HUILEUSE, BECHIQUES, ALTERANS, EXPECTORANS, PERIPNEUMONIE.

Opiat restaurant dans le rhume. Prenez des poudres de feuilles de scordium, d'hyssope, de sauge, de mélisse & de cataire séchées, de chaque trois gros ; de confection alkermes, demi-once ; d'extrait de genievre & d'absinthe, de chacun six gros ; de syrop de karabé & de roses simples, de chaque une once & demie : faites du tout un opiat dont on donnera au malade trois gros par jour dans les rhumes avec expectoration lente, sans ardeur ni fievre aiguë.

On ordonnera par-dessus chaque, un verre de lait coupé avec l'eau d'orge. Voyez CATARRE & TOUX.

RHUME DE CERVEAU, (Médecine) la génération trop abondante de la mucosité nasale, & son changement morbifique ordinairement en une humeur tenue & âcre, quelquefois plus épaisse, accompagnée d'une légere inflammation des narines, de mal de tête, & de tout le corps, & souvent d'une légere fievre, s'appelle rhume de cerveau dans le langage ordinaire.

La suppression de la matiere de l'insensible transpiration déposée à la membrane du nez, paroît fournir la plus grande abondance de cette humeur.

De-là 1°. toutes les causes qui dérangent l'insensible transpiration, produisent tout d'un coup ce mal, sur tout si la chaleur ou le mouvement du corps l'ont rendue plus âcre, & qu'ensuite un froid subit empêche cette matiere de s'exhaler : d'où il arrive que dans certains tems de l'année, dans les changemens de vents, & quand on se découvre le corps, autant de fois on est attaqué de rhumes de cerveau.

2°. La foiblesse naturelle dans cette membrane produite par l'âge ou par l'inspiration d'un air trop froid, est cause que cette humeur s'y amasse. 3°. L'abus des sternutatoires y attire cette sérosité.

L'humeur qui s'écoule y est d'autant plus mauvaise, qu'elle est plus tenue, plus abondante, plus chaude & d'une plus longue durée. L'épidémique qui arrive sans un changement manifeste de la qualité de l'air, est plus dangereuse. Celle qui est une suite de la foiblesse naturelle annonce la longueur de la maladie.

La secrétion plus abondante qui s'y fait de l'humeur en question, présente d'abord une mucosité & des crachats plus abondans ; elle détruit le sentiment de l'odorat, cause une respiration difficile dans le nez, une sensation de gravité à sa racine & aux parties antérieures de la tête, la dureté de l'ouie, la somnolence & la céphalalgie. 2°. Par son acrimonie, elle produit l'éternuement, la toux, la rougeur des narines, leur excoriation, la phlogose des yeux accompagnée de larmes plus abondantes ; quelquefois l'ozene & le polype. 3°. Quand le mal descend jusqu'à l'estomac, il détruit l'appétit & la digestion. Enfin lorsque la matiere se communique à toute l'habitude du corps, elle est suivie de fievre, de cachéxie & de pâleur.

Dans le traitement de cette maladie on doit avoir recours aux diaphorétiques & aux sudorifiques pour attirer à la peau cette humeur & la faire sortir. Dans l'usage des topiques, il faut choisir ceux qui sont humectans, capables de couvrir la partie, de l'échauffer, & de la préserver de la pourriture, suivant la différence & l'acreté de l'humeur morbifique. Souvent les hypnotiques conviennent pour accélérer la coction de cette matiere. (D.J.)


RHUSS. m. (Botan.) genre de plante dont les feuilles sont crénelées ou à trois dents ; son calice est petit, dentelé, & fendu en cinq quartiers. Les fleurs sont approchantes de celles de la rose, pentapétales & disposées en bouquets. L'ovaire qui est au fond du calice devient une capsule ronde, remplie d'une graine unique, & à-peu-près sphérique.

Les Botanistes comptent une douzaine d'especes de rhus, dont la plûpart sont d'Afrique & d'Amérique ; mais les deux especes principales les plus connues sont le rhus à feuilles d'ormeau, & le rhus de Virginie. La premiere s'appelle en françois sumac, & la seconde sumac de Virginie. Nous les décrirons l'un & l'autre au mot SUMAC. (D.J.)

RHUS, (Géog. anc.) bourg de l'Attique. Pausanias, l. I. ch. xij. rapporte qu'on lui donna ce nom, à cause qu'anciennement l'eau des montagnes voisines tomboit sur ce bourg. M. Spon, voyages de Grece, c. ij. p. 170. nous apprend que ce bourg est entierement abandonné, & tombe en ruine. On y voit quelques inscriptions anciennes, & une entr'autres d'un certain Nicias fils d'Hermias, qui fut le premier à ce que dit Pline, l. VII. c. lvj. qui inventa le métier de foulon. (D.J.)


RHUSUNCORAE(Géogr. anc.) ville de la Mauritanie césarienne. Elle étoit, selon Ptolémée, l. IV. c. ij. entre Addyme & Jomnyum. C'est la même que l'itinéraire d'Antonin appelle Rusucurrum, & sans doute aussi la même qui est nommée Rusucurium par Pline, l. V. c. ij. Cette ville a été colonie romaine, & ensuite honorée d'un siége épiscopal. (D.J.)


RHYASou RHAEAS, terme de Chirurgie ; consomption de la caroncule lacrymale qui est au grand angle de l'oeil. Voyez CARONCULE LACRYMALE.

Cette maladie est l'effet de l'ulcération de cette partie. L'acreté des larmes & l'application inconsidérée des remedes mordicans, peuvent être la cause de l'inflammation & de l'ulcération qui produit la destruction de la caroncule lacrymale.

L'usage de cette partie fait voir que le rhyas occasionne un écoulement involontaire des larmes, auquel on peut remédier. Voyez RHAEAS. (Y)


RHYMNUS(Géogr. anc.) fleuve de la Scythie, en-deçà de l'Imaüs. Ptolémée, l. VI. c. xiv. qui dit que ce fleuve prenoit sa source dans les monts Rhymnici, place son embouchure entre celle du fleuve Rha & celle du fleuve Daïs. Mercator l'appelle Saïck. C'est le Rhaemnus d'Ammien Marcellin. (D.J.)


RHYNCOLITESS. m. (Hist. nat. Ichthyolog.) nom donné par quelques naturalistes aux pointes cylindriques des oursins pétrifiés ou échinites. Voyez OURSINS & ECHINITES.


RHYNDACUS(Géog. anc.) fleuve de la Mysie asiatique, qu'il sépare de la Bithynie, selon Ptolémée, l. V. c. j. Pomponius Mela, l. I. c. xix. dit qu'il prend sa source au mont Olympe. Pour parler plus exactement, c'est du lac Abouillona que sort le Rhyndacus, & ce lac, qui a 25 milles de tour, est le grand égoût du mont Olympe. Pline, l. V. c. xxxij. nous apprend que le Rhyndacus se nommoit auparavant Lycus. Il est appellé Mégistus par le scholiaste d'Apollonius, Lastacho par Niger, & Lopadius par d'autres. Il se jette dans la Propontide auprès de Cizyque.

La médaille de Marc-Aurele, au revers de laquelle se voit le Rhyndacus à longue barbe, couché & appuyé sur une urne, tenant un roseau de la main gauche, & poussant de la droite un bateau, fait entendre que cette riviere étoit navigable dans ce tems-là. Le Rhyndacus sort du lac d'Abouillona, environ deux milles au-dessus de Lopadi ; il est profond & porte bateau, quoique depuis long-tems personne ne prenne soin de nettoyer cette riviere ; on la passe à Lopadi, sur un pont de bois.

Le Rhyndacus est fameux dans l'histoire romaine par la défaite de Mithridate. Ce prince, qui venoit d'être battu à Cizyque, ayant appris que Lucullus assiégeoit un château en Bithynie, y passa avec sa cavalerie & le reste de son infanterie, dans le dessein de le surprendre ; mais Lucullus averti de sa marche, le surprit lui-même, malgré la neige & la rigueur de la saison. Il le battit à la riviere de Rhyndacus, & fit un si grand carnage de ses troupes, que les femmes d'Apollonia sortirent de leur ville pour dépouiller les morts, & pour piller le bagage. Appien qui convient de cette victoire, a oublié la plûpart des circonstances dont Plutarque nous a instruit. L'on reconnoît l'embouchure du Rhyndacus, par une île que les anciens ont nommée Berbicos. (D.J.)


RHYPAE(Géog. anc.) ville de l'Achaïe. Strabon, l. VIII. p. 487. & Etienne le géographe en parlent. Le premier, qui dit qu'elle étoit ruinée de son tems, lui donne un territoire appellé Rhypidis, & il y met un bourg nommé Leuctrum, qui dépendoit de la ville Rhypae. (D.J.)


RHYPAROGRAPHE(Peint.) rhyparographus signifie dans Pline un peintre qui ne peint que des grotesques, des noces de village, des bambochades. (D.J.)


RHYPHIQUESadj. terme de Médecine, qui signifie des remédes détergens & purifians. Voyez DETERGENS.


RHYTHMES. m. (Poésie latine) chez les Grecs, c'est-à-dire cadence, & alors il se prend dans le même sens que le mot nombre. Voyez NOMBRE.

Il désigne encore en général la mesure des vers ; mais pour dire quelque chose de plus particulier, le rhythme n'est qu'un espace terminé selon certaines lois. Le metre est aussi un espace terminé, mais dont chaque partie est remplie selon certaines lois.

Pour expliquer nettement cette différence, supposons un rhythme de deux tems. De quelque façon qu'on le tourne il en résulte toujours deux tems. Le rhythme ne considere que le seul espace : mais si on remplit cet espace de sons ; comme ils sont tous plus ou moins longs ou brefs, il en faudra plus ou moins pour le remplir : ce qui produira différens mètres sur le même rhythme, ou, si l'on veut, différens partages du même espace. Par exemple, si les deux tems du rhythme sont remplis par deux longues, le rhythme devient le metre qu'on appelle spondée ; s'ils sont remplis par une longue & deux breves, le rhythme, sans cesser d'être le même, devient dactyle ; s'il y a deux breves & une longue, c'est un anapeste ; s'il y a une longue entre deux breves, c'est un amphibraque ; enfin, quatre breves feront un double pyrique. Voilà cinq especes de metres ou de piés sur le même rhythme. Cours de Belles-lettres. (D.J.)

RHYTHME, (Prose) c'est comme dans la poésie la mesure & le mouvement ; l'un & l'autre se trouvent dans la prose, ainsi que dans la poésie. En prose la mesure n'est que la longueur ou la briéveté des phrases, & leur partage en plus ou moins de membres, & le mouvement résulte de la quantité de syllabes dont sont composés les mots. Les effets du rhythme sont connus dans la poésie. Sa vertu n'est pas moindre en prose. Il est impossible de prononcer une longue suite de paroles sans prendre haleine : quand celui qui parle pourroit y suffire, ceux qui l'écoutent ne pourroient le supporter : il a donc été nécessaire de diviser le discours en plusieurs parties : on a encore sous-divisé ces parties, & on y a inséré d'autres pauses de plus ou de moins de durée, selon qu'il étoit convenable, & de-là s'est formé ce qu'on peut appeller la mesure de la prose : c'est le besoin de respirer, c'est la nécessité de donner de tems-en-tems quelque relâche à ceux qui nous écoutent, qui a fait partager la prose en plusieurs membres, & ce partage, perfectionné par l'art, est devenu une des grandes beautés du discours ; mais cet embellissement ne peut se séparer du nombre, c'est-à-dire, de la quantité des syllabes. Les phrases ne peuvent plaire que lorsqu'elles sont composées de piés convenables : c'est alors que la prose s'accommodant à toutes les variétés du discours, s'insinue dans les esprits, les remue, & les échauffe : c'est alors qu'elle devient une espece de musique qui offre partout une mesure reglée, un mouvement déterminé & des cadences variées & gracieuses. D'abord l'oreille seule & le goût des écrivains avoient reglé le rhythme de la prose : ensuite l'art le perfectionna ; & on assigna à chaque style l'espece de pié qui lui convenoit davantage, soit pour le style oratoire, soit pour le style historique, soit pour le dialogue ; en un mot pour quelque espece de style que ce fût, la mesure & le mouvement étoient déterminés par des regles, en prose ainsi qu'en poésie ; & ces regles étoient regardées comme si essentielles, que Ciceron n'en dispense pas même les orateurs qui avoient à parler sur le champ. (D.J.)

RHYTHME, s. m. (Musique) , peut se définir généralement, la proportion que les parties d'un tems, d'un mouvement, & même d'un tout ont les unes avec les autres : c'est, en musique, la différence du mouvement qui résulte de la vîtesse ou de la lenteur, de la longueur ou de la briéveté respective des notes.

Aristide Quintilien divise le rhythme en trois especes ; savoir, celui des corps immobiles, lequel résulte de la juste proportion de leurs parties, comme dans une statue bien faite. Le rhythme du mouvement local, comme dans la danse, la démarche bien composée, les attitudes des pantomimes ; ou enfin celui des mouvemens de la voix & de la durée relative des sons dans une telle proportion que, soit qu'on frappe toujours la même corde, comme dans le son du tambour, soit qu'on varie les sons de l'aigu au grave, comme dans la déclamation & le chant, il puisse, de leur succession, résulter des effets agréables par la durée ou la quantité. C'est de cette derniere espece de rhythme seulement que j'ai à parler dans cet article ; sur les autres voyez PANTOMIMES, DANSE, SCULPTURE.

Le rhythme appliqué au son ou à la voix, peut encore s'entendre de la parole ou du chant. Dans le premier sens, c'est du rhythme que naissent le nombre & l'harmonie dans l'éloquence, la mesure & la cadence dans la poésie. Voyez ÉLOQUENCE, POESIE, METRIQUE, VERS, &c. Dans le second, le rhythme s'applique à la valeur des notes, & s'appelle aujourd'hui mesure. Voyez VALEUR DES NOTES, MESURES, TEMS. Quant au rhythme de la musique des anciens, voici à-peu-près l'idée qu'on en doit avoir.

Comme les syllabes de la langue grecque avoient une quantité & des valeurs beaucoup plus sensibles & mieux distinguées que celles de notre langue, & que les vers qu'on chantoit étoient composés d'un certain nombre de piés que formoient ces syllabes longues ou breves différemment combinées ; le rhythme du chant suivoit régulierement la marche de ces piés, & n'en étoit proprement que l'expression. Il se divisoit ainsi qu'eux en deux tems, l'un frappé & l'autre levé, & l'on en comptoit trois genres, & même quatre & plus, selon les divers rapports de ces tems. Ces genres étoient l'égal, qu'ils appelloient aussi dactilique, où le rhythme étoit divisé en deux tems égaux : le rhythme double, trochaïque ou ïambique, dans lequel la durée de l'un des deux tems étoit double de celle de l'autre ; le sesquialtere, qu'ils appelloient aussi péonique, dont la durée de l'un des tems étoit à celle de l'autre en rapport de deux à trois ; & enfin l'épitrite moins usité, où le rapport des deux tems étoit de trois à quatre. Les tems de ces rhythmes étoient susceptibles de plus ou moins de lenteur par un plus grand ou moindre nombre de syllabes ou de notes longues ou brèves, selon le mouvement, & dans ce sens, un tems pouvoit recevoir jusqu'à huit degrés différens de mouvement par le nombre des syllabes qui le composoient : mais les deux tems conservoient toujours entr'eux la proportion déterminée par le genre du rhythme.

Outre cela, le mouvement & la marche des syllabes, & par conséquent des tems & du rhythme qui en résultoit, étoit susceptible d'accélération ou de ralentissement, selon l'intention du poëte, l'expression des paroles, & le caractere des passions qu'il falloit exciter. Ainsi, de ces deux moyens combinés naissoit une foule de modifications possibles dans le mouvement d'un même rhythme, qui n'avoit d'autres bornes que celles au-deçà ou au-delà desquelles l'oreille n'est plus à portée d'appercevoir les proportions.

Le rhythme, par rapport aux piés qui entroient dans la poésie qu'on mettoit en musique, se partageoit en trois autres genres ; le simple, qui n'admettoit qu'une sorte de piés ; le composé, qui résultoit de deux ou plusieurs especes de piés, & le mixte, qui pouvoit se résoudre en deux ou plusieurs rhythmes égaux ou inégaux, ou se battre arbitrairement à deux tems égaux ou inégaux, selon les diverses conditions dont il étoit susceptible.

Une autre source de variété dans le rhythme des anciens étoit les différentes marches ou successions de ce même rhythme, selon l'espece des vers. Le rhythme pouvoit être uniforme, c'est-à-dire, se battre toujours en deux tems égaux, comme dans les vers hexametres, pentametres, adoniens, anapestiques, &c. ou toujours inégaux, comme dans les vers purs ïambiques, ou diversifiés, c'est-à-dire mêlés de piés égaux & d'inégaux, comme dans les scazons, les coriambiques, &c. Mais dans tous ces cas, les rhythmes, même semblables ou égaux, pouvoient être fort différens en vîtesse, selon la nature des piés. Ainsi, de deux rhythmes égaux en genre, résultans l'un de deux spondées, & l'autre de deux pyrriques, le premier auroit pourtant été double de l'autre en durée.

Les silences se trouvoient encore dans le rhythme ancien, non à la vérité comme les nôtres, pour faire taire seulement quelqu'une des parties, ou pour donner quelque caractere au chant ; mais uniquement pour remplir la mesure de ces vers appellés catalectiques, qui demeuroient courts faute d'une syllabe ; ainsi les silences ne pouvoient jamais se trouver qu'à la fin du vers pour suppléer à cette syllabe.

A l'égard des tenuës, ils les connoissoient sans doute, puisqu'ils avoient un mot pour les exprimer ; la pratique en devoit cependant être fort rare parmi eux, du-moins cela peut-il s'inférer de la nature de leurs notes & de celle de leur rhythme, qui n'étoit que l'expression de la mesure & de la cadence des vers. Il paroît aussi qu'ils ne connoissoient pas les roulemens, les syncopes, ni les points, à moins que les instrumens ne pratiquassent quelque chose de semblable en accompagnant la voix : de quoi nous n'avons nul indice.

Vossius dans son livre de poematum cantu & viribus rhythmi, releve beaucoup le rhythme ancien, & il lui attribuë toute la force de l'ancienne musique. Il dit qu'un rhythme détaché, comme le nôtre, qui ne représente point les formes & les figures des choses, ne peut avoir aucun effet, & que les anciens nombres poétiques n'avoient été inventés que pour cette fin que nous négligeons ; il ajoute que le langage & la poésie moderne sont peu propres pour la musique, & que nous n'aurons jamais de bonne musique vocale jusqu'à ce que nous fassions des vers favorables pour le chant, c'est-à-dire, jusqu'à ce que nous réformions notre langage, en y introduisant, à l'exemple des anciens, la quantité & les piés mesurés, & en proscrivant pour jamais l'invention barbare de la rime.

Nos vers, dit-il, sont précisément comme s'ils n'avoient qu'un seul pié : desorte que nous n'avons dans notre poésie aucun rhythme véritable ; & qu'en fabriquant nos vers, nous ne pensons qu'à y faire entrer un certain nombre de syllabes, sans presque nous embarrasser de quelle nature elles sont. J'ai peur que ceux qui se sont tant moqués de tous ces raisonnemens de Vossius, ne fussent encore moins bons connoisseurs en musique que Vossius ne l'étoit lui-même. Voyez MUSIQUE. (S)

RHYTHME, (Médecine) ce mot est entierement grec , il signifie littéralement cadence ; Hérophile est le premier qui l'ait employé dans le langage de la Médecine, où il l'a transporté de la Musique ; il a prétendu exprimer par ce mot une espece de modulation & de cadence, semblable à celle que produisent les instrumens de musique, qui résulte des différens rapports de force, de grandeur, de vîtesse, d'égalité & d'inégalité qu'on peut observer dans plusieurs pulsations ; ces rapports pouvant se trouver dans toutes les variations du pouls, on multiplie les rhythmes ou cadences à l'infini : c'est sur ce fondement que porte l'analogie que cet auteur a établie entre la musique & la doctrine du pouls ; analogie qu'il a poussée trop loin, & qui l'a fait tomber dans des détails aussi frivoles & minutieux que difficiles à concevoir.

Il y a un rhythme propre à chaque pouls qu'il appelle naturel ou enrhythme ; lorsque le pouls s'écarte de ce point, il devient arhythme, non pas que le rhythme disparoisse tout-à-fait, mais seulement qu'il s'altere. Il n'y a & ne peut y avoir qu'un seul pouls enrhythme, mais le pouls peut perdre sa cadence naturelle, c'est-à-dire être arhythme de trois façons principales ; 1°. quand le pouls privé du rhythme propre aux âges prend le rhythme de l'âge voisin, on l'appelle alors pararhythme ; 2°. lorsque le pouls arhythme prend le rhythme d'un autre âge quelconque, on lui donne alors l'épithete de héterorhythme ; 3°. enfin, il est enrhythme lorsque sa cadence est différente de celle de tous les âges ; ce pouls peut se subdiviser en un grand nombre d'autres. Ce que nous avons dit de l'âge peut s'appliquer aux saisons, aux tempéramens, aux constitutions particulieres ; & enfin à toutes les circonstances essentielles ; le pouls persistant dans l'état qui leur est analogue est enrhythme ; il devient arhythme lorsqu'il sort de cet état, & prend les autres titres suivant la maniere dont il s'en éloigne.

Le rhythme peut avoir lieu avec égale ou inégale proportion ; c'est-à-dire lorsque le tems de la dilatation de l'artere est égal à celui de la contraction, ou lorsque ces deux tems sont inégaux ; dans ce dernier cas les excès d'inégalité peuvent être fixes, reglés ou indéterminés ; ainsi le tems de la distention peut être double, triple, quadruple, &c. ou être à ce tems comme 5, 8, 12, 15, ou d'autres nombres quelconques sont à 1, 2, 3, 4, &c. ce qui, comme l'on voit, peut donner lieu à une infinité de caracteres ; mais ils sont encore plus multipliés, si l'on a égard aux différens excès d'inégalité qui ne suivent aucune proportion constante, aucun ordre déterminé. Dépourvus des ouvrages dans lesquels Hérophile avoit exposé sa doctrine, nous n'avons que des connoissances très-imparfaites que nous devons aux extraits obscurs que Galien en a donné, on peut consulter son grand traité du pouls ; de differ. puls. lib. I. cap. ix. & l'abrégé que nous en avons donné à l'article POULS (doctrine de Galien sur le).


RHYTHMIQUEadj. , étoit, dans l'ancienne musique, la partie qui servoit à regler le rhythme. Voyez RHYTHME.

La rhythmique avoit pour objet les mouvemens dont elle regloit la mesure, l'ordre & le mêlange, de la maniere la plus propre pour émouvoir les passions, les entretenir, les augmenter, les diminuer ou les adoucir ; elle renfermoit aussi la science des mouvemens muets, & en général de tous les mouvemens réguliers ; mais elle se rapportoit principalement à la Poésie. Voyez POESIE. (S)


RHYTHMOPOEIAS. f. , dans l'ancienne musique, selon l'expression d'Aristide Quintilien, une faculté musicale qui enseignoit les regles des mouvemens ou du rhythme. Voyez RHYTHME.

Les anciens ne nous ont laissé que des préceptes fort généraux sur cette partie de leur musique, & ce qu'ils en ont dit se rapporte toujours aux paroles & aux vers destinés pour le chant. (S)


RIRIC, RIX, (Lang. celtique) ces trois vieux mots celtiques ont à-peu-près la même signification ; ri veut dire fort, selon Cambden ; ric signifie puissant, en saxon, & rix de même. De-là les mots atheleric, chilperic, cingentorix, vividorix, &c. chilperic veut dire adjutor fortis, selon le poëte Fortunatus. (D.J.)


RIADHIATS. m. (Hist. mod. superstition) c'est une pratique superstitieuse en usage chez les Mahométans, & sur-tout chez ceux de l'Indostan. Elle consiste à s'enfermer pendant quinze jours dans un lieu où il n'entre aucune lumiere ; durant ce tems le dévot musulman qui s'est reclus, répete sans cesse le mot hou, qui est un des attributs de Dieu ; il ne prend d'autre nourriture que du pain & de l'eau après le coucher du soleil. Les cris redoublés de hou, les contorsions dont le pénitent les accompagne, le jeûne rigoureux qu'il observe ne tardent pas à le mettre dans un état violent ; alors les Mahométans croyent que la force de leurs prieres oblige le diable à leur révéler l'avenir, & ils s'imaginent avoir des visions.


RIALÉXou RÉALEJO, (Géog. mod.) ville fort dépeuplée de l'Amérique septentrionale, dans la nouvelle Espagne sur une petite riviere, à 2 lieues de la mer du Sud, où elle a un grand havre qui porte le même nom, & qui peut contenir deux cent voiles. On y mouille par sept à huit brasses d'eau, fond de sable clair & dur ; la ville a trois églises & un hôpital, mais l'air y est très-mal sain, à cause du voisinage des marais. Latit. 12. 28. (D.J.)


RIBADAVIA(Géog. mod.) ville d'Espagne, dans la Galice, au confluent du Minho & de l'Avia, à 8 lieues au sud-ouest d'Orenso. Son terroir produit le meilleur vin de toute l'Espagne. Il y a quatre paroisses, deux communautés religieuses, & un hôpital. Cette ville a été formée par D. Garcie, fils de Dom Ferdinand le grand. Les Dominicains occupent son ancien palais ; il semble qu'en Espagne les moines ayent succédé aux rois. Long. 9. 48. latit. 42. 15.


RIBADÉO(Géog. mod.) petite ville d'Espagne, dans la Galice, sur le bord occidental de la riviere de même nom, à 10 lieues de Luarca ; elle est sur la pente d'un rocher, & c'est le dernier port de la province du côté de l'orient ; elle a été assez long-tems la résidence de l'évêque de Mondeñedo. Long. 10. 45. lat. 43. 42. (D.J.)


RIBADOQUINS. m. (Art milit.) ancienne piece d'artillerie, à 36 calibres de long, tirant une livre & trois quarts de plomb, avec autant de poudre.


RIBAGORZA(Géog. mod.) comté d'Espagne, dans l'Aragon, le long des frontieres de la Catalogne. Cette seigneurie qui a eu autrefois titre de royaume, a 15 lieues de long, sur 6 de large ; mais c'est un pays tout dépeuplé. Vénasque en est le chef-lieu ; c'est une place frontiere, avec un château, sur les murs duquel on tient de grosses pierres, au lieu de canon. (D.J.)


RIBAS(Géog. mod.) petite ville d'Espagne, dans la nouvelle Castille, au bord de la riviere de Xarama, à 3 lieues de Madrid. Elle a été fondée en 1100, par un capitaine nommé Guillaume de Ribas, d'où lui vient son nom. (D.J.)


RIBAUDEQUERS. m. (Art milit.) arc de 15 piés de long, ou de douze au-moins, arrêté sur un arbre large d'un pié, où l'on avoit creusé un canal pour y placer un javelot de cinq à six piés, ferré, empenné, & fait quelquefois de corne. On le dressoit sur une muraille. On le bandoit avec un tour ; la chasse en étoit telle que le javelot pouvoit percer quatre hommes de suite. Cette machine étoit semblable au scorpion : on l'appelloit aussi arbalete de passe.


RIBAUDON(Géog. mod.) île de France, sur la côte de Provence, entre cette côte & l'île de Porqueroles ; c'est une des îles d'Hyeres. Les anciens l'ont connue sous le nom de Sturium. (D.J.)


RIBAUDSS. m. (Art milit.) corps de soldats qui étoit dans les armées de Philippe-Auguste. Ces ribauds étoient des gens déterminés, qui affrontoient hardiment les plus grands périls, quoiqu'ils ne fussent armés qu'à la légere. Ils avoient beaucoup de rapport à nos grenadiers d'aujourd'hui ; mais ils se décrierent tellement dans la suite par leurs débordemens, que pour signifier un débauché qui faisoit gloire de ses débauches, on disoit que c'étoit un ribaud : c'étoit une grosse injure dès le tems de S. Louis. Hist. de la Milice françoise. (Q)

RIBAUDS, roi des, (Histoire de France) emploi que nos auteurs Dutillet, Fauchet, Carondas, Pasquier & autres, ont expliqué fort diversement : car les uns estiment que c'étoit une charge honorable ; & les autres au contraire, une charge basse & ignoble. Tout cela a pu être suivant les tems ; du-moins le mot ribaud a été pris successivement en bonne & en mauvaise part. Il a signifié d'abord un brave, un homme fort & robuste ; ensuite ribauds dans les auteurs de la basse latinité, ribaldi, sont des valets d'armée, servientes exercitûs qui publicâ linguâ dicuntur ribaldi. Enfin, ce mot a fini par signifier des filoux, des coquins, & sur-tout des débauchés. C'est dans ce sens qu'il se prend en anglois & en italien. Matthieu Paris appliquoit ce nom dès l'année 1251, à des hommes perdus & excommuniés. Mehun dans son Roman de la Rose, dit que de son tems on appelloit ribauds les crocheteurs. Ribaudies est pris dans le même ouvrage pour les choses obscènes :

Après garde que tu ne dies

Aucuns mots laids & ribaudies.

Pour ce qui regarde le roi des ribauds, Fauchet dit que c'étoit un officier qui avoit charge de mettre hors de la maison du roi ceux qui n'y devoient ni manger ni coucher ; & que par cette raison il devoit faire sa visite tous les soirs dans tous les recoins de l'hôtel. Carondas pense aussi que c'étoit un sergent commis par le prevôt de l'hôtel pour les visites des choses qui regardoient sa jurisdiction, & lui en faire son rapport.

Dutillet éleve bien davantage le roi des ribauds ; il prétend que c'étoit le grand prevôt de l'hôtel du roi, qui jugeoit des crimes qui se commettoient à la suite de la cour, & particulierement par les ribauds & ribaudes, c'est-à-dire, les garçons débauchés & les filles abandonnées. L'épithete de roi lui étoit appliquée, comme supérieur ou juge. Tout ainsi que le grand chambellan étoit nommé le roi des merciers ; que la bazoche & les arbalétriers avoient leur roi, ledit roi des ribauds, continue Dutillet, avoit pour la force & exécution de son office, varlets ou archers qui ne portoient verges, & étoient de la jurisdiction des maîtres des requêtes de l'hôtel, lesquels anciennement avoient leur siege à la porte dudit hôtel pour ouïr les requêtes & plaintes de ceux de dehors. Enfin, il assistoit à l'exécution des criminels condamnés par le prevôt des maréchaux de France, suivant le même Dutillet.

Le roi des ribauds est nommé dans plusieurs arrêts prevôt des ribauds. Il est dit dans de vieux titres, qu'il avoit jurisdiction sur les jeux de dés, de brelands & les bordeaux qui étoient en l'ost & chevauchée du roi ; & il prétendoit qu'il lui étoit dû cinq sols de chaque femme débauchée.

Mais personne n'est entré dans de plus grands détails que Pasquier sur le roi des ribauds. On peut lire ce qu'il en dit dans ses recherches, liv. VIII. ch. xliv. Je n'en donnerai que le précis.

Selon lui, ribaud est un nom qui n'étoit point odieux sous le regne de Philippe-Auguste, & ce nom étoit baillé à des soldats d'élite auxquels ce prince avoit grande créance en ses exploits militaires. Ces soldats avoient un chef ou capitaine qu'on appelloit roi des ribauds. Guillaume Le breton, dans sa Philippide dit, que ce roi étant venu pour donner confort & aide à la ville de Mantes, que le roi Henri d'Angleterre tenoit assiégée, soudain après son arrivée, le seigneur de Bar, brave cavalier, avec ceux de sa banniere & les ribauds attaqua chaudement l'escarmouche, & logea l'épouvante au camp des Anglois. Philippe-Auguste, après avoir subjugué le Poitou, voulant assiéger la ville de Tours ; & trouvant la riviere de Loire lui faire obstacle, il choisit le capitaine ribaud pour la gayer. Or, tout ainsi que le hérault qui étoit près du roi, fut appellé roi d'armes, aussi fut ce capitaine appellé roi des ribauds. Ainsi, continue Pasquier, le recueillai du roman de Rose, quand le dieu d'amour assemblant son ost pour délivrer Belaccueil de la prison où il étoit détenu, le dessus du chapitre porte :

Comment ! le dieu d'amour retient

Faux-semblant qui des siens devient,

Dont les gens sont joyeux & beaux,

Car il le fait roi des ribauds.

Et d'autant que cette compagnie étoit vouée à la garde du corps du roi, il falloit que son capitaine tînt pié-à-boule à la porte du château.

L'auteur des Recherches rapporte ensuite un extrait de la chambre des comptes, où l'on voit les fonctions du roi des ribauds, & ses gages qui consistoient en six deniers, une provende, un valet à gages, & soixante sols pour robe par an. Et dans un autre endroit : Jean-Crasse Ire roi des ribauds (qui tenoit ledit office en 1317) ne mangera point à cour ; mais il aura six deniers de pain, & deux quarts de vin, une piece de chair & une poule, & une provende d'avoine, & treize deniers de gages, & sera monté par l'écuyer.

Peu-à-peu, continue Pasquier, cette compagnie de ribauds qui avoit tenu dedans la France lieu de primauté entre les guerriers, s'abâtardit, tomba en l'opprobre de tout le monde, & en je ne sai quelle engeance de putassiers ; & c'est une chose émerveillable, qu'avec le tems, l'état de ce roi des ribauds alla tellement en raval, que je le vois avoir été pris pour exécuteur de la haute-justice.

On peut lire encore sur le roi des ribauds les éclaircissemens donnés par M. Gouye de Longuemure à la suite de sa dissertation sur la chronologie des rois Merovingiens, imprimée en 1748. (D.J.)


RIBBLELA, (Géog. mod.) riviere d'Angleterre. Elle a sa source dans le duché d'Yorck, au nord de Gisborn, & elle court du nord oriental au midi occidental. Après avoir traversé le comté de Lancastre, elle va se jetter dans un petit golfe, & se perd dans la mer d'Irlande. (D.J.)


RIBBLECESTER(Géog. mod.) Cet endroit n'est aujourd'hui qu'un village dans le comté de Lancastre sur la riviere de Ribble, à peu de distance de Preston ; mais on a lieu de croire que c'étoit autrefois une ville riche & considérable ; car on y a trouvé des médailles, divers débris de bâtimens, des statues, des colonnes, des autels, des figures de divinités payennes, & plusieurs inscriptions. Quelques savans ont pris Bremetonaca pour Ribblecester ; mais Cambden & M. Gale placent Bremetonaca à Owerburrow, & pensent que Ribblecester a succédé à Coccium, qui est à vingt-deux milles de Bremetonaca. (D.J.)


RIBEMONou RIBLEMONT, (Géog. mod.) petite ville de France en Picardie, au diocèse & élection de Laon, près de la riviere d'Oise, sur une hauteur entre Guise & la Fere, à quatre lieues de Saint-Quentin, avec une abbaye d'hommes, ordre de Saint-Benoît, fondée l'an 1083. Il y a dans la ville une prevôté royale ; c'est un gouvernement particulier du gouvernement militaire de Picardie, & elle a aussi sa coutume particuliere qui dépend de celle de Vermandois. Long. 21. 8. lat. 41. 45. (D.J.)


RIBERA-GRANDE(Géog. mod.) ville de l'île de San-Jago, la plus considérable de celles du cap Verd, dans la partie occidentale de l'île, à 3 lieues au nord-ouest de Praya, à l'embouchure de la riviere de San-Jago, qui prend sa source à 2 milles de la ville, entre deux montagnes. Son évêché, qui est suffragant de Lisbonne, compte toutes les îles du cap Verd dans son diocèse. La maison du gouverneur domine sur toute la ville, qui est presque entierement peuplée de portugais. Ce gouverneur étend sa jurisdiction non-seulement sur les îles du cap Verd, mais encore sur tous les domaines du Portugal qui sont dans la haute Guinée. Le port, qu'on nomme Sainte-Marie, est au nord de la ville, & les vaisseaux y sont en sûreté. Long. 354. lat. 15. (D.J.)


RIBISS. f. (Gram. & Pharmac.) nom que les apothicaires donnent quelquefois aux groseilles rouges. Ils disent rob de ribis. Voyez ROB.


RIBLETTES. f. (Cuisine) mets fait d'une tranche de boeuf, de veau ou de porc, déliée, salée, épicée, & cuite sur le gril. Il se dit aussi d'une omelette au lard.


RIBNICKou RIBENICK, (Géog. mod.) petite ville, ou plutôt bourg d'Allemagne, dans la principauté de Ratibor en Silésie, proche de Sora. (D.J.)


RIBNIZou RIBBENIS, (Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, au duché de Mecklenbourg, à 3 milles de Rostock, vis-à-vis de Damgarden. (D.J.)


RIBORDS. m. (Marine) c'est le second rang de planches qu'on met au-dessus de la quille pour faire le bordage du vaisseau. Ce rang forme avec le gabord, la coulée du bâtiment. Voyez GABORD.


RIBORDAGES. m. (Marine & Comm.) c'est le prix établi par les marchands, pour le dommage qu'un vaisseau fait à un autre en changeant de place, soit dans un quai, soit dans une rade. Ce dommage se paie ordinairement par moitié, lorsque l'action est intentée.


RIBOTS. m. (terme de Fromager) pilon d'une baratte pour battre la crême, & faire du beurre. Dict. des Arts. (D.J.)


RICA(Antiq. rom.) voile dont les dames romaines se couvroient la tête. On trouve ce mot dans Varron ; mais il ne nous dit ni la couleur, ni l'étoffe, ni l'origine de ce voile ; peut-être qu'il n'y avoit rien de particulier à nous en dire. (D.J.)

RICA, s. f. (Hist. anc.) selon les uns un mouchoir, selon d'autres une coëffe bordée de pourpre, ou un bandeau. Quelque partie du vêtement que ce fût, il est sûr qu'il étoit à l'usage des femmes dans les sacrifices.

RICA, (Géog. mod.) contrée des états du Turc en Asie, dans le Diarbekir ; c'est un beglie-bergglie qui renferme sept sangiacats, ou petits gouvernemens. (D.J.)


RICCIAS. f. (Botan.) genre de plante de la classe des algues, selon Linnaeus. En voici les caracteres. La fleur mâle n'a ni pédicules, ni calice, ni pétales, ni même d'étamines, mais une simple bossette ou sommet de forme pyramidale tronquée, & qui s'ouvre à l'extrêmité quand elle est mûre. La fleur femelle croît quelquefois sur la fleur mâle, quelquefois sur différentes plantes. Elle montre à peine un calice, aucun pétale ; mais elle est chargée d'un fruit sphérique, n'ayant qu'une seule loge qui contient un grand nombre de graines. Linnaei gen. plant. pag. 507. Micheli nov. gen. p. 57. (D.J.)


RICERCATAS. f. (Musique italienne) espece de prélude ou de fantaisie qu'on joue sur l'orgue, le clavecin, le théorbe, &c. où il semble que le compositeur recherche les traits d'harmonie qu'il veut employer dans les pieces réglées qu'il doit jouer dans la suite. La ricercata demande beaucoup d'habileté, parce qu'elle se fait ordinairement sur le champ & sans préparation. Brossard. (D.J.)


RICHS. m. (Fourrure) peau d'une espece de loup-cervier qui se trouve en Pologne & en Lithuanie, dont la fourrure est très-riche, très-fine & très-belle. Il se trouve aussi de ces animaux en Perse & en Suede, mais les uns & les autres different par la couleur. Ceux de Perse ont un fond blanc avec des mouchetures ou taches noires ; leur poil est long, fin & fourni. Ceux de Suede sont rougeâtres, & ceux de Pologne & de Lithuanie d'un beau gris de fer. Ils se ressemblent tous par la figure & par la férocité, ayant la tête d'un chat & la cruauté d'un tigre. C'est une des plus belles fourrures dont il se fasse commerce dans les pays du nord ; aussi se vendent-elles un prix excessif, la seule fourrure d'une robe allant quelquefois à plus de six cent écus. Dict. de Comm. (D.J.)


RICHARDIAS. f. (Botan.) genre de plante dont voici les caracteres. Le calice est formé d'une seule feuille découpée en six parties ; il est droit, pointu, & à-peu-près de la moitié de la longueur de la fleur. La fleur est monopétale, faite en entonnoir cylindrique, ayant les bords divisés en six segmens. Les étamines sont six filets, si courts qu'ils sont à peine visibles. Les bossettes des étamines sont petites, arrondies, & placées sur les noeuds de la fleur. Le germe du pistil est caché sous le calice. Le stile est chevelu, de la longueur des étamines, & divisé en trois parties vers la pointe. Les stigma sont obtus. Les graines sont nues, au nombre de trois, arrondies, angulaires, élargies à la partie supérieure & bosselées. Linnaei gen. plant. p. 150. (D.J.)


RICHBOROUGH(Géogr. mod.) bourg d'Angleterre, dans la province de Kent. Cambden paroît croire que c'étoit autrefois la ville d'Angleterre appellée Ritupiae par Ptolémée & par Ammien Marcellin. Anciennement les Anglo-Saxons lui donnoient le nom de Reptimuth, & Alfred de Beverley l'appelle Richberg. (D.J.)


RICHEadj. (Gram.) qui a de la richesse, voyez RICHESSE. On dit il est riche. Il est riche en bestiaux, en argent, en terre, en effets mobiliers, en billets. On est riche avec peu de chose, quand on ne souffre pas du besoin de ce qu'on n'a pas. Un riche mariage. Un riche parti. Un pays riche en blé, en vins. Une rime riche. Voyez l'article RIME. Riche en vertus, en talens, en beauté, &c.

RICHE COMPOSITION, RICHE, en Peinture, ne signifie pas toujours de l'or, des bijoux, des étoffes précieuses, &c. Les compositions riches sont celles où la fécondité du génie enrichit la matiere par la beauté des formes. Une terrasse singulierement éboulée, des cailloux, des plantes de formes & de couleurs bizarres, un voile, une draperie d'étoffe commune, des armures de fer, une cassolette d'argile, le parfum qui s'exhale en fumée, un tourbillon de poussiere enlevé par un air agité, toutes ces choses judicieusement dispensées, & traitées par une main savante, constituent une richesse de composition qui se communique à toutes les autres parties d'un tableau.


RICHEDALERS. m. ou RIXDALER, (Monnoie) monnoie d'argent qui se fabrique dans plusieurs états & villes libres d'Allemagne. Il s'en fait aussi en Flandres, en Pologne, en Danemarck, en Suede, en Suisse & à Genève. Il y a peu de différence entre le richedaler & le daler, autre espece aussi d'argent qui se frappe pareillement en Allemagne, soit pour le poids, soit pour le titre, valant également soixante sols de France, ou la piece de huit d'Espagne. Il n'y a guere de monnoie qui ait un plus grand cours & plus universel que le richedaler. Il sert également dans le commerce du levant, du nord, de Moscovie & des Indes orientales ; & l'on ne peut dire combien il s'en embarque sur les vaisseaux de diverses compagnies qui entreprennent le voyage de long cours. Le richedaler est aussi une monnoie de compte, dont plusieurs négocians & banquiers se servent pour tenir leurs livres. Cette maniere de compter est particulierement en usage en Allemagne, en Pologne, en Danemarck, &c. Dict. de Comm. (D.J.)


RICHELIEU(Géogr. mod.) ville de France, dans le bas Poitou, au diocese de Poitiers, sur les rivieres d'Amable & de Veude, à 10 lieues au nord de Poitiers, & à 60 au sud-ouest de Paris. Elle fut bâtie par le cardinal de Richelieu en 1637, qui l'embellit d'un magnifique château. Ses rues sont alignées ; c'est le lieu d'une élection & d'un grenier à sel. Le duché-pairie de Richelieu, dont cette ville est le chef-lieu, fut érigé en 1631. Long. 17. 51. lat. 47. (D.J.)

RICHELIEU, ILES DE, (Géogr. mod.) îles de l'Amérique septentrionale, dans le lac S. Pierre, à l'entrée du fleuve de S. Laurent. C'est un petit archipel plein d'arbres, de rats musqués & de gibier. (D.J.)


RICHEMONDou plutôt Richmond, (Géograp. mod.) ville à marché d'Angleterre, dans l'York-Shire, sur la Swale, capitale du territoire qu'on appelle Richmond-Shire, où il y a des mines de plomb, de cuivre & de charbon de terre. Alain le Noir, comte de Bretagne, fit bâtir le bourg de Richmond, du tems de Guillaume le Conquérant, qui l'érigea en comté en sa faveur. Henri VIII. l'ayant érigé en duché en 1535, le donna à un de ses fils naturels, qu'il avoit eu d'Elisabeth Blunt. Il est aujourd'hui possédé par les descendans de Charles de LÉnox, fils naturel du roi Charles II. à qui ce prince l'avoit donné. Ce duché est trés-considérable ; le bourg a droit d'envoyer deux députés au parlement. Long. 15. 40. lat. 54. 25. (D.J.)

RICHEMOND, (Géog. mod.) grand bourg d'Angleterre dans le Surrey, à 7 milles de Londres. Le roi y jouit d'une petite & charmante maison de plaisance, décorée d'un parc qui est enclos de murs, & de jardins en boulingrins de la plus grande beauté. Qu'il est agréable, quand le cancer commence à rougir des rayons du soleil, de quitter la ville de Londres ensevelie dans la fumée, & de venir respirer l'aimable fraîcheur à Richemond, monter sur une de ses hauteurs, parcourir d'un coup d'oeil ses plaines émaillées de mille couleurs tranchantes, & passant de plaisirs en plaisirs, se peindre les trésors de l'automne à-travers les riches voiles qui semblent vouloir borner nos regards curieux ! (D.J.)


RICHESSES. f. (Philosoph. morale) ce mot s'employe plus généralement au pluriel ; mais les idées qu'il présente à l'esprit varient relativement à l'application qu'on en fait. Lorsqu'on s'en sert pour désigner les biens des citoyens, soit acquis, soit patrimoniaux, il signifie opulence, terme qui exprime non la jouissance, mais la possession d'une infinité de choses superflues, sur un petit nombre de nécessaires. On dit aussi tous les jours les richesses d'un royaume, d'une république, &c. & alors, l'idée de luxe & de superfluités que nous offroit le mot de richesses, appliqué aux biens des citoyens, disparoit : & ce terme ne représente plus que le produit de l'industrie, du commerce, tant intérieur qu'extérieur, des différens corps politiques, de l'administration interne & externe des principaux membres qui le constituent ; & enfin de l'action simultanée de plusieurs causes physiques & morales qu'il seroit trop long d'indiquer ici, mais dont on peut dire que l'effet, quoique lent & insensible, n'est pas moins réel.

Il paroît par ce que je viens de dire, qu'on peut envisager les richesses sous une infinité de points de vue différens, de l'observation desquels il résultera nécessairement des vérités différentes, mais toujours analogues aux rapports dans lesquels on considérera les richesses.

Cette derniere réflexion conduit à une autre, c'est que l'examen, la discussion, & la solution des différentes questions de politique & de morale, tant incidentes que fondamentales, que l'on peut proposer sur cette matiere aussi importante que compliquée & mal éclaircie, doivent faire un des principaux objets des méditations de l'homme d'état & du philosophe. Mais cela seul feroit la matiere d'un livre très-étendu ; & dans un ouvrage de la nature de l'Encyclopédie, on ne doit trouver sur ce sujet que les principes qui serviroient de base à l'édifice.

Laissant donc au politique le soin d'exposer ici des vues neuves, utiles & profondes, & d'en déduire quelques conséquences applicables à des cas donnés, je me bornerai à envisager ici les richesses en moraliste. Pour cet effet, j'examinerai dans cet article une question à laquelle il ne paroît pas que les Philosophes aient fait jusqu'ici beaucoup d'attention, quoiqu'elle les intéresse plus directement que les autres hommes. En effet, il s'agit de savoir 1°. si un des effets nécessaires des richesses n'est pas de détourner ceux qui les possedent de la recherche de la vérité.

2°. Si elles n'entraînent pas infailliblement après elles la corruption des moeurs, en inspirant du dégoût ou de l'indifférence pour tout ce qui n'a point pour objet la jouissance des plaisirs des sens, & la satisfaction de mille petites passions qui avilissent l'ame, & la privent de toute son énergie.

3°. Enfin, si un homme riche qui veut vivre bon & vertueux, & s'élever en même tems à la contemplation des choses intellectuelles, & à l'investigation des causes des phénomenes & de leurs effets, peut prendre un parti plus sage & plus sûr, que d'imiter l'exemple de Cratès, de Diogene, de Démocrite & d'Anaxagore.

Ceux qui auront bien médité l'objet de ces différens problèmes moraux, s'appercevront sans peine qu'ils ne sont pas aussi faciles à résoudre qu'ils le paroissent au premier aspect. Plus on les approfondit, plus on les trouve complexes, & plus on sent que l'on erre dans un labyrinthe inextricable où l'on n'est pas toujours sûr de trouver le fil d'Ariane, & dans lequel il est par conséquent facile de s'égarer.

Nec preme, nec summum molire per aethera currum.

Altiùs egressus ; caelestia tecta cremabis ;

Inferiùs terras : medio tutissimus ibis.

Neu te dexterior pressam rota ducat ad aram :

Inter utrumque tene.

Ovide, métamorph. lib. II. 85. v. 134. & seqq.

Ainsi pour traiter ces questions avec cette sage impartialité, qui doit être la caractéristique de ceux qui cherchent sincérement la vérité, je ne ferai dans cet article que présenter simplement à mes lecteurs tout ce que la sagesse humaine la plus sublime & la plus réfléchie a pensé dans tous les tems sur cette matiere : me réservant la liberté d'y joindre quelquefois mes propres réflexions dans l'ordre où elles se présenteront à mon esprit.

Je commence par une remarque qui me paroît essentielle : c'est que les anciens philosophes ne croyoient point que les richesses considérées en elles-mêmes, & abstraction faite de l'abus & du mauvais usage qu'on en pouvoit faire, fussent nécessairement incompatibles avec la vertu & la sagesse : ils étoient trop éclairés pour ne pas voir qu'envisagées ainsi métaphysiquement, elles sont une chose absolument indifférente ; mais ils savoient aussi que, comme on s'écarte infailliblement de la vérité dans les recherches morales, lorsqu'on ne veut voir que l'homme abstrait, on court également risque de s'égarer, lorsqu'on fait les mêmes suppositions à l'égard des êtres physiques & moraux qui l'environnent, & qui ont avec lui des rapports constans, déterminés & établis par la nature des choses. Aussi enseignent-ils constamment que les richesses pouvant être & étant en effet dans une infinité de circonstances, & pour la plûpart des hommes, un obstacle puissant à la pratique des vertus morales, à leur progrès dans la recherche de la vérité, & un poids qui les empêche de s'élever au plus haut degré de connoissance & de perfection où l'homme puisse arriver, le plus sûr est de renoncer à ces possessions dangereuses, qui, multipliant sans cesse les occasions de chûte, par la facilité qu'elles donnent de satisfaire une multitude de passions déréglées, détournent enfin ceux qui y sont attachés de la route du bien & du desir de connoître la vérité.

C'est ce que Séneque fait entendre assez clairement, lorsqu'il dit que les richesses ont été pour une infinité de personnes un grand obstacle à la philosophie, & que pour jouir de la liberté d'esprit nécessaire à l'étude, il faut être pauvre, ou vivre comme les pauvres. " Tout homme, ajoute-t-il, qui voudra mener une vie douce, tranquille & assurée, doit fuir le plus qu'il lui sera possible ces biens faux & trompeurs, à l'appas desquels nous nous laissons prendre comme à un trébuchet, sans pouvoir ensuite nous en détacher, en cela d'autant plus malheureux, que nous croyons les posséder, & qu'au contraire ce sont eux qui nous possedent & qui nous tirannisent ". Multi ad philosophandum obsistere divitiae : paupertas expedita est, secura est.... si vis vacare animo, aut pauper sis oportet, aut pauperi similis. Non potest studium salutare fieri sine frugalitatis curâ : frugalitas autem, paupertas voluntaria est.... Munera ista fortunae putatis ? Insidiae sunt. Quisquis nostrum tutam agere vitam volet, quantum plurimum potest, ista viscata beneficia devitet : in quibus hoc quoque miserrimi fallimur, habere nos putamus, habemur. Sénec. epist. 17. & epist. 8.

On ne peut guere douter de la certitude de ces maximes lorsqu'on voit des philosophes tels que Démocrite & Anaxagore abandonner leurs biens, & résigner tout leur patrimoine à leurs parens, pour s'appliquer tout entiers à la recherche de la vérité & à la pratique de la vertu.

Sprevit Anaxagoras, sprevit Democritus, atque

Complures alii (quorum sapientia toti est Nota orbi) argentum atque aurum, CAUSASQUE MALORUM

DIVITIAS. Quare ? Nisi quod non vera putarunt

Esse bona haec, animum quae curis impediunt, &

In mala praecipitant quam plurima. (a)

Il est assez difficile, ce me semble, de ne pas se laisser entraîner par de si grands exemples, & de nier que les richesses ne soient infiniment plus nuisibles qu'utiles, quand d'un autre côté on voit Séneque peindre avec des traits de feu les maux affreux qu'elles causent nécessairement à la société, & les crimes que la soif de l'or fait commettre. Circa pecuniam, dit-il, plurimum vociferationis est : haec, fora defatigat, patres liberosque committit, venena miscet, gladios tam percussoribus quam legionibus tradit. Haec est sanguine nostro delibuta. Propter hanc uxorum maritorumque noctes strepunt litibus, & tribunalia magistratuum premit turba : reges saeviunt, rapiuntque, & civitates longo saeculorum labore constructas evertunt, ut aurum argentumque in cinere urbium scrutentur. Senec. de irâ, lib. III. cap. xxxij. circa fin.

" Depuis que les richesses, dit-il ailleurs, ont commencé à être en honneur parmi les hommes, & à devenir en quelque sorte la mesure de la considération publique, le goût des choses vraiment belles & honnêtes s'est entierement perdu. Nous sommes tous devenus marchands, & tellement corrompus par l'argent, que nous demandons, non point ce qu'est une chose en elle-même, mais de quel rapport elle est. Se présente-t-il une occasion d'amasser des richesses, nous sommes tour-à-tour gens de bien ou fripons, selon que notre intérêt & les circonstances l'exigent. Nous faisons le bien, & nous pratiquons la justice tant que nous espérons trouver quelque profit dans cette conduite, tout prêts à prendre le parti contraire si nous croyons gagner davantage à commettre un crime. Enfin les moeurs se sont détériorées au point que l'on maudit la pauvreté, qu'on la regarde comme un deshonneur & une infamie, en un mot qu'elle est l'objet du mépris des riches & de la haine des pauvres ". (b)

Ce ne sont point ici des idées vagues & jettées au hasard, ni de vaines déclamations, où l'imagination agit sans cesse aux dépens de la réalité, mais des faits confirmés par une expérience continuelle, & que chacun peut, pour ainsi dire, toucher par tous ses sens. Aussi le même philosophe ne craint-il pas d'avancer que les richesses sont la principale source des malheurs du genre humain, & que tous les maux auxquels les hommes sont sujets, comme la mort, les maladies, la douleur, &c. ne sont rien en comparaison de ceux que leur causent les richesses. Transeamus ad patrimonia, maximam humanarum aerumnarum materiam. Nam si omnia alia quibus angimur, compares, mortes, aegrotationes, metus, desideria, dolorum laborumque patientiam, cum iis quae nobis mala pecunia nostra exhibet ; haec pars multum praegravabit. Senec. de tranquill. animi, cap. viij. init. Il s'exprime encore avec plus de force dans sa 115. lettre.

" De continuelles inquiétudes, dit-il, rongent & dévorent les riches à proportion des biens qu'ils possedent. La peine qu'il y a à gagner du bien est beaucoup moindre que celle qui vient de la possession même. Tout le monde regarde les riches comme des gens heureux ; tout le monde voudroit être à leur place, je l'avoue : mais quelle erreur ! Est-il de condition pire que d'être sans cesse en bute à la misere & à l'envie ? Plût aux dieux que ceux qui recherchent les richesses avec tant d'empressement interrogeassent les riches sur leur sort, certainement ils cesseroient bientôt de desirer les richesses " ! Adjice quotidianas sollicitudines, quae pro modo habendi quemque discruciant. Majore tormento pecunia possidetur, quam quaeritur.... At felicem illum homines, & divitem vocant, & consequi optant, quantum ille possidet. Fateor. Quid ergo ? Tu ullos esse conditionis pejoris existimas, quam qui habent & miseriam & invidiam ? Utinam qui divitias appetituri essent cum divitibus deliberarent !.... Profecto vota mutassent. (c)

Que l'on fasse réflexion que celui qui parle dans ces passages est un philosophe qui possédoit des biens immenses, innumeram pecuniam, comme il le dit lui-même dans Tacite, annal. lib. XIV. cap. liij. & l'on sentira alors de quel poids un pareil aveu doit être dans sa bouche.

Mais consultons, si l'on veut, d'autres autorités : voyons ce que les auteurs les plus graves & les plus judicieux ont pensé de l'influence des richesses sur les moeurs, & des avantages de la pauvreté. " Ce n'est pas, disoit Diogene, pour avoir de quoi vivre simplement, avec des herbages & des fruits, qu'on cherche à s'emparer du gouvernement d'un état, qu'on saccage des villes, qu'on fait la guerre aux étrangers, ou même à ses concitoyens ; mais pour manger des viandes exquises, & pour couvrir sa table de mets délicieux ". Diogenes tyrannos, & subversores urbium bellaque vel hostilia, vel civilia, non pro simplici victu olerum pomorumque, sed pro carnium & epularum deliciis, adserit excitari. Diogen. apud Hieronym. adv. Jovinian. lib. II. pag. 77. A. tom. II. edit. Basil.

Justin faisant la description des moeurs des anciens scythes, dit qu'ils méprisent l'or & l'argent, autant que les autres hommes en sont passionnés, & que c'est au mépris qu'ils font de ces vils métaux, ainsi qu'à leur maniere de vivre simple & frugale, qu'il faut attribuer l'innocence & la pureté de leurs moeurs, parce que ne connoissant point les richesses,

(a) Palingen. Zodiac. vitae, lib. II. vs. 442 ; & seqq. édit. Rotterd. ann. 1722. Voyez aussi Platon, in hipp major pag 283. A B. tom. III. édit. Henr. Steph. ann. 1578 ; & Plutarque, vie de Periclès, pag. 162. B. C. tom. I. édit. Paris, ann. 1624.

(b) Quae (pecunia) ex quo in honore esse coepit, verus rerum honor cecidit : mercatoresque & venales invicem facti, quaerimus, non quale sit quidque, sed quanti. Ad mercedem pii summus, ad mercedem impii. Honesta, quamdiu aliqua illis spes inest, sequimur : in contrarium transituri, si plus scelera promittant.... denique eò mores redacti sunt, ut paupertas maledicto probroque sit, contempta divitibus, invisa pauperibus. Senec. epist. 115.

(c) Voyez encore sa xiv. lettre vers la fin, où il rapporte une fort bonne pensée d'Epicure ; & joignez y deux beaux fragmens de Philemon, qui se trouvent dans le recueil de le Clerc, num. 39 & 38, pag. 352, édit. Amstel. 1709.

ils n'ont que faire de convoiter le bien d'autrui. Aurum & argentum perinde adspernantur, ac reliqui mortales adpetunt. Lacte & melle vescuntur.... Haec continentia illis morum quoque justitiam indidit. Nihil alienum concupiscentibus. Quippe ibidem divitiarum cupido est, ubi & usus. Justin. hist. lib. II. cap. ij. n. 8 & sequent.

Zenon le stoïcien ne pensoit pas plus favorablement des richesses ; car ayant appris que le vaisseau sur lequel étoient tous ses biens, avoit fait naufrage, il ne témoigna aucun regret de cette perte, au contraire. " La fortune veut, dit-il aussi-tôt, que je puisse philosopher plus tranquillement ". Nunciato naufragio, Zeno noster, cùm omnia sua audiret submersa, lubet, inquit, me fortuna expeditiùs philosophari. Apud Senec. de tranquill. animi. cap. xvj.

" Je m'étonne, disoit Lucrece de Gonzague à Hortensio Laudo, qu'étant aussi savant que vous l'êtes, & connoissant aussi bien les vicissitudes & le train des choses humaines, vous vous attristiez aussi excessivement de votre pauvreté. Ne savez-vous pas que la vie des pauvres ressemble à ceux qui cotoyent le rivage avec un doux vent, sans perdre de vue la terre, & celle des riches à ceux qui navigent en pleine mer. Ceux-ci ne peuvent prendre terre, quelque envie qu'ils en ayent : ceux-là viennent à bord quand ils veulent ". Essendo voi persona dotta ; e tanto bene esperta ne i mondani casi ; mi maraviglio che di si strana maniera vi attristiate per la povertà ; quasi non sappiate la vita dei poveri esser simile ad una navigatione presso il lito ; e quella de ricchi, non esser differente da coloro che si ritrovano in alto mare : à gli uni e facile gittar la fune in terra, e condur la nave à sicuro luogo ; e à gli altri e sommamente difficile. (d)

Anaxagore avoit donc raison de dire que les conditions qui paroissent les moins heureuses, sont celles qui le sont le plus, & qu'il ne falloit pas chercher parmi les gens riches & environnés d'honneurs, les personnes qui goutent la félicité, mais parmi ceux qui cultivent un peu de terre, ou qui s'appliquent aux sciences sans ambition. Nec parum prudenter, Anaxagoras interroganti cuidam quisnam esset beatus : nemo, inquit, ex his quos tu felices existimas : sed eum in illo reperies, qui à te ex miseris constare creditur. Non erit ille divitiis & honoribus abundans : sed aut exigui ruris, aut non ambitiosae doctrinae fidelis ac pertinax cultor, in secessu quàm in fronte beatior. Valer. Maxim. lib. VII. cap. ij. nu. 9. in extern. cit. Boel. ubi infra.

Finissons par un beau passage de Platon : " il est impossible, dit expressément ce philosophe, d'être tout ensemble fort riche & fort honnête homme. Or comme il n'y a point de véritable & solide bonheur sans la vertu, les riches ne peuvent pas être réellement heureux ". Plato, de legib. lib. V. pag. 742. E. & 743. A B. tom. II. edit. Henr. Steph. an. 1578. Voyez aussi sa huitieme lettre écrite aux parens & aux amis de Dion. tom. III. opp. pag. 355. C. edit. cit.

Telle est à cet égard la doctrine constante des poëtes, des philosophes, des historiens & des orateurs, dont le sens a été le plus droit. Tous ont traité de fols & insensés ceux qui faisant consister le souverain bien dans la possession des richesses, mettent le plaisir du gain au-dessus des autres, & méprisent celui qui revient de l'étude des sciences, à moins que ce ne soit un moyen d'amasser de l'argent : tous ont préféré une honnête pauvreté à ces faux biens par lesquels l'aveugle & folle cupidité des hommes se laisse éblouir : tous enfin ont regardé les richesses comme une pierre d'achoppement. Pour moi, je l'avoue, plus j'y réfléchis, & plus je suis convaincu que ce ne fut point, comme le prétend faussement Barbeyrac (e), par ostentation, ni par un désintéressement mal entendu, qu'Anaxagore & Démocrite se dépouillerent de leurs biens, mais qu'au contraire, ils agirent en cela fort sagement, & en philosophes qui savoient qu'à l'égard des choses par lesquelles il est aussi facile que dangereux de se laisser corrompre, le parti le plus sûr est toujours de se mettre dans l'impossibilité absolue d'en abuser.

En effet, tant de soins, d'inquiétudes & de chagrins, tant de petits intérêts (f) dans la discussion desquels il arrive que trop (g) souvent que l'on soit injuste, & que l'on fasse beaucoup de mal, même sans le savoir, & sans être méchant ; tant de circonstances où l'éclat de la fortune & le faste de l'opulence mettant entre les riches & les pauvres une distance immense, rendent nécessairement ceux-là durs, & font que leur coeur se resserre à la vue des malheureux, par l'habitude où ils sont de les voir dans un point de vue éloigné ; habitude qui étouffe (h) en eux toutes les affections qui pourroient les rapprocher de l'humanité, & réveiller dans leur ame ce sentiment de pitié & de commisération si naturel à l'homme, & qui le convainc si intimement de sa bonté (i) originelle ; tant d'occasions de se laisser corrompre, & de s'abandonner aux plus grands & aux plus honteux excès ; en un mot, tant d'inconvéniens de toute espece, suivent si nécessairement la possession des richesses, & d'un autre côté, la recherche de la vérité & l'étude de la vertu demandent un silence de passions si profond & si continuel, une méditation si forte, un esprit si pur, si fortement en garde contre les illusions des sens, si habile à démêler les erreurs, & à en rectifier les jugemens par la réflexion, si dégagé des terrestréïtés, & de tout ce qui est l'objet de la cupidité humaine, enfin une ame si honnête, si sensible, si compatissante, si naturellement portée au bien & si continuellement occupée à le faire, qu'il est impossible (k) à l'homme d'allier jamais des choses aussi incompatibles par leur nature.

(d) Lettere della signora Lucrecia Gonsagua, pag. 215, édition de Venise, ann. 1552.

(e) Dans sa préface sur le grand ouvrage de Puffendorf, §. 19, pag. 66, édit. d'Amst. 1734, tom. I. Voyez ce que je dis contre cet auteur dans la note de la page 278.

(f) Qui terre a, guerre a, dit le proverbe : cet adage trivial est une vérité si évidente, qu'il seroit aussi absurde d'en nier la certitude, qu'inutile d'entreprendre de la prouver. Au reste ce ne sont pas seulement ceux dont les richesses consistent en fonds de terre, qui sont sans cesse exposés à des querelles & à des procès. C'est le sort ordinaire & inévitable de tous les riches, de quelque nature que soient leurs biens. Aussi Criton se plaignoit-il à Socrate qu'il étoit bien mal-aisé à un homme qui veut conserver son bien de vivre dans Athenes ; " car il y a des gens, disoit-il, qui viennent me faire des procès sans que je leur aye jamais fait aucun tort ; mais seulement parce qu'ils savent que j'aimerois mieux leur donner quelque argent, que de m'embarrasser dans les affaires ". Voyez les choses mémorables de Socrate, liv. II. vers la fin, & conférez ce que dit M. Rousseau de Geneve dans son Emile, liv. IV. pag. 164, 165, de Hollande.

(g) Quae tam festa dies, ut cesset prodere funem

Perfidiam, fraudes, atque omni ex crimine lucem

Quaesitum, & partos gladio, vel pyxide nummos ?

Rari quippe boni. Numero vix sunt totidem, quot

Thebarum portae, vel divitis ostia Nili. Juvenal, sat. 13.

vs. 23. & seqq. Ce poëte fait ici, sans le savoir, l'histoire des moeurs de la plûpart des riches.

(h) Conférez ici Menandre, in fragment. n. 154. pag. 242, édit. Cleric. Amstel. 1709.

(i) Plusieurs anciens philosophes, entr'autres Séneque, ont apperçu cette vérité si lumineuse, si utile, si consolante pour l'humanité, & à laquelle la justice & la sagesse de Dieu servent de base ; mais la certitude de ce principe, si important par lui-même & par les conséquences qui en découlent immédiatement, n'a été bien démontrée que par un philosophe moderne, dont les ouvrages sont entre les mains de tout le monde. A l'égard de Séneque, voyez le passage qui sert d'épigraphe à l'Emile, & joignez-y sur-tout ces belles paroles du même philosophe : erras.... si existimas nobiscum vitia nasci : supervenerunt, ingesta sunt, itaque monitionibus crebris, opiniones quae nos circumsonant, compescamus. Nulli nos vitio natura conciliat : nos illa integros ac liberos genuit. Senec. epist. 94.

(k) Appliquez ici ce passage de Salluste : neque aliter quisquam extollere sese, & divina mortalis attingere potest, nisi omissis pecuniae & corporis gaudiis, animo indulgens, non assentando, neque concupita praebendo, perversam gratiam gratificans ; sed in labore, patientiâ, bonisque praeceptis, & factis fortibus exercitando. Sallust. ad Caesar. de repub. ordinandâ, orat. pr.

Il y a tout lieu de croire qu'Anaxagore fit à-peu-près les mêmes réflexions, & qu'il sentit combien il est difficile d'être riche, heureux, juste & bon tout ensemble, puisque Valere Maxime nous dit, lib. VIII. cap. vij. num. 6. in extern. que c'est à l'abandon de ses richesses que ce philosophe se crut redevable de son salut : quali porro studio Anaxagoram flagrasse credimus ? Qui cum è diutinâ peregrinatione repetiisset, possessionesque desertas vidisset, non essem, inquit, ego salvus, nisi ista periissent.

Il me semble que si Barbeyrac eût réfléchi sur ce passage, il auroit été moins promt à envenimer les motifs qui déterminerent Anaxagore à résigner tout son patrimoine à ses parens. Il auroit vu qu'il n'y a point d'ostentation, mais au contraire beaucoup d'humilité, de sagesse & de vertu dans la conduite d'un philosophe qui, sachant par un examen réfléchi des actions humaines, combien la pente du vice est douce & facile ; ou plutôt, connoissant (l) sa propre foiblesse, & craignant qu'en conservant ses richesses, il n'ait pas assez d'empire sur ses passions, pour en jouir dans l'innocence, & pour résister aux tentations toujours renaissantes d'en abuser, aime mieux s'en dépouiller entierement, que de se voir exposé sans cesse à un combat dont il ne seroit pas toujours sorti vainqueur. Car selon la remarque judicieuse d'un célebre auteur moderne, par-tout la sensation de mal faire, augmente avec la facilité. Lettre de M. Rousseau de Genève à M. d'Alembert, p. 145, édit. d'Amst. 1758.

Une autre observation non moins importante, c'est qu'un homme riche, quelque penchant naturel qu'il ait à la vertu, ne peut faire un bon usage de ses biens qu'à quelques égards : il y aura toujours par l'effet d'un vice inhérent aux richesses, une infinité de circonstances où, comme je l'insinue plus haut, il s'éloignera de l'ordre & de la rectitude morale sans s'en appercevoir, & où cette déviation devenant de jour en jour plus sensible, il s'écartera enfin de la sphere étroite de la vertu, emporté successivement malgré lui par mille petites passions, comme par une espece de force centrifuge, déterminée par ce que les anciens appelloient immutabilis causarum inter se cohaerentium series.

Il seroit inutile de dire avec Epicure, que ce n'est point la liqueur qui est corrompue, mais le vase : car on ne peut approuver la pensée de ce philosophe qu'en considérant les richesses en elles-mêmes, & en les séparant intellectuellement des maux qu'elles entraînent après elles, & j'ai déja dit, pag. 2. que rien n'étoit plus illusoire que cette méthode de philosopher. En effet, il s'agit de savoir, si l'abus des richesses, de quelque nature que soient les effets qu'il produit, est inséparable de leur possession, & si l'on ne peut pas dire en ce sens, que les maux qu'elles causent dans le monde, sont les effets d'un vice qui leur est inhérent, puisqu'il est incontestable que ces maux, quels qu'ils soient, n'existeroient pas sans elles, quoiqu'elles n'en soient d'ailleurs que causes occasionnelles, je veux dire, quoiqu'elles ayent besoin pour les produire & pour les déterminer, de l'intervention d'une cause physique qui est l'ame, ou pour parler plus philosophiquement, le corps modifié de telle & telle maniere : or c'est ce que je soutiens, & ce qu'on ne peut nier, ce me semble, pour peu qu'on y réfléchisse.

Ajoutez à cela que le sage peut bien, quant à lui, ne regarder l'or & l'argent que comme de simples métaux, dont il se sert comme autant d'instrumens qu'il dirige selon ses vûes ; mais dans le système social, ces métaux, source intarissable de malheurs & de désordres, changent en quelque sorte de maniere d'être. Ce ne sont plus alors aux yeux du philosophe, des substances absolument inactives & inanimées ; il sait que ces signes représentatifs & conventionnels, ont une espece de vie qui leur est propre, & dont le principe précaire se trouve dans les relations qu'ils ont avec nos penchans, notre éducation, nos usages, nos loix, nos vices, nos vertus, & avec la nature des choses en général. Or ces rapports sont le point de vûe sous lequel j'envisage ici les richesses : d'où je conclus que si l'on peut dire dans telle hypothèse que le vase corrompt la liqueur, on peut assurer plus généralement encore, & avec autant de vérité pour le moins, que la liqueur corrompt le vase. A l'égard des maux infinis qui résultent nécessairement de tout cela pour la société, ils sont si étroitement liés aux causes d'où ils émanent, par l'action de l'une & la réaction de l'autre, quelquefois même par leur tendance réciproque & co-existence à la production des mêmes effets, qu'il seroit assez difficile de mesurer la sphere d'activité de ces deux forces, & de connoître leur influence proportionnelle.

Il est, ce me semble, évident par ce que je viens de dire, que l'objection d'Epicure rapportée ci-dessus, est un coup perdu, brutum fulmen. J'en dis autant d'une autre difficulté qu'on pourroit encore me faire, en m'objectant qu'on a vû plus d'une fois des riches faire un bon usage de leurs biens, & que cela est même très-possible en soi ; car ce n'est point du-tout ce dont il s'agit ici. A l'égard des Philosophes, quand on pourroit en citer plusieurs tels que (m) Séneque, par exemple, &c. que les richesses n'ont point détourné de la pratique de la vertu, & de l'étude de la vérité, cela ne prouveroit encore rien contre mon sentiment, car je soutiens que ces Philosophes, quels qu'ils soient, auroient pû faire, je ne dirai pas seulement plus de progrès dans la découverte de la vérité ; mais ce qui est d'une toute autre importance, & infiniment préférable aux connoissances les plus vastes & les plus sublimes, que leur vertu auroit été plus pure, plus intacte, & leurs moeurs plus régulieres, s'ils n'eussent pas été riches.

Un passage admirable de Séneque va répandre un beau jour sur ce que je dis : multum est, remarque très-judicieusement ce philosophe, non corrumpi divitiarum contubernio. Magnus est ille qui in divitiis pauper est : SED SECURIOR, QUI CARET DIVITIIS (n). Ils n'auroient eu du-moins à combattre que contre les défauts & les foiblesses inséparables de l'humanité dans l'état civil, au lieu qu'ils avoient dans les richesses un ennemi de plus, d'autant plus difficile à vaincre, que ses charmes sont plus séduisans,

(l) Il est évident par ce qu'il dit lui-même dans le passage de Valere Maxime, rapporté ci-devant, que ceci n'est ni une assertion hardie & téméraire, ni une conjecture vague & incertaine ; mais une proposition qui a tous les degrés de probabilité & de certitude morale, que l'on peut desirer dans des choses qui ne sont pas susceptibles d'une démonstration métaphysique.

(m) Si l'on jugeoit des moeurs de ce philosophe sur la foi de Dion Cassius, & du moine Xiphilin son abréviateur, on en auroit une idée affreuse, & qui ne justifieroit que trop ce que j'ai dit ci-devant de la corruption des riches : mais les calomnies dont ces deux historiens semblent s'être plu à verser le poison sur la vie de ce sage stoïcien, sont trop noires, trop odieuses, trop visiblement destituées de toute espece de vraisemblance, en un mot, détruites par des preuves trop fortes, pour qu'elles puissent faire encore impression sur l'esprit des lecteurs judicieux & instruits : ce seroit donc trahir la vérité que de renouveller ici ces accusations fausses & injustes, quelque favorables qu'elles soient à l'opinion que je défens : il faut laisser ces indignes manoeuvres & ces foibles ressources à ces auteurs ignorans & superstitieux dont Bayle parle à la page 597. du tome IV de son Dictionnaire, édition de 1740, & auxquels il reproche très-justement de faire fleches de tout bois, ex omni ligno mercuriove.

(n) Senec. epist. xx. Voyez le passage de Platon cité, p. 274.

ses attaques plus sourdes, plus subtiles, plus continuelles, & les occasions d'y succomber plus fréquentes. Ainsi l'exemple même de ces Philosophes riches, en supposant qu'il y en ait eu plusieurs, ce que je n'ai pas le tems d'examiner, ne diminue en rien la force de mon raisonnement.

Pour l'affoiblir, il faudroit pouvoir prouver, 1° que les inconveniens que j'ai dit accompagner la possession des richesses, n'en sont point des suites nécessaires, 2° qu'en m'accordant que ces inconvéniens en sont inséparables, il ne s'ensuit point, comme je le prétends, que les richesses, avec tous les désordres qu'elles entraînent après elles, soient incompatibles avec l'état où je suppose que doit être l'ame d'un philosophe qui veut étudier la vérité, & la vertu. Or, je défie qui que ce soit, de prouver jamais ces deux choses : on peut par des subtilités de dialectique obscurcir certaines vérités, & jetter des doutes dans l'esprit de ceux qui les admettent, lorsque les forces de leurs facultés intellectuelles les mettent hors d'état de dissiper les ténébres, qu'un raisonnement fin & adroit s'est plû à répandre sur ces vérités ; mais il n'en est pas de même des faits dont nous sommes tous les jours les témoins. Il est impossible à cet égard d'en imposer à personne, & c'est d'après ces sortes de faits que j'ai raisonné.

Cependant pour qu'on ne me soupçonne point de dissimuler dans une matiere de cette importance, rapportons ici l'éloge que Séneque fait des richesses ; c'est peut-être le plaidoyer le plus éloquent que l'on puisse faire en leur faveur ; mais aussi je doute fort qu'il y ait parmi nous un seul riche qui puisse lire sans trouble, sans émotion, & s'il faut tout dire, sans remords, à quelles conditions ce philosophe permet au sage de posseder de grands biens. Voici tout le passage tel que j'ai cru devoir l'exprimer dans notre langue.

" Le sage n'aime point les richesses avec passion, mais il aime mieux en avoir que de n'en avoir pas ; il ne les reçoit point dans son ame, mais dans sa maison ; en un mot, il ne se dépouille pas de celles qu'il possede, au contraire, il les conserve & il s'en sert pour ouvrir une plus vaste carriere à sa vertu, & la faire voir dans toute sa force. En effet, peut-on douter qu'un homme sage n'ait plus d'occasions & de moyens de faire connoître l'élévation & la grandeur de son courage avec les richesses, qu'avec la pauvreté, puisque dans ce dernier état on ne peut se montrer vertueux que d'une seule façon, je veux dire, en ne se laissant point abattre & absorber par l'indigence, au lieu que les richesses sont un champ vaste & étendu, où l'on peut, pour ainsi dire, déployer toutes ses vertus, & faire paroître dans tout son éclat sa tempérance, & sa liberalité, son esprit d'ordre & d'économie, & si l'on veut sa magnificence. Cesse donc de vouloir interdire aux philosophes l'usage des richesses ; personne ne condamna jamais le sage à une éternelle pauvreté ; le philosophe peut avoir de grandes richesses, pourvu qu'il ne les ait enlevées par force à qui que ce soit, & qu'elles ne soient point souillées & teintes du sang d'autrui, pourvu qu'il ne les ait acquises au préjudice de personne, qu'il ne les ait pas gagnées par un commerce deshonnête & illégitime ; en un mot, pourvu que l'usage qu'il en fait, soit aussi pur que la source d'où il les a tirées, & qu'il n'y ait que l'envieux seul qui puisse pleurer de les lui voir posseder ; il ne refusera pas les faveurs de la fortune, & n'aura pas plus de honte que d'orgueil de posseder de grands biens acquis par des moyens honnêtes ; que dis-je ? il aura plutôt sujet de se glorifier, si, après avoir fait entrer chez lui tous les habitans de la ville, & leur avoir fait voir toutes ses richesses, il peut leur dire : s'il se trouve quelqu'un parmi vous qui reconnoisse dans tout cela quelque chose qui soit à lui, qu'il le prenne. Oh le grand homme ! oh combien il mérite d'être riche, si les effets répondent aux paroles, & si après avoir parlé de la sorte, la somme de ses biens reste toujours la même ; je veux dire, si après avoir permis au peuple de fouiller dans ses cofres & de visiter toute sa maison, il ne se trouve personne qui réclame quelque chose comme lui appartenant ; c'est alors qu'on pourra hardiment l'appeller riche devant tout le monde. Disons donc que de même que le sage ne laissera pas entrer dans sa maison un seul denier qu'il n'ait pas gagné légitimement, il ne refusera pas non plus les grandes richesses qui sont des bienfaits de la fortune & le fruit de sa vertu ; s'il peut être riche, il le voudra, & il aura des richesses, mais il les regardera comme des biens dont la possession est incertaine, & dont il peut se voir privé d'un instant à l'autre ; il ne souffrira point qu'elles puissent être à charge ni à lui ni aux autres ; il les donnera aux bons, ou à ceux qu'il pourra rendre tels, & il en fera une juste répartition, ayant toujours soin de les distribuer à ceux qui en seront les plus dignes, & se souvenant qu'on doit rendre compte tant des biens qu'on a reçu du ciel, que de l'emploi qu'on en a fait. " (o)

Il faut avouer que ce passage renferme une théorie conforme à la plus saine philosophie, & dans laquelle Séneque donne indirectement à tous les riches, & à ceux qui travaillent ardemment à le devenir, des préceptes de morale excellens & essentiels, dont il seroit à souhaiter qu'ils ne s'écartassent jamais ; tel est par exemple ce principe : le sage ne laissera pas entrer dans sa maison un seul denier qu'il n'ait pas gagné légitimement. Quelle leçon pour cette multitude de riches de patrimoine, dont les grandes villes sont surchargées ; gens oisifs, inutiles, & bons uniquement pour eux-mêmes, qui, parce qu'ils ne cherchent point à augmenter leur revenu, mais à en jouir dans la retraite sans nuire à personne, se croyent pour cela de fort honnêtes gens ! mais ils ignorent apparemment qu'il ne suffit pas qu'un homme ait hérité de ses peres de grands biens, pour qu'il soit censé les posséder légitimement, & en droit d'en faire tel usage qu'il lui plaira ; en effet, on ne peut nier ce me semble, que le premier devoir que la conscience lui impose à cet égard, & celui qu'il est indispensablement obligé de remplir, avant de disposer de la plus petite partie de ce bien, ne soit de faire tous ses efforts pour remonter à la source d'où ses ancêtres ont tiré leurs richesses, & si, en suivant les différens

(o) Non amat divitias (sapiens) sed mavult : non in animum illas, sed in domum recipit : nec respuit possessas, sed continet, & majorem virtuti suae materiam subministrari vult. Quid autem dubii est, quin major materia sapienti viro sit, animum explicandi suum in divitiis, quam in paupertate ? cum in hac unum genus virtutis sit, non inclinari, nec deprimi : in divitiis, & temperantia, & liberalitas, & diligentia, & dispositio, & magnificentia, campum habeat patentem.... Desine ergo philosophis pecuniâ interdicere ; nemo sapientiam paupertate damnavit. Habebit philosophus amplas opes : sed nulli detractas, nec alieno sanguine cruentas, sine cujusquam injuriâ partas, sine sordidis quaestibus, quarum tam honestus sit exitus quam introitus, quibus nemo ingemiscat, nisi malignus.... Ille vero fortunae benignitatem à se non submovebit, & patrimonio per honesta quaesito, nec gloriabitur, nec erubescet. Habebit tamen etiam quo glorietur, si apertâ domo, & admissâ in res suas civitate, poterit dicere : quod quisque suum agnoverit, tollat. O magnum virum, optime divitem, si opus ad hanc vocem consonet ! si post hanc vocem tantundem habuerit ! ita dico, si tutus & securus scrutationem populo praebuerit : si nihil quisquam apud illum invenerit, quo manus injiciat : audacter & propalam erit dives. Sicut sapiens nullum denarium intra limen suum admittet, male intrantem : ita & magnas opés, munus fortunae, fructumque virtutis non repudiabit, nec excludet.... Si poterit esse dives, volet ; & habebit utique opes, sed tanquam leves & avolaturas : nec ulli alii, nec sibi graves esse patietur... Donabit aut bonis, aut eis quos facere poterit bonos. Donabit cum summo consilio, dignissimos eligens : at qui meminerit, tam expensorum quàm acceptorum rationens esse reddendam. Senec. de vitâ beatâ, cap. xxj. xxij & xxiij.

canaux par lesquels elles ont passé pour arriver jusqu'à lui, il en découvre la source impure & corrompue, il est incontestable qu'il ne peut s'approprier ces biens sans se charger d'une partie de l'iniquité de ceux qui les lui ont laissés ; cependant on peut dire sans craindre de passer pour un détracteur des vertus humaines, que sur vingt mille personnes riches de patrimoine, il n'y en a peut-être pas dix qui se soient jamais avisées de faire un pareil examen, & encore moins d'agir en conséquence, après l'avoir fait, quoiqu'ils y soient engagés par tout ce qu'il y a de plus sacré parmi les hommes ; il leur paroît d'autant plus inutile d'entrer dans tous ces détails, que n'ayant pas été les instrumens de leur fortune, ils ne se croyent pas alors responsables des voies obliques & des moyens injustes & criminels dont leurs peres peuvent s'être servis pour acquérir ces biens, & en conséquence, nullement obligés de les restituer à ceux à qui ils appartiennent de droit, ou d'en faire quelqu'autre dispensation également juste & sage. Or sans vouloir prévenir les réflexions du lecteur sur une pareille conduite, il me suffit de dire qu'elle prouve bien la vérité de cette pensée de S. Jérôme ; " Tout homme riche, dit ce pere, est ou injuste, lui-même, ou héritier de l'injustice d'autrui ". Omnis dives, aut indignus est, aut haeres iniqui.

Revenons à Séneque. Ceux qui auront lu avec quelque attention ses ouvrages, dans lesquels on trouve presqu'à chaque page les plus grands éloges de la pauvreté & les passages les plus formels en sa faveur, avec les peintures les plus vives de la corruption des riches, des tourmens cruels auxquels ils sont sans cesse en proie, & enfin des malheurs & des desordres affreux dont les richesses sont tous les jours la cause. Ceux, dis-je, qui se rappellent tout ce que cet auteur dit à ce sujet, seront frappés de la contradiction évidente & de l'opposition diamétrale qu'il y a entre ce passage & ceux que j'ai rapportés précédemment ; ils seront surpris avec raison, qu'un philosophe puisse avoir assez peu de fermeté dans l'esprit, & de liaison dans les idées, pour se laisser ainsi emporter à la fougue de son imagination au préjudice de la vérité, & pour souffler le froid & le chaud, sans s'appercevoir de l'incohérence de ses principes

Mais abandonnons cet auteur à ses écarts & aux saillies de son imagination ardente. Examinons ce passage en lui-même, & voyons ce qu'on en peut raisonnablement conclure en faveur des richesses.

Si on l'analyse avec soin, on avouera, je m'assure, qu'il ne prouve au fond que trois choses que je n'ai jamais prétendu nier.

La premiere, qu'il est permis au sage de posséder de grandes richesses à telles & telles conditions : & en effet cela n'est peut-être permis qu'à lui.

La seconde, qu'il faut en faire bon usage.

Et la troisieme, que les riches seroient beaucoup plus à portée que les pauvres, de faire du bien, & de pratiquer les vertus les plus utiles, s'ils usoient de leurs richesses comme ils le doivent : trois propositions également vraies, mais desquelles, comme il est aisé de le voir, on ne peut rien conclure contre moi, puisqu'elles n'ont rien de commun avec la question que j'examine ici.

Je fais cette remarque, parce que Barbeyrac ne paroît pas avoir saisi le sens de ce passage, dont il donne même une toute autre idée, pour l'avoir lu peut-être avec trop de précipitation. C'est dans son traité du jeu, liv. I. ch. iij. §. 7. tom. I. que se trouve cette faute assez importante pour devoir être relevée. Après avoir parlé en peu de mots des richesses dans des principes peu réfléchis, & qui font voir à mon avis que ce savant homme envisageoit quelquefois les choses superficiellement, il ajoute dans une note (p. 63) " voyez ce que dit très-bien le philosophe Séneque pour faire voir que les grandes richesses ne sont nullement incompatibles avec la vertu, & que le caractere même de philosophe n'engage pas à s'en dépouiller, " de vitâ beatâ, c. xxiij. xxiv. xxv.

Je demande si, sur cet exposé, on ne s'attend pas à trouver dans ces trois chapitres des preuves directes & positives des deux propositions énoncées dans cette note. Cependant je laisse au lecteur à juger si Séneque prouve rien de tout cela dans le passage qu'on vient de lire, & si ce passage bien examiné ne se réduit pas à l'analyse que je viens d'en donner.

On pourroit peut-être croire que c'est dans les chapitres xxiv. & xxv. dont je n'ai rien traduit, que Séneque prouve ce que Barbeyrac lui fait dire. Mais j'avertis ici que des trois chapitres indiqués ici par cet auteur, il n'y a à proprement parler que le premier qui fasse au sujet ; les deux autres n'y ont que peu de rapport, c'est de quoi on pourra se convaincre en les lisant. Je ne vois donc pas ce qui a pu faire illusion à Barbeyrac, à-moins que ce ne soient les deux dernieres lignes du chap. xxiv. Encore ce qui les précede, auroit-il dû le remettre dans la bonne voie. Voici le passage entier : Divitas nego bonum esse ; nam si essent, bonos facerent. Nunc quoniam quod apud malos deprehenditur, dici bonum non potest ; hoc illis nomen nego. Ceterùm & habendas esse, & utiles, & magna commoda vitae adferentes fateor. Senec. de vitâ beatâ, cap. xxiv. in fine. C'est-à-dire, " Je nie que les richesses puissent être mises au rang des véritables biens : car si elles étoient telles, elles rendroient bons ceux qui les possedent ; d'ailleurs on ne peut pas honorer du nom de bien ce qu'on trouve entre les mains des méchans. Du reste j'avoue qu'il en faut avoir, qu'elles sont utiles, & qu'elles apportent de grandes commodités à la vie. "

Je voudrois pour l'honneur de Séneque, qu'il n'eût pas fait cet aveu, si peu digne d'un philosophe, si peu d'accord avec les beaux préceptes de morale qu'il donne dans mille endroits de ses ouvrages ; & qui suppose d'ailleurs comme démontrées trois choses, dont la premiere est en question, la seconde, sinon absolument fausse, du-moins fort incertaine, & qui ne peut être vraie qu'avec une infinité de limitations, de restrictions & de modifications : enfin, dont la troisieme ne pourroit prouver en faveur des richesses, qu'après qu'on auroit fait voir démonstrativement.

1°. Que les commodités qu'elles procurent sont si absolument nécessaires au bonheur de l'homme, que sans elles il est continuellement & inévitablement exposé à des extrêmités dures & fâcheuses, qui lui font regarder la vie comme un fardeau pesant qu'on lui a imposé malgré lui, & dont il seroit heureux d'être délivré.

2°. Que cette joie intérieure, cette tranquillité & cette paix qui font le caractere distinctif de l'ame du sage, accompagnent toujours ceux qui jouissent de ces commodités ; tandis que le chagrin, les soucis cuisans & mille peines secrettes dévorent & minent sourdement ceux qui en sont privés ; supposition absurde, insoutenable, & qui mettroit encore Séneque en contradiction avec lui-même, puisqu'il dit quelque part avec autant de vérité que d'éloquence & d'énergie : Laetiores videbis, quos nunquam fortuna respexit, quam quos deseruit. Vidit hoc Diogenes, vir ingentis animi, & effecit ne quid sibi eripi posset.... si quis de FELICITATE DIOGENIS DUBITAT, POTEST IDEM DU BITARE ET DE DEORUM IMMORTALIUM STATU, an parum beatè degant : quod illis non praedia, nec horti sint, nec alieno colono rura preciosa, nec grande in foro foenus.... Si vis scire quam nihil in illâ (paupertate) mali sit, compara inter se pauperum & divitum vultus. SAEPIUS PAUPER ET FIDELIUS RIDET : nulla sollicitudo in alto est : etiam si qua incidit cura, velut nubes levis transit. Horum qui felices vocantur, hilaritas ficta est, aut gravis & suppurata tristitia : & quidem gravior, quia interdum non licet palam esse miseros : sed inter aerumnas cor ipsum excedentes, necesse est agere felicem. Senec. de tranquillitate animi, cap. viij. & epist. 80.

3°. Que ces commodités sont la voie la plus sure & la plus promte pour arriver à ce degré de sagesse & de perfection, qui est le centre où tendent toutes les actions de l'homme vertueux.

4°. Enfin qu'une chose peut être dite réellement & absolument utile, quoique les avantages qu'on en retire ne puissent pas à beaucoup près compenser ni par leur importance, ni par leur nombre, les désordres qu'elle cause, toutes propositions également fausses, & qui ne méritent pas d'être réfutées sérieusement.

L'aveu de Séneque n'est donc ici d'aucun poids, & son autorité ne sert de rien à Barbeyrac, qui auroit dû plutôt citer, comme je l'ai fait, les chapitres xxj. & xxij. dans lesquels Séneque fait l'apologie des richesses d'une maniere, non pas à la vérité plus solide (car ogni medaglia ha il suo riverso) mais dumoins plus propre à séduire des lecteurs vulgaires, & qui ne savent pas qu'avant d'admettre une pensée, une proposition, un principe, ou un système, il faut, si l'on ne veut pas se faire illusion, l'envisager par toutes ses faces, & le mettre à l'épreuve des objections, faute de quoi on s'expose à prendre à tout moment l'erreur pour la vérité.

De tout cela je conclus, qu'à tout prendre, les richesses sont pour les bonnes moeurs un écueil très-dangereux, & celui où vont se briser le plus souvent toutes les vertus qui caractérisent l'honnête homme. J'ai indiqué (voyez les pages précéd.) en peu de mots les causes de leurs funestes effets, sans prétendre néanmoins en épuiser la série ; je n'ai même envisagé les richesses que relativement à leur influence sur les moeurs de quelques particuliers ; mais si mesurant avec précision la plus grande quantité d'action des richesses sur ces mêmes individus, considérés comme constituant un corps politique, je voulois entrer dans de plus grands détails, & fouiller dans l'histoire des peuples qui ont fait le plus de bruit dans le monde, & qui s'y sont le plus distingués à toutes sortes d'égards, je ferois voir que la corruption des moeurs, & tous les désordres qui la suivent, ont toujours été les effets inévitables & immédiats de l'amour des richesses, & du desir insatiable d'en acquérir ; je n'en donnerai pour exemple que les Lacédémoniens, un des peuples de la terre qui eut sans doute la meilleure police, les plus belles & les plus sages institutions, & celui chez lequel la vertu fut le plus en honneur, & produisit de plus grandes choses, tant qu'il conserva les loix de son sublime législateur ; mais laissons parler Plutarque. " Après que l'amour de l'or & de l'argent se fut glissé dans la ville de Sparte, qu'avec la possession des richesses se trouverent l'avarice & la chicheté, & qu'avec la jouissance s'introduisirent le luxe, la mollesse, la dépense & la volupté, Sparte se vit d'abord déchue de la plûpart des grandes & belles prééminences qui la distinguoient, & se trouva indignement ravalée & réduite dans un état d'humiliation & de bassesse, qui dura jusqu'au tems du regne d'Agis & de Léonidas ". Plutarque, vie d'Agis & de Cléomene. Voyez le grec, p. 796. C. & 797. C. tom. I. édit. Paris 1624.

Il dit un peu plus bas que la discipline & les affaires des Lacédémoniens avoit commencé à être malades & à se corrompre, depuis le moment qu'après avoir ruiné le gouvernement d'Athènes, ils eurent commencé à se remplir d'or & d'argent.

J'ai suivi au-reste la version de Dacier, dont la note mérite d'être citée ; elle porte sur ces paroles du premier passage : Sparte se vit d'abord déchue, &c. " Cela est inévitable, dit Dacier, dès qu'un état devient riche, il déchoit de sa grandeur ; c'est une vérité prouvée par mille exemples, & une des plus grandes preuves, c'est ce qui est arrivé à l'empire romain : la vertu & la richesse font la balance ; quand l'une baisse, l'autre hausse ". Mais elle est moins d'un littérateur que d'un philosophe, & il seroit à souhaiter qu'on en pût dire autant de toutes celles que cet auteur a jointes à ses traductions.

Finissons par un beau passage de Salluste, qui confirme pleinement le sentiment de Plutarque & de son interprete. Igitur provideas oportet, dit-il à César, uti plebes, largitionibus & publico frumento, corrupta habeat negocia sua, quibus ab malo publico detineatur : juventus probitati & industriae, non sumptibus, neque divitiis studeat. Id eveniet, si PECUNIAE QUAE MAXIMA OMNIUM PERNICIES EST, usum atque decus dempseris. Nam saepe ego cum animo meo reputans, quibus quisque rebus clarissimi viri magnitudinem invenissent ; quae res populos, nationesve magnis auctoribus auxissent ; ac deinde quibus causis amplissima regna, & imperia corruissent : eadem semper bona atque mala reperiebam omnesque victores, N. B. DIVITIAS CONTEMNISSE, ET VICTOS CUPIVISSE. Sallust. ad Caesar. de repub. ordinandâ, orat. j.

Doit-on s'étonner après cela qu'Anaxagore & Démocrite, qui avoient devant les yeux les terribles révolutions, & la corruption extrême que la soif des richesses avoit produite dans les moeurs de leurs concitoyens, & des autres peuples de la Grece, qui d'ailleurs ne pouvoient pas ignorer que le gouvernement des uns & des autres avoit reçu par l'action de cette cause, des secousses si violentes, que la constitution en avoit été plus d'une fois non-seulement altérée, mais changée ; doit-on, dis-je, s'étonner que ces philosophes, qui co-existoient, pour ainsi-dire, avec ces tristes évenemens, aient pris le sage parti d'abandonner leurs pays & leurs biens, pour se livrer tout entier à l'agrément divin, qui est attaché à la recherche & à la découverte de la vérité ? n'a-t-on pas plutôt lieu d'être surpris & indigné que, dans un siecle comme le nôtre, où l'esprit philosophique a fait tant de progrès, il se soit trouvé un auteur, d'ailleurs estimable, assez aveuglé par des préjugés superstitieux, & en même tems assez injuste, pour attribuer sans aucunes preuves, à des motifs vicieux & repréhensibles, un desintéressement aussi louable, aussi rare, & qui a mérité les éloges & l'admiration des Platon, des Plutarque, des Cicéron, en un mot de tous les philosophes qui ont le plus honoré leur siecle & l'humanité ? L'illustre Bayle a eu plus d'équité & de bonne foi que le savant moderne dont je parle.

" Avant, dit-il, que l'Evangile eût appris aux hommes qu'il faut renoncer au monde & à ses richesses, si l'on veut marcher bien vîte dans le chemin de la perfection, il y avoit des philosophes qui avoient compris cela, & qui s'étoient défaits de leurs biens afin de vaquer plus librement à l'étude de la sagesse & à la recherche de la vérité : ils avoient cru que les soins d'une famille & d'un héritage étoient des entraves qui empêchoient de s'avancer vers le but qui est le plus digne de notre amour ; Anaxagore & Démocrite furent de ce nombre ". Bayle, Diction. histor. & crit. voc. Anaxagore, tit. A.

Voilà le langage de la raison, de la philosophie & de la vérité ; mais dans la remarque (p) de Barbeyrac

(p) La voici : " Comme M. Bayle, dit-il, semble ici, selon sa coutume, attribuer à l'Evangile des idées outrées de morale, il loue aussi un peu trop la conduite de ces anciens philosophes, où il y avoit plus d'ostentation & de desintéressement mal entendu que de véritable sagesse ; puisqu'on peut faire un bon usage des richesses, & qu'il n'est nullement nécessaire de s'en dépouiller entierement pour s'attacher à l'étude de la vérité & de la vertu ".

Faisons quelques réflexions sur ce passage. 1. Je n'examine point ici si Bayle attribue quelquefois à l'Evangile des idées outrées de morale, ce n'est pas ce dont il est question maintenant ; je dis que du-moins ici l'imputation ne pouvoit être plus mal fondée ; car il est évident que le raisonnement de Bayle, bien examiné, se réduit à ceci : avant que l'Evangile eut donné aux hommes certains préceptes hypothétiques & conditionnels sur l'usage qu'il faut faire des richesses, il y avoit eu des philosophes qui étoient entrés dans les vues des Apôtres, & qui avoient pratiqué leurs maximes. Or il n'y a pas un seul mot dans cette proposition qui puisse donner lieu de soupçonner ce que Barbeyrac insinue malignement, & je ne vois pas ce que cet habile homme à pu y trouver de repréhensible.

A l'égard du second point sur lequel s'arrête sa critique, quoiqu'elle soit en apparence plus solide, & plus capable d'éblouir ceux qui n'approfondissent rien, elle n'est pas au fond moins fausse, ni moins sophistique.

Si l'on en croit cet auteur, " il y avoit dans la conduite de ces anciens philosophes plus d'ostentation & de desintéressement mal entendu que de véritable sagesse ". Plus d'ostentation ; qu'en sait-il ? & sur quoi fonde-t il une assertion aussi téméraire, aussi contraire à la charité évangélique, & aussi injurieuse à la mémoire de ces grands hommes ? A-t-il lu dans leur ame les motifs qui les ont déterminés à agir ? Ne pouvoient-ils pas être bons & honnêtes ? & qu'elle preuve a-t-il, & peut-il donner qu'ils ne l'étoient pas ? " L'équité, dit très-judicieusement Bayle, veut que l'on juge de son prochain sur ce qu'il fait & sur ce qu'il dit, & non pas sur les intentions cachées que l'on s'imagine qu'il a. Il faut laisser à Dieu le jugement de ce qui se passe dans les abysmes du coeur. Dieu seul est le scrutateur des reins & des coeurs ". Dict. crit. art. Epicure, rem. g.

Il me suffit ici de donner à Barbeyrac cette grande & utile leçon dont il reconnoît ailleurs l'excellence. Si on veut le voir s'enferrer de sa propre épée, & prononcer lui-même sa condamnation en termes clairs & formels, on peut lire un passage de son traité du jeu, tome I. p. 76. & suiv. trop long pour pouvoir être inséré ici. Outre qu'il renferme une morale saine & pure, & qu'on ne sauroit rappeller trop souvent aux hommes à cause de l'importance & de l'utilité dont elle est dans le cours de la vie ; il est d'autant plus remarquable que, sans le savoir, ou du moins sans paroître le faire à dessein, Barbeyrac s'y réfute lui-même avec autant de force, d'exactitude & de précision, qu'auroit pû le faire le censeur le plus sévere, le plus éclairé, le plus éloquent, & en même tems le plus doué de cette sagacité si rare qui fait découvrir d'un coup d'oeil le fort & le foible d'un système ou d'une proposition. C'est à ceux qui voudront lire ce passage avec attention à juger si, d'après les principes que cet auteur y établit touchant les jugemens qu'il faut porter des actions du prochain, il étoit en droit d'en conclure aussi affirmativement, qu'en se dépouillant de leurs biens, Anaxagore & Démocrite n'avoient agi que par ostentation.

Mais en voilà assez sur cette matiere : examinons la suite du raisonnement de ce fier censeur, & faisons voir au lecteur impartial, qu'il n'est pas meilleur logicien que juge équitable.

Il assure qu'il y avoit dans la conduite de ces anciens philosophes plus d'ostentation & de desintéressement mal entendu que de véritable sagesse. Certes l'accusation est assez grave pour devoir être prouvée avec cette évidence qui ne laisse aucune espece de doute dans l'esprit du lecteur. Voyons donc si la preuve qu'il en donne est de nature à produire ce degré de conviction. C'est, dit-il, qu'on peut faire un bon usage des richesses : pour faire sentir tout le ridicule & la fausseté de cette logique, il ne faut que retourner l'argument en cette forme : puisqu'on peut faire un bon usage des richesses, & qu'il n'est nullement nécessaire de s'en dépouiller pour... &c. donc il y avoit plus d'ostentation & de desintéressement mal entendu que de véritable sagesse dans la conduite d'Anaxagore & de Démocrite. Or je demande s'il est possible de faire un raisonnement plus absurde & plus diamétralement opposé au bon sens le plus simple. N'est-il pas évident que quoiqu'il soit possible d'user sagement & modérement des biens de la fortune, on peut cependant s'en dépouiller entierement, sans que pour cela il y ait dans cette conduite plus d'ostentation & de desintéressement mal entendu, que de véritable sagesse ; car on peut avoir de fortes raisons d'en agir ainsi, & ces motifs par lesquels on se détermine à se rendre à ces raisons peuvent être très louables. C'est ce que j'ai prouvé, ce me semble, invinciblement dans le cours de cet article. Voyez pages premieres, &c.

sur ce passage, on ne trouve que des sophismes, de la superstition, & une envie demésurée & peu refléchie de chercher une cause chimérique à la perfection de la Morale, & le mérite des oeuvres : espece de fanatisme mal entendu, & qui a souvent fait illusion à cet auteur, ainsi qu'à plusieurs autres. Ils n'ont pas vu que la loi & les prophetes se réduisant, comme notre législateur divin en convient lui-même, à la pratique de cette maxime sublime & fondamentale de la religion naturelle, & de la morale payenne, tout ce que vous voulez que l'on vous fasse, faites-le aussi aux autres. Il s'ensuit qu'on peut, en suivant cette regle invariable des actions humaines ; s'acquiter de ses principaux devoirs (q), tant à l'égard de son être considéré individuellement, qu'envisagé dans ses relations externes, sans qu'il soit besoin pour cela, d'un secours étranger à la nature qui, loin d'être éternel & universel (comme beaucoup de gens prétendent qu'il devroit être, s'il étoit réel), est au contraire très-récent, & à peine avoué de la plus petite partie du monde, encore divisée en une infinité de sectes différentes qui s'anathématisent réciproquement.

Je passe vîte à une autre observation non moins importante, c'est que les peres de l'Eglise, les plus célebres commentateurs de l'Ecriture, & les plus grands critiques ont reconnu comme une vérité constante, que l'Evangile n'avoit rien ajouté à la morale des Payens. Le savant le Clerc, qui avoit fait toute sa vie sa principale occupation de l'étude des Ecritures, & du génie des langues dans lesquelles elles nous ont été transmises, & qui joignoit à une érudition aussi immense que variée, une profonde connoissance des regles de la critique, ce guide si utile & si nécessaire dans la recherche de la vérité, le Clerc, dis-je, confirme pleinement ce sentiment ; & son autorité sur un point de cette importance, est d'un très-grand poids.

" Dans le fonds, dit-il, la morale chrétienne ne differe principalement de la morale payenne, que par l'espérance assurée d'une (r) autre vie, sur

(q) Si je ne parle pas ici du premier commandement de la premiere table, ni de celui que notre sage législateur appelle avec raison, le premier & le plus grand de tous les commandemens, ce n'est pas que je ne les regarde tous deux comme très essentiels. Mais si l'on veut y réfléchir mûrement, & les examiner en philosophe, on avouera, si je ne me trompe, que l'admission de l'un, & l'observation de l'autre, ne paroissent pas être d'une utilité & d'une nécessité si absolue, ni avoir sur les moeurs des hommes & sur leur conduite en général une influence aussi grande, aussi immédiate & aussi continuelle que la pratique habituelle de celui-ci : vous aimerez votre prochain comme vous même ; c'est-à-dire, vous ne ferez point aux autres ce que vous ne voudriez pas qui vous fût fait si vous étiez en leur place. En effet, il n'y a pas un seul instant dans la vie où ce précepte ne puisse être un guide sûr. C'est la regle universelle selon laquelle chacun de nous doit ordonner sa vie & ses moeurs : en un mot, cette maxime est une vérité palpable, & dont tous les hommes peuvent s'assurer sans peine. Mais il n'en est pas de même des deux autres commandemens ; pour se convaincre de la certitude des principes sur lesquels ils sont fondés, & en déduire comme conséquences nécessaires les préceptes qui en dépendent, & l'obligation de les mettre en pratique, il faut rassembler plus de faits, comparer plus d'idées, employer une suite de raisonnemens plus subtils, plus abstraits, plus métaphysiques, moins à la portée de tous les esprits, & dont les rapports, la connexion & l'évidence ne peuvent s'appercevoir que difficilement, & après un long examen : en un mot il faut des connoissances philosophiques beaucoup plus étendues qu'il n'est besoin d'en avoir pour comprendre combien est vraie & utile cette maxime que le Christ appelle la loi & les prophetes.

Enfin comme le dit très-judicieusement l'illustre Montesquieu ; " Cette loi qui en imprimant dans nous mêmes l'idée d'un créateur, nous porte vers lui, est la premiere des loix naturelles par son importance, & non pas dans l'ordre de ces loix. L'homme dans l'état de nature, auroit plutôt la faculté de connoître, qu'il n'auroit des connoissances. Il est clair que ses premieres idées ne seroient point des idées spéculatives ; il songeroit à la conservation de son être avant de chercher l'origine de son être ". De l'esprit des loix, liv. I. ch. ij.

(r) Les anciens philosophes grecs & latins donnérent également à leur morale cette sanction. C'est un fait qui n'a pas besoin de preuves ; mais ce qui les différencie à cet égard des Chrétiens, c'est qu'ils ne croyoient point intérieurement l'immortalité de l'ame, ni un état futur de récompenses & de peines. Ils enseignoient cependant continuellement au peuple dans leurs écrits & dans leurs discours, ces dogmes, mais en particulier ils philosophoient sur d'autres principes.

laquelle elle est fondée. Du reste, les devoirs n'en sont pas fort différens, ET L'ON NE SAUROIT PRODUIRE AUCUN DEVOIR DES CHRETIENS, QUI N'AIT ETE APPROUVE PAR QUELQUE PHILOSOPHE ". Bibliot. choisie, tom. XXII. p. 457.

Ce qu'il dit dans la page 444 est encore plus formel : le voici. " IL N'Y A AUCUNE VERTU, QUI NE SE TROUVE ETABLIE DANS LES ECRITS DES DISCIPLES DE SOCRATE, QUI NOUS ONT CONSERVE SA DOCTRINE, NI AUCUN VICE QUI N'Y SOIT CONDAMNE ".

Un autre auteur non moins illustre, & qui étoit aussi un grand juge dans ces sortes de matieres, parce qu'il avoit étudié la théologie payenne, non en homme simplement curieux & érudit, mais en philosophe, donne une idée aussi favorable de la morale payenne.

" Si les payens, dit-il, n'ont point (s) pratiqué la véritable vertu, ils l'ont du-moins bien connue, car ils ont loué ceux qui en faisant une belle action, ne se proposent pour récompense ni un intérêt pécuniaire, ni l'approbation publique, & ils ont méprisé ceux qui ont pour but dans l'exercice de la vertu, la réputation, la gloire & l'applaudissement de leur prochain (t) ".

A l'égard des PP. de l'Eglise, j'en pourrois citer plusieurs, tels que Justin martyr, S. Clément d'Alexandrie, Lactance & S. Augustin, qui n'ont fait nulle difficulté de mettre en parallele la morale des payens avec celle du Christianisme. Ils soutiennent que celui qui voudroit rassembler en forme de système, tout ce que les Philosophes ont dit conformément aux lumieres de la nature, pourroit s'assurer de connoître la vérité.

" Il est aisé de faire voir, dit expressément Lactance, que la vérité toute entiere a été partagée entre les différentes sectes des philosophes, & que s'il se trouvoit quelqu'un qui ramassât les vérités répandues parmi toutes ces sectes, & n'en fît qu'un seul corps de doctrine, certainement il ne différeroit en rien des sentimens des Chrétiens ". Docemus nullam sectam fuisse tam deviam, nec philosophorum quenquam tam inanem, qui non viderit aliquid ex vero.... Quod si extitisset aliquis qui veritatem sparsam per singulos, per sectasque diffusam colligeret in unum, ac redigeret in corpus, IS PROFECTO NON DISSENTIRET A NOBIS.

Lactant. Inst. divin. lib. VII. cap. vij. num. 4. édit. Cellar. Conféren. Justin martyr, Apolog. j. pag. 34. édit. Oxon. Clément d'Alexandrie, Stromat. lib. I. pag. 288, 299. édit. Sylburg. Colon. 1688. Et S. Augustin, de verâ relig. cap. iv. §. 7. pag. 559. tom. I. édit. Antverp. epist. ad Dioscor. §. 21. pag. 255. tom. II. Voyez aussi epist. lvj. 202. & confess. lib. VII. c. ix. & lib. VIII. c. ij.

Il ne faut pas croire, au reste, que le nouveau Testament ait lui-même recueilli tous ces divers rameaux de l'arbre moral. Il suffit de le lire avec attention pour se convaincre du contraire. " En effet, comme le remarque très-bien Barbeyrac, les écrivains sacrés ne nous ont pas laissé un système méthodique de la science des moeurs : ils ne définissent pas exactement toutes les vertus : ils n'entrent presque jamais dans aucun détail : ils ne font que donner dans les occasions, des maximes générales, dont il faut tirer bien des conséquences pour les appliquer à l'état de chacun, & aux cas particuliers. En un mot, on voit clairement qu'ils ont eu plus en vûe de suppléer ce qui (u) manquoit aux idées de morale reçues parmi les hommes, ou d'en retrancher ce que de mauvaises coutumes avoient introduit & autorisé contre les lumieres mêmes de la nature, que de proposer une morale complete ". (x)

Je finis ici cette digression dans laquelle je ne me suis jetté que malgré moi, & dans la crainte que la critique & l'autorité de Barbeyrac n'en imposassent à quelques lecteurs ; inconvénient que j'ai voulu parer. Je n'ose, au reste, me flatter d'avoir toujours saisi le vrai dans l'examen que j'ai fait des différentes questions qui font le sujet de cet article ; ce que je puis assurer, c'est que j'ai du-moins cherché la vérité de bonne foi & sans préjugés : c'est au lecteur à décider si j'ai réussi. Je ne voulois que le mettre en état de choisir entre les richesses & la pauvreté, c'est-à-dire entre le vice & la vertu ; & il me semble qu'il a présentement devant les yeux les pieces instructives du procès, & qu'il peut juger. Pour moi qui y ai vraisemblablement refléchi plus que lui, je crois, tout bien examiné, devoir m'en tenir à la sage & judicieuse décision de Séneque. Angustanda certè sunt patrimonia, dit ce philosophe, ut minus ad injurias fortunae simus expositi. Habiliora sunt corpora in bello, quae in arma sua contrahi possunt, quam quae superfunduntur, & undique magnitudo sua vulneribus objecit. OPTIMUS PECUNIAE MODUS EST, QUI NEC IN PAUPERTATEM CADIT, NEC PROCUL A PAUPERTATE DISCEDIT. De tranquil. animi, cap. viij. circa fin.

En un mot, c'est le bagage de la vertu. Il peut être nécessaire jusqu'à un certain point ; mais il retarde plus ou moins la marche. Il y a sans doute des moyens légitimes d'acquerir, mais il y en a peu de bons. L'honnête épargne est entre les meilleurs, mais elle a ses défauts. Quelle sollicitude n'exige-t-elle pas ? Est-ce bien là l'emploi du tems d'un homme destiné aux grandes choses ? L'agriculture est une voie de s'enrichir très-légitime ; c'est, pour ainsi dire, la bénédiction de notre bonne mere nature : mais qui est-ce qui a le courage de marcher sur la trace du boeuf, & de chercher laborieusement l'or dans un sillon ? Les profits des métiers sont honnêtes. Ils découlent principalement de l'industrie, de la diligence, & d'une bonne foi reconnue. Mais où sont les commerçans qui ne doivent la fortune qu'à ces seules qualités ? Les gains exorbitans de la finance ne sont que le plus pur sang des peuples exprimé par la vexation. On ne nie pas que l'opulence qui naît de la munificence

(s) On sent que cela ne peut s'entendre que des payens en général, qui certainement n'étoient pas tous des Aristide, des Socrate, des Regulus, des Caton, des Marc Aurele & des Julien, non plus que les Chrétiens ne sont pas tous des saints.

(t) Bayle, dictionn. hist. & crit. rem. h. de l'art. Amphiaraus. Il faudroit remplir des pages entieres de citations, si l'on vouloit rapporter tous les passages des anciens, où ils ont enseigné cette morale.

(u) Ceci ne peut s'entendre que d'un petit nombre de préceptes moraux peu importans, qui supposent la qualité de chrétien considéré précisément comme tel ; car d'ailleurs, l'identité absolue qui se trouve entre la morale de l'Evangile & celle des philosophes payens en général, peut se prouver avec autant d'exactitude & d'evidence, qu'il y en a dans les démonstrations les plus rigoureuses des Géometres. Je dis l'identité pour me conformer aux idées les plus généralement reçues ; mais je n'ignore pas qu'il y a eu de tout tems de très-grands philosophes qui ont fait infiniment plus de cas des oeuvres de Platon, d'Aristote, de Xénophon, de Séneque, de Plutarque, des offices de Ciceron, du manuel d'Epictete, & des réflexions morales de l'empereur Marc Antonin, que de tous les livres rabbiniques qui composent aujourd'hui le canon des Ecritures. Comme c'est ici une affaire de goût & de sentiment, chacun est libre d'en juger comme il lui plaira, sans que qui que ce soit puisse être en droit de le trouver mauvais.

(x) Traité du jeu, liv. I. chap. iij. §. 2. pag. 42, 43, tom. I. édit. Amst. 1737. On peut conférer ce passage & ce qui le précede, avec ce que dit le Clerc dans la vie de Clément d'Alexandrie (Bibliot. univ. tom. X. pag. 212, 213.), & l'on verra que Barbeyrac ne fait ici que copier les pensées du savant journaliste, & qu'il les exprime même le plus souvent dans les mêmes termes. Il me semble qu'il y auroit eu plus de bonne foi à en avertir.

des rois n'apporte avec elle une sorte de dignité. Mais combien n'est-elle pas vile, si elle n'a été que la récompense de l'artifice & de la flatterie ? Qu'on convienne donc qu'il est un très-petit nombre d'hommes qui sachent acquérir la richesse sans bassesse & sans injustice ; un beaucoup plus petit nombre à qui il soit permis d'en jouir sans remords & sans crainte, & presqu'aucun assez fort pour la perdre sans douleur. Elle ne fait donc communément que des méchans & des esclaves. Cet article est de M. NAIGEON.

RICHESSE, (Iconol.) elle est représentée magnifiquement vêtue, couverte de pierreries, & tenant en sa main la corne d'abondance. (D.J.)


RICINS. m. (Hist. nat. Botan.) ricinus, genre de plante dont la fleur n'a point de pétales ; elle consiste en plusieurs étamines qui sortent d'un calice, & elle est stérile. Les embrions naissent sur la même plante que les fleurs, mais séparément ; ils deviennent dans la suite un fruit à trois angles, composé de trois capsules, qui tiennent à un axe, & qui renferment une semence couverte d'une enveloppe fort dure. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

RICIN, (Botan. exot.) petite amande cathartique, soit des Indes orientales, soit du Nouveau-monde. On trouve dans les boutiques de droguistes & d'apoticaires plusieurs sortes d'amandes purgatives sous le nom de ricin ; mais il y en a quatre principales en usage ; savoir, 1°. celle que l'on nomme la graine de ricin ; 2°. la noix des Barbades, autrement dite la fêve purgative des Indes occidentales ; 3°. l'aveline purgative du Nouveau-monde ; 4°. les grains de tilly, ou pignons d'Inde.

Je vais parler avec exactitude de tous ces fruits, & des arbres qui les produisent ; 1°. parce qu'il importe de connoître les remedes violens, afin de s'en abstenir, ou de ne les employer qu'avec beaucoup de lumieres ; 2°. parce qu'il regne une grande confusion dans les auteurs sur ce qui concerne ceux-ci ; 3°. parce que les livres de voyages ont encore augmenté la confusion, les erreurs, & les bévues.

De la noix purgative nommée graine de ricin. La premiere noix purgative s'appelle graine de ricin, ricini vulgaris nucleus, cataputia major, & par Diosc. c'est une graine oblongue, de la figure d'un oeuf, convexe d'un côté, applatie de l'autre, avec un chapiteau sur le sommet. Elle cache sous une coque mince, lisse, rayée de noir & de blanc, une chair médullaire, ferme, semblable à une amande blanche, grasse, douçâtre, âcre, & qui excite des nausées ; le fruit est triangulaire, à trois loges, & contient trois graines.

La plante qui porte ce fruit s'appelle ricinus vulgaris, C. B. P. 433. J. B. 3. 642. Raii, Hist. I. 166. Tourn. I. R. H. 532. Boerh. Ind. A. 2. 253. ricinus major, Hort. Eystet. cataputia major. Park. Th. 182. Nhambu guacu Pis. 180. Avanacu, Hort. mal. 2. 57. mirasole par les Italiens, en françois le grand ricin, ou le ricin ordinaire, en anglois the common palma christi.

Sa tige est ferme, genouillée, creuse, haute de quatre coudées, & même davantage, branchue à sa partie supérieure ; ses feuilles sont semblables à celles du figuier, mais plus grandes, digitées, dentelées, lisses, molles, d'un verd foncé, garnies de nervures, & soutenues par de longues queues.

Les fleurs sont en grappes, portées sur une tige particuliere à l'extrêmité des branches, arrangées sur un long épi ; elles sont composées de plusieurs étamines, courtes, blanchâtres, qui sortent d'un calice partagé en cinq quartiers, de couleur verte-blanche. Elles sont stériles, car les embrions des fruits naissent avec elles ; ils sont arrondis, verds, ornés de crêtes d'un rouge de vermillon, & se changent en des fruits dont les pédicules ont un pouce de longueur.

Ces fruits sont triangulaires, noirâtres, garnis d'épines molles ; ils ont la grosseur d'une aveline, & sont composés de trois capsules qui contiennent de petites noix ovalaires, un peu applaties, & ombiliquées à leur sommet. Elles sont couvertes d'une coque mince, noire ou brune, & remplies en-dedans d'une substance médullaire, blanche, solide, semblable à celle de l'amande, d'une saveur douçâtre, âcre, & qui cause des nausées ; cette plante est commune en Egypte, & en différens pays des Indes orientales & occidentales.

Ses fruits abondent en partie d'une huile douce, tempérée, & d'une certaine portion d'huile plus tenue, très-âcre, & si caustique, qu'elle brûle la gorge ; c'est de cette derniere huile que dépend leur vertu purgative.

Si l'on pile, & si l'on avale trente grains de ricin, dépouillés de leur écorce, ils purgent, selon Dioscoride, la bile, la pituite, les sérosités, & ils excitent le vomissement ; mais cette sorte de purgation est fort laborieuse, par le bouleversement qu'elle cause dans l'estomac. Mesué déclare qu'il n'en faut donner que dix ou tout au plus quinze grains, dans du petit-lait pour la sciatique ou l'hydropisie. Les habitans du Brésil, selon le témoignage de Pison, croient qu'il y a du danger d'en prendre plus de sept grains en substance, mais ils en prescrivent jusqu'à vingt grains en émulsion dans six onces d'eau commune ; cependant ils l'employent très-rarement à cause de ses effets dangereux. Pierre Castelli raconte, dans ses lettres de médecine, qu'un jeune homme attaqué d'une grande douleur de tête, en avala la moitié d'une graine, qui lui causa l'inflammation de l'estomac, la fievre, la syncope, les convulsions, & la mort.

On émousse la qualité de ce fruit en le faisant rotir & griller. Pison propose la teinture de graine de ricin tirée avec l'esprit-de-vin ; mais on ne peut se fier à tous ces correctifs, & le plus prudent est de regarder cette amande comme un poison.

Les anciens tiroient une huile des graines du ricin, soit par expression, soit par décoction, qu'ils appelloient , huile de ricin ; c'est un bon digestif, dit Galien, parce que ses parties sont plus subtiles que celles de l'huile commune. Les habitans du Brésil en font usage extérieurement pour les ulceres, les apostumes, la gale, & autres maladies de la peau. Dioscoride prétend que cette huile prise intérieurement, purge les eaux par les selles, & chasse les vers hors du corps ; cependant le docteur Stubbs, dans les Transact. philosoph. n °. 36. assure que cette huile n'a point de vertu purgative.

De la seconde noix purgative, dite noix des Barbades. La seconde noix cathartique, est l'amande du grand ricin d'Amérique, ou plutôt du ricinoïde ; cette amande se nomme faba purgatrix Indiae occiduae, nux Barbados Anglorum. Raii hist. Pinhones indici, cod. med. 97. Quauhay-ohnatli, seu avellana cathartica ; Hern. 85. en françois, noix du ricinoïde, ou noix des Barbades ; en anglois, the american physick-nut.

C'est une graine oblongue, ovoïde, de la grosseur d'une petite feve, convexe d'un côté, applatie de l'autre, cachant sous une écorce mince, noire, un peu dure, un noyau blanc, oléagineux, d'un goût douçâtre, âcre, & qui cause des nausées.

La plante est un ricinoïde dont voici les caracteres. Les fleurs mâles consistent en plusieurs feuilles, placées circulairement, & arrangées en forme de roses ; celles-là sont stériles. A quelque distance des fleurs, sur la même plante, naissent des embrions, enveloppés dans un godet, qui dans la suite deviennent un fruit tricapsulaire, contenant une graine oblongue dans chaque cellule.

Miller compte quatre especes de ricinoïde ; la principale est nommée ricinoïdes americana, folio gossypii. Tournefort, I. R. H. 656. Boerh. Ind. alt. 653. ricinus americanus major, semine nigro, C. B. p. 432. Mauduy-guacu Brasiliens. marg. 96. Pison 179 ; en françois le ricinoïde, le grand ricin d'Amérique, ou le médecinier de l'Amérique.

Cette plante touffue croît à la hauteur d'un arbre médiocre ; son bois est plein de moëlle, cassant, rempli d'un suc laiteux & âcre ; ses branches sont nombreuses, chargées de feuilles, placées sans ordre, semblables à celles du cotonnier, lisses, luisantes, & d'un verd-brun. Près de l'extrêmité des branches il s'éleve des tiges inégales, longues quelquefois d'un demi-pié, qui portent un grand nombre de petites fleurs d'un verd-blanchâtre, disposées en parasol, composées de cinq pétales en rose, roulées en-dehors, placées dans un calice de plusieurs petites feuilles, & remplies de courtes étamines blanchâtres.

Ces fleurs sont stériles, car les embryons des fruits naissent entr'elles. Ils sont enveloppés dans un calice, & ils se changent en des fruits de la grosseur & de la figure d'une noix encore verte, longs d'un peu plus d'un pouce, en maniere de poire, pointus aux deux bouts, attachés trois ou quatre ensemble, d'un verd foncé lorsqu'ils sont tendres, & ensuite noirs, sans épines, à trois loges qui s'ouvrent d'elles-mêmes ; chacune contient une graine ovalaire, convexe d'un côté, applatie de l'autre, couverte d'une coque noire, mince, contenant une substance médullaire, blanche, tendre, & douçâtre.

La petite amande de ce ricinoïde a une vertu surprenante de purger par haut & par bas ; elle agit plus violemment que le ricin ordinaire ; desorte que trois ou quatre grains bouleversent l'estomac avec tant de violence, qu'elles réduisent quelquefois le malade à deux doigts de la mort ; cependant Pison propose, dans les vieilles obstructions des visceres, d'en hazarder quelques-unes dépouillées de leurs pellicules, torréfiées légerement, & macérées dans du vin, en y ajoutant des correctifs aromatiques, mais en même tems il conseille de ne donner ce remede qu'avec de grandes précautions : il est plus court de ne le point donner du-tout.

Les Brésiliens & les Américains tirent des graines une huile fort utile pour les lampes ; on la recommande aussi pour résoudre les tumeurs, dissiper l'hydropisie anasarque, faciliter le mouvement des nerfs, amollir le ventre des enfans, en chasser les vers, guérir les ulceres de la tête, la gratelle, & autres vices de la peau, en en faisant des onctions ; mais nous avons des remedes externes beaucoup plus sûrs à employer dans tous ces divers cas.

Le médecinier d'Amérique vient de bouture plus vîte & mieux que de graine ; on le plante en haie à la Jamaïque & aux Barbades où il est très-commun ; sa grandeur ordinaire est de quinze à vingt piés. Le bois est blanc, spongieux, & assez tendre, quand il est jeune. Il se durcit à mesure qu'il grossit. En vieillissant sa moëlle diminue, & laisse un vuide dans le centre ; son écorce qui au commencement étoit tendre, lisse, adhérente, & d'un verd pâle, devient blanchâtre, raboteuse, & crevacée. Il sort de l'écorce & du bois, lorsqu'on le coupe, aussi-bien que des feuilles, quand on les arrache, un suc de mauvaise odeur, âcre, laiteux, qui fait une tache fort vilaine sur le linge & sur les étoffes, & qu'il est difficile d'effacer.

Cet arbre, dans sa médiocre grosseur, ne laisse pas de pousser quantité de branches qui s'entrelacent facilement, & auxquelles il est aisé de donner tel pli que l'on desire, ce qui convient pour faire des lisieres capables d'arrêter les bestiaux dans les lieux qu'on veut conserver, & propres à diminuer l'impétuosité des vents.

De la troisieme noix purgative, dite aveline purgative du Nouveau-monde. La troisieme noix purgative, est une graine que l'on nous apporte d'Amérique, différente de celle des deux especes de ricins dont nous venons de parler, elle s'appelle avellana purgatrix novi orbis, en françois fruit du médecinier de la nouvelle Espagne, en anglois the spanish-physick-nut. Cette graine est de la grosseur d'une aveline arrondie, couverte d'une coque mince, pâle & brune : sa substance médullaire est ferme, blanche, douçâtre, d'un goût qui n'est pas différent de celui de la noisette.

La plante s'appelle médecinier de la nouvelle Espagne, en anglois the American-tree physick-nut, with a multifid leaf, en botanique ricinoïdes arbor americana folio multifido, I. R. H. 656. Boerh. Ind. A. 253. ricinus americanus, tenuiter diviso folio, Breyn. cent. 1. 116. Raii, hist. 1. 167.

Cette plante, dit le pere Plumier, a comme les autres arbres un tronc, & des branches, quoiqu'elles ne soient pas fort considérables ; son tronc est environ de la grosseur du bras, & haut tout-au-plus de trois ou quatre piés. Il est tendre, couvert d'une écorce cendrée à réseau, marqué de taches aux endroits d'où les feuilles sont tombées. Vers l'extrêmité des branches sont des feuilles au nombre de six, ou de douze, qui se répandent de tous côtés, soutenues sur de longues queues, partagées en plusieurs lanieres, découpées, grandes quelquefois d'un pié, d'un verd blanchâtre en-dessous, & d'un verd plus foncé en-dessus. Près de l'origine des queues sont attachées d'autres petites feuilles dentelées fort menues, qui semblent hérisser l'extrêmité des rameaux ; de-là s'éleve une longue tige rouge, qui se partage en d'autres rameaux branchus, lesquels portent chacun une fleur ; il y en a de stériles & de fertiles.

Les fertiles sont plus grandes que les stériles, mais en plus petit nombre. Les unes & les autres sont en rose, composées de cinq pétales, ovalaires, soutenues sur un petit calice, partagé en cinq quartiers. Celles qui sont stériles contiennent des étamines garnies de leurs sommets de couleur d'or ; l'embryon des fleurs fertiles est ovalaire, à trois angles, couronnés de stiles, dont les stigmats en forme de croissant sont de couleur d'or ; cet embryon se change ensuite en un fruit pyriforme presque de la grosseur d'une noix, revêtu d'une écorce tendre, jaune, à trois capsules, qui s'ouvrent d'elles-mêmes, & qui contiennent chacune une graine ronde, de la grosseur d'une aveline ; elle en a le goût, mais il faut s'en donner de garde, car elle purge très-violemment.

Lorsqu'on taille le tronc de cet arbre, ou même lorsqu'on en arrache les feuilles, il en sort une assez grande quantité de suc limpide, jaunâtre, & un peu visqueux. On cultive cette plante dans les îles de l'Amérique soumises au roi d'Espagne.

L'amande de ce fruit ne purge pas moins que les autres especes ; car une seule graine suffit pour produire cet effet. On la prend écrasée dans du bouillon, ou coupée par petites tranches très-minces, ou pilée avec deux amandes douces, & délayée dans de l'eau sous la forme d'émulsion. Nos voyageurs ajoutent, que si l'on fait cuire légérement dix ou douze feuilles de la plante, & qu'on les mange dans du potage, elles purgent sans tranchées & sans dégoût ; mais le plus sûr est de ne se point fier à de tels discours, & de n'employer en médecine, ni les feuilles, ni le fruit de cet arbre.

Il faut pourtant convenir que les especes de ricinoïdes dont nous avons parlé, sont dignes d'avoir place par la beauté de leurs fleurs, dans les jardins des botanistes. Les curieux pourront les élever en semant de leurs graines sur une couche préparée. Quand les plantes auront poussé, on les mettra dans un pot séparé, rempli d'une terre fraîche & légere ; l'on plongera ces pots dans un lit chaud de tan, qu'on observera de mettre à l'abri des injures de l'air jusqu'à ce que les ricinoïdes ayent pris racine, après quoi on leur donnera de l'air & de l'arrosement dans la chaleur de la saison.

Dès que les racines auront acquis de la force, on les transportera dans de plus grands pots remplis de même terre fraîche, que l'on plongera derechef dans un lit chaud de tan, gradué à la chaleur des ananas ; en les arrosant journellement, elles s'éleveront à trois ou quatre piés de haut, jetteront plusieurs branches, & donneront finalement de très-belles fleurs qui seront suivies de fruit. Ceux qui arrivent aux îles de l'Amérique, soit dans les colonies françoises, soit à la Jamaïque & aux Barbades, sont extrêmement satisfaits de la beauté des fleurs que portent les ricinoïdes, & se laisseroient tromper aux fruits qu'ils donnent, si on ne les avertissoit du danger d'en goûter.

De la quatrieme noix purgative, nommée grains de tilli. Voilà les pinei nuclei molucani, & grana tiglia de J. B. I. p. 322. Quanhayohaulti III. seu semina arboris cucurbitinae, nuclei pini formâ purgante, de Hernandez 87.

Les grains de tilli sont des grains oblongs, ovoïdes, de la grosseur & de la figure de l'amande du ricin ordinaire, convexes d'un côté, un peu applaties de l'autre, marquées légerement de quatre angles, composées d'une coque mince, grise, parsemée de taches brunes, renfermant une amande grasse, solide, blanchâtre, d'un goût âcre, brûlant, & qui cause des nausées.

La plante s'appelle ricinus arbor, fructu glabro, grana tiglia dicto, parad. bat. prodr. Cadel. avenacu, Hort. malab. ij. 61. Lignum molucense, pavana dictum, fructu avellanae, J. B. I. 342. Guayapala, seu ricinus arbor indica, caustica, purgans, Herm. mus. Zeyl. 15.

L'arbrisseau qui produit les graines de tilli, a des tiges simples qui naissent sans rameaux latéraux. Les fleurs sont ramassées en long épi au sommet de ces tiges. Il pousse de la tige quelques feuilles longues, ovalaires, pointues, lisses, finement dentelées, tendres, molles, avec une côte, & des nervures saillantes. Vers l'origine de chaque épi, il sort chaque année deux rameaux de même hauteur que la tige.

Les fleurs qui sont à la partie inférieure de l'épi, sont femelles & en grand nombre ; les fleurs mâles sont à la partie supérieure : elles ont huit pétales, seize étamines, sans calice, sans pistil & sans fruit ; les fleurs femelles ont un calice partagé en plusieurs parties, un embryon arrondi, triangulaire, à trois stiles. Cet embryon se change en un fruit qui est une capsule ronde à trois sillons & à trois loges, dont chacune contient une seule graine oblongue, lisse, luisante, cannelée, recourbée d'un côté, applatie de l'autre ; sa coque est mince, & renferme une amande blanche, grasse, huileuse, âcre & brûlante. On cultive cette plante dans le Malabar & dans quelques pays des Indes orientales.

Le bois & les graines sont d'usage en Médecine. Le bois qui s'appelle panava ou pavana, est spongieux, léger, pâle, couvert d'une écorce mince, cendrée, d'un goût âcre, & caustique, d'une odeur qui cause des nausées ; lorsqu'il est encore verd, il purge par haut & par bas, causant à l'anus une excoriation par son âcreté ; mais lorsqu'il est sec, il perd de sa violence, & si on le donne en petite dose, il excite la sueur. Paul Herman le recommande dans plusieurs maladies chroniques. Les graines agissent aussi puissamment que la coloquinte. Leur grande vertu paroît consister en deux petites feuilles qui germent les premieres, & qui sont cachées dans le milieu des graines ; on donne la substance de ces amandes dépouillée de l'écorce extérieure à la dose de trois grains en pilules, à cause de leur acrimonie brûlante. Aussi tâche-t-on d'en corriger la force avec de la réglisse, des amandes douces, du suc de limon, du bouillon gras, & choses semblables, ou bien en les torréfiant sous les cendres ; mais nos droguistes ont rarement des pignons d'Inde, & autres graines de ricins. Les Indiens préparent avec l'huile tirée des graines de tilli, une pommade dont la friction sur le bas-ventre purge les enfans délicats.

On trouve aux Indes orientales & occidentales, d'autres especes de petites noix purgatives outre les quatre dont nous avons parlé ; mais elles sont peu connues. Il est inutile d'avertir qu'il ne faut pas confondre à cause du nom, le pignon d'Inde avec le pignon doux. Ce dernier est une espece de petite amande, qui se trouve dans les pommes de pin ; elle est agréable à manger, & entroit autrefois dans presque tous les ragouts. On la nomme en latin pini nucleus. Voyez PIGNON doux. (Botan.)

Le rikaion de l'Ecriture paroît être le grand ricin. Les plus habiles critiques pensent que le rikayon du prophete Jonas, est le premier ricin que nous avons décrit, le ricinus vulgaris nommé par les Arabes alkerva, par les Africains kerva, & par les Egyptiens kiki ; c'est le sentiment de plusieurs rabbins modernes, celui de Bochart, de Junius, de Piscator, de Mercerus, de Grotius, de Buxtorf, d'Ursinus, de Bremannus, & pour dire plus encore, de Melchior Guillandin, dont l'autorité est d'un grand poids en ces matieres. S. Jérôme moins éclairé en botanique que Guillandin, a traduit le terme hébreu rikaion par un lierre, & les septante par une courge. Voici le passage de Jonas, ch. iv. v. 6 : " l'éternel Dieu fit monter un rikaion au-dessus de Jonas, afin qu'il fît ombre sur sa tête, & qu'il le délivrât de son mal ; mais Dieu prépara un ver qui rongea le rikaion ; il se sécha, & périt. "

S. Augustin, epist. 71, raconte à ce sujet qu'un évêque d'Afrique ayant voulu introduire dans son diocèse la traduction de S. Jérôme, les assistans la rejetterent avec scandale, lorsqu'à la lecture du passage de Jonas, ils ouirent lire un lierre au lieu d'une courge qu'ils avoient toujours entendu lire. Ils consentirent avec peine de s'en rapporter pour l'interprétation du mot, aux juifs qui étoient dans la ville. Ceux-ci, par malice, par ignorance, ou par d'autres motifs, déciderent que le terme hébreu signifioit une courge. Alors l'évêque, pour retenir le peuple dans sa communion, ne se fit point de peine de reconnoître que cet endroit de la traduction de S. Jérôme étoit fautif. Il l'étoit sans-doute, aussi bien que celui de la version des septante ; mais le sage prélat montra beaucoup de bon sens dans sa conduite ; car qu'importe à la religion qu'on traduise rikaion par un lierre ou par une courge ? Et quant aux théologiens, qui loin de savoir sacrifier le petit au grand, anathématisent pieusement les autres hommes qui pensent différemment d'eux, ils me permettront de leur répéter le discours d'un pere de l'Eglise ; credite mihi, levia sunt propter quae non leviter excandescitis, qualia quae pueros in rixam & injuriam concitant. Nihil ex his quae tam tristes agitis, serium, nihil magnum : indè, inquam, vobis ira est, quod exigua magnò estimetis. (D.J.)


RICINA(Géog. anc.) 1°. ville d'Italie, dans le Picenum, & qui ne devint colonie romaine que sous l'empereur Severe. Une ancienne carte citée par Cellarius en fait mention. Pline, p. 137, connoit cette ville sous le nom du peuple Ricinenses. Holsten a trouvé les ruines de Ricina, à deux ou trois milles de Macérata, sur le bord de la riviere Potenza, à la droite.

Une ancienne inscription trouvée près de Macérata, & rapportée par Gruter, donne à cette ville le surnom d'Helvia : colonia helvia conditori suo. Spon, p. 205. n°. 5, nous a conservé une autre inscription où il est aussi parlé de Ricina : patrono coloniae Ricinniae helviae in cujus cur. & os. f. bene merito Ricinnati helviani sua impensa in foro caesar. D. D.

2°. Ricina, ville d'Italie dans la Ligurie, qui, selon Cellarius, est présentement le village Rocco.

3°. Ricina est encore une île que Ptolémée, l. II. c. ij. place sur la côte de l'Hibernie, & qu'il range au nombre des îles Ebudes. Cambden dit que c'est aujourd'hui Racline. (D.J.)


RICINIUMS. m. (Hist. rom.) habillement de femme, espece de mantelet qu'elles portoient dans le deuil.


RICINOCARPODODENDRONS. m. (Botan.) nom d'un genre de plante exotique établie par le docteur Aman, & dont voici les caracteres. La fleur est en rose, formée de trois pétales disposés circulairement, au centre desquels s'éleve un tube large, ouvert, dont le pistil sort du fond du calice. Ce pistil devient finalement un fruit triangulaire partagé intérieurement en trois loges qui contiennent chacune une semence dans une pellicule rude. Les feuilles de cet arbre ressemblent un peu à celles du frêne, étant composées de trois ou quatre paires de petites feuilles réunies le long d'une côte mitoyenne sans dentelure, & finissant en pointe aiguë. Les fleurs naissent aux aîles des feuilles ; elles sont blanches, & disposées en épi lâche. Le fruit qui est d'abord verd, devient ensuite d'un rouge jaune, & finalement de couleur écarlate. Il est de la grosseur d'une noisette, & ressemble par la forme au fruit du ricin. La couverture des semences est noire en-dehors, rouge en-dedans, & chaque semence est divisée en deux lobes. Quand le fruit est mûr, il se rompt, & les graines tombent. Cet arbre est originaire des Indes orientales. Act. Petropol. vol. VIII. p. 214. Le nom de cet arbre est composé de ricinus, ricin, , fruit, & arbre. (D.J.)


RICINOIDESvoyez PIGNON D'INDE.

RICINOÏDE, (Mat. méd.) voyez MEDICINIER.

RICINOÏDES D'AMERIQUE, (Botan. exot.) on l'appelle vulgairement médicinier de la nouvelle Espagne, voyez-en l'article au mot RICIN. (Botan.) (D.J.)


RICINOKARPOSS. m. (Hist. nat. Botan. exot.) genre de plante étrangere dont voici les caracteres. Les fleurs mâles sont disposées en épi, & produites de la maniere suivante. De l'extrêmité d'un petit pédicule tendre & velu, sort un fleuron nud, à trois feuilles, dont les pétales sont pointus & disposés en étoile. Du centre de ce fleuron conique s'élevent neuf étamines, qui soutiennent chacune un sommet. Presque dans le même endroit de la plante, partent des ovaires munis de pédicules plus courts, ronds, velus, triangulaires, tricapsulaires & à trois côtes, de même que le ricin. L'endroit d'où la fleur & l'ovaire tirent leur origine, est entouré d'une espece de calice commun d'où sortent les pédicules des fleurs. Boerhaave compte deux especes de ricinokarpos, l'une africaine, & l'autre américaine. (D.J.)


RICLA(Géog. mod.) bourg, ou pour mieux dire, pauvre village d'Espagne, au royaume d'Aragon, entre Calatayud & Saragosse, sur le Xalon. Ce village est cependant remarquable, parce qu'il est le chef-lieu d'un grand comté érigé par Philippe II. & dont le territoire abonde en blé, vin, huile & fruits. (D.J.)


RICOCHETS. m. (Méch.) on dit qu'un corps fait des ricochets, lorsqu'ayant été jetté obliquement sur la surface de l'eau, il se réfléchit au lieu de la pénétrer, & y retombe ensuite pour se réfléchir de nouveau.

Pour avoir une idée bien claire de la cause du ricochet, représentons nous un cercle CMH, fig. 52. n°. 2. méch. qui passe obliquement d'un fluide moins résistant, comme l'air, dans un fluide plus résistant, comme l'eau ; & supposons d'abord que ce cercle soit sans pesanteur, soit C A la direction du centre dans un tems où le cercle est enfoncé de la quantité Oa, ensorte que E M soit la surface commune qui sépare les deux milieux ; & supposons que cet enfoncement EaM est encore assez petit pour que le point E se trouve sur le quart de cercle AB ; il est clair, 1°. que les arcs AM, AH, aussi-bien que les arcs BE, be, étant égaux & dans le même fluide, & semblablement posés de part & d'autre de CA, l'impression du fluide sur ces arcs ne peut donner d'impulsion au centre C, que suivant GN directement opposée à CA. 2°. Les arcs EM, eH, étant de même égaux, & semblablement posés de part & d'autre de CA, mais dans des fluides différens ; il s'ensuit que puisqu'on suppose le fluide où est l'arc EM plus résistant que celui où est l'arc eH, l'effort suivant Cb qui résulte de l'impression du fluide sur l'arc EM, l'emportera sur l'effort suivant CB qui résulte de l'impression du fluide sur l'arc eH. Le centre C sera donc poussé suivant Cb, & comme sa tendance est en même-tems suivant CA, l'action conjointe de ces deux forces lui fera décrire l'arc ou la petite ligne Ci ; d'où l'on voit que la direction CA du centre C doit s'écarter continuellement de la ligne Ca, perpendiculaire à la surface des deux fluides, au moins tant que le point E est sur le quart du cercle AB.

On voit donc que tant que le point E est sur le quart du cercle AB, la direction CA du centre C s'éloigne toujours de la perpendiculaire Ca : d'où il s'ensuit qu'à mesure que le cercle s'enfonce, le point A monte, aussi-bien que les points E, M, & le point B descend ; donc le point E & le point B doivent se rencontrer. Lorsque le point E & le point B se sont rencontrés, le centre C doit continuer à se mouvoir sur une ligne courbe : car il est aisé de voir que la force suivant Cb continuera de l'emporter sur la force suivant CB, (fig. 52. n°. 3. méch.) & il est bon de remarquer en passant, qu'on ne doit plus avoir alors égard à la résistance faite aux arcs BE, be, qui par leur position sont à couvert de l'impulsion du fluide ; donc le point B descendant toujours vers a, les points E, M, montent vers D, en même-tems que le point b. Or cela posé, il peut arriver trois cas différens.

1°. Si le point M (fig. 52. n°. 4.) rencontre le point b avant que d'arriver en D, c'est-à-dire avant que le cercle soit enfoncé tout-à-fait, il est visible qu'à l'instant de cette rencontre, l'effort suivant Cb deviendra nul, puisque le cercle présentera au nouveau fluide une moitié entiere BAb partagée en deux également par la direction CA ; le centre C ira donc en ligne droite, au-moins pour cet instant ; mais dans les instans suivans, le cercle continuera de présenter une moitié entiere au fluide, comme il est aisé de le voir ; donc le centre continuera d'aller en ligne droite ; donc dans ce cas-ci, le cercle cessera de décrire une courbe avant que d'être enfoncé tout-à-fait ; d'où il s'ensuit que la direction CA, dans le nouveau fluide, étant donnée, on pourra déterminer aisément quelle étoit la quantité de l'enfoncement du cercle lorsqu'il a cessé de décrire une courbe ; il ne faudra pour cela que mener BCb perpendiculaire à CA, & du point b la ligne bO perpendiculaire à la verticale DCa ; l'abscisse Oa exprimera la quantité de l'enfoncement qu'on cherche.

2°. Si les points E, M, arrivent en D précisément au même instant que le point b, alors il est vrai que le centre C décrit une courbe pendant tout le tems que le cercle s'enfonce ; mais on voit aussi que le cercle ne s'enfonce dans le nouveau fluide, que de la quantité précise de son diamêtre, & qu'il décrit après son immersion, une ligne droite parallele à la surface qui sépare les deux fluides.

3°. Enfin si le point b (fig. 52. n°. 5.) arrive en D avant les points E, M, l'arc enfoncé pour lors peut être, ou plus grand que le demi cercle, EaM, ou égal au demi cercle, comme eam, ou plus petit comme Ea ; or dans chacun de ces trois cas, on voit aisément que le centre C est poussé suivant Cb, & comme CA est pour lors sa direction, l'action conjointe de ces deux forces lui fera parcourir Cc, ce qui est évident ; le cercle commencera donc à rentrer dans le fluide d'où il étoit venu, & il ne faut qu'une légere attention pour voir que dans les instans suivans il continuera de remonter ; le point A montera donc vers D, le point B de a vers D suivant aAD, & les points E, M, ou e, m, ou , descendront vers a. Or si l'arc enfoncé eam ou a est égal ou moindre que le demi cercle, lorsque la direction est CA, les points e, m, ou , rencontreront nécessairement le point B en quelqu'endroit de l'arc ma ou a ; le cercle présentant alors une moitié entiere au fluide, on voit qu'il cessera de décrire une courbe avant son émersion totale, & sortira par une ligne QG qui fera avec la surface du fluide un angle aigu du côté de G. Voila le ricochet expliqué d'une maniere assez simple. Je suis le premier qui en aye donné cette explication précise dans mon traité des fluides, Paris 1744, auquel je renvoie le lecteur. (O)

RICOCHET, Voyez BATTERIE A RICOCHET. Nous observerons seulement ici que la meilleure maniere de diriger le ricochet, est de pointer les pieces sous l'angle de 6, 7, 8, 9 & 10 degrés. C'est le moyen de multiplier les bonds du boulet, dont le nombre s'étend alors depuis 15 jusqu'à 20 ou 25. Sous ces différens angles, les boulets s'élevent peu, & ils s'étendent en pleine campagne jusqu'à la distance de 4 ou 5 cent toises, en terrein uni. (Q)


RICOCHONS. m. (terme de Monnoie) nom que les monnoyeurs donnent à leurs apprentifs, qui sont obligés de les servir un an & jour sans aucuns salaires. Boissart nous apprend que les ouvriers sont appellés recuiteurs, pendant la premiere année de leur apprentissage, & les monnoyeurs ricochons ; mais il dit qu'il ignore l'origine de ces deux mots, & qu'il n'a jamais pu l'apprendre des plus anciens monnoyeurs qu'il a consultés. (D.J.)


RICORDANDES. f. (Lang. franç.) vieux mot employé dans le songe de Vergier, & qui paroît désigner quelque nom mémorial de lieu en France ; il y a, selon M. le Boeuf, plusieurs élévations de pierres & de terres, qui ne doivent leur existence qu'au travail des hommes. On trouve par exemple un de ces tertres dans un canton de Normandie, près sainte Barbe, en Auge, & qui est appellé la montagne de la Ricordande. Ce mot pourroit être dérivé de ricordando, se ressouvenir ; parce que ces sortes de tertres n'étoient élevés que comme des monumens destinés à rappeller la mémoire de ceux à qui ils servoient de sépulture. On en rencontre un autre au-delà de la Loire, un peu plus loin qu'Amboise. M. Spon a parlé d'une montagne artificielle qui fut détruite dans le dernier siecle, & qui étoit située sur la marche limosine. On trouva, dit-il, sous cette montagne, des pierres creuses à divers étages, couvertes d'autres pierres, & dans les creux de ces pierres en forme de sépulcres, des urnes de terre sigillée, & quelques petits chaînons d'or qu'on croit être des anciens Gaulois. (D.J.)


RICOVRATIS. m. pl. (Hist. lit.) recouvrés ; nom d'une académie de Padoue, en Italie.


RIDDERS. f. (Monnoie) c'étoit une espece de monnoie d'or, pesant deux deniers dix-huit grains, & qui avoit cours sous François I. Elle avoit d'un côté un homme armé qui tenoit une épée à la main, & étoit qui monté sur un cheval qui avoit l'air de galoper ; & de l'autre côté elle avoit un écusson, au milieu, duquel il y avoit des fleurs-de-lis, & de petits lions avec cette légende, Philippus Dei gratiâ, dux Burgundiae ; & de l'autre côté elle avoit ces paroles, sit nomen Domini benedictum. (D.J.)


RIDES. f. (Physiolog.) espece de pli ou de sillon qui se forme sur le visage, sur la peau, & généralement sur presque tout le corps des hommes, dès qu'ils commencent à vieillir.

La peau s'étend, & croît à mesure que la graisse augmente ; ce gonflement produit le blanc par la tension de la peau, & le rouge par la plénitude des vaisseaux sanguins. Voilà les lys & les roses du bel âge ; tous les fards n'en sont qu'une vaine représentation. Dès que le gonflement diminue, la peau qui n'est plus remplie, se plisse, & les sillons commencent à se former ; ensuite, à mesure qu'on avance en âge, les cartilages, les membranes, la chair, la peau, & toutes les fibres du corps, deviennent plus solides, plus dures, & plus seches ; alors toutes les parties se retirent, se resserrent ; la circulation des fluides se fait avec moins de liberté, la transpiration diminue, les sucs nourriciers sont moins abondans, & ne pouvant être reçus dans la plûpart des fibres devenues trop solides, ils ne servent plus à leur nutrition ; delà vient que ces fibres se retirent, & se plissent. Voilà l'accroissement journalier des rides.

La peau peut toujours s'étendre, tant que le volume du corps augmente ; mais lorsqu'il vient à diminuer, elle n'a point le ressort qu'il faudroit pour se rétablir en entier dans son premier état. Ajoutez à cette raison, les autres causes dont nous venons de parler, & vous verrez sans peine qu'il doit rester alors nécessairement des rides & des plis qui ne s'effaceront jamais.

Les rides du visage dépendent en partie de toutes ces causes ; mais il se trouve encore dans leur production, une espece d'ordre relatif à la forme, aux traits & aux mouvemens habituels du visage ; c'est une remarque fort ingénieuse de M. de Buffon : si, dit-il, on examine bien le visage d'un homme de vingt-cinq à trente ans, on pourra déja y découvrir l'origine de toutes les rides qu'il aura dans sa vieillesse ; il ne faut pour cela que voir le visage dans un état de violente action, comme est celle du ris immodéré, des pleurs, ou seulement d'une forte grimace ; tous les plis qui se formeront dans ces différentes actions, seront un jour des rides ineffaçables ; elles suivent la disposition des muscles, & se gravent plus ou moins par l'habitude plus ou moins répétée des mouvemens qui en dépendent.

Non-seulement le tems produit des rides au-dehors, mais il en produit de semblables au-dedans ; il ride toutes les glandes conglobées, & parmi les conglomerées, le thymus, la glande surrénale, la glande thyroïde, les glandes mammaires, & tant d'autres qui deviennent très-petites, changent leur couleur rougeâtre en couleur brune & noirâtre, perdent leur suc gras, semblable à une espece de crême, se dessechent, & disparoissent enfin tellement avec l'âge, qu'on n'en voit plus que de légeres traces par l'ouverture des cadavres.

L'art le plus savant n'a point de remedes contre ce dépérissement du corps. Les ruines d'une maison peuvent se réparer, mais il n'en est pas de même de celles de notre machine. Les femmes, qui trop éprises de leurs charmes, se sentent finir d'avance par la perte de leurs agrémens, desireroient avec passion de reculer vers la jeunesse, & d'en emprunter les couleurs. Comment ne chercheroient-elles pas à tromper les autres, puisqu'elles font tous leurs efforts pour se tromper elles-mêmes, & pour se dérober la plus affligeante de toutes les idées, celle qu'elles vieillissent ? Combien y en a-t-il qui voudroient placer les rides de leur visage dans cette partie du corps où les dieux avoient caché l'endroit mortel du fils de Thétis & de Pelée ? Mademoiselle Lenclos, plus éclairée que la plûpart des personnes de son sexe, n'avoit garde de prendre à la lettre les cajoleries de l'abbé de Chaulieu, qui prétendoit que l'amour s'étoit retiré dans les rides du front de cette belle personne. Elle nommoit elle-même ses rides le départ de l'amour, & les marques de la sagesse. Elles devroient l'être sans-doute pour nous fortifier dans la philosophie, & pour nous aguerrir par de bonnes réflexions contre les frayeurs de la mort. (D.J.)

RIDES, (Conchyl.) en latin rugae ; les rides forment des ondes un peu élevées sur la superficie de la robe d'une coquille ; elles sont différentes des stries par leur irrégularité. Elles empêchent les coquillages de sortir de leurs coquilles au premier effort qu'ils font, ou au moindre obstacle qu'ils rencontrent en leur chemin. (D.J.)

RIDE, (Marine) corde qui sert à roidir une plus grosse.

RIDES D'ETAI, (Marine) rides qui servent à joindre l'étai avec son collier.

RIDES DE HAUBANS, (Marine) ce sont des cordes qui servent à bander les haubans, par le moyen des cadenes & des caps de mouton, qui se répondent par ces cordes. Celles qui sont entre les haubans de stribord & de bas-bord, s'appellent pantocheres. Elles bandent ces haubans & les soulagent, lorsque le vaisseau tombe de côté, en allant à la bouline ; car à mesure que les haubans de stribord se lâchent, ceux de bas-bord se roidissent & les tiennent en état.

On appelle aussi rides, les cordes qui amarrent le mât de beaupré à l'éperon.


RIDEAUS. m. voile ou piece d'étoffe, de toile, de taffetas, &c. qu'on étend pour couvrir ou fermer quelque chose.

RIDEAU de fenêtre, terme de Tapissier ; on fait des rideaux de fenêtre avec du taffetas, du damas, de la serge, de la toile de coton, de fil, &c. dont on coud ensemble une certaine quantité de lez qu'on borde d'un ruban, au-haut desquels on coud des anneaux qu'on enfile dans une verge de fer, & qu'on tire avec des cordons pour empêcher la grande ardeur du soleil, ou pour d'autres besoins. (D.J.)

RIDEAU, (Art milit. des anciens) les anciens couvroient leurs tours & les ouvrages qu'ils élevoient, avec des rideaux ou couvertures, pour les garantir des feux des assiégés, & des coups lancés par leurs machines. Ces rideaux étoient composés d'un tissu de crin & de peaux crues. On n'avoit garde de les appliquer contre les tours ; mais on suspendoit des couvertures en maniere de rideaux à certaine distance ; car quoiqu'il paroisse dans la plûpart des historiens, que ces couvertures étoient attachées & comme jointes à la charpente, on doit bien se garder de le croire. Ces rideaux ainsi disposés, n'auroient jamais pû résister aux traits & aux pieces lancées par les machines ; au lieu qu'étant suspendues à deux piés de la charpente, ils rompoient & amortissoient la force & la violence des coups. Folard. (D.J.)

RIDEAU, en terme de Fortification, signifie une petite élévation de terre, qui s'étend en longueur sur une surface de terre unie, laquelle sert à couvrir un camp, ou à donner de l'avantage à un poste. Ce mot signifie proprement une courtine ou couverture, formé du latin ridellum, que Borel dérive de ridere. Le rideau sert aussi aux assiégeans qui s'en couvrent pour ouvrir la tranchée plus près de la place, ou pour couvrir le parc d'artillerie, &c. Chambers. Ainsi dire qu'on a ouvert une tranchée à 400 toises de la place à la faveur d'un rideau, c'est dire qu'il s'est trouvé à cette distance une petite élévation de terre qui ne permettoit pas aux assiégés de découvrir plus loin dans la campagne.

On appelle encore quelquefois rideau, un fossé, ou plutôt une espece de tranchée destinée à mettre le soldat à couvert des coups de l'ennemi. Voyez TRANCHEE. (Q)

RIDEAU, (Topographie) on nomme ainsi la berge élevée au-dessus du sol d'un chemin escarpé, sur le penchant d'une montagne, & qui fait en contre-haut ce que l'épaulement fait en contre-bas. (D.J.)

RIDEAUX, (Jardinage) ce sont des palissades de charmille, qu'on pratique dans les jardins pour arrêter la vûe, afin qu'elle n'en saisisse pas tout-d'un-coup l'étendue : ce qui est une beauté. (D.J.)


RIDÉES. f. terme de Vénerie, les ridées, dit Salmore, sont les fientes & fumées des bêtes fauves, sur-tout des vieux cerfs & vieilles biches. (D.J.)


RIDELLESou BRANCART, terme de Charron ; ce sont deux morceaux de bois ronds par un bout & quarré à l'endroit où ils sont attachés aux côtés de devant du tombereau, de façon que cela forme le brancart pour y atteler le limonier : les deux bouts ronds sont percés de chacun un trou dans lesquels se posent des chevilles, pour arrêter les traits du cheval de cheville.


RIDERv. act. (Gram.) faire des rides. Voyez l'article RIDE.

RIDER LA VOILE, (Marine) voyez RIS.

RIDER, (Marine) c'est roidir.

RIDER, (Vénerie) se dit d'un chien qui suit la voie d'une bête sans crier.


RIDICULE LES. m. (Morale) je demande moi-même ce que c'est que le ridicule, on ne l'a point encore défini ; c'est un terme abstrait dont le sens n'est point fixe ; il varie perpétuellement, & releve comme les modes du caprice & de l'arbitraire ; chacun applique l'idée du ridicule, la change, l'étend, & la restraint à sa fantaisie. Un homme est taxé de ridicule dans une société pour avoir quitté de faux airs ; & ces mêmes faux airs dans une autre société, le comblent de ridicules.

On confond communément le ridicule avec ce qui est contre la raison ; cependant ce qui est contre la raison est folie : si c'est contre l'équité, c'est un crime.

Le ridicule devroit se borner aux choses indifférentes en elles-mêmes, & consacrées par les usages reçus ; la mode, les habits, le langage, les manieres, le maintien ; voilà son ressort. Voici son usurpation.

Il étend son empire sur le mérite, l'honneur, les talens, la considération, & les vertus ; sa caustique empreinte est ineffaçable ; c'est par elle qu'on attaque dans le fond des coeurs le respect qu'on doit à la vertu ; il éteint enfin l'amour qu'on lui porte : tel rougit d'être modeste, qui devient effronté par la crainte du ridicule ; & cette mauvaise crainte corrompt plus de coeurs honnêtes, que les mauvaises inclinations.

Le ridicule est supérieur à la calomnie qui peut se détruire en retombant sur son auteur ; & c'est aussi le moyen que l'envie employe le plus sûrement pour ternir l'éclat des hommes supérieurs aux autres.

Le deshonorant offense moins que le ridicule ; la raison en est qu'il n'est au pouvoir de personne d'en deshonorer un autre. C'est notre propre conduite, & non les discours d'autrui qui nous deshonorent ; les causes du deshonneur sont connues & certaines ; mais le ridicule dépend de la maniere de penser & de sentir qu'ont les gens vicieux, pour tâcher de nous dégrader, en mettant la honte & la gloire par-tout où ils jugent à propos, & sur tous les objets qu'ils envisagent par les lunettes du ridicule.

Le pouvoir de son empire est si fort, que quand l'imagination en est une fois frappée, elle ne connoît plus que sa voix. On sacrifie souvent son honneur à sa fortune, & quelquefois sa fortune à la crainte du ridicule.

Il n'étoit pas besoin, ce me semble, de proposer pour sujet du prix de l'académie françoise, en 1753, si la crainte du ridicule étouffe plus de talens & de vertus, qu'elle ne corrige de vices & de défauts ; car il est certain que cette crainte corrige peu de vices & de défauts en comparaison des talens & des vertus qu'elle étouffe. La honte n'est plus pour les vices ; elle se garde toute entiere pour cet être fantastique qu'on appelle le ridicule.

Il a pris le savoir & la philosophie en aversion ; à peine pardonne-t-il l'un & l'autre à un petit nombre d'hommes de lettres supérieurs ; mais pour les personnes de distinction, il faut bien qu'elles se gardent d'aspirer à l'amour des sciences, le ridicule ne les épargneroit pas.

Il s'attache encore fort souvent à la considération, parce qu'il en veut aux qualités personnelles : il pardonne aux vices, parce qu'ils sont en commun ; les hommes s'accordent à les laisser passer sans opprobre ; ils ont besoin de leur faire grace. Dans chaque siecle il y a dans une nation un vice dominant, & il se trouve toujours quelque homme de qualité qu'on appelle aimable, ou quelque femme titrée qui donne le ton à son pays, qui fixe le ridicule, & qui met en crédit les vices de la société.

C'est en marchant sur leurs traces, dit très-bien M. Duclos, qu'on voit des essaims de petits donneurs de ridicules, qui décident de ceux qui sont en vogue, comme les marchands de modes fixent celles qui doivent avoir cours. S'ils ne s'étoient pas emparé de l'emploi de distribuer en second les ridicules, ils en seroient accablés ; ils ressemblent à ces criminels qui se font exécuteurs pour sauver leur vie. Une grande sottise de ces êtres frivoles, & celle dont ils se doutent le moins, est de s'imaginer que leur empire est universel. Le peuple ne connoît pas même le nom des choses sur lesquelles ils impriment le ridicule ; & c'est tout ce que la bourgeoisie en sait. Les gens du monde, ceux qui sont occupés, ne sont frappés que par distraction de ces insectes incommodes. Les hommes illustres sont trop élevés pour les appercevoir, s'ils ne daignoient pas quelquefois s'en amuser eux-mêmes. (D.J.)

RIDICULE, LE, (Poëme dramatiq. comiq.) le ridicule dans le poëme comique est, selon Aristote, tout défaut qui cause difformité sans douleur, & qui ne menace personne de destruction, pas même celui en qui se trouve le défaut ; car s'il menaçoit de destruction, il ne pourroit faire rire ceux qui ont le coeur bien fait. Un retour secret sur eux-mêmes leur feroit trouver plus de charmes dans la compassion.

Le ridicule est essentiellement l'objet de la comédie. Un philosophe disserte contre le vice ; un satyrique le reprend aigrement ; un orateur le combat avec feu ; le comédien l'attaque par des railleries, & il réussit quelquefois mieux qu'on ne feroit avec les plus forts argumens.

La difformité qui constitue le ridicule, sera donc une contradiction des pensées de quelque homme, de ses sentimens, de ses moeurs, de son air, de sa façon de faire, avec la nature, avec les lois reçues, avec les usages, avec ce que semble exiger la situation présente de celui en qui est la difformité. Un homme est dans la plus basse fortune, il ne parle que de rois & de tétrarques : il est de Paris ; à Paris, il s'habille à la chinoise : il a cinquante ans, & il s'amuse sérieusement à atteler des rats de papier à un petit chariot de carte ; il est accablé de dettes, ruiné, & veut apprendre aux autres à se conduire & à s'enrichir : voilà des difformités ridicules, qui sont, comme on le voit, autant de contradictions avec une certaine idée d'ordre, ou de décence établie.

Il faut observer que tout ridicule n'est pas risible. Il y a un ridicule qui nous ennuie, qui est maussade ; c'est le ridicule grossier : il y en a un qui nous cause du dépit, parce qu'il tient à un défaut qui prend sur notre amour propre : tel est le sot orgueil. Celui qui se montre sur la scène comique est toujours agréable, délicat, & ne nous cause aucune inquiétude secrette.

Le comique, ce que les latins appellent vis comica, est donc le ridicule vrai, mais chargé plus ou moins, selon que le comique est plus ou moins délicat. Il y a un point exquis en-deçà duquel on ne rit point, & au-delà duquel on ne rit plus, au-moins les honnêtes gens. Plus on a le goût fin & exercé sur les bons modeles, plus on le sent : mais c'est de ces choses qu'on ne peut que sentir.

Or la vérité paroît poussée au-delà des limites, 1°. quand les traits sont multipliés & présentés les uns à côté des autres. Il y a des ridicules dans la société ; mais ils sont moins frappans, parce qu'ils sont moins fréquens. Un avare, par exemple, ne fait ses preuves d'avarice que de loin en loin : les traits qui prouvent sont noyés, perdus dans une infinité d'autres traits qui portent un autre caractere : ce qui leur ôte presque toute leur force. Sur le théâtre un avare ne dit pas un mot, ne fait pas un geste, qui ne représente l'avarice ; ce qui fait un spectacle singulier, quoique vrai, & d'un ridicule qui nécessairement fait rire.

2°. Elle est au-delà des limites quand elle passe la vraisemblance ordinaire. Un avare voit deux chandelles allumées, il en souffle une ; cela est juste : on la rallume encore, il la met dans sa poche : c'est aller loin ; mais cela n'est peut-être pas au-delà des bornes du comique. Dom Quichotte est ridicule par ses idées de chevalerie, Sancho ne l'est pas moins par ses idées de fortune. Mais il semble que l'auteur se moque de tous deux, & qu'il leur souffle des choses outrées & bizarres, pour les rendre ridicules aux autres, & pour se divertir lui-même.

La troisieme maniere de faire sortir le comique, est de faire contraster le décent avec le ridicule. On voit sur la même scène un homme sensé, & un joueur de trictrac qui vient lui tenir des propos impertinens : l'un tranche l'autre & le releve. La femme ménagere figure à côté de la savante ; l'homme poli & humain à côté du misantrope ; & un jeune homme prodigue à côté d'un pere avare. La comédie est le choc des travers des ridicules entr'eux, ou avec la droite raison & la décence.

Le ridicule se trouve partout : il n'y a pas une de nos actions, de nos pensées, pas un de nos gestes, de nos mouvemens qui n'en soient susceptibles. On peut les conserver tout entiers, & les faire grimacer par la plus légere addition. D'où il est aisé de conclure, que quiconque est vraiment né pour être poëte comique, a un fond inépuisable de ridicules à mettre sur la scène, dans tous les caracteres de gens qui composent la société. Cours de Belles-Lettres. (D.J.)


RIDICULUSS. m. (Antiq. rom.) ou plutôt aedicula ridiculi ; nous dirions en françois la chapelle du ris ; elle étoit bâtie à Rome à deux mille pas hors la porte Carpene, en mémoire de la fuite d'Annibal de devant cette ville à cause des pluies & des orages qui survinrent lorsqu'il l'assiégeoit. Les Romains tournant sa fuite en ridicule éleverent cette chapelle & la consacrerent. Il est vrai que Pausanias fait mention d'un dieu du rire, , mais ce n'est pas de lui dont il s'agit ici. (D.J.)


RIEBLE(Botaniq.) Voyez GRATERON, Botan. (D.J.)


RIEDENBURG(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans la haute Baviere, sous la régence de Munich, avec titre de comté, & un château. (D.J.)


RIEDLINGEN(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans la Souabe, sur le Danube, dépendante de la maison d'Autriche. (D.J.)


RIERE-FIEFS. m. (Gram. & Jurisprud.) est la même chose qu'arriere-fief. Voyez ARRIERE-FIEF & FIEF. (A)


RIESENBERou RISENBERG, (Géog. mod.) montagne d'Allemagne, dans la Silésie, entre le duché de Javer & la Bohême ; c'est la plus haute montagne de cette contrée. Elle a des mines de fer, d'étain, de cuivre & de vitriol. Les rivieres de Bober, de Lupawa & de l'Elbe, y ont leurs sources, dont la largeur n'excede pas trois piés. (D.J.)


RIETI(Géog. mod.) en latin Reatae ; ville d'Italie, dans l'état de l'Eglise, au duché de Spolete, près du lac de même nom, sur le Vélino, aux confins de l'Abruzze, à 8 lieues de Spolete, & à 14 de Rome. Son évêché fondé dans le v. siecle, releve immédiatement du pape. Long. 30. 40. latit. 42. 23. (D.J.)


RIEUME(Géog. mod.) petite ville de France, dans le bas-Armagnac, au diocèse de Lombès, sur les confins de ceux de Toulouse & de Rieux. Il y a une justice royale de la judicature de Riviere-Verdun, quoiqu'il n'y ait pas cent maisons dans cette place. (D.J.)


RIEURen Anatomie, est le nom d'un muscle décrit par Santorius.

Il vient ordinairement par des tendons très-courts de la partie moyenne du masseter, & se termine en s'unissant avec le peaucier, dont il est quelquefois une portion, à la commissure des deux levres.


RIEUXS. m. terme de Pêche ; voyez FOLLES A LA COSTE, CIBAUDIERE FLOTTEE, dont ce filet est une espece.

Ces filets se tendent par le travers de la marée & sur le plus bas du terrain dont la marée puisse se retirer.

On ensable le bas du rez avec des torches de paille, & au moyen de 5 petites lignes bandingues ou seines que l'on met sur une espece de rieux de 10 à 12 brasses de long, on empêche que la tête du filet ne s'éleve trop ; l'ouverture est placée du côté de terre ; il faut la vive eau pour faire cette pêche avantageusement. Les mailles de ces filets ont 18 lignes en quarré.

RIEUX, (Géog. mod.) en latin moderne Rivi ; ville de France, dans le haut-Languedoc, sur la petite riviere de Rise, qui se jette un peu au-dessous dans la Garonne. La rencontre de plusieurs ruisseaux qui se joignent en cet endroit, lui a vraisemblablement donné le nom de Rieux. Elle n'a de remarquable que son évêché, érigé par le pape Jean XXII. en 1317 ; il fit un évêché d'un monastere, & le donna au cardinal de Rabastin, qui étoit auparavant évêque de Pamiers.

Cet évêché vaut aujourd'hui 25000 livres de rente, & son diocèse comprend 90 paroisses, 3 abbayes d'hommes, & une de filles. Ce diocèse de Rieux contient la partie de l'ancien pays de Volvestre, qui appartenoit au Comte de Toulouse. Le chapitre de l'église cathédrale de Rieux est composé de quatre dignités & de douze canonicats. Cette ville est à 10 lieues au sud-ouest de Toulouse, & à 35 au couchant de Narbonne. Long. 18. 50. lat. 43. 15.

Il ne faut pas confondre Rieux sur la Rise, avec Rieux, petite ville, ou plutôt bourg de France dans le bas-Languedoc, au diocèse de Narbonne.

C'est Rieux dans le haut-Languedoc qui est la patrie de Baron (Vincent) dominicain : ce bon moine affligé du relâchement de la morale, composa plusieurs livres pour la rétablir, & entr'autres son ethica christiana, imprimée à Paris en 1666, 2. vol. in-8°. mais cette morale ne réussit pas à la cour de Rome, malgré l'approbation du maître du sacré palais, qui fut déposé, & la congrégation de l'indice condamna l'ouvrage. Je le condamnerois aussi, parce qu'il est purement scholastique. Le F. Baron mourut à Paris en 1674, âgé de 70 ans. (D.J.)


RIEZ(Géog. mod.) petite ville de France, en Provence, sur la petite riviere d'Auveste, dans une plaine, à 9 lieues au sud-est de Sisteron, à 18 au nord de Toulon, & à 11 au nord-ouest d'Aix. C'est une ville fort ancienne. Pline la nomme Albecia, & il prend Reii pour le nom d'un peuple, comme Vocontii, Saluvii, &c. Le nom Reii prévalut sur celui d'Albeci. Dans le vj. siecle, Reii fut corrompu en Reggii, comme on le voit dans Grégoire de Tours. Il se tint un concile à Riez, en 439, & le député de cette ville entre aux assemblées générales. Son territoire produit les meilleurs vins de Provence. Les évêques de Riez sont seigneurs temporels de la ville ; leur évêché est suffragant d'Aix, & vaut dix-huit à vingt mille livres de revenu. Longitude 23. 36. latitude 43. 51.

Abeille (Gaspard) né à Riez, vint jeune à Paris, & trouva le moyen de s'y faire connoître. Il embrassa l'état ecclésiastique, & le maréchal de Luxembourg le prit auprès de lui, pour secrétaire du gouvernement de Normandie. M. de Vendôme, & la duchesse de Bouillon (Marie-Anne Mancini) l'honorerent aussi de leur protection. Il fut reçu en 1704 à l'académie françoise. Il avoit donné 30 ans auparavant deux tragédies très-foibles, Argelie & Coriolan, qui furent imprimées.

L'abbé Abeille fit depuis d'autres tragédies, qui parurent sous le nom de la Thuillerie, comédien. On dit qu'une avanture désagréable, fut cause qu'il n'osa plus mettre son nom à ses ouvrages de théâtre. Une tragédie de lui, qu'on ne trouve point, commençoit par une scène entre deux princesses soeurs, dont l'une disoit à l'autre en entrant sur le théâtre :

Ma soeur, vous souvient-il du feu roi notre pere ?

La seconde actrice hésitant, & cherchant le premier mot de son rôle, un plaisant qui s'ennuyoit dans le parterre, répondit pour elle :

Ma foi, s'il m'en souvient, il ne m'en souvient guere.

Les éclats de rire suspendirent le commencement du spectacle ; & quand à diverses reprises, on tenta de commencer, la plaisanterie fut chaque fois répétée en choeur par tout le parterre, & les comédiens furent obligés de donner une autre piece. C'est à cette avanture, vraie ou fausse, qu'un bel esprit de Provence fait allusion, dans une épitaphe qu'il fit à l'abbé Abeille, mort le 22 Mai 1718, dans un âge très-avancé.

Ci gît cet auteur peu fêté,

Qui crut aller tout droit à l'immortalité :

Mais sa gloire & son corps n'ont qu'une même biere ;

Et lorsqu 'Abeille on nommera,

Dame Postérité dira :

Ma foi, s'il m'en souvient, il ne m'en souvient guere.

Dans différens recueils de l'académie, on trouve diverses pieces fugitives de la main de l'abbé Abeille, & qui sont pour la plûpart des épitres morales. Celle qui roule sur l'amitié, est pleine de sentimens, qui font l'éloge du coeur du poëte. Il a fait une autre épitre sur la constance, où la justesse n'est pas ce qui y regne le plus, si l'on peut s'en rapporter à une épigramme satyrique de l'abbé de Chaulieu, laquelle ne se trouve point dans les éditions de ses oeuvres.

Est-ce Saint-Aulaire, ou Toureille,

Ou tous deux, qui vous ont appris

A confondre, mon cher Abeille,

Dans vos très-ennuyeux écrits,

Patience, vertu, constance ?

Apprenez cependant comme on parle à Paris :

Votre longue persévérance

A nous donner de méchans vers,

C'est ce qu'on appelle constance ;

Et dans ceux qui les ont soufferts,

Cela s'appelle patience.

Oeuvres de Despréaux 1747, t. V. (D.J.)


RIF(Géog. mod.) c'est le nom de la partie d'Egypte, qui s'étend depuis le Caire jusqu'à la mer. La basse-Egypte, de même que la haute, s'appelle Saïde ou Thébaïde ; & celle qui est entre les deux, porte le nom de Sous. (D.J.)


RIFLARDS. m. (Lainage) espece de laine la plus longue de toutes celles qui se trouvent sur les peaux de moutons non apprêtées ; elle sert aux Imprimeurs à remplir ces sortes d'instrumens qu'ils appellent balles, avec lesquelles ils prennent l'encre qu'ils employent à l'impression des Livres. Savary. (D.J.)

RIFLARD, s. m. terme de Menuisier ; c'est une espece de rabot à deux poignées dont se servent les Menuisiers & les autres ouvriers en bois. Il sert à dégrossir la besogne, sur-tout quand le bois est gauche ou noueux ; le fer du riflard, pour qu'il enleve de plus gros copeaux, & qu'il morde davantage, est un peu arrondi. Ce que les Charpentiers appellent une galere, dont les Menuisiers se servent aussi pour le bois difficile, est un vrai riflard, à la reserve qu'il est plus court ; qu'au lieu de poignée, il a deux fortes chevilles qui en traversent le fût par les deux bouts, & qu'il faut deux hommes opposés l'un à l'autre pour le pousser ; enfin il y a des riflards de différente largeur & longueur, pour servir aux différens ouvrages des Menuisiers & des Charpentiers. (D.J.)

RIFLARD, s. m. terme de Tailleur de pierres ; c'est un morceau de fer en forme de ciseau, très-large par en-bas, & un peu rabattu en chamfrein ; il a des dents, ce qui fait qu'on l'appelle communément riflard bretté ; son manche est de bois, & il se pousse à la main, il y en a de plusieurs grandeurs. (D.J.)


RIFLERen terme de Doreur ; c'est l'action d'adoucir au rifloir plus ou moins rude, une piece qu'on veut blanchir. Voyez RIFLOIR.


RIFLOIRS. m. Outil d'ouvriers, espece de lime un peu recourbée par le bout ; les Sculpteurs, les Graveurs sur acier, les Serruriers, les Arquebusiers, Eperonniers, Couteliers, &c. ont des rifloirs, mais un peu différens les uns des autres, soit pour leur forme, soit pour la longueur. Savary. (D.J.)

RIFLOIR, en terme d'Argenteur ; c'est une espece de lime ronde, taillée & courbée par les deux bouts, dont les Argenteurs se servent pour apprêter leur ouvrage. Voyez les Planches de l'Argenteur.

RIFLOIR, outil d'Arquebusier ; c'est un morceau d'acier trempé, long d'environ 6 ou 7 pouces, emmanché comme une lime, qui est ployé en trois parties, & dont la derniere partie est en-dessous, faite comme une lime un peu arrondie ; les Arquebusiers s'en servent pour dresser & limer un trou.

RIFLOIR, les Fondeurs appellent ainsi un outil d'acier, garni d'une poignée dans le milieu de sa longueur, & dont les extrêmités sont un peu courbées, taillées en lime pour les petits ouvrages, & piquées au poinçon, comme les rapes pour les grands. On s'en sert pour enlever une espece de croûte fort dure qui se forme sur la surface des ouvrages que l'on jette en fonte. Voyez FONDERIE.

RIFLOIR, chez les Ciseleurs & Graveurs en relief & en creux, est un outil d'acier courbé par les deux bouts en forme d'S ; la partie du milieu B, (voyez les fig. & les Pl. de la Gravure) qui sert de poignée est lisse ou à pans, la partie A est ronde & taillée en lime ; l'autre extrêmité C est arrondie par les arêtes, mais un peu applatie, & est de même taillée en lime ; elle sert pour les endroits où l'autre ne peut atteindre. Il y en a de différente grandeur & forme pour servir au besoin, les uns & les autres plus ou moins chargés de tailles, c'est-à-dire taillés les uns gros, & les autres fins, selon que l'ouvrage où on les employe l'exige. L'usage des rifloirs est d'effacer les coups d'échopes ou de burin, en limant la partie sur laquelle on a operé avec les autres outils.

RIFLOIR, à la monnoie, est une lime taillée douce par le bout, dont ceux qui gravent des médailles, coins ou quarrés, se servent pour dresser, atteindre, & nettoyer les figures de relief ou en creux.

RIFLOIR, en terme d'Orfévre en tabatiere ; c'est une petite branche de fer, dont l'extrêmité est taillée en forme de lime ; il y en a de courbés un peu par le bout qu'on appelle rifloir à pié de biche, & d'autres pliés en zigzag comme la poignée d'une broche à main, à-peu-près vers les deux tiers de sa longueur. On l'appelle rifloir à charniere de l'usage qu'on en fait, il y a aussi des rifloirs à bâte qui sont tranchans, creux, ronds, &c. selon la forme de la bâte. Voyez BATE, & les fig. & les Pl.

RIFLOIR, en terme d'Orfevre en grosserie, ce sont des especes de limes qui ne sont taillées que par les deux bouts ; ces deux extrêmités sont fines ou grosses à proportion du calibre du rifloir ; elles sont aussi recourbées pour pouvoir s'insinuer dans tous les coudes où leur usage est nécessaire.

Il y en a de ronds, demi-ronds, de plats, de triangles, & de toutes grosseurs ; ils servent à réparer. Voyez REPARER, voyez aussi les Pl.


RIGA(Géog. mod.) ville de l'empire russien, capitale de la Livonie, sur la rive septentrionale de la Dwina, à 2 lieues de son embouchure dans la mer Baltique, à 10 lieues de Mittau, & à 84 au sud-ouest de S. Petersbourg. Cette ville est grande, peuplée & fort commerçante. Le château sert de demeure au gouverneur ; outre cela plusieurs forts contribuent à sa défense.

Quelques marchands de Brème étant entrés dans la Dwina vers le milieu du xij. siecle, y firent commerce avec les habitans du pays, ce qui donna lieu à l'établissement de la religion chrétienne dans ce quartier. Les papes en étant instruits, y envoyerent des évêques qui environnerent la ville de murailles, & fonderent quelques évêchés en différentes parties de cette province. L'évêque Albert en fut nommé archevêque en 1215 par Innocent III. vers l'an 1280 ; les chevaliers teutoniques qui s'étoient établis dans le pays, firent la guerre aux archevêques. D'un autre côté, les bourgeois de Riga s'étant enrichis par le trafic entrerent dans l'alliance des villes anséatiques, & se virent en état de tenir tête aux archevêques & aux chevaliers.

Par la révolution qui arriva dans la religion, le Luthéranisme s'introduisit dans cette ville avec de si grands progrès, que Sigismond, roi de Pologne, auquel les habitans se soumirent en 1561, se vit obligé d'accorder le libre exercice de la religion luthérienne dans le pays. Tous les ecclésiastiques ayant quitté la religion catholique, l'archevêché de Riga fut éteint en 1566, & les biens ecclésiastiques sécularisés. Etienne Battori ne rétablit la religion catholique que jusqu'au tems que Gustave-Adolphe s'empara de Riga en 1621. Enfin Pierre I. après les défaites de Charles XII. prit cette ville en 1710, & elle est restée depuis ce tems-là sous la domination des Russes. Long. 42. latit. 56. 50'. (D.J.)


RIGAUDONS. m. sorte de danse dont l'air se bat à deux tems d'un mouvement gai, & est ordinairement divisé en deux reprises. (S)

RIGAUDON, pas de, c'est un pas de danse qui se fait à la même place, sans avancer, ni reculer, ou aller de côté, encore que les jambes fassent plusieurs mouvemens différens.

On le commence à la premiere position. Ayant les deux piés assemblés, on plie les deux genoux également, & on se releve en sautant, & en levant du même tems la jambe droite qui s'ouvre à côté, le genou est étendu, & du même moment on remet la jambe à la premiere position. Alors la jambe gauche se leve & s'ouvre à côté, sans faire aucuns mouvemens du genou. Ce n'est que la hanche qui agite la jambe & la baisse aussi-tôt. Les deux piés étant à terre, on se plie, & l'on se releve en sautant & en tombant sur les deux piés, & c'est ce qui termine le pas. On fait après un pas en-avant ou à côté, selon celui que vous voulez faire ensuite, ce qui ne sert qu'à lier ce pas avec un autre, & faire le mouvement du pas avec plus de facilité.

Tous ces différens mouvemens se doivent faire de suite, ne formant qu'un seul pas qui se fait dans une mesure à deux tems. Ainsi l'attention que l'on doit avoir, c'est que les jambes soient bien étendues lorsqu'on les leve, & lorsque l'on saute de retomber sur les deux pointes & les jambes tendues.


RIGELS. m. (Astron.) c'est le nom d'une étoile fixe de la premiere grandeur, qui est dans le pié gauche d'orion. Voyez ORION. (O)


RIGIDEadj. (Gram.) austere, sévere, inflexible, exact. C'est un rigide observateur de la regle. Ce mot rigide vient du latin rigidus, roide : il ne s'employe qu'au figuré. C'est l'opposé de mitigé : un janséniste rigide, un janséniste mitigé ; un newtonien, un cartésien rigide ; la rigidité des moeurs est toujours louable ; la rigidité des jugemens est quelquefois déplacée : j'aime les gens d'un goût rigide ; je ne hais pas la rigidité des raisonneurs.


RIGODULUM(Géog. anc.) lieu de la Gaule belgique. Tout concourt à nous faire croire que Rigodulum étoit dans l'endroit où l'on voit aujourd'hui le village de Rigol, sur la rive gauche de la Moselle, environ à un mille germanique au-dessous de Trèves. Outre le rapport du mot Rigol à celui de Rigodulum, le village de Rigol est effectivement nommé Rigodulum dans une charte du roi Dagobert, qui en fait une donation à l'église de S. Maximin de Trèves, de laquelle il dépend encore actuellement. (D.J.)


RIGODUNUM(Géog. anc.) ville de la grande Bretagne. Ptolémée, l. II. c. iij. la donne aux Brigantes, & la place entre Isurium & Olicana : on croit que c'est présentement Rippon. (D.J.)


RIGOLES. f. (Archit. hydraul.) ouverture longue & étroite fouillée en terre pour conduire l'eau ; cela se pratique lorsqu'on veut faire l'essai d'un canal pour juger de son niveau de pente ; ce qu'on nomme canal de dérivation.

On appelle rigoles les petites fondations peu profondes, & certains petits fossés qui bordent un cours ou une avenue, pour en conserver les rangs d'arbres. La rigole est différente de la tranchée, en ce qu'elle n'est pas ordinairement creusée quarrément.

Le mot rigole vient du latin rigare, arroser. Daviler. (D.J.)

RIGOLE de jardin, (Jardin.) espece de tranchée fouillée le plus souvent quarrément de six piés de large sur deux piés & demi de profondeur, pour planter une platebande de fleurs & des arbrisseaux dans un jardin. (D.J.)


RIGOMAGUM(Géog. anc.) 1°. ville d'Italie : l'itinéraire d'Antonin la met sur la route de Milan à Arles, en passant par les Alpes cottiennes. Elle étoit entre Carbautia & Quadratae, à 12 milles du premier de ces lieux, & à 16 milles du second.

2°. Rigomagum est aussi, selon Ortelius, l'ancien nom latin de la ville de Rieux en Languedoc, & Rigomagus est le nom latin de la ville de Riom en Auvergne. (D.J.)


RIGORISMES. m. (Gram.) profession de la morale chrétienne, ou de la morale en général dans toute sa rigueur. La plûpart des fondateurs de religion, de sociétés, de sectes, de monasteres, ont destiné leurs institutions à un grand nombre d'hommes, quelquefois à toute la terre, tandis qu'elles ne pouvoient convenir qu'au petit nombre de ceux qui leur ressembloient. D'où il est arrivé à la longue qu'elles sont devenues impraticables pour ceux-ci ; & il s'en est suivi la division en deux bandes, l'une de rigoristes & l'autre de relâchés. Il n'y a guere qu'une morale ordinaire & commune qui puisse être pratiquée & suivie constamment par la multitude. Il y a & il y aura dans tout établissement, dans toute profession théologique, monastique, politique, philosophique & morale, du jansénisme & du molinisme ; cela est nécessaire.


RIGORISTES. m. (Gram.) homme qui professe la morale chrétienne dans toute sa rigueur.


RIGOUREUXadj. (Gram.) sévere, dur, exact ; un juge rigoureux, un pere rigoureux, un directeur rigoureux, un examen rigoureux, une courbe rigoureuse, où l'on ne considere plus de petits côtés infiniment petits, mais une suite de points successifs, sans aucune distinction d'angles & de côtés ; un hiver rigoureux ; une solution rigoureuse ; une assistance rigoureuse ; si durant le stage on manque par sa faute à quelque point, l'assistance rigoureuse est rompue, & l'on est obligé de la recommencer.


RIGUEURS. m. (Gram.) conformité sévere & inflexible à quelque loi donnée. Il ne faut pas toujours juger selon toute la rigueur de la justice ; le bon goût a sa rigueur & son indulgence ; le génie ne souffre point de rigueur. Il y a des rigueurs salutaires, & il y en a de mortelles. Il faut prendre ce texte à la rigueur. Les démonstrations du géometre sont rigoureuses. On dit la rigueur du froid, un hiver rigoureux, la rigueur du destin, les rigueurs d'une maîtresse.

RIGUEUR, mois de, (Jurisprud.) est un des mois affectés aux gradués, & dans lesquels le collateur ordinaire est obligé de conférer le bénéfice au gradué plus ancien qui l'a requis. Voyez EXPECTATIVE, FAVEUR, GRACE, GRADUE, MOIS DE FAVEUR & DE RIGUEUR. (A)


RIHNLE, (Géog. mod.) petite riviere du Holstein, dans la province de Stormarie. Elle passe par la ville de Gluckstat, & entre dans l'Elbe. (D.J.)


RILLELA, ou RISLE, (Géog. mod.) en latin Risela, riviere de France, dans la Normandie. Elle a sa source sur les confins du diocèse de Seez ; & après un cours d'environ 20 lieues, elle se rend dans la Seine 2 lieues au-dessous de Quilleboeuf. (D.J.)


RILLOURSS. m. (Hist. nat. Zoolog.) espece de singes de l'île de Ceylan, qui sont très-nuisibles aux habitans par le dégât qu'ils font dans leurs moissons. Ils ont la tête blanche & couverte de longs cheveux qui leur flottent sur les épaules, il y en a d'une grosseur prodigieuse.


RIMAS. m. (Botan. exot.) nom que donnent les Indiens à un excellent fruit de l'île de Tinian en Amérique, près d'Acapulco. Il vient sur un arbre assez gros & assez haut, lequel se divise en plusieurs branches à l'extrêmité. Ses feuilles sont larges de 12 à 18 pouces, d'un verd foncé, & dentelées dans les bords ; le fruit croît indifféremment sur toutes les branches. Il est d'une figure elliptique de la longueur de 6 à 8 pouces, & couvert d'une écorce rude ; il naît séparément, & non en grappe. Son goût approche de celui d'un cul d'artichaud, & sa texture en est peu différente ; il s'attendrit & jaunit en mûrissant, acquiert de l'eau, de la saveur, une odeur agréable, qui tient de celle de la pêche ; on regarde ce fruit comme très-propre à la guérison du scorbut muriatique. Les Anglois l'appellent bread-fruit. Le lord Anson en a donné la description & la figure dans ses voyages. (D.J.)


RIMAILLEURS. m. (Littérat.) auteur médiocre ou mauvais qui rime sans génie & sans goût. Ce terme se prend toujours en mauvaise part. Ainsi Rousseau dit dans une de ses épigrammes :

Griphon rimailleur subalterne

Vante Siphon le barbouilleur ;

Et Siphon peintre de taverne

Vante Griphon le rimailleur.


RIMES. f. (Poésie franç.) la rime, ainsi que les fiefs & les duels, doit son origine à la barbarie de nos ancêtres. Les peuples dont descendent les nations modernes & qui envahirent l'empire romain, avoient déja leurs poëtes, quoique barbares, lorsqu'ils s'établirent dans les Gaules & dans d'autres provinces de l'empire. Comme les langues dans lesquelles ces poëtes sans étude composoient n'étoient point assez cultivées pour être maniées suivant les regles du mêtre, comme elles ne donnoient pas lieu à tenter de le faire, ils trouverent qu'il y auroit de la grace à terminer par le même son deux parties du discours qui fussent consécutives ou relatives & d'une égale étendue. Ce même son final, répété au bout d'un certain nombre de syllabes, faisoit une espece d'agrément, & il marquoit quelque cadence dans les vers. C'est apparemment de cette maniere que la rime s'est établie.

Dans les contrées envahies par les barbares, il s'est formé un nouveau peuple composé du mêlange de ces nouveaux venus & des anciens habitans. Les usages de la nation dominante ont prévalu en plusieurs choses, & principalement dans la langue commune qui s'est formée de celle que parloient les nouveaux venus. Par exemple, la langue qui se forma dans les Gaules, où les anciens habitans parloient communément latin quand les Francs s'y vinrent établir, ne conserva que des mots dérivés du latin. La syntaxe de cette langue se forma très-différente de la syntaxe de la langue latine. En un mot, la langue naissante se vit asservie à rimer ses vers, & la rime passa même dans la langue latine, dont l'usage s'étoit conservé parmi un certain monde. De-là vient qu'au viij. siecle les vers léonins, qui sont des vers rimés comme nos vers françois, prirent faveur, & ne s'éclipserent qu'avec la barbarie au lever de cette lumiere, dont le crépuscule parut dans le xv. siecle.

On a trouvé la rime établie dans l'Asie & dans l'Amérique. Il y a dans Montagne une chanson en rimes américaines traduite en françois. On lit dans le spectateur la traduction angloise d'une ode lapone qui étoit rimée, mais la plûpart de ces peuples rimeurs sont barbares ; & les peuples rimeurs qui ne le sont plus, italiens, françois, anglois, espagnols & qui sont des nations polies, étoient des barbares & presque sans lettres lorsque leur poésie s'est formée. Les langues qu'ils parloient n'étoient pas susceptibles d'une poésie plus parfaite, lorsque ces peuples ont posé, pour ainsi dire, les premiers fondemens de leur poétique. Il est vrai que les nations européennes, dont je parle, sont devenues dans la suite savantes & lettrées ; mais comme leurs langues avoient déja ses usages établis & fortifiés par le tems, quand ces nations ont cultivé l'étude judicieuse de la langue grecque & de la latine, elles ont bien poli & rectifié ces usages, mais elles n'ont pu les changer entierement.

Les Grecs & les Latins, quibus dedit ore rotundo musa loqui, formerent une langue, dont toutes les syllabes pouvoient, par leur longueur ou leur briéveté, exprimer les sentimens lents ou impétueux de l'ame. De cette variété de syllabes & d'intonations résultoit dans leurs vers, & même aussi dans leur prose, une harmonie qu'aucune nation n'a pu saisir après eux. Du mêlange de leurs syllabes longues & brèves, suivant la proportion prescrite par l'art, résulte toujours une cadence, telle que l'espece dont sont leurs vers la demande.

L'agrément de la rime n'est pas à comparer avec l'agrément du nombre & de l'harmonie. Une syllabe terminée par un certain son n'est point une beauté par elle même ; la beauté de la rime n'est qu'une beauté de rapport, qui consiste dans une conformité de désinances entre le dernier mot d'un vers & le dernier mot du vers réciproque. On n'entrevoit donc cette beauté qui passe si vîte qu'au bout de deux vers, & après avoir entendu le dernier mot du second vers qui rime au premier. On ne sent même l'agrément de la rime qu'au bout de trois & de quatre vers, lorsque les rimes masculines & féminines sont entrelacées, de maniere que la premiere & la quatrieme soient masculines, & la seconde & la troisieme féminines ; mêlange fort en usage dans plusieurs especes de poésie.

Le rithme & l'harmonie sont une lumiere qui luit toujours, & la rime n'est qu'un éclair qui disparoît après avoir jetté quelque lueur ; aussi la rime la plus riche ne fait-elle qu'un effet bien passager : c'est la regle de la poésie dont l'observation coute le plus, & qui jette le moins de beauté dans les vers ; pour une pensée heureuse que l'ardeur de rimer richement peut faire rencontrer par hazard, elle en fait certainement employer tous les jours cent autres dont on auroit dédaigné de se servir, sans la richesse ou la nouveauté de la rime que ces pensées amenent. A n'estimer le mérite des vers que par les difficultés qu'il faut surmonter pour les faire, il est moins difficile sans comparaison de rimer richement, que de composer des vers nombreux & remplis d'harmonie. Rien n'aide un poëte françois à vaincre cette derniere difficulté que son génie, son oreille & sa perséverance. Aucune méthode réduite en art ne vient à son secours. Les difficultés ne se présentent pas si souvent quand on ne veut que rimer richement ; & l'on s'aide encore pour les surmonter d'un dictionnaire de rimes, le livre favori des rimeurs séveres, & qu'ils ont tous, quoi qu'ils en disent, dans leur arriere-cabinet.

Mais enfin tel est l'état des choses, que la rime est absolument nécessaire à la poésie françoise ; il n'a pas été possible de changer sa premiere conformation, qui avoit son fondement dans la nature & le génie de notre langue. Toutes les tentatives que quelques poëtes savans ont faites pour la bannir, & pour introduire l'usage des vers mesurés à la maniere des Grecs & des Romains, n'ont pas eu le moindre succès. Corneille & Racine ont employé la rime ; & je crains que si nous voulions ouvrir une autre carriere, ce seroit plutôt dans l'impuissance de marcher dans la route de ces beaux génies, que par le désir raisonnable de la nouveauté. Les Italiens & les Anglois pourroient mieux que nous se passer de rimer, parce que leurs langues ont des inversions, & leur poésie mille libertés qui nous manquent. Chaque langue a son génie particulier ; celui de la nôtre est la clarté, la précision & la délicatesse. Nous ne permettons nulle licence à notre poésie, qui doit marcher comme notre prose dans l'ordre timide de nos idées. Nous avons donc un besoin essentiel du retour des mêmes sons, pour que notre poésie ne soit pas confondue avec la prose. Tout le monde connoît ces beaux vers de Racine :

Où me cacher ? Fuyons dans la nuit infernale !

Mais, que dis-je ? Mon pere y tient l'urne fatale :

Le sort, dit-on, l'a mise en ses séveres mains ;

Minos juge aux enfers tous les pâles humains.

Mettez à leur place,

Où me cacher ? Fuyons dans la nuit infernale !

Mais, que dis-je ? Mon pere y tient l'urne funeste :

Le sort, dit-on, l'a mise en ses séveres mains ;

Minos juge aux enfers tous les pâles mortels.

Quelque poétique que soit ce morceau, dit M. de Voltaire, fera-t-il le même plaisir dépouillé de l'agrément de la rime ? Les Anglois & les Italiens diroient également comme les Grecs & les Romains, les pâles humains, Minos aux enfers juge, & enjamberoient avec grace sur l'autre vers ; la maniere même de réciter en italien & en anglois fait sentir des syllabes longues & brèves, qui soutiennent encore l'harmonie sans besoin de rimes. Nous qui n'avons aucun de ces avantages, pourquoi voudrions-nous abandonner les seuls que la nature de notre langue nous laisse ?

Je sai bien que la rime seule ne fait ni le mérite du poëte, ni le plaisir du lecteur. Ce ne sont point seulement les dactyles & les spondées qui plaisent dans Virgile & dans Homere. Ce qui enchante toute la terre, c'est l'harmonie qui naît de cette mesure difficile. Quiconque se borne à vaincre une difficulté pour le mérite seul de la vaincre, est un fou ; mais celui qui tire du fond de ces obstacles mêmes des beautés qui plaisent à tout le monde, est un homme fort sage & presque unique. Il est très-difficile de faire de beaux tableaux, de belles statues, de bonne musique, de bons vers, &c. Aussi les noms des hommes supérieurs qui ont vaincu ces obstacles dureront-ils peut-être beaucoup plus que les royaumes où ils sont nés ? M. de la Mothe nioit la nécessité de la rime dans notre langue & l'harmonie des vers ; M. de la Faye lui envoyant pour réponse des vers harmonieux, prit un bon parti ; il se conduisit comme le philosophe qui, pour répondre à un sophiste qui nioit le mouvement, se contenta de marcher en sa présence.

Il ne me reste plus que deux choses ; 1° à donner des principes généraux sur la rime ; 2° à indiquer les noms des rimes barbares imaginées par nos ayeux.

On n'admet point pour la rime une seule lettre, quoiqu'elle fasse une syllabe ; ainsi les mots joués & liés ne riment point ensemble. Il y a des mots qui finissant par différentes lettres, peuvent faire une bonne rime, lorsque ces lettres rendent le même son, comme dans les mots sang & flanc, nous & doux.

On a proscrit la rime du simple avec son composé, lorsque l'un & l'autre sont employés dans leur signification naturelle ; ainsi ordre & desordre ne riment pas ensemble, mais front & affront riment bien. Un mot peut rimer avec lui-même lorsqu'il y a deux sens différens ; ainsi pas passus rime avec pas, qui est une particule négative. Dans les pieces régulieres, on ne doit pas mettre de suite plus de deux rimes féminines. Les livres les plus communs vous apprendront le reste. Ainsi je passe à l'explication des noms de rimes inventées par nos anciens poëtes, la rime annexée, batelée, brisée, couronnée, empériere, enchaînée, équivoque, fraternisée, kirielle, retrograde, sénée, &c. & tout sera dit.

RIME annexée, cette rime dont on voit des exemples dans les premiers poëtes françois, consistoit à commencer un vers par la derniere syllabe du vers précédent ; exemple :

Dieu gard'ma maîtresse & régente,

Gente de corps & de façon ;

Son coeur tient le mien en sa tente,

Tant & plus d'un ardent frisson.

RIME bâtelée, c'est le nom qu'on donnoit autrefois au vers dont la fin rimoit avec le repos du vers suivant ; exemple :

Quand Neptune puissant dieu de la mer

Cessa d'armer Caraques & Galées.

RIME brisée, cette rime pratiquée autrefois, consistoit à construire des vers de façon que les repos des vers rimassent entr'eux, & qu'en les brisant ils fissent d'autres vers ; exemple :

De coeur parfait, chassez toute douleur ;

Soyez soigneux ; n'usez de nulle feinte ;

Sans vilain fait entretenez douceur ;

Vaillant & preux, abandonnez la feinte.

en brisant ces vers on lit :

De coeur parfait

Soyez soigneux ;

Sans vilain fait

Vaillant & preux ;

Chassez toute douleur,

N'usez de nulle feinte ;

Entretenez douceur,

Abandonnez la feinte.

RIME couronnée, la rime étoit couronnée, lorsqu'elle se présentoit deux fois à la fin de chaque vers ; exemple :

Ma blanche Colombelle, belle,

Souvent je vais priant, criant ;

Mais dessous la cordelle, d'elle,

Me jette un oeil friand, riant.

RIME empériere, c'étoit le nom de celle qui au bout du vers frappoit l'oreille jusqu'à trois fois :

Benins lecteurs, très-diligens, gens, gens,

Prenez en gré mes imparfaits, faits, faits.

RIME enchaînée, c'est celle qui consiste à reprendre le dernier mot du vers précédent, pour en former le premier du vers suivant. Ce goût barbare en Poésie passoit pour un art très-ingénieux. On peut juger du mérite de ce genre d'esprit, autrefois si fêté, par l'exemple suivant, tiré des bigarrures du sieur des Accords :

Pour dire au tems qui court,

Cour est un périlleux passage ;

Pas sage n'est qui va en cour ;

Cour est son bien & avantage ;

Rage est sa paix ; pleurs ses soulas ;

Las ! c'est un très-piteux ménage ;

Nage autre part pour tes ébats.

Cette rime est la même que la rime annexée ou fraternisée.

RIME équivoque. Nos anciens poëtes françois se servoient quelquefois d'une maniere de rime qu'on appelle rime équivoque, dans laquelle la derniere syllabe de chaque vers est reprise en une autre signification, au commencement ou à la fin du vers qui suit. Richelet en rapporte l'exemple suivant :

En m'ébattant je fais rondeaux en rime,

Et en rimant bien souvent je m'enrime ;

Bref, c'est pitié entre nous rimailleurs,

Car vous trouvez assez de rime ailleurs ;

Et quand vous plaît, mieux que moi rimassez,

Des biens avez, & de la rime assez, &c.

Marot est l'auteur de ces vers bizarres ; c'étoit-là une gentillesse du goût de son siecle. Nous avons de la peine à concevoir aujourd'hui quel sel on pouvoit trouver dans des productions si plates.

RIME fraternisée, cette rime qui a bien du rapport avec la rime annexée, si elle n'est la même chose, consistoit suivant nos anciens poëtes, à repéter en entier, ou en partie, le dernier mot d'un vers au commencement du vers suivant ; exemple :

Mets voiles au vent, cingle vers nous, Caron,

Car on t'attend, &c.

RIME kirielle, elle consiste à terminer chaque couplet d'un petit poëme par un même vers :

Qui voudra savoir la pratique

De cette rime juridique,

Saura que bien mise en effet,

La kirielle ainsi se fait

De plates, de syllabes huit ;

Usez-en donc si bien vous duit,

Pour faire le couplet parfait,

La kirielle ainsi se fait.

On voit bien que cet exemple se ressent de l'origine barbare de la kirielle ; mais nous ne manquons pas de couplets de chansons où elle est mise avec esprit.

RIME rétrograde, sous Charles VIII. & Louis XII. les poëtes avoient mis les rimes rétrogrades en vogue ; c'étoit le nom qu'on avoit donné aux vers, lorsqu'en les lisant à rebours, on y trouvoit encore la mesure & la rime, comme dans ceux-ci ; exemple :

Triomphamment cherchez honneurs & prix,

Désolez, coeurs méchans, infortunés

Terriblement êtes mocquez & pris.

Lisez ces vers en remontant, vous trouverez les mêmes rimes.

Prix & honneurs cherchez triomphamment, &c.

RIME sénée, on nommoit ainsi les vers où tous les mots commençoient par la même lettre ; exemple :

Ardent amour, adorable Angélique.

Un poëme dont tous les vers commençoient par une même lettre, s'appelloit poëme en rimes sénées.

RIME féminine, les vers qui finissent par un mot dont la derniere syllabe a pour voyelle un e muet, excepté dans les imparfaits charmoient, aimoient ; ces vers, dis-je, ont une rime féminine, & on les appelle aussi vers féminins ; exemple :

Dans la rime féminine, la ressemblance du son se tire de la pénultieme syllabe, parce que l'e muet ne se faisant point sentir, n'est compté pour rien. Dans le dernier hémistiche des vers de rime féminine, il y a toujours une syllabe de plus que dans les vers masculins, qui est la syllabe formée par cet e muet.

RIME masculine, c'est lorsque la derniere syllabe du dernier mot du vers ne comprend point un e muet, qu'on nomme autrement e féminin ; exemple :

Dans cette sorte de rime, on ne considere que la derniere syllabe pour la ressemblance du son, & c'est cette syllabe qui fait la rime. Les mots qui ont un e ouvert rimeroient très-mal avec ceux qui ont un e fermé à la derniere syllabe ; ainsi enfer & étouffer feroient des rimes vicieuses : il faut, autant qu'il est possible, que les dernieres syllabes des deux vers qui riment, se ressemblent parfaitement ; cependant on use d'indulgence à cet égard quand le son de la derniere syllabe est plein, ou que les rimes sont rares.

RIME normande, on appelle ainsi des rimes qui ne ressemblent que dans le son, ou dans la maniere de les écrire. Ces rimes quoiqu'autorisées par l'emploi qu'en ont fait des poëtes célebres, paroissent toutefois très-vicieuses ; exemple :

Et quand avec transport je pense m'approcher,

De tout ce que les dieux m'ont laissé de plus cher.

RIME redoublée, Chapelle (Claude l'Huillier), éleve du célebre Gassendi, inspira le goût des rimes redoublées à l'abbé de Chaulieu, à ce qu'il nous dit lui-même.

Chapelle au milieu d'eux, ce maître qui m'apprit

Au son harmonieux de rimes redoublées,

L'art de charmer l'oreille & d'amuser l'esprit,

Par la diversité de cent nobles idées.

Ces vers ont fait croire à bien des gens que Chapelle est le premier qui s'est servi des rimes redoublées : mais c'est une erreur ; d'Assoucy les employa long-tems avant lui, & même avec quelque succès, comme M. de Voltaire l'a remarqué.

Pourquoi donc, sexe au teint de rose,

Quand la charité vous impose

La loi d'aimer votre prochain,

Pouvez-vous me haïr sans cause,

Moi qui ne vous fis jamais rien ?

Ah ! pour mon bonheur je vois bien,

Qu'il faut vous faire quelque chose.

(D.J.)

RIME riche, terme de Poésie pour marquer le degré de perfection dans cette partie du vers.

La rime féminine est riche, lorsqu'immédiatement devant la pénultieme voyelle ou diphtongue, il y a une même lettre dans les deux qui font la rime ; exemple :

La rime masculine est riche, lorsqu'immédiatement devant la derniere voyelle ou diphtongue, il se trouve quelque lettre semblable dans les deux mots, comme dans heureux, généreux.

RIME suffisante, la rime féminine est suffisante, lorsque la pénultieme voyelle ou diphtongue avec tout ce qui la suit, rendent un même son dans les mots qui font la rime : Exemple,

La rime masculine est pareillement suffisante, lorsque la derniere voyelle ou diphtongue des mots avec tout ce qui la suit, rendent un même son : Exemple,

RIMES croisées, c'est lorsqu'on entrelace les vers des deux especes, un masculin après un féminin, ou deux masculins de même rime entre deux féminins qui riment ensemble. L'ode, le rondeau, le sonnet, la ballade, se composent à rimes croisées.

RIMES mêlées, c'est lorsque dans le mêlange des vers, on ne garde d'autres regles que celle de ne pas mettre de suite plus de deux vers masculins, ou plus de deux féminins. Les fables, les madrigaux, les chansons, quelques idilles, certaines pieces de théâtre, les opéra, les cantates, &c. sont composés de rimes mêlées. La répétition de la même consonnance, loin d'être vicieuse dans les rimes mêlées, y jette pour l'ordinaire de l'agrément.

RIMES plates, c'est lorsque les vers de même rimes se suivent par couples, deux masculins & deux féminins. La comédie, l'églogue & l'élégie, se composent à rimes plates. Pour le poëme épique & la tragédie, ils sont nécessairement assujettis à cette ordonnance de vers. Il faut avoir soin d'éviter la fréquente répétition des mêmes rimes, qui feroient une monotonie desagréable.

RIMES unissonnes, rimes qui ont le même son. L'orthographe différente ne rend point la rime défectueuse, quand le son est le même à la fin des mots. Ainsi les rimes suivantes & autres semblables, sont régulieres. Amant, moment ; départ, hasard ; champêtre, connoître ; sang, flanc ; aime, extrême.

Tout conspire à la fois à troubler mon repos,

Et je me plains ici du moindre de mes maux.

Au reste M. l'abbé Massieu prétend que le plus ancien morceau de poésie rimé qu'il y ait dans toute l'Europe, est la traduction ou le poëme de la grace, composé par Afrid, religieux de Vissembourg, qui vivoit vers le milieu du neuvieme siecle ; c'est du franc tout pur, auquel nous n'entendons plus rien. (D.J.)

RIME, on sousentend longue, (Marine) commandement à l'équipage d'une chaloupe, de prendre beaucoup d'eau avec les pelles de rames, & de tirer longuement dessus ces rames.

RIME BONNE, ou BONNE RIME, (Marine) commandement aux matelots du dernier banc d'une chaloupe, de voguer ou de ramer comme il faut.


RIMEURS. m. (Littérat.) écrivain qui rime ou qui compose des vers rimés. Ce terme n'est guere usité qu'en Poésie, où il est synonyme à poëte, & se prend ordinairement en bonne part, à moins qu'il ne soit restraint & déterminé par quelque épithete de blâme. Ainsi M. Despréaux a dit qu'Apollon

Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,

Inventa du sonnet les rigoureuses lois.

Et ailleurs,

Gardez-vous d'imiter ce rimeur furieux ;

où il s'agit de Charles du Perier, un des meilleurs poëtes latins & françois que nous ayons eu.


RIMINI(Géog. mod.) en latin Ariminum, ville d'Italie dans l'état de l'Eglise & dans la Romagne, située à l'embouchure de la Marecchia dans la mer Adriatique, à 25 milles au sud-est de Ravenne, & à 20 milles au nord-ouest de Pesaro. Long. 30. 15. lat. suivant des Places, 43. 59. 28.

Cette ville étoit anciennement dans le pays des Sénonois d'Italie, & devint ensuite colonie romaine. Tite-Live, l. XXVII. la met au nombre des dix-huit colonies qui assisterent la république de Rome dans le tems des prospérités d'Annibal. Il paroît qu'elle étoit chérie des Romains par les beaux restes d'antiquité qui s'y voyent encore. Auguste y fit bâtir le magnifique pont sur lequel on passe la Marecchia. Il joignit à Rimini la voie Flaminienne avec la voie Emilienne. Tibere contribua de son côté à la construction de ce pont, c'est-à-dire qu'il le finit. Les autres antiquités de Rimini sont les ruines d'un amphithéatre, celles d'un arc triomphal érigé pour Auguste, & la tour de briques, qui étoit le phare de l'ancien port ; mais la mer s'étant retirée à un demi-mille de cet endroit, le phare est présentement environné de jardins.

Rimini fut sujette aux empereurs romains jusqu'à la fin de leur empire. Elle obéit aux exarques de Ravenne tant qu'ils se maintinrent ; ensuite elle subit le joug des Lombards : après que ceux-ci eurent été défaits par les François, elle reconnut les rois d'Italie, & puis les Malatestes, vicaires de ceux-ci. Pandolfe l'un d'eux, vendit la ville aux Vénitiens ; mais l'armée de ces derniers ayant été défaite à Rivolta-Secca par les troupes de Louis XII. roi de France, ce prince mit le pape en possession de Rimini, possession qu'il a gardée jusqu'à ce jour.

Cette ville est aujourd'hui petite, dépeuplée, pauvre & sans fortification ; elle n'a jamais été féconde en savans, mais en quelques théologiens scholastiques, tel a été Grégoire dit de Rimini, surnommé le docteur authentique, & qui étoit général des Augustins en 1357.

Battaglini (Marc) né à Rimini en 1645, s'est un peu distingué de ses confreres par quelques ouvrages italiens, & entr'autres par son istoria universale di tutti i concilii generali, e particolari di santa Chiesa. Le pape Clément XI. le nomma à l'évêché de Cesène en 1716 ; mais il mourut peu de tems après âgé de 71 ans. Le P. Niceron a mis cet évêque au rang des hommes illustres. (D.J.)


RIMMAGENou RIMAGEN, (Géog. mod.) petite ville d'Allemagne dans le duché de Juliers, sur le bord du Rhin. On a trouvé auprès de cette ville quelques antiquités romaines, ainsi que d'anciennes monnoies d'or & d'argent, ce qui joint à la ressemblance du nom, a fait regarder Rimmagen pour être le Rigomagum de Tacite. (D.J.)


RIMOCASTRI(Géog. anc.) village de la Béotie : Wheler, dans son voyage de Grece, dit tom. II. l. III. Rimocastri est situé sur la croupe d'une montagne, qui découvre une grande plaine au sud, & a une vue sans borne vers la Morée, entre Hélicon & Cythaeron. Il est partagé en trois petits grouppes de maisons, deux sur la montagne & une au-dessous, qui peuvent faire en tout environ cent cabanes de grecs & d'albanois, tous chrétiens, excepté un sous-bacha qui les gouverne & qui est turc. La partie du village qui est sur la pointe de la croupe, paroît avoir été autrefois fortifiée d'un fossé du côté du nord ; le précipice de la montagne la défendant de l'autre côté, quoique sans nécessité à présent, leur pauvreté les mettant à couvert de toute entreprise. Le vin est ici le meilleur & le plus fort de toute la Grece. Il y a au pié de cette même montagne plusieurs grandes ruines que quelques-uns croyent être celles de l'ancienne Thespia, & que d'autres prennent pour celles de la ville de Thispa. (D.J.)


RINCEAUS. m. (Archit.) espece de branche qui prenant ordinairement naissance d'un culot, est formée de grandes feuilles naturelles ou imaginaires, & refendues comme l'acanthe & le persil, avec fleurons, roses, boutons & graines, & qui sert à décorer les frises, gorges & panneaux d'ornement. Il y a dans la vigne de Médicis à Rome, des rinceaux antiques de marbre d'une singuliere beauté. (D.J.)

RINCEAU, (Jardinage) ornement de parterre formant une espece de ramage ou de grand feuillage, qui prend naissance d'un culot, & se porte vers le milieu du talleau, en rejettant d'espace en espace des palmettes, des fleurs, des graines, & autres ornemens. Les rinceaux ne sont plus si à la mode. On leur préfere les massifs de gazon qui forment des compartimens & des cartouches, rendent la broderie plus légere, & en interrompent le trop de longueur.


RINCERv. act. (Gramm.) c'est nettoyer un vaisseau avec de l'eau ; on rince un verre, un pot, une terrine, sa bouche, &c.

RINCER, terme usité dans les ports de Paris, pour signifier l'action de changer une marchandise d'un bateau en un autre.


RINGARDS. m. (Forgerie) barre de fer dont on se sert pour manier de grosses pieces à forger, comme une enclume. On le dit aussi d'un gros bâton ferré. Dict. des Arts. (D.J.)


RINGCOPING(Géog. mod.) petite ville de Danemarck dans le Nortjutland, au diocese de Rypen, sur la côte occidentale. (D.J.)


RINGEAUou RINJOT, s. m. (Marine) c'est l'endroit où la quille & l'étrave d'un vaisseau se joignent.


RINGSTEDTou RINGSTAD, (Géog. mod.) ville de Danemarck dans l'île de Sélande, chef-lieu d'un bailliage de même nom ; il y avoit autrefois un monastere où Waldemar I. & Eric le Pieux, ont eu leur sépulture. Long. 29. 44. latit. 55. 26. (D.J.)


RINTLEN(Géog. mod.) ville d'Allemagne dans la Westphalie, au comté de Schawenbourg sur le Weser, entre Minden & Hambourg. Ernest, prince de Holstein, établit en 1612, une académie en cette ville, à laquelle l'empereur Ferdinand II. accorda des privileges. Long. 26. 45. latit. 52. 16.

Henichius (Jean) théologien, naquit à Rintlen en 1616, & mourut en 1671, à 55 ans. Ses principaux ouvrages sont des institutions théologiques, & une histoire ecclésiastique & civile, en latin. (D.J.)


RIO-AQUADO(Géog. mod.) riviere d'Afrique dans la Nigritie, au royaume de Coja. Elle prend sa source au pays des Houdos, & se jette dans la mer à neuf lieues de Cabo-Monte. Elle est large & profonde, mais elle n'est pas navigable à cause des écueils qui interrompent son cours. (D.J.)


RIO-BLANCO(Géog. mod.) riviere d'Afrique, dans le Bilédulgérid. Elle sort des montagnes près de la Lybie, & se jette dans l'océan par plusieurs embouchures. (D.J.)


RIO-BUS(Hist. mod. superstit.) c'est chez les Japonois le nom d'une secte de la religion du Sintos, qui a adopté les pratiques superstitieuses des religions étrangeres, & sur-tout celles du Budsdoïsme ou de la religion de Siaka. Voyez SIAKA.


RIO-CHIARO(Géog. mod.) petite riviere d'Italie, dans le patrimoine de S. Pierre, qu'elle sépare de l'Orviétan. Elle se jette dans le Tibre, un peu au-dessus de Grafignano. (D.J.)


RIO-DA-VOLTA(Géog. mod.) riviere d'Afrique en Guinée, dans le pays appellé la Côte d'or. Son embouchure dans la mer est à vingt lieues du village nommé Sinco. (D.J.)


RIO-DE-JUNEKO(Géog. mod.) petite riviere d'Afrique, dans la Guinée. Son embouchure est à 9d 10' de long. & à 5d 50' de lat. nord. (D.J.)


RIO-DE-LA-HACHA(Géog. mod.) nom, 1°. d'un gouvernement de l'Amérique méridionale, dans le nouveau royaume de Grenade : 2°. de la capitale (si l'on peut parler ainsi) de ce gouvernement : 3°. de la riviere qui l'arrose.

Le gouvernement est borné au septentrion par la mer du nord ; à l'orient, par un grand golfe qui le sépare du gouvernement de Venezuela ; au midi par l'audience de Santa-Fé ; & à l'occident par le gouvernement de Sainte-Marthe.

La capitale de ce gouvernement est bâtie dans un terroir fertile sur le bord de la riviere de son nom. Cette capitale ne contient pas cent maisons ; cependant on trouve dans son voisinage des veines d'or, & des salines. Lat. 11.

La riviere de la Hacha mouille ce hameau, & se jette dans la mer du nord au fond d'une grande baie. (D.J.)


RIO-DE-LAGARTOS(Géog. mod.) riviere de l'Amérique septentrionale, dans l'Yucatan. Son embouchure se trouve presqu'à moitié chemin, entre le cap Catoche & le cap de Condécéno. Cette riviere est petite, mais assez profonde pour les canots ; d'ailleurs l'eau en est bonne, & l'on ne connoît point d'autre riviere ni ruisseau d'eau douce sur cette côte, depuis le cap Catoche jusqu'à trois ou quatre lieues de la ville de Campêche. (D.J.)


RIO-DOLCE(Géog. mod.) riviere de l'Amérique septentrionale dans la nouvelle Espagne, au gouvernement de Vera-Paz. Elle se perd dans un petit golfe qui communique au golfe de Honduras. (D.J.)


RIO-FORMOSO(Géog. mod.) riviere des Indes dans la presqu'île de Malaca. C'est une riviere profonde, dont la source est avant dans les terres & dont l'embouchure est dans le détroit de Malaca, à l'orient de la ville de ce nom. (D.J.)


RIO-GRANDE(Géog. mod.) nom commun à trois rivieres.

C'est, 1°. une riviere considérable sur la côte occidentale d'Afrique. Son cours est de l'est à l'ouest jusqu'à l'île de Bissague qu'elle forme, & va se rendre dans la mer, entre l'île de Bulam & le cap de Tucublay. Elle est navigable jusqu'à cent lieues de son embouchure. Ses bords sont couverts de gros arbres, dont on construit des canots.

2°. Rio-Grande est une riviere de l'Amérique méridionale, au nouveau royaume de Grenade. On lui a donné ce nom, à cause de la grandeur de son canal. Ses sources sont dans le Popayan ; & après avoir traversé plusieurs provinces, elle va se jetter dans la mer du nord par deux ou trois embouchures. Elle porte de petites barques jusqu'à cinquante lieues dans les terres.

3°. Rio-Grande est une riviere de l'Amérique méridionale au Brésil. Elle arrose la capitainerie de ce nom, laquelle a le dixieme rang parmi celles du Brésil. Voyez l'article suivant. (D.J.)

RIO-GRANDE, (Géog. mod.) capitainerie de l'Amérique méridionale au Brésil, bornée au nord par le pays des Petaguay, au midi par la capitainerie de Tamaraca ; au levant par la mer du nord ; & au couchant par la nation des Tapuyes. Elle n'est peuplée que d'un petit nombre de Portugais, & il y a fort peu d'Indiens. Cette capitainerie tire son nom d'une riviere qui la traverse, & dont nous avons parlé précédemment. (D.J.)


RIO-LONGou RIO-MORENO, (Géog. mod.) riviere d'Afrique au pays de Benguela. Son embouchure est à cinq lieues de la baie de Benguela-Viella, sous le 11. 4. de latit. méridionale. (D.J.)


RIO-NEGRO(Géog. mod.) grande riviere de l'Amérique méridionale, qui communique avec l'Orenoque. M. Delisle la fait courir du nord au sud ; mais il se trompe ; elle vient de l'ouest, & court à l'est en inclinant un peu vers le sud. Rio-Negro entre si parallelement dans l'Amazone, qu'on la prendroit pour un bras de l'Amazone séparé par une île. Long. 319. 30. lat. 3.

Les Portugais fréquentent cette riviere depuis plus d'un siecle, & ont bâti un fort sur son bord septentrional, à l'endroit le plus étroit qui est de 1203 toises, à 3. 9. de latit. Ils y font un grand commerce d'esclaves, & ils doivent les faire dans les limites prescrites par les lois de Portugal, qui ne permettent de priver de la liberté que celui dont on rend la condition meilleure, en le faisant esclave : tels sont ces malheureux captifs destinés à la mort, & à servir de pâture à leurs ennemis parmi les nations qui sont dans ce barbare usage. C'est par cette raison que le camp volant de la riviere Noire porte le nom de troupe de rachat ; ce camp volant pénetre chaque année plus avant dans les terres, ou remonte plus haut la riviere.

Toute la partie découverte des bords de Rio-Negro, est peuplée de missions portugaises sous la direction des mêmes religieux du mont Carmel. Quand on a remonté pendant quinze jours, trois semaines & plus la riviere Noire, on la trouve encore plus large qu'à son embouchure, à cause du grand nombre d'îles & de lacs qu'elle forme. L'ancienne carte de M. Delisle est plus exacte à cet égard que la nouvelle. Dans tout cet intervalle le terrein des bords est élevé, & n'est jamais inondé ; le bois y est moins fourré, & c'est un pays tout différent de celui des bords de l'Amazone. (D.J.)


RIO-RÉAL(Géog. mod.) riviere de l'Amérique méridionale, au Brésil. Elle sépare la capitainerie de la baie de celle de Seregippe, & se jette dans la mer, aux confins de ces deux capitaineries. (D.J.)


RIO-SANGUIN(Géog. mod.) riviere d'Afrique, dans la Guinée, & dont l'embouchure est à 12 lieues de celle de Rio-Sextos. Les François ont eu un établissement sur les côtes de cette riviere, dont les Portugais s'emparerent, jusqu'à-ce qu'ils en aient été chassés eux-mêmes par les Anglois & les Hollandois en 1604. L'embouchure de Rio-Sanguin est à 12 degrés de longit. & à 5. 12 de latitude septentrionale. (D.J.)


RIO-SEXTOS(Géog. mod.) riviere d'Afrique, dans la Guinée. Son embouchure est à 12 lieues de celle de Rio-Sanguin, & à-peu-près à la même distance du petit Dieppe. Ce fut sur les bords de cette riviere que les Portugais virent pour la premiere fois du petit poivre, qu'on appelle en France graine de paradis, ou maniguette ; ce qui a fait donner à la côte le nom de côte de Maniguette, & par les Portugais côte de Sextos. La riviere de ce nom a un très-long cours, & environ demi-lieue de largeur à son embouchure. Les negres de cette côte font souvent des courses sur leurs voisins, pour enlever des captifs qu'ils vendent aux Européens. Les autres marchandises qu'on peut tirer de cette côte à grand marché, sont la maniguette, le riz, le mays, les volailles, les bestiaux. On y trouve aussi des cailloux plus beaux que ceux de Medoc, & qu'on taille plus aisément que le diamant. (D.J.)


RIO-TINTO(Géog. mod.) riviere d'Espagne, dans l'Andalousie, appellée aussi Azeche, & par les anciens Urius. Son eau est très-mauvaise, amere, nuisible aux plantes, & à tout ce qui a vie. Elle se jette dans l'Océan tout près de l'embouchure de celle de l'Odiero. (D.J.)


RIOJA(Géog. mod.) ville de l'Amérique méridionale, presqu'à l'entrée d'une plaine qui s'étend jusqu'au voisinage de la Cordillere de Chili, & assez près de l'endroit où étoit auparavant une autre ville qui n'a pas long-tems subsisté, & qui portoit le nom de tous les Saints. Rioja fut fondée vers l'an 1596 par Dom Juan Ramirez, gouverneur de Tucuman. Latit. mérid. 30. (D.J.)


RIOM(Géog. mod.) en latin Ricomagum ou Ricomagus ; ensuite par corruption, Ricomum & Riomum, d'où est venu le nom de Riom ; ville de France dans la basse Auvergne, au diocèse & à 2 lieues de Clermont, à 20 sud-est de Moulins, & à 90 au midi de Paris.

Philippe-Auguste s'en rendit maître par capitulation, & elle devint fort peuplée sous les ducs d'Auvergne, qui y établirent leur cour & leur domicile. Aujourd'hui Riom est considérable par sa sénéchaussée, par son présidial, dont le ressort est étendu, par son bureau des finances, par une chambre des monnoies & par trois chapitres, dont l'un porte le nom de S. Amable, patron de la ville. Les PP. de l'oratoire y ont le college. Long. 20. 4. lat. 45. 50.

La ville de Riom a été le berceau de quelques personnes illustres par leur savoir ou par leur esprit.

Grégoire de Tours (Georgius-Florentius Gregorius), est le premier dont il faut parler, à cause de son ancienneté. On l'a nommé Grégoire de Tours, parce qu'il fut évêque de cette ville en 573. On en a fait un saint, parce qu'il a lui-même écrit plusieurs livres des miracles des saints ; parce qu'il s'opposa courageusement aux projets de Chilpéric & de Frédégonde ; enfin parce qu'il fut lié d'amitié avec S. Grégoire le grand, & qu'il vint à Rome visiter le tombeau des apôtres. Il est mort en 595. Dom Ruinart a donné la meilleure édition de ses ouvrages en 1699 ; mais le seul qui soit utile, est son histoire de France en dix livres, depuis l'établissement du Christianisme dans les Gaules, jusqu'à l'an 595. Cette histoire contient des faits importans, quoique le style en soit dur & grossier, & que l'auteur soit extrêmement simple & crédule. On a remarqué qu'il s'est trompé en plusieurs points & que plusieurs de ses passages veulent être corrigés. Son silence sur le miracle de la sainte ampoule est une forte objection contre la certitude de ce miracle, parce qu'il n'étoit pas homme à l'oublier. Il est encore bon d'observer qu'on l'obligea de se disculper par serment, d'avoir mal parlé de la reine Frédégonde.

Genebrard (Gilbert), religieux de Clugny, & qui devint archevêque d'Aix en 1591, étoit un des savans hommes du xvj. siecle. Il mourut à Semur en 1597, à 60 ans. On a de lui plusieurs ouvrages, & entre autres une traduction françoise de Josephe. Il a publié en latin une chronologie sacrée, un commentaire sur les pseaumes, plusieurs opuscules des rabbins, trois livres sur la Trinité, & un traité pour soutenir les élections des évêques par le clergé & par le peuple, contre la nomination du roi. Ce dernier traité fit grand bruit par le mauvais esprit qui engagea l'auteur à le mettre au jour. C'étoit un livre injurieux aux droits de l'église gallicane, & le parlement de Provence le condamna à être brûlé. On sait que Genebrard avoit embrassé quelque tems auparavant le parti de la ligue, & qu'il ne cessoit dans ses sermons de déclamer avec fureur contre Henri IV. Il vomissoit, dit le journal de l'Etoile, autant d'injures contre ce prince, qu'une harengere en colere. Enfin, pour le peindre en deux mots, avec M. de Thou, c'étoit un homme plus réglé dans sa vie que dans ses écrits, & plus laborieux que sage. Son style se ressent de son caractere ; il est dur & rempli d'épithetes.

Courtin (Antoine de), sécretaire des commandemens de la reine Christine de Suede, naquit à Riom en 1622. Charles Gustave le fit son envoyé extraordinaire en France ; & après le décès de ce monarque, Colbert nomma M. Courtin résident de France vers les princes du nord. Il mourut à Paris en 1685. On lui doit la premiere traduction françoise du traité de la guerre & de la paix de Grotius ; mais celle de M. Barbeyrac l'a fait tomber dans l'oubli.

Danchet (Antoine), poëte françois, naquit à Riom en 1671, devint membre de l'académie des Inscriptions en 1706, de l'académie Françoise en 1712, & mourut à Paris en 1748, généralement aimé & estimé. Ce qui fait l'éloge de son coeur, c'est qu'étant poëte par goût & comme par état, il ne s'est jamais permis des vers satyriques contre personne, quoiqu'il ait été souvent blessé des traits de la malignité. Cet auteur aimable a fait plusieurs tragédies foibles, & a beaucoup travaillé pour le théâtre de l'opéra ; les pieces qu'il a données en ce genre se sont soutenues à l'aide du musicien. Toutes ses oeuvres ont été recueillies & imprimées à Paris en 1751, en quatre vol. in-12. Il est l'auteur des vers intitulés les cinq sens.

J'entends la voix d'Eglé, quel plaisir souverain !

Je respire son air & son parfum divin :

Je la vois, à mes yeux Venus même s'expose ;

Je cueille le lis de son sein ;

Je goûte le baiser sur ses levres de rose.

Si j'ai bien compté par mes doigts,

(Car pour mon coeur le nombre en est extrême)

Voilà tous les cinq sens ravis tous à la fois ;

Je ne parle pas du sixieme.

Faydit (Pierre), connu par la singularité de ses opinions, naquit à Riom, entra dans la congrégation de l'oratoire en 1662, fut obligé d'en sortir en 1671, & mourut en 1709. Il publia en 1696, un traité sur la Trinité, dans lequel il déclame contre le systême des théologiens scholastiques, & en établit un qui l'a fait soupçonner de favoriser le trithéïsme. Ses autres ouvrages sont 1°. la vie de S. Amable : 2°. des remarques sur Virgile, sur Homere & sur le style poëtique de l'Ecriture : 3°. des mémoires contre l'histoire ecclésiastique de Tillemont : 4°. une critique du Télémaque de M. l'Archevêque de Cambrai. Tous ces ouvrages péchent moins par l'érudition, que par la satyre, le manque de goût & de jugement.

Sirmond (Jacques), jésuite, né à Riom en 1559, mourut à Paris au college de Clermont en 1651, âgé de 92 ans. C'étoit l'un des plus érudits & des plus aimables hommes de son siecle. Il devint confesseur de Louis XIII. & se conduisit à la cour avec tant de prudence dans ce poste délicat, qu'il n'y donna jamais à personne le moindre sujet de plainte. Renfermé dans les bornes de son ministere, il continua ses études, ne se mêla d'aucune affaire temporelle, & ne demanda qu'un petit bénéfice pour M. de la Lande son neveu, sur lequel il fut contesté. Le pape le préféra à tous les savans d'Italie pour faire la préface de la collection des conciles. Ses nombreux ouvrages furent très-estimés, & sont très-peu lus. Il est vrai qu'on a recueilli à Paris en 1696 en 5 vol. in-fol. les seuls opuscules du pere Sirmond sur différentes matieres, mais à-peine les consulte-t-on aujourd'hui dans les bibliotheques publiques qui en ont fait l'acquisition ; cependant son style est concis, & il traite ses sujets avec beaucoup de choix, d'exactitude & d'érudition.

Toutée (Dom Antoine-Augustin), de la congrégation de S. Maur, né à Riom en 1677, mourut en 1718, après avoir achevé une nouvelle édition des oeuvres de S. Cyrille de Jérusalem, que dom Prudent Maran a publiée à Paris en 1720, in-fol. (D.J.)


RIOSANDRé, (Géog. mod.) riviere d'Afrique dans la Guinée, entre le cap de Palmes & celui de trois pointes. Elle donne son nom à la côte voisine, jusqu'à une certaine distance. Cette riviere est considérable, même avant que d'avoir reçu les eaux d'une autre riviere qui s'y perd, une lieue avant son embouchure dans la mer. Elle est bordée de prairies naturelles & de vastes campagnes unies, d'un terrein gras, coupé par des ruisseaux qui le rafraîchissent. Le riz, le mil, le mays, les pois, les patates, en un mot toutes sortes de légumes y viennent en perfection. On voit d'espace en espace des bouquets de palmiers, d'orangers, de citronniers, de cotonniers de diverses especes, qui sans culture portent des fruits excellens. On y voit quantité de cannes à sucre qui y sont naturelles, & dont les éléphans profitent ; mais les negres de ces quartiers sont féroces, & même antropophages ; ils n'ont pour vêtement qu'un très-petit morceau de toile devant eux. Cependant le pere Labat prétend qu'il ne seroit pas difficile de les apprivoiser, & que Rio-S.-André est le lieu de toute cette côte le plus propre à placer une forteresse utile pour le commerce de l'or, des dents & des esclaves. (D.J.)


RIOUZIC(Géog. mod.) petite île de France, en Bretagne, sur la côte de l'évêché de Tréguier, & une des sept îles que les anciens ont appellé Siadae. (D.J.)


RIOXA(Géog. mod.) en latin Raconia ; petite province d'Espagne, dans la Castille vieille, au voisinage de Miranda de Ebro. Elle est séparée de l'Alava par l'Ebre, & elle prend son nom de Rio-Oxa qui l'arrose. On y jouit d'un air fort pur ; son terroir est fertile en blé, en vin & en miel. Elle renferme trois ou quatre villes ou bourgs, comme Navarette, Guardia, Bastida & Belovado.

C'est dans ce dernier lieu qu'est né Spinosa (Jean). Il servit utilement Charles-Quint dans quelques expéditions militaires ; mais il est connu des gens de lettres par un ouvrage à la louange des femmes, intitulé Gynaecepaenos, imprimé à Milan en 1580, & par un autre livre, sous le titre de Micracanthos, contenant les actions & les paroles remarquables des grands hommes. (D.J.)


RIPA(Géog. mod.) autrement Ripa trassonia, ou Ripa transone ; petite ville d'Italie, dans l'état de l'Eglise, Marche d'Ancone, & dans les terres. Elle est à 5 milles de la côte du golfe de Venise, à égale distance de Monte-Alto, & environ à 6 milles de Fermo. Elle est passablement peuplée, & a quelques fortifications. Son évêché fondé en 1570, est suffragant de Fermo. Long. 31. 36. lat. 45. 55. (D.J.)


RIPAEI MONTES(Géog. anc.) montagnes de l'Arcadie, selon Servius, in lib. IX. Aeneid. p. 1340, qui dit que leur nom differe de celui des monts Riphées, en ce que l'un s'écrit avec aspiration, & l'autre sans aspiration. Voyez RIPHAEI montes. Géog. anc. (D.J.)


RIPAILLE(Géog. mod.) bourg de Savoie, dans le Chablais, sur le bord du lac de Genève, environ à une lieue de Thonon. Long. 24. 10. lat. 46. 23'.

Ripaille que fonda Amédée VIII. pour six hermites & lui, a acquis de la célébrité par la retraite agréable & momentanée qu'y fit ce prince, dans le tems qu'il se crut guéri de toute ambition, & que laissant flotter les renes de la souveraineté entre les mains de son fils, il ne songeoit pas à briguer la thiare pontificale contre aucun cardinal, & ne s'occupoit que des plaisirs de la vie tranquille. M. de Voltaire a joliment dépeint son caractere dans les vers qui suivent :

O bizarre Amédée !

De quel caprice ambitieux

Ton ame est-elle possédée ?

Ah ! pourquoi t'échapper à ta douce carriere ?

Comment as-tu quitté ces bords délicieux,

Ta cellule, ton vin, ta maîtresse & tes jeux,

Pour aller disputer la barque de S. Pierre ?

(D.J.)


RIPES. f. (outil d'ouvriers) outil de maçon, de tailleur de pierre, & de sculpteur, qui sert à gratter un enduit, ou de la pierre, ou une figure. La ripe des maçons est une espece de fer en forme de queue d'ironde dentelée, ou une sorte de petite truelle triangulaire, qui a des dents d'un côté, qu'on appelle plus communément truelle bretée ou bretelée ; celle des tailleurs de pierre est plus large, mais peu différente de celle des maçons. Pour celle des sculpteurs, c'est un cizeau plat, un peu courbé par le bout, & dentelé du côté convexe. Ces trois ripes sont à manches de bois. Il y a aussi des ripes sans dents qui ne sont que des fers un peu larges, pliés en équerre, tranchans & emmanchés de bois. Savary. (D.J.)


RIPIN(Géog. mod.) petite ville de Pologne, dans la Mazovie, au nord de Dobrzin, dont elle est une des trois châtellenies. (D.J.)


RIPOL(Géog. mod.) en latin Rivi-pullum, petite ville d'Espagne dans la Catalogne, au midi de Campredon, avec une abbaye d'hommes, ordre de S. Benoit, qui servoit de sépulture aux comtes de Barcelone. Elle est au confluent du Frésaro & du Ter. (D.J.)


RIPOSTES. f. (estocade de) est une botte qu'on porte à l'ennemi aussitôt qu'on a paré son estocade.

Pour bien exécuter la riposte, il faut 1°. que la parade soit extrêmement vive ; 2°. détacher l'estocade dans l'instant qu'on a paré, & que l'ennemi termine sa botte ; 3°. porter à l'ennemi la même botte que l'on a parée, c'est-à-dire, que si l'on a paré l'estocade de quarte basse, on riposte quarte basse ; & si l'on a paré l'estocade de tierce, on riposte tierce, &c.


RIPPERv. act. terme usité dans les douannes & sur les ports des rivieres, particulierement à Paris. Il signifie faire couler à force de bras, sur les brancarts d'un haquet, les balles, caisses, ou tonnes de marchandises pour les charger plus facilement. Dictionn. de Commerce.


RIPPON(Géog. mod.) le Rhigodunum de Ptolémée, l. I. c. iij. ville d'Angleterre, dans la province d'Yorck, sur la Youre, à 210 milles au nord-ouest de Londres ; Widfrid, archevêque d'Yorck, y fonda autrefois une abbaye de bénédictins. Aujourd'hui cette ville se distingue par ses manufactures de draps & d'éperons les meilleurs d'Angleterre. Long. 15. 56'. latit. 54. 5'. (D.J.)


RIPUAIRES(Géog. mod.) Ripuarii, Ribuarii, Riboarii, Ribuerii & Riparioli ; tous ces noms sont corrompus du latin Riparii, & ont été employés par les écrivains du moyen âge, pour désigner un peuple distingué des Francs, des Burgondions, des Gaulois, des Allemands, des Frisons ou Frisicebons, des Bajouriens & des Saxons, mais dont il est plus aisé de dire qu'ils n'ont pas été, que qui ils étoient.

Quelques-uns croyent que les Riparii étoient un composé de différentes nations au-delà du Rhin, qui vinrent s'établir en-deçà de ce fleuve, & sur ses bords. M. de Valois, not. gall. p. 478, soupçonne qu'ils avoient été appellés Riparii, parce qu'ils habitoient d'abord sur la rive droite du Rhin ; & il ajoute que ces peuples ayant passé le fleuve, fixerent leur demeure sur la rive gauche, de façon qu'ils s'étendoient jusqu'aux rivieres de Roer & de Meuse, où se trouvent Nuyts, Cologne, Bonn, Zulick ou Zulch, Duren, Juliers & Andernach. Ils donnerent leur nom à ce pays qui fut honoré du titre de duché, & partagé en cinq comtés. Le grand nombre des noms germaniques que l'on trouve dans la loi ripuaire, presque semblable à la loi salique, suffit pour faire croire que ces peuples étoient venus de la Germanie.

Jodoce Coccius d'Alsace fait mention d'un peuple nommé Riparii ou Ripuarii, voisin de l'Alsace, & qui demeuroit entre la Bliess, la Sare & la Moselle. Cela étant, il y a eu des peuples ripuaires sur le haut Rhin & sur le bas Rhin ; mais comme il n'est parlé que d'un seul duché des peuples ripuaires, il ne seroit pas impossible que ce duché se fût étendu le long du Rhin, depuis Nuyts jusqu'à la riviere de Senz, dans une espace de quarante-six milles, & qu'il eût compris Nuyts, Cologne, Bonn, Andernach, Coblents, Wesel ou Ober-Wesel, Bingen, Mayence, Worms, Spire, Rhein-Zabern & Zeltz.

Du tems de l'empereur Louis le débonnaire, il y avoit encore au-delà du Rhin dans la Germanie, un pays appellé Riparia ou Ripariae, & qui étoit la premiere demeure des Riparii qui avoient passé le Rhin, & s'étoient établis dans la France. Louis-Auguste en fait aussi mention dans le partage de son royaume entre ses trois fils ; il le nomme par corruption Ribuariae, & le place entre la Thuringe & la Saxe. (D.J.)

RIPUAIRE loi, (Jurisprud.) Voyez LOI RIPUAIRE. (A)


RIQUERAQUES. f. (Poésie gaul.) sorte de grande chanson ancienne, composée de vers couplés de six ou sept syllabes chacun, avec divers croisées. Borel. (D.J.)


RIQUIER SAINT(Géog. mod.) on écrit aussi S. Ricquier, ville de France en Picardie, au diocèse d'Amiens, dans le comté de Ponthieu, sur la petite riviere de Cardon, ou plutôt à la source de ce ruisseau, à 2 lieues au nord-est d'Abbeville, & à 7, au nord-est d'Amiens.

Cette ville étoit déja un bourg considérable nommé Centule, avant le regne de Charlemagne ; & du tems de Louis le débonnaire, c'étoit une ville plus considérable qu'elle n'est aujourd'hui ; car elle avoit deux mille six cent maisons. S. Riquier y naquit sous le regne de Clotaire II. vers le commencement du vij. siecle, & en 640 il y jetta les fondemens du monastere qui subsiste encore, & qui porte aujourd'hui son nom. Il y établit pour abbé S. Oualde. Les moines eurent la seigneurie temporelle de la ville ; les comtes de Ponthieu & ceux d'Amiens se l'approprierent ensuite ; & elle revint en 1225 à Louis VIII. roi de France. Le roi & l'abbé de S. Riquier en sont aujourd'hui co-seigneurs. La taille y est personnelle, & c'est le siege d'une prévôté royale. Son terroir produit du blé, du lin & du chanvre. Long. 19. 25'. latit. 50. 12'. (D.J.)


RIou RIRE, s. m. (Physiolog.) émotion subite de l'ame qui paroît aussitôt sur le visage, quand on est surpris agréablement par quelque chose qui cause un sentiment de joie. C'est le propre de l'homme, entant qu'un être pensant, & par un effet de la conformation des muscles de son visage. V. RISIBILITE.

On ne sauroit expliquer comment à l'occasion d'une idée, ce mouvement se produit aux levres & au reste du visage ; on ne doit pas même espérer d'y parvenir ; il y a beaucoup de phénomenes en ce genre inexplicables, & quelques-uns dont on peut fournir l'explication ; mais il faut se ressouvenir que l'imagination influe beaucoup ici, comme dans toutes les sensations.

Le visage seul est le siege du ris modéré. Les angles des levres s'écartent par l'action du zigomatique, du buccinateur & du risorius de Santorini. Les joues forment par une espece de duplicature une petite fosse entre la bouche & les côtés du visage ; à cet état se joignent des expirations alternatives qui se suivent vîte, & sont peu ou point sonores ; elles le sont beaucoup, quand le ris est immodéré ; alors les muscles du bas-ventre sont agités, l'action des muscles abdominaux oblige le diaphragme de remonter. Lorsque le ris commence à se former, on inspire, on n'expire point ; ensuite les expirations viennent ; elles sont sonores, fréquentes, petites ; elles ne vuident point tout l'air du thorax ; par-là l'air est pressé contre la glotte ; la glotte resserrée laisse sortir de vrais sons, & en montant & descendant, elle comprime les vaisseaux sanguins.

Ainsi 1°. lorsqu'on est frappé de quelque idée plaisante ou ridicule, on rit avec bruit, parce que la poitrine se resserrant, le larynx en même tems est comprimé, le diaphragme agit par de petites secousses, l'action des muscles abdominaux le force de remonter, & fait sortir l'air à diverses reprises.

2°. Comme il y a une liaison entre le diaphragme, les muscles du visage & du larynx, par le moyen des nerfs, on ne doit pas être surpris, si les mouvemens du ris se font sentir au visage & au larynx.

3°. Puisque les poumons sont comprimés dans l'expiration, on voit que dans le tems qu'on rit, le sang ne doit pas passer librement dans les vaisseaux du poumon ; ainsi la circulation ne se fait pas alors avec la même facilité qu'auparavant.

4°. Quand on rit, les veines jugulaires se gonflent, de même que la tête ; cela vient de ce que le sang ne peut pas entrer librement dans le coeur, en descendant de la tête, le coeur se resserrant, & le poumon n'étant pas libre ; pour la tête, c'est une nécessité qu'elle devienne enflée, puisque le sang ne peut alors se décharger dans les veines non plus que la sérosité.

5°. Il arrive souvent qu'en riant on vient à ne pouvoir pas respirer ; cela doit arriver ainsi quand les secousses continuent long-tems & avec violence, puisqu'alors le sang ne passe pas librement dans les poumons comprimés par l'expiration.

6°. On pleure un peu à force de rire. Rien de plus voisin du ris que son extrêmité opposée, les pleurs, quoiqu'elles viennent d'une cause contraire ; mais par ces pleurs je n'entends pas de simples larmes, car outre ces larmes, il y a dans l'action de pleurer plusieurs affections de la poitrine avec inspiration ; le thorax dilaté est comprimé alternativement & promtement, à-peu-près comme dans le ris, avec une grande expiration, aussi-tôt suivie du retour de l'air dans les poumons. On a donc en pleurant les mêmes anxiétés qu'en riant ; on conserve à-peu-près la même figure, si ce n'est que les yeux sont plus poussés en-avant, & s'enflent en quelque sorte par les larmes. En effet, qu'on pleure ou qu'on rie, ce sont à-peu-près les mêmes muscles du visage qui jouent, c'est pourquoi on peut à-peine distinguer la différence qui se trouve entre les mouvemens de ces deux états dans le visage ; le ris des mélancoliques ressemble fort aux pleurs.

7°. Le ris dégénere quelquefois en convulsion ; cela n'est pas suprenant, puisqu'il n'est lui-même qu'une espece de convulsion ; le diaphragme étant violemment agité, peut par le moyen de l'intercostal de la huitieme paire, & des nerfs diaphragmatiques, causer des convulsions dans les muscles, avec lesquels ces nerfs communiquent médiatement ou immédiatement.

8°. Quand on rit long-tems & avec beaucoup de force, il peut se faire que les vaisseaux pulmonaires se rompent ; aussi a-t-on vû quelquefois succeder aux violentes secousses que le poumon souffre quand on rit, des crachemens de sang.

9°. L'apoplexie vient souvent d'un arrêt de sang ; or nous avons dit que dans le ris immodéré, le sang ne passe pas librement dans les vaisseaux pulmonaires, ni par le cerveau : il peut donc se faire que l'apoplexie succede aux mouvemens violens qui agitent la machine quand on a long-tems ri immodérément.

10°. Il y a dans les auteurs quelques observations sur les effets du ris poussé à l'excès. Chrysippe, au rapport de Laerce, Zeuxis & Philémon, au rapport de Valere-Maxime, rioient jusqu'à l'entiere extinction de leurs forces. Dans le ris immodéré, le ventricule droit plein de sang qui ne passe pas au gauche, & qui empêche la décharge de celui des veines jugulaires, nous offre une stagnation à-peu-près aussi considérable que dans les efforts ; de-là des ruptures d'ulceres quelquefois salutaires, au rapport de Scheuchzer, mais de-là aussi quelquefois des hémoptysies, & des convulsions nerveuses, funestes dans les plaies des nerfs.

Cependant, sans trop craindre ces tristes effets du ris excessif dont parlent les auteurs, & d'un autre côté sans les regarder comme des chimeres, il convient de ne se livrer qu'à des ris modérés, qui sont les fruits d'une joie douce & toujours bienfaisante. Par tous les mouvemens qui arrivent alors, le sang se divise, les vaisseaux qui n'avoient pas assez de force pour chasser les humeurs, sont pressés ; plusieurs parties qui étoient sans vigueur sont agitées, & reçoivent plus de sang ; les humeurs sont poussées dans les pores sécrétoires, la transpiration s'augmente, le sang circule plus vîte au ventricule gauche, & de-là au cerveau, où il se filtre conséquemment plus d'esprits ; en un mot toute la machine en retire des avantages.

On ne rit ordinairement que parce que l'ame est agréablement affectée, c'est ce que nous éprouvons fréquemment dans nos spectacles. La cause du rire à la comédie, dit Voltaire, est une de ces choses plus senties que connues ; l'admirable Moliere, ajoute-t-il, & Regnard quelquefois, excitent en nous ce plaisir, sans nous en rendre raison, & sans nous dire leur secret. Des méprises, des travestissemens qui occasionnent ces méprises, les contrastes qui en sont les suites, produisent un ris général, tandis qu'il y a des caracteres ridicules dont la représentation plaît, sans causer ce ris immodéré de joie ; Trissotin & Vadius, par exemple, semblent être de ce genre. Le Joueur, le Grondeur, qui font un plaisir inexprimable, ne causent guere un ris éclatant.

On distingue plusieurs especes de ris ; il est des ris moqueurs & méprisans, où ce ne sont que quelques muscles du visage qui agissent, sans expiration ni inspiration. Il en est de plus corporels, produits par la titillation, par une pure convulsion des nerfs subcutanés, à laquelle se joint la convulsion sympathique du diaphragme ; l'inflammation de cette cloison, fait naître un ris sardonique.

Il y a des gens qui ont tâché d'expliquer les tempéramens des hommes par leurs diverses manieres de rire. Nous ne donnons plus dans ces fadaises, non-plus que dans la superstition des anciens, qui tiroient d'heureux présages du rire des enfans au moment de leur naissance, car c'est ainsi qu'il faut entendre la pensée de Séneque dans sa quatrieme éclogue :

Puer qui non risit parenti,

Nec deux hunc mensa, dea nec dignata cubile est.

" Tout enfant qui ne rit pas à ses parens, ne mérite pas d'être admis à la table des dieux, ni au lit d'une déesse ".

Saint Basile condamne le rire dans tous les Chrétiens sans exception, sur ce passage de l'Ecriture, malheur à vous qui riez, parce que vous pleurerez, Luc, VI. v. xxv. mais Jesus-Christ, comme l'a remarqué Grotius, parle seulement de ceux qui ne cherchent que les occasions de se réjouir ; & s'abandonnent uniquement aux plaisirs ; rien n'est plus commun dans toutes les langues, que d'exprimer la joie par le rire, qui en est un effet naturel.

Lycurgue, en législateur éclairé, consacra des statues du Ris dans toutes les salles des Spartiates ; pour leur donner à entendre qu'ils devoient faire regner dans leurs repas & dans leurs assemblées, la satisfaction & les sentimens de la joie honnête, qui, dit Plutarque, est le plus agréable assaisonnement de la table & des travaux.

Je connois quelques ouvrages sur le ris & les pleurs, mais ils ne méritent pas aujourd'hui d'être lus, quoiqu'on les doive tous, lors de la renaissance des lettres, aux savans d'Italie, à l'exception de celui de Joubert (Laurent) intitulé Traité du ris, de ses causes & de ses effets, Paris 1579, in-8 °. Il est bon d'y joindre l'ouvrage de Simon (Léonard) de naturali & praeter naturali risu ; Messanae 1656, in-4 °. (D.J.)

RIS SARDONIQUE, (Médecine) ris involontaire & convulsif, dont le surnom est tiré du sardea ou sardonia herba, la sardoine, qui prise intérieurement, est un poison assez actif, dont le principal effet se porte sur les levres & les joues, & y excite des mouvemens convulsifs, de façon que les malades empoisonnés meurent avec la figure d'un homme qui rit ; cette plante n'est autre chose que la renoncule sauvage à feuilles d'api, très-commune dans l'île de Sardaigne, qui est, suivant Dioscoride, plus veloutée, plus haute, & a les feuilles plus découpées que les autres especes ; on l'appelle aussi communément l'api sauvage. Apulée à cause de sa qualité vénimeuse, lui a donné le nom d'herbe scélérate. Voyez RENONCULE.

Le ris sardonique est aussi connu sous le nom de spasme cynique, & cette dénomination lui vient de ce que les levres, dans cet état de convulsion, imitent la figure de celles d'un chien lorsqu'il grince des dents ; cynique est dérivé de , qui veut dire chien.

La réfraction convulsive des angles des levres, qui constitue proprement le ris sardonique, peut n'avoir lieu que d'un côté, & alors la bouche sera de travers, comme il arrive dans quelques attaques de paralysie & d'épilepsie ; plus souvent les deux angles retirés laissent les dents à découvert & caractérisent mieux la maladie ; quelquefois aussi les muscles du nez, des paupieres, de la face, le muscle peaucier, sont affectés de façon que toute la face est en convulsion ; il y a des cas où le mal se répand dans les yeux, dans la langue, & s'étend même, comme Caelius Aurelianus l'a observé, jusqu'au cou & aux épaules, de façon que le malade est dans l'attitude d'un porte-faix qui fait des efforts violens pour soulever & transporter un fardeau. Cette maladie est souvent précédée, suivant Avicenne, d'une légere douleur dans les os de la face, avec engourdissement & palpitation de la peau qui les recouvre. Lorsqu'elle est décidée & bien établie, la salive auparavant retenue par les levres appliquées aux dents, ne trouvant plus cet obstacle, se répand au-dehors, la voix est altérée, la mastication est presque impraticable ; il n'est pas rare alors, selon la remarque de Celse, de voir survenir la fievre & un changement réitéré dans la couleur du visage.

L'usage de la renoncule sauvage n'est pas la seule cause du ris sardonique, des attaques d'épilepsie & de paralysie peuvent, comme nous avons déjà dit, produire dans les muscles des levres une altération à-peu-près semblable ; mais la rétraction de ces muscles dans la paralysie n'est qu'une fausse convulsion occasionnée par le relâchement des antagonistes. Les vices du diaphragme sont des causes assez ordinaires du ris sardonique, sans doute à-cause de la communication des nerfs qui prennent leur origine de la quatrieme & cinquieme vertebre du cou qui se portent à cet organe, & qui fournissent quelques ramifications aux levres ; c'est un symptome très-fréquent dans la paraphrénésie (voyez ce mot), dans les blessures du diaphragme, comme l'ont observé Pline, Aristote, & Hippocrate ; ce divin vieillard raconte, que Tichon ayant reçu une blessure pénétrante dans la poitrine, en retirant l'instrument, on laissa une petite esquille de bois qui piqua le diaphragme, à l'instant le malade fut saisi d'un ris tumultueux, & mourut peu après dans les convulsions ; Epidem. lib. V. aegr. 94. Le ris sardonique survient quelquefois le neuvieme jour après l'extirpation des testicules, & il est alors un très-mauvais signe. Le dérangement de la mâchoire inférieure apres des luxations ou des fractures mal ou trop tard réduites, occasionne aussi quelquefois, suivant le même auteur, une altération dans la situation des levres qui peut imiter le ris sardonique, lib. de articul. Le même effet peut encore dépendre d'un vice des muscles masseters ; enfin on pourroit ajouter ici toutes les causes des convulsions en général qui peuvent aussi-bien affecter les levres que toute autre partie.

On ne sauroit méconnoître cette maladie, ses symptomes frappent au premier coup-d'oeil, & ne sont nullement équivoques. Il est moins aisé de distinguer les causes auxquelles elle doit être attribuée, & il y auroit du danger à s'y méprendre ; on peut cependant s'en assurer par le récit du malade & des assistans, & par l'examen plus attentif des phénomenes ; ce n'est que par les autres qu'on peut être instruit si le ris sardonique est la suite de l'usage de cette renoncule vénimeuse ou d'une blessure au diaphragme, ou d'une maladie ou opération précédente ; on juge soi-même si la rétraction des levres est vraiment convulsive, ou l'effet d'un relâchement paralytique ; dans ce dernier cas, les levres ne sont pour l'ordinaire retirées que d'un côté, elles obéissent au moindre effort, & les paupieres du côté opposé atteintes de la même paralysie, sont abaissées ; le tempérament, le genre de vie du malade, les causes précédentes peuvent fournir encore des éclaircissemens ultérieurs ; dans le ris sardonique exactement spasmodique, les deux angles sont le plus souvent retirés, & l'on ne peut, sans beaucoup de peine, les rapprocher, ils opposent aux efforts qu'on fait une roideur qui en dénote la cause.

C'est sans fondement qu'on assure que le ris sardonique est un symptome toujours très-dangereux ; cette assertion vague, vraie dans quelques cas particuliers, n'est pas conforme à toutes les observations ; le ris sardonique, effet de la paralysie ou de l'épilepsie, n'ajoute rien à la gravité & au danger de ces maladies. Dans la paralysie il n'est pas toujours suivi d'une mort subite & inattendue ; on guérit quelques malades qui ont usé de la sardoine, & quoique Hippocrate ait prononcé que dans une fievre non intermittente, la distorsion du nez, des yeux, des sourcils & des levres, sont un signe de mort prochaine, Aphor. 49. lib. V. il rapporte lui-même un exemple, Epidem. lib. III. qui prouve que ce prognostic général souffre quelques exceptions. Pythyon dans qui il observa ce symptome au septieme jour d'une fievre continue, fut très-bien guéri. Lorsqu'il se rencontre avec une extrême foiblesse, on peut assurer avec cet habile médecin, qu'il n'y a plus aucun espoir, Coacar. praenot. cap. j. n°. 74. ce qui lui est commun avec toutes les autres convulsions ; voyez SPASME, SPASMODIQUE, MOUVEMENT. Dans d'autres cas, comme Menjot l'a remarqué, il peut préparer & annoncer un mouvement critique, un transport subit des humeurs vers les parties inférieures, ou une hémorrhagie par le nez.

La seule espece de ris sardonique produite par la renoncule, mérite ici une attention particuliere pour le traitement ; les autres especes ou n'en sont pas susceptibles, ou n'exigent d'autres remedes que ceux qui sont appropriés aux maladies dont elles sont symptomes. Le secours le plus efficace & le plus promt pour ces malades empoisonnés, est sans contredit l'émétique. Aétius, Paul d'Egine, Dioscoride, &c. s'accordent tous à le prescrire, nullement retenus par la causticité qu'ils attribuent à cette plante ; dès que l'émétique a fini son effet, ils conseillent l'hydromel pris abondamment ; le lait, les huileux, les frictions, les douches, les embrocations avec des remedes chauds & pénétrans, celles qu'on fait avec l'huile, excellentes en général dans les convulsions, ne seroient pas employées sans succès : les bains d'hydrelaeum, ou d'un mêlange d'huile & d'eau, sont aussi très-convenables ; mais il faut avoir soin de frotter & d'oindre le malade au sortir du bain. Du-reste, on peut ici employer les toniques, les nervins, les anti-spasmodiques, les amers, le quinquina, le sel sédatif, & tous les médicamens fétides compris dans la classe des anti-hystériques.

Ris sardonique, se prend aussi souvent dans le figuré pour exprimer un ris qu'on est obligé d'affecter sans en avoir le moindre sujet, ou lorsqu'on auroit plutôt lieu d'être triste ou en colere ; tel est l'état d'un homme qui entend raconter une histoire plaisante dont il est lui-même l'objet anonyme & inconnu tourné en ridicule, comme dans les fourberies de Scapin le bon homme Géronte est forcé à rire par le récit de la tromperie qu'on vient de lui faire ; tel est aussi le cas d'un homme qui veut faire paroître du courage en riant lui-même le premier, ou feignant de rire du ridicule dont on le couvre, comme il est arrivé à certain histrion, aristarque de profession, qui bafoué justement en plein théâtre, affecta de mêler ses ris aux éclats qui partoient de toute part ; mais il avoit mangé de la sardoine, & il ne rioit que du bout des levres. (m)

RIS, s. m. (Hist. nat. Botan.) Voyez RIZ.

RIS, (Marine) rang d'oeillets, avec des garcettes qui sont en-travers d'une voile, à une certaine hauteur. Les garcettes servent à diminuer les voiles par le haut, quand le tems est mauvais ; ce qui s'appelle prendre un ris. Voyez PRENDRE UN RIS.

RIS de veau, terme de boucherie ; glande qui est sous l'ésophage des veaux ; elle a deux parties, l'une qu'on appelle autrement la fagone, qui est blanche & ridée, & l'autre la gorge. C'est une glande que les médecins appellent dans le corps humain thymus. (D.J.)


RISANA(Géog. mod.) ville de la Dalmatie, sur la côte du golphe de Venise, au fond du golphe Cataro. Les Turcs l'ont ruinée. (D.J.)


RISANOLE, (Géog. mod.) riviere d'Italie, dans l'Istrie. Elle se jette dans le golphe de Trieste, environ à 3 milles de la ville de Capo-d'Istria. Cette riviere est le Formio des anciens. (D.J.)


RISBANS. m. (Hydraul.) est un fort de maçonnerie construit dans la mer, sur lequel on place de l'artillerie pour la défense d'un port. Tel étoit le fameux risban bâti par Louis XIV. au milieu des jettées qui conduisoient à Dunkerque, & qui a été démoli à la paix de 1712. Ce risban étoit de forme triangulaire, avec de belles casernes pour 100 hommes de garnison, deux grandes cîternes, des magasins pour les munitions de guerre & de bouche, une communication avec la ville, & trois rangs de batterie sur son rempart, où l'on pouvoit mettre 54 pieces de canon. (K)


RISBERMES. f. (Hydraul.) est une retraite en talus que l'on donne au-delà & au pié de la jettée d'un port pour en assurer les fondations contre les courans d'eau ou affouillemens de la mer. On remplit cet espace de fascines & de grillages, dont les compartimens sont arrêtés par des plançons, & remplis de pierres dures pour les entretenir plus solidement. (K)


RISCUSS. m. (Littérat.) ce mot signifie quelquefois chez les Romains un coffre, un bahut couvert de peau ; d'autres fois il se prend pour un panier d'osier ou de jonc pour mettre du linge, & d'autres fois pour une espece d'armoire taillée dans le mur d'une maison, & qui servoit pareillement pour y serrer du linge, & autres effets de ménage. (D.J.)


RISENBOURG(Géog. mod.) petite ville de Prusse, sur la Liebe, avec un château, près de Freystad ; elle étoit autrefois la résidence des évêques de Poméranie. (D.J.)


RISIBILITÉ(Logiq.) faculté de rire ; tout le monde répete après Aristote, que c'est le propre de l'homme ; cependant en soutenant cette proposition, on avance une chose assez obscure, & peut-être très-contestable ; car si l'on entend par risibilité, le pouvoir de faire l'écartement des angles des lévres, qui a lieu quand on rit, il ne seroit pas, je pense, impossible de dresser des bêtes à y parvenir. Si on comprend dans le mot risibilité, non-seulement le changement que le ris fait dans le visage, mais aussi la pensée qui l'accompagne & qui le produit ; & que par conséquent l'on entende par risibilité, le pouvoir de rire en pensant, toutes les actions des hommes deviendront des propriétés de cette maniere, parce qu'il n'y en a point qui ne soient propres à l'homme seul, si on les joint avec la pensée ; telle sera l'action de marcher, de manger, parce que l'homme pense en marchant & en mangeant ; cependant encore ces exemples ne seront pas certains dans l'esprit de ceux qui attribuent des pensées aux bêtes. (D.J.)


RISIGALLUMS. m. (Hist. nat.) nom donné par quelques auteurs à l'arsenic d'un jaune vif ou rouge. Voyez REALGAR.


RISQUES. m. (Gramm.) c'est le hazard qu'on court d'une perte, d'un dommage, &c. Voyez HAZARD.

Il y a un grand risque à prêter son bien à crédit aux grands seigneurs, aux femmes non-autorisées par leurs maris, & aux enfans mineurs.

Skinner fait venir ce mot du terme espagnol risco, roide ; Covarruvias le dérive de rigeo ; dans le grec barbare on dit pour periclitor, je hazarde, & pour lot ou hazard. Skinner croit que ces mots, aussi-bien que le mot risque, peuvent être déduits de , je jette le dé.

Pour prévenir le risque que courent sur mer les marchandises & envois, on a coutume de les faire assurer. Voyez POLICE D'ASSURANCE.

Le risque de ces marchandises commence au tems où on les porte à bord. C'est une maxime constante que l'on ne doit jamais risquer tout sur un seul fond, ou sur le même vaisseau ; cette maxime apprend à ceux qui assurent, qu'ils doivent agir en cela avec beaucoup de prudence, & ne pas trop hazarder sur un vaisseau unique, attendu qu'il y a moins de risque à courir sur plusieurs ensemble que sur un seul.


RISQUERv. act. (Gram. Com. & Jeu) exposer son bien, sa marchandise, &c. sans craindre de le perdre, dans l'espérance d'un grand profit. Il y a de l'imprudence à risquer lorsque le péril est évident.


RISSOLES. f. (Gram. & Cuisine) sorte de pâtisserie ou de friture faite de viande seche, épicée, enveloppée dans de la pâte, & cuite au beurre ou au sain-doux.


RISSOLERv. act. (Cuisine) cuire ou rotir au feu une viande, jusqu'à-ce qu'elle ait pris une couleur rousse.


RISSONSterme de galere, (Marine) ce sont des ancres qui ont quatre branches de fer.


RITS. m. (Théolog.) est une maniere d'observer les cérémonies religieuses qui est propre à telle ou telle église, à tel ou tel diocèse. Voyez CEREMONIE.

Les peuples de l'Orient, comme les Arméniens, les Maronites, &c. célébrent le service divin suivant le rit grec. L'Occident suit le rit latin, ou celui de l'Eglise romaine. Les différens diocèses, sur-tout en France, ne s'y attachent pourtant que pour le fond. Car en fait de rit, il n'y a point d'uniformité générale, chaque église ayant ses usages propres établis de tems immémorial, dont elle est en possession, & qu'elle est en droit de suivre. Ainsi l'on dit à cet égard le rit parisien, le rit sénonois, &c.

On distingue cependant dans l'occident trois sortes de rits principaux. Le rit grégorien, ainsi nommé de S. Grégoire le grand, pape, & c'est le même que le rit romain proprement dit. Le rit ambroisien, qui a pour auteur S. Ambroise, & qui est encore aujourd'hui en usage dans l'église de Milan ; & le rit mosarabique, autrefois reçu dans toute l'Espagne, & dont il subsiste encore des vestiges dans les églises de Tolede & de Séville. Voyez MOSARABE, AMBROISIEN & GREGORIEN.

Les Anglois, qui suivoient autrefois le rit romain, l'ont changé du tems de la prétendue réformation, en un rit que leurs évêques & quelques théologiens composerent sous le regne d'Edouard VI. & qui est contenu dans le livre qu'ils nomment les communes prieres. Voyez RITUEL.


RITESTRIBUNAL DES, (Hist. mod.) c'est un tribunal composé de mandarins & de lettrés chinois, dont la destination est de veiller sur les affaires qui regardent la religion, & d'empêcher qu'il ne s'introduise dans le royaume de la Chine, les superstitions & innovations que l'on voudroit y prêcher. Ce tribunal est, dit-on, presqu'aussi ancien que la monarchie ; les mandarins qui le composent sont de la secte des lettrés, c'est-à-dire, ne suivent aucune des superstitions adoptées par des bonzes & par le vulgaire. Cependant on accuse quelques-uns de ces lettrés de se livrer en particulier à des pratiques superstitieuses, qu'ils désavouent & condamnent en public. On croit que c'est à ce tribunal que la Chine est redevable de la durée des principes de la religion des lettrés chinois, qui est exempte d'idolatrie, vû qu'elle n'admet qu'un seul dieu, créateur & conservateur de l'univers. Voyez TYEN-TCHU.

Le tribunal des rites a donc le département des affaires religieuses ; il est chargé de faire observer les anciennes cérémonies ; les arts & les sciences sont sous sa direction, & c'est lui qui examine les candidats qui veulent prendre des degrés parmi les lettrés. Il fait les dépenses nécessaires pour les sacrifices & pour l'entretien des temples ; enfin c'est lui qui reçoit les ambassadeurs étrangers, & qui regle le cérémonial que l'on doit observer. Ce tribunal s'appelle li-pu ou li-pou parmi les Chinois.


RITOURNELLES. f. en Musique, est un morceau de symphonie, assez court, qui se met en maniere de prélude, à la tête d'un air, dont ordinairement elle annonce le chant, ou à la fin, & alors elle imite la fin du même chant, ou dans le milieu du chant, pour reposer la voix, pour ajouter à l'expression, ou simplement pour embellir la piece.

Dans les partitions ou recueils de musique italienne, les ritournelles sont souvent désignées par les mots si suona, qui signifient que l'instrument qui accompagne, doit répéter ce que la voix a chanté. Voyez REPETITION.

Ritournelle vient de l'italien, & signifie proprement petit retour, ritornello. (S)


RITUELS. m. (Théolog.) livre d'église qui enseigne l'ordre & la forme des cérémonies qui doivent être observées en célébrant le service divin, dans une église particuliere, dans un diocèse, dans un ordre religieux, &c. Voyez RIT & CEREMONIE.

Les anciens payens avoient aussi leurs rituels, rituales libri. Ceux des Etruriens ou Toscans étoient les plus fameux. Ces livres contenoient les rits & les cérémonies qu'on devoit observer en bâtissant une ville, en consacrant un temple ou un autel, en faisant des sacrifices ou des apothéoses, en divisant les tribus, curies ou centuries, en un mot dans tous les actes publics de religion. On trouve dans le livre de Caton de re rusticâ, différens passages par lesquels on peut se former quelque idée des rituels des anciens.

On peut regarder le lévitique, comme le rituel des anciens Hébreux ; car les Juifs modernes & les rabbins ont imaginé une foule de cérémonies dont il n'y a pas la moindre trace dans les livres de Moïse.

Les chrétiens ont eu aussi leurs rituels dès la premiere antiquité, comme il paroît par les anciennes liturgies des Grecs & des Latins, par les sacramentaires des papes Gélase & S. Grégoire le grand. Ces rituels sont en grand nombre, tant sur la célébration de l'office divin, que sur la maniere d'administrer les sacremens, & sur les autres cérémonies de l'Eglise. Plusieurs savans du dernier siecle, & entre autres dom Menard & dom Martenne se sont beaucoup appliqués à la recherche des anciens rituels, & ont procuré l'édition de quelques-uns.

M. de Vert, qui a beaucoup écrit sur ces matieres, remarque que dans quelques rituels on ne s'est pas contenté de rapporter simplement, ou de prescrire les rits & les cérémonies, comme les paroles qu'on doit réciter, les actions & les gestes qu'on doit observer pour rendre les cérémonies plus augustes, mais encore qu'on en a cherché des raisons mystiques, inventées après coup, & qui ne sont point les vraies raisons de l'institution. De Vert, explicat. des cérémon. & liturg. de l'Eglise.

RITUELS, (Antiq. étrusq.) rituales, espece d'écrits sacrés chez les anciens Etrusques, dans lesquels écrits les lois & la discipline des aruspices étoient contenues ; d'où vient qu'on les nommoit aussi aruspici libri. Voyez Struvius, Synt. antiq. rom. cap. vj. (D.J.)


RIUKU-TSUTFUSI(Hist. nat. Bot.) c'est une plante du Japon qui vient des îles de Liquejos & des Philippines, porte une fleur d'un jaune pâle, en fleur-de-lis, à pétales droits & marqués de points d'un jaune foncé. Une autre plante du même nom a la fleur d'un rouge purpurin, tacheté de pourpre foncé.


RIVA(Géog. mod.) petite ville d'Italie dans le Trentin, à l'embouchure de la riviere du même nom dans le lac de Guarda, à six lieues au sud-ouest de Trente. Elle fut prise en 1603 par les François qui l'abandonnerent peu de tems après. Long. 28. 20. lat. 45. 46. (D.J.)


RIVAGES. m. (Gram.) c'est le bord de la mer. On dit les bords de la riviere.

RIVAGE, (Comm.) On appelle à Paris droit de rivage un octroi qui est levé sur tous les bateaux chargés de marchandises, qui y arrivent par la riviere, & qui séjournent dans les ports. Diction. de Comm. & de Trévoux.

RIVAGE, (Comm.) se dit aussi du chemin que les ordonnances touchant le commerce reservent sur les bords des rivieres pour le tirage & halage des bateaux. Par l'ordonnance de la ville de Paris de 1672, le chemin ou rivage doit être de vingt-quatre piés de large ou de lé, comme dit cette ordonnance ; en d'autres endroits il ne doit être que de dix-huit piés. Dictionn. de Comm. & de Trév.


RIVALS. m. (Gram.) terme de relation qui s'applique à deux personnes qui ont la même prétention.

Le mot rival se dit proprement d'un compétiteur en amour. Les intrigues des comédies & des romans sont assez souvent fondées sur la jalousie de deux rivaux qui se disputent une maîtresse. On applique aussi ce terme à un antagoniste dans d'autres poursuites.

Les Jurisconsultes font venir ce mot de rivus, ruisseau commun à plusieurs personnes qui viennent y puiser de l'eau, quòd ab eodem rivo aquam hauriant : & Donat prétend que rival a été formé de rivus, parce que les animaux prennent souvent querelle, lorsqu'ils viennent boire en même tems au même ruisseau. Mais Coelius Rhodiginus dit (& cette étymologie est beaucoup plus sensée) qu'anciennement on appelloit rivaux, rivales, ceux dont les terres étoient séparées par une fontaine ou un ruisseau, dont le cours étant sujet à être détourné suivant différentes routes, occasionnoit entre les voisins des disputes & des procès fréquens. C'est ce qu'on voit tous les jours à Paris entre les porteurs d'eau qui viennent pour remplir leurs seaux à la même fontaine. Cette coutume de séparer les terres par de petits canaux ou ruisseaux, a lieu dans les prairies voisines d'un gros ruisseau ou d'une riviere dont on fait entrer l'eau dans les prés, ensorte qu'il n'est permis aux particuliers ni d'en retenir ni d'en détourner le cours au détriment de leurs voisins.

Horace dit qu'un auteur trop amoureux de ses ouvrages, court risque d'en être amoureux tout seul & sans avoir de rival :

Quin sine rivali teque & tua solus amares. Art. poét.

& la Fontaine a dit d'un homme laid, & cependant épris de lui-même,

Un homme qui s'aimoit sans avoir de rivaux.


RIVALITÉS. f. (Bell. lettr.) concurrence de deux personnes à une même chose sur laquelle elles ont des prétentions. Voyez RIVAL.


RIVALLO(Géog. mod.) petite ville d'Italie au royaume de Naples, dans les terres de Labour, à huit lieues de la capitale. (D.J.)


RIVES. f. (Gram.) bord en général. On dit la rive ou les rives d'un fleuve. La rive d'un bois.


RIVERv. act. (terme de Serrur. Coutel. Tailland. & autres Arts méchan.) c'est rabattre la pointe d'un clou, & y faire une nouvelle tête pour l'affermir.

RIVER, en terme d'Eventailliste, c'est rassembler toutes les fleches d'un éventail vers le centre, par le moyen d'un clou qui traverse tous les brins. Voyez la figure qui représente un clou à vis, c'est-à-dire, dont une des têtes est taraudée, & se visse sur la tige du clou qui est faite en vis de ce côté : l'autre tête est rivée.

RIVER, en terme de Fourbisseur, c'est rabattre l'extrêmité de la soie sur le bouton du pommeau, ensorte que cette extrêmité soit faite en forme de tête de clou qui retient sur la soie le pommeau & toutes les pieces qui y sont enfilées.

RIVER, en Horlogerie, c'est rabattre à coups de marteau, & quelquefois par le moyen d'un poinçon, les parties d'une piece de métal sur une autre piece, pour les faire tenir ensemble. Voyez RIVURE, POINÇON A RIVER, POINÇON A COUPER.

RIVER, en terme d'Orfevre en grosserie, c'est arrêter une piece sur une autre à laquelle on a pratiqué une espece de clou qu'on écrase, & qu'on lime imperceptiblement sur le trou chamfré ou fraisé. Voyez CHAMFRER.


RIVERAGES. m. (Comm.) droit domanial & quelquefois seulement seigneurial, qui se paye pour chaque couple de chevaux qui tirent les bateaux soit en montant soit en descendant la riviere. Ce droit est établi pour entretenir les chemins qui sont reservés le long des rivages pour le tirage de ces bateaux. En 1708, par déclaration du roi du 29 Décembre il fut ordonné une levée par doublement au profit de Sa Majesté, de tous les droits de péages, pontenages, riverages, &c. dans toute l'étendue du royaume. Dictionn. de Comm.


RIVERAINSS. m. pl. (Jurisprud.) sont ceux qui ont des héritages ou quelque droit de seigneurie & de justice au bord d'un fleuve, d'une riviere ou ruisseau, ou même sur la rive d'une forêt. Voyez l'Ordonnance des eaux & forêts. (A)


RIVES(Com.) Les mesureurs de grains appellent ainsi les deux bords du côté de la radoire ou racloire dont ils se servent pour rader les grains de dessus les mesures. Voyez RADOIRE.

RIVE, (Soierie) bord de la chaîne tendue soit à droite, soit à gauche. On dit aussi rive de l'étoffe.


RIVETS. m. terme de Manege, c'est l'extrêmité du clou qui est rivé ou retroussé sur la corne, & qui paroît quand on a ferré les chevaux. Richelet. (D.J.)

RIVET, (Serrur. Tailland. Coutel.) clous rivés pour arrêter quelques pieces avec d'autres. Voyez RIVET.

RIVET, (Cordonn.) couture interieure du soulier. Voyez TRANCHE-FIL.


RIVETIERS. m. terme & outil de Ceinturier, qui leur sert pour faire des petits yeux d'étain pour river & attacher plusieurs pieces de cuir ensemble.

Cet outil est une espece de petit poinçon rond, de la longueur d'un pouce ou deux, dont un des bouts est tranchant tout-autour & creux en-dedans, au milieu duquel creux est encore une petite pointe pour faire le trou du milieu de l'oeil qu'il vient de former. Voyez la fig. Pl. du Ceinturier, qui représente une coupe dudit poinçon.


RIVIERES. f. (Gramm.) masse d'eau courante dans un lit, la plus grande après le fleuve. Les pluies forment les fontaines ; les fontaines forment les ruisseaux ; les ruisseaux forment les rivieres. Les rivieres grossies, & se rendant à la mer sans perdre leur nom, s'appellent fleuves.

On dit que la riviere est marchande, quand elle n'a ni trop ni trop peu d'eau, ensorte que les bateaux qu'elle porte, peuvent arriver à leur destination.

RIVIERE, (Géog. mod.) ce mot synonyme à celui de fleuve, se dit d'un assemblage d'eaux qui partant de quelque source, coulent dans un lit ou canal d'une largeur & d'une étendue considérable, pour aller ordinairement se jetter dans la mer. Voyez FLEUVE.

Quant au rapport que les rivieres peuvent avoir avec les montagnes, entant qu'elles en tirent leur origine. Voyez MONTAGNES.

L'eau si nécessaire & si commode pour la vie, a invité la plûpart des hommes à établir leurs demeures près du courant des eaux ; & celles des rivieres étant ordinairement douces & fort bonnes à boire, il est arrivé de-là, que presque toutes les villes ont été bâties au bord des rivieres.

Les gens de mer donnent quelquefois aux rivieres les noms des villes les plus considérables qui soient près de leurs embouchures ; par exemple, ils appellent la Seine, la riviere de Rouen, la Loire la riviere de Nantes, la Tamise la riviere de Londres, le Tage la riviere de Lisbonne, & ainsi de plusieurs autres.

Il est bon de remarquer que comme les rivieres coulent tantôt vers une certaine région du monde, tantôt vers une autre, on s'est en quelque maniere accordé à regarder comme la droite d'une riviere, le rivage qui est à la droite d'un homme qui seroit supposé marcher dans le lit de cette riviere, en allant vers son embouchure ; & le rivage qu'il auroit à gauche est considéré comme la gauche de la riviere.

Nous ne traiterons pas ici de l'origine des rivieres, c'est une question purement physique ; mais nous mettrons sous les yeux du lecteur, les noms, le cours & les branches des principales rivieres de l'Europe, de l'Asie, de l'Afrique & de l'Amérique ; & c'est à quoi la table suivante est destinée.

Les rivieres d'Europe sont,

Les rivieres d'Asie sont,

Les principales rivieres d'Afrique sont,

Les principales rivieres d'Amérique, anciennement inconnues, sont

Les branches remarquables de ces rivieres sont,

Au reste les avantages sans nombre que procure la jonction des rivieres & des mers ont engagé les grands princes à signaler leur regne par des entreprises de cette nature. S'il est glorieux de les exécuter, c'est assez d'en concevoir le projet, d'en tenter l'exécution, pour avoir quelque droit à la reconnoissance des hommes. La jonction de la mer Baltique & de la mer Caspienne, celle de l'Océan & de la Méditerranée, ont immortalisé le Czar & Louis XIV. La jonction de l'Océan avec la mer Noire, résultoit infailliblement de la communication que Charlemagne entreprit vers l'an 793 entre le Danube & le Rhin ; & si cet ouvrage ne fut pas porté à sa perfection, de pareils desseins n'ont pas besoin du succès, pour mériter des éloges à leurs auteurs. (D.J.)

RIVIERE du nord, (Géog. mod.) autrement Riodel-Norte, riviere de l'Amérique septentrionale, & qui tire son nom de son cours qui est du nord au sud. Elle a sa source fort avant dans les terres, au pays des Padoucas ; elle traverse tout le nouveau Mexique, & baigne le royaume de Léon où elle a son embouchure, sur la côte occidentale du golfe du Mexique. (D.J.)

RIVIERE-ROUGE, (Géog. mod.) riviere d'Afrique dans la Guinée ; c'est la riviere la plus considérable que reçoive le Sénégal ; on l'a appellé riviere-rouge, parce que le sablon de son lit est de cette couleur, & que son eau en prend la teinture, au lieu que celle du Sénégal est fort claire. (D.J.)

RIVIERE-VERDUN, (Géog. mod.) petit pays de France, dans l'Armagnac, le long de la Garonne ; il forme une élection qui est fertile en froment, seigle & avoine. Grenade en est le chef-lieu. (D.J.)

RIVIERE (Jurisprud.) les rivieres navigables appartiennent au roi, avec leur bord, leur lit, & les îles & attérissemens qui s'y forment ; les petites rivieres appartiennent aux seigneurs hauts justiciers, chacun en droit soi. Voyez l'ordonnance des eaux & forêts. Coquille, Loisel. (A)

RIVIERES, LES (Géog. mod.) petit canton de France, sur la côte occidentale de la presqu'île du Cotantin, vis-à-vis l'île de Guernesey. Ce canton comprend environ dix paroisses : on y fait beaucoup de sel blanc. (D.J.)

RIVIERE, dans le commerce des bois flottés, est un courant d'eau suffisant pour amener les bois en trains. Les principales sont Beuvron, qui tombe dans l'Yonne à Clamecy ; Cure, anciennement Chore, qui tombe dans l'Yonne à Cravant ; Armenson, qui tombe dans l'Yonne à Joigny ; Vanne, qui tombe dans l'Yonne à Sens ; l'Aube, qui tombe dans la Seine à Marsilly ; la Seine, dans laquelle l'Yonne elle-même tombe à Montereau ; & la Marne. L'Yonne, elle seule, fournit au moins la moitié de la provision.


RIVIN(tympan & conduit de) Rivin entreprit de défendre dans une dissertation publique qu'il fit dans l'université de Léipsick, le sentiment de son pere sur le trou du tympan dont il a donné la figure, & qui porte son nom ; on le donne aussi à des conduits des glandes sublinguales. V. TYMPAN, GLANDE & SUBLINGUALE.


RIVINERIVINA, s. f. (Hist. nat. Bot.) genre de plante, dont la fleur n'a point de pétales ; elle est composée de plusieurs étamines soutenues par un calice qui a quatre feuilles ; le pistil devient dans la suite un fruit mou, ou une baie ronde pleine de suc, qui contient une semence arrondie. Plumier, nova plant. amer. gen. Voyez PLANTE.


RIVO-DEL-SOLE(Géog. mod.) ruisseau, ou torrent d'Italie, dans l'état de l'Eglise ; il coule dans la sabine, & se jette dans le Teveronne. C'est la Digentia d'Horace, liv. I. epit. xviij. v. 104. selon Léandre & quelques autres savans. (D.J.)


RIVO-DI-MOSSO(Géog. mod.) riviere d'Italie, au duché de Spolete ; elle passe au pié du bourg de Caminate, à 16 milles de Rome, & se jette dans le Tibre, proche du port de Monte-Rotondo. Anciennement cette riviere séparoit le territoire des Sabins de celui des Crustuminiens. (D.J.)


RIVOLI(Géog. mod.) en latin Ripulae ; ville d'Italie dans le Piémont, sur le penchant d'une agréable colline, à 6 milles au couchant de Turin ; on y compte environ sept mille ames, entre lesquelles se trouvent plusieurs moines de l'ordre des carmes, des capucins & des dominicains. Long. 25. 8. latit. 44. 52.

Le roi de Sardaigne y a un beau palais, embelli par Charles Emmanuel I. de ce nom, duc de Savoie, qui y naquit le 12 Janvier 1562. Ce prince étoit un homme de génie, profond politique, magnifique en palais & en églises, voluptueux, si caché dans ses desseins qu'on disoit que son coeur étoit plus inaccessible que son pays ; plein de valeur, & l'un des grands capitaines de son siecle. Son ambition démesurée lui suggéra le projet de devenir comte de Provence en 1590, & le fit aspirer au royaume de France pendant la ligue, & à la couronne impériale après la mort de l'empereur Matthias. Cette humeur entreprenante excita contre lui la jalousie des rois de France, d'Espagne, des Allemands & des Vénitiens. Sa ville de Saluces fut prise par les maréchaux de la Force & de Montmorenci ; enfin voyant par sa fausse politique son pays également ouvert aux François & à ses alliés, il tomba malade à Savillan, & mourut de douleur trois jours après, en 1630, âgé de 78 ans.


RIVOLTATO CANTO(Musiq. ital.) c'est un chant renversé, qui après avoir servi de dessus, sert de basse ; & rivoltato basso, est un chant qui après avoir servi de basse, sert de dessus. (D.J.)


RIVURES. f. les horlogers appellent ainsi la partie d'une piece de métal destinée à être rabattue à coup de marteau sur une autre ; pour bien river il est nécessaire de ne réserver ni trop, ni trop peu de rivure ; si on en laisse trop, les coups de marteau ne font que refouler les parties de la rivure, sans les faire entrer dans celles de la piece avec laquelle on la rive ; si au contraire on n'en laisse point assez, les parties refoulées ne sont point assez abondantes pour que les pieces rivées puissent bien tenir les unes avec les autres ; lorsque la rivure & la partie dans laquelle elle doit entrer sont rondes, & que les horlogers craignent que les pieces rivées ne tournent l'une sur l'autre ils ont soin de faire de petits crans dans la partie sur laquelle on rabat la rivure. Les horlogers donnent encore le nom de rivure à la partie d'un pignon ou d'une assiette sur laquelle la roue est rivée. Voy. ASSIETTE, PIGNON, &c.

RIVURE, (terme de Serrurier, de Taillandier, de Coutelier) c'est la broche de fer qui entre dans les charnieres des fiches pour en joindre les deux aîles.


RIXDALERvoyez RICHEDALER.


RIXES. f. (Jurisprud.) terme de palais qui signifie une querelle, un débat arrivé entre plusieurs personnes lorsqu'il y a eu des coups donnés, ou des menaces, ou des injures dites. Voyez ACCUSATION, CRIME, DELIT, INJURE, PLAINTE. (A)


RIZS. m. (Hist. nat. Botan.) oriza ; genre de plante dont la fleur n'a point de pétales. Les semences sont un peu épaisses & ovoïdes ; elles naissent en épi, & elles sont renfermées dans une capsule qui est terminée par un filet. Tournefort. Inst. rei herb. V. PLANTE.

Comme c'est dans les lieux où le riz croît, que le soin des terres devient pour les hommes une immense manufacture, on doit me permettre d'entrer dans quelques détails sur ce sujet. D'ailleurs le riz demande une culture particuliere, & qui doit être d'autant mieux circonstanciée, qu'on veut en transmettre la pratique en des pays où il ne vient pas naturellement.

Cette plante pousse des tiges ou tuyaux de trois à quatre piés de hauteur, plus gros & plus fermes que ceux du blé, noués d'espace en espace ; ses feuilles sont longues, charnues, assez semblables à celles de la canne ou du poireau. Ses fleurs naissent à ses sommités, & ressemblent à celles de l'orge ; mais les graines qui les suivent, au lieu de former un épi, sont disposées en pannicules ou bouquets, enfermées dans une capsule jaunâtre, ou coque formée de deux balles rudes au toucher, & dont l'une se termine en un long filet : on sait que ses graines sont blanches & oblongues.

En général le riz se cultive dans les lieux humides & marécageux, & dans des pays chauds, du moins à en juger par les contrées où il est le plus en usage, & où il fait la principale nourriture des habitans. Tout le Levant, l'Egypte, l'Inde, la Chine, sont dans ce cas. Les états de l'Europe où l'on en recueille davantage, sont l'Espagne & l'Italie, & c'est de-là que nous vient presque tout le riz que l'on consomme en France. M. Barrere ayant fait beaucoup d'attention à la culture de cette plante, tant à Valence en Espagne, qu'en Catalogne & dans le Roussillon, a envoyé à l'académie royale des Sciences, en 1741, un mémoire dont voici la partie la plus essentielle.

Pour élever utilement le riz, & en multiplier le produit, on choisit un terrein bas, humide, un peu sablonneux, facile à dessécher, & où l'on puisse faire couler aisément l'eau. La terre où l'on le seme, doit être labourée une fois seulement dans le mois de Mars. Ensuite on la partage en plusieurs planches égales, ou carreaux, chacun de 15 à 20 pas de côté. Ces planches de terre sont séparées les unes des autres par des bordures en forme de banquettes, d'environ deux piés d'hauteur, sur environ un pié de largeur, pour y pouvoir marcher à sec en tout tems, pour faciliter l'écoulement de l'eau d'une planche de riz à l'autre, & pour l'y retenir à volonté sans qu'elle se répande. On applanit aussi le terrein qui a été foui, de maniere qu'il soit de niveau, & que l'eau puisse s'y soutenir par-tout à la même hauteur.

La terre étant ainsi préparée, on y fait couler un pié, ou un demi-pié d'eau par-dessus, dès le commencement du mois d'Avril ; après quoi on y jette le riz de la maniere suivante. Il faut que les grains en aient été conservés dans leur balle ou enveloppe, & qu'ils aient trempé auparavant trois ou quatre jours dans l'eau, où on les tient dans un sac jusqu'à ce qu'ils soient gonflés, & qu'ils commencent à germer. Un homme, piés nuds, jette ces grains sur les planches inondées d'eau, en suivant des alignemens à-peu-près semblables à ceux qu'on observe dans les sillons en semant le blé. Le riz ainsi gonflé, & toujours plus pesant que l'eau, s'y précipite, s'attache à la terre, & s'y enfonce même plus ou moins, selon qu'elle est plus ou moins délayée. Dans le royaume de Valence, c'est un homme à cheval qui ensemence le riz.

On doit toujours entretenir l'eau dans les champs ensemencés jusque vers la mi-Mai, où l'on a soin de la faire écouler. Cette condition est regardée comme indispensable pour donner au riz l'accroissement nécessaire, & pour le faire pousser avantageusement.

Au commencement du mois de Juin, on amene une seconde fois l'eau dans les rivieres, & l'on a coutume de l'en retirer vers la fin du même mois, pour sarcler les mauvaises herbes, sur-tout la prêle & une espece de souchet, qui naissent ordinairement parmi le riz, & qui l'empêchent de profiter.

Enfin on lui donne l'eau une troisieme fois, savoir vers la mi-Juillet, & il n'en doit plus manquer jusqu'à-ce qu'il soit en bouquet, c'est-à-dire jusqu'au mois de Septembre. On fait alors écouler l'eau pour la derniere fois, & ce desséchement sert à faire agir le soleil d'une façon plus immédiate sur tous les sucs que l'eau a portés avec elle dans les rivieres, à faire grainer le riz, & à le couper enfin commodément, ce qui arrive vers la mi-Octobre, tems auquel le grain a acquis tout son complément.

On coupe ordinairement le riz avec la faucille à scier le blé, ou, comme on le pratique en Catalogne, avec une faux dont le tranchant est découpé en dents de scie fort déliés. On met le riz en gerbes, on le fait sécher, & après qu'il est sec, on le porte au moulin pour le dépouiller de sa balle.

Ces sortes de moulins ressemblent assez à ceux de la poudre à canon, excepté que la boëte ou chaussure du pilon y est différente. Ce sont pour l'ordinaire six grands mortiers, rangés en ligne droite, & dans chacun desquels tombe un pilon dont la tête, qui est garnie de fer, a la figure d'une pomme de pin, de demi-pié de long, & de 5 pouces de diametre ; elle est tailladée tout autour, comme un bâton à faire mousser le chocolat.

Nous ne nous arrêterons pas à décrire la force motrice qu'on y emploie, & qui peut différer selon la commodité des lieux. En Espagne & en Catalogne on se sert d'un cheval attaché à une grande roue, &c.

Le riz qu'on seme dans une terre salée, y pullule ordinairement beaucoup plus qu'en toute autre. On en retire jusqu'à 30 ou 40 pour un ; par conséquent, & toutes choses d'ailleurs égales, les côtes & les plages maritimes y seront les plus propres.

Après avoir décrit la maniere dont le riz se cultive en Europe, il faut indiquer celle des Chinois, qui est le peuple le plus industrieux à tirer parti du terrein, & celui chez lequel la plus grande sagacité des laboureurs se porte à la culture du riz : pour y réussir, ils commencent par fumer extraordinairement les terres, & n'en pas laisser un seul endroit sans rapport avantageux. Les Chinois sont bien éloignés d'occuper la terre superflue en objets agréables, comme à former des parterres, à cultiver des fleurs passageres, à dresser des allées, & à planter des avenues d'arbres sans rapport ; ils croient qu'il est du bien public, &, ce qui les touche encore plus, de leur intérêt particulier, que la terre produise des choses utiles. Aussi toutes leurs plaines sont cultivées, & en plusieurs endroits elles donnent deux fois l'an. Les provinces du midi sont celles qui produisent le plus de riz, parce que les terres sont basses & le pays aquatique.

Les Laboureurs jettent d'abord les grains sans ordre ; ensuite quand l'herbe a poussé à la hauteur d'un pié ou d'un pié & demi, ils l'arrachent avec sa racine, & ils en font de petits bouquets ou gerbes qu'ils plantent au cordeau ou en échiquier, afin que les épis appuyés les uns sur les autres, se soutiennent aisément en l'air, & soient plus en état de résister à la violence des vents.

Quoiqu'il y ait dans quelques provinces des montagnes désertes, les vallons qui les séparent en mille endroits, sont couverts du plus beau riz. L'industrie chinoise a sçu applanir entre ces montagnes tout le terrein inégal qui est capable de culture. Pour cet effet, ils divisent comme en parterres, le terrein qui est de même niveau, & disposent par étages en forme d'amphitheâtre, celui qui suivant le penchant des vallons, a des hauts & des bas. Comme le riz ne peut se passer d'eau, ils pratiquent par-tout de distance en distance, & à différentes élévations, de grands réservoirs pour ramasser l'eau de pluie, & celle qui coule des montagnes, afin de la distribuer également dans tous leurs parterres de riz. C'est à quoi ils ne plaignent ni soins, ni fatigues, soit en laissant couler l'eau par sa pente naturelle des réservoirs supérieurs dans les parterres les plus bas, soit en la faisant monter des réservoirs inférieurs & d'étage en étage, jusqu'aux parterres les plus élevés.

Ils inondent les campagnes de riz, de l'eau des canaux qui les environnent, en employant certaines machines semblables aux chapelets dont on se sert en Europe pour dessécher les marais, & pour vuider les bâtardeaux. Ensuite ils donnent à cette terre trois ou quatre labours consécutifs. Quand le riz commence à paroître, ils arrachent les mauvaises herbes qui seroient capables de l'étouffer. C'est ainsi qu'ils font d'abondantes récoltes. Après avoir cueilli leur riz, ils le font cuire légérement dans l'eau avec sa peau ; ensuite ils le sechent au soleil, & le pilent à plusieurs reprises. Quand on a pilé le riz pour la premiere fois, il se dégage de la grosse peau ; & la seconde fois, il quitte la pellicule rouge qui est au-dessous, & le riz sort plus ou moins blanc selon l'espece. C'est dans cet état qu'ils l'apprêtent de différentes manieres. Les uns lui donnent un court bouillon avec une sauce ; d'autres le mangent avec des herbes, ou des feves ; & d'autres plus pauvres, l'apprêtent simplement avec un peu de sel. Comme le riz vient dans les Indes à-peu-près de la même maniere qu'à la Chine, nous n'avons rien de particulier à en dire ; mais il se présente une observation à faire sur les lieux où le riz se cultive pour la nourriture de tant de monde.

Il faut dans cette culture de grands travaux pour ménager les eaux, beaucoup de gens y peuvent être occupés. Il y faut moins de terre pour fournir à la subsistance d'une famille, que dans les pays qui produisent d'autres grains ; enfin la terre qui est employée ailleurs à la nourriture des animaux, y sert immédiatement à la subsistance des hommes. Le travail que font ailleurs les animaux, est fait là par les hommes ; & la culture des terres devient pour eux une immense manufacture. Voilà les avantages de la culture du riz, dans le rapport que cette culture peut avoir avec le nombre des habitans, & ce sont des vues dignes des législateurs. Je ne discuterai point ici s'il convient de favoriser, de permettre, ou de défendre la culture du riz dans ce royaume ; je sais bien qu'il y a 35 à 30 ans qu'elle a été défendue en Roussillon, par arrêt du conseil souverain de cette province, sur ce qu'on a cru que les exhalaisons des lieux marécageux où l'on seme le riz, y causoient des maladies & des mortalités. Il ne seroit pas difficile de rassurer les esprits là-dessus, & d'indiquer en même tems des moyens pour prévenir tous les inconvéniens que l'on en pourroit craindre : mais ce sont les avantages de cette culture qu'il faudroit peser ; & comme cette question a tant de branches par elle-même, & relativement au commerce, ce n'est pas ici le lieu de la discuter. Il suffit de bien connoître la maniere dont on peut s'y prendre pour cultiver utilement dans ce pays une plante d'un si grand usage, lorsqu'on le jugera nécessaire. (D.J.)

Maniere d'accommoder le riz, de façon qu'avec dix livres de riz, dix livres de pain, dix pintes de lait, & soixante pintes d'eau, soixante-dix personnes se sont trouvées nourries parfaitement pendant vingt-quatre heures. On lavera la quantité de dix livres de riz dans deux eaux différentes : il faut que cette eau soit tiede.

On les jettera ensuite dans soixante pintes d'eau bouillante où le riz crevera ; on le fera bouillir à petit feu pendant trois heures ou environ, & on le remuera pour l'empêcher de s'attacher.

Lorsque ledit riz sera bien crevé & renflé, l'on jettera dans la marmite ou chauderon, dix livres de pain coupé par petits morceaux fort minces, lequel, par sa cuisson, se mêle & s'incorpore parfaitement avec ledit riz, & forme une liaison à l'eau dans laquelle le riz a cuit.

On ajoute ensuite par-dessus le tout dix pintes de lait, & l'on remue la totalité sur le feu jusqu'à-ce que le riz ait pu être pénétré par le lait.

Sur cette quantité de liquide on met huit onces de sel, & huit gros de poivre.

Si le lait est rare, on peut y substituer dix onces d'huile de noix ou d'olive.

Pour donner un goût agréable à cette nourriture, on peut y ajouter une douzaine de feuilles de laurier-cerise.

La distribution ne s'en fait que lorsque le tout est refroidi, & que cette nourriture a acquis la consistance d'une espece de bouillie, dans laquelle le riz seul se conserve en grain.

Une demi-livre de cette nourriture soutient plus qu'une livre & demie de pain.

Méthode de faire la soupe au riz pour cinquante personnes. Il faut se pourvoir d'un chauderon assez grand pour contenir quarante pintes d'eau, mesure de Paris : s'il est plus grand, il en sera plus commode.

L'on mettra dans ce chauderon neuf pintes d'eau, à ladite mesure de Paris ; quand elle sera chaude, on y mettra six livres de riz, qu'on aura soin auparavant de bien laver avec de l'eau chaude.

Le chauderon étant mis sur le feu avec le riz, on aura attention de le faire cuire lentement, & de le remuer sans cesse de peur qu'il ne s'attache au fond.

A mesure que le riz crevera, & qu'il s'épaissira, on y versera successivement trois autres pintes d'eau chaude.

Pour faire crever & revenir le riz, il faut environ une heure : c'est pendant ce tems qu'il faut l'humecter & lui faire boire encore successivement vingt-huit pintes d'eau, ce qui fera en tout environ quarante pintes d'eau, qu'il faut verser peu à peu & par intervalle, de peur de noyer le riz. Cela fait, il faut laisser le riz sur le feu pendant deux autres heures, & l'y faire cuire lentement & à petit feu, en le remuant sans cesse, sans quoi il s'attacheroit au poëlon ou chauderon.

Le riz étant bien cuit, on y mettra une demi-livre de beurre, ou de bonne graisse si l'on ne peut avoir du beurre, avec trois quarterons de sel, & pour deux liards de poivre noir en poudre ; en observant de remuer le tout ensemble pendant une demi-heure.

Au lieu de beurre on peut mettre du lait, la quantité de six pintes de lait suffit pour la chauderonnée ; mais il faut prendre garde que le lait ne soit point trop vieux, car il s'aigriroit à la cuisson.

On ôtera ensuite le chauderon de dessus le feu, pour y mettre aussi-tôt, mais peu à peu, six livres de pain bis ou blanc qu'on coupe en soupes très-minces, en observant de mêler le pain avec le riz, de maniere qu'il aille jusqu'au fond pour l'imbiber & faire corps ensemble.

Si l'on se sert de lait au lieu de beurre, il faut quelques pintes d'eau de moins dans la préparation du riz, autrement le riz seroit trop clair. Et aussi si l'on emploie le lait, il faut mettre du pain blanc, parce que le pain bis feroit aigrir le lait.

La distribution doit être faite sur le champ pour trouver les cinquante portions : chaque portion sera de deux cuillerées, qui contiendront chacune la valeur d'un demi-septier ou quart de pinte, mesure de Paris.

Pour les enfans de neuf ans & au-dessous, la portion d'une de ces cuillerées sera suffisante.

En distribuant les soupes chaudes, on aura soin de remuer le riz avec la cuillere à pot, & de prendre au fond du chauderon, pour que la distribution se fasse également, tant en riz qu'en pain.

On avertit ceux qui ne mangeront pas sur le champ leur portion, de la faire réchauffer à petit feu, en y mêlant un peu d'eau ou de lait, pour la faire revenir & la rendre plus profitable.

Méthode pour faire la bouillie au riz, au lieu de farine, pour les petits enfans. On prend un demi-septier de lait, un demi-septier d'eau, un gros & demi de sel, une once & demie de riz mis en farine ; il faut délayer cette farine avec le lait, l'eau & le sel, faire bouillir le tout jusqu'à-ce qu'il commence à y avoir une croûte légere au fond du poëlon ; l'ôter ensuite de dessus la flamme, & le mettre un quart d'heure environ sur la cendre rouge ; on remettra ensuite cette bouillie sur la flamme jusqu'à cuisson parfaite, laquelle cuisson se connoît à l'odeur, & lorsque la croûte qui est au fond du poëlon est fort épaisse, sans cependant qu'elle sente le brûlé.


RIZIERES. f. (Agricult.) terre ensemencée de riz. Voyez RIZ.

Les rizieres sont ordinairement dans les lieux bas & marécageux, où cette plante se plaît, & produit beaucoup par la culture. Il y a quantité de ces rizieres en Italie le long du Pô, dont on détourne une partie des eaux pour arroser le riz. Ce qui rend les Indes orientales si fécondes en cette espece de grain, c'est que plusieurs des rivieres qui les arrosent, s'y débordant périodiquement, comme le Nil en Egypte, les riz qui s'y sement en pleine campagne restent des mois entiers sous l'eau, leurs franges ou bouquets surnageant & croissant pour ainsi dire à mesure que l'eau s'éleve. (D.J.)


RIZIUMS. m. (Botan. anc.) nom donné par les anciens à une espece particuliere de racine rouge qu'on tiroit de Syrie, & dont les femmes grecques se servoient pour se farder le visage ; c'étoit leur rouge. Pline qui en parle plus d'une fois, l'appelle en latin radix lanaria, ce qui est de sa part une grande erreur, ayant confondu le rizium de Syrie, avec le struthium des Grecs. Il est assez vraisemblable que le rizium étoit une espece d'orcanette, anchusa radice rubrâ, qui croissoit en abondance dans toute la Syrie, & qui étoit très-propre à faire la couleur rouge que les dames grecques mettoient sur leurs joues. (D.J.)


RIZOLITES(Hist. nat. Litholog.) nom générique par lequel quelques naturalistes ont voulu désigner les racines des arbres & des plantes pétrifiées.


RJUGANou DJUGAN, vulgairement DJUGANNUKI, (Hist. nat. Bot.) c'est un arbrisseau du Japon, d'origine chinoise, dont les branches sont minces, les feuilles partagées en cinq lobes, la fleur en forme de rose & d'une parfaite blancheur. Son fruit qui est ramassé en grappes, est de la grosseur d'une noix, & contient une pulpe noire, molle, douce, avec un noyau de couleur cendré, dur & d'un goût fade. La pulpe que les Japonois trouvent délicieuse, a le goût d'une cerise seche, qu'on auroit fait cuire au vin & au sucre.

On distingue deux autres especes du même arbre, qui se nomment roganna & ritsji.


ROA(Géog. anc.) petite ville d'Espagne, dans la vieille Castille, sur le Duero, à 28 lieues au nord de Madrid, dans un terroir fertile en vin & en blé. Elle est toute dépeuplée, quoiqu'entourée de doubles murailles, & défendue par une citadelle. Long. 14. 18. lat. 41. 45. (D.J.)


ROBS. m. (Pharmac.) nom qu'on donne aux sucs des fruits dépurés & cuits, jusqu'à la consomption des deux tiers de leur humidité. On fait des robs de coings, de mûres, de baies de sureau, d'aloës, d'acacia, de réglisse, de berberis, &c. pour diverses maladies. Le suc de groseilles rouges confit, se nomme rob de Ribé. A l'égard du suc des raisins dépurés, il s'appelle particulierement sapa, quand il est cuit jusqu'à la consomption des deux tiers ; & ce sapa est presque en consistance de syrop ; mais quand il n'est cuit que jusqu'à la consomption du tiers, on le nomme defructum, & c'est ce que le peuple appelle vin cuit ; quand on le cuit jusqu'à une consistance approchante des électuaires mols, il prend le nom de resiné, & alors on l'employe à diverses confitures.

Le mot rob est aujourd'hui reçû dans les boutiques des Apoticaires, quoiqu'originairement il soit arabe ; il signifie dans cette langue un simple suc, desséché au soleil ou sur le feu.

On trouvera dans la chymie de Boerhaave, d'excellentes regles sur la préparation & l'usage des robs, des sapa, des végétaux. (D.J.)


ROBou ROBE, terme de commerce de mer, en usage en Provence & dans le levant ; il signifie marchandises, biens, richesses. Il est aussi d'usage parmi les Catalans dans le même sens. Il paroît être passé d'Italie en Provence, d'où les provençaux l'ont porté dans les échelles du Levant. Dict. de Commerce, & de Trévoux.


ROBES. f. (Hist. mod.) vêtement long & fort ample, que portent par-dessus tous les autres habits les gens de loi, ou jurisconsultes, les théologiens & les gradués d'Angleterre. La forme de ces robes n'est pas la même pour les ecclésiastiques & pour les laïques, cependant les uns & les autres s'appellent en général gens de robe.

Dans quelques universités, les Médecins portent la robe d'écarlate ; dans celle de Paris, le recteur a une robe violette avec le chaperon d'hermine ; les doyens des facultés, procureurs, questeurs des nations portent la robe rouge fourrée de vert. Les docteurs de la maison de Sorbonne portent toujours la robe d'étamine ou de voile noir par-dessus la soutane dans leur maison, & les docteurs en Théologie la portent également aux assemblées, examens, thèses, & autres actes de faculté, de même que les professeurs & autres suppôts de la faculté des Arts, dans leurs classes & assemblées, soit de leur nation, soit de l'université. Ces robes sont faites comme celles des avocats, à l'exception des manches qui sont plus courtes, quelques-unes sont garnies de petits boutons, & d'autres simplement ouvertes par-devant avec un ruban noir sur les bords. Les robes des appariteurs ou bedeaux sont de la même forme & de la même couleur, & quelquefois toutes semblables à celles des avocats. Ceux des paroisses en portent ordinairement de mi-parties ou de deux couleurs.

En France, on distingue les officiers de robe longue de ceux de robe courte, ces derniers sont ceux qui pour être reçus dans leurs charges n'ont point été examinés sur la loi : autrefois il y avoit des Barbiers de robe courte, c'est-à-dire ceux qui n'avoient point été sur les bancs & qui avoient été reçus sans examen.

La robe se prend pour la magistrature & pour la profession opposée à celle des armes ; c'est dans ce sens que Ciceron a dit, cedant arma togae ; on dit d'un homme qu'il est d'une famille de robe, quand ses ancêtres ont possedé des charges distinguées dans la magistrature. La noblesse de robe est moins considérée dans certains pays que celle d'épée.

La robe est en général le vêtement de dessus de toutes nos femmes, quand elles sont habillées.

ROBE DES ROMAINS, (Hist. Rom.) Voyez TOGE & HABIT des Romains.

ROBE CONSULAIRE, (Hist. Rom.) c'étoit une robe prétexte, bordée en bas d'une large bande de pourpre. D'abord les consuls la prirent le premier jour de leur magistrature devant leurs dieux pénates ; dans la suite, ils la prirent dans le temple de Jupiter Capitolin, comme le rapporte Denys d'Halicarnasse, liv. V. c. xix. & Tite-Live, liv. VI. c. xix. Enfin, sous les empereurs, la puissance des consuls ayant été réduite à rien, leur extérieur en devint plus fastueux ; ils porterent alors une robe richement peinte, le laurier dans leurs faisceaux, & même on y joignit les haches. Ce n'est pas tout ; dès qu'il plaisoit à l'empereur d'illustrer quelqu'un, il lui accordoit le droit de porter la robe consulaire, quoiqu'il n'eût point été consul. Il accordoit aussi la robe triomphale, les honneurs du triomphe & les privileges attachés au triomphe, à ceux qu'il vouloit favoriser de sa bienveillance, quoiqu'ils n'eussent ni triomphé, ni fait aucun exploit remarquable. En un mot, c'étoient des honneurs de cour d'autant plus méprisables, que les gens de mérite n'en étoient pas gratifiés. (D.J.)

ROBE DE REPAS, (Antiq. Rom.) les convives se rendoient à la sortie du bain avec une robe qui ne servoit qu'à cela, & qu'ils appelloient vestis caenatoria, tricliniaria, convivalis. Elle étoit pour le plus souvent blanche, sur-tout dans les jours de quelque solemnité ; & c'étoit aussi-bien chez les Romains que chez les Orientaux, une indiscrétion punissable, de se présenter dans la salle du festin sans cette robe. Ciceron fait un crime à Vatinius d'y être venu en habit noir, quoique le repas se donnât à l'occasion d'une cérémonie funebre. Il compare cet ennemi odieux à une furie qui vient inopinément répandre une idée funeste dans l'esprit de toute l'assistance : Atque illud etiam scire ex te cupio, quo consilio aut quâ mente feceris, ut in epulo Q. Arrii familiaris mei cum togâ pullâ accumberes ?.... cum tot hominum millia,... cum ipse epuli dominus Q. Arius albatus esset ; tu in templum castoris tecum. C. Fidulo attrato, ceteris que tuis furiis funestum intulisti.

Capitolin raconte aussi que Maximin le fils, encore jeune, ayant été invité à la table de l'empereur Alexandre Sévere, & n'ayant point d'habit de table, on lui en donna un de la garde-robe de l'empereur. Pareille chose étoit arrivée autrefois à Septime Sévere encore particulier, suivant le rapport de Spartien.

Cet habillement étoit une espece de draperie qui ne tenoit presque rien, comme il paroît dans les marbres, & qui étoit pourtant différente du pallium des Grecs. Martial reproche à Lucus d'en avoir plus d'une fois remporté chez lui deux au lieu d'une, de la maison où il avoit soupé.

Et tectus lanis saepe duabus abit. (D. J).

ROBE TRIOMPHALE, (Antiq. Rom.) toga triumphalis ; robe particuliere des Romains, reservée pour le triomphe. Tacite dans ses annales nous en fournit une preuve certaine, quand il dit, que dans les jours du cirque, Néron portoit la robe triomphale, & Britannicus la simple robe des jeunes gens, pour faire connoître par cette différence d'habits, les emplois & les dignités qu'on leur préparoit. Plutarque raconte de Marius, que ce romain, si fameux par les événemens de sa vie, oubliant sa naissance, parut un jour en public avec la robe triomphale ; mais s'appercevant que le sénat désapprouvoit sa vanité, il sortit pour quitter sa robe, & revint avec la prétexte.

Dans la suite, Pompée eut le privilege de pouvoir porter la robe triomphale aux spectacles, distinction qui n'avoit été accordée qu'au seul Paul Emile avant lui. Dion & Velleius prétendent même, que Pompée ne se servit qu'une seule fois de cette prérogative.

La robe triomphale est appellée dans quelques auteurs, togula palmata, parce qu'on y représentoit apparemment des palmes, symbole de la victoire. Ciceron nomme cette robe togula picta, robe peinte, pictae vestis considerat aurum ; on représenta depuis sur cette robe, des personnages faits à l'aiguille, comme on le voit dans différens endroits de Claudien, dans Chorippus, lib. I. mim. 15. & dans ce passage de Juvenal, sat. 6.

Illic barbaricas flexâ cervice phalanges,

Occisos reges, subjectas que ordine gentes,

Pictor acu tenui multâ formaverat arte.

Enfin, les empereurs romains avilirent la distinction éclatante de cette robe, en accordant à leurs favoris, soit qu'ils eussent triomphé ou non, la permission de la porter. (D.J.)

ROBES-NEUVES, (Hist. de France) on nommoit ainsi dans le douzieme & treizieme siecle, les habits que nos rois donnoient suivant l'usage à leurs officiers, au tems des grandes fêtes, comme à la fête de Noël. (D.J.)

ROBE D'UNE COQUILLE, (Conchyl.) c'est la couverture ou superficie de la coquille, après qu'on a levé l'épiderme. (D.J.)

ROBE, en terme de Blondier, c'est une enveloppe de carte ou de parchemin dont on entoure les fuseaux pour ne point salir la piece qu'on travaille.

ROBE, (Jardinage) on dit la robe d'un oignon, laquelle est à proprement parler, son enveloppe, sa pellicule.

ROBE, (Maréchallerie) se dit dans certaines occasions pour le poil en général. Par exemple, on dit du poil de cheval lorsqu'il frappe agréablement les yeux, qu'il a une belle robe.

ROBE ou ARROBE, (Mesure de liquides) en Espagne la robe fait huit sommes, la somme quatre quarteaux. Les vingt-huit robes font une pipe ; la botte est de trente robes, & la robe pese vingt-huit livres. Savary. (D.J.)

ROBE, (Manuf. de tabac) ce sont les plus grandes feuilles de tabac que l'on destine à mettre les dernieres sur le tabac qu'on file, pour le parer & donner plus de consistance à la corde. Savary. (D.J.)


ROBERv. act. terme de Chapelier ; c'est enlever le poil d'un chapeau de castor avec la peau de chien marin. Autrefois on ne se servoit que de la pierre-ponce pour cet usage, ce qu'on appelloit poncer ; mais depuis que la maniere de rober est passée d'Angleterre en France, on ne ponce presque plus les chapeaux. Les habiles fabriquans estiment que les peaux de chiens marins affinent davantage que la ponce. Dictionn. de Commerce. (D.J.)

ROBER, le (Géogr. mod.) riviere d'Allemagne qui coule dans l'archevêché de Trèves, & qui se jette dans la Moselle à Trèves même ; c'est l'Erubrus, ou l'Erubris d'Ausone. (D.J.)


ROBERTINES. f. terme de l'Ecole ; c'est le nom d'une these que soutiennent ceux qui veulent être de la maison de Sorbonne. Elle a pris son nom de Robert Sorbon, instituteur de la Sorbonne.


ROBERVALLIENNESLIGNES, (Géométrie) c'est le nom qu'on a donné à de certaines lignes courbes qui servent à transformer les figures ; elles sont ainsi appellées du nom de leur inventeur M. de Roberval. Ces lignes contiennent des espaces infinis en longueur, & néanmoins égaux à d'autres espaces fermés de tous côtés. Les propriétés de ces lignes sont expliquées par M. de Roberval à la fin de son traité des indivisibles, imprimé en 1693 dans le recueil intitulé divers ouvrages de Mathématique & de Physique, par MM. de l'académie royale des Sciences.

L'abbé Gallois, dans les mém. de l'academie des Sciences de Paris, pour l'année 1693, prétend que la méthode de transformer les figures, expliquée à la fin du traité des indivisibles de M. de Roberval, est la même qui a été publiée depuis par M. Jacques Gregory, dans sa géométrie universelle, & après lui par Barrow, dans son livre intitulé lectiones geometricae, & qu'il paroît par une lettre de Toricelli, que M. de Roberval étoit l'inventeur de cette méthode de transformer les figures, par le moyen de certaines lignes que Toricelli appelle lignes robervalliennes.

L'abbé Gallois ajoute qu'il est fort vraisemblable que M. Jacques Gregory, dans le voyage qu'il fit à Padoue en 1668, y apprit cette méthode, qui étoit connue en Italie dès 1646, quoique l'ouvrage de Roberval n'ait été publié qu'en 1692.

M. David Gregory, zélé pour l'honneur de son frere, a tâché de réfuter cette imputation ; sa réponse à l'écrit de l'abbé Gallois est insérée dans les Transactions philosophiques de l'année 1694 ; & celui ci a répliqué dans les mémoires de l'academie des Sciences de Paris 1703. Chambers. (O)


ROBIAHERBA(Hist. nat. Botan. anc.) nom donné par Paul Aeginete & autres anciens, à une plante qu'on employoit en teinture. La grande ressemblance de ce nom avec le rubia que nous appellons garance, a fait croire à plusieurs modernes que le robia des anciens étoit notre rubia ; mais on n'a pas pris garde qu'ils l'employoient pour teindre en jaune, & que notre garance ne teint qu'en rouge. Le robia herba est vraisemblablement le lutia herba des Latins, notre herbe jaune, autrement dite gaude, dont les Teinturiers font grand usage pour teindre en jaune. (D.J.)


ROBIAS(Hist. nat.) pierre dont parle Pline, & que l'on croit être une pierre composée de particules globuleuses semblables à des oeufs de poisson ou à des graines. Voyez OOLITE & PISOLITE.


ROBIGALESou RUBIGALES, s. f. pl. (Antiq. romaines) en latin robigalia ou rubigalia ; fête instituée par Numa, la onzieme année de son regne, & que les Romains célébroient en l'honneur du dieu Robigus, pour le prier d'empêcher la nielle de gâter leurs blés ; cette fête se faisoit le septieme jour devant les calendes de Mai, c'est-à-dire le 25 d'Avril, parce que dans ce tems-là la constellation du chien, qui est une constellation malfaisante, se couche, & que de plus c'est vers ce tems-là que la rouille ou la nielle a coutume d'endommager les blés qui sont sur terre. (D.J.)


ROBIGUSou RUBIGUS, s. m. (Mythologie) dieu de la campagne & de l'Agriculture chez les anciens Romains. C'étoit ce dieu qu'on invoquoit pour le prier de garantir les blés de la nielle, en latin robigo ou rubigo, & c'est de-là qu'il avoit pris son nom. On lui sacrifioit les entrailles d'un chien & celles d'une brebis, selon Ovide ; & selon Columelle, un petit chien nouvellement né. Numa Pompilius avoit lui-même institué une fête & des sacrifices à ce dieu. Onuphrius Panvinius dit qu'il avoit à Rome un temple & un bois dans la cinquieme région de la ville. Il avoit encore un autre temple sur la voie Nomentane, hors la porte Capene.

Les Rhodiens invoquoient Apollon contre la nielle ou rouille des blés, & ils donnoient à ce dieu le nom de Erythibius, de , qu'ils disoient au lieu de , qui signifie la nielle des blés. (D.J.)


ROBINETS. m. (Hydr.) est une clé ou canelle de cuivre qui s'emboîte dans un boisseau du même métal, que l'on tourne pour ouvrir ou fermer l'issue de l'eau qui va faire jouer une fontaine.

Il y a de plusieurs sortes de robinets ; ceux à tête quarrée, à branches ou à potence, & à deux ou trois eaux ; ensorte que fermant un jet, ils en ouvrent un autre. Il est essentiel que les ouvertures des robinets soient proportionnées au diametre de la conduite ; ensorte qu'il passe par le trou ovale de la canelle, presque autant d'eau que par l'ouverture circulaire du tuyau. Lorsque les robinets sont placés près du bassin, ils doivent avoir pour ouverture les trois quarts du diamêtre de la conduite, & ils seroient encore mieux s'ils lui étoient égaux. Lorsque les robinets sont éloignés du bassin, ils peuvent avoir un tiers de moins d'ouverture que la conduite. (K)


ROBINIAS. f. (Botan.) nom donné par Linnaeus & Rivinus au genre de plante appellé faux acacia par Tournefort, & le général des Botanistes. En voici les caracteres selon le systême de Linnaeus. Le calice particulier de la fleur est petit, monopétale, divisé en quatre segmens, dont il y en a trois fort étroits, & un autre supérieur quatre fois plus large, mais ils sont tous de la même longueur & légérement dentelés. La fleur est légumineuse. L'étendard est large, rond & obtus ; les aîles sont de forme ovoïde, oblongue ; le pétale inférieur de la fleur est à demi-orbiculaire, applati, obtus, & de même longueur que les aîles. Les étamines sont des filamens qui se portent en haut ; leurs bossettes sont arrondies ; le germe du pistil est oblong, & de forme cylindrique. Le stile est chevelu, élevé en haut ; le stygma est très-délié, & placé au sommet du stile. Le fruit est une grosse & large gousse, applatie, & néanmoins un peu bossue ; il ne renferme que quelques graines taillées en forme de rein. Tournefort, inst. rei herb. pag. 417. Rivin. iv. 74. Linnaei, gen. plant. pag. 349. (D.J.)


ROBION(LE) ou REBRE, (Géog. mod.) petite riviere de France dans le Dauphiné. Elle a sa source près de Montmorin, forme deux branches qui baignent la ville de Montelimart, & qui toutes deux, vont se jetter sur la rive gauche du Rhône. (D.J.)


ROBLES. m. (Hist. nat. Botan.) arbre qui croît au Chili ; le meilleur pour la construction des vaisseaux ; c'est une espece de chêne à écorce de liege, comme l'yeuse ; il est dur & se conserve dans l'eau.


ROBORATIFadj. (Gramm.) qui fortifie. Voy. CORROBORATIF, ou CORROBORANS.


ROBORETUM(Géogr. anc.) ville d'Espagne, selon l'itinéraire d'Antonin, qui la marque sur la route de Bracara à Asturica, entre Pinetum & Compleutica, à 36 milles de la premiere de ces places, & à 29 milles de la seconde. On ne connoît point aujourd'hui cette ville. (D.J.)


ROBRES. m. (Hist. nat. Botan.) espece de chêne qui croît dans les lieux montagneux. Il est plus bas que le chêne commun, mais gros & tortu ; son bois est dur, sa feuille découpée en ondes assez profondes, & couverte d'un duvet mol ; sa fleur en chatons & son fruit plus petit qu'aucun chêne ordinaire. Il a des galles & tous les autres caracteres du chêne.


ROBUSTEadj. (Gramm.) qui est fort, vigoureux. On dit une plante robuste, un homme robuste, une santé robuste. Hobbes ayant remarqué que l'homme étoit d'autant plus méchant qu'il avoit plus de force & de passion, & qu'il avoit moins de raison, a défini le méchant, puer robustus, un enfant robuste ; définition courte, laconique & sublime.


ROCS. m. grande masse ou bloc de pierre dure enracinée profondément en terre. Voyez PIERRE. Ce mot est formé du mot grec , rima, fente, crevasse, & est formé de , je romps ; d'où vient saxa, rivage pierreux.

Il y a différentes manieres de rompre & de briser le roc, avec le bois, la poudre à canon, &c. Voyez CARRIERE, Bois, &c.

Nous avons des chemins, des grottes, des labyrinthes taillés dans le roc. Voyez ROUTE, GROTTE, LABYRINTHE, &c.

Alun de roc, ou de roche, voyez ALUN.

Crystal de roche, est une sorte de crystal qu'on suppose formé par la congélation du suc pierreux qui dégoutte des rocs & des cavernes. Voyez CRYSTAL & STALACTITE.

Sel de roche, voyez SEL.

ROC D'ISSAS, ou BLOC D'ISSAS, (Marine) voyez SEP DE DRISSE.

ROC, s. m. (terme de Blason) ce mot se dit d'un meuble dont on charge les écus, & qui représente un roc ou la tour du jeu d'échecs, à la reserve que la partie d'en-haut est figurée avec deux crocs en forme de crampons, qui ont leurs pointes tendantes vers le bas. Le pere Menestrier dit que le roc est de fer morné d'une lance de tournois, ou recourbé à la maniere des extrêmités des croix ancrées. La maison de Roquelaure porte d'azur à trois rocs d'argent. (D.J.)


ROCAILLES. f. (Archit. hydraul.) composition d'architecture rustique qui imite les rochers naturels, & qui se font de pierres trouées, de coquillages, & de pétrifications de diverses couleurs, comme on en voit aux grottes & bassins & fontaines.

On appelle rocailleur celui qui travaille aux rocailles.

Colonne de rocaille est une colonne dont le noyau de tuf, de pierre ou de moilon, est revêtue de pétrifications & de coquillages. Daviler. (D.J.)

ROCAILLE, s. f. (Peinture sur verre) espece de petits grains de diverses matieres, ronds, verds ou jaunes, qui servent à mettre le verre en couleur.

ROCAILLE, s. f. (Verroterie) petits grains de verroterie qui s'enfilent en forme de chapelets, qui servent au commerce de l'Amérique & des côtes d'Afrique. On les appelle ordinairement rassade.


ROCAMBOLES. f. (Botan.) espece d'ail fort cultivé, nommé par Tournefort alium sativum alterum, sive alioprasum caulis summo circumvoluto, I. R. H. 383.

C'est une bulbe composée de plusieurs tubercules, garnie à sa partie inférieure d'un grand nombre de filets blanchâtres, & enveloppée de deux ou trois peaux semblables à celles de l'oignon, d'un blanc purpurin. Sa tige est unique, de grosseur du petit doigt, haute d'une à deux coudées. Ses feuilles, qui sont le plus souvent au nombre de cinq, de la figure de celles du porreau, enveloppent la tige jusqu'à une certaine hauteur ; elles s'en séparent ensuite, penchent vers la terre, & ont une odeur qui tient le milieu entre le porreau & l'ail. La partie supérieure de la tige est nue, verte, lisse ; elle se replie, fait une ou deux spirales comme le serpent, & est terminée par une tête enveloppée dans une gaîne blanchâtre & allongée en maniere de corne finissant en bec ; cette gaîne venant à s'ouvrir, laisse voir de petites bulbes ramassées ensemble, d'abord purpurines, ensuite blanchâtres, parmi lesquelles se trouvent des fleurs semblables à celles de l'ail. Toute la plante respire une odeur forte d'ail. On la cultive dans les jardins pour l'usage de la cuisine. (D.J.)


ROCCA-D'ANFO(Géog. mod.) petite ville d'Italie, dans l'état de Venise, sur le bord septentrional du lac Idro, au Bressan. Elle est munie de quelques fortifications. Long. 28. 4. lat. 45. 48. (D.J.)


ROCEvoyez VANGERON.


ROCHANvoyez MERLE.


ROCHARTvoyez LAMANTIN.


ROCHES. f. ROC ou ROCHER, (Gram.) c'est une masse de pierre qui s'éleve au-dessus de la surface de la terre ou de la mer, vers les côtes & les îles, & qui cause souvent les naufrages des vaisseaux, ou qui les détourne de leur droite route.

ROCHES MOLLES, voyez CAYES.

ROCHE, s. f. (Architect.) c'est la pierre la plus rustique & la moins propre à être taillée. Il y a de ces roches qui tiennent de la nature du caillou, & d'autres qui se délitent par écailles. On appelle roche vive la roche qui a ses racines fort profondes, qui n'est point mêlée de terre, & qui n'est point par couche comme dans les carrieres. (D.J.)

ROCHE, s. m. (Hydr.) est un monceau de cailloux, de pétrifications, de coquillages de différentes couleurs, élevé & formant un rocher, au haut duquel est un jet qui retombe sur ce cailloutage. Ce peut être encore une fontaine rocaillée, adossée contre un mur, imitant la caverne d'où sortent des bouillons & nappes d'eau. (K)

ROCHE A FEU, (Artificier) les artificiers appellent ainsi un mêlange de soufre, de salpêtre & de poudre qui est propre à beaucoup d'artifices. Voici la maniere de le faire.

Prenez du soufre fondu lentement une livre, de salpêtre quatre onces, de poudre quatre onces ; jettez le salpêtre dans le soufre en le fondant peu-à-peu & le remuant très-bien, & ensuite la poudre de même ; remuez le tout ; & lorsque le mêlange commencera à se refroidir, vous y ajouterez trois onces de poudre grenée, & remettrez le tout ensemble.

ROCHE, la, (Géog. mod.) en latin du moyen âge, rupes Ardenuae ; ville des Pays-Bas, au duché de Luxembourg, dans la forêt d'Ardenne, bâtie sur une roche, d'où lui vient son nom, à 12 lieues au nord-ouest de Luxembourg, avec un château fortifié. Long. 23. 25. lat. 50. 7.

2°. La Roche est le nom d'une autre petite ville de Savoie, dans le Faucigni, assez près de la riviere d'Arve, & sur la gauche. (D.J.)


ROCHE-BERNARDLA, (Géog. mod.) bourg & baronie de France, en Bretagne, diocèse de Nantes, sur la Vilaine, à 4 lieues de son embouchure, avec un petit port. Ce bourg fut érigé en duché-pairie, sous le nom de Coaslin en 1663, & éteint en 1738. Celui qui possede la baronie de la Roche-Bernard préside au corps de la noblesse, quand il se trouve aux états de la province. Long. 15. 15. lat. 47. 25. (D.J.)


ROCHE-CHOUART(Géog. mod.) en latin du moyen âge rupes Cavardi, petite ville de France, aux confins du Limousin & du Poitou, sur la pente d'une montagne, à 24 lieues de Poitiers. Il n'y a qu'une paroisse dans cette ville, qui cependant a titre de duché, & donne son nom à une des illustres maisons du royaume. Long. 18. 29. lat. 45. 49. (D.J.)


ROCHE-D'ERRIENLA, (Géog. mod.) bourg de France, en Bretagne, à 2 lieues au midi de Tréguier. Il est fameux par les sieges qu'il a soutenus au xiv. siecle, & par la bataille qui se donna sous ses murs en 1347, dans laquelle bataille Charles de Blois, qui réclamoit le duché de Bretagne, fut vaincu & fait prisonnier. (D.J.)


ROCHE-FOUCAUDLA, (Géog. mod.) petite ville de France, dans l'Angoumois, sur la Tardouere, à 6 lieues au nord-ouest d'Angoulême, avec titre de duché-pairie, érigée en 1622, & dont quatre baronies dépendent. Il y a dans cette petite ville une église collégiale, & un couvent de carmes. Long. 18. 3. lat. 45. 43.

MM. de Daillon (Benjamin & Jaques), issus de l'ancienne famille des comtes du Lude, naquirent tous les deux dans la petite ville de la Roche-foucaud, & le premier fut ministre d'une église calviniste qui y étoit alors ; mais après la révocation de l'édit de Nantes, il passa, de même que son frere, en Angleterre, où ils moururent l'un & l'autre dans un âge fort avancé. M. Benjamin de Daillon étoit un homme de savoir & de mérite. Il avoit un sentiment particulier touchant les diables, soutenant qu'il n'y en avoit qu'un seul, & que l'Ecriture ne parle jamais du diable, que comme d'un être unique. Il prétendoit en conséquence que les esprits impurs que Jesus-Christ chassoit, étoient des maladies, & que l'Ecriture leur donne le nom d'esprits ou de démons, pour s'accommoder au langage de ce tems-là, ces maladies étant déifiées, ou regardées comme des démons ou des divinités parmi les payens.

M. Jacques de Daillon adopta le même sentiment de son frere ; & voulant le défendre par écrit, il publia en 1723, un ouvrage in-8 °. en anglois, intitulé , or a treatise, &c. c'est-à-dire, Démonologie, ou traité des esprits, dans lequel on explique plusieurs passages de l'Ecriture contre les erreurs vulgaires touchant les sorciers, les apparitions, &c. avec un appendice contre la possibilité de la magie, de la sorcellerie & du sortilege. (D.J.)


ROCHE-GUYONLA, (Géog. mod.) bourg de France, dans l'île de France, sur la Seine, à 3 lieues au-dessous de Mante, & au-dessus de Vernon. Il y a château, paroisse, foire & marché. (D.J.)


ROCHE-POSAY(Géog. mod) petite ville de France, dans la Touraine, sur la Creuse, un peu audessous de l'endroit où elle reçoit la Gartempe, Long. 18. 30. lat. 46. 44. (D.J.)


ROCHE-SUR-YON(Géog. mod.) bourg de France, dans le Poitou, sur la petite riviere d'Yon, à 6 lieues au nord-ouest de Luçon, avec titre de principauté, qui appartient à la maison de Conti. Long. 16. lat. 46. 35. (D.J.)


ROCHEFORT(Géog. mod.) en latin du moyen âge Rupifortium ; mais ce n'étoit qu'un bourg. C'est aujourd'hui une nouvelle ville de France, au pays d'Aunis, sur la Charente, à une lieue & demie de son embouchure, à 3 de Brouage, à 6 au sud-est de la Rochelle, & à 100 au sud-ouest de Paris, avec un port très-commode.

Louis XIV. a fait bâtir dans cette ville en 1664 un magnifique arsenal, un hôpital & des casernes ; il y a fait établir une fonderie de canons, une corderie & un magasin pour l'équipement des vaisseaux ; c'est un siege royal, & le magasin général des autres ports voisins. L'entrée de la riviere est défendue par plusieurs forts ; ainsi dans l'espace d'un demi-siecle Rochefort est devenu un endroit considérable, sur lequel on a fait un ouvrage imprimé à Paris en 1757, in-4 °.

L'arsenal de cette ville est le premier qui fut élevé par les soins de M. Colbert ; mais sa position avantageuse à bien des égards, ne sauroit cependant dédommager de l'air mal-sain qui regne à Rochefort, de la mauvaise qualité des eaux, & des sommes immences qu'a coûté cette entreprise. Longit. 16. 42. latit. 46. 3.

Rochefort dans la Beauce, diocèse de Chartres ; Rochefort dans le Forez, élection de Roanne, & Rochefort dans l'Auvergne, diocèse de Clermont, sont trois bourgs, que Piganiol de la Force qualifie du nom de petites villes. (D.J.)

ROCHEFORT en Ardenne, (Géog. mod.) ville des Pays-Bas, dans le Condros, aux confins du duché de Bouillon, & de l'évêché de Liege, dont elle dépend pour le spirituel. Elle est située à 2 lieues de S. Hubert, à 6 lieues au sud-est de Dinant, & à 18 au nord-ouest de Luxembourg. Elle est environnée de rochers, & a un vieux château rétabli par le comte de Louwenstein. Ce lieu est une ancienne seigneurie érigée en comté par l'empereur Ferdinand II. Long. 22. 48. lat. 50. 10. (D.J.)


ROCHELLELA, (Géog. mod.) ville maritime de France, capitale du pays d'Aunis, sur l'Océan, à 34 lieues au nord de Bordeaux, & à 100 au sud-ouest de Paris. Longitude suivant Cassini, 16. 28. 30. lat. 46. 10. 15.

Cette ville a été nommée par les anciens Portus santonum, parce qu'elle étoit autrefois dépendante de la province de Saintonge, & le meilleur port qu'il y eût dans ces quartiers-là sur l'Océan. Depuis on l'a nommée Rupella, & Rochella pour Rocella, noms qui signifioient un petit roc, & qu'on lui a donné, soit à cause du fonds pierreux sur lequel elle est bâtie, soit à cause qu'originairement elle n'étoit qu'un château avec quelques maisons habitées par des gens de mer.

Ce château appartenoit en premier lieu aux seigneurs de Mauléon en Poitou. Guillaume, dernier comte de Poitiers, l'usurpa sur les seigneurs de Mauléon : il en fit une petite ville & lui donna des privileges. Cette ville s'accrut avec le tems, & se forma en une espece de république, ayant appartenu au roi d'Angleterre depuis le mariage d'Eléonore de Guyenne avec Henri II. Ses privileges furent confirmés par Louis VIII. fils de Philippe-Auguste, lorsqu'il s'en rendit maître en 1224.

La Rochelle étoit déja dans ce tems-là un port de mer très-florissant par son commerce, comme il paroît par ces vers d'un auteur ancien, Nicol. de Braia, de gest. Ludov. VIII.

Declivi littore Ponti

Nobilis, & famâ toto celeberrima mundo

Divitiisque potens priscis, & gente superbâ

Est Rupella.

La Rochelle fut cédée aux Anglois par le traité de Brétigni, l'an 1360, & douze ans après elle se donna au roi de France Charles V. à condition qu'elle conserveroit tous ses privileges, & qu'en outre elle auroit droit de battre en son propre nom de la monnoie d'argent ; que les échevins seroient réputés nobles ; que le maire resteroit gouverneur de la ville ; & qu'enfin sa charge seule ennobliroit sa famille.

Le Calvinisme s'y introduisit en 1557, & le prince de Condé eut, pour ainsi dire, la gloire d'y regner. Le brave la Noue la défendit en 1574 contre Henri, duc d'Anjou, frere de Charles IX. & obligea ce prince d'en lever le siege. Les Protestans y tinrent depuis la plûpart de leurs synodes, & son commerce florissant tous les jours davantage, la rendit puissante jusqu'au tems du cardinal de Richelieu, qui résolut de soumettre cette ville à l'autorité royale, de casser ses privileges, & d'y détruire le Calvinisme.

Il engagea Louis XIII. à cette expédition. Ce prince, pour commencer à brider les Rochelois, fit construire le fort Louis. Ensuite il assiégea la ville en 1627, & s'en rendit le maître l'année suivante, après treize mois d'un siege des plus mémorables, pendant lequel les habitans souffrirent avec courage une des plus horribles famines dont l'histoire fasse mention. De quinze mille personnes qui se trouvoient dans cette ville, quatre mille seulement survécurent à cet affreux désastre. Etrange pouvoir de l'esprit de religion sur les hommes !

Enfin, la réduction de cette ville fut dûe à l'invention d'une digue de 747 toises dont Clément Metezeau de Dreux fut l'inventeur, & que le cardinal de Richelieu fit exécuter, pour empêcher les Anglois de secourir la place. Il est étonnant combien de millions le clergé fournit pour la prise de cette ville, & avec quelle joie il en faisoit les avances.

Louis XIII. étant entré dans la Rochelle le jour de la Toussaint 1628, priva les Rochelois de tous leurs privileges, fit abattre leurs belles fortifications, nomma de nouveaux magistrats, & un plus grand nombre de prêtres catholiques.

Louis XIV. fortifia cette ville de nouveaux ouvrages, qu'imagina & qu'exécuta le maréchal de Vauban. Il fit la Rochelle chef d'une généralité, & y établit un intendant distingué de celui de Rochefort, qui a la marine. Il y a aussi créé un bureau des finances, une chambre du domaine, un présidial, une élection, & y a laissé subsister l'hôtel des monnoies.

Les Jésuites y obtinrent un college, & ensuite la direction d'un séminaire l'an 1694 ; le siege épiscopal de Maillezais fut transféré dans cette ville en 1649 ; & pour former le diocèse on y a joint le pays d'Aunis & l'île de Ré, que l'on a démembrés de l'évêché de Saintes.

Les rues de la Rochelle sont en général assez droites, & la plûpart des maisons soutenues par des arcades. La ville est percée de cinq portes. Son port qui peut avoir quinze cent pas de circuit, & qui est de forme presque ronde, est un des plus commodes de l'Océan. Deux grosses tours le défendent. La mer y a reflux de plus de quatre toises. Tous les vaisseaux excepté ceux de haut-bord y entrent.

Mais ceux qui desireront de plus grands détails de l'histoire de cette ville, peuvent lire un petit livre de M. Galland (Auguste), sur la naissance, l'ancien état, & l'accroissement de la Rochelle.

J'ajouterai seulement que son principal commerce actuel est celui des îles de l'Amérique. Ses manufactures consistent en raffinerie du sucre des îles. Les Suédois, les Danois, les Hambourgeois, les Anglois & les Hollandois y envoient chaque année plusieurs vaisseaux pour y charger des vins, des eaux-de-vie, du sel, & quelques autres marchandises. On a aussi érigé dans cette ville en 1734 une académie de belles lettres.

Imbert (Jean), jurisconsulte du xvj. siecle, né à la Rochelle, s'est fait connoître avec estime par deux ouvrages de droit : 1°. Enchiridion juris scripti Galliae, que Theveneau a traduit en françois : 2°. Institutiones forenses, ou Pratique du barreau, en latin & en François.

François Tallemant l'aîné, abbé du Val-Chrétien, étoit né dans cette ville. Il fut aumônier du roi pendant vingt-quatre ans, & ensuite premier aumônier de madame. Sachant très-bien la langue italienne, il traduisit avec succès l'histoire de Venise du procurateur Nani ; mais il ne consulta pas assez ses forces en mettant au jour la traduction des vies de Plutarque ; cette traduction fut promtement méprisée de tous les connoisseurs. Il mourut en 1693, âgé de 73 ans.

On l'appelloit Tallemant l'aîné pour le distinguer de Paul Tallemant son cousin, son compatriote & ecclésiastique comme lui. Ils furent tous deux de l'académie Françoise, mais Paul étoit encore de l'académie des Inscriptions. Il mourut en 1712 à 70 ans.

Colomiés (Paul), en latin Paulus Colomesius, savant écrivain protestant, naquit à la Rochelle dans le dernier siecle ; mais il se retira en Angleterre avant d'essuyer les rudes coups de la tempête, qui a englouti l'édit de Nantes. Il témoigna bientôt, étant à Londres, la préférence qu'il donnoit à la communion épiscopale sur le presbytérianisme, comme il paroît par son livre intitulé Theologorum presbyterianorum Icon. Il n'a pas cessé depuis de travailler sur différens sujets. Il est mort à Londres en 1692, j'ignore à quel âge.

Tous ses ouvrages sont utiles & agréables aux curieux de l'histoire, parce qu'ils y trouvent beaucoup de choses à apprendre ; aussi sont-ils plus recherchés dans les pays étrangers que dans ce royaume. Les principaux sont 1°. Gallia orientalis, qui a été réimprimé à Hambourg en 1709, avec d'autres opuscules de l'auteur, qui avoient paru à Paris en 1668 : 2°. Italia & Hispania orientalis : 3° Observationes sacrae : 4° Mélanges historiques : 5° Bibliotheque choisie, dont la meilleure édition a été faite à Paris en 1731, avec des notes de M. de la Monnoie. Le pere Niceron vous indiquera les autres ouvrages de M. Colomiés, dans ses mémoires des hommes illustres, tome VII, p. 196. Bayle a fait aussi l'article de ce savant. (D.J.)


ROCHERS. m. (Gram.) c'est la même chose que roc & roche. Voyez ROC.

ROCHER, ROCHE, ROC, (Synon. Géog.) ces trois noms, désignent également en Géographie une, ou de grosses masses de pierres dures qui se trouvent dans les montagnes ou dans la mer, & qui sont coupées en précipices. Ce que nous appellons un rocher, une roche ou un roc, est nommé par les Latins rupes ; par les Italiens, rocca, rupes ou pietra ; par les Espagnols, roca ou peña ; en allemand, fels, & en anglois a roek. On a bâti quelquefois des tours & des forts sur ces sortes de rochers, & plusieurs villes même en ont pris leurs noms, comme Rochefort, la Rochelle & autres. Elles sont appellées roques dans le Languedoc, aussi-bien que dans les autres pays voisins.

La Palestine étant un pays de montagnes, avoit beaucoup de rochers, & ces rochers faisoient une partie de la force du pays, parce qu'on s'y retiroit dans les allarmes, & qu'on y trouvoit un asyle contre les irruptions subites des ennemis. Aussi l'Ecriture parle-t-elle si souvent de rochers ; par exemple, des rochers d'Arnon, des rochers d'Oreb, du rocher d'Odolam, du rocher d'Etham, &c. De-là vient aussi ces expressions si communes dans l'Ecriture ; soyez mon rocher, Pseaume 31. Le Seigneur est mon rocher ; où est le rocher autre que le Seigneur, Pseaume 18. vers. 3. 32. &c.

Les rochers qui se trouvent dans la mer, & contre lesquels les vaisseaux sont sujets à se briser quand ils en approchent, se nomment brisans. Il y en a qui sont toujours couverts de la mer, & cachés sous l'eau, d'autres qui ne sont jamais couverts de la mer, & d'autres que la basse-mer découvre. On dit qu'une roche est saine, lorsqu'il n'y a point de danger autour d'elle, & que tout ce qu'il y a de dangereux est ce qui paroît.

La chaîne des rochers qui sont sous l'eau, s'appelle ressif par les Américains, & on appelle banche un fonds de roches tendres & unies qui se trouvent en certains lieux au fond de la mer. Il y a de certains rochers qui se trouvent vers les îles des Açores, & ailleurs ; ils sont cachés sous l'eau, & on les nomme vigies.

Les rochers sont représentés dans les cartes générales par des petites croix ; mais dans les cartes particulieres, les rochers découverts y sont figurés par des pointes de rochers, & ceux qui sont cachés sous l'eau, sont représentés par de petites croix. (D.J.)

ROCHERS de Sciron, (Géog. anc.) Scironides petrae ; rochers célebres, qui étoient dans l'enceinte de la Mégaride en Achaïe. Strabon leur donne six milles d'étendue. Ils étoient devenus infames par les cruautés de Sciron, dont ils prirent le nom. Cet homme barbare réduisoit ceux qui arrivoient, ou qui étoient jettés sur ces côtes, au honteux ministere de lui laver les piés, de le chausser, & ensuite abusant de leur situation, il les précipitoit d'un coup de pié dans la mer. Un monstre que Pausanias croit être une tortue de mer, accoutumée à sa proie, cantonnée dans quelque creux voisin, rendoit inutiles les efforts que ces malheureux faisoient pour se sauver à la nage, & les entraînoit dans son repaire, où il les égorgeoit, s'ils n'étoient pas brisés pas les pointes des rochers, sur lesquels ils rouloient en tombant dans la mer. Thésée punit Sciron du même genre de mort, & purgea le monde de ce scélérat, que Jupiter Hospitalier avoit laissé trop longtems impuni. C'est de ces rochers que Stace nous parle, Theb. l. I.

Infames Scirone Petras, scyllataque rara

Purpureo regnata seni.

Voyez SCIRONIDES petrae, Géogr. anc. (D.J.)

ROCHER, le, (Conchyliol.) coquille autrement nommée murex, voyez ce mot ; c'est assez de se rappeller ici, que c'est une coquille univalve, garnie de pointes & de tubercules avec un sommet chargé de piquans ; il est quelquefois élevé, quelquefois applati. Sa bouche est toujours allongée, dentée, édentée ; la levre est ailée, garnie de doigts, repliée, déchirée ; le fût est ridé, & quelquefois uni. (D.J.)

ROCHER, en Anatomie ; nom d'une apophyse des os des tempes, appellée aussi apophyse pierreuse, à cause qu'elle est d'une substance extrêmement compacte. Voyez TEMPORAUX.

ROCHER d'eau, s. m. (Archit. hydraul.) espece de fontaine adossée ou isolée, & cavée en maniere d'antres, d'où sortent par plusieurs endroits des bouillons & nappes d'eau. Telle est la fontaine de la place Navonne à Rome. C'est un rocher fait de tevertin, percé à jour en ses quatre faces, portant à ses encoignures quatre figures de marbre avec leurs attributs, qui représentent les quatre plus grands fleuves de la terre, & sur lequel est élevé un obélisque antique de granit tiré du cirque de Caracalla. Cet ouvrage merveilleux a été fait par le cavalier Bernin, sous le pape Innocent X.

On appelle aussi rocher d'eau, une espece d'écueil massif, d'où sort de l'eau par différens endroits. Il y a un de ces rochers à la vigne d'Este, à Tivoli, près de Rome. Daviler. (D.J.)

ROCHERS dans les bois, sont de grosses touffes un peu basses & rampantes, qui se trouvent entre les arbres de haute futaie.

ROCHER de grenailles, (à la Monnoie) est la masse de métal, qui dans l'état de bain ou fusion, est versée dans un baquet d'eau froide, qui se précipitant, s'amasse au fond en forme de grenaille. L'objet de cette manutention est de purifier le métal.

ROCHER, terme de Brasserie ; il se dit du levain, lorsqu'il commence à former des boutons de mousse qui s'accumulent, s'amassent, & forment des houpes de mousse.

ROCHER, en terme d'Orfevre en grosserie ; c'est environner les parties qu'on veut souder de poudre de borax, qui sert de fondant à la soudure.


ROCHERAYou PIGEON DE ROCHE, (Histoire nat. Ornithol.) columba rupicola, Willugbi. Oiseau qui est à-peu-près de la grosseur du biset ; il a un pié de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & seulement dix pouces jusqu'au bout des ongles ; la longueur du bec est de onze lignes depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche ; les aîles étant pliées, s'étendent presque jusqu'au bout de la queue. La tête & la face inférieure du cou sont d'un cendré foncé ; la face supérieure du cou, la partie antérieure du dos & les petites plumes des aîles qui se trouvent près du corps ont une couleur cendrée brune : les autres petites plumes de l'aîle, la partie postérieure du dos & le croupion, sont d'un cendré clair. Il y a sur la partie supérieure du cou une teinte de ces couleurs brillantes qu'ont la plûpart des pigeons. La poitrine est d'une légere couleur vineuse ; le ventre, les côtés du corps, les jambes & les plumes du dessous de la queue sont d'un cendré clair. Les grandes plumes de l'aîle, & celles du second rang, qui sont les plus près du corps, ont une couleur brune, les autres sont cendrées à leur origine & noirâtres vers la pointe : il y a de plus sur chaque aîle deux taches d'un brun noirâtre. Toutes les plumes de la queue sont cendrées à leur origine, & noirâtres vers leur extrêmité. Le bec est gris, les piés sont rouges & les ongles noires. Le rocheraye est un oiseau de passage. Brisson, Ornit. tome I. Voyez OISEAU.

ROCHERAYE BLANC, columba alba saxatilis. On regarde cet oiseau comme une variété du rocheraye. Voyez ROCHERAYE ; il n'en differe qu'en ce qu'il est entierement blanc, à l'exception de la tête, du croupion & de la queue, qui sont d'un beau roux. Ornit. de M. Brisson, tom. I. voyez OISEAU.

ROCHERAYE de la Jamaïque, PIGEON à la couronne blanche, columba capite albo, Klein. Cet oiseau est à-peu-près de la grosseur du pigeon domestique ; il a un pié un pouce de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & seulement dix pouces six lignes jusqu'au bout des ongles ; la longueur du bec est d'un pouce, & celle de la queue de cinq pouces ; les aîles étant pliées s'étendent jusqu'aux deux tiers de la longueur de la queue. Le dessus de la tête est blanc, & plus bas il y a une belle couleur pourprée changeante. Le cou est d'un verd changeant, qui paroît à certains aspects bleu ou de couleur de cuivre bronzé. Tout le reste du corps, savoir, le dos, le croupion, les petites plumes des aîles, celles du dessus & du dessous de la queue, la poitrine, le ventre, les côtés du corps & les jambes sont d'un brun tirant sur un gris bleuâtre, les grandes & les moyennes plumes des aîles ont une couleur brune. Les yeux sont entourés d'une peau blanche. Le bec est rouge à sa base, & blanc vers l'extrêmité. Les piés sont rouges & les ongles gris. On trouve cet oiseau dans toutes les îles de Bahama, à la Jamaïque & à S. Domingue. Brisson, Ornit. t. I. Voyez OISEAU.


ROCHESTER(Géog. mod.) ville d'Angleterre, dans la province de Kent, sur le Medway, qu'on y passe sur un des beaux ponts d'Angleterre, à 27 milles au sud-est de Londres. Elle est fort ancienne, a titre de comté, & un évêché d'un revenu fort modique. Long. suivant Cassini, 16. 19. lat. 51. 20. & suivant Street, Long. 17. 56. latit. 51. 26. (D.J.)


ROCHETS. m. (Gram. Hist. nat.) ornement de lin que portent les évêques & les abbés ; il ressemble à un surplis, excepté qu'il a des manches & des poignets, au lieu que le surplis est entierement ouvert & sans manches.

Ménage fait venir ce mot du mot latin rochettus, diminutif de rocchus, dont les écrivains de la basse latinité se sont servis au lieu de tunica, & qui vient originairement du mot allemand rok.

Les chanoines réguliers de S. Augustin portent aussi des rochets par-dessous leurs chapes.

Rochets sont aussi des especes de manteaux que portent en Angleterre les pairs du royaume séans au parlement dans les jours de cérémonies. Voyez PAIR, PARLEMENT, CKETCKET.

Ceux des vicomtes ont deux bandes ou bords & demi ; ceux des comtes, trois ; ceux des marquis, trois & demi, & ceux des ducs, quatre. Larrey.

ROCHET, s. m. (Manufact.) on appelle ainsi chez les marchands de soie, chez les manufacturiers & ouvriers en étoffes d'or, d'argent & de soie, & chez les teinturiers en soie, laine & fil, des bobines plus grosses & plus courtes que les bobines ordinaires. C'est sur ces rochets que tous ces marchands & ouvriers devident leurs soies, ou pour les vendre, ou pour les employer, ou pour leur donner quelque préparation de teinture. Dict. de Commerce. (D.J.)

ROCHET, (Horlogerie) nom que les Horlogers donnent à une roue dont les dents ont une figure à-peu-près semblable à celle d'une cremaillere de cheminée. Ces sortes de roues sont ordinairement d'usage dans les encliquetages & dans les échappemens des pendules. Voyez ECHAPPEMENT, ENCLIQUETAGE, &c. & les fig. dans nos Planches de l'Horlogerie, qui représentent des rochets d'échappement, & d'autres figures qui représentent des rochets d'encliquetage.


ROCHLIZ(Géog. mod.) ville d'Allemagne, dans la Saxe, au cercle de Léipsick, sur la Muldaw, qu'on y passe sur un pont ; elle est munie d'un château, & a des mines de cuivre dans son voisinage. C'est une ville ancienne, car elle a déja été brûlée autrefois du tems de l'empereur Henri II. & elle avoit alors pour seigneurs des comtes qui en portoient le nom. Jean Fréderic, électeur de Saxe, l'enleva, en 1547, au duc Albert, marggrave de Brandebourg, mais le duc Maurice la reprit sur l'électeur, & elle est restée à sa postérité. (D.J.)


ROCHOIRS. m. (Orfevr.) instrument à l'usage de presque tous les ouvriers qui employent les métaux. C'est une petite boîte de cuivre ronde, & élevée à-peu-près comme la moitié d'un étui rond ; il y a un couvercle, & au-bas un trou auquel est adapté un tuyau sur lequel est une petite bande de métal crenée. Dans le corps de la boîte est renfermé le borax pulvérisé, & on fait tomber cette poudre sur les parties que l'on veut rocher ou saupoudrer de borax, en faisant passer son ongle le long des crans de la petite bande crenée, & en dirigeant le tuyau sur les places ou l'on a besoin de borax.


ROCKENHAUSEN(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans le bas Palatinat. Elle est située entre les châteaux de Reipolzkirch & de Falckenstein. (D.J.)


ROCKETS. m. (Hist. d'Angleterre) on appelle rockets en anglois les mantelets que portent aux jours de cérémonie les pairs séans au parlement. Ceux des vicomtes ont deux bordures & demi, ceux des comtes trois, ceux des marquis trois & demi, & ceux des ducs quatre. Ce mot vient peut-être de rochus, qui est employé pour tunica chez les écrivains latins du moyen âge, ou, si l'on veut, de rock, mot teutonique qui signifioit une robe, une tunique. (D.J.)


ROCKIZAU(Géog. mod.) ville royale de Bohème, à trois milles au levant de Pilsen, sur les confins du cercle de Podebroc. Le fameux Ziscka la prit, & la brûla en 1421. (D.J.)


ROCOou ROCOURT, s. m. (Botan.) arbre exotique cultivé dans toutes les îles de l'Amérique. Il est nommé orleana seu orellana foliculis lapaceis, par Herman, Cat. Hort. Lugd. Bat. 464. Pluk. Almag. 292. Phytog. 209. f. 4. Orleana seu orellana sive urucu, Parad. Prod. 357. urucu ; Pison, éd. 1648, 65. éd. 1658, 133. Cat. Jam. 150. hist. 2. 52. urucu Brasiliensibus ; Marcgr. 61. Kaiabaka, daburi. Ger. Emac. 1554. Archiotl, seu medicina tingendo apta, Hern. 74. Arbor mexicana, fructu castaneae, coccifera, C. B. Pin. 417. Raii, hist. 2. 1771. Jons. Dendr. 119. Bixa oviedi, J. B. 1. 440. metella Americana maxima tinctoria ; Tourn. Inst. 242. Boerh. Ind. A. 208. arbor finium regundorum, Scalig. Arnotto. Dale.

Cet arbre est de moyenne grandeur ; il pousse de son pié plusieurs tiges droites, rameuses, couvertes d'une écorce mince, unie, pliante, flexible, brune en-dehors, blanche en-dedans ; son bois est blanc, facile à rompre ; ses feuilles sont placées alternativement, grandes, larges, pointues, lisses, d'un beau verd, ayant en-dessous plusieurs nervures roussâtres ; ses feuilles sont attachées à des queues longues de deux ou trois doigts.

Ses rameaux portent deux fois l'année en leurs sommités des bouquets composés de plusieurs petites têtes ou boutons de couleur brune roussâtre ; ces boutons s'épanouissent en des fleurs à cinq pétales, disposées en rose, grandes, belles, d'un rouge pâle, tirant sur l'incarnat, sans odeur & sans goût ; cette fleur est soutenue par un calice à cinq feuilles, qui tombent à mesure que la fleurs s'épanouit : au milieu de cette fleur il y a une espece de houppe composée d'un grand nombre d'étamines ou filets jaunes dans leur base, & d'un rouge purpurin dans leur partie supérieure ; chacune de ces étamines est terminée par un petit corps oblong, blanchâtre, sillonné & rempli d'une poussiere blanche : le centre de la houppe est occupé par un petit embryon qui est attaché fortement à un pédicule fait en soucoupe, & échancré légerement en cinq parties ; ce pédicule sert de second calice à la fleur à la place du premier qui est tombé : cet embryon est couvert de poils fins, jaunâtres, & surmonté d'une maniere de petite trompe fendue en deux levres en sa partie supérieure.

L'embryon en croissant devient une gousse ou un fruit oblong ou ovale, pointu à son extrêmité, applati sur les côtés, ayant à-peu-près la figure d'un mirobolan, long d'un doigt & demi ou de deux doigts, de couleur tannée, composé de deux gousses, hérissées de pointes d'un rouge foncé, moins piquantes que celles de la châtaigne, de la grosseur d'une grosse amande verte.

Ce fruit en mûrissant devient rougeâtre, & il s'ouvre à la pointe en deux parties qui renferment environ soixante grains ou semences partagées en deux rangs ; ces grains sont de la grosseur d'un petit grain de raisin, de figure pyramidale, attachés & rangés les uns contre les autres par de petites queues à une pellicule mince, lisse & luisante, qui est étendue dans toute la cavité de chacune de ces gousses ; ces mêmes grains sont couverts d'une matiere humide, très-adhérente aux doigts lorsqu'on y touche avec le plus de précaution, d'un beau rouge, d'une odeur assez forte ; la semence séparée de cette matiere rouge est dure, de couleur blanchâtre, tirant sur celle de la corne. Cet arbre croît en abondance dans la nouvelle Espagne & dans le Brésil.

Les sauvages de l'Amérique le cultivent même avec grand soin, à cause des utilités qu'ils en retirent. Il sert à orner leur jardin, & le devant de leurs cases ou habitations. Ils emploient son écorce pour faire des cordages ; ils mettent de ses feuilles tendres dans leurs sauces, pour leur donner du goût & leur communiquer une couleur de safran. Ils tirent une couleur rouge des graines qu'ils délayent dans l'huile de carapa, & s'en peignent le corps ou le visage, sur-tout dans les jours de réjouissance.

Les Européens qui habitent le Brésil & les îles Antilles font par art de la même graine une pâte qui est d'usage en teinture, & qu'on nomme pareillement rocou. Voyez ROCOU, Teinture. (D.J.)

ROCOU, ou ROUCOU ou ROCOURT, (Teint.) pâte seche ou extrait qu'on a tiré, soit par infusion, soit par macération des graines contenues dans la gousse de l'arbre, nommé pareillement rocou, & qu'on a décrit dans l'article qui précede. La pâte seche dont nous parlons vient d'Amérique, & est une des couleurs que fournit le petit teint.

On connoît que la gousse qui donne la graine est mûre lorsqu'elle s'ouvre d'elle-même sur l'arbre ; alors on la cueille, & l'on en prépare la pâte ou l'extrait en pilant les grains des gousses avec tout ce qui les environne ; on les fait dissoudre dans l'eau, & on coule cette liqueur par un crible ; ensuite on la verse dans des chaudieres, on la fait bouillir ; elle jette une écume qu'on recueille soigneusement, & qu'on met dans une autre chaudiere pour y être réduite sur le feu en consistance & en pâte, dont on fait des pains tels que nous les recevons en Europe. Mais il est à propos d'indiquer en détail toute cette opération ; & la maniere dont on cultive & dont on fait le rocou aux îles Antilles françoises. Je tirerai cette maniere des voyages du P. Labat, imprimés en 1722.

Le rocou, dit-il, peut se planter depuis le mois de Janvier jusqu'à la fin de Mai ; mais soit que le plantage s'en fasse tard ou de bonne heure, l'arbre n'en produit pas plus tôt. Il se plante à la maniere des pois ou du mil, c'est-à-dire qu'après avoir bien nettoyé la terre, on y fait de petits trous avec la houe, dans lesquels on jette deux ou trois graines au plus. La distance ordinaire qui suffit pour chaque plan est de quatre piés en quarré : à l'égard de la culture, elle se fait comme aux autres arbres, à l'exception que quand il s'éleve trop haut, on le châtre pour l'épaissir & pour l'entretenir en buisson.

La récolte du rocou se fait deux fois l'année, savoir à la S. Jean & à Noël. On le distingue comme en deux especes ; l'un qu'on nomme rocou verd, & l'autre rocou sec. Le premier est le rocou qu'on cueille aussi-tôt que quelque cosse d'une grappe commence à sécher & à s'ouvrir ; le second est celui où dans chaque grappe il se trouve plus de cosses seches que de vertes. Ce dernier peut se garder six mois ; l'autre ne peut guere durer que quinze jours ; mais il rend un tiers plus que le rocou sec, & le rocou qu'il produit est plus beau.

Le rocou sec s'écale en le battant, après l'avoir exposé au soleil & l'avoir remué quelque tems : à l'égard du rocou verd, il ne faut pour l'écaler que rompre la cosse du côté de la queue, & le retirer en-bas avec la peau qui environne les graines, sans s'embarrasser de cette peau.

Après que les graines sont écalées, on les met successivement dans divers canots de bois faits tout d'une piece, qui ont différens noms, suivant leurs différens usages.

Le premier canot s'appelle canot de trempe ; le second, canot de pile ; le troisieme, canot à ressuer ; le quatrieme, canot à l'eau ; & enfin le cinquieme, canot à laver. Il y en a aussi un sixieme qu'on appelle canot de garde, mais qui n'est pas toujours nécessaire ; un autre qui se nomme canot de passe, & un huitieme qu'on nomme canot aux écumes.

La graine se met d'abord à sec dans le canot de trempe, où on la concasse légerement avec un pilon ; après quoi on remplit le canot d'eau bien claire & bien vive, à huit ou dix pouces près du bord. Il faut cinq barrils d'eau sur trois barrils de graine. Le tems qu'elle doit rester dans le canot de trempe est ordinairement de huit à dix jours, pendant lesquels on a soin de remuer deux fois par jour avec un rabot, un demi-quart d'heure environ à chaque fois ; on appelle premiere eau celle qui reste dans le canot de trempe, après qu'on en a tiré la graine avec des paniers.

Du canot de trempe, la graine passe dans le canot de pile, où elle est pilée à force de bras avec de forts pilons pendant un quart-d'heure ou davantage, ensorte que toute la graine s'en sente. Il faut que le canot de pile ait au-moins quatre pouces d'épaisseur par le fonds pour mieux soutenir les coups de pilons. On met de nouvelle eau sur la graine lorsqu'elle est pilée, qui doit y demeurer une ou deux heures, après quoi on la passe au panier en la frottant avec les mains, ensuite on la repile encore pour y mettre l'eau. L'eau qui reste de ces deux façons se nomme la seconde eau, & se garde comme la premiere.

Après cette façon, on met la graine dans le canot, qu'on appelle canot à ressuer, où elle doit rester jusqu'à ce qu'elle commence à moisir, c'est-à-dire près de huit jours. Pour qu'elle se ressue mieux, on l'enveloppe de feuilles de balisier.

Après qu'elle a ressué, on la pile de nouveau, & on la laisse tremper successivement dans deux eaux, qui s'appellent les troisiemes eaux. Quelques-uns tâchent d'en tirer une quatrieme eau ; mais cette derniere eau n'a plus de force, & peut tout-au-plus servir à tremper d'autres graines.

Quand toutes les eaux sont tirées, on les passe séparement avec un hébichet, en mêlant un tiers de la premiere avec la seconde, & deux tiers avec la troisieme. Le canot où se passent les eaux s'appelle canot de passe ; & on appelle canot à laver un canot plein d'eau, où ceux qui touchent les graines se lavent les mains, & lavent aussi les paniers, les hébichets, les pilons, & autres instrumens qui servent à faire le rocou. L'eau de ce canot, qui prend toujours quelque impression de couleur, est bonne à tremper les graines.

L'eau passée deux fois à l'hébichet se met dans une ou plusieurs chaudieres de fer, suivant la quantité qu'on en a ; & en l'y mettant, elle se passe encore à-travers d'une toile claire & souvent lavée.

Quand l'eau commence à écumer, ce qui arrive presque aussi-tôt qu'elle sent la chaleur du feu, on enleve l'écume qu'on met dans le canot aux écumes, ce qu'on réïtere jusqu'à ce qu'elle n'écume plus : si elle écume trop vîte, on diminue le feu. L'eau qui reste dans les chaudieres, quand l'écume en est levée, n'est plus propre qu'à tremper les graines.

On appelle batterie une seconde chaudiere, dans laquelle on fait cuire les écumes pour les réduire en consistance, & en faire la drogue qu'on nomme rocou. Il faut observer de diminuer le feu à mesure que les écumes montent, & qu'il y ait continuellement un negre à la batterie qui ne cesse presque point de les remuer, crainte que le rocou ne s'attache au fond ou bords de la chaudiere.

Quand le rocou saute & petille, il faut encore diminuer le feu ; & quand il ne saute plus, il ne faut laisser que du charbon sous la batterie, & ne lui plus donner qu'un léger mouvement ; ce qu'on appelle vesser.

A mesure que le rocou s'épaissit & se forme en masse, il le faut tourner & retourner souvent dans la chaudiere, diminuant peu-à-peu le feu, afin qu'il ne brûle pas ; ce qui est une des principales circonstances de sa bonne fabrique, sa cuisson ne s'achevant guere qu'en dix ou douze heures.

Pour connoître quand le rocou est cuit, il faut le toucher avec un doigt qu'on a auparavant mouillé ; & quand il n'y prend pas, sa cuisson est finie. En cet état, on le laisse un peu durcir dans la chaudiere avec une chaleur très-modérée, en le tournant de tems en tems, pour qu'il cuise & seche de tous côtés, ensuite de quoi on le tire ; observant de ne point mêler avec le bon rocou une espece de gratin trop sec qui reste à fond, & qui n'est bon qu'à repasser avec de l'eau & des graines.

Le rocou, au sortir de la batterie, ne doit pas d'abord être formé en pain, mais il faut le mettre sur une planche en maniere de masse plate, & l'y laisser refroidir huit ou dix heures, après quoi on en fait des pains ; prenant soin que le negre qui le manie se frotte auparavant légerement les mains avec du beurre frais, ou du sain-doux ou de l'huile de palmachristi.

Les pains de rocou sont ordinairement du poids de deux ou trois livres, qu'on enveloppe dans des feuilles de balisier. Le rocou diminue beaucoup, mais il a acquis toute sa diminution en deux mois.

Quand on veut avoir de beau rocou, il faut employer du rocou verd, qu'on met tremper dans un canot aussi-tôt qu'on l'a cueilli de l'arbre ; alors sans le battre ni le piler, mais seulement en le remuant un peu & en frottant les graines entre les mains, on le passe sur un autre canot. Après cette seule façon, on leve de dessus l'eau une espece d'écume qui surnage ; on la fait épaissir à force de la battre avec une espece de spatule, & finalement on le seche à l'ombre. Ce rocou est fort bon, mais on n'en fabrique que par curiosité, à cause du peu de profit.

La maniere de faire le rocou chez les Caraïbes est encore plus simple ; car on se contente d'en prendre les graines au sortir de la gousse, & de les frotter entre les mains qu'on a auparavant trempées dans de l'huile de carapat. Quand on voit que la pellicule incarnate s'est détachée de la graine, & qu'elle est réduite en une pâte très-fine, on la racle de dessus les mains avec un couteau pour la faire sécher un peu à l'ombre ; après quoi lorsqu'il y en a suffisamment, on en forme des pelotes grosses comme le poing, qu'on enveloppe dans des feuilles de cachibou. C'est avec cette sorte de rocou, mêlé d'huile de carabat, que les Caraïbes se peignent le corps, soit pour l'embellir, soit pour se garantir de l'ardeur du soleil & de la piquure des moustiques. Ils s'en servent encore pour colorer leur vaisselle de terre.

La pâte de rocou donne une couleur orangée presque semblable à celle du fustet, & aussi peu solide : c'est une des couleurs qu'on emploie dans le petit teint. On fait dissoudre le rocou pulvérisé, où on a mis auparavant un poids égal de cendres gravelées, & on y passe ensuite l'étoffe. Mais quoique ces cendres contiennent un tartre vitriolé tout formé, les parties colorantes du rocou ne sont pas apparemment propres à s'y unir, & la couleur n'en est pas plus assurée. On tenteroit même inutilement de lui donner de la solidité, en préparant l'étoffe par le bouillon de tartre & d'alun.

On doit choisir le rocou le plus sec & le plus haut en couleur qu'il est possible, d'un rouge ponceau, doux au toucher, facile à s'étendre ; & quand on le rompt, d'une couleur en-dedans plus vive qu'au-dehors ; on l'emploie quelquefois pour donner de la couleur à la cire jaune. (D.J.)


ROCOUBROCOUB


ROCOULERv. n. (Gramm.) ce mot exprime le cri du pigeon.


ROCQS. m. (Tisserands) autrement rot, & peigne. C'est une des principales pieces du métier des ouvriers qui travaillent de la navette.


ROCROY(Géog. mod.) ville de France, dans la Champagne, au Rhételois, à deux lieues & demi de la Meuse, sur les confins du Hainaut, à 12 lieues au nord de Rhetel, dans une plaine environnée de forêts. Elle est fortifiée de cinq bastions, & a un état major : ce fut dans cette plaine que le prince de Condé, alors duc d'Enguien, & âgé de 22 ans, gagna le 19 Mars 1643 sur les Espagnols, une fameuse bataille fort chantée par tous nos poëtes. Long. 22. 12. latit. 49. 56. (D.J.)


RODA(Géog. mod.) petite ville d'Espagne, dans la Catalogne, sur le Tech, à 2 lieues de Vich, du côté du nord. On croit que c'est l'ancienne Boecula de Polybe, XI. xix. p. 890. & de Tite-Live, livre XXVIII. c. xiij. (D.J.)


RODAGES. m. terme de coutume, rodaticum, dans les capitulaires, liv. VI. article 219 ; c'est le droit que le seigneur péager prenoit pour une charrette vuide ou chargée de marchandises passant par le chemin royal, outre le péage dû pour raison de la marchandise. De Lauriere. (D.J.)


RODAS(Géog. mod.) forteresse des Indes, au royaume de Bengale, sur une montagne : c'est une des fortes places de l'Asie, qui appartient aujourd'hui au grand Mogol. Latit. 15. 20. (D.J.)


RODE(Géog. mod.) petite ville d'Italie, au royaume de Naples. Voyez RODIA. (D.J.)

RODE de poupe, & RODE de proue, (Marine) c'est dans une galere, ce qu'on appelle l'étambord, & l'etrave dans un vaisseau. Voyez GALERE.


RODE-MACHERENou RODEMARCK, (Géog. mod.) ville des Pays-bas, dans le duché de Luxembourg, entre Luxembourg & Thionville, avec un fort château que les François, sous les ordres du duc de Guise, pillerent en 1639 : elle dépend de la maison d'Autriche. Long. 24. latit. 46. 35. (D.J.)


RODERv. act. terme d'Armurier ; c'est tourner dans un calibre double cette piece de la platine des armes à feu, que l'on appelle la noix. Richelet. (D.J.)


RODEZ(Géog. mod.) ville de France, dans le gouvernement de Guyenne, capitale du Rouergue, sur une colline, au pié de laquelle passe l'Aveiron, à 10 lieues d'Albi, à 20 de Toulouse, & à 130 de Paris. Long. suivant Cassini, 19. 37'. 30''. latit. 44. 20'. 40''.

Il y a dans cette ville sénéchaussée, présidial, & élection ; l'évêché étoit établi dès l'an 450, & a été suffragant de l'archevêché de Bourges, jusqu'à l'érection de celui d'Albi, sous lequel il est à présent. Il vaut au-moins quarante mille livres de revenu à l'évêque, qui est en partie seigneur de la ville, & prend la qualité de comte de Rodez ; son diocèse renferme environ 450 paroisses.

La cathédrale est un édifice gothique, mais assez beau ; son clocher bâti en pierres de taille, est renommé pour sa hauteur. Le chapitre est considérable, étant composé de quatre archidiaconés, quatre personnats, & vingt-quatre chanoines ; les canonicats valent 12 à 1500 livres années communes, & les archidiaconats sont encore meilleurs.

Mais la ville de Rodez est vilaine ; les rues sont étroites, sales, & la plûpart en pente ; les maisons sont aussi fort mal bâties ; on y compte environ six mille ames. Il s'y tient quatre foires par an, où l'on vend beaucoup de mules & de mulets pour l'Espagne ; ce qui fait un commerce assez considérable, outre les toiles grises & les serges qu'on débite en Languedoc.

Rodez se nomme en latin Segodunum, Segodunum Rectenorum, Ruteni, & urbs Rutena. Ptolémée connoît le nom de Segodunum, qui est aussi marqué dans la carte de Peutinger ; & par-là on voit que ce nom étoit encore en usage au commencement du v. siecle ; mais Grégoire de Tours, & ceux qui l'ont suivi, ne se servent que du mot Ruteni, qui est le nom du peuple.

Deux jésuites, le P. Annat, & le P. Ferrier, tous deux consécutivement confesseurs de Louis XIV. tous deux auteurs de plusieurs livres contre les Jansénistes, sont nés à Rodez, ou du-moins pour ce qui regarde le P. Annat, dans le diocèse de cette ville : leurs nombreux écrits polémiques sont morts avec eux.

Mais M. Amelot de la Houssaye rapporte un trait honorable à la mémoire du P. Ferrier : un chanoine de Bourges appellé Perrot, parent du P. Bourdaloue, lui écrivit une lettre par laquelle il tâchoit de l'engager de demander au roi, que les évêques qui seroient nommés à l'avenir par sa majesté, eussent à recevoir lors de leur sacre, de la main de son confesseur, la croix pectorale & l'anneau nuptial, & à payer au confesseur une certaine somme, à proportion du revenu des évêchés.

Le P. Ferrier en donnant cette lettre à lire à M. Amelot, lui dit : " Voilà un homme qui me propose de lever une nouvelle annate sur les évêchés futurs ; je songeois à lui procurer quelque petite abbaye, mais puisqu'il a perdu l'esprit, il n'aura rien ". (D.J.)


RODIA(Géog. mod.) petite ville d'Italie, au royaume de Naples, sur la côte de la Capitanate, c'est la ville Hyrium ou Vreum des anciens ; son terroir produit des fruits excellens. Le golfe de Rodia qui fait une partie du golfe de Venise, est sur la côte de la Pouille. C'est de ce golfe que partit le pape Alexandre III. avec treize galeres, pour aller à Venise se réconcilier avec l'empereur Frédéric Barberousse. (D.J.)


RODIGASTS. m. (Mythol.) divinité des anciens Germains qui portoit une tête de boeuf sur la poitrine, un aigle sur la tête, & tenoit une pique de la main gauche. (D.J.)


RODOSTOou RODOSTA, ou RODESTO, (Géog. mod.) ville de la Turquie européenne, dans la Romanie, sur la côte de la mer de Marmora, au fond d'un petit golfe de même nom, à 6 lieues au sud-ouest d'Héraclée, & à 24 de Constantinople ; les Grecs y ont quelques églises, & les Juifs deux synagogues ; son port lui procure l'avantage d'un commerce assez considérable. Long. 45. 10. lat. 40. 54. (D.J.)


RODOULS. m. arbrisseau dont la feuille sert aux Teinturiers pour le noir.


ROÉ-NEUG(Mesure de longueur) c'est la plus grande des mesures pour les distances & les longueurs, qui soit d'usage dans le royaume de Siam ; c'est proprement la lieue siamoise, qui est d'environ deux mille toises de France. Voyage de Siam. (D.J.)


ROEMER(Hist. mod.) c'est ainsi que l'on nomme à Francfort sur le Mein, l'hôtel-de-ville ; il est fameux dans toute l'Allemagne, parce qu'on y conserve la bulle d'or de l'empereur Charles IV. qui est la loi fondamentale de l'empire germanique.


ROERprononcez ROURE, (Géog. mod.) nom de deux rivieres d'Allemagne ; l'une au-deçà du Rhin, prend sa source aux confins du Luxembourg, mouille les villes de Gemund, Duren & Juliers, & va se jetter dans la Meuse, à Ruremonde ; l'autre, Roer, coule dans le cercle de Westphalie ; elle a sa source aux confins du comté de Waldeck, parcourt le comté de la Marck, & se perd dans le Rhin, à Duisbourg. (D.J.)


ROETAGES(Géog. anc.) fleuve d'Asie ; il couloit au voisinage de l'Arménie, & c'étoit, selon Strabon, liv. XI. p. 500. un des fleuves navigables qui se jettoient dans le Cyrus. (D.J.)


ROEUXou LE ROEULX ; (Géog. mod.) petite ville des Pays-bas dans le Hainaut, entre Soignies au nord, & Binche au midi. Cette petite ville fut érigée en comté par Charles-quint, en faveur de la maison de Croy. Long. 21. 44. lat. 50. 28. (D.J.)


ROGAS. f. (Hist.) étoit autrefois un présent que les Augustes ou empereurs faisoient aux sénateurs, aux magistrats, & même au peuple ; & que les papes ou patriarches faisoient à leur clergé. Voyez DON.

Ce mot vient du latin erogare, donner, distribuer ; selon d'autres, il vient de rogo, je demande ; c'est pour cela, dit-on, que S. Grégoire le grand appelloit ces distributions precaria, parce qu'on les demandoit pour les avoir. D'autres le font venir du mot grec , qui signifie quelquefois du blé, parce que ce présent consistoit anciennement dans une distribution du blé qu'on faisoit au peuple, aux soldats, &c.

Les empereurs avoient coutume de distribuer ces présens le premier jour de l'année, ou le jour de leur naissance, ou le jour de la fête de la ville où ils étoient ; les papes & les patriarches les distribuoient dans la semaine de la passion. L'usage de ces presens ou largesses, fut introduit à Rome, par les tribuns du peuple, qui vouloient par ce moyen gagner la populace & la mettre dans leurs intérêts. Les empereurs se conformerent à cette coutume, & firent aussi de pareilles distributions au peuple & même aux soldats, qui par cette raison sont appellés par les auteurs grecs du moyen âge. Voyez CONGIAIRE & DONATIF. Roga signifie aussi la paye qu'on donne aux soldats.


ROGALESS. f. pl. (Littérat.) nom qu'on donnoit sous l'empire romain aux jours destinés aux distributions du prince. On appelloit aussi rogale le régistre dans lequel on écrivoit les noms de ceux auxquels la rogue ou donatif du prince, se distribuoit, & où l'on marquoit aussi l'objet & la quantité de ce qu'on devoit leur donner. (D.J.)


ROGATS. m. terme de Jurisprud. ecclés. qui répond à peu près à ce qu'on appelle en cour laïe, commission rogatoire. Voyez ROGATOIRE.

C'est une priere qu'un official, ou autre juge d'église, fait à un autre, pour qu'il lui soit permis de faire ajourner un sujet d'un autre diocèse, par devant l'ordinaire du réquérant, pour raison d'un mariage commencé avec une personne domiciliée dans le diocèse où il entend le faire ajourner. Celui à qui la lettre ou priere s'adresse, n'est pas obligé d'y déférer.


ROGATIO legis(Hist. Rom.) terme qui signifioit dans la jurisprudence romaine, la demande que faisoient les consuls ou les tribuns au peuple romain, lorsqu'ils vouloient faire passer une loi. Voyez LOI.

Voici les termes dans lesquels on faisoit cette demande ; par exemple : voulez-vous ordonner qu'on fasse la guerre à Philippe ? Le peuple répondoit : le peuple romain ordonne qu'on fasse la guerre à Philippe, & cette réponse s'appelloit decretum, decret ou résolution.

Le mot rogatio est souvent en usage pour exprimer le decret même, & pour le distinguer du senatus consulte, ou decret du sénat. Voyez SENATUS CONSULTE.

Souvent aussi rogatio est pris dans le même sens que loi, parce qu'il n'y avoit point de loix établies chez les Romains, qui n'eussent été précédées de ces sortes de demandes, autrement elles étoient nulles.


ROGATIONSS. f. pl. (Hist. ecclés.) prieres publiques qui se font dans l'église romaine pendant les trois jours qui précédent immédiatement la fête de l'Ascension. On les appelle ainsi à cause des prieres & processions qu'on fait ces jours-là, pour demander à Dieu la conservation des biens de la terre, & on les consacre aussi par la pénitence & l'abstinence des viandes. Voyez PROCESSION.

On rapporte l'institution des rogations à S. Mamert, évêque de Vienne en Dauphiné, qui, en 474, selon quelques-uns, & en 468, selon d'autres, assembla plusieurs évêques de la province pour implorer la miséricorde divine, pendant trois jours, & lui demander la cessation des tremblemens de terre, & des ravages causés par des bêtes féroces. Les jeûnes & les prieres de trois jours qui avoient fait cesser ces fléaux, furent continués depuis comme un préservatif contre de pareilles calamités. Le concile d'Orléans, en 511, ordonna que les rogations s'observeroient par toute la France ; cet usage passa en Espagne vers le commencement du VII siecle ; mais les trois jours des rogations dans ce pays, étoient le jeudi, le vendredi, & le samedi après la Pentecôte. Elles ont été reçues plus tard en Italie ; Charlemagne & Charles-le-Chauve firent des loix pour défendre au peuple de travailler ces jours là, & elles ont été observées long-tems dans l'église gallicane. On a appellé les processions des rogations petites litanies ou litanie gallicane, parce qu'elles avoient été instituées par un évêque des Gaules, pour les distinguer de la grande litanie ou litanie romaine, qui est la procession qu'on fait le 25 d'Avril, jour de S. Marc, qui a pour auteur le pape S. Grégoire le grand. Les Grecs & les Orientaux ne savent ce que c'est que rogations.

Elles avoient lieu en Angleterre avant le schisme, & il y en reste encore quelques vestiges, car c'est encore la coutume dans la plûpart des paroisses, d'en aller faire le tour en se promenant les trois jours qui précédent l'ascension, mais on ne le fait pas processionnellement ni par dévotion.


ROGATOIRECommission, en terme de palais, est la commission qu'un juge adresse à un autre juge qui lui est subordonné. Voyez COMMISSION.


ROGATORES(Antiq. rom.) on nommoit ainsi chez les Romains, ceux qui dans les comices par centuries, redemandoient les tablettes aux citoyens, tabellas rogabant ; ou ceux qui tenoient le panier dans lequel les citoyens mettoient les billets de leurs suffrages ; ceux qu'on appelloit custodes, tiroient les tablettes ou billets du panier, & par des points qu'ils marquoient sur une autre tablette, ils comptoient les suffrages ; c'est pour cela que les avis de chacun en particulier, étoient appellés puncta ; alors ce qui étoit décidé à la pluralité des voix, étoit déclaré hautement par un crieur public. (D.J.)


ROGIANO(Géog. mod.) bourg d'Italie, dans la Calabre citérieure, sur la rive droite de l'Isauro, à quelques milles de Cosenza. On prétend que c'est la ville Vergae des Brutiens.

Quoi qu'il en soit, c'est un bourg illustré par la naissance de Jean-Vincent Gravina, célebre jurisconsulte d'Italie, mort en 1718, âgé de 54 ans. Il a enrichi le public de ses productions en italien & en latin ; mais on estime sur-tout ses Originum juris civilis libri tres, quibus accessit de romano imperio liber singularis. Lipsiae 1717. 2. tom. in -4°. On fait aussi beaucoup de cas de son specimen prisci juris, c'est-à-dire image de l'ancien droit.

L'auteur, après avoir marqué dans ce dernier ouvrage, l'origine de l'autorité souveraine, qui est le consentement des particuliers, & qui doit par conséquent avoir pour but leur bonheur, il décide que lorsque le pouvoir souverain se détourne de ce but, & cherche à établir les avantages d'un seul, ou de plusieurs, aux dépens du bonheur public, comme cela ne se peut faire qu'au préjudice des particuliers, le pouvoir souverain revient à sa source, & chacun rentre dans ses droits, parce que le consentement des particuliers sur lequel ce pouvoir est fondé, est absolument éloigné de la tyrannie ; il résulte de là, selon lui, qu'il est permis d'arracher la république des mains d'un tyran, pour empêcher que les biens des peuples ne soient sacrifiés aux débordemens d'un pouvoir injuste ; car, continue-t-il, la liberté est une chose sainte, sacrée, & de droit divin ; Dieu l'ayant si intimement unie à l'essence de la nature humaine, qu'on ne peut l'attaquer sans injustice, la forcer sans impiété, s'en rendre maître sans crime ; ut eam tentare scelus sit, impium circumvenire, occupare nefarium. Il faut que M. Gravina ait été bien hardi pour tenir à Rome un langage aussi fort sur la liberté, que celui qu'on tient dans les pays où elle regne le plus. On trouvera d'autres détails sur cet écrivain dans le Giornale de'litterati, tom. XXXIV. (D.J.)


ROGMÉS. f. terme de Chirurgie ; espece de fracture du crane, qui consiste en une fente superficielle : c'est un mot grec qui signifie fente, félure. Voyez PLAYE DE TETE, TREPANER. (Y)


ROGNES. f. (Charpent.) c'est dans le langage des ouvriers charpentiers, la mousse qui vient sur le bois, & qui le gâte.

ROGNE, (Géog. mod.) bourg de France en Provence, près d'Aix, uniquement remarquable par la naissance d'Antoine Pagi, religieux franciscain, & l'un des habiles critiques du xvij. siecle. Il mourut à Aix en 1699, à 75 ans. Son principal ouvrage latin est une critique des annales de Baronius, où en suivant ce cardinal année par année, il a rectifié une infinité d'erreurs qu'il a commises, soit dans la chronologie, soit dans les faits. L'ouvrage du p. Pagi est en 4 vol. in-fol. & lui a valu une pension du clergé de France. (D.J.)


ROGNE-PIES. m. (Maréchallerie) outil de maréchal ; c'est un morceau d'acier tranchant d'un côté, avec un dos de l'autre, pour couper la corne qui déborde le fer, lorsqu'il est broché, ou pour couper, avant que de river les cloux, le peu de corne qu'ils ont fait éclater en la perçant. Soleysel. (D.J.)


ROGNERv. act. (Gram.) c'est ôter à une chose, ou de sa longueur, ou de sa largeur, ou de son poids. On rogne les monnoies ; on rogne des manches trop longues ; on rogne un bâton, une canne ; on rogne une branche d'arbre, la vigne. Il se prend au figuré, comme dans cette façon de parler proverbiale : taillez, rognez, comme il vous plaira, je ne m'en mêle pas.

ROGNER la chandelle, c'est, lorsque la chandelle est finie, poser le bout d'en-bas sur une plaque de cuivre qui est faite en forme d'auge, & est un peu en pente, sous laquelle il y a du feu, pour faire fondre le suif qui est de trop. Voyez les Pl.

ROGNER, (Jardinage) il faut modérément rogner les racines des arbres, seulement les rafraîchir.

ROGNER les livres, les Relieurs appellent rogner les livres, ôter la superficie des marges qui est toujours brute & inégale. On rogne les livres à trois fois & de trois côtés, à commencer par le haut du volume qu'on appelle la tête ; avant de rogner cette partie, il faut coucher la presse à rogner sur le porte-presse. Voyez PRESSE à rogner & PORTE-PRESSE. Puis on a soin de rabaisser les deux côtés du carton pour en rogner les extrêmités avec la marge ; puis mettant deux bandes d'un carton fort à côté du volume dont celle à gauche excede le bord, & celle à droite est juste à l'endroit où l'on veut rogner, on coule ce livre & les cartons entre les deux pieces de la presse à rogner que l'on serre avec les deux vis également ; ensuite on passe le fust dans la rainure de la tringle qui est sur la piece de derriere de la presse à rogner, & en le conduisant du long de la presse, on coupe avec le couteau, en serrant toujours la vis du fust, à fur & mesure qu'il avance, jusqu'à ce qu'il soit parvenu au carton élevé qui est contre la piece de derriere. Cela fait, on frotte avec les rognures la tranche qu'on vient de rogner, pour en ôter ce qui auroit pu y rester ; puis on sort le livre de la presse avec les deux bandes de carton, & prenant un compas, on mesure sur une page du livre l'endroit où l'on doit rogner le bas que l'on marque sur le carton avec la pointe du compas, en laissant une hauteur pour les chasses du carton ; cela fait, on prend le volume du côté où il doit être rogné, & abaissant les deux côtés du carton suffisamment pour les chasses, on met les deux bandes de carton, comme pour la premiere opération, en observant que la bande à droite soit bien juste aux trous du carton ; puis on serre la presse, & l'on rogne la tranche d'en-bas, avec le même soin qu'on a eu pour la tranche du haut. Il faut bien observer que l'on donne aux deux côtés du carton la même hauteur, sans quoi une des chasses se trouvant plus haute que l'autre, cela feroit un effet très-désagréable. En troisieme lieu, on rogne le livre sur le devant ; ce qui s'appelle faire la gouttiere. On mesure l'endroit où l'on doit rogner, avec la même exactitude que le bas, & on la marque avec la pointe du compas ; puis au lieu des bandes de carton, on prend deux petites planches de bois d'hêtre, l'une plus large qu'on met derriere le livre, en laissant tomber le carton qui ne se rogne pas à ce moment, l'autre plus étroite qu'on met sur le devant du livre, juste aux trous qu'on a faits avec le compas. Ensuite de cela, l'ouvrier tenant ces deux planches fermes dans sa main, fait baisser adroitement les deux côtés du livre, & élever le milieu, ensorte que mettant le livre dans la presse comme auparavant, & ayant rogné, il trouve sa gouttiere toute faite, en retirant son livre, où il ne reste plus que les cartons du devant à couper. Outre le compas, l'ouvrier doit avoir toujours près de sa presse qui est sur le porte-presse, une pierre à éguiser son couteau & une cheville de fer pour serrer & desserrer les vis de sa presse. Voyez FUST, PRESSE A ROGNER, COMPAS, TRANCHES. Voyez Pl. I. de la Relieure, fig. C.


ROGNEURS. m. (Monnoie) celui qui rogne les especes. Les rogneurs de pistoles sont punis de mort.


ROGNONvoyez REIN.

ROGNONS, (Hist. nat. Minéralogie) on appelle mines en rognons celles qui se trouvent sans suite & sans continuité, mais qui sont par fragmens détachés & répandus dans la roche ou dans les couches de la terre. On les appelle plus communément mines en marrons. Voyez MARRONS.


ROGNURES. f. (Gram.) les portions qui ont été retranchées de la chose qu'on a rognée ; les rognures du parchemin servent à faire de la colle ; celle du papier, à faire du carton.


ROGOSNO(Géog. mod.) petite ville de la grande Pologne, au palatinat de Posnanie, entre Posnanie & Nackel, environ à égale distance de l'une & de l'autre. (D.J.)


ROGUES. f. (Hist. du bas-empire) donationum munus ; ce mot s'est dit autrefois des donatifs, présens ou distributions que les empereurs faisoient quelquefois le premier jour de l'année, ou le jour de leur naissance, à des favoris, à des magistrats, à des officiers, & quelquefois au peuple. Quelques auteurs dérivent le mot rogue de , qui signifie du blé, parce que les donatifs aux soldats se faisoient anciennement de blé.

ROGUE, RAVE ou RESURE, terme de pêche, est une sorte d'appât dont les pêcheurs se servent pour attirer le poisson, & le prendre ensuite lorsqu'il a mordu l'appât ; cet appât consiste dans les oeufs de maquereaux & de morues, que les pêcheurs qui font la pêche de ces deux sortes de poissons pour être salés, mettent dans des barrils, & qu'ils vendent pour cet usage.


ROHACZOW(Géog. mod.) ville de Pologne, dans le duché de Lithuanie, capitale d'un territoire du même nom, au confluent du Nieper & de l'Odrwa. Long. 49. 16. latit. 53. 10. (D.J.)


ROHAN(Géog. mod.) bourg de France en Bretagne, au diocèse de Vannes, sur la petite riviere d'Ouste, à 12 lieues au nord de Vannes, avec titre de duché-pairie. Long. 14. 55. latit. 47. 56. (D.J.)


ROHANDRIANS(terme de relation) Flacourt dit qu'on appelle rohandrians à Madagascar, ceux d'entre les blancs qui dans la province d'Anossi sont élevés en dignité. Ils ont la peau rousse & les cheveux peu frisés. On choisit les chefs du pays dans cette race d'hommes, & ils jouissent seuls du privilege de pouvoir égorger les bêtes. On ne manque pas en Europe de bouchers dignes d'être rohandrians. (D.J.)


ROIvoyez ROITELET.

ROI ou MERE DES CAILLES, voyez RASLE DE GENET.

ROI DES VAUTOURS, VAUTOUR DES INDES, (Hist. nat. Ornitholog.) vultur monachus. Klein. Oiseau qui est à-peu-près de la grosseur d'un dindon femelle ; il a deux piés trois pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue ; les aîles étant pliées s'étendent jusqu'au bout de la queue. La tête & le haut du cou sont couverts d'une peau unie, variée de différentes couleurs, telles que l'orange, le brun, le rouge, le pourpre, &c. On voit dans plusieurs endroits de cette peau des poils courts & noirs. Au-dessous de la partie nue du cou, il y a une espece de collier formé par des plumes assez longues d'un cendré foncé : ce collier entoure le cou, & descend un peu vers la poitrine : le reste du cou, le dos & les petites plumes des aîles sont d'un blanc mêlé d'une légere teinte de roussâtre. Le croupion & les plumes du dessus de la queue ont une couleur noire. (Le roi des vautours qu'Ewards a décrit, avoit le croupion & les plumes du dessus de la queue blancs.) La poitrine, le ventre, les côtés du corps, les jambes, les plumes du dessous de la queue & celles de la face inférieure des aîles sont blancs. La couleur des grandes plumes de l'aîle est d'un noir changeant en un verd très-obscur ; les moyennes sont de la même couleur, & elles ont les bords extérieurs gris ; la queue est noire, le bec, les piés & les ongles sont rouges. On trouve cet oiseau à Cayenne. Derham l'a décrit sous le nom de vautour des Indes. Ornit. de M. Brisson, tom. I. Voyez OISEAU.

ROI, (Gouvern. polit.) Voici les vers qu'il faut graver sur la porte des palais des rois.

Hoc reges habent

Magnificum & ingens, nulla quòd rapit dies

Prodesse miseris, supplices fido lare protegere.

Le plus beau présent que les Dieux puissent faire aux hommes, c'est d'un roi qui aime son peuple & qui en est aimé, qui se confie en ses voisins & qui a leur confiance, enfin qui par sa justice & son humanité fait envier aux nations étrangeres le bonheur qu'ont ses sujets de vivre sous sa puissance.

Les oreilles d'un tel roi s'ouvrent à la plainte. Il arrête le bras de l'oppresseur : il renverse la tyrannie. Jamais le murmure ne s'eleve contre lui ; & quand les ennemis s'approchent, le danger ne s'approche point. Ses sujets forment un rempart d'airain autour de sa personne ; & l'armée d'un tyran fuit devant eux comme une plume légere au gré du vent qui l'agite.

" Favori du ciel, dit le bramine inspiré, toi à qui les fils des hommes tes égaux, ont confié le souverain pouvoir ; toi qu'ils ont chargé du soin de les conduire, regarde moins l'éclat du rang que l'importance du dépôt. La pourpre est ton habillement, un trône ton siege : la couronne de majesté pare ton front : le sceptre de la puissance orne ta main ; mais tu ne brilles sous cet appareil qu'autant qu'il sert au bien de l'état ".

Quant à l'autorité des rois, c'est à moi de m'y soumettre ; & c'est à l'auteur de Télemaque qu'il appartient d'en établir l'étendue & les bornes.

Un roi, dit-il, liv. V. p. 168, un roi peut tout sur les peuples : mais les loix peuvent tout sur lui. Il a une puissance absolue pour faire le bien, & les mains liées s'il vouloit faire le mal. Les loix lui confient les peuples comme le plus précieux de tous les dépôts, à condition qu'il sera le pere de ses sujets : elles veulent qu'un seul homme serve par sa sagesse & sa modération, à la félicité de tant d'hommes ; & non pas que tant d'hommes servent par leur misere & par leur servitude, à flatter l'orgueil & la mollesse d'un seul homme.

Un roi ne doit rien avoir au-dessus des autres, excepté ce qui est nécessaire, ou pour le soulager dans ses pénibles fonctions, ou pour imprimer au peuple le respect de celui qui est né pour soutenir les loix. Il doit être au-dehors le défenseur de la patrie ; & au-dedans le juge des peuples, pour les rendre bons, sages & heureux.

Il doit les gouverner selon les loix de l'état, comme Dieu gouverne le monde selon les loix de la nature. Rarement employe-t-il sa toute-puissance pour en interrompre & en changer le cours, c'est-à-dire, que les dérogations & les nouveautés seront comme des miracles dans l'ordre de la bonne politique.

Quelques lauriers que la guerre lui promette, ils sont tôt ou tard funestes à la main qui les cueille :

En vain aux conquérans

L'erreur parmi les rois donne les premiers rangs.

Entre tous les héros ce sont les plus vulgaires ;

Chaque siecle est fécond en heureux téméraires....

Mais un roi vraiment roi, qui, sage en ses projets,

Sache en un calme heureux maintenir ses sujets,

Qui du bonheur public ait cimenté sa gloire ;

Il faut, pour le trouver, courir toute l'histoire.

La terre compte peu de ces rois bienfaisans ;

Le ciel à les former se prépare long-tems !

Tel fut cet empereur, sous qui Rome adorée,

Vit renaître les jours de Saturne & de Rhée ;

Qui rendit de son joug l'univers amoureux,

Qu'on n'alla jamais voir sans revenir heureux,

Qui soupiroit le soir, si sa main fortunée

N'avoit par ses bienfaits signalé la journée :

Le cours ne fut pas long d'un empire si doux.

Seneque (vers 463.) peint encore plus simplement, plus laconiquement & plus énergiquement, mais non pas avec ce brillant coloris, la gloire & les devoirs des rois. Je finis toutefois par ces maximes :

Pulchrum eminere est inter illustres viros ;

Consulere patriae ; parcere afflictis ; ferâ

Caede abstinere, tempus atque irae dare ;

Orbi quietem ; saeculo pacem suo.

Haec summa virtus : petitur hâc coelum viâ !

ROI, (Critique sacrée) rex. Ce titre est donné indifféremment dans l'Ecriture aux souverains, soit que leurs états aient le titre de royaume ou d'empire. Les pontifes répondirent : nous n'avons d'autre roi que César. Jean 19. 15. 2°. Ce mot désigne aussi les chefs, les magistrats qui gouvernent un état ; non erat rex in Israël, Juges, j. 31. c'est-à-dire, il n'y avoit point de chefs en Israël, aux ordres duquel le peuple obéît. 3°. Il se prend pour guide, conducteur, soit parmi les hommes, soit parmi les bêtes. La sauterelle n'a point de roi (regem), Prov. xxx. 27. Il se prend, 4°. pour les grands, pour toutes les personnes puissantes en crédit ou en autorité : Je parlois de tes témoignages en présence des grands de ce monde, in conspectu regum. Ps. cxviij. 16. 5°. Pour les fideles ; tu nous as faits rois à notre Dieu, fecisti nos Deo nostro reges. 6°. Enfin, pour ceux qui par leur prééminence l'emportent au-dessus des autres. Il est roi sur tous les fils de l'orgueil, ipse est rex super universos filios superbiae. Job. xlj. 25. Le roi des rois, & le seigneur des dominations est le titre que Saint Paul donne à l'être suprême. I. Tim. vj. 15. (D.J.)

ROI, nom que les anciens donnerent ou à Jupiter ou au principal ministre de la religion dans les républiques.

Après que les Athéniens eurent secoué le joug de leurs rois, ils éleverent une statue à Jupiter sous le nom de Jupiter-roi, pour faire connoître qu'à l'avenir ils ne vouloient point d'autre maître. A Lébadie on offroit de même des sacrifices à Jupiter roi, & on trouve que ce titre lui est souvent donné chez les anciens.

Mais ils ne le croyoient pas tellement attaché à la suprême puissance de ce dieu, qu'ils ne l'attribuassent quelquefois à certains hommes distingués par leur dignité. Ainsi le second magistrat d'Athènes ou le second archonte s'appelloit roi, ; mais il n'avoit d'autres fonctions que celles de présider aux mysteres & aux sacrifices : hors de là nulle supériorité. Dans le gouvernement politique, sa femme avec le titre de reine partageoit aussi ses fonctions sacrées. L'origine de ce sacerdoce, dit Demosthènes dans l'oraison contre Néera, venoit de ce qu'anciennement dans Athènes le roi exerçoit les fonctions de grand-prêtre ; & la reine, à cause de sa dignité, entroit dans le plus secret des mysteres. Lorsque Thésée eut rendu la liberté à Athènes en substituant la démocratie à l'état monarchique, le peuple continua d'élire entre les principaux & les meilleurs citoyens un roi pour les choses sacrées, & ordonna par une loi, que sa femme seroit toujours athénienne de naissance, & vierge quand il l'épouseroit, afin que les choses sacrées fussent administrées avec la pureté convenable ; & de peur qu'on n'abolît cette loi, elle fut gravée sur une colonne de pierre. Ce roi présidoit donc aux mysteres ; il jugeoit les affaires qui regardoient le violement des choses sacrées. En cas de meurtre, il rapportoit l'affaire au sénat de l'aréopage ; & déposant sa couronne, il s'asseyoit parmi les autres magistrats pour juger avec eux. Le roi & la reine avoient sous eux plusieurs ministres qui servoient aux cérémonies de la religion : tels que les épimeletes, les hiérophantes, les gereres, les ceryces, &c.

La même chose se pratiqua chez les Romains. Quelque mécontens qu'ils fussent de leur dernier roi, ils avoient cependant reçu tant de bienfaits des six premiers, qu'ils ne purent absolument en abolir le nom : mais aussi ne lui attribuerent-ils que des fonctions qui ne pouvoient jamais menacer la liberté, je veux dire le soin des cérémonies religieuses. Il lui étoit d'ailleurs défendu de remplir aucune magistrature ni d'haranguer le peuple. On le choisissoit parmi les plus anciens pontifes & augures, mais il étoit toujours subordonné au souverain pontife : cette dignité subsista jusqu'au regne du grand Théodose.

ROI, archonte, (Antiq. grecq.) C'est ainsi qu'on appelloit le second des neuf archontes d'Athènes. Il avoit pour son département ce qui concernoit la célébration des fêtes, les sacrifices & la religion. Il décidoit sous le grand portique sur les crimes d'impiété & de sacrilege. Il statuoit sur les cérémonies & les mysteres, sur les malheurs causés par la chûte des bâtimens & des autres choses inanimées. C'étoit à lui d'introduire les meurtriers dans l'aréopage ; & il jugeoit avec cette célebre compagnie, en quittant sa couronne, qui étoit la marque de sa dignité. Pendant qu'il examinoit un procès, les parties ne pouvoient assister aux mysteres ni aux autres cérémonies de la religion. Pollux remarque que l'épouse du roi-archonte prenoit le titre de reine : elle devoit être athénienne de naissance : son mari comme inspecteur sur les affaires religieuses & sacrées, étoit honoré du nom d'archonte-roi, parce que les premiers rois d'Athènes étoient comme les grands sacrificateurs de la nation. Ils immoloient les victimes publiques, & leurs femmes offroient les sacrifices secrets avant le regne de Thésée. Les Romains, en détruisant la royauté, conserverent un roi des sacrifices sur le modele d'Athènes. (D.J.)

ROI-D'ARMES, (Hist. de France.) C'étoit un officier de France qui annonçoit la guerre, les treves, les traités de paix & les tournois. C'est le premier & le chef des hérauts-d'armes : nos ancêtres lui ont donné le titre de roi, qui signifie seulement premier chef. La plûpart des savans assurent que ce fut Louis-le-Gros qui donna à Louis de Roussy le titre de roi-d'armes, inconnu jusques-là. Cet établissement fut imité par-tout, honoré de plusieurs privileges, de pensions considérables ; & les souverains à qui les rois-d'armes étoient envoyés, affectoient pour faire éclater leur grandeur dans les autres pays, de leur faire de beaux présens.

Philippe de Comines a remarqué que Louis XI. quoique fort avare, donna à un roi-d'armes que le roi d'Angleterre lui avoit envoyé, trois cent écus d'or de sa propre main, & trente aunes de velours cramoisi, & lui promit encore mille écus. Le rang de leur maître les rendoit respectables, & ils jouissoient des mêmes privileges que le droit des gens accorde aux ambassadeurs, pourvu qu'ils se renfermassent dans les bornes de leur commission ; mais s'ils violoient les loix de ce droit, ils perdoient leurs privileges. Froissart observe, que le roi-d'armes du duc de Gueldres ayant défié le roi Charles VI. clandestinement dans la ville de Tournai, & sans lui en donner connoissance, " il fut arrêté, mis en prison, & cuida être mort, dit cet historien, pour ce que tel défi étoit contre les formes & contre l'usage accoutumé, & de plus dans un lieu mal convenable, Tournai n'étant qu'une petite ville de Flandre ".

Le respect qu'on avoit pour les rois-d'armes suivis de leurs hérauts, étoit si grand, qu'ils ont quelquefois, étant revêtus de leur cotte-d'armes, arrêté par leur présence, en criant hola, la fureur de deux armées dans le fort du combat. Froissart a observé, que dans un furieux assaut donné à la ville de Villepode en Galice, à la parole des hérauts, cesserent les assaillans & se reposerent.

Le roi-d'armes avoit un titre particulier qui étoit mont-joye S. Denys ; & les autres hérauts portoient le titre des seize principales provinces du royaume, comme Bourgogne, Normandie, Guienne, Champagne.

Il y a en Angleterre trois rois-d'armes, sous le titre de la jarretiere, de Clarence, & de Norroy. En écosse, les rois-d'armes & les hérauts ont été employés dans les tournois, dans les combats à plaisance ou à outrance, à fer émoulu ou à lance mornée, que les seigneurs particuliers faisoient avec la permission du roi. Mais ils sont à-présent sans emploi par tout pays ; & on ne les voit plus parcourir les provinces, pour reconnoître les vrais nobles, les armoiries des familles & leurs blasons, en un mot, pour découvrir les abus que l'on commettoit concernant la noblesse & les généalogies. Voyez Roi d'armes, hist. d'Angl.

Quant aux cottes qui sont l'habit qui marquoit leur titre & leur pouvoir, celle du roi-d'armes est différente de celle des hérauts, 1°. en ce que les trois grandes fleurs-de-lis qui sont au-devant & au-derriere de la cotte, sont surmontées d'une couronne royale de fleurs-de-lis fermée. 2°. En ce qu'elle est bordée tout-autour d'une broderie d'or, entre les galons & la frange ; & 3°. parce que sur les manches, les mots mont-joye S. Denys sont en broderie avec ces mots roi-d'armes de France sur la manche gauche.

Roi-d'armes, dit Favin, portoit la cotte de velours violet, avec l'écu de France couronné & entouré de deux ordres de France sur les quatre endroits de sa cotte-d'armes. Il ajoute qu'il falloit autrefois être noble de trois races, tant de l'estoc paternel que du côté maternel, pour être reçu mont-joye. Le même Favin a décrit particulierement le baptême du roi-d'armes ; c'étoit ainsi qu'on appelloit l'imposition du nom qu'on lui donnoit à sa réception : cette cérémonie se faisoit par le renversement d'une coupe de vin sur sa tête.

M. Ducange a inseré dans son glossaire, sous le mot Heraldus, la réception du roi-d'armes du titre de mont-joye. Les valets de chambre du roi devoient le revêtir d'habits royaux, comme le roi même. Le connétable & les maréchaux de France devoient l'aller prendre pour le mener à la messe du roi, accompagné de plusieurs chevaliers & écuyers ; les hérauts ordinaires & les poursuivans marchoient devant lui deux à deux ; un chevalier devoit porter l'épée avec laquelle on le faisoit alors chevalier ; tandis qu'un autre portoit sur une lance sa cotte-d'armes. (D.J.)

ROI D'ARMES d'Angleterre, le roi d'armes étoit autrefois un officier fort considérable dans les armées & dans les grandes cérémonies ; il commandoit aux hérauts & aux poursuivans d'armes, présidoit à leur chapitre, & avoit jurisdiction sur les armoiries. Voyez HERAUT & ARMES.

Nous avons en Angleterre trois rois d'armes, sçavoir, Gaster, Clarence, & Norroy.

Gaster premier roi d'armes. Voyez GASTER.

Cet officier fut établi par Henry V. il accompagne les chevaliers de la jarretiere aux assemblées, le maréchal aux solemnités & aux funérailles des personnes de la premiere noblesse, & il porte l'ordre de la jarretiere aux princes & aux rois étrangers ; mais dans ces sortes d'occasions, il est toujours accompagné de quelqu'un des premiers pairs du royaume.

Clarence roi d'armes, il est ainsi appellé du duc de Clarence, qui posseda le premier cette dignité. Sa fonction est d'ordonner des obseques de la noblesse inférieure, des baronets, des chevaliers, des écuyers, & des gentilshommes, au sud de la riviere du Trent. Voyez CLARENCE.

Norroy roi d'armes, exerce les mêmes fonctions au nord du Trent. On appelle ces deux derniers, hérauts provinciaux, parce qu'ils partagent pour leurs fonctions le royaume en deux provinces. V. HERAUT.

Ils ont pouvoir par une charte, de visiter les familles nobles, de rechercher leur généalogie, de distinguer leurs armoiries, de fixer à chacun les armes qui lui conviennent, & régler avec le Gaster la conduite des autres hérauts.

Autrefois les rois d'armes étoient créés & couronnés solemnellement par les rois mêmes ; mais aujourd'hui c'est le grand maréchal qui est chargé de les installer, & qui dans cette fonction représente la personne du roi.

On peut ajouter aux deux rois d'armes précédens, le Lyon roi d'armes pour l'Ecosse, qui est le second en Angleterre, & dont le couronnement se fait avec beaucoup de solemnité. Il est chargé de publier les édits du roi, de régler les funérailles, & de casser les armoiries.

ROI de la bazoche, (Jurisp.) Voyez BAZOCHE.

ROI de la fêve, (Antiq. rom.) les enfans tiroient au sort avec des fêves, à qui seroit roi ; ils faisoient à la fin de Décembre, pendant les saturnales, ce que nous avons transporté au commencement de Janvier, à l'occasion de la fête des rois. Cet usage de se servir de fêve, pouvoit tirer son origine de ce que chez les Grecs on en usoit pour l'élection des magistrats ; d'où est venu ce précepte énigmatique de Pythagore, , à fabis abstine, ne vous mêlez point du gouvernement. Ciceron dit quelque part, fabam mimum, la farce de la fêve, parce que cette royauté de la fêve étoit une espece de royauté de théâtre. (D.J.)

ROI du festin, (Critiq. sacrée) la coutume d'occident de faire les rois, pour dire se régaler ; créer un roi de la fête, est bien ancienne dans les festins ; ce qui concerne cette coutume chez les Grecs & les Romains, appartient à la littérature prophane. Voyez-en l'article qui suit.

Pour ce qui regarde l'usage des Juifs, nous en sommes instruits par l'Ecclésiast. ch. xxxij. v. 1. & suiv. Voici ce qu'en dit ce livre. Si l'on vous nomme le roi d'un festin () la vulgate dit rectorem aut regem, ne vous élevez pas par cette raison au-dessus des autres ; mais après avoir eu soin de tous les convives, & avoir tout bien réglé, vous vous mettrez à table avec les conviés, vous vous rejouirez avec eux, & même pour l'ornement, vous pouvez recevoir ou prendre la couronne. Ces paroles justifient que dans ces repas mêmes où il n'y avoit point d'excès, on mettoit une couronne de fleurs, ou de quelque feuillage, sur la tête du roi du festin ; ainsi l'usage des couronnes dans les festins, régnoit chez les Juifs, comme chez les Grecs & chez les Romains, & n'étoit blâmé de personne, quoiqu'il l'ait été furieusement par Tertullien, dans son livre de coronâ.

Le chapitre de l'Ecclésiastique, que nous venons de citer, nous apprend encore que les Juifs aimoient à réunir dans leurs festins, les chants & la musique ; une agréable mélodie, avec un vin délicieux, est comme un sceau d'émeraudes enchâssé dans de l'or. C'est au verset 7. qu'on lit ces paroles. Voyez les Commentaires de Drusius, où vous trouverez beaucoup d'érudition sur cet usage. (D.J.)

ROI du festin, ou roi de la table ; (Antiq. grecq. & rom.) anciennement, dit Plutarque, on créoit un chef, un législateur, un roi de la table, dans les repas les plus sages. Je trouve qu'il se faisoit de deux manieres, ou par le sort du dé, ou par le choix des convives. Horace veut que le dé en décide.

.... Quem Venus arbitrum

Dicet bibendi ? Od. 7. l. II.

Et ailleurs,

Nec regna vini sortiere talis. Od. 4. l. I.

Plaute ne s'en rapporte pas au hasard ; les personnages qu'il introduit se donnent eux-mêmes des maîtres & des maîtresses ; do hanc tibi florentem florenti, tu sic eris dictatrix nobis, dit un de ses acteurs, en mettant une couronne de fleurs sur la tête d'une jeune personne. Et dans un autre endroit ; strategum te facio huic convivio. Plutarque parle comme Plaute, dans la quatrieme question du liv. I. .

Ce roi donnoit en effet des loix, & prescrivoit sous certaines peines, ce que chacun devoit faire, soit de boire, de chanter, de haranguer, ou de réjouir la compagnie par quelqu'autre talent. Ciceron dit que Verrès, qui avoit foulé aux piés toutes les loix du peuple romain, obéissoit ponctuellement aux loix de la table. Iste enim praetor severus ac diligens, qui populi romani legibus nunquam paruisset, iis diligenter legibus parebat, quae in poculis ponebantur.

Cependant on ne faisoit pas un roi dans tous les repas, & on ne s'en avisoit guere dans les derniers tems, qu'au milieu du festin ; c'étoit une ressource de gayeté quand on commençoit à craindre la langueur, & pour lors chacun renouvelloit son attention à paroître bon convive. Ce dernier acte s'appelloit chez les Romains comessatio, du mot grec , dit Varron, parce que les anciens Romains qui habitoient plus volontiers la campagne que la ville, se regaloient à tour de rôle, & soupoient ainsi tantôt dans un village & tantôt dans un autre. Horace, Martial, Lucain, Arien, nous parlent aussi beaucoup des rois de table dans les saturnales. (D.J.)

ROI, dans le Commerce, est un titre qui a été donné à plusieurs chefs de différens corps ou communautés. Il y avoit autrefois à Paris un roi des barbiers, un roi des arpenteurs ; il y a encore un roi de la bazoche, qui est à la tête de la petite jurisdiction que tiennent dans la cour du palais, les clercs des procureurs au parlement ; & un roi des violons.

ROI des Merciers, c'étoit autrefois à Paris, & même par toute la France, le premier, ou pour mieux dire le seul officier qui veillât sur tout ce qui concernoit le commerce.

Quelques-uns attribuent à Charlemagne l'institution de cette espece de magistrature mercantille ; il est du moins certain qu'elle étoit très-ancienne, & l'on donnoit à celui qui l'exerçoit le nom de roi des merciers, parce qu'alors il n'y avoit que les merciers qui fissent tout le commerce ; les autres corps des marchands qui en ont été tirés, n'ayant été établis qu'assez tard sous les rois de la troisieme race.

Ce roi des merciers donnoit les lettres de maîtrise & les brevets d'apprentissage, pour lesquels on lui payoit des droits assez forts ; il en tiroit aussi de considérables des visites qui se faisoient de son ordonnance, & par ses officiers, pour les poids & mesures, & pour l'examen de la bonne ou mauvaise qualité des ouvrages & marchandises. Il avoit dans les principales villes de province, des lieutenans, pour y exercer la même jurisdiction dont il jouissoit dans la capitale.

Les grands abus qui se commettoient dans l'exercice de cette charge, engagerent François I. à la supprimer en 1544 ; elle fut rétablie l'année suivante. Henri III. la supprima de nouveau en 1581, par un édit qui n'eut point d'exécution à cause des troubles de la ligue. Enfin Henri IV, en 1597. supprima le roi des merciers, ses lieutenans & officiers, cassant, annullant & revoquant toutes les lettres d'apprentissage ou de maîtrise données par cet officier ou en son nom ; défense à lui d'en expédier à l'avenir, ni d'entreprendre aucune visite à peine d'être puni, lui & ses officiers, comme faussaires, & de dix mille écus d'amende. Depuis ce tems là, il n'est plus fait mention du roi des merciers ; les lettres sont expédiées, & les visites faites par les maîtres & gardes des corps des marchands, & par les jurés des communautés des arts & métiers chacun dans son district, & sur ceux de son métier & de sa profession.

ROI des violons ; c'est à Paris le chef perpétuel de la communauté des maîtres à danser & joueurs d'instrumens. Il est pourvu par des lettres de provisions du roi, & est un des officiers de sa maison. Diction. de Com. & de Trév.

ROI DU NORD, est le titre du troisieme des hérauts d'armes provinciaux d'Angleterre. Voyez ROI D'ARMES & HERAUT.

Sa jurisdiction s'étend du côté septentrional de la riviere de Trent, comme celle du second héraut d'armes, nommé Clarencieux, s'étend du côté méridional, Voyez CLARENCIEUX.

ROI des ribauds, (Jurisprud.) Voyez PREVOTE DE L'HOTEL.

ROI des Sacrifices, (Antiq. Rom.) rex sacrorum, rex sacrificalis, rex sacrificulus, Tite-Live, l. XXVI. c. vj. Sous le consulat de Lucius Junius Brutus, & de Marcus Valerius Publicola, le peuple murmurant de ce que l'abolition du gouvernement monarchique sembloit déroger à la religion, parce qu'il y avoit certains sacrifices qui étant réservés aux rois personnellement, ne pouvoient plus se faire ; on établit un sacrificateur qui en remplit les fonctions, & on l'appella roi des sacrifices ; mais afin que le nom de roi même ne fît point d'ombrage, ce roi des sacrifices fut soumis au grand Pontife, exclus de toutes les magistratures, & privé de la liberté de haranguer le peuple.

Lorsqu'il étoit obligé de se trouver aux assemblées des comices, par rapport aux sacrifices dont il avoit l'intendance ; aussi-tôt que les cérémonies étoient finies, il se retiroit, pour montrer qu'il n'avoit aucune part aux affaires civiles. C'étoit au grand pontife & aux augures qu'appartenoit le droit de choisir le roi des sacrifices, qu'ils tiroient ordinairement d'entre les patrices les plus vénérables par leur âge & par leur probité ; son élection se faisoit dans le champ de Mars, où le peuple se trouvoit assemblé par centuries ; la maison qu'habitoit le roi des sacrifices, s'appelloit regia, & sa femme reine, regina.

C. M. Papyrius, fut le premier à qui on confia ce ministere ; & la coutume de créer un roi des sacrifices subsista chez les Romains jusqu'au tems de Théodose, qui l'abolit, de-même que les autres cérémonies religieuses du paganisme. (D.J.)

ROIS livre des, (Critiq. sacrée.) Il y a quatre livres de l'ancien testament qui portent ce nom, parce qu'ils comprennent plusieurs actions des rois des juifs, & quelques détails de leur gouvernement. Ces quatre livres n'en faisoient anciennement que deux dans le code hébraïque, dont le premier portoit le nom de Samuel, & l'autre celui des rois ou des regnes.

Le premier livre comprend, dans 31 chapitres, l'espace d'environ cent ans, depuis la naissance de Samuel, en 2849, jusqu'à la mort de Saül, en 2949. Le second livre des rois contient, en 24 chapitres, l'histoire du regne de David, pendant l'espace d'environ 40 ans, depuis sa seconde onction à Hébron, l'an du monde 2949, jusqu'à l'an 2988.

On ignore l'auteur de ces deux premiers livres des rois ; quelques-uns les attribuent à Samuel, dont le nom se lit à la tête dans l'original hébreu ; mais en tout cas, il n'est pas l'auteur du total, car sa mort se trouve dans le vingt-cinquieme chapitre du premier livre ; quant au second livre, ceux qui le donnent à Gad & à Nathan, ne se sont pas apperçus qu'il s'y trouve des faits qui ne peuvent être du tems de Samuel ni de Nathan ; aussi les meilleurs critiques conjecturent qu'ils sont l'ouvrage d'Esdras, sur des originaux de Samuel, & autres écrivains du tems de David.

Le troisieme livre des rois comprend, en 22 chapitres, l'histoire de cent vingt-six ans, depuis l'association de Salomon au royaume, l'an du monde 2989, jusqu'à la mort de Josaphat, roi de Juda, en 3115. Le quatrieme livre des rois renferme, en 25 chapitres, l'histoire de deux cent vingt-sept ans, depuis la mort de Josaphat, en 3115, jusqu'au commencement du regne d'Evilmérodach, roi de Babylone, qui tira Jéchonias de prison, en 3442.

On ne connoit pas mieux l'auteur des deux derniers livres des rois, que celui des deux premiers. Il est assez vrai-semblable que tous ces quatre livres sont de la main d'Esdras qui les a disposés sur les matériaux qu'il possédoit ; il y a du moins bien des traits auxquels on croit reconnoître Esdras ; mais on y trouve en même tems des contrariétés qui ne conviennent point à son tems, & qu'il n'a pas pris la peine de concilier. (D.J.)

ROIS PASTEURS, (Hist. sacrée) quelques savans ont ainsi nommé les six chefs des Israëlites, Ephraïm, Beria, Rapho, Saraph, Thalé, & Thaan, dont il est parlé dans le I. liv. des Paralipomènes, ch. vij. ou plutôt, Salathis, Beon, Apachnas, Apophis, Janias, & Assis, rois égyptiens. Comme il paroît qu'il y a une interruption dans l'écriture, depuis la mort de Joseph, par où finit la genèse, jusqu'à la nativité de Moïse, par où commence l'exode, c'est là que M. Boivin place l'histoire de ces six rois pasteurs ; mais nous nous contenterons de remarquer que le fondement de cette prétendue royauté des Hébreux, ne se trouve que dans un fragment de Manéthon, rapporté par Josephe, dans lequel, le même Manéthon fait venir les rois pasteurs de M. Boivin, de l'orient, & que Josephe lui-même n'assure point la domination de ses ancêtres en Egypte, avec le titre de rois. D'ailleurs les Juifs n'ont jamais été en état de faire une irruption dans l'Egypte, avec une armée de deux cent quarante mille hommes, comme M. Boivin l'imagine. Voyez sur tout cela, les réflexions de M. l'abbé Banier, dans l'hist. de l'acad. des Inscrip. tom. III. (D.J.)

ROIS de Rome, (Hist. rom.) Rome commença d'abord à être gouvernée par des rois ; elle préféra, selon l'usage de ce tems-là, dit Justin, l. I. c. j. le gouvernement monarchique aux autres sortes de gouvernemens ; cependant ce n'étoit point une monarchie absolue, mais mitigée & bornée dans sa puissance. L'élection des rois de Rome, se faisoit par le peuple, après avoir pris les augures, & le sénat servoit en quelque sorte de barriere à l'autorité monarchique, qui ne pouvoit rien faire de considérable sans prendre son avis. Denys d'Halicarnasse, l. II. c. xiv. & l. VII. c. xxxviij. vous détaillera les privileges des rois de Rome ; je ne ferai que les indiquer.

Ils avoient droit, 1°. de présider à tout ce qui concernoit la religion, & d'en être l'arbitre souverain. 2°. D'être le conservateur des lois, des usages & du droit de la patrie. 3°. De juger toutes les affaires où il s'agissoit d'injures atroces faites à un citoyen. 4°. D'assembler le sénat & d'y présider ; de faire au peuple le rapport de ses décrets, & parlà, de les rendre authentiques. 5°. D'assembler le peuple pour le haranguer. 6°. De faire exécuter les décrets du sénat. Voilà tout ce qui regardoit les affaires civiles, & les tems de paix.

A l'égard de la guerre, le roi avoit un très-grand pouvoir, parce que tout ce qui la concerne demande une promte exécution, & un grand secret, étant fort dangereux de mettre en délibération dans un conseil public, les projets d'un général d'armée. Malgré cela, le peuple romain étoit le souverain arbitre de la guerre & de la paix.

Les marques de la royauté étoient la couronne d'or, la robe de pourpre mêlée de blanc, la chaire curule d'ivoire, & le sceptre au haut duquel étoit la représentation d'une aigle. Il étoit accompagné de douze licteurs, portant sur leurs épaules un faisceau de baguettes, liées avec des courroies de cuir, & du milieu de chaque faisceau sortoit une hache. Ces licteurs lui servoient en même-tems de gardes, & d'exécuteurs de ses commandemens, & de la justice ; soit qu'il fallût trancher la tête, ou fouetter quelque coupable, car c'étoit les deux genres de supplices ordinaires chez les Romains ; alors ils délioient leurs faisceaux, & se servoient des courroies pour lier les criminels, des baguettes pour les fouetter, & de la hache pour trancher la tête. Quelques-uns prétendent que ces licteurs étoient de l'institution de Romulus ; d'autres, de Tullus Hostilius ; & d'autres, en plus grand nombre, à la tête desquels il faut mettre Florus, l. I. c. v. l'attribuent à Tarquin l'ancien.

Quoi qu'il en soit, les gardes que prit Romulus, & si l'on veut les licteurs armés d'une hache d'arme, couronnée de faisceaux de verges, désignoient le droit de glaive, symbole de la souveraineté ; mais sous cet appareil de la royauté, le pouvoir royal ne laissoit pas, en ce genre, d'être resserré dans des bornes assez étroites, & il n'avoit guere d'autre autorité que celle de convoquer le sénat, & les assemblées du peuple, d'y proposer les affaires, de marcher à la tête de l'armée quand la guerre avoit été résolue par un décret public, & d'ordonner de l'emploi des finances qui étoient sous la garde de deux trésoriers, qu'on appella depuis questeurs.

Les premiers soins de Romulus furent d'établir différentes lois, par rapport à la religion & au gouvernement civil, mais qui ne furent publiées qu'avec le consentement de tout le peuple romain, qui de tous les peuples du monde, se montra le plus fier dès son origine, & le plus jaloux de sa liberté. C'étoit lui qui, dans ses assemblées, autorisoit les lois qui avoient été dirigées par le roi & le sénat. Tout ce qui concernoit la guerre & la paix, la création des magistrats, l'élection même du souverain, dépendoit de ses suffrages. Le sénat s'étoit seulement reservé le pouvoir d'approuver ou de rejetter ses projets, qui, sans ce tempérament & le concours de ses lumieres, eussent été souvent trop précipités & trop tumultueux.

Telle étoit la constitution fondamentale de cet état, qui n'étoit ni purement monarchique, ni aussi entierement républicain. Le roi, le sénat, & le peuple, étoient pour ainsi-dire dans une dépendance réciproque ; & il résultoit de cette mutuelle dépendance un équilibre d'autorité qui modéroit celle du prince, & qui assuroit en même tems le pouvoir du sénat, & la liberté du peuple.

Déjà Rome commençoit à se rendre redoutable à ses voisins ; il ne lui manquoit que des femmes pour en assurer la durée. Romulus envoya des députés pour en demander aux Sabins, qui refuserent sa proposition ; il résolut de s'en venger : & pour y réussir, il ne trouva point de meilleur expédient que de célébrer à Rome des jeux solemnels en l'honneur de Neptune. Les Sabins ne manquerent pas d'accourir à cette solemnité ; mais pendant qu'ils étoient attachés à voir le spectacle, les Romains, par ordre de Romulus, enleverent toutes les filles, & mirent hors de Rome, les peres & les meres qui reclamoient en vain l'hospitalité violée. Leurs filles répandirent d'abord beaucoup de larmes, elles souffrirent ensuite qu'on les consolât ; le tems à la fin adoucit l'aversion qu'elles avoient pour leurs ravisseurs, dont elles firent depuis leurs époux légitimes. Il est vrai que l'enlevement des Sabines causa une guerre qui dura quelques années ; mais les deux peuples firent la paix, & n'en firent qu'un seul pour s'unir encore plus étroitement. Rome commença dès-lors à être regardée comme la plus puissante ville de l'Italie ; on y comptoit déjà jusqu'à quarante-sept mille habitans, tous soldats, tous animés du même esprit, & qui n'avoient pour objet que de conserver leur liberté, & de se rendre maîtres de celle de leurs voisins.

Cependant Romulus osa regner trop impérieusement sur ses sujets, & sur un peuple nouveau, qui vouloit bien lui obéir, mais qui prétendoit qu'il dépendît lui-même des lois dont il étoit convenu dans l'établissement de l'état. Ce prince au-contraire rappelloit à lui seul toute l'autorité qu'il eut dû partager avec le sénat & l'assemblée du peuple. Il fit la guerre à ceux de Comerin, de Fidene, & à ceux de Veïe, petite ville comprise entre les cinquante-trois peuples que Pline dit qui habitoient l'ancien Latium, mais qui étoient si peu considérables, qu'à peine avoient-ils un nom dans le tems même qu'ils subsistoient, si on en excepte Veïe, ville célebre de la Toscane. Romulus vainquit ces peuples les uns après les autres, prit leurs villes, en ruina quelques-unes, s'empara d'une partie du territoire des autres, dont il disposa depuis de sa seule autorité. Le sénat en fut offensé, & il souffroit impatiemment que le gouvernement se tournât en pure monarchie. Il se défit d'un prince qui devenoit trop absolu. Romulus âgé de cinquante-cinq ans, & après trente-sept années de regne, disparut, sans qu'on ait pû découvrir de quelle maniere on l'avoit fait périr. Le sénat, qui ne vouloit pas qu'on crût qu'il y eût contribué, lui dressa des autels après sa mort, & il fit un dieu de celui qu'il n'avoit pû souffrir pour souverain.

Après la mort de Romulus, il s'éleva deux partis dans Rome. Les anciens sénateurs demandoient pour monarque un romain d'origine ; les Sabins qui n'avoient point eu de rois depuis Tatius, en vouloient un de leur nation. Enfin après beaucoup de contestations, ils demeurerent d'accord que les anciens sénateurs nommeroient le roi de Rome, mais qu'ils seroient obligés de le choisir parmi les Sabins. Leur choix tomba sur un sabin de la ville de Cures, mais qui demeuroit à la campagne. Il s'appelloit Numa Pompilius, homme de bien, sage, modéré, équitable, & qui ne cherchant point à se donner de la considération par des conquêtes, se distingua par des vertus pacifiques. Il travailla pendant tout son regne, à la faveur d'une longue paix, à tourner les esprits du côté de la religion, & à inspirer aux Romains une grande crainte des dieux. Il bâtit de nouveaux temples ; il institua des fêtes ; & comme les réponses des oracles & les prédictions des augures & des aruspices faisoient toute la religion de ce peuple grossier, il n'eut pas de peine à lui persuader que des divinités qui présidoient à ce qui devoit arriver d'heureux & de malheureux, pouvoient bien être la cause du bonheur ou du malheur qu'elles annonçoient ; la vénération pour ces êtres supérieurs, d'autant plus redoutables qu'ils étoient plus inconnus, fut une suite de ces préjugés.

Rome se remplit insensiblement de superstition ; la politique les adopta, & s'en servit utilement pour tenir dans la soumission un peuple encore féroce. Il ne fut même plus permis de rien entreprendre qui concernât les affaires d'état, sans consulter ces fausses divinités ; & Numa pour autoriser ces pieuses institutions, & s'attirer le respect du peuple, feignit de les avoir reçues d'une nymphe appellée Egérie, qui avoit révélé, disoit-il, la maniere dont les dieux vouloient être servis.

Sa mort, après un regne de quarante-trois ans, laissa la couronne à Tullus Hostilius, que les Romains élurent pour troisieme roi de Rome ; c'étoit un prince ambitieux, hardi, entreprenant, plus amateur de la guerre que de la paix, & qui sur le plan de Romulus, ne songea à aggrandir son état que par de nouvelles conquêtes. Tout le monde sait que le courage & l'adresse victorieuse du dernier des Horaces, fit reconnoître l'autorité de Rome dans la capitale des Albains, suivant les conditions du combat, qui avoient adjugé l'empire & la domination au victorieux.

Tullus Hostilius ruina cette ville, dont il transféra les habitans à Rome ; ils y reçurent le droit de citoyens, & même les principaux furent admis dans le sénat ; tels furent les Juliens, les Serviliens, les Quintiens, les Curiaces, & les Cléliens, dont les descendans remplirent depuis les principales dignités de l'état, & rendirent de très-grands services à la république. Tullus Hostilius ayant fortifié Rome par cette augmentation d'habitans, tourna ses armes contre les Sabins, l'an de Rome 113.

Le détail de cette guerre n'est point de mon sujet, je me contenterai de dire que ce prince, après avoir remporté différens avantages contre les ennemis de Rome, mourut dans la trente-deuxieme année de son regne ; qu'Ancus Martius, petit-fils de Numa, fut élû en la place d'Hostilius, par l'assemblée du peuple, & que le sénat confirma ensuite cette nouvelle élection, l'an de Rome 114.

Comme ce prince tiroit toute sa gloire de son ayeul, il s'appliqua à imiter ses vertus paisibles & son attachement à la religion. Il institua des cérémonies sacrées qui devoient précéder les déclarations de guerre ; mais ses pieuses institutions, plus propres à faire connoître sa justice que son courage, le rendirent méprisable aux peuples voisins. Rome vit bientôt ses frontieres ravagées par les incursions des Latins, & Ancus reconnut par sa propre expérience, que le trône exige encore d'autres vertus que la piété. Il se détermina donc à prendre les armes, & cette guerre fut aussi heureuse qu'elle étoit juste. Il battit les ennemis, ruina leurs villes, en transporta les habitans à Rome, & réunit leur territoire à celui de cette capitale.

Tarquin, premier ou l'ancien, quoiqu'étranger, parvint l'an de Rome 138, à la couronne, après la mort d'Ancus, & il l'acheta par des secours gratuits qu'il avoit donnés auparavant aux principaux du peuple. Ce fut pour conserver leur affection, & récompenser ses créatures, qu'il en fit entrer cent dans le sénat ; mais pour ne pas confondre les différens ordres de l'état, il les fit patriciens, au rapport de Denys d'Halicarnasse, avant que de les élever à la dignité de sénateurs, qui se trouverent jusqu'au nombre de trois cent, où il demeura fixé pendant plusieurs siecles. On sera peut-être étonné que dans un état gouverné par un roi, & assisté du sénat, les lois, les ordonnances, & le résultat de toutes les délibérations, se fissent toujours au nom du peuple, sans faire mention du prince qui regnoit ; mais on doit se souvenir que ce peuple généreux s'étoit réservé la meilleure part dans le gouvernement. Il ne se prenoit aucune résolution, soit pour la guerre ou pour la paix, que dans ses assemblées ; on les appelloit dans ce tems-là assemblées par curies, parce qu'elles ne devoient être composées que de seuls habitans de Rome divisés en trente curies ; c'est-là qu'on créoit les rois, qu'on élisoit les magistrats & les prêtres, qu'on faisoit des loix, & qu'on administroit la justice.

Servius Tullius fut nommé le sixieme roi de Rome, l'an 175 de la fondation de cette ville. Ce prince tout républicain, malgré sa dignité, mais qui ne pouvoit pourtant souffrir que le gouvernement dépendît souvent de la vile populace, résolut de faire passer toute l'autorité dans le corps de la noblesse & des patriciens, où il espéroit trouver des vues plus justes & moins d'entêtement.

Ce prince pour parvenir à ses fins, divisa d'abord tous les habitans de la ville, sans distinction de naissance ou de rang, en quatre tribus, appellées les tribus de la ville. Il rangea sous vingt-six autres tribus, les citoyens qui demeuroient à la campagne, & dans le territoire de Rome. Il institua ensuite le cens, qui n'étoit autre chose qu'un rôle & un dénombrement de tous les citoyens romains, dans lequel on comprit leur âge, leurs facultés, leur profession, le nom de leur tribu & de leur curie, & le nombre de leurs enfans & de leurs esclaves. Il se trouva alors dans Rome, & aux environs, plus de quatre-vingt mille citoyens capables de porter les armes.

Servius partagea ce grand nombre d'hommes en six classes, & composa chaque classe de différentes centuries de gens de pié. Toutes les centuries montoient au nombre de cent quatre-vingt-treize, commandées chacune par un centurion de mérite reconnu. Le prince ayant établi cette distinction entre les citoyens d'une même république, ordonna qu'on assembleroit le peuple par centuries, lorsqu'il seroit question d'élire des magistrats, de faire des loix, de déclarer la guerre, ou d'examiner les crimes commis contre la république, ou contre les privileges de chaque ordre. L'assemblée se devoit tenir hors de la ville, & dans le champ de Mars. C'étoit au souverain, ou au premier magistrat, à convoquer ces assemblées, comme celles des curies ; & toutes les déliberations y étoient pareillement précédées par les auspices, ce qui donnoit beaucoup d'autorité au prince, & aux patriciens, qui étoient revêtus des principales charges du sacerdoce.

On convint, outre cela, qu'on recueilleroit les suffrages par centuries, au-lieu qu'ils se comptoient auparavant par tête, & que les quatre-vingt-dix-huit centuries de la premiere classe donneroient leurs voix les premiers. Servius, par ce réglement, transporta adroitement dans ce corps composé des grands de Rome, toute l'autorité du gouvernement ; & sans priver ouvertement les plébéïens du droit de suffrage, il sut par cette disposition le rendre inutile. Car toute la nation n'étant composée que de cent quatre-vingt-treize centuries, & s'en trouvant quatre-vingt-dix-huit dans la premiere classe, s'il y en avoit seulement quatre-vingt-dix-sept du même avis, c'est-à-dire une de plus que la moitié des cent quatre-vingt-treize, l'affaire étoit conclue, & alors la premiere classe, composée des grands de Rome, formoit seule les decrets publics. S'il manquoit quelque voix, & que quelques centuries de la premiere classe ne fussent pas du même sentiment que les autres, on appelloit la seconde classe. Mais quand ces deux classes se trouvoient d'avis conforme, il étoit inutile de passer à la troisieme. Ainsi le petit peuple se trouvoit sans pouvoir, quand on recueilloit les voix par centuries, au-lieu que quand on les prenoit par curies, comme les riches étoient confondus avec les pauvres, le moindre plébéïen avoit autant de crédit que le plus considérable des sénateurs. Depuis ce tems-là les assemblées par curies ne se firent plus que pour élire les flamines, c'est-à-dire les prêtres de Jupiter, de Mars, de Romulus, & pour l'élection du grand curion, & de quelques magistrats subalternes.

La royauté après cet établissement, parut à Servius comme une piece hors d'oeuvre & inutile, dans un état presque républicain. On prétend que pour achever son ouvrage, & pour rendre la liberté entiere aux Romains, il avoit résolu d'abdiquer généreusement la couronne, & de réduire le gouvernement en pure république, sous la régence de deux magistrats annuels qui seroient élus dans une assemblée générale du peuple romain. Mais un dessein si héroïque n'eut point d'effet, par l'ambition de Tarquin le superbe, gendre de Servius, qui dans l'impatience de regner, fit assassiner son roi & son beau-pere. Il prit en même tems possession du trône, l'an de Rome 218, sans nulle forme d'élection, & sans consulter ni le sénat ni le peuple, comme si cette suprême dignité eût été un bien héréditaire, ou une conquête qu'il n'eut dûe qu'à son courage.

Une action si atroce, que l'assassinat de son roi, le fit regarder avec horreur par tous les gens de bien. Tout le monde détestoit également son ambition & sa cruauté. Parricide & tyran en même tems, il venoit d'ôter la vie à son beau-pere, & la liberté à sa patrie ; comme il n'étoit monté sur le trône que par ce double crime, il ne s'y maintint que par de nouvelles violences. Plusieurs sénateurs, des premiers de Rome, périrent par des ordres secrets, sans autre faute que celle d'avoir osé déplorer le malheur de leur patrie. Il n'épargna pas même Marcus Junius, qui avoit épousé une Tarquinie, fille de Tarquin l'ancien, mais qui lui étoit suspect à cause de ses richesses. Il se défit en même tems du fils aîné de cet illustre romain, dont il redoutoit le courage & le ressentiment.

Les autres sénateurs incertains de leur destinée, se tenoient cachés dans leurs maisons. Le tyran n'en consultoit aucun ; le sénat n'étoit plus convoqué ; il ne se tenoit plus aucune assemblée du peuple. Un pouvoir despotique & cruel s'étoit élevé sur la ruine des loix & de la liberté. Les différens ordres de l'état également opprimés, attendoient tous avec impatience quelque changement sans l'oser espérer, lorsque l'impudicité de Sextus, fils de Tarquin, & la mort violente de la chaste Lucrece, firent éclater cette haine générale que tous les Romains avoient contre le roi. La pitié pour le sort de cette infortunée romaine, & la haine des tyrans, firent prendre les armes au peuple. L'armée touchée des mêmes sentimens se révolta ; & par un decret public, les Tarquins furent bannis de Rome. Le sénat, pour engager le peuple plus étroitement dans la révolte, & pour le rendre plus irréconciliable avec les Tarquins, souffrit qu'il pillât les meubles du palais. L'abus que ce prince avoit fait de la puissance souveraine, fit proscrire la royauté même ; on dévoua aux dieux des enfers, & on condamna aux plus grands supplices, ceux qui entreprendroient de rétablir la monarchie.

L'état républicain succéda au monarchique ; voyez REPUBLIQUE ROMAINE, Gouv. de Rome.

Le sénat & la noblesse profiterent des débris de la royauté ; ils s'en approprierent tous les droits ; Rome devint en partie un état aristocratique, c'est-à-dire que la noblesse s'empara de la plus grande partie de l'autorité souveraine. Au-lieu d'un prince perpétuel, on élut pour gouverner l'état deux magistrats annuels tirés du corps du sénat, auxquels on donna le titre modeste de consuls, pour leur faire connoître qu'ils étoient moins les souverains de la république, que ses conseillers, & qu'ils ne devoient avoir pour objet que sa conservation & sa gloire. Voyez CONSUL. (D.J.)

ROI DES ROMAINS, (Hist. mod.) dans l'empire d'Allemagne, c'est le prince élu par les électeurs pendant la vie de l'empereur, pour avoir la conduite & le maniement des affaires en son absence, comme vicaire général de l'empire, & pour succéder après sa mort au nom & à la dignité d'empereur, sans qu'il soit besoin d'autre élection ou confirmation.

Cette qualité, dans le sens où on la prend aujourd'hui, étoit tout-à-fait inconnue du tems des premiers empereurs de la maison de Charlemagne, qui étoient empereurs & rois des Romains, c'est-à-dire, souverains de la ville de Rome tout ensemble. Ils donnoient à leurs héritiers présomptifs la qualité de roi d'Italie, comme les anciens empereurs romains faisoient prendre celle de César à leurs successeurs désignés à l'empire.

Le nom de roi des Romains ne commença à être en usage que sous le regne d'Othon I. & les empereurs le prenoient, quoiqu'en pleine possession de l'empire, & de la dignité impériale, jusqu'à ce qu'ils eussent été couronnés par les papes. C'est en ce dernier sens qu'il faut entendre le texte de la bulle d'or, quand elle fait mention du roi des Romains, dont elle n'a jamais parlé dans le sens où l'on emploie aujourd'hui ce terme, que nous avons d'abord défini suivant l'usage présent : car le dessein de Charles IV. en faisant la bulle d'or, étoit de rendre l'empire purement électif, de fonder & d'affermir les prérogatives des électeurs. Or, ce qui s'est passé dans la maison d'Autriche depuis 200 ans, montre assez clairement que rien n'est plus contraire à cette liberté que l'élection d'un roi des Romains, du vivant même de l'empereur. Les électeurs prévirent bien ces inconvéniens, lorsque Charles V. voulut faire élire Ferdinand son frere roi des Romains, & prétendirent les prévenir par un réglement conclu entr'eux & cet empereur à Schweinfurt, en 1532, mais que la maison d'Autriche a bien su rendre inutile.

Le roi des Romains est choisi par les électeurs, & confirmé par l'empereur ; il est couronné d'une couronne ouverte, qu'on appelle romaine, mais on ne lui prête aucun serment de fidélité qu'après la mort de l'empereur ; on lui donne le titre d'auguste, & non celui de toujours auguste, qui est réservé à l'empereur. L'aigle éployée qu'il porte dans ses armes, n'est qu'à une tête. En vertu de son titre, il est sans contestation successeur de l'empereur, après sa mort : & pendant la vie de l'empereur, vicaire unique & universel, second chef & régent de l'empire. Il est vrai que tant que l'empereur réside dans l'empire, tous ces titres magnifiques sont pour le roi des Romains des honneurs sans pouvoir.

Le roi des Romains a d'ailleurs des avantages qui lui sont communs avec l'empereur, comme de présider aux dietes, de les convoquer de l'aveu des électeurs, & de les congédier ; de faire des comtes & des barons, de donner des lettres de noblesse, d'accorder des privileges aux universités ; de mettre les rébelles au ban de l'empire, en observant toutefois les formalités ordinaires ; de rappeller les proscrits, de commuer les peines, &c. mais il reconnoît l'empereur pour son supérieur. Il doit n'agir qu'au nom & par ordre de l'empereur ; c'est au-moins ce qu'il doit promettre, par la capitulation qu'on lui fait signer après son élection. Supposé qu'il n'ait pas l'âge de dix-huit ans, & qu'avant que de l'avoir atteint, il parvienne à l'empire, on lui impose la condition de n'agir en qualité d'empereur, que sous l'autorité des vicaires de l'empire, comme ses tuteurs, jusqu'à ce qu'il ait les années de majorité fixées par la bulle d'or, les actes néanmoins & les ordonnances doivent être rendus en son nom.

Le roi des Romains est traité de majesté royale par tous les princes, & dans les cérémonies, il marche au côté gauche de l'empereur, un pas ou deux derriere. Quand il s'y trouve seul, le maréchal de la cour ne porte l'épée devant lui que dans le fourreau, au lieu qu'on la porte nue devant l'empereur. Le même roi traite l'empereur de majesté, & l'appelle son seigneur, mais l'empereur ne le traite que de dilection.

Comme la bulle d'or, quand il s'agit d'élire un empereur, parle seulement d'élire un roi des Romains futur empereur ; c'est toujours une condition préliminaire, que le sujet à qui on destine l'empire, soit choisi & déclaré roi des Romains par les électeurs, ainsi que nous l'avons vu pratiquer dans les deux dernieres élections. Heiss, hist. de l'empire, t. III.

ROI, pié de, on dit en France, pié de roi, qui est une certaine mesure, dont la longueur est déterminée par tout le royaume par l'autorité du prince. On lui donne ce nom pour le distinguer du pié de ville, qui n'est pas le même dans toutes les villes du royaume : c'est pourquoi les Mathématiciens se servent toujours du pié de roi.

Un pendule long de 5 piés de roi fait en une heure 1846 vibrations simples : l'on pourroit donc retrouver, par le moyen du pendule, la longueur du pié de roi, si cette mesure venoit à être perdue ou altérée. Voyez PIE, MESURE, PENDULE, &c. (E)

ROI RENDU, jeu du, c'est un jeu qui suit presque en tout les regles & la maniere de jouer le quadrille, à la réserve qu'il est libre à celui qui a le roi appellé, de le rendre à celui qui l'appelle, qui doit en échange lui donner une carte de son jeu.

Ce jeu ne se joue de la sorte, que pour empêcher qu'on ne joue de petits jeux, ce qui ôte beaucoup de l'agrément du quadrille ordinaire, & fait que cette maniere de jouer plus gênante, a trouvé plus de partisans parmi les personnes d'un amusement plus sérieux.

Ce quadrille ne differe absolument de l'autre qu'en ce qu'il est permis à celui qui a le roi appellé, de se rendre à l'hombre, ce qui fait qu'il y a quelques régles particulieres. Celui qui a le roi appellé à mauvais jeu, peut rendre le roi appellé à l'hombre, qui doit lui donner en échange telle carte que bon lui semblera de son jeu, & chaque joueur est en droit de voir la carte échangée.

Celui qui, ayant la carte appellée, auroit beau jeu, & rendroit le roi pour faire perdre l'hombre, feroit la bête, sans que l'hombre fût exempt pour cela de la faire aussi, s'il ne gagnoit pas le jeu. Il faut que le roi appellé ait trois mains pour être dans ce cas.

Celui à qui l'on a rendu le roi est obligé de faire six mains avec ce secours, tous les joueurs étant réunis contre lui.

Il ne partage avec personne s'il gagne, & paie seul s'il perd.

L'on ne peut point rendre le roi à celui qui joue avec spadille forcé, il y a des maisons où l'on rend toujours le roi appellé, & où celui qui joue, joue toujours seul, & le dernier est obligé de jouer si tous les autres ont passé, en appellant un roi qu'on lui rend, en spadille si l'on en est convenu.

ROI au jeu des échecs, est la premiere & la principale piece du jeu. C'est de la perte de cette piece que dépend la perte de la partie ; c'est encore elle qui la fait finir. Le roi se place au milieu du damier sur la quatrieme case blanche ou noire, selon sa couleur. Quant à sa marche, elle est fort grave, il ne va jamais que de case en case, en droite ligne & obliquement, devant, derriere, à côté, lorsqu'il ne trouve point d'obstacles qui l'arrêtent. Il ne fait qu'un pas à la fois, à moins qu'il ne saute ; voyez SAUTE : pour lors il peut sauter deux cases seulement de son côté, ou de celui de la dame ; car le saut de trois cases n'est plus usité.

Quand le roi saute de son côté, il prend la place de son chevalier, & sa tour se place auprès de lui à la case de son fou.

Si c'est du côté de la dame qu'il saute, il prend la place de son fou, & la tour de ce côté prend la case de la dame.

Il y a cinq choses au jeu des échecs qui empêchent le roi de sauter : 1°. s'il se trouve quelque piece entre lui & la tour ; 2°. quand cette tour a changé de place ; 3°. si le roi a été obligé de sortir de sa place ; 4°. s'il est en échec, & 5°. lorsque la case au-dessus de laquelle il veut sauter, est une de quelque piece de son ennemi, qui pourroit le faire échec en passant. Quoiqu'il soit permis aux rois de se remuer de tous côtés, ils ne peuvent néanmoins jamais se joindre, il faut qu'il y ait au-moins une case de distance entre eux : & quand chaque roi est en marche, il prend, si bon lui semble, toutes les pieces qui se rencontrent dans son chemin.


ROIDEadj. (Gram.) qu'on ne peut fléchir. On dit un bâton, un bois roide ; un ressort roide ; un cadavre roide ; un membre roide de froid ; un escalier roide, alors roide se prend pour droit & difficile à monter ; une montagne roide ; un caractere dur & roide ; un style roide ; une voix roide.

ROIDE, (Maréchal.) se dit du col & des jambes du cheval ; du col, quand le cavalier ne peut le faire plier, & des jambes, lorsqu'elles sont si fatiguées, qu'à peine peut-il les plier un peu en marchant.


ROIDEURS. f. (Gram.) inflexibilité d'une chose dont il est difficile de déranger la direction des parties sur sa longueur. On dit la roideur d'une lame, d'un fléau, d'une branche ; & au figuré, la roideur de son esprit, de son caractere, de sa voix, &c.


ROIDIRv. act. (Gram.) être ou rendre roide. Les muscles se roidissent dans les passions violentes. L'air humide roidit les cordes tendues ; il se roidit contre l'évidence. Il faut souvent se roidir contre le torrent général, contre les passions. Il est naturel à l'homme, que la nature a créé libre, de se roidir contre l'autorité ; c'est la raison qui lui en fait connoître les avantages, qui le soumet au poids de la chaîne, & qui l'empêche de la secouer.


ROINE-BLANCHE(Hist. de France) on appelloit autrefois roines-blanches les reines veuves, ou à cause de leur coëffure blanche, ou en mémoire de Blanche de Castille, veuve de Louis VIII. & de Blanche d'Evreux, veuve de Philippe de Valois. (D.J.)


ROIOCS. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur monopétale, en forme d'entonnoir, profondément découpée, & placée sur de petits embryons réunis de façon qu'ils ont la forme d'une petite tête : l'ombilic de chaque embryon est attaché comme un clou à la partie inférieure de la fleur. L'embryon devient dans la suite un fruit mol & anguleux, qui renferme une semence dure & anguleuse. Les fruits du roioc sont réunis en un corps rond qui ressemble à un peloton. Plumier, nova plant. amer. genera. Voyez PLANTE.


ROISES. f. (Gram.) dans la basse latinité, rothorium, rouissoir en quelques provinces ; & rotheur en d'autres, est une fosse où l'on met pourrir à demi le chanvre, afin que la filasse puisse s'en détacher. L'action de telle eau que ce soit suffit pour opérer cette pourriture ; il est même des pays où l'on se contente d'exposer le chanvre à la rosée ; ce qui sans doute étoit autrefois l'usage le plus général, puisque, suivant les étimologistes, rouis dérive à rore.

Dans le pays où l'impression de la rosée ne suffit pas, on y supplée en y laissant séjourner le chanvre dans des eaux mortes, mais les plus claires qu'il soit possible de les choisir. Ce séjour est de 8 jours, plus ou moins, selon que la chaleur plus ou moins grande accélere plus ou moins la pourriture du chanvre.

Le choix des eaux mortes pour cette opération, n'est pas une preuve que les eaux vives ne lui convinssent autant, & peut-être mieux. Ce choix n'est point libre : les plus anciens réglemens sur le fait des eaux ont pris les plus grandes précautions pour éloigner les chanvres des rivieres & des eaux courantes. Salubritatem aeris, portent les anciennes constitutions du royaume de Sicile, divino judicio reseratam, in quantùm possumus, studio provisionis nostrae studemus conservare : mandantes ut nulli à modo liceat, in aquis currentibus linum aut cannabum ad maturandum ponere, nè ex eo, prout certò didicimus, aeris dispositio corrumpatur : quod si fecerit, linum ipsum aut cannabum amittat.

La vieille charte normande avoit la même disposition, ch. vij. en ces termes. Rothoria in aquis defluentibus fieri non possunt, cum illis aquae frequentiùs corrumpantur : ce que l'ancienne coutume de Normandie avoit conservé en défendant, premiere part. §. 1. ch. xvij. que l'on ne fît roteurs, ne chanvrer roir en eaus courantes, parquoi ne soyent souventes fois corrompues, si que les poissons en meurent. Ce qui a passé dans la nouvelle coutume, par laquelle, pour prévenir les entreprises des particuliers qui, en détournant l'eau des rivieres, & en l'y faisant rentrer après qu'elle avoit abreuvé leurs roises, avoient trouvé le moyen d'éluder la loi, statue, art. 209. rotheurs ne peuvent être faits en eaux courantes, c'est aulcun veut détourner eau pour en faire, il doit vuider l'eau dudit rotheur, ensorte que l'eau d'icelui rotheur ne puisse retourner en la riviere. Sur quoi M. Josias Berault, conseiller à la table de marbre du parlement de Rouen, observe en son commentaire sur la coutume de Normandie, que les rotheurs font mourir le poisson, parce que les sucs grossiers que le chanvre a tirés d'une terre très-forte par elle-même & extrêmement chargée de fumier, enivrent le poisson, & portent la mortalité dans les rivieres : pourquoi, ajoute-t-il, les officiers des eaux & forêts doivent y veiller comme sur une des choses de leur ministere les plus intéressantes pour le bien public.

Ces attentions ne sont point particulieres à la coutume de Normandie : celles de Bourbonnois, art. 162. ch. xiv. d'Amiens, tit. 11. art. 243. de Haynault, ch. x. art. 16. de Mons, ch. liij. art. 6. de Lille, tit. 1. art. 11, &c. portent les mêmes dispositions, auxquelles est conforme l'art. 7. du réglement général de la table de marbre de Paris, du 15 Mai 1585, relatif à un arrêt du même siége, du 26 Juillet 1557, portant défenses & inhibitions de faire rouir aucuns chanvres & lins, & de mettre aucune chauly, tannerie, ou autres choses portant poison, dans les étangs ou marais publics, ou même dans les eaux particulieres, parce que cela corrompt l'eau, ensuite l'air, & fait mourir le poisson.

En conformité de tous ces réglemens, aussi positifs dans leurs dispositions, que clairement motivés, ont été rendus plusieurs arrêts du conseil, rapportés en la conférence de l'ordonnance de 1669, édit. in-4 °. contenant les lois forestieres de France.

Ainsi, la défense de rouir des chanvres dans les rivieres & dans les eaux courantes, même particulieres, fait partie du droit public de la France. Ce droit n'abandonne pour le rouissement des chanvres que les eaux mortes, ou celles qui étant tirées d'une riviere ou eau courante se perdent dans des terreins plus bas, & ne retournent plus à la riviere, ou s'y rendent par un circuit, dont la longueur leur donne le tems de déposer les sucs dangereux dont elles se sont chargées par leur séjour dans la roise.

La connoissance des observations qui ont servi de base à toutes les lois que je viens de rapporter, auroient pu éclairer sur un phénomene qui a mérité l'attention de l'académie des Sciences de Paris.

Il est arrivé récemment que les eaux de la Seine étant très-basses, se sont chargées insensiblement de principes de corruption, qui répandirent à Paris une espece d'épidémie. Les médecins ne prirent point le change sur la cause du mal ; ils l'attribuerent unanimement à une espece d'infection qu'avoit contracté le peu d'eau qui restoit dans la riviere. Mais d'où venoit cette infection ? étoit-ce du défaut ou de la lenteur de la circulation de l'eau ? étoit-ce des immondices que la Seine ne pouvoit plus absorber & déposer, &c ? les avis étoient incertains & partagés ; enfin un des membres de l'académie des Sciences remonta la Seine, l'analysa, l'observa, crut découvrir la source du mal dans certaines plantes aquatiques qui s'étoient emparées du lit que la riviere leur avoit abandonné, & constata cette découverte par un savant mémoire inséré dans les recueils de l'académie.

Mais toutes les eaux mortes étoient desséchées par l'ardeur de l'été de cette année. Les eaux courantes roulant à peine dans leur lit, ne pouvoient fournir à l'abreuvement des roises, & la nécessité força de mettre rouir les chanvres dans les rivieres mêmes & dans les ruisseaux. Que l'on se représente maintenant les ruisseaux, les fontaines, les rivieres qui portent leurs eaux dans la Seine, le lit même de ce fleuve depuis sa source, rempli de chanvre pendant les mois du travail & l'on imaginera aisément pourquoi, & pendant ces deux mois, l'eau de la Seine a été corrompue au point d'imprégner des sucs grossiers & putrides dont elle étoit chargée, les plantes, même les plus insipides de leur nature. Ainsi, l'on peut comparer les recherches de l'académicien sur ce phénomene, aux efforts que faisoit un ancien philosophe pour découvrir la cause du goût mielleux & des parties mellifiques qu'il avoit découvertes dans une soupe qui avoit été préparée dans un pot où il y avoit eu du miel. De tout ce qui vient d'être dit sur cet article, il résulte que les raisons & le choix de l'eau pour les abreuver méritent toutes les attentions qu'ont rapportées nos anciennes lois pour les écarter des rivieres & des eaux courantes. Cet article est de M. GROSLEY, avocat à Troyes.


ROITELETROI, ROITELAT, ROTTOLET, REBETRE, FARFONTE, FOVETTE ROUSSE, BERICHOT, BEURICHON, BOEUF DE DIEU, s. m. passer troglodites, (Hist. nat. Ornitholog.) oiseau qui pese trois gros ; il a un peu plus de quatre pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & six pouces d'envergure. Le cou, le dos & les aîles sont d'une couleur brune roussâtre ou chatain ; celle du croupion & de la queue est encore plus roussâtre, & il y a sur les aîles & sur la queue des taches transversales noirâtres. La gorge est d'un blanc roussâtre ; le milieu de la poitrine a une couleur blanchâtre ; les côtés du corps & le ventre ont des lignes transversales noires sur un fond de couleur blanche roussâtre ; le bas-ventre est d'un brun roussâtre ; les plumes du second rang de l'aîle ont à leur extrêmité trois ou quatre petites taches blanches, on en voit aussi de pareilles sur les plumes qui couvrent la queue. Il y a dix-huit grandes plumes dans chaque aîle, & douze dans la queue ; cet oiseau la tient ordinairement relevée. Le bec a un demi-pouce de longueur ; il est mince, jaunâtre par-dessous, & brun par-dessus. L'iris des yeux a une couleur de noisette ; le dedans de la bouche est jaune. Le doigt de derriere & son ongle sont plus gros & plus longs que les autres doigts & les autres ongles. Cet oiseau se glisse dans les haies & dans les bordures, ce qui lui a fait donner le nom de troglodytes. Il est de courte volée. Le roitelet fait ordinairement son nid dans les buissons & dans les haies, ou dans le chaume dont on couvre les maisons. Le dehors est composé de mousse, & le dedans est garni de plumes & de poils. Ce nid a la forme d'un oeuf posé sur l'un de ses bouts ; l'ouverture qui sert de passage à l'oiseau se trouve dans le milieu de l'un des côtés. Cet oiseau chante très-agréablement lorsqu'il est apprivoisé, & sa voix est plus forte qu'on ne devroit l'attendre d'un si petit oiseau, sur-tout dans le mois de Mai ; c'est aussi dans ce même tems qu'il niche. La femelle pond à chaque couvée neuf ou dix oeufs, & quelquefois plus. Willughbi, Ornit. Voyez OISEAU.

ROITELET HUPE, ROITELAT, PETIT ROI, POUL, SOURCICLE, SOUCIE, regulus cristatus, Aldrovandi. C'est l'oiseau le plus petit de tous ceux que l'on trouve en France ; il ne pese qu'un gros ; il a environ quatre pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité des doigts, & trois pouces neuf lignes si l'on prend la longueur jusqu'au bout de la queue. L'envergure est de six pouces. Les plumes du sommet de la tête qui forment la hupe ou la couronne de cet oiseau, sont de couleur de safran ou d'un rouge très-clair, & il peut en plissant sa peau, cacher & découvrir cette hupe. Les bords de cette hupe sont jaunes de toute part ; elle est oblongue & entourée par une ligne noire assez large. Cette hupe est placée au milieu de la tête sur une ligne droite qui s'étend depuis le bec vers le cou, dont les côtés sont d'un beau jaune verd ; le tour des yeux est blanc ; tout le dos & les faces supérieure & inférieure du cou sont d'un verd obscur mêlé de jaune. La couleur de la poitrine est d'un blanc sale ; les aîles sont courbes & assez ressemblantes à celles du pinçon ; elles ont chacune dixhuit grandes plumes comme dans presque tous les petits oiseaux ; elles sont noirâtres, & elles ont les bords des barbes extérieures jaunes, & ceux des barbes intérieures blancs ; la pointe des trois plumes qui sont les plus prochaines du corps est blanche. Ce qu'il y a de plus remarquable sur les aîles de ce petit oiseau, c'est que toutes les grandes plumes, excepté les cinq premieres & les trois dernieres, ne sont noirâtres que sur les barbes extérieures qui se trouvent au-delà du bout des plumes du second rang qui les recouvrent, ce qui fait que quand les aîles sont pliées, on voit une assez grande tache noire à-peu-près sur leur milieu. La premiere des grandes plumes des aîles est courte & mince. Les petites plumes du premier rang, qui couvrent les grandes, ont la pointe blanche, ce qui forme une ligne blanche transversale sur l'aîle. Il y a aussi des taches blanches dans les autres rangs des mêmes plumes. La queue n'est pas fourchue, elle est composée de douze plumes longues d'un pouce & demi & pointues à l'extrêmité, dont la couleur est brune, à l'exception des bords extérieurs qui sont d'un verd jaunâtre. Le bec est mince, droit, noir & long d'un demi-pouce. Les piés sont jaunâtres ; la langue est longue, pointue & fourchue. L'iris des yeux a une couleur de noisette. La femelle est moins colorée que le mâle. Ce petit oiseau se nourrit d'insectes ; il se tient ordinairement perché au-dessus des arbres, & principalement sur les chênes. Aldrovande dit que la femelle fait d'une seule ponte six ou sept oeufs qui ne sont pas plus gros que des pois. Willughby, Ornithol. Voyez OISEAU.

ROITELET, ou PETIT ROI, regulus, (Hist. mod.) titre qu'on voit souvent employé dans les conciles des Saxons d'Angleterre, pour synonyme à comte. Voyez COMTE.

De-là sub-regulus, qu'on employoit pareillement pour signifier vicomte, quoique ces deux mots semblent en bien des endroits être pris indifféremment l'un pour l'autre. Ainsi voit-on dans les archives de la cathédrale de Worcester, qu'Uthredus y prend quelquefois la qualité de regulus, & d'autresfois celle de sub-regulus de la cité de Worcester.

Mais dans d'autres endroits, nous trouvons ces deux qualités distinguées l'une de l'autre. Offa, roi de Mercie, Uthredus, regulus ; Alredus, sub-regulus, &c.


ROKOSZS. m. (Hist. mod. politiq.) c'est ainsi que l'on nomme en Pologne une espece de confédération, qui a lieu quelquefois dans les dietes ou assemblées de cette nation tumultueuse. Lorsque les nobles craignent quelque chose de la part du roi ou du sénat, ils se lient par serment in caput & animam, de soutenir les intérêts de la patrie, & ils sont obligés en vertu de rokosz, de s'armer pour venir à son secours, ou plutôt pour la déchirer.


ROLANDSTATUES DE (Hist. mod.) dans plusieurs villes de Saxe & d'autres parties d'Allemagne, on voit dans les marchés publics, ces colomnes sur lesquelles on a sculpté une épée, ou bien ces colomnes sont surmontées de la statue d'un homme armé d'une épée, ce qui est un symbole de la haute justice. On a cru que ces monumens représentoient Roland, neveu de Charlemagne, si vanté sur-tout dans les romans ; mais c'est une erreur, & l'on pense que le nom qu'on leur donne, vient de l'ancien mot saxon rugen, dénoncer en justice, ou bien du mot ruhe, tranquillité, & land, pays ; comme si ces monumens étoient des symboles de la tranquillité que procure la justice.


ROLDUC(Géogr. mod.) en latin Rodia ducis ; petite ville des Pays-bas dans le duché de Limbourg, à quatre lieues au nord d'Aix-la-Chapelle, & chef-lieu d'une contrée de même nom, qui appartient en partie à la maison d'Autriche, & en partie aux Etats généraux, par le traité réglé à la Haye en 1661. Le territoire de Rolduc a d'orient en occident environ six lieues de longueur, & deux de largeur du nord au sud. Long. 23. 52. latit. 50. 48. (D.J.)


ROLES. m. (Gramm.) état ou liste de plusieurs choses ou personnes, portées les unes au-dessous des autres, sans ordre ou selon quelque ordre. On porte tel homme, tel effet au rôle.

ROLE, (Littérature) au théatre c'est la partie que l'acteur doit savoir & débiter. Il faut qu'outre son rôle, il sache les mots de chacun des rôles des autres acteurs après lesquels il doit répondre. Voyez THEATRE.

On appelle grands rôles ou principaux rôles, ceux où les acteurs représentent le héros où les personnages les plus intéressans d'une piece.

ROLE, dès le tems d'Anastase on trouve les empereurs représentés sur des médailles, tenant dans leurs mains un rôle long & étroit. Les antiquaires en ont fort long-tems cherché la cause ; les uns ont cru que c'étoit un rôle de papiers, des mémoires, des requêtes, &c. que l'on présentoit aux princes, ou quelque chose de semblable ; d'autres ont cru que c'étoit un mouchoir plissé que les personnes qui présidoient aux jeux, élevoient en haut pour avertir de commencer ; d'autres que c'étoit un petit sac de poudre ou de cendre que l'on présentoit à l'empereur dans la cérémonie de son couronnement, & que l'on appelloit akakia, qui vouloit signifier que le moyen de conserver leur innocence, étoit de penser qu'ils n'étoient que poussiere. Voyez AKAKIA. Il est bien plus simple de penser que cet instrument n'est que le rouleau nommé mappa, que le principal magistrat élevoit en l'air comme nous l'avons remarqué au mot DIPTYQUE. Voyez aussi MAPPAIRE.

ROLE, (Jurisprud.) du latin rotulum ; est un état de quelque chose ; ces états ou mémoires ont été appellés rôles, parce qu'on les écrivoit anciennement sur des grandes peaux ou parchemins que l'on rouloit ensuite.

En parlement l'on appelle grand rôle, celui où l'on inscrit les causes qui se plaident aux grandes audiences ; petit rôle celui où l'on met les causes des petites audiences. Rôles des provinces sont ceux où l'on met les appels des bailliages de chaque province qui se plaident le lundi & mardi ; rôle des jeudi, celui où l'on met les causes des jeudis. Rôle d'après la S. Martin ; rôles de la chandeleur, de pâques, &c. sont les rôles des causes qui se plaident dans ce tems ; rôle de relevée, est celui des causes qui se plaident le mardi après midi ; rôle de la tournelle, est celui des causes de la grande audience de la tournelle. Voyez l'article PARLEMENT.

ROLE DES TAILLES, est l'état de répartition de la taille sur les contribuables de chaque paroisse. Voyez TAILLES. (A)

ROLE, le grand (Sucrerie) autrement nommé le grand tambour ; c'est celui des trois tambours qui est au milieu du moulin à sucre, & qui est traversé de l'arbre du moulin. Savary. (D.J.)

ROLE de tabac, (Manufacture de tabac.) Voyez ROULEAU de tabac.


ROLINS. m. (terme de relation) nom que les habitans du Pegu donnent au chef de leur religion, à leur souverain pontife. (D.J.)


ROLLE(Géog. mod.) bourg de Suisse dans le pays Romand, à trois lieues de Morges, au bord du lac de Geneve, dans l'endroit où ce lac s'avance dans les terres, & fait un enfoncement considérable, ensorte que c'est le lieu de sa plus grande largeur. Je parle de ce bourg, parce qu'il est au-dessus de la plûpart des petites villes de France, qu'il est très-beau par sa position, & décoré de plusieurs jolies maisons. Sa situation est au pié d'un côteau riant, qui fait un très-bon vignoble. La baronie du lieu est une des belles terres seigneuriales du canton. (D.J.)


ROLLIERROLLER, GEAY DE STRASBOURG, garrulus argentoratensib. Aldrovandi, Wil. oiseau qui est à-peu-près de la grosseur du geay ; il a un pié & six lignes de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & seulement neuf pouces & demi jusqu'au bout des doigts. La longueur du bec est d'un pouce cinq lignes depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche, & la queue a quatre pouces sept lignes ; l'envergure est de deux piés ; les aîles étant pliées s'étendent jusqu'aux deux tiers de la longueur de la queue : la tête & la face inférieure du cou sont d'un bleu couleur d'aigue marine qui change à différens aspects en un verd obscur ; les plumes du dos & celles des épaules ont une couleur fauve clair ; celles du croupion & du dessous de la queue, sont d'un verd mêlé de bleu violet. Toute la face inférieure du cou est d'un bleu pareil à celui de la face supérieure, & elle a de petites lignes plus claires & plus brillantes qui s'étendent le long du tuyau de chaque plume. La poitrine, le ventre, les côtés du corps, les jambes, les plumes de la face inférieure des aîles, & celles du dessous de la queue, sont d'un bleu couleur d'aigue marine claire. Il y a vingt-trois grandes plumes dans chaque aîle ; la seconde est la plus longue de toutes : les trois premieres ont le côté extérieur de la face inférieure noir, & le côté intérieur est d'un bleu violet ; en-dessus elles sont noires & ont une teinte de verd très-obscur ; la quatrieme & celles qui suivent jusqu'à la dixneuvieme inclusivement, sont à leur origine d'un bleu couleur d'aigue marine clair ; le reste de chaque plume est noir en-dessus, & d'un bleu violet en-dessous, du côté intérieur seulement, car le côté extérieur est noir ; la vingtieme des grandes plumes des aîles a une couleur grise brune mêlée de fauve clair & d'un peu de verd ; enfin les trois dernieres sont d'un fauve clair du côté extérieur, & d'un gris brun mêlé d'un peu de verd du côté intérieur. La queue est composée de douze plumes ; les deux du milieu ont en-dessus une couleur grise brune mêlée d'une légere teinte de verd, & elles sont en-dessous d'un verd d'aigue marine ; les quatre qui suivent de chaque côté ont endessous la même couleur que les précédentes ; la face supérieure & l'extrêmité tant en-dessus qu'en-dessous, sont d'un bleu couleur d'aigue marine clair ; la plus grande partie des barbes intérieures est d'un gris brun en-dessus, & d'un bleu violet en-dessous ; la plume extérieure a l'extrêmité noire en-dessus, & d'un bleu violet en-dessous. Le bec est noirâtre, excepté à la base, où il y a une couleur jaunâtre ; les narines sont longues & étroites, & dirigées obliquement. Les piés ont une couleur jaunâtre. Le rollier est un oiseau de passage ; il vient de tems en tems aux environs de Strasbourg ; il passe à Malthe & quelquefois en France ; il se nourrit d'insectes, & principalement de scarabés. Ornithol. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.

ROLLIER D'ANGOLA, galgulus angolensis, oiseau qui est à-peu-près de la grosseur du geay ; il a un pié trois pouces & demi de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & seulement neuf pouces trois lignes jusqu'au bout des ongles ; la longueur du bec est d'un pouce sept lignes depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche ; la plume extérieure de chaque côté de la queue a huit pouces trois lignes de longueur, & les autres n'ont que quatre pouces ; l'envergure est de dix pouces ; les aîles étant pliées, s'étendent à un peu plus de trois pouces au-delà de l'origine de la queue ; le dessus de la tête & la face supérieure du cou sont verts ; la partie antérieure du dos & les grandes plumes des épaules, ont une couleur fauve mêlée de verd, qui paroît d'un verd d'olive à différens aspects. La partie postérieure du dos, le croupion & les petites plumes des aîles, sont d'un très-beau bleu ; la gorge, la face inférieure du cou, & la poitrine, ont une couleur violette ; chaque plume de la gorge & de la face inférieure du cou, a une ligne blanche qui s'étend selon la longueur du tuyau ; le ventre, les côtés du corps, les jambes, les plumes du dessous de la queue, & celles de la face inférieure des aîles, sont d'un bleu couleur d'aigue marine ; les grandes plumes des aîles ont la même couleur depuis leur origine jusque vers la moitié de leur longueur ; le reste est en-dessus d'un bleu très-foncé du côté extérieur du tuyau, & noir du côté intérieur ; en-dessous, au contraire, les barbes extérieures sont noires & les intérieures bleues. Le tuyau de toutes ces plumes est noir dans toute sa longueur. Il y a dans la queue douze plumes, qui ont toutes le tuyau noir ; les deux du milieu sont d'un verd obscur ; les autres ont une couleur bleue d'aigue marine, excepté à la pointe, qui est d'un bleu foncé. La plume extérieure de chaque côté, a la partie qui excede la longueur des autres, de couleur noire. Le bec & les ongles sont noirâtres, & les piés ont une couleur grise. On trouve cet oiseau dans le royaume d'Angola. Ornit. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.

ROLLIER DES ANTILLES, pica caudata. Wil. Oiseau qui est à-peu-près de la grosseur de notre pie : il a la tête bleue ; le cou est de la même couleur, & entouré par une sorte de collier formé de plumes blanches. Il y a sur le sommet de la tête une tache blanche longue de trois pouces, large d'un pouce, & traversée par de petites lignes noires ; cette tache s'étend depuis la racine du bec jusque sur le dos, en passant entre les yeux. Le dos & les grandes plumes des épaules sont jaunes ; la poitrine, le ventre, les côtés du corps, les jambes & les plumes du dessous de la queue ont une couleur blanche. Celle des plumes de la face inférieure des aîles est d'un gris tirant sur le bleu ; les petites plumes des aîles sont de couleur de marron, & ont des petites lignes noires longitudinales & assez larges ; les moyennes ont une couleur verte qui est plus foncée sur les bords qu'au milieu ; les grandes sont bleues, à l'exception des bords & du tuyau dont la couleur est blanchâtre. Les plumes de la queue sont bleues & traversées de lignes blanches ; les deux plumes du milieu ont huit ou dix pouces de longueur de plus que les autres, dont la longueur diminue successivement jusqu'à la derniere qui est la plus courte. Le bec & les piés sont rouges. La femelle ne differe du mâle qu'en ce que la tache blanche qu'elle a sur le sommet de la tête, n'est pas traversée de lignes noires, & que les moyennes plumes de ses aîles sont vertes, au lieu d'être bleues comme dans le mâle. On trouve cet oiseau aux îles Antilles ; il est trés-fréquent sur les bords des rivieres de la Guadaloupe. Ornit. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.

ROLLIER DE LA CHINE, galgulus sinensis, oiseau qui est à-peu-près de la grosseur du geai ; il a onze pouces & demi de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & dix pouces six lignes jusqu'au bout des ongles ; le bec a un pouce & demi de longueur depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche ; l'envergure est d'un pié trois pouces : les aîles étant pliées s'étendent un peu au-delà du tiers de la longueur de la queue. La tête, la face supérieure du cou, le dos, le croupion & les plumes du dessus de la queue sont vertes ; il y a de chaque côté de la tête une large bande noire qui s'étend depuis le bec jusqu'à l'occiput en passant sur les yeux. La gorge, la face inférieure du cou, la poitrine, le ventre, les côtés du corps & les plumes du dessous de la queue sont d'un blanc jaunâtre mêlé d'une teinte de verd ; les jambes ont une couleur grise, les plumes de la face inférieure des aîles sont d'un gris brun ; il y a dans chaque aîle dix - huit grandes plumes ; la premiere est très-courte, & la cinquieme est la plus longue de toutes ; les cinq extérieures sont d'un brun tirant sur l'olivâtre ; les trois plumes qui suivent, ont la même couleur ; mais elle est mêlée d'un peu de couleur de marron sur les barbes extérieures le long du tuyau de chaque plume ; la neuvieme & la dixieme sont de couleur de marron du côté extérieur du tuyau, & d'un brun mêlé de couleur de marron du côté intérieur ; la onzieme & la douzieme ont une couleur brune tirant sur l'olivâtre, & mêlée d'un peu de couleur de marron ; la couleur des autres plumes est d'un brun tirant sur l'olivâtre, sans mêlange d'autres couleurs ; les trois dernieres plumes ont l'extrêmité d'un blanc mêlé d'une légere teinte de verd. La queue est composée de douze plumes ; les deux du milieu ont la même couleur que le dos ; les autres sont vertes depuis leur origine jusqu'aux deux tiers de leur longueur du côté extérieur du tuyau, & d'un gris blanc tirant sur le verd, du côté intérieur ; le reste de la plume a une couleur noirâtre, à l'exception de l'extrêmité qui est d'un gris blanc tirant sur le verd ; il y a d'autant plus de noirâtre, & d'autant moins de gris blanc, que la plume est plus extérieure ; les deux plumes du milieu sont les plus longues ; les autres diminuent successivement de longueur jusqu'à la premiere qui est la plus courte. L'iris des yeux & le bec sont rouges ; les piés & les ongles ont une couleur rouge plus pâle. On trouve cet oiseau à la Chine. Ornit. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.

ROLLIER DE LA NOUVELLE ESPAGNE, cornix corvina. Klein. Oiseau qui est à-peu-près de la grandeur & de la grosseur de la corneille ordinaire. Le corps est en entier d'un roux cendré, à l'exception de quelques plumes qui sont d'une couleur plus claire. Le plus grand nombre des petites plumes des aîles est d'un verd foncé ; il y en a quelques-unes qui ont une teinte de roux clair ; les grandes plumes des aîles & celles de la queue sont d'un très-beau verd foncé. Le bec est de couleur cendrée jaunâtre. On trouve cet oiseau à la nouvelle Espagne. Selon Seba, il donne la chasse aux lievres, aux lapins, &c. Ornit. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.

ROLLIER DES INDES, galgulus indicus, oiseau qui est à-peu-près de la grosseur du geai ; il a dix pouces & demi de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & huit pouces neuf lignes jusqu'au bout des ongles ; le bec a un pouce cinq lignes de longueur depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche ; l'envergure est d'un pié dix pouces : les aîles étant pliées s'étendent presque jusqu'au bout de la queue. La tête & la face supérieure du cou sont brunes ; le dos, le croupion, les grandes plumes des épaules, les petites des aîles & celles du dessus de la queue ont une couleur verte mêlée de brun. La gorge est d'un beau bleu, & il y a sur le milieu de chaque plume une petite ligne d'un bleu plus clair, qui s'étend le long du tuyau. La face inférieure du cou, la poitrine, le ventre, les côtés du corps, les jambes, les plumes du dessous de la queue, & celles de la face inférieure des aîles sont d'un verd tirant sur la couleur de l'aigue marine. Les grandes plumes de l'aîle, excepté les trois intérieures, c'est-à-dire, celles qui se trouvent près du corps, ont en-dessus les barbes intérieures & l'extrêmité noires, & les barbes extérieures d'un bleu très-foncé ; la face inférieure de ces mêmes plumes est au contraire noire du côté extérieur du tuyau & à l'extrêmité, & d'un bleu foncé du côté intérieur ; les six premieres ont vers le milieu de leur longueur une large bande transversale d'un bleu couleur d'aigue-marine, qui s'étend sur toute la largeur de la plume, excepté la premiere, dont la bande transversale ne se trouve que sur les barbes intérieures. La queue est composée de douze plumes d'égale longueur ; les deux du milieu sont vertes à leur origine, & ont l'extrêmité noire. Les autres sont aussi vertes à leur origine, & ont de même l'extrêmité noire ; mais il se trouve du bleu foncé intermédiaire entre ces deux couleurs. Le bec & les piés sont jaunâtres, & les ongles ont une couleur noirâtre. On trouve cet oiseau aux grandes Indes. Ornit. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.

ROLLIER DU MEXIQUE, pica, merula mexicana, Klein. Oiseau beaucoup plus grand & plus gros que la grosse espece de grive appellée drenne. Toute la face supérieure de son corps est d'un gris obscur tirant sur le roux ; la face inférieure & les aîles sont d'un gris clair varié de couleur de feu. On trouve cet oiseau au Mexique. Ornit. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.

ROLLIER HUPE DU MEXIQUE, corvus cristatus, Klein. Oiseau qui est à-peu-près de la grosseur de notre corneille : il a le corps varié de verd, de bleu & d'une belle couleur d'or brillante, à l'exception des côtés qui sont noirâtres. Les aîles ont une belle couleur de pourpre claire ; l'extrêmité des grandes plumes & de celles de la queue sont noirâtres. Cet oiseau a sur la tête une grande & belle hupe ; les plumes des jambes sont longues ; le bec est court, épais & rougeâtre ; les paupieres sont d'un rouge couleur de sang & entourées de petites excroissances charnues ; les piés sont très-courts & épais. On trouve cet oiseau au Mexique. Ornit. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.

ROLLIER JAUNE DU MEXIQUE, cornix flava, alis caudâque cinereis, Klein. Oiseau dont la grosseur surpasse un peu celle du pigeon commun. Il est d'un jaune clair, à l'exception des aîles & des deux plumes du milieu de la queue qui sont d'un gris foncé. Le bec est court, épais, & d'une couleur cendrée jaunâtre ; les yeux sont grands & l'iris est rouge ; les piés ont une couleur grise claire. Les oiseaux de cette espece se plaisent beaucoup sur les saules ; ils s'y assemblent par troupes, & ils y font leur nid. On les trouve au Mexique. Ornit. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.

ROLLIER DE MINDANAO, galgulus mindanoensis, oiseau qui est à-peu-près de la grosseur du geai ; il a un pié six lignes de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & seulement dix pouces 3 lignes jusqu'au bout des ongles ; la longueur du bec est d'un pouce 7 lignes, & la queue 4 pouces & demi ; l'envergure est d'un pié huit pouces ; les aîles étant pliées s'étendent au-delà des trois quarts de la longueur de la queue. Le dessus de la tête est verd ; la face supérieure du cou a une couleur fauve tirant sur le violet ; la partie antérieure du dos & les grandes plumes des épaules ont une couleur fauve mêlée de verd ; les plumes de la partie postérieure du dos & celles du croupion sont variées de bleu & de verd. La gorge est d'un blanc roussâtre ; les plumes des joues & de la face inférieure du cou sont violettes, & ont chacune dans leur milieu une bande longitudinale d'un blanc mêlé d'une teinte de violet qui s'étend le long du tuyau. La poitrine est d'un roux tirant sur le violet ; le ventre, les côtés du corps, les jambes, les plumes du dessous de la queue, & celles de la face inférieure de l'aîle sont d'un bleu d'aigue-marine ; les plumes du dessus de la queue, & les petites des aîles ont une très-belle couleur bleue foncée ; les plumes extérieures du premier rang sont d'un bleu couleur d'aigue-marine ; les plus proches du corps ont une couleur verte, & celles du milieu sont variées de bleu & de verd ; les grandes plumes des aîles ont du bleu foncé à leur origine, & le reste de leur longueur est d'un bleu couleur d'aigue-marine plus ou moins foncé ; les plus voisines du corps sont de la même couleur que les grandes plumes des épaules. La queue est composée de douze plumes ; les deux du milieu sont d'un verd obscur, & elles ont un peu de bleu tout du long du tuyau ; les autres sont d'un bleu foncé depuis leur origine jusque vers le milieu de leur longueur, & le reste de chaque plume est d'un bleu couleur d'aigue-marine, à l'exception de l'extrêmité qui a une couleur bleue foncée. Le bec & les ongles sont noirâtres, & les piés ont une couleur grise. On trouve cet oiseau à Bengale & dans l'île de Mindanao. Ornit. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.


ROMou ROEM, île de Danemarck, au duché de Sleswick, sur la côte occidentale du Sud-Jutland. Elle est entre les îles de Manoë & de Sylt ; elle a deux lieues de long, sur une de large, & contient environ 1500 habitans. Il y a dans cette île deux ports où peuvent aborder les petits vaisseaux : en 1248, toute une paroisse qui étoit sur la côte occidentale de l'île, fut submergée par la mer, avec ses villages, & maisons séparées. (D.J.)


ROMAGNEou ROMANDIOLE, (Géog. mod.) province d'Italie, dans l'état de l'Eglise, bornée au nord par le Ferrarois, au midi par la Toscane, & le duché d'Urbin, au levant par le golfe de Venise, & au couchant par le Boulonnois. C'est un pays fertile en blé, vin, huile, & fruits ; il y a beaucoup de gibier, des eaux minérales, des salines abondantes ; l'air y est salubre ; la mer & les rivieres qui sont navigables, donnent aux habitans de cette contrée du poisson, & l'avantage de pouvoir commercer.

Les principales villes de cette province sont, Ravenne, qui en est la capitale, Rimini, Sarsina, Cesene, Forli, Faenza, Castel-Bolognèse, Immola.

Les bornes de la Romagne ont beaucoup varié, aussi-bien que le nom : cette province fut anciennement appellée Felsina, du nom de la ville Felsine, aujourd'hui Bologne. Tout le pays que comprend présentement la Romagne, ne porta pas néanmoins le nom de Felsina ; on le donna seulement à cette partie, qui se trouve entre Bologne & le Rubicon. Ensuite on l'appella Flaminie, du nom de la voie flaminienne, que le consul C. Flaminius y fit faire ; & par ce nom de Flaminie, on comprend tout le pays qui se trouve entre les fleuves Rimini & Foglia. Enfin, le nom de Romandiole ou de Romagne, lui fut donné par le pape, à cause de la fidélité qu'elle garda toujours aux souverains pontifes.

Ses bornes, selon Léander, sont à l'orient la Marche d'Ancone, le long du Foglia ; au midi l'Apennin qui la sépare de la Toscane ; à l'occident la Lombardie, le long du Panaro ; & au nord les marais de Vérone & du Pô, jusqu'au Fornaci, & même une partie du golfe de Venise.

Une partie de la Romagne fut encore anciennement appellée Gaule, & surnommée Togata ; car Pline, les origines de Caton, & Sempronius, étendent cette Gaule depuis Ancone & Rimini, jusqu'au fleuve Rubicon. Enfin, les Gaulois Boïens habiterent encore ce pays, savoir entre le Pisatello & la Leuza, l'Apennin & le Pô. La puissance de ces peuples parvint à un tel point, qu'ils posséderent nonseulement le pays qui leur avoit été cédé, mais tout celui que nous comprenons aujourd'hui sous le nom de Romagne ou de Romandiole.

La Romagne florentine est comprise entre l'Apennin & la Romagne propre dont elle fait partie ; on y remarque la ville appellée Citta del Fole, & celle de Fiorenzuola. (D.J.)


ROMAIN EMPIRE(Gouvernement des Romains) la république romaine avoit englouti toutes les autres républiques, & avoit anéanti tous les rois qui restoient encore, quand elle s'affaissa sous le poids de sa grandeur & de sa puissance. Les Romains en détruisant tous les peuples, se détruisoient eux-mêmes ; sans cesse dans l'action, l'effort, & la violence, ils s'userent comme s'use une arme dont on se sert toujours. Enfin, les discordes civiles, les triumvirats, les proscriptions, contribuerent à affoiblir Rome, plus encore que toutes ses guerres précédentes.

Les réglemens qu'ils firent pour remédier à de tels maux, eurent leur effet pendant que la république, dans la force de son institution, n'eut à réparer que les pertes qu'elle faisoit par son courage, par son audace, par sa fermeté, & par son amour pour la gloire. Mais dans la suite, toutes les lois ne purent rétablir ce qu'une république mourante, ce qu'une anarchie générale, ce qu'un gouvernement militaire, ce qu'un empire dur, ce qu'un despotisme superbe, ce qu'une monarchie foible, ce qu'une cour stupide, idiote, & superstitieuse, abattirent successivement. On eût dit qu'ils n'avoient conquis le monde que pour l'affoiblir, & le livrer sans défense aux Barbares : les nations Gothes, Gothiques, Sarrazines, & Tartares, les accablerent tour-à-tour. Bien-tôt les peuples barbares n'eurent à détruire que des peuples barbares ; ainsi dans le tems des fables, après les inondations & les déluges, il sortit de la terre des hommes armés qui s'exterminerent les uns les autres. Parcourons, d'après M. de Montesquieu, tous ces événemens d'un oeil rapide ; l'ame s'éleve, l'esprit s'étend, en s'accoutumant à considérer les grands objets.

Il étoit tellement impossible que la république pût se relever après la tyrannie de César, qu'il arriva à sa mort ce qu'on n'avoit point encore vu, qu'il n'y eut plus de tyrans, & qu'il n'y eût pas de liberté ; car les causes qui l'avoient détruite, subsistoient toujours.

Sextus Pompée tenoit la Sicile & la Sardaigne ; il étoit maître de la mer, & il avoit avec lui une infinité de fugitifs & de proscrits, qui combattoient pour leurs dernieres espérances. Octave lui fit deux guerres très-laborieuses ; & après bien des mauvais succès, il le vainquit par l'habileté d'Agrippa. Il gagna les soldats de Lépidus, & le dépouillant de la puissance du triumvirat, il lui envia même la consolation de mener une vie obscure, & le força de se trouver comme homme privé dans les assemblées du peuple. Ensuite la bataille d'Actium se donna, & Cléopatre en fuyant, entraîna Antoine avec elle. Tant de capitaines & tant de rois, qu'Antoine avoit faits ou aggrandis, lui manquerent ; & comme si la générosité avoit été liée à l'esclavage, une simple troupe de gladiateurs lui conserva une fidélité héroïque.

Auguste, c'est le nom que la flatterie donna à Octave, établit l'ordre, c'est-à-dire une servitude durable : car dans un état libre où l'on vient d'usurper la souveraineté, on appelle regle, tout ce qui peut fonder l'autorité sans bornes d'un seul ; & on nomme trouble, dissension, mauvais gouvernement, tout ce qui peut maintenir l'honnête liberté des sujets.

Tous les gens qui avoient eu des projets ambitieux, avoient travaillé à mettre une espece d'anarchie dans la république. Pompée, Crassus, & César y réussirent à merveille ; ils établirent une impunité de tous les crimes publics ; tout ce qui pouvoit arrêter la corruption des moeurs, tout ce qui pouvoit faire une bonne police, ils l'abolirent ; & comme les bons législateurs cherchent à rendre leurs concitoyens meilleurs, ceux-ci travailloient à les rendre pires : ils introduisirent la coutume de corrompre le peuple à prix d'argent ; & quand on étoit accusé de brigues, on corrompoit aussi les juges : ils firent troubler les élections par toutes sortes de violences ; & quand on étoit mis en justice, on intimidoit encore les juges : l'autorité même du peuple étoit anéantie ; témoin Gabinius, qui après avoir rétabli, malgré le peuple, Ptolomée à main armée, vint froidement demander le triomphe.

Ces derniers hommes de la république cherchoient à dégoûter le peuple de son devoir, & à devenir nécessaires, en rendant extrêmes les inconvéniens du gouvernement républicain ; mais lorsqu'Auguste fut une fois le maître, la politique le fit travailler à rétablir l'ordre, pour faire sentir le bonheur du gouvernement d'un seul.

Au lieu que César disoit insolemment que la république n'étoit rien, & que les paroles de lui César, étoient des lois ; Auguste ne parla que de la dignité du sénat, & de son respect pour la république. Il songea donc à établir le gouvernement le plus capable de plaire qui fût possible, sans choquer ses intérêts, & il en fit un aristocratique par rapport au civil, & monarchique par rapport au militaire : gouvernement ambigu, qui n'étant pas soutenu par ses propres forces, ne pouvoit subsister que tandis qu'il plairoit au monarque, & étoit entierement monarchique par conséquent. En un mot, toutes les actions d'Auguste, tous ses réglemens tendoient à l'établissement de la monarchie. Sylla se défit de la dictature : mais dans toute la vie de Sylla au milieu de ses violences, on vit un esprit républicain ; tous ses réglemens, quoique tyranniquement exécutés, tendoient toujours à une certaine forme de république. Sylla homme emporté, menoit violemment les Romains à la liberté : Auguste rusé tyran, les conduisit doucement à la servitude. Pendant que sous Sylla, la république reprenoit des forces, tout le monde crioit à la tyrannie ; & pendant que sous Auguste la tyrannie se fortifioit, on ne parloit que de liberté.

La coutume des triomphes qui avoit tant contribué à la grandeur de Rome, se perdit sous ce prince ; ou plutôt cet honneur devint un privilége de la souveraineté. Dans le tems de la république, celui-là seul avoit droit de demander le triomphe sous les auspices duquel la guerre s'étoit faite ; or elle se faisoit toujours sous les auspices du chef, & par conséquent de l'empereur, qui étoit le chef de toutes les armées.

Sous prétexte de quelques tumultes arrivés dans les élections, Auguste mit dans la ville un gouverneur & une garnison ; il rendit les corps des légions éternels, les plaça sur les frontieres, & établit des fonds particuliers pour les payer. Enfin, il ordonna que les vétérans recevroient leur récompense en argent, & non pas en terres.

Dion remarque très-bien, que depuis lors, il fut plus difficile d'écrire l'histoire : tout devint secret : toutes les dépêches des provinces furent portées dans le cabinet des empereurs ; on ne sut plus que ce que la folie & la hardiesse des tyrans ne voulut point cacher, ou ce que les historiens conjecturerent.

Comme on voit un fleuve miner lentement & sans bruit les digues qu'on lui oppose, & enfin les renverser dans un moment, & couvrir les campagnes qu'elles conservoient ; ainsi la puissance souveraine, sous Auguste, agit insensiblement, & renversa sous Tibere avec violence.

A peine ce prince fut monté sur le trône, qu'il appliqua la loi de majesté, non pas aux cas pour lesquels elle avoit été faite, mais à tout ce qui put servir sa haine, ou ses défiances. Ce n'étoient pas seulement les actions qui tomboient dans le cas de cette loi ; mais des paroles, des signes, & des pensées mêmes : car ce qui se dit dans ces épanchemens de coeur que la conversation produit entre deux amis, ne peut être regardé que comme des pensées. Il n'y eut donc plus de liberté dans les festins, de confiance dans les parentés, de fidélité dans les esclaves ; la dissimulation & la tristesse du prince se communiquant par-tout, l'amitié fut regardée comme un écueil, l'ingénuité comme une imprudence, & la vertu comme une affectation qui pouvoit rappeller dans l'esprit des peuples le bonheur des tems précédens.

Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle qu'on exerce à l'ombre des loix, & avec les couleurs de la justice ; lorsqu'on va, pour ainsi dire, noyer des malheureux sur la planche même sur laquelle ils s'étoient sauvés. Et comme il n'est jamais arrivé qu'un tyran ait manqué d'instrumens de sa tyrannie, Tibere trouva toujours des juges prêts à condamner autant de gens qu'il en put soupçonner.

Du tems de la république, le sénat qui ne jugeoit point en corps les affaires des particuliers, connoissoit par une délégation du peuple, des crimes qu'on imputoit aux alliés. Tibere lui renvoya de même le jugement de tout ce qui s'appelloit crime de lése-majesté contre lui. Ce corps tomba dans un état de bassesse qui ne peut s'exprimer ; les sénateurs alloient au-devant de la servitude, sous la faveur de Séjan ; les plus illustres d'entr'eux faisoient le métier de délateurs.

Avant que Rome fût gouvernée par un seul, les richesses des principaux Romains étoient immenses, quelles que fussent les voies qu'ils employoient pour les acquérir : elles furent presque toutes ôtées sous les empereurs ; les sénateurs n'avoient plus ces grands cliens qui les combloient de biens ; on ne pouvoit guere rien prendre dans les provinces que pour César, sur-tout lorsque ses procurateurs, qui étoient à-peu-près comme sont aujourd'hui nos intendans, y furent établis. Cependant, quoique la source des richesses fût coupée, les dépenses subsistoient toujours ; le train de vie étoit pris, & on ne pouvoit plus le soutenir que par la faveur de l'empereur.

Auguste avoit ôté au peuple la puissance de faire des lois, & celle de juger les crimes publics ; mais il lui avoit laissé, ou du-moins avoit paru lui laisser, celle d'élire les magistrats. Tibere, qui craignoit les assemblées d'un peuple si nombreux, lui ôta encore ce privilége, & le donna au sénat, c'est-à-dire à lui-même : or on ne sauroit croire combien cette décadence du pouvoir du peuple avilit l'ame des grands. Lorsque le peuple disposoit des dignités, les magistrats qui les briguoient, faisoient bien des bassesses ; mais elles étoient jointes à une certaine magnificence qui les cachoit, soit qu'ils donnassent des jeux, ou de certains repas au peuple, soit qu'ils lui distribuassent de l'argent ou des grains. Quoique le motif fût bas, le moyen avoit quelque chose de noble, parce qu'il convient toujours à un grand homme d'obtenir par des libéralités, la faveur du peuple. Mais, lorsque le peuple n'eût plus rien à donner, & que le prince, au nom du sénat, disposa de tous les emplois, on les demanda, & on les obtint par des voies indignes ; la flatterie, l'infamie, les crimes, furent des arts nécessaires pour y parvenir.

Caligula succéda à Tibere. On disoit de lui qu'il n'y avoit jamais eu un meilleur esclave, ni un plus méchant maître ; ces deux choses sont assez liées, car la même disposition d'esprit, qui fait qu'on a été vivement frappé de la puissance illimitée de celui qui commande, fait qu'on ne l'est pas moins lorsqu'on vient à commander soi-même.

Ce monstre faisoit mourir militairement tous ceux qui lui déplaisoient, ou dont les biens tentoient son avarice ; plusieurs de ses successeurs l'imiterent : nous ne trouvons rien de semblable dans nos histoires modernes. Attribuons-en la cause à des moeurs plus douces, & à une religion plus réprimante ; de plus on n'a point à dépouiller les familles de ces sénateurs qui avoient ravagé le monde. Nous tirons cet avantage de la médiocrité de nos fortunes, qu'elles sont plus sûres ; nous ne valons pas la peine qu'on nous ravisse nos biens.

Le petit peuple de Rome, ce que l'on appelloit plebs, ne haïssoit pas cependant les plus mauvais empereurs. Depuis qu'il avoit perdu l'empire & qu'il n'étoit plus occupé à la guerre, il étoit devenu le plus vil de tous les peuples ; il regardoit le commerce & les arts comme des choses propres aux seuls esclaves, & les distributions de blé qu'il recevoit lui faisoient négliger les terres ; on l'avoit accoutumé aux jeux & aux spectacles. Quand il n'eut plus de tribuns à écouter, ni de magistrats à élire, ces choses vaines lui devinrent nécessaires, & son oisiveté lui en augmenta le goût. Or, Caligula, Néron, Commode, Caracalla étoient regrettés du peuple, à cause de leur folie même ; car ils aimoient avec fureur ce que le peuple aimoit, & contribuoient de tout leur pouvoir & même de leur personne à ses plaisirs ; ils prodiguoient pour lui toutes les richesses de l'empire ; & quand elles étoient épuisées, le peuple voyant sans peine dépouiller toutes les grandes familles, il jouissoit des fruits de la tyrannie, & il en jouissoit purement ; car il trouvoit sa sûreté dans sa bassesse. De tels gens haïssoient naturellement les gens de bien ; ils savoient qu'ils n'en étoient pas approuvés : indignés de la contradiction ou du silence d'un citoyen austere, enivrés des applaudissemens de la populace, ils parvenoient à s'imaginer que leur gouvernement faisoit la félicité publique, & qu'il n'y avoit que des gens mal intentionnés qui pussent le censurer.

Caligula étoit un vrai sophiste dans sa cruauté : comme il descendoit également d'Antoine & d'Auguste, il disoit qu'il puniroit les consuls s'ils célébroient le jour de réjouissance établi en mémoire de la victoire d'Actium, & qu'il les puniroit s'ils ne le célébroient pas ; & Drusille, à qui il accorda les honneurs divins, étant morte, c'étoit un crime de la pleurer, parce qu'elle étoit déesse, & de ne la pas pleurer, parce qu'elle étoit sa soeur.

C'est ici qu'il faut se donner le spectacle des choses humaines. Qu'on voie dans l'histoire de Rome tant de guerres entreprises, tant de sang répandu, tant de peuples détruits, tant de grandes actions, tant de triomphes, tant de politique, de sagesse, de prudence, de constance, de courage ; ce projet d'envahir tout, si bien formé, si bien soutenu, si bien fini, à quoi aboutit-il, qu'à assouvir le bonheur de cinq ou six monstres ? Quoi ! ce sénat n'avoit fait évanouir tant de rois que pour tomber lui - même dans le plus bas esclavage de quelques-uns de ses plus indignes citoyens, & s'exterminer par ses propres arrêts ? On n'éleve donc sa puissance que pour la voir mieux renversée ? Les hommes ne travaillent à augmenter leur pouvoir que pour le voir tomber contre eux-mêmes dans de plus heureuses mains.

Caligula ayant été tué, le sénat s'assembla pour établir une forme de gouvernement. Dans le tems qu'il délibéroit, quelques soldats entrerent dans le palais pour piller, ils trouverent dans un lieu obscur un homme tremblant de peur ; c'étoit Claude : ils le saluerent empereur. Cet empereur acheva de perdre les anciens ordres, en donnant à ses officiers le droit de rendre la justice. Les guerres de Marius & de Sylla ne se faisoient que pour savoir qui auroit ce droit, des sénateurs ou des chevaliers. Une fantaisie d'un imbécille l'ôta aux uns & aux autres ; étrange succès d'une dispute qui avoit mis en combustion tout l'univers !

Les soldats avoient été attachés à la famille de César, qui étoit garante de tous les avantages que leur avoit procuré la révolution. Le tems vint que les grandes familles de Rome furent toutes exterminées par celle de César, & que celle de César, dans la personne de Néron, périt elle-même. La puissance civile qu'on avoit sans cesse abattue, se trouva hors d'état de contre-balancer la militaire ; chaque armée voulut nommer un empereur.

Galba, Othon, Vitellius ne firent que passer, Vespasien fut élu, comme eux, par les soldats : il ne songea, dans tout le cours de son regne, qu'à rétablir l'empire, qui avoit été successivement occupé par six tyrans également cruels, presque tous furieux, souvent imbécilles, & pour comble de malheur, prodigues jusqu'à la folie.

Tite, qui vint à succéder à Vespasien, fut les délices du peuple. Domitien fit voir un nouveau monstre, plus cruel, ou du-moins plus implacable que ceux qui l'avoient précédé, parce qu'il étoit plus timide. Ses affranchis les plus chers, &, à ce que quelques-uns ont dit, sa femme même, voyant qu'il étoit aussi dangereux dans ses amitiés que dans ses haines, & qu'il ne mettoit aucunes bornes à ses méfiances, ni à ses accusations, s'en défirent. Avant de faire le coup, ils jetterent les yeux sur un successeur, & choisirent Nerva, vénérable vieillard.

Nerva adopta Trajan, prince le plus accompli dont l'histoire ait jamais parlé. Adrien, son successeur, abandonna ses conquêtes & borna l'empire à l'Euphrate.

Dans ces tems-là, la secte des stoïciens s'étendoit & s'accréditoit de plus en plus. Il sembloit que la nature humaine eût fait un effort pour produire d'elle-même cette secte admirable, qui étoit comme ces plantes que la terre fait naître dans des lieux que le ciel n'a jamais vus.

Les Romains lui durent leurs meilleurs empereurs. Rien n'est capable de faire oublier le premier Antonin que Marc-Aurele qu'il adopta. On sent en soi-même un plaisir secret, lorsqu'on parle de cet empereur ; on ne peut lire sa vie sans une espece d'attendrissement : tel est l'effet qu'elle produit, qu'on a meilleure opinion de soi-même, parce qu'on a meilleure opinion des hommes. La sagesse de Nerva, la gloire de Trajan, la valeur d'Adrien, la vertu des deux Antonins se firent respecter des soldats. Mais lorsque de nouveaux monstres prirent leur place, l'abus du gouvernement militaire parut dans tout son excès ; & les soldats qui avoient vendu l'empire, assassinerent les empereurs pour en avoir un nouveau prix.

Commode succéda à Marc-Aurele son pere. C'étoit un monstre qui suivoit toutes ses passions, & toutes celles de ses ministres & de ses courtisans. Ceux qui en délivrerent le monde, nommerent en sa place Pertinax, vénérable vieillard, que les soldats prétoriens massacrerent d'abord.

Ils mirent l'empire à l'enchere, & Didius Julien l'emportant par ses promesses, souleva tous les Romains ; car quoique l'empire eût été souvent acheté, il n'avoit pas encore été marchandé. Pescennius Niger, Sévere & Albin furent salués empereurs, & Julien n'ayant pu payer les sommes immenses qu'il avoit promises fut abandonné par ses troupes.

Sévere avoit de grandes qualités, mais il avoit encore de plus grands défauts ; quoique jaloux de son autorité autant que l'avoit été Tibere, il se laissa gouverner par Plautien d'une maniere misérable. Enfin il étoit cruel & barbare ; il employa les exactions d'un long regne, & les proscriptions de ceux qui avoient suivi le parti de ses concurrens, à amasser des trésors immenses. Mais les trésors amassés par des princes n'ont presque jamais que des effets funestes : ils corrompent le successeur qui en est ébloui ; & s'ils ne gâtent pas son coeur, ils gâtent son esprit. Ils forment d'abord de grandes entreprises avec une puissance qui est d'accident, qui ne peut pas durer, qui n'est pas naturelle, & qui est plutôt enflée qu'aggrandie. Les proscriptions de cet empereur furent cause que plusieurs soldats de Niger se retirerent chez les Parthes. Ils leur apprirent ce qui manquoit à leur art militaire, à se servir des armes romaines, & même à en fabriquer, ce qui fit que ces peuples qui s'étoient ordinairement contentés de se défendre, furent dans la suite presque toujours agresseurs.

Il est remarquable que dans cette suite de guerres civiles qui s'éleverent continuellement, ceux qui avoient les légions d'Europe vainquirent presque toujours ceux qui avoient les légions d'Asie ; & l'on trouve dans l'histoire de Sévere qu'il ne put prendre la ville d'Atra en Arabie, parce que les légions d'Europe s'étant mutinées, il fut obligé d'employer celles de Syrie. On sentit cette différence depuis qu'on commença à faire des levées dans les provinces ; & elle fut telle entre les légions qu'elles étoient entre les peuples mêmes qui, par la nature & par l'éducation, sont plus ou moins propres pour la guerre.

Ces levées faites dans les provinces produisirent un autre effet : les empereurs pris ordinairement dans la milice furent presque tous étrangers & quelquefois barbares. Rome ne fut plus la maîtresse du monde, & reçut des loix de tout l'univers. Chaque empereur y porta quelque chose de son pays ou pour les manieres, ou pour les moeurs, ou pour la police, ou pour le culte ; & Héliogabale alla jusqu'à vouloir détruire tous les objets de la vénération de Rome, & ôter tous les dieux de leurs temples pour y placer le sien.

On pourroit appeller Caracalla qui vint à succéder à Sévere non pas un tyran, mais le destructeur des hommes. Caligula, Néron & Domitien bornoient leurs cruautés dans la capitale ; celui-ci alloit promener sa fureur dans tout l'univers. Ayant commencé son regne par tuer de sa propre main Géta son frere, il employa ses richesses à augmenter la paye des soldats, pour leur faire souffrir son crime ; & pour en diminuer encore l'horreur, il mit son frere au rang des dieux. Ce qu'il y a de singulier, c'est que le même honneur lui fut exactement rendu par Macrin, qui, après l'avoir fait poignarder, voulant appaiser les soldats prétoriens affligés de la mort de ce prince qui les avoit comblés de largesses, lui fit bâtir un temple, & y établit des prêtres flamines pour le desservir.

Les profusions de Caracalla envers ses troupes avoient été immenses, & il avoit très-bien suivi le conseil que son pere lui avoit donné en mourant, d'enrichir les gens de guerre, & de ne s'embarrasser pas des autres. Mais cette politique n'étoit guere bonne que pour un regne ; car le successeur ne pouvant plus faire les mêmes dépenses, étoit d'abord massacré par l'armée ; de façon qu'on voyoit toujours les empereurs sages mis à mort par les soldats, & les méchans par des conspirations ou des arrêts du sénat.

Quand un tyran qui se livroit aux gens de guerre avoit laissé les citoyens exposés à leurs violences & à leurs rapines, cela ne pouvoit durer qu'un regne ; car les soldats, à force de détruire, alloient jusqu'à s'ôter à eux - mêmes leur solde. Il falloit donc songer à rétablir la discipline militaire ; entreprise qui coutoit toujours la vie à celui qui osoit la tenter.

Quand Caracalla eut été tué par les embuches de Macrin, les soldats élurent Héliogabale ; & quand ce dernier qui n'étant occupé que de ses sales voluptés, les laissoit vivre à leur fantaisie, ne put plus être souffert, ils le massacrerent. Ils tuerent de même Alexandre qui vouloit rétablir la discipline, & parloit de les punir. Ainsi un tyran qui ne s'assûroit point la vie, mais le pouvoir de faire des crimes, périssoit avec ce funeste avantage, que celui qui voudroit faire mieux périroit après lui.

Après Alexandre, on élut Maximin qui fut le premier empereur d'une origine barbare. Sa taille gigantesque & la force de son corps l'avoient fait connoître : il fut tué avec son fils par ses soldats. Les deux premiers Gordiens périrent en Afrique ; Maxime, Balbin & le troisieme Gordien furent massacrés. Philippe qui avoit fait tuer le jeune Gordien, fut tué lui-même avec son fils ; & Dèce qui fut élu en sa place, périt à son tour par la trahison de Gallus.

Ce qu'on appelloit l'empire romain dans ce siecle-là, étoit une espece de république irréguliere, telle à-peu-près que l'aristocratie d'Alger, où la milice qui a la puissance souveraine fait & défait un magistrat, qu'on appelle le dey.

Dans ces mêmes tems, les Barbares au commencement inconnus aux Romains, ensuite seulement incommodes, leur étoient devenus redoutables. Par l'événement du monde le plus extraordinaire, Rome avoit si bien anéanti tous les peuples, que lorsqu'elle fut vaincue elle-même, il sembla que la terre en eût enfanté de nouveaux pour la détruire.

Sous le regne de Gallus, un grand nombre de nations qui se rendirent ensuite plus célebres, ravagerent l'Europe ; & les Perses ayant envahi la Syrie, ne quitterent leurs conquêtes que pour conserver leur butin. Les violences des Romains avoient fait retirer les peuples du midi au nord ; tandis que la force qui les contenoit subsista, ils y resterent ; quand elle fut affoiblie, ils se répandirent de toutes parts. La même chose arriva quelques siecles après. Les conquêtes de Charlemagne & ses tyrannies avoient une seconde fois fait reculer les peuples du midi au nord : si-tôt que cet empire fut affoibli, ils se porterent une seconde fois du nord au midi. Et si aujourd'hui un prince faisoit en Europe les mêmes ravages, les nations repoussées dans le nord, adossées aux limites de l'univers, y tiendroient ferme jusqu'au moment qu'elles inonderoient & conquereroient l'Europe une troisieme fois.

L'affreux désordre qui étoit dans la succession à l'empire étant venu à son comble, on vit paroître, sur la fin du regne de Valerien & pendant celui de Galien, trente prétendans divers qui s'étant la plûpart entre-détruits, ayant eu un regne très-court, furent nommés tyrans. Valerien ayant été pris par les Perses, & Galien son fils négligeant les affaires, les barbares pénétrerent par-tout ; l'empire se trouvant dans cet état où il fut environ un siecle après en Occident, & il auroit été dès-lors détruit sans un concours heureux de circonstances ; quatre grands hommes, Claude, Aurélien, Tacite & Probus qui, par un grand bonheur, se succéderent, rétablirent l'empire prêt à périr.

Cependant pour prévenir les trahisons continuelles des soldats, les empereurs s'associerent des personnes en qui ils avoient confiance ; & Dioclétien, sous la grandeur des affaires, régla qu'il y auroit toujours deux empereurs & deux césars ; mais ce qui contint encore plus les gens de guerre, c'est que les richesses des particuliers & la fortune publique ayant diminué, les empereurs ne purent plus leur faire des dons si considérables, de maniere que la récompense fut plus proportionnée au danger de faire une nouvelle élection. D'ailleurs les préfets du prétoire qui faisoient à leur gré massacrer les empereurs pour se mettre en leur place, furent entierement abaissés par Constantin, qui ne leur laissa que les fonctions civiles, & en fit quatre au lieu de deux.

La vie des empereurs commença donc à être plus assurée ; ils purent mourir dans leur lit, & cela sembla avoir un peu adouci leurs moeurs ; ils ne verserent plus le sang avec tant de férocité. Mais comme il falloit que ce pouvoir immense débordât quelque part, on vit un autre genre de tyrannie plus sourde. Ce ne furent plus des massacres, mais des jugemens iniques, des formes de justice qui sembloient n'éloigner la mort que pour flétrir la vie : la cour fut gouvernée, & gouverna par plus d'artifices, par des arts plus exquis, avec un plus grand silence : enfin au lieu de cette hardiesse à concevoir une mauvaise action, & de cette impétuosité à la commettre, on ne vit plus regner que les vices des ames foibles & des crimes réfléchis.

Il s'établit encore un nouveau genre de corruption, les premiers empereurs aimoient les plaisirs, ceux-ci la mollesse : ils se montrerent moins aux gens de guerre, ils furent plus oisifs, plus livrés à leurs domestiques, plus attachés à leurs palais, & plus séparés de l'empire. Le poison de la cour augmenta sa force, à mesure qu'il fut plus séparé ; on ne dit rien, on insinua tout ; les grandes réputations furent toutes attaquées ; & les ministres & les officiers de guerre furent mis sans cesse à la discrétion de cette sorte de gens qui ne peuvent servir l'état, ni souffrir qu'on le serve avec gloire. Le prince ne sçut plus rien que sur le rapport de quelques confidens, qui toujours de concert, souvent même lorsqu'ils sembloient être d'opinion contraire, ne faisoient auprès de lui que l'office d'un seul.

Le séjour de plusieurs empereurs en Asie & leur perpétuelle rivalité avec les rois de Perse firent qu'ils voulurent être adorés comme eux ; & Dioclétien, d'autres disent Galere, l'ordonna par un édit. Ce faste & cette pompe asiatique s'établissant, les yeux s'y accoutumerent d'abord : & lorsque Julien voulut mettre de la simplicité & de la modestie dans ses manieres, on appella oubli de la dignité ce qui n'étoit que la mémoire des anciennes moeurs.

Quoique depuis Marc-Aurele il y eût eu plusieurs empereurs, il n'y avoit eu qu'un empire ; & l'autorité de tous étant reconnue dans la province, c'étoit une puissance unique exercée par plusieurs. Mais Galere & Constance Chlore n'ayant pu s'accorder, ils partagerent réellement l'empire, & cet exemple que Constantin suivit sur le plan de Galere produisit une étrange révolution. Ce prince qui n'a fait que des fautes en matiere de politique, porta le siege de l'empire en Orient ; cette division qu'on en fit le ruina, parce que toutes les parties de ce grand corps liées depuis long-tems ensemble, s'étoient, pour ainsi dire, ajustées pour y rester & dépendre les unes des autres.

Dès que Constantin eut établi son siege à Constantinople, Rome presque entiere y passa, & l'Italie fut privée de ses habitans & de ses richesses. L'or & l'argent devinrent extrêmement rares en Europe ; & comme les empereurs en voulurent toujours tirer les mêmes tributs, ils souleverent tout le monde.

Constantin, après avoir affoibli la capitale, frappa un autre coup sur les frontieres ; il ôta les légions qui étoient sur le bord des grands fleuves, & les dispersa dans les provinces : ce qui produisit deux maux ; l'un, que la barriere qui contenoit tant de nations fut ôtée ; & l'autre, que les soldats vécurent & s'amollirent dans le cirque & dans les théâtres.

Plusieurs autres causes concoururent à la ruine de l'empire. On prenoit un corps de barbares pour s'opposer aux inondations d'autres barbares, & ces nouveaux corps de milice étoient toujours prêts à recevoir de l'argent, à piller & à se battre ; on étoit servi pour le moment ; mais dans la suite, on avoit autant de peine à réduire les auxiliaires que les ennemis.

Les nations qui entouroient l'empire en Europe & en Asie, absorberent peu-à-peu les richesses des Romains ; & comme ils s'étoient aggrandis, parce que l'or & l'argent de tous les rois étoient portés chez eux, ils s'affoiblirent, parce que leur or & leur argent fut porté chez les autres. " Vous voulez des richesses ? disoit Julien à son armée qui murmuroit ; voilà le pays des Perses, allons-en chercher. Croyez-moi, de tant de trésors que possédoit la république romaine, il ne reste plus rien ; & le mal vient de ceux qui ont appris aux princes à acheter la paix des barbares. Nos finances sont épuisées, nos villes sont détruites, nos provinces ruinées. Un empereur qui ne connoit d'autres biens que ceux de l'ame, n'a pas honte d'avouer une pauvreté honnête ".

De plus les Romains perdirent toute leur discipline militaire, ils abandonnerent jusqu'à leurs propres armes. Végece dit que les soldats les trouvant trop pesantes, ils obtinrent de l'empereur Gratien de quitter leur cuirasse, & ensuite leur casque ; de façon qu'exposés aux coups sans défense, ils ne songerent plus qu'à fuir. Il ajoute qu'ils avoient perdu la coutume de fortifier leur camp ; & que, par cette négligence, leurs armées furent enlevées par la cavalerie des Barbares.

C'étoit une regle inviolable des premiers Romains, que quiconque avoit abandonné son poste ou laissé ses armes dans le combat, étoit puni de mort ; Julien & Valentinien avoient à cet égard rétabli les anciennes peines. Mais les barbares pris à la solde des Romains, accoutumés à faire la guerre, comme la font aujourd'hui les Tartares, à fuir pour combattre encore, à chercher le pillage plus que l'honneur, étoient incapables d'une pareille discipline.

Telle étoit celle des premiers Romains, qu'on y avoit vu des généraux condamner leurs enfans à mourir pour avoir, sans leur ordre, gagné la victoire : mais quand ils furent mêlés parmi les Barbares, ils y contracterent un esprit d'indépendance qui faisoit le caractere de ces nations ; & si l'on lit les guerres de Bélisaire contre les Goths, on verra un général presque toujours désobéi par ses officiers.

Dans cette position, Attila parut dans le monde pour soumettre tous les peuples du nord. Ce prince dans sa maison de bois, où nous le représente Priscus, se fit connoître pour un des grands monarques dont l'histoire ait jamais parlé. Il étoit maître de toutes les nations barbares, & en quelque façon de presque toutes celles qui étoient policées. Il s'étendit depuis le Danube jusqu'au Rhin, détruisit tous les forts & tous les ouvrages qu'on avoit faits sur ces fleuves, & rendit les deux empires tributaires. On voyoit à sa cour les ambassadeurs des empereurs qui venoient recevoir ses loix, ou implorer sa clémence. Il avoit mis sur l'empire d'orient un tribut de deux mille cent livres d'or. Il envoyoit à Constantinople ceux qu'il vouloit récompenser, afin qu'on les comblât de biens, faisant un trafic continuel de la frayeur des Romains. Il étoit craint de ses sujets ; & il ne paroît pas qu'il en fût haï. Fidélement servi des rois mêmes qui étoient sous sa dépendance, il garda pour lui seul l'ancienne simplicité des moeurs des Huns.

Après sa mort, toutes les nations barbares se rediviserent ; mais les Romains étoient si foibles, qu'il n'y avoit pas de si petit peuple qui ne pût leur nuire. Ce ne fut pas une certaine invasion qui perdit l'empire ; ce furent toutes les invasions. Depuis celle qui fut si générale sous Gallus, il sembla rétabli, parce qu'il n'avoit point perdu de terrain ; mais il alla de degrés en degrés, de la décadence à sa chûte, jusqu'à - ce qu'il s'affaissa tout-à-coup sous Arcadius & Honorius.

En vain on auroit rechassé les Barbares dans leur pays, ils y seroient tout de même rentrés, pour mettre en sûreté leur butin. En vain on les extermina, les villes n'étoient pas moins saccagées, les villages brûlés, les familles tuées ou dispersées. Lorsqu'une province avoit été ravagée, les barbares qui succédoient, n'y trouvant plus rien, devoient passer à une autre. On ne ravagea au commencement que la Thrace, la Mysie, la Pannonie. Quand ces pays furent dévastés, on ruina la Macédoine, la Thessalie, la Grece ; de-là il fallut aller aux Noriques. L'empire, c'est-à-dire le pays habité, se rétrécissoit toujours, & l'Italie devenoit frontiere.

L'empire d'occident fut le premier abattu, & Honorius fut obligé de s'enfuir à Ravenne. Théodoric s'empara de l'Italie, qu'Alaric avoit déjà ravagée. Rome s'étoit aggrandie, parce qu'elle n'avoit eu que des guerres successives, chaque nation, par un bonheur inconcevable, ne l'attaquant que quand l'autre avoit été ruinée. Rome fut détruite, parce que toutes les nations l'attaquerent à la fois, & pénétrerent partout.

L'empire d'orient (dont on peut voir l'article au mot ORIENT), après avoir essuyé toutes sortes de tempêtes, fut réduit sous ces derniers empereurs, aux fauxbourgs de Constantinople, & finit comme le Rhin, qui n'est plus qu'un ruisseau lorsqu'il se perd dans l'Océan.

Je n'ajoute qu'une seule, mais admirable réflexion, qu'on doit encore à M. de Montesquieu. Ce n'est pas, dit-il, la fortune qui domine le monde ; on peut le demander aux Romains qui eurent une suite continuelle de prospérités, quand ils se gouvernerent sur un certain plan ; & une suite non interrompue de revers, lorsqu'ils se conduisirent sur un autre. Il y a des causes générales, soit morales, soit physiques, qui agissent dans chaque monarchie, l'élevent, la maintiennent ou la précipitent ; tous les accidens sont soumis à ces causes ; & si le hasard d'une bataille, c'est-à-dire une cause particuliere, a ruiné un état, il y avoit une cause générale qui faisoit que cet état devoit périr par une seule bataille. En un mot, l'allure principale entraîne avec elle tous les accidens particuliers. (D.J.)

ROMAINS. Philosophie des Etrusques & des Romains, (Hist. de la Philosophie) nous savons peu de chose des opinions des Etrusques sur le monde, les dieux, l'ame & la nature. Ils ont été les inventeurs de la divination par les augures, ou de cette science frivole qui consiste à connoître la volonté des dieux, ou par le vol des oiseaux, ou par leur chant, ou par l'inspection des entrailles d'une victime. O combien nos lumieres sont foibles & trompeuses ! tantôt c'est notre imagination, ce sont les événemens, nos passions, notre terreur & notre curiosité qui nous entraînent aux suppositions les plus ridicules ; tantôt c'est une autre sorte d'erreur qui nous joue. Avons-nous découvert à force de raison & d'étude quelque principe vraisemblable ou vrai ? Nous nous égarons dès les premieres conséquences que nous en tirons, & nous flottons incertains. Nous ne savons s'il y a vice ou dans le principe, ou dans la conséquence ; & nous ne pouvons nous résoudre, ni à admettre l'un, ni à rejetter l'autre, ni à les recevoir tous deux. Le sophisme consiste dans quelque chose de très-subtil qui nous échappe. Que répondrions-nous à un augure qui nous diroit : écoute philosophe incrédule, & humilie-toi. Ne conviens-tu pas que tout est lié dans la nature ?... J'en conviens... Pourquoi donc oses-tu nier qu'il y ait entre la conformation de ce foie & cet événement, un rapport qui m'éclaire ?... Le rapport y est sans doute, mais comment peut-il t'éclairer ?... comme le mouvement de l'astre de la nuit t'instruit sur l'élévation ou l'abaissement des eaux de la mer ; & combien d'autres circonstances où tu vois qu'un phénomene étant, un autre phénomene est ou sera, sans appercevoir entre ces phénomenes aucune liaison de cause & d'effet ? Quel est le fondement de ta science en pareil cas ? D'où sais-tu que si l'on approche le feu de ce corps, il en sera consumé ?.... De l'expérience.... Eh bien l'expérience est aussi le fondement de mon art. Le hasard te conduisit à une premiere observation, & moi aussi. J'en fis une seconde, une troisieme ; & je conclus de ces observations réiterées, une concomitance constante & peut-être nécessaire entre des effets très-éloignés & très-disparates. Mon esprit n'eut point une autre marche que le tien. Viens donc. Approche-toi de l'autel. Interrogeons ensemble les entrailles des victimes, & si la vérité accompagne toujours leurs réponses, adore mon art & garde le silence... Et voilà, mon philosophe, s'il est un peu sincere, réduit à laisser de côté sa raison, & à prendre le couteau du sacrificateur, ou à abandonner un principe incontestable ; c'est que tout tient dans la nature par un enchaînement nécessaire ; ou à réfuter par l'expérience même, la plus absurde de toutes les idées ; c'est qu'il y a une liaison ineffable & secrette, entre le sort de l'empire & l'appétit ou le dégoût des poulets sacrés. S'ils mangent, tout va bien ; tout est perdu, s'ils ne mangent pas. Qu'on rende le philosophe si subtil que l'on voudra, si l'augure n'est pas un imbécille, il répondra à tout, & ramenera le philosophe, malgré qu'il en ait, à l'expérience.

Les Etrusques disoient, Jupiter a trois foudres : un foudre qu'il lance au hasard, & qui avertit les hommes qu'il est ; un foudre qu'il n'envoye qu'après en avoir déliberé avec quelques dieux & qui intimide les méchans ; un foudre qu'il ne prend que dans le conseil général des immortels, & qui écrase & qui perd.

Ils pensoient que Dieu avoit employé douze mille ans à créer le monde, & partagé sa durée en douze périodes de mille ans chacune. Il créa dans les premiers mille ans, le ciel & la terre, dans les seconds mille ans, le firmament ; dans les troisiemes, la mer & toutes les eaux ; dans les quatriemes, le soleil, la lune & les autres astres qui éclairent le ciel ; dans les cinquiemes, les oiseaux, les insectes, les reptiles, les quadrupedes, & tout ce qui vit dans l'air, dans les eaux & sur la terre. Le monde avoit six mille ans, que l'homme n'étoit pas encore. L'espece humaine subsistera jusqu'à la fin de la derniere période ; c'est alors que les tems seront consommés.

Les périodes de la création des étrusques correspondent exactement aux jours de la création de Moïse.

Il arriva sous Marius un phénomene étonnant. On entendit dans le ciel le son d'une trompette, aiguë & lugubre ; & les augures Etrusques consultés en inférerent le passage d'une période du monde à une autre, & quelque changement marqué dans la race des hommes.

Les divinités d'Isis & d'Osiris ont - elles été ignorées ou connues des Etrusques ? c'est une question que nous laissons à discuter aux érudits.

Les premiers Romains ont emprunté sans doute, des Sabins, des Etrusques, & des peuples circonvoisins, le peu d'idées raisonnables qu'ils ont eues ; mais qu'étoit - ce que la philosophie d'une poignée de brigands, réfugiés entre des collines, d'où ils ne s'échappoient par intervalles, que pour porter le fer, le feu, la terreur & le ravage chez les peuples malheureux qui les entouroient ? Romulus les renferma dans des murs qui furent arrosés du sang de son frere. Numa tourna leurs regards vers le ciel, & il en fit descendre les loix. Il éleva des autels ; il institua des danses, des jours de solemnité & des sacrifices. Il connut l'effet des prodiges sur l'esprit des peuples, & il en opéra ; il se retira dans les lieux écartés & déserts ; conféra avec les nymphes ; il eut des révélations ; il alluma le feu sacré ; il en confia le soin à des vestales ; il étudia le cours des astres, & il en tira la mesure des tems. Il tempéra les ames féroces de ses sujets par des exhortations, des institutions politiques & des cérémonies religieuses. Il éleva sa tête entre les dieux pour tenir les hommes prosternés à ses piés ; il se donna un caractere auguste, en alliant le rôle de pontife à celui de roi. Il immola les coupables avec le fer sacré dont il égorgeoit les victimes. Il écrivit, mais il voulut que ses livres fussent déposés avec son corps dans le tombeau, ce qui fut exécuté. Il y avoit cinq cent ans qu'ils y étoient, lorsque dans une longue inondation, la violence des eaux sépara les pierres du tombeau de Numa, & offrit au préteur Petilius les volumes de ce législateur. On les lut ; on ne crut pas devoir en permettre la connoissance à la multitude, & on les brûla.

Numa disparoît d'entre les Romains ; Tullus Hostilius lui succede. Les brigandages recommencent. Toute idée de police & de religion s'éteint au milieu des armes, & la barbarie renaît. Ceux qui commandent n'échappent à l'indocile férocité des peuples, qu'en la tournant contre les nations voisines ; & les premiers rois cherchent leur sécurité dans la même politique que les derniers consuls. Quelle différence d'une contrée à une autre contrée ? A peine les Athéniens & les Grecs en général ont-ils été arrachés des cavernes & rassemblés en société, qu'on voit fleurir au milieu d'eux les Sciences & les Arts, & les progrès de l'esprit humain s'étendre de tous côtés, comme un grand incendie pendant la nuit, qui embrase & éclaire la nation, & qui attire l'attention des peuples circonvoisins. Les Romains au contraire restent abrutis jusqu'au tems où l'académicien Carnéade, le stoïcien Diogène, & le peripatéticien Critolaüs viennent solliciter au sénat la remise de la somme d'argent à laquelle leurs compatriotes avoient été condamnés pour le dégât de la ville d'Orope. Publius Scipion Nasica & Marius Marcellus étoient alors consuls, & Aulus-Albinus exerçoit la préture.

Ce fut un événement que l'apparition dans Rome des trois philosophes d'Athènes. On accourut pour les entendre. On distingua dans la foule, Laelius, Furius & Scipion, celui qui fut dans la suite surnommé l'Africain. La lumiere alloit prendre, lorsque Caton l'ancien, homme superstitieusement attaché à la grossiereté des premiers tems, & en qui les infirmités de la vieillesse augmentoient encore une mauvaise humeur naturelle, pressa la conclusion de l'affaire d'Orope, & fit congédier les ambassadeurs.

On enjoignit peu de tems après au préteur Pomponius, de veiller à ce qu'il n'y eût ni école, ni philosophe dans Rome, & l'on publia contre les rhéteurs ce fameux decret qu'Aulugelle nous a conservé ; il est conçu en ces termes : Sur la dénonciation qui nous a été faite, qu'il y avoit parmi nous des hommes qui accréditoient un nouveau genre de discipline ; qu'ils tenoient des écoles où la jeunesse romaine s'assembloit ; qu'ils se donnoient le titre de rhéteurs latins, & que nos enfans perdoient le tems à les entendre : nous avons pensé que nos ancêtres instruisoient eux-mêmes leurs enfans & qu'ils avoient pourvû aux écoles, où ils avoient jugé convenable qu'on les enseignât ; que ces nouveaux établissemens étoient contre les moeurs & les usages des premiers tems ; qu'ils étoient mauvais & qu'ils devoient nous déplaire ; en conséquence nous avons conclu à ce qu'il fût déclaré, & à ceux qui tenoient ces écoles nouvelles, & à ceux qui s'y rendent, qu'ils faisoient une chose qui nous déplaisoit.

Ceux qui souscrivirent à ce decret étoient bien éloignés de soupçonner qu'un jour les ouvrages de Ciceron, le poëme de Lucrece, les comédies de Plaute & de Térence, les vers d'Horace & de Virgile, les élégies de Tibulle, les madrigaux de Catulle, l'histoire de Salluste, de Tite-Live & de Tacite, les fables de Phedre, feroient plus d'honneur au nom romain que toutes ses conquêtes, & que la postérité ne pourroit arracher ses yeux remplis d'admiration de dessus les pages sacrées de ses auteurs, tandis qu'elle les détourneroit avec horreur de l'inscription de Pompée, après avoir égorgé trois millions d'hommes. Que reste-t-il de toute cette énorme grandeur de Rome ? La mémoire de quelques actions vertueuses, & quelques lignes d'une écriture immortelle pour distraire d'une longue suite d'atrocités.

L'éloquence pouvoit tout dans Athènes. Les hommes rustiques & grossiers qui commandoient dans Rome, craignirent que bientôt elle n'y exerçât le même despotisme. Il leur étoit bien plus facile de chasser les Philosophes, que de le devenir. Mais la premiere impression étoit faite, & ce fut inutilement que l'on renouvella quelquefois le decret de proscription. La jeunesse se porta avec d'autant plus de fureur à l'étude, qu'elle étoit défendue. Les tems montrerent que Caton & les peres conscripts qui avoient opiné après lui, avoient manqué doublement de jugement. Ils passerent ; & les jeunes gens qui s'étoient instruits secrétement, leur succéderent aux premieres fonctions de la république, & furent des protecteurs déclarés de la science. La conquête de la Grece acheva l'ouvrage. Les Romains devinrent les disciples de ceux dont ils s'étoient rendus les maîtres par la force des armes, & ils rapporterent sur leurs fronts le laurier de Bellone entrelacé de celui d'Apollon. Alexandre mettoit Homere sous son oreiller ; Scipion y mit Xénophon. Ils gouterent particulierement l'austérité stoïcienne. Ils connurent successivement l'Epicuréisme, le Platonisme, le Pythagorisme, le Cynisme, l'Aristotélisme, & la Philosophie eut des sectateurs parmi les grands, parmi les citoyens, dans la classe des affranchis & des esclaves.

Lucullus s'attacha à l'académie ancienne. Il recueillit un grand nombre de livres ; il en forma une bibliotheque très-riche, & son palais fut l'asyle de tous les hommes instruits qui passerent d'Athènes à Rome.

Sylla fit couper les arbres du lycée & des jardins d'académies, pour en construire des machines de guerre ; mais au milieu du tumulte des armes, il veilla à la conservation de la bibliotheque d'Apellicon de Teïos.

Ennius embrassa la doctrine de Pythagore ; elle plut aussi à Nigidius Figulus. Celui-ci s'appliqua à l'étude des Mathématiques & de l'Astronomie. Il écrivit des animaux, des augures, des vents.

Marius Brutus préféra le Platonisme & la doctrine de la premiere académie, à toutes les autres manieres de philosopher qui lui étoient également connues ; mais il vécut en stoïcien.

Ciceron, qui avoit été proscrit par les triumvirs avec M. Térentius Varron, le plus savant des Romains, inscrit celui-ci dans la classe des sectateurs de l'ancienne académie. Il dit de lui : tu aetatem patriae, tu descriptiones temporum, tu sacrorum jura, tu sacerdotum, tu domesticam, tu bellicam disciplinam, tu sedem regionum & locorum, tu omnium divinarum humanarumque nomina, genera, officia, causas aperuisti ; plurimumque poetis nostris omninoque latinis & litteris luminis attulisti & verbis, atque ipse varium & elegans omni fere numero poema fecisti ; Philosophiamque multisque locis inchoasti, ad impellendum satis, ad docendum parum.

M. Pison se montra plutôt péripatéticien qu'académicien dans son ouvrage, de finibus bonorum & malorum.

Ciceron fut alternativement péripatéticien, stoïcien, platonicien & sceptique. Il étudia la Philosophie comme un moyen sans lequel il étoit impossible de se distinguer dans l'art oratoire ; & l'art oratoire, comme un moyen sans lequel il n'y avoit point de dignité à obtenir dans la république. Sa vie fut pusillanime, & sa mort héroïque.

Le peuple que son éloquence avoit si souvent rassemblé aux rostres, vit au même endroit ses mains exposées à côté de sa tête. L'existence de ces dieux immortels, qu'il atteste avec tant d'emphase & de véhémence dans ses harangues publiques, lui fut très-suspecte dans son cabinet.

Quintus Lucilius Balbus fit honneur à la secte stoïcienne.

Lucain a dit de Caton d'Utique :

Hi mores, haec duri immota Catonis

Secta fuit, servare modum, finemque tenere,

Naturamque sequi, patriamque impendere vitam,

Nec sibi, sed toti genitum se credere mundo ;

Huic epulae, vicisse famem, magnique penates

Summovisse hyemem tecto ; pretiosaque vestis,

Hirtam membra super Romani more quiritis

Induxisse togam, Venerisque huic maximus usus,

Progenies. Urbi pater est, urbique maritus.

Justitiae cultor, rigidi servator honesti,

In commune bonus, nullosque Catonis in actus

Subrepsit, partemque tulit sibi nata voluptas.

Ce caractere où il y a plus d'idées que de poésie, plus de force que de nombre & d'harmonie, est celui du stoïcien parfait. Il mourut entre Apollonide & Démétrius, en disant à ces philosophes : " Ou détruisez les principes que vous m'avez inspirés, ou permettez que je meure ".

Andronicus de Rhodes suivit la philosophie d'Aristote.

Ciceron envoya son fils à Athènes, sous le péripatéticien Cratippus.

Torquatus, Velleius, Atticus, Papirius, Paetus, Verrius, Albutius, Pison, Pansa, Fabius Gallus, & beaucoup d'autres hommes célebres embrasserent l'Epicuréisme.

Lucrece chanta la doctrine d'Epicure. Virgile, Varius, Horace écrivirent & vécurent en épicuriens.

Ovide ne fut attaché à aucun système. Il les connut presque tous, & ne retint d'aucun que ce qui prêtoit des charmes à la fiction.

Manilius, Lucain & Perse pancherent vers le Stoïcisme.

Séneque inscrit le nom de Tite-Live parmi les Philosophes en général.

Tacite fut stoïcien ; Strabon aristotélicien ; Mécène épicurien ; Cneius Julius & Thraseas stoïciens ; Helvidius Priscus prit le même manteau.

Auguste appella auprès de lui les Philosophes.

Tibere n'eut point d'aversion pour eux.

Claude, Néron & Domitien les chasserent.

Trajan, Hadrien & les Antonins les rapellerent.

Ils ne furent pas sans considération sous Septime Sévere.

Héliogabale les maltraita ; ils jouïrent d'un sort plus supportable sous Alexandre Sévere & sous les Gordiens.

La Philosophie, depuis Auguste jusqu'à Constantin, eut quelques protecteurs ; & l'on peut dire à son honneur que ses ennemis, parmi les princes, furent en même tems ceux de la justice, de la liberté, de la vertu, de la raison & de l'humanité. Et s'il est permis de prononcer d'après l'expérience d'un grand nombre de siecles écoulés, on peut avancer que le souverain qui haïra les sciences, les arts & la Philosophie, sera un imbécille ou un méchant, ou tous les deux.

Terminons cet abregé historique de la philosophie des Romains, c'est qu'ils n'ont rien inventé dans ce genre ; qu'ils ont passé leur tems à s'instruire de ce que les Grecs avoient découvert, & qu'en Philosophie, les maîtres du monde n'ont été que des écoliers.

ROMAINS, ROI DES, (Hist. mod. Droit public) c'est le nom qu'on donne en Allemagne à un prince, qui, du vivant de l'empereur, est élû par les électeurs, pour être son vicaire & son lieutenant-général, & pour lui succéder dans la dignité impériale, aussi-tôt après sa mort, sans avoir besoin pour cela d'une nouvelle élection.

L'usage d'élire un roi des Romains a été établi en Allemagne, pour éviter les inconvéniens des interregnes, & pour assurer le bien-être & la tranquillité de l'empire que la concurrence des contendans pouvoit altérer. Pour élire un roi des Romains, il faut que tous les électeurs s'assemblent & déliberent si la chose est avantageuse au bien de l'empire. En vertu de la capitulation impériale, le roi des Romains peut être choisi par les électeurs indépendamment du consentement de l'empereur, lorsqu'il n'a point de bonnes raisons pour s'y opposer. Les Jurisconsultes ne sont point d'accord pour savoir si un roi des Romains a, en cette qualité, une autorité qui lui est propre, ou si son autorité n'est qu'empruntée (delegata). Il paroît constant que le roi des Romains n'est que le successeur désigné de l'empereur, & qu'il ne doit être regardé que comme le premier des sujets de l'empire.

Les empereurs qui en ont eu le crédit, ont eu soin de faire élire leur fils ou leur frere roi des Romains, pour assurer dans leur famille la dignité impériale qui n'est point héréditaire, mais qui est élective. Voyez EMPEREUR & CAPITULATION IMPERIALE.

ROMAINS, JEUX, (Antiq. rom.) ou les grands jeux, parce que c'étoit les plus solemnels de tous. Ils avoient été institués par le premier Tarquin. On les célébroit à l'honneur de Jupiter, de Junon & de Minerve. Ils commençoient toujours le 4 Septembre, & ils duroient 4 jours du tems de Ciceron. Leur durée fut augmentée dans la suite, aussi-bien que celle de la plûpart des autres jeux publics, quand les empereurs se furent emparés du droit de les faire représenter. Quoique les jeux romains fussent ordinairement des jeux circenses, ludi circenses, selon Plutarque ; cependant on les faisoit aussi scéniques ; je n'en veux pour preuve que ce passage de Tite-Live, lib. XXXI. Ludi romani scenici eo anno magnificè, apparatèque facti, ab aedilibus curulibus L. Valerio Flacco & L. Quintio Flaminio biduum instaurati sunt. " Les jeux romains scéniques furent célébrés cette année - là magnifiquement, & avec apparat, par les édiles curules L. Valérius Flaccus, & L. Quintius Flaminius, durant deux jours continuels ". (D.J.)

ROMAIN, adj. (Arith.) le chiffre romain n'est autre chose que les lettres majuscules de l'alphabet I, V, X, L, C, D, &c. auxquelles on a donné des valeurs déterminées ; soit qu'on les prenne séparément ; soit qu'on les considere relativement à la place qu'elles occupent avec d'autres lettres. Voyez CARACTERE.

Le chiffre romain est fort en usage dans les inscriptions, sur les cadrans des horloges, &c. Voy. CHIFFRE. (E)

ROMAIN gros, fondeurs en caracteres d'Imprimerie, est le onzieme des corps sur lesquels on fond les caracteres d'imprimerie ; sa proportion est de trois lignes mesure de l'échelle ; il est le corps double de la gaillarde, & le sien est le trimégiste. Voyez PROPORTIONS DES CARACTERES, & l'exemple à l'article CARACTERE.

ROMAIN petit, sixieme corps des caracteres d'imprimerie ; sa proportion est d'une ligne quatre points mesure de l'échelle ; son corps double est le petit parangon. Voyez PROPORTION DES CARACTERES D'IMPRIMERIE, & l'exemple à l'article CARACTERE.


ROMAIN-MOTIER(Géog. mod.) ville de Suisse au pays-Romand, dans un vallon, & chef-lieu d'un bailliage de même nom. Elle doit son origine à une abbaye qui portoit le nom de saint Romain, Romani monasterium. Cette abbaye a été changée en un château où réside le bailli. (D.J.)


ROMAINES. f. (Balancier.) sorte de balance, propre à peser de grands fardeaux. Elle est composée d'un fléau A B, (voyez les Pl. du balancier) A la 5 ou 6e partie de la longueur du fléau, est un arbre, dont les deux extrêmités sont en couteaux par la partie inférieure ; les tranchans de ces couteaux portent sur les coussinets de la châsse E D, qui est faite comme celle du fléau à double crochet, façon d'Allemagne ; à l'extrêmité A, qui est la plus proche du point de suspension, est une jumelle, dont les coussinets portent sur les tranchans des couteaux d'un arbre qui traverse le fléau en cet endroit ; à l'entretoise inférieure de cette jumelle, est un crochet, auquel on attache l'anneau où les quatre cordes du plateau F, se réunissent ; vers l'extrêmité B du fléau, est un bouton dont l'usage est de retenir l'anneau du poids C, qui peut couler de B en D, & de D en B, dans lequel intervalle sont des divisions qui marquent les multiples & les aliquotes du poids C.

Usage de cette balance. On suspend cette machine par le crochet E, on met ensuite dans le plateau F, les choses que l'on veut peser ; on fait ensuite couler le poids C, de B en D, ou de D en B, jusqu'à-ce qu'il soit en équilibre avec le plateau chargé ; on regarde quelle division répond à l'anneau qui sera, par exemple, la 6e, à compter de D en B, ce qui fait connoître que la marchandise dont le plateau est chargé, pese six fois autant que le poids C ; ainsi si le poids C est de 20 B, la marchandise pesée est de 120 B.

En général, les poids sont en raison réciproque des leviers. Voyez LEVIER.


ROMANS. m. (Fictions d'esprit) récit fictif de diverses avantures merveilleuses ou vraisemblables de la vie humaine ; le plus beau roman du monde, Télémaque, est un vrai poëme à la mesure & à la rime près.

Je ne rechercherai point l'origine des romans, M. Huet a épuisé ce sujet, il faut le consulter. On connoît les amours de Diniace & de Déocillis par Antoine Diogène, c'est le premier des romans grecs. Jamblique a peint les amours de Rhodanis & de Simonide. Achillès Tatius a composé le roman de Leücippe & de Clitophon. Enfin Héliodore, évêque de Trica dans le quatrieme siecle, a raconté les amours de Théagène & de Chariclée.

Mais si les fictions romanesques furent chez les Grecs les fruits du goût, de la politesse, & de l'érudition ; ce fut la grossiereté qui enfanta dans le onzieme siecle nos premiers romans de chevalerie. Voyez ROMAN de chevalerie.

Ils tiroient leur source de l'abus des légendes, & de la barbarie qui regnoit alors ; cependant ces sortes de fictions se perfectionnerent insensiblement, & ne tomberent de mode, que quand la galanterie prit une nouvelle face au commencement du siecle dernier.

Honoré d'Urfé, dit M. Despreaux, homme de grande naissance dans le Lyonnois, & très-enclin à l'amour, voulant faire valoir un grand nombre de vers qu'il avoit composés pour ses maîtresses, & rassembler en un corps plusieurs avantures amoureuses qui lui étoient arrivées, s'avisa d'une invention très-agréable. Il feignit que dans le Forès, petit pays contigu à la Limagne d'Auvergne, il y avoit du tems de nos premiers rois, une troupe de bergers & de bergeres qui habitoient sur les bords de la riviere du Lignon, & qui assez accommodés des biens de la fortune, ne laissoient pas néanmoins, par un simple amusement & pour le seul plaisir, de mener paître par eux-mêmes leurs troupeaux. Tous ces bergers & toutes ces bergeres, étant d'un fort grand loisir, l'amour, comme on le peut penser, & comme il le raconte lui-même, ne tarda guere à les y venir troubler, & produisit quantité d'événemens considérables.

M. d'Urfé y fit arriver toutes ses avantures, parmi lesquelles il en mêla beaucoup d'autres, & enchâssa les vers dont j'ai parlé, qui tout méchans qu'ils étoient, ne laisserent pas d'être goûtés, & de passer à la faveur de l'art avec lequel il les mit en oeuvre ; car il soutint tout cela d'une narration également vive & fleurie, de fictions très-spirituelles, & de caracteres aussi finement imaginés qu'agréablement variés & bien suivis.

Il composa aussi un roman qui lui acquit beaucoup de réputation, & qui fut fort estimé, même des gens du goût le plus exquis, bien que la morale en fût vicieuse, puisqu'elle ne prêchoit que l'amour & la mollesse. Il en fit quatre volumes qu'il intitula Astrée, du nom de la plus belle de ses bergeres ; c'étoit Diane de Château-Morand. Le premier volume parut en 1610, le second dix ans après, le troisieme cinq ans après le second, & le quatrieme en 1625. Après sa mort, Baro son ami, & selon quelques-uns son secrétaire, en composa sur son mémoire un cinquieme tome, qui en formoit la conclusion, & qui ne fut guere moins bien reçu que les quatre autres volumes.

Le grand succès de ce roman échauffa si bien les beaux esprits d'alors, qu'ils en firent à son imitation quantité de semblables, dont il y en avoit même de dix & de douze volumes ; & ce fut pendant quelque tems, comme une espece de débordement sur le parnasse.

On vantoit surtout ceux de Gomberville, de la Calprenede, de Desmarais, & de Scuderi. Mais ces imitateurs s'efforçant mal-à-propos d'enchérir sur leur original, & prétendant annoblir ses caracteres, tomberent dans la puérilité. Au lieu de prendre comme M. d'Urfé pour leurs héros, des bergers occupés du seul soin de gagner le coeur de leurs maîtresses, ils prirent, pour leur donner cette étrange occupation, non-seulement des princes & des rois, mais les plus fameux capitaines de l'antiquité qu'ils peignirent pleins du même esprit que ces bergers ; ayant à leur exemple fait comme une espece de voeu de ne parler jamais & de n'entendre jamais parler que d'amour. De cette maniere, au lieu que M. d'Urfé dans son Astrée, avoit fait des bergers très-frivoles, des héros de roman considérables, ces auteurs au contraire, des héros les plus considérables de l'histoire, firent des bergers frivoles & quelquefois mêmes des bourgeois encore plus frivoles que ces bergers. Leurs ouvrages néanmoins, ne laisserent pas de trouver un nombre infini d'admirateurs, & eurent long - tems une fort grande vogue.

Mais ceux qui s'attirerent le plus d'applaudissemens, ce furent le Cyrus & la Clélie de mademoiselle de Scuderi, soeur de l'auteur du même nom. Cependant non-seulement elle tomba dans la même puérilité, mais elle la poussa encore à un plus grand excès. Au lieu de représenter, comme elle devoit, dans la personne de Cyrus un roi tel que le peint Hérodote, ou tel qu'il est figuré dans Xénophon, qui a fait aussi bien qu'elle un roman de la vie de ce prince ; au lieu, dis-je, d'en faire un modele de perfection, elle composa un Artamène, plus fou que tous les Céladons & tous les Sylvandres, qui n'est occupé que du seul soin de sa Mandane, qui ne fait du matin au soir que lamenter, gémir & filer le parfait amour.

Elle a encore fait pis dans son autre roman, intitulé Clélie, où elle représente toutes les héroïnes & tous les héros de la république romaine naissante, les Clélies, les Lucrèces, les Horatius Coclès, les Mutius Scevola, les Brutus, encore plus amoureux qu'Artamène ; ne s'occupant qu'à travers des cartes géographiques d'amour, qu'à se proposer les uns aux autres des questions & des énigmes galantes, en un mot, qu'à faire tout ce qui paroît le plus opposé au caractere & à la gravité héroïque de ces premiers Romains. Voilà d'excellentes remarques de M. Despréaux.

Madame la comtesse de la Fayette dégouta le public des fadaises ridicules dont nous venons de parler. L'on vit dans sa Zaïde & dans sa Princesse de Cleves des peintures véritables, & des avantures naturelles décrites avec grace. Le comte d'Hamilton eut l'art de les tourner dans le goût agréable & plaisant qui n'est pas le burlesque de Scarron. Mais la plûpart des autres romans qui leur ont succédé dans ce siecle, sont ou des productions dénuées d'imagination, ou des ouvrages propres à gâter le goût, ou ce qui est pis encore, des peintures obscènes dont les honnêtes gens sont révoltés. Enfin, les Anglois ont heureusement imaginé depuis peu de tourner ce genre de fictions à des choses utiles ; & de les employer pour inspirer en amusant l'amour des bonnes moeurs & de la vertu, par des tableaux simples, naturels & ingénieux, des événemens de la vie. C'est ce qu'ont exécuté avec beaucoup de gloire & d'esprit, MM. Richardson & Fielding.

Les romans écrits dans ce bon goût, sont peut-être la derniere instruction qu'il reste à donner à une nation assez corrompue pour que tout autre lui soit inutile. Je voudrois qu'alors la composition de ces livres ne tombât qu'à d'honnêtes gens sensibles, & dont le coeur se peignît dans leurs écrits, à des auteurs qui ne fussent pas au-dessus des foiblesses de l'humanité, qui ne démontrassent pas tout d'un coup la vertu dans le ciel hors de la portée des hommes ; mais qui la leur fissent aimer en la peignant d'abord moins austere, & qui ensuite du sein des passions, où l'on peut succomber & s'en repentir, sçussent les conduire insensiblement à l'amour du bon & du bien. C'est ce qu'a fait M. J. J. Rousseau dans sa nouvelle Héloïse.

Il semble donc, comme d'autres l'ont dit avant moi, que le roman & la comédie pourroient être aussi utiles qu'ils sont généralement nuisibles. L'on y voit de si grands exemples de constance, de vertu, de tendresse, & de désintéressement, de si beaux, & de si parfaits caracteres, que quand une jeune personne jette de là sa vue sur tout ce qui l'entoure, ne trouvant que des sujets indignes ou fort au-dessous de ce qu'elle vient d'admirer, je m'étonne avec la Bruyere qu'elle soit capable pour eux de la moindre foiblesse.

D'ailleurs on aime les romans sans s'en douter, à cause des passions qu'ils peignent, & de l'émotion qu'ils excitent. On peut par conséquent tourner avec fruit cette émotion & ces passions. On réussiroit d'autant mieux que les romans sont des ouvrages plus recherchés, plus débités, & plus avidemment goûtés, que tout ouvrage de morale, & autres qui demandent une sérieuse application d'esprit. En un mot, tout le monde est capable de lire les romans, presque tout le monde les lit, & l'on ne trouve qu'une poignée d'hommes qui s'occupent entierement des sciences abstraites de Platon, d'Aristote, ou d'Euclide. (D.J.)

ROMAN de chevalerie, (Belles-Lettres) il paroît que le regne brillant de Charlemagne a été la source de tous les romans de chevalerie, & de la chevalerie elle-même, sans qu'on voye encore dans ce regne, ainsi que dans les siecles suivans, la valeur des chevaliers décider presque seule du sort des combats ; mais on y remarque déjà des faits d'armes particuliers.

Quoi qu'il en soit, le roman de Turpin, archevêque de Rheims, ce roman qu'on peut regarder comme le pere de tous les romans de chevalerie, n'a guere été composé, selon l'opinion commune, que sur la fin du xj. siecle, environ 250 ans après la mort de Charlemagne.

Gryphiander prétend qu'un moine nommé Robert est auteur de cette chronique, & qu'elle fut écrite pendant le concile de Clermont assemblé par Urbain II. en l'année 1095. Pierre l'Hermite prêchoit alors la premiere croisade, & l'objet du roman a constamment été d'échauffer les esprits, & de les animer à la guerre contre les infideles. Le nom de Turpin est supposé, & le moine est certainement un fort mauvais historien.

La valeur de Charlemagne, ses hauts faits d'armes égaux à ceux des chevaliers les plus renommés, la force & l'intrépidité de son neveu Roland, sont bien marqués au coin de la chevalerie qui s'introduisit depuis son regne. Durandal est une épée que tous les romanciers ont eu en vue dans la suite ; elle coupe un rocher en deux parts, & fait cette grande opération entre les mains de Roland affoibli par la perte de son sang. Ce héros mourant sonne de son cors d'ivoire, & son dernier soupir est si terrible, que le cors en est brisé. Ces prodiges de force rapportés sans nécessité, donnent à entendre qu'ils étoient reçus dans le tems que la chronique a été composée, & que l'auteur a seulement voulu parler la langue de son tems.

Il paroît par la lecture de Turpin, que les chevaliers n'étoient connus ni de nom ni d'effet, avant le regne de Charlemagne, ni même durant son regne ; ce que prouve encore le silence des historiens contemporains de ce prince, ou qui ont écrit peu après sa mort. Ainsi, c'est dans l'intervalle de la vie de ce grand roi & de celle du prétendu Turpin, qu'il faut placer les premieres idées de la chevalerie, & de tous les romans qu'elle a fait composer.

La chevalerie paroît encore avoir tiré son lustre de l'abus des légendes ; le caractere de l'esprit humain avide du merveilleux, en a augmenté la considération ; & les rois l'ont autorisée, en soumettant à quelques especes de formes, d'usages & de loix, des nobles qui enivrés de leur propre valeur, étoient portés à s'ériger en tyrans de leurs propres vassaux.

On ne négligea rien dans ces premiers tems, de ce qui pouvoit inspirer à ces hommes féroces, l'honneur, la justice, la défense de la veuve & de l'orphelin, enfin l'amour des dames. La réunion de tous ces points a produit successivement des usages & des loix qui servirent de frein à ces hommes qui n'en avoient aucun, & que leur indépendance jointe à la plus grande ignorance, rendoit fort à craindre.

Les idées & les ouvrages romanesques passerent de France en Angleterre. Geoffroi de Monmouth paroît être l'original du Brut.

Le roman de Sangreal composé par Robert de Broon est plus chargé d'amour & de galanterie que les précédens ; les idées romanesques gagnerent de plus en plus. C'est ce roman qui donna lieu aux principales avantures de la cour du roi Artus. Ces mêmes ouvrages se multiplierent, & devinrent en grande vogue sous le regne de Philippe le bel, né en 1268, & mort en 1314. Depuis ce tems-là ont paru tous nos autres romans de chevalerie, comme Amadis de Gaule, Palmerin d'Olive, Palmerin d'Angleterre, & tant d'autres, jusqu'au tems de Miguel Cervantes Saavedra, espagnol.

Il avoit été secrétaire du duc d'Albe, & s'étant retiré à Madrid, il y fut traité sans considération par le duc de Lerme, premier ministre de Philippe III. roi d'Espagne. Alors Cervantes, pour se venger de ce ministre qui méprisoit les gens de lettres, & qui tranchoit du héros chevalier, composa le roman de don Quichotte, ouvrage admirable, & satyre très-fine de toute la noblesse espagnole qui étoit alors entêtée de chevalerie. Il publia la premiere partie de ce roman ingénieux en 1605, la seconde en 1615, & mourut fort pauvre vers l'an 1620 ; mais sa réputation ne mourra jamais.

L'abolissement des tournois, les guerres civiles & étrangeres, la défense des combats singuliers, l'extinction de la magie, du sort & des enchantemens, le juste mépris des légendes, en un mot, une nouvelle face que prit la France & l'Europe sous le regne de Louis XIV. changea la bravoure & la galanterie romanesque dans une galanterie plus spirituelle & plus tranquille. On vint à ne plus goûter les faits inimitables d'Amadis.

Tant de châteaux forcés, de géans pourfendus,

De chevaliers occis, d'enchanteurs confondus...

On se livra aux charmes des descriptions propres à inspirer la volupté de l'amour, à ces mouvemens heureux & paisibles, autrefois dépeints dans les romans grecs du moyen âge ; aux douceurs d'aimer ou d'être aimé, en un mot, à tous ces tendres sentimens qui sont décrits dans l'astrée de Mr. d'Urfé.

où dans un doux repos

E'amour occupe seul de plus charmans héros...

Enfin l'on a vu paroître dernierement dans ce royaume un nouveau genre de galanterie hermaphrodite, qui n'est certainement pas flatteuse, ou, pour mieux dire, qui n'est qu'un mensonge peu délicat du plaisir des sens. (D.J.)


ROMANCES. f. (Littérat.) vieille historiette écrite en vers simples, faciles & naturels. La naïveté est le caractere principal de la romance. Ce poëme se chante ; & la musique françoise, lourde & niaise est, à ce me semble, très-propre à la romance ; la romance est divisée par stances. M. de Montgrif en a composé un grand nombre. Elles sont toutes d'un goût exquis, & cette seule portion de ses ouvrages suffiroit pour lui faire une réputation bien méritée. Tout le monde sait par coeur la romance d'Alis & d'Alexis. On trouvera dans cette piece des modeles de presque toutes sortes de beautés, par exemple, de récit ;

Conseiller & notaire

Arrivent tous ;

Le curé fait son ministere,

Ils sont époux.

de description :

En lui toutes fleurs de jeunesse

Apparoissoient ;

Mais longue barbe, air de tristesse

Les ternissoient.

Si de jeunesse on doit attendre

Beau coloris ;

Pâleur qui marque une ame tendre,

A bien son prix.

de délicatesse & de vérité :

Pour chasser de la souvenance

L'ami secret,

On ressent bien de la souffrance

Pour peu d'effet :

Une si douce fantaisie

Toujours revient

En songeant qu'il faut qu'on l'oublie,

On s'en souvient.

de poésie, de peinture, de force, de pathétique & de rithme :

Depuis cet acte de sa rage,

Tout effrayé,

Dès qu'il fait nuit, il voit l'image

De sa moitié ;

Qui du doigt montrant la blessure

De son beau sein,

Appelle avec un long murmure,

Son assassin.

Il n'y a qu'une oreille faite au rithme de la poésie, & capable de sentir son effet, qui puisse apprécier l'énergie de ce petit vers tout effrayé, qui vient subitement s'interposer entre deux autres de mesure plus longue.


ROMANCHE LA(Géog. mod.) riviere de France, en Dauphiné. Elle a sa source dans les montagnes qui séparent le Briançonnois du Grésivaudan, & elle se jette dans le Drac, un peu au-dessus de Grenoble. (D.J.)


ROMANCIERS. m. (Gram. & Litt.) auteur qui a composé des romans. On donnoit le même nom aux poëtes du dixieme siecle.


ROMAND LE(Géog. mod.) pays de la Suisse, borné par la Savoye, le Vallais, le pays de Gex & la Franche - Comté. Il est possédé par les Bernois & les Fribourgeois, ou plutôt presque entierement par les Bernois. Sa longueur est d'environ 24 lieues, à compter depuis Geneve jusqu'à Morat ; ce qui appartient aux Bernois comprend plus de cent cinquante paroisses, & forme treize bailliages, sans compter ceux d'Orbe & de Grançon, que les Bernois possedent par indivis avec les Fribourgeois. (D.J.)


ROMANE LANGUE(Hist. des langues) ou romance, & par quelques-uns romans ou romant ; c'étoit une langue composée de celtique & du latin, mais dans laquelle celle-ci l'emportoit assez pour qu'on lui donnât les noms qu'on vient de dire. Ce fut elle qui fut en usage durant les deux premieres races. Elle étoit nommée rustique ou provinciale par les Romains & par ceux qui leur succéderent : ce qui semble prouver qu'elle n'étoit parlée que par le peuple & les habitans de la campagne. Les auteurs du roman d'Alexandre disent cependant qu'ils l'ont traduit du latin en roman.

Il y avoit dans la Gaule, lorsque les Francs y entrerent, trois langues vivantes, la latine, la celtique & la romane ; & c'est de celle-ci sans doute que Sulpice Severe qui écrivoit au commencement du cinquieme siecle, entend parler, lorsqu'il fait dire à Posthumien : tu verò, vel celticè, vel si mavis, gallicè loquere. La langue qu'il appelloit gallicane, devoit être la même qui dans la suite fut nommée plus communément la romane ; autrement il faudroit dire qu'il regnoit dans les Gaules une quatrieme langue, sans qu'il fût possible de la déterminer, à moins que ce ne fût un dialecte du celtique non corrompu par le latin, & tel qu'il pouvoit se parler dans quelque canton de la Gaule avant l'arrivée des Romains. Mais quelque tems après l'établissement des Francs, il n'est plus parlé d'autre langue d'usage que de la romane & de la tudesque.

Le plus ancien monument que nous ayons de la langue romane, est celui de Louis le germanique, auquel répondent les seigneurs françois du parti de Charles le chauve.

Les deux rois Louis de Germanie & Charles le chauve ayant à se défendre contre les entreprises de Lothaire leur frere ainé, font entr'eux à Strasbourg en 842, un traité de paix, dans lequel ils conviennent de se secourir mutuellement, & de défendre leurs états respectifs avec le secours des seigneurs & des vassaux qui avoient embrassé leur parti. Du côté de Charles le chauve, étoient les seigneurs françois habitans de la Gaule, & du côté de Louis, étoient les françois orientaux ou germains. Les premiers parloient la langue romane, & les germains parloient la langue tudesque.

Les françois occidentaux, ou les sujets de Charles le chauve, ayant donc une langue différente de celle que parloient les françois orientaux, ou sujets de Louis de Germanie, il étoit nécessaire que ce dernier prince parlât, en faisant son serment, dans la langue des sujets de Charles, afin d'en être entendu dans les promesses qu'il faisoit, comme Charles se servit de la langue tudesque pour faire connoitre ses sentimens aux Germains ; & l'un & l'autre de ces peuples fit aussi son serment dans la langue qui lui étoit particuliere.

Nous ne parlerons point des sermens en langue tudesque ; il ne s'agit ici que des sermens en langue romane. On mettra d'abord le texte des sermens, audessous l'interprétation latine, & enfin, dans une troisieme ligne, les mots françois usités dans les xij. & xiij. siecles, qui répondent à chacun des mots des deux sermens ; par-là on verra d'un coup d'oeil la ressemblance des deux langues françoises, & leur rapport commun avec le latin.

Serment de Louis, roi de Germanie. La premiere ligne contient les paroles du serment ; la seconde l'interprétation latine, & la troisieme le françois du xij. siecle.

C'est-à-dire : " Pour l'amour de Dieu, & pour le peuple chrétien en notre commun salut de ce jour en avant autant que Dieu m'en donne le savoir & le pouvoir, je déclare que je sauverai mon frere Charles, ci-présent, & lui serai en aide dans chaque chose (ainsi qu'un homme selon la justice doit sauver son frere) en tout ce qu'il seroit de la même maniere pour moi, & que je ne ferai avec Lothaire aucun accord qui par ma volonté porteroit préjudice à mon frere Charles ci-présent. "

Serment des seigneurs françois sujets de Charles le Chauve. La premiere ligne contient les paroles du serment ; la seconde l'interprétation latine, & la troisieme le françois du xij. siecle.

C'est-à-dire : " Si Louis observe le serment que son frere Charles lui jure, & que Charles, monseigneur de sa part ne le tint point, si je ne puis détourner Charles de ce violement, ni moi, ni aucuns

(a) Je lis er pour ero, au lieu de &.

(b) M. Ducange lit fuer pour fuero, au lieu de juer ou iver.

de ceux que je puis détourner, ne serons en aide à Charles contre Louis. "

On voit par cet exemple que la langue romane avoit déja autant de rapport avec le françois auquel il a donné naissance, qu'avec le latin dont il sortoit. Quoique les expressions en soient latines, la syntaxe ne l'est pas ; & l'on sait qu'une langue est aussi distinguée d'une autre par sa syntaxe que par son vocabulaire. Mém. de l'acad. des Insc. tom. XVII. & XXVI. in -4°. (D.J.)


ROMANESQUEadj. (Gram.) qui tient du roman. Il se dit des choses & des personnes. Une passion romanesque ; des idées romanesques ; une tête romanesque ; un tour romanesque ; un ouvrage romanesque.

ROMANESQUE, s. f. sorte de danse. Voyez GAILLARDE.


ROMANIE(Géog. mod.) ou Romélie, ou Rumélie, province de la Turquie européenne, bornée au nord par la Bulgarie, au midi par l'Archipel & la mer de Marmora, au levant par la mer Noire, & au couchant par la Macédoine.

Autrefois par la Romanie on entendoit généralement, comme l'a remarqué Selden, tout le pays que possédoient les empereurs grecs, soit dans l'Europe, soit dans l'Asie ou dans l'Afrique. Présentement le mot de Romanie désigne en général tout ce que les Turcs possedent en Europe, & particulierement la Thrace, la Bulgarie, la Macédoine, la Thessalie, la Grece & quelques autres contrées. Le mot Rumélie est composé de rum, & du mot grec , comme qui diroit la Romanie grecque ; mais la Romanie est ordinairement restrainte au gouvernement du Beglierbeg de ce pays, gouvernement qui ne s'étend ni sur la Hongrie, ni sur les îles de l'Archipel, ni même sur la Morée, qui fait une partie du revenu de la valideh, c'est-à-dire de la sultane mere de l'empereur. Ce pays seroit fertile en blé & en pâturage, si les Turcs se donnoient la peine de le cultiver ; les Grecs y sont en grand nombre.

Le bacha de Rumélie ou Romanie, est le dix-huitieme entre les gouvernemens beglierbegs, & le plus considérable gouvernement des Turcs en Europe. Il fournit au bacha un million cent mille aspres de revenu. Ce bacha fait sa résidence à Sofie, & a sous lui vingt quatre sangiacs. (D.J.)


ROMANO(Géog. mod.) ville d'Italie, dans la partie orientale du Bergamasque, sur une petite riviere qui coule entre le Serio & l'Oglio. Cette ville fait un bon commerce en blé. (D.J.)


ROMANOW(Géog. mod.) ville de l'empire russien, dans le duché de Jéroslaw, sur la gauche du Volga, au - dessus de Jéroslaw. (D.J.)


ROMANS(Géog. mod.) petite ville de France, dans une belle plaine du Dauphiné, sur l'Isere, à 3 lieues du Rhône, à 10 au sud-ouest de Grenoble, & à 111 de Paris. Elle doit son origine à un monastere fondé dans le ix siecle, qui a été sécularisé, & dont la manse abbatiale a été unie à l'archevêché de Vienne. Il y a dans cette ville une abbaye de filles, ordre de Cîteaux, fondée en 1532, & plusieurs couvens de religieux. Romans est un gouvernement particulier du gouvernement militaire de Dauphiné. Long. 22. 43. lat. 45. 7. (D.J.)


ROMARINS. m. (Hist. nat. Botan.) rosmarinus ; genre de plante à fleur monopétale labiée ; la levre supérieure est fendue en deux parties, & recourbée en arriere ; elle a des étamines crochues : la levre inférieure est divisée en trois parties dont celle du milieu est concave comme une cuillere. Le calice de cette fleur a deux ou trois pointes. Le pistil sort du calice ; il est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & entouré de quatre embryons qui deviennent dans la suite autant de semences arrondies, & renfermées dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Tournefort, I. R. H. Voyez PLANTE.

ROMARIN, (Jardinage) rosmarinus, arbrisseau toujours verd & odoriférant, qui vient en Espagne, en Italie, dans les provinces méridionales de ce royaume, & dans quelqu'autres pays chauds de l'Europe. Il fait de lui-même un buisson fort branchu qui s'étend en largeur & s'éleve peu ; cependant quand on le dirige par des soins de culture, on peut lui faire prendre 8 à 10 piés de hauteur. Ses feuilles sont fermes, longues, étroites, d'un verd foncé en-dessus, & blanchâtre en-dessous. Ses fleurs qui sont petites & d'un bleu pâle, paroissent au mois d'Avril. Elles durent long-tems, & se renouvellent encore en automne. Cet arbrisseau porte très-rarement des graines ; elles sont à-peu-près de la forme & de la grosseur de celle du mûrier : le mois d'Août est le tems de leur maturité dans les pays chauds.

Le romarin se multiplie très-aisément de branches couchées & de boutures. Les premieres se font au printems ; mais le commencement de Juillet est le tems le plus favorable pour faire les boutures d'arbres toujours verds. Quoiqu'on puisse faire prendre différentes formes à cet arbrisseau, il convient surtout à faire des haies qu'on peut tenir à six piés de hauteur, & en les taillant régulierement dans le commencement des mois de Juillet & de Septembre, elles se garnissent bien & font un bon abri pour des parties de jardin que l'on veut tenir chaudement. Cet arbrisseau est un peu délicat pour plusieurs provinces de l'intérieur de ce royaume, où les hivers rigoureux le font souvent périr. Mais on attribue quelquefois au froid un dépérissement qui n'est venu que de caducité. Le romarin veut être renouvellé au bout de 10 ou 12 ans qui sont à-peu-près le terme de sa durée. On la prolongera considérablement en mettant l'arbrisseau dans un terrein sec & leger, sablonneux & très-pauvre ; il s'y plaira, il y sera moins sujet à être mutilé par le froid, & il y fera des progrès plus rapides que s'il étoit dans une meilleure terre. D'ailleurs, plus il est jeune, moins il résiste aux gelées. Il est un moyen de l'en garantir sûrement, c'est de lui faire prendre racine dans un vieux mur où il résistera à toutes les intempéries du plein air. Il n'exige aucuns soins de culture, que d'être arrosé largement si l'on veut accélérer son accroissement.

Cet arbrisseau peut servir à un objet utile. On assure que les abeilles recherchent ses fleurs de préférence, parce qu'elles sont printanieres, abondantes, de longue durée, & très-odorantes.

On fait entrer aussi ces fleurs dans les sachets de senteur, dans les pots-pourris, & elles font la base de l'eau de la reine d'Hongrie. La Médecine en fait usage à quantité d'égards. On prétend que l'eau où l'on a fait infuser pendant douze heures des feuilles & des fleurs de cet arbrisseau, prise intérieurement, fortifie la mémoire & la vue. La fumée de cette plante desséchée est des plus propres à purifier l'air, & à chasser les mauvaises odeurs.

On ne regarde à présent le romarin ordinaire que comme un arbrisseau trivial & ignoble. Son odeur quoique aromatique n'est supportable qu'aux gens du commun. Cependant il y a des variétés de cet arbrisseau assez belles pour être admises dans les collections les plus riches. Voici les différentes especes de romarin que l'on connoît à présent.

1. Le romarin ordinaire à feuilles étroites ; c'est à cette espece qu'on peut appliquer plus particulierement ce qui a été dit ci-dessus.

2. Le romarin ordinaire à feuilles étroites panachées de jaune ; cette variété a une apparence agréable ; ses feuilles sont parsemées accidentellement de taches d'un jaune vif, qui font le même aspect que si l'on avoit répandu au hasard quelques paillettes d'or sur l'arbrisseau. Sa feuille est plus étroite que celle du précédent ; il fleurit plus tôt, & il est un peu plus délicat.

3. Le romarin à feuilles étroites panachées de blanc ; c'est l'espece qui a le plus d'agrément ; toutes ses feuilles sont si bien tachées, qu'il semble de loin qu'elles ont été argentées. C'est le plus beau, le plus rare & le plus délicat des romarins.

4. Le romarin d'Almérie ; il s'éleve moins que le romarin commun. Ses feuilles sont plus petites, plus blanches, & d'une odeur encore moins supportable. Ses fleurs qui viennent en épi au haut des branches, sont d'un violet foncé.

5. Le romarin à larges feuilles ; cet arbrisseau ne s'éleve qu'à deux ou trois piés. Ses branches sont moins ligneuses que celles du romarin commun. Sa feuille est plus épaisse, plus rude & d'un verd plus foncé. Il est extrêmement commun aux environs de Narbonne.

6. Le romarin panaché à larges feuilles ; il est rare & peu connu. Article de M. D'AUBENTON.

ROMARIN, (Mat. méd.) les feuilles & les fleurs de cet arbrisseau sont d'usage en médecine. Les pharmacologistes ont donné à cette plante & à sa fleur le nom d'anthos, c'est-à-dire fleur par excellence, & certes fort arbitrairement. Les feuilles de romarin sont recommandées dans l'usage intérieur, comme fortifiantes, céphaliques, bonnes contre l'épilepsie & la paralysie, hystériques, apéritives, utiles sur-tout contre la jaunisse, contre la leucophlegmatie & la cachexie, &c. Ces feuilles sont presque absolument inusitées dans tous ces cas, & on ne les emploie guere que dans une seule préparation magistrale destinée à l'usage extérieur, savoir le vin aromatique vulgaire, & dans une composition officinale, savoir le miel de romarin, mel anthosatum.

Les fleurs de romarin, ou pour mieux dire, les calices de ces fleurs sont de toutes les parties de cette plante aromatique, celles qui contiennent le plus abondamment le principe odorant & une huile essentielle lorsqu'on les cueille dans le tems balsamique, qui est ici celui où la plus grande partie des sleurs est à-demi épanouie. On retire de ces fleurs une eau distillée qui est peu usitée, une huile essentielle dans laquelle on ne reconnoît évidemment que les qualités communes des huiles essentielles, un esprit ardent aromatique très-connu, sous le nom d'eau de la reine d'Hongrie, auquel on ne peut raisonnablement attribuer aussi que les qualités génériques des esprits ardens aromatiques. Voyez ESPRIT, Chymie, ODORANT, principe, & ESPRIT-DE-VIN, sous le mot VIN.

Une conserve qui est regardée comme cordiale, stomachique, anti-spasmodique & emmenagogue ; & enfin le miel anthosat, dont nous avons déja parlé, & qui ne s'emploie guere que dans les lavemens carminatifs.

Les fleurs & les sommités du romarin entrent dans un grand nombre de remedes officinaux composés, tant internes qu'externes. (b)


ROMATIANAROMATIANA


ROMATINUMFLUMEN, (Géog. anc.) fleuve d'Italie, dans la Carnie, aujourd'hui Carnia, selon Pline, liv. III. c. xviij. qui connoît une ville de même nom vers l'embouchure de ce fleuve. La ville pourroit bien être Concordia. A l'égard du fleuve, on le nomme aujourd'hui Leme ou Limene. (D.J.)


ROMBAILLERES. f. (Marine) convention de planches qui couvrent le dehors du corps de la galere, & qui sont attachées avec de grands clous de fer à-travers des madriers & des estemeraires.


ROMBAVES. m. (Hist. nat. Bot.) arbrisseau de l'île de Madagascar, qui donne une gomme très-blanche & dont le bois est flexible.


ROMBOS. m. (Hist. nat. Ichthyolog.) nom que l'on donne à Marseille au turbot. Voyez TURBOT.


ROME(Géog. anc.) la ville éternelle. Les anciens auteurs latins l'ont nommée Urbs, c'est à-dire la ville par excellence, à cause du rang qu'elle tenoit sur toutes les autres villes du monde ; le nom de Rome, en latin Roma, lui a toujours été conservé. Envain l'empereur Commode voulut lui faire porter le nom de Colonie commodienne ; envain le roi des Goths l'appella Gothie ; envain même l'appella-t-on la ville d'Auguste, par flatterie pour ce prince ; l'intention de tous les souverains qui prétendirent lui donner leurs noms, n'a point été suivie par leurs successeurs.

Un prince d'une naissance incertaine, dit l'abbé de Vertot, nourri par une femme prostituée, élevé par des bergers, & devenu depuis chef de brigands, jetta les premiers fondemens de cette capitale du monde, dans la quatrieme année de la sixieme olympiade, & la sept cent cinquante - troisieme avant la naissance de Jesus-Christ. Il la consacra au dieu de la guerre, dont il vouloit qu'on le crût sorti ; il admit pour habitans des gens de toutes conditions & venus de différens endroits, Grecs, Latins, Albains, & Toscans, la plûpart pâtres & bandits, mais tous d'une valeur déterminée. Un asyle qu'il ouvrit en faveur des esclaves & des fugitifs, y en attira un grand nombre, qu'il augmenta depuis des prisonniers de guerre, & il sçut de ses ennemis en faire ses premiers citoyens.

Il choisit le mont-Palatin pour y placer sa ville, & il employa toutes les cérémonies superstitieuses que les Etrusques avoient introduites pour de semblables fondations ; il fit attacher à une charrue dont le soc étoit d'airain, une vache & un taureau, & leur fit tracer l'enceinte de Rome par un profond sillon. Ces deux animaux, symboles des mariages qui devoient peupler les villes, furent ensuite égorgés sur les autels ; tout le peuple suivoit la charrue, & poussoit en dedans les mottes de terre que le soc rejettoit quelquefois en dehors ; on soulevoit cette charrue, & on la portoit dans les endroits où l'on destinoit de faire des portes.

Comme le mont-Palatin étoit isolé, on l'enferma tout entier dans le circuit que l'on traça, & l'on forma une figure à-peu-près quarrée au pié de la montagne ; là on creusa en rond une fosse assez profonde, où tous les nouveaux habitans jetterent un peu de terre des différens pays où ils avoient pris naissance, & ce trou resta en forme d'une espece de puits dans la place publique, où se tinrent depuis les comices.

Rome fut ainsi formée par des hommes pauvres & grossiers ; on y comptoit environ mille chaumieres ; c'étoit, à proprement parler, un village, dont les principaux habitans labouroient la terre ingrate d'un pays stérile qu'ils s'étoient partagé ; le palais même de Romulus n'étoit construit que de joncs & n'étoit couvert que de chaume.

Chacun avoit choisi son terrein pour bâtir sa cabane, sans égard à aucun alignement ; c'étoit une espece de camp de soldats, qui servoit d'asyle à des avanturiers, la plûpart sans femmes & sans enfans, que le desir de faire du butin avoit réunis. Ce fut d'une retraite de voleurs que sortirent les conquérans de l'univers, dit à ce sujet l'écrivain des révolutions de la république romaine.

Il nous faut prendre de la ville de Rome, dans ses commencemens, l'idée que nous donnent les villes de la Crimée, faites pour renfermer le butin, les bestiaux & les fruits de la campagne. Les noms anciens des principaux lieux de Rome, ont tous du rapport à cet usage ; cette ville n'avoit pas même de rues, si l'on n'appelle de ce nom la continuation des chemins qui y aboutissoient. En un mot, jusqu'à la prise de Rome par les Gaulois, cette ville n'étoit en partie qu'un amas informe de huttes séparées.

Telle est la peinture que nous font les historiens des commencemens de cette capitale du monde, qui ne fut jamais plus digne de commander à l'univers, que quand la pauvreté y conserva l'amour des vertus civiles & militaires. Ce furent ces illustres laboureurs, qui en moins de cinq cent ans, assujettirent les peuples les plus belliqueux de l'Italie, défirent des armées prodigieuses de Gaulois, de Cimbres & de Teutons, & ruinerent la puissance formidable de Carthage.

A peine cette ville naissante fut-elle élevée audessus de ses fondemens, que ses habitans se presserent de donner quelque forme au gouvernement ; leur principal objet fut de concilier la liberté avec l'empire, & pour y parvenir, ils établirent une espece de monarchie mixte, & partagerent la souveraine puissance entre le chef ou le prince de la nation, un sénat qui lui devoit servir de conseil, & l'assemblée du peuple. Romulus, le fondateur de Rome, en fut élu le premier roi ; il fut reconnu en même tems pour le chef de la religion, le souverain magistrat de la ville, & le général né de l'état.

Ses successeurs aggrandirent beaucoup la ville de Rome ; le mont-Celius y fut ajouté par Tullus ; le Janicule & l'Aventin, par Ancus ; le Viminal, le Quirinal, & l'Esquilin, par Servius Tullius ; ce qui occasionna le nom célebre de Septicollis, qu'on donna à cette ville, à cause des sept collines sur lesquelles elle étoit bâtie.

Une des causes de sa prospérité, c'est que ses rois furent tous de grands personnages ; on ne trouve point ailleurs, dans les histoires, une suite non-interrompue de tels hommes d'état, & de tels capitaines, comme M. de Montesquieu l'a remarqué le premier. Les ouvrages qui ont donné & qui donnent encore aujourd'hui la plus haute idée de sa puissance, ont été faits sous les rois. On peut voir l'étonnement de Denys d'Halicarnasse, Ant. rom. l. III. sur les égoûts faits par Tarquin ; & ces égouts subsistent encore.

On sait que quelques années avant le désastre de Rome par les Gaulois, les tribuns du peuple avoient voulu partager le sénat & le gouvernement de la république entre les deux villes de Véïes & de Rome ; après le saccagement de cette derniere, les mêmes tribuns penserent à faire abandonner tout-à-fait Rome détruite, à transporter à Véïes le siege de l'état, & à en faire la seule capitale. Le peuple sembloit assez disposé à prendre ce parti, mais Camille l'emporta sur la faction des tribuns, & d'un consentement unanime, il fut arrêté qu'on rétabliroit la ville de Rome.

On rebâtit les temples sur les mêmes fondemens ; ensuite on répara les ruines des maisons particulieres ; le trésor public y contribua du sien, & les édiles furent chargés de régler & de hâter les ouvrages ; on fit marché avec des entrepreneurs, qui s'obligerent d'édifier les maisons dans l'année ; le trésor public fournit la charpente & le bardeau pour couvrir les toîts ; il y eut ordre à tous les propriétaires des campagnes, d'y laisser fouir des carrieres, & de souffrir qu'on en enlevât gratuitement les pierres. Enfin tous les Romains mirent la main à l'oeuvre, & nul ne fut exempt des travaux ; précédemment les égoûts publics ne passoient que sous les rues, on bâtit alors indifferemment sur leurs voûtes qui servirent de fondemens, & par-là les égoûts eurent leurs cours sous les maisons particulieres.

Cependant la précipitation fit tort à la seconde construction de Rome ; les rues demeurerent étroites & mal alignées ; il est vrai que sur la fin de la république, & sur-tout sous Auguste, Rome étant devenue la capitale du monde, la magnificence augmenta dans les temples, dans les palais, & dans les maisons des citoyens ; mais cette nouvelle décoration ne réforma pas les défauts du plan sur lequel on avoit rétabli la ville après sa premiere construction : les choses changerent bientôt après.

L'incendie de Rome, qui dura sous le regne de Néron six jours & six nuits, la réduisit presque en cendres, & de quatorze quartiers de la ville, quatre seulement furent épargnés ; tous les soins, dit Tacite, que se donna l'empereur, pour le soulagement du peuple affligé, furent inutiles à sa réputation ; on l'accusa long-tems d'avoir été lui-même l'auteur de l'embrasement. Quoi qu'il en soit, Néron se servit des ruines de sa patrie pour faire éclater sa magnificence ; il ordonna que sans garder l'ordre ancien, ni laisser la liberté aux particuliers de bâtir à leur fantaisie, comme ils avoient fait jusqu'alors, on tirât au cordeau de grandes rues, on élargît les places, on environnât les quartiers de portiques que l'empereur se chargea de construire à ses dépens, comme aussi de faire enlever les démolitions & les décombres.

Le même Néron voulut que les maisons fussent voûtées jusqu'à une certaine hauteur, & bâties d'une pierre qui résiste au feu ; il prescrivit encore que les particuliers ne tireroient point l'eau publique à leurs usages, afin que l'on eût des réservoirs auxquels on pourroit avoir recours en cas d'incendie, & que chaque maison seroit séparée l'une de l'autre sans un mur mitoyen ; il bâtit pour lui-même un palais moins superbe par la dorure, que le luxe avoit déjà rendue commune, que par les champs, les lacs, les forêts, & les campagnes dont il étoit accompagné. On peut voir une courte description de ce palais, au mot MAISON DOREE.

Les ordonnances de l'empereur, outre l'utilité publique, apporterent un embellissement particulier à la nouvelle ville ; quelques - uns croyoient pourtant que les anciens bâtimens étoient plus sains, ou du moins plus commodes pour le peuple, parce que les rues étant plus étroites, la hauteur des maisons garantissoit des rayons du soleil, qui ne trouvoient plus d'obstacle par la maniere dont on venoit de bâtir.

Il nous reste quelques descriptions de la ville de Rome, telle qu'elle se trouvoit vers le siecle des empereurs Valentinien & Valens ; & dans ces tems-là elle étoit partagée en quatorze régions, dont nous avons une description attribuée à P. Victor. Voyez REGIONS DE ROME. C'est un article qui sert de supplément à celui-ci, & qui nous met en état de passer à la description de Rome moderne.

Quant aux autres détails qui concernent l'ancienne Rome, on les trouvera dans ce Dictionnaire sous leurs divers articles particuliers ; il seroit superflu d'en faire ici l'énumération. Je passe à Rome moderne, la ville du monde qui intéresse le plus la curiosité. (D.J.)

ROME moderne, (Géog. mod.) C'est toujours la plus fameuse ville de l'univers, quoique l'empire romain soit détruit. On sait qu'elle est située sur le Tibre, environ à 155 lieues de Turin, à 300 de Madrid, à 330 au sud-est de Paris, à 340 d'Amsterdam, à 310 nord-ouest de Constantinople, & à 190 sud-ouest de Vienne. Long. suivant Cassini & Bianchini, 30. 10'. 30''. Latit. 41. 54. selon Gréave, 41. 46. La différence de méridiens entre Paris & Rome, est de 10. 19. 30. dont Rome est plus orientale que Paris.

Rome est non-seulement aujourd'hui la capitale de l'Italie dans l'état de l'Eglise, mais elle est encore à plus d'un égard, la capitale de tous les royaumes catholiques, puisque chacun d'eux a le droit d'y nommer un ministre, & que leurs causes ecclésiastiques, même leurs causes temporelles, y sont jugées par le tribunal de la Rote, composé de juges de chaque nation. Dans cette ville,

Près de ce capitole, où regnoient tant d'allarmes,

Sur les pompeux débris de Bellone & de Mars,

Un Pontife est assis au trône des Césars.

Des prêtres fortunés foulent d'un pié tranquille

Les tombeaux des Catons, & la cendre d'Emile ;

Le trône est sur l'autel, & l'absolu pouvoir

Met dans les mêmes mains le sceptre & l'encensoir.

Voltaire.

La différence est néanmoins bien grande entre Rome ancienne, & Rome moderne ; je ne dirai pas avec Vopiscus, qui vivoit sous l'empire de Dioclétien, que les murailles de l'ancienne Rome avoient un circuit de cinquante milles, parce que je crois que c'est une faute des copistes ; je ne suis pas moins éloigné d'adopter les extravagantes exagérations de Vossius, qui donne à l'ancienne Rome plusieurs millions d'habitans ; mais en supposant qu'elle fût à-peu-près aussi peuplée que peut l'être Paris, il est certain que Rome moderne n'a pas cent quarante mille ames.

On ne comptoit à la fin du dix-septieme siecle, par un dénombrement qui fut imprimé, que cent trente-cinq mille habitans dans cette ville, en y comprenant les Juifs, & ce calcul se trouvoit encore vérifié par les registres des naissances. Il y naissoit, année commune, trois mille six cent enfans ; ce nombre de naissances multiplié par 34, donne toujours à peu près le total des habitans, savoir environ cent vingt-cinq mille, outre les dix mille Juifs.

Il résulte de cette observation que Rome est six fois moins peuplée que Paris, & sept fois moins que Londres ; elle n'a pas la moitié d'habitans que contient Amsterdam, & en est encore plus éloignée proportionnellement du côté de l'opulence, & de la connoissance des arts qui la produisent ; elle n'a ni vaisseaux, ni manufactures, ni trafic. Il est vrai que depuis le pontificat de Jules II. & de Léon X. Rome a été le centre des beaux arts, jusqu'au milieu du dernier siecle ; mais bientôt, dans quelques-uns, elle fut égalée, & dans d'autres surpassée par notre capitale. Londres a aussi sur elle autant de supériorité par les sciences que par les richesses & la liberté ; les palais si vantés de Rome sont inégalement beaux, & généralement mal entretenus ; la plûpart des maisons des particuliers sont misérables ; son pavé est très-mauvais, les pierres petites & sans assiette ; ses rues vilaines, sales & étroites, ne sont balayées que par la pluie qui y tombe rarement.

Cette ville, qui fourmille d'églises & de couvens, est presque déserte à l'orient & au midi. Qu'on lui donne tant qu'on voudra douze milles de tour, c'est un circuit rempli de terres incultes, de champs & de jardins, qu'on appelle vignes. Ceux du Vatican & du derriere de S. Pierre, occupent plus d'un tiers de la partie nommée le bourg, & tout ce qui est à l'occident de la Longara jusqu'au Tibre, ne présente encore que des jardins, & des lieux vuides d'habitans. Ainsi, l'on a eu raison de dire, que les sept collines qui faisoient autrefois sa décoration, ne lui servent plus que de tombeaux.

Haec, dum viva, sibi septem circumdedit arces

Mortua nunc septem contegitur tumulis.

Cependant cette Rome dépeuplée, foible par elle-même, sans fortifications, sans troupes & sans généraux, est toujours la ville du monde la plus digne de curiosité, par une infinité de précieux restes d'antiquités, & des chef-d'oeuvres des modernes, en architecture, en peinture & en sculpture.

Entre les restes de l'ancienne Rome, la grandeur de la république éclate principalement dans les ouvrages nécessaires, comme les grands chemins, les aqueducs & les ponts de la ville. Au contraire la magnificence de Rome sous les empereurs, se manifeste dans les ouvrages qui concernoient plutôt l'ostentation ou le luxe, que l'utilité publique ; tels sont les bains, les amphithéâtres, les cirques, les obélisques, les colomnes, les mausolées, les arcs de triomphe, &c. car ce qu'ils joignoient aux aqueducs, étoit plutôt pour fournir leurs bains & leur naumachie, & pour embellir la ville par des fontaines, que pour quelque besoin effectif. Ces divers restes ont été si amplement décrits par quantité de voyageurs & d'autres écrivains, dont les meilleurs ouvrages ont été recueillis dans la vaste collection de Gronovius, qu'il est difficile de rien dire de neuf sur un sujet si rebattu. Cependant, il y a tant de choses remarquables dans un champ si spacieux, qu'il est difficile de les considérer sans faire différentes réflexions, ou selon son génie, ou selon les études que l'on a cultivées.

En général parmi les antiquités de Rome, les anciennes statues sont l'objet qui a le plus de partisans, à cause de l'excellence de l'ouvrage. On est enchanté de voir les visages de gens illustres qu'on connoît tant dans l'histoire. On aime à considerer la ressemblance qui se trouve entre les figures des divinités du paganisme, & les descriptions que les poëtes nous en on données, soit que les poëtes aient été les copistes de la sculpture grecque, soit que la sculpture ait pris ses sujets dans les poëtes. Rome, maîtresse de l'univers, rassembla dans son sein les plus beaux morceaux de la Grece.

Quoique les statues qui ont été trouvées parmi les débris de l'ancienne Rome, surprennent par leur nombre prodigieux, il ne faut point douter qu'il n'y ait encore sous terre de grands trésors en ce genre. Il y a plusieurs endroits qui n'ont jamais été visités. On n'a point touché à une grande partie du mont Palatin ; & comme c'étoit autrefois le siége du palais de l'empereur, on peut présumer qu'il n'est pas stérile en richesses de ce genre.

Il y a des entrepreneurs à Rome qui achetent volontiers le droit de fouiller des champs, des jardins ou des vignobles. Ils payent l'étendue de la surface qu'ils ont à creuser ; & après l'essai, comme on fait en Angleterre pour les mines de charbon, ils remuent les endroits qui promettent davantage, & souvent avec succès. S'ils sont trompés dans leur attente, ils gagnent ordinairement assez de briques & de décombres pour se rembourser des frais de leurs recherches, parce que les Architectes estiment plus ces matériaux anciens, que les nouveaux. Mais on croit, surtout à Rome, que le lit du Tibre est le grand magasin de toutes ces sortes de trésors ; cette opinion est si générale, que les Juifs ont autrefois offert au pape de nettoyer cette riviere, pourvu qu'ils eussent seulement ce qu'ils y trouveroient. Ils proposerent de faire un nouveau canal dans la vallée près de Ponte-Molle, pour recevoir les eaux du Tibre, jusqu'à ce qu'ils eussent vuidé & nettoyé l'ancien. Il falloit accepter une proposition si favorable, le pape la refusa par une vaine terreur ; il est certain que la ville de Rome recevroit un grand avantage d'une telle entreprise, qui releveroit les bords du Tibre, & remédieroit à ses fréquens débordemens.

Rome offre un autre spectacle curieux, c'est la grande variété des colomnes de marbre dont elle est remplie, & qui ont été tirées d'Egypte ou de la Grece. On conçoit la difficulté qu'on a dû éprouver pour les tailler & leur donner la forme, la proportion & le poli. Je sai que quelques modernes condamnent la proportion & la forme de ces colomnes ; mais les anciens sachant que le but de l'architecture est principalement de plaire à l'oeil, s'attachoient à remplir ce but ; c'étoit un effet de l'art, & de ce que les Italiens appellent el gusto grande ; ils considéroient toujours l'assiette d'un bâtiment, s'il étoit haut ou bas, dans une place ouverte ou dans une rue étroite, & ils s'écartoient plus ou moins des regles de l'art, pour s'accommoder aux diverses distances & élevations, d'où leurs ouvrages devoient être regardés.

Je mets au rang des colomnes de Rome, tous les obélisques qui sont dans cette capitale, & qui y ont été apportés d'Egypte. Tel est l'obélisque qui est au milieu de la place qui fait face à S. Pierre de Rome, & celui qui est vis-à-vis de S. Jean de Latran. Sixte-quint a la gloire de les avoir tous deux fait relever. Voyez OBELISQUE.

Le ponte Sant'Angelo, par où quelques voyageurs ont commencé à décrire la ville de Rome, est celui qu'on appelloit anciennement Pons-Aelius, du nom de l'empereur Aelius Adrianus, qui le fit bâtir ; & il a pris celui de ponte Sant'Angelo, qu'il porte aujourd'hui, à cause que S. Grégoire le Grand, étant sur ce pont, vit, à ce qu'on dit, un ange sur le moles Adriani, qui remettoit son épée dans le fourreau, après une grande peste qui avoit désolé toute la ville. En jettant les yeux sur la riviere, on découvre à gauche les ruines du pont triomphal, par-dessus lequel tous les triomphes passoient pour aller au capitole ; ce qui fit que ce passage en demeura plus libre, & que par un decret du sénat, il fut défendu aux paysans & aux laboureurs.

Le château S. Ange est au bout du ponte Sant-Angelo, c'est ce qu'on appelloit moles Adriani, parce que l'empereur Adrien y avoit été enterré ; c'est dans ce château qu'on met les prisonniers d'état ; & que Sixte V. déposa cinq millions, avec une bulle qui défend de s'en servir sans une pressante nécessité ; apparemment que quelques-uns de ses successeurs se sont trouvés dans ce cas ; car les cinq millions de Sixte V. n'existent plus. On arrive bientôt après à la place de S. Pierre, & à l'église de même nom, qui passe pour le plus vaste & le plus superbe temple du monde. Voyez S. PIERRE de Rome.

Le palais du Vatican est tout joignant l'église de S. Pierre, & c'est grand dommage ; car si l'église étoit isolée, & qu'on la pût voir de tous côtés en champ libre, l'effet en seroit bien plus beau. Le Vatican est un édifice aussi vaste qu'irrégulier. Voyez VATICAN.

Ce palais a une bibliotheque magnifique, grossie par celle de Heidelberg, & par la bibliotheque du duc d'Urbin. Il y a dans cette bibliotheque un volume de lettres de Henri VIII. à Anne de Boulen ; il seroit à souhaiter que celles de Anne de Boulen à Henri VIII. y fussent aussi ; car on en connoit quelques-unes qui sont admirables. Parmi les manuscrits des derniers siecles, on y trouve quelques lettres que des cardinaux s'écrivoient, & dans lesquelles ils se traitoient de Messer-Pietro, Messer-Julio, sans autre cérémonie. Leur style a bien changé depuis ; mais comme l'article de la bibliotheque du Vatican se trouve déja fait dans ce Dictionnaire, je suis dispensé de plus grands détails à cet égard. Voyez le mot BIBLIOTHEQUE.

Près de l'église de S. Pierre est l'hôpital du S. Esprit, l'un des plus beaux de l'Europe par sa grandeur & par son revenu. Il y a, dit-on, jusqu'à mille lits pour les malades, & un prélat qui gouverne toute la maison. C'est une espece de mont de piété, où l'on porte son argent en dépôt ; & comme il y a toujours quelques millions de superflu, l'hôpital en fait profiter le relai à ses risques, & ce profit est beaucoup plus que suffisant pour les dépenses dont l'hôpital est chargé.

De l'hôpital du S. Esprit, on passe à l'église de S. Onuphre, où l'on voit le tombeau du Tasse. Un peu plus loin est la villa Pamphilia, maison de plaisance ornée de statues & de tableaux, entre lesquels on distingue S. Pierre attaché en croix, & la conversion de S. Paul, par Michel-Ange.

En rentrant dans la ville par la porte de S. Pancrace, on voit sur la route l'église des cordeliers appellée San Pietro-Montorio, dont le grand autel est embelli d'un tableau de la transfiguration de Notre Seigneur, par Raphaël. Du haut de la montagne où est San-Pietro-Montorio, & qui fut anciennement le janicule, on a la vue de toute la ville ; c'est ici qu'étoit le tombeau de Numa Pompilius.

L'église de Santa-Maria-Transtevere n'est pas loin, & c'est la premiere qui ait été bâtie à Rome, au rapport de Baronius. Elle occupe la place des Tabernae Meritoriae, où les anciens Romains donnoient tous les jours la pitance aux soldats estropiés.

On va ensuite vers l'île de S. Barthélemy, nommée anciennemment insula Tiberina. Elle se forma dans ce lieu-là, lorsque Tarquin le superbe eut été chassé de Rome. Comme on arracha les blés qu'il avoit fait semer autour de Rome, on les jetta dans le Tibre avec les racines, ensorte que la terre qui y étoit attachée, ayant arrêté l'eau dans l'endroit où elle étoit bâtie, la bourbe s'y amassa insensiblement, & il s'en fit peu-à-peu une île.

On sort de cette île par le pont de quatre tentes, nommé anciennement pons Fabricius, qui la joint avec la ville, & à main droite est le pont appellé pons Sublicius, à l'entrée duquel Horatius Coclès soutint lui seul les efforts de l'ennemi, tandis qu'on rompoit ce pont derriere lui ; après quoi il se jetta dans la riviere, & se sauva à la nage. Ce pont étoit alors de bois, & Aemilius le fit faire de pierre. C'est de ce pont que l'empereur Héliogabale fut précipité dans la riviere avec une pierre au col.

Au sortir du pont, on voit la porte de derriere du quartier des Juifs, qui demeurent dans un coin de la ville, où toutes les nuits on les enferme à la clé. Ils n'éprouvent point cette ignominie en Allemagne, en Angleterre, ni en Hollande. A quelque distance de leurs synagogues, on voit à main gauche le palais du prince Savelli, bâti sur les ruines du théâtre de Marcellus, qu'Auguste fit élever en l'honneur de son neveu. Plus loin est le grand égoût de Rome, qui se décharge dans le Tibre, & qu'on appelloit Cloaca magna. Tarquinius Priscus le fit bâtir de pierre de taille. Une charrette y peut aisément entrer, & il y a plusieurs canaux voutés par où s'écoulent les immondices. Cet ouvrage est un de ceux qui marquent le plus quelle a été la grandeur de la vieille Rome.

Du mont Aventin on va à la porte de S. Paul, & on voit en chemin la petite montagne ou colline qu'on appelle communément il Doliolo, ou le monte Testaccio, la montagne des pots cassés, nom qui vient peut-être de la quantité prodigieuse de vases de terre qu'on faisoit à Rome pour les gens de médiocre condition pendant tout le tems que dura l'usage de brûler les morts, & l'on jettoit dans cet endroit-là tous les débris de ces vases.

En approchant de la porte de S. Paul, on apperçoit le mausolée de Caïus Cestius, monument fort singulier, soit pour son ancienneté, soit pour les peintures en stuc blanc dont il étoit décoré. Voyez PIRAMIDE de Cestius.

Après que l'on a passé la porte de S. Paul, anciennement porta Tergemina, ou Ostiensis, on va à l'église du même nom, & qui a été bâtie par Constantin. Cette église est en forme de croix, & a 477 piés de long sur 258 de large ; quatre rangs de piliers ronds qui forment le nombre de cent, la soutiennent ; ils sont d'un marbre blanc, & on prétend qu'ils ont été tirés des bains d'Antonius.

A environ deux milles de-là sont les ruines du praetorium. C'étoit le lieu où la garde prétorienne de l'empereur logeoit : il étoit hors de la ville, afin que les soldats n'y commissent aucun desordre, & qu'ils pussent souvent faire l'exercice dans le cirque de Caracalla, qui étoit au voisinage. Ce cirque bâti par cet empereur, est le plus entier de ceux qui restent aujourd'hui à Rome. On y voit le lieu que les Romains nommoient carceres, d'où partoient les chariots qui couroient dans le cirque, & celui où étoit l'aiguille appellée meta : au bout de ce cirque délabré est un vieux temple rond, & un autre petit qui lui sert comme d'entrée. Ce dernier étoit le temple de la Vertu, & l'autre celui de l'Honneur. Ils étoient joints ensemble, parce qu'on ne peut acquérir de l'honneur que par la vertu.

En rentrant dans la ville par la porte de S. Sébastien, autrefois porta Capena, on voit le couvent de S. Dominique, bâti dans le lieu qui s'appelloit autrefois Piscina publica, parce que tout le peuple de Rome venoit s'y baigner.

De-là on va à la porte Latine, d'où l'on se rend à l'église S. Jean de Latran, regardée comme la premiere église patriarchale de Rome. C'est dans cette église que le pape nouvellement élu, prend possession de son patriarchat. Les pontifes de Rome demeuroient autrefois dans le palais voisin ; ce n'est que depuis leur retour d'Avignon qu'ils ont choisi leur demeure au Vatican, & dans les chaleurs de l'été, à Monte-Cavallo. Sixte V. après avoir réparé le palais de Latran, fit une bulle pour obliger ses successeurs à y demeurer d'après son exemple, trois mois de l'année ; mais ses successeurs en ont appellé à eux-mêmes, & ont fixé leur demeure au Vatican ou à Monte-Cavallo.

L'église de Latran est sous la protection de l'empereur & du roi de France, qui lui a donné l'abbaye de Clérac, dont elle jouit encore aujourd'hui. Cette église est vaste, & a des niches que l'on dit avoir été construites sur les desseins de Michel Ange ; ces niches renferment des statues, dont les quatre plus belles ont été faites par des sculpteurs françois.

En passant le long de la muraille de l'ancien aqueduc de Clodius, on arrive à la villa du duc Mathéi, maison de plaisance toute remplie d'antiquités curieuses, parmi lesquelles on remarque les statues de Brutus & de sa femme Porcia, d'une seule piece ; celle de Cléopatre, celle d'Hercule, celle de trois petits garçons qui s'embrassent l'un l'autre en dormant ; & la tête de Cicéron. Dans une autre corps de logis, sont la belle statue d'Andromede exposée aux monstres marins, une autre statue d'Apollon fuyant Marsias, & la statue d'un satyre qui tire une épine de son pié.

De ce lieu-là on descend vers l'ancien amphitheâtre nommé Colisée, à cause d'un colosse qui étoit auprès. C'est une des plus rares pieces de l'antiquité, mais dont il ne reste que des ruines ; Vespasien le commença, & Domitien l'acheva. Il est surprenant que l'on ait pu élever des pierres d'une aussi prodigieuse grosseur, que celles dont ce bâtiment étoit composé. Martial en parle en ces termes :

Hic ubi conspicui venerabilis amphiteatri

Erigitur moles, stagna Neronis erant.

Ce prodigieux amphithéâtre étoit de figure ronde en-dehors, quoique l'arene fût ovale. Il contenoit quatre-vingt-cinq mille spectateurs, & étoit quatre fois plus grand que l'amphithéâtre de Vérone ; les colonnes du troisieme ordre, & les pilastres du quatrieme, avoient le chapiteau corinthien.

On voit encore près de cet amphithéâtre, les masures de briques qui composoient autrefois la belle fontaine qu'on appelloit meta sudans ; elle fournissoit de l'eau à ceux qui se trouvoient à ces spectacles. La façade étoit revêtue de marbre ; & sur le haut il y avoit une statue de cuivre qui représentoit Jupiter. L'arc triomphal de Constantin est aux environs du colisée. Il est assez bien conservé, mais il y a quelques statues dont on a enlevé les têtes ; & on en accuse Laurent de Médicis, qui, à ce qu'on dit, les fit porter à Florence. Les connoisseurs remarquent que les bas-reliefs de ce monument ne sont pas d'égale beauté ; ce qui fait soupçonner que les meilleurs morceaux furent empruntés quand on l'érigea.

De-là on se rend aux thermes d'Antonin, qui par leur magnificence, ressemblent plutôt à une ville qu'à des bains. Olympiodore dit qu'ils avoient seize cent siéges de marbre, pour avoir autant de personnes qui auroient voulu s'y baigner. Dans quelques-uns de ces bains, les bancs étoient couverts de lames d'argent, & d'autres avoient des canaux de même métal, par où l'eau couloit. Ils étoient d'ailleurs ornés de statues, de tableaux & de pierres précieuses ; aujourd'hui ce n'est plus qu'un endroit de récréation pour un triste séminaire.

Entre le mont Aventin & le mont Palatin, on peut observer le lieu où étoit le grand cirque. Tarquinius Priscus le commença, & Jules César, aussi - bien qu'Auguste, l'augmenterent beaucoup. Il avoit trois stades de longueur, & quatre arpens de largeur. Trajan & Héliogabale l'embellirent de statues & de colonnes ; cent cinquante mille hommes pouvoient tenir aisément dans les trois galeries qui étoient couvertes ; l'une étoit pour les sénateurs, l'autre pour les chevaliers, & la troisieme pour le peuple. Les obélisques qui sont aujourd'hui à la porte del Popolo & à S. Jean de Latran, étoient dans le cirque. Il y a plusieurs voûtes sous ce batiment ; c'étoit là que les courtisannes établissoient leur honteux commerce.

Du grand cirque en allant à l'église de S. George, on voit les ruines du palais des empereurs, appellé palazzo maggiore. Il occupoit presque tout le mont Palatin. L'église de S. Anastase qui est sur ce mont, étoit autrefois le temple de Neptune. Près de-là étoit le temple de Janus-quadrifons, parce qu'il y avoit quatre portes, & trois niches dans chaque face de quarré ; ce qu'on peut prendre pour les quatre saisons, & pour les douze mois de l'année. L'eau du Tibre couloit jadis près de l'église de saint George, & on appelloit ce bras de riviere velatum, à cause que l'on y passoit en bateau avec une petite voile dans un vent favorable ; on va de-là à l'église ronde de saint Théodore, qui à ce qu'on croit, étoit anciennement le temple de Rémus & de Romulus. Il faut peu monter pour aller à l'hôpital de Notre-Dame de Consolation, qu'on prétend avoir été dans l'antiquité le temple de Vesta.

L'église de Santa-Maria-Liberatrice est au pié du mont palatin, près de l'endroit nommé lacus Curtii. Ce fut là que s'ouvrit un gouffre d'où sortoit une puanteur insupportable, & qui ne se referma qu'après que Curtius, chevalier romain, s'y fut précipité à cheval pour le bien de sa patrie.

En tournant à droite, on trouve le jardin Farnèse. Il est rempli de jets d'eau & de grottes, & au-dessus sont des lieux de promenade, d'où l'on découvre le grand cirque. En continuant de marcher à droite on arrive à l'arc triomphal de Titus ; il fut érigé pour le triomphe de ce prince, après la prise de Jérusalem. Cet arc est sur-tout remarquable par ses bas-reliefs, qui représentent le candélabre, la table, les trompettes du grand jubilé, & quelques vaisseaux qui furent apportés du temple ; cet arc est donc la rue sacrée, au pié du mont Palatin.

Le temple de la Pace, c'est-à-dire de la Paix, n'est pas loin du campo Vaccino, mais on n'en voit plus que des ruines, quoique ce fût un des plus superbes édifices de Rome. Vespasien l'avoit élevé, & y avoit mis les dépouilles du temple de Jérusalem. Voyez TEMPLE DE LA PAIX.

Plus avant est l'église de saint Laurent in Miranda, c'étoit anciennement un temple que l'empereur Antonin dédia à l'impératrice Faustine son épouse, dont il ne put jamais faire une honnête femme pendant sa vie ; le vestibule de cette église est magnifique.

Le capitole moderne est bâti sur les ruines de l'ancien capitole, tout y est plein de pieces antiques, dont la description feroit un volume. Il suffira de dire ici qu'on y remarque la louve de bronze qui alaite Remus & Romulus ; les quatre grands reliefs représentant plusieurs traits de l'histoire de Marc-Aurele, la couronne rostrale du consul Duillius, qui eut le premier dans Rome l'honneur du triomphe naval ; le courier qui s'arracha une épine du pié, après avoir apporté de bonnes nouvelles au sénat, ayant mieux aimé souffrir de grandes douleurs dans son voyage, que de retarder la joie publique ; les bustes de Cicéron & de Virgile ; les quatre anciennes mesures romaines, une pour l'huile, une autre pour le grain, & deux autres pour le vin ; la nourrice de Néron qui le tient par la main ; la déesse du silence ; le dieu Pan ; les trois Furies ; une statue de César avec sa cuirasse ; une statue d'Auguste ; celle de Castor & de Pollux ; les débris des colonnes d'Apollon, de Domitien, & de Commode ; le lion qui dévore un cheval ; les trophées que quelques-uns disent être de Trajan, & les autres de Marius. Les deux chevaux de marbre qui se voient dans la place du capitole, ont été enlevés du théâtre de Pompée ; & la statue équestre de bronze que l'on voit dans le même lieu, y fut mise par Paul III. On croit que c'est la statue de Marc-Aurele.

Pour ce qui est du milliarium, ou colonne milliaire du capitole. Voyez MILLIAIRE.

On monte ensuite au palais de saint Marc, qui appartient à la république de Venise, & où logent les ambassadeurs qu'elle tient à la cour de Rome. Du palais de saint Marc on va au mont Quirinal, appellé présentement Monte-cavallo, & en passant par le quartier de la ville, nommé autrefois forum Trajani, on s'arrête à considérer la célebre colonne de Trajan, érigée par le sénat en l'honneur de cet empereur. Voyez TRAJANE, colonne.

La place de Monte-cavallo est remarquable par les statues de deux chevaux en marbre que deux hommes tiennent en main par les rênes, & dont Tiridate, roi d'Arménie, fit présent à Néron. Sur le piédestal de l'une on lit, opus Phidiae ; & sur celui de l'autre, opus Praxitelis. Ce sont ces chevaux qui donnent présentement le nom à la montagne sur laquelle étoit les bains de Constantin. Le palais que le pape occupe en été est vis-à-vis. L'église de saint Pierre aux - liens n'est pas éloignée de Monte-cavallo ; c'est dans cette église qu'est la statue de marbre de Moïse par Michel Ange.

L'église de sainte Marie majeure est la plus grande église de celles de Rome qui sont dédiées à Notre-Dame, & c'est de-là qu'est venu son nom ; elle est sur le mont Esquilin, au bout de la rue des quatre fontaines ; on vante beaucoup ses deux chapelles, qui ont été bâties par Sixte V. & par Paul V.

La porte del popolo, du peuple ou des peupliers, s'appelloit anciennement la porte Flaminienne, parce qu'elle étoit sur la voie Flaminienne. Les uns prétendent qu'on la doit nommer la porte des peupliers, à cause de la quantité d'arbres de cette espece qu'il y avoit dans cet endroit ; les autres tirent son nom d'une église de Notre-Dame, qui est à gauche en entrant dans la ville, & qui fut bâtie par le peuple romain, à la fin du onzieme siecle, dans l'endroit où étoit le tombeau de Néron, & qu'on appella à cause de cela Notre-Dame du peuple. La porte que l'on voit aujourd'hui a été bâtie sous le pontificat de Pie IV. par Vignole, sur les desseins de Michel-Ange Buonarota. Elle est de pierre travestine, ornée de quatre colonnes d'ordre dorique, dont les piédestaux sont d'une hauteur qu'on ne peut s'empêcher de critiquer, malgré le respect que l'on a pour ceux qui ont conduit l'ouvrage.

L'entrée de Rome par cet endroit, est la seule qui plaise à la vue ; on y trouve une place triangulaire, ouverte par trois rues, longues, droites, & larges ; celle du milieu est la rue du cours, il corso, ainsi nommée, parce qu'on s'y promene en carosse pour prendre le frais, & qu'elle sert aux courses des chevaux, & aux divertissemens du carnaval ; une de ces rues passe par la place d'Espagne, qui est le lieu le plus fréquenté des étrangers qui viennent à Rome.

Après avoir passé devant l'église des Grecs, on vient au palais du grand-duc, où l'on remarque entre autres antiquités, les statues de deux lutteurs, & celle d'un paysan, qui en aiguisant sa faulx, entendit les complices de Catilina s'entretenir de leur conspiration, qu'il découvrit au sénat ; c'est une très-belle piece, mais les statues de Vénus & de Cupidon sont incomparables.

C'est encore ici le palais des Barberins, l'un des plus beaux de Rome, tant pour sa situation du côté de la montagne, que pour ses riches appartemens. Il y a deux escaliers qui sont des chefs-d'oeuvre ; & Pierre de Cortone s'est épuisé pour embellir le plafond de la grande salle ; la galerie est ornée de tableaux & de rares statues.

La colonne Antonine qui fut anciennement élevée par Marc-Aurele Antonin & par le sénat, en l'honneur d'Antonin Pie, est dans la même rue del Corso. Voyez COLONNE ANTONINE.

On arrive ensuite à l'église & au couvent des dominicains, appellé la Minerva, parce qu'ils sont élevés sur les ruines du temple de Minerve, lequel renfermoit un bien plus grand espace que celui qu'occupent aujourd'hui l'église & le couvent. On admire dans cette église le Christ de Michel-Ange. La figure est de marbre blanc, de grandeur naturelle, entierement nue, sans la moindre draperie. C'est un ouvrage fini, d'un goût exquis, & selon les Romains, inimitable. Les dominicains couvrent avec une riche écharpe la nudité de la figure.

Ant. de Saint-gallle fut le premier entrepreneur du palais Farnèse. Il le commença seulement, & Michel-Ange en est regardé comme le principal architecte. La façade de ce bâtiment est large de cent quatre-vingt piés & haute de quatre-vingt-dix. Les portes, les croisées, les encoignures, la corniche & toutes les pierres principales sont des dépouilles du colisée. On a ainsi détruit une grande partie de ce merveilleux monument. On en a bâti presque tout le grand palais de la chancellerie, aussi-bien que l'église de saint-Laurent in Damaso. Au lieu de conserver ces précieux restes de l'antiquité, comme a fait Sixte V, à qui Rome moderne est redevable de la plus grande partie de sa beauté, il s'est trouvé plusieurs papes qui ont contribué eux-mêmes à faire le dégat. Innocent VIII ruina l'arc gordien pour bâtir une église : Alexandre VI démolit la belle pyramide de Scipion, pour paver les rues des pierres qu'il en ôta. Les degrés de marbre par où l'on monte à l'église d'Ara coeli, ont été pris d'un temple de Romulus ; saint Blaise est bâti des debris d'un temple de Neptune ; saint Nicolas-de-l'Ame a été élevé des débris du Cirque-Agonal, & ainsi de quantité d'autres.

Le palais Farnèse est un des plus beaux de Rome. On voit dans sa cour la statue de Flore, celle de deux gladiateurs, & celle d'Hercule qui fut trouvée dans les bains d'Antonius Caracalla. Il y a dans une des galeries, l'admirable figure d'un dauphin portant sur son dos un petit garçon, & à l'entrée de la grande salle ; les statues de deux rois parthes qui sont enchaînés. On fait aussi grand cas des statues de la Charité & de l'Abondance, en posture de deux personnes qui s'embrassent. Tout-autour de l'appartement sont les figures de plusieurs gladiateurs, l'épée à la main, dans les différentes attitudes de combat. On aime encore mieux les belles statues des anciens philosophes & poëtes ; celle d'Euripide, de Platon, de Possidonius, de Zénon, de Diogène, de Seneque, &c. On entre aussi dans un appartement rempli de tableaux des grands maîtres.

De-là on passe dans la galerie dont les platfonds sont de la main d'Annibal Carrache : ils contiennent les histoires des amours des dieux & des déesses. La statue d'Apollon taillée dans un caillou se voit dans cette galerie. Dans une cour de derriere est le taureau de marbre qui fait l'admiration des connoisseurs, & qu'on nomme le taureau Farnèse. Voyez TAUREAU FARNESE.

A quelque distance du palais Farnèse, on trouve la piazza de Pasquino, où est la fameuse statue de Pasquin proche de la place Navonne. Voyez PASQUIN.

La place Navonne s'appelloit autrefois platea agonalis, c'est-à-dire, la place des combats, parce que c'étoit un cirque bâti par Alexandre Severe. Elle est cinq ou six fois plus longue que large, & une de ses extrêmités est un arc de cercle. On y voit le palais du prince Pamphile, ainsi que la belle église qu'il a fait bâtir en l'honneur de sainte Agnès.

Le milieu de la place Navonne est moins élevé que les bords ; de maniere qu'on en peut faire une espece de lac, en fermant les conduits par lesquels s'écoule l'eau des trois grandes fontaines qui sont sur cette place. On a mis au pié du rocher, quatre figures colossales qui représentent les quatre grands fleuves des quatre parties du monde ; le Gange pour l'Asie, le Nil pour l'égypte, le Danube pour l'Europe, & le Rio de la Plata pour l'Amérique. On peut donner trois piés d'eau au milieu de la place Navonne, & c'est ce qu'on fait fréquemment dans les grandes chaleurs, une heure avant le coucher du Soleil.

Le college de la Sapienza n'est pas éloigné de la place Navonne. Eugène IV. fit commencer le bâtiment de ce college. Ensuite Urbain VIII. & Alexandre VII. l'embellirent d'une église & d'une bibliotheque publique. C'est le plus ancien college de Rome & le seul qui ait droit de faire des docteurs ; le pape en nomme les professeurs, qui sont presque tous des religieux d'une érudition peu brillante, quoiqu'ils ayent beaucoup de privileges & d'honneurs.

Le jardin de botanique est placé au janicule dans une exposition favorable & dans un heureux climat pour la culture des plantes, mais on n'en profite pas davantage.

L'église de saint Louis n'est pas éloignée de la place Navonne, & le palais Justiniani est aux environs. On voit dans ce palais de belles statues des dieux du paganisme, outre quantité de piés & de jambes de marbre. On y voit aussi divers tableaux de grands maîtres, entr'autres, le tableau de saint Jean-l'évangeliste qui est de la main de Raphaël.

La Rotonde, autrefois le Panthéon, est la plus hardie piece d'architecture qui soit à Rome ; & c'est là que Raphaël est enterré. Nous avons déjà parlé du Panthéon, & nous ferons un article séparé de la ROTONDE.

On traverse le campo-Martio, pour aller à l'église de san-Lorenzo-in-lucina qui est la plus grande paroisse de Rome. Elle avoisine le palais Borghèse, palais qui renferme bien des choses rares, sur-tout en tableaux, dont le plus estimé est du Titien ; c'est une Vénus qui bande les yeux de l'Amour, pendant que les Graces lui apportent ses armes. Le portrait de Paul V de la maison Borghèse est un ouvrage très-délicat en mosaïque.

Auguste avoit son mausolée dans le même quartier, à peu de distance de l'église de saint Roch. Cet édifice étoit rond, & l'une des plus belles choses qu'on pût voir dans l'ancienne Rome. Il avoit trois rangs de colonnes les unes sur les autres, dont les étages alloient toujours en retrécissant ; & sur chaque étage étoit une espece de terrasse où l'on avoit planté des arbres pour répandre de la verdure. La statue d'Auguste étoit sur le haut de tout l'ouvrage, élevée de terre de deux cent cinquante coudées : le tems a détruit ce superbe tombeau.

L'église des Augustins située dans le voisinage, a une bibliotheque ouverte le matin ; & tout près de cette église est le palais du duc d'Altemps. La grande salle de ce palais est remarquable par le triomphe de Bacchus en bas-relief sur du marbre, par la représentation d'une ville taillée sur du bois, & par un portrait de la Vierge tenant l'Enfant Jesus entre ses bras ; c'est un tableau de la main de Raphaël, & qui est fort estimé.

En parcourant Rome moderne, je n'ai point parlé de ses antiquités chrétiennes, parce qu'elles sont trop embarrassées de légendes & de fables. J'ai aussi passé sous silence la description des églises qui n'ont rien de remarquable, outre que leur nombre est si grand, qu'on en compte près de trois cent, dont plus de quatre-vingt servent de paroisses, quoique la dixieme partie fût plus que suffisante.

On sait que Rome fut d'abord gouvernée par des rois, ensuite par des consuls, puis par des empereurs jusqu'à Augustule, l'an 475 de J. C. enfin par des papes.

Cette ville a été saccagée six fois, premierement par les Gaulois, l'an 364 de sa fondation : secondement par Alaric, l'an de J. C. 410 : troisiemement par Genseric roi des Vandales, l'an 455 : quatriemement par Odoard roi des Hérules : cinquiemement par Totila, l'an 546 : sixiemement par Charles-Quint, l'an 1527.

" Dans le septieme & le huitieme siecles, la situation de Rome, dit un historien philosophe, étoit celle d'une ville malheureuse, mal défendue par les exarques, continuellement menacée par les Lombards, & reconnoissant toujours les empereurs pour ses maîtres. Les papes ne pouvoient être consacrés qu'avec la permission expresse de l'exarque. Le clergé romain écrivoit au métropolitain de Ravenne, & demandoit la protection de sa béatitude, auprès du gouverneur, ensuite le pape envoyoit à ce métropolitain sa profession de foi. Enfin Charlemagne, maître de l'Italie comme de l'Allemagne & de la France, juge du pape, arbitre de l'Europe, se rendit à Rome à la fin de l'année 799.

Si pour lors il eût fait de cette ville sa capitale, si ses successeurs y eussent fixé leur principal séjour, & sur-tout si l'usage de partager ses états à ses enfans n'eût point prévalu chez les Barbares, il est vraisemblable qu'on eût vu renaître l'empire romain. Tout contribua depuis à dévaster ce vaste corps, que la valeur & la fortune de Charlemagne avoient formé ; & tout concourut à relever la puissance abbatue du saint siege jusqu'au tems de la révolution qui lui a fait perdre les plus beaux fleurons de sa couronne. (D.J.) "

ROME, déesse, (Mythol. Littér. Inscript. Médaill.) les anciens non-contens de personnifier plusieurs de leurs villes, & de les peindre sous une figure humaine, leur attribuerent encore des honneurs divins ; mais entre les villes qu'on a ainsi vénérées, il n'y en a point dont le culte ait été si grand & si étendu que celui de la déesse Rome.

On la peignoit ordinairement ressemblante à Pallas, assise sur un roc, ayant des trophées d'armes à ses piés, la tête couverte d'un casque, & une pique à la main. On lui donnoit un air jeune, pour marquer que Rome étoit toujours dans la vigueur de la jeunesse ; on la représentoit avec un habit long, pour montrer qu'elle étoit également prête à la paix & à la guerre ; quelquefois au-lieu d'une pique, elle tient une victoire, symbole convenable à celle qui avoit vaincu tous les peuples de la terre connus.

Les figures de la déesse Rome sont assez souvent accompagnées d'autres types qui la représentoient ; telle étoit l'histoire de Rhéa-Sylvia, la naissance de Remus & de Romulus, leur exposition sur le bord du Tibre, le berger Faustulus qui les nourrit, la louve qui les alaite, le lupercal ou la grotte dans laquelle la louve en prit soin.

On bâtit des temples à la déesse Rome, on lui éleva des autels non-seulement dans la capitale, mais dans la plûpart des villes de l'empire. Abenda, ville de Carie, montra la premiere l'exemple, selon Tite-Live, liv. XLIII. ch. vj. & cet exemple fut imité à Smyrne, à Nicée, à Ephese, à Melasse, à Pola, ville de l'Istrie, & ailleurs, où le culte de cette déesse étoit aussi célebre que celui d'aucune autre divinité. On n'entreprenoit point de long voyage sans brûler de l'encens à sa gloire, & sans lui adresser des voeux ; enfin, les moindres titres de la flatterie, dont on cajolla cette prétendue déesse, étoit Roma victrix, Rome victorieuse ; Roma invicta, Rome invincible ; Roma sacra, Rome sacrée ; Roma aeterna, Rome éternelle.

Auguste vit avec plaisir qu'on consacra des temples à lui Auguste ; il étoit trop vain pour n'être pas touché de cet honneur ; mais en politique adroit, il voulut qu'on le joignît dans la consécration des temples à la déesse Rome. On dit qu'on voit encore en France, à l'entrée de la ville de Saintes, au milieu du pont sur la Charente, un monument qui entr'autres inscriptions en a conservé une dans laquelle il est dit que celui qui le dédioit étoit un prêtre attaché au service de la déesse Rome & d'Auguste.

On trouve souvent la tête de la déesse Rome représentée comme Pallas dans les médailles consulaires, & dans quelques médailles grecques. On la trouve aussi jointe avec celle du sénat, représenté en vieillard, parce qu'il étoit composé de gens d'un âge mûr. Les titres qui accompagnent les têtes de Rome & du sénat, dans les médailles grecques, sont , la déesse de Rome, & , le dieu du sénat, ou , le sacré sénat.

Les médailles de Maxence représentent Rome éternelle assise sur des enseignes militaires, armée d'un casque, tenant d'une main son sceptre, & de l'autre un globe qu'elle présente à l'empereur couronné de laurier, pour lui dire qu'il étoit le maître & le conservateur de tout le monde, avec cette inscription, conservatori urbis aeternae.

Les médailles de Vespasien nous font voir Rome ayant le casque en tête, & couchée sur sept montagnes, tenant son sceptre, & ayant à ses piés le Tibre, sous la figure d'un vieillard.

Enfin par les médailles d'Adrien, Rome tient un rameau de laurier de la main gauche, & de la droite la victoire sur un globe, comme étant victorieuse de tout l'univers. (D.J.)

ROME, au jeu du Romestecq, ce sont deux valets, deux dix, ou deux neufs, ou deux autres cartes d'une même espece ; elle ne vaut qu'un point à celui qui l'a.

ROME, double rome, au jeu de Romestecq, se dit lorsqu'on a deux as, ou deux rois en main, elle vaut deux points ; & lorsque les deux as ou les deux rois ne sont pas grugés, elle en vaut quatre.


ROMELLELA, (Géog. mod.) petite riviere des Pays-Bas, qui court depuis Rumpst jusqu'à Rupelmonde, où elle tombe dans l'Escaut. (D.J.)


ROMESS. m. pl. (basse Lisserie) ce sont les deux principales pieces qui composent le métier où se fabrique la basse-lisse. Ces pieces sont des deux côtés du métier, & portent à leur extrêmité les deux ensuples, sur l'une desquelles se roule la chaîne & sur l'autre l'ouvrage. C'est aussi aux romes que tient le camperche, ou barre de bois qui portent les sautereaux, où sont attachées à des mentonnieres les cordes qui servent à serrer le dessein contre la chaîne. Dict. de Comm. (D.J.)


ROMESTECQ(jeu du) ce jeu qui ne laisse pas d'avoir ses difficultés, est ainsi nommé de rome & de stecq, deux termes usités dans le jeu. Voyez ROME & STECQ.

Les cartes avec lesquelles on joue ce jeu sont au nombre de trente - six, c'est-à-dire, depuis les trois jusqu'au six. On y peut jouer deux, quatre ou six personnes. On voit qui sera ensemble ; & si l'on est six, le joueur du milieu prend les cartes & les donne à couper à celui du milieu de l'autre côté pour voir à qui fera. Celui qui tire peut faire, ou ordonner à l'autre, selon qu'on est convenu. Il y en a qui prétendent que c'est un avantage de faire à six. Si l'on ne joue que quatre, celui qui coupe la plus belle carte donne. Il y a pour lors beaucoup d'avantage pour celui qui joue le premier ; ce qui arrive en ce cas, puisque celui qui est à la droite de celui qui mêle est son compagnon avec lequel il communique le jeu.

Et celui qui ne fait point marque ordinairement le jeu avec des jettons, une plume ou du crayon.

La partie est ordinairement de trente-six points lorsqu'on joue six ; & à deux ou quatre, elle est de vingt-un, quoique cela dépende proprement de la volonté de celui qui joue, comme de fixer la partie.

Celui qui doit mêler, après avoir fait couper à sa gauche, donne à chaque joueur cinq cartes, par deux fois deux, ou par tel autre nombre, pourvu qu'il observe de toujours donner de même dans tout le reste de la partie. Il n'y a point de triomphe à ce jeu, & le talon reste sur la table sans qu'on y touche.

Il faut observer que l'as est la meilleure carte du jeu, levant même le roi ; le reste des cartes vaut à l'ordinaire. Mais pour qu'une carte supérieure en leve une inférieure, il faut qu'elle soit de la même couleur ; car autrement l'inférieure jettée la premiere leve la supérieure en une autre couleur. Quant aux jeux différens, les voici selon leur plus grande valeur. Le vilique, le double ningre, le triche, le village, la double rome, la rome & le stecq.

Il faut remarquer que quelque carte qu'on joue, si elle fait parité d'un jeu quelconque, qui peut arriver au romestecq, elle doit être nommée par son nom propre, c'est-à-dire qu'en la jouant, il faut toujours dire double-ningre, ou piece de ningre ; en jouant une de la double-rome, piece de la double-rome, de triche, & de village : car autrement celui qui auroit effacé sans l'avoir nommée, perdroit la partie. Ainsi, en jettant les deux dames & les deux valets, qui font le village, il faut dire piece de village. Voici les principales regles de ce jeu.

Celui qui en donnant les cartes en retourne une de celles de sa partie adverse, est marqué de trois jettons de sa partie ; mais de rien si la carte est pour lui ou pour son compagnon.

S'il se trouve des cartes retournées dans le jeu, & que les joueurs s'en apperçoivent, on marquera trois jettons pour celui qui fait.

Qui manque à donner de la même maniere qu'il a commencé, est marqué de trois jettons, & le coup se joue.

Celui qui donne six cartes au-lieu de cinq, marquera trois jettons, & en ôtera une au hasard, qu'il remettra au talon ; puis continuera de donner comme auparavant.

Qui joue devant son tour releve sa carte, & est marqué de trois jettons ; celui qui renonce à la couleur qu'on lui jette, en ayant, perd la partie.

Celui qui compteroit des jeux qu'il n'auroit pas, perdroit la partie, si l'on s'en appercevoit.

Qui joue avec six cartes ou plus, perd la partie.

Qui se démarqueroit d'un jetton de plus qu'il ne feroit perd la partie.

Celui qui accuseroit trois marques qu'il n'auroit pas, n'importe par quel motif, perdroit la partie.


ROMETTA(Géog. mod.) petite ville de Sicile, dans la vallée de Démona, à 6 milles de Messine, sur une Montagne.


ROMNEY(Géog. mod.) ou Rumney, bourg à marché d'Angleterre, dans la province de Kent, sur une élévation assez considérable de gravier & de sable. C'est un des cinq ports du royaume, & qui étoit fort bon & fort fréquenté avant que la mer eût détourné l'embouchure de la Rother. Depuis ce tems-là, Romney a beaucoup perdu de son premier lustre ; il a cependant encore cinq églises paroissiales, un prieuré, & un hôpital ; il a aussi conservé l'honneur d'envoyer ses députés au parlement. Long. 18. 42. lat. 50. 56. (D.J.)


ROMONT(Géog. mod.) ville de Suisse, dans le canton de Fribourg, avec titre de comté, à six lieues de Berne, & à cinq de Fribourg. C'est la plus jolie ville du canton, après la capitale. Elle fut bâtie ou fortifiée par Pierre de Savoie dans le xiij. siecle, lorsqu'il se fut rendu maître du pays de Vaud. On la nomma Rondemont à cause de sa situation sur une petite montagne ronde, & qui domine de tous côtés.

Le Duc Charles jouit du pays de Vaud, & de celui de Romont jusqu'à l'an 1536, que les Bernois alliés des Genevois, attaqués par le duc, conquirent le pays de Vaud ; les Fribourgeois qui n'étoient pas en guerre avec ce prince, prirent le comté de Romont, de crainte que les Bernois ne s'en saisissent. Ils en ont toujours joui depuis ce tems-là ; & comme la maison de Savoie n'a pas pu en obtenir la restitution, les ducs se sont contentés de prendre le vain titre de comte de Romont, & de seigneurs de Vaud. La ville a aujourd'hui des foires fort fréquentées. Long. 25. lat. 46. 48. (D.J.)


ROMORANTIN(Géog. mod.) ville de France, au Blesois, & la principale de la Sologne, au confluent d'un petit ruisseau appellé Morantin, & de la riviere de Sandre, à 16 lieues au levant de Tours, & à 42 de Paris, avec un vieux château & une collégiale. On fabrique dans cette ville beaucoup de serges & de draps pour l'habillement des troupes. Deux choses contribuent à cette fabrique, une terre qui se trouve aux environs, & les eaux de la petite riviere de Rere, qui sont ensemble très-propres au dégraissage des laines. Comme le roi François I. avoit fait dans sa jeunesse quelque séjour à Romorantin, & que la reine Claude sa femme y étoit née, il accorda quelques privileges à cette ville, qui furent annullés par Henri IV. Long. 19. 20. latit. 47. 18.

La prétendue possédée nommée (Marthe) Brossier, qui fit tant de bruit en France sur la fin du xvj. siecle, étoit fille d'un tisserand de Romorantin, & naquit dans cette ville. Elle choisit l'église de sainte Génevieve à Paris pour la scene de sa comédie. Les capucins l'exorciserent, & déclarerent qu'elle étoit démoniaque. Les plus célebres médecins de Paris furent commis par l'évêque à l'examen de cette affaire. Marescot l'un d'eux saisit la possédée à la gorge dans la chapelle même, & lui commanda de s'arrêter. Elle obéit, en alléguant pour excuse que l'esprit l'avoit alors quittée. Les exorcismes furent répétés une seconde fois, & la Brossier voyant Marescot venir à elle pour la colleter, s'écria que lui, Riolan & Hautin se mêlassent de leur médecine, & se retirassent comme des profanes ; ils furent obligés d'obéir, & pour lors elle se jetta à terre, & fit, selon sa coutume, le diable à quatre. Enfin les médecins se trouverent partagés d'avis, & le plus grand nombre attesta qu'il y avoit une véritable possession dans Marthe. Comme cette affaire partageoit tous les esprits, le parlement s'en mêla, & ordonna, en 1599, au prevôt de mener Marthe Brossier à Romorantin, avec défenses au pere de la laisser sortir de sa maison. Ainsi le diable fut condamné par arrêt, à ce que dit du Chêne.

Mais Romorantin a produit un homme illustre parmi les Protestans ; c'est Claude Pajon, qui naquit dans cette ville en 1626. Il a mis au jour plusieurs ouvrages, & en particulier celui qui est intitulé, examen des préjugés légitimes contre les Calvinistes. Cet ouvrage parut en 1673 en 3 vol. in - 12, & est fort estimé des Protestans. L'auteur mourut près d'Orléans en 1685, âgé d'environ 60 ans. Il possédoit très-bien l'art de raisonner, ainsi que les langues grecque & hébraïque. (D.J.)

ROMORANTIN, EDIT DE, (Droit françois) édit donné en 1560 sous François II. Cet édit, qui attribue aux évêques la connoissance de l'hérésie, & l'interdit aux cours du parlement, ne fut enregistré qu'avec peine, & avec des modifications par rapport aux laïcs, à qui la cour réserve le droit de se pourvoir devant le juge royal. On a prétendu que le chancelier de l'Hôpital n'avoit donné cet édit, que pour éviter un bien plus grand mal, qui étoit l'établissement de l'inquisition. Henault. (D.J.)


ROMPEIZS. m. (Jurisprud.) quasi terrae rumpendae, terme de la coutume de Nevers, pour exprimer des terres nouvellement cultivées, dont il n'y avoit ni vestige, ni mémoire de culture. Nevers, tit. 12. art. 6. Voyez Coquille sur cet article (A)


ROMPREBRISER, CASSER, (Synonymes) ces mots sont quelquefois également bons dans le propre. On dit fort bien, par exemple, briser, casser, rompre un pot, un verre, une porte, &c.

Briser, signifie proprement, rompre en plusieurs pieces ; ainsi quand une chose n'est rompue qu'en deux, on ne dit point qu'elle est brisée, mais qu'elle est rompue, ou cassée.

Briser se dit aussi pour froisser, comme j'ai le corps tout brisé. Rompre est aussi fort bon dans le même sens. On dit au propre, casser la tête à quelqu'un, pour dire, lui casser la tête à coups de mousquet, ou de pistolet.

On dit, rompre un criminel sur la roue.

On dit, en matiere de tournois, rompre une lance, rompre la lance ; ils rompirent deux lances, trois lances.

Ces verbes ne s'employent presque jamais indifféremment au figuré. On dit J. C. a brisé les portes de l'enfer.

Casser se dit pour annuller, invalider ; casser un testament, un contrat, une Sentence, &c. Il se dit aussi pour licencier : casser des troupes, &c. Se casser se dit pour s'affoiblir, il commence bien à se casser.

Rompre est beaucoup plus usité au figuré, que briser & casser ; on dit rompre un bataillon, un escadron, pour signifier l'enfoncer.

On dit également rompre ou briser ses fers, ses chaînes, ses liens, pour se mettre en liberté. On dit rompre avec quelqu'un, pour dire rompre l'amitié qu'on avoit ensemble. On dit, dans le même sens, rompre le dessein, les mesures de quelqu'un.

Rompre signifie encore manquer à l'observation de ce à quoi on est obligé, rompre son jeune, ses voeux, son serment. Rompre se dit pour dresser, exercer ; comme rompre un homme aux affaires, rompre la main à l'écriture ; je suis rompu à cela.

On dit, rompre la glace, pour signifier faire les premiers pas dans une affaire, ou surmonter les premieres difficultés.

Rompre les chiens, en terme de chasse, c'est les rappeller, pour les empêcher de continuer la chasse.

Rompre le fil d'un discours, c'est quitter tout d'un coup la suite d'un discours, & entrer dans une autre matiere.

Rompre les chemins, signifie les gâter ; le dégel & les pluies ont rompu les chemins. (D.J.)

ROMPRE la couche ; les brasseurs entendent par ces mots, remuer les grains dans le germoir, pour empêcher qu'ils ne se pelotent.

ROMPRE la trempe, en terme de brasserie, c'est avec le fouquet mêler le grain bruisiné & l'eau qui sont dans la cuve matiere.

ROMPRE, v. a. (Commerce de vin) c'est l'épreuve que font les marchands & cabaretiers pour connoître la bonne ou mauvaise qualité du vin. Cette épreuve est simple, & consiste à mettre du vin dans un verre, & le laisser pendant quelque tems à l'air & découvert ; s'il ne se rompt pas, c'est-à-dire, s'il ne change point de couleur, il est bon ; & au contraire, si sa couleur s'altere, ce qu'ils nomment se rompre, il n'est pas de garde, & est sujet à se gâter. Savary. (D.J.)

ROMPRE le jet, (terme de Fondeur de caracteres) c'est séparer du corps d'une lettre nouvellement fondue, la portion de matiere qui a rempli cette espece de petit entonnoir qui est au-dedans du moule, & qui porte la fonte jusques sur la matiere du caractere. On appelle rompure, & l'endroit par où se rompt la lettre, & l'action de l'ouvrier qui la rompt. (D.J.)

ROMPRE, (Jardinage) on dit un arbre qui rompt de fruits, quand il en est trop chargé, une branche que le vent a rompue. Cet accident peut se prévenir, en réduisant les fruits à moitié dès qu'ils commencent à nouer, pour qu'ils deviennent plus beaux, & en même tems soulagent l'arbre.

ROMPRE la laine, (Lainage) c'est faire le mêlange des laines de différentes couleurs que l'on veut employer à la fabrique des draps mêlangés. Ces laines sont teintes & non filées, & le filage ne s'en fait qu'après qu'elles ont été bien rompues, c'est-à-dire bien mêlées, ensorte que le fil de laine dont on doit composer la chaîne & la treme de cette espece de draps, tiennent également de toutes les couleurs qui sont entrées dans le mêlange ; ce qui s'entend néanmoins à proportion du plus ou du moins qu'on y a mis de chacune. Savary. (D.J.)

ROMPRE une planche, (Gravure) ce mot se dit chez les Graveurs & Imprimeurs en taille - douce, pour signifier qu'on ne veut, ou qu'on n'ose plus s'en servir ; ou même qu'elle a été effectivement rompue par autorité des magistrats de police. Les estampes dont les planches sont rompues, augmentent ordinairement de prix par la difficulté d'en trouver. (D.J.)

ROMPRE, terme de Manege. Rompre un cheval à quelque allure, c'est l'y accoutumer. Rompre le col à un cheval, c'est l'obliger quand on est dessus, à plier le col à droite & à gauche, pour le rendre flexible, & qu'il obéisse aisément aux deux mains ; c'est une assez mauvaise leçon qu'on donne à un cheval, lorsqu'on ne gagne pas les épaules en même tems. Rompre l'eau à un cheval, c'est l'empêcher de boire tout d'une haleine lorsqu'il a chaud.

ROMPRE les chiens, c'est les empêcher de suivre.

ROMPRE LES DES, au jeu de Trictrac, signifie porter promtement la main sur les dés après que son adversaire a joué, pour rendre son coup nul.

ROMPRE SON PLEIN, au même jeu, c'est après l'avoir fait, lever une de deux dames qui faisoient une des cases du plein, & être forcé par le dé à la laisser découverte. Une des grandes attentions au trictrac, c'est d'empêcher son adversaire de tenir long-tems, & par conséquent de lui faciliter par la disposition de son propre jeu, le plus de moyens possibles de rompre. Voyez l'article TRICTRAC.


ROMPTURES. f. (Jurisp.) dans quelques coutumes des Pays-bas, telles qu'Artois, Bolenois, &c. signifie la même chose que déconfiture. Le cas de rompture est lorsqu'il s'agit de discuter un héritage du débiteur, qui est le seul bien qui lui reste. Voyez le glossaire de M. de Lauriere au mot Rompture. (A)


ROMPU(Gram.) participe du verbe rompre. Voyez l'article ROMPRE.

ROMPUS, PIERRE DES, (Hist. nat. Ichthyolog.) lapis ossifragus ; c'est un des noms que les Naturalistes ont donné à la substance appellée plus communément osteocolle. Voyez cet article.

ROMPU, adj. (Arith.) nombre rompu est la même chose que fraction. Voyez NOMBRE & FRACTION. (E)

ROMPU, (Rayon) en Optique, est la même chose que rayon refracté. Voyez REFRACTE.

ROMPU, en terme de Blason, se dit des pieces ou armes brisées, & des chevrons dont la pointe d'enhaut est coupée. Ainsi l'on dit : il porte d'argent, au chevron rompu, entre trois molettes, &c.

Blanlus en Touraine, d'azur au chevron rompu d'or, accompagné de trois étoiles d'argent.

ROMPUE, couleur, (Peint.) couleur nuancée d'une autre couleur. On appelle couleur rompue, dit M. de Piles, celle qui est diminuée & corrompue par le mêlange d'une autre, (excepté du blanc, qui ne peut pas corrompre, mais qui peut être corrompu.) On peut dire, par exemple, qu'un tel azur d'outre-mer est rompu de laque & d'ocre jaune, quand il y entre un peu de ces deux dernieres couleurs, & ainsi des autres. Les couleurs rompues, ajoute-t-il, servent à l'union & à l'accord des couleurs, soit dans les tournans des corps & dans leurs ombres, soit dans toute leur masse. Titien, Paul Véronèse, le Rimbrant, ont employé avec beaucoup d'art les couleurs rompues.

Couleur rompue & couleur composée, sont mots synonymes ; en parlant d'une draperie d'un jaune-clair, qui est ombrée d'une laque obscure, quelques-uns disent que cette draperie est rompue de rouge ; ce n'est par parler correctement ; il faut dire, cette draperie est ombrée de laque, parce que ces deux couleurs sont séparées. Or le mot de rompu ne se dit au sens propre, que de deux couleurs mêlées l'une dans l'autre. Les Italiens disent rottura di colori. (D.J.)


ROMPURESS. f. terme de fondeur de caracteres d'Imprimerie : lorsque la lettre est fondue, le jet ou ouverture du moule par laquelle on introduit le métal, la remplit & fait une adhérence au corps de la lettre. Cette partie est de trop, on la supprime en la rompant à un endroit foible ; ce jet ainsi cassé s'appelle rompures. Voyez JET, Pl. fig.


ROMSEY(Géog. mod.) port de mer dans le comté de Hamp.

Petty (Guillaume) fils d'un marchand drapier, naquit dans cette petite ville, en 1623. Il montra dès sa jeunesse des talens éminens pour percer dans la connoissance des métiers, des arts, des sciences & de l'économie politique ; & dans la suite il trouva le secret de faire une brillante fortune. A 20 ans, il servit sur la flotte du roi, où il amassa six cent livres sterling. Avec cette somme il étudia la Médecine en France & dans les Pays-bas ; & revint en Angleterre au bout de 3 ans, ayant dix livres sterling de plus qu'il n'avoit emporté avec lui.

Il prit son degré de docteur en Médecine à Oxford ; donna des leçons de son art ; ressuscita Anne Green qui venoit d'être pendue ; & l'université le créa professeur. Quelque tems après il se rendit à Londres, où il fut nommé professeur au college de Gresham, & ensuite médecin de l'armée. A son retour il eut la commission de la distribution des terres confisquées en Irlande. En 1658 il fut élu un des députés au parlement qui se tint sous Richard Cromwel. Il se distingua dans la société royale, dès la fondation de ce corps illustre, & mourut en 1687, à 64 ans, riche de quinze mille livres sterling de revenu, c'est-à-dire d'environ 330 mille livres de rente de notre monnoie.

Il obtint à l'âge de 24 ans une patente du parlement, pour enseigner à écrire d'une façon particuliere ; car il avoit imaginé un instrument pour faire à la fois deux copies parfaitement semblables d'un méme original, aussi exactes & bien écrites qu'en suivant la maniere ordinaire. Il publia à Londres en 1648 un morceau de génie, sur les moyens de perfectionner certaines parties des sciences. Il inventa en 1663 un vaisseau à double fonds, qui lui mérita de grands éloges. Il a fait plusieurs dissertations sur les arts & les métiers, qu'on a insérées dans les Transactions philosophiques. Il a donné divers autres ouvrages, & entr'autres un Traité de la construction des vaisseaux, que le lord Brouncker président de la société royale a toujours gardé comme un secret d'état ; mais l'Arithmétique politique de Guillaume Petty, fut imprimée en 1690 in-8 °. & c'est un livre fort curieux, ainsi que les autres pieces qu'il a publiées en ce genre, & qui intéressent principalement le royaume de la Grande-Bretagne. (D.J.)


ROMULA(Géog. anc.) ville de la Liburnie. L'itinéraire d'Antonin la marque sur la route de Bénevent à Hydrunte, entre Eclanum & Pons Aufidi, à 31 milles du premier de ces lieux, & à 22 milles du second. (D.J.)


ROMULEA(Géog. anc.) ville d'Italie dans le Samnium. Tite-Live, lib. X. c. xvij. dit que Décius la prit par escalade, la pilla, y fit passer 2300 hommes au fil de l'épée, & emmena 6000 captifs. Etienne le géographe au lieu de Romulea écrit Romylia. (D.J.)


ROMULIANUM(Géog. anc.) lieu de la Dace ripense, & où fut enterré l'empereur Galere Maximin qui lui avoit donné ce nom en l'honneur de sa mere Romula. Lazius dit que ce lieu se nomme aujourd'hui Ramzaret. (D.J.)


RONALSA(Géog. mod.) nom commun à deux îles comprises parmi les Orcades ; la premiere nommée North-Ronalsa, est de toutes les Orcades celle qui avance le plus du côté du nord ; elle a environ trois milles de long, sur un demi-mille de large. La South-Ronalsa, c'est-à-dire la Ronalsa du sud, est au midi de l'île de Pomana ; elle a six milles de long sur cinq de large, & est fertile en blé & en pâturages : au midi de cette île on trouve les Pentland-skeries, qui sont des rochers dangereux. (D.J.)


RONAS(Hist. nat. Bot.) racine d'un arbrisseau que l'on compare à la racine de la réglisse ; & qui ne croît, dit-on, qu'en Arménie sur les frontieres de la Perse. Cette racine trempée dans l'eau lui donne en peu de tems, une couleur d'un rouge très-vif. On s'en sert pour teindre en rouge la toile de coton dans l'Indostan, qui en tire une très-grande quantité de la Perse. Tavernier, dans ses voyages, dit que cette racine colore l'eau avec tant de facilité, qu'une barque indienne ayant fait naufrage dans la rade d'Ormus, la mer fut teinte en rouge pendant plusieurs jours sur ses bords.


RONCALIAE(Géog. mod.) ou Rhoncaliae ; plaine de Lombardie, entre Plaisance & Crémone, sur le Pô. Cette plaine est fameuse dans l'histoire du xj. & du xij. siecle, parce que toutes les fois que les rois d'Allemagne alloient en Italie pour y être couronnés, ils campoient quelque tems dans cette plaine avec leur suite.

On trouve dans le droit féodal des Lombards, quelques lois données dans ce lieu par des empereurs d'Allemagne. C'est ici, par exemple, que Fréderic Barberousse publia en 1157, à la sollicitation de Bulgare & de Martin, deux professeurs en Droit à Boulogne, la fameuse authentique, Habita C. ne fil. propatre. Dans les anciens diplomes, & principalement dans la constitution de Charles-le-Gros, de expeditione romanâ, la plaine de Roncaliae est appellée Rungalle curia, sedes Gallorum ou Francorum, parce que les rois d'Allemagne ou de Franconie y reposoient avant que de se rendre à Rome. (D.J.)


RONCES. f. (Hist. nat. Bot.) rubus ; genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond, & soutenus par un calice. Le pistil sort du milieu de ce calice ; il est entouré d'un grand nombre d'étamines, & il devient dans la suite un fruit presque rond, & composé de plusieurs baies pleines de suc & attachées au placenta ; elles renferment une semence le plus souvent oblongue. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

RONCE, (Jardinage) rubus, arbrisseau rampant & épineux, qui se trouve très-communément en Europe, dans tous les lieux incultes. Ses feuilles au nombre de trois ou de cinq, sont attachées à l'extrêmité d'une queue commune ; elles sont d'un verd-brun en dessus & bleuâtre en dessous. Ses fleurs viennent en longues grappes au bout des nouvelles branches, sont rougeâtres, disposées en rose, & elles fleurissent dans les mois de Juin & de Juillet. Ses fruits que l'on nomme mûres de renard, deviennent noires en murissant sur la fin de l'été.

Les ronces poussent de longues tiges qui sont garnies de quantité d'épines crochues, ainsi que la queue & la principale nervure des feuilles. Cet arbrisseau se multiplie très-aisément de bouture, & même ses tiges font racine dès qu'elles touchent contre terre.

Les mûres que produisent les ronces sont remplies d'un suc douçâtre & fade, mais extrêmement noir ; on s'en sert pour colorer le vin, & il y a des pays où on ramasse ce fruit pour le donner aux pourceaux. L'eau distillée des fleurs a une odeur de violette ; la poudre à canon faite avec du charbon de ronces, a plus de force & d'activité que quand elle est composée avec tout autre charbon. On fait quelqu'usage en Médecine des fruits, des graines & des racines de cet arbrisseau.

Quoique la ronce ne soit qu'un arbrisseau vil & abject, le vain produit des terres abandonnées, le résultat infortuné de la paresse & du découragement ; cependant il y a des especes de ronces singulieres, & des variétés qui ont de l'agrément : voici les plus remarquables.

1. La ronce commune à fruit noir.

2. La ronce commune à fruit blanc. Il est plus agréable au goût que le noir ; sa feuille est d'un verd plus tendre.

3. La ronce commune à feuilles panachées. Elles sont tachées & très - apparentes.

4. La ronce commune sans épines, ou la ronce de S. François. Elle n'a d'autre différence que cette particularité ; on en peut faire usage pour des endroits ou d'autres arbrisseaux ne peuvent réussir, d'autant mieux qu'elle conserve ses feuilles pendant presque tout l'hyver.

5. La ronce à fleur blanche double. Cet arbrisseau est très-épineux ; ses feuilles sont d'un verd tendre dessus & blanchâtre en dessous, il donne pendant tout l'été des fleurs très-doubles, qui sont rassemblées en bouquet & d'une très-belle apparence.

6. La ronce à feuilles de persil. Sa feuille & sa fleur sont si joliment découpées, qu'elles peuvent faire une variété d'agrément.

7. La ronce à fruit bleu. Elle est très-commune & plus petite que les précédentes ; son fruit est de meilleur goût.

8. La ronce de Pologne. Elle n'a point d'épines, & son fruit est plus gros que celui de la ronce commune ; cet arbrisseau n'est pas encore bien connu en France.

9. La petite ronce des Alpes. Elle ne s'éleve qu'à deux ou trois piés, & elle n'a point d'épines ; son fruit est rouge & de bon goût.

10. La ronce fraise. C'est un joli arbrisseau qui est très-petit ; son fruit est rouge, & il a le goût de la fraise.

11. La ronce de Canada. Ses feuilles sont au nombre de cinq rassemblées à l'extrêmité d'une queue commune, elles sont lisses & brillantes ; son fruit est noir & fort gros.

Il y a encore quelques especes de ronces dont les tiges sont annuelles.

Les framboisiers sont aussi du genre de la ronce. Voyez le mot FRAMBOISIER.

RONCE, (Mat. médec.) la ronce est comptée parmi les plantes vulnéraires, astringentes, résolutives & détersives. Les anciens faisoient beaucoup d'usage de son bois, de ses racines, de ses feuilles & de ses fruits ; ils les donnoient intérieurement contre le cours de ventre, les fleurs blanches, le crachement de sang, & même le calcul ; & ils les appliquoient extérieurement sur les dartres, les hémorrhoïdes, &c.

On ne se sert presque plus aujourd'hui des racines, des branches & des feuilles de cette plante ; & si l'on employe quelquefois ses fruits qu'on appelle vulgairement mûres de ronces ou mûres sauvages, c'est comme succédanées de la mûre proprement dite ou mûre de mûrier, voyez MURIER, avec lequel les mûres sauvages ont réellement le plus parfait rapport.

Il est rapporté dans les Mém. de l'acad. royale des Sciences de Suéde pour l'année 1750. que la décoction de la ronce (c'est-à-dire apparemment de son bois & de ses racines) augmente beaucoup l'efficacité d'un remede spécifique contre les maladies vénériennes, que fournit la décoction des racines de la plante que Linnaeus appelle ceanothus ou cenolastus, inermis, &c. H. Cliffort. 73. & c'est-là l'un des secrets que M. P. Kalm a appris des sauvages de l'Amérique septentrionale, dans un mémoire dont on a donné un extrait ; Journal de Médecine, Février 1760.

Les sommets des tiges des ronces entrent dans l'onguent populeum. (b)

RONCE du mont Ida, (Botan.) rubus idaeus. Voyez FRAMBOISIER. (D.J.)

RONCE SANS EPINES, (Botan.) espece de ronce nommée par Tournefort rubus idaeus laevis ; c'est un petit arbrisseau qui pousse à la hauteur de 2 ou 3 piés plusieurs tiges, garnies de feuilles semblables à celles du framboisier, blanchâtres & lanugineuses par-dessous : ses fleurs sont à cinq feuilles, disposées en rose ; quand elles sont tombées, il paroît un fruit gros comme une framboise, ovale, rouge, composé de plusieurs baies pleines d'un suc acide, entassées ensemble comme une pyramide sur un placenta, & renfermant chacune une semence oblongue ; cette plante croît aux lieux montagneux. (D.J.)

RONCE, s. f. (Hist. nat. Ichthyolog.) la raie que l'on nomme ronce en Languedoc ressemble beaucoup à la raie bouclée, par la forme de ses aiguillons ; cependant elle en differe, en ce qu'elle n'a point d'aiguillons à la partie antérieure de la tête, qui est aussi beaucoup moins pointue que celle de la raie bouclée. La ronce differe de toutes les autres raies, en ce qu'elle a des arêtes sur la peau. Sa couleur est cendrée, sa chair a une mauvaise odeur, & elle est dure. Rondelet, hist. nat. des Poissons de mer, liv. XII. ch. xiij. Voyez POISSON.


RONCEVAUX(Géog. mod.) bourg d'Espagne, au royaume de Navarre, dans la vallée de même nom, entre Pampelune & Saint-Jean Pié-de-Port.

On sait que la Navarre s'étend fort avant dans les Pyrénées, & qu'elle comprend l'espace de 26 lieues le long de ces montagnes. Elle est divisée en quatre vallées, dont celle de Roncevaux est la plus commode & la plus courte, n'ayant que 8 lieues de traverse dans les montagnes. Elle est fameuse dans l'histoire de France, à cause d'une bataille donnée entre les François & les Espagnols en 778. Charlemagne y fut vaincu par la trahison de Ganelon ; plusieurs braves paladins demeurerent sur la place, entr'autres Roland, neveu de Charlemagne, Renaud & quelques autres que les romans ont tant chantés. Lorsqu'on traverse cette vallée, on voit chemin faisant, le champ de bataille, où l'on a bâti une église nommée Notre-Dame de Roncevaux. Dom Sanche le Fort fonda dans le bourg, l'église royale de sainte Marie pour sa sépulture, avec un college de chanoines, & un prieuré. (D.J.)


RONCIGLIONE(Géog. mod.) ville ou bourgade d'Italie, chef-lieu d'un petit état enclavé dans le patrimoine de S. Pierre, sur la Tereia, à 6 lieues au midi de Viterbe. Cette petite ville est assez marchande, & a un college occupé par les peres de la Doctrine. L'état de Ronciglione appartenoit autrefois aux ducs de Parme, mais il dépend aujourd'hui du pape. Long. 29. 48. latit. 42. 14. (D.J.)


RONDadj. (Gram.) il se dit de toutes lignes, de tout espace, & de tout corps terminé par un cercle ou une portion circulaire. Voyez CERCLE, SPHERE, &c.

ROND, voyez POISSON ROND.

ROND, en Anatomie, est un nom qu'on donne à plusieurs muscles à cause de leur figure. Voyez MUSCLE.

Ainsi il y a le grand rond & le petit rond. Voyez Pl. anat.

Le premier des pronateurs du coude se nomme aussi pronateur rond. Voyez PRONATEUR.

Le grand rond est attaché à toute l'empreinte musculaire qui se remarque à l'angle postérieur, inférieur de l'omoplate, & un peu à la côte inférieure de cet os, & va se terminer par un tendon plat au rebord de la gouttiere qui répond à la grosse tubérosité de l'humerus, de même que le grand dorsal avec le tendon duquel il se confond.

Le petit rond s'attache depuis l'angle inférieur jusqu'à la partie moyenne de la côte de l'omoplate, & va se terminer par un fort tendon qui se confond avec celui du sousépineux, dont ce muscle est quelquefois une portion, à la facette inférieure de la grosse tubérosité de l'humerus.

ROND d'eau, s. m. (Archit. hydraul.) grand bassin d'eau, de figure ronde, pavé de grès, ou revêtu de plomb ou de ciment, & bordé d'un cordon de gazon, ou d'une tablette de pierre. Tel est le rond d'eau du palais royal à Paris. Quelquefois cette sorte de bassin sert de décharge ou de réservoir dans les jardins. Daviler. (D.J.)

ROND, en terme de Boutonnier, c'est un enjolivement en bouillon composé de deux rangs attachés sur le rosté en demi-cercle. Voyez ROSTE & BOUILLON. On l'appelle encore rosette.

ROND SIMPLE, en terme de Boutonnier, c'est une petite piece de velin découpée en cercle, mise en soie, & bordée de cannetille. Son usage est d'entrer dans la composition d'un enjolivement plus considérable en meubles, en équipages, en harnois de chevaux, &c. Voyez METTRE EN SOIE.

ROND de plomb, (terme de Chapelier) c'est une grande plaque de plomb qui a la figure d'un chapeau sans forme, de laquelle on se sert pour tenir un chapeau en état. Savary. (D.J.)

ROND, en terme de manege, c'est la piste circulaire qu'on appelle autrement la volte. Couper le rond ou la volte, c'est faire un changement de main, lorsqu'un cheval travaille sur les voltes d'une piste, ensorte que divisant la volte en deux, on change de main, & le cheval part sur une ligne droite, pour recommencer une autre volte. Dans cette espece de manege, les écuyers ont accoutumé de dire, coupez ou coupez le rond. Voyez VOLTE.


ROND-POINTROND-POINT


RONDA(Géog. mod.) ville d'Espagne, au royaume de Grenade, sur les frontieres de l'Andalousie, au haut d'un rocher escarpé, environné de la riviere de Guadajara, à 8 lieues au nord de Gibraltar. On descend de la ville à la riviere par un escalier de deux à trois cent marches, taillé dans le roc ; c'est un ouvrage des Maures : cette place fut conquise sur eux en 1485 par don Ferdinand & dona Isabelle, qui y entrerent par une fausse porte. Les environs sont fertiles en fruits exquis, & on y recueille beaucoup de belle soie. Long. 12. 10. latit. 36. 28. (D.J.)

RONDA, SIERRAS DE, (Géog. mod.) on donne ce nom en Espagne à toutes ces montagnes qui sont aux frontieres du royaume de Grenade & de l'Andalousie. Ces montagnes sont extrêmement rudes, hautes, & ne sont presque par-tout que des rochers qui s'étendent jusqu'à la mer. (D.J.)


RONDACHES. f. espece de bouclier rond qu'on appelloit aussi quelquefois rondelle. On s'en servoit encore du tems de Henri IV. (Q)


RONDEFIGURE, (Littérat.) Eustathe prouve dans ses remarques sur Homere, que la figure ronde étoit celle que les anciens estimoient le plus. Ils la regardoient comme sacrée, & par cette raison ils faisoient leurs autels ronds, leurs tables rondes, & plantoient en rond les bois sacrés. (D.J.)

RONDE s. f. en Musique, est une note blanche & ronde sans queue, ainsi figurée O ; qui vaut une mesure entiere à quatre tems, c'est-à-dire, deux blanches ou quatre noires. La ronde est de toutes les notes en usage, celle qui a le plus de valeur ; autrefois au contraire elle étoit celle qui en avoit le moins, & elle s'appelloit semi-breve. Voyez SEMI-BREVE & VALEUR DES NOTES. (S)

RONDE, s. f. terme militaire, qui signifie le tour ou la marche que fait un officier accompagné de soldats autour des remparts d'une ville de guerre pendant la nuit, pour voir si chacun fait son devoir, si les sentinelles sont éveillées, & si tout est en bon ordre. Dans les garnisons exactes la ronde marche tous les quarts d'heure, de sorte qu'il y a toujours quelqu'un sur le rempart. Voyez MOT. L'officier qui fait sa ronde, porte du feu, ou il en fait porter pour examiner plus exactement les différens postes qu'il doit visiter.

Ronde major, est celle que fait le major. Lorsque la ronde-major arrive à un corps-de-garde, la sentinelle qui est devant les armes, dès qu'elle l'apperçoit, lui demande qui va là ? on répond ronde-major. La sentinelle lui crie, demeure-là ; caporal hors de la garde. L'officier qui commande la garde, se présente accompagné de deux fusiliers qu'il place derriere lui, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche, présentant leurs armes ; il a aussi avec lui le sergent portant halebarde, & le caporal de consigne qui porte le falot. L'officier demande, qui va là ? on lui répond, ronde-major, il dit, avance qui a l'ordre. Le major avance, & l'officier, après avoir reconnu si c'est lui-même, ou l'aide-major de la place, lui donne le mot à l'oreille. Le major peut compter les soldats de garde, & visiter leurs armes. Cette ronde se fait pour visiter l'état des corps-de-garde & des sentinelles, savoir si tous les officiers & soldats sont à leurs postes, & si le mot est bon par-tout. C'est pourquoi il faut que le major visite les armes, & compte les soldats, & que l'officier lui donne le mot lui-même ; car autrement comment le major peut-il savoir si l'officier a le mot, comme il a été donné au cercle, si l'officier ne le lui donne ainsi ? Non-seulement l'officier doit donner le mot au major, mais encore dans la regle le major ne doit le recevoir que de lui ; l'officier doit bien reconnoître, avant de donner le mot, si c'est le major, ou l'aide-major de la place, qui fait la ronde, & si sous ce prétexte quelqu'un ne vient pas surprendre l'ordre, & savoir l'état de la garde & des sentinelles. C'est pour cette raison qu'il fait porter le falot, & les fusiliers qu'il prend, sont pour sa sureté & celle de son poste. Aussi n'est-il obligé de donner l'ordre au major qu'à la premiere ronde qu'il fait, & qu'on appelle ronde-major ; & s'il en vouloit faire une seconde, il faudroit qu'il donnât lui-même l'ordre au caporal, qui viendroit le recevoir, comme une simple ronde. Lorsque le major a fait sa ronde, il va chez le gouverneur lui rendre compte de l'état où il a trouvé les postes. Il doit ensuite aller porter l'ordre au lieutenant de roi, s'il est dans la place, quoique le gouverneur soit présent.

Lorsqu'on dit que le major fait sa ronde, dès que l'ordre est donné, on entend seulement qu'il ne l'a fait qu'aprés. Car il n'y a point pour lui d'heures prescrites. Il est bon même qu'il la fasse à des heures incertaines, afin de tenir toujours le corps-de-garde alerte ; mais il faut toujours qu'il fasse la premiere pour vérifier l'ordre dans tous les corps-de-garde.

L'officier doit aussi recevoir de la même maniere la ronde du gouverneur & celle du lieutenant de roi ; augmentant le nombre des fusiliers avec lesquels il la reçoit, à proportion de la dignité de celui qui la fait ; & s'ils la faisoient plusieurs fois dans une même nuit, il doit toujours la recevoir de la même maniere.

L'inspecteur général qui se trouve dans une place, peut aussi faire sa ronde, l'officier doit lui donner le mot, sans que l'inspecteur soit obligé de mettre pié à terre, s'il est à cheval. L'inspecteur particulier peut aussi faire la sienne ; mais il est reçu par un caporal, comme une simple ronde.

A l'égard des simples rondes, dès que la sentinelle qui est devant le corps-de-garde, les voit paroître, elle leur demande, qui va là ? on lui répond ronde. La sentinelle leur crie, demeure-là ; caporal hors de la garde, ronde. Le caporal de poste vient recevoir la ronde, & demande, qui va là ? on lui répond, ronde. Il dit, avance qui a l'ordre. La ronde avance, & donne le mot à l'oreille au caporal qui le reçoit l'épée à la main, la pointe à l'estomac de la ronde. Si le mot est bon, le caporal reçoit le numéro, & le fait mettre dans la boëte ; il fait signer celui qui fait la ronde, suivant l'usage particulier de la garnison, & la laisse passer. Si le mot n'est pas bon, il doit l'arrêter, & en rendre compte à l'officier qui examine ce que c'est.

Lorsque deux rondes se rencontrent sur le rempart, celle qui la premiere a découvert l'autre, a droit d'exiger l'ordre, à moins que ce ne fût le gouverneur, le commandant, le lieutenant de roi, ou le major qui la fissent ; car en ce cas, on le leur doit donner. On fait faire des rondes dans une place, tant pour visiter les sentinelles, & les empêcher de s'endormir, que pour découvrir ce qui se passe au-déhors. C'est pourquoi dans les places où il n'y a pas un chemin au-delà du parapet, il faut que celui qui fait la ronde, marche sur la banquette, & qu'il entre dans toutes les guérites, pour découvrir plus aisément dans le fossé, & qu'il interroge les sentinelles, s'il y a quelque chose de nouveau dans leurs postes, & leur fasse redire la consigne.

Plusieurs gouverneurs observent une très-bonne maxime, qui est de faire une ronde un peu avant qu'on ouvre les portes. Comme il est déjà grand jour, cette ronde est très-utile, parce qu'on peut découvrir du rempart qui est très-élevé, ce qui se passe dans la campagne.

Le tiers des officiers qui ne sont pas de garde, doivent faire les rondes toutes les nuits à des heures marquées par le gouverneur, & doivent tirer tous au sort, sans distinction du capitaine ou du lieutenant, l'heure à laquelle ils doivent la faire ; & le major de la place a soin de faire écrire sur un registre, le nom de tous les officiers de ronde, & l'heure à laquelle ils doivent la faire, afin de pouvoir vérifier si quelqu'un y a manqué. Les officiers doivent la faire, à peine pour ceux qui y manquent, de quinze jours de prison, & de la perte de leurs appointemens pendant ce tems-là, qui sont donnés à l'hôpital de la place. Hist. de la milice françoise.

RONDE, (Ecrit.) se dit communément de nos especes de lettre, dont les plains sont au premier degré droit d'obliquité sur la ligne perpendiculaire. Voyez le volume des Planches à la table de l'écriture. Il y a quatre sortes de rondes ; la titulaire, la moyenne du premier degré, qui s'employe dans les lettres-patentes de grace, de rémission, dans les états du roi, & généralement dans tous les comptes qui se rendent à la chambre ; la moyenne du second degré, en usage dans le notariat ; la troisieme est la minute usitée dans les finances ; la quatrieme est la grosse de procureur, employée quelquefois aussi dans les finances.


RONDE-BOSSES. m. (Archit. décorat.) c'est en sculpture un ouvrage dont les parties ont leur véritable rondeur, & sont isolées comme ses figures. On appelle demi-bosse un bas relief, qui a des parties saillantes & détachées. (D.J.)


RONDEAUS. m. (Poésie franç.) le rondeau est un petit poëme d'un caractere ingénu, badin & naïf ; ce qui a fait dire à Despréaux :

Le rondeau né gaulois a la naïveté.

Il est composé de treize vers partagés en trois strophes inégales sur deux rimes, huit masculines & cinq féminines, ou sept masculines & six féminines.

Les deux ou trois premiers mots du premier vers de la premiere strophe servent de refrain, & doivent se trouver au bout des deux strophes suivantes, c'est-à-dire que le refrain doit se trouver après le huitieme vers & le treizieme. Outre cela, il y a un repos nécessaire après le cinquieme vers.

L'art consiste de donner aux vers de chaque strophe un air original & naturel, qui empêche qu'ils ne paroissent faits exprès pour le refrain, auquel ils doivent se rapporter comme par hasard.

La troisieme strophe doit être égale à la premiere, & pour le nombre des vers & pour la disposition des rimes.

La seconde strophe inégale aux deux autres ne contient jamais que trois vers, & le refrain qui n'est point compté pour un vers.

Ce petit poëme a peut-être bien autant de difficultés que le sonnet ; on y est plus borné pour les rimes, & on est de plus assujetti au joug du refrain ; d'ailleurs cette naïveté qu'exige le rondeau n'est pas plus aisée à attraper que le style noble & délicat du sonnet.

Les vers de huit & de dix syllabes sont presque les seuls qui conviennent au rondeau. Les uns préferent ceux de huit, & d'autres ceux de dix syllabes ; mais c'est le mérite du rondeau qui seul en fait le prix. Son vrai tour a été trouvé par Villon, Marot & S. Gélais. Ronsard vint ensuite qui le méconnut ; Sarrazin, la Fontaine & madame Deshoulieres surent bien l'attraper, mais ils furent les derniers. Les poëtes plus modernes méprisent ce petit poëme, parce que le naïf en fait le caractere, & que tout le monde aujourd'hui veut avoir de l'esprit qui brille & qui pétille.

Après avoir donné les regles du rondeau, je vais en citer un exemple qui contient ces regles mêmes.

Ma foi c'est fait de moi : car Isabeau

M'a conjuré de lui faire un rondeau :

Cela me met en une peine extrême.

Quoi, treize vers, huit en eau, cinq en ème !

Je lui ferois aussi - tôt un bateau.

En voilà cinq pourtant en un monceau.

Faisons - en huit en invoquant Brodeau.

Et puis mettons par quelque stratagème,

Ma foi c'est fait.

Si je pouvois encore de mon cerveau

Tirer cinq vers, l'ouvrage seroit beau.

Mais cependant me voilà dans l'onzieme,

Et si je crois que je fais le douzieme.

En voilà treize ajustés au niveau.

Ma foi c'est fait.

Plusieurs lecteurs aimeront sans doute autant ce rondeau -ci de madame Deshoulieres, dont le refrain est entre deux draps.

Entre deux draps de toile belle & bonne,

Que très-souvent on rechange, on savonne,

La jeune Iris au coeur sincere & haut,

Aux yeux brillans, à l'esprit sans défaut,

Jusqu'à midi volontiers se mitonne.

Je ne combats de goût contre personne ;

Mais franchement sa paresse m'étonne !

C'est demeurer seule plus qu'il ne faut

Entre deux draps.

Quand à RÊVer ainsi l'on s'abandonne,

Le traitre amour rarement le pardonne ;

A soupirer on s'exerce bientôt,

Et la vertu soutient un grand assaut,

Quand une fille avec son coeur raisonne

Entre deux draps.

Le refrain doit être toujours lié avec la pensée qui précede, & en terminer le sens d'une maniere naturelle ; & il plaît sur-tout, quand représentant les mêmes mots, il présente des idées un peu différentes, comme dans celui-ci, que Malleville, secretaire du maréchal de Bassompiere, fit contre Boisrobert, dans le tems qu'il étoit en faveur auprès du cardinal Richelieu. Le P. Rapin loue extrêmement ce rondeau dans ses remarques sur la poésie ; & il mérite en effet d'être ici placé.

Coëffé d'un froc bien raffiné,

Et revêtu d'un doyenné

Qui lui rapporte de quoi frire,

Frere René devient messire,

Et vit comme un déterminé.

Un prélat riche & fortuné

Sous un bonnet enluminé

En est, s'il le faut ainsi dire,

Coëffé.

Ce n'est pas que frere René

D'aucun mérite soit orné ;

Qu'il soit docte, qu'il sache écrire,

Ni qu'il dise le mot pour rire ;

Mais c'est seulement qu'il est né

Coëffé.

RONDEAU REDOUBLE, (Poés. franç.) cette espece de rondeau est composée d'une certaine quantité de strophes égales entr'elles, & qui dépendent du nombre de vers que contient la premiere strophe ; ordinairement elle en contient quatre, & alors elle est suivie de cinq autres strophes, dont les quatre premieres finissent chacune par un vers de la premiere strophe ; & lorsque par ce moyen cette strophe est entierement répétée, on en ajoute une derniere, au bout de laquelle se trouvent par forme de refrain, les deux ou trois premiers mots du premier vers de tout le poëme. Tel est le rondeau de Madame Deshoulieres à M. le duc de Saint-Aignan, sur la guérison de sa fievre quarte. Dans ce rondeau, les quatre vers de la premiere strophe, vont terminer successivement les quatre strophes suivantes.

La premiere strophe étant entierement répétée, suit la cinquieme & derniere strophe finissant par le refrain : sans dédaigner, qui commence le premier vers de tout le rondeau.

Dans le rondeau redoublé, si la premiere strophe avoit cinq vers, le rondeau auroit sept strophes, parce qu'il en faudroit cinq pour répéter la premiere. On conçoit aisément que cette espece de rondeau a beaucoup plus de difficulté que le rondeau ordinaire ; mais il n'en a pas l'agrément. (D.J.)

RONDEAU, en Musique, est une sorte d'air à deux ou plusieurs reprises, dont la construction est telle qu'après avoir fini chaque reprise, on recommence toujours la premiere avant que de passer à celle qui suit, & qu'on finit le tout par cette même premiere reprise par laquelle on a commencé.

Les ariettes italiennes, & toutes nos ariettes modernes sont assez communément en rondeau, de même que la plus grande partie des pieces de clavecin.

RONDEAU, plaque de fer forgé, ou de fonte, dont les miroitiers-lunettiers se servent pour y travailler les verres dont la superficie doit être plane, c'est-à-dire ni convexe ni concave. Les rondeaux servent aussi pour faire des bizeaux sur les glaces ; le grais, l'émeril, le tripoli, la potée d'étain, servent à dégrossir, adoucir, polir & lustrer le verre ou le crystal qu'on travaille sur le rondeau. Voyez BASSIN des lunetiers, au mot LUNETIER & les Pl. du lunetier.

RONDEAU, c'est, parmi les pâtissiers, une planche en rond, sur laquelle on dresse les pains-benits. Voyez les Pl.


RONDELETES. f. (Hist. nat. Bot.) rondeletia ; genre de plante dont la fleur est monopétale, en forme de soucoupe tubulée, & soutenue par un calice qui devient dans la suite un fruit arrondi, couronné & divisé en deux capsules qui renferment de petites semences. Plumier, nov. pl. amer. gen. Voy. PLANTE.

C'est le P. Plumier qui a le premier découvert cette plante en Amérique, & qui lui a donné ce nom en l'honneur de Rondelet, naturaliste & médecin de Montpellier. Sa fleur a la figure d'une soucoupe, & consiste en un tuyau d'une seule piece, soutenu par un godet qui devient ensuite un fruit presque rond, couronné & partagé en deux loges remplies d'un grand nombre de semences menues. Cet arbrisseau est fort commun dans les parties septentrionales de la Jamaïque. (D.J.)

RONDELETTES, s. f. pl. (Ourdissage) toiles à voiles, qui se fabriquent en quelques endroits de l'évêché de Rennes en Bretagne, mais sur-tout à Istré.


RONDELLEVoyez ROUGET.

RONDELLE, s. f. (Art milit.) espece de bouclier de figure ronde ou ovale. Voyez BOUCLIER & RONDACHE. (Q)

RONDELLE, s. f. (Hydr.) se dit d'un morceau de plomb coupé en rond, pour mettre entre les brides d'un tuyau de fer. C'est encore un morceau quarré de plomb, en table, que l'on soude verticalement sur une conduite, dans l'endroit où elle passe dans le corroi d'un bassin, afin d'arrêter l'eau qui, sans cette plaque, pourroit suivre le tuyau & se perdre. (K)

RONDELLE, s. f. (Maçonnerie) outil de fer dont se servent les maçons pour gratter & finir les membres & moulures d'architecture. La rondelle n'est différente du crochet, que parce qu'elle est arrondie par le bout. Richelet. (D.J.)

RONDELLES, s. f. pl. (Lainage) ce sont des bosses ou têtes de chardons très-petites, que l'on estime peu, & dont on se sert dans les moyennes manufactures de lainage, pour laver ou tirer à poil certaines étoffes de petit prix. Dict. du Comm. (D.J.)

RONDELLES, s. f. pl. terme de Plombiers, les Plombiers nomment de la sorte deux pieces de cuivre rondes, qui ferment par les deux bouts les moules où ils fondent des tuyaux sans soudure ; c'est au milieu de ces rondelles que sont placées les deux portées qui tiennent le boulon ou noyau du tuyau, suspendu au milieu du moule, & qui reglent l'épaisseur du plomb. Dict. du Comm. (D.J.)

RONDELLES, (Sculpture) les rondelles sont d'acier ; les unes avec un manche de bois, & les autres sans manche ; ce sont des especes de ciseaux ronds.


RONDEURS. f. (Gramm.) qualité, forme, ou figure du corps appellé rond. Voyez ROND.

RONDEUR se dit aussi, dans l'écriture, des parties supérieures & inférieures des jambages, qu'on appelle ordinairement déliés, & qui forment des quarts de cercles très-propres à rendre le caractere plus coulant & plus brillant.


RONDINou TONDIN, s. m. (terme de Plombier) cylindre de bois, sur lequel les Plombiers arrondissent les tables de plomb dont ils veulent faire des tuyaux. Ils ont des rondins de plusieurs longueurs, & de différens diamêtres, suivant les tuyaux qu'ils ont à arrondir. Savary. (D.J.)


RONDOLEVoyez POISSON VOLANT.


RONEBYou RUNEBY, (Géog. mod.) ville de Suede, dans la Bleckingie, à quelques lieues au couchant de Carlscroon, à une lieue de la mer, & sur le bord d'une petite riviere, au milieu des rochers ; elle est marchande, & fort peuplée. (D.J.)


RONFLERv. neut. c'est respirer en dormant, en faisant du bruit. Il paroît que ce bruit naît dans plusieurs personnes de la disposition de la tête & du col ; car changez la tête de place, & elles ne ronflent plus.


RONGERv. act. (Gramm.) c'est détruire ou rogner avec les dents. On dit que le chien ronge un os ; que les rats rongent le pain ; que la mer ronge ses bords ; que le verd-de-gris ronge les métaux ; que la rouille ronge le fer ; que la pierre à cautere ronge les chairs ; que l'ennui le ronge ; qu'il ronge son frein. D'où l'on voit qu'il se prend au simple & au figuré.


RONSBERG(Géog. mod.) autrefois petite ville de Boheme, dans le cercle de Pilsen, proche de Herstein ; ce n'est aujourd'hui qu'un bourg dépeuplé, & ceint de vieilles murailles. (D.J.)


RONSONVoyez OMBRE DE RIVIERE.


RONTEIZS. m. (Jurisprud.) quasi terrae ruptae, dans la coutume de Nevers sont des terres nouvellement défrichées. On les appelle aussi rompeiz. Voyez ci - dessus ROMPEIZ. (A)


ROOMBURG(Géog. mod.) bourg des Pays-bas, dans la province de Hollande, sur le bord du Rhin, un peu au-dessus de Leyde. C'est un lieu fort ancien ; M. Van-Loon a prouvé que c'étoit l'Albimanae d'Antonin, & l'Albinianae de la carte de Peutinger. On a trouvé dans ce bourg des médailles de cuivre qui portent l'effigie de divers empereurs, de Tibere, de Néron, de Claude, de Domitien, d'Antonin, de Nerva, de Trajan & d'Anastase. (D.J.)


ROOT-GANSS. m. (Hist. nat. Ornithol.) Ce mot signifie une oie rouge. Les Hollandois l'ont donné à un oiseau aquatique des côtes de Spitzberg. Il a le bec court, recourbé & épais. Ses pattes sont noires & garnies de trois ongles & d'une peau de la même couleur. Il n'est point rouge comme son nom l'indique, il est noir par-tout le corps, excepté sous le ventre qui est tout blanc. Il n'a pas non plus la forme d'une oie, mais il en a le vol. Sa queue est courte, & sa chair bouillie est d'un bon goût.


ROPICUM(Géog. anc.) ville de l'île de Corse ; Ptolémée, l. III, c. ij. la marque dans les terres, auprès de Corsicum. Pinet pense que le nom moderne est Rogela. (D.J.)


ROPO(Géog. mod.) grand village de l'Attique. Il est habité par des Grecs, & composé de plus de deux cent feux. Ce lieu est l'ancienne ville Oropos, ou Oropus, pour laquelle les Athéniens & les Béotiens ont eu de grandes contestations, parce qu'elle étoit sur leurs frontieres. Ropo est à deux milles de la mer, & à six du village de Marcopulo, & n'a aujourd'hui aucune marque d'antiquité. On trouve seulement à Sycamino, à quatre milles de Ropo, dans l'eglise d'Agioi-Saranda, l'inscription suivante, . C'est-à-dire : Aphrodisius, fils de Zopyrus. (D.J.)


ROPOGRAPHESS. m. (Littérat.) nom qu'on donnoit dans l'antiquité à certains peintres, qui se bornoient à ne représenter que de petits sujets, comme animaux, plantes, paysages. Ce nom est dérivé des mots , jouet, babioles, ou marchandises de vils prix, & de , j'écris, je peins.

On appelloit aussi ropographes, ceux qui dans les jardins tailloient les bouis, les ifs & les autres arbrisseaux touffus en figures d'hommes & d'animaux.

ROPOGRAPHE, (Peint. antiq.) peintre de paysages, d'arbres, d'animaux, de ports de mers, & d'autres choses semblables ; ripulae, signifie dans Cicéron la variété des objets qui sont sur une côte Il mande à Atticus, en parlant de Tusculum, & tamen haec ripulae, videtur habitura celerem satietatem. Je crois cependant que je me lasserai bientôt du paysage de cette côte. (D.J.)


ROQUELA (Géog. mod.) petite ville, ou plutôt bourg de France dans le Languedoc, au diocese de Nîmes.

Il y a une autre petite ville dans le Languedoc, diocèse de Castres, qu'on appelle Roque d'Olmez.

Il ne faut pas confondre ce dernier lieu, avec Roque Courbe, qui est aussi du diocèse de Castres, mais sur l'Agoût. (D.J.)


ROQUEFORTROQUEFORT


ROQUELAURES. f. (Gram.) sorte de manteau à manches larges, qu'on se jettoit sur les épaules, & qui se boutonnoit du haut en bas. Les redingotes ont succedé aux roquelaures.

ROQUELAURE, (Géog. mod.) petite ville de France, dans l'Armagnac, au diocèse d'Ausch. Elle a été érigée en duché - pairie en 1652, mais les lettres n'ont point été vérifiées. (D.J.)


ROQUEMADOUR(Géog. mod.) petite ville de France, dans le Querci, au diocèse de Cahors, élection de Figeac. Elle doit son origine à une abbaye de l'ordre de saint Benoît, qui est aujourd'hui un chapitre, sous le titre de Notre-Dame. La manse abbatiale a été unie à l'évêché de Tulles. (D.J.)


ROQUEMAURE(Géog. mod.) ville de France, dans le bas Languedoc, située près les bords du Rhône, au diocèse d'Avignon, à 2 lieues au-dessus de cette ville, sur un roc escarpé. Long. 22. 27', latit. 43. 58'.

C'est dans cette ville que mourut le pape Clément V. en 1314, après neuf ans de pontificat, pendant lesquels les factions Guelphe & Gibeline, nées des querelles du sacerdoce & de l'empire, subsistoient toujours comme un feu qui se nourrissoit par de nouveaux embrasemens. Clément V. né en Gascogne, étoit du parti de Boniface VIII, qui l'avoit nommé évêque de Comminge, & puis archevêque de Bordeaux. Le cardinal d'Ostie l'éleva sur la chaire de saint Pierre, & son élection se fit à Pérouse en 1305. On l'appella le pape Gascon. Dès qu'il fut élu, il aima mieux transférer le saint siege hors d'Italie, & jouir en France des contributions payées alors par tous les fideles, que disputer inutilement des châteaux auprès de Rome.

Clément alloit de Lyon à Vienne en Dauphiné, à Avignon, menant publiquement avec lui la comtesse de Perigord, & tirant ce qu'il pouvoit d'argent de la piété des bonnes ames. Ce fut à Vienne qu'il convoqua en 1311 un concile général, dans lequel l'ordre des Templiers fut aboli & la guerre sainte résolue. Il mourut en allant à Bordeaux pour changer d'air.

On sait qu'il fût couronné à Lyon en présence de Philippe le Bel, de Charles de Valois, & de plusieurs autres princes. Cette cérémonie fut troublée par la chûte d'une muraille, laquelle étant trop chargée de peuple, s'écroula, tua Jean II. duc de Bretagne, & Gaillard frere du pape. Le roi & Charles de Valois, furent blessés légerement. La tiare tomba de dessus la tête du pontife, & une des belles escarboucles de sa couronne se perdit. On conçoit bien, que cet accident fut remarqué comme un présage des malheurs qui affligerent la chrétiennété & l'Italie, durant ce pontificat. (D.J.)


ROQUERv. act. (terme de jeu d'échecs) c'est approcher le roc, ou, comme nous disons aujourd'hui, la tour auprès du roi, & passer le roi par-derriere, pour le placer à l'autre case joignante. On ne roque qu'une fois ; mais pour roquer, il faut n'avoir point remué le roi, ni la tour, & ne point passer ou se mettre en échec. (D.J.)


ROQUETS. m. (Zoologie) nom d'une espece de petit lézard d'Amérique, d'un brun rougeâtre, marqueté de taches jaunes & noires ; ses yeux sont vifs, étincelans, & ses jambes sont d'une longueur remarquable pour un si petit animal ; il porte la tête toujours droite, & la queue communément recourbée en demi-cercle sur le dos. Il n'est point sauvage, sautille légerement comme un oiseau, & est dans un mouvement perpétuel ; quand il est fatigué de ses courses, il ouvre la bouche, en tire sa langue, & halete comme les chiens ; c'est du moins ce qu'en rapporte Rochefort dans son histoire des îles Antilles. (D.J.)


ROQUETINS. m. (Soierie) espece de petite bobine de bois, au milieu de laquelle on a pratiqué une moulure à deux bords pour recevoir ce qu'on y veut dévider. Il y en a une autre, où se pose la corde du contrepoids qui sert à mouvoir le roquetin, à le retirer à mesure qu'il se dévide, & à tenir tendu le fil qui porte dessus ; le roquetin ainsi que le rochet, est percé dans sa longueur, pour être traversé d'une broche sur laquelle il tourne & qui le tienne suspendu.


ROQUETTES. f. (Hist. nat. Botan.) eruca, genre de plante à fleur en croix, composée de quatorze pétales ; le pistil sort du calice, & devient dans la suite un fruit ou une silique composée de deux panneaux appliqués sur les bords d'une cloison mitoyenne qui la divise en deux loges ; cette silique renferme des semences qui sont le plus souvent arrondies. Ajoutez aux caracteres de ce genre la saveur qui lui est particuliere. Tournefort, I. R. H. Voyez PLANTE.

Entre les huit especes de ce genre de plante établies par Tournefort, nous parlerons de la commune cultivée, & de la sauvage ; la cultivée, eruca latifolia, alba, sativa, I. R. H. 227. se nomme en anglois, the broad-laucd, flower'd-garden-rockett.

Sa racine est blanche, ligneuse, menue, vivace, d'une saveur âcre. Ses tiges sont hautes d'une coudée, ou d'une coudée & demie, un peu velues. Ses feuilles sont semblables à celles de la moutarde, blanches, longues, étroites, découpées profondement des deux côtés, tendres, lisses, de même saveur que la racine. Ses fleurs naissent au sommet des tiges ; elles sont en croix, composées de quatre pétales, d'un jaune tirant sur le blanc, marquées de raies noirâtres, renfermées dans un calice velu, d'où sort un pistil qui se change en une silique semblable à celle de la moutarde ; mais plus longue, portée sur un pédicule court, & partagée en deux loges par une cloison mitoyenne, à laquelle sont attachés des panneaux des deux côtés, remplis de plusieurs graines jaunes, plus grosses que celle de la moutarde, & moins rondes. L'odeur de cette plante est forte, désagréable, aussi-bien que sa saveur.

La roquette sauvage, eruca sylvestris, tenuifolia, perennis, flore luteo, I. R. H. 227. a la racine blanche, épaisse, assez longue. Ses tiges sont nombreuses, creusées, cannelées, un peu velues, divisées en plusieurs rameaux. Ses feuilles sont découpées plus encore que celles de la dent de-lion, d'un verd foncé, lisses, d'une saveur brûlante ; ses fleurs sont semblables à celles de la roquette cultivée de couleur jaune & odorante. Il leur succede des siliques longues, anguleuses, remplies de graines semblables à celles de la roquette cultivée, âcres & un peu ameres. Toute cette plante a une odeur fétide. Elle abonde en Syrie & à Tripoli, où l'on brûle ses cendres qui servent à faire du savon & du verre, comme celles du kali. (D.J.)

ROQUETTE, (Diete & Mat. méd.) roquette des jardins, & roquette sauvage ; l'odeur & la saveur de la roquette des jardins est plus douce, & sa vertu est plus foible ; c'est pourquoi on la mêle souvent dans les alimens, & principalement dans ce qu'on appelle à Paris la fourniture des salades de laitue.

Les anciens regardoient la nature de ces deux plantes comme directement opposée ; c'est pourquoi ils avoient coutume de les manger mêlées ensemble pour tempérer la froideur de l'une par la chaleur de l'autre. La roquette sauvage vaut mieux pour faire des remedes. Ce ne sont que les feuilles qui sont en usage.

La roquette porte à l'amour. Cette propriété lui a été dès-long-tems attribuée par les médecins, & reconnue par tout le monde. Les anciens poëtes qui ne rapportent guere en ce genre que les notions les plus vulgaires, ont chanté cette propriété de la roquette. Ovide appelle les roquettes salaces. Martial a dit : Venerum revocans eruca morantem ; & Columelle : Excitat ad Venerem tardos eruca maritos.

La roquette est de la classe des plantes cruciferes de Tournefort, qui contiennent toutes plus ou moins d'alkali volatil spontané ou libre, & qui sont appellées anti-scorbutiques par excellence. La roquette remplit un des genres de cette classe, qu'on peut regarder comme moyens ou tempérés relativement à la quantité de ce principe volatil. Elle vient après le cochlearia, la moutarde, le raifort sauvage, la passe-rage & les cressons. Elle est beaucoup plus vive que l'herbe de rave, de navet, &c. Voyez tous ces articles. Ce que nous avons observé des propriétés & des usages du cochlearia & du cresson, qui sont les plus usuels des plantes cruciferes, & le rapport de ces plantes avec la roquette, quant à leur degré respectif d'activité, que nous venons de noter ; ces choses, dis-je, doivent suffire pour déterminer les usages & les propriétés de la roquette.

La semence de roquette entre dans l'eau anti-scorbutique de la pharmacopée de Paris, dans l'électuaire de satyrion de Charas, & dans les tablettes de magnanimité du même auteur. (b)

ROQUETTE A AVANCEUR, (Tireur d'or) est une sorte de bobine sur laquelle l'avanceur dévide le fil qu'il a tiré.


ROQUEVAIRE(Géog. mod.) en latin rupesVaria, rocher de Varus ; petite ville de France, en Provence, sur la Veaune, à 3 lieues au nord-est de Marseille, & à 4 d'Aix.


ROQUILLES. f. (mesure des liquides) petite mesure des liqueurs, à laquelle on donne aussi le nom de poisson ou posson. C'est la moitié d'un demi-setier, ou le quart d'une chopine de Paris. Dict. de Comm.

ROQUILLES, en terme de Confiseur, c'est une sorte de confiture faite d'écorce d'oranges tournées, fort déliées, observant de leur donner le plus de longueur qu'il se peut. On appelle encore cette espece de confiture tournures. Voyez TOURNER.


RORIFERECANAL, (Anat.) comme qui diroit canal d'où découle goutte-à-goutte de la rosée ; est un nom par lequel quelques auteurs désignent le canal thorachique ; parce que ce n'est en effet que goutte-à-goutte & par une espece de distillation qu'il porte le chyle dans la masse du sang. Voyez THORACHIQUE.


ROS(Géog. mod.) riviere de Pologne, dans l'Ukraine. Elle a sa source au palatinat de Braclaw, arrose celui de Kiovie, & se jette dans le Borysthene, près de Kaniow. (D.J.)


ROS SOLISS. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en rose composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le pistil sort du calice, qui est fait en tuyau & devient dans la suite un fruit ovoïde & pointu qui s'ouvre par la pointe & qui renferme des semences arrondies & oblongues. Ajoutez aux caracteres de ce genre, que les feuilles sont hérissées de poils & percées de trous, d'où on voit sortir de petites gouttes de liqueur. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.


ROSACES. f. ou ROSON, (Archit.) grande rose susceptible de différentes figures, & dont on orne & remplit les caisses des compartimens de voûtes, plafonds, &c.


ROSAIRES. m. (Théol.) chapelet en usage dans l'Eglise romaine, lequel contient quinze dixaines d'Ave maria, dont chacune commence par un Pater, & qu'on récite en l'honneur des différens mysteres de Jesus-Christ où la Sainte-Vierge a eu part.

Quelques auteurs attribuent l'origine du rosaire à saint Dominique. Mais dom Luc d'Achery prouve qu'il étoit en usage dès l'an 1100, & que saint Dominique ne fit que le mettre en honneur. D'autres l'attribuent à Paul, abbé du mont Phermé en Lybie, contemporain de saint Antoine ; d'autres à saint Benoît, quelques-uns au vénérable Bede ; & Polydore Virgile raconte que Pierre l'hermite voulant disposer les peuples à la croisade, sous Urbain II. en 1096, leur enseignoit le pseautier laïque composé de plusieurs Pater & de 150 ave, de même que le pseautier ecclésiastique est composé de cent cinquante pseaumes, & qu'il avoit appris cette pratique des solitaires de la Palestine. On a trouvé dans le tombeau de sainte Gertrude de Nivelle, décédée en 667, & dans celui de saint Norbert, décédé en 1134, des grains enfilés qui paroissent être des restes de chapelets.

Mais tous ces faits, pour la plûpart incertains, n'empêchent point de croire qu'on doit à saint Dominique cette maniere de prier, qui, selon les regles qu'il en a prescrites, applique l'esprit aux principaux mysteres de notre religion, & est extrêmement utile à ceux qui ne savent pas lire pour les diriger dans leur dévotion. On n'est pas d'accord sur l'année où saint Dominique institua lé rosaire ; quelques-uns veulent que ç'ait été en 1208, pendant qu'il prêchoit contre les Albigeois ; d'autres prétendent qu'il l'institua dans le cours des missions qu'il fit en Espagne, avant que de passer en France.

ROSAIRE, ordre du, ou de Notre-Dame du rosaire, est un ordre de chevalerie institué par saint Dominique, selon Schoonebek & le pere Bonani jésuite, qui tous deux se sont trompés en ce point ; car jamais S. Dominique n'institua d'ordre de ce nom. Ces auteurs ont apparemment pris pour un ordre militaire l'armée des croisés, qui sous les ordres de Simon, comte de Montfort, combattirent contre les Albigeois. Voyez CROISADE & ALBIGEOIS.

L'abbé Justiniani & M. Hermant prétendent que cet ordre fut institué après la mort de saint Dominique par Frédéric, archevêque de Tolede, & que les chevaliers portoient pour marque une croix blanche & noire sur laquelle étoit représentée la Sainte-Vierge tenant son Fils d'une main, & un rosaire ou chapelet de l'autre. Le pere Mendo ajoute que ces chevaliers étoient obligés de réciter le rosaire certains jours. Cependant le pere Helyot doute fort que cet ordre ait jamais existé. Voyez ORDRE.


ROSANA(Géog. mod.) ou Rosanna, ville de Pologne, au grand duché de Lithuanie, dans la partie méridionale du Palatinat de Novogrodeck, près de la riviere de Zolva.


ROSARBAS. f. (Hist. nat. Botan. des Arabes) nom d'une plante inconnue, & dont il est fait mention dans Avicenne, Sérapion, & autres auteurs arabes ; ce qu'on peut imaginer de plus vraisemblable, c'est que la rosarba est une espece de caroubier des pays chauds ou d'acacia sauvage. (D.J.)


ROSARIAS. m. (Littérat.) nom que donnoient les Romains à un genre de parfums précieux, ainsi nommés ou par leur excellente odeur, ou parce que les roses en faisoient le principal ingrédient.


ROSARIO(Géog. mod.) riviere de l'Amérique septentrionale, dans la nouvelle Espagne, à 22 degrés, 51 de latitude septentrionale. Elle mouille à 9 milles de la mer un petit bourg auquel elle donne son nom. (D.J.)


ROSAThuile,

ROSAT, miel,

ROSAT, onguent,

ROSAT, syrop ; voyez ROSE, (Mat. med.)


ROSAY(Géog. mod.) ou Rosoy, petite ville de France, dans la Brie, à 6 lieues de Meaux, & à 12 de Paris. Long. 20. 30. latit. 48. 42.


ROSBEC(Géog. mod.) village des Pays - Bas, dans la Flandre, à 2 lieues de Courtray, entre la Lys & la Mandere. Ce village est célebre par la bataille que Charles VI. roi de France y gagna sur les Flamands en 1382, comme Rosbach, dans le cercle de Leipsick, sera fameux par la victoire que le roi de Prusse y a remportée le 5 Novembre 1757 sur les armées combinées de la France & de l'Empire. (D.J.)


ROSCHILD(Géog. mod.) ville de Danemarck, toute ouverte, dans l'île de Sélande, au fond d'un petit golfe rempli de sable, à 8 lieues au sud-ouest de Copenhague. Son évêché fondé en 1012, est suffragant de Copenhague. La cathédrale renferme les tombeaux de quelques rois de Danemarck. Cette ville n'a point de commerce, & l'université qu'on y a fondée n'est pas florissante. Long. 29. 62. lat. 55. 38.


ROSCIANUM(Géog. anc.) lieu d'Italie. L'itinéraire d'Antonin le place sur la route d'Equotuticum à Rhegium, entre Thurii & Paternum, à 12 milles du premier de ces lieux, & à 27 milles du second. C'est aujourd'hui, à ce qu'on croit, le bourg Rossano. (D.J.)


ROSCOMMON(Géog. mod.) ville d'Irlande, dans la province de Connaught, & chef-lieu d'un comté auquel elle donne son nom, à 13 milles au nord de Tulsk. Elle est si misérable que la plûpart des maisons sont couvertes de chaume ; cependant elle envoie ses députés au parlement d'Irlande, & elle a droit de marché.

Le comté de Roscommon a environ 55 milles de longueur, sur 28 de largeur ; c'est un pays uni & fertile. On le divise en six baronies. Ses principaux lieux sont Atthlone, Boyle, Tulsh & Roscommon. (D.J.)


ROSES. f. (Botan.) on peut rapporter toutes les roses à deux classes ; celle des roses cultivées, & celle des roses sauvages : ces deux classes réunies forment cinquante-trois especes de roses, dans le système de Tournefort ; mais il nous suffira de décrire la rose cultivée commune, qu'on appelle la rose pâle ou incarnate, rosa rubra, sativa, pallidior, I. R. H. 637.

Sa racine est longue, dure, ligneuse. Elle pousse plusieurs tiges en arbrisseaux qui se divisent en branches fermes, longues, revêtues d'une écorcé verte obscure, garnies de quelques épines fortes & piquantes. Ses feuilles naissent par paires ordinairement au nombre de sept, sur une côte terminée par une seule feuille, d'un verd foncé, arrondies, dentelées en leurs bords, rudes au toucher.

Sa fleur est tantôt simple, composée seulement de cinq larges pétales, avec plusieurs sommets jaunes dans le milieu ; tantôt double, & alors les feuilles extérieures sont un peu plus grandes que les intérieures, d'une couleur rouge ou incarnate réjouissante, d'une odeur très-suave, quoique foible. Lorsque la fleur est passée, le calice dont elle étoit soutenue, devient un fruit ovale, ou de la figure d'une petite olive, à écorce un peu charnue, qui n'a qu'une seule loge remplie de plusieurs semences anguleuses, velues, blanchâtres. L'arbrisseau fleurit en Mai & Juin.

On sait que la rose sauvage, rosa sylvestris, vulgaris, flore odorato, incarnato, Inst. rei herb. 638. est la fleur de l'églantier, voyez ÉGLANTIER.

Les roses, comme d'autres plantes, présentent quelquefois des jeux monstrueux de la nature. On en lit un exemple dans le journal des Savans, année 1679. M. Marchand en rapporte un autre dans les mém. de l'acad. des Sciences, année 1700. La monstruosité de cette derniere rose consistoit 1°. en ce qu'au lieu de bouton, il y avoit cinq feuilles en côtes qui soutenoient la fleur ; 2°. du milieu de cette rose s'élevoit un bourgeon qui commençoit à former une branche ligneuse. (D.J.)

ROSES, ESSENCE DE, (Art distillatoire) après avoir considéré que les Parfumeurs ne tiroient guere qu'une once d'huile essentielle de rose sur cent livres de cette fleur, M. Homberg a trouvé l'art d'augmenter de près d'un tiers cette essence précieuse dans la distillation, si l'on a soin, avant que de distiller les roses, de les faire macérer pendant quinze jours dans l'eau aigrie par l'esprit de vitriol. Outre ce moyen, que les Parfumeurs ont adopté, ils ont encore une adresse particuliere dans cette opération : ils se servent d'une vessie distillatoire, qui contient environ un muid ; elle est ouverte par un tuyau en haut, à cause de la grande quantité d'eau qu'il faut souvent remettre dans la vessie sur les roses qui distillent ; car l'huile ne monte qu'à force d'eau, qui en éleve très-peu à la fois.

Cette vessie est aussi ouverte par un robinet en bas, pour changer aisément les roses épuisées ; mais la plus grande adresse consiste dans la figure du vaisseau qui reçoit cette huile ; il est fait comme un matras à l'ordinaire, de la panse duquel sort un tuyau, comme étoient faits dans le dernier siecle les vinaigriers & les huiliers qu'on servoit à table ; ce tuyau monte depuis la partie basse de la panse, jusqu'au bas du col du récipient, où il est recourbé en dehors ; l'effet de ce récipient, qui ne contient ordinairement que deux ou trois pintes, est de recevoir commodément plusieurs centaines de pintes d'eau rose sans le changer, ce qui perdroit la petite quantité d'huile qui s'y amasse ; cette eau se décharge par ce tuyau dans un second récipient ; & comme l'huile est plus légere, elle surnage cette eau, & s'amasse dans le col du récipient à la hauteur de l'ouverture, pendant que l'eau du fond du premier récipient s'écoule dans le second, à mesure qu'elle distille. Ce récipient, dont les Parfumeurs ont autrefois fait mystere, peut servir commodément aux distillations de toutes les huiles essentielles un peu précieuses. Mém. de l'acad. des Sciences, ann. 1700. (D.J.)

ROSE, (Mat. médic.) la rose étoit déjà regardée par les anciens comme la panacée d'une infinité de maladies ; c'est l'éloge que Pline en fait. Les modernes en tirent aussi un grand nombre de préparations ; les principales sont l'eau simple de roses, la conserve de roses, les tablettes de suc rosat, le syrop de suc de roses, le suc de roses solutif, l'électuaire du suc de roses, le miel rosat, l'huile de roses, l'onguent rosat, le vinaigre rosat, & la teinture de roses rouges. On trouve dans toutes les pharmacopées la maniere & les usages de ces diverses préparations ; il seroit seulement à souhaiter qu'elles fussent plus simples & mieux dirigées qu'on ne le voit dans plusieurs dispensaires. L'eau qu'on retire des roses par la distillation, est utile pour bassiner les yeux dans leurs inflammations. Le syrop de roses solutif, est fort propre pour purger les enfans. La conserve de roses, possede une légere vertu cordiale & astringente, salutaire aux phthisiques. Le vinaigre rosat, mêlé avec de l'eau de roses, un peu de nitre & de camphre, compose un épithème propre dans les fievres aiguës & les hémorrhagies du nez. (D.J.)

ROSE, (Jardin. Fleuriste) fleur qui croît sur l'arbrisseau qu'on appelle rosier. Voyez ROSIER.

Pline appelle la rose la reine des fleurs & l'ornement des jardins ; elle l'est par sa beauté, par ses variétés, & par son odeur délicieuse. Ses diverses parties ont été décorées de noms particuliers. On appelle l'ongle de la rose la partie blanche de sa feuille qui est la plus proche de la queue. On appelle hymen la petite peau qui enveloppe son bouton, & qui s'ouvre quand elle s'épanouit. Enfin le bouton même qui reste après que les feuilles sont tombées, se nomme gratecul. (D.J.)

ROSE DE JERICHO, (Botan.) c'est le myagrum ex Sumatriâ & Syriâ, semine spinoso, simili capiti aviculae de Zanoni 142, & c'est dans le système de Tournefort, une espece de thlapsi, ou une petite plante haute d'environ quatre doigts, ligneuse, rameuse, ayant la figure d'une tête d'oiseau, de couleur cendrée ; ses feuilles sont petites, longuettes, découpées, velues ; ses fleurs sont quatre petites feuilles disposées en croix dans des épis, blanches, ou de couleur de chair. Sa semence est arrondie, rougeâtre, âcre au goût. Sa racine est simple, assez grosse, ligneuse ; pendant que cette plante est en vigueur sur la terre, elle paroît un bouquet ; mais à mesure qu'elle se seche, les extrêmités de ses branches se courbant en dedans, se réunissent à un centre commun, & composent une espece de petit globe.

Cette plante croît dans l'Arabie déserte ; & quoiqu'on l'ait nommée rose de Jéricho, elle n'est point rose, & l'on n'en trouve point autour de Jéricho. On a dit autrefois, par l'amour du merveilleux, qu'elle ne s'ouvroit qu'au jour de Noël ; mais on sait à présent quelle s'ouvre en tous tems de sa vie, pourvu qu'on la plonge & qu'on la laisse tremper quelques momens dans l'eau ; on voit alors ses rameaux s'écarter peu-à-peu, s'épanouir, & ses fleurs paroître. (D.J.)

ROSE D'INDE, (Jardinage) rosa indica. La tige de cette fleur est rameuse, haute de trois piés, & garnie tout-au-long de petites feuilles étroites & dentelées. Ses fleurs sont aurores, très-doubles, en forme de rose, avec un calice écailleux qui contient des graines de couleur noire.

On met la rose d'Inde dans des pots, & dans les parterres, parmi les plantes de la grande espece. Elle fleurit toujours en automne, & demande une culture générale. On la seme sur couche, & on a soin de la mouiller.

ROSE D'OUTREMER, (Botan.) par les botanistes, malva rosea, espece de mauve, connue sous le nom de tréniere, voyez MAUVE & TRENIERE. (D.J.)

ROSE TRENIERE, (Botan.) autrement dite la rose d'outremer, qui est une espece de mauve, voyez-en l'article au mot TRENIERE ROSE, (Botan.) (D.J.)

ROSE, (Poésie, Mythol. Littér.) cette fleur étoit consacrée à Venus. Tous nos poëtes la célebrent à l'imitation des Grecs & des Latins, si nous les en croyons,

C'est la reine des fleurs dans le printems éclose ;

Elle est le plus doux soin de Flore & des zéphirs :

C'est l'ouvrage de leurs soupirs.

Anacréon s'étoit contenté de dire avec plus de simplicité, qu'elle est tout le soin du printems, . Nos vieux poëtes employent toujours la rose dans leurs vers. Aujourd'hui les comparaisons tirées de cette fleur ont été si souvent répetées, qu'on n'en sauroit user trop sobrement.

Aphtonius & Tzetzes nous assurent que c'est du sang de Vénus que les roses ont pris leur couleur vermeille. Bion prétend au contraire que la rose doit sa naissance au sang d'Adonis, & ce poëte a pour lui non-seulement Ovide, mais l'auteur du pervigilium Veneris, dans l'hymne charmante qu'il a faite sur ce sujet.

" Avec quelle grace, dit-il, le zéphir amoureux vient-il voltiger autour de la robe verte de cette reine des fleurs, & chercher à lui plaire par ses plus douces caresses ? Déja la divine rosée fait sortir ce bouton vermeil du fourreau qui l'enveloppe. "

Humor ille quem serenis astra rorant noctibus,

Jam nunc virginis papillas solvit humenti peplo.

" Je le vois, continue-t-il, ce bouton qui commence à s'épanouir ; je le vois glorieux d'étaler ce rouge incarnat dont la teinture est dûe au sang d'Adonis, dont l'éclat est augmenté par les baisers de l'amour, & qui semble composé de tout ce que la jeune Aurore offre de plus brillant, quand elle monte dans son char pour annoncer de beaux jours à la terre. "

En un mot, les poëtes ne se sont plaints que du peu de durée de cette aimable fleur, & nimium brevis rosae flores amoenos, " & ces roses, ces charmantes fleurs qui passent hélas, trop tôt pour nos plaisirs. " Tout le monde connoit cette épigramme latine :

Quam longa una dies, aetas tam longa rosarum,

Quas pubescentes juncta senecta premït.

Quam modo nascentem rutilus conspexit Eous,

Hanc veniens sero vespere vidit anum.

" La durée d'un jour est la mesure de l'âge de la rose ; la même étoile qui la voit naître le matin, la voit mourir le soir de vieillesse. " Malherbe a bien su tirer parti de cette idée ; il dit, en parlant de la mort de la fille de M. Duperrier.

Mais elle étoit du monde, où les plus belles choses

Ont le pire destin,

Et rose elle a vÊCu ce que vivent les roses,

L'espace d'un matin.

Ainsi a vÊCu madame la princesse de Condé.

Les Romains aimoient passionnément les roses, & faisoient beaucoup de dépense pour en avoir en hiver. Les plus délicats les recherchoient encore, lorsque la saison en étoit passée. Dans le tems même de la république, ils n'étoient point contens, dit Pacatus, si au milieu de l'hiver, les roses ne nageoient sur le vin de Falerne qu'on leur présentoit. Delicati illi ac fluentes parùm se lautos putabant, nisi luxuria avertisset annum, nisi hibernae poculis rosae innatassent. Ils appelloient leurs maîtresses du nom de rose, mea rosa, ma belle amie.

Enfin les couronnes de roses étoient chez les anciens la marque du plaisir & de la galanterie. Horace ne les oublie jamais dans ses descriptions des repas agréables. Aussi roseus, rosea, signifioit beau, belle, éclatant, éclatante, comme le des Grecs. C'est pourquoi Virgile dit, en parlant de Vénus :

Et avertens roseâ cervice refulsit.

" En se détournant, elle fit voir la beauté de son col. " Dans notre langue un teint de lis & de roses désigne aussi le plus beau teint du monde, tel qu'il se trouve seulement dans la florissante jeunesse. (Le chevalier DE JAUCOURT.

ROSE POSTEROL, noms que l'on a donnés à une ortie de mer de couleur rouge, de l'espece de celles que l'on nomme cul de cheval. Voyez ORTIE DE MER.

ROSE BLANCHE, ROSE ROUGE, (Hist. d'Anglet.) on a donné le nom de rose blanche & de rose rouge, aux deux maisons d'Yorck & de Lancastre. Ces noms sont fameux par les guerres entre ces deux maisons, la quantité de sang anglois qu'elles ont fait répandre, & qui aboutit à la ruine entiere de la maison de Lancastre.

Il faut donc se rappeller que sous le regne d'Henri VI. en 1453, il y avoit en Angleterre un descendant d'Edouard III. de qui même la branche étoit plus près d'un degré de la souche commune que la branche régnante. Ce prince étoit un duc d'Yorck. Il portoit sur son écu une rose blanche, & le roi Henri VI. de la maison de Lancastre, portoit une rose rouge. C'est de-là que vinrent ces noms célebres consacrés à la guerre civile. La bataille de Bolsworth donnée en 1485, & dans laquelle périt Richard III. mit fin aux désolations dont la rose rouge & la rose blanche avoient rempli l'Angleterre. Le trône toujours ensanglanté & renversé, fut enfin ferme & tranquille ; les malheurs qui avoient persécuté la famille d'Edouard III. cesserent ; Henri VII. en épousant une fille d'Edouard V. réunit les droits des Lancastres & des Yorcks en sa personne. Ayant su vaincre, il sut gouverner. Son regne, qui fut de 24 ans, & presque toujours paisible, humanisa un peu les moeurs de la nation. Les parlemens qu'il assembla & qu'il ménagea, firent de sages lois. La justice distributive rentra dans tous ses droits ; le commerce qui avoit commencé à fleurir sous le grand Edouard, & qui avoit été ruiné pendant les guerres civiles, se rétablit, & se ranima pour prospérer encore davantage sous Henri VIII. & sous la reine Elisabeth. (D.J.)

ROSE DE VENT, (Marine) c'est un morceau de carton ou de corne, coupé circulairement, qui représente l'horison, & qui est divisé en trente-deux parties, pour représenter les trente-deux airs de vent. On suspend sur ce cercle une aiguille aimantée, ou l'on attache une aiguille aimantée à ce cercle, qu'on suspend dans une boîte, & l'on écrit à chaque division, en commençant par le nord, les noms des vents dans l'ordre suivant.

Noms des rumbs de vent. 1. N. c'est-à-dire, nord. 2. N. 1/4 N. E. nord quart nord-est. 3. N. N. E. nord-nord-est. 4. N. E. 1/4 N. nord-est quart-nord. 5. N. E. nord-est. 6. N. E. 1/4 E. nord-est quart d'est. 7. E. N. E. est - nord-est. 8. E. 1/4 N. E. est quart nord - est. 9. Est. 10. E. 1/4 S. E. est quart sud - est. 11. E. S. E. est sud-est. 12. S. E. 1/4 E. sud-est quart-d'est. 13. S. E. sud-est. 14. S. E. 1/4 S. sud-est quart de sud. 15. S. S. E. sud-sud-est. 16. S. 1/4 S. E. sud quart sud-est. 17. S. sud. 18. S. 1/4 S. O. sud quart sud-ouest. 19. S. S. O. sud-sud-ouest. 20. S. O. 1/4 S. sud-ouest quart-sud. 21. S. O. sud-ouest. 22. S. O. 1/4 O. sud-ouest quart-d'ouest. 23. O. S. O. ouest - sud - ouest. 24. O. 1/4 S. O. ouest quart-sud-ouest. 25. O. ouest. 26. O. 1/4 N. O. ouest quart - nord - ouest. 27. O. N. O. ouest-nord-ouest. 28. N. O. 1/4 O. nord - ouest quart - ouest. 29. N. O. nord-ouest. 30. N. O. 1/4 N. nord-ouest quart-nord. 31. N. N. O. nord-nord-ouest. 32. N. 1/4 N. O. nord quart nord-ouest.

On donne sur la Méditerranée d'autres noms à ces rumbs de vent. Voyez dans les Planches de Marine, où l'on a dessiné deux roses des vents où sont marqués leurs noms sur l'Océan, & leurs noms sur la mer Méditerranée.

ROSE, (Archit.) ornement taillé dans les caisses qui sont entre les modillons, sous les plafonds des corniches, & dans le milieu de chaque face de l'abaque des chapiteaux corinthien & composite.

Rose de compartiment. On appelle ainsi tout compartiment formé en rayons par des plates-bandes, guillochis, entrelas, étoiles, &c. & renfermé dans une figure circulaire. Il sert à décorer un cul-de-four, un plafond, un pavé de marbre, rond ou ovale, &c.

On nomme aussi rose de compartiment, certains fleurons ou bouquets ronds, triangulaires ou losanges, qui remplissent les renfoncemens de sofite, de voûte, &c.

Rose de moderne. C'est dans une église à la gothique, un grand vitrail rond, avec croisillons & nervures de pierre, qui forment un compartiment en maniere de rose. Les plus beaux vitraux de cette espece sont à S. Denys en France.

Rose de pavé. Compartiment rond de plusieurs rangées de pavés de grès, de pierre noire de Caën, & de pierre à fusil, mêlées alternativement, dont on orne les cours, grottes, fontaines, &c. On en fait aussi de pierre & de marbre de diverses sortes. Daviler. (D.J.)

ROSE, en terme de Boutonnier ; c'est un ornement dont le fond est de cartisanne, divisé en plusieurs branches formant autant de rayons, composés d'un seul brin plié en deux, qui s'éloignent les uns des autres, à mesure qu'ils s'éloignent de leur centre commun : les angles en sont arrondis à-peu-près comme ceux des feuilles d'une rose. La rose entre comme les pompons dans les différens ornemens que le boutonnier imagine.

ROSE, en terme de Diamantaire, est un diamant plat, qui n'est taillé que sur la table. Voyez TABLE.

ROSES, (Haute-lisserie) petites étoffes de soie, de laine & de fil, dont les façons représentent des especes de roses. Elles ont 20 aunes un quart à 20 aunes & demi de longueur, sur un pié & demi & un pouce de roi de largeur. Savary. (D.J.)

ROSE, terme de Luthier ; ce sont plusieurs trous qui représentent en quelque sorte la figure d'une rose, & qui sont au milieu de la table d'un instrument de musique, comme d'un luth, d'un clavecin, d'une épinette, &c. (D.J.)

ROSE - NOBLE, (Monnoie) monnoie d'or qui se fabrique en Hollande, & qui y a cours pour onze florins.

ROSE, (Serrur.) ornement rond, ovale ou à pans, qui se fait ou de tole relevé par feuilles, ou de fer couronné par compartiment à jour. Il sert dans les dormans des portes cintrées, & dans les panneaux de serrurerie. (D.J.)

ROSE ou ROSETTE, (Teinturier) c'est ainsi que les Teinturiers nomment une certaine marque ronde de la grandeur d'un écu blanc, bleue, jaune ou d'autre couleur, que les Teinturiers sont obligés de laisser au bout de chaque piece d'étoffe qu'ils teignent, pour faire connoître les couleurs qui leur ont servi de pié ou de fond, & faire voir que l'on y a employé les drogues & ingrédiens nécessaires pour les rendre de bon teint. Dict. de comm. (D.J.)

ROSE ou ROSETTE, terme de Tourneur ; c'est une sorte de cheville tournée, qui est grosse par un bout, & que l'on met à un ratelier avec plusieurs autres pour servir à pendre des habits. (D.J.)

ROSE, (Blason) la rose s'appelle soutenue, quand elle est figurée avec sa queue, elle est quelquefois d'un même, & quelquefois d'un différent émail, mais toujours épanouie, & tantôt avec les points de la châsse d'un émail différent des feuilles. Menestrier. (D.J.)

ROSE-CROIX, société des freres de la, (Histoire des impostures humaines) société imaginaire, & néanmoins célebre par les fausses conjectures qu'elle a fait naître.

Ce fut en 1610, qu'on commença à entendre parler de cette société chimérique, dont on n'a découvert ni trace, ni vestige. Ce qu'il y a de plaisant, c'est que dès-lors les Paracelsistes, les Alchymistes, & autres gens de cet ordre, prétendirent en être, parce qu'il s'agissoit des sciences occultes & cabalistiques, & chacun d'eux attribuoit aux freres de la rose-croix ses opinions particulieres. Les éloges qu'ils firent des freres de la rose - croix aigrirent quelques hommes pieux, & les porterent à intenter toutes sortes d'accusations contre cette société, de l'existence de laquelle ils auroient dû préalablement s'assurer.

Cependant on débitoit hautement qu'il paroissoit une illustre société, jusques-là cachée, & qui devoit son origine à Christian Rosencreuz. On ajoutoit que cet homme né en 1387, ayant fait le voyage de la Terre-Sainte, pour visiter le tombeau de J. C. avoit eu à Damas des conférences avec les sages chaldéens, desquels il avoit appris les sciences occultes, entr'autres la magie & la cabale, qu'il avoit perfectionné ses connoissances, en continuant ses voyages en Egypte & en Libye. Que de retour dans sa patrie, il avoit conçu le généreux dessein de réformer les sciences. Que pour réussir dans ce projet, il avoit institué une société secrette, composée d'un petit nombre de membres, auxquels il s'étoit ouvert sur les profonds mysteres qui lui étoient connus, après les avoir engagé sous serment à lui garder le secret, & leur avoir enjoint de transmettre ses mysteres de la même maniere à la postérité.

Pour donner plus de poids à cette fable, on mit au jour deux petits ouvrages, contenant les mysteres de la société. L'un a pour titre fama fraternitatis, id est, detectio fraternitatis laudabilis ordinis roseaecrucis ; l'autre intitulé confessio fraternitatis, parut en allemand & en latin.

Dans ces deux ouvrages, on attribuoit à cette société. 1°. Une révélation particuliere que Dieu avoit accordée à chacun des freres, par le moyen de laquelle ils avoient acquis la connoissance d'un grand nombre de sciences, & qu'en qualité de vrais Théosophes, ils étoient en état d'éclairer la raison humaine par le secours de la grace. 2°. On recommandoit, outre la lecture de l'Ecriture-sainte, celle des écrits de Taulerus, & de la théologie germanique. 3°. On assuroit que les illustres freres se proposoient de faire une réforme générale des sciences, & en particulier de la Médecine & de la Philosophie. 4°. On apprenoit au public que lesdits freres possédoient la pierre philosophale, & que par ce moyen ils avoient acquis la médecine universelle, l'art de transmuer les métaux, & de prolonger la vie ; enfin, on annonçoit qu'il alloit venir un siecle d'or, qui procureroit toute sorte de bonheur sur la terre.

Sur le bruit que firent ces deux ouvrages, chacun jugea de la société des freres de la rose-croix, selon ses préjugés, & chacun crut avoir trouvé la clé de l'énigme. Plusieurs theologiens prévenus déja contre l'école de Paracelse, penserent qu'on en vouloit à la foi, & qu'une secte fanatique se cachoit sous ce masque. Christophorus Nigrinus prétendit démontrer que les freres étoient des disciples de Calvin. Mais ce qui détruisit l'une & l'autre de ces conjectures, c'étoient quelques endroits des deux livres dont nous avons parlé, qui prouvoient que les freres étoient fortement attachés au luthéranisme. En conséquence, quelques luthériens défendirent avec zèle l'orthodoxie de la société.

Les plus éclairés conjecturoient que tout cela n'étoit qu'une fable forgée par des chymistes, comme l'indiquoient assez les connoissances chymiques dont cette société se vantoit. Ils ajoutoient pour nouvelle preuve, que le nom même de rose - cruz étoit chymique, & qu'il signifioit un philosophe qui fait de l'or. Telle a été l'opinion de M. Mosheim.

Il y eut aussi des gens qui crurent bonnement que Dieu, par une grace spéciale, s'étoit révelé à quelques hommes pieux, pour reformer les sciences, & découvrir au genre humain des mysteres inconnus.

Mais comme on ne découvroit en aucun endroit ni cette société, ni personne qui en fût membre, les gens d'esprit se convainquirent de plus en plus, qu'elle n'existoit point en réalité, qu'elle n'avoit jamais existé, & que tout ce qu'on débitoit de son auteur, étoit un conte fait à plaisir, inventé pour se divertir des gens crédules, ou pour mieux connoître ce que le public pensoit de la doctrine de Paracelse, & des chymistes.

Le dénouement de la piece fut, qu'on n'entendit plus parler de la société, depuis que ceux qui l'avoient mise sur le tapis garderent le silence, & n'écrivirent plus. On a soupçonné fortement JeanValentin Andréa, théologien de Wirtemberg, homme savant & de génie, d'avoir été, sinon le premier auteur, du moins un des premiers acteurs de cette comédie.

Quoi qu'il en soit, le nom de freres de la rose-croix est resté aux disciples de Paracelse, aux Alchymistes, & autres gens de cet ordre, qui ont formé un corps assez nombreux, & dont on appelle le systeme Théosophie. Voyez, article THEOSOPHIE, les principaux points de cette doctrine. (D.J.)

ROSE D'OR, (Hist. de la cour de Rome) c'est ainsi qu'on nomme par excellence, une rose de ce métal faite par un orfévre italien, enrichie de carats, & bénie par le pape le quatrieme dimanche du carême, pour en faire présent en certaines conjonctures, à quelque église, prince, ou princesse.

La coutume qu'a le pape de consacrer une rose d'or le dimanche laetare Jerusalem, n'a pris son origine que dans le xi. ou xij. siecle ; du-moins n'en est il pas parlé plus tôt dans l'histoire.

Jacques Picart, chanoine de saint Victor de Paris, dans ses notes sur l'histoire d'Angleterre, écrite par Guillaume de Neubourg, sur la fin du xij. siecle, nous donne l'extrait d'une lettre d'Alexandre III. à Louis le jeune, roi de France, en lui envoyant la rose d'or ; " imitant (dit ce pape au monarque) la coutume de nos ancêtres, de porter dans leurs mains une rose d'or le dimanche laetare, nous avons cru ne pouvoir la présenter à personne qui la méritât mieux que votre excellence, à cause de sa dévotion extraordinaire pour l'Eglise, & pour nous-mêmes ".

C'est ainsi qu'Alexandre III. paya les grands honneurs que Louis le jeune lui avoit rendus dans son voyage en France. Bien-tôt après les papes changerent cette galanterie en acte d'autorité, par lequel en donnant la rose d'or aux souverains, ils témoignoient les reconnoître pour tels ; & d'un autre côté, les souverains accepterent avec plaisir de la part du saint siége, cette espece d'hommage. Urbain V. donna en 1368 la rose d'or à Jeanne, reine de Sicile, préférablement au roi de Chypre. En 1418 Martin V. consacra solemnellement la rose d'or, & la fit porter sous un dais superbe à l'empereur qui étoit alors au lit. Les cardinaux, les archevêques, & les évêques, accompagnés d'une foule de peuple, la lui présenterent en pompe, & l'empereur s'étant fait mettre sur un trône, la reçut avec beaucoup de dévotion aux yeux de tout le public.

Henri VIII. reçut aussi la rose d'or de Jules II. & de Léon X. Ce dernier pape ne prévoyoit pas qu'un de ses parens & successeurs (Jules de Médicis) qui prit le nom de Clément VII. s'aviseroit bien - tôt après d'excommunier ce même monarque, & qu'il arriveroit de-là, que toutes les roses de la tiare pontificale seroient flétries en Angleterre. (D.J.)


ROSEAUS. m. (Botan.) genre de plante qui paroît ne différer du gramen & du chiendent que par la grandeur de ses tiges & de ses feuilles ; les Botanistes en comptent plusieurs especes, dont les deux principales ou communes sont le roseau de marais, arundo vulgaris, sive phragmites Dioscoridis, I. R. H. 526, & la seconde, le roseau cultivé, arundo sativa, seu donax Dioscoridis, I. R. H. 526.

Le roseau de marais a des racines grosses, nerveuses, & entrelacées, qui s'étendent fort loin, & serpentent obliquement dans la terre. Sa tige s'éleve à sept ou huit piés ; elle est creuse, & a des noeuds d'espace en espace, à chacun desquels sortent des feuilles longues, étroites, de la forme de celle des pailles, dures, & rudes au toucher. La tige est terminée en-haut par une espece d'épi ou de pannicule cossu, d'un brun rougeâtre, plein d'une substance molle & cotonneuse, ayant le sommet penchant en en-bas, & ne répandant aucune semence visible. Cette tige meurt toutes les années.

Le roseau cultivé ne differe point de l'espece précédente par ses tiges, ses feuilles, & ses fleurs ; sa racine est d'un goût doux, & ses rejettons tendres peuvent même se manger.

Quant au roseau, ou canne à sucre, arundo saccharifera, le lecteur en trouvera la description au mot SUCRE. (D.J.)

ROSEAU ou CANNE, (Mat. méd.) de toutes les vertus que les Pharmacologistes ont attribuées au roseau, celle de pousser efficacement les urines, & de dissiper le lait, & la seule qui soit bien établie. La ptisane ou décoction pour boisson ordinaire de la racine du roseau, est un remede populaire, & presque généralement employé dans plusieurs pays pour faire perdre le lait des nourrices. (b)

ROSEAU A ECRIRE, (Botan.) c'est une espece de canne qui ne croît que de la hauteur d'un homme, & dont les tiges n'ont que trois ou quatre lignes d'épaisseur, solides d'un noeud à l'autre, c'est-à-dire, remplies d'un bois moëlleux & blanchâtre. Les feuilles qui ont un pié & demi de long, sur huit ou neuf lignes de large, enveloppent les noeuds de ces tiges par une gaîne velue ; car le reste est lisse, vert gai, plié en gouttiere, à fond blanc. Le pannicule ou le bouquet des fleurs est blanchâtre, soyeux, semblable à celui des autres roseaux. Les gens du pays taillent les tiges de ces roseaux pour écrire ; mais les traits qu'ils en forment sont très-grossiers, & n'approchent pas de la beauté des caracteres que nous faisons avec nos plumes. (D.J.)

ROSEAU ou BAGUETTE D'EZECHIEL, (Théologie) mesure dont il est parlé dans l'Ecriture, & que les auteurs modernes croyent répondre à un pié onze pouces, & un tiers de pouce d'Angleterre. Voyez MESURE.

C'est dans le chapitre xl. d'Ezéchiel, où il s'agit de cette mesure : Dieu y montre en vision à ce prophete la réédification future de la ville de Jérusalem, & lui fait d'abord voir un homme qui tenoit en main un roseau ou baguette, pour mesurer les dimensions que devoit avoir cette nouvelle ville, & calamus mensurae in manu ejus. La longueur de cette mesure semble être déterminée au verset 5, & in manu viri calamus mensurae sex cubitorum & palmo. Or en donnant à la coudée 18 pouces, & à la palme un peu plus de trois pouces, selon le calcul le plus ordinaire, ce roseau auroit été une mesure de neuf piés trois pouces quelques lignes ; ce qui est fort différent de ce qu'avance ici M. Chambers. D'ailleurs le prophete ajoute que cet homme dont il eut la vision, prit avec son roseau les mesures des maisons, des murs, des portes de la ville, &c. & dit qu'il mesura la largeur de chaque maison, calamo uno, & la hauteur calamo uno. Or il seroit ridicule de ne donner à une maison qu'un pié onze pouces & un tiers de pouce en tout sens. Il est vrai qu'elles ne seroient pas beaucoup plus exhaussées ni plus spacieuses, en ne donnant à ce roseau que neuf à dix piés ; mais encore cela seroit-il plus supportable. Que si on met la coudée à 21 pouces, comme celle de Memphis, & la palme à proportion, on aura près d'onze piés tant en hauteur qu'en largeur ; ce qui suffit au-moins pour faire une chambre un peu commode. Nous ne donnons ceci que comme une conjecture, mais beaucoup plus vraisemblable que celle de M. Chambers, sur ce roseau ou baguette d'Ezéchiel.

ROSEAUX, (Architecture) ornemens en forme de cannes ou bâtons, dont on remplit jusqu'au tiers les cannelures des colonnes rudentées. (D.J.)

ROSEAU, en terme de Batteur d'or, est une moitié de roseau de mer extrêmement aiguisée par le moyen d'un verre, dont on se sert pour couper les feuilles d'or qui sont minces jusqu'à un certain point.

ROSEAU, en terme de Vergettier ; ce sont les franges ou les barbes d'une sorte d'herbe grosse & haute qu'on trouve dans les étangs & autres endroits marécageux, & qu'on appelle roseau : elle n'est point propre à être employée quand elle est en fleur.


ROSÉES. f. (Physiq.) météore aqueux que l'on peut distinguer en trois especes, savoir la rosée qui s'éleve de la terre dans l'air, la rosée qui retombe de l'air, & enfin la rosée que l'on apperçoit sous la forme de gouttes sur les feuilles des arbres & des plantes. Parcourons ces trois especes. 1°. La rosée s'éleve de la terre par l'action du soleil, pendant les mois de l'été ; le soleil ne produit pas ces effets du premier coup, mais insensiblement, car aussitôt qu'il paroît au-dessus de l'horison, il commence à échauffer la terre & y darde ses rayons, & sa chaleur continue de s'introduire plus profondément, jusqu'à une ou deux heures après son coucher ; c'est alors que la chaleur commence à s'arrêter, & qu'elle commence à remonter insensiblement.

On peut rassembler la rosée, en mettant le soir sur la terre, ou un peu au-dessus, des plaques de métal non polies, ou de grands disques de verre. Si, après qu'il a fait un jour fort chaud, on place ces plaques dans un endroit qui ait été bien éclairé du soleil, la vapeur qui s'éleve de la terre se portera contre la surface inférieure & s'y attachera, & si on les pose un peu obliquement sur la terre, la rosée s'écoulera vers le bout inférieur, laissant après elle les traces qui marquent la route qu'elle a prise ; si au-contraire on place les plaques dans un endroit qui n'ait pas été éclairé du soleil, ou qui ne l'ait été que fort peu, il ne s'y amassera qu'une petite quantité de rosée.

Lorsqu'on est à la campagne, & qu'après un jour chaud, on vient à avoir une soirée froide, on voit sortir des canaux & des fossés la vapeur de l'eau, qui s'éleve en maniere de fumée ; cette vapeur ne se trouve pas plutôt à la hauteur d'un pié ou de deux, au-dessus de l'endroit d'où elle part, qu'elle se répand également de tous côtés ; alors la campagne paroît bientôt couverte d'une rosée qui s'éleve insensiblement ; elle humecte tous les corps sur lesquels elle tombe, & mouille les habits de ceux qui s'y promenent.

La rosée qui s'éleve ne sauroit être la même dans les différentes contrées de la terre. En effet la rosée se trouvera presque toute composée d'eau dans les pays aqueux, proche des lacs & des rivieres, ou dans le voisinage de la mer ; mais si la terre est grasse, sulphureuse, pleine de bois, d'animaux, de poissons, de champs ensemencés, la rosée sera alors composée de diverses sortes d'huiles, de sels volatils, & d'esprits subtils des plantes ; si le terrein contient beaucoup de minéraux, la rosée sera aussi composée de semblables parties, comme l'observe M. Boërhaave dans sa chymie. Il s'éleve aussi beaucoup de rosée dans les pays humides & aqueux, & moins dans les lieux secs & arides, qui sont éloignés de la mer, des rivieres ou des lacs ; ajoutons que la rosée ne monte pas toujours à la même hauteur ; la plus grande partie s'arrête fort bas, une autre partie s'éleve dans l'athmosphere, jusqu'à une hauteur moyenne, & la moindre partie à une grande hauteur.

La rosée s'étant élevée jusqu'à une certaine hauteur, flotte lentement dans l'air ; tantôt elle monte, tantôt elle descend, entourant tous les corps qu'elle trouve à sa rencontre, & quelquefois elle retombe de l'air pour humecter la terre. Les philosophes ne s'accordent pas là-dessus, mais M. Musschenbroeck a fait diverses expériences à cet égard, qui ne permettent pas de douter de la chûte de la rosée ; on peut les lire dans son essai de physique, §. 1535. Il a fait presque toutes ces expériences sur l'observatoire de Leyde, au haut duquel on trouve une large plateforme, où il a disposé en tout sens des morceaux d'étoffe, des tonnes, vases, cloches, &c. qui ont tous reçu de la rosée de l'air.

La rosée ne tombe pas indifféremment sur toutes sortes de corps ; cette assertion paroît singuliere, & l'habile physicien que nous venons de citer, a remarqué que les différentes couleurs attirent la rosée avec une force inégale ; l'inégalité de leur force attractive dépend de la structure & de la grandeur des corps colorés.

Il ne tombe point de rosée lorsqu'il fait un gros vent, parce que tout ce qui monte de la terre, est d'abord emporté par le vent, & que tout ce qui s'est élevé dans l'air pendant le jour, est aussi arrêté & emporté par le vent. Voici quelques observations de M. Musschenbroeck sur ce sujet. " Quels sont les vents avec lesquels la rosée tombe, ou quels sont les vents qui précedent pendant le jour, la chûte de la rosée du soir ? J'ai souvent été surpris de voir tomber de la rosée avec un vent de nord, parce que ce vent étant froid dans ce pays, condense la terre, & en ferme les ouvertures ; elle ne tombe cependant pas si souvent, lorsque ce vent souffle, que lorsqu'il regne d'autres vents chauds, de sorte qu'on ne ramasse jamais tant de rosée, que lorsque le vent est sud, sud - ouest, & sud - est ; c'est ce qu'on remarquoit aussi autrefois en Grece ; car nous apprenons d'Aristote, qu'il y tomboit de la rosée avec un vent de sud-est ; il n'est pas difficile de rendre raison de ce phénomène ; le vent est chaud, il ouvre la terre, il échauffe les vapeurs qui s'élevent alors en grande quantité, & peuvent par conséquent retomber avec abondance, &c. " Loc. cit. §. 1538.

Il tombe beaucoup de rosée dans le mois de Mai, parce que le soleil met alors en mouvement une grande quantité de sucs de la terre, & fait monter beaucoup de vapeurs. La rosée de Mai est plus aqueuse que celle de l'été, parce que la grande chaleur volatilise non-seulement l'eau, mais aussi les huiles & les sels.

Aristote, Pline, & d'autres, ont cru que la rosée tomboit la nuit, parce que les étoiles & la lune la pressoient en bas ; & c'est pour cela que les philosophes qui sont venus ensuite, ont ajouté que la rosée tomboit en très-grande abondance, lorsque la lune étoit pleine, & qu'elle luisoit toute la nuit. Ils ont appellé la lune, la mere de la rosée, (Virg. géorg. l. III.) & la rosée, la fille de l'air & de la lune. (Plut. symp. 3.) Cependant on ramasse tout autant de rosée, & avec la même facilité, dans les nuits où la lune ne luit pas, qu'à la clarté de cet astre ; & quelle vertu pourroient avoir les rayons de lumiere qui en partent, puisque si on les reçoit sur le plus grand miroir ardent, & qu'en les rassemblant dans le foyer, on les y condense cinq cent fois davantage, ils ne produisent pas le moindre effet sur le thermometre le plus mobile. Voyez CHALEUR, LUNE, &c.

On peut distinguer la rosée d'avec la pluie ; 1°. parce que la pluie est une eau blanche & claire, au lieu que la rosée est jaune & trouble ; 2°. en ce que l'eau de pluie pure distillée, n'a ni odeur ni goût, au lieu que la rosée distillée a l'un & l'autre.

La troisieme espece de rosée dont nous avons à parler, porte ce nom abusivement ; il s'agit de ces gouttes aqueuses que l'on voit à la pointe du jour sur les feuilles des plantes & des arbres, après une nuit seche. On a cru que cette liqueur tomboit de l'air, sur les plantes & sur l'herbe, où elle se trouve en si grande quantité, qu'on ne sauroit traverser le matin une prairie, sans avoir les piés tout mouillés. On se trompe fort à cet égard, car la rosée des plantes est proprement leur sueur, & par conséquent une humeur qui leur appartient, & qui sort de leurs vaisseaux excrétoires.

Tantôt on voit ces gouttes rassemblées proche la tige où commence la feuille, comme dans les choux & les pavots ; d'autres fois elles se tiennent sur le contour des feuilles & sur toutes les éminences, comme cela se remarque, sur-tout dans le cresson d'Inde ; quelquefois on les voit au milieu de la feuille proche de la côte ; elles se trouvent aussi assez souvent sur le sommet de la feuille, comme dans l'herbe des prés, &c. L'origine de cette rosée peut s'expliquer ainsi, selon M. Musschenbroeck. Lorsque le soleil échauffe la terre pendant le jour, & qu'il met en mouvement l'humidité qui s'y trouve, elle s'éleve & s'insinue dans les racines des plantes contre lesquelles elle est portée ; après que cette humidité s'est une fois introduite dans la racine, elle continue de monter plus haut, passant par la tige dans les feuilles, d'où elle est conduite par les vaisseaux excrétoires, sur la surface, où elle se rassemble en grande quantité, tandis que le reste demeure dans la plante ; mais cette humidité se desseche d'abord pendant le jour par la chaleur de l'air, de sorte qu'on n'en voit point du tout pendant le jour sur les feuilles, & comme il ne retourne alors que peu de liqueur dans la tige & vers la racine, toutes les plantes paroissent se faner en quelque sorte vers le milieu du jour ; les liqueurs qui ont été échauffées continuent de se mouvoir dans la terre pendant la nuit, elles viennent se rendre de même que pendant le jour contre les racines des plantes, elles y entrent tout comme auparavant, & s'élevent ensuite en haut ; mais les plantes se trouvent alors toutes entourées d'un air plus froid, lequel desseche moins les humeurs, ainsi les sucs qui s'écoulent des vaisseaux excrétoires, & qui ne se dessechent pas après en être sortis, se rassemblent insensiblement, & prennent la forme de gouttes, qui sont le matin dans toute leur grosseur, à moins qu'elles ne soient dissipées par le vent, ou dessechées par la chaleur du soleil levant.

Comme ce sentiment est nouveau, le même physicien, que nous avons cité dans tout cet article, s'est attaché à le prouver par diverses expériences très-exactes, qu'il rapporte §. 1533. de son essai de physique.

La rosée est saine ou nuisible aux animaux & aux plantes, selon qu'elle est composée de parties rondes ou tranchantes, douces ou âcres, salines ou acides, spiritueuses ou oléagineuses, corrosives ou terrestres ; c'est pour cela que les médecins attribuent à la rosée diverses maladies. Vossius, d'après Thomas Cantipratensis, dans son livre sur les abeilles, avertit les bergers de ne pas mener paître leurs troupeaux de grand matin dans les champs qui se trouvent couverts de rosée, parce que la rosée, qui est extrêmement subtile, s'insinue dans les viscères, qu'elle met le ventre en mouvement par sa chaleur, & qu'elle le purge avec tant de violence, que mort s'ensuit quelquefois. L'avis de Pline, liv. XVIII. c. xxix. ne paroît pas bien fondé ; il veut que pour empêcher la rosée d'être nuisible aux terres ensemencées, on mette le feu au bois, à la paille & aux herbes de la campagne ou des vignes, parce que cette fumée préviendra tout le mal qui pourroit arriver ; mais cette fumée ne sauroit produire aucun bon effet, si ce n'est dans les endroits où il y a des vapeurs & des exhalaisons acides, qui se trouvent alors tempérées par ce qu'il y a d'alkali dans la fumée. On dit que la rosée oléagineuse est fort mal-saine, sur-tout pour les bestiaux, & l'on a observé que l'année est fort stérile, lorsqu'il tombe beaucoup de cette rosée. On prétend que dans une certaine année, les noyers en moururent en Dauphiné, & que les feuilles des autres plantes en étoient comme brûlées, de même que le blé & la vigne ; mais on doit moins attribuer cette malignité à la rosée, qu'à la trop grande chaleur du soleil. Cet article est de M. Formey, qui l'a tiré des Essais de physique de M. Musschenbroeck, déja cité plusieurs fois dans cet article.

ROSEE, (Chymie & Médecine.) Les Chymistes ont long-tems supposé & cherché dans la rosée des principes merveilleux, des émanations précieuses de tous les regnes de la nature, & de la panspermie de l'athmosphere (voyez PANSPERMIE), qu'ils ont crues éminemment propres à ouvrir certains corps, à les altérer diversement, à les imprégner, à les enrichir de qualités nouvelles, &c. C'est dans ces vues que les Chymistes l'ont recueillie avec soin, & quelquefois même avec des circonstances mystérieuses ; qu'ils l'ont digérée, distillée, fermentée, &c. & qu'ils l'ont ensuite employée à diverses extractions, teintures, &c. qu'ils ont exposé divers corps à son influence, &c. C'est de-là qu'est venue à la chymie pharmaceutique la méthode de préparer le safran de Mars à la rosée, & même à la rosée de Mai, sottise exigée encore avec cette derniere circonstance chez beaucoup de pharmacologistes modernes.

L'action de la rosée bien évaluée dans ses diverses opérations & dans ses usages pour quelques arts, comme pour le blanchissage de la toile & celui de la cire, a prouvé évidemment aux chymistes modernes que la rosée n'opéroit dans tous ces cas que comme eau ; & que toutes les différences qu'on pouvoit observer entre les effets de l'eau commune & ceux de la rosée, s'expliquoient très-bien par la diverse forme d'application, savoir en ce que l'eau commune s'employoit ordinairement sous la forme de masse ou de volume considérable, long-tems subsistant sur les corps auxquels on l'appliquoit, & que la rosée ne s'appliquoit à ces corps que sous la forme de gouttes, de molécules disgrégées, ou tout au plus de couche très-légere, & qui se dissipoit facilement, & donnoit lieu par-là à de fréquentes altérations de madéfaction & de dessication.

La rosée & le serein qui en est une espece qu'on a caractérisée par des différences imaginaires (voyez SEREIN), considérés comme chose non-naturelle, c'est-à-dire comme objet externe, exerçant une influence sur le corps animal, n'agissent encore que comme eau ou comme humidité, tout au plus comme humidité froide.

La rosée doit être comptée parmi les objets extérieurs dont les effets sont le plus nuisibles aux corps foibles & non accoutumés à son action. Ceux qui sont sujets aux rhumes, à la toux, aux maladies de poitrine, aux ophthalmies, aux douleurs des membres, & aux coliques, doivent sur-tout éviter très-soigneusement de s'y exposer. (b)

ROSEE, (Critique sacrée) ros ; ce mot outre le sens propre, se prend dans l'Ecriture pour la manne ; le matin il tomba une rosée, ros, tout-autour du camp, Exod. xvj. 13. c'étoit la manne même qu'on recueillit aux environs du camp. Voyez MANNE.

Comme la Palestine étoit un pays fort chaud, & que la rosée y étoit abondante, ce mot désigne aussi quelquefois l'abondance, la quantité de quelque chose ; de-là cette comparaison ; telle que la nue de la rosée, tel est le jour d'une abondante moisson, Isaïe xviij. 4. Et ailleurs, nous l'accablerons par notre nombre, comme quand la rosée tombe sur la terre. II. Rois, xvij. 12. (D.J.)

ROSEE, les maréchaux ferrans appellent ainsi le sang qui commence à paroître à la solle lorsqu'on la pare pour dessoler le cheval. Voyez PARER & DESSOLER.

ROSEE DU SOLEIL, (Botan.) Tournefort a établi dans ce genre de plante dix-sept especes, dont il nomme la principale, ros solis folio oblongo, en anglois, the common round-leav'd sundew.

Sa racine est fibrée & deliée comme des cheveux. Elle pousse plusieurs queues longues, menues, & velues en-dessus, auxquelles sont attachées de petites feuilles presque rondes, concaves en maniere de cure-oreille, d'un verd pâle, garnies d'une frange de poils rougeâtres fistuleux, d'où transudent quelques gouttelettes de liqueur dans les cavités des feuilles ; de-sorte que ces feuilles & leurs poils sont toujours mouillés d'une espece de rosée.

Il s'éleve d'entre ces feuilles deux ou trois tiges presqu'à la hauteur d'un demi-pié, grêles, rondes, rougeâtres, tendres, dénuées de feuilles ; elles portent à leur sommet de petites fleurs à plusieurs pétales, disposées en rose, blanchâtres, panchées du même côté, soutenues par des calices formés en cornet, dentelés, & attachés à des pédicules fort courts. Lorsque ces fleurs sont passées, il leur succede des petits fruits qui ont à-peu-près la grosseur & la figure d'un grain de blé, & qui contiennent plusieurs semences oblongues ou rondelettes.

Cette plante fleurit en Juin & Juillet, & vient en des lieux déserts & sablonneux, rudes, humides, & le plus souvent entre les mousses ; elle est visqueuse au tact, de-sorte qu'en la touchant sa liqueur gluante se tire comme en petits filamens soyeux & blanchâtres, qui prennent dans le moment une certaine consistance.

Cette plante est estimée pectorale, adoucissante, & bonne dans la toux seche invétérée. (D.J.)


ROSELAIou ROSCLYN, (Géog. mod.) lieu de la Phénicie, aux environs de Tyr, à 24 milles de Sidon ; il est remarquable par des cîternes, que l'on nomme les cîternes de Salomon, mais qui n'ont été bâties que depuis le tems d'Alexandre, puisque l'aqueduc qui transporte les eaux de ces cîternes à Tyr (qui en est environ à 2 milles), traverse la langue de terre par laquelle Alexandre joignit cette ville au continent, lorsqu'il en fit le siége. Il n'y a aujourd'hui presqu'aucune de ces cîternes qui soit entiere. (D.J.)


ROSENBERG(Géog. mod.) il y a trois petites villes d'Allemagne de ce nom ; l'une est dans l'évêché de Magdebourg, sur la Sala, près de son confluent avec l'Elbe. La seconde est dans la Bohème, sur les confins de l'Autriche. La troisieme est en Silésie, dans la principauté d'Oppelen, sur les frontieres de Pologne. (D.J.)


ROSENFELD(Géog. mod.) ville d'Allemagne, dans la Souabe, au duché de Wirtemberg, sur la riviere de Tayah, entre Sulz & Balingen. Elle fut entourée de murailles en 1274 ; ses habitans sont luthériens. Long. 26. 22. lat. 48. 12. (D.J.)


ROSENTHAL(Géog. mod.) il y a deux petites villes d'Allemagne de ce nom ; l'une dans l'évêché de Hildesheim ; & l'autre en Bohème, dans le cercle de Frachin. (D.J.)


ROSERv. act. (Teinture) c'est donner un oeil cramoisi au rouge, & le rendre plus brun ; c'est le contraire d'aviver.


ROSEREAUXS. m. pl. (Fourrure) fourrures qu'on tire de Moscovie par la voie d'Archangel, ces peaux sont bonnes pour fourrer des bonnets.


ROSES(Géog. mod.) ville d'Espagne, dans la Catalogne, au Lampurdan, sur la Méditerranée, au fond d'un golfe de même nom, à 8 lieues au nord-est de Girone. Elle est munie d'une bonne citadelle, qui est sur le bord de la mer près du port. Les vaisseaux mouillent au milieu de la baie par quinze ou dix-huit brasses d'eau, fond d'herbe vaseux.

Selon Silva, Pobloe de Espana, p. 250. la ville de Roses doit sa fondation aux Rhodiens, qui sortis de leur île, passerent en Espagne, 910 ans avant la naissance de Jesus-Christ, & y bâtirent cette ville, à laquelle ils donnerent le nom de Rhodé, en mémoire de leur patrie. Selon la vérité de l'histoire, Roses n'étoit qu'une abbaye, lorsque Charles-Quint y fit bâtir une ville & une forteresse, à trente-cinq toises de la mer, en rase campagne. Cette ville a la mer Méditerranée à son midi, la plaine de Lampurdan à son couchant, les Pyrénées à son levant & à son septentrion. La forteresse qui la défend, est à cinq bastions, revêtus de pierre de taille.

Cette ville se glorifie d'avoir été la seule de Catalogne qui ait toujours été fidele au roi Philippe V. Elle a été prise & reprise plusieurs fois dans le dernier siecle ; enfin elle est restée à l'Espagne par le traité de Riswick, l'an 1697. Long. 20. 47. lat. 42. 11. (D.J.)


ROSETTES. f. (Gram.) nom qu'on a donné à plusieurs choses différentes, parce qu'étant rondes & relevées en bosse, elles avoient quelque conformité avec la rose. Voyez les articles suivans.

ROSETTE, terme de Bahutier, sorte de petits clous blancs, dont les Bahutiers se servent pour les embellissemens des coffres & bahuts. (D.J.)

ROSETTE, (Ciselure) petits poinçons ou ciselets d'acier, à un bout desquels sont gravés en creux des roses ou autres fleurs, pour les frapper & en imprimer le relief sur les métaux où l'on fait des ciselures. Trévoux. (D.J.)

ROSETTE, (Cordon. Bottier) est une plaque de cuivre quarrée ou ovale, qui sert à attacher l'éperon, & qui est placée sur le cou-de-pié du soulier de la botte.

ROSETTE ou CUIVRE DE ROSETTE, (Métallurg.) c'est ainsi qu'on nomme le cuivre, lorsqu'après avoir passé par les différentes opérations de la fonderie dont la derniere est le raffinage, il se trouve parfaitement dégagé du fer, du soufre, de l'arsenic & des autres substances qui le rendoient impur. Avant d'être séparé de ces substances, on l'appelle cuivre noir ; mais lorsqu'il est parfaitement pur, il a la couleur rouge qui lui est propre, & pour lors on le nomme cuivre de rosette. Ce cuivre a pour lors la ductilité convenable. Pour s'assurer si ce métal est dans cet état, un ouvrier plonge une verge de fer dans le cuivre parfaitement fondu au fourneau de raffinage ; par ce moyen il s'attache une portion de cuivre à la verge, & après l'avoir retiré & laissé refroidir, il juge par la couleur & la flexibilité, si ce cuivre a été suffisamment purifié. Voyez l'article RAFFINAGE.

ROSETTE, (Coutellerie) petites roses ou fleurons d'argent ou de cuivre, dont les Couteliers se servent pour monter leurs rasoirs, lancettes, & autres tels instrumens de Chirurgie & de Barberie. Ils font les rosettes de cuivre, & prennent chez les Orfevres celles d'argent. (D.J.)

ROSETTE, (terme de Couturiere) les Couturieres appellent rosette de petites coutures qu'elles font dans du linge qui est un peu troué, & qu'elles forment en maniere de petites roses. (D.J.)

ROSETTE dans les montres, (Horlogerie) est un petit cadran numéroté, voyez les Planches de l'Horlogerie, au moyen duquel on fait avancer ou retarder par degrés le mouvement de la montre.

Pour bien comprendre comment cela se fait, il est bon de savoir sur quel principe cette opération est fondée, & comment elle s'exécute. Les vibrations du balancier étant réglées par celles du ressort spiral (voyez RESSORT SPIRAL), il est clair que si ce ressort devient plus fort, ou plus foible, ces vibrations seront accélérées ou retardées, effet qui sera encore le même, si le ressort devient plus court ou plus long. Ainsi, par exemple, pour faire avancer une montre, il ne faut que raccourcir son ressort spiral, & pour la faire retarder, que l'allonger. Mais, comme en l'allongeant ou le raccourcissant, on changeroit la position du balancier, ce qui mettroit la montre mal d'échappement, voyez ÉCHAPPEMENT, ce moyen ne peut pas être mis en usage ; c'est pourquoi on a recours à un autre expédient qui produit précisément le même effet ; voici ce que c'est. Supposant que rr, voyez les fig. soit le ressort spiral du balancier B B, & que ce ressort soit fixement attaché au piton P & en v à l'arbre du balancier, on ne peut, comme nous l'avons dit, allonger ou raccourcir ce ressort. Mais si l'on suppose qu'il passe dans une espece de fourche q, vue ici en plan, dont les fourchons soient si près l'un de l'autre, qu'il ne s'en faille que d'une quantité imperceptible que le ressort les touche ; il est évident que ses vibrations ne se feront plus du point ou piton P, mais de la fourche q ; le ressort, en ouvrant ou en se fermant par le mouvement du balancier, se mouvant autour de ce point q. Regardant donc ce point comme un nouveau point fixe, les vibrations du balancier seront accélérées, puisque le ressort spiral sera accourci de toute la quantité q p. Si l'on supposoit donc ce point q mobile, & que tantôt il s'éloigne, ou il s'approche du point P, on aura par ce mouvement un moyen simple de faire avancer ou retarder la montre, puisqu'il ne sera question que de faire éloigner ou approcher du point P la fourche q ; or c'est précisément ce que l'on fait, lorsque l'on tourne l'aiguille de la rosette à droite ou à gauche, comme on va le voir par l'explication des pieces qui servent à produire cet effet. Elles sont représentées en grand dans cette même figure, qui contient toutes les pieces que l'on voit sur la platine de dessus, lorsque l'on ouvre une montre, à cela près du coq qui est ôté ; pour que l'on voie plus distinctement le balancier, le ressort spiral, &c. R K est la rosette coupée en M, pour que l'on voie la roue de rosette M qui est dessous ; c est l'aiguille qui tient à quarré sur cette roue ; c c est la coulisse coupée aussi en c e, pour qu'on voie le rateau a a qui est dessous, & comment il engrene avec la roue de rosette. q que nous avions supposé une fourche, est la queue du rateau, & les deux petits points blancs sont, au lieu de fourchons, deux petites chevilles distantes entr'elles d'une quantité imperceptiblement plus grande que l'épaisseur du ressort spiral. Maintenant il est clair, que si l'on tourne l'aiguille de R vers K, on fera avancer la queue du rateau de q vers r ; & qu'au contraire, si on la tourne de K vers R, on fera avancer cette queue de r vers q, ou de q vers P : d'où il est évident, par ce que nous avons dit plus haut, que par le premier mouvement on fera avancer la montre, & que par le second on la fera retarder. C'est pourquoi les Horlogers vous disent, que pour faire avancer votre montre, il faut tourner l'aiguille du côté où les chiffres vont en augmentant, & dans le sens contraire, quand on veut la faire retarder, parce que ces chiffres sont ordinairement disposés de façon qu'il en résulte cet effet. Dans les montres angloises, au lieu d'une aiguille, on fait tourner un petit cadran dont on apprécie le chemin par un petit index ; mais c'est encore le même effet, ce cadran étant adapté comme l'aiguille sur la roue de rosette.

On pourroit faire ici une question, savoir, de combien de degrés ou divisions il faut tourner l'aiguille de la rosette, pour faire avancer ou retarder la montre d'un certain nombre de minutes en 24 heures. Mais cela dépendant 1°. du ressort spiral qui est tantôt plus court, tantôt plus long, 2°. des rapports qui sont entre l'aiguille de rosette & sa roue, cette roue, & le rateau, rapports qui ne sont presque jamais les mêmes, on voit qu'il est impossible de prescrire aucune regle à cet égard. En général une division est suffisante pour accélérer le mouvement de la montre d'une minute en 24 heures. Au reste pour peu qu'on soit attentif, on s'apperçoit bientôt du degré de sensibilité de sa montre. Il est bon de remarquer cependant que, lorsque l'aiguille est du côté des chiffres de haut nombre, il faut un peu moins la tourner que lorsqu'elle est de l'autre côté ; le ressort spiral étant dans ce cas plus court, & par conséquent un même espace parcouru par la queue du rateau produisant plus d'effet. Voyez RESSORT SPIRAL, RATEAU, COULISSE, &c.

ROSETTE, (Jardinage) ornement d'où sortent des nilles, des palmettes & des becs de corbin, quelquefois employé dans les parterres de broderie à la place d'un grand fleuron.

ROSETTE, en terme de marchand de modes, est un ruban plus ou moins large, formant une boucle à deux ou trois feuilles de chaque côté. Cet ornement se met au haut des bourses à cheveux. Voyez BOURSE. On fait de ces rosettes avec une double rose plus petite & placée au milieu, & sur le noeud de la premiere, on laisse pendre un petit bout de ruban, & ces rosettes prennent alors le nom de comete.

ROSETTE, (Peinture) sorte de craie rougeâtre approchant de la couleur amarante, qui n'est autre chose que du blanc de Rouen, à qui l'on a donné cette couleur par le moyen d'une teinture de bois de Brésil plusieurs fois réitérée. La rosette est une espece de stil de grain dont on se sert dans la peinture. Il y a une autre espece de rosette semblable pour la composition à celle ci-dessus, mais dont la couleur est d'un plus beau rouge, qui sert à faire cette encre dont les Imprimeurs se servent pour marquer en rouge les titres des livres qu'ils impriment. On s'en sert aussi quelquefois pour peindre. Dictionn. du Comm. (D.J.)

ROSETTE, (Serrur.) ornement d'étoffe ciselée en maniere de rose, qui se met sous le bouton d'une rose. (D.J.)

ROSETTES, (Tourneur) sont des disques de fer ou de cuivre figurés que l'on monte sur l'arbre du tour à figurer, par le moyen desquels on fait des figures qui leur sont semblables. Voyez TOUR & les Pl. & fig. du Tourneur.


ROSETTIERS. m. (Coutellerie) outil dont se servent les Couteliers pour faire ces petites rosettes de cuivre, avec lesquelles ils montent plusieurs de leurs ouvrages. C'est une espece de poinçon en forme d'emporte-piece, qu'ils frappent sur un bloc de plomb, une feuille de léton entre deux. Les Orfevres se servent aussi du rosettier pour faire les rosettes d'argent. (D.J.)


ROSHASÇANAS. m. (Hist. des Juifs) mot qui se trouve souvent dans les livres des Juifs, & qui signifie le commencement de l'année. C'est pour eux un jour de fête. Leurs docteurs disputent dans le talmud sur le tems auquel le monde a commencé. Selon les uns ç'a été au printems dans le mois de Mian, qui répond à notre mois de Mars ; d'autres veulent que ce soit en automne dans le mois de Tisri, qui est notre mois de Septembre ; & c'est maintenant parmi eux l'opinion la plus reçue. Quoique l'année ecclésiastique commence chez eux au mois de Mian, conformément à ce qui est dit dans la loi, que ce mois sera pour eux le premier des mois ; cependant l'année ordinaire ou civile commence par le mois Tisri ou Septembre ; & c'est pendant les deux premiers jours de ce mois qu'on célebre le roshasçana d'abord par une cessation générale de tout travail, ensuite par des prieres, des aumônes, des confessions, & d'autres oeuvres de pénitence.

Selon Leon de Modene, les Juifs tiennent par tradition, que pendant ces deux jours, Dieu juge de tout ce qui s'est passé l'année précédente, & regle les événemens de celle où l'on va entrer. C'est pourquoi ils employent le premier de ces deux jours à expier le passé par des jeunes, des austérités, des disciplines & d'autres mortifications ; quelques-uns, sur-tout en Allemagne, portent l'habit avec lequel ils veulent être enterrés. On s'assemble à la synagogue, où l'on fait de longues prieres, & sur-tout on lit à cinq personnes dans le Pentateuque, ce qui y est dit du sacrifice qu'on faisoit ce jour-là dans le temple ; enfin on fait la bénédiction pour le prince, & on sonne trente fois du cor ; selon qu'il est marqué dans les nombres & dans le Lévitique pour intimider, dit-on, les pécheurs, & les porter au repentir en leur rappellant la mémoire du jugement de Dieu. Le reste du jour & le suivant se passent à entendre des sermons & à d'autres exercices de dévotion. Léon de Modene, part. III. c. v.


ROSHEIM(Géog. mod.) petite ville de France dans la basse Alsace sur le torrent de Mogol, à quatre lieues de Strasbourg, près de Molsheim, bâtie dans le douzieme siecle, elle fut presque réduite en cendres en 1385. Elle a été libre & impériale. (D.J.)


ROSICLES. m. (Minéralogie) espece de minéral noir que l'on tire des mines du Chily & du Pérou. Son nom lui vient de ce qu'en le mouillant & le frottant contre du fer, il rougit. Ce minéral est très-riche, & l'argent qu'on en tire est le meilleur de toutes les mines de Lipes, du Potosi & des autres provinces de l'Amérique. Voyez ARGENT. Il paroît par la propriété de rougir le fer, qu'on attribue à cette mine, qu'elle contient du vitriol cuivreux dont le métal est précipité par le fer. Il ne faut point confondre cette mine avec la mine d'argent rouge, qui est une mine d'argent en crystaux rouges, semblables à des grenats ou à des rubis.


ROSIENNE(Géog. mod.) petite ville de Pologne au grand duché de Lithuanie, dans la Samogitie, à 22 lieues au sud de Mittau, sur une petite riviere qui se rend dans le Némen. Long. 41. 56. latit. 55. 28. (D.J.)


ROSIERS. m. (Hist. nat. Botan.) rosa ; genre de plante à fleur composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le calice est formé de plusieurs feuilles, & il devient dans la suite un fruit arrondi ou oblong, & charnu ; il n'a qu'une capsule, & il renferme des semences le plus souvent anguleuses & velues. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

ROSIER, (Jardinage) rosa ; arbrisseau épineux qui se trouve en Europe plus qu'en nulle autre partie du monde. Il pousse plusieurs tiges du pié, qui sont de peu de durée, mais qui se renouvellent aisément. La hauteur commune des rosiers est de quatre à cinq piés : quelques especes en prennent beaucoup moins, & d'autres un peu plus. Les racines de cet arbrisseau tracent beaucoup, & produisent des rejettons. Sa feuille est composée de cinq ou sept folioles qui sont ovales, dentelées, & attachées par paires à un filet commun qui est terminé par une seule foliole. Ses fleurs sont simples ou doubles, plus ou moins, & de différentes grandeurs & couleurs, selon les especes. Elles viennent au bout des branches, & elles donnent un fruit oblong qui contient plusieurs semences.

Le rosier doit tenir une des premieres places parmi les arbrisseaux fleurissans. C'est sans contredit l'un des plus beaux, des plus variés, & des plus agréables, tant par la quantité & la durée de ses fleurs, que par leur éclat & la douce odeur qu'elles exhalent. La rose embellit tous les lieux qu'elle habite ; elle est la parure la plus brillante de la nature ; c'est le plus riant objet de ses productions, & l'image la plus pure de la douceur, de la beauté & de la candeur.

Rien de plus simple & de plus facile que d'élever, de cultiver & de multiplier le rosier. Il se plait dans tous les climats tempérés ; il vient à toutes expositions, & il réussit dans tous les terreins. Cependant il vit peu dans les terres seches & legeres, & ses fleurs ont moins d'odeur dans celles qui sont grasses & humides. On évitera ces deux inconvéniens en mettant le rosier dans un terrein de moyenne qualité.

On peut multiplier cet arbrisseau de toutes les façons possibles ; de rejettons, de branches couchées, de boutures ; par les graines, par la greffe & par ses racines. La semence est le moyen le plus long & le plus incertain : pour l'ordinaire, on n'acquiert de cette façon que des especes batardes ou dégénérées. Toutes les autres méthodes ont un succès à-peu-près égal. Cet arbrisseau peut se transplanter en tout tems avec succès, & même pendant tout l'été, en supprimant tout le fanage, & en réduisant la tige à quatre pouces au-dessus de terre. Nulle autre culture que de le tailler souvent & sans ménagement. Plus on le taillera, plus il durera, plus il donnera de fleurs, & plus le tems de leur venue pourra varier. Les différens tems de la transplantation rempliront aussi ce dernier objet.

Tous les rosiers peuvent se greffer les uns sur les autres ; mais il faut éviter de prendre pour sujets, ou plutôt on doit exclure des jardins la rose à odeur de canelle, celle à fleur jaune simple, celle à feuille de pimprenelle, & sur-tout la rose sauvage de Virginie. Elles envahissent le terrein par la quantité de rejettons qu'elles poussent sur leurs racines, qui s'étendent considérablement. Le mois de Juin est le tems le plus convenable pour greffer ces arbrisseaux en écusson.

On connoît près de quatre-vingt variétés du rosier, dont le tiers environ ne donne que des fleurs simples ; cependant il y en a plusieurs qui ont assez d'agrément ou de singularité pour mériter qu'on les cultive. Tous les rosiers à fleurs doubles ont de la beauté. On peut considérer les roses sous quatre couleurs principales ; les jaunes, les blanches, les incarnates & les rouges. Il y en a peu de jaunes, un peu plus de blanches, beaucoup davantage d'incarnates, & les rouges font le plus grand nombre. Dans ces deux dernieres couleurs, il y a une infinité de nuances depuis le couleur de chair le plus tendre, jusqu'à l'incarnat le plus vif, & du rouge pâle au pourpre foncé. Il regne encore une grande variété dans la stature des rosiers, dans l'odeur des fleurs, dans les saisons de leurs venues, dans leur grandeur. Il y a aussi des rosiers sans épines ; d'autres sont toujours verds ; dans quelques-uns les feuilles ont une odeur agréable ; dans d'autres elles sont joliment tachées. Il s'en trouve plusieurs dont les roses sont panachées, tiquetées ou mi-parties. On en voit de proliferes ; d'autres à fruit épineux ; d'autres qui fleurissent deux fois l'an ; d'autres pendant presque toute l'année ; d'autres enfin ne s'ouvrent qu'à demi. Nul arbrisseau ne rassemble des différences aussi singulieres, aussi variées & aussi intéressantes. Le rosier seul peut former une collection nombreuse, où chaque jour de la belle saison donnera du nouveau & de l'agréable.

Le rosier étant donc de la plus grande ressource pour l'embellissement des jardins, on peut en faire plusieurs usages. On le met en buisson dans les plates-bandes ; on le mêle avec d'autres arbrisseaux fleurissans dans les bosquets ; on en garnit des quarrés entiers, où on les retient à trois piés de hauteur ; mais si l'on veut tirer grand parti de cet arbrisseau, c'est de l'entremêler de jasmin & de chevrefeuilles pour en former des bordures longues & épaisses, que l'on taille en ados, & que l'on retient à deux ou trois piés de hauteur. Les bordures peuvent se mettre, & réussissent fort bien sous des grands arbres taillés en hautes palissades sur tiges, où elles donneront des fleurs pendant toute la belle saison.

La Médecine tire des services du rosier. Il y a des roses astringentes, & d'autres purgatives. On en tire un miel, une huile, & un suc électuaire : on en fait des syrops, des conserves, & jusqu'à du vinaigre ; les roses pâles & odorantes sont les plus propres à donner l'eau-rose. On fait aussi quelque usage des fruits du rosier, & d'une sorte d'éponge qui vient sur cet arbrisseau, & qui a des propriétés.

Les variétés du rosier sont si nombreuses, que la nature de cet ouvrage ne permet pas d'entrer ici dans une description détaillée de toutes les especes. Je n'en rapporterai qu'une seule, qui est en quelque façon nouvelle & fort à la mode.

Le rosier de Bourgogne, ou le rosier à pompons. Ce petit arbrisseau ne s'éleve qu'à un pié, ou un pié & demi. Il pousse du pié quantité de tiges, qui sont fortes & ont du soutien. Ses feuilles sont petites, étroites, d'une verdure terne & pâle. Ses fleurs d'environ trois quarts de pouce de diamêtre, sont dans leur milieu de l'incarnat le plus vif, qui se dégrade insensiblement vers les bords qui sont d'une couleur de chair pâle. L'arbrisseau en produit une grande quantité dès le commencement de Mai ; elles sont d'une odeur excellente, & de la plus brillante apparence. Ce rosier est extrêmement propre à former de petites bordures, parce qu'il ne s'étend pas beaucoup. Il se couvre de tant de fleurs, qu'il s'épuise & périt en peu d'années, sur-tout lorsqu'on le tient en pot. On peut y remédier par la taille en rabattant toutes ses branches à moitié, & en l'arrosant fréquemment durant l'été. L'art & la culture n'ont eu aucune part à la découverte de ce rosier. C'est un jardinier de Dijon qui l'a trouvé en 1735, en cherchant des buis sur les montagnes voisines dans le tems qu'il étoit en fleurs.


ROSIERESou ROSIERES-AUX-SALINES, (Géog. mod.) ville de Lorraine dans le bailliage de Nancy, sur la Meurte, à deux lieues de Nancy, & à quatre lieues au sud-ouest de Luneville. Ses salines sont d'un bon produit. Long. 24. 3. lat. 48. 30. (D.J.)


ROSITO(Géog. mod.) petite ville, ou plutôt bourgade d'Italie, au royaume de Naples, dans la Calabre citérieure, sur l'Acalandro, aux confins de la Basilicate, environ à trois milles du golfe de Venise. (D.J.)


ROSKOLNIKISECTE DES, (Relig. chrétien.) secte qui s'est établie de bonne heure en Russie, mais qui y regne paisiblement, & qui n'a point produit de tumulte. Voici ce qu'en dit l'auteur moderne de l'histoire de Russie.

La secte des Roskolniki, composée aujourd'hui d'environ 2000 mâles, est la plus ancienne des sectes qu'on connoisse en Russie. Elle s'établit dès le douzieme siecle, par des zélés qui avoient quelque connoissance du nouveau Testament ; ils eurent, & ont encore, la prétention de tous les sectaires, celle de les suivre à la lettre, accusant tous les autres chrétiens de relâchement, ne voulant point qu'un prêtre qui a bu de l'eau-de-vie, confere le baptême, assurant avec J. C. qu'il n'y a ni premier, ni dernier parmi les fideles, & sur-tout qu'un fidele peut se tuer pour l'amour de son sauveur. C'est selon eux, un très-grand péché de dire alleluia trois fois ; il ne faut le dire que deux, & ne donner jamais la bénédiction qu'avec trois doigts.

Nulle société d'ailleurs, n'est ni plus réglée, ni plus sévere dans ses moeurs. Ils vivent comme les quakers ; mais ils n'admettent point comme eux les autres chrétiens dans leurs assemblées : c'est ce qui fait que les autres leur ont imputé toutes les abominations dont les Payens accuserent les premiers galiléens, dont ceux-ci chargerent les gnostiques, dont les Catholiques ont chargé les Protestans.

On leur a souvent imputé d'égorger un enfant, de boire son sang, & de se mêler ensemble dans leurs cérémonies secrettes, sans distinction de parenté, d'âge, ni même de sexe. Quelquefois on les a persécutés ; ils se sont alors enfermés dans leurs bourgades, ont mis le feu à leurs maisons, & se sont jettés dans les flammes. Le czar Pierre I. a pris avec eux le seul parti qui puisse les ramener, celui de les laisser vivre en paix. (D.J.)


ROSMAREvoyez LAMANTIN.


ROSMARINI(Géog. mod.) riviere de Sicile dans le val Démona. Elle a sa source dans les montagnes Stori, & se jette dans la mer près de l'embouchure du petit fleuve San-Fradello. Cette riviere est le Chydas des anciens. (D.J.)


ROSNY(Géog. mod.) bourgade de France dans la Normandie, sur la Seine, entre les villes de Mante & de Vernon, avec titre de marquisat & un château.

C'est dans ce château que naquit en 1559, Maximilien de Béthune duc de Sully, l'un des plus grands hommes que la France ait produit, & qui mourut en son château de Villebon en 1641, à 82 ans, après avoir été toujours inséparablement attaché à sa religion & à Henri IV.

Il avoit vu, dit M. de Voltaire, Henri II. & Louis XIV. Il fut grand-voyer & grand-maître de l'artillerie, grand-maître des ports de France, sur-intendant des finances, duc & pair, & maréchal de France. C'est le seul homme à qui on ait jamais donné le bâton de maréchal, comme une marque de disgrace. Il ne l'eut qu'en échange de la charge de grand-maître de l'artillerie, que la reine régente lui ôta en 1634. Il étoit très-brave homme de guerre, & encore meilleur ministre ; incapable de tromper le roi, & d'être trompé par les financiers. Il fut inflexible pour les courtisans, dont l'avidité est insatiable, & qui trouvoient en lui une rigueur conforme au tems & aux besoins d'Henri IV. Ils l'appelloient le négatif, & disoient que le mot de oui n'étoit jamais dans sa bouche. Avec cette vertu sévere il ne pouvoit plaire qu'à son maître, & le moment de la mort d'Henri IV. fut celui de sa disgrace. Il composa dans la solitude de Sully, des mémoires dans lesquels regne un air d'honnête homme, avec un style naïf, mais trop diffus. On y trouve quelques vers de sa façon. Voici ceux qu'il fit en se retirant de la cour, sous la régence de Marie de Médicis.

Adieu maisons, châteaux, armes, canons du roi ;

Adieu conseils, trésors déposés à ma foi ;

Adieu munitions ; adieu grands équipages ;

Adieu tant de rachats ; adieu tant de menages ;

Adieu faveurs, grandeurs ; adieu ce tems qui court ;

Adieu les amitiés, & les amis de cour, &c.

Il ne voulut jamais changer de religion, & comme le cardinal du Perron l'exhortoit à quitter le Calvinisme, il lui répondit : " Je me ferai Catholique quand vous aurez supprimé l'Evangile ; car il est si contraire à l'église romaine, que je ne peux pas croire que l'un & l'autre aient été inspirés par le même esprit ".

Le pape lui écrivant un jour une lettre remplie de louanges sur la sagesse de son ministere, finissoit sa lettre comme un bon pasteur, par prier Dieu qu'il ramenât sa brebis égarée, & conjuroit le duc de Sully de se servir de ses lumieres pour entrer dans la bonne voie. Le duc lui répondit sur le même ton. Il l'assura qu'il prioit Dieu tous les jours pour la conversion de sa sainteté : cette lettre est dans ses mémoires. Préf. de la Henr. édit. de 1723.

Il se signala dans les armes jusqu'à l'âge de 40 ans ; il se trouva à la bataille de Coutras, au combat d'Arques, à la bataille d'Ivri, aux sieges de Paris, de Noyon, de Rouen, de Laon, & à toutes les occasions périlleuses. Dans sa place de sur-intendant des finances, il rétablit si bien celles de l'état, qu'il paya deux cent millions de dettes en dix ans, & qu'il remit de grandes sommes dans les trésors de son maître.

Il l'aimoit avec un zele & un attachement inexprimable. Un soir Henri IV. lui fit quelques reproches vifs, & mal-à-propos. Ce bon prince y songea pendant la nuit, & le lendemain de grand matin, il courut à l'arsenal chez Sully pour réparer sa faute. " Mon ami, lui dit-il en l'abordant, j'ai eu tort hier avec vous, je viens vous prier de me le pardonner. Sire, répondit Sully, vous voulez que je meure à votre service, de joie & de reconnoissance ". Voilà le portrait d'Henri IV. & de Sully.

A la mort funeste de ce grand monarque, arrivée en 1610, le duc de Sully se vit contraint de se rendre dans une de ses terres, & d'y mener une vie privée. Quelques années après, le roi Louis XIII. le fit revenir à la cour, pour lui demander son avis sur des affaires importantes. Il y vint quoiqu'avec répugnance. Les jeunes courtisans, qui gouvernoient Louis XIII. voulurent selon l'usage, donner des ridicules à ce vieux ministre, qui reparoissoit dans une jeune cour, avec des habits & des airs de modes passés depuis long-tems. Le duc de Sully qui s'en apperçut, dit au roi : " Sire, quand le roi votre pere, de glorieuse mémoire, me faisoit l'honneur de me consulter, nous ne commençions à parler d'affaires, qu'au préalable on n'eût fait passer dans l'antichambre les baladins & les bouffons de la cour ".

M. l'abbé de l'Ecluse a rédigé dans un nouvel ordre les Oeconomies royales de Sully. C'est un très-bon ouvrage, mais qui n'a point fait tomber le mérite de l'original au jugement des curieux. Il n'a pu insérer dans son abrégé, quantité de choses instructives sur les affaires d'état ; & en même tems il a passé sous silence quelques anecdotes singulieres. Telle est, par exemple, celle qu'on lit dans les Oeconomies, p. 219. " Je me souviendrai toujours, dit M. de Sully, de l'attitude & de l'attirail bizarre où je trouvai ce prince (Henri III.), dans son cabinet, en 1586. Il avoit l'épée au côté, une cape sur les épaules, une petite toque sur la tête, un panier plein de petits chiens, pendu à son cou par un large ruban ; & il se tenoit si immobile, qu'en nous adressant la parole, il ne remua ni tête, ni piés, ni mains ". (D.J.)


ROSOIRS. m. (Luth.) outil dont les Facteurs de clavecins se servent pour percer dans les tables des clavecins & des épinettes, les trous où on met la rose. Cet instrument représenté fig. 12. Pl. XVII. de Lutherie, se rapporte au compas à verge. Il est composé de deux pieces de bois D E, égales, qu'on peut appeller boëtes. Au milieu de la boëte D, est fixée une tige quarrée de bois F C, qui y est chevillée & collée. Cette tige traverse l'autre boëte E, dans laquelle elle peut couler. On fixe cette boëte à l'endroit de la tige F C, que l'on desserre par le moyen d'une clé, ou d'une visse qui traverse cette même boëte, & qui serre contre la tige F C. A un des côtés de la boëte D, est une pointe conique A, & vis-à-vis à la boëte E, est une autre pointe B, laquelle est tranchante.

Pour percer une rose avec cet outil, il faut mettre la pointe A au centre de la rose, & avec la pointe tranchante B (qui doit être éloignée de la pointe A du demi-diamêtre de la rose), tracer un cercle, dans le trait duquel on repassera la pointe B autant de fois qu'il sera nécessaire pour détacher entierement la piece enfermée dans la circonférence du cercle que la pointe tranchante a tracé. On remplit ensuite le trou avec une découpure, ou grille de carton peint, artistement travaillée, qui est ce qu'on appelle proprement rose. Voyez CLAVECIN.


ROSPERDEN(Géog. mod.) petite ville, ou plutôt bourg de France, dans la Bretagne, au diocèse & à l'orient de Quimper. (D.J.)


ROSPOvoyez GLORIEUSE.


ROSS(Géog. mod.) province de l'Ecosse septentrionale, & la plus grande de toutes, car elle s'étend d'une mer à l'autre. Elle est remplie de lacs, de montagnes & de bois ; aussi le bétail & les bêtes fauves y abondent. Elle fut annexée à la couronne sous le regne de Jacques II.

Lesley (Jean), célebre écrivain écossois, d'une ancienne famille, naquit à Ross en 1527, & devint évêque de sa patrie. Dans les disputes de religion, il prit le parti des catholiques romains ; mais cela ne l'empêcha pas de cultiver les sciences.

Il a publié une histoire latine, de origine, moribus & rebus gestis Scotorum, à primordio gentis ad annum 1562 ; simul & regionum ac insularum Scotiae descriptio, Romae 1578, in-fol. Il y a du bon dans cet ouvrage ; mais l'auteur auroit dû y développer plus de jugement dans la description des provinces, & s'être abstenu d'y mêler des contes de vieilles, & des histoires romanesques de miracles ; cependant il y détaille plusieurs choses peu connues sur les moeurs, les loix & le gouvernement d'Ecosse. En parlant des oiseaux rares du pays, il fait d'assez bonnes observations sur le faucon, le coq de bruyeres & autres, & sur les baleines, les harengs & le saumon parmi les poissons. Tout l'ouvrage est écrit en homme de qualité ; il le finit par la réflexion suivante, qui est d'un galant homme. " Certaines choses, dit-il, sont si remplies de perfidie, que quoiqu'elles méritassent d'être connues de tout le monde, elles sont néanmoins indignes que je prête ma plume à les écrire, estimant devoir dérober à la connoissance des étrangers, des actions que j'ai souvent tâché au péril de ma vie, d'empêcher mes compatriotes de commettre ".

Il fit plusieurs écrits à la gloire & à la défense de sa bonne maîtresse, Marie Stuart. Il est l'auteur d'un traité qui parut à Liege, en 1571 in-8 °. dans lequel il prouve que le gouvernement des femmes est conforme aux loix divines & humaines. (D.J.)


ROSSAL(Géog. mod.) bourg à marché de la province de Lancastre.

Allen ou Allyn (Guillaume), qui devint cardinal, naquit ici dans le xvj. siecle. Il fut fait, en 1558, chanoine d'Yorck, & quand la reine Elisabeth monta sur le trône, il quitta sa patrie & se retira dans les Pays-bas. Quelque tems après il revint en Angleterre, où il demeura trois ans, pendant lesquels il s'érigea en convertisseur, & écrivit des ouvrages en faveur de la religion romaine. Son zele extraordinaire pour l'avancement des intérêts de sa religion, l'engagea de se rendre à Rome où le pape Sixte V. le nomma cardinal prêtre, en 1587, & deux ans après archevêque de Malines sans résidence. Il mourut à Rome en 1594, âgé de 63 ans.

On l'a dépeint différemment dans les différens partis : mais on convient en général, qu'il étoit savant, d'un esprit actif & courageux, affable & insinuant dans ses manieres. Il est auteur de plusieurs ouvrages, tant en latin qu'en anglois ; & quelques-uns d'eux mériterent dans le tems qu'on y répondît. (D.J.)


ROSSANES. f. (Botan.) nom vulgaire qu'on donne à toutes les pêches & pavies qui sont de couleur jaune ; il y en a de différentes grosseurs, de tardives & de hâtives, dont les unes gardent le noyau, & dont les autres le quittent. Voyez PECHER. (D.J.)


ROSSANO(Géog. mod.) en latin Ruscianum ou Roscianum ; ville d'Italie au royaume de Naples, dans la Calabre citérieure, à 2 ou 3 milles du golfe de Venise, au bord d'une petite riviere qui se jette dans le Célano, à 10 lieues au nord-est de Cosenza. Cette ville dans le viij. siecle, étoit un évêché sous Reggio : on y transféra ensuite l'évêché de Thurium ; & enfin on l'érigea en archevêché vers l'an 1193. Long. 34. 26. lat. 39. 44.

Cette ville a été la patrie de l'antipape Jean XVII. nommé auparavant Philagathe, auquel l'empereur Othon III. fit couper les mains & les oreilles, & arracher les yeux en 998. C'étoit une barbarie bien odieuse, vis-à-vis d'un évêque qui étoit homme de mérite, savant, & que Crescentius qui tenoit Rome sous sa dépendance avoit fait élire pape, pour l'opposer à Grégoire V. (D.J.)


ROSSou ROSS, (Géog. mod.) nom de deux petites villes de la grande-Bretagne ; l'une est dans le comté d'Herefort, sur la Wye. Elle a droit de marché, & est connue par ses forges. L'autre est en Irlande, dans la province de Mommonie, au comté de Cork, sur le bord de la mer ; mais depuis que son évêché a été réuni à celui de Cork, cette place a dégénéré en simple village. (D.J.)

ROSSE, s. f. (Maréchal.) méchant cheval, usé de vieillesse ou de maladie, & qui n'est sensible ni à l'éperon, ni à la gaule.


ROSSELAERprononcez ROSSELAR, (Géog. mod.) petite ville des Pays-bas, dans la Flandre autrichienne, sur le chemin d'Ypres à Bruges, à quatre lieues de la premiere. Elle est gouvernée par un bailli, un bourgmestre, un pensionnaire, un trésorier, & des échevins. Il s'y faisoit autrefois un grand commerce de toiles, mais ce n'est plus de même depuis les guerres du dernier siecle, & le nombre de ses habitans diminue tous les jours. Longit. 20. 31. lat. 50. 53. (D.J.)


ROSSENA(Géog. mod.) petite ville d'Italie, dans le comté de même nom, dont elle est le chef-lieu ; ce comté est enclavé dans le Modenois, qui le borne au nord, à l'orient & au midi ; & la Leuza l'arrose au couchant. (D.J.)


ROSSEROLLEvoyez ROUSSEROLLE.


ROSSIGNOou ROUSSIGNOL, s. m. (Hist. nat. Ornitholog.) rossignol franc, lucinia seu philomela, oiseau très-connu par son chant ; il est de la grosseur du chardonneret ou de la gorge-rouge, mais il a le corps un peu plus allongé ; toute la face supérieure de cet oiseau est d'un roux clair, mêlé d'une teinte de verd ; la queue a une couleur rousse plus foncée ; le ventre est blanchâtre. La gorge, la poitrine & la face inférieure des aîles sont d'un brun obscur, mêlé d'une teinte de verd ; le bec a une couleur noirâtre, & le dedans de la bouche est jaune ; les piés sont d'une couleur de chair obscur. Rai synop. meth. avium. Voyez OISEAU.

Le rossignol avoit toujours été regardé comme un oiseau de passage, cependant l'auteur du traité du Rossignol franc prétend que cet oiseau ne quitte pas ces climats pour en aller chercher de plus temperés, il croit qu'il se tient caché pendant l'hiver à l'abri du froid. Quoi qu'il en soit, cet oiseau ne paroît en France qu'au commencement d'Avril, & on ne le voit plus sur la fin de Septembre ; il est très-solitaire ; il se plaît dans les lieux où il y a un écho ; il chante très-agréablement une partie du jour & de la nuit, sur-tout dans le tems que sa femelle pond & pendant l'incubation de ses oeufs. Elle fait ordinairement deux pontes chaque année & quelquefois trois ; la troisieme ponte réussit rarement, sur-tout si le froid commence trop tôt. Chaque ponte est de quatre ou cinq oeufs qui sont d'une couleur bronzée ; le nid est long, profond, & composé de feuilles séches de chêne. Voyez le traité du Rossignol franc.

Cet oiseau admirable qui n'est que voix, & dont la voix n'est qu'harmonie, se plaît dans les bois frais, épais, & ombrageux, c'est-là qu'il construit son nid, deux fois l'année, tantôt sous des buissons contre terre, & proche des troncs d'arbres, tantôt dans les arbrisseaux verds & touffus ; il le compose de feuilles, de paille, & de mousse, & le construit un peu en long. Si vous pouvez trouver de ces nids, avec des petits tout jeunes, ne les enlevez point ; mais si par hasard quelqu'un moins sage que vous vous en apportoit, prenez-en le soin le plus précieux ; mettez ce nid dans un vaisseau convenable un peu couvert, jusqu'à ce que les petits puissent se soulever ; nourrissez-les attentivement avec de petits vers de farine, & avec une pâte, dont j'indiquerai dans la suite la composition ; quand les petits rossignols un peu forts, seront prêts à manger seuls, vous les mettrez dans une cage que vous placerez auprès d'un bocage afin qu'ils apprennent leur chant naturel.

Le rossignol mâle a le fondement élevé, l'oeil gros, la tête grosse & rondelette, le bec un peu gros & long, le croupion large avec une rayure au milieu, laquelle semble le partager en deux. La femelle a le fondement & la tête plus applatie, le bec court & menu, l'oeil petit, le croupion plus étroit, & le pennage plus cendré ; donnez-lui la liberté.

Les rossignols aiment extraordinairement les vers qui viennent dans la farine ; l'on en trouve quantité chez les Pâtissiers & chez les Boulangers. Les oeufs de fourmis font aussi les délices de ces oiseaux, & leur servent quelquefois de remede quand ils sont malades.

La cage où l'on met un rossignol qui a été pris au trebuchet ou au petit rêts, doit être d'abord sans bâtons, & toute environnée de papier appliqué sur de la mousse. Il faut appâteler ce rossignol tous les jours cinq ou six fois adroitement, tantôt avec de petits vers en vie, tantôt avec ces mêmes vers mêlés avec du coeur de mouton bien pur, bien battu, & haché. Quelque tems après, on ôtera peu-à-peu le papier dont la cage est environnée, en y laissant toûjours de la mousse ou autre verdure, ensorte que la cage en soit toute couverte ; ainsi l'oiseau s'habituera à voir la campagne, & à respirer un air frais ; alors les bâtons que vous remettrez dans la cage doivent être garnis de mousse, parce qu'il a coutume de fréquenter les lieux qui en sont tapissés.

La pâte dont on nourrit le rossignol se fait ainsi. On prend sur deux livres de farine de pois, demi-livre d'amandes-douces mondées, quatre onces de beurre, quatre jaunes d'oeufs durcis sous la cendre chaude, & bien pilés, ainsi que les amandes ; on incorpore le tout après l'avoir mêlangé, avec la farine de pois dans une poële à confiture sur un feu de charbon, & l'on remue cette pâte jusqu'à ce qu'elle soit cuite ; ensuite on prend une livre de miel & deux onces de beurre, qu'on fait fondre dans un pot de terre neuf, & on en ôte l'écume. Alors il faut que celui qui a la pâte ait une spatule de bois, & qu'une autre personne ait une cueillere, & mette sur la pâte le miel cueillerée à cueillerée ; en même tems celui qui prend soin de la pâte la remuera continuellement jusqu'à ce qu'elle soit bien grenue ; on mettra dans cette pâte un peu de safran pour la rendre apéritive. La pâte étant bien grenue & jaune, on la passe dans une passoire, dont les trous sont ronds, & on la fait tomber sur une serviette blanche pour la sécher ; quand elle sera seche, on la serrera dans un pot qu'on tient couvert, & où elle se conservera plusieurs mois ; c'est là la meilleure nourriture des rossignols.

Ils sont fort délicats, sujets à la goutte, à des spasmes, ou trop de graisse ou de maigreur, & à de petits boutons. Si le rossignol est trop gras, on le purgera avec une couple de vers de colombier & de l'eau sucrée. Dans la trop grande maigreur, on lui donnera des figues fraîches ou séches émiettées. La goutte lui arrive au bout de deux ou trois ans, & l'on ne peut que la pallier en lui oignant les pattes d'un peu de graisse.

Ce n'est pas ici le lieu de parler de differentes especes de rossignols connues ; je dirai seulement que Pline rapporte qu'un rossignol qui étoit un peu blanc fut payé de son tems six grands sesterces, c'est-à-dire environ sept cent de nos livres. Ce rossignol fut donné à cause de sa rareté, à l'impératrice, femme de l'empereur Claudius. (D.J.)

ROSSIGNOL DE MURAILLE, voyez ROUGE-QUEUE.

ROSSIGNOL DE RIVIERE, voyez ROUSSEROLLE.

ROSSIGNOLS, s. m. pl. terme de Carrier, les Carriers nomment ainsi les arcs-boutans des fourches qui soutiennent l'arbre de la grande roue des carrieres. (D.J.)

ROSSIGNOL, s. m. (Charpent.) coin de bois qu'on met dans les mortaises qui sont trop longues, lorsqu'on veut serrer quelque piece de bois, comme jambe de force ou autres. (D.J.)

ROSSIGNOL, (Maréchallerie) faire un rossignol sous la queue est une opération qu'on fait au cheval poussif outré, pour lui faciliter, à ce qu'on croit, la respiration : voici la maniere de la pratiquer.

On fourre la corne de vache dans le fondement du cheval, puis avec la gouge rouge on perce au-dessus à plusieurs fois, jusqu'à ce qu'ayant percé le boyau, elle rencontre la corne, on passe alors une lame de plomb par ce trou ; on la fait ressortir par le fondement, & on entortille les deux bouts par dehors, ce qui empêche le boyau de se reprendre à l'endroit du trou.

ROSSIGNOL, terme de Serrurier ; instrument de Serrurier en forme de crochet, qui leur sert à ouvrir les portes au défaut des clés, qui sont cassées ou perdues. (D.J.)


ROSSIGNOLETTES. f. (Hist. nat. Ornitholog.) nom que l'on a donné à la femelle du rossignol. Voyez ROSSIGNOL.


ROSSOLIS(Mat. méd.) herbe de la rosée ou de la goutte. Toute la plante passe pour pectorale, béchique, incisive, bonne contre l'asthme, la toux invétérée, &c. Elle est encore vantée étant prise en infusion, comme un bon céphalique, propre contre la migraine, toutes les affections convulsives & les maladies des yeux.

Elle est absolument inusitée dans les prescriptions magistrales ; & elle n'est presqu'employée dans les boutiques, qu'à la préparation d'un syrop simple qu'on fait avec l'infusion de ses feuilles, & à celle d'un syrop composé, auquel cette plante donne son nom, & dont voici la description d'après la pharmacopée de Paris : Prenez rossolis frais exactement mondé, quatre onces : feuilles fraîches de velar, une once & demie : de pulmonaire, une once : de racine de safran des Indes, en poudre, un scrupule : de réglisse seche, deux gros : raisins secs de damas, mondés, une once : fleurs de tussilage, seches, trois gros : safran oriental, en poudre, vingt grains. Faites infuser toutes ces drogues pendant six heures à la chaleur du bain-marie dans huit livres d'eau commune. Passez & exprimez l'infusion ; ajoutez-y quatre livres de sucre ; clarifiez & cuisez en consistance de syrop.

La préparation de ce syrop doit être régardée comme peu exacte. C'est encore ici, comme nous l'avons remarqué plusieurs fois ailleurs, voyez, par exemple, Syrop de pomme à l'article POMME, une infusion dont l'action modérée sur des principes volatils devient absolument infructueuse, puisque ses bons effets sont absolument détruits par la longue décoction à laquelle ces mêmes principes sont ensuite soumis dans la cuite du syrop. Au reste, les divers ingrédiens de cette composition sont d'une nature si diverse, relativement à l'action qu'exercent sur chacun d'eux le menstrue aqueux & les divers degrés de chaleur dont ce menstrue est susceptible, qu'il faudroit ou traiter à part quelques-uns de ces ingrédiens, par exemple, la réglisse & le raisin sec qu'il faudroit soumettre à une bonne décoction, tandis qu'on n'exposeroit les autres qu'à une infusion au bain-marie ; ou bien il faudroit traiter tous les ingrédiens ensemble par la décoction dans un appareil distillatoire, c'est-à-dire par la distillation. Voyez SYROP. Mais un expédient plus simple & plus commode, c'est d'abandonner ce syrop qui n'a pas de propriétés assez merveilleuses, pour mériter d'être préparé avec tant de soin.

Celui dont nous avons donné la description, n'est presque qu'un syrop blanc, c'est-à-dire une dissolution de sucre à saturation dans de l'eau : car une infusion de quelques heures ne doit charger que très-légèrement cette eau de l'extrait & de la substance muqueuse des ingrédiens demandés pour ce syrop. Cette imprégnation, telle quelle, le fait passer cependant pour pectoral ou béchique adoucissant. Voyez PECTORAL. (b)

ROSSOLIS, s. m. (Liqueurs) liqueur agréable, d'eau-de-vie brûlée, de sucre & de canelle, où l'on ajoute quelquefois du parfum. Richelet. (D.J.)

ROSSOLIS de six graines, (Pharmacie) ou clairet des six semences appellées carminatives, savoir, de celles d'anis, de fenouil, d'anet, de coriandre, de carvi & de daucus de Crete. Voyez CLAIRET, Pharmacie. (b)


ROSSUS(Géog. anc.) ville sur la frontiere de Syrie & de Cilicie, sur le golfe d'Issus. Cette situation est cause que quelques géographes, comme Pline & Ptolémée, la mettent dans la Syrie ; & d'autres, comme Strabon, dans la Cilicie. Athénée, livre xij. p. 586, dit qu'Alexandre donna le gouvernement de Tarse en Syrie à Harpalus. On lit en effet dans le texte ; mais c'est véritablement une faute, car Tarse est la capitale de Cilicie, & on ne trouve point de ville du nom de Tarse dans la Syrie. Comme Tarse (Tarsus) est une ville beaucoup plus fameuse que Rossus, il y a toute apparence que les copistes ont changé ce dernier nom qui leur étoit peu ou point connu, en celui de Tarse, qu'ils connoissoient extrêmement. Ajoutons qu'Harpalus n'a jamais eu le gouvernement de Cilicie, puisqu'aucun auteur n'en fait mention, & que ce trésorier d'Alexandre se sauva à Athènes, selon le rapport d'Arrien, un peu avant la bataille d'Issus, c'est-à-dire, avant qu'Alexandre eût achevé la conquête de la Cilicie. Enfin quelques manuscrits d'Athénée portent avec raison au-lieu de . (D.J.)


ROSTEINinstrument du métier des étoffes de soie. Le rostein est une grosse bobine percée de bout en bout, sur laquelle on devide la grosse soie servant à former la lisiere de l'étoffe, que l'on appelle communément cordelines & le cordon aussi. Voyez PORTE-ROSTEIN.


ROSTENou REIBEN, (Hist. nat.) noms bisarres dont Avicenne s'est servi pour désigner les yeux d'écrevisses.


ROSTERv. act. en terme de Boutonnier, c'est l'action de garnir le bas d'un bouton en points de soie, d'or ou d'argent, les uns près des autres, en partageant le bouton en plusieurs parties égales, dont les unes sont couvertes de soie ou d'or cordonnés, & les autres restent en luisant. Pour cet effet, on attache un bout de fil un peu fort au pié du bouton en-dessous ; on a une aiguille enfilée de soie ou d'or en plusieurs brins ; & vis-à-vis de soi une bobine montée sur un rochet, Voyez ROCHET. L'aiguille fichée au commencement & sous la partie qui reste en reluisant, se retire entre cette partie & celle qui sera couverte de cordonnet. Alors en tournant dans les deux doigts majeurs le fil que l'on a mis au pié du bouton, la matiere de la bobine se coule autour de celle de l'aiguille, de la longueur de la partie qu'on en veut couvrir ; on repasse l'aiguille sous l'autre, & ainsi du reste. On répete cette opération en faisant cinq ou six tours au bas du bouton : quelquefois aussi on fait plusieurs tours de rostage sur le corps du bouton pour le décorer.

ROSTER, terme de riviere, c'est lier quelque chose bien uniment avec une petite corde. Rejoindre un cable de bac, c'est le roster.


ROSTIVIES. f. (Marine) endroit qui est surlié de plusieurs bouts de corde.


ROSTOCK(Géog. mod.) ville d'Allemagne, dans le cercle de la Basse-Saxe, au duché de Mecklenbourg sur la Warna, à une lieue de la mer baltique, à douze au nord-est de Wismar & à trente de Lubeck.

L'origine de cette ville est fort obscure. Quelques savans prétendent qu'elle se nommoit Lacinium ou Laciburgum, du tems que les Varni occupoient le pays avant l'irruption des Vandales. Quoi qu'il en soit, Rostock n'étoit qu'un village habité par des pêcheurs en 329. Ce village s'aggrandit insensiblement ; & Primislas II. d'autres disent Burevin II. ceignit Rostock de murailles en 1262. Cette ville a éprouvé dans la suite différentes révolutions. Le duc de Mecklenbourg en est présentement reconnu le seigneur ; mais la ville jouit des mêmes droits & franchises que Lubeck, & elle est gouvernée par divers corps de magistrature. Son université a été fondée en 1490 ; les évêques de Swerin en sont chanceliers perpétuels. Long. suivant Harris, 30. 16. 15. latit. 54. 10.

Pauli (Simon,) qui devint premier médecin du roi de Danemarck naquit à Rostock en 1603, & mourut en 1680, âgé de soixante-dix-sept ans. Il a fait plusieurs ouvrages qui ne sont pas d'un grand mérite ; & je mets dans cette classe, sa Flora Danica & son quadripartitum botanicum. (D.J.)


ROSTOou ROSTOW, (Géog. mod.) ville archiépiscopale de l'empire russien, capitale du duché de même nom, sur le lac de Kottri, à six lieues de Jaroslaw & à quarante de Moscow. Long. 58. lat. 57. 6. (D.J.)

ROSTOF, le duché de, (Géog. mod.) duché de l'empire russien, borné au nord par celui de Jaroslaw, au midi par celui de Moscow, au levant par celui de Susdal, & au couchant par celui de Tuer. Rostof ou Rostow étoit autrefois le premier duché de la grande Russie après celui de Novogorod ; & on le donnoit par apanage aux seconds fils des grands ducs. Mais Jean Basilowitz ne pouvant souffrir de souverains au milieu de ses états, fit massacrer le dernier duc de Rostow en 1566, & réunit le duché à son domaine. On ne connoît dans ce duché que la culture de l'ail & des oignons qui font la nourriture des habitans. Rostof en est la capitale. (D.J.)


ROSTRALECOLONNE, (Archit.) colonne ornée de pouppes & de proues de vaisseaux & de galeres avec ancres & grapins, ou en mémoire d'une victoire navale, comme la colonne toscane qui est au capitole ; ou pour marquer la dignité d'amiral, comme les colonnes d'ordre dorique qui sont à l'entrée du château de Richelieu, du dessein de Jacques Lemercier. Daviler. (D.J.)

ROSTRALE, Couronne (Antiq. rom.) corona rostralis, couronne relevée de proues & de pouppes de navire, dont on honoroit un capitaine, un soldat qui le premier avoit accroché un vaisseau ennemi, ou sauté dedans. Marcus Vipsanius Agrippa ayant obtenu cette couronne après la défaite de Sextus Pompeius, il fut depuis lors regardé par les Romains avec tant de distinction, qu'on le jugea capable de détrôner Auguste, & de rétablir la république. (D.J.)


ROSTRESS. m. pl. (Antiq. rom.) rostra. Les rostres étoient un jubé environné de becs de navires. Ce jubé étoit placé devant la cour appellée hostilia, où le sénat s'assembloit fort souvent.

On doit se représenter les rostres comme une espece de plate-forme dont la base étoit ornée de becs de vaisseaux tout-autour. Au-dessus de la plate-forme il y avoit un siege ou une espece de tribunal, dite la tribune aux harangues, sur lequel montoient les magistrats & ceux qui vouloient parler au peuple. Ce bâtiment régnoit presqu'au milieu de la place romaine : on en voit encore la figure dans les médailles.

Il y avoit deux rostres ; rostra vetera & rostra nova. Auguste fit élever ces derniers, & les décora des proues de vaisseaux qu'il avoit pris à la bataille d'Actium. Les premiers étoient entourés de becs de navires enlevés sur les Antiates dans le premier combat naval que gagnerent les Romains. (D.J.)


ROSTRUMROSTRUM


ROSWANGEN(Géog. mod.) ou ROSWEIN ou RUSPEN, petite ville d'Allemagne dans la Saxe, sur la Mulda, près de l'abbaye de Zell, entre Dobeln & Nossen. (D.J.)


ROTATEURS. m. en Anatomie, est le nom que l'on donne aux muscles obliques de l'oeil, nommés ainsi de la direction de leurs fibres circulaires, & de leur action amateurs. Voyez AMATEUR, OBLIQUE, ILOEIL.

ROTATEUR, le, (Sculpt. antiq.) c'est ainsi qu'on appelle une belle figure déterrée dans les fouilles de Rome, & transportée il y a près d'un siecle dans le palais ducal de Florence.

Cette figure représente l'esclave qui, suivant le récit de Tite-Live, liv. II. ch. iv. entendit par hasard le projet que faisoient les fils de Brutus pour rétablir dans Rome les Tarquins, & qui sauva la république naissante, en révélant leur conjuration au consul.

Prodita laxabant portarum claustra tyrannis

Exulibus, juvenes ipsius consulis & quos, &c.

Occulta ad patres produxit crimina servus.

Matronis lugendus. Juvénal, sat. viij.

Les personnes les moins attentives remarquent, en voyant cette statue, dit M. l'abbé du Bos, que cet esclave qui se courbe & qui se montre dans la posture convenable pour aiguiser le fer qu'il tient, afin de paroître uniquement occupé de ce travail, est néanmoins distrait, & donne son attention, non pas à ce qu'il semble faire, mais à ce qu'il entend. Cette distraction est sensible dans tout son corps, & principalement dans ses mains & dans sa tête. Ses doigts sont bien placés comme ils doivent l'être, pour peser sur le fer, & pour le presser contre la pierre à aiguiser, mais leur action est suspendue. Par un geste naturel à ceux qui écoutent en craignant qu'on ne s'apperçoive qu'ils prêtent l'oreille à ce qu'on dit, notre esclave tâche de lever assez la prunelle de ses yeux, pour appercevoir son objet sans lever la tête, comme il la leveroit naturellement, s'il n'étoit pas contraint. (D.J.)


ROTATIONS. f. terme en usage dans la Méchanique, pour exprimer le mouvement d'un corps qui roule ou qui tourne. Voyez ROUE, &c.

ROTATION, en terme de Géométrie, signifie la révolution d'une surface autour d'une ligne immobile, qu'on appelle l'axe de rotation. Voyez AXE.

Les surfaces planes engendrent ou forment des solides par leur rotation. Voyez SOLIDE & ENGENDRER.

M. de Moivre, dans son essai sur les usages de la méthode des fluxions, a donné, ainsi que plusieurs autres auteurs, la méthode pour trouver plusieurs solides engendrés par cette rotation. Il remarque que la fluxion de ces solides est le produit de la fluxion de l'abscisse par la base circulaire, dont l'ordonnée est le rayon ; & lorsque cette fluxion est intégrable, on trouve la valeur du solide, que l'on peut représenter par un cylindre de même base. Supposant donc que le rapport du quarré du rayon ou cercle soit n /4, & que l'équation qui renferme la nature ou les propriétés d'un cercle dont le diametre est f, soit y y = f x - x x ; il s'ensuit que est la fluxion ou la différencielle d'une portion de sphere ; par conséquent cette portion sera <4fx2/2n> - <4x3/3n>. Or le cylindre circonscrit sera (<4fx-4xx/n>) x x. Donc la portion de sphere est au cylindre circonscrit comme f/2 - x/3 est à f - x ; donc si on fait x = f/2, on aura la demi-sphere au cylindre circonscrit en raison de <2f/6> à f/2, c'est-à-dire en raison de 2 à 3. Trans. philosoph. n. 216.

On peut déterminer par une méthode à peu-près semblable, les surfaces courbes des solides engendrés par cette rotation ; car la fluxion de la surface est le produit de l'arc infiniment petit de la courbe par la circonférence de cercle dont l'ordonnée est le rayon. Ainsi dans la sphere, l'élément ou fluxion du cercle qui l'engendre, est , & le rapport du quarré du rayon au cercle étant n/4, le rapport du rayon à la circonférence sera n /4 ; donc la circonférence dont l'ordonnée est le rayon, sera > ; donc l'élément de la surface est <8fdx/2n>, dont l'intégrale est <8fx/2n>, c'est-à-dire que la surface d'une portion de sphere déterminée par l'ordonnée & par l'abscisse x, est égale à celle d'un cylindre qui auroit pour hauteur l'abscisse x, & pour base un cercle du rayon f/2 égal au rayon de la sphere.

Rotation est aussi un terme en usage dans l'Astronomie. Voyez REVOLUTION.

ROTATION DIURNE, voyez TERRE & DIURNE.

ROTATION, s. f. (Anatom.) les Anatomistes entendent ordinairement par le mot de rotation, des mouvemens réciproques d'une partie du corps humain, autour de la longueur ou de l'axe de la même partie, & ils appliquent spécialement ce terme aux demi-tours réciproques de la cuisse, par lesquels l'homme étant debout, tourne le bout du pié en-dehors & en-dedans ; mais M. Winslow étend ce terme à tous les autres demi-tours semblables, qui s'observent dans les mouvemens du corps humain ; tels sont ceux de la tête, du cou, du thorax, du bassin, & même de tout le tronc, par lesquels on tourne ces parties à droite & à gauche.

Columbus, anatomiste romain, & contemporain de Vésale, avoit déjà remarqué, dans sa description des muscles du bras & des muscles droits de l'oeil, que cette espece de mouvement en rond n'est que la combinaison successive de l'action des muscles releveurs, abaisseurs, adducteurs, & abducteurs. Ce n'est pas seulement avec le bras & la cuisse que l'on peut faire ce tournoyement, on le peut encore avec l'avant-bras fléchi, la jambe fléchie, la main & le pié ; on le peut aussi avec la tête & le tronc. La méchanique est en effet différente dans les différentes parties. Le mouvement conique du bras & de la cuisse se fait par une seule articulation. Celui de l'avant-bras fléchi & de la jambe fléchie ne se peut faire que par le moyen de plusieurs articulations. Il est évident qu'il en faut encore davantage pour la tête & le tronc en pareilles occasions.

On destine communément certains muscles pour faire la rotation, ou les demi-tours réciproques de la cuisse, & on les appelle muscles rotateurs de cette partie. Il est certain qu'ils y contribuent quand la cuisse est dans une même ligne droite avec le corps, comme quand on est droit debout, ou couché de tout son long. Mais la cuisse étant fléchie, comme quand on est assis, ces muscles ne peuvent point du tout faire cette rotation, ni y contribuer en la moindre chose, car alors ils deviennent abducteurs ou adducteurs, & ceux que l'on borne ordinairement à l'abduction ou l'adduction deviennent rotateurs. Ainsi il faut nécessairement distinguer la rotation de la cuisse étendue d'avec celle de la cuisse fléchie, & non pas attribuer l'une & l'autre aux mêmes muscles.

On peut encore rapporter à la rotation les demi-tours réciproques de la main, que les Anatomistes appellent pronation & supination, & qui se font principalement par le moyen du rayon ; je dis principalement, parce que M. Winslow a fait voir dans son anatomie, que ce n'est pas toujours le rayon seul qui est mu pour faire la pronation & la supination, comme on le croit & comme on le montre ordinairement. Ces mouvemens de pronation & de supination se font par le moyen de trois os en même tems ; les quatre muscles auxquels seuls on a attribué la pronation & la supination n'y suffisent pas, il en faut encore d'autres, pour les petits mouvemens d'élévation, d'abaissement, d'approche, & d'éloignement de l'extrêmité de l'os du coude. Voyez les Mémoires de l'acad. des Sciences, année 1729. (D.J.)


ROTES. f. (Hist. mod.) est le nom d'une cour ou jurisdiction particuliere établie à Rome pour connoitre des matieres bénéficiales de toutes les provinces qui n'ont point d'indult pour les agiter devant leurs propres juges. Voyez BENEFICE.

Cette cour est composée de 12 conseillers qu'on nomme auditeurs de rote. Il sont tirés des 4 nations : d'Italie, France, Espagne & Allemagne : il y en a 3 romains, un florentin, un milanois, un de Bologne, un de Ferrare, un vénitien, un françois, deux espagnols & un allemand. Chacun d'eux a sous lui 4 clercs ou notaires, & le plus ancien des auditeurs fait l'office de président. On porte à leur tribunal toutes les causes bénéficiales, tant de l'intérieur de Rome que de l'Etat ecclésiastique, lorsqu'il y a appel ; ils jugent de plus toutes les causes civiles audessus de 500 écus.

On les appelle aussi chapelains du pape, parce qu'ils ont succédé aux anciens juges du sacré palais, qui donnoient leurs audiences dans la chapelle du pape. Voyez CHAPELAIN.

A l'égard de la dénomination de rote, qui vient de rota, roue, quelques auteurs la font venir de ce que les plus importantes affaires de la chrétienté roulent, & pour ainsi dire, tournent sur eux. Ducange fait venir ce mot de rota porphyretica, parce que le carreau de la salle où ils s'assembloient d'abord, étoit de porphyre, & fait en forme de roue ; & d'autres enfin de ce que les auditeurs de rote, quand ils jugent, sont rangés en cercle.

Le revenu de ces places peut monter à environ mille écus par an, & c'est le pape qui les paie. Il leur est défendu sous peine de censure, de recevoir aucune autre rétribution pour leurs sentences, même par forme de présent. Pour qu'une affaire soit décidée à la rote, il faut trois sentences consécutives dont la derniere contient les raisons, autorités ou motifs sur lesquelles est fondé le jugement ; & lorsqu'il est rendu, les parties ont encore la ressource de la requête civile, au moyen de laquelle la cause peut être portée & revue devant le pape à la signature de grace.

Les audiences de la rote se tiennent tous les lundis, hors le tems des vacances qui commencent la premiere semaine de Juillet, & durent jusqu'au premier d'Octobre. La rentrée est annoncée par une nombreuse cavalcade, où les deux derniers auditeurs de rote se rendent au palais suivis de tous les officiers inférieurs de leur tribunal & de plusieurs gentilshommes que les cardinaux, ambassadeurs, princes & seigneurs romains envoient pour leur faire cortege ; & l'un des deux prononce une harangue latine sur quelque matiere relative aux fonctions du tribunal de la rote, & en présence des autres auditeurs qui se sont aussi rendus au palais apostolique. C'est encore un des privileges des auditeurs de rote, que de donner le bonnet de docteur en l'un & l'autre droit aux sujets qu'ils en jugent capables.


ROTELEN(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans le marcgraviat de Bade-Dourlach, à une lieue de Bâle, avec un château. (D.J.)


ROTENBERou RODENBORG, (Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, au cercle de Westphalie, dans l'évêché & près de Ferden.

Il y a une autre petite ville du même nom en Franconie, dans l'évêché de Wurtzbourg. (D.J.)


ROTENBURG(Géog. mod.) prononcez Rotenbourg. Il y a quatre villes de ce nom en Allemagne.

1°. Rotenburg, ville libre & impériale, dans la Franconie, sur la riviere de Tauberg. Elle fut fondée au commencement du vj. siecle, & ses habitans étoient encore payens. L'empereur Frédéric I. l'érigea en ville libre de l'empire. Les troupes suédoises, françoises, impériales & bavaroises la prirent, & la ruinerent tour-à-tour dans le dernier siecle. Tous les habitans de cette ville & du comté de son nom sont luthériens. Long. 27. 45. latit. 49. 20.

2°. Rotenburg, ville de Souabe, au comté d'Hohenberg, sur le Necker, à 5 lieues au couchant de Tubingen, avec un château de même nom & titre de comté. Long. 26. 28. latit. 48. 24.

3°. Rotenburg, petite ville de l'évêché de Spire appartenant à l'évêque de Spire.

4°. Rotenburg, ville du pays de Hesse située entre des montagnes, sur la riviere de Fulda, avec un château bâti en 1574 par Guillaume IV. landgrave de Hesse.

Cette ville est petite ; mais elle a été illustrée par la naissance de Dithmar (Juste-Christophe), auteur de plusieurs ouvrages curieux. Voici les principaux : 1°. dissertationes academicae ex jure publico naturali & historiâ, &c. Lipsiae, 1737 in -4°. La plûpart de ces pieces roulent sur des matieres intéressantes à l'Allemagne, comme de l'origine des électeurs, du faux Valdemar, prétendu marcgrave de Brandebourg, &c. 2°. Caii Cornelii Taciti, de situ, moribus & populis Germaniae, libellus. Francof. 1725. L'auteur y a joint un commentaire perpétuel & historique sur les noms, la situation, les actions des peuples de l'Allemagne, les sociétés qu'ils ont formées, leurs moeurs, leurs droits, l'origine de leurs coutumes, &c. c'est le meilleur ouvrage qu'on ait sur la Germanie de Tacite. L'édition est fort jolie, mais elle a un grand défaut, c'est d'être peu correcte. 3°. Histoire & description de l'ordre de S. Jean, à Francfort sur l'Oder 1728, in -4°. en allemand, avec des planches. 4°. Commentatio de ordine militari de balneo. Francfort, 1729, infol. Le roi George I. ayant voulu rétablir l'ordre de chevalerie du bain, M. Dithmar fit alors cet ouvrage auquel il a joint les statuts de cet ordre en anglois, avec une traduction latine. 5°. Introduction à la connoissance des sciences qui concernent l'administration des domaines, des finances, & de la police. Francfort, 1730, in -8°. en allemand. L'auteur est mort en 1737, à 60 ans. Voyez sa vie dans la biblioth. german. tom. XLII. art. 9. (D.J.)


ROTENFELS(Géog. mod.) nom de deux petites villes d'Allemagne, dont l'une est sur la Moër, dans l'évêché de Wurtzbourg, & appartient à l'évêque ; l'autre dans l'évêché de Spire, appartient pareillement à l'évêque de Spire. Il y a aussi une seigneurie de Rotenfels, qui forme dans l'Algow un bailliage assez étendu, dont le bourg de même nom est le chef-lieu. (D.J.)


ROTENMANN(Géog. mod.) ville d'Allemagne, dans la haute Stirie, dans la vallée de Palten, & à huit milles de Leuben. Lazius prétend que cette ville est le Castra-montana Antonini ; mais il n'apporte pour preuves que de foibles conjectures. (D.J.)


ROTERv. n. (Gram.) voyez l'article ROTS & VENTS.

ROTER sur l'avoine, se dit d'un cheval dégoûté qui ne veut pas manger son avoine, ou de celui à qui on en a trop donné, & qui ne sauroit l'achever. Roter sur la besogne, se dit d'un cheval paresseux ou sans force qui ne sauroit fournir son travail.


ROTERDAM(Géog. mod.) ou plutôt Rotterdam, ville des Pays-Bas, dans la Hollande, sur la droite de la Meuse, à 3 lieues de la Haye, à 2 de Delft, & à 5 de la Brille.

Il ne faut point douter que son nom ne vienne de ce qu'elle fut bâtie à l'embouchure de la Rotte ; on ne sait point en quel tems, mais on sait qu'environ l'an 1270, elle fut érigée en ville ; car on y fit des remparts, & on lui donna des privileges. Sa situation sur la Meuse lui est extrêmement favorable pour le commerce ; cette riviere qui en cet endroit a près d'une demi-lieue de largeur, lui forme un port assez profond, pour que les plus gros vaisseaux viennent charger jusqu'au milieu de la ville, à la faveur d'un canal, où les eaux de la Meuse entrent par la vieille tête. Cette commodité pour charger & pour décharger, est cause qu'il se fait plus d'embarquemens à Rotterdam qu'à Amsterdam. En levant l'ancre à Rotterdam, on peut d'abord cingler en pleine mer, qui n'en est éloignée que de six lieues ; desorte que les vaisseaux qui partent, peuvent s'y rendre dans une marée ; au lieu qu'à Amsterdam on est obligé d'aller faire le tour des îles du Texel.

Quoique Rotterdam ait le dernier rang parmi les villes de la province, elle ne le cede cependant en richesses & en beauté qu'à Amsterdam ; elle est le siege de l'amirauté de la Meuse. Elle est arrosée de sept canaux ornés de quais & d'allées d'arbres. Les maisons y sont à la moderne & très propres. La bourse est un beau bâtiment, ainsi que l'hôtel-de-ville, les arsenaux & les maisons des compagnies des Indes. Le gouvernement est entre les mains de vingt-quatre conseillers, dont quatre sont bourgmestres. Long. suivant Cassini, 22. 21'. 30''. latit. 51. 55'. 45''.

Rotterdam est la patrie d'Erasme, & elle a érigé une statue à la mémoire de cet illustre personnage. Voilà en deux mots l'éloge de cette ville. Si Homere avoit été aussi estimé durant sa vie qu'il l'a été après sa mort, plusieurs villes eussent vainement aspiré à la gloire de l'avoir produit ; car celle qui auroit eu véritablement cet avantage, en auroit donné promtement des preuves incontestables ; mais aucune dispute sur la patrie d'Erasme ; la grande réputation où il a été pendant sa vie, a prévenu ces sortes de litiges. Rotterdam a compris de bonne heure ses intérêts, & a tellement affermi les titres de sa possession, qu'on ne sauroit plus la lui disputer. Il a fallu être alerte ; car le tems auroit pu jetter mille doutes sur ce point, puisque la mere d'Erasme, dont la condition étoit médiocre, n'avoit cherché à Rotterdam que les moyens de cacher cette naissance.

Elle arriva le 28 Octobre 1467, & l'enfant dont elle accoucha, devint le plus bel esprit & le plus savant homme de son siecle. Ayant perdu son pere & sa mere, ses tuteurs l'obligerent de prendre l'habit de chanoine régulier dans le monastere de Stein, proche Tergou, où il fit profession malgré lui en 1486, & où il s'amusa quelque tems à la peinture. Ensuite il alla étudier à Paris au college de Montaigu. De Paris il passa en Angleterre, où il s'accommoda merveilleusement de l'érudition & des autres avantages de ce royaume.

Il marque en divers endroits qu'il étoit charmé de ce pays-là, où il avoit rencontré plusieurs illustres Mecènes, & le triomphe des sciences. Il avoue ingénument que le grand éclat des lettres dont il avoit félicité l'Angleterre, commençoit à l'en rendre un peu jaloux. Il prétend même que les gens doctes dont elle abondoit en toutes sortes de sciences, pouvoient être un objet d'envie pour l'Italie. Il remarque que cette gloire étoit un ancien partage de la nation, & il nous apprend que les grands seigneurs s'y distinguoient en particulier par la culture des sciences : ce qui est encore aujourd'hui un avantage en quoi la noblesse angloise surpasse celle de toutes les autres nations du monde.

S'il disoit tant de bien de l'Angleterre, lorsqu'il en parloit sérieusement, il n'en faisoit pas une description moins pleine d'attraits, lorsqu'il prenoit son style enjoué. Voyez ce qu'il écrivit à Andrelin, pour l'attirer en ce pays-là. Si Britanniae dotes satis pernosces, Fauste, & tu alatis pedibus hùc accurreres, etsi podagra tua non sineret, Daedalum te fieri optares. Nam ut è plurimis unum quidam attingam ; sunt hîc nymphae divinis vultibus, blandae, faciles, & quas tu tuis camaenis facilè anteponas. Est praetereà mos nunquam satis laudatus. Sive quò venias, omnium osculis exciperis ; sive discedas aliquò, osculis dimitteris, redis redduntur suavia ; venitur ad te, propinantur suavia ; disceditur abs te, dividuntur basia ; occurritur alicubi, basiatur affatim ; denique quocunque te moveas, suaviorum plena sunt omnia. Quae si tu, Fauste, gustasses semel quàm sint mollicula, quàm fragrantia, profectò cuperes non decennium solum, ut Solon fecit, sed ad mortem usque in Angliâ peregrinari. Epist. X. lib. V. p. 315. Vous voyez que les Angloises ne lui plaisoient pas moins que les Anglois.

Erasme vola d'Angleterre en Italie qu'il n'avoit pas encore vu. Il séjourna à Boulogne, à Venise où il publia ses adages, ensuite à Padoue, & enfin à Rome, où sa réputation étoit grande, & où il fut très-bien reçu du pontife & des cardinaux, particulierement du cardinal de Médicis, qui fut depuis le pape Léon X.

En 1509, il fit un second voyage à Londres, & demeura chez Thomas Morus, chancelier d'Angleterre. C'est-là qu'il composa en latin l'éloge de la folie ; mais finalement ne trouvant point dans cette île l'établissement que ses amis lui avoient fait espérer, il se vit obligé de se rendre en Flandres, ou Charles d'Autriche, souverain des Pays Bas, qui fut depuis empereur sous le nom de Charles-quint, le fit son conseiller d'état, & lui assigna une pension de 200 florins, dont il fut payé jusqu'en 1525.

Il ne tint qu'à lui d'être cardinal. Il le seroit devenu sans-doute sous le pape Adrien VI. s'il eût voulu lui aller faire sa cour, comme il en fut instamment sollicité par ce pape même, son compatriote, son ami & son compagnon d'études. Sous Paul III. l'affaire fut encore poussée plus loin : le cardinalat devint un fruit mûr pour Erasme ; il ne lui restoit pour le cueillir, qu'à vouloir tendre la main. Il aima mieux se rendre à Bâle, où il publia plusieurs ouvrages, se plut dans cette ville, & y mourut le 12 de Juillet 1536. Il y fut enterré honorablement, & l'on y fait encore beaucoup d'honneur à sa mémoire.

Il seroit superflu de remarquer ici, qu'Erasme étoit un des plus grands hommes de la république des lettres ; on lui doit principalement dans nos pays la renaissance des sciences, la critique, & le goût de l'antiquité. C'est un des premiers qui ait traité les matieres de religion avec la noblesse & la dignité qui conviennent à nos mysteres. Il étoit tolérant, aimoit la paix, & en connoissoit tout le prix. Sa dissertation sur le proverbe dulce bellum inexpertis prouve bien qu'il avoit profondément médité sur ce sujet, les grands principes de la raison, de l'évangile & de la politique. Mais il eut beau vivre & mourir dans la communion romaine, & essuyer pour cette raison, bien des injures de quelques zélés protestans, il n'en a pas été moins maltraité durant sa vie & après sa mort, par plusieurs écrivains catholiques. C'est en vain qu'il vit avec joie les premieres démarches de Luther, & qu'il s'affligea, lorsqu'il crut le luthéranisme prêt à se perdre, il n'en fut pas moins accablé d'invectives par Luther, & par quelques autres plumes du même parti ; enfin ses sentimens modérés lui firent des ennemis dans toutes les sectes.

Il étoit d'une complexion délicate, & de la plus grande sobriété ; quant à l'amour, il reconnoit qu'il n'en fut jamais l'esclave : veneri, pour me servir de ses termes, nunquam servitum est, ne vacavit quidem in tantis studiorum laboribus ; c'est très-bien dit, car l'oisiveté & la bonne chere sont les nourrices de la luxure.

Holbein, son ami particulier, fit son portrait à demi corps, que Beze orna d'une épigramme qu'on a fort louée, & qui n'a que du faux brillant ; la voici cette épigramme.

Ingens ingentem quem personat orbis Erasmum :

Hic tibi dimidium picta tabella refert.

At cur non totum ? Mirari desine, lector,

Integra nam totum terra nec ipsa capit.

La pensée de Beze est une fausse pensée, parce qu'un peintre n'a pas plus de peine à faire un portrait grand comme nature, lorsque c'est le portrait d'un savant ou d'un héros dont la gloire vole par-tout, que quand c'est le portrait d'un paysan qui n'est connu que dans son village.

La bonne édition des oeuvres d'Erasme, est celle d'Hollande, en 1703. onze vol fol. Ils contiennent des traités en presque tous les genres ; grammaire, rhétorique, philosophie, théologie, épitres, commentaires sur le nouveau testament, paraphrases, traductions, apologies, &c. Tous ces traités sont écrits avec une pureté & une élégance admirable.

Au plus bel esprit de son tems, joignons un des premiers hommes de mer du dernier siecle, que Rotterdam a vû naître dans son sein ; c'est de Corneille Tromp que je veux parler, fils du grand Tromp ; il marcha sur ses traces, & fut le digne rival de Ruiter. Brandt a écrit sa vie ; elle est intéressante, mais ce n'est pas ici le lieu d'en donner l'extrait ; il suffit de dire que Tromp se trouva à plus de vingt batailles navales, & qu'il portoit par-tout la terreur & la victoire ; c'étoient alors les jours brillans des beaux faits de la Hollande. Le comte d'Estrade écrivoit au roi de France, en 1666. " Tromp a combattu en lion sur six vaisseaux, les uns après les autres ; mais il s'étoit engagé trop avant, & a obligé Ruiter de tout hasarder pour le retirer, ce qui a bien réussi, & ce qui pourroit le faire périr avec toute la flotte une autre fois ".

La réputation qu'il s'étoit acquise dans le monde, étoit si grande, qu'au retour de la paix le roi de la Grande-Bretagne souhaita de le voir, & les comtes d'Arlington & d'Ossory furent chargés de cette négociation. Tromp se disposa à répondre à l'honneur que le roi lui faisoit, & le prince d'Orange lui-même l'accompagna jusqu'à la Brille, le 12 Janvier 1675.

Il se mit en mer avec trois yachts qui l'attendoient ; les ducs d'Yorck, de Monmouth, de Buckingham, & grand nombre d'autres seigneurs, allerent au-devant de lui, & le concours du peuple fut extraordinaire ; le roi l'honora de la qualité de baron, la rendit héréditaire dans sa famille, & lui fit présent de son portrait enrichi de diamans. Au mois de Juin de cette même année, il commanda la flotte de quarante vaisseaux danois & hollandois, contre les Suédois, & remporta la victoire ; le roi de Danemarck lui donna l'ordre de l'éléphant, & la qualité de comte.

La guerre s'étant allumée avec la France, le roi Guillaume III. le nomma en 1691, pour commander la flotte des états ; mais peu de mois après il mourut âgé d'environ 64 ans. Si quelques bruits chargerent la France d'avoir avancé ses jours, il ne faut admettre des accusations aussi graves & aussi odieuses, que sur des preuves d'une force irrésistible.

Enfin Jacques duc de Monmouth, né à Rotterdam en 1649, a fait trop de bruit dans l'histoire pour ne pas parler de lui. Il étoit fils naturel de Charles II, & sa mere se nommoit Lucie Walters ; le roi son pere ayant été rétabli dans ses états en 1660, le fit venir à sa cour, & eut pour lui une tendresse extraordinaire ; il le créa comte d'Orkney, duc de Monmouth, pair du royaume, chevalier de l'ordre de la jarretiere, capitaine de ses gardes ; & lieutenant - général de ses armées, après sa victoire contre les rebelles d'Ecosse.

Il possedoit toutes les qualités qui pouvoient le rendre agréable à la nation ; une bravoure distinguée, une figure gracieuse, des manieres douces, une générosité peu réfléchie ; ces qualités lui valurent la faveur populaire, qui s'accrut beaucoup par la haine qu'on portoit à la religion du duc d'Yorck ; cependant avec tant de part à l'affection du peuple, il n'auroit jamais été dangereux s'il ne s'étoit aveuglément resigné à la conduite de Shaftsbury, politique audacieux, qui le flatta de l'espoir de succéder à la couronne.

Le duc d'Yorck connoissant tout le crédit du duc de Monmouth, le fit exiler du royaume. Il choisit la Hollande pour sa retraite ; & comme personne n'ignoroit la part qu'il avoit toujours eue à l'affection d'un pere indulgent, il avoit trouvé toutes sortes de distinctions & d'honneurs, sous la protection du prince d'Orange. Lorsque Jacques étoit monté sur le trône, ce prince avoit pris la résolution de congédier Monmouth & ses partisans ; ils s'étoient retirés à Bruxelles, où le jeune fugitif se voyant encore poursuivi par la rigueur du nouveau monarque, fut poussé contre son inclination à former une entreprise téméraire & prématurée sur l'Angleterre. Il ne pouvoit se dissimuler que Jacques avoit succédé au trône sans opposition ; le parlement qui se trouvoit assemblé, témoignoit de la bonne volonté à satisfaire la cour, & l'on ne pouvoit douter que son attachement pour la couronne, ne donnât beaucoup de poids à toutes les mesures publiques. Les abus étoient encore éloignés de l'excès, & le peuple n'avoit pas encore marqué de disposition à s'en plaindre amérement. Toutes ces considérations se présenterent sans - doute au duc de Monmouth ; mais telle fut l'impatience de ses partisans, telle aussi la précipitation du comte d'Argyle, qui étoit parti pour faire soulever l'Ecosse, que la prudence ne fut point écoutée, & le malheureux Monmouth se vit comme entraîné vers son sort.

La bataille de Sedgemoor près de Bridgewater, se donna en 1685 ; le duc de Monmouth la perdit & s'éloigna par une promte fuite ; mais après avoir fait plus de vingt milles, son cheval tomba sous lui ; il changea d'habits avec un paysan, dans l'espérance de se mieux cacher ; le paysan fut rencontré avec ceux du fugitif, par quelques royalistes qui le poursuivoient ; les recherches en devinrent plus ardentes, & l'infortuné Monmouth fut enfin découvert au fond d'un fossé, couvert de fange, le corps épuisé de fatigue & de faim, l'esprit abattu par l'image présente de ses malheurs, & par celle du sort qui le menaçoit : la nature humaine n'a point de ressource contre une si terrible situation ; bien moins dans un homme amolli par une continuelle prospérité, qui s'est cru sur-tout distingué par la valeur militaire. Monmouth ne put retenir ses larmes lorsqu'il se vit entre les mains de ses ennemis ; il parut enfin s'abandonner à l'amour, & même à l'espérance de la vie.

Quoique la grandeur de ses offenses, & le caractere de Jacques, dussent lui faire comprendre qu'il ne falloit compter sur aucune grace, il lui écrivit dans les termes les plus humbles, & le conjura d'épargner le sang d'un frere qui n'auroit à l'avenir que du zele pour ses intérêts. Le roi lui voyant tant de foiblesse & d'abattement, se le fit amener, & se flatta de lui arracher l'aveu de tous ses complices ; mais quelque passion que Monmouth eût pour la vie, il ne voulut point l'acheter par un infâme oubli de l'honneur. En reconnoissant l'inutilité de ses efforts, il reprit courage de son désespoir, & ne pensa qu'à se disposer à la mort, avec des sentimens plus dignes de son caractere & de son rang.

Ce favori du peuple Anglois fut accompagné sur l'échafaud d'une abondante & sincere effusion de larmes ; il pria l'exécuteur de ne pas le traiter comme Russel, pour lequel il avoit eu besoin d'un coup redoublé ; mais cette précaution ne servit qu'à l'effrayer ; il frappa Monmouth d'un coup foible, qui lui laissa la force de se relever, & de le regarder au visage, comme pour lui reprocher son erreur ; il replaça doucement sa tête sur le bloc, & l'exécuteur lui donna deux autres coups qui n'eurent pas plus d'effet ; à la fin il jetta sa hache, en criant qu'il étoit incapable d'achever le sanglant office ; les schérifs l'obligerent de la reprendre, & deux autres coups séparerent la tête du corps.

Telle fut, en 1685, à l'âge de trente-six ans, la fin d'un seigneur que ses belles qualités, dans un tems moins tumultueux, auroient pu rendre l'ornement de la cour, & capable même de servir sa patrie ; je dis sa patrie, car Rotterdam n'étoit que son lieu natal, & même par un pur effet du hazard. (D.J.)


ROTEURS. m. (Jurisprud.) Rothorium, c'est le lieu où l'on fait rouir le chanvre ; comme le chanvre corrompt l'eau, plusieurs coutumes & ordonnances ont défendu de faire des roteurs en eau courante. Voyez la coutume de Normandie, article 29. recueil sur les statuts de Bresse, l'ordonnance de 1669. & ci-devant le mot ROISE. (A)


ROTHER(Géog. mod.) riviere d'Angleterre. Elle a sa source dans le comté de Sussex, & se partage en deux bras qui se perdent dans le Rye-Haven. (D.J.)


ROTHESS(Géog. mod.) ville d'Ecosse, dans la province de Murray, sur une petite riviere qui se rend dans la Spey, à 92 milles au couchant d'Edimbourg. Long. 11. 26. lat. 56. 10. (D.J.)


ROTIS. m. Voyez ROT.

ROTI, participe du verbe rotir. Voyez ROTIR.


ROTIES. f. (Architect.) exhaussement sur un mur de cloture mitoyen, de la demi-épaisseur de ce mur, c'est-à-dire d'environ neuf pouces, avec de petits contreforts d'espace en espace, qui portent sur le reste du mur. Cet exhaussement sert pour se couvrir de la vue d'un voisin, ou pour palisser les branches d'un espalier de belle venue & en belle exposition ; il ne doit pas excéder dix piés sous le chaperon, y compris la hauteur du mur, suivant la coutume de Paris, à moins de payer les charges. Dict. d'architect. (D.J.)

ROTIE, s. f. (Cuisine) tranche de pain coupée menue, sur laquelle on étend du beurre, des confitures, &c. Si la rotie doit être trempée dans le vin, il faut que le pain soit gratté. On donne encore le nom de rotie à des tranches de pain grillées, sur lesquelles on a étendu & fait cuire des viandes seches & assaisonnées d'épices.


ROTIERS. m. (Artisan peigner) les rotiers sont des artisans qui fabriquent les rots ou peignes, pour servir aux métiers des ouvriers qui travaillent avec la navette. Trévoux. (D.J.)


ROTINS. m. (Commerce) sorte de roseau qu'on apporte des Indes orientales, dont on fait, en les fendant par morceaux, ces meubles de cannes qui sont d'un si grand usage & d'un si grand commerce en Angleterre & en Hollande ; on en fait aussi des cannes à marcher ou à la main, en les garnissant de poignées. Savari. (D.J.)

ROTIN, s. m. (terme de relation) on appelle rotin aux îles Antilles, ceux des roseaux ou cannes à sucre qui ne s'élevent pas bien haut, soit à cause de la mauvaise terre où ils sont plantés, soit par trop de sécheresse, soit pour avoir été mal cultivés, ou enfin pour être trop vieux. Labat. (D.J.)


ROTINGou ROTINGEN, (Géog. mod.) petite ville & seigneurie d'Allemagne, dans la Franconie, sur le Tauber. Elle appartient à l'évêque de Wurtzbourg.


ROTIRv. act. (Gram.) cuire en exposant au feu. On rotit la viande à la broche ; on rotit des marrons dans une poële, ou sous la cendre ; on rotit la mine.

ROTIR, en terme de Tabletier-Cornetier ; c'est l'action d'échauffer les morceaux de corne sur une espece de gril pour les rendre susceptibles des façons qu'il faut leur donner.


ROTISSEURS. m. (Corporation) c'est celui qui fait rotir la viande. Il ne se dit guere présentement que du marchand qui habille, larde, & pique les viandes de lait, le gibier, & la volaille, pour les vendre en blanc, c'est-à-dire crues, ou pour les débiter cuites après les avoir fait rotir à leurs âtres ou cheminées.

La communauté des maîtres Rotisseurs de Paris, n'est pas une des moins anciennes de cette ville ; & l'on en peut juger au style de leurs premiers statuts. Ces statuts portent pour titre : ordonnances du métier des oyers & maîtres Rotisseurs ; & cette qualité d'oyers, qui signifie vendeurs d'oyes, sert à appuyer l'opinion que quelques auteurs ont du goût que les anciens habitans de Paris avoient pour cette sorte de viande, qui a donné le nom à la rue aux houës ou aux oyes, dans laquelle anciennement demeuroient la plus grande partie des rotisseurs ou oyeurs, & où il y en a encore quantité de boutiques. Savary. (D.J.)


ROTISSOIRES. f. (Gramm. & Cuis.) machine qu'on peut comparer par sa forme à une garderobe faite de tôle ou de plaques de fer battues devant, derriere, en-haut & en-bas, où l'on peut faire rôtir une grande quantité de viandes à-la-fois. La rotissoire est propre aux communautés, hôpitaux, grandes maisons, & autres endroits, où elle devient un meuble d'économie.


ROTOLOou ROTOLI, s. m. (Poids) poids dont on se sert en Sicile, en quelques lieux d'Italie, à Goa, en Portugal, & dans plusieurs échelles du Levant, & particulierement au Caire, & dans les villes maritimes de l'Egypte. Quoique rotolo ait le même nom dans tous ces endroits, il y est néanmoins bien différent par sa pesanteur ; par exemple, le rotolo de Sicile pese une livre & demie de Paris ; le rotolo portugais est égal à treize onces un gros de Paris ; au Caire cent dix rotoli font cent huit livres de Marseille. Savary. (D.J.)


ROTONDES. f. (Architect.) bâtiment rond par dedans & par le dehors, soit une église, un sallon, un vestibule, &c. La plus fameuse rotonde de l'antiquité est le panthéon de Rome, dont Desgodets, dans ses édifices antiques, Palladio, Serlio, & Blondel, dans leur architecture, ont donné la description. Voyez ROTONDE, Archit. rom.

La chapelle de l'Escurial, qui est la sépulture des rois d'Espagne, est appellée à l'imitation de ce bâtiment le panthéon, parce qu'elle est bâtie en rotonde ; la chapelle des Valois à saint Denis, étoit encore une rotonde, de même que l'église de l'Assomption à Paris. (D.J.)

ROTONDE LA, (Archit. rom.) nom moderne de l'ancien panthéon bâti sous Auguste, par Agrippa son gendre, à l'honneur de tous les dieux ; Boniface IV. en fit une église, qu'il consacra à la sainte Vierge, & à tous les martyrs.

C'est un bâtiment qui a autant de largeur que de profondeur : il porte 158 piés en tout sens ; il est sans fenêtres & sans piliers, & il ne reçoit de jour que par une ouverture pratiquée au milieu de la voûte ; cependant il est fort éclairé. On monte au toît par un escalier de 150 marches ; & de-là jusqu'au faîte, il y a encore 40 marches. Voici la description qu'en fait Palladio, & qu'il a accompagnée de plusieurs plans qu'on trouve dans son quatrieme livre.

De tous les temples qu'on voit à Rome, dit-il, il n'y en a point de plus célebre que le panthéon, communément nommé la rotonde, ni qui soit resté plus entier, puisqu'il est encore aujourd'hui, au-moins quant à la carcasse, presque au même état où il a toujours été ; mais on l'a dépouillé de la plûpart de ses ornemens, & par conséquent des excellentes statues dont il étoit rempli.

Sa rondeur est tellement compassée, que la hauteur depuis le pavé jusqu'à l'ouverture qui lui donne le jour, est égale à sa hauteur prise diamétralement d'un côté du mur à l'autre. Quoiqu'à présent on descende par quelques marches dans ce temple, cependant il est vraisemblable qu'on y montoit par quelques degrés.

Tout ce temple est d'ordre corinthien, tant par-dehors que par-dedans ; la base des colonnes est composée de l'attique & de l'ionique ; les chapiteaux sont de feuilles d'olive ; les architraves, frise, & corniches, ont de très-belles moulures, & peu chargées d'ornemens. Dans l'épaisseur du gros mur qui fait l'enceinte du temple, il y a de certains espaces vuides pratiqués exprès tant pour épargner la dépense, que pour diminuer le choc des tremblemens de terre.

Ce temple a en face un très-beau portique, dans la frise duquel on lit les mots suivans :

M. Agrippa L. F. Cos. Tertium fecit.

Au-dessus de l'architrave, on lit une autre inscription en plus petits caracteres, qui fait connoître que les empereurs Septime-Severe, & Marc-Aurele, réparerent les ruines de ce temple.

Le dedans du temple est divisé en sept chapelles avec des niches pratiquées dans l'épaisseur du mur, & qui, selon les apparences, contenoient autant de statues. Plusieurs croient que la chapelle du milieu, qui est vis-à-vis l'entrée du temple, n'est pas antique, parce que son fronton entrecoupe quelques colonnes du second ordre ; ils ajoutent pour appuyer leurs sentimens, que sous le pontificat de Boniface, qui dédia ce temple au culte du vrai Dieu, il fut orné conformément à l'usage des Chrétiens, qui ont toujours un autel principal dans l'endroit le plus apparent de leurs églises. Néanmoins considérant la grande maniere de cet autel, l'harmonie que ses parties font avec le reste de l'édifice, l'excellent travail de tous les membres qui le composent, Palladio ne doute point qu'il ne soit aussi ancien que tout le reste. Cette chapelle a deux colonnes, une de chaque côté, qui sont hors d'oeuvre, & ont une cannelure toute particuliere ; car l'espace qui sépare chaque cannelure, est enrichi de petits tondins fort proprement travaillés.

Les escaliers qui sont aux deux côtés de l'entrée, conduisent sur les chapelles par des petits corridors secrets, qui regnent tout-autour du toît, & montent jusqu'au sommet de l'édifice. Palladio. (D.J.)

ROTONDE, (Hist. des Modes) c'étoit un collet empesé que les hommes portoient en France dans le dernier siecle, & qui étoit monté sur du carton pour le tenir en état. (D.J.)


ROTONDITÉS. f. en Physique ; il se dit quelquefois au lieu de sphéricité ou rondeur. Voyez SPHERICITE.


ROTS & VENTSS. m. pl. (Médecine) vapeurs qui s'élevent de l'estomac, & qui se rendent avec bruit par la bouche.

La cause des rots est une matiere élastique que la chaleur, l'effervescence, ou la fermentation dilate, qui est retenue un moment, & qui le moment suivant, les obstacles qui s'opposoient à sa sortie venant à cesser, est sortie avec bruit.

L'air, les sels de différente nature, les fruits, les humeurs putrescentes, les végétaux fermentans, fournissent aux rots & aux vents une matiere dont l'impétuosité & la puanteur varient suivant leur qualité.

Cependant toutes ces choses sortent sans aucun effort, quand elles trouvent les passages libres & ouverts ; ainsi l'oesophage & les orifices du ventricule, sont par leur contraction spasmodique & leur relâchement alternatif, les causes de ces symptomes.

C'est cette matiere expulsée qui donne origine aux pets, aux vents, aux borborigmes.

Si ces deux causes, savoir la production des vents & leur resserrement occasionné par les spasmes concourent ensemble, agissent avec force, & durent long-tems ; alors la matiere élastique, qui se raréfie par la chaleur, par le mouvement, & par sa propre vertu, venant à être resserrée dans une cavité que la convulsion de ses fibres retrécit, dilate, distend avec douleur les membranes qui la gênent, & compriment les lieux voisins, d'où naissent des anxiétés & des douleurs insupportables, qui disparoissent dès que les vents sont sortis ; si la fievre se joint à ces maux, elle cause des douleurs inexprimables.

Le traitement consiste, 1°. à dissiper la matiere par des délayans, les boissons aqueuses, chaudes, un peu aromatiques, par des remedes, qui, en dissipant l'équilibre des sels, font dominer celui qui convient, qui corrige la putréfraction & appaise la fermentation. 2°. A modérer le cours tumultueux des esprits, & appaiser les convulsions par des remedes convenables ; tels sont l'opium & les anti-hystériques. 3°. A user de fomentations, d'épithemes chauds, émolliens, anodins & un peu aromatiques, de ventouses appliquées à l'abdomen sans scarification, les lavemens émolliens, purgatifs, légerement irritans.

Le moyen de prévenir ces maladies, c'est de s'abstenir des alimens venteux ou flatueux, tels que les fruits cruds, les légumes, comme les pois, les haricots, les choux, & autres alimens qui contiennent une grande quantité d'air.

ROT, s. m. (Cuisine) viande rôtie à la broche ; l'on distingue deux sortes de rôts, le gros rôt, & le petit ou menu rôt. Le gros rôt est la grosse viande rôtie, comme aloyau, quartiers de veau & de mouton, &c. Le menu rôt est la volaille, le gibier, enfin ce qu'on appelle les petits piés.

ROT, s. m. (Tisseranderie) c'est le nom du chassis des Tisserands, par les ouvertures duquel passent les fils de la chaîne d'une étoffe ; les rots s'appellent autrement peignes, lames, &c. Savary. (D.J.)

ROT, (Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans la Franconie, au marcgraviat d'Anspach, sur une petite riviere de même nom, & à 5 milles de Nuremberg. (D.J.)


ROTTA(Géog. mod.) Roja, selon M. Delisle, riviere d'Italie, dans le Piémont, au comté de Nice ; elle a sa source dans les montagnes du comté de Tende ; mouille la ville de ce nom, traverse la partie orientale du comté de Nice, & se jette dans la mer de Gènes, à Vintimiglia : cette riviere est la Rituba des anciens. (D.J.)


ROTTES. f. (Poids du Levant) ce poids d'usage au Levant, est plus ou moins fort, suivant les lieux où l'on s'en sert. Les cent rottes de Constantinople & de Smyrne, font cent quatorze livres de Paris, d'Amsterdam, de Strasbourg, & de Besançon, les poids de ces quatre villes étant égaux. Savary. (D.J.)


ROTULES. f. en Anatomie, est un os qui couvre la partie antérieure de la jointure du genou.

La rotule est arrondie en-dehors, à-peu-près de la figure d'un écu, couverte d'un cartilage uni, & d'environ deux pouces de diametre ; les tendons des muscles qui servent à étendre la jambe, glissent dessus comme sur une poulie.

Mais son usage le plus immédiat est d'empêcher la jambe de ployer en-avant en s'étendant : & c'est un cas qui arriveroit nécessairement dans cette articulation, si cet os comme un appui ne tenoit la jambe en respect quand elle roule en-avant ; de même que l'olécrane empêche le coude de ployer en-arriere. Voyez OLECRANE.

Dans la posture droite quand un pié est étendu enavant, tout le poids du corps porte sur la rotule, qui dans cette situation, empêche le genou de se renverser en-arriere, & de trop tendre les muscles qui l'arrêtent derriere. C'est de-là que le lutteur de Galien, qui avoit la rotule disloquée, avoit tant de peine à descendre la montagne.

Un célebre anatomiste considere la rotule par rapport au tibia, comme l'olécrane par rapport au cubitus ; il pense que ces deux éminences ont les mêmes usages à l'égard des muscles extenseurs de l'avant-bras, & de ceux de la jambe, c'est-à-dire, qu'elles en augmentent la force, & les garantissent de la compression à laquelle ils eussent été exposés, sans leurs secours : on doit ajoûter que l'olécrane sert encore à affermir l'articulation du cubitus avec l'humerus ; car personne n'ignore que ce ne soit cette éminence du cubitus qui empêche l'avant-bras de se plier en-arriere ; au lieu que la jambe n'est empêchée de se plier en-devant, que par la situation particuliere de ses ligamens latéraux ; c'est aussi pour ces usages différens que l'olécrane ne fait qu'une seule & même piece avec l'os du coude, & que la rotule au contraire se trouve détachée du tibia, ou du-moins qu'elle ne lui est jointe que par un ligament flexible, qui n'apporte aucun obstacle aux mouvemens demi-circulaires que la jambe fait étant demi-fléchie, desquels mouvemens elle auroit été incapable si la rotule & le tibia n'avoient fait ensemble qu'une seule & même piece. (D.J.)

ROTULE, fracture de la rotule, maladie de chirurgie assez fréquente, & sur laquelle on n'a que depuis peu de tems des notions précises. Quoique la rotule soit exposée, comme tous les autres os du corps, à être fracturée par des causes violentes extérieures, comme coups, chûtes, il est beaucoup plus ordinaire de voir la fracture transversale de la rotule causée par le simple effort des muscles extenseurs de la jambe, comme on le remarque dans la rupture du tendon d'Achille. Voyez RUPTURE.

Le diagnostic de la fracture de la rotule n'est pas difficile : la partie inférieure retenue par le ligament qui s'attache à la tubérosité du tibia reste en place, & l'action des muscles extenseurs tire vers le haut la partie supérieure de la rotule qu'on trouve écartée de l'autre portion de trois à quatre travers de doigt. Souvent une grosse tumeur du volume du poing, par espece de bouffissure sous les tégumens, rend la partie fort difforme au premier coup d'oeil.

Le pronostic que les anciens portoient de cette fracture étoit fâcheux. Selon Ambroise Paré, personne n'en guérissoit sans claudication. Cela n'est pas étonnant : on prenoit des mesures fort peu justes pour obtenir la consolidation des pieces divisées ; de-là il résultoit que la rotule demeuroit en deux pieces, en sorte que le genou restoit foible. Les blessés marchent bien en plat chemin ; mais pour monter ils sont contraints de porter la jambe qui fléchit & se tend librement la premiere, & de tirer l'autre ensuite : c'est le contraire en descendant. On en trouve la raison dans le défaut de fermeté du genou rompu dans la rotule.

Cet os est comme enchâssé dans la capsule tendino-aponevrotique des extenseurs de la jambe. Il ne se fait point de cal ; les pieces se réunissent par une espece de coine cartilagineuse ; si l'on manque de bien rapprocher les pieces d'os dans le commencement, & de les maintenir bien exactement réunies, la consolidation est lâche, & l'on sent les pieces vaciller toute la vie. J'en ai vu plusieurs exemples. Mais avec des soins bien suivis, on obtient une consolidation parfaitement solide. On a imaginé plusieurs bandages méchaniques pour contenir cette fracture, & ils m'ont tous paru mériter moins de préférence qu'un bandage méthodiquement fait. J'en parle avec connoissance de cause, ayant eu un assez grand nombre de ces fractures tant à l'hôpital de la Charité qu'en ville. Le point essentiel est d'empêcher l'action des muscles qui tendent à retirer la piece supérieure. Un bandage roulé qui assujettit les muscles par des circulaires bien faits depuis la partie moyenne supérieure de la cuisse jusqu'à la rotule, ne peut être suppléé par aucune autre invention. Les derniers tours de cette bande couvrent une compresse échancrée en arc, & posée audessus de la rotule qu'on loge dans cette échancrure ; un aide tire les chefs en-bas le long des parties latérales de la jambe. On recouvre la rotule elle - même de tours de bande. Tous les bandages à jours sont défectueux & donnent lieu au gonflement du tissu cellulaire à l'endroit qui n'est pas comprimé mollement comme le reste. Une grande gouttiere de cuir de vache, ou de carton fort, garnie de compresses, & qui sert comme de cuirasse à la partie postérieure du genou s'étendant à six ou huit travers de doigt sur la cuisse, & à pareille longueur sur la jambe, permet l'application d'une bande plus serrée, dont toute l'action est à la partie antérieure & inférieure de la cuisse & sur la rotule. Cette gouttiere empêche la flexion de la jambe, & encaisse, pour ainsi dire, le genou. Cet appareil très-simple m'a toujours bien réussi, & les malades qui l'ont porté deux mois ou deux mois & demi, ont été mis en liberté avec la rotule bien solidement remise. Je donnerai sur cet accident un mémoire détaillé dans la suite des memoires de l'académie royale de Chirurgie. (Y)

ROTULE, s. f. (Pharmacie) les rotules sont des tablettes plates & rondes, composées d'une matiere plus fine ou plus soluble que celle des tablettes ordinaires, & qui a aussi le sucre pour excipient ; desorte qu'il y a une très-petite différence entre la rotule & la tablette. Voyez TABLETTE, Pharmacie.

Les rotules ont toujours pour excipient du sucre très-blanc, ou quelque matiere glutineuse. On demande en conséquence que les rotules soient solides & demi-transparentes. Par conséquent tout ce qui ne peut pas se délayer assez subtilement & assez également, comme les conserves, les candis, les poudres grossieres, les noyaux de fruits & autres semblables, ainsi que tout ce qui se grumelle, ne trouve guere ici sa place.

Quelquefois on ne se sert ici ni de sec ni d'épais ; on incorpore seulement avec le sucre des sucs liquides gracieux, & sur-tout acides, comme celui de groseilles, de baies d'épine-vinette, de citron : on a par-là des rotules très-agréables. Ceux qui veulent en faire avec des eaux distillées perdent leur peine.

D'autres incorporent des huiles aromatiques seules, ou des essences épaisses avec le sucre dissous dans l'eau & cuit ; cela ne se fait pas cependant sans que le remede perde de sa vertu.

Pour abréger, on peut, si le but le permet, ordonner d'enduire les rotules officinales d'une huile convenable & d'une essence. On emploie ce même moyen pour les rotules magistrales, quand on craint que les volatils mêlés avec la masse encore chaude ne se dissipent.

La masse de la rotule est plus petite que celle de la tablette. Ordinairement elle équivaut à scrup. j. ou demi-dragme ; elle ne se détermine guere non plus ni par les poids, ni par les mesures.

La dose se détermine par le nombre j. ij. iij. &c. ou par le poids qui varie suivant l'efficacité de la proportion des ingrédiens.

La proportion des ingrédiens est la même que dans les tablettes, à peu d'exceptions près ; par exemple on y met une plus grande quantité de sucre à l'égard des excipiendes ; ainsi pour faire des rotules avec des sucs acides, qui sont très-agréables dans les maladies aiguës, on emploie six ou huit fois autant de sucre ; sur dragme j. ou dragme j d'essence, on met ij onces de sucre ; on en met aussi tout autant sur xx gouttes d'huiles aromatiques.

La souscription est la même que dans les tablettes, excepté le nom. On suppose que l'apothicaire est parfaitement au fait de la préparation. Il doit faire en sorte que par la chaleur il se fasse la moindre dissipation possible des parties volatiles. Il ne doit pas mêler les sucs acides, les essences, les huiles avec le sucre, qu'il ne soit bien cuit & prêt à se geler, ou même quand il est fondu, mais seulement quand il est bien chaud, parce que c'est un obstacle à la concrétion du sucre.

L'usage des rotules est à-peu-près le même que celui des tablettes. Il est donc inutile de nous y arrêter davantage. (D.J.)


ROTUNDUS(Littérat.) ce mot au figuré chez les Latins, est synonyme à celui de tornatus, ou de perfectus, parfait. Rotundus orator, un excellent orateur. Les Grecs ont dit, parler rondement, , pour dire parler agréablement, harmonieusement. Démétrius Phaléréus dit que la période oratoire demande une bouche ronde, ; & Plutarque a dit des mots ronds, pour signifier des termes choisis. Aristophane en parlant d'Euripide, dit : ego rotunditate ejus oris fruor, je jouis de la beauté de son langage. Enfin Horace a dit :

Graiis dedit ore rotundo

Musa loqui.

Les Grecs ont reçu en partage les graces du discours ; ces graces & cette perfection de langage appartenoient sur-tout aux Athéniens. (D.J.)


ROTURES. f. terme de Droit, est l'état ou condition de quiconque n'est pas compris dans la classe des nobles. Voyez NOBLE & NOBLESSE.

Ce mot vient de ruptura, qu'on a dit dans la basse latinité pour la culture de la terre. On a appellé de ce nom les personnes non-nobles, parce que c'étoient les personnes seulement qu'on employoit à la culture des campagnes. De-là les biens possédés par ces sortes de gens se sont aussi appellés rotures, ou bien de roture.

Généralement parlant, tout bien de roture est dans la censive d'un seigneur, du-moins y a-t-il bien peu d'exemples de francs-aleus roturiers.

Toute terre tenue en roture paie un cens ; c'est la marque caractéristique de cette sorte de tenure : aussi le cens ne se peut-il pas prescrire, mais seulement sa quotité ; & comme pour les ventes de fiefs il est dû des quints & requints, il est dû des lods & ventes pour les ventes de roture. Voyez CENS & LODS.

Dans la plûpart des coutumes l'ainé n'a point de préciput sur les biens de roture. Voyez AINE & PRECIPUT.


ROTURIERautre terme de Droit, dérivé du précédent, se dit tant des personnes qui vivent dans l'état de roture, que des biens qui sont tenus à titre de roture. Voyez ci-dessus ROTURE.


ROTURIERErente, (Jurisprud.) voyez ci-dessus RENTE roturiere.


ROTWEIL(Géog. Hist. mod.) ville libre & impériale d'Allemagne, sur le Necker, dans le comté de Baar en Souabe. Elle est fameuse en Allemagne par le tribunal qui y est établi, & qui décide, au nom de l'empereur, en dernier ressort les procès qui s'élevent dans les cercles de Souabe, d'Autriche, de Franconie & du Rhin. Ce tribunal est composé d'un président ou grand juge héréditaire, qui est actuellement le prince de Schwartzenberg, & de treize assesseurs.


ROTWYL(Géog. mod.) c'est la même ville d'Allemagne dont il est question dans l'article précédent. Elle est située dans la forêt noire, à huit lieues au sud-ouest de Tubingen, & à 10 au nord de Schaffhouse. Elle est libre, impériale, & alliée des cantons suisses depuis 1463. Ses habitans sont catholiques. Le maréchal de Guesbriant prit cette place en 1643. Long. 26. 11. lat. 48. 12.

Deux hommes célebres, l'un par une suite de traverses & d'infortunes, c'est Sébastien Sicler ; l'autre par son savoir, c'est Melchior Wolmar, sont nés à Rotwyl.

Sicler, après avoir éprouvé toutes les horreurs d'un cachot, au sujet d'un vol dont il n'étoit point coupable ; se fit hermite, & mourut dans sa retraite en 1695, âgé de 66 ans. Sa vie, imprimée à Lyon en 1698, in -12. est attendrissante ; mais comme elle n'a point de rapport aux sciences, c'est assez de l'indiquer ici.

Wolmar, né en 1497, prit à Bourges le degré de docteur en droit sous Alciat. Il enseigna la langue grecque à Calvin, qui lui en témoigna sa reconnoissance en lui dédiant son commentaire sur la seconde épître de S. Paul aux Corinthiens. Wolmar fut aussi précepteur de Beze. Il devint en 1535 professeur en droit à Tubingen, & mourut à Eisenac en 1561, âgé de 64 ans. Il a donné à Paris en 1523 de savans commentaires in -4°. sur les deux premiers livres de l'Iliade d'Homere. La préface qu'il a mise à la tête de sa grammaire grecque de Démétrius Chalcondile, est un chef-d'oeuvre en ce genre. (D.J.)


ROTZIG(Géog. mod.) ou Oroschick, ville dépendante du Turc, dans la Bulgarie, sur la rive droite du Danube, au levant de Widin. Long. 43. 27. lat. 44. 11.


ROUAGES. m. (Méchan.) ce sont dans une machine toutes les parties qui regardent les roues, les lanternes, les fuseaux, les pignons. Voyez ROUE, &c. (K)

ROUAGE, terme d'Horlogerie, assemblage de pignons & de roues disposées en telle sorte qu'elles peuvent agir les unes sur les autres.

Dans les montres & pendules qui sonnent ou répetent, les Horlogers distinguent l'assemblage des roues destinées pour la sonnerie d'avec celui qui sert à faire mouvoir les aiguilles ; ils appellent le premier rouage de sonnerie, & l'autre rouage du mouvement.

Ce qu'on exige principalement d'un rouage, c'est 1°. que les engrenages se fassent autant qu'il est possible au milieu des tiges des pignons ou roues qui s'engrenent l'une dans l'autre. Voyez CALIBRE. 2°. Que ces engrenages se fassent d'une maniere uniforme. Voyez DENTS, ENGRENAGE. &c. 3°. Que les pignons ne soient point trop petits, de peur que les frottemens sur leurs pivots ne deviennent trop considérables. 4°. Que les roues ne soient point trop nombrées pour leur grandeur, afin que leurs dents ne deviennent point trop maigres, & puissent être facilement & bien travaillées. 5°. Que les dents des roues & les aîles des pignons soient bien polies, pour qu'elles puissent facilement glisser les unes sur les autres ; enfin que toutes les roues soient fort mobiles, afin que le rouage puisse être mis en mouvement par la plus petite force. A l'égard des nombres convenables pour les roues des différens rouages, voyez l'article CALCUL des nombres des roues & des pignons. Article de M. ROMILLY.

ROUAGE, (Jurisprud.) droit qui se paye en quelques lieux au seigneur pour la permission de transporter par charrois le vin ou blé que l'on a vendu. Voyez les coutumes de Mantes & de Senlis ; Chopin, sur le chap. viij. de la coutume d'Anjou à la fin, & le glossaire de M. de Lauriere.

ROUAGE, bois de, (Eaux & Forêts) on appelle bois de rouage tous les bois, & particulierement les bois d'orme, que les Charrons emploient à faire des roues de carrosses, chariots, charrettes, & autres telles voitures roulantes. Trévoux. (D.J.)


ROUANS. m. terme de Haras ; ce terme de haras & de commerce de chevaux, se dit de la couleur du poil des chevaux qui est mêlé de gris, de bai, d'alezan & de noir. Il y a plusieurs sortes de rouan, entr'autres rouan vineux, rouan cavesse, rouan de more, &c. Richelet. (D.J.)


ROUANES. f. instrument de Charpentier ; instrument qu'on pourroit en quelque sorte appeller compas, qui sert à marquer les bois ; il est de fer avec un petit manche de buis ; la partie qui est de fer, se partage en deux pointes, dont l'une, qui est un peu plus longue que l'autre, est pointue, & la plus courte est tranchante ; ensorte que la plus longue appuyant sur la piece qu'on veut marquer, on peut faire un ou plusieurs cercles ; de l'autre on tire des lignes autant qu'il est besoin pour la marque de l'ouvrier. Les Charpentiers se servent de la rouane ; les commis des aides & les Tonneliers se servent de la rouanette, qui est une rouane plus petite. Savary. (D.J.)


ROUANERv. act. (Gram.) c'est marquer avec la rouanette.

ROUANE, (Géog. mod.) on écrit aussi Roanne & Rohane ; ville de France, dans le bas-Forez, sur la Loire, qui commence ici à porter bateau, à 12 lieues au nord-ouest de Feurs, & à 84 de Paris. Rouane est ancienne ; car elle est marquée dans Ptolémée comme une des principales places des Ségusiens. Il l'appelle Rodumna, & on trouve encore ce mot dans la carte de Peutinger. Il y a dans cette ville une élection & un collége. Elle est capitale d'un pays appellé Rouannois. Long. 21. 45. latit. 36. 3. (D.J.)


ROUANETTES. f. (Charpenterie) petit outil de fer, avec lequel les Charpentiers marquent leur bois. Cet outil est rond, d'un pouce de diametre, long de sept à huit pouces, applati par un bout, qui se partage en deux dents forts pointues. On s'en sert comme d'une rouane pour tirer des lignes, ou pour tracer des ronds, suivant la marque dont on veut signer les bois. Dict. de comm. (D.J.)

ROUANETTE, instrument des Commis des aides ; petite rouane dont se servent les commis des aides pour marquer les pieces de vin pendant les visites qu'ils font dans les caves & celliers des marchands de vin & cabaretiers. Les tonneliers ont aussi une rouanette, pour marquer leurs ouvrages. Savary. (D.J.)


ROUANNOISLE ou ROUANEZ, (Géog. mod.) duché de France, dans le Lyonnois, au bas-Forès. Il est le seul qu'il y ait dans ce gouvernement. Il fut érigé en faveur de Claude Gouffier, en 1566, par lettres-patentes registrées au parlement l'année suivante. Il y a eu depuis de nouvelles lettres du duché en faveur de François d'Aubusson, & de Louis d'Aubusson, appellé duc de la Feuillade. (D.J.)


ROUANTen terme de Blason, se dit du paôn qui fait la roue en étendant sa queue. S. Paul de Ricault, d'azur au paon rouant d'or.


ROUBLES. m. (Monnoie) monnoie de compte dont on se sert en Moscovie pour tenir les livres, & y faire l'évaluation des paiemens dans le commerce. Le rouble vaut cent copecs ou deux rixdalers. Le czar Pierre a fait frapper de véritables roubles, qui valoient autrefois neuf schellings d'Angleterre. Savary. (D.J.)


ROUCHou RUCHE, s. f. terme de Marine, c'est la carcasse d'un vaisseau tel qu'il est sur le chantier sans mâture.


ROUCHEROLLEvoyez ROUSSEROLLE.


ROUCIN(Jurisprud.) en matiere de fief & de redevance, signifie ordinairement un cheval de somme.

ROUCIN DE SERVICE, est un cheval d'armes, c'est-à-dire, propre pour la guerre. Voyez les établissemens de S. Louis, les coutumes de Tours & de Lodunois. (A)


ROUCOUvoyez ROCOU.


ROUCY(Géog. mod.) ville de France, dans la Champagne, sur la riviere d'Aisne, élection de Laon, avec titre de comté. C'est l'un des anciens comtés-pairies de Champagne. L'origine des comtes de Roucy est rapportée différemment par M. l'abbé de Longuerue, dans sa description de la France ; & par M. Baugier, dans ses mémoires de Champagne ; mais la maison de Roucy seroit elle-même embarrassée de décider auquel des deux généalogistes elle doit donner la pomme. (D.J.)


ROUDBAR(Géog. mod.) vulgairement Roumar, ville de Perse, dans la province de Ghilan. Long. selon Tavernier, 75. 37. lat. 37. 21. (D.J.)


ROUDRA(Idolât. des Indiens) nom que les Indiens donnent à un des génies qu'ils croient chargés de régir le monde : il préside sur la région du feu, cet élement lui est soumis. Sa femme est appellée Parvadi ou Paratchatti, nom qui signifie toute-puissance, & qui semble indiquer que ce n'est qu'un attribut personnifié & attaché à Roudra. (D.J.)


ROUES. f. (Méch.) est une machine simple consistant en une piece ronde de bois, de métal, ou d'autre matiere qui tourne autour d'un aissieu ou axe. Voyez AISSIEU & AXE.

La roue est une des principales puissances employées dans la méchanique, & est d'usage dans la plûpart des machines ; en effet, les principales machines dont nous nous servons, comme horloges, moulins, &c. ne sont que des assemblages de roues. Voyez HORLOGE, MOULIN, &c.

La forme des roues est différente, suivant le mouvement qu'on veut leur donner, & l'usage qu'on en veut faire. On les distingue en roues simples & roues dentées.

La roue simple, ou la roue proprement dite, est celle dont la circonférence est uniforme, ainsi que celle de son aissieu ou arbre, & qui n'est point combinée avec d'autres roues. Telles sont les roues des voitures faites pour avoir un mouvement double ; l'un circulaire autour de l'axe, l'autre rectiligne pour aller en avant, quoique, à la vérité, ces deux mouvemens ne soient qu'apparens, puisqu'il est impossible qu'un corps puisse avoir à la fois deux directions. Voyez CHARIOT.

Le seul & unique mouvement qu'ait la roue, est un mouvement curviligne, composé du mouvement progressif & du mouvement circulaire ; ce qu'on peut voir aisément en fixant un crayon sur la roue, de maniere qu'il marque sa trace sur la muraille pendant que la roue tourne ; car la ligne qui se trouve tracée alors est une vraie courbe ; cette courbe s'appelle par les Géometres cycloïde, & elle est d'autant moins courte, que le crayon a été placé plus proche de l'axe. Voyez CYCLOÏDE.

Dans les roues simples, la hauteur doit toujours être proportionnée à la hauteur de l'animal qui la fait mouvoir. La regle qu'il faut suivre, c'est que la charge & l'axe de la roue soient de même hauteur que la puissance : car si l'axe étoit plus haut que la puissance qui tire, une partie de la charge porteroit sur elle, & si l'axe étoit plus bas, la puissance tireroit d'une maniere désavantageuse, & auroit besoin d'une plus grande force. Cependant Stevin, Wallis, &c. prétendent que pour tirer un fardeau sur un terrain inégal, il est plus avantageux de placer les traits des roues au-dessous de la poitrine du cheval.

La force des roues simples résulte de la différence entre le rayon de l'aissieu & celui de la roue. Cette force se mesure par cette regle. Le rayon de l'axe ou de l'aissieu est celui de la roue, comme la puissance au poids à soutenir.

Une roue qui tourne, doit être regardée le plus souvent comme un levier du second genre, qui se répete autant de fois qu'on peut imaginer de points à la circonférence. Car chacun de ces points est l'extrêmité d'un rayon appuyé d'une part sur le terrain, & dont l'autre bout, chargé de l'aissieu qui porte la voiture, est en même tems tiré par la puissance qui le mene ; de sorte que si le plan étoit parfaitement uni, & de niveau, si la circonférence des roues étoit bien ronde, & sans inégalités, s'il n'y avoit aucun frottement de l'axe aux moyeux, & si la direction de la puissance étoit toujours appliquée parallelement au plan, une petite force meneroit une charge très-pesante. Car la résistance qui vient de son poids, repose, pour ainsi dire, entierement sur le terrain par le rayon vertical de la roue, dont l'extrêmité est appuyée sur ce même terrain.

Mais de toutes les conditions que nous venons de supposer, & dont le concours seroit nécessaire pour produire un tel effet, à peine s'en rencontre-t-il quelqu'un dans l'usage ordinaire. Les roues des charrettes sont grossierement arrondies & garnies de gros cloux : les chemins sont inégaux par eux-mêmes, ou ils le deviennent par le poids de la voiture qui les enfonce ; ces inégalités, soit des roues, soit du terrain, font que la roue s'appuie sur le terrain par un rayon oblique à la direction de la puissance ou de la résistance ; desorte que la puissance est obligée de soutenir une partie du poids, comme si le poids étoit placé sur un plan incliné. D'ailleurs, il se fait toujours à l'endroit du moyeu un frottement très-considérable. Enfin les creux & les hauteurs qui se trouvent souvent sur les chemins changent aussi la direction de la puissance, & l'obligent à soutenir une partie du poids, c'est de quoi on peut s'assurer journellement. Car une charrette qui se meut assez facilement sur un terrain horisontal, a souvent besoin d'un plus grand nombre de chevaux pour être tirée sur un plan qui va tant soit peu en montant.

Mais s'il n'est pas possible de se mettre absolument au-dessus de toutes ces difficultés, on peut cependant les prévenir en partie en employant de grandes roues ; car, il est certain que les petites roues s'engagent plus que les grandes dans les inégalités du terrain ; de plus, comme la circonférence d'une grande roue mesure en roulant plus de chemin que celle d'une petite, elle tourne moins vîte, ou elle fait un moindre nombre de tours pour parcourir un espace donné, ce qui épargne une partie des frottemens. On entend par grandes roues celles qui ont cinq ou six piés de diametres ; dans cette grandeur, elles ont encore l'avantage d'avoir leur centre à-peu-près à la hauteur d'un trait de cheval, ce qui met son effort dans une direction perpendiculaire au rayon qui pose verticalement sur le terrain ; c'est-à-dire dans la direction la plus favorable, au moins dans les cas les plus ordinaires. Leçons de physique de M. l'abbé Nollet.

C'est la même regle, pour ces sortes de roues, que pour la machine appellée axis in peritrochio, c'est-à-dire tour ou treuil ; en effet, la roue simple n'est autre chose qu'une espece de treuil, dont l'aissieu ou axe est représenté par l'aissieu même de la roue, & dont le tambour ou peritrochium est représenté par la circonférence de la roue.

Les roues dentées sont celles dont les circonférences ou les aissieux sont partagées en dents, afin qu'elles puissent agir les unes sur les autres & se combiner.

L'usage de ces roues est visible dans les horloges, les tournebroches, &c. Voyez HORLOGE, MONTRE.

On donne le nom de pignon aux petites roues qui engrenent dans les grandes. On les appelle aussi quelquefois lanternes, & ces petites roues servent beaucoup à accélerer le mouvement, comme il n'est personne qui ne l'ait remarqué. Les roues dentées ne sont autre chose que des leviers du premier genre multipliés, & qui agissent les uns par les autres ; c'est pourquoi la théorie des leviers peut s'appliquer facilement aux roues, & on trouvera par ce moyen le rapport qui doit être entre la puissance & le poids pour être en équilibre. Voyez PIGNON, ENGRENAGE, DENT, CALCUL, &c.

La force de la roue dentée dépend du même principe que celle de la roue simple. Cette roue est, par rapport à l'autre, ce qu'un levier composé est à un levier simple. Voyez LEVIER, &c.

La théorie des roues dentées peut être renfermée dans la regle suivante. La raison de la puissance au poids, pour qu'il y ait équilibre, doit être composée de la raison du diametre du pignon de la derniere roue au diametre de la premiere roue, & de la raison du nombre de révolutions de la derniere roue au nombre des révolutions de la premiere, faites dans le même tems. Mais cette théorie demande une explication plus particuliere.

Le poids A est à la force appliquée en D, par le principe du levier, comme OCD à BC ; cette force est à la force en G, comme E G est à E F ; la force en G est à la force en K, comme HK est à HI. Donc le poids est à la force en K, comme CD x EG x HK est à BC x EF x HI, c'est-à-dire, de la raison du produit des rayons des roues au produit des rayons des pignons, ce qui revient à la proportion précédente ; mais cette derniere proportion est plus simple & plus aisée à saisir.

1°. En multipliant le poids par le produit des rayons des pignons, & en divisant le tout par le produit des rayons des roues, on aura la puissance qui doit soutenir ce poids. Supposons, par exemple, que le poids à soutenir A (Pl. de la Méchanique, fig. 63.), soit de 6000 livres ; BC de 6 pouces, CD de 34 pouces, E F de 5 pouces, E G de 35 pouces, HI de 4 pouces, H K de 27 pouces, le produit de B C par E F, par HI sera 120, & celui de CD, par EG, par IK de 32130. Multipliant donc 6000 par 120, & divisant le produit par 32130, on aura 22 1/3 pour la puissance capable de soutenir les 6000 livres, & une petite augmentation à cette puissance suffira pour enlever le poids.

2°. En multipliant la puissance par le produit des rayons des roues, & en divisant le produit total par le produit des rayons des pignons, le quotient sera le poids que la puissance peut soutenir. Ainsi, si dans l'exemple, c'eût été la puissance de 22 1/3 qui eût été donnée ; on auroit trouvé pour le poids qu'elle peut soutenir 6000 livres.

3°. Une puissance & un poids etant donnés, trouver le nombre des roues, & quel rapport il doit y avoir dans chaque roue entre le rayon du pignon & celui de la roue, pour que la puissance étant appliquée perpendiculairement à la circonférence de la derniere roue, le poids soit soutenu.

Divisez le poids par la puissance, resolvez le quotient dans les facteurs qui le produisent, & le nombre des facteurs sera celui des roues ; & les rayons des pignons devront être en même proportion à l'égard des rayons des roues, que l'unité à l'égard de ces différens facteurs. Supposons, par exemple, qu'on ait un poids de 300 livres, & une puissance de 60, il vient 500 au quotient, qui se résout dans les facteurs 4, 5, 5, 5. Il faut donc employer quatre roues, dans l'une desquelles le rayon du pignon soit à celui de la roue comme 1 à 4, & dans les autres comme 1 à 5.

4°. Lorsqu'une puissance meut un poids par le moyen de plusieurs roues, l'espace parcouru par le poids est à l'espace parcouru par la puissance, comme la puissance au poids. Et par conséquent plus la puissance sera grande, plus le poids aura de vîtesse ; & réciproquement.

5°. Les espaces parcourus par le poids & par la puissance, sont entr'eux dans la raison composée du nombre des révolutions de la roue la plus lente, au nombre des révolutions de la roue la plus promte, & de la circonférence du pignon de la roue la plus lente à la circonférence de la roue la plus promte. Et comme l'espace parcouru par le poids est toujours à l'espace parcouru par la puissance, dans la raison de la puissance au poids, il s'ensuit que la puissance est toujours au poids qu'elle peut soutenir, dans la même raison composée du nombre des révolutions de la roue la plus lente, au nombre des révolutions de la roue la plus promte, & de la circonférence du pignon de la roue la plus lente, à la circonférence de la roue la plus promte.

6°. La circonférence du pignon de la roue la plus lente, & la circonférence de la roue la plus promte, étant données, aussi-bien que la raison qui est entre les nombres des révolutions de la premiere de ces roues à l'autre, trouver l'espace que doit parcourir la puissance, afin que le poids parcoure un espace donné.

Multipliez la circonférence du pignon de la roue la plus lente par l'antécédent de la raison donnée, & la circonférence de la roue la plus promte par le conséquent de la même raison. Trouvez ensuite une quatrieme proportionnelle à ces deux produits & à l'espace qu'on veut faire décrire au poids, & vous aurez l'espace que doit parcourir la puissance. Supposons, par exemple, que la raison des révolutions de roue la plus lente à celle de la plus promte, soit celle de 2 à 7, que l'espace à faire parcourir au poids soit de 30 piés, le rapport de la circonférence du pignon de la roue la plus lente à la circonférence de la roue la plus promte étant supposé celui de 3 à 8, on aura avec ces conditions 280 piés pour l'espace que doit parcourir la puissance.

7°. La raison de la circonférence de la roue la plus promte à celle du pignon de la plus lente, la raison des révolutions de ces roues & le poids étant donnés, trouver la puissance.

Multipliez les antécédens de ces deux raisons l'un par l'autre, & faites de même des conséquens ; trouvez ensuite au produit des antécédens, à celui des conséquens, & au poids donné une quatrieme proportionnelle, & vous aurez la puissance cherchée. Que la raison des circonférences soit celle de 8 à 3, par exemple, la raison des révolutions celle de 7 à 2, & que le poids soit de 2000, on aura 214 2/7 pour la puissance. On trouveroit de la même maniere le poids, si c'étoit la puissance qui fût donnée.

8°. Les révolutions que doit faire la roue la plus promte, pendant que la plus lente en fait une, étant données, ainsi que l'espace dont il faut élever le poids, & que la circonférence de la roue la plus lente, trouver le tems qui sera employé à l'élévation de ce poids.

Trouvez premierement une quatrieme proportionnelle à la circonférence du pignon de la roue la plus lente, à l'espace que le poids doit parcourir, & au nombre des révolutions de la roue la plus promte, & vous aurez le nombre des révolutions que doit faire cette roue, pendant que le poids s'éleve de la quantité demandée. Trouvez ensuite par expérience le nombre des révolutions que fait la roue la plus promte dans une heure, & faites servir ce nombre de diviseur au quatrieme terme de la proportion dont on vient de parler, le quotient sera le tems employé à l'élévation du poids.

Au reste, il est bon de remarquer en finissant cet article, que quoique la multiplication des roues soit souvent fort utile dans la méchanique, soit pour aider le mouvement, soit pour l'accélérer, cependant cette même multiplication entraîne aussi d'un autre côté, une plus grande quantité de frottemens, & qui peut devenir si considérable, qu'elle égaleroit, ou même surpasseroit l'avantage que la multiplication des roues pourroit produire. C'est à quoi on ne fait pas souvent assez d'attention lorsqu'on veut construire une machine, & sur-tout si cette machine est un peu composée. Voyez MACHINE & FROTTEMENT. Voyez aussi ENGRENAGE, DENT, &c. Wolf & Chambers. (O)

ROUE D'ARISTOTE, est le nom d'un fameux problème de méchanique, sur le mouvement d'une roue autour de son aissieu. On appelle ainsi ce problème, parce qu'on croit qu'Aristote est le premier qui en ait parlé.

Voici en quoi la difficulté consiste. Un cercle qui tourne sur son centre, & qui se meut en même tems en ligne droite sur un plan, décrit sur ce plan une ligne droite, égale à sa circonférence, pendant le tems d'une révolution.

Maintenant si ce cercle que l'on peut appeller déférent, a au-dedans de lui un autre cercle plus petit, qui lui soit concentrique, qui n'ait de mouvement que celui qu'il reçoit du déférent, & qui soit, si l'on veut, le moyeu d'une roue de carrosse, ce petit cercle ou moyeu décrira pendant le tems d'une révolution, une ligne droite égale, non à sa circonférence, mais à celle de la roue : car le centre du moyeu fait autant de chemin en ligne droite, que le centre de la roue, puisque ces deux centres ne sont qu'un même point.

Le fait est certain, mais il paroît difficile à expliquer. Il est évident que tandis que la roue fait un tour entier, elle doit décrire sur le plan une ligne égale à sa circonférence. Mais comment peut-il se faire que le moyeu, qui tourne en même tems que la roue, décrive une ligne droite plus grande que sa circonférence ?

La solution d'Aristote ne contient qu'une bonne explication de la difficulté. Galilée qui a cherché à la résoudre, a eu recours à une infinité de vuides infiniment petits, qu'il suppose répandus dans la ligne droite que décrivent les deux cercles ; & il prétend que le petit cercle n'applique point sa circonférence à ces vuides, & qu'ainsi il ne décrit réellement qu'une ligne droite égale à sa circonférence, quoiqu'il paroisse en décrire une droite plus grande.

Mais il saute aux yeux que ces petits vuides sont tout-à-fait imaginaires. Et pourquoi le grand cercle y appliqueroit-il sa circonférence ? D'ailleurs la grandeur de ces vuides devroit être plus ou moins considérable selon le rapport des deux circonférences.

Le P. Tacquet prétend que le petit cercle fait sa révolution plus lentement que le grand, & décrit par ce moyen une ligne plus longue que sa circonférence, sans néanmoins appliquer aucun des points de sa circonférence à plus d'un point de la base. Mais cette hypothèse n'est pas plus recevable que la précédente.

M. Dortous de Mairan, aujourd'hui membre de l'académie royale des Sciences de Paris, & de plusieurs autres, a aussi cherché une solution du problème dont il s'agit, & l'a envoyée à l'académie des Sciences, en 1715. MM. de Louville & Saumon, ayant été nommés pour l'examiner, assurerent dans leur rapport qu'elle satisfaisoit pleinement à la difficulté : voici en quoi cette solution consiste.

La roue d'un carrosse est simplement tirée ou poussée en ligne droite. Son mouvement circulaire ne vient que de la résistance du plan sur lequel elle se meut. Or cette résistance est égale à la force avec laquelle la roue est tirée en ligne droite, puisqu'elle détruit le mouvement que doit avoir dans cette direction le point de la roue qui touche le plan. Les causes de ces deux mouvemens, l'un droit, l'autre circulaire, sont donc égales, & par conséquent aussi leurs effets, ou les mouvemens qu'elles produisent doivent être égaux. C'est pour cette raison que la roue décrit sur le plan une ligne droite égale à sa circonférence.

A l'égard du moyeu il n'en est pas de même. Il est tiré en ligne droite par la même force que la roue ; mais il ne tourne que parce que la roue tourne, il ne peut tourner qu'avec elle, & dans le même tems qu'elle. D'où il s'ensuit que le mouvement circulaire du moyeu est moindre que celui de la roue, dans le rapport des deux circonférences, & que par conséquent le mouvement circulaire du moyeu est moindre que son mouvement rectiligne.

Puis donc que le moyeu décrit nécessairement une ligne droite, égale à la circonférence de la roue, il s'ensuit selon M. de Mairan, qu'il ne peut la décrire qu'en glissant, ou par ce qu'on appelle mouvement de rasion. En effet, les point du moyeu ne peuvent s'appliquer aux points d'une ligne droite, plus grande que la circonférence du moyeu, sans glisser en partie sur cette ligne droite, & il est clair qu'ils doivent glisser plus ou moins, selon que le moyeu est plus petit ou plus grand. Voyez ROULEMENT & GLISSER. Hist. de l'acad. 1715.

On concevra aisément comment il se peut faire que les mouvemens circulaires & rectilignes soient inégaux, si au lieu de supposer que le cercle roule tandis qu'il avance, on suppose qu'il ne fasse que se mouvoir simplement en ligne droite sur un plan, & que durant ce tems un point mobile parcoure sa circonférence. Il est certain que ce point mobile est alors dans le même point que seroit un point de la circonférence, en supposant qu'elle roulât. Or la vîtesse de ce point mobile peut être ou égale, ou plus grande, ou plus petite que celle du cercle pour aller en avant. Si elle est égale, c'est le cas du roulement ordinaire, qui n'a aucune difficulté. Si elle est plus grande, c'est le cas dont nous parlons ici, où la ligne que décrit le centre du cercle, par son mouvement progressif, est plus grande que la circonférence décrite durant le même tems par le point mobile. Or comme on n'a aucune peine à concevoir que la vîtesse du point mobile soit moindre que celle du centre du cercle, on peut substituer cette idée à celle du mouvement de rasion, pour n'avoir plus aucune difficulté.

Si la vîtesse du point mobile étoit plus grande que celle du cercle, alors la ligne décrite par le cercle, seroit moindre que la circonférence ; & c'est ce qui arriveroit, par exemple, à la circonférence d'une roue, si on faisoit tourner le moyeu sur un plan.

On peut encore, pour résoudre la difficulté dont il s'agit, se servir d'un autre moyen. Imaginons un cercle qui tourne autour de son centre, tandis que ce centre est emporté en ligne droite, il est évident que le mouvement rectiligne du centre n'a rien de commun avec le mouvement de rotation du cercle, & que par conséquent, deux mouvemens peuvent être dans tel rapport qu'on voudra. Or une roue qui avance sur un plan, peut être imaginée comme un cercle qui tourne sur son centre, tandis que ce centre est emporté parallélement au plan sur lequel la roue se meut. Donc le premier de ces deux mouvemens n'est pas plus difficile à concevoir que l'autre. Voyez CYCLOÏDE. (O)

ROUE PERSANE ou PERSIQUE, dans l'Agriculture, c'est une machine propre à élever une quantité d'eau suffisante à l'inondation des terres limitrophes des rivieres, & dans les endroits où le courant de l'eau est trop bas, ou n'a pas assez de force pour le faire sans secours étranger. Voyez ROUE.

ROUE A FEU, (Artif.) c'est une roue préparée d'une façon particuliere, qui tourne fort vîte & vomit du feu.

ROUE, s. f. terme de Carrier, la roue des Carriers est un bâti de menu bois de charpente, qui a au-moins vingt-deux piés de circonférence. Le long du cercle qui forme cette roue est l'échelier, c'est-à-dire des chevilles ou échelons de bois de huit pouces de longueur, & d'un pouce & demi de grosseur, qui de pié en pié traversent le bord de la roue. C'est en montant d'échelon en échelon le long de l'échelier que les manoeuvres carriers donnent le mouvement à la roue, ou plutôt à l'arbre à l'un des bouts duquel la roue est attachée & élevée perpendiculairement sur l'horison. Les proportions les plus ordinaires de l'arbre sont de quatorze piés de longueur sur deux piés de diametre. (D.J.)

ROUE, grande ou petite, terme de Charron, c'est un cercle entier composé de plusieurs gentes, au milieu de ce cercle est un moyeu d'où partent plusieurs raies qui vont se joindre & s'enchâsser dans les gentes ; tout cela se proportionne à la grandeur des roues, Voyez les figures, Planches du Charron & les figures du Sellier.

ROUES de carrosse, de chariot, &c. on trouve dans les Transactions philosophiques quelques expériences sur l'avantage des grandes roues dans toutes sortes de voitures ; voici leurs résultats.

1°. Quatre roues de 5 2/3 pouces de haut, c'est-à-dire de moitié plus petites que celles qu'on emploie ordinairement dans les chariots, ont tiré un poids de 50 1/2 livres aver-du-poids sur un plan incliné, avec une puissance moindre de six onces que deux des mêmes roues employées avec deux plus petites, dont la hauteur n'étoit que de 4 1/3 de pouces de haut.

2°. Que toute voiture est tirée avec plus de facilité dans les chemins raboteux, lorsque les roues de devant sont aussi hautes que celles de derriere, & que le timon est placé sous l'aissieu.

3°. Qu'il en est de même dans les chemins d'une terre grasse ou dans ceux de sable.

4°. Que les grandes roues ne font pas des ornieres si profondes que les petites.

5°. Que les petites roues sont meilleures lorsqu'il s'agit de tourner dans un petit espace.

ROUE, s. f. (Machine de Charpenterie) grand assemblage de bois de charpente de figure cylindrique, qui est attachée au bout du treuil des grues & de quelques autres machines propres à élever de pesans fardeaux. Il y a de ces roues qui sont doubles, & au-dedans desquelles les ouvriers peuvent marcher pour leur donner le mouvement, telles sont celles des grues. D'autres sont simples, & n'ont que de fortes chevilles qui traversent leur bord extérieur de pié en pié en forme d'échelier, sur lesquelles un ou deux ouvriers mis à côté l'un de l'autre (l'échelier entre deux) montent pour les faire tourner. On se sert ordinairement de celles-ci pour les engins des carrieres de pierre. Savary. (D.J.)

ROUE, s. f. terme de Coutelier, la roue des Couteliers qu'un garçon tourne avec une manivelle de fer sert à donner le mouvement aux meules & aux polissoirs, sur lesquels se remoulent, s'adoucissent & se polissent les ouvrages tranchans & coupans de coutellerie ; comme les couteaux, rasoirs, lancettes, ciseaux, bistouris, &c. on en fait ailleurs la description. (D.J.)

ROUE DU MILIEU, chez les Fileurs d'or, est une roue de bois, pleine & plus grande que les autres de cette espece ; elle est placée à-peu-près au centre du rouet vis-à-vis la roue du moulinet, par qui elle est mue.

ROUE DU MOULINET, est une roue de bois en plein, la plus petite des roues du rouet des Fileurs d'or ; elle est placée au-dessous de la grande roue sur le derriere vis-à-vis la roue du milieu, qui n'ayant pas d'autre arbre que le sien, reçoit le mouvement d'elle. On l'appelle roue du moulinet, parce que c'est par elle que les moulinets sont mis en jeu. Voyez ROUE DU MILIEU & MOULINETS.

ROUE, s. f. (Manuf. de glaces) ce qu'on appelle de la sorte dans les manufactures des glaces, & dont on se sert pour adoucir celles du plus grand volume, ne tourne pas autour d'un aissieu, mais est posé horisontalement & attaché sur ce qu'on nomme la table. Elle est de bois, à rayons, forte & légere, environ de six piés de diametre. Savary. (D.J.)

ROUE dont se servent les Graveurs en pierres fines, est une roue de bois placée sous le tablier, dont l'usage est de faire mouvoir l'arbre du touret. Voyez les Planches & les figures de cet article. Cette roue doit être plombée, pour qu'elle conserve plus long-tems la vîtesse imprimée par la marche ou pédale, sur laquelle l'ouvrier appuie le pié alternativement. Voyez l'article GRAVURE.

ROUE dans l'Horlogerie signifie en général un cercle de métal qui a des dents à sa circonférence. Les Horlogers employent différentes sortes de roues, mais celles dont l'usage est le plus répété dans les montres & pendules sont composées d'un anneau c, voyez les figures & les Planches, des barettes b (voyez BARETTES), d'un centre ou petit cercle l, & enfin d'un arbre ou pignon sur lequel la roue fixée au moyen d'une assiette tourne parfaitement droit & rond, de façon que le tout ensemble se nomme toujours roue, comme roue de rencontre, de champ, &c. qui signifie cette roue & le pignon sur lequel elle est enarbrée.

Nom des roues dont les différentes horloges sont composées.

Roues du mouvement d'une montre. La premiere est la grande roue portée sur l'arbre de la fusée. Voyez MONTRE, FUSEE, & les figures. Dans cette figure la partie K représente une éminence, que les Horlogers appellent goutte ; elle sert à augmenter la longueur du trou de la roue ou son canon, & à fortifier cette partie, pour que de l'autre côté on puisse y faire une petite creusure pour noyer une goutte d'acier, dont on verra l'usage article FUSEE. La partie obscure o est une creusure continuée jusqu'au bord c ; c'est dans cette creusure que sont ajustées les pieces de l'encliquetage, & c'est sur son fond que porte le rochet de la fusée.

La seconde roue d'une montre simple est la grande roue moyenne, voyez les Pl. & les fig. qu'on nomme dans les pendules roue de longue tige ; elle a une tige t du côté de la platine des piliers qui sert à porter la chaussée e : comme, par la disposition du calibre, cette roue se trouve ordinairement au centre du cadran, on dispose toujours le nombre des roues, de façon qu'elle fasse un tour en 60 minutes ; c'est ce qui fait qu'on met l'aiguille des minutes sur la chaussée. Voyez CHAUSSEE, ROUAGE, CALIBRE, MONTRE, &c.

La petite roue moyenne est la troisieme roue, voyez les fig. suiv. elle est plate, & à-peu-près semblable à la précédente, si ce n'est qu'elle est un peu plus petite, & qu'elle est enarbrée sur un pignon de six ou de sept au moyen d'une petite assiette. Voyez ASSIETTE. Cette roue engrene dans le pignon de roue de champ.

La roue de champ, voyez les fig. se présente la premiere quand on ouvre une montre. Ses dents, au lieu d'être perpendiculaires à son axe, lui sont paralleles, & s'élevent perpendiculairement sur le plan de son cercle & de ses barettes. Cette forme est requise dans cette roue, afin qu'elle puisse engrener dans les pignons de la roue de rencontre, dont la tige perpendiculaire à celle du balancier est posée parallelement aux platines.

Roue de rencontre. Les dents de cette roue, la derniere d'un mouvement simple, sont toujours en nombre impair. Ce sont des especes de pointes renversées, posées parallelement à l'axe comme celles de la roue de champ ; elles engrenent dans les palettes, ainsi qu'il est expliqué à l'article ECHAPPEMENT. Voyez les Planches de l'Horlogerie, & leur explication. Le pivot de la roue de rencontre qui est voisin de cette roue roule dans un trou percé dans le nez de la potence, l'autre dans le bouchon de contre-potence. On étampe quelquefois ces deux dernieres roues, afin de rendre leur champ plus dur. Voyez la fig. 22.

Roues de la cadrature. Ce sont deux roues plates, savoir la roue de cadran de 40 dents, & celle des minutes de 36. Voyez les fig. & les Planches. La premiere est rivée sur un canon qui entre librement sans cependant avoir trop de jeu sur celui de la chaussée. Cette roue qui est retenue avec un jeu convenable entre le cadran & la platine des piliers porte l'aiguille des heures par l'extrêmité de son canon qui passe au-travers du cadran.

La roue des minutes, autre fig. autrement appellée roue de renvoi, est menée par le pignon de chaussée qui est de douze, elle porte un pignon de dix, qu'on nomme pignon de renvoi ; ce pignon mene la roue de cadran : il est percé à son centre, & tourne avec la roue qu'il porte sur une tige fixée perpendiculairement sur la platine des piliers sous le cadran, comme on le voit dans les fig.

Roue de vis sans fin, fig. suiv. est une roue qui engrene dans les pas de la vis sans fin, & qui entre à quarré sur l'arbre de barillet ; elle sert a bander le ressort au moyen de la vis sans fin.

Roue de rosette, figures suivantes, est la roue qui engrene dans le rateau, & qui sert à faire avancer ou retarder la montre.

Roues d'une répétition. On distingue dans une répétition le rouage du mouvement d'avec celui de la sonnerie ; les roues du premier & celles de la cadrature sont semblables à celles des montres simples, quant aux roues de sonnerie qui sont au nombre de cinq, si l'on en excepte la premiere, qu'on nomme grande roue de sonnerie, qui a un encliquetage, & est assez semblable à la grande roue du mouvement ; ce sont des roues plates montées sur des pignons de six ; elles vont en diminuant jusqu'à la derniere qui engrene dans le délai. Voyez l'article SONNERIE, où l'on explique l'usage de ces roues.

Roues du mouvement des pendules. Celles qui sont à ressort en ont ordinairement cinq, que l'on distingue de la maniere suivante, Planches suiv. de l'Horlogerie : 1°. le barillet R, 2°. la seconde roue S, 3°. la roue à longue tige T, 4°. la roue de champ V, & enfin la roue de rencontre X, qu'on appelle aussi quelquefois roue à couronne. Ces deux dernieres ne different qu'en grandeur de celles du même nom d'une montre. On vient de voir ce que c'est que la roue à longue tige, qui répond à la grande roue moyenne ; & quant au barillet, c'est un barillet ordinaire qui a des dents à sa circonférence. Dans les pendules à secondes où l'on n'emploie presque plus l'échappement à roue de rencontre, la derniere roue ou roue d'échappement s'appelle le rochet ; & la roue de champ qui par-là devient une roue ordinaire, s'appelle alors la troisieme roue, parce que ces pendules n'en ont que quatre, & la premiere s'appelle la grande roue. Voyez ROCHET. En général dans toutes sortes de pendules d'horloges, &c. la premiere roue du mouvement s'appelle la grande roue, & la derniere rochet ou roue de rencontre, selon qu'elle est plate ou formée en roue de rencontre. Il en est approchant de même dans les montres, quoiqu'ordinairement la derniere roue conserve le nom de roue de rencontre, quoiqu'elle ne soit pas faite de la même façon que celles à qui on donne communément ce nom.

Roues de sonnerie. Le nombre de ces roues n'est pas absolument fixe, il differe selon les sonneries ; dans les pendules, il est ordinairement de cinq, le barillet 2 W, la seconde roue P, la roue de chevilles O, la roue d'étoquiau M, la roue du volant N, il y a de plus le volant E : comme nous venons de dire, qu'il y a en général dans toutes les horloges une grande roue, une roue de rencontre ou un équivalent ; il y a de même aussi dans toutes les sonneries une grande roue, une roue de chevilles & une roue d'étoquiau. Dans les horloges, la grande roue est en même tems la roue de chevilles. On donne ce nom à cette roue, parce qu'elle porte des chevilles qui servent à lever les queues des marteaux ou des bascules. La roue d'étoquiau prend son nom d'un étoquiau qui est à sa circonférence, & qui sert à arrêter la sonnerie ; cette cheville, quand la sonnerie est en repos, s'appuyant sur la détente ; cette roue fait ordinairement un tour par coup de marteau. Voyez SONNERIE. Dans plusieurs sonneries elle ne fait qu'un demi-tour ; elle est alors garnie proche de sa circonférence d'une espece d'anneau coupé en deux par son milieu, & la détente après que l'heure a sonné s'engage dans les entailles de ces deux portions d'anneau. Cette maniere d'arrêter la sonnerie est plus sûre pour des horloges mal exécutées que par un étoquiau, comme nous l'avons dit plus haut. On appelle cette derniere roue roue de cercle. Voyez SONNERIE, HORLOGE, PENDULE, &c. Il y a encore la roue de compte, qui est la même chose que le chaperon. Voyez CHAPERON.

Outil à placer les roues de rencontre, instrument dont se servent les Horlogers. Voyez RAPPORTEUR.

Grande ROUE, nom que les Horlogers donnent en général à la premiere roue du mouvement de la sonnerie, &c. de toutes sortes d'horloges. Voyez ROUE.

Grande ROUE MOYENNE, nom que les Horlogers donnent à la seconde roue d'une montre. Voyez ROUE.

ROUE A TRAVAILLER ou MEULE, en terme de Lapidaire, est un disque de fer, de cuivre ou de plomb représenté, voyez les Pl. du Lapidaire. e est la roue vue par-dessus, c'est-à-dire, du côté sur lequel on taille ces pierres, qui est uni pour celles de fer & de cuivre, & taillé comme une lime pour celles de plomb. La fig. c représente la meule vue par-dessus, où l'on voit quatre trous dont l'usage est de recevoir les pointes de l'assiette de l'arbre, dont la partie supérieure entre dans le trou rond qui est au centre de la meule ou roue qui est retenue sur cet arbre au moyen d'une clavette qui le traverse. Voyez les Pl. de cet article & leur explication & MOULIN du lapidaire.

ROUE DE CHASSE I, parmi les Lapidaires est la principale roue de leur moulin qui donne le branle à celle sur laquelle ils travaillent les pierres, au moyen d'une corde sans fin. Cette roue est mûe par la manivelle H qu'on voit sur la table de ce moulin représenté Pl. du lapidaire. Voyez aussi une autre fig. qui représente les mêmes parties séparées du moulin : V la roue de châsse, X crapaudine & pivot inférieur de cette roue, V quarré de la manivelle, b b a corde sans fin qui après avoir passé dans la gravûre de la roue de châsse V, va passer sur la poulie de la meule Y, Z pivot & crapaudine inférieure de l'arbre de la meule, Z pivot supérieur qui entre dans une piece de bois N qui traverse le nez de la potence M N entre lesquels l'arbre de la meule Y tourne par le moyen de la corde sans fin b b a qui lui transmet le mouvement imprimé par la manivelle à la roue de châsse V.

ROUE A CHEVER est, parmi les Lapidaires, une roue plus petite que la roue ordinaire à travailler les pierres ; elle est le plus souvent de fer, de figure tant-soit-peu convexe, & se place au-dessus de la roue à travailler au même arbre qu'elle, & elle sert pour chever les pierres concaves. Voyez CHEVER.

Roue, en terme de Potier, c'est un instrument sur lequel on façonne les grosses pieces qu'on ne peut travailler au tour.

C'est une grande roue dont les rayons s'élevent de la circonférence jusqu'à une espece de moyeu ou billot tournant aisément sur son pivot, & dont la surface est fort unie. Cette roue est mise en mouvement par le potier avec un bâton. Voyez les Pl. & les fig.

ROUE, s. f. terme de Tourneurs. Les Tourneurs & les Potiers d'étain se servent d'une roue pour tourner sur le tour les ouvrages qui sont ou d'un trop grand volume ou d'un trop grand poids. Cette roue qui n'a guere moins de quatre piés de diametre, a tout-autour de sa circonférence extérieure une cannelure dans laquelle se met la corde : son axe ou aissieu qui est de fer porte de chaque bout dans les trous de deux jambages de bois élevés d'à-plomb sur des semelles aussi de bois ; pour fortifier ces jambages, il y a quatre liens à contre-fiches, deux à chacun ; chaque extrêmité de l'aissieu est quarrée pour y emboîter des manivelles. Lorsqu'on veut travailler, on passe la corde dont les deux bouts sont joints ensemble avec de la ficelle, sur la cannelure de la roue, & on lui fait aussi faire un tour sur la piece de bois, de pierre, d'étain, ou de telle autre matiere que ce soit, qu'on veut tourner, ou bien sur le mandrin auquel la piece est attachée ; alors un ou deux hommes, suivant l'ouvrage, tournant la roue avec les manivelles, font tourner la piece que le tourneur dégrossit, & à laquelle il donne telle figure sphérique qu'il juge à propos, avec divers outils de fer, qui sont propres aux ouvrages de tour. Savary. (D.J.)

ROUE, terme de Vitrier. Les Vitriers appellent les roues du tire-plomb, deux petits cylindres d'acier posés l'un dessus l'autre, qui servent à refendre les plombs des panneaux & vitrages. Trévoux. (D.J.)

ROUE-MANOEUVRES, (Marine) commandement de replier les manoeuvres.

ROUE, (Crit. sacr.) Cette piece de bois tournée en rond, & qui se meut sur un aissieu, se prend au propre & au figuré dans l'Ecriture. Comme les Hébreux fouloient quelquefois le grain avec la roue d'un chariot, Isaïe, dit xxiij. 27. " On ne fait point passer la roue du chariot sur le cumin " : c'est une allégorie pour signifier que Dieu ne traite pas si séverement les foibles que les forts. Quand le même prophete dit ailleurs, ch. v. 28. " Les roues de leurs chars sont rapides comme la tempête " : il désigne par cette similitude les Chaldéens qui devoient venir fondre sur la Judée. Roue est encore pris au figuré pour cours, révolution : " la langue enflamme tout le cours de notre vie, " rotam vitae nostrae, , Jacq. iij. 6 : c'est-à-dire, " la langue médisante n'est propre qu'à rendre notre vie malheureuse. Si vous parlez mal des autres, peut-être entendrez-vous parler plus mal de vous ". C'est un vers d'Hésiode, auquel revient celui-ci : " Le mal qu'on dit d'autrui, ne produit que du mal. " (D.J.)

ROUE, (Jurisprud.) est un supplice pour les criminels, dont l'usage est venu d'Allemagne. La peine de la roue s'exécute sur un échafaud dressé en place publique, ou après avoir attaché le condamné à deux morceaux de bois disposés en sautoir en forme de croix de Saint-André, l'éxecuteur de la haute-justice lui décharge plusieurs coups de barre de fer sur les bras, les cuisses, les jambes & la poitrine ; après quoi il le met sur une petite roue de carrosse, soutenue en l'air sur un poteau. Le criminel a les mains & les jambes derriere le dos, & la face tournée vers le ciel pour y expirer dans cet état.

Anciennement, & encore dans quelques pays, le criminel étoit attaché tout-d'un-coup sur une grande roue de charrette, où on lui cassoit les membres.

Quelquefois, pour adoucir la peine, les cours par un retentum qu'ils mettent au-bas de l'arrêt, ordonnent que le condamné sera étranglé dans le tems de l'éxecution.

Cette peine n'a lieu que pour des crimes atroces : tels que l'assassinat, le meurtre d'un maître par son domestique, le vol de grand chemin, le parricide, le viol.

Les femmes ne sont point condamnées à cette peine, par des raisons de décence & d'honnêteté publique, voyez le gloss. de M. de Lauriere, & les institutes au droit criminel de M. de Vouglans. (A)

ROUE, terme de Blason. Quand elle est représentée avec des rasoirs & fers tranchans, elle s'appelle roue de Sainte-Catherine. Menestrier. (D.J.)


ROUÉEadj. (Vénerie) se dit des têtes de cerf, de daim & de chevreuil, dont les poches sont peu ouvertes & serrées. On dit tête rouée.


ROUEN(Géog. mod.) ville de France, capitale de la Normandie, sur la rive droite de la Seine, à 20 lieues au sud-ouest d'Amiens, & à 28 au nord-ouest de Paris. Long. suivant Cassini, 18d. 36'. 30''. lat. 49d. 27'. 30''.

Cette ville fut nommée premierement Rothomagus, & ensuite Rothomum, & par corruption Rodomum. C'étoit la principale place des peuples Velocasses, desquels elle n'a pas pris le nom, comme plusieurs autres villes ont pris celui de leurs peuples. Quoiqu'on ne puisse nier que cette ville ne soit ancienne ; Jules-César, dans ses commentaires, & les autres écrivains romains n'en ont fait aucune mention avant Ptolémée. Il falloit cependant que cette ville fut considérable, puisque quand on divisa en deux la province lyonnoise, sous Constantin, on donna Rouen pour capitale à la nouvelle province lyonnoise.

On ne doute point que l'ancien nom de Rouen, Rothomagus, ne soit gaulois ; mais son origine est inconnue : les uns la tirent de l'idole Rotho qu'on adoroit dans ce lieu, & de magus ou magum, qui en langue celtique signifie ville : d'autres aiment mieux adopter l'étymologie du même mot magus, & des deux premieres syllabes de Rotobecum, qui est le nom latin de la petite riviere de Robec qui coule à Rouen.

Cette ville n'a d'autre enceinte qu'une muraille, avec des tours rondes à l'antique, & des bastions irréguliers. Ses rues y sont petites, étroites, & les maisons en général assez vilaines ; mais il y a des fontaines en nombre qui sont d'une grande commodité ; les dehors de la ville sont très-beaux, & les promenades, sur-tout celles du quai & du cours, sont agréables.

D'ailleurs Rouen est une des plus grandes villes, des plus riches & des plus peuplées du royaume. Elle renferme dans ses murailles plus de soixante mille ames. C'est le siége d'un illustre parlement, d'une chambre des comptes, d'une cour des aides, d'une intendance, d'un présidial, d'une généralité, d'un bailliage, & d'un hôtel de monnoies.

Le parlement de Rouen a été établi en la place de l'échiquier, qui sous les anciens ducs de Normandie, étoit comme un parlement ambulatoire, tant pour l'administration de la justice, que pour toutes les autres affaires qui regardoient le bien du pays. On l'assembloit tantôt à Rouen, tantôt à Caën, quelquefois à Falaise, ou en d'autres villes, selon les ordres du prince, sans qu'il y eut aucun lieu fixe. Louis XII. rendit cette cour perpétuelle en 1499, & François I. lui donna le nom de parlement en 1515.

La réinstitution de la chambre des comptes est dûe à Henri III. qui l'unit en 1580 à la cour des aides de Normandie. Elle a toute cette province dans son département. Cette chambre des comptes avoit déjà été créée en 1380, mais Henri II. l'avoit supprimée en 1553. La cour des aides de Normandie fut établie à Rouen par l'édit de 1483. Celle de Caën lui fut unie par l'édit de Janvier 1641 ; & la même cour des aides de Rouen fut unie à son tour à la chambre des comptes de la même ville en 1705.

Le bureau des finances de Rouen fut établi au mois de Janvier 1551. Cette généralité comprend quatorze élections ; il y a aussi dans la même ville un siége d'amirauté & un consulat.

Le commerce de Rouen est très-considérable, par le grand nombre de manufactures de draperie, & autres étoffes, de tapisseries, de mercerie, de toiles, de fils, de tanneries, &c. Le commerce est encore facilité par la position de cette ville, où la marée est si haute, que les vaisseaux de 200 tonneaux y peuvent aborder.

Le pont de Rouen est d'une structure singuliere, étant de bateaux joints ensemble, pavés par-dessus, se haussant & se baissant avec les flots de la mer. Il est cependant incommode par son grand entretien, & de plus, on est presque tous les ans obligé de le démonter, pour empêcher que les glaces n'en emportent une partie. Ce pont fut construit en l'an 1626. Il a deux cent soixante & dix pas de long, & donne passage dans le fauxbourg de saint Sévere. Le pont de pierre qu'il y avoit précédemment à Rouen n'existe plus ; ses arches tomberent en ruine en 1502, en 1533, & en 1564 ; on pourroit cependant le rebâtir dans les mêmes endroits, en lui donnant moins de hauteur & plus de largeur.

Le 25 de Juin de l'an 1633, Rouen éprouva la fureur d'un ouragan, accompagné de tonnerre, de grêle, & de pluie, qui firent des dégats terribles en divers endroits. La pyramide revêtue de plomb qui étoit sur la tour de l'église de saint Michel, fut arrachée au-dessus des cloches, & transportée par le vent au milieu de la rue où elle se brisa. Plusieurs tours & clochers furent ébranlés & endommagés par cette horrible tempête, qui ne dura pas un quart d'heure sur la ville, mais qui y causa un dommage qui montoit à plus de deux millions. Elle déracina dans la campagne les plus gros arbres, saccagea les grains, les légumes, les herbages, & les fruits.

L'archevêché de Rouen est un des plus beaux, des plus anciens, & des plus riches qui soient en France. Il vaut au-moins soixante & dix mille livres de rente ; son diocèse comprend 1388 paroisses distribuées sous six archidiaconés, vingt-sept doyennés ruraux, & le sous-doyenné de la ville. Nicaise est regardé pour le premier évêque de Rouen. On compte déjà douze archevêques de cette ville qui ont été cardinaux. Il se dit primat de Normandie, quoiqu'il n'ait aucun archevêque pour suffragant ; mais ce titre lui donne la prérogative de dépendre immédiatement du saint siége.

Le chapitre de l'église cathédrale est composé de dix dignités, & de cinquante - un chanoines, en comptant l'archevêque, qui en cette qualité préside & a voix en chapitre, outre que les dignités & canonicats, à l'exception du haut doyenné, sont à sa nomination.

Tous les évêques de la province sont obligés de prêter serment à l'église cathédrale de Rouen ; mais son droit le plus singulier, c'est de pouvoir délivrer un prisonnier le jour de l'Ascension, après que ce prisonnier a levé la fierte, c'est-à-dire la châsse de saint Romain. Voyez FIERTE.

Outre le chapitre de la cathédrale, il y en a encore deux dans la ville, & plusieurs abbayes, dont celle qui porte le nom de saint Ouen, & qui est de bénédictins réformés, jouit aujourd'hui de soixante mille livres de revenus ; on compte dans cette ville trente - cinq paroisses, & cinquante-six couvents : les jésuites y avoient aussi un college, fondé par le cardinal de Joyeuse.

On a établi depuis peu à Rouen une académie de Belles-Lettres, & c'est avec raison, car je crois qu'après Paris, c'est la ville du royaume qui a produit le plus d'hommes célebres dans les sciences & les beaux-arts. La liste en est nombreuse, mais je ne me propose que d'indiquer ici les principaux. Je commencerai pour suivre l'ordre alphabétique, par Mrs. Basnage.

Basnage (Jacques), calviniste, se retira en Hollande, lors de l'édit de Nantes, devint pasteur à la Haye, & comme dit M. de Voltaire, étoit plus propre à être ministre d'état que d'une paroisse. Les ouvrages qu'il a composés lui ont acquis une grande réputation dans toute l'Europe, sur-tout son histoire des Juifs, celle de l'Eglise depuis Jesus-Christ jusqu'à présent, & celle des Provinces-Unies, parce que ce sont des ouvrages d'une utilité générale.

Son traité de la conscience parut à Amsterdam en 1696, & fait deux volumes in-8 °. L'histoire de l'Eglise vit le jour à Rotterdam 1699, en deux volumes in-folio. Un des morceaux le plus curieux de cet ouvrage, est celui où il prouve qu'on a placé sur les autels un grand nombre de saints qui n'ont jamais existé, & qu'on a multiplié les persécutions pour multiplier le nombre des martyrs.

Son histoire des Juifs a été faite pour servir de supplément à celle de Josephe. La premiere édition est à Rotterdam 1706, en cinq volumes in-12. Elle a été tellement augmentée depuis, qu'elle contient aujourd'hui quinze volumes in-12. Le pere Simon, bon juge en ces matieres, convient que c'est un des meilleurs ouvrages de l'auteur. Il y faut joindre ses antiquités judaïques, ou remarques critiques sur la république des Hébreux, Amsterdam 1713, in-8 °. deux volumes. Il refute dans cet ouvrage l'opinion du pere Baltus sur les oracles opérés par les démons.

Ses annales des Provinces-Unies forment deux volumes in-fol. le premier parut à la Haye en 1719, & le second en 1726. Le pensionnaire Heinsius trouvoit que cet ouvrage, quoique fautif en quelques endroits, étoit le meilleur qu'on eût publié en ce genre.

M. Basnage avoit aussi beaucoup travaillé au thesaurus monumentorum ecclesiasticorum & historicorum de Canisius, grand & bel ouvrage que les Wetsteins ont publié Antverpiae 1725, in-fol. On trouvera dans le dictionnaire de Chaufepié la liste complete des écrits de M. Basnage, avec un abrégé de sa vie. On peut aussi consulter le pere Niceron, tom. IV. & tom. X. Il mourut en 1723, dans sa 71e. année.

Basnage de Beauval (Henri), son frere, avocat en Hollande, mais encore plus philosophe, a écrit de la tolérance des religions. Il a aussi donné l'histoire des ouvrages des savans, & le dictionnaire de Furetiere augmenté. Il mourut en 1710, à 53 ans.

Un de ses cousins, Basnage de Flottemanville (Samuel), qui avoit été ministre à Bayeux, se retira à Zutphen, où il publia en 1706, en trois volumes in-fol. une savante critique des annales de Baronius, sous le titre de annales politico-ecclesiastici. Enfin tous les Basnages qui ont vécu depuis le commencement du xvij. siecle jusqu'à ce jour, soit en France, soit dans les pays étrangers, se sont illustrés dans les lettres.

Jean du Bosc, seigneur d'Esmendreville, président en la cour des aides de Rouen sa patrie, est auteur de quelques livres savans, entr'autres de celui qui est intitulé, de legitimis nuptiis ; son ouvrage de Numae Pompilii sacris, déplut beaucoup aux catholiques romains. Il avoit été employé dans des ambassades importantes, & cependant il fut condamné à perdre la tête par la main du bourreau en 1562, comme un des principaux auteurs de la résistance que Rouen avoit faite aux armes du roi, dans la premiere guerre civile sous Charles IX. " Digne d'une meilleure destinée, dit le Laboureur, il avoit été élevé comme les illustres de son tems, qui aspiroient à la possession des belles sciences, & principalement de la jurisprudence, qu'il alla puiser dans sa source, au voyage qu'il fit exprès en Italie ".

Bochart (Samuel), ministre de l'Evangile à Caën, & l'un des plus savans hommes du monde, naquit l'an 1599, d'une famille noble & féconde en personnes de mérite. Il savoit le grec, l'hébreu, l'arabe, l'éthiopien, & autres langues orientales. La reine de Suede l'attira en 1652 à Stockholm, où elle lui donna des marques publiques de son estime, tandis qu'il n'éprouva que de la jalousie de M. Bourdelot. Il fit le voyage de Suede avec M. Huet, évêque d'Avranches, qui a donné en vers latins une relation fort gentille de ce voyage. De retour à Caën, il y reprit ses fonctions de ministre, & mourut subitement en parlant, dans l'académie de cette ville, en 1667, à 78 ans.

Il se fit une grande réputation en 1646, par la publication du Phaleg & du Chanaam, qui sont les titres des deux parties de sa géographie sacrée. Il y traite, 1°. de la dispersion des peuples, causée par la confusion des langues ; 2°. des colonies & de la langue des Phéniciens. Il se proposoit de travailler sur les animaux, sur les plantes, & sur les pierres précieuses de la Bible ; mais il n'a pû achever que ce qui regarde les animaux, ouvrage qu'on imprima à Londres en 1663, in-fol. sous le titre d'Hierozoïcon. Les deux ouvrages que nous venons de citer, sont remplis d'une érudition immense, & rendront la mémoire de M. Bochart immortelle dans la littérature.

Brumoy (Pierre) savant jésuite, qui se fit aimer par sa probité & les qualités de son coeur, mourut à Paris en 1742, âgé de 54 ans. Il a fait des poésies, mais son théâtre des Grecs est le meilleur ouvrage qu'on ait en ce genre. Il n'étoit peut-être pas si mal fondé qu'on le croit, à admirer le mérite & la supériorité du théâtre grec.

Brun Desmarets (Jean-Baptiste de), savant dans les recherches ecclésiastiques, se vit enveloppé dans la disgrace de Mrs. de Port-Royal, & fut mis à la bastille où il resta cinq ans. Il mourut à Orléans en 1731, dans un âge très-avancé. Il a donné, 1°. les breviaires d'Orléans & de Nevers ; 2°. une édition de saint Paulin ; 3°. voyages liturgiques de France, in-8 °. livre rempli de recherches curieuses ; 4°. il avoit achevé une édition des oeuvres de Lactance, que M. Langlet du Fresnoy a publiée avec des augmentations, en deux volumes in - 4 °.

Bulteau (Louis) fut secrétaire du roi, mais il se démit de cette charge au bout de quatorze ans, & passa le reste de ses jours chez les bénédictins. Il mourut d'apoplexie en 1693, à 68 ans. Il a publié quelques ouvrages anonymes & assez bien écrits. Les principaux sont, 1°. Essai de l'histoire monastique ; 2°. Abrégé de l'histoire de l'ordre de saint Benoît, deux volumes in -4°. 3°. Traduction des dialogues de saint Grégoire le grand, avec de savantes notes, &c.

Charleval (Jean-Louis Faucon de Ris, seigneur de) neveu, frere & oncle de Mrs. Faucon de Ris, tous trois premiers présidens du parlement de Normandie, étoit d'une complexion si foible, qu'on ne croyoit pas qu'il dût vivre long-tems. Il ne mourut pourtant qu'en 1688, dans sa 80e. année ; & malgré la délicatesse de son tempérament, il dut au régime une assez bonne santé. Il étoit ami de Sarrasin & de Scarron, & l'étude des belles-lettres fit son plaisir ; mais il étoit peu communicatif. L'agrément de sa conversation le faisoit pourtant rechercher de tout le monde, & la plûpart des écrivains de son tems, ont loué la justesse de son style & la délicatesse de son goût : il portoit quelquefois cette derniere jusqu'au raffinement.

Nous n'avons qu'un petit nombre de ses écrits dispersés en différens recueils. Après sa mort les originaux de ses lettres & de ses poésies tomberent entre les mains de son neveu, le premier président, qui moins communicatif encore que Charleval lui-même, refusa de les laisser imprimer. Le peu qui nous reste de cet écrivain délicat, le fait juger digne d'occuper une place parmi nos auteurs agréables. La conversation du maréchal d'Hocquin court & du pere Canaye, imprimée dans les oeuvres de St. Evremont, est de Charleval, jusqu'à la petite dissertation sur le Jansénisme & sur le Molinisme, que St. Evremont y a ajoutée.

Choisi (François Timoléon de), l'un des quarante de l'académie Françoise, naquit en 1644. Il fut envoyé vers le roi de Siam en 1685, avec le chevalier de Chaumont, & fut ordonné prêtre dans les Indes par le vicaire apostolique. Il mourut à Paris en 1724. Il a mis au jour divers ouvrages, dont les principaux sont, 1°. Relation du voyage de Siam ; 2°. plusieurs vies, comme celles de saint Louis, de Philippe de Valois, du roi Jean, de Charles V. de Charles VI. & de madame de Miramion ; 3°. Quatre Dialogues sur l'immortalité de l'ame, qu'il composa avec M. Dangeau ; 4°. une traduction de l'imitation de Jesus-Christ dédiée à madame de Maintenon, avec cette épigraphe, qui ne parut que dans une seule édition ; concupiscet rex decorem tuum ; 5°. des Mémoires de la comtesse des Barres : cette comtesse des Barres étoit lui-même.

" Il s'habilla, dit M. de Voltaire, & vÊCut en femme plusieurs années ; il acheta sous le nom de la comtesse des Barres, une terre auprès de Tours. Ces mémoires racontent, avec naïveté, comment il eut impunément des maîtresses sous ce déguisement. Pendant qu'il menoit cette vie, il écrivoit l'histoire eclésiastique, qu'il publia en 11. vol. in-12. Dans ses mémoires sur la cour, on trouve des choses vraies, quelques unes de fausses, & beaucoup de hasardées ; ils sont écrits dans un style trop familier ".

Corneille (Pierre) naquit en 1606, & sera toujours le pere du théâtre françois, car il faut le juger par ses chef-d'oeuvres ; nous aurons occasion de parler de lui au mot TRAGEDIE, & la même occasion s'est déja présentée sous d'autres articles ; j'ajouterai seulement qu'il exerça dans sa patrie la charge d'avocat général à la table de marbre, sans connoître lui-même les talens extraordinaires qu'il avoit pour la poésie dramatique. Une avanture de galanterie lui fit composer sa premiere piece intitulée Mélite, qui eut un succès prodigieux. Il mourut doyen de l'académie françoise en 1684, à 78 ans.

Corneille (Thomas) auroit eu la plus grande réputation dans le théâtre sans ce frere aîné ; mais malgré le peu de cas que M. Despréaux en faisoit, il doit tenir un rang considérable parmi nos poëtes tragiques ; & peut-être est-il supérieur à tous nos auteurs dramatiques dans la constitution de la fable. Il étoit de l'académie Françoise, & de celle des Inscriptions ; mais il mourut pauvre en 1709, à 84 ans. C'étoit un homme fort laborieux, car outre ses pieces de théâtre, au nombre de trente-quatre, on a de lui, 1°. un Dictionnaire géographique en 3 volumes in-fol. meilleur pour la Normandie que pour le reste ; 2°. un Dictionnaire des arts & des sciences, qui ne mérite plus d'être aujourd'hui consulté ; 3°. la traduction des métamorphoses, & de quelques épitres d'Ovide, heureusement rendues, &c.

Daniel, (Gabriel) célebre jésuite, qui dans son histoire de France a rectifié les fautes de Mezerai sur la premiere & la seconde race ; on lui a reproché, dit M. de Voltaire, que sa diction n'est pas toujours assez pure, que son style est trop foible, qu'il n'intéresse pas, qu'il n'est pas peintre, qu'il n'a pas assez fait connoître les usages, les moeurs, les loix ; que son histoire est un long détail d'opérations de guerre, dans lesquelles un historien de son état se trompe presque toujours ; enfin qu'il parle trop peu des grandes qualités d'Henri IV. & trop du P. Cotton.

Cependant, ajoute M. de Voltaire, l'histoire du P. Daniel, avec tous ses défauts, est encore la moins mauvaise qu'on ait, du moins jusqu'au regne de Louis XI. Il dit dans sa préface, que les premiers tems de l'histoire de France sont plus intéressans que ceux de Rome, parce que Clovis & Dagobert avoient plus de territoire que Romulus & Tarquin ; il ignoroit, en parlant ainsi, que les foibles commencemens de tout ce qui est grand, intéressent toujours les hommes ; on admire la foible origine d'un peuple qui étendit son empire jusqu'à l'Elbe, l'Euphrate, & le Niger. D'ailleurs, rien n'intéresse moins que les commencemens de notre histoire, & même depuis le cinquieme siecle jusqu'au quinzieme, ce n'est qu'un cahos d'avantures barbares, sous des noms barbares.

Outre l'histoire de France du P. Daniel, dont il donna aussi un abregé en 9 vol. in - 12. il a encore publié, 1°. une Histoire de la milice françoise, in-4 °. en 2 vol. 2°. Voyage du monde de Descartes, in - 12. c'est une jolie critique du systême de ce philosophe ; ce livre a été traduit en Anglois & en Italien. 3°. Plusieurs opuscules qui ont été recueillis en 3 vol. in-4 °. Il mourut en 1728 âgé de 79 ans.

Fontaines (Pierre-François Guyot des) mourut à Paris en 1745, à 60 ans. Il est connu par ses observations sur les ouvrages nou veaux, journal périodique, dans lequel il n'a déchiré que trop souvent des hommes célebres, qu'il devoit aimer & estimer ; mais il s'est fait honneur par sa traduction des oeuvres de Virgile, avec des remarques ; elle a été imprimée à Paris en 1754. en 4. vol. in-12. & c'est la meilleure que nous ayons dans notre langue.

Fontenelle (Bernard Bouvier de) a vû renaître cent fois le feuillage du printems, sans avoir éprouvé de passions pendant une si longue vie, & sans infirmités dans sa vieillesse ; il a fini sa carriere en 1757. & il vivoit encore quand l'auteur de l'Essai sur l'histoire générale, a fait son éloge, que personne depuis n'a contredit, ni effacé.

On peut, dit-il, regarder M. de Fontenelle comme l'esprit le plus universel que le siecle de Louis XIV ait produit ; il a ressemblé à ces terres heureusement situées, qui portent toutes les especes de fruits ; il n'avoit pas vingt ans lorsqu'il fit une grande partie de la tragédie-opéra de Bellérophon ; & depuis il donna l'opéra de Thétis & Pélée qui eut un grand succès ; il fit beaucoup d'ouvrages légers, dans lesquels on remarquoit déja cette finesse, & cette profondeur qui décele un homme supérieur à ses ouvrages mêmes ; c'est ce qu'il a prouvé dans ses dialogues des morts, & dans sa pluralité des mondes. Il sut faire des Oracles de Van - dale, un livre agréable.

Il se tourna vers la géométrie & vers la physique, avec autant de facilité qu'il avoit cultivé les arts d'agrément ; nommé secrétaire perpétuel de l'académie des Sciences, il exerça cet emploi pendant plus de quarante ans avec un applaudissement universel. Son histoire de l'Académie jette très-souvent une clarté lumineuse sur les mémoires les plus obscurs ; il fut le premier qui porta cette élégance dans les sciences ; si quelquefois il y répandit trop d'ornemens, c'étoit de ces moissons abondantes dans lesquelles les fleurs croissent naturellement avec les épis.

Cette histoire de l'académie des Sciences, seroit aussi utile qu'elle est bien faite, s'il avoit eu à rendre compte des vérités découvertes ; mais il falloit qu'il expliquât des opinions combattues les unes par les autres, & dont la plûpart sont détruites. Les éloges qu'il prononça des académiciens morts, ont le singulier mérite de rendre les sciences respectables, & ont rendu tel leur auteur.

S'il a fait imprimer sur la fin de ses jours des comédies peu théatrales, & une apologie des tourbillons de Descartes, on a pardonné ces comédies en faveur de sa vieillesse, & son Carthésianisme, en faveur des anciennes opinions, qui dans sa jeunesse, avoient été celles de l'Europe.

Enfin, on l'a regardé comme le premier des hommes, dans l'art nouveau de répandre de la lumiere & des graces sur les sciences abstraites ; & il a eu du mérite dans tous les autres genres qu'il a traités. Tant de talens ont été soutenus par la connoissance de l'histoire, & il a été sans contredit, au dessus de tous les savant françois qui n'ont pas eu le don de l'invention.

Gendre (Louis le) obtint quelques bénéfices de M. de Harlay, archevêque de Paris, & mourut dans cette ville en 1733 à 78 ans. Il a mis au jour plusieurs ouvrages, entr'autres, 1°. la vie de M. de Harlay son bienfaiteur ; 2°. celle du cardinal d'Amboise ; 3°. une histoire de France en 3 vol. in-fol. & en 7 vol. in-12. cette histoire n'est pas supérieure à celle de Mezeray & du P. Daniel ; mais on y trouve des particularités curieuses sur les coutumes des François, en différens tems de la monarchie. Les écoliers de l'université de Paris sont redevables à l'abbé le Gendre de la fondation des prix qui s'y distribuent solemnellement depuis 1747.

Noël (Alexandre), dominicain & docteur de sorbonne, mourut à Paris en 1724, âgé de 86 ans ; il a publié divers ouvrages théologiques & polémiques, que peu de gens lisent ; mais on a réimprimé son histoire ecclésiastique, latine, qui avoit déplu aux inquisiteurs ; il y a dans cette histoire des dissertations assez estimées.

Lemery (Nicolas) naquit en 1645, & se dévoua tout entier à la chymie, qu'il étudia à Rouen, à Paris, & à Montpellier ; ensuite il en donna des leçons lui-même. Cette science, connue depuis long-tems en Allemagne, étoit toute nouvelle en France, ou on la regardoit comme une espece de magie : le laboratoire de M. Lemery étoit une cave, & presque un antre magique, éclairé de la seule lueur des fourneaux ; cette singularité ne lui valut qu'un plus grand nombre d'auditeurs, & les femmes même oserent être du nombre. Sa réputation augmenta ; les préparations qui sortoient de ses mains eurent un débit prodigieux, & le seul magistere de Bismuth payoit toute la dépense de sa maison ; ce magistere n'étoit pourtant autre chose que ce qu'on appelle du blanc d'Espagne, mais M. Lemery étoit le seul alors dans Paris, qui possédât ce trésor.

Il fit imprimer en 1675 son cours de chymie, qui se vendit aussi rapidement que si c'eût été un ouvrage de galanterie, ou de satyre ; on le traduisit en latin, en anglois, en espagnol, & le président de la société royale de Séville nommoit Lemery, le grand Lemery ; cependant comme le grand Lemery étoit huguenot, on lui interdit à Paris ses cours de chymie, & la vente de ses préparations. Il se réunit à l'église catholique en 1686, pour éviter de plus grands malheurs.

Il publia en 1697 sa Pharmacopée universelle, & quelque tems après, son traité des drogues simples. On les a réimprimé plusieurs fois ; mais on a donné depuis dans les pays étrangers, de beaucoup meilleurs ouvrages en ce genre.

En 1699, M. Lemery fut nommé de l'académie des Sciences, & en 1707, il donna son traité de l'Antimoine ; il y considere ce minéral par rapport à la médecine, & par rapport à la physique ; mais malheureusement la curiosité physique a beaucoup plus d'étendue que l'usage médicinal.

Après l'impression de ce livre, M. Lemery commença à se ressentir des infirmités de la vieillesse ; enfin il fut frappé d'une attaque sérieuse d'apoplexie qui l'enleva en 1715, à l'âge de 70 ans.

Amand (Marc-Antoine-Gerard, sieur de Saint) poete françois, né en 1594, mourut en 1661, âgé de 67 ans. Sa vie n'a presque été qu'une suite continuelle de voyages ; ce qui, si nous en croyons Despréaux, satyr. I. vers 97-108. n'aida guere à sa fortune.

Saint-Amand n'eut du ciel que sa veine en partage :

L'habit qu'il eut sur lui, fut son seul héritage :

Un lit, & deux placets composoient tout son bien ;

Ou, pour en mieux parler, Saint-Amand n'avoit rien.

Mais quoi ! las de traîner une vie importune,

Il engagea ce rien pour chercher la fortune,

Et tout chargé de vers qu'il devoit mettre au jour,

Conduit d'un vain espoir, il parut à la cour.

Qu'arriva-t-il enfin de sa muse abusée ?

Il en revint couvert de honte & de risée ;

Et la fievre au retour terminant son destin,

Fit par avance en lui, ce qu'auroit fait la faim.

M. l'abbé d'Olivet remarque que cette peinture en beaux vers pourroit bien n'avoir pour fondement que l'imagination de M. Despréaux, qui sans doute a cru qu'en plaçant ici un nom connu, cela rendroit sa narration plus vive & plus gaie. Les poésies de Saint-Amand font foi qu'il n'avoit pas attendu si tard ni à mendier les graces de la cour, ni à mettre au jour les vers qu'il avoit faits dans cette vue. Pour ce qui est de sa pauvreté, tout le monde en convient assez ; il faut que sa mauvaise conduite & ses débauches y aient beaucoup contribué, puisqu'il avoit assez de ressources pour vivre commodément s'il avoit su le faire d'une maniere rangée.

Il avoit été reçu à l'académie françoise dès l'origine de cette assemblée, & s'engagea de recueillir les termes grotesques & burlesques pour la partie comique du dictionnaire que l'académie avoit entrepris ; cette occupation lui convenoit tout-à-fait, car on voit par ses écrits qu'il étoit fort versé dans ces sortes de termes.

Ses oeuvres ont été imprimées à Paris en trois volumes in-4 °. Le premier en 1627, le second en 1643, & le troisieme en 1645. Son ode, intitulée la Solitude, est sa meilleure piece, au jugement de Despréaux ; mais un défaut qui s'y trouve, c'est qu'au milieu d'agréables & de belles images, l'auteur y vient offrir à la vue, fort mal-à-propos, les objets les plus dégoûtans, des crapauds, des limaçons qui bavent, le squelete d'un pendu, & autres choses de cette nature.

Son Moïse sauvé éblouit d'abord quelques personnes ; mais il tomba dans un mépris dont il n'a pû se relever, depuis l'art poétique de Despréaux, qui parlant de cette idille héroïque, chant III. vers 264.

N'imitez pas ce fou, qui décrivant les mers,

Et peignant au milieu de leurs flots entr'ouverts,

L'hébreu sauvé du joug de ses injustes maîtres,

Met pour les voir passer les poissons aux fenêtres ;

Peint le petit enfant, qui va, saute, revient,

Et joyeux à sa mere, offre un caillou qu'il tient,

Sur de trop vains objets, c'est arrêter la vûe.

Un défaut inexcusable de Saint-Amand, suivant la remarque du même écrivain, c'est qu'au lieu de s'étendre sur les grands objets, qu'un sujet si majestueux lui présentoit, il s'est amusé à des circonstances petites & basses, & met en quelque sorte les poissons aux fenêtres par ces deux vers.

Et là près des remparts que l'oeil peut transpercer,

Les poissons ébahis le regardent passer.

Enfin, ce poëte n'a montré quelque génie que dans des morceaux de débauche, & de satyres outrées, & quelquefois dans ses bons mots. On lui attribue celui-ci qui est assez plaisant : se trouvant dans une compagnie, où il se rencontra un homme qui avoit les cheveux noirs & la barbe blanche ; on demanda la raison de cette différence bizarre ; alors Saint-Amand sans la chercher, se tourna vers cet homme, & lui dit : " Apparemment, Monsieur, que vous avez plus travaillé de la mâchoire que du cerveau. "

Pradon (Nicolas) autre poëte françois, mort en 1698, a eu son nom extrêmement ridiculisé par les satyres de Despréaux. Il eut grand tort après d'heureux succès, de se prêter à une puissante cabale, & d'oser donner sur le théâtre sa tragédie de Phèdre & d'Hippolite, en concurrence contre celle de Racine. Le beau triompha, & plongea la piece de Pradon dans un éternel oubli. On alla plus loin ; on fit ainsi l'épitaphe de l'auteur.

Cy gît le poëte Pradon,

Qui durant quarante ans d'une ardeur sans pareille,

Fit à la barbe d'Apollon

Le même métier que Corneille.

Cependant on a recueilli en un volume ses pieces dramatiques, qui sont Pirame & Thisbé ; Tamerlan ; la Troade ; Phèdre & Hippolite ; Satira & Régulus, qui malgré ses défauts, peut être comptée parmi les bonnes tragédies. Cette piece que Pradon avoit donnée en 1688, étoit entierement oubliée, lorsque Baron la remit au théâtre en 1722 avec un succès éclatant.

Au reste, Pradon n'est point auteur de la tragédie du grand Scipion, quoiqu'elle lui soit attribuée dans cette épigramme que feu M. Rousseau fit à l'occasion d'une satyre remplie d'invectives, contre M. Despréaux.

Au nom de Dieu, Pradon, pourquoi ce grand courroux,

Qui contre Despréaux exhale tant d'injures ?

Il m'a berné, me direz - vous ;

Je veux le diffamer chez les races futures.

Hé, croyez-moi, restez en paix.

Envain, tenteriez-vous de ternir sa mémoire ;

Vous n'avancerez rien pour votre propre gloire ;

Et le grand Scipion sera toujours mauvais.

Le grand Scipion est d'un M. de Prade, auteur de deux autres tragédies encore moins connues, qui sont Annibal & Silanus.

Raguenet (François) embrassa l'état ecclésiastique, & cultiva l'étude des beaux Arts & de l'histoire. Il a publié celle de l'ancien Testament ; 2°. celle d'Olivier Cromwel ; 3°. celle du vicomte de Turenne ; 4°. Le parallele des François & des Italiens, dans la musique & dans les opéra, parallele dans lequel il donne la préférence aux Italiens. 5°. Les monumens de Rome ou description des plus beaux ouvrages de Peinture, de Sculpture, & d'Architecture de Rome, avec des observations. Paris 1700 & 1702 in-12 Ce petit ouvrage valut à l'auteur des lettres de citoyen romain ; il est cependant fort au-dessous des descriptions latines en ce genre. On attribue à l'abbé Raguenet, les voyages de Jacques Sadeur, livre très-libre, qui a obligé l'auteur à ne pas l'avouer. Il est mort à Paris vers l'an 1720, j'ignore à quel âge.

Sanadon (Noël-Etienne) jésuite, plein de goût & de connoissances dans les belles-lettres. Il lia à Caën une étroite amitié avec M. Huet, & devint bibliothécaire du college des jésuites à Paris, où il mourut en 1733 à cinquante-huit ans. On a de lui, 1°. un excellent traité de la versification latine ; 2°. une traduction françoise d'Horace, avec des notes d'une érudition choisie ; cette traduction respire l'élégance, & même inspire du dégoût pour celle de M. Dacier, quand on vient à les comparer ensemble.

Tourneux (Nicolas le) mérita par sa vertu l'estime des honnêtes gens, & fut toujours très-attaché à MM. de Port-Royal. L'archevêque de Rouen lui donna le prieuré de Villers-sur-Fere ; il mourut subitement à Paris en 1686, à quarante-sept ans. Il a mis au jour plusieurs ouvrages de piété, entre lesquels on estime particulierement, l'Année chrétienne, qui est dans les mains de tout le monde, & que l'index de Rome a mis au nombre des livres prohibés.

Aux savans qui viennent d'être nommés, je ne dois pas oublier de joindre une dame illustre par son esprit & ses ouvrages ; mademoiselle Bernard (Catherine) de l'académie des Ricovrati, morte à Paris en 1712 ; elle a donné en prose des brochures sous le nom de nouvelles, que le public a goûtées ; mais elle s'est encore distinguée par ses vers, qui lui ont fait remporter en 1691 & 1693, le prix de poésie de l'académie françoise, & qui lui ont valu une triple couronne dans l'académie des jeux floraux de Toulouse.

Elle composa avec M. de Fontenelle deux tragédies, Brutus & Léodamie, dont à la vérité la derniere n'eut point de succès. Ses pieces fugitives ont été répandues dans différens recueils ; on s'est trompé cependant en donnant sous son nom, la jolie fable allégorique de l'imagination & du bonheur ; cette fable est de M. la Parisiere, évêque de Nîmes, successeur du célebre Fléchier.

Mais le pere Bouhours a inseré dans son recueil de Vers choisis, le placet au roi, par le quel mademoiselle Bernard prie Louis XIV. de lui faire payer les deux cent écus de pension dont il l'avoit gratifiée. Ce placet est conçu en ces termes :

S I R E, deux cent écus sont - ils si nécessaires

Au bonheur de l'état, au bien de vos affaires,

Que sans ma pension vous ne puissiez dompter

Les foibles alliés & du Rhin & du Tage ?

A vos armes, grand Roi, s'ils peuvent résister ;

Si pour vaincre l'effort de leur injuste rage

Il falloit ces deux cent écus,

Je ne les demanderois plus.

Ne pouvant aux combats, pour vous perdre la vie,

Je voudrois me creuser un illustre tombeau ;

Et souffrant une mort d'un genre tout nouveau,

Mourir de faim pour la patrie.

S I R E, sans ce secours tout suivra votre loi,

Et vous pouvez en croire Apollon sur sa foi.

Le sort n'a point pour vous démenti ses oracles

Ah ! puisqu'il vous promet miracles sur miracles,

Faites - moi vivre, & voir tout ce que je prévois.

Enfin, la capitale de Normandie a produit des citoyens qui se sont uniquement dévoués à la recherche de son histoire. Taillepié (Nicolas) en a publié le premier les antiquités en 1588 ; mais en 1738 Farin (François) prieur du Val, a mis au jour l'histoire complete de cette ville en 2. vol. in -4°. on peut la consulter.

Ainsi, tout nous autorise à chanter la gloire de Rouen, & à nous persuader, que ce ne sera point par cette ville, ni par la province dont elle est la capitale, que la barbarie commencera dans ce royaume. (D.J.)


ROUERv. act. (Gram.) voyez les articles ROUE.

ROUER, (Marine) c'est plier une manoeuvre en rond.

ROUER A CONTRE, (Marine) c'est plier une manoeuvre de droite à gauche.

ROUER A TOUR, (Marine) c'est plier une manoeuvre de gauche à droite.


ROUERGUELE (Géog. mod.) province de France, dans le gouvernement de Guienne ; elle est bornée au nord par le Querci ; au midi par l'Albigeois ; au levant, par les Cévennes & le Gevaudan ; & au couchant, par l'Auvergne. Cette province peut avoir environ 30 lieues de longueur, sur 20 de large. On la divise en comté, & en haute & basse Marche : le comté renferme Rodez, capitale de toute la province. Milhau est la capitale de la haute-Marche, & Villefranche de la basse.

Le Rouergue & sa capitale Rodez, ont pris leur nom des peuples Ruteni, dont César fait plusieurs fois mention dans ses commentaires. Auguste mit les Ruténiens dans l'Aquitaine, & Pline remarque qu'ils confinoient avec la Gaule narbonnoise. Voy. RUTENIENS (Géog. anc.)

Lorsque sous Valentinien I. l'Aquitaine fut divisée en deux, les Ruténiens furent attribués à la premiere Aquitaine ; ils furent soumis aux Visigoths, dans le cinquieme siecle, à Clovis dans le sixieme, & après sa mort, les Goths s'emparerent du Rouergue. Dans le septieme siecle, les Rois de Neustrie, ou plutôt les Maires du palais qui dominoient sous leur nom, furent seuls reconnus en Aquitaine. Ce pays passa dans le huitieme siecle au pouvoir du duc Eudes, & le roi Pepin en dépouilla Gaïfre, petit-fils d'Eudes. Les rois Carlovingiens, successeurs de Pepin, jouirent du Rouergue jusqu'à la dissipation de leurs états, où chacun se rendit le maître où il put. Sous le regne de Lothaire, & sous celui de Hugues Capet, quoique le Rouergue eût ses seigneurs, comme les autres pays voisins, on ne sait pas néanmoins le nom du premier comte de Rodez, qui se rendit héréditaire.

Dans la suite des tems, Hugues sorti de la maison de Carlat, transigea de ses terres & du comté de Rodez, avec Alphonse, roi d'Aragon, l'an 1167. Par ce traité, le roi d'Aragon se reserva en propre la seigneurie utile des diocèses de Rodez & de Mende ; mais son successeur par un autre traité fait avec saint Louis l'an 1258, renonça à tout ce qui lui appartenoit dans le Rouergue & le comté de Rodez ; c'est ainsi que cette province a été annexée à la couronne.

C'est un pays montagneux, mais fertile en pâturages, où on nourrit beaucoup de bestiaux, & surtout des mulets. La sénéchaussée de Rouergue a deux siéges présidiaux, Villefranche qui est le plus étendu, & Rodez dont le ressort ne va pas au-delà de l'élection de cette ville.

Montjosieu (Louis de) en latin Montejosius, gentilhomme de Rouergue au seizieme siecle, a mis au jour cinq livres d'antiquités, où l'on trouve quelques morceaux assez curieux sur la peinture & la sculpture des anciens. (D.J.)


ROUETS. m. (Architect.) est une espece de rose de charpenterie sur laquelle on pose la premiere assise de pierre pour fonder un puits ; sur-tout dans le cas où l'on rencontre un grand banc de glaise, qu'il est impossible de percer, sans occasionner l'éboulement des terres.

ROUET, (Hydr.) est un assemblage de charpente dispersé circulairement, pratiqué au bout de l'arbre d'une machine, & dont la partie circulaire est garnie de dents qui s'engrenent dans les fuseaux d'une lanterne.

On appelle encore rouet, l'assemblage circulaire de charpente sur lequel on cloue à cheville une plateforme de planches pour asseoir la maçonnerie d'un puits, d'une cîterne, ou d'un bassin, que l'on nomme encore racinaux. Voyez RACINAUX. (K)

ROUET, armes à, (anciennes armes) les arquebuses & les pistolets à rouet sont aujourd'hui des armes fort inconnues ; l'on n'en trouve guere que dans les arsenaux & les cabinets des armes, où l'on en a conservé quelques-uns par curiosité. Ce rouet étoit une espece de petite roue solide d'acier, qu'on appliquoit contre la platine de l'arquebuse ou du pistolet. Elle avoit un aissieu qui la perçoit dans son centre. Au bout intérieur de l'aissieu qui entroit dans la platine, étoit attachée une chaînette, qui s'entortilloit autour de cet aissieu, quand on le faisoit tourner, & bandoit le ressort quand elle tenoit. Pour bander le ressort, on se servoit d'une clé, où l'on inséroit le bout extérieur de l'aissieu. En tournant cette clé de gauche à droite, on faisoit tourner le rouet, & par ce mouvement une petite coulisse de cuivre, qui couvroit le bassinet de l'amorce, se retiroit de dessus le bassinet. Par le même mouvement le chien armé d'une pierre à fusil, étoit en état d'être lâché, dès que l'on tiroit avec le doigt la détente, comme dans les pistolets ordinaires ; alors le chien tombant sur le rouet d'acier faisoit feu, & le donnoit à l'amorce. (D.J.)

ROUET DE POULIE de chaloupe, (Marine) c'est une poulie de fonte ou de fer, qu'on met à l'avant ou à l'arriere de la grande chaloupe, pour lever l'ancre d'affourché, ou une autre ancre qu'on ne veut pas lever avec le vaisseau.

ROUET, en terme de Boutonnier, est une machine à roue, montée à-peu-près comme les rouets à filer, à l'exception qu'elle est plus grosse. La tête de ce rouet est garnie de deux poupées postiches, où sont arrêtés en-dedans deux crochets ou têtes de fer, l'une percée au milieu d'un trou rond & profond, & l'autre d'un trou profond, mais vuide pour pouvoir y faire entrer les ouvrages montés sur des broches. Souvent le rouet n'a qu'une poupée, comme quand il faut percer une piece. Voyez PERCER. Le rouet fait précisément entre les mains du Boutonnier ce que le tour fait entre les mains du tourneur. Les uns & les autres font des culs, des crans, des pauses, des gorges & des têtes, mais le tourneur est vis-à-vis de son morceau, & le boutonnier est toujours à côté. Quant à leurs ouvrages, ils ne peuvent empiéter les uns sur les autres. Ils ont grand nombre d'outils qui leur sont communs, mais le boutonnier ne peut travailler sur le tour sans contrevenir aux ordonnances, & aux priviléges des tourneurs ; & au contraire rien n'empêche ceux-ci de faire les ouvrages des boutonniers, si ce n'est qu'il faut entendre & le langage, & les travaux des boutonniers, pour bien faire les ouvrages en bois qu'il leur faut ; science que les tourneurs n'ont point, & qu'ils ne peuvent acquérir que par un apprentissage chez les boutonniers.

ROUET, en terme de Boutonnier, est une machine composée de trois roues montées au-dessus les unes des autres, dans un chassis de deux montans soutenus sur leurs piés. L'une de ces roues qui se tourne à la main sans manivelle est moyenne, & a une corde qui répond à la noix d'une plus grande, dont la corde à son tour passe, après s'être croisée sur douze petites molettes montées à distances égales, sur une petite roue pleine, creusée tout autour, comme une poulie ; cette roue est sur chacun de ces bords percée de douze fentes, toutes vis-à-vis l'une de l'autre, pour recevoir les petites broches de fer des molettes. Chacune de ces fentes est le plus souvent doublée d'une plaque de cuivre jaune pour conserver la roue, qui ne tarderoit guere à s'user sans cela. Les broches des molettes sont toutes courbées en crochet du même côté ; c'est dans ces crochets que l'on arrête le fil de soie ou de poil, alors on le retord de la maniere qu'on veut, en tournant la premiere roue, comme nous avons dit. C'est avec ce rouet qu'on fait la milanoise, le cordonnet, le guipé, &c. Voyez ces articles.

ROUET, instrument dont les Boyaudiers se servent pour filer les cordes à boyau.

Le rouet des Boyaudiers est composé d'une sellette à quatre piés, qui a environ quatre piés en quarré, & est haute d'un pié. Du milieu de la sellette s'élevent deux montans de bois, au milieu desquels est l'axe de la roue qui traverse les deux montans à la hauteur d'environ trois piés. Les deux montans sont un peu éloignés l'un de l'autre, & l'espace intermédiaire est occupé par une roue d'environ trois piés de diamêtre, qui est traversée par l'axe de fer terminé par un bout en manivelle. Au haut des deux montans est une broche de fer placée horisontalement, & garnie au milieu d'une espece de bobine, & qui se termine par un bout en un crochet. C'est à ce crochet qu'on attache les boyaux pour les filer. Toute la circonférence de la roue est garnie d'une rainure pour retenir une grosse corde de boyau qui y est placée, & qui passe aussi par-dessus la bobine de la broche qui est au haut des montans. En tournant la manivelle, la roue est mise en mouvement ; & par le moyen de la corde qui est autour, elle communique son mouvement à la bobine, qui, en tournant, fait faire au crochet autant de tours que la circonférence de la bobine est contenue de fois dans celle de la roue. Voyez la figure.

ROUET, en terme de Cardeur, est un instrument dont ils se servent pour filer la laine. Il est composé d'une roue qui joue dans un arbre où elle est suspendue au dessus d'un banc, éloigné de la terre d'environ un pié sous cette roue, & y posant à la tête du rouet, d'où s'élevent deux marionettes qui sont garnies par en-haut de deux fraseaux de jonc qui les traversent, & tiennent la broche sur laquelle se devide le fil. Voyez TETE, ARBRE, BANC, FRASEAUX, BROCHES & MARIONETTES. Voyez les Planches & les figures.

ROUET, terme de Cordier, c'est une machine propre à tordre le chanvre pour le filer, ou les fils pour les commettre. Comme les fileries des marchands ne sont pas ordinairement fermées, les ouvriers sont obligés d'emporter chez eux presque tous leurs ustensiles ; c'est pourquoi ils ont pour but de les rendre portatifs, ce qui fait que pour l'ordinaire ils employent les rouets légers, voy. les Pl. & les fig. qui sont composés d'une roue, de deux montans qui la soutiennent, d'une grosse piece de bois qui forme l'empatement du rouet, de deux montans qui soutiennent des traverses à coulisses, dans lesquelles la planchette est reçue, desorte qu'elle peut s'approcher ou s'éloigner de la roue pour tendre ou mollir les cordes de boyau ; cette planchette porte les molettes. On a représenté, 1°. des molettes détachées ; 2°. un morceau de bois dur qui sert à attacher la molette à la planchette par le moyen de quelques petits coins ; 3°. la broche de fer de la molette, cette broche est terminée à un de ses bouts par un crochet. L'autre bout traverse le morceau de bois 1 ; étant rivé au point 1 sur une plaque de fer, il a la liberté de tourner ; 4°. une petite poulie fortement attachée à la broche dans laquelle passe la corde à boyau, qui passant aussi sur la roue, fait tourner le crochet de la molette. Les molettes sont tellement arrangées sur la planchette qui les porte, tantôt en triangle, tantôt en portion de cercle, qu'une seule corde à boyau peut les faire tourner toutes à-la-fois.

Ces rouets suffisent pour les marchands ; mais dans les corderies du roi, où il faut quelquefois employer un grand nombre d'ouvriers, on a des rouets plus solides, & qui peuvent chacun donner à travailler à onze ouvriers. Voyez les Pl. de Corderie. En voici une description abregée. Le poteau est fortement assujetti au plancher de la filerie : ce poteau soutient la roue, qui est large & pesante. A la partie supérieure du même poteau & au-dessus de l'aissieu de la roue est une grande rainure dans laquelle entre une piece de bois, qui y est retenue par des liens.

A cette piece de bois est solidement attachée la piece e, qu'on appelle la tête du rouet ou la crochille, & qui porte les molettes ou curles au nombre de sept ou de onze suivant la grandeur des rouets. Au moyen de l'arrangement circulaire de ces molettes une courroie qui passe sur la circonférence de la roue les touche toutes, ce qui fait que chacune d'elles se ressent du mouvement qu'on donne à la roue, & qu'un seul homme appliqué à la manivelle peut, sans beaucoup de peine, fournir à onze fileurs.

On connoît bien par la seule inspection de la machine, que la piece est assemblée à coulisse dans le poteau, pour qu'on puisse avec des coins élever ou baisser la tête du rouet, ce qui sert à roidir ou à mollir la courroie. Voyez l'article CORDERIE, & les figures.

ROUET DE FER, terme de Corderie, est un petit rouet dont on se sert dans les corderies pour commettre le bitor & le merlin.

Ce rouet est composé de quatre crochets mobiles, disposés en maniere de croix ; ces crochets tournent en même tems que la roue, & d'un mouvement bien plus rapide, à l'aide d'un pignon ou lanterne, dont chacun d'eux est garni, & qui engrene dans les dents de la roue, qu'un homme fait tourner par le moyen d'une manivelle. Voyez les Pl. de Corderie & leur explic.

ROUET, (Epicier) est une roue montée sur deux piés, dont les rebords sont assez hauts. On la tourne avec une manivelle pour dévider la bougie filée, voyez les Pl.

ROUET, en terme d'Epinglier, est comme un rouet à filer, excepté que la tête placée dans le milieu de la planche, peut s'avancer & s'éloigner de la roue, si la corde, plus ou moins longue, le demandoit. Le moule des têtes est attaché autour de la broche ; c'est sur ces moules que l'on tourne les têtes à l'aide du rouet. Voyez TOURNER. Voyez les figures, Pl. de l'Epinglier, & l'article GOUDRONNER.

ROUET, (Filerie) instrument propre à filer les soies, laines, chanvres, cotons, & autres matieres semblables. Le rouet commun consiste en quatre pieces principales ; savoir, le pié, la roue, la fusée & l'épinglier.

Le pié est une tablette de bois, avec des soutiens aussi de bois. La roue est d'environ 18 à 20 pouces de diamêtre, & est portée par un axe de fer sur deux soutiens attachés sur la table du pié. La fusée, qui est une espece de bobine, est pareillement traversée par un axe ou verge de fer, qui a aussi ses deux soutiens très-bas, qui tiennent à l'extrêmité de la même table. Enfin, l'épinglier est fait de deux parties de cercle percées d'épingles ou de léton recourbé, qui environnent la fusée, & qui tournent avec elle. L'épinglier sert à plier le fil sur la bobine ou fusée, à mesure qu'on le file. L'on appelle sillons, les rangs différens qui se forment en parcourant toutes les pointes de l'épinglier ; une manivelle sert à donner le mouvement au rouet.

Les dames & les personnes curieuses se servent de rouets faits au tour, dont les principales pieces sont semblables à celles du rouet commun qu'on vient de décrire. La principale ou plutôt l'unique différence essentielle consiste, en ce qu'il y a deux manieres de leur donner le mouvement, l'une en tournant la manivelle à la main comme au premier rouet ; & l'autre par le moyen d'une marche qui est au-dessous du rouet, qui étant attachée à la manivelle par un bâton d'une longueur proportionnée, suffit pour faire tourner la roue, en appuyant ou levant le pié qu'on met dessus.

Il y a une troisieme sorte de rouet portatif très-commode, & très-ingénieusement imaginé, dont toutes les personnes de qualité se servent. Le rouet entier n'a guere plus de 6 ou 7 pouces de haut. Deux roues de cuivre, dont la plus grande n'a pas 18 lignes de diamêtre, & la plus petite à peine 4, sont engrenées l'une dans l'autre, & enfermées entre deux platines de métal, avec lesquelles elles ne font que 4 ou 5 lignes d'épaisseur. La grande roue où est la manivelle, donne le mouvement à la petite qui porte la fusée & l'épinglier. Un petit pié d'ébene attaché à une queue de même bois, qui sert à passer dans la ceinture de celles qui s'en veulent servir en marchant, ou attacher sur une petite tablette appesantie par un plomb, & ordinairement couverte de marroquin ou de velours, quand on veut travailler sur une table, acheve toute l'ingénieuse machine, à laquelle même tient la quenouille d'une longueur proportionnée à la petitesse du rouet. L'on ne peut dire combien ce rouet est commode, ni combien l'usage en est devenu commun. Diction. de Comm. (D.J.)

ROUET, instrument du Fileur d'or, est une machine d'un méchanisme assez curieux, dressée sur un chassis ou corps de quatre montans, avec leurs traverses qui soutient tout l'ouvrage. Cette machine qui sert à couvrir le fil & la soie, d'or, d'argent, &c. pour en faire un fil propre à faire du galon, ou autre marchandise de cette nature, a environ trois piés & demi de haut, sur cinq & demi de long, & deux & demi d'épaisseur. Il y en a à seize caselles qui est plus haute, plus longue, plus profonde à proportion que celle dont nous parlons, qui n'en a que douze. On peut encore avoir huit caselles, mais on n'en fait point au-dessous. Elle s'ébranle par une manivelle & quatre roues qui se communiquent le mouvement l'une à l'autre. Voyez CASELLES.

La fusée s'emboîte par chacune de ses extrêmités dans deux supports attachés en-dehors aux deux montans de devant. Voyez FUSEE.

Au-dessus de la fusée tournent les caselles au nombre de huit, douze ou seize, séparées l'une de l'autre par des petits piliers où elles sont retenues.

Au milieu de la piece de bois qui couvre les caselles, passe un boulon de fer qui traverse le sabot, & la grande roue proprement dite. Voyez SABOT & GRANDE ROUE.

Le pilier du montant de derriere, dont l'assemblage, ainsi que celui des montans de devant, s'appelle chassis, sont garnis de deux planches saillantes dont l'une soutient l'extrêmité de la roue du moulinet, & l'autre la grande roue qui tourne au-dessus. Voyez CHASSIS & ROUE DU MOULINET.

Plus haut que cette roue du moulin est une barre de fer qui tient toute la longueur du rouet, & qui soutient tous les contrepoids, à chacun desquels sont attachées des cordes qui, par leur autre bout, sont liées à des mouffles, garnies chacune de deux poulies. Voyez MOUFFLES, POULIES & CONTREPOIDS.

Sur la premiere de ces poulies passe une autre corde qui va s'entortiller dans la fusée d'où elle revient par la seconde poulie sur les caselles, & les fait tourner pour devider le fil d'or, &c. dessus plus haut & un peu en-devant est le sommier appuyé de l'un & de l'autre bout sur chacune des traverses du corps du métier. Il est percé d'autant de trous qu'il y a de caselles, contenant autant de broches de fer garnies en-devant d'un moulinet, sur lequel on monte les petits roquetins pour le battu. Voyez SOMMIER, MOULINET, ROQUETINS & BATTU.

Au bas du sommier sur le devant sont cinq petites poulies & deux montans, qui servent à serrer ou desserrer la corde des moulinets qui passe sur ces poulies. Voyez POULIES & MONTANS.

C'est la roue du milieu qui donne le mouvement aux moulinets, par le moyen d'une seule corde qui se croise sur chacune des cinq poulies, ce qui rend cette corde fort difficile à monter.

Nous finirons cette description par le dossier, qui n'est autre chose qu'une planche qui s'éleve sur le derriere du métier de toute sa largeur. Elle est percée comme le sommier de douze ou seize trous, selon la grandeur du rouet, dans lesquels on passe autant de petites broches qu'on garnit de roquetins, sur lesquels on a tracanné la matiere qu'on veut couvrir. Ces roquetins sont retenus sur leur broche par un petit poids qui embrasse un de leurs bouts fait en maniere de poulie. Voyez DOSSIER, TRACANNER, &c.

ROUET A TRACANNER, est fait à-peu-près de la même maniere qu'un rouet ordinaire, excepté que la broche n'est pas percée comme dans celui-ci, pour conduire le fil de la quenouille sur la bobine : ce qui n'est pas nécessaire au tracanneur, puisqu'on devide du fil d'une caselle sur un bois. Voyez BOIS.

Grand ROUET, en terme de Friseur de drap, est une roue R R garnie de dents placées horisontalement, qui engrenent dans la grande lanterne E. Voy. LANTERNE. Cette roue est montée dans le manege sur un arbre vertical QQ, & tournée par un ou plusieurs chevaux. Voyez les Pl. de la Draperie.

ROUET de moulin, (Charpent.) on appelle rouet de moulin une petite roue attachée sur l'arbre d'un moulin, qui est de 8 à 9 piés de diamêtre, & a environ 48 chevilles ou dents de 15 pouces de long, qui entrent dans les fuseaux de la lanterne du moulin, pour faire tourner les meules. Rouet se dit généralement de toutes les roues dentées, dont les dents ou alluchons sont posés à plomb. (D.J.)

ROUET, (Serrurerie) garniture qui se met aux serrures, pour empêcher qu'on ne les crochete. Elle entre dans le panneton de la clef ; elle est posée sur le palatre. La tige de la clé passe au centre ; elle en est embrassée ; elle est ouverte vis-à-vis de l'entrée, pour laisser passer la clé.

On monte sur le rouet d'autres pieces, comme pleinecroix, faucillon, &c. ce qui lui donne différens noms.

Pour faire un rouet, on prend un morceau de fer doux ; on l'étire très-mince & très-égal d'épaisseur. On a la longueur du rouet sur une circonférence tracée au-dedans du palatre, & prise en mettant le bout de la tige de la clé dans le trou de l'entrée, & tournant la clé ; on la trace avec la pointe à tracer, mise au milieu de la fente du rouet. On partage cette circonférence au compas, en trois, quatre ou cinq parties égales ; on y ajoute une portion, & l'on porte le tout sur une ligne droite ; la portion ajoutée est l'excédent de la courbure de l'arc du cercle sur une ligne droite égale à la corde de l'arc. Un des piés du rouet doit être posé au trou percé sur le palatre, & l'on a la distance du trou à l'autre trou où doit être posé l'autre pié. Cela fait, on coupe le rouet de longueur & de largeur ; on lui fait les deux piés, un à chaque extrêmité, un peu plus larges que les trous percés, afin que si le rouet étoit ou trop long ou trop court, on pût les avancer ou reculer. On a laissé la bande de fer assez large pour pouvoir prendre sur la largeur, la hauteur des piés. On a pourvu aussi au cas où l'on seroit obligé de fendre le rouet, & de laisser passer les barbes du pêne ou de quelque secret. Alors on ne coupe point le rivet, ou le pié du rouet qui n'est autre chose que la rivure qui le fixe sur la piece où il est posé.

Si le rouet est chargé de pleinecroix, de faucillons, &c. on fend le rouet, & l'on y pratique les trous nécessaires pour recevoir les pieces. Le rouet bien forgé, bien limé, bien dressé & tourné, comme il convient, on le met en place, & on le fait passer dans la clé. Si la clé tourne bien, on le démonte, & on l'acheve en le chargeant de pieces surajoutées.

Rouet en pleinecroix fendue dans les piés. Pour le faire, lorsqu'il est coupé de longueur, limé, on y pratique un petit trou par-derriere au foret ou au burin. Ce trou doit avoir une ligne & demie, & être à la hauteur à laquelle sera fendue la pleinecroix dans la clé. A pareille hauteur, on fend le rouet par les deux bouts jusqu'au droit des piés. On les tournera ensuite & placera ; on l'essayera sur la fente de la clé ; & l'ayant retiré de place, on le piquera sur une platine de fer doux, & si mince qu'elle puisse passer aisément par les fentes de la clé, droit comme sur le palatre ; on le tracera avec une pointe à tracer. On épargnera une rivure ; on percera la platine au milieu ; on la limera de la largeur que la clé sera fendue du côté de la tige ; on coupera la platine par le milieu du trait jusqu'aux trous des piés du rouet ; puis on arrondira la platine à la lime. Limée, on l'ouvrira de l'épaisseur du rouet dont on courbera les piés en dedans pour les faire entrer dans la platine ; on rivera ces piés dans leurs trous doucement sur l'étau ou le tasseau à petits coups de marteau. Puis on redressera les piés du rouet ; on coupera la pleinecroix, & on y fera tourner la clé.

Rouet à faucillon en dedans. Le rouet fait, on perce trois ou quatre trous à la hauteur des fentes de la clé ; on pique le faucillon sur une platine, comme pour la pleinecroix, épargnant des rivures. Puis on le coupe, on l'arrondit, & on le fait tourner doucement dans les fentes de la clé.

Rouet renversé en-dehors, ou dont le bord est rabattu du côté du museau de la clé. Pour le faire, après avoir pris sa longueur, comme on a dit, & l'avoir laissé plus haut pour le rabattre, on le rabat à la hauteur qui convient aux fentes de la clé.

Rouet à crochet renversé en dedans. Il se fait comme le précédent, de rabattre le bout en crochet sur une petite bigorne, & de le faire passer dans la clé.

Rouet avec faucillon en-dehors. Après que le rouet est coupé de longueur & de hauteur, on y fait trois ou quatre trous, un à chaque bout & un ou deux aux côtés ; puis on rive le rouet ; l'on trace le faucillon sur une petite piece de fer doux ; on réserve du côté de dedans, de petites rivures qui répondent aux trous percés ; on rive, & l'on recuit plusieurs fois les pieces, afin de ne pas les corrompre.

Rouet renversé en-dedans. Il a le bord rabattu du côté de la tige de la clé ; & pour le faire, on le ploie sur un mandrin rond, après avoir été coupé de longueur, on a une virole d'une ligne & demie d'épaisseur, qui fait presque le tour du mandrin. On met cette virole sur le rouet & le mandrin, observant de laisser excéder le bord du rouet au-dessus du mandrin, de la hauteur dont on veut le renverser. On prend le tour dans l'étau ; on rabat & ploie doucement le fer à rouet sur le mandrin, commençant par le milieu, & recuisant, comme il a été dit. Le renversement fait, on dresse & l'on fait aller la clé.

Rouet en pleinecroix renversé en-dedans. La pleinecroix faite, & de la longueur laissée par - derriere pour la renversure, on a deux viroles de l'épaisseur de la renversure. On renverse sur ces viroles la pleinecroix qu'on met entre les deux viroles. On commence à renverser par le milieu, à petits coups de marteau, on la tourne, on la lime, on l'ajuste dans les fentes de la clé, & elle est finie. On observe toujours de recuire.

Rouet renversé en-dehors en bâton rompu. Il se fait comme le rouet renversé en-dehors à crochet, si ce n'est qu'il faut rabattre simplement sur le carré d'un tasseau.

Rouet en pleinecroix hasté en-dedans. Il se fait, comme les précédens, sur deux viroles, sinon qu'à la virole de dessus on épargne & pratique un petit rebord, hastiere ou feuillure carrée & limée, juste à la hauteur de la fente de la clé. On place la pleinecroix sur cette virole, & haste à petits coups de marteau ; puis avec des poinçons ou ciselets carrés par le bout, on la sertit tout - autour.

Rouet en pleinecroix hasté en dehors. C'est la même exécution, sinon qu'on place les viroles par le dedans du rouet.

Rouet avec pleinecroix, hasté en-dehors & renversé en-dedans. Il faut avoir quatre viroles : deux pour la hauteur, & deux pour la renversure ; l'une des viroles de dehors sera hastée, & celle de dedans sera toute carrée par - dessus. Après les avoir posées, comme il convient, on achevera comme à la pleinecroix hastée, & à la pleinecroix renversée.

Rouet à pleinecroix, hasté en-dedans & renversé en-dehors. C'est, comme au précédent, sinon qu'une des viroles de dedans doit être hastée.

Rouet foncet. C'est celui qui a la forme d'un T. On le fait avec une piece de fer doux qu'on étire mince par le bas, & qu'on met dans l'étau à chaud, & qu'on rabat des deux côtés, pour avoir l'enfonçure de la largeur de la fente de la clé. On lime ensuite, laissant un des côtés plus fort que l'autre ; puis on frappe avec la panne du marteau, comme au faucillon, ou au rouet renversé en-dessus, sur le tasseau, jusqu'à ce qu'il soit tourné comme il faut. On peut le composer de deux pieces. Pour cet effet on forme un rouet simple, on réserve à son bord trois ou quatre petites rivures ; on a une platine de fer, comme pour une pleinecroix ; on y pique le rouet, comme sur le palatre, avec une pointe à tracer, tant en-dedans qu'au-dehors ; on fixe le trait des places des rivures, on perce les trous où seront reçus les rivets. On coupe la fonçure de la largeur dont elle est fendue dans la clé ; on la rive, on sonde. La fonçure n'est qu'une pleinecroix, sinon qu'elle est toujours posée à l'extrêmité du rouet ou d'une planche.

Rouet avec pleinecroix renversé en-dedans. Il se fait avec des viroles, comme le renversé en-dehors, si ce n'est qu'il faut renverser le côté du dedans par celui de la tige.

Rouet hasté en-dedans, & dont le bord est coudé en double équerre. Ce rouet se fait avec un mandrin rond de la grosseur du rouet, par dedans, ayant au bout du mandrin une entaille de la hauteur & profondeur de la fente de la clé. On plie le fer à rouet sur le mandrin ; on a une virole d'une ligne d'épaisseur qu'on met sur le rouet ; on serre le tout dans l'étau ; on rabat sur le mandrin, & retrecit à petits coups de ciselets carrés par le bout, le fer excédent & laissé pour faire la hastiere.

Rouet hasté en-dehors. Il se fait de la même maniere, si ce n'est que l'entaille ou hastiere faite sur le mandrin doit être pratiquée sur la virole, & que le mandrin doit être tout carré ; on ajoute à ce rouet des pleinescroix ou des faucillons.

Rouet en fût de vilebrequin. On coupe ce rouet plus long ; on le ploie droit, & de la forme qui convient à la fente de la clé. On a une platine de fer doux de l'épaisseur de la renversure, mais plus large que toute la hauteur du rouet ; on la fend droite par deux endroits, à la lime à fendre & à la hauteur du coude du rouet ; on la place dans les fentes de la clé ou platine ; on a une petite piece de fer mince, de la largeur de deux lignes. On perce cette piece, le rouet & la platine en trois endroits ; on rive le tout. On tourne le tout rivé à chaud, sur un mandrin rond ; la petite piece tournée convenablement, comme on s'en assurera par un faux rouet, on coupera les piés ; on divisera la petite piece susdite, & l'on achevera.

Il y a des rouets en fût de vilebrequin tourné de tous côtés, renversé en-dedans avec pleinecroix, & il y a des rouets en queue d'aronde renversés en-dessus avec pleinecroix ; à queue d'aronde renversé en - dehors avec pleinecroix, à queue d'aronde renversé en - dedans avec pleinecroix, en bâton rompu ; des rouets fourchus avec pleinecroix ; des rouets en N avec pleinecroix, hasté en-dedans ; des rouets en M avec pleinecroix, des rouets en fond de cuve, ou à cone tronqué, ou plus ouverts d'un bout que de l'autre.

Pour ces derniers rouets, on a une piece de fer battu de l'épaisseur du rouet, on y trace une circonférence depuis le centre de la tige de la clé, jusqu'à l'entrée de la fente du rouet, en plaçant la clé dans un trou fait à la plaque de fer qui servira pour le rouet, & la tournant comme pour tracer un rouet simple. Puis on marque la place des piés ; la mesure s'en prend, comme aux rouets droits. On a la hauteur du rouet qu'on trace sur la platine ou fer à rouet. On coupe la platine de mesure convenable. On y laisse la hauteur des piés par-dehors & par-dedans, selon les fentes de la clé ; de quelque côté que les piés soient, on coupe toujours, & on enleve ces sortes de rouets sur une circonférence tracée, & la mesure se prend du côté où il faut faire les piés.

Il y a des rouets foncets, hastés, renversés en-dehors & en-dedans, des deux côtés, avec pleinecroix hastée en-dehors.

Des rouets en S avec pleinecroix.

Des rouets foncets simples.

Des rouets en bâton rompu, avec double pleinecroix.

Des rouets en trois de chiffre avec pleinecroix.

Des rouets à crochet, renversés en-dehors, avec pleinecroix hastée du même côté.

Des rouets en bâton rompu, avec pleinecroix hastée en-dedans.

Des rouets renversés en-dedans & hastés, en crochet par dehors, avec pleinecroix.

Des rouets renversés en-dehors, & hastés en crochet en-dedans, avec pleinecroix.

Des rouets fourchus & hastés par-dedans, en bâton rompu, avec pleinecroix renversée par-dehors.

Des rouets en brin de fougere avec pleinecroix.

Des rouets en fût de vilebrequin, renversés par-dehors, en crochet, avec pleinecroix.

Des rouets fourchus, renversés en-dedans, à crochet, hastés en bâton rompu, en-dehors, avec un faucillon, hasté en-dehors, & un autre faucillon hasté en-dedans.

Des rouets en fond de cuve renversés en-dehors en bâton rompu, & renversés en-dedans avec pleinecroix.

Des rouets hastés en bâton rompu.

Des rouets hastés en-dehors, avec faucillon, renversés du même côté.

Des rouets hastés en-dedans, avec faucillon hasté aussi en-dedans.

Des rouets en quatre de chiffre, avec une pleinecroix, & un faucillon en-dedans.

Des rouets en fleche, avec une pleinecroix au milieu, une pleinecroix en-bas, & tournés en fût.

ROUET, (Soierie) il y a le rouet à cannettes. Cette machine qu'on voit dans nos Planches, n'a rien de particulier ; on y remarquera deux petites roues destinées à faire les cannettes.

Il y a aussi le rouet à devider. Il y en a à quatre guindres avec une tournette.

ROUET A RABATTRE, en terme de Tireur d'or, est un rouet fait comme les rouets les plus ordinaires, excepté que la tête est garnie de deux montans placés sur la même ligne, le premier servant à soutenir la bobine, & le second la roquette qui y est montée sur une broche, & sur laquelle le fil d'or se devide.

ROUET, s. m. terme de Vitrier, machine dont les Vitriers se servent pour applatir & refendre des deux côtés les plombs dont ils se servent aux vitreaux des églises, & aux panneaux des vitres ordinaires ; on l'appelle communément tire-plomb. Trévoux. (D.J.)


ROUETTES. f. (Comm. de bois) c'est une longue & menue branche de bois ployant qu'on fait tremper dans l'eau pour la rendre plus fléxible & plus souple ; on s'en sert comme de lien ou de hare, pour joindre ensemble avec des perches les morceaux ou pieces de bois dont on veut former des trains, pour les voiturer plus facilement par les rivieres. Il y a les rouettes à couplet, les rouettes à flotter, celles à traversiner, & les rouettes de gaffe ou de partance. Savary. (D.J.)

ROUETTES DE PARTANCE, parmi les marchands de bois, sont des rouettes qu'on donne aux compagnons de riviere qui doivent conduire les trains, pour suppléer en route à celles qui pourroient se casser.


ROUGEadj. (Physiq.) est une des couleurs simples dont la lumiere est composée, & la moins réfrangible de toutes. Voyez REFRANGIBILITE & COULEUR.

Les acides changent le noir, le bleu & le violet en rouge, le rouge en jaune, & le jaune en jaune-pâle. Les alkalis changent le rouge en violet ou pourpre, & le jaune en couleur de feuille-morte. Voyez ACIDE & ALKALI.

Les matieres terrestres & sulphureuses deviennent rouges par l'action du feu, & même à la longue noires, comme la brique, la pierre ponce, la chaux, l'ardoise, qui deviennent noires quand elles sont fondues par le verre ardent.

Les écrevisses deviennent rouges, étant exposées à un feu modéré ; mais si le feu est violent, elles deviennent noires. Le mercure & le soufre mêlés & mis sur un feu modéré, deviennent d'un beau rouge, que l'on appelle cinabre artificiel. Voyez CINABRE. Un esprit acide étant versé sur une solution bleue de tournesol, le change en beau rouge ; un alkali lui restitue sa couleur bleue.

M. de la Hire a observé qu'un corps lumineux vu à-travers un corps noir paroît toujours rouge, comme quand on regarde le soleil à-travers un nuage sombre. Il ajoute que bien des gens qui voyent parfaitement les autres couleurs, n'ont, pour ainsi dire, qu'une fausse sensation du rouge, & ne l'apperçoivent que comme noir. Voyez BLEU. Chambers. (O)

ROUGE, s. m. (Cosmétiq.) espece de fard fort en usage, que les femmes du monde mettent sur leurs joues, par mode ou par nécessité. En d'autres termes, c'est

Cette artificieuse rougeur

Qui supplée au défaut de celle

Que jadis causoit la pudeur.

Le rouge dont on faisoit usage anciennement se nommoit purpurissus, sorte de vermillon préparé ; c'étoit un fard d'un très-beau rouge purpurin, dont les dames grecques & romaines se coloroient le visage. Il paroît par sa composition qu'il avoit quelque chose d'approchant de ce que nos peintres appellent rose d'oeillet, carnation d'oeillet, en anglois rose-pink. Il étoit fait de la plus fine espece de craie-blanche, creta argentaria, dissoute dans une forte teinture pourpre, tirée de l'écume chaude du poisson purpura, du murex, ou à leur défaut des racines & des bois qui teignent en rouge ; quand la partie la plus crasse étoit tombée au fond du vaisseau, la liqueur, quoiqu'encore épaisse, se versoit dans un autre vaisseau, & ce qui alloit au fond de cette derniere liqueur étoit d'un beau pourpre pâle qu'on mettoit dans des vases précieux & qu'on gardoit pour l'usage.

L'usage du rouge a passé en France avec les Italiens sous le regne de Catherine de Médicis. On employoit le rouge d'Espagne, dont voici la préparation. On lave plusieurs fois dans l'eau claire les étamines jaunes du carthame ou safran bâtard, jusqu'à ce qu'elles ne donnent plus la couleur jaune ; alors on y mêle des cendres gravelées, & on y verse de l'eau chaude. On remue bien le tout, ensuite on laisse reposer pendant très-peu de tems la liqueur rouge ; les parties les plus grossieres étant déposées au fond du vaisseau, on la verse peu-à-peu dans un autre vaisseau sans verser la lie, & on la met pendant quelques jours à l'écart. La lie plus fine d'un rouge foncé & fort brillante se sépare peu-à-peu de la liqueur, & va au fond du vaisseau : on verse la liqueur dans d'autres vaisseaux ; & lorsque la lie qui reste dans ces vaisseaux, après en avoir versé l'eau, est parfaitement seche, on la frotte avec une dent d'or. De cette maniere on la rend plus compacte, afin que le vent ne la dissipe point lorsqu'elle est en fine poussiere. Le gros rouge se fait de cinabre minéral bien broyé avec l'eau-de-vie & l'urine, & ensuite séché.

Il n'y a pas long-tems que le beau sexe de ce pays a mis en vogue l'art barbare de se peindre les joues de ce rouge éclatant. Une nation voisine chez qui les regles de cet art ne sont pas de son institution, ne se sert encore de rouge que pour tromper agréablement, & pour pouvoir se flatter de n'en être pas soupçonné ; mais qui peut répondre que le beau sexe de ce peuple ne mette du rouge dans la suite par mode & par usage jusqu'à réjouir ou à effrayer, quoiqu'actuellement le peu de rouge dont quelques-unes des dames du pays se parent en secret, ne soit parvenu au degré de pouvoir supprimer l'apparence de ce rouge charmant qui décele les premieres foiblesses du coeur ?

Est-ce pour réparer les injures du tems, rétablir sur le visage une beauté chancelante, & se flatter de redescendre jusqu'à la jeunesse, que nos dames mettent du rouge flamboyant ? Est - ce dans l'espoir de mieux séduire qu'elles employent cet artifice que la nature desavoue ? Il me semble que ce n'est pas un moyen propre à flatter les yeux que d'arborer un vermillon terrible, parce qu'on ne flatte point un organe en le déchirant. Mais qu'il est difficile de s'affranchir de la tyrannie de la mode ! La présence du gros rouge jaunit tout ce qui l'environne. On se résout donc à être jaune, & assûrément ce n'est pas la couleur d'une belle peau. Mais d'un autre côté, si l'on renonce à ce rouge éclatant, il faudra donc paroître pâle. C'est une cruelle alternative, car on veut mettre absolument du rouge de quelque espece qu'il soit, pâle ou flamboyant. On ne se contente pas d'en user lorsque les roses du visage sont flétries, on le prend même au sortir de l'enfance. Cependant, malgré l'empire de la coutume, je pense comme Plaute, & je répondrois comme lui à une jeune & jolie femme qui voudroit mettre du rouge : " Je ne vous en donnerai point, vous êtes à merveille, & vous iriez barbouiller d'une peinture grossiere l'ouvrage le plus beau & le plus délicat du monde : ne faites point cette folie, vous ne pouvez employer aucun fard qui ne gâte & n'altere promtement la beauté de votre teint ". Non dabo purpurissum, scita tu quidem es ; vis novâ picturâ interpolare opus lepidissimum. Nullum pigmentum debet attingere faciem, ne deturpetur.

Après tout, je ne serois pas fâché que quelqu'un plus éclairé que je ne le suis, nous fît une histoire du rouge, nous apprît comment il s'introduisit chez les Grecs & les Romains, par quelle raison il fut l'indice d'une mauvaise conduite, par quelle transition il vint à passer au théatre, & à dominer tellement que chacun jusqu'à Polyphème en mit pour s'embellir ; enfin comment il est depuis assez long-tems parmi nous une des marques du rang ou de la fortune. (D.J.)

ROUGE de carmin ou CARMIN, (Chymie & Peint.) c'est ainsi que l'on nomme une couleur ou fécule d'un beau rouge très-vif tirant sur le cramoisi. On a déja parlé de cette couleur à l'art. CARMIN ; mais comme elle n'y a été décrite que très - imparfaitement, on a cru devoir y suppléer ici.

Voici le procédé suivant lequel on peut faire le carmin avec succès. On prend 5 gros de cochenille, un demi gros de graine de chouan, 18 grains d'écorce d'autour, 18 grains d'alun, & 5 livres d'eau de pluie ; on commencera par faire bouillir l'eau, alors on y jettera la graine de chouan, on lui laissera faire cinq ou six bouillons, après quoi on filtrera la liqueur. On la remettra sur le feu ; lorsqu'elle aura bouilli de nouveau, on y mettra la cochenille ; après qu'elle aura fait environ quatre ou cinq bouillons, on y joindra l'écorce d'autour & l'alun. On filtrera de nouveau la liqueur ; au bout de quelque tems, le carmin sous la forme d'une fécule rouge se précipitera au fond du vaisseau où l'on aura mis la liqueur filtrée ; les doses indiquées en donneront environ deux scrupules. On décantera la liqueur qui surnagera, & on fera sécher la couleur rouge au soleil.

Lorsqu'on voudra faire le rouge que les femmes employent pour se farder, on pulvérisera l'espece de talc, connu en France sous le nom de craie de Briançon. Lorsqu'elle aura été réduite en une poudre très-fine, on y joindra du rouge de carmin à proportion de la vivacité que l'on voudra donner à la couleur du rouge, & l'on triturera soigneusement ce mêlange qui peut être appliqué sur la peau sans aucun danger.

La cherté du carmin fait que souvent on lui substitue du cinabre que l'on mêle avec le talc.

ROUGE de Corroyeur, (Teint.) il se fait avec du bois de Brésil, dont il faut deux livres sur deux seaux d'eau, à quoi l'on ajoute de la chaux, quand il est raisonnablement éboulli. (D.J.)

ROUGE ou ROSETTE, encre d'Imprimerie, pour imprimer en rouge. Voyez ENCRE.

ROUGE, (Maréchal.) un cheval rouge, est un cheval bai très-vif. Ce terme n'est plus en usage. Gris-rouge. Voyez GRIS.

ROUGE, (Peinture) très-beau pour le lavis. Réduisez en poudre subtile ce que vous voudrez de cochenille, versez-la dans un vaisseau où vous ayez mis de l'eau rose assez pour surpasser de deux doigts cette poudre ; jettez ensuite de l'alun brûlé, & pulvérisé encore tout chaud dans de l'eau de plantin, dans laquelle vous mêlerez la liqueur qui aura servi à dissoudre la cochenille, & vous aurez un très-beau rouge, qui vaut mieux que le vermillon pour le lavis ; parce que le vermillon a trop de corps, & qu'il se ternit à cause du mercure dont il est composé.

ROUGE D'INDE, (Teint.) ou terre de Perse, qu'on appelle aussi, quoique très - improprement, rouge d'Angleterre. C'est une ochre rouge, assez friable & très-haute en couleur, qui, bien broyée & réduite en poudre impalpable, fait un assez beau rouge. On tire cette ochre de l'île d'Ormus, dans le golfe persique. Le rouge d'inde ne s'employe guere que par les Cordonniers, qui s'en servent pour rougir les talons des souliers qu'ils font, en le détrempant avec du blanc-d'oeuf. (D.J.)

ROUGE, (Teint.) c'est une des cinq couleurs simples & matrices des Teinturiers.

Il y a deux especes de rouge ; l'une dont le jaune est le premier degré, & qui par le rapprochement de ses parties augmentant peu-à-peu de teinte, & passant par l'orangé devient couleur de feu, qui est l'extrême de la concentration du jaune. Le minium, le précipité rouge, le cinabre en sont des exemples que la Chymie nous fournit. L'autre rouge part de l'incarnat ou couleur de chair, & passe au cramoisi qui est le premier terme de sa concentration ; car en rapprochant davantage ses particules colorantes, on le conduit par degrés jusqu'au pourpre. L'encre sympatique bien dépurée prend sur le feu toutes ces nuances. Le rouge qui a une origine jaune ne prendra jamais le cramoisi, si l'on n'a pas ôté ce jaune qui le fait de la classe des couleurs de feu ; de même le rouge dont la premiere teinte est incarnate, ne deviendra jamais couleur de feu, si on n'y ajoute pas le jaune.

Cependant les Teinturiers distinguent sept sortes de rouge dans le grand teint ; savoir, 1°. l'écarlate des Gobelins ; 2°. le rouge cramoisi ; 3°. le rouge de garance ; 4°. le rouge de demi-graine ; 5°. le rouge demi-cramoisi ; 60. le nacarat de bourre ; 7°. l'écarlate façon de Hollande. Le vermillon, la cochenille & la garance sont les drogues principales qui produisent ces diverses especes de rouge.

L'écarlate des Gobelins se fait avec de l'agaric, des eaux sûres, du pastel & de la graine d'écarlate ou de vermillon. Quelques Teinturiers y ajoutent de la cochenille. Le rouge cramoisi se fait avec les eaux sûres, le tartre & la fine cochenille. Le rouge de garance se fait avec la garance de Flandre. Le rouge de mi-graine se fait avec les eaux sûres, l'agaric, moitié graine d'écarlate & moitié garance. Le demi-cramoisi se fait avec moitié garance & moitié cochenille. Le nacarat de bourre exige que l'étoffe soit auparavant mise en jaune ; ensuite le nacarat se fait avec le bain de la bourre qui a été ébrouée sur un bouillon avec des cendres gravelées. L'écarlate façon d'Hollande se fait avec la cochenille, le tartre & l'amidon, après avoir bouilli avec de l'alun, du tartre, du sel gemme & de l'eau-forte où l'étain a été dissous ; mais cette couleur, quoique des plus éclatantes, se rose & se tache aisément.

Entre ces sortes de rouges, il n'y en a que trois qui ayent des nuances ; savoir le rouge cramoisi, le nacarat de bourre, & l'écarlate de Hollande.

Les nuances du rouge de garance sont couleur de chair, peau d'oignon, fiamette, ginjolin. Celles du cramoisi sont fleur de pommier, couleur de chair, fleur de pêcher, couleur de rose incarnadin, incarnat-rose, incarnat & rouge cramoisi. Les nuances de la bourre sont les mêmes que celles du rouge cramoisi. L'écarlate, outre celles du cramoisi & de la bourre, a encore pour nuances particulieres la couleur de cerise, le nacarat, le ponceau, & la couleur de feu.

Quant au rouge de Brésil, c'est une fausse teinture que n'employent point les Teinturiers du bon teint. Savary. Hellot. (D.J.)

ROUGE D'ANGLETERRE, chez les Vergettiers, est une espece de peau de couleur rouge qu'on tire d'Angleterre, & dont ils se servent pour couvrir le dos ou la poignée des brosses. On n'en employe presque plus, parce qu'on en fait à Paris de meilleur.

ROUGE, (Art de la Verrerie) Néri a décrit la maniere de donner au verre un rouge transparent ; & comme son procédé réussit, je vais le transcrire. Prenez, dit-il, de la magnésie de Piémont réduite en une poudre impalpable ; mêlez-la à quantité égale de nitre purifié ; mettez ce mêlange à calciner au feu de reverbere pendant vingt-quatre heures ; ôtez-le ensuite ; édulcorez - le dans de l'eau chaude, & faites - le secher, après en avoir séparé le sel par les lotions : cette matiere sera d'une couleur rouge : ajoutez-y une quantité égale de sel ammoniac ; humectez le tout avec du vinaigre distillé ; broyez-le sur le porphyre, & le faites sécher. Mettez ensuite ce mêlange dans une cornue qui ait un gros ventre & un long col, & donnez pendant douze heures un feu de sable & de sublimation ; rompez alors la cornue ; mêlez ce qui sera sublimé, & ce qui sera resté au fond de la cornue ; pesez la matiere & ajoutez - y, de sel ammoniac, le poids qui en est parti par la sublimation ; broyez le tout comme auparavant : après l'avoir imbibé de vinaigre distillé, remettez-le à sublimer dans une cornue de la même espece ; réiterez la même chose, jusqu'à ce que la magnésie demeure fondue au fond de la cornue. Cette composition donne au crystal & aux pâtes un rouge transparent semblable à celui du rubis ; on en met vingt onces sur une de crystal ou de verre ; on peut cependant augmenter ou diminuer la dose selon que la couleur semblera l'exiger.

Le même Néri indique les procédés pour donner au verre la couleur d'un rouge -sanguin, & celle de rubis-balais ; mais il seroit trop long d'entrer dans ces détails. (D.J.)

ROUGE, (Gloss. franç.) L'usage de l'écarlate affecté aux plus éminens personnages, tant dans la guerre que dans les lettres ; le privilege de porter la couleur rouge, reservé aux chevaliers & aux docteurs, introduisit probablement dans notre langue, le mot rouge, pour fier, hautain, arrogant ; sur-tout lorsqu'on vit Artérella, chef des Gaulois révoltés & victorieux, se revêtir de sanguines-robes & d'écarlate. Dans l'ouvrage en vers intitulé, l'Amant rendu cordelier, on lit, les plus rouges y sont pris, pour dire les plus glorieux ; Brantôme s'est encore servi de ce mot dans le même sens, en parlant de l'affaire des Suisses à Novare contre M. de la Freinville, qui fut un grand exploit & un grand heur de guerre, dont ils vinrent si rouges & si insolens, qu'ils méprisoient toutes nations, & pensoient battre tout le monde. Cette acception du mot rouge en a formé une autre par une legere transposition de lettres ; rouge au-lieu de rouge, est mis pour arrogance, vanité, insolence. Sainte-Palaye. (D.J.)

ROUGE MER, grand golfe de l'Océan qui sépare l'Egypte & une partie de l'Afrique de l'Arabie.

" A l'extrêmité de la mer Rouge, est cette fameuse langue de terre qu'on appelle l'isthme de Suez, qui fait une barriere aux eaux de la mer Rouge, & empêche la communication de la Méditerranée avec l'Océan. On peut croire que la mer Rouge est plus élevée que la Méditerranée ; & que si on coupoit l'isthme de Suez, il pourroit s'en suivre une inondation & une augmentation de la Méditerranée. Quand même on ne voudroit pas convenir que la mer Rouge fût plus élevée que la Méditerranée, on ne pourra pas nier qu'il n'y ait aucun flux & reflux dans cette partie de la Méditerranée voisine des bouches du Nil ; & qu'au contraire il y a dans la mer Rouge un flux & reflux très-considérable, & qui éleve les eaux de plusieurs piés, ce qui seul suffiroit pour faire passer une grande quantité d'eau dans la Méditerranée, si l'isthme étoit rompu. D'ailleurs, nous avons un exemple cité à ce sujet par Varenius, qui prouve que les mers ne sont pas également élevées dans toutes leurs parties. Voici ce qu'il en dit, p. 100 de sa géographie. Oceanus germanicus, qui est Atlantici pars, inter Frisiam & Hollandiam se effundens, efficit sinum qui, etsi respectu celebrium sinuum maris, tamen & ipse dicitur mare, alluitque Hollandiae emporium celeberrimum, Amstelodamum. Non procul indè abest lacus harlemensis, qui etiam mare harlemense dicitur. Hujus altitudo non est minor altitudine sinûs illius belgici, quem diximus, & mittit ramum ad urbem Leidam, ubi in varias fossas divaricatur. Quoniam itaque nec lacus hic, neque sinus ille hollandici maris inundant adjacentes agros (de naturali constitutione loquor, non ubi tempestatibus urgentur, propter quas aggeres facti sunt) patet indè quòd non sint altiores quàm agri Hollandiae. At verò Oceanum germanicum esse altiorem quàm terras hasce experti sunt Leidenses, cùm suscepissent fossam seu alveum ex urbe sua ad Oceani germanici littora prope Cattorum vicum perducere (distantia est duorum milliarium) ut, recepto per alveum hunc mari, possent navigationem instituere in Oceanum germanicum, & hinc in varias terrae regiones. Verùm enim verò cùm magnam jam alvei partem perfecissent, desistere coacti sunt, quoniam tùm demum per observationem cognitum est Oceani germanici aquam esse altiorem quàm agrum inter Leidam & littus Oceani illius ; undè locus ille, ubi fodere desierunt, dicitur Het malle Gat. Oceanus itaque germanicus est aliquantùm altior quàm sinus ille hollandicus, &c. Ainsi on peut croire que la mer Rouge est plus haute que la Méditerranée, comme la mer d'Allemagne est plus haute que la mer de Hollande.

Quelques anciens auteurs, comme Hérodote & Diodore de Sicile, parlent d'un canal de communication du Nil & de la Méditerranée avec la mer Rouge : & en dernier lieu M. Delisle a donné une carte en 1704, dans laquelle il a marqué un bout de canal qui sort du bras le plus oriental du Nil, & qu'il juge devoir être une partie de celui qui faisoit autrefois cette communication du Nil avec la mer Rouge. Voyez les mém. de l'acad. des Sc. ann. 1704. Dans la troisieme partie du livre qui a pour titre, Connoissance de l'ancien monde, imprimé en 1707, on trouve le même sentiment ; & il y est dit d'après Diodore de Sicile, que ce fut Nécas roi d'Egypte, qui commença ce canal ; que Darius roi de Perse le continua, & que Ptolomée II. l'acheva & le conduisit jusqu'à la ville d'Arsioné ; qu'il le faisoit ouvrir & fermer selon qu'il en avoit besoin. Sans que je prétende vouloir nier ces faits, je suis obligé, dit M. de Buffon, d'avouer qu'ils me paroissent douteux ; & je ne sai pas si la violence & la hauteur des marées dans la mer Rouge ne se seroient pas nécessairement communiquées aux eaux de ce canal, il me semble qu'au-moins il auroit fallu de grandes précautions pour contenir les eaux, éviter les inondations, & beaucoup de soins pour entretenir ce canal en bon état ; aussi les historiens qui nous disent que ce canal a été entrepris & achevé, ne nous disent pas s'il a duré ; & les vestiges qu'on prétend en reconnoître aujourd'hui, sont peut-être tout ce qui en a jamais été fait.

On a donné à ce bras de l'Océan le nom de mer Rouge, parce qu'elle a en effet cette couleur dans tous les endroits où il se trouve des madrépores sur son fond. " Voici ce qui est rapporté dans l'histoire générale des voyages, tome I. pag. 198 & 199. " Avant que de quitter la mer Rouge, D. Jean examina quelles peuvent avoir été les raisons qui ont fait donner ce nom au fleuve arabique par les anciens, & si cette mer est en effet différente des autres par la couleur ; il observa que Pline rapporte plusieurs sentimens sur l'origine de ce nom. Les uns le font venir d'un roi nommé Erythros qui régna dans ces cantons, & dont le nom en grec signifie rouge ; d'autres se sont imaginé que la réflexion du soleil produit une couleur rougeâtre sur la surface de l'eau ; & d'autres, que l'eau du golfe a naturellement cette couleur. Les Portugais qui avoient déja fait plusieurs voyages à l'entrée des détroits, assuroient que toute la côte d'Arabie étant fort rouge, le sable & la poussiere qui s'en détachoient & que le vent poussoit dans la mer, teignoient les eaux de la même couleur.

Don Jean, qui pour vérifier cette opinion, ne cessa point jour & nuit depuis son départ de Socotara, d'observer la nature de l'eau & les qualités des côtes jusqu'à Suez, assure que loin d'être naturellement rouge, l'eau est de la couleur des autres mers, & que le sable ou la poussiere n'ayant rien de rouge non plus, ne donnent point cette teinte à l'eau du golfe ; la terre sur les deux côtes est généralement brune, & noire même à quelques endroits ; dans d'autres lieux elle est blanche : ce n'est qu'au de-là de Suaquen, c'est-à-dire sur des côtes où les Portugais n'avoient point encore pénétré, qu'il vit en effet trois montagnes rayées de rouge, encore étoient-elles d'un roc fort dur, & le pays voisin étoit de la couleur ordinaire.

La vérité donc est que cette mer, depuis l'entrée jusqu'au fond du golfe, est par-tout de la même couleur, ce qu'il est facile de se démontrer à soi-même, en puisant de l'eau à chaque lieu ; mais il faut avouer aussi que dans quelques endroits elle paroît rouge par accident, & dans d'autres verte & blanche ; voici l'explication de ce phénomene. Depuis Suaquen jusqu'à Kossir, c'est-à-dire pendant l'espace de 136 lieues, la mer est remplie de bancs & de rochers de corail ; on leur donne ce nom, parce que leur forme & leur couleur les rendent si semblables au corail, qu'il faut une certaine habileté pour ne pas s'y tromper ; ils croissent comme des arbres, & leurs branches prennent la forme de celles du corail ; on en distingue deux sortes, l'une blanche & l'autre fort rouge ; ils sont couverts en plusieurs endroits d'une espece de gomme ou de glue verte, & dans d'autres lieux orange foncé. Or l'eau de cette mer étant plus claire & plus transparente qu'aucune autre eau du monde, de sorte qu'à 20 brasses de profondeur l'oeil pénetre jusqu'au fond, sur-tout depuis Suaquen jusqu'à l'extrêmité du golfe, il arrive qu'elle paroît prendre la couleur des choses qu'elle couvre ; par exemple, lorsque les rocs sont comme enduits de glue verte, l'eau qui passe par-dessus, paroît d'un verd plus foncé que les rocs mêmes, & lorsque le fond est uniquement de sable, l'eau paroît blanche ; de même lorsque les rocs sont de corail, dans le sens qu'on a donné à ce terme, & que la glue qui les environne est rouge ou rougeâtre, l'eau se teint, ou plutôt semble se teindre en rouge ; ainsi comme les rocs de cette couleur sont plus fréquens que les blancs & les verds, don Jean conclut qu'on a du donner au golfe Arabique le nom de mer Rouge, plutôt que celui de mer verte ou blanche ; il s'applaudit de cette découverte, avec d'autant plus de raison, que la méthode par laquelle il s'en étoit assuré, ne pouvoit lui laisser aucun doute ; il faisoit amarrer une flûte contre les rocs dans les lieux qui n'avoient pas assez de profondeur pour permettre aux vaisseaux d'approcher, & souvent les matelots pouvoient exécuter ses ordres à leur aise, sans avoir la mer plus haut que l'estomac, à plus d'une demie lieu des rocs ; la plus grande partie des pierres ou des cailloux qu'ils en tiroient dans les lieux où l'eau paroissoit rouge, avoient cette couleur ; dans l'eau qui paroissoit verte, les pierres étoient vertes, & si l'eau paroissoit blanche, le fond étoit d'un sable blanc, où l'on n'appercevoit point d'autre mêlange ". Hist. nat. gen. & partic. tom. I.

ROUGE-BOURSE, Voyez GORGE ROUGE.

ROUGE-GORGE. Voyez GORGE ROUGE.


ROUGE-QUEUEROUGE-QUEUE

ROUGE-QUEUE de la Chine, oiseau de la grosseur de la linote rouge ; il a le bec épais, court & brun, & l'iris des yeux blanc ; la tête & le derriere du cou sont d'un beau pourpre bleuâtre ; le dos est verd ; les plumes des épaules & les petites des aîles ont une couleur jaune verdâtre ; les grandes plumes extérieures des aîles, sont d'un rouge sombre & pourpré, les autres ont une couleur rouge mêlée de verd ; la gorge, la poitrine, le ventre & les cuisses sont d'un très-beau rouge, couleur d'écarlate ; la queue est composée de douze plumes, toutes d'un rouge sombre ; les piés sont jaunes. On trouve cet oiseau à la Chine. Hist. nat. des oiseaux, par Derham, tom. III. Voyez OISEAU.

Grande ROUGE-QUEUE, oiseau de la grandeur de l'étourneau ; il a neuf pouces & demi de longueur, depuis la pointe du bec jusqu'au bout des ongles, & un pié deux pouces d'envergure ; le bec est noir, il ressemble à celui de l'étourneau, & il a plus d'un pouce de longueur ; la piece du dessus est un peu crochue, plus longue & plus pointue que la piece du dessous ; le dedans de la bouche a une couleur jaune, & la langue est un peu fendue à son extrêmité ; les piés ont une couleur cendrée, & les ongles sont noirs ; la plante des piés est jaune ; les couleurs de cet oiseau sont du gris, du noir & du jaune disposés par taches ; la queue est courte & n'a guere plus de trois pouces de longueur ; elle est composée de douze plumes, toutes également longues, & d'un beau jaune éclatant, excepté les deux du milieu & le bord extérieur des autres dont le jaune est obscur. Hist. nat. des oiseaux, par Derham, tom. III. Voyez OISEAU.


ROUGEMONT(Géogr. mod.) petite ville de France dans la Champagne, au diocèse de Langres, sur la riviere d'Armançon, à deux lieues au-dessus de Ravieres, & à six au sud-ouest de Châtillon sur Seine. Il y avoit une abbaye de filles, de l'ordre de S. Benoît, fondée l'an 1147, mais elle a été transférée à Dijon, l'an 1677. Long. 22. 11. latit. 47. 48. (D.J.)


ROUGEOLES. f. en Médecine, est une maladie cutanée, qui consiste dans une éruption universelle de boutons non suppurans, & qui est accompagnée de fievre.

Cette maladie paroît avoir beaucoup de ressemblance avec la petite vérole, les symptomes étant les mêmes à plusieurs égards, la cause à-peu-près la même, le régime & le traitement ne different pas beaucoup. Voyez PETITE VEROLE.

Les boutons ou grains de la rougeole paroissent ordinairement le quatrieme jour par tout le corps, & ressemblent à des piquures de mouche ; mais ils sont plus épais, plus rouges, & plus enflammés que ceux de la petite vérole ; ils disparoissent quatre à cinq jours après ; dans leur plus haut point ils ne sont pas plus gros que des têtes d'épingle.

La rougeole est plus fâcheuse que dangereuse ; néanmoins elle tend souvent à la consomption, par le moyen de la toux qu'elle laisse après elle.

ROUGEOLE, (Médec.) Il arrive quelquefois que la rougeole devient épidémique dans un pays, & même y cause de très-grands ravages. Cette maladie fit périr à Paris, en 1712, dans moins d'un mois, plus de cinq cent personnes. Elle emporta entr'autres M. le duc de Bourgogne, sa femme & son fils. Cette rougeole maligne parcourut toute la France, vint en Lorraine, & coucha dans le tombeau les aînés du duc de Lorraine, François, destiné à être un jour empereur, & à relever la maison d'Autriche. (D.J.)


ROUGETMORRUDE, MOURRE, GALLINE, RONDELLE, ORGANO, COCCHOU, s. m. (Hist. nat. Ichthyol.) cuculus, poisson de mer qui ressemble beaucoup au poisson volant, mais qui en différe par les nageoires, par la bouche, & par les écailles ; le rouget a le ventre blanc & tout le reste du corps rouge ; la tête est grosse, & la partie antérieure se termine par deux aiguillons courts ; il y a aussi au-dessus des yeux deux petites pointes, & les couvertures des ouies ont plusieurs petits aiguillons. Ce poisson a de chaque côté du corps une bande longitudinale formée par des écailles, & sur le dos deux rangs d'écailles pointues qui laissent entr'eux une sorte de gouttiere où sont deux nageoires qui se dressent lorsque le poisson se dispose à nager. Le rouget a deux nageoires sur le dos, qui occupent toute sa longueur ; la premiere est la moins longue & la plus haute ; les premiers aiguillons de cette nageoire sont longs & pointus ; la seconde nageoire s'étend jusqu'à la queue, elle a des aiguillons plus petits que ceux de la premiere ; ce poisson a encore deux nageoires aux ouies, deux autres au ventre près de celles des ouies, & une derriere l'anus qui s'étend jusqu'à la queue ; il y a au devant des nageoires de la partie antérieure du ventre, des barbillons charnus qui sont pendans ; la chair de ce poisson est dure, seche & un peu gluante. Les Latins l'ont nommé cuculus, parce qu'il imite le chant du coucou. Rondelet, hist. nat. des poissons, prem. part. liv. X. ch. ij. Voyez POISSON.


ROUGEURS. f. (Morale.) La rougeur, selon les physiologistes, est le passage promt & libre du sang par les arteres, dans les vaisseaux cutanés du visage, où il s'arrête quelques momens avant que son retour se fasse par les veines. Les causes en sont différentes ; mais nous ne considérons ici la rougeur que comme affection & sentiment.

Pompée ne pouvoit s'empêcher de rougir toutes les fois qu'il paroissoit dans l'assemblée du peuple. Fabianus, célebre orateur, éprouvoit aussi la même chose quand le sénat l'appelloit dans une affaire en qualité de temoin ; ce n'étoit pas chez eux une foiblesse d'esprit, c'étoit un effet de surprise qu'ils ne pouvoient vaincre, car ce à quoi l'on n'est pas accoutumé, dit Séneque, frappe vivement les personnes qui ont de la disposition à rougir.

Quoique la rougeur soit en général un apanage de la décence & de la modestie, elle n'en est pas toujours une démonstration. Sempronia, cette femme d'une naissance illustre, qui entra dans la conjuration de Catilina, avoit une beauté incomparable, rehaussée par cette apparence de pudeur qui n'auroit jamais fait soupçonner le desordre de sa conduite, & les crimes dont elle étoit coupable.

Nous avons vû une célebre actrice à Londres, dont on ne soupçonnoit pas l'innocence, qui rougissoit quand elle vouloit, & qui avoit le même empire sur sa rougeur que sur ses larmes : mais la rougeur estimable est ce beau coloris produit par la pudeur, par l'innocence, & qu'un ancien nommoit spirituellement le vermillon de la vertu ; il la rend aussi toujours plus belle & plus piquante. Voyez comme Dryden en a fait la peinture, d'après une jeune dame dont il étoit amoureux.

A crimson blush her beauteous face o'erspread.

Varging her cheeks by turns with white aud red ;

The driving colours, never at a stay,

Run here and there, and flush and fare away ;

Delightful change ! thus indian iv'ry shows,

Wich with the bord'ring paint of purple glows,

Or lilly demask'd by the neighbouring rose.

ROUGEUR DU VISAGE, gutta rosacea, maladie cutanée. Cette rougeur accompagnée de boutons est due à une intempérie du foie, car ces boutons ne sauroient disparoître que le foie ne s'endurcisse & ne jette le malade dans l'hydropisie, & ces maladies du foie diminuent considérablement, lorsque ces maladies paroissent sur le visage : ainsi on ne doit point appliquer à contretems des topiques sur ces sortes d'éruptions, dans le dessein de les faire disparoître.

On appelle cette rougeur gutta rosacea, à cause des petites gouttes ou tubercules rougeâtres qui sont disposées sur tout le visage. Quelques-uns l'appellent rubedo maculosa, ou plutôt ruber cum maculis, à cause que le visage est tellement couvert de ces sortes de taches, qu'il en devient hideux.

La cause est un sang épais & visqueux, engendré par le vice du foie, qui passant par les vaisseaux capillaires jusqu'à la surface de la peau du visage, la couvre d'une rougeur pareille à celle que cause la honte ; comme il est lent & visqueux, & qu'il ne peut retourner par les veines, il s'arrête sur cette partie, y cause une rougeur qui ne peut être dissipée à cause de la densité de l'épiderme, & dégénere en des pustules qui s'ulcerent après avoir rongé le tissu des glandes cutanées.

On peut guerir cette maladie lorsqu'elle est benigne, récente, & que le malade est d'un bon tempérament ; mais la cure n'en peut être que palliative, lorsqu'elle est invétérée ou d'une nature maligne, elle n'est pas toujours causée par la débauche du vin & des liqueurs, puisque les personnes sobres n'en sont pas exemptes ; cependant ceux qui font un usage immodéré du vin, de biere forte, de liqueurs spiritueuses, en sont plus fréquemment attaqués que ceux qui s'en abstiennent. On ne peut la guérir qu'en remédiant à l'intempérie du foie & des autres visceres, & aux obstructions, & en détournant les humeurs des parties affectées, par la saignée, les vesicatoires, les ventouses, les cauteres, & l'usage réiteré des purgatifs ; le régime doit être humectant & rafraîchissant, les alimens faciles à digerer ; on doit s'abstenir du vin & des liqueurs fortes, aussi-bien que des viandes en ragoût & épiceries ; les eaux de chicorée émulsionnée, le lait coupé, le petit lait clarifié, les plantes tempérantes, telles que la laitue, le pourpier, l'oseille, & les épinars, sont fort bonnes ; on peut y ajouter la patience, le fumeterre, l'aunée, dans le cas d'épaississement du sang.

On doit prendre garde d'employer imprudemment des topiques repercussifs, car la rougeur répercutée deviendroit aussi dangereuse que la gale, les dartres, & autres maladies de cette nature.

Le sucre ou sel de saturne, avec le blanc-rasis, & autres linimens, sera fort bon.

On peut employer le mêlange suivant, l'alun, le sel de saturne, le camphre, l'alun brulé, le crystal minéral humecté avec de l'eau de frai de grenouille, de joubarbe ou du suc de nénuphar, cela sera bon si les boutons sont invétérés & durcis.

En général on doit abandonner cette cure, si le malade a d'ailleurs toutes les autres parties saines, & si toutes ses fonctions sont dans leur état naturel.

Cette rougeur considérée comme symptome de la fievre & des maladies inflammatoires, dénote que le sang se porte avec violence à la tête, & que le cerveau est entrepris. De-là vient que le sang ne pouvant revenir du cerveau & des parties voisines, embarrassé d'ailleurs par celui qui engorge les vaisseaux de la face dans l'état ordinaire & naturel, s'arrête dans ces parties, les engorge, les gonfle, se jette sur les petits capillaires ; la raison de ce phénomene est sur-tout la structure particuliere du réseau artériel cutané de cette partie, qui fait que le sang y est arrêté par l'engorgement des grands vaisseaux, & l'erétisme des nerfs. Cette rougeur est ordinaire dans les fievres tierces & ardentes, dans la péripneumonie, dans l'esquinancie, & dans toutes les maladies aiguës & chroniques qui attaquent la poitrine & les organes qu'elle contient.

Souvent ce phénomene est l'effet de la passion hypochondriaque & hystérique dans les personnes en qui l'estomac, la rate, le foie & la matrice se trouvent irrités soit par le sang trop épais, soit par le spasme & la tension trop grande des nerfs.

La rougeur causée par la fievre & les affections, soit chroniques, soit aiguës, de la tête ou de la poitrine, demande que l'on employe les remedes indiqués par ces causes.

La rougeur produite par l'affection hystérique, demande à être traitée différemment ; elle suit les indications de cette affection. Voyez HYSTERIQUE.


ROUGIRv. act. (Gram.) voyez les articles ROUGE & ROUGEUR.

ROUGIR les cuirs, (Courroyerie) façon que les Courroyeurs donnent aux cuirs qu'ils courroyent, en leur appliquant un rouge composé de bois de Brésil & de chaux mis dans de l'eau à certaine proportion, & bouillis long-tems ensemble. Les cuirs des Courroyeurs ne se rougissent que du côté de la fleur ; ceux des Peaussiers se rougissent de chair & de fleur. Dictionnaire du Commerce. (D.J.)


ROUGISSURES. f. terme de Chauderonniers ; les Chauderonniers appellent rougissure, la couleur du cuivre rouge : ce mot se dit en parlant d'un vase de cuivre qui n'est pas d'un beau rouge. Richelet. (D.J.)


ROUHANS. m. ou ROUAN, (Maréchall.) c'est la couleur ou le poil d'un cheval qui a du poil gris ou blanc semé fort épais, & presque dominant sur un poil bay, alezan, ou noir. Lorsque ce poil domine sur un alezan chargé, on l'appelle rouhan vineux ; rouhan cap ou cavesse de maure, est un poil mêlé de blanc & de noir communément mal teint : il n'y a pas beaucoup de différence entre rouhan & rubican. Voyez RUBICAN.


ROUILLE(Chymie métall.) c'est ainsi que l'on nomme un changement que subit le fer lorsqu'il est exposé aux impressions de l'air ou de l'eau ; alors il se couvre peu-à-peu d'un enduit brun ou rougeâtre, semblable à de la terre ou à de l'ochre ; c'est cet enduit que l'on nomme rouille.

Pour comprendre la formation de la rouille, on n'a qu'à faire attention aux propriétés de l'air ; de l'aveu de tous les Chymistes, il est chargé de l'acide vitriolique, qui est de tous les acides celui qui a le plus de disposition à s'unir avec le fer ; de l'union de cet acide avec ce métal, il résulte un sel neutre, connu sous le nom de vitriol. Voyez VITRIOL. Ce sel se décompose à l'air, & alors il s'en dégage une terre ferrugineuse brune ou rougeâtre, qui n'est autre chose que de l'ochre ou de la rouille ; d'où l'on voit que la rouille est la terre qui servoit de base au fer privée du phlogistique ; ce principe est si foiblement combiné dans le fer, que l'eau suffit pour l'en dégager.

On a tenté différens moyens pour prévenir la rouille ; mais il ne paroît pas qu'ils ayent eu le succès que l'on desiroit ; ces remedes n'ont été que momentanés, & lorsque les substances dont on avoit couvert le fer sont évaporées, l'air reprend son activité sur ce métal. Les huiles, les peintures, les vernis, sont les seuls moyens de garantir le fer de la rouille, sur-tout si l'on a soin de les renouveller de tems à autres ; du-moins ces substances empêchent la rouille de se montrer ; car dans le vrai elles contiennent de l'eau & de l'acide qui doivent nécessairement agir sur le fer par-dessous, & y former de la rouille.

L'enduit verd qui se forme sur le cuivre, & qui est connu sous le nom de verd-de-gris, peut aussi être regardé comme une espece de rouille.

ROUILLE la, (Arts) un grand inconvénient du fer pour les usages de la vie, c'est la rouille, qui n'est pas moins que la dissolution de ses parties par l'humidité des sels acides de l'air ; l'acier y est aussi sujet, mais plus lentement. Il seroit très-utile pour les Arts d'avoir des moyens qui empêchassent ce métal d'être si susceptible de cet accident. On ne sait jusqu'à ce jour d'autre secret pour l'en préserver, autant qu'il est possible, que celui de le frotter d'huile ou de graisse : voici la recette d'un onguent propre à cet usage, imaginé par M. Homberg, & qu'on peut conseiller aux Chirurgiens pour la conservation de leurs instrumens.

Il faut prendre huit livres de graisse de porc, quatre onces de camphre, les faire fondre ensemble, y mêler du crayon en poudre une assez grande quantité pour donner à ce mêlange une couleur noirâtre, faire chauffer les instrumens de fer ou d'acier qu'on desire préserver de la rouillure, ensuite les frotter, & les oindre de cet onguent.

Le fer est de tous les métaux celui qui s'altere le plus facilement : il se change tout en rouille, à-moins qu'on ne le préserve des sels de l'air par la peinture, le vernis, l'étamage. Il donne prise aux dissolvans les plus foibles ; puisque l'eau même l'attaque avec succès. Quelquefois une humidité legere & de peu de durée, suffit pour défigurer, & pour transformer en rouille les premieres couches des ouvrages les mieux polis. Aussi pour défendre ceux qui par leur destination, sont trop exposés aux impressions de l'eau, a-t-on cherché à les revêtir de divers enduits ; on peint à l'huile, on dore les plus précieux, on en bronze quelques-uns ; on a imaginé de recouvrir les plus communs d'une couche d'étain. Autrefois nos serruriers étoient dans l'usage d'étamer les verroux, les targettes, les serrures, les marteaux de porte ; & c'est ce qu'on pratique encore dans quelques pays étrangers. Journellement les Eperonniers étament les branches & les mords des brides. Enfin, on étame des feuilles de fer, & ces feuilles étamées sont ce que nous appellons du fer-blanc.

M. Ellys rapporte dans son voyage de la baye d'Hudson, que les métaux sont moins sujets dans certains climats très-froids à se rouiller que dans d'autres. Cette observation qui paroît d'abord peu importante, mérite néanmoins l'attention des Physiciens ; car s'il est vrai qu'il y a une grande différence pour la rouille des métaux dans différens climats, on pourra alors se servir de cette différence, comme d'une indication pour les qualités similaires ou dissimilaires de l'air dans ces mêmes pays, & cette connoissance pourroit être utilement appliquée en plusieurs occasions.

Le sieur Richard Ligon qui a compilé une relation de l'île de Barbade, il y a plus d'un siecle, rapporte que l'humidité de l'air y étoit de son tems si considérable, qu'elle faisoit rouiller dans un instant les couteaux, les clés, les aiguilles, les épées, &c. Car, dit-il, passez votre couteau sur une meule, & ôtez-en toute la rouille ; remettez-le dans son fourreau, & ainsi dans votre poche ; tirez-le un moment après, & vous verrez qu'il aura commencé à se couvrir de tous côtés de nouvelle rouille ; que si vous l'y laissez pendant quelque tems, elle pénétrera dans l'acier, & rongera la lame. Il ajoute encore que les serrures qu'on laisse en repos se rouillent tout-à-fait au point de ne pouvoir plus servir, & que les horloges & les montres n'y vont jamais bien à cause de la rouille qui les attaque en dedans, & qui est un effet de l'humidité extraordinaire de l'air de ce pays. Il remarque aussi qu'avant leur arrivée dans cette île, ils observerent déja ces mêmes effets sur mer pendant quatre ou cinq jours, qu'ils eurent un tems extrêmement humide, dont il donne une description très-exacte, en prouvant par cela même que la cause de la rouille des métaux doit être attribuée entierement à l'humidité de l'air.

On peut dire que c'est un sentiment assez universellement reçu, que l'humidité fait rouiller les métaux ; & il est certain que cette relation de Ligon doit avoir paru à tous ceux qui l'ont lue, une preuve incontestable de cette opinion reçue : par la raison contraire, dans les pays qui environnent la baie d'Hudson, les métaux y sont moins susceptibles de rouille que par-tout ailleurs ; on observe la même chose en Russie, & sans doute que la sécheresse de l'air de ce pays en est la cause. Cependant, quoique les métaux se rouillent dans l'île de Barbade par l'humidité de l'air, & qu'ils sont préservés de la rouille en Russie par la sécheresse de cet élément, on peut douter que l'idée générale de l'humidité soit seule suffisante pour rendre raison de tous les phénomenes qui accompagnent ordinairement la rouille. Il est très-certain que l'air des pays qui environnent la baie d'Hudson, est plutôt humide que sec ; car les brouillards continuels qui y regnent sont plus que suffisans, pour prouver que l'air y doit être humide dans un degré très considérable ; & toutesfois les métaux ne s'y rouillent pas comme dans d'autres endroits. Ne pourroit-on pas conclure de-là, que l'humidité seule n'est pas la cause de la rouille, quoiqu'il soit vrai d'un autre côté que celle-ci ne se trouve jamais, ou que rarement, sans humidité ?

En examinant avec attention la rouille, on trouve que c'est une solution des particules superficielles du métal sur lequel elle se forme, causée par quelque dissolvant fluide ; mais il ne s'ensuit pas de-là, que tous les fluides indifféremment puissent causer de la rouille, ou ce qui revient au même, ronger & dissoudre les particules superficielles du métal : nous savons, par exemple, que l'huile, loin d'avoir cette propriété, sert plutôt à conserver les métaux contre la rouille. Or, en réfléchissant davantage sur ce sujet, & en examinant d'où vient que l'huile, & généralement toute sorte d'onguent & de graisse, fait cet effet sur les métaux ; on est porté à penser que l'huile conserve les métaux en les garantissant contre certaines particules contenues dans les fluides aqueux qui causent précisément la rouille, & que ces particules ne sont autre chose que des sels acides.

Ce sentiment paroît d'autant plus vraisemblable, qu'il est certain que les solutions de tous les métaux se font par les dissolvans acides, comme nous le voyons confirmé tous les jours, par la maniere ordinaire de faire du blanc de plomb, qui n'est autre chose qu'une rouille, ou solution de ce métal, causée par le vinaigre. Nous apprenons par-là que l'huile conserve les métaux, par la qualité connue qu'elle a d'envelopper les sels acides. Il paroîtroit donc que ce n'est pas proprement l'humidité, mais plutôt un certain dissolvant fluide, répandu dans l'air, qui cause la rouille ; car quoique l'air soit un fluide, & qu'il agisse souvent sur la surface des métaux, en les faisant rouiller, nous ne devons pas croire qu'il agit ainsi simplement comme fluide, puisqu'en ce cas l'air devroit causer par-tout le même effet ; & les métaux devroient se rouiller en Russie, aussi-bien que par-tout ailleurs proche la ligne équinoxiale. L'air ne peut pas non plus produire cet effet comme étant chargé de particules aqueuses, quoiqu'on le croye communément. Si cela étoit, l'air humide devroit causer le même effet dans la baie de Hudson, que sur les côtes de l'île de Barbade. Disons donc plutôt que lorsque les particules aqueuses, qui flottent dans l'air, sont chargées de sels acides, elles causent alors la r ouille, & non autrement.

Nous voyons par-là, que les métaux deviennent à cet égard, une espece d'essai ou d'épreuve, pour la qualité de l'air, puisque par l'action que l'air fait sur eux, ils font connoître s'il est chargé de certains sels ou non. Il est encore possible que la chaleur de l'air agisse en quelque façon sur les métaux, principalement sur leurs surfaces, en ouvrant leurs pores, & en les disposant par-là à admettre une plus grande quantité de cet esprit acide de sel élevé dans l'athmosphere par la force des rayons du soleil. (D.J.)

ROUILLE du froment, (Agricult.) la rouille est une maladie qui attaque les feuilles & les tiges du froment. Elle se manifeste par une substance de couleur de fer rouillé, ou de gomme-gutte ; elle couvre les feuilles & les tiges des fromens dans la plus grande force de leur végétation.

Cette substance est peu adhérente aux feuilles, puisqu'on a souvent vu des épagneuls blancs sortir leurs poils tout chargés de poussiere rouge, quand ils avoient parcouru un champ de froment attaqué de cette maladie.

De plus, il est d'expérience que quand il survient une pluie abondante, qui lave les fromens qui en sont attaqués, la rouille est presqu'entierement dissipée, & les grains en souffrent peu. Il n'est pas douteux que c'est la couleur de cette poussiere dont les feuilles se trouvent chargées, qui a déterminé les Agriculteurs à donner le nom de rouille à cette maladie ; & c'est peut-être celle que les anciens ont connue sous le nom de rubigo.

On l'attribue ordinairement, & mal-à-propos, aux brouillards secs qui surviennent quand les fromens sont dans la plus grande force de leur végétation. Cette erreur vient de ce qu'on a remarqué que quand un soleil chaud succédoit à ces brouillards secs, il arrivoit quelques jours après que les fromens étoient devenus rouillés. Ce qu'il y a de certain, c'est que cette maladie est extrêmement fâcheuse, puisque les fromens de la plus grande beauté sont tout-à-coup réduits presque à rien par cet accident imprévu.

Si la rouille attaque les fromens encore jeunes, & avant qu'ils aient poussé leurs tuyaux, le dommage est médiocre ; pourvû néanmoins qu'il survienne un tems propre à la végétation. Dans ces circonstances, les piés sont seulement affoiblis, comme si on en avoit coupé, ou fait paître les feuilles. Ces piés font de nouvelles productions, & ils donnent des épis ; la paille en est seulement plus courte, & les épis moins gros. Mais si la rouille attaque & les feuilles & les tuyaux, alors la végétation du froment est arrêtée, & le grain ne profite presque plus ; ensorte qu'il en résulte un très-grand dommage pour la moisson.

Cette triste maladie a été décrite par M. du Tillet. Ce laborieux observateur en attribue la cause à l'âcreté des brouillards, qui brisent le tissu des feuilles & des tuyaux, & qui occasionnent par-là l'extravasation d'un suc gras & oléagineux, lequel en se desséchant peu-à-peu, se convertit en une poussiere rouge-orangé. Il a examiné, dit-il, avec une forte loupe plusieurs piés de froment, dont les tiges & les feuilles étoient chargées de rouille, & il a vu distinctement que dans les endroits où étoit cette poussiere rouge, il y avoit de petites crevasses, & que l'épiderme de la plante étoit entr'ouverte d'espace en espace. Il a observé que ce suc réduit en poussiere rougeâtre, sortoit d'entre ces petites ouvertures, audessus desquelles on voyoit de légers fragmens d'épiderme, qui recouvroient imparfaitement les petites crevasses.

Il appuie son sentiment par l'extravasation du suc nourricier de plusieurs arbres, par exemple, des noyers, de la manne de Calabre, qui est un suc extravasé des feuilles d'une espece de frêne ; enfin par ce que M. de Musschenbroeck rapporte dans ses Essais de Physique, des sucs épais & oléagineux qui sortent des vaisseaux excrétoires des feuilles, & qui s'arrêtent à leur surface avec la même consistance que le miel.

M. du Tillet rapporte plusieurs observations qui tendent à démontrer combien se trompent ceux qui croyent que les brouillards sont un agent extérieur qui altere les grains. Il ne doute pas que la rouille des blés ne soit la suite d'une maladie dont le principe n'est pas encore assez bien connu.

Ceux-là se trompent encore, qui croyent que la rouille, & la poussiere farineuse qu'on apperçoit sur plusieurs plantes, sont des amas d'oeufs que des insectes y ont déposés, & dont il sort une nombreuse famille funeste aux végétaux. En adoptant avec l'auteur, pour cause de ces maladies l'extravasation des sucs nourriciers, on appercevra que la rouille, la rosée mielleuse, la rosée farineuse, & ces matieres grasses qu'on apperçoit sur les plantes graminées, dépendent de la qualité d'un suc concentré dans les plantes par l'évaporation, & qui se convertit tantôt en une poussiere impalpable, & tantôt en cette substance épaisse que l'on voit être de couleur rouge sur les fêves de marais, rougeâtre sur les plantes graminées, verdâtre sur le prunier, jaunâtre sur le frêne, blanche sur le mélèse, &c.

Quoique ces remarques laissent bien des choses à desirer, elles peuvent néanmoins engager les Physiciens à s'exercer sur un objet aussi utile au public. M. Lullin de Châteauvieux, qui a fait tant de belles expériences sur la culture des terres, n'a pas dédaigné de communiquer au public d'excellentes observations sur la rouille, qui m'ont paru dignes d'entrer dans cet ouvrage.

Il soupçonne que cette maladie des blés provient d'une extravasation de la seve, d'autant que la végétation de la plante se trouve arrêtée, & que l'agrandissement des feuilles, l'allongement des tuyaux, & la croissance des épis sont suspendus : or comme la seve existe dans la plante, il faut qu'elle devienne quelqu'autre substance ; & peut-être se convertit-elle en cette poudre rouge-orangée, qui paroît le produit d'une véritable végétation, qui croît & qui augmente tous les jours en quantité, tant que la maladie dure.

Les blés ne sont frappés de la rouille que dans des tems de sécheresse, & lorsque la rosée leur a manqué pendant plusieurs jours : or la privation de cette humidité si favorable à la végétation, peut être capable de causer aux tuyaux & aux feuilles, un desséchement qui en désunit les parties, & qui en entr'ouvre le tissu par où se fait l'extravasation de la seve.

M. de Châteauvieux a proposé un moyen qu'il a expérimenté, pour arrêter le progrès de la rouille des blés. Après avoir remarqué que le corps de la plante dans la terre, est sans aucune altération, & que ses racines sont parfaitement saines, il a retranché sur la fin de Septembre, toutes les feuilles des plantes rouillées. Quelques jours après cette opération de nouvelles feuilles parurent ; les plantes firent des progrès considérables, & à l'entrée de l'hiver elles étoient belles & en pleine vigueur. Après l'hiver elles tallerent très-bien, & produisirent de fort grands épis qui parvinrent en maturité. La rouille continua ses ravages sur les plantes dont il n'avoit pas retranché les feuilles, & elle les fit périr à tel point, qu'elles ne produisirent pas un seul épi.

Voilà un remede dont on peut faire usage pour détourner cette maladie ; à la vérité il ne peut s'appliquer que lorsqu'elle se manifeste en automne & au printems, car quand elle se manifeste dans le tems que les blés sont en tuyaux & près d'épier, alors le mal paroît sans remede.

M. de Châteauvieux a de plus observé que les blés que l'on seme de très-bonne heure sont plus sujets à être rouillés, que ceux qu'on seme tard : en évitant de tomber dans le premier cas, on auroit encore en automne une ressource contre cette maladie.

Enfin il a remarqué que lorsque les blés ont été rouillés, les seconds foins des prés l'ont été également ; leurs feuilles ont passé d'un beau verd à cette mauvaise couleur de la rouille des blés ; ces feuilles ont eu de la poussiere semblable, & l'herbe diminuoit chaque jour très-sensiblement. Comme tous les champs de blé n'en sont pas ordinairement infectés de même, aussi on ne l'a remarqué s'étendre qu'à cette partie des prairies. Cette maladie est sans-doute opérée par la même cause sur les blés que sur les foins ; mais elle n'y produit pas exactement le même effet. Sur les plantes annuelles, telles que le blé, elle peut les faire périr entierement, comme cela arrive ; mais sur les plantes vivaces, telles que celles des prés, elle ne détruit point les plantes, les feuilles seules sont endommagées. Leur conservation ne pourroit-elle pas être attribuée à la suppression qu'on fait des feuilles quand on fauche les prés ?

Quoi qu'il en soit, si l'on avoit une connoissance assez certaine des causes de la rouille, on parviendroit vraisemblablement à découvrir plus aisément le remede ; mais en attendant cette découverte, il est àpropos de recueillir toutes les observations que les amateurs d'Agriculture feront sur cette maladie ; on en tirera certainement quelque secours. Traité de la culture des terres, par M. Duhamel, de l'académ. des Scien. tom. IV. (D.J.)


ROUIRv. act. (Econom. rustiq.) préparation que l'on fait au chanvre avant que de le broyer : voici comme on s'y prend. On arrange le chanvre dans le routoir au fond de l'eau ; on le couvre d'un peu de paille, & on l'assujettit sous l'eau avec des morceaux de bois & des pierres. Voyez fig. Pl.

On le laisse dans cet état jusqu'à-ce que l'écorce qui doit fournir la filasse, se détache aisément de la chenevotte, ou du bois qui est au milieu de la tige du chanvre ; ce qu'on reconnoit en essayant de tems en tems si l'écorce cesse d'être adhérente à la chenevotte. On juge que le chanvre est assez roui, quand il s'en détache sans difficulté, & pour lors on le tire du routoir.

Cette opération dispose non-seulement le chanvre à quitter la chenevotte, mais encore elle affine & attendrit la filasse.

On ne peut pas déterminer positivement combien il faut de tems pour que le chanvre soit assez roui ; cela dépend de la qualité de l'eau, de la chaleur de l'air, & même de la qualité du chanvre. Voyez l'article CHANVRE.


ROULADES. f. ou ROULEMENT, en Musique, se dit de plusieurs infléxions de voix sur une même syllabe.

Il faut un choix de sons ou de voyelles, convenable pour les roulades ; les a sont les plus favorables pour faire sortir la voix, ensuite les o, les e ouverts ; l'i & l'u sont peu sonores, encore moins les diphtongues. Quant aux voyelles nasales, on n'y doit jamais faire de roulemens. La langue italienne pleine d'o & d'a, est beaucoup plus propre pour les roulades que n'est la françoise ; aussi les musiciens italiens ne les épargnent-ils pas. Au contraire, les françois obligés de composer presque toute leur musique syllabique, à cause des voyelles peu favorables, sont obligés de donner aux notes une marche lente & posée, ou de faire heurter les consonnes en faisant courir les syllabes ; ce qui rend nécessairement le chant languissant ou dur. Je ne vois pas comment la musique françoise pourra jamais surmonter cet obstacle. (S)

ROULADE sur un tambour, (Physiq.) on nomme roulade, ou roulement, le bruit continu qui résulte de la rapidité avec laquelle on fait succéder les baguettes sur un tambour, en le battant avec adresse. Ces percussions répétées lestement sur un corps élastique & tendu, font sur l'organe de l'ouie une impression continue, à cause de la rapidité avec laquelle elles se succedent. C'est ainsi que les roulemens dans le chant, qui ne sont autre chose que les promtes inflexions de voix sur une syllabe, dépendent de la flexibilité des organes dans la personne qui chante, & de la rapidité de la percussion des sons dans la personne qui écoute. Les impressions excitées par l'organe sont une trace continue, à cause de la célérité avec laquelle elles se succedent. La corde de viole élargie & multipliée par les vibrations, produit le même effet. Le cercle de feu qu'on fait voir avec un simple charbon ardent tourné en rond, s'explique par le même principe. En un mot, tous ces phénomenes de l'ouie & de la vue dépendent de la durée de la sensation que les objets excitent dans les nerfs, & de la promtitude avec laquelle leurs actions se répetent. (D.J.)


ROULAGES. m. (Comm.) profession qu'exercent les Rouliers. Il signifie aussi le prix, le salaire qu'on paye aux rouliers pour leurs peines. Voyez ROULIER.

Roulage se dit encore de la fonction de certains petits officiers de villes que l'on entretient sur les ports pour sortir des bateaux les balles, ballots, tonneaux & futailles, les mettre à terre en les roulant sur des planches. Ces officiers ont à Paris pour le roulage des marchandises des droits particuliers qui leur sont attribués par une ordonnance de la ville de l'année 1641. Dict. de Comm. & de Trévoux.


ROULEAUS. m. (Conchyliol.) genre de coquille marine, univalve, dont la bouche est toujours allongée ; son sommet est quelquefois détaché du corps par un cercle, & quelquefois il est couronné ; le fût est toujours uni.

Les rouleaux sont autrement nommés cylindres, & plus communément olives. Voyez OLIVE, (Conchyliol. (D.J.)

ROULEAU, s. m. (Antiq. ecclés.) feuille de parchemin, au haut de laquelle on inscrivoit anciennement dans les monasteres le nom & l'éloge d'un abbé ou d'une abbesse décédée, avec la date de leur mort. On portoit ensuite cette feuille de monastere en monastere, & chacun y marquoit à son tour qu'il avoit offert des prieres à Dieu pour le repos de l'ame du défunt ou de la défunte. (D.J.)

ROULEAU, ou VOLUME, (Littérat.) ce que nous appellons aujourd'hui livre, se nommoit autrefois rouleau & volume, du latin volumen, dont la racine est volvere, rouler. On ne plioit pas les feuilles pour les coudre & les relier ensemble, comme on fait aujourd'hui, mais on faisoit un rouleau de chaque feuille qu'on mettoit les unes sur les autres ; ensorte que quelquefois une matiere traitée, n'occupant qu'une seule feuille, celle-ci faisoit un volume ; & c'est ce qu'il faut entendre par ce grand nombre de volumes qu'on nous dit que quelques-uns des anciens ont composés, & même par cette multitude prodigieuse de volumes dont étoit composée la bibliotheque d'Alexandrie. Car enfin depuis l'invention de l'Imprimerie, si propre à multiplier les livres avec une promtitude infiniment plus expéditive que la diligence des anciens libraires ou copistes, & malgré la fécondité des modernes, on n'est pas encore parvenu à former une bibliotheque de 700000 volumes, telle qu'étoit celle d'Alexandrie. Il faut donc convenir que la plûpart des volumes dont elle étoit composée, étoient de peu de feuilles. Quant à ceux qui en contenoient davantage, afin d'empêcher que ces feuilles roulées les unes sur les autres ne se brouillassent, on prit la précaution de les coudre toutes ensemble & de n'en faire qu'un rouleau. Il est souvent parlé dans l'Ecriture de ces rouleaux ou volumes, & les Juifs en gardent encore l'usage dans leurs synagogues. Ce sont, dit Léon de Modene, des peaux de vélin cousues ensemble, non avec du fil, mais avec les boyaux d'un animal monde, sur lesquelles la loi est écrite avec une grande exactitude, & qu'on roule sur deux bâtons de bois qui sont aux deux bouts. On roule aussi à mesure une piece d'étoffe de lin ou de soie pour conserver l'écriture, & l'on renferme le tout dans une espece de sac ou d'étui de soie. Les extrêmités des bâtons qui excedent de beaucoup le velin, sont garnis d'ornemens d'argent, comme pommes de grenade, clochettes, couronnes, &c. Le même auteur ajoute qu'il y a dans l'aron ou armoire d'une synagogue quelquefois plus de vingt de ces rouleaux nommés sefer tora, ou livre de la loi. Celle d'Amsterdam en possede plus de cinquante, & un certain jour de l'année on les porte en procession dans la synagogue. Mais aucun de ces rouleaux n'est véritablement ancien. Léon de Moden. cérém. des Juifs, part. I. c. x.

ROULEAU, s. m. (Ouvrages & Manufact.) piece de bois de figure cylindrique, dont on se sert dans la fabrique de plusieurs ouvrages, & dans diverses manufactures, mais souvent sous d'autres noms.

C'est sur des rouleaux que se dressent les laines, les soies, les fils, les poils, &c. dont on fait la chaîne des étoffes & des toiles ; chaque métier en a ordinairement deux ; celui des Gaziers en a trois ; on les nomme ensubles, & quelquefois ensubleaux.

Les Tissutiers - rubaniers qui travaillent aux galons & tissus d'or & d'argent, appellent rouleau de la poitrine, un petit cylindre qui est attaché au-devant de leur métier. C'est sur ce rouleau que passe l'ouvrage à mesure qu'il s'avance, avant de le rouler sur l'ensuble de devant.

Dans les manufactures des glaces de grand volume, on nomme rouleau à couler, un gros cylindre de fonte, qui sert à conduire le verre liquide jusqu'au bout de la table sur laquelle on coule les glaces.

Les Fondeurs en sable se servent d'un rouleau pour corroyer le sable qu'ils employent à faire leurs moules ; on l'appelle plus communément bâton.

Les Pâtissiers ont un rouleau pour applatir & feuilleter leurs pâtes.

Les presses qu'on nomme calendres, qui servent à calendrer les étoffes, sont entr'autres parties essentielles, composées de deux rouleaux. C'est aussi entre deux rouleaux que se font les ondes des étoffes de soie, de poil ou de laine propres à être tabisées comme les moëres, les tabis, les camelots, &c.

Les images, estampes & tailles-douces s'impriment en passant entre deux rouleaux, la planche de cuivre gravée, & le papier humide qui en doit prendre l'impression. Savary. (D.J.)

ROULEAU, s. m. (Instrum. de méchan.) espece de cylindre de bois qui sert à mouvoir les plus pesans fardeaux pour les conduire d'un lieu à un autre. Il y a de ces rouleaux qu'on nomme sans fins, ou tours terriers, parce qu'on les fait tourner par le moyen de leviers. Ils sont assemblés sous un poulin avec des entre-toises ou des moises. (D.J.)

ROULEAU, (Agricult.) On peut quelquefois l'employer utilement à briser les mottes, suivant le systême de M. Tull ; mais il ne faut s'en servir que quand la terre est seche, autrement le rouleau la corroyeroit, & détruiroit en partie les avantages qu'on retire des labours.

ROULEAUX, s. m. pl. (Archit.) les ouvriers appellent ainsi les enroulemens des modillons & des consoles, & même ceux des panneaux & ornemens répétés de serrurerie.

ROULEAU de cartouche, (Artifice) c'est un rouleau qui sert à former un cartouche cylindrique, en roulant tout-autour un carton, à mesure qu'on le colle ; tels sont ceux de presque tous les artifices. (D.J.)

ROULEAUX, (ustensile de Charpentiers, Marbriers, Tailleurs de pierre) les rouleaux dont ils se servent pour mener d'un lieu à un autre les poutres, les marbres, les pierres de taille & autres fardeaux qui sont lourds, mais non pas d'une pesanteur extraordinaire, sont de simples cylindres de bois de sept à huit pouces de diamêtre, & de trois à quatre piés de longueur, qu'ils mettent successivement par - devant sous les pieces qu'ils veulent conduire, tandis qu'on les pousse par derriere avec des pinces ou des leviers.

Quand les blocs de marbre ou les autres fardeaux sont d'un poids excessif, on se sert de rouleaux sans fin, qu'on nomme autrement tours terriers. Ces rouleaux, pour leur donner plus de force, & empêcher qu'ils ne s'écrasent, sont faits de bois assemblés à entre - toises ; ils ont près d'un double de longueur & de diamêtre des simples rouleaux, & sont outre cela garnis de larges cercles de fer aux deux extrêmités. A un pié près de chaque bout, sont quatre mortaises, ou plutôt deux seulement, mais qui sont percées d'outre en outre. Elles servent à y mettre des longs leviers de bois, que des ouvriers tirent avec des cordes qui sont attachées au bout, & l'on change de mortaises à mesure que le rouleau a fait un quart de tour ; ce travail est long & pénible, mais sûr. Savary. (D.J.)

ROULEAUX sans fin, (Charpent.) ce sont des rouleaux de bois assemblés avec des entre-toises. On s'en sert très-utilement pour conduire de grands fardeaux & amener de grosses pierres d'un lieu à un autre.

ROULEAU, en terme de Cirier, c'est une planche de noyer d'environ un demi - pié de long sur quatre pouces de large & un d'épaisseur. Ce rouleau est garni de deux fiches qui lui servent de poignée. C'est avec cet ustensile qu'on arrondit une piece, & qu'on lui donne une grosseur proportionnée à sa longueur. Voyez les Pl. du Cirier.

ROULEAU, (Cuisine) est un gros cylindre de bois sur lequel on dévide la corde des tournebroches, & qui est garni d'un haut bord pour soutenir la corde, & l'empêcher de tomber entre lui & la grande roue, & d'un ressort qui s'arrête à une des croisées de la grande roue lorsque la corde est assez remontée.

ROULEAU, en terme d'Eperonnier, signifie proprement l'extrêmité inférieure de la sous-barbe d'un mords, qui se replie plusieurs fois sur elle-même, & forme une espece de bouton ou rouleau d'où elle tire son nom. Voyez les fig. Pl. de l'Eperonnier.

ROULEAU, outil de Fondeur en sable, est un bâton cylindrique de bois dont les Fondeurs en sable se servent pour corroyer le sable dont ils forment les moules dans la caisse qui les contient. Voyez les fig. Pl. du Fondeur en sable, & l'article FONDEUR EN SABLE.

ROULEAU, s. m. (Comm. de fil) ruban de fil de différentes largeurs, qui a pris ce nom de la forme dont il est ordinairement roulé. Il s'en fait d'excellent en Auvergne, d'où les marchands de Paris tirent une partie de celui qu'ils débitent dans leurs boutiques. Savary.

ROULEAU, s. m. (Horloger.) c'est un corps cylindrique dont on se sert dans la méchanique des grosses horloges. Les rouleaux sont de bois, autour desquels s'enveloppe la corde qui éleve les poids. Rouleau se dit aussi de deux cercles placés excentriquement de l'un à l'autre, pour que les deux circonférences forment un angle obtus sur lequel pose le bout d'un arbre pour diminuer les frottemens. (D.J.)

ROULEAUX, s. m. (Jardin.) on donne le nom de rouleaux aux enroulemens de parterre. (D.J.)

ROULEAU, (Imprimerie) piece d'une presse d'imprimerie, est un morceau de bois rond, de la largeur de 5 à 6 pouces, sur 10 à 11 pouces de diamêtre, avec un rebord de deux ou trois lignes, qui regnent autour de ses deux extrêmités : il est situé sous la table entre les deux bandes, & percé dans sa longueur pour recevoir la broche : il est aussi percé de deux trous faits de biais, pour arrêter par une des extrêmités la corde appellée corde de rouleau. Voyez CORDE DE ROULEAU. Voyez les Planches de l'Imprimerie.

Rouleau s'entend encore dans l'imprimerie d'un morceau de bois très-rond d'un pié & demi environ de longueur, & de quatre à cinq pouces de diamêtre, que l'on a soin de revêtir d'un blanchet ; & dont on se sert dans quelques imprimeries pour faire des épreuves : on tient même que quelques ouvrages prohibés ont été entierement imprimés au rouleau.

ROULEAUX, (Mercerie) ce sont de certaines enseignes ou représentations de carton que les Merciers & quelques autres marchands mettent en étalage sur le devant de leurs boutiques, pour faire montre des marchandises qu'ils vendent, en les couvrant de divers échantillons. Savary. (D.J.)

ROULEAUX, en terme de Metteur en oeuvre, ce sont des especes de consoles en or ou en argent, qui se mettent ordinairement dans les corps des bagues proche la tête, & qui entrent dans la composition de plusieurs ouvrages de cette profession. Voyez Pl. & fig.

ROULEAUX, (Monnoyage) ce sont deux instrumens de fer, de figure cylindrique, qui servent à tirer les lames d'or, d'argent ou de cuivre, dont on fait les flaons des pieces que l'on fabrique. (D.J.)

ROULEAUX, en terme d'Orfévre en grosserie, sont des especes d'S, qui ornent le commencement de la crosse proprement dite, immédiatement au-dessus du fleuron. Voyez les Pl.

ROULEAU, (Peinture) on appelle ainsi certains écriteaux que les anciens peintres mettoient dans leurs tableaux, & qu'ils faisoient sortir grossierement de la bouche de leurs personnages ; c'est ce que fit Simon Memmi, qui, représentant le diable chassé par S. Reinier, lui mit cet écriteau dans la bouche, ohi me ! non posso più.

Ces rouleaux, d'une invention barbare, se sont anéantis avec le goût gothique ; mais les peintres d'histoire devoient imaginer quelqu'autre idée moins grossiere, pour indiquer le sujet de leurs compositions, qu'un grand nombre des spectateurs cherchent quelquefois inutilement, surtout quand c'est un trait d'histoire peu connu : des inscriptions mises au bas du tableau, seroient alors d'un grand usage. J'en ai parlé ailleurs ; j'ajoute ici que Raphael & Annibal Carrache n'ont point hésité d'insérer dans leurs ouvrages trois ou quatre mots, quand ils les ont jugés nécessaires pour l'intelligence du tableau. Par la même raison, on ne grave guere aujourd'hui d'estampes, sans mettre au bas des vers, des passages, des paroles, qui en expliquent le sujet. (D.J.)

ROULEAU, en terme de Potier fournaliste, c'est de la terre maniée en rond, de longueur ; ce qui la rend différente des ballons qui sont maniés en motte. Voy. BALLONS.

ROULEAUX, (Sucrerie) on nomme quelquefois rouleaux dans les moulins à sucre les tambours de fer qui servent à briser les cannes, & à en exprimer le suc. Les tambours & les rouleaux sont cependant bien différens, ces derniers n'étant que des cylindres de bois, dont les tambours sont remplis, & les autres des cylindres de métal, dont ceux de bois sont couverts. On affermit les rouleaux dans les tambours avec des serres ou coins de fer & de bois, & pour leur donner encore plus de fermeté, on remplit les vuides qui restent avec du brai bouillant ; c'est dans les rouleaux que les dents des tambours sont emmortaisées. Savary. (D.J.)

ROULEAU de tabac, (Manufacture de tabac) c'est du tabac en feuille cordé au moulin, & roulé en plusieurs rangs autour d'un bâton. La plûpart du tabac de l'Amérique s'y débite en rouleaux de divers poids ; & ce n'est guere que lorsqu'il est arrivé en France, en Angleterre, en Espagne, en Hollande, &c. qu'il se prépare en poudre. C'est du tabac en rouleau dont on se sert, soit pour raper, soit pour mâcher. Les regrattiers qui en font le commerce, & qui le prennent au bureau de la ferme, le coupent en morceaux de plusieurs onces, le ficellent, & l'ornent ordinairement de quelque clinquant de papier marbré. Dict. de Comm. (D.J.)

ROULEAU, (Tapissier) Voyez ENSUPLE.

ROULEAU, (Tisserand.) piece de bois de figure cylindrique, dont plusieurs artisans se servent pour la fabrique des ouvrages de leur métier.

C'est sur des rouleaux que se dressent les chaînes des toiles & des étoffes. Chaque métier a deux rouleaux ; celui des gaziers en a trois ; on les nomme ensubles, & quelquefois ensubleaux. Voyez ces deux articles.

Les maîtres Tissutiers-rubaniers ont à leur métier un cylindre, qu'ils nomment rouleau de la poitriniere ; il est posté sur le devant de leur métier, & c'est sur ce rouleau que glisse l'ouvrage à mesure qu'il s'avance, avant qu'on le roule sur l'ensuble de devant. Voy. RUBANIER.

Les plombiers ont aussi des rouleaux dont ils se servent pour former les tuyaux de plomb. Ils les nomment ordinairement rondins ou tondins. Voyez l'un & l'autre.


ROULÉECOQUILLE, (Conchyl.) c'est celle que le flot, le roulis de la mer a jettée toute usée sur le rivage. (D.J.)


ROULEMENTS. m. en terme de Méchanique, signifie une sorte de mouvement circulaire, par lequel un mobile tourne autour de son propre axe ou centre, & en même tems applique continuellement de nouvelles parties de la surface au corps sur lequel il se meut. Voyez MOUVEMENT, REVOLUTION, AXE, &c.

Tel est le mouvement d'une roue, d'une sphere, &c. Tels sont en particulier les mouvemens de la terre, des planetes, car toutes les planetes tournent sur leurs axes en même tems qu'elles font leur révolution autour du soleil.

M. de Fontenelle, dans sa pluralité des mondes, veut expliquer ces deux mouvemens par la comparaison d'une boule qui roule sur un plan en même tems qu'elle avance. Mais le mouvement progressif de la boule produit nécessairement son mouvement de rotation, au lieu qu'il n'est pas sûr que la rotation des planetes sur leurs axes vienne du même principe que leur révolution annuelle ; & que ces deux mouvemens paroissent même entierement indépendans l'un de l'autre ; c'est pourquoi il est à croire que M. de Fontenelle n'a pas donné cette explication comme fort exacte. Voyez ROUES, PLANETE, TERRE, &c.

Le mouvement d'un corps qui roule, est opposé au mouvement en glissant, dans lequel c'est toujours la même partie de la surface du mobile qui s'applique au plan, le long duquel le corps se meut. Voyez GLISSER.

Si les surfaces sur lesquelles les corps se meuvent étoient parfaitement polies, aussi-bien que la surface des corps qui s'y meuvent, il n'y auroit presque point de rotation. Par exemple, une roue qu'on tire sur un plan avec une corde attachée à son centre, devroit naturellement glisser sans tourner. Ce sont les inégalités du plan qui l'obligent d'altérer son mouvement progressif par un mouvement de rotation ; par exemple, si on place une roue à dents sur une surface qui ait aussi des dents, & qu'on tire cette roue par son centre, elle ne peut avancer sans qu'il arrive de deux choses l'une, ou qu'elle tourne, ou qu'elle brise les inégalités & les éminences qui se rencontrent sur la surface sur laquelle elle roule. Mais il seroit souvent fort difficile qu'elle brisât les inégalités dont il s'agit, elle ne peut donc se mouvoir qu'en tournant ; or toutes les surfaces sur lesquelles un corps peut se mouvoir, sont raboteuses & inégales, & les surfaces de tous les corps sont aussi raboteuses & comme dentées. Voilà pourquoi tous les corps ronds n'ont presque jamais de mouvement progressif sans rotation. A l'égard des corps dont la surface est plate, ils ne pourroient avoir de rotation sans s'élever ; & comme leur poids les en empêche, ils ne peuvent que se mouvoir progressivement ; mais la résistance & l'aspérité de la surface sur laquelle ils se meuvent arrête bientôt leur mouvement.

On trouve par l'expérience, que le frottement qu'un corps éprouve en roulant, c'est-à-dire, la résistance qui vient des inégalités du plan sur lequel il roule, est moindre que le frottement que le même corps éprouveroit en glissant. La raison en est aisée à appercevoir après ce que nous venons de dire sur le roulement des corps ronds. Car il est visible que ce roulement aidant à desengrener les parties, diminue beaucoup le frottement. Voyez FROTTEMENT.

C'est pour cela que les roues sont si fort en usage dans les machines, & qu'on les charge de la plus grande partie qu'il est possible de l'action, afin de rendre la résistance moindre. Voyez ROUE, MACHINE, &c. Chambers. (O)


ROULERv. act. (Gram.) c'est mouvoir un corps sur lui-même. Voyez les articles ROULEMENS, ROTATION.

ROULER, v. n. (Art milit.) officiers qui roulent entr'eux, c'est-à-dire, qui dans une concurrence pour le commandement obéissent les uns aux autres selon l'ancienneté de leur réception.

ROULER, (Marine) on se sert de ce verbe pour exprimer le mouvement de la mer, dont les vagues s'élevent & se déployent sur un rivage uni ; & le balancement d'un vaisseau, tantôt sur l'un, tantôt sur l'autre de ses côtés.

ROULER, (Com.) ce terme signifie chez les marchands, plier une étoffe en rond, en faire une espece de rouleau. On roule les satins, papelines, gases, crêpes, rubans d'or, de soye, de fil, de laine, les padous & les galons de toute espece. Dictionnaire de Commerce.

ROULER, se dit aussi dans le commerce d'argent, lorsqu'il est commun, quand on en trouve aisément chez les banquiers, & que le comptant va bien chez les marchands. On dit en ce sens que l'argent roule bien.

ROULER, se dit encore des marchands & artisans dont le négoce & le travail suffisent à peine pour subsister. Ce mercier, ce serrurier ont peine à rouler leur vie. id. ibid.

ROULER, en terme de Boutonnier, c'est l'action de faire plusieurs lacets de cordonnets, ou de luisant or ou soie, sur un moule de bouton à épi, après le premier jettage. Ce moule est traversé d'un fer à rouler. Voyez FER A ROULER, ensuite on le couvre d'un moule découronné, sous lequel on tourne le fil, & qui empêche que ce fil ne descende trop bas, ou ne s'arrange mal. On arrête le fil avec de la soie, ou du fil de la même matiere.

ROULER les cierges, (Cirerie) C'est les arrondir sur une table arrosée d'eau, avec l'instrument qu'on appelle rouloir. Les bougies qui se font à la cuilliere, se roulent deux fois ; l'une, après avoir reçu la moitié de leur jet dans l'attelier de l'apprêt ; & l'autre, quand on leur a donné leur dernier jet dans l'attelier de l'achevement. Dict. de Com. (D.J.)

ROULER, en terme de filassiere, c'est faire de petits paquets de filasse qu'on veut battre & écraser sous les maillets.

ROULER, en terme de fondeur de petit plomb, c'est arrondir le plomb dans le moulin, en l'y remuant avec précipitation.


ROULETS. f. instrument dont les Chapeliers se servent pour fouler les chapeaux. C'est une espece de grand fuseau de bois dur, & pour l'ordinaire de bouis ; il a environ un pouce & demi de diamêtre par le milieu, & va en diminuant jusqu'aux deux extrêmités, qui se terminent en pointe. Voyez la figure, Pl. du Chapelier.


ROULETTES. f. (Géom.) est le nom d'une courbe, appellée autrement CYCLOÏDE. Ce nom lui fut donné par le p. Mersenne, & c'est celui qu'elle porta d'abord ; le nom de cycloïde a prévalu. V. CYCLOÏDE. (O)

ROULETTES, chez les Canonniers, sont des pieces de bois arrondies en forme de roue, & attachées aux aissieux des affuts, pour mouvoir le canon sur mer, & quelquefois sur terre. Voyez AFFUTS. Chambers.

ROULETTE, s. f. partie du métier à bas. Voyez l'article BAS-AU-METIER.

ROULETTE, se dit dans l'écriture d'un instrument de bois ou de bouis, dont le manche est plat, & la partie supérieure d'une roulette, dont les rayons extrêmement fins ne sont point couverts à leur partie supérieure comme dans les roues ordinaires. On trempe ces rayons dans l'encre, & on la fait décrire une ligne de points ; mais il me semble que l'on auroit tout aussi-tôt fait avec la plume. Voyez le volume des Planches à la table de l'écriture, Instrumens de l'Ecriture.

ROULETTE, (Relieure, Dorure sur cuivre) la roulette pour pousser sur les bords, doit être de cuivre, avec une monture de fer, où il y a deux joues qui embrassent la roulette, avec un clou qui passe d'outre en outre, & qui est rivé des deux côtés sur les joues. Elle est tournante, & enmanchée dans un manche de bois de tilleul. Voyez les Pl. de la Relieure.

Roulette simple, autrement dit filet, sert à pousser une ligne d'or, qu'on appelle filet sur le bord du livre, & sur les plats.

Roulette à grains ou dent de rat, se pousse de même, & s'employe sur les dos & sur les plats.

Roulettes à filets simples, à deux ou trois lignes, sert aux mêmes usages ; toutes ces roulettes se poussent aussi sans or, aux mêmes places sur les livres, après les avoir fait chauffer.

ROULETTE à cran de fer. Elle est faite comme la roue à rochet d'une pendule (Instrument du métier d'étoffes de soie.)

La roulette à cran de fer, est celle qui est à un bout de l'ensuple de devant le métier ; les crans servent à accrocher le fer qu'on appelle chien, au moyen de quoi l'on arrête librement de force l'ensuple, sur laquelle on roule l'étoffe, à mesure qu'elle se fabrique.

ROULETTE, s. f. (Jeux) c'est un grand cercle divisé en portiques de couleur noire ou blanche, & numérotés. La petite boule d'ivoire qu'on jette dans ce cercle, & qui doit décider du sort des joueurs, est poussée par une rigole, d'où elle entre dans le jeu, & après avoir heurté contre divers rochers, elle va se rendre dans un des portiques noirs ou blancs. On gagne, quand la boule tombe dans les portiques de sa couleur ; & l'on perd, quand c'est le contraire. (D.J.)


ROULIERS. m. (Com.) voiturier par terre, qui transporte les marchandises d'un lieu à un autre sur des chariots, charettes, fourgons & autres pareilles voitures roulantes.

Les rouliers, à moins que ceux pour qui ils ont chargé, ou quelqu'un de leur part ne les accompagne, doivent avoir la lettre de voiture des marchandises qu'ils transportent ; les congés, si ce sont des vins, eaux-de-vie & autres liqueurs ; les acquits des bureaux où ils passent ; des passeports s'il en est besoin, & s'ils passent par pays ennemis.

C'est à eux aussi à acquiter tous les menus droits de péages qui sont dûs sur la route, soit pour les voitures & chevaux, soit pour les marchandises, sauf à se les faire rembourser en cas de besoin.

Enfin les rouliers répondent de tous les dommages qui arrivent aux marchandises par leur fait ; & à l'égard des autres, dont suivant les ordonnances & réglemens, ils ne peuvent être tenus, ils doivent pour leur décharge en faire dresser des procès-verbaux par les Juges des lieux, ou les plus prochains des lieux où ces accidens sont arrivés. Diction. de Com. & de Trév.


ROULISS. m. (Marine) c'est le balancement du vaisseau dans le sens de sa largeur. Voyez TANGAGE.


ROULOIRS. m. (terme d'Epicier-Cirier) outil ordinairement de buis, plat & uni par-dessous, plus long que large, ayant une poignée par-dessus ; sa forme quoique plus grande, est à-peu-près semblable à ces morceaux de marbre taillés, que l'on met sur les papiers dans les cabinets. Le rouloir sert à rouler les bougies & les cierges sur une table, après que la cire a été jettée sur meche avec la cuilliere, ou qu'ils ont été tirés à la main. Savary. (D.J.)


ROULONStermes de Charron, ce sont les barreaux de bois qui se mettent dans les trous pratiqués le long & en-dessus des limons, & dans les petits limons de traverse. Voyez les fig. Pl. du charron, qui représentent une charette.

ROULONS, s. m. (Echellier) les roulons sont les petits morceaux de bois qui joignent les deux branches d'une échelle, sur lesquels on appuie le pié en montant. (D.J.)

ROULONS, s. m. pl. (Menuis.) on appelle ainsi les petits barreaux ou échelons d'un ratelier d'écurie, quand ils sont faits au tour, en maniere de balustres ralongés, comme il y en a dans les belles écuries. On nomme encore roulons, les petits balustres des bancs d'église. Daviler. (D.J.)


ROUM(Géog. mod.) c'est le nom que les Arabes & autres Orientaux, ont donné aux pays & aux peuples, que les Romains, & ensuite les empereurs grecs & les Turcs ont soumis à leur obéissance ; mais outre cette signification générale, les géographes persans ont nommé proprement pays de Roum, celui dans lequel regnoient les sultans de la dynastie des Selgiucides, dans lesquels les turcs ottomans ont pris leur origine, de-là vient que les Persans & les Mogols aux Indes, appellent les Turcs encore aujourd'hui Roumi. (D.J.)


ROUMOISLE (Géog. mod.) Rothomagensis ager ; pays de France, dans la haute - Normandie, entre la Rille & la Seine ; il fait partie du diocèse de Rouen, & Quilleboeuf en est le principal lieu. Ce pays abonde en blé & en fruits. L'on estime les toiles du Roumois, dites toiles de ménage. La forêt de Bretonne lui fournit du bois à bâtir & à brûler. (D.J.)


ROUPEAUVoyez BIHOREAU.


ROUPIEVoyez GORGE-ROUGE.

ROUPIES, LACK DE, (Hist. mod. Commerce) c'est le nom qu'on donne dans l'Indostan à une somme qui vaut environ douze mille cinq cent livres sterlings, ou à-peu-près deux cent quatre-vingt mille livres monnoie de France.


ROUPISRUPIS, ou ROUPIES, (Commerce) monnoie qui a cours dans l'empire du Grand Mogol. Il y en a deux especes ; les unes sont en argent, & valent environ un écu de trois livres monnoie de France. Les roupis d'or valent quatorze fois la valeur des roupis d'argent, ce qui revient à cinquante-quatre livres tournois. Les roupis d'argent se soudivisent en moitié & en quart de roupis.


ROURES. f. (Teinture) drogue dont les Teinturiers se servent pour teindre en verd ; on l'employe aussi dans la préparation de certaines peaux, particulierement pour les marroquins noirs. Son nom le plus commun est Sumac. Voyez SUMAC. (D.J.)


ROUSA(Géog. mod.) île de la mer d'Ecosse, au midi de l'île de Westra. Elle a huit milles de longueur, & six de largeur. Ses côtes sont fertiles, & la mer des environs est poissonneuse. (D.J.)


ROUSETTEVoyez ROUSSETTE.


ROUSONVoyez OMBRE DE RIVIERE.


ROUSSEVoyez VANGERON.


ROUSSELETS. m. (Gram. & Jardinag.) poire fort petite, qui a le goût très-sucré, la peau rougeâtre, le dessous fort rond, & le côté de la queue très-aigu. Elle est des plus hatives. Il y en a de deux sortes, le gros & le petit rousselet.


ROUSSEROLLES. m. (Hist. nat. Ornitholog.) ROSSEROLLE, ROUCHEROLLE, ROSSIGNOL DE RIVIERE, TIRE-ARRACHE, passer aquaticus, Wil. oiseau qui est un peu plus gros qu'une alouette ; il a sept pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrêmité de la queue, & six pouces & demi jusqu'au bout des ongles : la longueur du bec est de dix lignes depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche : les aîles étant pliées s'étendent jusqu'à la moitié de la longueur de la queue ; l'envergeure est de près de onze pouces. Toute la face supérieure de cet oiseau a une couleur brune, roussâtre, & l'inférieure est d'un blanc sale. Les grandes plumes des aîles sont brunes en-dessus, à l'exception du bord extérieur, qui est d'un brun roussâtre : la face inférieure de ces plumes a une couleur grise. Les piés & les ongles sont gris. On trouve cet oiseau dans les endroits marécageux & plantés de roseaux, le long desquels il grimpe comme les pies le long des arbres. Il chante presque continuellement. Ornith. de M. Brisson, tom. II. Voyez OISEAU.


ROUSSETTE(Hist. nat. Lithol.) poisson de mer cartilagineux, dont Rai a décrit trois especes différentes. Il nomme la premiere ecatulus major vulgaris. Cette espece de roussette differe des chiens de mer par le dos qu'elle a plus large, & par la partie antérieure de la tête qui est plus courte, moins pointue, & peu avancée au-delà de l'ouverture de la bouche. La peau a une couleur rousse ; elle est marquée d'un grand nombre de petits points noirs, & elle est beaucoup plus rude au toucher que celle des chiens de mer. Voyez CHIEN DE MER.

La deuxieme espece de roussette, nommée catullus minor vulgaris, differe de la précédente en ce qu'elle est beaucoup plus petite, qu'elle a le corps plus mince & plus allongé, & que sa couleur est plus pâle & mêlée d'un peu de rouge. La peau a une très - grande quantité de petites taches, qui sont en partie brunes & en partie blanchâtres, & éparses sans aucun ordre.

La troisieme espece, appellée catullus maximus, differe de la premiere, en ce qu'elle a une couleur cendrée & grise ; les taches de la peau sont plus grandes, mais en plus petit nombre ; la partie antérieure de la tête est plus allongée & plus épaisse ; les narines se trouvent beaucoup plus éloignées de la bouche ; les nageoires de l'anus, au lieu d'être réunies ensemble, sont séparées l'une de l'autre ; enfin la nageoire qui est située au-dessous de l'anus, est beaucoup plus près de cette ouverture. Rai, Synop. meth. piscium. Voyez POISSON.


ROUSSEURS. f. ou tache de ROUSSEUR, lentigo, est une maladie ou difformité de la peau. Cette rousseur se dissipe avec le lait virginal, avec l'huile d'amandes douces mêlée avec le cerat ordinaire.

Le docteur Quincy employe aussi ce terme pour signifier une sorte d'éruption qui vient à la peau, sur-tout aux femmes grosses.


ROUSSIadj. (Gram.) odeur de quelque substance animale, comme la laine ou le cuir, lorsqu'elle est attaquée par le feu.

ROUSSI, cuir de Roussi, vache de Roussi, est une sorte de cuir ou peau de vache préparée d'une certaine maniere, qu'on a imaginée d'abord en Russie, & dont la fabrique a passé depuis en plusieurs endroits d'Europe. On dit Roussi par corruption au lieu de Russie. Voyez VACHE DE RUSSIE.


ROUSSILLONLE, (Géog. mod.) en latin Ruscinonensis comitatus, province de France avec le titre de comté, dans les Pyrénées ; elle est bornée au nord par le bas Languedoc, au midi par la Catalogne, à l'orient par la Méditerranée, & à l'occident par la Cerdagne. Elle a 18 lieues espagnoles du levant au couchant. Le pays est fertile en orangers & en oliviers ; les vins qu'il produit sont excellens ; mais le bois y est rare, & comme il n'y a point de rivieres navigables, on est obligé de l'y porter à charge de mulets. La Tet, le Tec, & l'Agly, ne sont que des torrens qui coulent dans cette province, où la chaleur est très-violente en été, à-cause des montagnes qui l'entourent de toutes parts.

Les peuples de ce pays qui étoient de la dépendance de la Gaule narbonnoise, se nommoient anciennement Sardones ; mais il y a long-tems que cette contrée a été appellée Roussillon, de la ville de Ruscino, colonie romaine, capitale des Sardones. Le mot Ruscino a été dans la suite corrompu en Rossilio ou Roussilio, Roussillon ; cette ville, après avoir été plusieurs fois saccagée par les Barbares, & principalement par les Sarrasins, dans le huitieme siecle, a été ruinée de maniere qu'il n'en reste plus aujourd'hui de vestiges ; on voit seulement à deux mille pas de Perpignan, une vieille tour appellée tor Rosseillo, ou la tour de Roussillon, qui est le lieu où Ruscino doit avoir été située, selon la position que nous en donnent Pomponius Mela, Pline, Ptolémée, & l'itinéraire d'Antonin.

Ce fut dans le vij. siecle de la fondation de Rome, que les Romains se rendirent les maîtres de ce pays, ainsi que du reste de la Gaule narbonnoise, dont ils ont joui depuis plus de cinq cent ans ; & ce fut sous l'empire d'Honorius & de Valentinien son successeur, que les Visigoths s'emparerent du pays qui est à l'occident du Rhône jusqu'aux Pyrénées, & en particulier des villes de Roussillon & d'Elne ; ils n'en furent chassés que l'an 759, par les Sarrasins, après la mort & la défaite du roi Roderic.

En 796 Charlemagne & son fils Louis-le-Débonnaire, alors roi d'Aquitaine, conquirent les comtés de Roussillon, de Cerdagne, & de Girone, où ils établirent des comtes en qualité de gouverneurs. Ces comtes abuserent de leur autorité & devinrent des souverains. Après la mort de l'un d'eux, le comté de Roussillon fut réuni à la couronne d'Aragon. Il est vrai que Louis XI. s'empara de ce comté en 1473 ; mais il revint au roi Ferdinand & à ses successeurs, qui en ont joui durant cent quarante-neuf ans ; enfin Louis XIII. s'empara de tout le comté de Roussillon en 1642, & cette conquête fut assurée à la France par le traité des Pyrénées, conclu l'an 1659.

L'évêché de Perpignan, capitale de la province, est le seul qu'il y ait dans le gouvernement de Roussillon. La justice y est rendue en dernier ressort par un conseil supérieur établi à Perpignan en 1660. Les finances du gouvernement ne consistent que dans la capitation, qui peut monter à environ quarante mille livres : le principal commerce est celui des huiles d'olives & des laines. (D.J.)

ROUSSILLON, ordonnance de, (Droit françois) cette fameuse ordonnance donnée par Charles IX. à Lyon en 1564, porte que l'année commencera dans la suite au premier Janvier, au-lieu qu'elle ne commençoit que le samedi saint après vêpres : le parlement ne consentit à ce changement que vers l'an 1567. Les Romains commençoient aussi l'année au premier Janvier, & donnoient les étrennes ce jour-là ; & M. Ducange observe qu'en France, dans le tems même où l'année commençoit à Pâques, on ne laissoit pas de donner les étrennes au premier Janvier, parce qu'on le regardoit comme le premier jour de l'an, sans doute parce qu'alors le soleil remonte. Par l'article xxiv. de l'ordonnance de Roussillon, les doubles jurisdictions de justice qui ne sont pas royales, sont réduites à une seule, grand avantage pour les particuliers : cet article est conforme à celui de l'ordonnance d'Orléans de 1560, & Philippe de Valois avoit rendu une pareille ordonnance en 1328. Hénault. (D.J.)


ROUSSINS. m. (Maréchal.) on appelle ainsi un cheval entier de race commune, & épais comme ceux qui viennent d'Allemagne & de Hollande.


ROUTAILLER(Véner.) c'est chasser de gueule.


ROUTEVOIE, CHEMIN, (Synonymes) le mot de route enferme dans son idée quelque chose d'ordinaire & de fréquenté ; c'est pourquoi l'on dit la route de Lyon, la route de Flandre. Le mot de voie marque une conduite certaine vers le lieu dont il est question ; ainsi l'on dit que les souffrances sont la voie du ciel. Le mot de chemin signifie précisément le terrein qu'on suit, & dans lequel on marche ; & en ce sens on dit que les chemins coupés sont quelquefois les plus courts, mais que le grand chemin est toujours plus sûr.

Les routes different proprement entr'elles par la diversité des places ou des pays par où l'on peut passer ; on va de Paris à Lyon par la route de Bourgogne ou par la route de Nivernois. La différence qu'il y a entre les voies semble venir de la diversité des manieres dont on peut voyager ; on va à Rouen ou par la voie de l'eau, ou par la voie de terre. Les chemins paroissent différer entr'eux par la diversité de leur situation, & de leurs contours ; on suit le chemin pavé ou le chemin de terre.

Dans le sens figuré la bonne route conduit surement au but ; la bonne voie y mene avec honneur, le bon chemin y mene facilement.

On se sert aussi des mots de route & de chemin pour désigner la marche ; avec cette différence, que le premier ne regardant alors que la marche en elle-même, s'employe dans un sens absolu & général, sans admettre aucune idée de mesure ni de quantité ; ainsi l'on dit simplement être en route & faire route ; au-lieu que le second ayant non-seulement rapport à la marche, mais encore à l'arrivée qui en est le but, s'employe dans un sens relatif à une idée de quantité marquée par un terme exprès, ou indiquée par la valeur de celui qui lui est joint, de-sorte que l'on dit, faire peu ou beaucoup de chemin, avancer chemin. Quant au mot de voie, s'il n'est en aucune façon d'usage pour désigner la marche, il l'est en revanche pour désigner la voiture ou la façon dont on fait cette marche ; ainsi l'on dit d'un voyageur, qu'il va par la voie de la poste, par la voie du coche, par la voie du messager ; mais cette idée est tout-à-fait étrangere aux deux autres, & tire par conséquent celui-ci hors du rang de leurs synonymes à cet égard ; enfin le mot de voie est consacré aux grands chemins de l'empire romain ; on dit la voie appienne, flaminienne, laurentie, ardéatine, triomphale, &c. (D.J.)

ROUTE, via, (Histoire) est un passage ouvert, & formé pour la commodité de la communication d'un lieu à un autre. Voyez CHEMIN.

Les Romains sont de tous les peuples celui qui s'est donné le plus de soins pour faire de belles routes. C'est une chose presque incroyable que les peines qu'ils ont prises & les dépenses qu'ils ont faites pour avoir des chemins vastes, droits, & commodes, depuis une extrêmité de l'empire jusqu'à l'autre. Voyez l'histoire des grands-chemins de l'empire par Bergier.

Pour y parvenir ils commençoient par durcir le sol en l'enfonçant, ils y mettoient ensuite une couche de cailloux & de sable ; quelquefois ils le garnissoient d'une couche de maçonnerie composée de blocailles, de briques, de moilons pilés & unis ensemble avec du mortier.

Le pere Menestrier remarque, que dans quelques endroits du Lyonnois, il a trouvé de grands amas de cailloux cimentés & unis avec de la chaux, jusqu'à la profondeur de dix ou douze piés, & formant une masse aussi dure & aussi compacte que le marbre même ; que cette masse après avoir resisté 1600 ans aux injures du tems, cede à peine encore aujourd'hui aux plus grands efforts du marteau ou du hoyau ; & que cependant les cailloux dont elle est composée ne sont pas plus gros que des oeufs.

Quelquefois les chemins étoient pavés régulierement avec de grandes pierres de taille quarrées ; telles étoient les voies appienne & flaminienne. Voyez PAVER.

Les chemins pavés de pierres très-dures étoient appellés ordinairement viae ferreae, soit parce que les pierres ressembloient au fer, soit parce qu'elles resistoient aux fers des chevaux, au fer des roues & des chariots, &c.

Les routes sont naturelles ou artificielles, par terre ou par eau, publiques ou particulieres.

Route naturelle, est celle qui a été fréquentée durant un long espace de tems, & que sa seule disposition donne moyen de conserver avec peu de dépense.

Route artificielle, est celle qui est faite par le travail des hommes, & composée soit de terre, soit de maçonnerie, & pour laquelle il a fallu surmonter des difficultés ; telles sont la plûpart des routes qui sont sur le bord des fleuves, ou qui passent à-travers des lacs, des marais, &c.

Routes par terre ou routes terrestres, sont celles qui non-seulement sont faites sur la terre, mais qui sont formées de terre amassée ou haussée en forme de levée, soutenue par des éperons, des arcs-boutans & des contre-forts.

Les routes par eau sont aussi ou naturelles ou artificielles. Les naturelles sont les rivieres, les lacs, la mer, qu'on cotoye, qu'on parcourt ou qu'on traverse pour aller d'un lieu ou d'un pays dans un autre ; les artificielles sont les canaux creusés de main d'homme, comme ceux de Hollande, & les navilles en Italie ; en France ceux du Languedoc, de Briare, de Montargis ou de Loire.

Les routes publiques sont les grands chemins ; & l'on entend par routes particulieres, ou celles qui sont de traverse, ou celles qui aboutissent aux grands chemins, & s'étendent à droite & à gauche dans les campagnes.

Sanson & Ogilby ont fait des cartes des routes de France & d'Angleterre.

Quelques personnes se servent du mot de route, pour signifier un sentier percé à-travers un bois, & reservent le mot de chemin pour les grandes routes. Voyez CHEMIN.

ROUTE PUBLIQUE ou GRANDE ROUTE, est une route commune à tout le monde, soit droite ou courbée, soit militaire ou royale : route particuliere est celle qui est destinée pour la commodité de quelque maison particuliere.

Les routes militaires, ainsi appellées parmi les Romains, étoient de grandes routes destinées aux marches des armées qu'on envoyoit dans les provinces de l'empire pour secourir les alliés. Voyez CHEMIN.

Doubles routes, étoient chez les Romains des routes destinées au transport des différentes matieres : elles avoient deux parties ou chemins différens ; l'une pour ceux qui alloient par un chemin, l'autre pour ceux qui revenoient par un autre : les doubles routes étoient destinées à empêcher l'embarras, le choc des voitures & la confusion.

Les deux parties de ces routes étoient séparées l'une de l'autre par une espece de parapet élevé entre deux ; ce parapet étoit pavé de briques, & servoit aux gens de pié : il avoit des especes de bords, & il étoit garni de degrés d'espace en espace, & de colonnes pour marquer les distances. Telle étoit la route de Rome à Ostie, appellée via porticensis.

Route souterraine, est une route creusée dans le roc, à coup de ciseau, & voûtée. Telle est la route de Pouzzoles près de Naples, qui a près d'une demi-lieue de long, environ 15 piés de large & autant de haut.

Strabon dit que cette route fut faite par un certain Cocceius, sous le regne de l'empereur Nerva ; mais elle a depuis été élargie par Alphonse, roi d'Aragon & de Naples, & les vicerois l'ont rendue droite. Il y a une autre route semblable dans le même royaume, entre Baies & Cumes, on l'appelle la grotte de Virgile, parce que ce poëte en parle dans le sixieme livre de l'Eneide. Voyez GROTTE. (G)

ROUTE, en terme de navigation. Voyez NAVIGATION, RHUMB, LOXODROMIE, CABOTAGE, &c.

ROUTE, (Marine) c'est le chemin que tient le vaisseau ; on dit à la route, lorsqu'on commande au timonnier de gouverner à l'air de vent qu'on lui a marqué.

On dit encore, porter à route, quand on court en droiture à l'endroit où l'on doit aller sans relâcher & sans dérive.

ROUTE FAUSSE ou FAUSSE ROUTE, (Marine) on dit faire fausse route, lorsqu'on ne porte pas vers l'endroit où l'on veut aller. Il est des cas où l'on est obligé de faire fausse route ; par exemple, si un vaisseau plus foible est apperçu par un vaisseau ennemi plus fort qui le chasse pour le joindre ; s'il peut gagner la nuit, alors au lieu de suivre la route qu'il faisoit, il porte autant qu'il peut d'un autre côté, & change ainsi de route, & souvent par ce moyen évite l'ennemi & s'échappe.

ROUTE, (Art mil.) on appelle route dans le militaire, une espece d'acte que le roi fait accorder aux régimens qui se transportent d'un lieu dans un autre, & aux officiers qui menent des recrues, pour que l'étape leur soit fournie dans les lieux de leur passage.

Lorsque le roi trouve à propos d'accorder des routes pour des recrues ou des remontes, il veut & entend que les majors des régimens envoyent au commencement du quartier d'hiver au secrétaire d'état de la guerre, les mémoires des routes dont chaque capitaine aura besoin, soit pour les recrues d'hommes ou les chevaux de remonte de sa compagnie, dans lesquels mémoires ils doivent marquer le nombre qui manque à chaque compagnie pour la rendre complete sur le pié de la derniere revûe. Ils doivent désigner aussi le premier lieu d'étape où la route devra commencer ; il faut que ce soit autant qu'il est possible, une ville ou un chef-lieu d'élection.

Il y a beaucoup de réglemens pour prévenir les abus qui peuvent se glisser dans les routes. Voyez le code militaire de M. Briquet. (Q)

ROUTE, espece de brigands qui ont long-tems ravagé la France, & qui formoient un corps de troupes dont les rois se sont servis dans plusieurs occasions, mais qui furent entierement dissipés sous le regne de Charles V. Voyez COMPAGNIES. (Q)

ROUTE, s. f. (Décorat. d'Agricult.) c'est dans un parc, une allée d'arbres sans aire de recoupes ni sable, où les carrosses peuvent rouler. (D.J.)

ROUTIER, s. m. (Marine) c'est ainsi qu'on a intitulé quelques ouvrages du pilotage, qui contiennent des cartes marines, des vûes de côtes, des observations sur les diverses qualités des parages, & des instructions pour la route des vaisseaux.

ROUTIER, (Comm.) on appelle en Hollande maîtres routiers, ceux qui sont chargés de la conduite des voitures publiques, soit par eau, soit par terre. Ils sont ainsi nommés, à cause qu'ils font toujours la même route, partant à heure marquée & arrivant de même.

C'est ce que nous appellons en France, maîtres de coches par eau ou par terre, maîtres de messageries & de carrosses. Les maîtres routiers de Hollande sont établis par des lettres des colleges de l'amirauté chacun dans son district, lesquelles doivent être renouvellées tous les deux ans ; ils jouissent de grandes franchises & d'une protection marquée des états, à cause de l'utilité publique & de l'exactitude avec laquelle il est nécessaire que ces voitures soient conduites.

On donne aussi le nom de routiers aux vaisseaux & barques, établies sur les canaux & autres eaux des Provinces - Unies, pour transporter d'un lieu à un autre les marchandises & les personnes. Dictionn. de Commerce.


ROUTOIRS. m. (Econ. rustiq.) l'endroit où l'on met rouir le chanvre ; c'est ordinairement une fosse de 3 ou 4 toises de longueur, sur 2 ou 3 de largeur, & de 3 ou 4 piés de profondeur, remplie d'eau ; c'est souvent une source qui remplit ces routoirs, & quand ils sont pleins, ils se déchargent de superficie par un écoulement qu'on y a ménagé. Voyez Pl. de Corderie.

Quelquefois les routoirs ne sont autre chose qu'un simple fossé pratiqué sur le bord d'une riviere, & quelquefois des mares ou des fossés pleins d'eau. Il y a même des gens qui n'ont pas d'autres routoirs que le lit même des rivieres ; mais cela est défendu par les ordonnances. Voyez l'article CHANVRE.


ROUVRES. m. (Botan.) en latin robur d'où le mot françois a été tiré. C'est une espece de chêne plus bas que le chêne ordinaire, mais gros & tortu ; son bois est dur ; ses feuilles sont découpées à ondes assez profondes, couvertes d'un duvet délicat ; ses fleurs sont des chatons, & ses fruits des glands plus petits que ceux du chêne commun ; cet arbre croît aux lieux montagneux ; c'est le quercus foliis molli lanugine pubescentibus, de Tournefort. (D.J.)


ROUVRIRv. act. (Gram.) ouvrir derechef. Voyez OUVRIR. On dit, la plaie veut se rouvrir.


ROUXcouleur d'un rouge pâle, semblable à celle d'une brique à moitié cuite, comme un daim, &c.

ROUX-VENT, (Jardinage) vents froids qui soufflent dans le printems, & font recoquiller les jeunes feuilles des pêchers & de la vigne, lesquelles deviennent rougeâtres.


ROUYON(Géog. mod.) ville de Perse, dans la province de Mazandéran. Long. selon Tavernier, 71. 36. latit. 36. 15. (D.J.)


ROVERou ROVEREDO, (Géog. mod.) en latin du moyen âge Roboretum ou Rovoretum ; petite ville du Tirol, aux confins de l'état de Venise, près de l'Adige, sur un torrent pour le passage duquel on a taillé un pont de pierre, défendu par deux tours & un fort château, à 12 milles de Trente, & à 47 de Bresce. Long. 28. 35. lat. 46. 10. (D.J.)


ROVIGNO(Géog. mod.) ville d'Italie, en Istrie, sur sa côte occidentale, dans une presqu'île, d'où l'on tire de belles pierres pour les édifices de Venise, dont elle dépend depuis l'an 1330, qu'elle se soumit à cette république : les vins qu'on y recueille sont estimés. Long. 31. 27. latit. 45. 15. (D.J.)


ROVIGO(Géog. mod.) petite ville d'Italie, capitale du Polésin de Rovigo, sur l'Adigeto, à 10 lieues au sud-ouest de Padoue, & à 16 de Venise : elle est la résidence de l'évêque d'Adria. Long. 29. 20. latit. 45. 6.

Avant que Rovigo fût dans son état de dépérissement, elle a été dans le xvj. siecle la patrie de quelques gens de Lettres, de Frachetta, par exemple, de Ricoboni, & de Rhodiginus.

Frachetta (Jérome) a traduit Lucrece en italien avec des notes, & a donné sur la politique un ouvrage intitulé, Seminario di Governi, di stato, e di guerra.

Ricoboni (Antoine) a mis au jour entr'autres ouvrages des commentaires latins sur l'Histoire, avec des fragmens d'anciens historiens. Si Scaliger parle de lui avec beaucoup de mépris, c'est un peu l'effet de la haine qu'il lui portoit ; parce que Ricoboni étoit du nombre de ceux qui lui avoient disputé la noblesse de sa naissance.

Rhodiginus (Ludovicus Caelius) s'est fait honneur par son ouvrage latin des anciennes leçons. Il n'en publia que les seize premiers livres ; mais son neveu Camille Ricchieri, y joignit les quatorze autres ; ensorte que l'ouvrage complet, forme trente livres, qui sont utiles aux Littérateurs. (D.J.)


ROVOREIT(Géog. mod.) petite ville du Tirol, sur les frontieres de l'état de Venise, du côté de Vérone, & proche la riviere d'Esch. (D.J.)


ROW(Géog. mod.) petite ville de Pologne, dans la Podolie, sur la riviere du même nom, autrement appellée le Morawe. Les savans croyent que Row est l'Eractum de Ptolémée, ancienne ville des Bastarnes, dans la Sarmatie européenne. (D.J.)


ROYALadj. se dit de quelque chose qui a rapport au roi. Voyez ROI.

Ce mot vient du latin regalis, qui est dérivé de rex, roi.

C'est dans ce sens qu'on dit, la famille royale, le sang royal, &c.

En Angleterre on donne le titre d'altesse royale au prince & à la princesse de Galles, au frere du roi, &c. Voyez PRINCE & ALTESSE.

On a donné le titre de royale à des princesses filles ou petites-filles de rois, quoiqu'elles ne fussent pas reines. Ainsi l'on a appellé la duchesse de Savoie, madame royale, & les duchesses d'Orléans & de Lorraine ont eu le titre d'altesse royale.

Abbaye royale, est une abbaye fondée par un roi ou par une reine. Voyez ABBAYE.

Académie royale des Sciences. Voyez ACADEMIE.

Armée royale, est une armée qui marche avec du gros canon, & qui est en état d'assiéger une place forte & bien défendue. On pendoit ordinairement autrefois le gouverneur d'une petite place, quand il osoit tenir devant une armée royale.

Consentement royal, (royal assent.) se dit en Angleterre du consentement ou de l'approbation que le roi donne à tout acte fait par un ou plusieurs de ses sujets, par exemple, à l'élection d'un évêque par le doyen ou chapitre d'une église, ou à un bill passé dans les deux chambres du parlement, &c.

Quand le roi a donné son consentement à un bill dans le parlement, le bill est avec ces mots, le roi le veut. Si le roi refuse son consentement, on met sur le bill, le roi s'avisera. Voyez BILL, PARLEMENT, &c.

Bourgs royaux, voyez BOURG.

Couronne royale, est celle que portent les rois. Voyez COURONNE.

La couronne d'Angleterre est fermée par des demi-cercles d'or, qui se réunissent vers un globe ou boule, surmonté d'une croix ; ces demi-cercles sont ornés de croix & de fleurs de lis, & toute la couronne est enrichie de pierres précieuses.

Chartre royale, voyez CHARTRE.

Compagnie royale d'Afrique, voyez COMPAGNIE.

Banque royale, c'est le nom qu'on donne à la bourse de Londres, où les marchands s'assemblent. Voyez BANQUE.

La bourse de Londres fut construite pour la premiere fois en 1566, par les soins de Thomas Gresham ; le nom de banque royale (royal exchange) lui fut donné solemnellement à son de trompe par un héraut, en présence de la reine Elizabeth. Jusqu'à cette année les marchands s'étoient assemblés dans le lombard streat (rue des lombards). La bourse étoit bâtie de brique, & on la regardoit alors comme la plus belle de l'Europe. Cent ans après, elle fut entierement brûlée dans le grand incendie de Londres ; mais elle fut reconstruite aussitôt avec encore plus de magnificence qu'auparavant. La dépense pour la rebâtir monta à 50000 l. sterling. La moitié de cette somme fut donnée par la chambre de Londres, l'autre moitié par la compagnie des merciers, qui pour le remboursement de leurs avances eurent la permission de louer 190 boutiques sur les degrés à 20 liv. chacune, ce qui joint aux autres boutiques qui sont élevées sur le terrein où la bourse est construite, produit un revenu annuel de 4000 livres, quoique ce terrein n'excede pas les 3/4 d'un arpent ; aussi peut-on dire que c'est le morceau de terre le plus cher qu'il y ait dans le monde.

Ce bâtiment est quadrangulaire, & il est entouré d'une espece de galerie ou portique, sous lequel les marchands se promenent. Au milieu de la cour est une statue du roi Charles II. en habit d'empereur romain. Cette statue a été élevée par la société des marchands. Autour de cette statue sont rangées celles des rois d'Angleterre depuis la conquête des Normands.

Poissons royaux, sont en Angleterre les baleines & esturgeons (quelques - uns y ajoutent les marsouins), qui appartiennent de droit au roi, en quelque endroit du royaume qu'ils soient jettés sur le rivage, soit par naufrage ou autrement ; aucun des sujets du roi ne peut s'en emparer sans une permission expresse de sa majesté. Voyez POISSONS.

Fort royal, voyez FORT.

Franchise royale, voyez FRANCHISE.

Hôpital royal, voyez HOPITAL.

Chêne royal, est un beau & grand arbre, dont on voit encore les restes à Boscobel, dans la pairie de Donnington, province de Stafford, & dont toutes les branches étoient autrefois couvertes de lierre. Le roi Charles II. après la défaite entiere de ses troupes à la bataille de Vorcester par celles de Cromwel, se tenoit caché pendant le jour dans l'épaisseur de cet arbre avec le colonel Carelisl, & passoit la nuit dans le château de Boscobel. Ceux qui disent que c'étoit alors un vieux chêne creux, se trompent ; c'étoit un très-bel arbre qui s'élevoit au milieu de plusieurs autres. Pour conserver ce qui reste de ce chêne, on a construit aujourd'hui un mur tout-autour, & au-dessus de la porte du mur on a mis cette inscription en lettres d'or : felicissimam arborem quam in asylum potentissimi regis Caroli II. Deus optimus maximus per quem reges regnant, hîc crescere voluit, &c. Transact. philos. n°. 310.

Officiers royaux ou officiers du roi, voyez OFFICIERS.

Parapet royal, ou parapet du rempart, en terme de fortification, est un banc d'environ trois brasses de large, & de six piés de haut, placé sur le bord du rempart du côté de la campagne, & destiné à couvrir ceux qui défendent les remparts. Voyez REMPART & PARAPET.

Port royal, voyez PORT.

Société royale de Londres, est une académie ou société de gens recommandables par leur savoir. Elle a été instituée par Charles II. pour l'avancement des sciences naturelles. Voyez ACADEMIE.

Cet illustre corps n'étoit dans son origine, & avant son renouvellement, qu'une société de gens d'esprit qui s'assembloient une fois par semaine dans le college de Wadsham à Oxford, au logis du docteur Wilkins.

Ensuite vers l'année 1658, leurs assemblées se tinrent au college de Gresham à Londres, parce que la plûpart de ces savans demeuroient en cette ville. Dès le commencement du rétablissement de Charles II. c'est-à-dire en 1660, milord Clarendon les appuya de son crédit. Et le roi ayant eu connoissance des opérations de cette société, lui accorda une ample chartre datée du 22 Avril 1663, par laquelle cette société fut érigée en un corps consistant en président, conseillers & membres, & destiné à l'avancement des sciences naturelles, & à faire des expériences utiles. Les élections pour les officiers s'y font par ballotage. Les conseillers sont au nombre de 21, dont il y en a toujours dix nouveaux qu'on élit chaque année le jour de S. André, & onze qu'on continue pour l'année suivante.

Le chef du conseil porte la qualité de président. Son office est de convoquer & de renvoyer l'assemblée, de proposer les matieres qu'on y doit agiter, de demander qu'on produise les expériences, & d'admettre les membres qui sont élus.

Pour être admis, l'aspirant doit être proposé dans une assemblée par quelqu'un des membres ; & après que l'assemblée a approuvé la proposition, elle en renvoie l'examen au conseil ; si le conseil l'approuve, il en fait son rapport à la société qui ne manque presque jamais d'y donner son suffrage.

Chaque membre, en entrant dans la société royale, souscrit un engagement par lequel il promet qu'il tâchera de contribuer de tout son possible au bien de la société, engagement dont il peut se relever au bout d'un certain tems, en signifiant au président qu'il desire se retirer.

On paie en entrant, 40 s. au trésorier, & 13. s. par quartier, tout le tems qu'on continue d'être membre de la société.

Le nombre des membres de la société n'est point fixe. On voit par la liste de 1724, qu'elle étoit alors composée de deux cent dix-sept personnes des royaumes d'Angleterre, d'Ecosse & d'Irlande, & de soixante-quatre étrangers. Parmi les uns & les autres il y en avoit de la premiere noblesse, & beaucoup qui étoient distingués dans l'état & dans l'église.

Le but & l'objet de la société royale est de faire des exposés fideles de tous les ouvrages de la nature & de l'art, qui peuvent être à la portée de l'esprit humain, de sorte que dès à présent, & dans les siecles futurs, on puisse reconnoître les erreurs qu'une longue prescription a rendu invétérées, rétablir les vérités qui pouvoient avoir été négligées, appliquer à de nouveaux usages celles qui sont déja connues, enfin applanir le chemin pour arriver à ce qui reste à découvrir.

Dans cette vue, la société a fait un grand nombre d'expériences & d'observations sur les différens phénomenes de la nature : éclipses, cometes, météores, mines, plantes, tremblemens de terre, inondations, sources, humidité, feux soûterreins, flux & reflux, courans, magnétisme, &c. Elle a aussi recueilli plusieurs faits singuliers, soit d'histoire naturelle, soit d'arts, plusieurs machines utiles & autres inventions. Le public a retiré de tout cela une grande utilité ; l'architecture navale, civile, militaire a été perfectionnée ; la navigation est devenue plus sure & plus parfaite ; enfin l'agriculture s'en est sentie, & les plantations ont été multipliées non-seulement dans l'Angleterre, mais aussi dans l'Irlande.

La société royale recueille avec soin dans des regîtres, toutes les expériences, relations, observations, &c. de ses membres ; de tems en tems elle donne au public, sous le titre de Transactions philosophiques, ce que son recueil contient de plus immédiatement utile. Le reste demeure dans ses régîtres pour être transmis à la postérité, & pour servir de fondement aux systèmes futurs. Voyez TRANSACTIONS.

Elle a une bibliotheque de livres concernant les matieres qu'elle traite. Le dernier comte Maréchal a contribué à l'augmentation de cette bibliotheque, en y joignant celle de Norfolk. Elle a de plus un musée ou cabinet de curiosités naturelles & artificielles, donné par Daniel Colwal, chevalier ; sa devise est nullius in verba. Ses mémoires sont rédigés par deux secrétaires ; & elle s'assemble tous les jeudis dans le Cranecourt, près de Fleestrees.

Académie royale espagnole, voyez ACADEMIE.

Sucre royal, voyez SUCRE.

ROYAL-COLLEGE des Médecins de Londres, (Hist. d'Angl.) le college royal des médecins de Londres, dont on a oublié de faire l'article en son lieu, a des regles & des statuts peu connus des étrangers. Tout médecin qui s'est fait recevoir dans une des deux universités, a le droit de pratiquer par toute l'Angleterre, excepté dans l'étendue de sept milles autour de Londres. Le college royal a seul le droit de conférer ce dernier privilege ; ceux qui après avoir subi l'examen, y sont admis, & qui ont été reçus dans les pays étrangers, sont appellés seulement licenciés ; mais ceux qui ont pris leurs dégrés à Cambridge ou à Oxford, sont reçus membres du college, qui exige cependant encore un examen préalable, en présence du président & des censeurs ; un membre honoraire est admis sans examen, & c'est un titre qu'on n'accorde qu'à des personnes d'un mérite peu commun. (D.J.)

ROYAL, s. m. (monnoie de France) monnoie d'or ; On n'a point de preuves qui puisse justifier que cette monnoie soit plus ancienne en France que le regne de Philippe le Bel ; il est certain que ce prince fit faire de petits royaux d'or fin, de 70 au marc, qui valoient onze sols parisis, & qui vaudroient aujourd'hui environ onze livres ; c'est cependant la plus ancienne monnoie d'or mentionnée dans les registres de la cour des monnoies. Philippe le Bel fit aussi fabriquer des gros royaux, qui pesoient le double des petits.

La monnoie des royaux eut fort long-tems cours en France ; Charles le Bel & Philippe de Valois en fabriquerent qui étoient d'or fin, & de 58 au marc ; ceux du roi Jean, qui furent aussi nommés deniers d'or au royal, étoient de 66 & de 69 au marc ; ceux de Charles VII. de 64 & de 70.

Cette espece fut toujours d'or fin, & elle fut appellée royal, à cause que le roi y est représenté vêtu de ses habits royaux ; mais leur marque n'a pas toujours été uniforme, comme on peut s'en convaincre par la seule inspection de leurs figures dans les planches de M. le Blanc, traité des monnoies. (D.J.)

ROYALE, s. f. (terme de Mode) on appelloit ainsi une sorte de culotte fort large, que l'on portoit en France vers le milieu du dernier siecle ; cette culotte avoit au bas des canons lacés de rubans enjolivés de points de France, & enrichis de broderie de drap découpée à jour, & de plusieurs touffes de rubans. (D.J.)

ROYALE GROSSE, en terme de Fondeur de petit plomb au moule, est une espece de plomb d'un degré plus gros que la batarde, & de deux plus gros que la petite royale.

ROYALE PETITE, en terme de Fondeur de plomb en moule, est l'espece de plomb la plus petite qu'on fasse de cette maniere.


ROYALISTES. m. (Gram.) qui est dans le parti du roi. Les militaires & les magistrats sont toujours royalistes ; les royalistes étoient les adversaires des ligueurs ; en Angleterre, sous Jacques I. il y avoit les royalistes & les parlementaires.


ROYAN(Géog. mod.) ville ruinée dans la Saintonge, sur la Garonne, ou pour mieux dire à l'embouchure de la Gironde, où on pêche d'excellentes sardines, & où il y a un accul qui sert de port. Elle est fameuse par le siege qu'en fit en 1622, Louis XIII. qui ne s'en rendit maître qu'après y avoir perdu beaucoup de monde ; il n'en reste aujourd'hui qu'un misérable fauxbourg. Long. suivant Cassini, 16. 22'. 45''. latit. 45. 36'. 50''. (D.J.)


ROYANEZLE (Géog. mod.) petit pays de France, dans le Dauphiné, au diocèse de Die ; il a six lieues de long sur quatre de large. Pont-de-Royan, dont il prit le nom, en est le chef-lieu ; les habitans sont exempts de taille par une concession des Dauphins. (D.J.)


ROYAULTÉS(Hist. mod.) signifie en Angleterre les droits du roi ; on les appelle autrement les prérogatives du roi ou regalia. Voyez PREROGATIVE & REGALIA.

Il y a quelques-uns de ces droits que le roi peut accorder à des particuliers ; d'autres qui sont inséparables de la couronne. Voyez ROI, ACCORDER, &c.


ROYAUMES. m. (Droit politiq.) " ce mot signifie (je ne dirai pas ce que disoient ces républicains outrés, qui firent anciennement tant de bruit dans le monde par leurs victoires & leurs vertus) un tyran & des esclaves ; disons mieux qu'eux, un roi & des sujets ".

Un royaume est donc un état où un seul gouverne le corps politique par des lois fixes & fondamentales.

La plûpart des auteurs prétendent que parmi les rois, les uns sont les maîtres de leur couronne, comme d'un patrimoine qu'il leur est permis de partager, de transférer, d'aliéner, en un mot dont ils peuvent disposer comme ils le jugent à propos. D'autres n'ont la souveraineté qu'à titre d'usufruit, ou de fideicommis, & cela, ou pour eux seulement, ou avec pouvoir de la transmettre à leurs descendans suivant les regles établies pour la succession.

C'est sur ce fondement que les mêmes auteurs ont divisé les royaumes en patrimoniaux & en usufructuaires, ou non-patrimoniaux ; ils ajoutent que ces rois possedent la couronne en pleine propriété, qui ont acquis la souveraineté par droit de conquête, ou ceux à qui un peuple s'est donné sans reserve pour éviter un plus grand mal ; mais qu'au contraire les rois qui ont été établis par un libre consentement du peuple, ne possedent la couronne qu'à titre d'usufruit. Telle est la maniere dont Grotius explique cette distinction, en quoi il a été suivi par Puffendorf, & par la foule des écrivains.

Le celebre Coccéius, Thomasius, Bohmer, M. Barbeyrac & autres savans, ont adopté une opinion différente dans leurs ouvrages sur cette matiere, dont voici à-peu-près le précis.

Ils conviennent d'abord que le pouvoir souverain peut entrer en commerce aussi-bien que tout autre droit, & qu'il n'y a en cela rien de contraire à la nature de la chose ; ensorte que si la convention entre le prince & le peuple porte expressément que le prince aura plein droit d'aliéner la couronne, & d'en disposer comme il le trouvera bon ; on nommera si l'on veut un tel royaume, un royaume patrimonial ; & les autres royaumes, des royaumes usufructuaires ; mais les exemples de pareilles conventions sont si rares, qu'à peine en trouve-t-on d'autres que celui des Egyptiens avec leur roi, dont il est parlé dans la Genèse, ch. xlvij. v. 18. & suiv. & les disputes des docteurs sur le pouvoir d'aliéner la couronne, regardent les cas où il n'y a point eu de convention là-dessus entre le prince & le peuple.

La distinction qu'on fait ici se réduit à un cercle vicieux, car quand on demande quels sont les princes qui ont pouvoir d'aliéner le royaume, on répond que ce sont ceux qui possedent un royaume patrimonial ; & quand on demande ce que c'est qu'un royaume patrimonial, on dit que c'est celui dont le prince a pouvoir d'aliéner la couronne. Il est vrai que les uns prétendent que les royaumes successifs sont patrimoniaux ; les autres, que ce sont les royaumes despotiques ; les autres, que ce sont ceux qui ont été conquis ou établis de quelqu'autre maniere par un consentement forcé du peuple ; mais aucune de ces opinions n'établit de fondement solide d'un droit de proprieté proprement ainsi nommé, & accompagné du pouvoir d'aliéner.

De ce que l'on s'est soumis par force ou par nécessité à la domination de quelqu'un, il ne s'ensuit pas non plus qu'on lui ait donné par cela même le pouvoir de transferer son droit à tel autre qu'il voudra. Envain objecteroit-on que si le prince eût stipulé qu'on lui donnât le pouvoir d'aliéner, on y auroit consenti ; le silence, tout au-contraire, fait présumer qu'il n'y a point eu de telle concession tacite, puisque si le roi avoit prétendu acquérir le droit d'aliéner la couronne, c'étoit à lui à s'expliquer, & à faire expliquer là-dessus le peuple ; mais le peuple n'en ayant point parlé, comme on le suppose, il est & doit être censé n'avoir nullement pensé à donner au roi un pouvoir qui le mît en état de lui faire changer de maître à sa fantaisie.

En un mot, le pouvoir souverain, de quelque maniere qu'il soit conféré, & quelque absolu qu'il soit, n'emporte point par lui-même un droit de proprieté, ni par consequent le pouvoir d'aliéner ; ce sont deux idées tout - à - fait distinctes, & qui n'ont aucune liaison nécessaire l'une avec l'autre. Le grand-seigneur, tout despotique qu'il est, n'a ni la puissance d'aliéner l'empire, ni de changer à sa fantaisie l'ordre de la succession.

Il est vrai qu'on allegue un grand nombre d'exemples d'aliénations faites de tout tems par les souverains ; mais il faut remarquer sur ces exemples qu'on allegue, 1°. que la plûpart de ces aliénations n'ont eu aucun effet ; 2°. que nous ignorons les conditions sous lesquelles les princes ou les états anciens dont on parle, avoient acquis la souveraineté de tel ou tel peuple. Ainsi il pourroit se faire qu'il y eût quelque clause formelle par laquelle ces peuples avoient donné à leurs souverains le pouvoir d'aliéner la souveraineté même. 3°. Souvent ces aliénations n'ont eu d'autre titre que la force, & elles ne sont devenues légitimes qu'en vertu du consentement donné après coup, lorsque les peuples aliénés se sont soumis sans opposition au nouveau souverain. 4°. Il a pû y avoir aussi un consentement tacite entierement libre, dans le tems même de l'aliénation, & cela en deux manieres ; ou quand le peuple qu'on vouloit aliéner, n'y témoignoit aucune répugnance, quoiqu'il ne fût point contraint par une force majeure ; ou parce que l'usage s'étant introduit en orient & ailleurs, d'attacher au droit de souveraineté absolue un plein pouvoir de propriété, qui autorisât le souverain à aliéner ses états comme bon lui sembloit ; ceux qui se soumettoient à un tel souverain, étoient censés le faire sur le pié de la coutume établie, à moins qu'ils ne déclarassent expressément le contraire. Ainsi tous ces exemples ne prouvent point que le pouvoir d'aliéner, suive nécessairement de la souveraineté la plus absolue, & considerée en elle-même, & de quelque maniere qu'on l'acquiere.

Concluons donc, comme un principe incontestable, que dans le doute, tout royaume doit être censé non patrimonial, aussi long-tems qu'on ne prouvera pas d'une maniere ou d'une autre, qu'un peuple s'est soumis sur ce pié là à un souverain. Voyez Barbeyrac, dans ses Notes sur Grotius ; & Bohmer, dans son Introduct. ad jus publicum universale. (D.J.)

ROYAUME DE DIEU, (Critique sacrée) ce mot se prend dans l'Ecriture, pour le souverain empire de Dieu sur toutes les créatures ; le royaume des cieux, est une expression commune dans le nouveau testament, pour signifier le royaume de Jesus-Christ, c'est-à-dire la vocation des peuples à la foi, & la prédication de l'évangile ; il marque encore l'état des bienheureux après cette vie ; heureux sont les pauvres en esprit, car le royaume des cieux leur appartient. Matt. v. 3. Les pauvres en esprit sont ceux qui ne sont pas possedés de l'amour des richesses, & qui ne commettent pas d'injustice pour en acquérir. Voyez PAUVRE, Critiq. sacrée. (D.J.)

ROYAUME D'ISRAEL ET DE JUDA, (Hist. sacrée) les Israélites, après avoir été sagement gouvernés par des juges éclairés, & choisis dans chaque tribu, se lasserent de cette forme de gouvernement, & déclarerent à Samuël qu'ils ne vouloient plus, à l'exemple d'autres nations voisines, obéir qu'à un seul, qui fût leur maître & leur roi. Samuël pour les détourner de prendre ce parti, leur représenta fortement, mais vainement, quel seroit le droit du roi qui les gouverneroit ; il vous ôtera vos fils, leur dit-il, pour en faire ses serviteurs ; il prendra vos esclaves & vos troupeaux ; il vous fera payer la dixme de vos grains pour enrichir ses créatures, & vous serez ses esclaves. I. Rois viij. 11. Les Israélites n'écouterent point le prophete, & Saül fut nommé leur roi. Cependant ce que Samuël appelle le droit du roi, jus regis, n'est pas le droit légitime des rois, mais l'abus qu'ils font de l'autorité qui leur a été confiée par les peuples, lorsqu'au lieu d'en être les peres & les protecteurs, ils en deviennent les oppresseurs & les tyrans.

A Saül succéda Isboseth pendant quelque tems, sur une partie de son royaume, & à la mort d'Isboseth, David réunit tout Israël. A David succéda Salomon, après la mort duquel le royaume fut partagé ; dix tribus suivirent Jéroboam, car le fils de Salomon ne regna que sur Benjamin & Juda ; alors se formerent deux royaumes, celui de Juda, & celui d'Israël, le dernier dura 253 ans, sous dix-neuf rois, qui tous moururent dans l'impiété ou dans le crime.

Le royaume de Juda eut aussi dix-neuf rois, depuis Roboam jusqu'à Sédécias, sous le regne duquel Jérusalem fut prise par Nabuchodonosor, le temple brûlé, & les habitans emmenés captifs au-delà de l'Euphrate. Dans cette longue suite de rois, il ne s'en trouve que trois, David, Ezéchias, & Josias, qui n'ayent pas été idolâtres, ou du moins fauteurs de l'idolâtrie. Ecclés. xljx. 5.

Après le retour de la captivité, qui dura 70 ans, les Juifs rentrerent dans l'aristocratie, & vÊCurent sous la domination des Perses, jusqu'au regne d'Alexandre le Grand, l'an du monde 3672. après sa mort la Judée passa sous l'autorité des rois d'Egypte, ensuite sous celle des rois de Syrie, jusqu'à ce qu'Antiochus Epiphane, ayant forcé les Juifs de prendre les armes pour leur défense, la famille des Asmonéens s'éleva & remit les Juifs en liberté.

D'abord ceux de cette famille ne prirent que le nom de princes, que porterent cinq d'entr'eux, Mathatias, Juda Macchabée, Jonathas, Simon, & Hircan ; mais Aristobule prit le titre de roi qu'il transmit à cinq de ses successeurs, Alexandre, Jannée, Salomé sa femme, Hircan, Aristobule, & Antigone. Ensuite Hérode s'empara du royaume, & le conserva sous l'autorité de Rome ; après sa mort, la Judée fut gouvernée sous le nom d'Ethnarchie, par ses trois fils, Archélaüs, Hérode Antipas, & Philippe. Enfin elle fut réduite en province romaine. (D.J.)

ROYAUMES DU MONDE, (Hist. anc.) on compte ordinairement vingt-quatre royaumes célebres jusqu'à la naissance de Jesus-Christ. Les voici :

Le premier royaume est celui de Babylone, que Nemrod fonda 146 ans après le déluge l'an 1802 du monde, & 2233 avant Jesus-Christ. Nemrod y joignit l'Assyrie ; mais on ne connoît pas ses successeurs, & l'Ecriture laisse assez voir que tous ces vastes pays qui ont formé l'empire d'Assyrie, appartenoient à différens maîtres au tems d'Abraham.

Le second royaume est celui d'Egypte, que Mesraïm fonda l'an 1847 du monde, 2188 ans avant l'ere chrétienne. On apprend de Constantin Manassés que ce royaume a été de 1633 ans ; intervalle qu'on trouve depuis Mesraïm jusqu'à la conquête d'Egypte par Cambyses, roi des Perses, l'an du monde 3510, 525 ans avant Jesus-Christ.

Le troisieme royaume est celui de Sicyone, ville du Péloponnèse. C'est le premier royaume de l'Europe dont on connoisse un peu les rois. Jusqu'en Grece même, tout ce qui étoit plus ancien qu'Inachus premier roi d'Argos, passoit communément pour inconnu. On fixe le commencement de ce royaume à l'an 1871 du monde, 2164 ans avant Jesus-Christ. On dit qu'Egialée en fut le premier roi, & Zeuxippe le dernier ; que ce royaume dura 959 ans ; qu'ensuite les prêtres de Jupiter Carnien gouvernerent successivement pendant 33 ans ; & que Charidème ayant pris la fuite l'an 2863 du monde, Sicyone resta sous la dépendance des rois de Mycenes. Suivant ce système de Castor, le royaume de Sicyone finit l'an 2830 du monde, 1205 ans avant Jesus-Christ.

Le quatrieme royaume est celui d'Argos, ville du Péloponnèse, qui fut fondée par Inachus l'an 2177 du monde, 1858 avant Jesus-Christ. Il dura 382 ans sous neuf rois, dont le dernier fut Sthélénus. L'an du monde 2559, & avant Jesus-Christ 1476, Danaüs venu d'Egypte, commença une nouvelle dynastie, qui ne subsista que sous cinq rois pendant 163 ans. Acrisius, le dernier de ces rois, fut tué l'an 2690 du monde, 1345 ans avant Jesus-Christ. Il y eut ensuite divers petits rois à Argos, & dans les villes des environs qui avoient composé le royaume d'Argos ; mais ce fut le roi de Mycenes qui eut la principale autorité.

Le cinquieme royaume est celui d'Athènes qui fut fondé l'an 2477 du monde, 1558 ans avant Jesus-Christ par Cécrops, qui ne laissa point d'héritier. Les seize rois qui lui succéderent furent presque tous de différentes familles. Codrus, le dernier de tous, fut tué l'an 2943 du monde, 1092 ans avant Jesus-Christ. Quoiqu'il laissât des enfans, on abolit la monarchie qui avoit subsisté pendant 487 ans, & l'état fut gouverné par des archontes perpétuels ; ce qui eut lieu pendant 316 ans, c'est-à-dire jusqu'à l'an 3283 du monde, 752 ans avant Jesus-Christ. Cette année on regla que les archontes seroient renouvellés tous les dix ans. Il y en eut sept qui gouvernerent pendant 68 ans. Enfin l'an 3351 du monde, 684 ans avant Jesus-Christ, 874 depuis la fondation du royaume, on commença à ne faire que des archontes annuels, ce qui a subsisté jusqu'à ce que la ville d'Athènes perdit sa liberté.

Le sixieme royaume est celui de Troye, ville de Phrygie en Asie. Il fut fondé l'an 2555 du monde, 1480 avant Jesus-Christ, par Dardanus venu de l'île de Crete, & dura 296 ans sous six rois, dont le dernier fut Priam, si célebre par le nombre de ses enfans, & par le chagrin qu'il eut de les voir tous périr. Le royaume de Troye fut détruit par les Grecs l'an 2851 du monde, 1184 avant Jesus-Christ. Astyanax, fils d'Hector & petit-fils de Priam, y regna depuis, mais non avec la gloire & la puissance de ses ancêtres ; & on ne sait rien de ses successeurs.

Le septieme royaume est celui de Mycenes, ville du Péloponnèse, qui fut fondé par Persée l'an 2722 du monde, 1313 avant Jesus-Chist, & qui fut détruit par les descendans d'Hercule l'an 2906 du monde, 1129 avant Jesus-Christ, après avoir subsisté 186 ans. Atrée & Agamemnon, rois de Mycenes, sont très-célebres ; le dernier commandoit avec une autorité absolue l'armée des Grecs qui fit le siege de Troye, parce qu'il étoit le plus puissant de tous les rois grecs, & que presque tout le Péloponnèse & une partie de la Grece propre lui étoient soumis.

Le huitieme royaume est celui des Latins en Italie, fondé l'an 2705 du monde, 1330 avant Jesus-Christ par Picus, fils de Saturne, auquel succéda son fils Faunus, puis Latinus, vaincu par Enée, dont le seizieme successeur fut Numitor que Romulus mit sur le trône peu avant que de bâtir Rome.

Le neuvieme royaume est celui de Tyr, qui, à le faire commencer au tems où Josephe prétend que la ville de Tyr fut bâtie, fut fondé l'an 2783 du monde, 1252 avant Jesus-Christ. Il est certain que cet historien se trompe pour le tems de la fondation de cette ville célebre, puisqu'Io, qui fut enlevée par des tyriens, est bien plus ancienne, & que de son tems Tyr faisoit déja un grand commerce. Il fait venir le royaume de Tyr l'an 3187 du monde, 848 avant Jesus-Christ.

Le dixieme royaume fut celui d'Assyrie, fondé l'an 2806 du monde, 1229 avant Jesus-Christ, par Sémiramis. On ne connoît aucun de ses successeurs jusqu'à Phul, après la mort de qui Babylone fut détachée de cet état l'an 3288 du monde, 347 avant Jesus-Christ, pour former un nouveau royaume. Celui d'Assyrie subsista avec beaucoup d'éclat jusqu'à l'an 3409 du monde, 626 ans avant Jesus-Christ.

L'onzieme royaume est celui de Lydie, au-moins à prendre son commencement au tems où il est connu. Il y eut des rois de Lydie, comme le dit Hérodote, avant Argon ; mais celui-ci est le premier de la famille d'Hercule. Il commença à regner l'an 2817 du monde, 1218 avant Jesus-Christ. Après sa famille qui regna 505 ans, Gygès commença une nouvelle dynastie l'an 3322 du monde, 713 avant Jesus-Christ ; & Crésus, le dernier de ses descendans, fut défait & pris par Cyrus, roi des Perses, l'an 3491 du monde, 544 ans avant Jesus-Christ.

Le douzieme royaume est celui des descendans d'Hercule à Corinthe, lorsqu'Aletes se rendit maître de cette ville l'an 2905 du monde, & 1130 avant Jesus-Christ. Ce royaume subsista 323 ans, & fut ensuite gouverné par des magistrats appellés prytanés ; mais l'an 3377 du monde, 658 avant Jesus-Christ, Cypsele s'empara de l'autorité souveraine, & après lui son fils Périander, qui ne mourut que l'an 3451 du monde, 584 avant Jesus-Christ.

Le treizieme royaume est celui des descendans d'Hercule à Lacédémone ou Sparte. Il fut fondé la même année que celui de Corinthe par Aristomede, qui laissa deux enfans, nommés Eurysthene & Proclès, entre qui l'autorité royale fut partagée, ce qui eut lieu aussi pour leurs descendans.

Le royaume des Hébreux commença l'an du monde 2940, 1095 avant Jesus-Christ, par Saül, qui eut pour successeur David, puis Salomon ; après lequel ce royaume fut partagé en deux souverainetés ; l'une appellée le royaume de Juda, qui eut pour premier roi Roboam, & pour dernier roi Sédécias, vaincu par Nabuchodonozor, roi de Babylone, l'an 3447 du monde & 588 avant Jesus-Christ ; & l'autre le royaume d'Israël, dont Jéroboam fut le premier roi, & Osée le dernier qui fut détrôné par Salmanazar, roi d'Assyrie, l'an 3314 du monde & 721 avant Jesus-Christ.

Le quatorzieme royaume a été celui de Damas, qui fut fondé l'an 2991 du monde, 1044 avant Jesus-Christ, par Rasin, Restin ou Réson, général des troupes d'Adar-Eser, ou Hadadézer ou Hadarhézer, lorsqu'il vit son maître défait par David. Ses successeurs furent presque toujours en guerre avec les rois d'Israël, il n'y eut que le dernier, nommé aussi Rasin ou Retsin, qui s'allia avec Phacée pour faire le siege de Jérusalem, qu'il fut contraint de lever. Il fut défait & tué, & son royaume détruit par Téglatphalasar, Tiglath-Pilnéséer, Tiglath-Piléser ou TiglathPéléser, roi d'Assyrie, l'an 3295 du monde, 740 avant Jesus-Christ.

Le quinzieme royaume a été celui de Macédoine, commencé par Caranus, l'un des descendans d'Hercule, l'an du monde 3221, & 814 avant Jesus-Christ. Il a duré 490 ans jusqu'à la mort d'Alexandre le grand, qui établit la monarchie des Grecs, & qui mourut l'an 3710 du monde & 325 avant Jesus-Christ.

Le seizieme royaume a été celui des Romains, qui commença l'année de la fondation de Rome la 3282 du monde, & 753 avant la naissance de Jesus-Christ. Romulus en fut le premier roi, & Tarquin le superbe le septieme & le dernier, qui fut chassé l'an du monde 3526, de la fondation de Rome le 245, & 509 avant Jesus-Christ.

Le dix - septieme royaume est celui de Babylone, qui fut fondé l'an 3288 du monde, 747 avant Jesus-Christ, par Nabonassar. Il ne dura que 67 ans sous dix rois, & il fut réuni au royaume d'Assyrie, dont il avoit été détaché l'an 3355 du monde, 680 avant Jesus-Christ.

Le dix-huitieme royaume est celui des Medes, qui fut fondé l'an 3326 du monde, 729 avant Jesus-Christ, par Déjocès, & que Cyrus détruisit l'an 3476 du monde, 559 avant Jesus-Christ. Ce royaume est célebre dans l'histoire ; il y en a qui se conformant à Ctésias, le font commencer bien plus tôt.

Le dix-neuvieme royaume est celui des Chaldéens, qui fut fondé par Nabopolassur ou Nabuchodonosor I. l'an 3410 du monde, 625 avant Jesus-Christ. On y compte cinq rois, qui regnerent 87 ans. Le dernier est Nabonnade ou Darius le Mede, qui fut défait par Cyrus l'an 3497 du monde, 538 avant Jesus-Christ.

Le vingtieme royaume est celui des Perses, qui passa d'Archaménidès & de Cambyses à Cyrus l'an du monde 3476, & 559 avant Jesus-Christ, & dura jusqu'à Darius, qui fut tué l'an du monde 3705, & 317 avant Jesus-Christ.

Le vingt-unieme royaume, est le second de Macédoine fondé par Antipater, qui usurpa la couronne après la mort d'Alexandre le grand, & qui la laissa à son fils Cassander l'an du monde 3718 & 317 avant Jesus-Christ. Ce royaume fut éteint dans Persée, qui fut vaincu par les Romains l'an du monde 3867, & le 168 avant Jesus-Christ.

Le vingt-deuxieme royaume est celui d'Egypte, commencé par Ptolomée, fils de Lagus, l'un des successeurs d'Alexandre le grand l'an du monde 3712, & 323 avant Jesus-Christ. Il dura jusqu'à la reine Cléopatre II. maîtresse de Marc - Antoine, qui se donna la mort après la bataille d'Actium l'an du monde 4005, & le 30 avant Jesus-Christ.

Le vingt-troisieme royaume a été celui de Syrie, dont le premier roi fut Séleucus Nicator, l'un des chefs successeurs d'Alexandre, l'an du monde 3723, & 312 avant Jesus-Christ. Il dura jusqu'à Antiochus l'asiatique, fils d'Antiochus le pieux & de Sélene. Ce prince en fut privé par Pompée l'an du monde 3970, & 65 avant Jesus-Christ.

Le vingt-quatrieme royaume a été celui de Pergame dans la grande Phrygie, qui commença l'an du monde 3752, & 283 avant Jesus-Christ, par l'eunuque Philétere, & dura jusqu'à Attale III. surnommé Philométor. Celui-ci mourut sans enfans l'an du monde 3902, & 133 avant Jesus-Christ, institua le peuple romain pour héritier & successeur de sa couronne.

Nous ne parlerons point ici des royaumes du Bosphore, du Pont en Asie, de Cappadoce, de Bithynie, d'Arménie, des Bactriens, des Indiens, des Scythes ou Massagetes, & autres semblables, parce qu'on ne connoît point l'établissement de ces monarchies, ni la succession de leurs rois. (D.J.)

ROYAUMES DU MONDE, (Hist. mod.) les royaumes célebres qui se sont établis dans le monde depuis la naissance de Jesus-Christ font un point d'histoire trop étendu pour entrer dans ce détail ; c'est assez de dire que tous les états nommés royaumes en Asie, en Europe, en Afrique & en Amérique ont éprouvé différentes révolutions dans ce long intervalle de tems.

Ainsi dans l'ancien royaume de la Chine, les Tartares se rendirent maîtres de ce vaste empire l'an 1279 ; les Chinois les en chasserent l'an 1369 ; mais en 1644, les Tartares soumirent de nouveau l'empire de la Chine. Alors Xunchi en fut déclaré roi, & c'est un de ses descendans qui le gouverne aujourd'hui.

Le Japon n'obéit qu'à un seul souverain depuis l'an 1550, & le dairo ou chef de la religion n'a plus en partage que de vaines marques de son ancienne autorité.

L'Inde contient plusieurs royaumes, dont l'histoire n'est point connue. On dit que les mogols sortis de la Tartarie établirent l'empire de ce nom vers l'an 1401, & que ce fut un fils de Tamerlan qui en fut le premier empereur. Le plus puissant des royaumes de l'Inde au-delà du golphe est celui de Siam, de qui la plûpart des autres sont tributaires. Dans la presqu'île de l'Inde au-deçà du golfe sont les royaumes d'Orixa, de Golconde, de Narsingue, de Décan, de Balaguate, de Bisnagar, &c. qui obéissent à divers souverains, & qui changent souvent de maître. L'histoire de tous ces divers états est ensevelie dans l'oubli jusqu'au tems que les Portugais, succédés par les Hollandois, se sont établis dans l'Inde.

La Perse obéit aux sophis depuis l'an 1500 de Jesus-Christ ; mais ces sophis ont été différens conquérans, qui tour-à-tour ont usurpé & ravagé ce vaste pays.

L'Arabie reçut la loi de Mahomet vers l'an 625 ; depuis ce tems-là, les Arabes mahométans se nommerent Sarasins, & eurent des rois puissans, qui néanmoins furent soumis par les Turcs, & par les sophis dans le xij. siecle.

La Turquie en Asie comprend le Curdistan, l'Yerac, le Diarbek, la Sourie, l'Anatolie, l'Armenie & la Georgie, qui répondent à-peu-près à ce que les anciens appelloient la Babylonie, Mésopotamie, la Syrie, l'Asie mineure, la Colchide, &c. Othoman vers l'an 1300 commença cet empire, & l'augmenta par ses conquêtes. L'empire de Trébisonde, établi par Alexis Comnene en 1204, passa dans les mains de Mahomet II. l'an 1461.

La Turquie en Europe est divisée par le Danube en méridionale & septentrionale. Le grand-seigneur est le maître de la méridionale, & les trois principautés de la septentrionale sont ses tributaires.

Je ne parcourrai point les royaumes de l'Europe, parce que chacun d'eux a son article séparé dans ce Dictionnaire.

Les principales parties de l'Afrique sont l'Egypte, l'Abyssinie, le Monomotapa, le Congo, la Guinée, la Nigritie, le Bilédulgérid & la Barbarie. L'histoire de tous ces pays & de leurs états nous est inconnue.

Nous ne sommes pas mieux instruits des anciens royaumes qui ont subsisté en Amérique jusqu'à la découverte de cette partie du monde, où les puissances maritimes ont aujourd'hui établi leur domination. (D.J.)


ROYAUTÉS. f. (Gramm.) dignité du roi. Les Grecs & les Romains autrefois, aujourd'hui tous les peuples républicains sont ennemis de la royauté. La royauté n'est pas un métier de fainéant ; elle consiste toute dans l'action.


ROYAUXDROITS, regalia, (Hist. mod.) voyez REGALIENS.

Droits royaux d'une église se dit des droits & privileges dont jouissent les églises cathédrales, ou autres par concession des rois. Voyez EGLISE, CATHEDRALE, &c.

Regalia se prend aussi quelquefois pour le patrimoine de l'Eglise, comme regalia sancti Petri, & singulierement pour les terres ou héritages qui lui ont été donnés par des rois. Quelques-uns veulent même que ce soit de-là qu'est venu l'usage de la régale ; car, dit Ducange, on appelloit des héritages en régale les biens qui étoient venus aux églises par la concession & libéralité des rois. D'où vient qu'à la mort des évêques, les rois s'en remettoient en possession jusqu'à ce que le nouveau titulaire eût reçu l'investiture. C'est aussi ce qui se pratiquoit en Angleterre, où Guillaume le conquérant & plusieurs de ses successeurs ne se hâterent pas de donner l'investiture aux nouveaux évêques, comme il paroît par les plaintes de plusieurs prélats de leur tems.

Regalia dans quelques auteurs se prend aussi pour l'hommage & le serment de fidélité que l'évêque fait au roi lors de son investiture. Voyez HOMMAGE & EVEQUE, voyez aussi INVESTITURE.


ROYE(Géog. mod.) on croit que c'est Rodrina, & en latin du moyen âge, Rauga, ville de France, en Picardie, au pays appellé Santerre, capitale d'un bailliage de même nom, entre Nesle & Noyon, & Montdidier. Cette ville, que quelques-uns prennent avec assez peu de vraisemblance pour l'ancienne Rhodium de la Gaule belgique, fut érigée en prevôté, & unie au domaine en 1371 par le roi Charles V. Aujourd'hui c'est un gouvernement de place du gouvernement militaire de Picardie. Il y a trois paroisses, une collégiale, un college & un hôpital. Long. 20. 28. latit. 49. 42.

Popaincourt, (Jean de) premier président au parlement de Paris, étoit de Roye, & préféra l'étude des belles-lettres à celle des armes. Il fut reçu premier président de la premiere cour supérieure du royaume en 1400, & mourut en 1403. (D.J.)


ROYENA(Botan.) genre de plante ainsi nommé par Linnaeus, en l'honneur de M. Van-Royen, professeur à Leyde. Le calice de la fleur est composé d'une seule feuille permanente, légerement découpée en cinq segmens obtus à l'extrêmité. La fleur est monopétale, formée d'un tuyau qui est de la longueur du calice, évasé dans ses bords, & divisé en cinq segmens ovoïdes & recourbés. Les étamines sont dix filets très-courts qui naissent sur la fleur. Les bossettes sont doubles, oblongues, pointues, droites, & de la longueur du tuyau de la fleur. Le germe du pistil est délié, de forme ovale, partagé en deux stiles, un peu plus long que les étamines. Les stygma sont simples. Le fruit est une capsule ovoïde, composée de quatre battans, & sillonnée de quatre raies profondes ; il contient une seule loge, dans laquelle sont renfermées quatre noix oblongues, triangulaires, couvertes de leurs coiffes. Cette plante a été décrite dans le Paradisus batavus, sous le nom d'une espece de pistachier sauvage, espece de staphilodendron. Hort. Amstel. vol. I. p. 187. Herman. parad. bat. p. 232. Linn. gen. plant. p. 193. (D.J.)


RUS. m. canal d'un petit ruisseau. La justice de saint Germain-des-Prez à Paris, dit le Dict. de Trév. s'étend le long de l'eau depuis l'abreuvoir Mâcon vers le pont saint Michel, jusqu'au ru de Sevre vers saint Cloud. La rue de Bievre à Paris s'appelloit autrefois port de Bievre, de la riviere de Bievre ou des Gobelins qui y passoit avant qu'on eût détourné son cours hors de la ville.


RUADES. f. (Manege) action du cheval, lorsque baissant la tête & levant le derriere, il allonge subitement les deux jambes de derriere & les jette, pour ainsi dire, en l'air. Ce n'est pas un bon signe lorsqu'un cheval va à bonds, à ruades & à pétarades. On dit détacher, allonger, tirer, séparer une ruade.


RUAGES. m. (Jurisprud.) terme qui se trouve dans la coutume de Cambray, tit. 11. art. 2. & que Desjaunaux explique comme signifiant usage. Voyez aussi le glossaire de M. de Lauriere. (A)


RUBS. m. (Commerce) poids d'Italie, particulierement en usage dans les lieux situés sur la riviere de Gènes. A Oneille les huiles d'olives se vendent en barrils de sept rubs & demi, qui pesent ensemble autant que la millerolle de Provence, qui revient à soixante-six pintes mesure de Paris, qui en font cent mesures d'Amsterdam. Voyez MILLEROLLE. Diction. de Commerce & de Trév.


RUBAN D'EAUS. m. (Hist. nat. Bot.) sparganium, genre de plante dont la fleur n'a point de pétales ; elle est composée de plusieurs étamines & stérile. Les embryons naissent par petits tas séparément des fleurs, & deviennent dans la suite des capsules ou des noyaux qui ont une ou deux loges, & qui renferment ordinairement une amande farineuse : ces noyaux sont adhérens à la couche, & réunis de façon qu'ils forment une espece de tête. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

RUBAN, (Insectol.) nom d'un ver du corps humain, ainsi dit à cause de sa longueur, & de sa figure plate ; on l'appelle aussi ver plat. Voyez le traité que Spigelius en a fait, sous le nom latin taenia, qu'on a francisé ; c'est pourquoi nous en parlerons plus au long au mot TAENIA.

RUBAN, (Conchyl.) on appelle ainsi toute bandelette très-étroite qui se distingue sur la superficie d'une coquille. (D.J.)

RUBAN, s. m. (Archit.) ornement qui imite un ruban tortillé sur les baguettes & les rudentures, & qu'on taille de bas-relief, ou évuidé. (D.J.)

RUBAN, (Cirier) est la cire réduite en petits filets plats & larges, environ d'une ligne & demie. Voyez mettre en RUBAN & l'article BLANCHIR.

RUBAN, mettre en étrier, c'est l'action de partager la cire en petites bandelettes larges d'une ligne & demie, en la faisant passer par un greloir au sortir de la cuve, voyez GRELOIR & CUVE, & congeler dans l'eau où le cylindre toujours en mouvement la conduit à mesure qu'elle tombe. Voyez CYLINDRE, & l'article BLANCHIR.

RUBAN ou NONPAREILLE, (Ecriture) ce sont des padous de soie rouge ou bleue propres à attacher les feuilles de papier les unes avec les autres, & donner à l'ouvrage un ornement extérieur. Voyez le volume des Planches à la table de l'Ecriture. Dans le barreau, on les appelle liasses ; ils sont de parchemin. Voyez NONPAREILLE.

RUBAN à perruque, (Perruquier) est un tissu de filoselle que les Perruquiers placent autour d'une perruque pour en fortifier les bords en-dedans de la coëffe. Ils en appliquent encore un autre plus large, depuis le toupet ou front jusqu'à la nuque du col en passant par le sommet de la tête, celui-ci se pose entre la coëffe & les tresses de cheveux. Le premier se nomme ruban de tour, & l'autre ruban de plaque.

RUBAN des canons des Missels, (Relieure) les Relieurs mettent à chaque feuillet du canon des missels un ruban plié collé contre le feuillet avec un morceau de papier pour le soutenir. Ce ruban sert au prêtre à lever facilement le feuillet, & le tourner avec les doigts qu'il a en liberté.

RUBAN, s. m. (Rubanier) tissu très-mince qui sert à plusieurs usages, selon les matieres dont il est composé.

Il y a des rubans de toutes sortes de matieres, d'or, d'argent, de soie, de fleuret, de laine, de fil, &c. on en fait de plusieurs largeurs, de larges, d'étroits, de demi-larges. On en fabrique de façonnés, d'unis, à deux endroits, à un envers ; de gaufrés, à réseau, de doubles en lisse & de simples, & dans toutes sortes de goûts & de desseins, tels qu'on les commande aux ouvriers.

Les rubans d'or, d'argent, de soie, &c. servent aux ornemens des femmes ; ceux de capiton, qu'on appelle padous, servent aux Tailleurs, Couturieres, &c. & les rubans de laine & de fil sont employés par les Tapissiers, &c.

Les rubans se tissent avec la navette sur le métier ; savoir ceux qui sont façonnés à la façon des étoffes d'or, d'argent & de soie, & ceux qui sont unis, de même que les Tisserands fabriquent la toile, à-moins qu'ils ne soient à doubles lisses.

Les rubans de soie pure ne vont point à la teinture après qu'ils ont été fabriqués, mais on les tisse avec des soies toutes teintes.

Quoique la Rubanerie soit beaucoup tombée en France, il ne laisse pas que de s'y faire une grande consommation de rubans, & on en fait des envois considérables dans les pays étrangers. Les rubans de soie unis se fabriquent dans plusieurs villes de France ; mais ce n'est guere qu'à Paris qu'on fait des rubans façonnés.

RUBAN gaufré, (Arts & métiers) ruban sur lequel on imprime par l'art certains ornemens de fleurs, d'oiseaux, de ramages ou de grotesque. On donnoit autrefois ces ornemens avec des fers ou des plaques d'acier gravés ; mais un maître tissutier rubanier inventa à Paris sur la fin du dernier siecle une machine tout autrement ingénieuse pour gaufrer les rubans. En voici l'histoire.

La mode des rubans gaufrés ayant commencé à s'établir vers l'an 1680, & la nouveauté leur donnant un grand cours, un nommé Chandelier, lassé d'être obligé de gaufrer ses rubans en y appliquant successivement, comme ses confreres, plusieurs plaques d'acier gravées de divers ornemens de fleurs, d'oiseaux & de grotesque, ainsi qu'il se pratique pour la gaufrure des étoffes, imagina une espece de laminoir, assez semblable à celui dont on se sert à la monnoie pour applatir les lames des métaux, mais beaucoup plus simple.

Deux cylindres d'acier en faisoient les principales pieces : ces cylindres sur lesquels étoient gravées les figures dont il vouloit imprimer son ouvrage, étoient posés l'un sur l'autre entre deux autres pieces de fer plat d'un pié & demi de hauteur, placées perpendiculairement, & attachées sur une espece de banc de bois très-fort & très-pesant, qui soutenoit toute la machine.

Chaque cylindre qui tournoit sur les tourillons avoit à l'une de ses extrêmités tous deux du même côté une roue à dents, qui s'engrenant l'un dans l'autre, se communiquoient le mouvement par le moyen d'une forte manivelle attachée à l'une des deux.

Cette machine ainsi préparée, lorsque l'ouvrier vouloit s'en servir, il mettoit au feu ses cylindres pour leur donner la chaleur convenable ; & plaçant ensuite son ruban dans le peu d'espace qui restoit entr'eux, qu'il resserroit encore par le moyen d'une vis qui pressoit celui de dessus, il tiroit le ruban de l'autre côté ; & faisant tourner les cylindres avec la manivelle, une piece entiere de ruban recevoit la gaufrure en moins de tems que les autres ouvriers n'en employoient pour une seule aune. Le génie & l'invention de ce rubanier eurent leur récompense : les rubans gaufrés firent sa fortune. (D.J.)

RUBAN de satin, (Rubanerie) on appelle ruban de satin celui qui est fabriqué à la maniere de satin. Il y en a de simples & d'autres à double endroit.

RUBAN, terme de Blason, c'est la huitieme partie d'une bande. Voyez les Planches de Blason, voyez aussi l'article BANDE. Il est porté un peu coupé des lignes extérieures de l'écusson.


RUBANIERS. m. (Rubanerie) celui qui fait des rubans ; il y a à Paris une communauté de maîtres rubaniers, qui prennent la qualité de tissutiers-rubaniers de la ville & fauxbourgs de Paris. Ce sont ces fabriquans qu'on appelle aussi ouvriers de la petite navette, pour les distinguer des marchands ouvriers en draps d'or, d'argent & de soie, qu'on nomme ouvriers de la grande navette, ce sont, dis-je, les fabriquans de la petite navette, qui font toutes sortes de rubans & galons d'or, d'argent, de soie, de franges, frangeons, crépines, molets, padous, &c. & tous autres ouvrages dépendans de la rubanerie. Dict. de Savary. (D.J.)


RUBARBErhabarbarum, genre de plante à fleur monopétale, en forme de cloche & profondément découpée. Le pistil sort du fond de cette fleur, & il renferme une semence triangulaire, qui, étant mûre, adhere à une capsule, de façon qu'il n'est pas possible de l'en séparer ; cette capsule a la même forme que le fruit. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE & RHUBARBE.


RUBBou RUBBY, s. m. (Commerce) en italien rubbia, est une mesure des liquides dont on se sert à Rome : il faut treize rubbes & demi pour faire la brante, qui est de 96 bocals, ensorte que chaque rubbe est d'environ sept bocals & demi. Voyez BOCAL.

RUBBE, ou RUB, (Commerce) est aussi un poids de vingt-cinq livres, que les Italiens appellent indifféremment rubbis & rubbia.

RUBBE, est encore la mesure dont on se sert à Livourne pour les grains. Dix rubbes trois quarts font le last d'Amsterdam. Voyez LAST. Dict. de Commerce & de Trévoux.


RUBEAERUBEAE


RUBÉFIANSadj. médicamens qui ont la vertu de rougir la peau. Tels sont les sinapismes. On s'en sert pour attirer l'humeur goutteuse sur une partie, & la rappeller de l'intérieur à l'extérieur. Le bain de piés dans de la lessive très-chaude, est un remede rubéfiant. La poudre de graine de moutarde dans le vinaigre rougit la peau, & la dispose à inflammation. (Y)


RUBELINEvoyez GORGE ROUGE.


RUBÉOLErubeola, s. f. (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleurs monopétales en forme d'entonnoir divisées en quatre parties ou légerement découpées. Le calice de ces fleurs est ou simple ou double : celles qui ont un calice double sont stériles, & le calice simple des autres fleurs devient dans la suite un fruit composé de deux semences. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.


RUBETErubeta, s. f. (Hist. des Poisons) ce mot veut dire un poison tiré en partie du suc de la grenouille venéneuse. Juvenal, sat. 1. vers. 69. & 70. parle d'une dame romaine qui mêloit de cette espece de poison au vin qu'elle présentoit à son mari.

Occurrit matrona potens, quae molle calenum

Porrectura viro miscet sitiente rubetam.

(D.J.)


RUBI(Géog. anc.) petite ville d'Italie dans la Pouille. L'itinéraire d'Antonin la met sur la route d'Equotorium à Hydrume, entre Canisium & Hydrume, entre Canusium & Budrunte, à 20 milles de la premiere de ces places, & 11 milles de la seconde. C'est de cette ville dont parle Horace, l. I. sat. 5.

Inde Rubos fessi pervenimus. Ut potè longum

Carpentes iter, & factum corruptius imbri.

" Nous eûmes assez de peine à gagner Rubi, où nous arrivâmes fort fatigués ; car outre que nous avions fait une grande traite, la pluie avoit extrêmement gâté les chemins ". La journée d'Horace avoit été de 20 milles pour se rendre à Rubi. Il croissoit particulierement dans le territoire de cette ville, une espece de petit osier très-souple & très-délié dont on faisoit des corbeilles. Virgile, Georg. l. V. vers. 256. en a parlé, lorsqu'il a dit ; nunc facilis Rubiâ texatur fiscina virgâ. (D.J.)


RUBICANadj. terme de Maquignon ; couleur de poil d'un cheval, qui a du poil bai alesan ou noir, joint à du poil gris ou blanc, semé sur les flancs de maniere que ce gris ou blanc ne domine pas ; on dit également cheval rubican, & poil rubican. (D.J.)


RUBICELLou RUBACELLE, s. m. (Hist. nat. Litholog.) nom donné par quelques naturalistes à une pierre précieuse, dont la couleur tient un milieu entre l'hyacinthe & le rubis spinel. Voyez RUBIS. De Boot dit que cette pierre ressemble aux grenats de Bohème.


RUBICINIS LUCUS(Géog. anc.) bois sacré, que les anciens avoient dédié à la déesse qui présidoit à la rouille des blés. Ovide parle de ce bois sacré dans ses fastes, l. IV. v. 707.

Flamen in antiquae lucum rubiginis ibat,

Exta canis flammis, exta daturus ovis.

(D.J.)


RUBICON(Géog. anc.) riviere d'Italie dans la Romagne, aux confins de la Gaule cisalpine, qu'il séparoit de l'Italie, comme nous l'apprennent Cicéron, philipp. VI. c. iij. & Lucain, l. I. v. 213. Le premier dit : Flumen Rubiconem, cui finis est Galliae, & le second en parle en ces termes :

Fonte cadit modico, parvisque impellitur undis

Puniceus Rubico, quum fervida canduit aestas :

Perque imas serpit valles, & Gallica certus

Limes ab Ausonis disterminat arva colonis.

Cette riviere, que l'on nomme aujourd'hui Pisatello, selon Léander, est petite, mais très-fameuse dans l'histoire. Il n'étoit pas permis aux soldats, & moins encore à leurs chefs, au retour d'une expédition militaire, de passer cette riviere avec leurs armes, sans le consentement du sénat & du peuple romain ; autrement ils étoient tenus pour ennemis de la république, comme le porte l'inscription qui étoit à la tête du pont de cette riviere, & que l'on a trouvée enterrée sur le bord de cette même riviere.

Le cardinal Bivarola, légat alors de la Romagne, fit dresser au même endroit le marbre sur lequel est cette inscription : voici ce qu'elle porte : Jussu mandatuve P. R. Cos. Imp. Trib. Mil. Tiron. Commiliton. Arma quisquis es manipulariaeve centurio, turmaeve legionariae, hîc sistito, vexillum sinito, arma deponito, nec citra hunc amnem signa, ductum exercitum commeatum ve, traducito. Si quis ergo hujusce jussionis adversus praecepta ierit, feceritve, adjudicatus esto hostis P. R. ac si contrà patriam arma tulerit, penatesque ex sacris penetralibus asportaverit S. P. Q. R. sanctio plebesciti. S. ve consulti ultra hos fines arma ac signae proferre liceat nemini.

Malgré le dessein que César avoit conçu d'asservir sa patrie ; quand il se vit, à son retour des Gaules, au bord du Rubicon avec son armée, dit Suétone, il hésita quelque tems, s'il le passeroit ou non. Il le passa dans la confiance du succès de ses armes, s'empara de l'Umbrie & de l'Etrurie, d'où suivit la guerre civile qui le plaça sur le trône, & la conspiration qui l'en fit tomber. Voyez TRIUMVIRAT. (D.J.)


RUBIES. f. (Monnoie d'Alger) monnoie d'or qui a cours à Alger, & dans tout le royaume qui en porte le nom, aussi-bien que dans ceux de Congo & de Labez. La rubie vaut trente-cinq aspres : elle porte le nom du dey d'Alger, & quelques lettres arabiques pour légende. Savari. (D.J.)


RUBIERA(Géog. mod.) en latin Herbaria ; ville d'Italie, dans le Modénois, sur la Secchia, à 7 milles de Modène ; c'est une forte place, qui est regardée comme la clé du Modénois. Long. 28. 32. lat. 44. 35.

Urceus (Antoine), un des savans malheureux du xv. siecle, naquit à Rubiera, en 1446, & mourut à Bologne en 1516, âgé de 70 ans. Il fut surnommé Codrus, à cause que le prince de Forli le rencontrant un jour, lui dit, Jupiter Codro se commendat. De-là vint qu'il fit pour lui cette bonne & courte épitaphe, Codrus eram, j'étois Codrus.

Cet écrivain vécut pauvrement pendant toute sa vie, ayant une chambre si sombre, que sans le secours d'une lampe, il ne pouvoit étudier que quelques heures de la journée. Etant une fois sorti sans éteindre cette lampe, le feu prit à ses papiers, & les brûla avec tous ses meubles. Désesperé de la perte de ses manuscrits, il proféra des blasphèmes exécrables, & se retira comme un sauvage dans les forêts, où il passa quelque tems. Ensuite revenant à la ville, il se cacha dans la maison d'un menuisier, où il demeura six mois seul & sans livres ; enfin il reprit insensiblement ses études. Mais Pierius Valérianus prétend qu'il fut tué par des assassins.

Ses ouvrages contiennent des harangues, des lettres & des poésies. Ils ont été imprimés quatre fois ; savoir, d'abord à Bologne, en 1502, & finalement à Bâle, en 1540, in -4°. c'est la meilleure édition, & elle est précédée de la vie de l'auteur. Le P. Niceron a fait aussi son article dans ses mémoires des hommes illustres, tom. IV. (D.J.)


RUBIGALIou ROBIGALIA, s. f. pl. (Hist. anc.) nom d'une fête qu'on célebroit chez les Romains en l'honneur du dieu Rubigus, ou de la déesse Rubigo, pour demander à ces divinités qu'elles préservassent le blé de la rouille ou nielle. Voyez FETE.

Ces fêtes furent instituées par Numa la onzieme année de son regne. Elles se célebroient le septieme jour avant les calendes de Mai, qui tombe au 25 d'Avril, & qui est le tems où la nielle, appellée en latin rubigo, s'attache au blé. Voyez RUBIGO.

Varron fixe la célébration de ces fêtes au tems où le soleil entre dans le 16 degré du taureau ; mais il paroît que le vrai tems de leur célebration étoit le 18e jour avant l'équinoxe, parce que la canicule ou petit chien domine alors, & que cette constellation étoit regardée par les anciens comme malfaisante.

C'est pour cela qu'on sacrifioit un chien à Rubigo : Ovide dit qu'on sacrifioit les entrailles d'un chien & celles d'une brebis : selon Columelle on sacrifioit seulement un chien, qui tetoit encore sa mere. Festus semble faire entendre que la victime devoit être rousse.


RUBINERUBINE


RUBIS(Hist. nat.) rubinus, pierre précieuse, rouge, transparente, qui ne le cede qu'au diamant pour la dureté. On en compte plusieurs especes d'après les teintes plus ou moins foncées, que l'on trouve à cette pierre. Le rubis oriental ou vrai rubis est d'un rouge écarlate ou ponceau, semblable à un charbon allumé, c'est celui qu'on a quelquefois nommé albandine ou almandine, & peut-être celui que l'on nomme escarboucle ou carbunculus, quand il est d'une certaine grosseur. Le rubis balais, en latin balassus ou palatius, est d'un rouge un peu bleuâtre, ce qui le rend un peu cramoisi ou pourpre. Le rubis spinel est d'un rouge clair. Le rubicelle ou rubacelle est d'un rouge tirant un peu sur le jaune ; c'est le moins estimé.

Les rubis varient pour la figure, l'on en trouve qui sont octahedres, d'autres sont en rhomboïdes dans leur matrice ; on en trouve aussi qui sont arrondis & semblables à des cailloux roulés, ces derniers se rencontrent dans le lit de quelques rivieres, ou bien dans le sein de la terre, enveloppés dans un sable rouge, ou dans une terre verte & compacte, qui ressemble à de la serpentine, ou dans une roche rougeâtre. Les rubis de Bohème se trouvent dans du quartz & dans du grais.

Les plus beaux rubis viennent des Indes orientales ; on en trouve dans le royaume de Pégu, dans l'île de Ceylan, dans l'Inde au royaume de Bisnagar & de Calicut. On dit aussi qu'il s'en rencontre en Bohème, en Silésie, en Hongrie, en Saxe, ainsi que près de Kexholm, en Finlande, & près de Keddil, sur le lac de Ladoga ; la question est de savoir, si ces rubis ont la dureté & l'éclat de ceux d'Orient. Un rubis parfait est une pierre très-rare, sur-tout quand il est d'une belle grandeur : quand il s'en trouve, on en fait un très-grand cas, & on le paye plus cher que le diamant même.

L'empereur François I. aujourd'hui régnant, a fait faire à Vienne des expériences sur un grand nombre de pierres précieuses, & entr'autres sur le rubis. Par les ordres de ce prince, on mit dans des creusets plusieurs diamans & rubis ; on donna pendant vingtquatre heures un feu très-violent, & lorsqu'on vint au bout de ce tems à visiter les creusets, on trouva que les diamans avoient été entierement dissipés & volatilisés par l'action du feu, tandis que le rubis n'avoit rien perdu ni de sa forme, ni de sa couleur, ni de son poids.

Le dernier grand duc de Toscane de la maison de Médicis, avoit déja fait faire des expériences sur les pierres précieuses, à l'aide du miroir ardent de Tschirnhausen. Un rubis exposé à l'action du feu solaire, au bout de quelques secondes se couvrit comme d'une espece de graisse fondue, à la partie de sa surface qui étoit frappée par les rayons ; il s'y forma ensuite quelques bulles. Après avoir été tenu pendant 45 minutes dans le foyer, il perdit sa couleur en grande partie, ses facettes, & ses angles s'arrondirent. Un autre rubis après avoir été exposé 3 minutes au foyer, s'écrasa & se fendit lorsqu'on vint à presser dessus avec la lame d'un couteau. On prit un nouveau rubis fort grand ; il commença par montrer les mêmes bulles, que le premier ; & au bout de 7 minutes, il étoit amolli au point de recevoir l'empreinte d'un jaspe & de la pointe d'un couteau. Cette pierre après avoir été exposée à cette chaleur violente pendant 45 minutes, ne souffrit aucune altération dans sa forme, mais sa couleur avoit changé ; elle étoit devenue trouble, blanchâtre & tachetée de noir. En continuant de tenir la pierre pendant 45 autres minutes dans la même chaleur, sa couleur changea encore plus, mais sa forme ne fut aucunement altérée ; enfin après avoir continué à tenir la pierre à ce même degré de chaleur pendant 3 autres quarts d'heure, il ne s'y fit plus aucun changement même pour le poids.

On prit un nouveau rubis que l'on pulvérisa, on exposa cette poudre au foyer du miroir ardent, & au bout de trois minutes on vit que les particules de cette poudre s'attachoient les unes aux autres assez fortement, mais elles se séparerent lorsqu'on vint à presser dessus avec un couteau ; on pulvérisa de nouveau ces particules, & au bout de 12 minutes elles se lierent les unes aux autres : la liaison n'étoit point sensible à la circonférence, mais au centre ; elle étoit très-forte, & les molécules en se rejoignant avoient même repris la couleur rouge qui leur étoit naturelle.

Pour s'assurer encore davantage de la fusibilité du rubis, on pulvérisa de nouveau ces particules, déja fondues ; & pour augmenter l'action du miroir ardent, on plaça un verre pour réfléchir les rayons, en peu de secondes ce degré de chaleur fit fondre la poudre, qui prit une couleur de chair sans transparence, & au microscope on découvrit qu'il y avoit des particules qui ne s'étoient point fondues.

Les rubis qui avoient été exposés au foyer du miroir ardent, & ensuite jettés dans l'eau, ne se brisoient point ; mais on pouvoit remarquer qu'il s'étoit fait des gersures à leur intérieur ; & les rubis se brisoient lorsqu'on les pressoit avec un outil de fer.

En joignant du verre à un rubis, cette pierre parut entrer en fusion avec lui, mais on s'apperçut au bout de quelque tems que la combinaison n'étoit point intime & la partie rouge s'étoit précipitée au-dessous du verre, dont il étoit facile de distinguer le rubis du verre. Ces expériences sont tirées du magasin d'Hambourg, vol. in-18. & du tom. IX. du Giornale dei litterati d'Italia. (-)

Voilà de toutes les pierres précieuses de couleur la plus difficile à trouver dans son degré de perfection. On exige que le rubis soit extrêmement net, d'une couleur véritablement ponceau, ou couleur de feu ; l'on veut que le rouge en soit très-velouté, & qu'il jette un feu vif & ardent. Lorsque le rubis est pourvû de toutes ces qualités, & qu'il est avec cela d'une bonne grosseur, & d'une forme agréable, il n'y a certainement aucune pierre qui lui soit comparable ; & ce n'est pas sans raison que dans l'orient où le goût pour les pierres précieuses est peut-être plus sûr & plus marqué qu'en aucun autre endroit de l'univers, on fait beaucoup plus de cas des beaux rubis, que des beaux diamans ; par-tout où il y aura de véritables connoisseurs, il ne faut pas craindre qu'on pense autrement.

Benvenuto Cellini, sculpteur florentin, qui nous a laissé un traité de l'Orfévrerie, remarquoit il y a environ deux cent cinquante ans, qu'un rubis parfait pesant un carat, se seroit vendu de son tems 800 écus d'or, tandis qu'un diamant du même poids & de la même perfection, n'en auroit valu que cent ; mais on trouve peu de rubis de la premiere beauté ; presque tous péchent dans la couleur, qui n'est pas assez pure, ou qui dans les uns est trop sourde, & dans les autres trop claire. Les magnifiques escarboucles qui ont épuisé les éloges des anciens, & auxquels ils ont cru devoir donner le nom d' ou de carbunculus, à cause de leur ressemblance avec un charbon ardent, ont certainement été des rubis.

L'antiquité en connoissoit un grand nombre ; car pourvû qu'une pierre fût ardente & de couleur rouge, elle occupoit une place parmi les escarboucles : aujourd'hui les rubis se réduisent à quatre especes. Celui qui marche le premier est le rubis d'orient qu'on vient de décrire, dont l'extrême beauté, supérieure encore à sa rareté, laisse bien loin derriere lui toutes les autres pierres précieuses du même genre ; le rubis de Brésil vient ensuite ; jusqu'à présent il ne s'est pas fait beaucoup rechercher, parce qu'on n'en a point encore vû d'un beau rouge ; sa couleur est un rouge clair laqueux qui n'attire point. Le rubis balais est plus agréable ; mais pour être parfait, il doit être d'une belle couleur de rose, non point de couleur de rose pâle, ni d'un rouge tirant un peu sur la pelure d'oignon, ainsi qu'on le trouve assez fréquemment. La quatrieme espece est le rubis spinel, dont la couleur plus obscure que celle du rubis d'orient, est une couleur de feu un peu orangée. Les plus beaux rubis de ces deux dernieres especes croissent dans les Indes orientales ; il s'en trouve bien aussi en Europe ; mais comme ils sont infiniment moins durs que le véritable rubis d'orient, ils ne prennent pas, non plus que le rubis du Brésil, un poliment fort vif ; & ils perdent aisément celui qu'ils ont reçu, ce qui est un grand défaut.

Si Pline en est cru, liv. XXXVII. ch. vij. les anciens ont peu gravé sur le rubis, & parce qu'ils le croyoient trop difficile à entamer, & parce que, selon eux, il emportoit avec lui une partie de la cire lorsqu'on vouloit s'en servir à cacheter. Ils avoient de plus cette fausse prévention, qu'étant posée sur la cire, cette pierre par la seule approche étoit capable de la faire fondre. La signification du nom de rubis, tant en grec qu'en latin, a pû faire admettre en lui une qualité qui n'y fut jamais ; & combien voyons-nous tous les jours de choses, auxquelles on a la foiblesse d'attribuer des propriétés, par une raison de conformité de nom, ou à cause d'une certaine ressemblance de figure avec les choses mêmes auxquelles on veut les appliquer ? Ce seroit perdre le tems, que de s'amuser à relever de pareilles puérilités. Il faut plutôt croire que le rubis n'étoit négligé par les anciens graveurs, comme il l'est encore, qu'à cause de sa trop grande dureté, & que la gravure quelque belle qu'elle eût pû être, n'auroit servi qu'à lui faire perdre de son prix, & même à le défigurer.

Quant à la taille qu'on donne présentement au rubis, elle est la même que pour toutes les autres pierres précieuses de couleur. Le dessus est en table environnée de biseaux ; & le dessous n'est qu'une suite d'autres biseaux qui commencent à la tranche, & allant par degrés en diminuant de hauteur chacun par égale proportion, vont se terminer au fond de la culasse. C'est du moins ainsi qu'on est dans l'usage de les tailler, au grand regret de quelques curieux, qui voudroient qu'à l'imitation des anciens, & de tous les orientaux, on ne formât toutes les pierres de couleur qu'en cabochon. Ils prétendent, & peut-être est-ce avec raison, qu'autrement la pierre ne se montre point dans sa véritable couleur, & que ce faux jeu qu'on lui procure lui devient très-nuisible. Au reste, cette taille telle qu'on vient de la décrire, n'est que pour les pierres précieuses qu'on a dessein de faire jouer & de faire briller ; car pour toutes celles qui sont simplement destinées à être gravées, il suffit que les deux faces en soient dressées uniment. On n'en monte aucune, quelle qu'elle soit, qu'on ne mette dessous une feuille d'argent, peinte d'une couleur assortissante à celle de la pierre, afin d'en relever davantage l'éclat ; au défaut de pareilles feuilles, on pourroit y appliquer des fonds de velours, ou d'autres étoffes de soie ; & l'on a vû des pierres de couleur qui étoient montées de cette maniere ; mais depuis bien des années, cette ancienne pratique est tout-à-fait abandonnée. Mariette, traité des Pierres précieuses. (D.J.)


RUBou RUBON, (Géog. anc.) fleuve de la Sarmatie européenne, & dont Ptolémée place l'embouchure entre celles du Chronus & du Turuntus. On croit que c'est aujourd'hui la Dwine. (D.J.)


RUBORou REBORD, s. m. (Marine) c'est le premier rang de bordage d'un bateau, qui se joint à la semelle ; le second rang s'appelle le deuxieme bord ; le troisieme rang, troisieme bord ; & on nomme sous-barque le dernier rang, qui joint le dessous du plat-bord.


RUBRENSISLACUS, (Géog. anc.) lac de la Gaule, aux environs de Narbonne, selon Pline, liv. II. ch. iv. c'est le même que Pomponius Mela, liv. III. ch. v. appelle Rubresus lacus. C'est aujourd'hui l'étang de la Rubine, selon le pere Hardouin. Quoique Pline dise que l'Atax, présentement l'Ande, traversoit ce lac, cela ne doit faire aucune difficulté, parce qu'on a détourné le cours de cette riviere par le moyen d'un canal qui passe à Narbonne, & va se jetter dans la mer Méditerranée, à 7 milles delà. (D.J.)


RUBRICAS. f. (Hist. nat. minéralog.) le crayon rouge, c'est une ochre ou une terre ferrugineuse, d'un rouge plus ou moins clair ou foncé, qui a pris la consistance d'une pierre ; elle est plus ou moins tendre, suivant la nature de la terre avec laquelle elle est combinée. Voyez OCHRE.

Quelques auteurs regardent cette substance comme une craie ou une marne, & l'appellent creta rubra ou marga ochracea rubra ; d'autres disent qu'elle se durcit au feu, ce qui semble indiquer une terre argilleuse. Au reste, il est aisé de sentir que la partie ferrugineuse qui constitue la rubrica ou l'ochre rouge, peut être jointe accidentellement à des terres de différente nature ; c'est de-là que paroît venir aussi le plus ou le moins de friabilité de cette substance.


RUBRICATUS(Géog. anc.) fleuve de l'Espagne tarragonoise. Ptolémée, liv. II. c. vj. marque son embouchure dans le pays des Lactani, entre Barcinon & Baetulon. Pomponius Mela fait aussi mention de ce fleuve, & l'on convient que c'est présentement le Lobregat. Voyez LOBREGAT.

Rubricatus est aussi le nom d'un fleuve de l'Afrique propre ; son embouchure est placée par Ptolémée, liv. IV. c. iij. sur la côte du golfe de Numidie, entre Hippon regia & Tabraca colonia. Le nom moderne est Jadac, selon J. Léon ; & Ladac, selon Castale. (D.J.)


RUBRIQUES. f. (Hist. ecclés.) en terme de droit canon, signifie un titre ou article particulier dans quelques anciens livres de lois : ces titres ou articles sont ainsi appellés, parce qu'ils sont écrits en lettres rouges, comme les titres des chapitres dans les anciennes bibles. Voyez TITRE. On trouve telle loi sous telle rubrique.

Rubrique signifie aussi les regles données au commencement & dans le cours de la liturgie, regles par lesquelles on détermine l'ordre & la maniere dont toutes les parties de l'office doivent se faire. Voyez LITURGIE.

Il y a des rubriques générales, des rubriques particulieres, des rubriques pour la communion, &c. Dans le breviaire & le missel romain il y a des rubriques pour les matines, les laudes, les translations, les béatifications, les commémorations, &c.

On appelle ces regles rubriques, du mot latin ruber, rouge, parce qu'on les imprimoit autrefois en caracteres rouges, pour les distinguer du reste de l'office qui étoit imprimé en noir ; on a conservé cet usage dans le missel romain.

La grande rubrique pour la célébration de la pâque, prescrite par le concile de Nicée, consiste dans la regle suivante. Le jour de pâque doit se célébrer le dimanche immédiatement après la pleine lune qui suit l'équinoxe du printems. Voyez PAQUES. M. Wallis a fait une dissertation particuliere sur les anciennes rubriques concernant le jour qu'on devoit célébrer la fête de pâques. Voyez les Transactions philosophiques.

RUBRIQUE, s. f. (Imprimerie) on nomme ainsi en termes d'Imprimerie, les lettres rouges d'un livre.


RUCHES. f. (Oeconom. rustiq.) panier à serrer & nourrir des mouches à miel ; il n'y a rien de décidé, ni pour la matiere, ni pour la forme des ruches ; on en fait de planches, de pierre, de terre cuite, de troncs ou d'écorces d'arbres, de paille, d'éclisse, d'osier, & de verre, pour voir travailler les abeilles. Il y en a de rondes, de quarrées, de triangulaires, de cylindriques, de pyramidales, &c. Celles de paille sont les meilleures, & coutent le moins. Elles sont chaudes, maniables, propres aux abeilles, résistent aux injures du tems, & ne sont point sujettes à la vermine ; les mouches s'y plaisent, & y travaillent mieux que dans toute autre sorte de ruches.

Pour faire des ruches de planches, on prend du chêne, du hêtre, du châtaigner, du noyer, du sapin, ou du liege ; il s'agit principalement de bien joindre les planches, pour qu'il n'y entre ni jour, ni vent, ni pluie. Bien des gens condamnent l'usage des ruches de poterie, parce qu'elles conservent trop longtems le froid de la nuit, & s'échauffent trop au soleil. On prévient pourtant ces inconvéniens en les plaçant en-dehors.

Du reste on met dans chaque ruche, quelle qu'en soit la matiere, deux bâtons posés en croix, pour que l'ouvrage des mouches soit plus ferme.

Il y a des ruches de grandeurs différentes ; le principal est de les faire toujours un tiers plus hautes que larges, & d'en façonner le dessus en voute pour les rendre plus commodes, & l'assiette large, pour que rien ne les ébranle. Les grandes ruches sont de quinze pouces de large sur vingt-trois de haut. C'est dans celles-ci qu'on doit mettre les essaims qui viennent jusqu'au milieu de Juin. Les ruches moyennes doivent avoir treize pouces de largeur sur vingt de hauteur ; on y met les essaims produits depuis la mi-Juin jusqu'au premier Juillet. Les petites ruches ne doivent avoir que treize pouces de large sur dix-sept de haut ; c'est dans cette troisieme sorte de ruche qu'on met les derniers essaims. Tout curieux de la culture des abeilles se pourvoit de ces trois sortes de ruches pour les différens tems.

Si les ruches sont faites d'osier, de troesne, ou autre branchage, il faut les enduire en-dehors de cendres de lessive ou de terre rouge, dont on fait un mortier avec de la bouze de vache, pour les garantir des vers tout-autour. Quand les ruches sont bien enduites & seches, avant que de s'en servir, on les passe légérement sur de la flamme de paille, & puis on les frotte en-dedans avec des feuilles de coudrier & de mélisse.

Il faut que les ruches soient posées sur des sieges ou bancs élevés de terre d'un bon pié, pour que les crapauds, les souris & les fourmis n'y puissent pas monter. Le siege, soit qu'il soit de pierre, de bois, de terre, ou de tuilots, doit être bien uni, surtout à l'endroit sur lequel on pose la ruche. Il est bon aussi que la surface du pié sur laquelle la ruche est assise, soit convexe, pour qu'il s'y amasse moins d'humidité ; par la même raison, si on met les ruches sur des planches, il faut y faire deux égoûts en forme de croix, pour l'écoulement des eaux. Il y a bien des gens, surtout dans les pays qui ne sont pas fort chauds, qui mettent les ruches sous des appentis ou auvents faits exprès pour les défendre de la pluie & des orages. Ces auvents garantissent aussi les abeilles des grandes chaleurs & des grands vents, & facilitent leur entrée dans les ruches.

Chaque ruche ne doit avoir régulierement qu'une ouverture qui serve d'entrée aux abeilles ; on met ordinairement cette ouverture au bas de la ruche, & on la fait petite, pour que l'humidité, l'air, & les vents ayent moins de prise sur la ruche. S'il se formoit quelqu'autre trou à la ruche ou au siege, il faut avoir soin de le bien boucher avec du mastic. Quand on a une grande quantité d'abeilles, on range les ruches dans un bel emplacement en forme d'amphithéâtre, ensorte qu'entre chaque banc il y ait un passage par où l'on puisse visiter les ruches, & que ces ruches soient rangées en échiquier, ou en quinconce, sans que les rangs se touchent, afin qu'elles reçoivent le soleil également & à plein. Enfin il faut avoir soin de visiter les ruches deux ou trois fois le mois, depuis le commencement du printems jusqu'à l'automne. Dictionn. économique. (D.J.)

RUCHE, s. f. (Mesure seche) mesure dont on se sert dans les sauneries & salines de Normandie. C'est une espece de boisseau qui contient vingt-deux pots d'Argnes, pesant cinquante livres ou environ, mesure rase. Savary. (D.J.)

RUCHE, voyez ROUCHE.


RUCTATIONS. f. (Médecine) ventosité qui est causée par la mauvaise digestion, & qui se décharge par la bouche avec un bruit désagréable. Voyez VENTEUX. La ructation vient de la réplétion, quelquefois de l'inaction. Voyez REPLETION.

Le docteur Quincy dit que les hypochondriaques & les hystériques y sont fort sujets ; on la guérit plutôt avec les stomachiques qu'avec les carminatifs & les liqueurs chaudes. Burnet recommande les pilules iliaques de Rhasis.


RUDDIRENRUTREN ou ISSUREN, (Hist. mod. & Mythologie) c'est un des trois dieux du premier ordre qui sont l'objet du culte des Banians ou idolâtres de l'Indostan ; ses deux associés sont Ram ou Brama & Vistnou. Voyez ces deux articles. Ce dieu a 1008 noms différens ; mais Ruddiren est celui que lui donnent le Vedam & le Shaster, qui sont les deux livres fondamentaux de la religion des Indes. Les Malabares l'appellent Ichuren, Issuren, Ipsuren, Ipsara ; sur la côte de Coromandel & à Carnate, on le nomme Esvara. Ceux des Banians & des Malabares qui le préferent aux deux autres dieux ses confreres, l'appellent Mahaden ou le grand dieu. D'autres lui donnent le nom de Chiven, le vrai dieu, l'être suprême, quoique le Vedam dise formellement qu'il n'est que le dernier dans l'ordre de la création, & que la fonction qui lui a été assignée par l'être suprême, est de détruire, tandis que celle de Ram ou Brama est de créer, & celle de Vistnou de conserver les êtres. Suivant les fictions des Indiens Ruddiren est d'une taille si prodigieuse, qu'il remplit les 7 mondes d'en-bas, & les 7 cieux ; on le représente avec trois yeux, dont un est au milieu du front ; ce dernier est si étincelant, qu'il consume, dit-on, tous les objets sur lesquels il se porte. Ce dieu a 16 bras. Il est couvert de la peau d'un tigre, & son manteau est la peau d'un éléphant entourée de serpens. Il porte trois chaînes autour du col, à l'une desquelles est suspendue une cloche. Dans cet équipage on le transporte monté sur un boeuf appellé Irishipatan, qui est lui-même un objet de vénération pour les Indiens. Ce dieu est regardé comme le Priape de l'Indostan ; c'est pour cela que dans quelques pagodes ou temples il est représenté sous la figure du membre viril, ou comme les parties de la génération des deux sexes en conjonction : c'est ce que les Indiens appellent linga ou lingam, pour lequel ils ont la plus haute vénération, au point que plusieurs femmes portent cette figure obscène pendue à leur col. On assure même qu'aux environs de Goa & de Cananor, les nouvelles mariées se font déflorer par ce Priape, avant que de passer dans les bras de leurs époux. On croit que sous cet emblème, les bramines ont voulu représenter la génération de toutes choses, à laquelle, suivant quelques-uns, le dieu Ichuretta qui est le même que Ruddiren, est censé présider. Ce dieu impudique a des religieux qui se consacrent à son service, & qui demeurent constamment dans ses temples ; ils vont quelquefois tout nuds dans les rues de Cananor & de Mangalor, en sonnant une clochette ; alors toutes les femmes, de quelque rang qu'elles soient, sortent de leurs maisons pour venir toucher & pour baiser avec respect les parties de la génération de ces serviteurs du dieu. Voyez l'histoire universelle d'une société de savans anglois. Hist. mod. tome VI. in-8 °.

Il y a dans l'Indostan trois sectes consacrées au culte de Ruddiren ou Ischuren ; elles se distinguent par le lingam que portent les sectaires : il est fait de crystal. On les enterre assis, & on ne brûle point leurs corps, comme ceux des autres bramines. Ces trois sectes sont comprises sous le nom de Chiwakalan ou Chivamadam.


RUDEadj. (Gram.) qui affecte le toucher d'une maniere inégale & raboteuse ; voilà une surface bien rude. Il a d'autres acceptions dont je vais donner quelques exemples. On dit d'un chemin qu'il est rude ; d'une saison qu'elle est rude ; d'une voix, du vin, des yeux, de la peau, qu'ils sont rudes. La journée sera rude, disoit froidement un monstre qui avoit commis le plus grand des forfaits, & qui étoit condamné aux plus terribles supplices. Le métier de la guerre est rude ; le choc fut rude ; il a de la rudesse dans le caractere ; il m'a tenu un propos très-rude ; sa versification est rude ; ce cheval a l'allure inégale & rude ; c'est un rude joûteur.


RUDELSTATou RUDOLS-STATT, (Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans la Thuringe, près de la riviere Sala, entre Orlamund & Salfeld, avec un château. (D.J.)


RUDEN(Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans la Westphalie, sur la riviere de Moen, aux frontieres de l'évêché de Paderborn. Elle est à l'électeur de Cologne. (D.J.)


RUDENTEadj. (Gram.) & RUDENTURE, s. f. (Archit.) il se dit d'un bâton simple ou taillé en maniere de corde ou de roseau, dont on remplit jusqu'au tiers, les cannelures d'une colonne, qu'on appelle alors cannelures rudentées. Il y a aussi des rudentures de relief, sans cannelures sur quelques pilastres en gaine, comme on en voit, par exemple, aux pilastres composés de l'église de la Sapience à Rome.

Il y a des rudentures plates, des rudentures à bâton, des rudentures à baguettes, des rudentures à feuilles de refend, des rudentures à cordelettes, &c. (D.J.)


RUDÉRATIONS. f. terme d'Architecture, est employé par Vitruve pour signifier un pavement fait avec du cailloutage ou de petites pierres. Voyez PAVEMENT.

Pour faire une bonne rudération, il faut commencer par bien battre la terre, afin que le pavement soit ferme & ne rompe pas.

Alors on étend dessus un lit de petites pierres, qu'on lie avec du mortier fait de chaux & de sable, que Vitruve appelle statumen.

Si le sable est nouveau, il doit être en proportion avec la chaux, comme 3 est à un ; s'il a été tiré des démolitions de vieux pavés ou de vieilles murailles, il doit être comme 5 est à 2. Voyez MORTIER, &c.

Daviler observe que Vitruve employe aussi le mot de rudération pour toutes sortes de maçonnerie grossiere, & singulierement celle d'un mur. Voyez MAÇONNERIE.


RUDESHEIou RUDISHEIM, (Géog. mod.) petite ville d'Allemagne, dans l'électorat de Mayence, au Rheingaw, sur la droite du Rhin, à une lieue au-dessus de Bingen. Longit. 25. 31. latit. 49. 54. (D.J.)


RUDESSES. f. (Gram.) voyez l'adjectif RUDE.


RUDIAE(Géog. anc.) ville d'Italie, dans la Calabre, entre Tarente & Brindes ; cette ville étoit proprement dans la Pouille peucétienne ; mais le nom de Calabre s'est étendu fort loin dans la Pouille. Les ruines de cette ville sont aujourd'hui connues sous le nom de Ruia ou de Musciagna, dans la terre d'Otrante.

Rudies étoit la patrie d'Ennius, ancien poëte latin,

Qui primus amoeno

Detulit ex Helicone perenni fronde coronam

Per gentes italas.

Silius Italicus dit, en parlant d'Ennius,

Miserunt Calabri, Rudiae genuere vetustae,

Nunc Rudiae solo memorabile alumno.

Il avoit le génie grand, élevé, mais dénué des beautés de l'art. Révérons Ennius, dit Quintilien, comme ces bois consacrés par leur propre vieillesse, dans lesquels nous voyons de grands chênes que le tems a respectés, & qui pourtant nous frappent moins par leur beauté que par je ne sais quels sentimens de religion qu'ils nous inspirent.

Il est considéré comme le premier qui a employé les vers pithiens ou épiques parmi les Romains. Ses ouvrages consistoient en diverses tragédies & comédies, & en dix-huit livres d'annales de la république romaine, dont il ne nous reste plus que des fragmens. Ennius mourut l'an 584 de Rome, âgé de 70 ans.

Ce fut Caton qui l'amena avec lui à Rome pendant sa questure de Sardaigne ; & c'est ce qui nous paroit aussi glorieux, dit l'historien de Caton, que son triomphe du pays. Ennius avoit une maison sur le mont Aventin ; la beauté de son esprit, les charmes de sa conversation & la pureté de ses moeurs lui acquirent l'amitié de tout ce qu'il y avoit de personnes distinguées dans la ville, entr'autres de Galba & de M. Fulvius Nobilior. Ciceron nous apprend que le peuple romain lui donna le droit de bourgeoisie en considération de son mérite.

Il suivit Fulvius Nobilior à la guerre contre les Etoliens & les Ambraciens, & célébra le triomphe de son ami sur ces peuples. Il servit sous Torquatus en Sardaigne, ainsi que sous Scipion l'ancien, & il se distingua sous les uns & les autres par sa grande valeur.

Il étoit intime ami de Scipion Nasica, comme on le voit par un passage de Ciceron, dans son livre II. de l'orateur, où il raconte qu'un jour Scipion étant allé chez Ennius, la servante lui dit qu'il n'y étoit pas, quoiqu'il y fût. Scipion s'en apperçut : desorte qu'Ennius l'étant allé voir à son tour quelques jours après, & l'ayant demandé à la porte, Scipion lui cria : Scipion n'est point au logis. Oh, oh ! s'écria Ennius, vous croyez donc que je ne reconnois pas votre voix ? Je vous trouve bien effronté, repartit Scipion : j'en ai bien cru votre servante, quand elle m'a dit que vous n'y étiez pas ; & vous ne m'en croyez pas moi-même.

Il fut enterré sur la voie Appienne, dans le tombeau de la famille de Scipion, conformément à la volonté de ce grand homme, qui voulut en outre qu'on lui dressât une statue sur le monument. Ennius avoit fait lui même son épitaphe que voici.

Aspicite, ô cerveios, senis Ennii imagini formam :

Heic vestrûm panxit maxima facta patrum.

Nemo me lacrimis decoret, nec funera fletu

Fac sit : quur ? volito vivu'per ora virûm.

Horace a exprimé la même pensée dans les vers suivans, lib. II. ode xx.

Absint inani funere naeniae,

Luctusque turpes, & querimoniae ;

Compesce clamorem, ac sepulcri

Mitte supervacuos honores.

" Ne songez donc point, mon cher Mécène, à me faire des funérailles. Les larmes & les chants lugubres déshonorent un immortel. Gardez-vous d'éclater en des regrets plaintifs, & de rendre à un vain tombeau des devoirs funèbres, qui ne seroient ni devoirs pour vous, ni utiles pour moi ".

Je viens de donner l'épitaphe d'Ennius, je crois devoir ajouter ici son portrait ; car il est vraisemblable qu'il a eu le dessein de se peindre soi-même, en traçant le caractere d'un ami de Servilius, dans le VII. livre dé ses annales. Voici ce morceau qui nous fera connoître son style, le vieux langage de la langue latine.

Haecce loquutu'vocat, qui cum benè saepè libenter

Mensam, sermonesque suos, rerumque suarum

Comiter impartit ; magna quom lapsa diei

Parte fuisse de parveis summeisque gerendis

Consilio, endo foro, lato sanctoque senatu.

Quoi res audacter magnas, parvasque, jocumque

Eloqueret, quae tincta maleis, & quae bona dictu

Emoveret, si quid vellet, tutoque locaret.

Qui cum multa volup, ac gaudia clamque, palamque,

Ingenium qua nulla malum sententia suadet,

Ut faceret facinus : lenis tamen, haut malus ; idem

Doctu'fidelis, suavis homo, facundu', suoque

Contentus, scitu', atque beatu', secunda loquens in

Tempore, commodus, & verborum vir paucorum

Multa tenens antiqua sepulta, & saepè vetustas

Quae facit, & mores veteresque, novosque tenentem,

Multorum veterum leges, divûmque hominumque

Prudentem, qui multa loquive tacereve posset.

On dit qu'il possédoit très-bien la langue toscane & la langue grecque. Il est certain qu'il a prodigieusement travaillé à perfectionner la poésie latine, quoiqu'il ait laissé aux siecles suivans bien des choses à faire sur cet article.

Mais ses Annales romaines furent si goûtées, que Q. Vargonteïus les récita publiquement à Rome avec un applaudissement extraordinaire, & le même les partagea en différens livres. Elles furent aussi lues en plein théâtre à Pouzzol, par un homme savant qui prit le nom d'Ennianiste. De toutes les copies de ces annales, la plus estimée a été celle que C. Octavius Lampadius avoit corrigée. On dit que Fl. Caprus avoit composé une explication des endroits obscurs, & des expressions antiques qui s'y trouvoient.

Ennius mit au jour une version latine de l'histoire sacrée d'Evhémere, & une autre de la philosophie d'Epicharme. Enfin il composa plusieurs autres ouvrages qui sont perdus. Il paroît dans ses écrits qu'il avoit de grands sentimens sur l'existence d'un seul être suprème, & qu'il n'ajoutoit pas la moindre foi à l'art prétendu de la divination, comme le prouvent ces vers que Ciceron nous a conservés, lib. I. de divinat. n°. 58.

Non habeo nauci Marsum augurem,

Non vicanos aruspices, non de circo astrologos,

Non isiacos conjectores, non interpretes somnium :

Non enim sunt ii aut scientia, aut arte divinei,

Sed superstitiosi vates, impudentesque hariolei,

Aut inertes, aut insani, aut quibus egestas imperat ;

Qui sibi semitam non sapiunt, alteri monstrant viam ;

De his divitiis deducant drachmam, reddant caetera ;

Quibus divitias pollicentur, ab iis drachmam ipsei petunt,

Qui sui quaestûs caussa fictas suscitant sententias.

Les Etiennes ont rassemblé tous les fragmens d'Ennius. Martin del Rio & Pierre Scriverius ont publié les fragmens de ses tragédies ; mais Jérôme Columna les a accompagnés d'un savant commentaire, imprimé à Naples en 1590, in-4 °. & qui dans ce siecle a été enrichi de plusieurs additions, dans l'édition que M. François Hesselius a mis au jour, à Amsterdam en 1707, in-4 °. (D.J.)


RUDIAIRES. m. (Art gymn.) nom du gladiateur renvoyé avec honneur, après des preuves de sa force & de son adresse dans les spectacles de l'amphithéatre. On lui donnoit pour marque de son congé un fleuret de bois, appellé rudis, d'où lui vient le nom de rudiarius.

Ces sortes de gladiateurs ne pouvoient pas être forcés à combattre ; cependant on en voyoit tous les jours qui, pour de l'argent, retournoient dans l'arène, & s'exposoient encore aux mêmes dangers. Suétone nous apprend que Tibere donna deux combats de gladiateurs au peuple, l'un en l'honneur de son pere, & l'autre en l'honneur de son ayeul Drusus ; le premier dans la place romaine, & le second dans l'amphithéatre, où il trouva le moyen de faire paroître des gladiateurs qui avoient eu leur congé, rudiarios, à chacun desquels il promit cent mille sesterces de récompense, c'est-à-dire plus de vingt mille livres de notre monnoie actuelle. (D.J.)


RUDIMENTS. m. Rudimentum dérive de rudis, (brute, que l'art n'a point encore dégrossi) : de-là le nom rudimentum, pour signifier les premieres notions de quelque art que ce soit, destinées aux esprits qui n'en ont encore aucune teinture. Le mot françois rudiment, a une signification moins étendue ; l'usage l'a restraint aux élémens des langues, & même en quelque maniere à ceux de la langue latine. J'ai déja dit au mot METHODE, ce que je pense sur cette sorte d'ouvrages ; je n'en répéterai ici qu'une seule chose : c'est que les livres élémentaires sont de tous, les plus difficiles à bien faire, & ceux néanmoins que l'on entreprend le plus aisément. Combien d'autres rudimentaires ont cru, je parle même des plus savans, qu'il leur suffisoit d'avoir lu beaucoup de latin, & observé beaucoup de phrases latines, sans les avoir comparées à la regle commune de tous les idiomes, qui est l'analyse ! C'est pourtant la seule voie qui nous soit ouverte pour pénétrer jusqu'au génie distinctif d'une langue ; & que prétend nous apprendre celui qui n'a pas pénétré jusque-là, ou qui même n'est pas en état d'y pénétrer ? Voyez INVERSION.


RUDIR L'ETOFFE(Teinture) c'est, en noir, augmenter la couperose.


RUDIS(Hist. anc.) chez les Romains, étoit un bâton noueux & plein d'inégalités, que le préteur donnoit aux gladiateurs, comme une marque de leur liberté, & de la permission qu'on leur accordoit de se retirer. Voyez GLADIATEUR.

De-là est venue cette phrase latine, rude donare, qui signifioit accorder la liberté à un gladiateur, & le dispenser de combattre à l'avenir. C'est pour cela aussi que les gladiateurs qui avoient obtenu leur congé, s'appelloient rudiarii. Voyez RUDIAIRE.


RUDOLPHINESTABLES, (Astron.) on appelle ainsi les tables du mouvement des astres, calculées par Kepler, qui les dédia à l'empereur Rodolphe, d'où elles ont tiré leur nom. Voyez TABLES ASTRONOMIQUES & ASTRONOMIE.


RUDOLPHSWORTH(Géog. mod.) ou Newstadt, ville d'Allemagne, dans la Carniole, sur la riviere de Gurck, avec une abbaye. Les environs sont fertiles en très-bons vins. Long. 33. 24. lat. 46. 2. (D.J.)


RUDOYERv. act. (Gram.) c'est traiter rudement.

RUDOYER son cheval, (Maréchal.) c'est le maltraiter mal-à-propos, quand on est dessus.


RUDUSCULANEPORTE, (Antiq. rom.) rudusculana porta ; ancienne porte de la ville de Rome, ainsi nommée parce qu'elle étoit d'un ouvrage rustique & grossier, ou comme dit Valere Maxime, parce qu'elle étoit garnie de bronze. (D.J.)


RUES. f. (Hist. nat. Bot.) ruta, genre de plante à fleur en rose, composée le plus souvent de quatre pétales concaves & disposés en rond. Le pistil sort du calice, & devient dans la suite un fruit arrondi, tétragone pour l'ordinaire, & composé souvent de quatre capsules attachées à un axe. Ce fruit renferme des semences qui ont ordinairement la figure d'un rein, ou qui sont anguleuses. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

RUE SAUVAGE, harmala ; genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le pistil sort du calice, & devient dans la suite un fruit arrondi & divisé en trois capsules, qui renferment des semences le plus souvent oblongues. Ajoutez aux caracteres de ce genre, que les feuilles sont alternes. Tournefort, institut. rei herbar. Voyez PLANTE.

RUE, (Jardinage) ruta, petit arbrisseau toujours vert, qui vient naturellement dans les pays méridionaux de l'Europe. Il s'éleve à quatre ou cinq piés ; ses feuilles sont épaisses, charnues, découpées, & d'un verd bleuâtre. Ses fleurs qui paroissent au mois de Juin sont jaunes & de peu d'agrément, elles viennent en bouquets au bout des branches. Ses graines qui sont noires, petites & anguleuses, sont renfermées dans une capsule qui a quatre loges. Quoique le feuillage de cet arbrisseau soit d'une jolie apparence, il rend une odeur forte, si désagréable, qu'il n'y a guere moyen d'en faire usage pour l'agrément. Son accroissement est promt, il est robuste, il réussit dans toutes sortes de terreins, & il se multiplie aisément de graines, de branches couchées & même de bouture : cette derniere méthode est la voie la plus courte.

La Médecine fait usage de la rue dans quantité de circonstances. Elle a surtout la vertu de préserver des venins. Les Maréchaux en tirent des secours pour la cure des maladies du cheval & autres bestiaux. En Angleterre, en Hollande & en Allemagne, on fait entrer la rue dans plusieurs ragoûts. En Italie on mange ses plus jeunes rejettons en salade. Mais on ne fait en France nul usage de cette plante dans les alimens. Les goûts varient chez les différentes nations, comme les moeurs & les opinions.

On connoit plusieurs especes de rue : voici les plus remarquables.

1. La rue domestique, c'est la plus commune, & celle dont on fait plus particulierement usage.

2. La rue domestique à petites feuilles, ses fleurs sont aussi plus petites. Cet arbrisseau n'a pas d'autres différences.

3. La rue domestique à petites feuilles panachées, ses feuilles sont joliment tachées de blanc, pendant l'hiver & dans le commencement du printems. Mais ce qu'il y a de plus remarquable dans cet arbrisseau, c'est que les taches ne sont apparentes que dans le tems où la seve n'est plus en action. Elles disparoissent peu-à-peu, à mesure que l'arbrisseau végete au printems, & on les voit reparoître en automne, dès que la seve n'agit plus. On peut regarder cette plante comme un barometre de végétation.

4. La rue d'Alep à larges feuilles, elle est plus délicate que les précédentes, & elle répand une odeur encore plus forte & plus désagréable.

5. La rue d'Alep à petites feuilles, c'est tout ce qui en fait la différence.

6. La grande rue sauvage, elle a beaucoup de ressemblance avec la premiere espece, si ce n'est qu'elle s'éleve davantage, & que ses feuilles, ses fleurs & ses graines sont plus petites, & que sa verdure est plus blanchâtre. Mais elle est moins robuste & d'une odeur si forte & si insupportable, qu'elle porte à la tête. Il y a même dans cette plante une vertu si active & si pénétrante, qu'elle occasionne de l'inflammation à la peau, lorsqu'on touche ses feuilles.

7. La petite rue sauvage, sa feuille & sa fleur sont plus petites que celles de la précédente. Elle s'eleve beaucoup moins, & elle n'a pas de meilleures qualités. Cependant c'est l'espece de rue qui a le plus d'agrément par rapport à son feuillage qui est très-joli.

8. La rue d'Espagne, sa feuille ressemble à celle du lin, & elle est fort délicate.

RUE, (Mat. méd.) rue des jardins & grande rue sauvage. Ces deux plantes ont les mêmes propriétés, & peuvent se substituer l'une à l'autre. On doit observer seulement que la derniere a plus d'efficacité que la premiere, &c.

Les feuilles & les semences de la rue sont d'usage.

L'infusion des feuilles fraîches de cette plante, ou ces mêmes feuilles seches réduites en poudre, sont des remedes très-efficaces pour rétablir les regles, & pour calmer les accès de vapeurs hystériques. Ces mêmes remedes sont de bons vermifuges. Les semences ont les mêmes vertus, & sont employées aux mêmes usages. Le suc dépuré des feuilles est encore plus puissant. On employe avec succès l'eau distillée de rue dans les juleps & les potions hystériques, anti-spasmodiques & vermifuges. Cette eau est comptée aussi parmi les remedes ophthalmiques.

On prépare une conserve avec les sommités fleuries ; & on en retire une teinture qui a aussi les mêmes vertus. L'huile essentielle de rue est regardée comme possédant les mêmes propriétés, & à un petit degré très-supérieur ; mais il est vraisemblable que cette huile participe plus des qualités communes des huiles essentielles que des qualités particulieres de la rue.

Cette plante est d'ailleurs recommandée comme résistant très-puissamment au venin, corrigeant le mauvais air, & même chassant le diable. C'est surtout un vinaigre composé, dont la rue est un des principaux ingrédiens qu'on employe dans ces dernieres vues.

On prépare avec la rue une huile par infusion qu'on employe extérieurement comme résolutive & nervine, & qu'on croit surtout propre à tuer les vers des enfans, si on leur en frotte le nombril. C'est principalement cette derniere propriété qu'on attribue aussi à l'huile essentielle.

La rue doit être regardée comme un remede puissant, que son odeur forte & désagréable fait trop négliger parmi nous.

La rue entre dans un grand nombre de compositions officinales. Elle est un très-bon ingrédient d'un remede magistral externe très-usité sous le nom de vin aromatique. Voyez VIN AROMATIQUE. (b)

RUE, s. f. (Architect.) espace entre des maisons pour servir de passage au public, ou si vous l'aimez mieux, c'est un chemin libre bordé de maisons ou de murs, pavé & pratiqué dans les villes, pour communiquer d'une maison, d'une place, d'un quartier à un autre. Vitruve, Palladio, & ceux qui sont entrés dans le détail de la construction des villes, donnent les préceptes suivans, au sujet du compartiment des rues.

Dans l'alignement des rues des villes, il faut surtout avoir égard à la qualité & à la température de l'air où elles se trouvent. Dans les pays froids ou tempérés, on doit les tenir plus larges & plus spacieuses, afin que la ville en soit plus commode, plus saine & plus belle ; car l'air étant plus découvert, il est plus sain : desorte que si une ville est située dans un air froid, & que les maisons y soient beaucoup exhaussées, il faudra donner beaucoup de largeur aux rues, afin que par ce moyen le soleil entre partout librement.

Mais si cette ville est située dans un climat fort chaud, il est nécessaire d'en faire les rues étroites, & les bâtimens plus exhaussés, afin que par le moyen de l'ombre qui se rencontre toujours dans les rues étroites, la chaleur se trouve plus modérée : ce qui contribue beaucoup à conserver la santé : c'est ce qu'on remarqua à Rome, depuis que Néron l'eut rebâtie, & qu'il eut tenu les rues plus larges qu'auparavant ; la ville en fut plus belle, mais elle se trouva plus exposée aux chaleurs & aux maladies.

Les rues principales doivent être disposées ensorte que des portes de la ville elles se rendent en droite ligne sur la grande place ; & quelquefois même, si la situation le permet, il est bon qu'elles passent jusqu'à l'autre porte ; & selon la forme ou l'étendue de la ville, on pourroit faire sur le même alignement, entre quelques-unes des portes & la principale place, plusieurs places moindres. Les autres rues doivent aussi aboutir non-seulement à la grande place, mais encore aux principales églises, aux grands palais, & à tous les lieux publics.

Mais dans ce compartiment des rues, il faut soigneusement prendre garde, selon l'avertissement que Vitruve nous donne, qu'elles ne soient point directement opposées à aucun vent violent, ni par conséquent sujettes à leurs tourbillons, & à l'impétuosité de leurs souffles ; d'ailleurs pour la conservation de la santé des habitans, on doit tâcher de détourner & de rompre les vents nuisibles.

Toutes les rues doivent avoir une pente vers le milieu, afin que les eaux qui tombent des toits des maisons, s'y viennent rendre toutes ensemble, se fassent un cours plus libre, & entraînent avec elles les ordures, de peur que, si elles croupissoient trop long-tems dans un même lieu, l'air ne s'infectât de leur corruption. On donne aux rues droites & larges une pente d'environ un pouce par toise pour l'écoulement des eaux. Les moindres ont un ruisseau, & les plus larges, une chaussée entre deux revers.

Les rues chez les Romains, étoient grandes ou publiques, & petites ou particulieres. Ils nommoient les premieres, royales, prétoriennes, consulaires ou militaires ; & les autres, vicinales, c'est-à-dire, rues de traverse, par lesquelles les grandes se communiquoient les unes aux autres.

Chacun dérive le mot de rue à sa fantaisie. Suivant Daviler, ce mot vient de rudus, aire pavée de mortier, de chaux & de ciment ; selon MM. de Port-Royal, le mot rue vient de , vicus, dont la racine est , je coule. Ducange prétend qu'on a dit ruta, ruda dans la basse latinité, pour signifier une rue & place marchande. (D.J.)

RUE d'une ville de guerre, (Archit. milit.) dans les villes de guerre les principales rues prennent leur origine à la place d'armes, qui est au milieu de la ville, & se conduisent sur un même alignement aux portes de la ville, aux remparts, & principalement à la citadelle ou au réduit, s'il y en a, afin qu'elles puissent être enfilées. On les fait aussi perpendiculaires les unes aux autres, le plus qu'il est possible, afin que les encoignures des maisons soient à angles droits. On donne ordinairement six toises aux grandes rues, & trois ou quatre aux petites. A l'égard de leur distance, la rue qui est parallele à une autre, doit en être tellement éloignée, qu'il y reste un espace pour deux maisons de bourgeois dont l'une regarde une rue, & l'autre a la vue dans celle qui lui est opposée. On suppose ici que chaque maison a cinq ou six toises de large sur sept à huit d'enfoncement, avec une cour de pareille grandeur, afin que l'intervalle d'une rue à l'autre soit d'environ trente-deux à trente trois toises. Voyez la science des Ingénieurs de M. Belidor. (D.J.)

RUE, s. f. (terme de Carrier) ils appellent les rues d'une carriere, les espaces qui restent vuides, après qu'on en a tiré les différens bancs de pierre dont elle est composée. C'est par ces rues qu'on nomme aussi chemins, que l'on pousse les pierres au trou, après qu'on les a mises sur les boules. Savary. (D.J.)

RUE, clou de rue, (Maréchal.) on dit qu'un cheval a pris un clou de rue, pour dire qu'en marchant il a rencontré un clou qui lui est entré dans le pié, & l'a rendu boiteux.

RUE, (Géog. mod.) il y a deux petites villes de ce nom, l'une en France, l'autre en Suisse.

La premiere est en Picardie, dans le Ponthieu, à une lieue de Crotoy, sur la riviere de Mage. Quoique ses fortifications aient été rasées, c'est cependant encore un gouvernement de place. Elle a deux paroisses, & un petit commerce en bestiaux & en chevaux. Long. 19. 15. latit. 50. 17.

La seconde petite ville nommée Rue est au canton de Fribourg dans le bailliage de Corbiere. Long. 24. 37. latit. 46. 57. (D.J.)


RUÉES. f. (Jardin.) amas de litieres seches, chaumes, bruyeres, &c. que l'on fait dans les basses-cours, pour les froisser sous les piés, & les faire pourrir, afin de les mêler ensuite avec du fumier, & en engraisser les terres. (D.J.)


RUELLES. f. (Gram.) petite rue ; c'est aussi l'espace entre un lit & la muraille, un poste de ruelle, de petits vers de ruelle. On le prend encore pour un alcove, ou un lieu paré où les femmes reçoivent des visites familieres, soit au lit, soit debout.

RUELLE, s. f. (Hist. nat. Bot.) ruellia, genre de plante à fleur monopétale en forme d'entonnoir, & profondement découpée. Le pistil sort du calice ; il est attaché comme un clou, à la partie inférieure de la fleur, & devient dans la suite un fruit conique & membraneux qui s'ouvre en plusieurs parties par le sommet ; il renferme des semences qui sont pour l'ordinaire petites & arrondies. Plumier, nova plant. amer. genera. Voyez PLANTE.


RUELLERRUELLER


RUERv. n. (Maréchallerie) se dit du cheval qui détache une ruade. Voyez RUADE. Il faut couper un cheval sujet à ruer : c'est un excellent remede contre ce vice. Voyez CHATRER.


RUESSIUM(Géog. anc.) ville de la Gaule aquitanique, selon Ptolémée, l. II. c. vij. qui la donne aux peuples Velanni. C'est aujourd'hui Rieux, suivant Mercator, & Saint-Flour, suivant Villeneuve. (D.J.)


RUFAE(Géog. anc.) château d'Italie, dans la Campanie, selon la remarque de Servius sur ce vers de Virgile, Aeneid. l. VII. v. 739.

Quique Rufas, Batulumque tenent, atque arva Celaenae.

Quelques exemplaires portent Rufras au lieu de Rufas ; & il y a apparence que c'est ainsi qu'il faut lire, du moins c'est ainsi qu'écrit Silius Italicus, l. VIII. v. 570.

Et quos aut Rufae, quos aut Arsenia, quosve

Obscura incultis Herdonia misit ab agris.

(D.J.)


RUFFAC(Géog. mod.) ville de France, dans la haute-Alsace, capitale du territoire de Munda, sur le Rotbach, à 3 lieues au sud-ouest de Colmar ; l'empereur Henri IV. contre ses promesses, brûla & pilla cette ville en 1068 ; en 1298, l'empereur Adolphe la traita de même ; elle n'a pas été plus heureuse dans le dernier siecle.

Pellican, (Conrad) d'abord cordelier, puis luthérien, & finalement calviniste, naquit à Ruffac en 1478, & mourut en 1556, à 78 ans. Ses oeuvres ont été imprimées en cinq volumes in-fol. Ce sont des commentaires sur l'Ecriture, & des versions de plusieurs ouvrages de rabbins, car il entendoit fort bien l'hébreu.

Lycosthene, plus ordinairement nommé Wolfhart (Conrad), littérateur, qui embrassa le calvinisme, naquit à Ruffac, en 1518, & mourut à Bâle, en 1561. Il a mis au jour plusieurs livres, entr'autres une gnomologie latine, prodigiorum & ostentorum chronicon. Epitom. Stobaei sententiarum. De mulierum praeclarè dictis, &c. Il commença le theatrum vitae humanae, que Zuinger acheva & publia ; le P. Niceron a fait l'article de cet homme de lettres, tome XXXI. p. 339. (D.J.)


RUFFEC(Géog. mod.) petite ville de France, dans l'Angoumois, au diocese, & à 7 lieues d'Angouleme, sur le ruisseau nommé le Lieu. Il s'est tenu dans cette petite ville, en 1327, un concile nommé rosiacense concilium. Longitude 17. 48. latit. 46. 41. (D.J.)


RUFIANA(Géog. anc.) ville de la Gaule belgique. Ptolémée, l. II. c. ix. la donne aux Nemetes. On croit que c'est aujourd'hui Oppenheim, sur le Rhin. Il y en a pourtant qui la placent à Ruffach. (D.J.)


RUFIENS. m. (Science étymolog.) vieux mot qui veut dire celui qui a des privautés avec une femme, telles qu'en a un mari. Ce terme vient de l'allemand ruef, qui signifie une voûte, comme on appelle fornicatio la paillardise à fornicibus, parce qu'anciennement à Rome les femmes débauchées se tenoient en quelques endroits sous une voûte. Caseneuve.


RUFISQUE(Géog. mod.) bourgade située au royaume de Jalofes, près du cap Verd, au bord d'une baie que l'on trouve quand on a doublé ce cap. Cette bourgade, qui est vis-à-vis, & à une lieue de l'île de Goérée, appartient à la France. Latitude 14. 391.


RUGEN(Géog. mod.) île de la mer Baltique, dans les états que la Suede possede en Allemagne, sur la côte de Poméranie, qui lui est opposée au midi & au couchant. Elle a été autrefois beaucoup plus grande qu'elle n'est aujourd'hui ; car elle avançoit presque jusqu'à l'île de Ruden, au lieu qu'à présent elle en est éloignée d'un mille & demi. Elle a perdu ce terrein en 1309, par une inondation qui submergea tout cet espace. Les habitans de cette île étoient anciennement connus sous les noms de Rugii, Rugiani ; ils étoient Slaves ou Vandales d'origine, & n'embrasserent l'Evangile que sur la fin du douzieme siecle.

On donne sept milles germaniques de longueur, & à-peu-près autant de largeur à l'île de Rugen ; mais elle est coupée par tant de baies & de golfes, qu'en quelqu'endroit qu'on se place, on ne se trouve jamais qu'à un demi-mille de la côte. Cette île fournit beaucoup de chevaux, de boeufs, de brebis, & surtout des grosses oies. La terre y est si fertile en blé, que Rugen est appellé le grenier de Stralsund. Autrefois il y avoit deux fortes places dans Rugen ; mais il n'y a aujourd'hui que quelques bourgades.

On sait que Charles XII. après avoir vu ses lauriers flétris à Pultawa, fit des efforts inutiles pour défendre cette île contre les Danois & les Prussiens ; ses troupes furent toujours repoussées ; enfin Grothusen son favori, & le général Dardof étant tombés morts à ses piés, il se vit contraint de monter lui-même à cheval, & de se sauver, pour n'être pas fait prisonnier.

Du midi jusqu'à l'ourse on vante ce monarque,

Qui remplit tout le nord de tumulte & de sang ;

Il fuit, sa gloire tombe, & le destin lui marque

Son véritable rang.

Ce n'est plus ce héros guidé de la victoire,

Par qui tous les guerriers devoient être effacés ;

C'est un nouveau Pyrrhus, qui va grossir l'histoire

Des fameux insensés.

(D.J.)


RUGENWALDE(Géog. anc.) ville d'Allemagne, dans la Poméranie ultérieure, chef-lieu du duché de Wenden, sur la riviere de Wipper, à 30 milles au nord-est de Colberg. Elle est défendue par un château, & appartient au roi de Prusse. Long. 34. 18. lat. 54. 33. (D.J.)


RUGGIS. m. (Commerce) mesure des grains dont on se sert à Livourne. Onze ruggi un tiers font le last d'Amsterdam. Voyez LAST. Dictionn. de Comm. & de Trévoux.


RUGIENSLES, Rugii, (Géog. anc.) peuples de la Germanie. Tacite, Germ. c. xliij. les met sur le bord de l'Océan septentrional, aujourd'hui la mer Baltique. Le nom de ces peuples est corrompu dans Ptolémée, qui les nomme Rutidii, quoiqu'il ait appellé leur ville Rugium, outre qu'il les place dans le même endroit où Tacite place les Rugii. Sidonius Apollinaris, Jornandès, Paul Diacre, & plusieurs autres écrivains du moyen âge, appellent ces peuples Rugi, & Procope écrit Rogi.

Leur premiere demeure a été dans la Poméranie ultérieure, où l'on croit qu'étoit leur ville Rugium. Dans la suite on les trouve dispersés en différens endroits. Les uns habitoient l'île de Rugen, à laquelle ils donnerent leur nom. On en voit d'autres sur le bord du Danube, où le pays dont ils s'emparerent fut appellé Rugiland, selon Jornandès. Langobard, l. I. c. xix. Procope, Goticar. ver. l. II. fait aussi mention de cette demeure des Rugiens sur le bord du Danube. Enfin, on les voit en Italie, où Ennondius, in vita D. Epiphanii, dit qu'ils se rendirent maîtres de la ville de Ticinum. (D.J.)


RUGIEWITH(Mythologie) nom d'une divinité adorée par les anciens Vandales.


RUGINES. f. terme de Chirurgie, est un instrument qui sert à râcler un os.

Il y en a qui sont pour nettoyer les dents, en ôter le tartre ; d'autres pour ratisser & découvrir les os ulcérés.

Les rugines pour les dents sont longues tout-au-plus de quatre pouces & demi, y compris le manche d'ébene ou d'ivoire taillé à pans. La tige est d'acier poli, de figure pyramidale, d'environ deux pouces & deux lignes de longueur, terminée par une petite lame horisontalement située sur son extrêmité. Cette lame est plane en-dessous, composée en-dessus de plusieurs biseaux, qui forment un tranchant tout-autour de cette lame, qu'on doit regarder comme la rugine proprement dite. Cette rugine est de différente figure, ou triangulaire, ou pointue d'un côté, arrondie & tranchante de l'autre, ou olivaire & sans saillie du côté opposé à la pointe. Ces différentes rugines servent à nettoyer & à ratisser les dents ; on se sert de celle qui paroît convenir le mieux par sa figure, suivant la position de la dent qu'on veut nettoyer. Voyez fig. 5. Pl. XXV.

Les rugines dont on se sert pour découvrir les os, examiner leur félure, ou en ôter la carie, sont longues de cinq à six pouces. Leur lame tranchante tout-autour, & taillée aussi en biseaux, est plus grande que celle des précédentes. Elle a un pouce de longueur sur six lignes ou environ de largeur. Il y en a de quarrées, de pointues par un bout, arrondies par l'autre, de triangulaires, &c. Voyez les fig. 2. & 3. Pl. XVI. (Y)


RUGIRRUGISSEMENT, (Gram.) termes qui désignent le cri des lions. Le lion rugit d'amour & de fureur. Qui est-ce qui a entendu le rugissement du lion sans frémir ?


RUGIUM(Géog. anc.) ville de la Germanie, dans sa partie septentrionale, selon Ptolémée, l. II. c. xj. qui la place dans les terres, entre Viritium & Scurgum. On ne sait pas la juste position de cette ville : les uns la prennent aujourd'hui pour Holmburg ; d'autres pour Camin, & d'autres pour Rugewolde. (D.J.)


RUGLEou RUGLAN, (Géog. mod.) ville d'Ecosse, dans la province de Cluydsdale, sur la Cluyds, à trois milles de Glascow, & vis-à-vis. Long. 13. 34. lat. 56. 19.


RUGUSCIENSLES, (Géog. anc.) Rugusci, selon Pline, l. III. c. xx. & Riguscae, selon Ptolémée, l. II. c. xij. peuples de la Rhétie, dans la partie septentrionale. Ils habitoient les pays connus aujourd'hui sous les noms d Rheinthal & de Rheingow. (D.J.)


RUIEou ROYER, s. m. (Jurisprudence) est la même chose ; quelques coutumes, comme celles de S. Piat, de Seclin sous Lille ; celles de Béthune & de Lilliers sous Artois, appellent ruyer le seigneur voyer. Voyez VOYER. (A)


RUILERv. act. (Charpent.) c'est faire des repaires pour dresser toutes sortes de surfaces & de plans. (D.J.)


RUILLÉES. f. (Maçonn.) enduit de plâtre ou mortier, que les couvreurs mettent sur les tuiles ou l'ardoise, pour les raccorder avec les murs, ou les jouées de lucarne.


RUINES. f. (Gram.) décadence, chûte, destruction ; les ruines sont belles à peindre. Sans le crime il n'y auroit point de poëmes épiques, point de tragédie ; sans le ridicule & le vice, point de comédie. La ruine de cet homme ; la ruine de ma fortune.

RUINES, s. f. pl. (Archit.) ce sont des matériaux confus de bâtimens considérables dépéris par succession de tems. Telles sont les ruines de la tour de Babel, ou tombeau de Belus, à deux journées de Bagdat en Syrie, sur les bords de l'Euphrate, qui ne sont plus qu'un monceau de briques cuites & crues maçonnées avec du bitume, & dont on ne reconnoît que le plan, qui étoit quarré. Il y a aussi près de Schiras en Perse, les ruines d'un fameux temple ou palais, que les antiquaires disent avoir été bâti par Assuerus, & que les Persans nomment aujourd'hui Tchelminar, c'est-à-dire les quarante colomnes, parce qu'il en reste quelques-unes en pié, avec les vestiges des autres, & quantité de bas-reliefs & caracteres inconnus, qui décelent la grandeur & la magnificence de l'architecture antique. Voyez les voyages de Pietro della Valle.

On compte encore au nombre des ruines considérables, celles de Palmire, ancienne république de la Syrie palmiréenne, bâtie par Salomon, embellie par Seleucus, successeur d'Alexandre, restituée par l'empereur Adrien, saccagée sous l'empereur Aurelien, l'an 270, & enfin ruinée depuis par les Arabes. M. le Brun, dans son voyage au Levant, & Fischer, dans son essai d'architecture historique, nous ont donné quelques idées de ces ruines ; mais il en a paru en Angleterre une très-ample description, mise au jour par les soins de M. Robert Wood, avec des planches magnifiquement gravées, & fort détaillées. Voyez PALMIRE, Géog. (D.J.)

RUINE, se dit en Peinture de la représentation d'édifices presque entierement ruinés. De belles ruines. On donne le nom de ruine au tableau même qui représente ces ruines. Ruine ne se dit que des palais, des tombeaux somptueux ou des monumens publics.

On ne diroit point ruine en parlant d'une maison particuliere de paysans ou bourgeois ; on diroit alors bâtimens ruinés.

RUINES, pierre de, (Hist. nat. Litholog.) lapis ruderum, nom donné par quelques naturalistes à des pierres sur lesquelles le hasard a fait paroître des figures semblables à des ruines ; tel est surtout le marbre de Florence. Voyez PIERRE DE FLORENCE.


RUINÉparticipe, (Gram.) voyez RUINE.

RUINE, (Maréchal.) on appelle ainsi un cheval usé de fatigue. La bouche ruinée, voyez BOUCHE. Les jambes ruinées sont des jambes qui n'ont plus la force de porter le cheval, & qui sont communément arquées & bouletées. Voyez ARQUE & BOULETE.


RUINERv. act. (Gram.) voyez RUINE.

RUINER & TAMPONNER en bâtiment, (Archit.) c'est gâcher des poteaux de cloison par les côtés, & y mettre des tampons ou grosses chevilles, pour tenir les panneaux de maçonnerie.


RUINEUXadj. (Gram.) qui menace ruine ; ce mur est ruineux. Il se dit aussi de ce qui peut entraîner la ruine. Cette entreprise est ruineuse.


RUINURES. f. (Gram. Archit.) entaille faite avec la coignée aux côtés des poteaux ou des solives, pour relever les panneaux de maçonnerie dans un pan de bois ou une cloison, & les entrevoux dans un plancher.

RUINURE, s. f. est l'entaille faite dans les poteaux ou les solives, pour retenir les panneaux de maçonnerie. Lat. Sulcus.


RUISSEAou PETITE RIVIERE, s. f. (Phys.) diminutif de riviere ou fleuve. Voyez FLEUVE & FONTAINE.

RUISSEAU, s. m. (Hydraul.) si l'on avoit près de son parc quelques courans d'eau, ruisseaux, petites rivieres à sa disposition, l'on pourroit les faire entrer dans son jardin pour y former des canaux ou des pieces d'eau, & même des clôtures de parc en régularisant ces ruisseaux en canaux revêtus de tables de gazon.

Ces ruisseaux peuvent encore, par le moyen d'une vanne ou d'un bâtardeau qui retient les eaux un peu haut, tomber en nappes à la tête d'un canal, ou faire tourner un moulin qui, avec le secours d'une pompe, élevera les eaux dans un réservoir pour fournir des fontaines jaillissantes. (K)

RUISSEAU, (Archit. hydraul.) c'est l'endroit où deux revers de pavé se joignent par leurs morces, & qui sert pour l'écoulement des eaux. Les ruisseaux des pointes sont fourchus.

On appelle ruisseau en biseau celui qui n'a ni caniveaux, ni contre-jumelles, pour faire liaison avec le revers, comme dans les ruelles où il ne passe point de charrois. Daviler. (D.J.)

RUISSEAU, s. m. (Jardinage) petit canal qu'on pratique dans les jardins pour les arroser. (D.J.)


RUM(Géog. mod.) île d'Ecosse, une des Hebrides au midi de celle de Skie. On lui donne 5 milles de longueur. Ses montagnes sont remplies de bêtes fauves, & on pêche beaucoup de saumon dans ses petites rivieres. (D.J.)

RUM ou REUN, s. m. (Marine) espace pratiqué dans le fond de cale d'un vaisseau, pour y arranger les marchandises de sa cargaison. C'est de ce mot que vient, à ce qu'on prétend, celui d'arrumer ou arrimer. Mais on ne sait point quelle est l'étymologie de celui de rum.

RUM, (Art distillatoire) nom que donnent les Américains à une espece d'eau-de-vie ardente, inflammable, & tirée par la distillation des cannes de sucre.

Le rum differe de ce qu'on appelle simplement esprit-de-sucre, en ce qu'il contient beaucoup plus d'huile essentielle de la canne de sucre, parce qu'on a fait souvent fermenter dans cette liqueur une grande partie du jus grossier de la canne même, & que c'est de-là que le rum se prépare.

L'huile essentielle & onctueuse du rum passe ordinairement pour tirer son origine de la grande quantité de graisse qu'on emploie dans la cuisson du sucre. Il est vrai que cette graisse, quand elle est grossiere, donne ordinairement une odeur fétide à la liqueur du sucre, soit dans nos distillations ou dans nos raffineries ; mais cela ne procure point le piquant qui se trouve dans le rum, & qui est effectivement l'effet de l'huile naturelle de la canne de sucre. Voici comme on fait le rum.

Quand on a rassemblé une quantité suffisante de la substance dont on le tire, on y verse une certaine quantité d'eau pour y produire la fermentation, mais très-lentement dans le commencement ; on l'excite ensuite par degrés avec de la lie de biere qui fait monter la liqueur dans l'opération avec une grande promtitude. Quand le tout a pleinement fermenté, & qu'il a été porté au degré d'acidité nécessaire, on le distille à la maniere ordinaire jusqu'à ce qu'il puisse soutenir ce qu'on appelle la preuve dans les raffineries de sucre ; quelquefois même on lui donne une force approchante de celle de l'alcohol ou de l'esprit-de-vin, & alors on l'appelle rum doublement distillé. Il seroit aisé de rectifier & de purifier l'esprit de rum, parce qu'il fournit dans la distillation une grande quantité d'huile, qui est souvent si desagréable, qu'il a besoin d'un long terme pour s'adoucir avant qu'on en puisse faire usage ; au lieu que si l'on se donnoit la peine de le bien rectifier, il s'adouciroit promtement & perdroit une partie de sa mauvaise odeur.

Le meilleur état du rum, pour être transporté & pour l'usage, est sans doute celui de l'alcohol ou des esprits rectifiés, parce que de cette maniere il seroit réduit à moitié pour la facilité du transport, & pourroit souffrir toutes les épreuves. Il seroit encore meilleur pour faire le punch & d'un goût plus agréable. D'ailleurs dans cet état il seroit moins aisément sophistiqué par les Distillateurs ; car quand ils ont besoin de mêler une grande quantité de liqueur de bas prix avec le rum, ils prennent celui qui a le plus d'huile essentielle & forte pour éteindre celle des autres liqueurs fermentées avec lesquelles ils veulent le mêlanger. Il est certain que si l'on rectifioit le rum avec plus de délicatesse, on en feroit un esprit beaucoup plus pur, plus fin & plus délicat, desorte qu'alors il approcheroit très-près de l'arrac ; car en mêlant très-peu de rum bien rectifié avec quelqu'autre esprit privé d'odeur & de goût, le tout forme une liqueur fort semblable en goût & en odeur au véritable arrac.

On sophistique beaucoup le rum en Angleterre, quelques-uns mêmes n'ont point de honte de faire cette sophistiquerie avec de l'esprit de grain ; mais quand on la fait avec de l'esprit de mélasse, il est bien difficile de découvrir la tromperie ; la meilleure méthode d'éprouver le rum est d'en verser une petite quantité dans quelque vaisseau convenable & d'y mettre le feu ; alors quand toute la partie inflammable a été brûlée, on examine à l'odeur & au goût le phlegme qui reste, & l'on connoît de quelle liqueur il procede, voyez de plus grands détails dans Shaw, Essai on distillery. (D.J.)

RUM, s. m. voyez RHUMB.


RUMENi. m. (Anat. comp.) c'est le nom du premier estomac des animaux qui ruminent, que l'on appelle animaux ruminans. Voyez ESTOMAC, RUMINANT, RUMINATION. Les alimens sont portés dans le rumen, sans avoir souffert d'autre altération dans la bouche, que d'être un peu roulés & enveloppés ensemble. Voyez ALIMENT. Le rumen ou la panse est la partie la plus large de l'estomac, comme servant à contenir la boisson, & la masse des alimens cruds qui y sont & qui s'y mortifient ensemble ; pour de-là repasser dans la bouche, pour y être remachés & diminués, afin de pouvoir être davantage digérés dans les autres ventricules. Voyez DIGESTION.

Dans le rumen ou premier ventricule des chameaux sont trouvés différens petits sacs qui contiennent une considérable quantité d'eau : ce qui est une invention admirable pour les nécessités de cet animal, qui vivant dans des pays chauds, & se nourrissant d'alimens durs & secs, seroit en danger de périr sans ces réservoirs. Voyez BOISSON, SOIF.


RUMEURS. f. (Gram.) bruit général & sourd, excité par quelque mécontentement dans une ville, dans une maison. Cette conduite du clergé excita de la rumeur. On remarqua le désaveu de ce procédé par la rumeur. Il se dit aussi d'une sédition : il y eut à cette occasion quelque rumeur que la vigilance de la police eut bientôt dissipée.


RUMIS. m. (Mat. médic. des Arabes) nom donné par Avicenne & par Sérapion au meilleur mastic ; ils distinguent cette drogue en deux especes, l'une qu'ils appellent rum qui est blanche & pure, l'autre qu'ils nomment captis qui est sale & noirâtre. La premiere venoit de l'île de Scio, & la seconde de quelque endroit de l'Egypte. (D.J.)


RUMIAS. f. (Mytholog.) autrement rumilia ou rumina, mots synonymes tirés de rume, qui en vieux latin signifie mamelle. Le peuple ayant imaginé une déesse qui avoit foin de faire teter les petits enfans, nommoit cette déesse Rumia, comme qui diroit la déesse aux mamelles. Quand on lui offroit des sacrifices, on répandoit du lait sur les victimes. Sa statue représentoit une femme tenant entre ses bras un petit enfant, & ayant une mamelle découverte pour le faire teter. (D.J.)


RUMILLY(Géog. mod.) ou Romilly en albanois, petite ville de Savoie au confluent du Népha & du Séran, sur chacun desquels elle a un pont de pierre, à 3 lieues sud-ouest d'Annecy. Elle avoit autrefois des fortifications que Louis XIII. fit raser en 1630. Les environs sont fertiles, & les habitans assez à leur aise. (D.J.)


RUMINANTS. m. terme d'Histoire naturelle, se dit d'un animal qui remâche ce qu'il avoit avalé. Voyez RUMINATION.

Peyer a fait un traité de ruminantibus & ruminatione, où il fait voir qu'il y a des animaux qui ruminent effectivement ; tels que le boeuf, la brebis, le cerf, la chevre, le chameau, le lievre, l'écureil ; & d'autres qui ne ruminent qu'en apparence, & qu'il appelle faux-ruminans, ruminantia spuria ; tels que les taupes, les grillons, les abeilles, les escarbots, les cancres, les surmulets & autres poissons.

Les animaux de cette seconde classe ont l'estomac composé de fibres musculaires, par le moyen desquelles l'aliment monte & descend comme dans ceux qui ruminent effectivement.

M. Ray observe que les animaux ruminans sont tous quadrupedes velus & vivipares. Quelques-uns ont les cornes creuses, & n'en changent point ; d'autres en changent. Voyez QUADRUPEDE, CORNE, POIL, &c.

Les animaux ruminans à cornes ont tous quatre estomacs. Le premier qui est le d'Aristote, le rumen, venter magnus, ou ce que nous appellons vulgairement panse ou herbier : c'est où la mangeaille entre immédiatement après avoir été grossierement mâchée, & d'où elle remonte dans la bouche pour être mâchée une seconde fois. Le second est le , en latin reticulum, & vulgairement le bonnet ; les auteurs anglois l'appellent rayon, parce que sa membrane interne est divisée en cellules, à-peu-près semblables à celles d'un rayon de miel. Le troisieme est l', que M. Ray croit être mal traduit par omosus, & qu'il aimeroit mieux qu'on appellât echinus ; on l'appelle vulgairement le millet. Le quatrieme est l' d'Aristote, que Gaza appelle aebomasus, & que nous appellons en françois caillette. Voyez PANSE, BONNET, MILLET, &c.

On remarque aussi que les animaux ruminans à cornes n'ont point de dents de devant, ou dents incisives à la mâchoire supérieure, & qu'ils ont tous une espece de graisse, appellée en grec , sebum, suif, qui est plus dure, plus ferme, & en même tems plus fondante que celle des autres animaux.


RUMINATIONS. f. (Physiolog.) c'est en deux mots l'action de remâcher, qui est propre à quelques animaux ; mais on peut la définir plus exactement un mouvement naturel de l'estomac, de la bouche, & des autres parties, qui succede à une autre action des mêmes parties ; ensorte que par le moyen de ces deux actions, l'aliment avalé d'abord à la hâte, est de nouveau rapporté à la bouche, où il est remâché, puis avalé une seconde fois, le tout pour le bien & l'avantage de l'animal.

Les bêtes qui ruminent sont les boeufs, les moutons, les cerfs, les chevres, les chameaux, &c. Les animaux qui semblent imiter la rumination, & qui ne ruminent pas effectivement, ruminantia spuria, sont les taupes, les grillons-taupes, les abeilles, les escarbots, les crabes, les écrevisses de mer, les surmulets, le perroquet, & plusieurs oiseaux. Tous ces animaux ont leur estomac composé de fibres musculaires, par le moyen desquelles les alimens sont broyés différemment que dans les animaux ruminans. Moïse a confondu les uns & les autres. Il étoit occupé de plus grandes choses que de nos petites études. Nous savons aujourd'hui que l'action de ruminer est particuliere à certains animaux ; que son appareil dépend de plusieurs ventricules appropriés à cet usage ; & que c'est un artifice curieux pour achever entierement la mastication, pendant que les animaux ruminans se reposent.

Il faut d'abord remarquer la premiere préparation que la nourriture reçoit des dents des animaux qui ruminent, elle consiste simplement à prendre sur la terre & aux arbrisseaux les herbes, & les bourgeons que les dents de devant jointes avec la langue coupent, ou plutôt arrachent ; car la plûpart des ruminans n'ont de dents coupantes qu'à la mâchoire d'enhaut, ensorte qu'ils avalent leur nourriture toute entiere.

La méchanique de ce premier apprêt de nourriture, ne paroît pas fort fine, cependant elle mérite notre attention ; c'est par cette structure d'organes que les animaux ruminans peuvent arracher plus aisément les herbes tendres, de maniere qu'aucun brin ne leur échappe. Les dents dures appliquées contre la langue molle, serrent & retiennent plus surement toute l'herbe qu'ils arrachent, que si leurs dents étoient appliquées contre d'autres dents, parce qu'elles ne pourroient alors toucher par-tout ; il y auroit beaucoup de brins d'herbes qui se trouveroient dans les entre-deux des dents ; par cette même raison si la main de l'homme n'étoit composée que d'os, elle ne pourroit pas tenir si fortement beaucoup de choses, comme elle le fait, ayant des parties molles, de la chair musculeuse revêtue de peau mise entre les os, & que la main empoigne. L'art imite souvent cette méchanique, comme quand pour serrer une chose bien fermement dans un étau d'acier trempé, on met du bois entre l'étau & la chose qu'on veut serrer fortement.

La nourriture conservée de cette façon sans perte, & sans avoir été mâchée dans la bouche des animaux ruminans, est portée dans leurs ventricules, où après l'avoir gardée quelque tems elle revient dans leur bouche, & ils la mâchent alors pour l'avaler une seconde fois.

On distingue quatre ventricules dans les animaux qui ruminent ; le premier se nomme la panse : il est fort grand, d'une structure particuliere, & très-propre à l'usage auquel il est destiné. Sa tunique interne est couverte d'une infinité de petites éminences de différente figure, serrées les unes contre les autres, & douées d'une fermeté qui empêche que des herbes non mâchées ne blessent la substance du ventricule ; car les herbes soutenues pour ainsi-dire sur ces éminences, reçoivent la chaleur de la tunique, & sont humectée par une abondance d'humeur qui les attendrit & les dispose à la coction. Les chevaux, qui ne sauroient si bien mâcher le foin ou la paille, qu'il ne reste, dans ce qu'ils avalent, beaucoup de parties dures & piquantes, ont la tunique interne du ventricule forte & calleuse, à-peu-près de même que celle du gésier des oiseaux, non-seulement afin qu'elles ne soient pas blessées par la dureté du foin, mais aussi afin que par sa compression elle acheve de broyer cette nourriture.

Le second ventricule des animaux qui ruminent s'appelle le réseau ou le bonnet, il est marqué en-dedans de plusieurs lignes éminentes & élevées, qui forment des figures, les unes quarrées, les autres pentagones, les autres hexagones. Ces éminences sont crenelées, étant comme chaperonnées de quantité de pointes, qui les peuvent encore faire comparer à de petits rateaux qui amassent & retiennent les parties des herbes que n'ont pû dissoudre ni ce ventricule ni le premier, pour les garder autant de tems qu'il est nécessaire, & laisser couler entre les dents de ces rateaux, ce qui est broyé, fondu & dissous.

Le troisieme ventricule porte le nom de millet, & le quatrieme celui de caillette. Ces deux ventricules sont remplis de plusieurs feuillets, entre lesquels la nourriture est serrée, pressée, & touchée par beaucoup plus de surfaces que si ce n'étoit qu'une simple cavité.

La structure des feuillets du troisieme ventricule est sur-tout d'une méchanique admirable dans une partie où il falloit que le ventricule entier fut rempli de membranes, disposées de maniere que le passage ne laissât pas d'être libre. Pour cet effet ces membranes sortent en façon de feuillets, qui viennent de la circonférence vers le centre, à-peu-près comme dans les têtes de pavots ; mais pour éviter que ces feuillets ne fussent trop serrés vers le centre, & que d'un autre côté ils ne laissassent pas de trop grands espaces vuides vers la circonférence, ainsi qu'aux pavots, ces feuillets sont ici de grandeur différente ; d'abord les grands qui vont jusqu'au centre, sont en petit nombre ; ensuite il y en a d'autres entre deux qui ne vont pas si loin ; & enfin d'autres plus courts remplissent les intervalles qui sont proche de la circonférence. Les feuillets dont le quatrieme ventricule est rempli, renferment entre les membranes dont ils sont composés, un grand nombre de glandes qui ne se trouvent point dans les trois autres ventricules.

L'oesophage des animaux qui ruminent, a dans son entrée vers l'estomac, une structure toute particuliere, car il produit comme un demi-canal creusé dans les membranes du second ventricule, & ce demi-canal est la suite du canal de l'oesophage ; il a des rebords, lesquels étant joints plus ou moins avant, allongent le canal de l'oesophage jusque dans le second ventricule, & même jusque dans le troisieme.

Cette conformation peut avoir plusieurs usages ; elle peut servir premierement à faire retourner dans la bouche les herbes qui y doivent être remâchées, & à composer les pelotons que l'on voit remonter le long du cou, aux boeufs, quand ils ruminent ; ce demi-canal avec ces rebords, étant comme une main ouverte qui prend les herbes, & qui en se renfermant les serre & les pousse en-haut. En second lieu cette conformation peut servir à faire descendre les herbes remâchées & les conduire dans le second ou dans le troisieme ventricule. En troisieme lieu, cette conformation peut être propre à conduire la boisson dans le deuxieme & troisieme ventricule.

La nourriture dissoute & digérée dans les ventricules que nous avons décrits, passe dans les intestins, qui achevent de la convertir en chyle. Les intestins ont pour cet effet plusieurs feuillets en-dedans & en-travers qui retiennent le chyle & le compriment à plusieurs reprises, en quoi concourt l'action du diaphragme & des muscles du bas-ventre.

La situation transversale des feuillets des intestins est fort propre à retenir le chyle, & le perfectionner, à le laisser passer insensiblement, & à l'empêcher de couler trop vîte. Pour cela chaque feuillet n'occupe que les deux tiers de la rondeur, que forme la cavité de l'intestin, laissant l'autre tiers vuide, & ce tiers ne laisse pas d'être comme formé par un autre feuillet, qui occupe aussi deux tiers de rondeur, parce qu'ils sont tous mis alternativement, suivant des espaces égaux ; d'ailleurs ces feuillets sont larges par leur milieu, en s'étrécissant vers la fin, de maniere que le large d'un feuillet se rencontre au droit du vuide de l'autre.

Dans quelques animaux il n'y a qu'un feuillet, conduit d'un bout de l'intestin à l'autre, en ligne spirale ; cette structure fait que le chyle est obligé de tenir un long chemin en tournant en rond, au-lieu de couler tout droit. Entre les poissons, le renard marin, le lievre parmi les animaux terrestres, & l'autruche dans le genre des oiseaux, ont les intestins de cette forme. En d'autres animaux, il n'y a qu'une large membrane roulée comme un cornet de petit métier ; tel est l'intestin du poisson appellé morgast, qui est le galeus glaucus de Ray.

Le perroquet est un des oiseaux qui semble imiter la rumination, en ce qu'il fait remonter dans le haut de son gosier sur sa langue, ce qu'il a mangé, pour l'avaler une seconde fois ; mais le grillon-taupe, insecte des plus grands & des plus voraces, approche beaucoup des animaux ruminans par la structure de ses ventricules.

Trois physiciens ont traité expressément la matiere de la rumination ; Aemilianus (Johannes), médecin de Ferrare est le premier. Son ouvrage intitulé naturalis de ruminantibus historia, Venet. 1584, in-4°. étoit le seul qu'on eût sur cette matiere avant ceux de Perrault & Peyer.

Perrault (Claude), dans ses oeuvres imprimées à Paris en 1680, a approfondi ce sujet & a donné de bonnes figures de la structure des ventricules & des intestins des animaux ruminans.

Peyerus (Joh. Conrad.), Myrecologia, sive de ruminantibus & ruminatione commentarius, Basileae 1685, in 4°. cum fig. Cet ouvrage qui laisse peu de choses à desirer, est un ample & savant commentaire sur les différentes especes d'animaux ruminans, les causes, l'usage de cette action, & la description de toutes les parties qui y concourent ; enfin l'auteur y donne l'histoire de la rumination de quelques hommes, espece de maladie qui procede du délabrement de l'estomac, & qui demande des remedes particuliers, appropriés aux différentes causes du mal. (D.J.)


RUMNEY-MARSH(Géog. mod.) c'est-à-dire marais de Rumney ; ce sont des marais salés de la province de Kent en Angleterre. Ils forment en pâturage une étendue d'environ 20 milles de long sur 2 milles de large. On compte 47110 âcres, où l'on éleve des bêtes à laine. Cette contrée fournit 141330 toisons, qui produisent 2523 pachs (le pach pese 240 liv.), c'est-à-dire 605520 liv. de laine. (D.J.)


RUMPHALS. m. (Botan. exot.) c'est une espece d'arum des Indes, qu'on appelle aussi ignome ; son suc est un poison, mais on prétend, & cela se peut fort bien, que sa racine est efficace contre la morsure des serpens, quand elle est appliquée toute fraîche sur la partie, à laquelle on fait auparavant des scarifications. (D.J.)


RUMPHIAS. f. (Hist. nat. Botan.) c'est dans le système de Linnaeus, le nom d'une plante qui compose un genre distinct dont voici les caracteres. Le calice particulier de la fleur est composé d'une seule feuille divisée par trois entaillures à l'extrêmité. La fleur est formée de trois pétales oblongs, obtus, & de même grandeur. Les étamines sont trois filets pointus de la longueur de la fleur. Les bossettes des étamines sont très-petites. Le pistil a le germe arrondi ; le stile est pointu & de même longueur que les étamines. Le stigma est à trois cornes. Le fruit est de forme turbinée, sillonné en trois endroits, & composé d'une pulpe charnue. La semence est ovale contenant trois loges, dans chacune desquelles sont les noyaux de forme triangulaire. Linnaei, gen. plant. pag. 2. (D.J.)


RUNS. m. terme de riviere, que l'on trouve dans les anciennes ordonnances, pour dire le rang. Tout batelier prendra son run ou son rang.


RUNCAIRESS. m. pl. (Hist. ecclés.) sectateurs des Vaudois & des Patavins ; voyez VAUDOIS & PATAVINS. Ils furent ainsi appellés, ou de Runcalia, lieu près le Pô, où l'on prétend qu'ils s'assembloient, ou de runcaria, brossailles, parce qu'ils s'y retirerent contre la poursuite de leurs persécuteurs.


RUNCINES. f. (Mythol.) Runcina, mot tiré de runcare, arracher, déesse des Romains, qu'on invoquoit lorsqu'on enlevoit les blés de terre : mais il n'est point parlé de cette déesse dans les anciens auteurs, & selon les apparences elle doit son origine à saint Augustin. (D.J.)


RUNERS(Poés. goth.) on nommoit ainsi les poëtes des Goths qui s'étoient établis dans les Gaules. Ce sont ces poëtes qui introduisirent dans les vers la consonnance ; & leurs ouvrages en vers s'appellerent runes, ensuite rimes. Cette nouveauté fut si bien reçue dans la poésie vulgaire, qu'on voulut ridiculement y assujettir la poésie latine. Leoninus qui vivoit sous le regne de Louis VII. travailla dans ce genre bizarre de poésie, & lui donna son nom. Voyez LEONINS vers. (D.J.)


RUNGHEN(Géog. mod.) village de Livonie, près des bords du lac de Worthseri.

Ce village est célebre dans l'Histoire, pour avoir donné la naissance à Catherine, femme du czar Pierre I.

Selon le témoignage de la voix publique, le pere de cette princesse étoit un vassal du colonel Rosen, lequel étant venu à mourir lorsque Catherine n'avoit que quatre ou cinq ans, & sa mere étant morte bientôt après, ils ne laisserent rien ni l'un ni l'autre à cette orpheline pour sa subsistance ; car il est rare que les vassaux de la noblesse livonienne & russienne laissent quelque chose à leurs enfans.

Le clerc de la paroisse qui tenoit école la prit chez lui, où elle resta jusqu'à ce que le docteur Gluck, ministre de Marienbourg, passant par ce village, & voulant soulager le clerc, dont les revenus étoient forts petits, emmena la jeune fille, la traita comme si elle eût été son enfant ; & son épouse lui trouvant de bonnes inclinations, l'aima de son côté, & l'occupa à des choses proportionnées à son âge. Elle avoit appris à lire chez le clerc de Runghen ; mais elle ne parloit encore que la langue du pays, qui est un dialecte esclavon, quand elle le quitta. Elle apprit chez M. Gluck l'allemand en perfection, & s'occupoit à la lecture à ses heures de loisir.

Un sergent livonien au service de Suede lui fit la cour, & elle consentit à l'épouser, pourvu qu'il obtînt l'aveu de M. Gluck, qui le donna volontiers. Le sergent étoit d'assez bonne famille, avoit quelque bien, & étoit en passe d'être avancé. Le lendemain du mariage, les Russes, sous le commandement du lieutenant général Baur, se rendirent maîtres de Marienbourg.

L'auteur de la vie de Pierre I. rapporte que ce jour même le sergent fut tué sur la breche. Quoi qu'il en soit, le général ayant apperçu Catherine parmi les prisonnieres, remarqua quelque chose dans sa phisionomie qui le frappa ; il lui fit quelques questions sur sa condition, auxquelles elles répondit avec plus d'esprit qu'il n'est ordinaire aux personnes de son ordre. M. Baur lui déclara qu'il auroit soin qu'elle fût bien traitée, & prescrivit à ses gens de la conduire auprès des femmes de sa maison, & de la leur recommander. Dans la suite la voyant fort propre à gouverner un ménage, il lui donna une espece d'autorité sur ses domestiques, dont elle se fit extrêmement aimer par la douceur de son caractere.

Un jour le prince Menzikof, protecteur du général, la vit, demanda qui elle étoit, & en quelle qualité elle le servoit ; le général Baur lui raconta son histoire. Le prince le pria de la lui céder ; le général n'ayant rien à refuser à son altesse, fit appeller Catherine, & lui dit : voilà le prince Menzikof qui a besoin d'une personne telle que vous ; il est en état de vous faire plus de bien que moi, & je vous en veux assez pour vous placer chez lui. Elle répondit par une profonde révérence, qui marquoit sinon son consentement, du moins qu'elle ne croyoit pas avoir le pouvoir de dire non. Le prince Menzikof l'emmena avec lui, & la garda à son service jusqu'en 1703, que le czar en devint tellement épris, qu'il l'épousa. Son premier soin dans son élévation, fut de ne pas oublier ses bienfaiteurs, & en particulier M. Gluck & toute fa famille.

Elle se rendit bien-tôt maîtresse par ses manieres, du coeur de Pierre le grand ; elle le suivit & l'accompagna par-tout, partageant avec lui les fatigues de la guerre, des courses, & des voyages. Quand le czar se trouva enfermé en 1712 par l'armée des Turcs sur les bords de la riviere de Pruth, la czarine envoya négocier avec le grand-visir, & lui fit entrevoir une grosse somme d'argent pour récompense ; le ministre turc se laissa tenter, & la prudence du czar acheva le reste. En mémoire de cet événement, il voulut que la czarine instituât l'ordre de sainte Catherine, dont elle seroit le chef, & où il n'entreroit que des femmes.

Pierre I. mourut le 28 Janvier 1725, âgé de 53 ans, & laissa l'empire à son épouse qui fut reconnue par tous les ordres de l'état, souveraine impératrice de Russie. Cette princesse pendant la vie du czar, savoit l'adoucir, s'opposer à propos aux emportemens de sa colere, ou fléchir sa sévérité. Le prince jouissoit de ce rare bonheur, que le dangereux pouvoir de l'amour sur lui, ce pouvoir qui a deshonoré tant de grands hommes, n'étoit employé qu'à le rendre plus grand, excepté néanmoins lorsqu'il fit périr Alexis son fils ; événement dans lequel la czarine Catherine pouvoit avoir quelque chose à se reprocher.

Quoi qu'il en soit, elle fit oublier cet événement tragique, & régna seule après le czar Pierre I. sans recevoir aucun reproche de la bassesse de son extraction. Elle mourut en 1727, & laissa pour successeur par le pouvoir que Pierre lui en avoit laissé, Pierre II. petit-fils d'elle & de Pierre I. Pierre II. étant mort en 1730, Anne, duchesse de Curlande, fille du czar Jean, & grand-tante de Pierre II. lui succeda ; & étant morte en 1740, elle déclara pour son successeur Jean de Brunswic, petit-fils de sa soeur, âgé de trois mois, sous la régence d'Elisabeth de Meckelbourg, femme du duc de Brunswic sa niece, mere de Jean de Brunswic. Ainsi l'empire se perpétuoit dans la branche aînée d'Alexis ; mais cette régence ne dura guere, & en 1741 Elisabeth & son fils, furent dépossédés par Elisabeth Pétrowna, seconde fille de Pierre le grand.

Cette princesse a déclaré pour son successeur Charles-Pierre Ulric, duc de Holstein-Gottorp, fils de sa soeur, né en 1728, qu'elle a fait nommer grand duc de Russie en 1742. Ce Charles-Pierre Ulric avoit été appellé à la monarchie par la Suede à la mort du prince de Hesse mort sans enfans d'Ulric, soeur cadette de Charles XII. mais quand la couronne de Suede vint à vaquer, Charles avoit déja été déclaré héritier de l'empire aux droits de sa mere, fille aînée du czar, & avoit fait profession de la religion grecque. Il a épousé Catherine Alexiewna d'AnhaltZerbst, & regne actuellement (1761) ; mais, comme dit Leibnitz, le tems présent est gros de l'avenir. (D.J.)


RUNIQUEou RUNES, CARACTERES, (Hist. ancienne & Belles-Lettres) c'est ainsi qu'on nomme des caracteres très-différens de tous ceux qui nous sont connus dans une langue que l'on croit être la celtique, que l'on trouve gravés sur des rochers, sur des pierres, & sur des bâtons de bois, qui se rencontrent dans les pays septentrionaux de l'Europe, c'est-à-dire, en Danemarck, rn Suede, en Norwege, & même dans la partie la plus septentrionale de la Tartarie.

Le mot rune ou runor, vient, dit-on, d'un mot de l'ancienne langue gothique, qui signifie couper, tailler. Quelques savans croient que les caracteres runiques n'ont été connus dans le nord, que lorsque la lumiere de l'Evangile fut portée aux peuples qui habitoient ces contrées ; il y en a même qui croient que les runes ne sont que les caracteres romains mal tracés. L'histoire romaine nous apprend que sous le regne de l'empereur Valens, un évêque des Goths établis dans la Thrace & la Mésie, nommé Ulphilas, traduisit la bible en langue gothique, & l'écrivit en caracteres runiques ; cela a fait que quelques-uns ont cru que c'étoit cet évêque qui avoit été l'inventeur de ces caracteres. Mais M. Mallet présume que Ulphilas n'a fait qu'ajouter quelques nouveaux caracteres à l'alphabet runique, déja connu des Goths ; cet alphabet n'étoit composé que de seize lettres ; par conséquent il ne pouvoit rendre plusieurs sons étrangers à la langue gothique qui devoient se trouver dans l'ouvrage d'Ulphilas. Il est certain, suivant la remarque du même auteur, que toutes les chroniques & les poésies du nord s'accordent à attribuer aux runes une antiquité très-reculée ; suivant ces monumens, c'est Odin le conquérant, le législateur, & le dieu de ces peuples septentrionaux, qui leur donna ces caracteres qu'il avoit vraisemblablement apportés de la Scythie sa partie ; aussi trouve-t-on parmi les titres de ce dieu celui d'inventeur des runes. D'ailleurs on a plusieurs monumens qui prouvent que des rois payens du nord ont fait usage des runes ; dans la Blekingie, province de Suede, on voit un chemin taillé dans le roc, où l'on trouve divers caracteres runiques qui ont été tracés par le roi Harald Hildetand, qui étoit payen, & qui régnoit au commencement du septieme siecle, c'est-à-dire, longtems avant que l'Evangile fût portée dans ces contrées.

Les peuples grossiers du nord n'eurent pas de peine à se persuader qu'il y avoit quelque chose de surnaturel ou de magique dans l'écriture qui leur avoit été apportée ; peut-être même que Odin leur fit entendre qu'il opéroit des prodiges par son secours. On distinguoit donc plusieurs especes de runes ; il y en avoit de nuisibles, que l'on nommoit runes ameres ; on les employoit lorsqu'on vouloit faire du mal. Les runes secourables détournoient les accidens ; les runes victorieuses procuroient la victoire à ceux qui en faisoient usage ; les runes médicinales guérissoient des maladies ; on les gravoit sur des feuilles d'arbres. Enfin, il y avoit des runes pour éviter les naufrages, pour soulager les femmes en travail, pour préserver des empoisonnemens, pour se rendre une belle favorable ; mais une faute d'ortographe étoit de la derniere conséquence ; elle exposoit sa maîtresse à quelque maladie dangereuse, à laquelle on ne pouvoit remédier que par d'autres runes écrites avec la derniere exactitude. Ces runes ne différoient que par les cérémonies qu'on observoit en les écrivant, par la matiere sur laquelle on les tracoit, par l'endroit où on les exposoit, par la maniere dont on arrangeoit les lignes, soit en cercle, soit en serpentant, soit en triangle, &c. Sur quoi M. Mallet observe avec beaucoup de raison, que la magie opere des prodiges chez toutes les nations qui y croient.

Les caracteres runiques furent aussi employés à des usages plus raisonnables & moins superstitieux ; on s'en servoit pour écrire des lettres, & pour graver des inscriptions & des épitaphes ; on a remarqué que les plus anciennes sont les mieux gravées ; il est rare d'en trouver qui soient écrites de la droite à la gauche ; mais on en rencontre assez communément qui sont écrites de haut-en-bas sur une même ligne, à la maniere des Chinois.

De tous les monumens écrits en caracteres runiques, il n'y en a point qui se soient mieux conservés que ceux qui ont été gravés sur des rochers ; cependant on traçoit aussi ces caracteres sur des écorces de bouleau, sur des peaux préparées, sur des bâtons de bois poli, sur des planches. On a trouvé des bâtons chargés de caracteres runiques, qui n'étoient autre chose que des especes d'almanachs. L'usage de ces caracteres s'est maintenu dans le nord long-tems après que le Christianisme y eût été embrassé ; l'on assûre même que l'on s'en sert encore parmi les montagnards d'une province de Suede. Voyez l'introduction à l'histoire du Danemarck, de M. Mallet.

On a trouvé dans la Helsingie, province du nord de la Suede, plusieurs monumens chargés de caracteres qui different considérablement des runes ordinaires. Ces caracteres ont été déchiffrés par M. Magnus Celsius, professeur en Astronomie dans l'université d'Upsal, qui a trouvé que l'alphabet de ces runes de Helsingie étoit aussi composé de seize lettres ; ce sont des traits ou des lignes courbes qui, quoique d'ailleurs parfaitement semblables, ont des sons différens, suivant la maniere dont elles sont disposées, soit perpendiculairement, soit en diagonale. On ne peut décider si les runes ordinaires ont donné naissance aux caracteres de Helsingie, ou si ce sont ces derniers dont on a dérivé les runes ordinaires. M. Celsius croit que ces caracteres ont été dérivés des lettres grecques ou romaines, ce qui n'est guere probable ; vu que jamais les Grecs ni les Romains n'ont pénétré dans ces pays septentrionaux. Le même auteur remarque qu'il n'y a point de caracteres qui ressemblent plus à ces runes, que ceux que l'on trouve encore dans les inscriptions qui accompagnent les ruines de Persepolis ou de Tchelminar en Perse. Voyez les Transactions philosophiques, n °. 445, où l'on trouvera l'alphabet des runes de Helsingie, donné par M. Celsius.


RUPELMONDE(Géog. mod.) ville des Pays-bas dans la Flandre sur la gauche de l'Escaut, à l'embouchure de la Rupel dont elle tire son nom, à 3 lieues au-dessus d'Anvers, avec titre de comté depuis 1650. Ses fortifications ont été ruinées pendant les guerres. Long. 21. 50. lat. 51. 10. (D.J.)


RUPINou RUPPIN, (Géog. mod.) ville d'Allemagne dans l'électorat de Brandebourg, chef-lieu d'un comté de même nom, à 9 milles au nord-ouest de Berlin. Elle est divisée en deux parties par un étang poissonneux. Long. 30. 56. lat. 53. (D.J.)


RUPPIAS. f. (Hist. nat. Bot.) nom donné par Linnaeus à un genre de plante que Micheli avoit appellée bucca ferrea : en voici les caracteres. Le calice est composé d'un étui droit, pointu, qui se panche un peu quand le fruit est mûr, & qui contient doublement la fructification. Il n'y a ni pétale ni étamine, mais un nombre de bossettes faites en forme de reins, & placées de chaque côté. Les pistils sont plusieurs stiles déliés, chevelus, portant chacun un germe ovale avec un simple stigma. Le fruit est une capsule ovale, pointue, placée sur le stile, qui devient plus allongée. Il y a tout-autant de fruits qu'il y avoit de pistils sur la plante, & chacun contient une graine arrondie. Micheli xxxv. Linnaei gen. plantar. 432. (D.J.)


RUPTOIRES. m. terme de Chirurgie concernant la mat. méd. externe, médicament qui a la vertu de brûler & de faire une escare aux parties sur lesquelles on l'applique : c'est la même chose que cautere potentiel. On prépare les médicamens ruptoires avec la chaux-vive, les cendres gravelées, &c. Hildanus en faisoit grand usage dans les parties gangrenées, pour séparer le mort du vif. Ambroise Paré les recommande fort dans les charbons pestilentiels & autres tumeurs critiques, pourvu que l'inflammation ne soit pas excessive. Quand l'escare est faite, on en procure la chûte par les remedes maturatifs & suppurans.

Le sujet du premier prix que l'académie royale de Chirurgie a proposé en 1732 à sa naissance, étoit de déterminer pourquoi certaines tumeurs doivent être extirpées, & d'autres simplement ouvertes ; dans l'une & l'autre des ces opérations, quels sont les cas où le cautere est préférable à l'instrument tranchant, & les raisons de préférence. Les mémoires qui sont imprimés sur cette question, contiennent d'excellens principes sur l'usage des cauteres potentiels. L'académie a depuis donné la question de l'usage des remedes caustiques en général ; & tout ce qui regarde ces médicamens, a été traité d'une maniere satisfaisante. On peut avoir recours aux dissertations imprimées dans le recueil des pieces qui ont concouru pour le prix de l'académie royale de Chirurgie. (Y)


RUPTUREterme de Chirurgie, déchirement d'une partie à l'occasion d'une extension violente à laquelle elle n'a pu prêter. Les tendons trop tendus peuvent se casser ; on donne le nom de rupture à cet accident. M. Petit a donné à ce sujet plusieurs observations à l'académie royale des Sciences, année 1722 & suiv. & a traité cette matiere dans son livre des maladies des os.

La rupture du tendon d'Achille est celle qui arrive le plus fréquemment ; c'est aussi cet accident qui fait le principal sujet des mémoires de M. Petit. Cette rupture est complete ou incomplete . La possibilité de la rupture complete par un seul effort est prouvée par beaucoup de faits ; il suffit pour qu'elle arrive, que la partie tendineuse n'ait pu résister à la force avec laquelle elle étoit tirée en-haut par la portion charnue, & en-bas par le poids du corps. M. Petit donne l'observation d'un sauteur qui se rompit complete ment les deux tendons d'Achille en sautant sur une table élevée de trois piés & demi ; il n'y eut que les bouts des piés qui porterent sur le bord de la table ; ils n'y appuyerent qu'en glissant, & qu'autant qu'il falloit au sauteur pour se redresser ; c'est dans cet effort qu'il se cassa les deux tendons. Cet accident peut arriver en montant à cheval ou en carrosse. On a des exemples de fracture de l'os du talon par la seule rétraction du tendon d'Achille dans un faux pas ; & les Praticiens savent que la contraction forcée des muscles extenseurs de la jambe est capable de casser transversalement l'os du genou. Voyez ROTULE. Si les os, comme il est prouvé, peuvent se casser par des causes si légeres en apparence, comment les tendons résisteroient-ils lorsque les muscles seront obligés d'agir non-seulement pour résister au poids du corps, mais même pour le relever avec force ? La fracture complete du tendon d'Achille n'est suivie d'aucune douleur, pourvu qu'il n'y ait aucun desordre aux environs. On se sent sous la peau un espace à mettre trois doigts, formé par l'éloignement des bouts cassés, & le malade ne laisse pas d'étendre son pié par l'action des muscles jambier & péronier postérieur.

La rupture incomplete de tendon d'Achille occasionne beaucoup de douleurs ; on y sent une cavité qui descend & s'éleve en-dehors lorsqu'on plie le pié, & qui au contraire remonte & s'enfonce lorsqu'on étend le pié ; & l'inflammation qui s'empare sur le champ de la partie, ne tarde guere à faire des progrès considérables.

La cure de la fracture complete du tendon d'Achille s'obtient facilement par le concert de l'art & de la nature. L'art y est absolument nécessaire pour rapprocher les bouts éloignés des tendons, & pour les maintenir rapprochés pendant que la nature travaille à la réunion. Voyez CALUS.

Pour faire la premiere opération, on fait coucher le malade sur le ventre, on lui fait plier le jarret, on pousse le gros de la jambe vers le talon, & on approche le talon vers le gras de la jambe, & étendant le pié jusqu'à ce que les deux bouts du tendon cassé se touchent. Pendant qu'on fait tenir les parties en cet état, on trempe une double compresse dans l'eau-de-vie, avec laquelle on entoure le lieu blessé : on applique une autre compresse plus épaisse, large de deux pouces, longue de deux piés & demi, postérieurement depuis le jarret jusques & par-delà les orteils, couvrant le gras de la jambe, le talon & la plante du pié ; on assujettit cette compresse avec une bande longue de quatre aunes & large de deux doigts ; on commence à faire trois ou quatre tours à l'endroit de la rupture, on porte ensuite la bande obliquement sur le pié, pour passer en-travers sous la plante, & venir faire une croix de saint-André sur le coup-du-pié, en croisant le jet oblique qu'on y a porté. Quand on a fait ainsi trois ou quatre circonvolutions obliques de dehors en-dedans, & de dedans en-dehors, & passant sous le pié & croisant par-dessus, on remonte en faisant des circulaires jusqu'en-dessus du gras de la jambe : on fait tenir alors le globe de la bande par un aide, & on renverse les deux bouts de la compresse longuette, lesquels ne sont point engagés. Le bout du côté du jarret doit être renversé vers le talon, & celui de la plante du pié doit être renversé au côté du jarret. On les assujettit l'un à l'autre avec des épingles ; & avec le reste de la bande on passe & on repasse plusieurs fois par-dessus en différens endroits de la jambe & du pié, mais sans serrer. Ces deux bouts ainsi renversés à contre-sens l'un de l'autre, & assujettis par la bande, retiennent le pié dans son dernier degré d'extension ; de maniere que les bouts des tendons sont non-seulement rapprochés, mais se touchent & se poussent mutuellement. On prescrit au malade le régime convenable : on le fait saigner deux ou trois fois selon qu'il est plus ou moins pléthorique (voyez PLETHORE), & on fait humecter l'appareil avec l'eau-de-vie de quatre en quatre heures. On peut lever l'appareil au bout de dix à douze jours, pour examiner ce qui se passe : on le rapplique, & ordinairement la réunion est parfaite au bout de trente à quarante jours.

Les ruptures incomplete s des tendons étant accompagnées d'inflammation & de douleur en conséquence de l'inégale traction des fibres tendineuses, voyez DOULEUR, exigent des saignées en plus grand nombre, & les malades ne guérissent pas toujours sans accident comme dans la rupture complete ; parce qu'il se fait communément adhérence des tendons à leur gaînes, ce qui ôte cette facilité à glisser, qui rend ces organes si propres au mouvement.

M. Petit a imaginé un appareil très-commode pour la réunion du tendon d'Achille, & qui est moins embarrassant que celui que nous venons de décrire d'après lui. Voyez PANTOUFLE. (Y)


RURALadject. (Gramm.) qui appartient aux champs & à la campagne. On dit des biens ruraux, un doyen rural, voyez l'article DOYEN, une justice rurale.


RUREMONDE(Géog. mod.) ville des Pays-bas dans la Gueldre, au confluent de la Roër & de la Meuse, sur les confins de l'évêché de Liege & du duché de Juliers. Othon l'entoura de murs, & l'empereur Rodolphe lui donna en 1290, le privilege de battre monnoie. Son évêché fondé en 1559, est suffragant de Malines. La cathédrale est la seule paroisse de la ville, mais les communautés religieuses y sont nombreuses, & les Jésuites y ont un college. Cette ville fut en partie brûlée par une incendie qu'elle essuya en 1665. Elle a été souvent prise & reprise pendant les guerres ; mais elle appartient à la maison d'Autriche depuis 1719, & est gouvernée par des échevins. Long. 23. 34. lat. 51. 10.

Ruremonde compte entre les hommes de lettres qui lui font honneur, Murmel (Jean), & Mercator (Gérard.)

Le premier fleurissoit dans le xv. siecle. Il se distingua par les soins qu'il prit, & les ouvrages qu'il mit au jour, pour faire renaître les Belles-lettres dans un siecle d'ignorance & de barbarie, du-moins par rapport à son pays. Il mourut en 1517.

Mercator s'est montré un des plus célébres géographes de son tems. Il naquit en 1512, & mourut en 1594, à 83 ans. L'empereur Charles V. eut pour lui une estime particuliere ; & le duc de Juliers le fit son cosmographe. Il gravoit lui-même ses cartes, & les enluminoit. Il travailla à l'Atlas de Josse Hondius, & l'on a de lui une chronologie, des tables géographiques, & un grand nombre d'autres ouvrages. (D.J.)

RUREMONDE, quartier de, (Géog. mod.) on appelle quartier de Ruremonde, ou la haute-Gueldre, une des quatre parties du duché de Gueldre. Il s'étend le long de la Meuse entre le duché de Cleves au septentrion, celui de Juliers au midi, l'électorat de Cologne à l'orient, & le Brabant avec l'évêché de Liege à l'occident. Il comprend Ruremonde qui appartient à l'empereur ; Venlo aux Etats-généraux ; Gelre, Wachtendonck & Stralen, au roi de Prusse. (D.J.)


RUSCINO(Géog. anc.) ville dont la riviere de Tet, que Strabon nomme Ruscino comme la ville, baignoit les murs. La ville de Ruscino dont parle Pline, étoit capitale des Consuarani, & donna son nom à toute la contrée du Roussillon. Ce fut à Ruscino que les peuples du pays s'assemblerent pour délibérer sur le passage que leur demandoit Annibal. Cette ville devint colonie romaine selon Méla, & selon Pline elle jouissoit du droit latin.

La décadence de l'Empire en entraîna peu-à-peu la ruine ; elle conservoit encore quelque considération sous Louis le Débonnaire. Ce prince ayant donné en 816, un diplome en faveur des peuples d'Espagne, qui s'étoient retirés en France pour se dérober à la tyrannie des Sarrasins, ordonna qu'il en seroit déposé une expédition dans les archives de cette ville ; elle avoit dès-lors pris le nom de Roscilio.

Selon M. de Marca elle fut ruinée peu après, vers l'an 828, dans la guerre des Sarrasins ; il ne reste plus qu'une tour sur le terrein qu'elle occupoit, on l'appelle la tour de Roussillon. Elle étoit bâtie sur le penchant d'une colline, & venoit se terminer au bord de la Tet. On y trouve souvent des médailles romaines, & d'autres monumens qui font encore reconnoître son ancienne enceinte.

Le fleuve Ruscino a sa source dans les Pyrénées, selon Strabon lib. IV. pag. 182. qui ajoute que ce fleuve, ainsi que l'Illibéris, arrosoient chacun une ville de leur nom. Ptolémée, lib. I. l'appelle Ruscio ; c'est le même qui est nommé Thelis, par Pomponius Mela, & qu'on appelle présentement le Tet. (D.J.)


RUSCUSS. m. (Botan.) ce genre de plante mérite d'être bien caractérisé. Il faut donc savoir que le calice est d'une seule piece, & découpé en plusieurs segmens. Il s'éleve de son centre des fleurs monopétales, faites en forme de cloches & arrondies. L'ovaire devient un fruit sphérique, rempli d'une ou deux semences, ordinairement dures. Si les auteurs eussent été exacts à rapporter les plantes de ce genre, sous le nom propre auquel elles appartiennent ; ils eussent évité bien des erreurs, car quelques-uns ont pris le calice pour la fleur.

Tournefort compte quatre especes de ruscus, entr'autres, 1°. le ruscus à larges feuilles, du dos de chacune desquelles il sort une petite fleur, ruscus latifolius, fructu folio incidente I. R. H. 79, c'est la plante que nous appellons laurier alexandrin. 2°. Le ruscus à feuilles de myrthe, pointues & piquantes, ruscus myrthi folius aculeatus ; c'est la plante que nous nommons houx-frelon ou petit houx, en anglois the butcher's-broom. Voyez HOUX-FRELON & LAURIER ALEXANDRIN. (D.J.)


RUSES. f. (Gram.) adresse, art, finesse, moyen subtil, dont on use pour en imposer aux autres. Seul, il se prend toujours en mauvaise part ; il ne faut point avoir de ruses ; la ruse est d'un caractere faux & d'un petit esprit. On dit qu'il y a des ruses innocentes, j'y consens ; mais je n'en veux avoir ni de celles-là, ni d'autres : on dit rusé & ruser.

RUSES MILITAIRES, (Art milit.) ce sont, à la guerre, des différens moyens qu'on emploie pour tromper & surprendre l'ennemi. Les ruses militaires se nomment ordinairement stratagêmes. Voyez ce mot.

Suivant Thucydide, la plus belle de toutes les louanges qu'on peut donner à un général d'armée, est celle qui s'acquiert par la ruse & le stratagême.

Les Grecs étoient grands maîtres dans cet art : c'est plutôt une science, car l'art de tromper finement à la guerre, peut être très-aisément réduit en principes & en méthode. On y excelle infiniment plus par l'acquis que par le naturel, puisqu'en effet la guerre est la science des tromperies.... Plutarque dit qu'à Lacédémone on mettoit une grande différence entre ceux qui surmontoient leurs ennemis par la ruse, & ceux qui les vainquoient par la force ouverte, & que les premiers immoloient une plus grande victime.

Homere, qui est le conseiller des gens de guerre, dit qu'il faut faire du pis que l'on peut à son ennemi, & que la tromperie de quelque espece qu'elle puisse être, est toujours permise. Il paroit assez que Grotius est de cet avis, dans son excellent ouvrage, de jure pacis & belli, que bien peu de gens de guerre lisent. Il rapporte un grand nombre d'autorités respectables & très-favorables aux ruses & fourbes militaires. Tout leur est permis, jusqu'au mensonge. Il cite bon nombre de théologiens & quelques saints, entr'autres saint Chrysostome, qui dit que les empereurs qui avoient usé de surprise, de ruse & d'artifice pour réussir dans leurs desseins, étoient très-louables. Il a raison, puisque l'Ecriture est toute remplie de stratagêmes & de ruses militaires.

La victoire qui s'acquiert par la force & par la supériorité du nombre, est ordinairement l'ouvrage du soldat, plutôt que celui du général ; mais celle qu'on remporte par la ruse & par l'adresse est uniquement dûe à celui-ci. L'une & l'autre sont la ressource des petites armées contre les grandes ; & toutes les deux la pierre de touche de la valeur & de l'intelligence. Cette ressource ne peut être que dans l'esprit & dans le coeur. L'un se trouve toujours tranquille, & toujours présent dans les plus grands périls ; il faut avoir l'autre bien haut & bien ferme pour soutenir & affronter un ennemi puissant & redoutable.

Un général qui se met à la tête d'une armée étonnée par les défaites précédentes, qui n'offre presque que de nouveaux soldats à la place des vieux qui ont péri dans les batailles, qui les expose contre de vieilles troupes accoutumées à vaincre, & qui rend tous les desseins de l'ennemi inutiles, par la force de son esprit & par l'artifice de ses mouvemens ; un général, dis-je, tel que celui-ci, est un homme du premier ordre, de la plus haute volée, & il a un courage audessus de tous les autres, & digne d'être admiré....

Celui qui compte sur le grand nombre de ses troupes & sur leur courage, n'a pas besoin de ruses contre un ennemi qui n'a qu'une petite armée à lui opposer. Il laisse faire au nombre ; il lui suffit de lâcher la détente & le coup part, il est assuré de l'effet par ses troupes. Les victoires de la plûpart des conquérans, d'un Attila, d'un Gengiscan, d'un timur-bec, ont été le prix de leur nombre ; mais celles d'Annibal furent celui de la ruse & de la sagesse audacieuse de ce grand homme. Je conclus de tout ceci, dit M. de Folard, que nous n'avons fait que copier depuis le commencement de cet article, que tout général qui n'est pas rusé, est un pauvre général.

Comme l'art de ruser ne peut s'apprendre par la pratique, par la routine, qu'il faut lire & étudier, non-seulement ce que Polyen & Frontin ont écrit sur ce sujet, mais encore tout ce que les historiens nous ont transmis des ruses des grands capitaines, il n'est pas étonnant de trouver peu de généraux assez habiles dans cette matiere pour en faire un usage fréquent. Il faut de plus un esprit vif & intelligent, qui saisisse le moment d'employer les ruses, qui sache les varier suivant les circonstances ; & c'est ce qui ne se rencontre pas fréquemment. M. de Folard, qui nous fournit presque toute la matiere de cet article, observe que les anciens s'appliquoient beaucoup à la lecture des ouvrages qui traitent des ruses ou des stratagêmes militaires ; lecture qui lui paroit plus nécessaire à un général qu'à tout autre : car outre, dit-il, qu'elle est très-amusante, & encore plus instructive, l'ignorance où l'on est là-dessus, fait que l'on est toujours nouveaux contre la ruse & le stratagême ; & lorsqu'on ne les ignore point, on apprend à les rendre inutiles, ou à les mettre en usage dans l'occasion. Ce qu'il y a de bien surprenant, c'est qu'ils ont toujours leur effet, & que l'on donne toujours tout au-travers, quoiqu'il y en ait un très-grand nombre qui aient été pratiqués mille fois. Enfin la guerre, dit le célebre commentateur de Polybe, est l'art de ruser & de tromper finement par principes & par méthode. Celui qui excelle le plus dans cet art, est sans doute le plus habile ; mais chacun ruse selon la portée de son esprit & de ses connoissances. Deux généraux médiocres se tromperont réciproquement tous les deux comme deux enfans ; deux habiles comme des hommes faits ; ils mettront en oeuvre tout ce que la guerre a de plus subtil, de plus grand, & de plus merveilleux. Voyez SURPRISES. (Q)

RUSE, le bout de la ruse, (Vénerie) il se dit lorsqu'on trouve au bout du retour qu'a fait une bête, que ses voyes sont simples, qu'elle s'en va, & qu'elle perce.


RUSELLAE(Géog. anc.) ville d'Italie. C'étoit selon Denys d'Halicarnasse, l. III. p. 139. l'une des douze villes des anciens Toscans ; elle devint dans la suite colonie romaine, comme nous l'apprennent Pline, l. III. c. v. & une ancienne inscription rapportée par Holstenius, p. 39. Les habitans de cette ville sont appellés Ruscellani, par Tite-Live, l. XXVIII. c. xlv. C'est le Rosellum de l'itinéraire d'Antonin. Cette ville conserve encore son ancien nom, car Léander dit qu'on l'appelle présentement Rosella. (D.J.)


RUSER(Véner.) lorsqu'une bête qui est chassée va & vient sur les mêmes voyes, dans un chemin ou autres lieux, à dessein de se défaire des chiens, on dit qu'elle ruse.


RUSHDEN(Géog. mod.) bourg d'Angleterre, dans la province de Northampton, où naquit, en 1638, Daniel Whitby, théologien anglois, fameux par quantité d'ouvrages. Il cessa de vivre en 1726, âgé de 88 ans ; il alla à l'église en bonne santé la veille de sa mort ; à son retour chez lui, il dit qu'il se trouvoit foible, se mit au lit, & mourut pendant la nuit.

C'étoit un homme très-versé dans la lecture des Peres, dans la théologie polémique, & sur-tout dans les controverses contre l'église romaine qui en sont la principale partie ; il se dévoua aux études les plus graves, ne connut ni les plaisirs ni les intérêts du siecle, & étoit novice dans les affaires du monde, à un point inconcevable.

Outre un grand nombre de traités & de sermons contre les dogmes & la foi de l'église romaine, il a mis au jour d'autres ouvrages très-estimés ; entr'autres, 1°. des discours sur la vérité & la certitude de la religion chrétienne. 2°. Sur la nécessité & l'utilité de la révélation. 3°. Sur les lois ecclésiastiques & civiles, faites injustement contre les hérétiques. 4°. Examen variantium lectionum Joannis Millii, in novum Testamentum, avec de nouvelles notes sur le nouveau Testament, & sept discours à ce sujet. Londres 1710. in-fol. 5°. Paraphrase & commentaires sur le nouveau Testament. Londres 1703, 2 volumes in-fol. & c'est-là son principal ouvrage.

Il y faut ajouter ses dernieres pensées, contenant les corrections de divers endroits de ses commentaires sur le nouveau Testament, avec cinq discours publiés par son ordre. Londres 1727. in-8 °. " Quand, dit-il, je fis mes commentaires sur le Testament, je suivis avec trop de précipitation la route battue par d'autres théologiens reputés orthodoxes, concevant que le Pere, le Fils, & le S. Esprit, étoient un seul & même Dieu, en vertu de la même essence indivisible communiquée par le Pere. Je suis à présent convaincu que cette notion confuse est une chose impossible, & remplie d'absurdités & de contradictions palpables ; ainsi tous les sens qu'on a voulu donner au terme de Personne, différens du sens simple & naturel, en vertu duquel on entend par-là un agent intelligent, réel, sont des explications contraires à l'évidence lumineuse de la vérité, comme le docteur Clarke, Jackson, & autres, l'ont démontré ".

Le changement d'opinion du docteur Whitby, après avoir fait si long-tems tous ses efforts pour établir la doctrine opposée, nous prouve que l'arianisme a quelque chose de bien séduisant pour les meilleurs esprits. (D.J.)


RUSHIN(Géog. mod.) chef-lieu, ou capitale de l'île de Man, dans sa partie méridionale, avec un château. Elle avoit autrefois un monastere de l'ordre de Cîteaux, fondé en 1134, mais il ne subsiste plus depuis la réformation. (D.J.)


RUSIBIS PORTUS(Géog. anc.) port d'Afrique dans la Mauritanie Tingitane, selon Ptolémée, l. V. c. iij. L'itinéraire d'Antonin le marque dans la Mauritanie césariense, sur la route de Lemnae à Carthage, entre Chuli municipium, & Paratianae, à 60 milles du premier de ces lieux, & à 50 milles du second. Ptolémée, l. IV. c. iij. qui écrit Rusicada, la place sur le golfe de Numidie, entre Collops-magnus ou Cullu, & le promontoire Tretum. Dans la conférence de Carthage, n°. 198. l'évêque de Rusicade est nommé junior episcopus Rusiccadiensis. Cette ville a été appellée autrefois le port de Constantine ; son nom moderne est Succaicade, selon M. Dupin, dans sa remarque sur ce mot de la notice des évêchés d'Afrique ; cependant cette ville est nommée Stora par Castald, Astora par Olivier, & Estora par Marmol. (D.J.)


RUSICADERUSICADA, (Géog. anc.) ville de l'Afrique propre, selon Pomponius, l. I. c. vij. & Pline, l. V. c. iij. C'est le même que Rusibis portus.


RUSMAS. m. (Hist. nat. Minéralog.) nom donné par les peuples orientaux à cette substance que les Grecs ont nommé sory. Voyez SORY.

Le rusma est une sorte de vitriol qu'on trouve dans les mines de ce métal, & dont on se sert pour dépilatoire, en le mêlant avec de la chaux. M. Boyle rapporte qu'après avoir pulvérisé du rusma & de la pierre de chaux vive, en parties égales, il les laissa fondre pendant peu de tems dans l'eau, où ils formerent une pâte fort douce, qu'il appliqua sur une partie du corps couverte de poil ; au bout d'environ trois minutes, il frotta cette partie d'un linge mouillé, & trouva le poil enlevé jusque dans les racines, sans que cette partie en ait souffert le moindre inconvénient. Le dépilatoire des européens se fait communément avec de la chaux & de l'orpiment.

L'usage des dépilatoires est fort ancien. Il est certain que les courtisannes grecques & romaines s'en servoient ; & c'est une des principales raisons pour lesquelles on n'apperçoit point aux statues antiques ce voile que la pudeur de la nature a placé aux parties deshonnêtes. Ces femmes servoient de modeles à l'artiste qui les représentoit telles qu'elles se montroient à lui. Ajoutez à ce motif celui de la beauté d'un contour ondulant & sinueux qu'une touffe ou tache isolée n'interrompoit point dans son cours d'une des aines à l'autre ; la propreté si essentielle aux femmes, & si incompatible avec l'infirmité périodique ; la chaleur du climat, & peut-être la commodité du plaisir & la volupté des regards.


RUSNAMEDGIRUSNAMEDGI


RUSPAEou RUSPHAE, (Géog. anc.) ville d'Afrique, sur le golfe de Numidie, & que Ptolémée, l. IV. c. iij. marque entre Achola & Brachodes extrema. Ortelius croit que le nom moderne est Alfaque, & Marmol dit Esfac. Dans la notice épiscopale d'Afrique, l'évêque de ce siege qui est mis dans la Byzacène, est appellé Stephanus Ruspensis ; il ne faut pas confondre cet évêché avec un autre de la Byzacène, nommé Ruspitensis, car Ptolémée distingue Ruspina de Ruspae ; & ces deux villes sont pareillement distinguées dans la carte de Peutinger, & dans l'anonyme de Ravenne. (D.J.)


RUSSIE(Géog. mod.) vaste pays qui forme un grand empire, tant en Europe qu'en Asie. La mer Glaciale borne la Russie au septentrion ; la mer du Japon la termine à l'orient ; la grande Tartarie est au midi, aussi-bien que la mer Caspienne & la Perse ; la Pologne, la petite Tartarie, la Mingrelie, & la Géorgie, sont la borne du côté du couchant. Entrons dans les détails.

L'empire de Russie s'étend d'occident en orient, près de deux mille lieues communes de France, & a sept cent lieues du sud au nord dans sa plus grande largeur ; il confine à la Pologne & à la mer Glaciale ; il touche à la Suede & à la Chine ; sa longueur de l'île de Dago à l'occident de la Livonie, jusqu'à ses bornes les plus orientales, comprend environ cent cinquante degrés ; sa largeur est de trois mille verstes du sud au nord, ce qui fait au moins six cent de nos lieues communes.

Enfin, ce qui est compris aujourd'hui sous le nom de Russie, ou des Russies, est à peu près aussi vaste que le reste de l'Europe ; mais presque tout cet empire n'est qu'un désert, au point que si l'on compte en Espagne (qui est le royaume de l'Europe le moins peuplé), quarante personnes par chaque mille quarré, on ne peut compter que cinq personnes en Russie dans le même espace ; tandis qu'en Angleterre, chaque mille quarré contient plus de deux cent habitans ; le nombre est encore plus grand en Hollande. Au reste, nous appellions autrefois la Russie du nom de Moscovie, parce que la ville de Moscou, capitale de cet empire, étoit la résidence des grands ducs de Russie ; aujourd'hui l'ancien nom de Russie a prévalu.

Ce vaste empire est partagé en seize grands gouvernemens, dont plusieurs renferment des provinces immenses & presque inhabitées.

La province la plus voisine de nos climats, est celle de la Livonie, une des plus fertiles du nord, & qui étoit payenne au xij. siecle. Le roi de Suede, Gustave-Adolphe, la conquit ; mais le czar Pierre l'a reprise sur les Suédois.

Plus au nord se trouve le gouvernement de Rével & de l'Estonie, & cette province est encore une des conquêtes de Pierre.

Plus haut en montant au nord est la province d'Archangel, pays entierement nouveau pour les nations méridionales de l'Europe, mais dont les Anglois découvrirent le port en 1533, & y commercerent, sans payer aucuns droits, jusqu'au tems où Pierre le grand a ouvert la mer Baltique à ses états.

A l'occident d'Archangel, & dans son gouvernement, est la Laponie russe, troisieme partie de cette contrée ; les deux autres appartiennent à la Suede & au Danemarck ; c'est un très-grand pays, qui occupe environ huit degrés de longitude, & qui s'étend en latitude du cercle polaire au cap nord.

Les Lapons moscovites sont aujourd'hui censés de l'église grecque ; mais ceux qui errent vers les montagnes septentrionales du cap nord, se contentent d'adorer un Dieu, sous quelques formes grossieres ; ancien usage de tous les peuples nomades.

Cette espece d'homme, peu nombreuse, a très-peu d'idées ; & ils sont heureux de n'en avoir pas davantage ; car alors ils auroient de nouveaux besoins qu'ils ne pourroient satisfaire ; ils vivent contens & sans maladies, en ne buvant guere que de l'eau dans le climat le plus froid, & arrivent à une longue vieillesse. La coutume qu'on leur imputoit de prier les étrangers de faire à leurs femmes & à leurs filles l'honneur de s'approcher d'elles, vient probablement du sentiment de la supériorité qu'ils reconnoissoient dans ces étrangers, en voulant qu'ils pussent servir à corriger les défauts de leur race. C'étoit un usage établi chez les peuples vertueux de Lacédémone ; un époux prioit un jeune homme bien fait, de lui donner de beaux enfans qu'il pût adopter. La jalousie & les lois empêchent les autres hommes de donner leurs femmes ; mais les Lapons étoient presque sans lois, & probablement n'étoient point jaloux.

Quand on a remonté la Dwina du nord au sud, on arrive au milieu des terres à Moskow, capitale de la province de l'empire de Russie, appellée la Moscovie. Voyez MOSKOW.

A l'occident du duché de Moskow, est celui de Smolensko, partie de l'ancienne Sarmatie européenne ; les duchés de Moscovie & de Smolensko composoient la Russie blanche proprement dite.

Entre Petersbourg & Smolensko, est la province & gouvernement de Novogorod. On dit que c'est dans ce pays que les anciens Slaves, ou Slavons, firent leur premier établissement ; mais d'où venoient ces Slaves, dont la langue s'est étendue dans le nord-est de l'Europe ? Sla signifie un chef, & esclave, appartenant au chef. Tout ce qu'on sait de ces anciens Slaves, c'est qu'ils étoient des conquérans. Ils bâtirent la ville de Novogorod la grande, située sur une riviere navigable dès sa source, laquelle jouit longtems d'un florissant commerce, & fut une puissante alliée des villes anséatiques. Le czar Ivan Basilovitz (en russe Iwan Wassilicwitsch) la conquit en 1467, & en emporta toutes les richesses, qui contribuerent à la magnificence de la cour de Moskow, presque inconnue jusqu'alors.

Au midi de la province de Smolensko, se trouve la province de Kiovie, qui est la petite Russie, la Russie rouge, ou l'Ukraine, traversée par le Dnieper, que les Grecs ont appellé Boristhène. La différence de ces deux noms, l'un dur à prononcer, l'autre mélodieux, sert à faire voir, avec cent autres preuves, la rudesse de tous les anciens peuples du nord, & les graces de la langue grecque. La capitale Kiou, autrefois Kiovie, fut bâtie par les empereurs de Constantinople, qui en firent une colonie : on y voit encore des inscriptions grecques de douze cent années ; c'est la seule ville qui ait quelque antiquité, dans ces pays où les hommes ont vÊCu tant de siecles, sans bâtir des murailles. Ce fut-là que les grands ducs de Russie firent leur résidence dans l'onzieme siecle, avant que les Tartares asservissent la Russie.

Si vous remontez au nord-est de la province de Kiovie, entre le Boristhène & le Tanaïs, c'est le gouvernement de Belgorod qui se présente : il étoit aussi grand que celui de Kiovie. C'est une des plus fertiles provinces de la Russie ; c'est elle qui fournit à la Pologne une quantité prodigieuse de ce gros bétail qu'on connoît sous le nom de boeufs de l'Ukraine. Ces deux provinces sont à l'abri des incursions des petits Tartares par des lignes qui s'étendent du Boristhène au Tanaïs, garnies de forts & de redoutes.

Remontez encore au nord, passez le Tanaïs, vous entrez dans le gouvernement de Véronise, qui s'étend jusqu'au bord des palus Méotides.

Vous trouvez ensuite le gouvernement de Nischgorod fertile en grains, & traversé par le Volga.

De cette province, vous entrez au midi dans le royaume ou gouvernement d'Astracan. Ce royaume qui commence au quarante-troisieme degré & demi de latitude, & finit vers le cinquantieme, est une partie de l'ancien Capshak, conquis par Gengiskan, & ensuite par Tamerlan ; ces tartares dominerent jusqu'à Moscou. Le czar Jean Basilides, petit-fils d'Ivan Basilovitz, & le plus grand conquérant d'entre les Russes, délivra son pays du joug tartare, au seizieme siecle, & ajouta le royaume d'Astracan à ses autres conquêtes en 1554.

Au-delà du Volga & du Jaïk, vers le septentrion, est le royaume de Casan, qui, comme Astracan, tomba dans le partage d'un fils de Gengis kan, & ensuite d'un fils de Tamerlan, conquis de même par Jean Basilides ; il est encore peuplé de beaucoup de tartares mahométans. Cette grande contrée s'étend jusqu'à la Sibérie ; il est constant qu'elle a été florissante & riche autrefois ; elle a conservé encore quelque reste d'opulence. Une province de ce royaume appellée la grande Permie, ensuite le Solikam, étoit l'entrepôt des marchandises de la Perse, & des fourrures de Tartarie.

Des frontieres des provinces d'Archangel, de Resan, d'Astracan, s'étend à l'orient la Sibérie, avec les terres ultérieures jusqu'à la mer du Japon. Là sont les Samoyedes, la contrée des Ostiaks le long du fleuve Oby, les Burattes, peuples qu'on n'a pas encore rendus chrétiens.

Enfin la derniere province est le Kamshatka, le pays le plus oriental du continent. Les habitans étoient absolument sans religion quand on l'a découvert. Le nord de cette contrée fournit aussi de belles fourrures ; les habitans s'en revêtoient l'hiver, & marchoient nuds l'été.

Voila les seize gouvernemens de la Russie, celui de Livonie, de Revel ou d'Estonie, d'Ingrie, de Vibourg, d'Archangel, de Laponie russe, de Moscovie, de Smolensko, de Novogorod, de Kiovie, de Belgorod, de Véronise, de Nitschgorod, d'Astracan, de Casan & de Sibérie.

Ces gouvernemens composent en général la domination de la Russie, depuis la Finlande à la mer du Japon. Toutes les grandes parties de cet empire ont été unies en divers tems, comme dans tous les autres royaumes du monde ; des Scythes, des Huns, des Massagetes, des Slavons, des Cimbres, des Getes, des Sarmates, sont aujourd'hui les sujets des czars ; les Russes proprement dits, sont les anciens Roxelans ou Slavons.

La population du vaste empire de Russie est, comme je l'ai dit, la moindre qu'il y ait dans le monde, à proportion de son étendue. Par un dénombrement de la capitation qui a été faite en 1747, il s'est trouvé six millions six cent quarante mille mâles ; & comme dans ce dénombrement les filles & les femmes n'y sont pas comprises, non plus que les ecclésiastiques, qui sont au nombre de deux cent mille ames, & l'état militaire qui monte à trois cent mille hommes, M. de Voltaire juge que le total des habitans de la Russie doit aller à vingt-quatre millions d'habitans ; mais il faut se défier de tous les dénombremens d'un pays que demandent par besoin les souverains, parce que pour leur plaire, on a grand soin de multiplier, d'exagérer, de doubler le nombre de leurs sujets.

Il est très-vraisemblable que la Russie n'a pas douze millions d'habitans, & qu'elle a été plus peuplée qu'aujourd'hui, dans le tems que la petite-vérole venue du fond de l'Arabie, & l'autre venue d'Amérique, n'avoient pas encore fait de ravages dans ces climats où elles se sont enracinées. Ces deux fléaux, par qui le monde est plus dépeuplé que par la guerre, sont dûs, l'un à Mahomet, l'autre à Christophe Colomb. La peste, originaire d'Afrique, approchoit rarement des contrées du septentrion. Enfin les peuples du nord, depuis les Sarmates jusqu'aux Tartares, qui sont au-delà de la grande muraille, ayant inondé le monde de leurs irruptions, cette ancienne pépiniere d'hommes doit avoir étrangement diminué.

Dans cette vaste étendue de pays que renferme la Russie, on compte environ 7400 moines, & 5600 religieuses, malgré le soin que prit Pierre le grand de le réduire à un plus petit nombre ; soin digne d'un législateur dans un empire où ce qui manque principalement c'est l'espece humaine. Ces treize mille personnes cloîtrées & perdues pour l'état, ont soixante-douze mille serfs pour cultiver leurs terres, & c'est évidemment beaucoup trop ; rien ne fait mieux voir combien les anciens abus sont difficiles à déraciner.

Avant le czar Pierre, les usages, les vêtemens, les moeurs en Russie, avoient toujours plus tenu de l'Asie que de l'Europe chrétienne ; telle étoit l'ancienne coutume de recevoir les tributs des peuples en denrées, de défrayer les ambassadeurs dans leurs routes & dans leur séjour, & celle de ne se présenter ni dans l'église, ni devant le trône avec une épée, coutume orientale opposée à notre usage ridicule & barbare, d'aller parler à Dieu, au roi, à ses amis & aux femmes avec une longue arme offensive qui descend au bas des jambes. L'habit long dans les jours de cérémonie, étoit bien plus noble que le vêtement court des nations occidentales de l'Europe. Une tunique doublée de pelisse, avec une longue simare enrichie de pierreries dans les jours solemnels, & ces especes de hauts turbans qui élevoient la taille, étoient plus imposans aux yeux, que les perruques & le juste-au-corps, & plus convenables aux climats froids. Cet ancien vêtement de tous les peuples paroît seulement moins fait pour la guerre, & moins commode pour les travaux ; mais presque tous les autres usages étoient grossiers.

Le gouvernement ressembloit à celui des Turcs par la milice des strelits, qui, comme celle des janissaires, disposa quelquefois du trône, & troubla l'état presque toujours autant qu'il le soutint. Ces strelits étoient au nombre de quarante mille hommes. Ceux qui étoient dispersés dans les provinces, subsistoient de brigandages ; ceux de Moskou vivoient en bourgeois, trafiquoient, ne servoient point, & poussoient à l'excès l'insolence. Pour établir l'ordre en Russie, il falloit les casser, rien n'étoit ni plus nécessaire, ni plus dangereux.

Quant au titre de czar, il se peut qu'il vienne des tzars ou thcars, du royaume de Casan. Lorsque le souverain de Russie, Jean ou Ivan Basilides eut, au seizieme siecle, conquis ce royaume subjugué par son aïeul, mais perdu ensuite, il en prit le titre qui est demeuré à ses successeurs. Avant Ivan Basilides, les maîtres de la Russie portoient le nom de veliki knés, grand prince, grand seigneur, grand chef, que les nations chrétiennes traduisent par celui de grand-duc. Le czar Michel Frédérovits prit avec l'ambassade holstenoise, les titres de grand seigneur & grand knés, conservateur de toutes les Russies, prince de Volodimer, Moskou, Novogorod, &c. tzar de Casan, tzar d'Astracan, tzar de Sibérie. Ce nom des tzars étoit donc le titre de ces princes orientaux ; il étoit donc vraisemblable qu'il dérivât plutôt des tshas de Perse, que des césars de Rome, dont probablement les tzars sibériens n'avoient jamais entendu parler sur les bords du fleuve Oby.

Un titre tel qu'il soit, n'est rien, si ceux qui le portent ne sont grands par eux-mêmes. Le nom d'empereur, qui ne signifioit que général d'armée, devint le nom des maîtres de la république romaine. On le donne aujourd'hui aux souverains des Russes à plus juste titre qu'à aucun autre potentat, si on considere l'étendue & la puissance de leur domination.

La religion de l'état fut toujours, depuis le onzieme siecle, celle qu'on nomme grecque, par opposition à la latine ; mais il y avoit plus de pays mahométans & de payens que de chrétiens. La Sibérie jusqu'à la Chine étoit idolâtre ; & dans plus d'une province toute espece de religion étoit inconnue.

L'ingénieur Perri & le baron de Stralemberg, qui ont été si long-tems en Russie, disent qu'ils ont trouvé plus de probité dans les payens que dans les autres ; ce n'est pas le paganisme qui les rendoit plus vertueux, mais menant une vie pastorale, éloignés du commerce des hommes, & vivant comme dans ces tems qu'on appelle le premier âge du monde, exempts de grandes passions, ils étoient nécessairement plus gens de bien.

Le Christianisme ne fut reçu que très-tard dans la Russie, ainsi que dans tous les autres pays du nord. On prétend qu'une princesse nommée Olha, l'y introduisit à la fin du dixieme siecle, comme Clotilde, niece d'un prince arien, le fit recevoir chez les Francs ; la femme d'un Micislas, duc de Pologne, chez les Polonois, & la soeur de l'empereur Henri II. chez les Hongrois. C'est le sort des femmes d'être sensibles aux persuasions des ministres de la religion, & de persuader les autres hommes.

Cette princesse Olha, ajoute-t-on, se fit baptiser à Constantinople. On l'appella Helene ; & dès qu'elle fut chrétienne, l'empereur Jean Zimiscés ne manqua pas d'en être amoureux. Apparemment qu'elle étoit veuve. Elle ne voulut point de l'empereur. L'exemple de la princesse Olha ou Olga ne fit pas d'abord un grand nombre de prosélites ; son fils qui regna longtems, ne pensa point du tout comme sa mere ; mais son petit-fils Volodimer, né d'une concubine, ayant assassiné son frere pour régner, & ayant recherché l'alliance de l'empereur de Constantinople Basile, ne l'obtint qu'à condition qu'il se feroit baptiser ; c'est à cette époque de l'année 987, que la religion grecque commença en effet à s'établir en Russie. Le patriarche Photius, si célebre par son érudition immense, par ses querelles avec l'Eglise romaine & par ses malheurs, envoya baptiser Volodimer, pour ajouter à son patriarchat cette partie du monde.

Volodimer acheva donc l'ouvrage commencé par son aïeule. Un grec fut premier métropolitain de Russie, ou patriarche. C'est de-là que les Russes ont adopté dans leur langue un alphabet tiré en partie du grec. Ils y auroient gagné si le fond de leur langue qui est la slavone, n'étoit toujours demeuré le même, à quelques mots près qui concernent leur liturgie & leur hiérarchie. Un des patriarches grecs, nommé Jérémie, ayant un procès au divan, & étant venu à Moscou demander des secours, renonça enfin à sa prétention sur les églises russes, & sacra patriarche l'archevêque de Novogorod nommé Job, en 1588.

Depuis ce tems, l'église russe fut aussi indépendante que son empire. Le patriarche de Russie fut dès-lors sacré par les évêques russes, non par le patriarche de Constantinople ; il eut rang dans l'église grecque après celui de Jérusalem ; mais il fut en effet le seul patriarche libre & puissant, & par conséquent le seul réel. Ceux de Jérusalem, de Constantinople, d'Antioche, d'Alexandrie, ne sont que les chefs mercenaires & avilis d'une église esclave des Turcs. Ceux même d'Antioche & de Jérusalem ne sont plus regardés comme patriarches, & n'ont pas plus de crédit que les rabbins des synagogues établies en Turquie.

Il n'y a dans un si vaste empire que vingt-huit sieges épiscopaux, & du tems de Pierre I. on n'en comptoit que vingt-deux ; l'église russe étoit alors si peu instruite, que le czar Fédor, frere de Pierre le grand, fut le premier qui introduisit le plein chant chez elle.

Fédor, & sur-tout Pierre, admirent indifféremment dans leurs armées & dans leurs conseils ceux du rite grec, latin, luthérien, calviniste ; ils laisserent à chacun la liberté de servir Dieu suivant sa conscience, pourvu que l'état fut bien servi. Il n'y avoit dans cet empire de deux mille lieues de longueur aucune église latine. Seulement lorsque Pierre eut établi de nouvelles manufactures dans Astracan, il y eut environ soixante familles catholiques dirigées par des capucins ; mais quand les jésuites voulurent s'introduire dans ses états, il les en chassa par un édit du mois d'Avril 1718. Il souffroit les capucins comme des moines sans conséquence, & regardoit les jésuites comme des politiques dangereux.

L'Eglise grecque est flattée de se voir étendue dans un empire de deux mille lieues, tandis que la romaine n'a pas la moitié de ce terrein en Europe. Ceux du rite grec ont voulu sur-tout conserver dans tous les tems leur égalité avec ceux du rite latin, & ont toujours craint le zele de l'église de Rome, qu'ils ont pris pour de l'ambition, parce qu'en effet l'église romaine, très-resserrée dans notre hémisphere, & se disant universelle, a voulu remplir ce grand titre.

Il n'y a jamais eu en Russie d'établissement pour les Juifs, comme ils en ont dans tant d'états de l'Europe, depuis Constantinople jusqu'à Rome. Les Russes ont toujours fait leur commerce par eux-mêmes, & par les nations établies chez eux. De toutes les églises grecques la leur est la seule qui ne voye pas des synagogues à côté de ses temples.

La Russie qui doit à Pierre le grand sa grande influence dans les affaires de l'Europe, n'en avoit aucune depuis qu'elle étoit chrétienne. On la voit auparavant faire sur la mer Noire ce que les Normands faisoient sur nos côtes maritimes de l'Océan, armer, du tems d'Héraclius, quarante mille petites barques, se présenter pour assiéger Constantinople, imposer un tribut aux césars grecs. Mais le grand knés Volodimer occupé du soin d'introduire chez lui le Christianisme, & fatigué des troubles intestins de sa maison, affoiblit encore ses états en les partageant entre ses enfans. Ils furent presque tous la proie des Tartares, qui asservirent la Russie pendant deux cent années. Ivan Basilides la délivra & l'aggrandit, mais après lui les guerres civiles la ruinerent.

Il s'en falloit beaucoup avant Pierre le grand que la Russie fût aussi puissante, qu'elle eût autant de terres cultivées, autant de sujets, autant de revenus que de nos jours ; elle n'avoit rien dans la Livonie, & le peu de commerce que l'on faisoit à Astracan étoit désavantageux. Les Russes se nourrissoient fort mal ; leurs mets favoris n'étoient que des concombres & des melons d'Astracan, qu'ils faisoient confire pendant l'été avec de l'eau, de la farine & du sel, cependant les coutumes asiatiques commençoient déja à s'introduire chez cette nation.

Pour marier un czar, on faisoit venir à la cour les plus belles filles des provinces ; la grande maîtresse de la cour les recevoit chez elles, les logeoit séparément, & les faisoit manger toutes ensemble. Le czar les voyoit, ou sous un nom emprunté, ou sans déguisement. Le jour du mariage étoit fixé, sans que le choix fût encore connu ; & le jour marqué, on présentoit un habit de nôces à celle sur qui le choix secret étoit tombé : on distribuoit d'autres habits aux prétendantes, qui s'en retournoient chez elles. Il y eut quatre exemples de pareils mariages.

Dès ce tems-là, les femmes russes surent se mettre du rouge, se peindre les sourcils, ou s'en former d'artificiels ; elles prirent du goût à porter des pierreries, à se parer, à se vétir d'étoffes précieuses ; c'est ainsi que la barbarie commençoit à finir chez ces peuples, par conséquent Pierre leur souverain n'eut pas tant de peine à policer sa nation, que quelques auteurs ont voulu nous le persuader.

Alexis Mikaelovitz avoit déja commencé d'annoncer l'influence que la Russie devoit avoir un jour dans l'Europe chrétienne. Il envoya des ambassadeurs au pape, & à presque tous les grands souverains de l'Europe, excepté à la France, alliée des Turcs, pour tâcher de former une ligue contre la Porte ottomane. Ses ambassadeurs ne réussirent cependant dans Rome, qu'à ne point baiser les piés du pape, & n'obtinrent ailleurs que des voeux impuissans.

Le même czar Alexis proposa d'unir, en 1676, ses vastes états à la Pologne, comme les Jagellons y avoient joint la Lithuanie ; mais plus son offre étoit grande, moins elle fut acceptée. Il étoit très-digne de ce nouveau royaume, par la maniere dont il gouvernoit les siens. C'est lui qui le premier fit rédiger un code de lois, quoiqu'imparfait ; il introduisit des manufactures de toiles & de soie, qui, à la vérité, ne se soutinrent pas, mais qu'il eut le mérite d'établir. Il peupla des déserts vers le Volga & la Kama, de familles lithuaniennes, polonoises & tartares, prises dans ses guerres ; tous les prisonniers auparavant étoient esclaves de ceux auxquels ils tomboient en partage ; Alexis en fit des cultivateurs : il mit autant qu'il put la discipline dans ses armées. Il appella les arts utiles dans ses états : il y fit venir de Hollande, à grands frais, le constructeur Bothler, avec des charpentiers & des matelots, pour bâtir des frégates & des navires. Enfin, il ébaucha, il prépara l'ouvrage que Pierre a perfectionné. Il transmit à ce fils tout son génie, mais plus développé, plus vigoureux, & plus éclairé par les voyages.

Sous le regne de Pierre, le peuple russe qui tient à l'Europe, & qui vit dans les grandes villes, est devenu civilisé, commerçant, curieux des arts & des sciences, aimant les spectacles, & les nouveautés ingénieuses. Le grand homme qui a fait ces changemens, est heureusement né dans le tems favorable pour les produire. Il a introduit dans ses états les arts qui étoient tout perfectionnés chez ses voisins ; & il est arrivé que ces arts ont fait plus de progrès en 50 ans chez ses sujets, déja disposés à les goûter, que par-tout ailleurs, dans l'espace de trois ou quatre siecles ; cependant ils n'y ont pas encore jetté de si profondes racines, que quelque intervalle de barbarie, ne puisse ruiner ce bel édifice commencé dans un empire dépeuplé, despotique, & où la nature ne répandra jamais ses bénignes influences.

Dans l'état qu'il est aujourd'hui, la nation russe est la seule qui trafique par terre avec la Chine ; le profit de ce commerce est pour les épingles de l'impératrice. La caravane qui se rend de Pétersbourg à Pékin, emploie trois ans en voyage & au retour. Aussitôt qu'elle arrive à Pékin, les marchands sont renfermés dans un caravanserai, & les Chinois prennent leur tems pour y apporter le rebut de leurs marchandises qu'ils sont obligés de prendre, parce qu'ils n'ont point la liberté du choix. Ces marchandises se vendent à Pétersbourg à l'enchere, dans une grande salle du palais italien ; l'impératrice assiste en personne à cette vente ; cette souveraine fait elle-même des offres, & il est permis au moindre particulier d'encherir sur elle ; aussi le fait-on, & chacun s'empresse d'acheter à très-haut prix.

Outre le bénéfice de ces ventes publiques, la cour fait le commerce de la rhubarbe, du sel, des cendres, de la biere, de l'eau-de-vie, &c. L'état tire encore un gros revenu des épiceries, des cabarets, & des bains publics, dont l'usage est aussi fréquent parmi les Russes que chez les Turcs.

Les revenus du souverain de Russie se tirent de la capitation, de certains monopoles, des douannes, des ports, des péages, & des domaines de la couronne. Ils ne montent pas cependant au-delà de treize millions de roubles, (soixante-cinq millions de notre monnoie). Avec ces revenus, la Russie peut faire la guerre aux Turcs, mais elle ne sauroit, sans recevoir des subsides, la faire en Europe ; ses fonds n'y suffiroient pas : la paye du militaire est très-modique dans cet empire. Le soldat russe n'a point par jour le tiers de la paye de l'allemand, ni même du françois ; lorsqu'il sort de son pays, il ne peut subsister sans augmentation de paye ; & ce sont les puissances alliées de la Russie, qui fournissent chérement cette augmentation.

La couronne de Russie est héréditaire, les filles peuvent succéder, & le souverain a un pouvoir absolu sur tous ses sujets, sans rendre compte de sa conduite à personne. L'air de la plus grande partie de la Russie est extrêmement froid, les neiges & les glaces y regnent la meilleure partie de l'année ; le grain qu'on y seme n'y meurit jamais bien, excepté du côté de la Pologne, où on fait la récolte trois mois après la semaille. Il n'y croît point de vin, mais beaucoup de lin. Ses principales rivieres sont le Volga, le Don, le Dnieper & le Dwina. Ses lacs donnent du poisson en abondance. Les forêts sont pleines de gibier, & de bêtes fauves. Le commerce des Russes est avantageux à la France, utile à la Hollande, & défavorable à l'Angleterre. Il consiste en martres, zibelines, hermines, & autres fourrures, cuirs de boeufs appellés cuir de Russie, lin, chanvre, suif, goudron, cire, poix-résine, savon, poisson salé, &c. Extrait de la description de la Russie, par M. de Voltaire. Geneve, 1759. in-8°. tom. I. Voyez aussi description de l'empire de Russie, par Perri, Amsterd. 1720, 2. vol. in-12. & la description historiq. de l'empire russien, traduit de l'allemand, du baron de Stralemberg, Holl. 1757, 2. vol. in-12. (D.J.)


RUSTAN(Géog. mod.) petit pays de France, aux confins du Bigorre & de l'Astarac. Son chef-lieu est S. Sever de Rustan.


RUSTICANA(Géog. anc.) ville de la Lusitanie. Elle est placée dans les terres par Ptolémée, l. II. c. v. & marquée entre Talabriga & Mendeculia. Cellarius, Géog. ant. l. II. c. j. croit que c'est la même ville que l'itinéraire d'Antonin nomme Rusticiana, & qu'il place sur la route d'Emérita à Saragosse, entre Turmuli & Cappara, à vingt-deux milles de la premiere de ces villes, & à égale distance de la seconde. (D.J.)


RUSTICITÉS. f. (Gram.) terme à l'usage des habitans des villes, par lequel ils désignent la grossiéreté, simplicité, rudesse des moeurs, du caractere, du discours des gens de la campagne.


RUSTIQUEadj. (Gram.) qui appartient à la campagne. La maison rustique ; l'économie rustique ; les choses rustiques : il se prend aussi dans le même sens que rusticité. Je suis rustique & fier.

RUSTIQUE, adj. (Archit.) épithete qu'on donne à la maniere de bâtir, dans l'imitation plutôt de la nature que de l'art.

RUSTIQUE, ordre, (Architect.) ce mot se dit du premier des cinq ordres d'architecture, c'est-à-dire, de l'ordre toscan, qui est le moins orné, & celui qui approche le plus de la simplicité de la nature.

On dit aussi un ouvrage rustiqué, en terme d'architecture, quand les pierres ne sont que piquées, au lieu d'être travaillées poliment & uniment. (D.J.)

RUSTIQUES, dieux, (Mythol.) les dieux rustiques chez les Romains, étoient les dieux de la campagne, & qui présidoient à l'agriculture. On distinguoit les dieux rustiques en grands & en petits. Les grands dieux étoient Jupiter, la Terre, le Soleil, la Lune, Cérès, Bacchus, Vénus, Flore, Minerve, &c. Les petits dieux étoient Fanna, Palès, Pomone, Silvain, Vertumne, Priape, & sur tous les autres le dieu Pan. Quelques modernes y mettent aussi les Faunes, les Silenes & les Nymphes. (D.J.)


RUSTIQUERv. act. (Architect.) c'est piquer une pierre avec la pointe du marteau entre les ciselures relevées.


RUSTONIUM(Géog. anc.) ville de la Mauritanie césariense. Ptolémée, l. IV. c. ij. la place sur la côte, entre l'embouchure du fleuve Savus, & la ville Rusicibar. Elle est nommée Rusconia colonia par Pline, l. V. c. ij. Rungoniae colonia par l'itinéraire d'Antonin, & Tite-Live, l. XXX. c. x. dit que les Africains l'appelloient Ruscinona. Les modernes ne s'accordent pas sur le nom que porte aujourd'hui cette ville. Elle est appellée Breca par Castald, Motafus & Temen de Fust par Marmol, suivant la remarque de Simler. (D.J.)


RUSTREterme de Blason ; losange percé en rond ; de sable à trois rustres d'or. Le P. Menetrier fait venir rustre de l'allemand rutten, qui signifie ces losanges percés à jour, dont on se sert pour arrêter les gros clous à vis des serrures & des happes des portes.


RUTS. m. terme de Chasse ; ce mot se dit des bêtes fauves, pour désigner le tems où elles sont en amour : quelques-uns employent le mot de chaleur en parlant des loups. Le rut des bêtes rousses, c'est depuis la mi-Septembre jusqu'à la fin de Novembre, & celui des bêtes noires, est au commencement de Décembre. L'amour des lievres se fait ordinairement dans les mois de Décembre & de Janvier. La chaleur des loups se tient dès la fin de Décembre jusqu'au commencement de Février. Voyez SALNOVE. (D.J.)


RUTÉNIENSLES, (Géog. anc.) Ruteni & Rhuteni ; ancien peuple des Gaules, qui tenoit le pays que nous nommons aujourd'hui le Rouergue & Rodez ; car ce nom convient aux peuples qui habitent maintenant ce pays. Voyez ROUERGUE.

Les Ruténiens aiderent les Eduens & les Arvéniens dans la guerre qu'ils eurent à soutenir contre Rome. Tous réunis, ils composoient une armée de deux cent mille combattans. Q. Fabius les attaqua l'an de Rome 631, vers le confluent de l'Isere & du Rhône ; il les tailla en pieces, & César les soumit entierement aux Romains. (D.J.)


RUTHLIVRE DE, (Théolog.) nom d'un des livres canoniques de l'ancien Testament, ainsi appellé parce qu'il contient l'histoire de Ruth, femme moabite, qui, après la mort de Mahalon son premier mari, ayant suivi Noemi sa belle-mere, à Bethléem, patrie de celle-ci, y devint l'épouse d'un riche israélite nommé Boos, qui fut bisayeul du roi David.

Ce livre est placé dans les bibles entre les livres des juges, & le premier livre des rois, comme étant une suite du premier, & une introduction au second. S. Jerome, Prolog. galeat. nous apprend que les Juifs le joignoient au livre des juges, parce que l'histoire qu'il renferme arriva au tems d'un des juges d'Israël, & plusieurs anciens peres, par la même raison, ne font qu'un livre des juges & de Ruth. Mais les Juifs modernes dans leurs bibles, placent ordinairement après le pentateuque les cinq mégilloth, qui sont 1°. le cantique des cantiques ; 2°. Ruth ; 3°. les lamentations de Jérémie ; 4°. l'Ecclésiaste ; 5°. Esther. Quelquefois le livre de Ruth est mis le premier des cinq, quelquefois le second, & quelquefois le cinquieme. Voyez MEGILLAT ou MEGILLOTH.

Le but de l'auteur de ce livre, est de nous faire connoître la généalogie de David, & il y a toute apparence que c'est le même auteur qui a composé le premier livre des rois, lequel ne pouvant pas commodément placer cette généalogie de David, sans trop déranger son récit, a mieux aimé la donner à part. L'écrivain remarque à la tête de cet ouvrage, que l'histoire qu'il va raconter arriva au tems que les juges gouvernoient ; ils ne gouvernoient donc plus du tems qu'il écrivoit ; de plus, il parle de David à la fin de son livre, il l'a donc écrit au plus tôt sous le regne de David. Le P. Calmet, de qui nous empruntons cet article, remarque d'ailleurs deux manieres de parler, qui ne se trouvent que dans les livres des rois : la premiere haec faciat mihi Deus & haec addat, si, &c. & la seconde : je vous ai découvert l'oreille, pour signifier, je vous ai dit. Il ajoute que la canonicité du livre de Ruth n'est point contestée. Calmet, dictionn. de la Bibl. tom. III. p. 400.


RUTHWEN(Géog. mod.) ville de l'Ecosse septentrionale, capitale de la province de Badenoth, sur la rive droite de la Spey. Long. 14. latit. 57. 20. (D.J.)


RUTIGLIANO(Géog. mod.) petite ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la terre de Bari, au couchant de Conversano, & environ à 6 milles au midi oriental de la ville de Bari. Long. 34. 33. lat. 41. 2.


RUTLAND(Géog. mod.) province méditerranée d'Angleterre, dans le diocese de Peterborough, avec titre de duché. C'est la plus petite province d'Angleterre, car elle n'a que 40 milles de tour ; mais elle est très-fertile, abondante en blé & en bétail ; elle a beaucoup de bois, de parcs, & est arrosée de plusieurs petites rivieres, ce qui fait qu'elle nourrit quantité de brebis, dont la laine est rougeâtre, ainsi que le terroir. Oakham est la principale ville de cette province.

Elle a été bien illustrée par la naissance de Jacques Harrington, fils du chevalier Sapcote Harrington. Il naquit en 1611, & donna dès sa tendre jeunesse de grandes espérances de ce qu'il deviendroit un jour. Après avoir étudié à Oxford, il quitta l'université pour aller voyager en Hollande, en France, en Italie, en Danemarck & en Allemagne, & il apprit la langue de ces divers pays. Lorsqu'il fut de retour, le roi Charles I. le fit gentilhomme privé extraordinaire, & il accompagna le monarque en cette qualité dans sa premiere expédition contre les Ecossois. Il servit toujours ce prince fidelement, & il employa son crédit pour amener les choses à un accommodement général qui ne réussit pas. En 1661, après le rétablissement de Charles II. il fut arrêté par son ordre, ayant été accusé de trahison & de mauvaises pratiques ; mais comme les commissaires des deux chambres, ne purent jamais rien trouver à sa charge, on le mit en liberté. Il mourut à Westminster en 1677, âgé de 66 ans.

Entre ses ouvrages politiques, son oceana, ou la république, qui parut à Londres en 1656, in-fol. est extrêmement célebre en Angleterre. Lorsque l'auteur fit voir à ses amis le manuscrit de cet ouvrage, avant qu'il fût imprimé, il leur dit, que depuis qu'il avoit commencé à penser sérieusement, il s'étoit attaché principalement à l'étude du gouvernement, comme à un objet de la derniere importance pour le bonheur du genre humain ; & qu'il avoit réussi, du moins à son gré, s'étant convaincu qu'il n'y a aucune sorte de gouvernement qui soit aussi accidentel qu'on se l'imagine d'ordinaire, parce qu'il y a dans les sociétés des causes naturelles, qui produisent aussi nécessairement leurs effets, que celles de la terre & de l'air.

Fondé sur ce principe, il soutenoit que les troubles de l'Angleterre ne devoient pas être absolument attribués à l'esprit de faction, au mauvais gouvernement du prince, ni à l'opiniâtreté du peuple ; mais au défaut d'équilibre entre les différentes autorités ; le roi & les seigneurs ayant trop perdu depuis le tems de Henri VIII. & la balance panchant trop de jour en jour du côté des communes : non qu'il prétendit approuver les infractions que le roi avoit faites aux lois, ni excuser la maniere dure dont quelques-uns des sujets avoient traité ce prince, mais pour montrer que tant que les causes du désordre subsisteroient, elles produiroient nécessairement les mêmes effets.

Il ajoutoit que d'un côté, pendant que le roi chercheroit toujours à gouverner de la même maniere que ses prédécesseurs, le peuple feroit surement tous ses efforts pour se procurer de nouveaux privileges, & pour étendre sa liberté, aussi souvent qu'il réussiroit heureusement, comme le passé le démontroit. Son principal dessein étoit donc de trouver un moyen de prévenir de pareils dérangemens, ou d'y appliquer les meilleurs remedes lorsqu'ils arriveroient.

Il soutenoit que tant que la balance demeureroit inégale, il n'y a pas de prince qui pût être hors d'atteinte (quelqu'attentif qu'il fût à se rendre agréable au peuple), & que quoiqu'un bon roi pût ménager passablement les choses pendant sa vie, cela ne prouvoit point que le gouvernement fût bon, puisque sous un prince moins prudent, l'état ne pourroit manquer de tomber en désordre ; au lieu que dans un état bien réglé, les méchans deviennent gens de bien, & les fous se conduisent sagement. Il est le premier qui ait prouvé que l'autorité suit la propriété, soit qu'elle réside entre les mains d'un seul, d'un petit nombre, ou de plusieurs.

Il n'eut pas plutôt commencé à répandre son système, ayant beaucoup de connoissances, que tout le monde s'attacha à examiner la matiere, chacun selon ses préjugés ; mais plusieurs personnes chercherent à disputer avec lui sur cette matiere dans la vue de s'en mieux instruire.

Harrington trouva de grandes difficultés à faire paroître son ouvrage, parce que tous les partis, opposés les uns aux autres, s'étoient comme réunis contre lui. Les principaux obstacles vinrent de la part du défenseur de la tyrannie de Cromwel, d'autant plus que l'auteur en faisant voir qu'une république est un gouvernement dirigé par les lois, & non par le pouvoir militaire, dévoiloit la violente administration du protecteur par ses majors-généraux. D'un autre côté, les cavaliers le taxoient d'ingratitude à la mémoire du feu roi, & préféroient la monarchie même sous un usurpateur, à la république la mieux réglée.

Il répondit à ces derniers, que c'étoit assez qu'il eût évité de publier ses sentimens pendant la vie du roi ; mais que la monarchie étant absolument détruite, & la nation dans un état d'anarchie, ou plutôt sous l'usurpation ; il étoit non-seulement libre, mais obligé en qualité de bon citoyen, de communiquer à ses compatriotes le modele de gouvernement, qui lui paroissoit le plus propre à assurer leur tranquillité, leur bonheur & leur gloire. Il ajoutoit qu'il n'y avoit personne à qui son plan dût plaire davantage qu'aux cavaliers, puisque s'il étoit reçu, ils se verroient délivrés de toute oppression ; parce que dans une république bien réglée, il ne peut y avoir de distinction de partis, le chemin des emplois étant ouvert au mérite. D'ailleurs, si le prince étoit rétabli, sa doctrine de la balance l'éclaireroit sur ses devoirs, ce qui le mettroit en état d'éviter les fautes de son pere, puisque son système ne convenoit pas moins à une monarchie gouvernée par les lois qu'à une véritable démocratie.

Cependant, quelques courtisans ayant su que l'ouvrage d'Harrington étoit sous presse, ils firent tant de recherches, qu'ils découvrirent le lieu où il s'imprimoit. On se saisit du manuscrit, & on le porta à Whitehall. Tous les premiers mouvemens que l'auteur se donna pour le recouvrer surent inutiles. Il réfléchit enfin que mylady Claypole, fille du protecteur, & qui avoit beaucoup de crédit sur son esprit, étoit d'un caractere plein de bonté pour tout le monde, & qu'elle s'intéressoit très-souvent pour les malheureux. Quoique cette dame lui fût inconnue, il résolut de s'adresser à elle, & se fit annoncer, s'étant rendu dans son antichambre.

Pendant qu'il y étoit, quelques-unes des femmes de Mylady Claypole entrerent dans la chambre, suivies de sa petite fille, âgée d'environ trois ans ; cette enfant s'arrêta auprès de lui, & il se mit à badiner avec elle, de maniere qu'elle souffrit qu'il la prît dans ses bras, où elle étoit, lorsque sa mere parut. Harrington s'avança vers Mylady Claypole, & mit l'enfant à ses piés, en lui disant : Madame, vous êtes arrivée fort à-propos, sans quoi j'aurois certainement volé cette charmante petite demoiselle. Volée ! reprit la mere avec vivacité, hé pourquoi, je vous prie ; car elle est trop jeune pour être votre maîtresse. Madame, répondit Harrington, quoique ses charmes l'assurent d'une conquête plus importante que la mienne, je vous avouerai que je ne me serois porté à ce larcin, que par un motif de vengeance, & non d'amour. Quelle injure vous ai-je donc fait, repliqua la dame, pour vous obliger à me dérober mon enfant ? Aucune, reprit Harrington, mais ç'auroit été pour vous engager à porter mylord votre pere à me rendre justice, & à me restituer mon enfant, qu'il m'a dérobé. Mylady Claypole repliqua que cela ne pouvoit point être, son pere ayant lui-même assez d'enfans, & ne songeant certainement pas à en voler à personne au monde.

Harrington lui apprit alors qu'il étoit question de la production de son esprit, dont on avoit donné de fausses idées à son altesse, & qui avoit été enlevée par son ordre de chez l'Imprimeur. Elle lui promit sur le champ qu'elle lui feroit rendre son ouvrage, pourvû qu'il n'y eût rien de contraire au gouvernement de son pere. Il l'assura que c'étoit une espece de roman politique, qui contenoit si peu de choses préjudiciables aux intérêts du protecteur, qu'il espéroit qu'elle voudroit bien l'informer, qu'il avoit même dessein de le lui dédier, & il lui promit qu'elle auroit un des premiers exemplaires. Mylady Claypole fut si contente du tour qu'il avoit pris, qu'elle lui fit bientôt rendre son livre.

Il le dédia, suivant sa parole à Cromwel, qui après l'avoir lû, dit que l'auteur avoit entrepris de le dépouiller de son autorité ; mais qu'il ne quitteroit pas pour un coup de plume, ce qu'il avoit acquis à la pointe de l'épée. Il ajouta, qu'il approuvoit moins que qui que ce fût, le gouvernement d'un seul ; mais qu'il avoit été forcé de prendre la fonction d'un commissaire supérieur, pour maintenir la paix dans la nation, convaincu que si on l'eût laissée à elle-même, ceux qui la composoient ne se seroient jamais accordé sur une forme de gouvernement, & auroient employé leur pouvoir à se perdre les uns les autres.

Pour parler à présent de l'ouvrage, il est écrit en forme de roman, à l'imitation de l'histoire Atlantique de Platon. L'Oceana, est l'Angleterre ; Adoxus, est le roi Jean ; Convallium, c'est Hampton - court ; Corannus, est Henri VIII ; Dicoitome, Richard II ; Emporium, Londres ; Halcionia, la Tamise ; Halo, Whitehall ; Hiera, Westminster ; Leviathan, Hobbes ; Marpesia, l'Ecosse ; Morphée, le roi Jacques I ; le mont Célia, Windsor ; les Neustriens, sont les Normands ; Olphans Mégaletor, c'est Olivier Cromwel ; Panopaea, l'Irlande ; Panthéon, la grande salle de Westminster ; Panurge, Henri VIII ; Parthenio, la reine Elisabeth ; les Scandiens, sont les Danois ; les Teutons, les Saxons ; Turbon, c'est Guillaume le conquérant ; Verulamius, est mylord Bacon.

Cet ouvrage est composé de trois parties ; les préliminaires, accompagnés d'une section intitulée : le conseil des Législateurs. Suit le plan de la république ou le corps de l'ouvrage, & enfin les corollaires ou la conclusion.

Les préliminaires contiennent les fondemens, l'origine & les effets de toutes sortes de gouvernemens, monarchique, aristocratique ou démocratique. Il parle de la corruption de ces diverses especes de gouvernemens, d'où naissent la tyrannie, l'oligarchie & l'anarchie.

Dans la premiere partie, il traite en particulier de ce qu'il appelle la prudence ancienne, c'est-à-dire de cette espece de gouvernement qui fut la plus commune dans le monde jusqu'au tems de Jules - César. Il s'agit dans la seconde partie, des préliminaires, de la prudence moderne, c'est-à-dire de cette espece de gouvernement qui a prévalu dans le monde, après que Rome eut perdu sa liberté. L'auteur s'attache particulierement aux lois établies, depuis que les peuples barbares eurent commencé à inonder l'empire romain. Il donne une idée claire & juste de la maniere dont l'Angleterre a été gouvernée par les Romains, les Saxons, les Danois & les Normands, jusqu'à l'entiere ruine de ce gouvernement sous Charles I.

On voit ensuite le conseil des législateurs, car l'auteur travaillant à donner le modele d'un gouvernement parfait, avoit étudié à fond les gouvernemens anciens & modernes, pour en prendre tout ce qui lui paroîtroit praticable, & pour éviter tout ce qu'il y trouveroit d'impraticable. Dans ce dessein, il introduit sous des noms feints, neuf législateurs parfaitement instruits des diverses especes de gouvernemens, qu'ils doivent faire connoître. Le premier est chargé d'exposer le gouvernement de la république d'Israël ; le second, celui d'Athènes ; le troisieme, Lacédemone ; le quatrieme, Carthage ; le cinquieme, les Achéens, les Aetoliens & les Lyciens ; le sixieme, Rome ; le septieme, Venise ; le huitieme, la Suisse ; & le neuvieme, la Hollande. Il tire ce qu'il y a de bon de ces divers gouvernemens, & en y joignant ses propres idées, il en forme le plan de son océana. La méthode dans son plan de gouvernement, est d'établir d'abord une loi, d'y joindre ensuite l'explication, & de l'accompagner d'un discours qu'il fait faire à quelqu'un des législateurs.

Les divers corps de la république (qu'il en appelle les roues, the orbs) étant civils, militaires ou provinciaux, sont fondés sur la division du peuple en quatre ordres. Le premier, des citoyens & des domestiques ; le second, des anciens & des jeunes gens ; le troisieme, de ceux qui ont un revenu annuel de 100 liv. sterlings en terres, en argent ou autres effets ; ceux-là composent la cavalerie, & ceux qui ont un moindre revenu, l'infanterie. En quatrieme lieu, ils sont partagés selon les lieux de leur demeure ordinaire, en paroisses, centuries & tribus.

Le peuple est le tribunal suprême de la nation, ayant droit d'entendre & de décider les causes d'appel de tous les magistrats, & des cours provinciales ou domestiques ; il peut aussi appeller à compte tout magistrat, quand il est sorti de charge, si les tribuns ou quelqu'un d'entr'eux propose la chose.

L'auteur détaille ensuite ses idées sur le corps militaire, sur l'armée, & sur les polémarques.

Enfin dans les corollaires, il explique comment on peut achever l'ouvrage de sa république ; il ne se contente pas d'y développer ce qui concerne le sénat & l'assemblée du peuple, la maniere de faire la guerre, & de gouverner en tems de paix ; il y parle encore de ce qui regarde la discipline à l'égard de la religion, des moyens d'assurer la liberté de conscience, de la forme du gouvernement particulier pour l'Ecosse, l'Irlande, & les autres provinces de la république ; du gouvernement de Londres & de Westminster, qui doivent être le modele du gouvernement des autres villes & communautés.

Il y donne des directions pour faire fleurir & pour augmenter le commerce ; des lois pour régler les universités ; des avis pour l'éducation de la jeunesse ; des conseils pour faire utilement la guerre sur mer, pour établir des manufactures, pour encourager l'agriculture. Il propose des réglemens sur le droit, la médecine, la religion, & sur-tout sur la maniere de former un gentilhomme accompli. Il y parle du nombre, du choix, du devoir, des revenus des magistrats, de tous ceux qui ont quelque charge dans l'état ; enfin de toutes les dépenses de la république.

Je me suis étendu contre ma coutume, sur cet ouvrage profond, parce qu'il est peu ou point connu des étrangers. A peine eut-il paru, qu'il fut attaqué bien ou mal par divers écrivains. Pour moi, je pense avec l'auteur de l'esprit des Lois, que M. Harrington, en examinant le plus haut point de liberté où la constitution de l'Angleterre pouvoit être portée, a bâti Chalcédoine, ayant le rivage de Bysance devant les yeux. Je ne sai comment il pouvoit espérer qu'on regarderoit son ouvrage, autrement qu'on regarde un beau roman. Il est certain que tous les efforts ont été inutiles en Angleterre, pour y fonder la démocratie ; car il arriva qu'après bien des mouvemens, des chocs & des secousses, il fallut se reposer dans le gouvernement même qu'on avoit proscrit, où d'ailleurs la liberté politique est établie par les lois, & l'on n'en doit pas chercher davantage.

Quoi qu'il en soit, l'auteur donna en 1659, un abrégé in-8 °. de son Océana. Il est divisé en trois livres, dont le premier roule sur les fondemens & la nature de toutes sortes de gouvernemens. Dans le second, il s'agit de la république des Hébreux ; & on trouve dans le troisieme, un plan de république propre à l'état où se trouvoit la nation angloise. Il a mis à la fin une petite dissertation intitulée : Discours touchant une chambre de pairs.

Le recueil de tous les ouvrages de ce beau génie, a paru à Londres en 1737, in-folio ; sur quoi, voyez biblioth. Britan. tom. IX. part. II. art. 10.

Au reste, l'Océana d'Harrington, comme le dit M. Hume, convenoit parfaitement au goût d'un siecle, où les plans imaginaires de républiques faisoient le sujet continuel des disputes & des conversations ; & de nos jours même, on accorde à cet ouvrage le mérite du génie & de l'invention. Cependant la perfection & l'immortalité dans une république, paroîtront toujours aussi chimériques, que dans un homme. Il manque au style d'Harrington, d'être plus facile & plus coulant ; mais ce défaut est avantageusement compensé par l'excellence de la matiere. (D.J.)


RUTRUMS. m. (Antiq. gymnast.) sorte de bêche, de hoyau, de truelle des anciens ; c'étoit un instrument avec lequel les athletes s'exerçoient à remuer la terre ou le sable du stade, pour fortifier les parties supérieures de leur corps : on doit rapporter à ce mot ce passage de Festus : Rutrum tenentis juvenis est effigies in capitolio, ephebi, more Graecorum, arenam ruentis, exercitationis gratiâ ; quod signum Pompeius Bithynicus ex Bithyniâ supellectilis regiae Romam deportavit ; c'est-à-dire, " on voit au capitole la statue d'un jeune homme qui tient une petite truelle, avec laquelle il semble s'exercer à jetter du sable à la maniere des Grecs : cette statue fut apportée de Bithynie à Rome par Pompée ". (D.J.)


RUTUBA(Géog. anc.) fleuve d'Italie, dans la Ligurie, selon Pline, liv. III. c. v. Lucain, liv. II. v. 422. lui donne l'épithete de Carus ; à moins qu'il ne veuille parler du fleuve Rutuba, qui, selon Vibius Sequester, p. 336. prenoit sa source dans l'Apennin, & se jettoit dans le Tibre. Le P. Hardouin ne connoît point deux fleuves du nom de Rutuba ; du-moins il applique au Rutuba de Ligurie le passage de Vibius Sequester, Rutuba ex Apennino, sans s'embarrasser de ce qui suit, in Tyberim fluit. Il est vrai que Simler dans l'édition qu'il a donnée de Vibius Sequester, fait entendre qu'il vouloit dire in Tyrrhenum fluit, au lieu d'in Tyberim ; dans ce cas le sentiment du P. Hardouin pourroit se soutenir. Une autre chose fait encore en sa faveur ; c'est que les manuscrits de Vibius ne sont point d'accord sur cet endroit ; les uns lisent in Tybrin, d'autres in Tyberim, & d'autres in Tyberinis. (D.J.)


RUTULESLES, Rutuli, (Géog. anc.) anciens peuples d'Italie dans le Latium. Ils habitoient le long de la mer, & étoient voisins des Latini, dont on ne peut guere les distinguer, parce qu'ils furent confondus avec ces derniers après la victoire d'Enée. Virgile parle beaucoup des Rutules dans les derniers livres de son Enéide. Leur capitale étoit Ardea, selon Tite-Live, l. I. c. lvij. & Virgile, Aeneid. l. VII. vers. 409. 411. & 412. dit la même chose. (D.J.)


RUTUMÉNIENNEPORTE, rutumenia porta, (Antiquit. rom.) ancienne porte de Rome ainsi nommée d'un certain cocher, appellé Rutumenius, qui ayant remporté la victoire à la course des chevaux dans l'espace de Veyes jusqu'à Rome, entra vainqueur par cette porte. (D.J.)


RUTUNIUM(Géog. anc.) ville de la grande Bretagne : l'itinéraire d'Antonin la met sur la route du retranchement à Portus Ritupae, entre Medialanum & Viroconium, à 12 milles du premier de ces lieux, & 11 milles du second. Cambden dit que le nom moderne est Routon dans le Shropshire. (D.J.)


RUTUPIAE(Géog. anc.) ville de la grande Bretagne, Ptolémée la donne aux peuples Canti, & la marque au voisinage de Darucruum. Quoique voisine de la mer, elle devoit en être à quelque distance, car il la met dans les terres, & on veut que ce soit aujourd'hui le bourg appellé Richeborough. Mais elle avoit un port plus avantageux qu'il n'est présentement. Les poëtes l'ont célébré. On lit dans Lucain, l. VI. vers. 67.

Aut vaga quùm Tethys Rutupinaque littora fervent

Unda caledonios fallit turbata Britannos.

Et dans Juvenal, Satyr. IV. vers. 140.

Circeis nata forent an

Lucrinum ad Saxum, Rutupino ne edita fundo.

Ce port est appellé portus Rutupae dans l'itinéraire d'Antonin, Ritupae par Ammian Marcellin, l. XX. c. j. & l. XXVII. c. viij. & Rutupi dans la notice des dignités de l'empire. Il étoit si fameux, que son nom a été employé pour désigner toute la grande Bretagne. C'est dans ce sens qu'Ausone, parental. 18. a dit en parlant de S. Flavius :

Praeside latatur quo Rutupinus ager.

Et parlant de la ville d'Aquilée.

Felix qua tanti spectatrix laeta triumphi

Punisti Ausonio Rutupinum marte latronem.

Par Rutupinum latronem, il entend Magnus-Maximus, meurtrier de Gratien, qui s'étoit emparé du pouvoir souverain dans la grande Bretagne, & que Théodose fit mourir dans la ville d'Aquilée. Voy. Zosime, l. IV. c. xxxv. & xlvj. où ce fait est rapporté. (D.J.)


RUTY - PUNDOCS. m. (Hist. nat.) nom que donnent les habitans des Indes orientales à une espece particuliere d'orpiment jaune, qui se trouve sur leurs montagnes ; ils le calcinent plusieurs fois, & le donnent ensuite intérieurement dans les toux invétérées ; les anciens Grecs en faisoient le même usage ; il seroit naturel de penser que cet orpiment est un poison funeste ; mais Boerhaave qui en a reçu des Indes orientales, nous assûre dans sa chymie sur ses propres expériences, que c'est un remede véritablement innocent, & qui ne produit aucun fâcheux effet. (D.J.)


RUVO(Géog. mod.) ville d'Italie au royaume de Naples, dans la terre de Bari, à 5 milles au midi de Biseglia, avec un évêché fondé dans le x. siecle & suffragant de Bari. Ruvo est l'ancienne Rubi d'Horace, l. I. sat. v. Long. 34. 12. latit. 40. 56. (D.J.)


RUYS(Géog. mod.) petite presqu'île de France, en Bretagne, au diocèse de Vannes, avec une abbaye de l'ordre de S. Benoît. Il y a un gouverneur dans cette presqu'île. (D.J.)


RUYSCHMEMBRANE DE, (Anat.) natif d'Amsterdam, fut professeur d'Anatomie, de Botanique & de Chirurgie. Il nous a laissé différens ouvrages. Outre toutes ses différentes découvertes, nous lui avons obligation d'avoir perfectionné les injections ; il y a différentes parties dans le corps qui portent son nom : telle est une membrane de l'oeil, appellée membrane de Ruysch, le tissu cellulaire de Ruysch, &c. Voyez OEIL & CELLULAIRE.


RUYSCHIANAS. f. (Hist. nat. Botan.) genre de plante, dont voici les caracteres. Sa racine est vivace, & la feuille moins épaisse que celle du romarin ; le casque est creux & découpé en deux levres ; la barbe l'est en trois ; le segment du milieu, qui avance en-dehors, est divisé en deux parties, & roulé en forme de spirale. Les fleurs sont très-belles, d'abord disposées de six en six par anneaux, & ensuite rassemblées en forme d'épi. Boerhaave ne compte qu'une seule espece de ce genre de plante, qui a pris son nom du célebre Ruysch, à qui l'Anatomie délicate doit beaucoup de choses curieuses. (D.J.)


RY(Géogr. mod.) village de basse Normandie, entre Argentan & Falaise. Je ne parle de ce village que parce que c'est le lieu de la naissance de l'historien Mezerai. Après s'être enfermé pendant quelques années au college de Ste Barbe, il publia en 1645 le premier volume de son histoire de France in - fol. le second en 1646, & le troisieme en 1651. Cet ouvrage fut récompensé d'une pension de 4000 livres. Dans la suite, aidé des conseils de MM. de Launoi & Dupuy, il mit au jour un abrégé de son histoire de France en 1668, en trois volumes in-4 °. dans lesquels il inséra l'origine des impôts, avec des réflexions fort libres ; sa pension fut supprimée, mais son abrégé n'en fut que plus recherché. Mezerai est inégal dans son style, & peche souvent contre l'exactitude qui est une chose toujours nécessaire à l'histoire. Il mourut en 1683 à 73 ans, étant sécrétaire de l'académie Françoise. (D.J.)


RYE(Géog. mod.) ville d'Angleterre, dans la partie orientale du comté de Sussex, à l'embouchure du Rother. Elle fut environnée de murailles par Edouard III. Elle députe au parlement, & a droit de marché public. Enfin c'est un des cinq ports du royaume, & qui est très-fréquenté. On y aborde ordinairement en venant de Dieppe, & on y pêche de bons harengs. Long. 18. 26. latit. 50. 52. (D.J.)


RYEGATE(Géog. mod.) ville d'Angleterre, dans la province de Surrey, à 12 lieues au sud-ouest de Londres. Elle envoye deux députés au parlement. Long. 17. 10. latit. 51. 24. (D.J.)


RYP(Géog. mod.) village entre Alcmaar & Purmerende en nord-Hollande. Ce village n'a rien de considérable ; mais il se glorifie d'avoir donné la naissance à Reland (Adrien), savant d'une vaste érudition, & d'une belle littérature. Il étoit professeur en langues orientales, & en antiquités ecclésiastiques à Utrecht, & mourut dans cette ville de la petite vérole en 1719 à l'âge de quarante-deux ans.

Il allia l'érudition avec le savoir-vivre, & rendit la politesse compatible avec la probité. Il a toujours vécu paisiblement avec ses collegues, & n'a jamais écrit avec aigreur contre ceux dont il combattoit les sentimens ; desorte que sans se rendre coupable de férocité, on ne pouvoit pas devenir l'ennemi d'un si honnête antagoniste. Ses écrits sont fort éstimés ; ils sont en grand nombre, quoiqu'il ait fini sa carriere dans le tems de sa vie qui ne lui présentoit que des fleurs à cueillir. Il a publié plusieurs dissertations sur différens sujets qui mériteroient d'être recueillis en un corps.

Je mets au nombre de ses principaux ouvrages, 1°. Palestina ex monumentis veteribus illustrata, &c. Utrecht 1714, en deux tomes in-4°. avec des cartes géographiques. C'est ici constamment l'ouvrage de Reland le plus digne de la réputation qu'il s'est acquise. Quoiqu'il y ait sans-doute quelques endroits à retoucher, cette description seroit aussi parfaite qu'elle le pourroit être, si les anciens qui ont parlé de ce pays-là, eussent pris autant de peine à le décrire, que l'auteur a employé d'exactitude & de soin à profiter des lumieres qu'il a trouvées dans leurs écrits. Sa critique est judicieuse ; les conséquences qu'il tire sont justes & solides.

2°. Dissertationes quinque de nummis veterum Hebraeorum. Utrecht 1719, in-8°. Ces cinq dissertations sont très - curieuses.

3°. De religione Mohammedicâ, libri duo. Utrecht 1717, in-8°. Cet ouvrage renferme dans le premier livre, un abregé de la croyance des Mahométans, traduit d'un manuscrit arabe ; & dans le second les reproches & les accusations qu'on leur a faites à tort. L'ouvrage déja excellent de lui-même, a été traduit en françois, & imprimé à la Haye en 1721, in-12, avec des additions qui augmentent le mérite de ce livre. Il a été aussi traduit en hollandois.

4°. Antiquitates sacrae veterum Hebraeorum. Utrecht 1717, quatrieme édit. in-8°. C'est un très-bon abregé des antiquités hébraïques.

5°. Epicteti manuale, cui accedit tabula cebetis & alia affinis argumenti, graecè & latinè. Utrecht 1711, in-4°. Meibomius avoit commencé d'imprimer cet ouvrage, M. Reland l'a fini.

Ce judicieux critique entretenoit aussi un commerce de lettres avec les plus illustres savans de son tems, en Angleterre, en France, en Allemagne & en Italie. Il avoit un frere très-savant, & qui mourut avant lui. Il publia quelques-uns de ses ouvrages, entr'autres celui qui est intitulé Fasti consulares. Utrecht 1715, in - 8°.

6°. De spoliis templi Hierosolymitani in arcu Titiano Romae conspicuis. Utrecht 1716, in-8°. Ce livre est encore plein d'érudition.

Le P. Niceron a fait l'article du savant Reland ; mais il ne l'a pas travaillé avec assez de soin & de recherches. (D.J.)


RYPTIQUE(Mat. méd.) médicament propre à détacher les humeurs vicieuses, adhérentes à quelque partie du corps. On les appelle autrement & plus communément détergens. Le mot ryptique vient du grec , nettoyer, déterger. (D.J.)


RYSSADIRUM(Géog. anc.) ville de la Mauritanie tingitane. Ptolémée, l. IV. c. j. la marque sur la côte de l'Océan ibérique. Pline la nomme Rusardir, & l'itinéraire d'Antonin Rusarder Colonia. Le nom moderne selon Marmol, est Melilla. (D.J.)


RYSWICK(Géog. mod.) village agréable de la Hollande, entre la Haye & Delft, avec un château bâti à la moderne, où se finit en 1697 le traité mémorable qui donna la paix à l'Europe. Il y eut alors quatre traités de paix conclus à Riswick dans six semaines de tems.

Le premier fut signé avec la Hollande le 20 Septembre à minuit. Les traités de Munster & de Nimegue servirent de base à ce traité ; Pondichéri fut rendu à la France.

Le second, signé avec l'Espagne une heure après, contenoit la restitution des places prises en Catalogne ; Luxembourg, le comté de Chimay, Charleroi, Mons, Ath, Courtrai, & tout ce qui avoit été réuni par les chambres de Metz & de Brissac. La ville de Dinan fut aussi rendue à l'évêque de Liege, & l'île de la Pouza au duc de Parme. A voir tout ce que le roi de France sacrifioit par ce traité, il étoit aisé de se douter que la mort prochaine du roi d'Espagne en étoit le motif.

Par le troisieme traité conclu avec l'Angleterre le 21, le roi de France s'engage à n'inquiéter en aucune façon le roi de la Grande-Bretagne dans la possession des royaumes & pays dont il jouissoit.

Enfin par le quatrieme avec l'empereur, signé le 30 Octobre, tout fut réglé conformément aux traités de Westphalie & de Nimegue, & Fribourg lui fut rendu. Par ce traité le duc de Lorraine fut rétabli dans ses états, à peu de choses près, ainsi que le duc Charles son grand oncle, en avoit joui en 1670. (D.J.)


RYTHMERYTHME


RZECZYCA(Géog. mod.) ville du grand duché de Lithuanie, capitale d'un territoire de même nom, dans la Russie polonoise sur la droite du Nieper, ou Borysthène. Long. 49. 28. latit. 50. 24. (D.J.)


RZEVA(Géog. mod.) ville de l'empire russien, dans la province de même nom, sur le bord du Wolga, près du lac de Wronow, où ce fleuve prend sa source. Elle est surnommée Volodimerskoy. Il y a encore dans la même province une ville de même nom, & surnommée la Deserte ; la premiere est au couchant, & l'autre au levant. (D.J.)